XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du jeudi 08 juin 2023

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 08 juin 2023

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Abrogation du recul de l’âge de départ à la retraite

    Discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bertrand Pancher et plusieurs de ses collègues abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite (nos 1164, 1299).

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

    M. André Chassaigne

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    Il se fonde sur les articles 47 et 48, alinéa 9. Je m’exprime avec beaucoup de solennité et de tristesse. Le choix que vous avez fait de recourir à l’article 40 de la Constitution, madame la présidente, porte un coup terrible à notre démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.) Certes, vous vous appuyez sur un article de la Constitution, comme cette majorité, semaine après semaine, mois après mois, s’appuie sur les articles les plus régressifs de celle-ci, qu’elle cumule pour empêcher le débat parlementaire. Vous avez résisté au début, madame la présidente, mais vous avez cédé. (Mêmes mouvements.)
    Ce qu’il faut bien comprendre, madame la présidente, c’est que le seul espace démocratique que cette Constitution laisse aux groupes d’opposition, ce sont les niches parlementaires, et que jamais, jamais, l’article 40 n’a été invoqué à cette occasion. (Mêmes mouvements.) En effet, quand un député présente une proposition de loi, celle-ci est gagée en termes de recettes. C’était jusqu’ici admis !

    M. Maxime Minot

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    Bien sûr !

    M. André Chassaigne

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    Désormais, il n’y aura plus de possibilité pour les groupes d’opposition de défendre dans cet hémicycle des propositions de loi (« Mais si ! » sur quelques bancs du groupe RE.) Je ne prendrai qu’un exemple : les deux lois concernant les retraites agricoles dont j’ai été à l’origine. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Paul Mattei

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    Ce n’est pas la même chose !

    M. André Chassaigne

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    Avec ce que vous faites aujourd’hui, le débat n’aurait pas eu lieu, les retraites agricoles n’auraient pas été augmentées. C’est dire à quel point vous abîmez, vous écrabouillez la démocratie parlementaire – et surtout, vous oubliez la séparation des pouvoirs ! (Les députés des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et LIOT se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    J’ai plusieurs demandes de parole pour des rappels au règlement. Je propose de donner la parole à un orateur par groupe.

    M. Sébastien Jumel

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    Ce n’est pas limité !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Ce qui s’est passé hier soir à vingt heures trente, à savoir la décision prise par la présidence de l’Assemblée de déclarer irrecevables 104 amendements portant sur cette proposition de loi, dont 59 au titre de l’article 40, a confirmé pour beaucoup – et j’espère ouvert les yeux de certains – qu’il n’était pas question de respect de la Constitution, mais bien de décisions politiques et partisanes (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LIOT – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe RE) visant, sur ordre de l’exécutif, à exclure pour l’Assemblée toute possibilité non seulement de voter l’abrogation du recul de l’âge de la retraite, mais aussi d’exprimer, même en l’absence d’impact financier décelable, un refus de cette loi.
    À vingt heures trente, à l’extrême limite du délai possible, sans doute parce que la main qui décidait de cette censure n’était pas très fière de son geste, ou peut-être pour limiter les réactions (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE),…

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Franchement, ça suffit, c’est bon !

    M. Éric Coquerel

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    …sans même consulter – transgression inédite – le président de la commission des finances, en s’appuyant sur une lecture littérale du règlement – elle aussi inédite – pour éviter que le seul membre de l’opposition en mesure de le faire exprime un jugement dans le plein et entier respect de la séparation des pouvoirs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)
    M’appuyant sur le droit constant et sur une jurisprudence qui ne souffre aucune discussion, sur toutes les décisions de mes prédécesseurs, j’aurais en effet refusé de déclarer irrecevables tous les amendements dits d’objectifs, que vous avez censurés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La jurisprudence conduit en effet à déclarer recevables les amendements qui ne sont pas en eux-mêmes constitutifs d’une charge publique puisque juridiquement, ils n’ont pas de conséquence directe tangible.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    C’est l’article 41, alors !

    M. Éric Coquerel

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    Cette dernière transgression éclaire votre choix précédent, celui de l’irrecevabilité des amendements rétablissant le texte initial. Vous avez ainsi effacé l’article 89, alinéa 4 du règlement, qui m’avait conduit, de façon argumentée et méthodique…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et militante !

    M. Éric Coquerel

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    …à considérer la proposition de loi comme recevable au nom de la jurisprudence et en raison du gage proposé – à l’instar de nombreuses autres propositions de loi, y compris issues de la majorité, présentant les mêmes caractéristiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LIOT.)
    Cette autre transgression, elle aussi inédite, conduira, j’en suis sûr, de nombreux constitutionnalistes à me donner raison car, comme la fin d’une énigme policière, elle éclaire toute la scène du délit. Et ce ne sont ni les arguments d’autorité, d’autant plus forts qu’ils ne sont fondés sur rien, a fortiori lorsqu’ils viennent du Gouvernement au mépris de la séparation des pouvoirs, ni les menaces, qui devraient faire honte à ceux qui les manient, au nom du droit des oppositions, qu’ils seront peut-être bien contents d’invoquer un jour, qui me feront changer d’avis…

    Mme la présidente

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    Merci de conclure.

    M. Éric Coquerel

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    Je termine, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Le temps de parole pour les rappels au règlement est limité à deux minutes. Vous en êtes à deux minutes cinquante-cinq : je vous demande de conclure ! (Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je sais que vous voulez vous en affranchir, chers collègues, mais les règles sont les mêmes pour tout le monde ! (Mêmes mouvements. – Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, qui tente de poursuivre son propos tandis que les députés du groupe LFI-NUPES l’applaudissent.)

    M. Hadrien Clouet

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    Vous n’êtes pas une présidente !

    Mme Constance Le Grip

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    On se calme !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Le président Coquerel a brillamment expliqué les raisons pour lesquelles il a rendu, conformément à nos usages, un avis de recevabilité sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.) Je tiens à saluer la rigueur de son travail. (Mêmes mouvements.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ah, ah, ah !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Il joue le rôle qui est le sien, celui de garant du fonctionnement de notre institution.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Très, très drôle !

    M. Laurent Croizier

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    C’est la meilleure de la journée !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Redisons-le, nous sommes à l’Assemblée nationale ! Et si chacun de nous, dans sa circonscription, est le porte-parole de ses électeurs, lorsque nous siégeons ici, dans l’hémicycle, nous représentons le peuple et nous portons sa voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.) C’est au nom de cette responsabilité que nous souhaitions discuter de cette proposition de loi abrogeant votre injuste réforme des retraites. Quand des millions de personnes descendent dans la rue, quand on est face à un front syndical uni, le premier devoir est d’écouter, le deuxième de respecter la démocratie sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
    Mais ce qui se passe aujourd’hui est plus grave encore. En effet, sur quoi repose une démocratie ? Sur la séparation des pouvoirs et sur le pluralisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Or en faisant pression sur la présidente de l’Assemblée nationale, qui a renoncé à défendre notre institution, vous avez abattu la séparation des pouvoirs ! (Mêmes mouvements. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) En vous en prenant au président de la commission des finances, qui représente l’opposition, vous voulez faire taire le pluralisme politique que nous entendons faire vivre dans cette assemblée ! (Mêmes mouvements.)

    M. David Amiel

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    Quelle honte !

    M. Laurent Croizier

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    Vous n’avez pas l’air très à l’aise : vous tremblez !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Les démocraties illibérales qui montent en Europe ont toutes pour origine la perte de confiance dans nos institutions. Le ferment de la démocratie illibérale réside précisément dans le fait que les gens pensent qu’il n’y a plus de solution par la voie démocratique ! (Mêmes mouvements.)
    En empêchant ce débat, par les déclarations d’irrecevabilité, par ce que je n’ose qualifier de magouilles, mais en tout cas par la façon dont vous avez opéré en commission,…

    M. Sylvain Maillard

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    Vous avez perdu ! L’article 1er a été rejeté !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    …vous vous montrez indignes de votre fonction, et vous mettez le cap vers une démocratie illibérale. Nous ne vous laisserons pas faire : nous défendrons cette assemblée et le pluralisme démocratique ! (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Les députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES et quelques députés du groupe LIOT se lèvent et applaudissent longuement.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth

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    J’entendais mon successeur à la présidence de la commission des finances… (Interruptions sur divers bancs.)

    M. Marc Le Fur, M. Thibault Bazin et Mme Anne-Laure Blin

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    Quel article ?

    Mme la présidente

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    Pourrait-on s’écouter, s’il vous plaît ? Poursuivez, monsieur Woerth.

    M. Éric Woerth

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    La seule transgression… (« Quel article ? » sur les bancs des groupes RN et GDR-NUPES.) Je me fonde sur l’article 89, ou plutôt sur l’article 70 – nous connaissons aujourd’hui mieux les articles de la Constitution que ceux de notre règlement (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES)

    Mme la présidente

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    Pouvons-nous continuer ? (Mêmes mouvements.) Nous vous écoutons lorsque vous parlez, souffrez de l’écouter quand il parle ! C’est la première règle de la démocratie, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme Sarah Legrain

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    Vous avez coupé la parole au président Coquerel !

    M. Ugo Bernalicis

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    Les coups de force, ça suffit !

    M. Éric Woerth

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    La seule transgression… (« Quel article ? » sur divers bancs.) Je l’ai déjà dit, je ne vais pas le répéter ! La seule transgression, disais-je, c’est celle de mon successeur. J’ai beaucoup de respect pour Éric Coquerel (« Non » ! sur les bancs du groupe LFI-NUPES), mais il transgresse la Constitution : il aurait dû déclarer ce texte inconstitutionnel, car il constitue objectivement, clairement, manifestement une charge pour nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Valérie Bazin-Malgras applaudit aussi.) On peut être opposé à l’article 40, mais c’est un autre sujet ! Aujourd’hui, il s’impose ! La présidente a eu raison : tous les amendements de rétablissement de l’article 1er sont créateurs de charges, et tous les amendements dits d’objectifs sont rédigés de manière si précise qu’ils créent des charges sous-jacentes. C’est un détournement de la procédure constitutionnelle ! La plupart de ces amendements sont d’ailleurs gagés ! La situation a été parfaitement appréhendée par la présidence : on ne peut se moquer de l’Assemblée nationale comme vous le faites ! C’est une question de dignité de nos débats ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Elsa Faucillon et M. Pierre Dharréville applaudissent ironiquement.) Comment laisser l’Assemblée nationale bafouer la Constitution ? Vous êtes de grands professionnels du chahut : le chahut constitutionnel voulu par LIOT et par La France insoumise, voilà la véritable atteinte à la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Contrairement à ce que vous venez de nous annoncer, la première règle de la démocratie est la pluralité. (« Quel article ? » sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Sur quel article fondez-vous votre rappel au règlement ? (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme Sandra Regol

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    Deux poids, deux mesures !

    M. Arthur Delaporte

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    Article 44 de la Constitution et article 89 du règlement.
    Je rappellerai ceci : pour la première fois depuis 1958, vous avez déclaré irrecevable au titre de l’article 40 un amendement visant à rétablir l’article initial d’une proposition de loi. (« La honte ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Il y a deux semaines, nous avons débattu dans cet hémicycle d’une proposition de loi de la majorité qui visait notamment à pavoiser le fronton de toutes les mairies du drapeau européen, ce qui représente une charge pour les finances publiques. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)

    M. Maxime Minot

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    Exactement ! Et ça, ça ne pose pas de problème ?

    M. Arthur Delaporte

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    Or l’amendement de rétablissement que la majorité a déposé, qui créait donc une charge, vous l’avez déclaré recevable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Il y a trois ans, le groupe Socialistes a déposé une proposition de loi visant à instituer un revenu minimum pour les jeunes, pour un montant de 21 milliards d’euros par an – une paille, me direz-vous ! Or l’amendement de rétablissement de l’article avait été déclaré recevable. (Mêmes mouvements.)
    Aujourd’hui, au nom de la démocratie, je vous demande solennellement, madame la présidente, de reconnaître que ce que vous avez fait, ce n’est pas défendre l’institution mais c’est écraser le pluralisme, écraser les droits des oppositions, écraser le droit que demandent les Françaises et les Français, c’est-à-dire le droit au débat et le droit au vote ! (Mêmes mouvements.) Parce que vous avez peur, chers collègues !

    M. Sylvain Maillard

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    Oh là là !

    M. Inaki Echaniz

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    Oui, vous avez peur !

    Mme Caroline Abadie

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    Non, pas du tout !

    M. Arthur Delaporte

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    Oui, vous avez peur du vote ! (« Exactement ! » sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Vous avez peur que la majorité de l’Assemblée nationale soit hostile à une réforme qui révulse les Françaises et les Français. Au fond, vous avez peur que la démocratie nous donne des droits pour montrer que vous êtes minoritaires ! Là est le problème. Il y va d’une règle élémentaire de la démocratie, madame la présidente. En utilisant l’article 40 de la Constitution, vous avez non seulement commis une erreur de droit mais aussi une erreur morale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
    Bafouer l’institution, c’est ce que vous faites aujourd’hui comme vous l’avez fait la semaine dernière en commission des affaires sociales en déclarant irrecevables – non, pire, en refusant d’examiner des amendements sans même les avoir déclarés irrecevables au nom d’un article de la Constitution ! (Mêmes mouvements.)
    Oui, par votre attitude, vous écrasez la Constitution, mais vous écrasez aussi l’Assemblée et même la France entière ! (Les députés des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que M. Jean-Louis Bricout se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LIOT, et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Oh là là !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Matthias Tavel

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    Président du groupe antidémocrate !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Nous sommes toutes et tous ici les représentants du peuple. (« Quel article ? » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Article 89, alinéa 4.
    Je le répète : nous sommes toutes et tous ici représentants du peuple. Aucun député n’est plus ou moins légitime qu’un autre ; rappelons ce principe.
    Ce débat est particulier puisque la proposition de loi dont nous sommes saisis – je l’ai dit plusieurs fois en conférence des présidents – n’a pour seul objet que d’abroger un texte financier.

    Mme Marine Le Pen

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    De quel article parlez-vous ?

    M. Jean-Paul Mattei

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    Il n’est donc pas du tout de la même nature que les textes que vous avez défendus, monsieur Chassaigne, pour lesquels nous n’avions pas invoqué l’article 40. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
    La proposition de loi a cheminé. Elle a été examinée en commission et soumise au vote – fait rare, le vote s’est fait par scrutin public. L’article 1er a été supprimé. (M. Arnaud Le Gall mime le geste d’un rameur.)

    Mme Aurore Bergé

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    Oui, vous avez perdu !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Je considère que Mme la présidente a pleinement respecté son rôle et la Constitution en appliquant l’article 40 pour déclarer irrecevables les amendements visant à rétablir l’article 1er, et je regrette, monsieur Coquerel – vous savez à quel point j’apprécie par ailleurs votre présidence – les arguments que vous avez exposés, qui ne me convainquent aucunement, notamment sur le gage : le raisonnement ne tient pas la route, on le sait bien. En clair, merci, madame la présidente, d’avoir appliqué l’article 40 pour déclarer ces amendements irrecevables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benjamin Saint-Huile.

    M. Maxime Minot

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    Sur le fondement de quel article ?

    M. Benjamin Saint-Huile

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    L’article 40, ou celui qu’a invoqué M. Chassaigne ; il me semble me souvenir que la présidente a invité les groupes parlementaires qui le souhaitent à prendre la parole pour un rappel au règlement.
    Il y a quelques mois, la Première ministre, le ministre du travail Olivier Dussopt et d’autres membres du Gouvernement nous ont dit ici même que parce que la réforme des retraites était un élément central de la vie des Français, elle ferait l’objet d’un vote. Puis, dans les dernières heures, vous vous êtes ravisés pour utiliser le 49.3. Depuis, la tension sociale qui existe dans le pays ne s’est pas apaisée.
    À l’occasion de la seule journée au cours de laquelle l’ordre du jour de l’Assemblée est à l’initiative du groupe LIOT, nous avons souhaité déposer cette proposition de loi comme une main tendue, en guise d’apaisement (Rires et exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem. – Applaudissements sur divers bancs) en disant à toutes et à tous que nous souhaitions un vote formel.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’était un effet comique !

    M. Fabien Di Filippo

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    Qu’il nous dise juste comment il va financer les retraites, et tout ira bien !

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Depuis, force est de constater que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Force est de constater, avec tristesse et gravité, madame la présidente, que vous avez l’irrecevabilité sélective et partisane ; voilà la réalité. (Les députés des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe RE, s’adressant aux membres des groupes RN et LFI-NUPES : « Parlez-vous ! Rapprochez-vous puisque vous dites la même chose ! »)
    Nous devons voter la loi, vous nous opposez le 49.3. Nous devons proposer des textes, vous nous opposez l’article 40. Nous avons un droit constitutionnel d’amendement, vous le remettez en cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Pire, signe de la considération que vous avez pour nous : vous annoncez cette décision sur les plateaux de télévision, madame la présidente. (Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je vous remercie de conclure.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    En choisissant de défendre un camp plus que notre institution, en affaiblissant les droits des oppositions, en affaiblissant cette institution, c’est, au fond, une parcelle de notre République que vous affaiblissez ! (Les députés des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés du groupe RN, plusieurs députés du groupe LR et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marine Le Pen.

    M. Sylvain Maillard

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    Chers collègues Insoumis, préparez-vous à l’applaudir, elle va dire la même chose que vous ! (M. Rémi Rebeyrotte fait signe aux membres des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES de se lever.)

    M. Sébastien Jumel

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    On n’a pas de leçons à recevoir de vous !

    Mme Marine Le Pen

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    Puisqu’il faut se plier aux apparences, je fonde mon rappel sur l’article 89 du règlement.
    Le président Mattei a exposé un argument dont je lui ai demandé sur quel article il reposait. Il nous a dit – ce n’est pas la première fois – que cette proposition de loi doit être rejetée parce qu’elle vise à abroger une loi.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Une loi financière !

    Mme Marine Le Pen

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    Je voudrais savoir ce qui interdit aux députés d’abroger une loi. Je rappelle que les députés font et défont la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est notre mission et c’est la mission que nous ont donnée les Français lorsqu’ils nous ont élus !
    La réalité, c’est qu’en multipliant les arguties, vous avez tout fait pour nous empêcher de voter. Vous ne voulez pas qu’on vote : vous nous en avez empêché avec le 49.3, et aujourd’hui avec l’article 40, parce que vous savez que vous n’avez pas la majorité sur ce texte ! (« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous n’avez pas de majorité sur ce texte, ni dans cette assemblée ni dans le peuple français !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et la commission des affaires sociales ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Oh, mets-la en veilleuse et fais attention à ton bras !

    Mme Marine Le Pen

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    Vous avez peur du vote, oui, parce que vous avez peur du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La conséquence, c’est que votre réforme des retraites est illégitime. Elle l’est à nos yeux et elle l’est aux yeux du peuple français.
    Tout à l’heure, madame la présidente, vous avez dit non sans humour que les règles sont les mêmes pour tout le monde. Eh bien non, justement ! Cette déclaration est particulièrement piquante aujourd’hui, car les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, et c’est bien ce que nous vous reprochons ! (Mêmes mouvements.) Les règles appliquées à la majorité ne sont pas les mêmes que les règles appliquées aux oppositions.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    C’est faux !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Scandaleux !

    Mme Marine Le Pen

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    Les propositions de loi de la majorité créent régulièrement des charges ! Votre texte sur les services express régionaux métropolitains, par exemple, crée d’énormes charges !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    Elle ne sait pas de quoi elle parle, comme d’habitude !

    Mme Marine Le Pen

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    Malgré cela, personne ne contestera que ces textes doivent être étudiés !
    Puisque vous empêchez votre opposition d’utiliser cette possibilité démocratique, nous sommes obligés de constater que nous sommes face à une rupture démocratique majeure, et que vous, madame la présidente, en êtes la responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    Merci Vladimir !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et la gauche ? Elle ne se lève donc pas pour applaudir ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Marcangeli.

    M. Laurent Marcangeli

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    Sur le fondement de l’article 89, alinéa 4 du règlement, qui porte sur l’application de l’article 40 de la Constitution. J’ai été choqué de constater – j’ignore si ce fait est sans précédent – que tous les députés ne se sont pas levés lorsque vous êtes entrée dans l’hémicycle, madame la présidente. Quand on siège dans une institution, on en respecte les usages ! (Les députés des groupes HOR, RE et Dem se lèvent et applaudissent.) Encore une fois, nous avons eu la démonstration lamentable du manque de respect dont font preuve les députés de la NUPES à l’égard des coutumes de ce parlement ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme Naïma Moutchou

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    Oui, les anciens qui siègent parmi nous le savent !

    M. Laurent Marcangeli

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    La Constitution, rien que la Constitution ! Le règlement, rien que le règlement ! Nous le disons avec solennité : la Constitution a été respectée,…

    Mme Anna Pic

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    C’est honteux !

    M. Laurent Marcangeli

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    …le règlement a été respecté,…

    M. Fabien Roussel

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    Pas du tout ! Et le droit de vote ?

    M. Laurent Marcangeli

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    …il n’y a pas de débat, et nous vous soutenons, madame la présidente ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    Je ne le dirai pas mieux que vous : le règlement, rien que le règlement, la Constitution, rien que la Constitution (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES), c’est mon rôle de les faire respecter et j’aurais apprécié que chacun dans cet hémicycle fasse de même. (Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, je dois malheureusement commencer cette intervention par l’expression d’un profond regret. La présidente de l’Assemblée nationale, qui aime à se draper dans un costume de défenderesse des libertés parlementaires, a décidé de censurer les amendements visant à rétablir l’article 1er de cette proposition de loi. C’est un fait inédit. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Inaki Echaniz

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    La honte !

    M. Laurent Croizier

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    C’est la Constitution !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Il est loin, le temps où la présidente de l’Assemblée nationale déclarait en décembre 2022, dans un entretien à La Voix du Nord : « Je considère qu’il faut débattre sur le fond, et qu’il ne faut pas utiliser des techniques procédurales d’obstruction pour éviter finalement le débat. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Parlez-en au président de la commission des finances !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que la présidence de l’Assemblée nationale écarte des amendements reprenant une disposition déclarée deux fois recevable, une première fois par le bureau de l’Assemblée nationale lors du dépôt du texte, et une seconde fois par le président de la commission des finances. (Mêmes mouvements.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est faux !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    C’est une faute politique grave dont la présidente de l’Assemblée nationale ne mesure pas toute l’étendue des dégâts politiques et institutionnels.

    M. Jérôme Buisson

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    Bravo pour le déni de démocratie !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    C’est une nouvelle étape dans l’abaissement de l’Assemblée nationale, qui sortira meurtrie de cette législature. En effet, vous n’avez pas seulement déclaré irrecevables tous les amendements visant à rétablir l’article 1er, mais aussi la quasi-totalité des amendements à cet article, de façon à ce qu’il n’y ait pas de vote. Bravo pour le déni de démocratie ! Pire, vous avez procédé de manière sélective et partisane à ce contrôle de recevabilité.
    La proposition de loi que je vous présente ce matin donnait pourtant à l’Assemblée nationale une chance de retrouver sa raison d’être. Soutenue par de nombreux parlementaires issus des six groupes de l’opposition,…

    M. Bruno Millienne

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    Le Che Guevara de la Marne parle !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    …elle visait à supprimer le tristement célèbre article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023, devenu, dans la loi promulguée, l’article 10.
    Trois raisons justifiaient, à nos yeux, la suppression de cet article qui reporte à 64 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

    M. Bruno Millienne

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    Qui a empêché le vote ?

    M. Erwan Balanant

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    Le 4 octobre 2013, vous souteniez pourtant l’amendement no 2855 !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    La première est une question de justice sociale : en quoi est-il juste, en effet, de faire peser sur le dos des Français les plus modestes et sur les femmes les fameux 17,7 milliards d’euros d’économies prévus d’ici à 2030 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme Sandra Marsaud

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    Vous, vous aurez la plus grosse retraite de l’Assemblée nationale ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Je remarque d’ailleurs que plus personne dans la minorité présidentielle n’ose parler de la justice de cette réforme, contrairement aux éléments de langage qui avaient été développés depuis janvier dernier !

    M. Jean-Claude Raux

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    C’est vrai !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    La seconde raison est que cette réforme n’assure même pas un équilibre durable des comptes des régimes de base des retraites. En 2022, la situation de ces derniers n’est d’ailleurs pas si catastrophique. Le premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 estimait le déficit de la branche vieillesse, y compris le fonds de solidarité vieillesse (FSV), à 2,5 milliards, soit 1 % des dépenses. Ce léger déficit est loin des abîmes budgétaires qui accablent notre pays. À titre de comparaison, la branche maladie accuse un déficit de 21 milliards, ce qui représente près de 10 % des dépenses engagées par cette branche. Quant au budget de l’État, la situation est plus grave encore, puisque le déficit s’établit à 151,4 milliards en 2022, soit 30 % des dépenses. Vous parlez d’irresponsabilité mais les irresponsables, c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Pourtant, même en faisant cela, vous ratez votre cible ! Comme le relève la Cour des comptes dans son dernier rapport relatif à l’application des lois de financement de la sécurité sociale, votre réforme constituerait – suprême paradoxe – un surcoût en 2024.

    Mme Stéphanie Rist

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    Oh là là !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Vous criez au mensonge, mais c’est vous qui mentez aux Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES – Mme Marina Ferrari s’exclame.) Vous mentionnez 17,7 milliards d’économies, mais vous omettez d’évoquer l’impact budgétaire de la réforme sur les autres branches et les autres politiques sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Certes, ce n’est pas sur ce point que les documents du Gouvernement sont les plus diserts. Il est question de près de 3 milliards d’euros supplémentaires de dépenses pour l’Unedic, pour les départements et pour la branche maladie. 3 milliards d’euros, c’est près d’un tiers du montant total des économies que vous prétendez réaliser à l’horizon de 2027 ! Le sérieux budgétaire que vous revendiquez n’est donc qu’une apparence.
    Enfin, la troisième raison, c’est que la procédure adoptée pour promulguer la réforme constitue un double déni de démocratie : non seulement un déni de démocratie sociale mais également un déni de démocratie représentative.

    Mme Marina Ferrari

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    Tout et son contraire !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Nous sommes les représentants du peuple. En effet, le premier alinéa de l’article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Est-ce la démocratie que vous craignez ou simplement le fait de vous être trompés ?

    M. Jean-René Cazeneuve

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    C’est vous qui vous trompez !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    En ce qui concerne la démocratie sociale, je tiens à souligner que les partenaires sociaux ont bien mieux géré le régime complémentaire de retraite Agirc-Arrco que l’État ne l’a fait s’agissant des régimes de base.

    Mme Véronique Louwagie

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    C’est bien vrai !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Il est donc faux de prétendre que les partenaires sociaux ne sont pas capables de prendre des dispositions courageuses et responsables.
    En second lieu, tous les syndicats auditionnés ont affirmé que les consultations organisées par le Gouvernement n’avaient donné lieu à aucune concertation : tout était déjà décidé. Affaiblir les corps intermédiaires en cherchant à les contourner constitue une énorme erreur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    C’est pourquoi la présente proposition de loi confie principalement aux partenaires sociaux le soin de trouver des modalités de financement du système de retraite, qui soient pérennes, équitables et ne pèsent pas uniquement sur les plus précaires. La conférence de financement inscrite à l’article 2, dont nous proposons d’adapter le calendrier pour que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) puisse intégrer ses propositions, est une manière de sortir par le haut de la crise sociale dans laquelle la réforme des retraites nous a plongés.
    Crise sociale, mais également crise politique. Permettez-moi de rappeler, à cette tribune, que la loi promulguée par le Président de la République n’a jamais fait l’objet d’un vote de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Des milliers d’amendements d’obstruction !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Ce n’était jamais arrivé lors des précédentes réformes des retraites ! Tout l’arsenal de dispositions constitutionnelles a été mis en branle pour éviter le vote.

    M. Bruno Millienne

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    Qui a empêché le vote ?

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Si le Gouvernement avait mis autant d’énergie à réduire les dépenses publiques qu’à entraver ce vote, notre pays serait bientôt excédentaire !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous faites de l’auto-obstruction !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Quelle est, dans ces conditions, la légitimité d’une réforme sur laquelle jamais les députés réunis dans cet hémicycle n’ont pu se prononcer ? Quel est ce « cheminement démocratique » dont parle le Président de la République, qui fait l’économie des représentants du peuple ?
    Pourtant, d’autres pistes auraient pu être explorées. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires n’a jamais nié l’existence, à moyen terme, d’un déficit du système de retraite (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem) qui persiste, comme je viens de le démontrer, en dépit de votre passage en force. Nous avions fait des propositions, empreintes d’une philosophie tocquevillienne, visant à encourager plutôt qu’à imposer, à accompagner le mouvement d’augmentation progressive de l’âge effectif de départ à la retraite qui atteindra d’ailleurs, dans tous les cas, 64 ans à la fin de la décennie (Mêmes mouvements), plutôt qu’à contraindre les Français par une réforme verticale, injuste et inefficace.
    Votre refus du dialogue et les stratagèmes constitutionnels que vous avez employés ne laissaient plus qu’une seule option : démontrer, par un vote,…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Le double langage !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    …que la réforme des retraites n’entraîne pas l’adhésion de l’Assemblée nationale. Mais, là encore, la peur l’a emporté sur la raison et le passage en force sur le dialogue.

    M. Bruno Millienne

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    Mais non ! Arrêtez !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    En dépit d’un usage constant, des amendements qui auraient été jugés recevables dans d’autres circonstances ont été censurés. Ce qui se joue aujourd’hui, que nul ne s’y trompe, c’est la légitimité de votre réforme et, plus généralement, de votre politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Perrine Goulet s’exclame.)
    Une initiative parlementaire n’a pas à être subordonnée à l’accord du Gouvernement pour que l’Assemblée nationale puisse voter : c’est sa raison d’être constitutionnelle.
    J’avais souligné en commission des affaires sociales que le dépôt de cette proposition de loi représentait un pari sur notre intelligence collective, notre capacité à bâtir des solutions solides, rigoureuses et justes pour assurer la pérennité du système de retraite auquel, je veux le croire, nous sommes tous attachés. Ce texte traduit, plus que jamais, le refus de l’affaiblissement de la démocratie représentative. Je vous mets en garde solennellement, mes chers collègues : nous ne sommes ici que de passage !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ne soyez pas modeste !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    De cet affaiblissement du Parlement (Protestations sur les bancs du groupe RE) ne peuvent ressortir que désintérêt vis-à-vis de nos institutions et, dans le pire des cas, colère et violence. (Les députés des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent. – MM. Pierre Cordier et Maxime Minot applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis en séance pour examiner la présente proposition de loi qui vise, entre autres, à abroger l’âge légal de départ à la retraite, pourtant adopté en mars dernier. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Cependant, le texte proposé aujourd’hui par le groupe LIOT, dans le cadre de sa niche parlementaire, nous interpelle pour au moins trois raisons.
    Tout d’abord, je m’adresse à vous, monsieur le rapporteur, vous qui n’avez eu de cesse, tout au long de votre longue et riche carrière politique, de rappeler l’absolue nécessité et l’urgence de contenir les déficits publics (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR), en raison d’une dette publique déjà abyssale ! Vous, le chantre de l’orthodoxie budgétaire, pour reprendre les propos de la présidente Bergé, nous proposez aujourd’hui de creuser la dette sociale à hauteur de 15 milliards d’euros, mettant en péril le système de retraite par répartition si cher aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Et vous, vous avez creusé la dette de la France de 600 milliards supplémentaires !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Vous comprendrez, monsieur le rapporteur, mon étonnement !
    Ceci m’amène à la deuxième interrogation, quant à la recevabilité de votre proposition de loi. D’ailleurs, plusieurs d’entre vous m’ont interpellée à ce sujet ; c’est pourquoi j’ai décidé de saisir le président de la commission des finances qui, pour sa part, a jugé la proposition de loi recevable,…

    Mme Marine Le Pen et M. Sébastien Chenu

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    Le bureau aussi !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …faisant fi de l’article 40 de la Constitution.
    La troisième interrogation est celle de la temporalité. (Brouhaha sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Est-il possible d’écouter la présidente de la commission des affaires sociales ?

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Relax, mes chers collègues ! En effet, après cent soixante-quinze heures de débats en commission à l’Assemblée nationale puis une navette avec le Sénat, une commission mixte paritaire conclusive et une motion de censure rejetée, la loi a été promulguée par le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe RE),…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …pour une application dès le mois de septembre prochain. Pourquoi, alors, remettre le sujet sur la table, dans le cadre d’une niche parlementaire qui ne dure qu’une journée, si ce n’est à des fins existentielles ? (« Oh ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
    Après avoir pris acte de la décision du président Coquerel, j’ai réuni la commission des affaires sociales afin d’examiner la proposition de loi avec, pour objectif, d’aller au bout du texte qui ne comprenait, je le rappelle, que trois articles.

    M. Sébastien Chenu

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    Quel succès !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Un premier vote a supprimé l’article 1er, portant sur l’abrogation du recul de l’âge de départ à la retraite…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …à l’origine d’une aggravation des charges publiques. Puis un second vote a, malgré un amendement de suppression, maintenu l’article 2, qui prévoit l’organisation d’une conférence de financement, article que nous nous apprêtons donc à examiner.
    En parallèle, je déplore l’attitude de certains membres de la commission qui,…

    M. Matthias Tavel

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    C’est votre attitude qui est déplorable !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …à la suite de ces deux votes perdus, ont décidé tout simplement d’empêcher la poursuite des débats…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …et d’éviter un vote de la proposition de loi, en déposant plus de 3 000 sous-amendements d’obstruction.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui ! Voilà leur conception de la démocratie !

    M. Jérôme Buisson

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    Vous ne vouliez pas de vote !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Soyez honnêtes, chers collègues : cette pléthore de sous-amendements n’avait d’autre but que d’empêcher le débat et le vote !

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Quel débat ?

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Jamais une obstruction d’une telle ampleur n’avait été observée en commission sur une proposition de loi émanant d’un groupe d’opposition. C’est absolument lunaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Face à cette volonté flagrante d’obstruction, alors que tous les membres de la commission avaient exprimé, dans leurs propos liminaires, leur envie de débattre et de se prononcer sur cette proposition de loi, j’ai proposé de poursuivre l’examen du texte sans prendre en compte le tunnel de sous-amendements d’obstruction, m’appuyant pour ce faire sur l’article 41 du règlement de l’Assemblée nationale. En tant que présidente de la commission, je suis en effet garante de la bonne tenue des débats. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Vous m’avez alors demandé, chers collègues, de réunir expressément le bureau de la commission, seul habilité, selon ce même article, à donner son avis sur l’examen ou non des sous-amendements. Là encore, le bureau s’est exprimé…

    Mme Caroline Parmentier

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    Lamentable !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    …et a décidé de poursuivre, sans examiner les sous-amendements d’obstruction. Ce n’est pas une première puisqu’en avril dernier la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat avait, elle aussi, refusé d’examiner les sous-amendements d’obstruction ; le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 14 avril 2023, avait d’ailleurs jugé sa décision constitutionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    À ceux qui crient au déni de démocratie (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), je réponds que c’est au contraire votre obstruction manifeste qui est un déni de démocratie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Haddad

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    Eh oui !

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

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    Vous l’aurez compris, nous voulions un débat en commission ; il a eu lieu ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Nous voulions un vote ; il a eu lieu ! Oui au débat, oui à l’opposition, mais non à l’obstruction ! (Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Claquements de pupitres sur quelques bancs du groupe RN. – M. Maxime Minot tourne le pouce vers le bas.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Il va craquer !

    M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

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    Madame la présidente de l’Assemblée nationale, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons dans cet hémicycle pour débattre de nouveau des retraites, moins de deux mois après la promulgation de la réforme que le Parlement a adoptée. (« Jamais ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Une réforme qui a fait l’objet de quatre mois de concertation, de cent soixante-quinze heures de débats parlementaires, d’un vote en commission mixte paritaire et d’une approbation du Conseil constitutionnel.

    M. Louis Boyard

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    Et d’un recours au 47-1, au 49.3… !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Une réforme qui est allée au terme de son cheminement démocratique, en dépit des manœuvres d’obstruction et, parfois même, d’intimidation.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Quel cheminement démocratique ? Arrêtez !

    Mme Caroline Parmentier

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    N’importe quoi !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Aujourd’hui encore, avec la majorité présidentielle, je défendrai cette réforme, indispensable pour assurer l’avenir de notre système par répartition, qui s’appliquera pleinement à compter du 1er septembre 2023.
    Je le ferai, malgré vos tentatives de couvrir ma voix – elles seront encore nombreuses, puisque le bruit et la fureur sont devenus votre marque de fabrique. (Protestations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)

    M. Sébastien Chenu

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    Calimero !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Que cherchez-vous réellement, mesdames et messieurs les signataires de cette proposition de loi ? À débattre d’une réforme dont vous avez empêché l’examen pendant trois mois ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) À aller jusqu’au vote, sur un texte dont vous avez tout fait pour empêcher le vote – comme ce fut encore le cas la semaine dernière en commission ? Vous avez pourtant perdu le vote, et nettement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Nous n’avons jamais pu voter !

    M. Gérard Leseul

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    Allez au vote !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Je crains que la réponse ne soit bien plus simple : vous souhaitez uniquement renverser la table et mettre à mal nos institutions. Le précieux temps de débat parlementaire dont vous disposez chaque année, vous le réservez à des effets de manche, à un coup de communication, à des outrances protestataires qui dégradent votre propre assemblée. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Malgré la vacuité de vos arguments et du débat, je vous dirai pourquoi votre proposition de loi est à la fois irresponsable et irrecevable. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Philippe Ballard

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    C’est vous qui êtes irresponsable !

    M. Grégoire de Fournas

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    Quelle honte !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Au fond, le contenu du texte est assez simple ; il repose sur un malentendu que vous entretenez.

    M. Frédéric Mathieu

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    Et la séparation des pouvoirs, c’est un malentendu ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Contrairement à ce que vous affirmez, votre texte n’abroge pas la réforme des retraites.

    Mme Marina Ferrari

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    Absolument !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Il n’en modifie qu’un article sur trente-sept. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    M. le ministre est libre de ses propos, et vous devez le laisser s’exprimer. (Protestations sur les bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Quelle est donc la démocratie dont vous rêvez ? Vous pouvez poursuivre, monsieur le ministre.

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Merci, madame la présidente.
    Je le disais, le texte n’abroge pas la réforme des retraites, puisqu’il ne touche qu’à un seul de ses articles sur trente-sept – ce qui signifie que ses signataires en plébiscitent et en approuvent les autres dispositions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
    En deux mois, que de chemin parcouru ! Vous semblez avoir entendu certains de nos arguments. Il y a deux mois, le déficit du système de retraite n’existait pas dans votre monde merveilleux des ardoises magiques ; et voici que vous créez une conférence de financement, pour résorber un déficit dont vous niiez la réalité il y a quelques semaines.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    C’est faux !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Vous estimiez que la revalorisation des petites pensions était insuffisante ou inégale ; pourtant, vous n’y consacrez pas un euro de plus : vous reconnaissez donc que nous procédons à la plus grande revalorisation jamais opérée dans une réforme des retraites. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
    Vous affirmiez que le milliard d’euros consacré à la prévention de la pénibilité n’était pas suffisant : vous n’en parlez plus, comme si cette priorité était désormais dépassée.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Eh oui !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Je ne reviendrai pas sur les autres mesures que vous validez, en faveur des mères de famille, des aidants, des orphelins ou encore des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Erwan Balanant

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    On ne vous entend plus, là, chers collègues !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Elles sont le fruit de débats constructifs, mais aussi de l’accord intervenu en commission mixte paritaire.
    Par votre proposition de loi, enfin – ce n’est pas le moindre de vos paradoxes –, vous confirmez la suppression des régimes spéciaux, malgré les tombereaux d’amendements que vous avez déposés, pendant l’examen du projet de loi, pour voler à leur rescousse. (Mme Marie-Charlotte Garin s’exclame.)

    M. Bruno Millienne

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    Excellent !

    M. Frédéric Mathieu

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    Cela devient pénible !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Des volte-faces aussi rapides jettent le doute sur votre position : nous la savions infondée, nous la découvrons insincère.
    Je me dois de reconnaître que votre convergence avec notre réforme s’arrête là. Le nœud de notre désaccord persiste : l’allongement de la durée d’activité. Comme vous le savez, l’âge légal de départ à la retraite sera rehaussé progressivement de 62 à 64 ans d’ici à la fin du quinquennat, et l’allongement de la durée d’assurance issu de la loi dite Touraine de 2014 – loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites – accélérera au début de cette période.

    M. Thomas Portes

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    Combien de gens allez-vous tuer avec cette réforme ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Les premiers décrets d’application de la loi ont été publiés dimanche dernier ; ils entreront en vigueur le 1er septembre.

    Mme Marine Le Pen

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    Ben voyons !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Je tiens à rappeler pourquoi nous avons fait le choix de demander aux Français de travailler, progressivement, plus longtemps.

    Mme Marine Le Pen

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    Les Français ont répondu : non !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Tous nos voisins ont fait ce choix, en allant même bien au-delà de 64 ans – ce qui est d’ailleurs la clé de voûte de l’emploi des seniors. Notre choix est équilibré et progressif, puisqu’il agit simultanément sur l’âge et sur la durée de cotisation, tout en préservant la retraite des salariés qui ont eu des carrières longues et difficiles. Ce choix, une grande partie de l’opposition était prête à le faire pendant la campagne présidentielle.

    Mme Marine Le Pen

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    Pas nous !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    M. le rapporteur soutenait ainsi une candidate qui proposait de repousser l’âge de la retraite à 65 ans.

    Un député du groupe RE

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    Eh oui !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Enfin, travailler plus longtemps, c’est évidemment le moyen le plus juste de financer les progrès et les avancées sociales permis par la réforme. Voilà donc ce qui réside au cœur de notre désaccord.
    Avant le vote – fort opportun – de la commission des affaires sociales, que proposiez-vous ? L’article 1er de votre texte – supprimé par le vote que, je le répète, vous avez perdu en commission des affaires sociales –,…

    Mme Sandra Regol

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    Nous avons compris que vous ne vouliez pas de l’Assemblée nationale !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    …proposait de revenir sur les mesures visant à allonger la durée des carrières. En réalité, il nous plaçait devant le choix suivant : léguer 150 milliards d’euros de déficit aux générations futures, baisser les pensions de retraite, ou faire peser de nouveaux impôts sur les travailleurs. Aucune de ces solutions n’est acceptable pour la majorité, malgré l’appel explicite d’une partie de l’opposition à créer encore et toujours de nouveaux impôts.
    L’article 2 pose un pansement sur une jambe de bois. (M. Thomas Portes s’exclame.) Il renvoie à une conférence de financement en cas de suppression du décalage de l’âge de départ à la retraite, ce qui équivaut à annoncer pudiquement votre renoncement : vous savez en effet qu’aucun consensus n’existe sur les réponses à apporter – certains d’entre vous continuent même à nier le besoin de financement.

    Mme Sandra Regol

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    Vous, vous avez renoncé à la démocratie !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Enfin, l’article 3 a tout d’une mauvaise blague : sur la forme, il crée le concept d’un gage de charges aussi inconstitutionnel qu’irresponsable, puisque la Constitution n’autorise que des gages de recettes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Sur le fond, il a pour conséquence de confier aux fumeurs le financement des retraites, en doublant le prix du paquet de tabac – mieux vaut en rester là pour la blague ou la plaisanterie.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Grégoire de Fournas

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    Quelle arrogance !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Au-delà de son contenu, votre proposition de loi illustre surtout votre méthode et le jeu dangereux que vous jouez avec les institutions. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)

    Mme Marine Le Pen

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    C’est une blague !

    Mme Véronique Louwagie

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    C’est faux !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Le constat me désole autant qu’il m’inquiète : par cette proposition, vous détournez et vous affaiblissez le Parlement, en prétendant le défendre.

    M. Louis Boyard

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    Et la séparation des pouvoirs ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    De quoi parlons-nous aujourd’hui, et de quoi voulez-vous que nous parlions ?

    Mme Sandra Regol

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    De la démocratie !

    M. Julien Bayou

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    Des mises en examen !

    Mme Marine Le Pen

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    On voudrait surtout que vous arrêtiez de parler !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Vous voulez voter sur un vote qui a déjà eu lieu – autant dire que vous voulez tordre le rôle du Parlement. Votre assemblée ne peut pas être la caisse de résonance des refus entêtés de certains. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Nous parlons de sept Français sur dix !

    Mme Caroline Parmentier

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    Vous méprisez le peuple !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    L’opposition déposera-t-elle une proposition de loi de retrait après chaque vote dont l’issue sera contraire à sa volonté ? Combien de machines à déception allez-vous ainsi créer ? Allez-vous dresser l’inventaire de tout ce que vous souhaitez retirer, plutôt que de faire des propositions ?

    M. Sébastien Chenu

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    Rendez-vous lors de la niche du Rassemblement national !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Allez-vous construire plutôt que détruire, discuter plutôt que bloquer ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Votre proposition de loi nous invite-t-elle à considérer le Parlement comme un jeu de ping-pong stérile, et devrons-nous déposer un projet de loi de retrait du retrait ?

    Mme Sandra Regol

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    Aucune limite dans la violence, aucune limite dans le mensonge !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    La semaine dernière, en commission des affaires sociales, M. le rapporteur a estimé que nous ne mentionnions pas suffisamment l’article 24 de la Constitution. Je le cite donc bien volontiers : « Le Parlement vote la loi. » C’est précisément ce que vous avez voulu empêcher la semaine dernière en commission, à grand renfort d’obstruction de la NUPES. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Gérard Leseul

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    Et l’obstruction de la présidente ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    On connaissait depuis longtemps l’obstruction de la NUPES sur les textes du Gouvernement ; voici l’obstruction de la NUPES sur les textes de la NUPES ! Quand le vote de la commission ne va pas dans le sens attendu, vous le considérez comme illégitime – après tout, vous n’en êtes pas à une contradiction près.
    Plus encore que le rôle du Parlement, c’est la Constitution que votre proposition de loi ne respecte pas. Sans ouvrir le débat de l’article 40, que personne ne conteste, 15 milliards d’euros constituent une dépense, aussi sûrement que 1 + 1 = 2. (M. Antoine Léaument s’exclame.)

    Mme Marine Le Pen

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    Ce n’est pas très clair !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Toute autre interprétation relève du déni – c’est d’ailleurs une évidence, que démontre l’usage cynique fait par certains de leur propre fonction.

    Mme Marine Le Pen

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    Cela ne restera pas dans les annales !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Dire l’inverse, c’est faire l’aveu qu’on sert une cause partisane et personnelle, en pensant exercer une fonction d’intérêt public. Ces pratiques dégradent les institutions, que ce soit au-dedans, dans leur fonctionnement, comme au-dehors, dans la défiance qu’elles suscitent. Peut-être pouvons-nous débattre de la pertinence de certaines normes constitutionnelles, mais pas à l’occasion d’une proposition de loi ordinaire sur les retraites : ce n’est en aucun cas le moment.
    Je crains que vous ne vous soyez trompé de combat, monsieur le rapporteur, et surtout que vous ne vous soyez trompé d’alliés.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Tout le monde s’est trompé, et vous seul avez raison ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Votre proposition de loi rassemble une improbable coalition, qui n’a en commun qu’un certain goût du tapage. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.) J’en fais le constat non sans tristesse et amertume. Pour des générations de parlementaires – y compris la mienne –, monsieur le rapporteur, vous avez été une figure de la rigueur budgétaire et de la dévotion au mandat public. En cédant au Rassemblement national comme à La France insoumise, devenus conjointement des ventriloques à vos dépends, vous présentez comme un exercice de sauvetage ce qui n’est qu’une opération de communication mal fagotée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Nous espérons tous que cette parenthèse se refermera, avec toutes les compromissions qui l’animent.
    En définitive, cette proposition de loi n’est qu’un immense malentendu.

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est plutôt vous qui êtes malentendant !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Le malentendu, c’est prétendre abroger la réforme mais se focaliser sur une unique mesure, celle qui permet de financer toutes les autres. Le malentendu, c’est nier la réalité du déficit, tout en renvoyant son traitement à une conférence de financement.

    M. Antoine Léaument

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    Vous disiez l’inverse jusqu’à présent !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Le malentendu, c’est s’allier à ceux qui défendent la retraite à 60 ans tout en proposant de revenir à 62 ans – alors même qu’ils proposaient 65 ans il y a quelques mois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sébastien Chenu

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    Remballe ton truc !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Le malentendu, enfin, c’est de rassembler autour de cette proposition tous ceux qui manquent de respect pour l’Assemblée, en prétendant vouloir redonner sa place à cette dernière. Nous nous livrons au grand bis repetita auquel votre texte nous oblige avec amertume (« Oh ! sur les bancs du groupe RN),

    M. Philippe Ballard

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    Pinocchio !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    …car le moteur de la démocratie et la raison d’être du parlement sont de débattre et de comparer des projets. Vous comprendrez notre déception face à un texte qui propose un projet uniquement négatif, voire nihiliste – car votre proposition de loi n’a que de la négation et du vide à offrir. Vous ne faites rien d’autre que de vous défausser, car vous n’avez pas de projet alternatif commun.
    Pour notre part, nous continuerons à travailler pour sauver le système de retraite et pour atteindre le plein emploi. (Mme Clémence Guetté s’exclame.) Après six ans de réformes, notre pays se porte mieux : il affiche un taux de chômage historiquement bas et des créations d’emplois historiquement hautes, confirmées au-delà de nos prévisions au premier trimestre 2023. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Nous avons la certitude que nous sortons du chômage de masse, que le plein emploi est accessible, et que la réforme des retraites que nous avons défendue est une étape pour y parvenir. (Mme Alma Dufour s’exclame.)
    Nous pouvons être fiers de cette réforme – fiers, parce qu’elle sauve le système par répartition ; fiers, parce qu’elle garantit aux plus fragiles de disposer d’une retraite lorsqu’ils auront atteint l’âge du repos ; fiers parce que nous contribuons ainsi à protéger un des plus grands mécanismes sociaux.

    Mme Clémence Guetté

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    J’ai honte !

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Le rejet de cette proposition de loi, comme le rejet de son article 1er par la commission des affaires sociales, sont des décisions d’intérêt public et de salubrité. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR applaudissent, et se lèvent pour la plupart.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher Charles, depuis un an, j’ai l’honneur d’animer le groupe LIOT, un groupe ancré dans les territoires, qui a fait de la défense des libertés publiques et de la démocratie ses priorités ; un groupe qui siège dans l’opposition, mais qui a toujours eu le souci de la construction et de la justice. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) C’est pour cette seule raison que nous avons décidé d’inscrire à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à abroger les principales dispositions de la réforme des retraites.
    Nous avons essuyé les pires attaques, des mises en cause personnelles, des arguments de mauvaise foi – comme à l’instant – et des flots de mensonges, sans que jamais rien n’ait fait avancer le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
    Dès le début, lorsque le Gouvernement a annoncé sa volonté de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, nous nous y sommes unanimement opposés, comme une majorité de députés. Nous avons appelé à une concertation avec les partenaires sociaux – une vraie concertation, qui laisse le temps d’écouter les arguments de chacun (M. Olivier Falorni s’exclame), qui étudie les propositions alternatives – elles sont nombreuses – et qui les chiffre sérieusement. Au contraire, le Gouvernement a fait mine de recevoir les partenaires sociaux et a écarté arbitrairement les propositions qui n’étaient pas les siennes. Cela a eu pour résultat de coaliser une intersyndicale, qui reste unie depuis de nombreux mois. Cela a également nourri des contestations d’une ampleur inédite parmi la population : les manifestations ont fleuri dans des territoires qui n’en avaient jamais connu. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
    À la colère, à l’inquiétude et à l’incompréhension que nous avons tenté de relayer, vous avez répondu par le passage en force. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) À la demande éperdue de démocratie, vous avez répondu en tordant en tous sens la Constitution et le règlement pour faire passer votre réforme brutale et injuste, sans que jamais l’Assemblée nationale ne puisse se prononcer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.) Vous êtes arrivés à vos fins. Votre réforme des retraites a été promulguée, mais à quel prix ?

    M. Gérard Leseul

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    Oui, à quel prix !

    M. Bertrand Pancher

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    À quel prix pour nos concitoyens les plus modestes, qui subiront plus fortement l’impact de cette réforme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe RN, SOC et Écolo-NUPES.) À quel prix pour les finances publiques, qui n’en sortent même pas redressées ? À quel prix, enfin, pour la démocratie et la cohésion sociale ? Mesurez-vous l’impact de cette réforme sur la confiance des citoyens en leurs institutions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Comment peuvent-ils croire au vote ? Comment peuvent-ils croire dans leurs représentants, et plus largement, dans notre démocratie, quand une poignée peut décider, seule, pour l’avenir de tout un pays ? Envers et contre tous, vous avez foncé tête baissée pour faire passer votre réforme au forceps, au Sénat comme à l’Assemblée, sans jamais vous retourner sur les dégâts que vous commettiez, sur le pays que vous mettiez à feu et à sang pour quelques milliards d’euros. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
    Vous ne nous avez laissé aucun répit en promulguant cette loi à une vitesse record. Quel bilan ! Maintenant que le mal est fait, vous cherchez l’apaisement – quelle histoire ! Or cet apaisement ne repose que sur l’usure et sur la résignation de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Le groupe LIOT ne peut pas s’y résoudre. Nous voulons l’apaisement, et il passe par le retrait de la réforme.
    Nous avons déposé cette proposition de loi pour dire à nos concitoyens inquiets que cette réforme injuste n’est pas une fatalité et qu’un autre chemin est possible, dont les corps intermédiaires et les parlementaires sont prêts à discuter ensemble. Nous l’avons déposée pour dire à nos concitoyens qui ne croient plus en leurs représentants qu’il existe encore des élus qui veulent exercer leur mandat et faire leur travail : porter la voix du peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Le Gouvernement cherche à nous en empêcher, soit ; mais certains députés – et en premier lieu la présidente de l’Assemblée nationale – acceptent délibérément de s’autocensurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Écolo-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.) Non seulement vous avez jugé irrecevables nos amendements de rétablissement de l’article 1er, madame la présidente, mais vous êtes même allée jusqu’à censurer tous nos amendements. Dans toute notre histoire, cela n’avait jamais été fait.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Regardez par qui vous êtes applaudi !

    M. Bertrand Pancher

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    Je vous le dis avec la plus grande sincérité : nous ne sommes pas seulement en colère, nous sommes abattus par ce que vous avez osé faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) C’est un triste jour pour notre assemblée et pour notre démocratie. Vous n’êtes pas membres du Conseil constitutionnel, mais nous savons tous qu’il existe une règle d’or en démocratie : le Parlement vote la loi. C’est l’article 24 de la Constitution. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Et l’article 40 ?

    M. Bertrand Pancher

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    Vous avez osé nous empêcher de voter : vous êtes devenus complètement fous ! (Les députés des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Les députés du groupe LIOT brandissent la Constitution.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    M. Sylvain Maillard

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    Excellent !

    Un député du groupe RN

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    Déjà, vraiment ?

    M. Grégoire de Fournas

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    Bon courage !

    Mme Stéphanie Rist

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, le courage politique, ce n’est pas de laisser penser à nos concitoyens que le statu quo n’entraînerait aucune conséquence sur l’acquis social le plus structurant de notre solidarité intergénérationnelle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Le courage politique, ce n’est pas mettre la poussière sous le tapis et laisser les générations futures payer le prix de l’absence de décisions. (Brouhaha.) Le courage politique, c’est agir avec clarté en tenant ses engagements. (M. Maxime Minot s’exclame.) Or nous nous sommes engagés devant les Français…

    Mme la présidente

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    Un peu de silence, mes chers collègues !

    M. Maxime Minot

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    Quel traitement de faveur !

    Mme Stéphanie Rist

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    …à maintenir notre système de retraite par répartition à l’équilibre. Aussi, je fais miens les propos de la Première ministre : chers collègues du groupe LIOT, « vous portez à son paroxysme l’art du paradoxe ». Mardi, votre président de groupe accusait le Gouvernement de bâillonner le Parlement…

    Mme Marine Le Pen

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    C’est vrai !

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est la vérité !

    Mme Stéphanie Rist

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    …et fustigeait l’adoption du report de l’âge légal de départ à la retraite sans véritable vote. Mais, chers collègues, quand l’Assemblée débat plus de cent soixante quinze heures, elle n’est pas bâillonnée ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Durant ces nombreuses heures, nous avons répondu très clairement et très précisément aux exhaustives suggestions de financement alternatif. Pourtant, durant ces nombreuses heures, à quoi avons-nous assisté ? À une obstruction massive de la NUPES – qui, en déposant plus de 20 000 amendements, nous a empêchés d’en arriver au vote de l’article 7 (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE) – entrecoupée de comportements indignes de notre fonction : insultes, hurlements. Pendant ce temps, les bancs de l’extrême droite sont, eux, restés silencieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe RN.) Silence comme obstruction traduisent la volonté de dissimulation de chaque extrémité de l’hémicycle.
    En concrétisant une réforme défendue pendant sa campagne, la majorité, elle, a été claire…

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est faux !

    Mme Stéphanie Rist

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    …tant sur son objectif de maintenir un système qui protège les plus fragiles…

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Menteuse !

    Mme Stéphanie Rist

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    …que sur la nécessité d’adopter des mesures permettant à quatre personnes sur dix de partir à la retraite avant l’âge de 64 ans. Vous êtes dans la dissimulation, nous sommes dans la clarté ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Grégoire de Fournas

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    N’importe quoi !

    M. Maxime Minot

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    Plus c’est gros, plus ça passe !

    Mme Stéphanie Rist

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    Monsieur le rapporteur, cher monsieur de Courson, nous avons siégé ensemble à la commission mixte paritaire (CMP). Le compromis que nous y avons bâti avec le Sénat est sérieux, et le texte que nous avons adopté permettra à notre système de retraite d’atteindre l’équilibre en 2030, tout en garantissant un niveau de pension digne à chacun. C’était là la clé de voûte de notre accord, et vous le savez bien.
    J’ai en mémoire les propos très respectueux du Conseil constitutionnel que vous avez tenus lors de cette CMP, cher collègue. Vous aviez argué du risque de censure par le Conseil constitutionnel et, sensibles à vos arguments, nous avions modifié la rédaction de l’article 8 bis. Votre regard sur l’institution garante de notre Constitution aurait-il à ce point changé lors des dernières semaines qu’il vous a conduit à souhaiter l’abrogation d’un texte promulgué il y a deux mois ?

    M. Antoine Léaument

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    Oui !

    M. Bruno Bilde

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    Sans vote !

    Mme Stéphanie Rist

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    Votre regard sur notre institution elle-même aurait-il à ce point changé qu’il vous conduit à ne pas reconnaître le vote de la commission des affaires sociales sur l’article 1er de votre proposition de loi – vote qui a eu lieu il n’y a même pas une semaine ? Vous y êtes pourtant présenté comme un exemple de sérieux et de rigueur budgétaire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    C’est sûr qu’on ne peut pas en dire autant de vous !

    Mme Marine Le Pen

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    Gardez vos leçons !

    Mme Stéphanie Rist

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    Vous aviez d’ailleurs cosigné en 2013 un amendement tendant à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Qui de nous prendra la responsabilité de revenir sur un texte qui permettra de ne pas devoir baisser les pensions et le pouvoir d’achat de nos concitoyens, de ne pas augmenter la dette de nos enfants ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    Mensonges !

    M. Bruno Bilde

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    N’importe quoi !

    Mme Stéphanie Rist

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    À cette question, une réponse claire a été apportée avec le résultat du vote de la motion de censure, que vous avez perdu.

    M. Sébastien Chenu

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    Vous êtes des incapables ! Vous abîmez tout ce que vous touchez !

    Mme Stéphanie Rist

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    Chers collègues du groupe LIOT, votre proposition de loi, qui ne propose aucune solution pérenne, ne trompe personne : ce texte ne vise qu’à dissimuler votre incapacité à proposer une réforme alternative efficace et à garantir aux générations futures les mêmes droits qu’à nos aînés. Notre groupe choisira de rester dans la clarté et d’être fidèle à ses engagements. (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent vivement. – Quelques députés du groupe Dem applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Ménagé.

    M. Thomas Ménagé

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, quelques semaines après le hold-up démocratique du Gouvernement pour passer en force la réforme des retraites, sans vote de notre assemblée, l’initiative salutaire du groupe LIOT devait nous permettre de débattre aujourd’hui de son abrogation. Son texte aurait dû permettre à la représentation nationale de voter enfin sur une réforme injuste, à laquelle les Français sont toujours majoritairement opposés. Malheureusement, une minorité organisée s’est donné pour mission de vider cette proposition de loi de sa substance et d’éviter tout débat. Depuis le début, la perspective d’un vote de l’Assemblée nationale vous fait peur (M. David Valence s’exclame), car vous savez que votre réforme serait alors mise en échec.
    Ne vous en déplaise, il y a près d’un an, les Français ont décidé de mettre en minorité le parti présidentiel à l’Assemblée nationale et de faire du Rassemblement national la première force d’opposition du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En méprisant les nouveaux équilibres de cette assemblée, vous portez une lourde responsabilité dans la crise démocratique qui divise le pays.

    Mme Marine Le Pen

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    Oui !

    M. Thomas Ménagé

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    Lorsque vous déclarez, pleins d’arrogance et de suffisance, que le vote sur l’abrogation de la réforme a eu lieu la semaine dernière avec la suppression de l’article 1er en commission, on aurait presque envie de rire si la situation, qui révèle au grand jour votre conception très inquiétante du débat démocratique, ne confinait pas au tragique. Vous vous gargarisez d’un rejet obtenu uniquement grâce à la mobilisation de députés du groupe Les Républicains dans le cadre d’une éternelle opération « il faut sauver le soldat Macron » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) – une opération qui masque en réalité assez mal, chers collègues, l’opération « il faut sauver nos places ». Une fois encore, le groupe LR a joué à l’opposition fantoche, modifiant ses commissaires aux affaires sociales pour assurer une courte majorité contre cette proposition de loi. Quel dommage, collègues LR, que vous n’ayez pas déployé la même énergie en faisant remplacer vos députés absents en commission lors du vote sur l’augmentation des salaires nets de 10 % ou la suppression des ZFE – zones à faibles émissions –, dont nous proposions de débattre lors de notre niche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Bravo !

    M. Thomas Ménagé

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    À cause de cette minorité présidentielle élargie, nous voilà aujourd’hui réunis pour discuter d’une coquille vide. En refusant le rétablissement de l’article 1er par voie d’amendement, la présidente de l’Assemblée nationale a ouvert la boîte de Pandore…

    M. Jean-René Cazeneuve

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    C’est faux ! C’est scandaleux !

    M. Thomas Ménagé

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    …et créé une jurisprudence politique visant à museler l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Nous sommes inquiets de cette confiscation du débat parlementaire par un détournement sans précédent de l’esprit de la Constitution.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    C’est tout le contraire !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est le respect de la Constitution, et c’est vous qui le piétinez !

    M. Emeric Salmon

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    Si tu avais fait ton boulot, Rebeyrotte… Minable ! Mauvais !

    M. Thomas Ménagé

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    Emmanuel Macron promettait une République en marche, voilà qu’il met la démocratie à genoux. Le Rassemblement national, lui, ne craint pas le débat démocratique, et les sondages montrent que les Français le considèrent comme le premier opposant à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    La NUPES veut faire croire à qui veut l’entendre qu’elle est un opposant crédible à la réforme des retraites. Faut-il rappeler que tous les partis qui la composent ont appelé à voter pour Emmanuel Macron ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Faut-il rappeler que c’est au Parti socialiste et à Marisol Touraine que nous devons l’acte I de cette réforme, consistant à allonger à quarante-trois annuités la durée de cotisation ? Faut-il rappeler qu’avec sa stratégie d’obstruction dictée par Jean-Luc Mélenchon, la NUPES nous a empêchés d’aller au vote ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, auxquelles répondent des exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Michaël Taverne

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    Vous êtes responsables, assumez !

    M. Louis Boyard

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    Complices ! Paillassons ! Vendus !

    M. Michaël Taverne

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    C’est vous les fachos !

    M. Thomas Ménagé

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    Faut-il rappeler encore qu’elle a déserté les bancs lors du vote de notre motion référendaire ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La vérité vous fait peur, monsieur Boyard ! Assumez !
    De l’autre côté, sur les bancs de la minorité présidentielle, certains mentent en faisant croire que nous n’aurions pas de projet alternatif. Pourtant, le projet de Marine Le Pen est connu, chiffré et plébiscité par les deux tiers des Français, qui le considèrent comme le plus crédible. Avec nous, ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans partiront à 60 ans s’ils ont cotisé quarante annuités puis, progressivement, à 62 ans s’ils ont cotisé quarante-deux annuités. Voilà un véritable projet de justice sociale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
    Face aux dérives de ceux qui esquivent les débats et insultent leurs adversaires à grands coups de task forces et de mensonges, notre groupe incarne l’opposition au Gouvernement et la force d’apaisement que les Français attendent. (« Mais oui, c’est ça ! » sur quelques bancs du groupe RE.) À tous les Français dont la confiance dans l’avenir est minée par la pratique du pouvoir d’Emmanuel Macron, nous voulons dire qu’il n’y a pas de fatalité.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Vous n’avez pas encore cité Marine Le Pen !

    M. Thomas Ménagé

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    En 2027, avec Marine Le Pen présidente,…

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Ah, voilà !

    M. Thomas Ménagé

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    …nous rétablirons la paix sociale en abrogeant cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avec Marine Le Pen présidente, nous respecterons l’esprit de la Constitution du général de Gaulle en redonnant au Parlement le pouvoir de voter la loi, et au peuple celui de s’exprimer par la voie du référendum. (Mêmes mouvements.) Avec Marine Le Pen présidente, nous ne mépriserons plus les partenaires sociaux et les groupes d’opposition. (M. Antoine Léaument s’exclame.) Avec Marine Le Pen présidente, nous continuerons à travailler comme nous le faisons dans l’hémicycle, animés par le seul intérêt général, sans sectarisme et sans dogmatisme.

    M. Louis Boyard

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    C’est à cause de vous qu’on est là !

    M. Thomas Ménagé

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    Chers collègues, ce rendez-vous manqué ne favorisera pas l’extinction de la colère sociale. Si vous n’avez pas peur du vote, alors laissez-nous voter ! Et si vous ne redonnez pas le pouvoir aux élus de la nation, nous le rendrons au peuple en 2027 ! (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent vivement.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ah, le peuple uni ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    C’est avec une gravité inhabituelle, une inquiétude et une colère inédites que je m’exprime devant vous.

    Mme la présidente

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    Il est d’usage de saluer la présidence et le ministre avant d’intervenir, madame la députée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – Certains députés se lèvent.) C’est un usage parmi d’autres.

    Mme Clémentine Autain

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    Mon temps de parole s’écoule.

    Mme la présidente

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    Nous le décompterons sans aucun souci, mais je vous remercie de respecter les usages et la bienséance.

    M. Arnaud Le Gall

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    Pour qui vous prenez-vous ?

    M. Éric Coquerel

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    N’importe quoi !

    Mme la présidente

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    On m’a appris à dire bonjour, mais ce n’est manifestement pas le cas de tout le monde ici.

    Mme Clémentine Autain

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    Je redouble donc de colère,…

    M. Bruno Millienne

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    Bonjour, madame Autain !

    Mme Clémentine Autain

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    …une colère et une inquiétude que je tiens à exprimer devant vous.

    M. Philippe Vigier

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    Bonjour, bonjour !

    M. Bruno Millienne

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    « Bonjour, madame la présidente ! »

    Mme Clémentine Autain

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    Est-ce que chacune et chacun mesure l’état de mort cérébrale dans lequel se trouve notre régime politique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Quelle honte ! Honte à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué à ce que le pire de la Ve République vienne cadenasser la volonté populaire. Honte à l’acharnement d’un homme, le président des ruines, atteint de monarchisme chronique ! (Mêmes mouvements.) Honte aux vigies de la démocratie qui, par opportunisme, par faiblesse, par lâcheté aussi, s’en sont fait les geôliers.
    Reprenons depuis le début. Aux prémices, une obsession présidentielle – transformer les deux plus belles années de retraite en deux pires années de travail –,…

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    Mme Clémentine Autain

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    …une procédure – entre deux 49.3, le recours au 47-1 pour réduire à peau de chagrin le débat parlementaire…

    M. Bruno Millienne

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    C’est vous qui avez empêché le débat parlementaire !

    Mme Clémentine Autain

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    …et imposer le projet par ordonnance –…

    M. Bruno Millienne

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    C’est vous qui avez empêché le vote de l’article 7 !

    Mme Clémentine Autain

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    …et une méthode – la brutalisation de la mobilisation sociale à coups d’interdictions de manifester, de matraques et de gardes à vue abusives (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), et le mépris des syndicats unis comme de la majorité des Français, vent debout contre le report de l’âge légal.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement ! Elle a raison !

    M. Bruno Millienne

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    Mensonges !

    Mme Clémentine Autain

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    Aujourd’hui, le clou du spectacle, aussi sinistre que cynique : le piétinement des droits du Parlement pour empêcher un vote abrogeant le recul de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans.

    M. Bruno Millienne

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    C’est vous qui avez empêché ce vote ! Ne réécrivez pas l’histoire !

    M. Benjamin Lucas

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    Provocateur ! Millienne, taisez-vous !

    Mme Clémentine Autain

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    Tout ça pour empêcher que la réalité ne se fasse jour. Mais les Français vous voient (« Ils vous voient aussi ! » sur quelques bancs du groupe Dem) et ils le savent : il n’y a pas, au sein de la représentation, de majorité favorable au recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Le roi est nu ; la présidente de l’Assemblée nationale, aux ordres de l’Élysée (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Caroline Parmentier applaudit également), assume de ne pas être la garante des droits du Parlement, mais la misérable courroie de transmission d’un passage en force ahurissant. Macron…

    M. Bruno Millienne et M. Laurent Croizier

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    « M. Macron » !

    Mme Clémentine Autain

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    …et ses alliés réussissent donc l’exploit de fouler aux pieds à la fois le principe de séparation des pouvoirs exécutif et législatif, et le libre exercice de nos droits parlementaires ! Mes chers collègues, nous assistons à une rupture historique : jamais, au grand jamais, un président de notre assemblée n’avait invoqué le désormais fameux article 40 de la Constitution pour empêcher, au mépris du quatrième alinéa de l’article 89 de notre règlement, le vote d’un texte d’initiative parlementaire visant à abroger une loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre hommage au président de la commission des finances, Éric Coquerel, dernier pilier de notre institution, dernier garant de son bon fonctionnement. (Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-LUPES se lèvent et applaudissent.) Jusqu’où nous conduira votre fureur de tout détruire ?

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement ! Vous êtes des pyromanes !

    Mme Clémentine Autain

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    À quel extrémisme en êtes-vous réduits pour camoufler votre forfaiture ? Afin d’écraser le choix du peuple et de ses représentants, vous avez fait les poubelles de la Ve République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Véronique Louwagie

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    Comment pouvez-vous parler ainsi ?

    Mme Clémentine Autain

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    Où est la démocratie, chers collègues, quand les mensonges se succèdent pour défendre l’indéfendable ?

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Après moi le déluge, c’est ça, la démocratie ?

    M. Laurent Croizier

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    Ne parlez pas de démocratie : vous ne savez pas ce que c’est !

    Mme Clémentine Autain

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    Où est la démocratie quand la position adoptée par tous les syndicats est enterrée, le droit élémentaire de manifester remis en cause, quand l’Assemblée nationale ne peut même pas donner son avis ? Où est la démocratie quand est bafoué le droit constitutionnel, pour les députés, d’amender les textes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Quand les représentants du peuple sont privés de vote, et par conséquent de leur prérogative : faire et défaire la loi ? Où est la démocratie, surtout, lorsque le point de vue majoritaire est nié, piétiné, écrasé ? C’est pourquoi nous réaffirmons avec force notre détermination à abroger votre loi, qui abîme la vie concrète, matérielle, sensible, de millions de nos concitoyens (Mêmes mouvements),…

    M. Bruno Millienne

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    Vous n’abrogez pas la loi, madame, vous ne l’abrogez pas !

    Mme Clémentine Autain

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    …et à bâtir une VIe République pour rétablir la confiance entre eux et leurs représentants, pour que cesse la tyrannie à l’encontre du plus grand nombre. (Mêmes mouvements.)
    À celles et ceux qui nous regardent et qui, voyant s’amonceler les nuages, perçoivent la gravité du moment, je dis avec confiance, haut et clair, en citant Jean Jaurès, un homme qui savait ce que République veut dire : « Nous savons par une expérience […] qui s’appelle la Révolution française qu’il ne faut jamais désespérer, et qu’un jour ou l’autre, dans notre pays de France, la grandeur des événements répond à la grandeur de la pensée. » Mes chers collègues, ce jour se rapproche ! (Les députés des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES ainsi que plusieurs députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – M. Olivier Serva applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    Mme Caroline Parmentier

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    Les Républicains vont faire 3 % aux élections européennes, et ils l’auront bien cherché !

    M. Philippe Juvin

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    Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous y revoilà donc : vous voulez, chers collègues, revenir sur la loi. Il est vrai qu’elle est imparfaite. Ce n’est pas le texte que nous aurions proposé,…

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il fallait vous mettre d’accord !

    M. Philippe Juvin

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    …qu’il s’agisse de la méthode, car mieux vaudrait le dialogue social, ou du fond, car il importe de compléter la répartition par une dose de capitalisation collective, une prise en compte des carrières pénibles, une vraie politique familiale – et pourquoi pas une retraite à la carte, c’est-à-dire la liberté laissée à chacun de partir plus tôt ou plus tard, en en assumant les conséquences financières. Par conséquent, je le répète, la loi est imparfaite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Aurélien Pradié

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    Bravo !

    M. Philippe Juvin

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    Néanmoins, permettez-moi de vous dire que le pire aurait été l’absence de loi – ce que vous proposez, puisque vous entendez rétablir la retraite à 62 ans. En cas d’adoption du texte initial de votre proposition de loi, un agent de catégorie C de la fonction publique territoriale, né après 1980, serait parti avec une pension inférieure au seuil de pauvreté, chose inacceptable : il fallait donc légiférer.
    Analysons à présent votre proposition originelle. Premièrement, en termes de pure logique politique, je suis désolé de vous dire…

    M. Benjamin Lucas

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    Vous avez raison d’être désolés !

    M. Philippe Juvin

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    …que, parmi les gens qui vous soutiennent, certains étaient récemment encore favorables à la retraite à 65 ans. Chacun est certes libre de changer d’avis, mais j’ai tout de même du mal à comprendre ce grand écart ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.)
    Deuxièmement, monsieur le rapporteur, votre solution est illogique. Comment voulez-vous continuer sans rien changer, en faisant financer les pensions de retraite par les actifs, alors qu’il y a chaque jour moins d’actifs et plus de retraités ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Un système par répartition repose d’abord sur la démographie. Sinon, cela s’appelle de la magie !
    Troisièmement, pour les Français, votre proposition est ruineuse. Maintenir à 62 ans l’âge de la retraite nous coûterait 11 milliards d’euros en 2026, 17 milliards en 2032. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Ces milliards, qui les paierait ? Vous ne le dites pas : vous vous contentez – tenez-vous bien ! – d’évoquer, avec une folle audace, une conférence de financement. Votez 62 ans, mesdames et messieurs, vous repasserez pour la note !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Très bien !

    M. Philippe Juvin

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    Il est pourtant facile de savoir qui aurait payé : soit les retraités, soit les actifs,…

    Mme Marina Ferrari

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    Eh oui !

    M. Philippe Juvin

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    …soit, ce qui marche toujours, les entreprises ou les riches – ou les deux, puisque l’on ne sait jamais quelle est la différence. Comme s’il n’existait aucune relation entre taxation des entreprises, taux d’emploi et richesse du pays ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RE.) Nous, députés du groupe Les Républicains, sommes à l’opposé de ce point de vue : qu’ils frappent les retraités, les actifs ou les entreprises, nous refusons d’augmenter les prélèvements obligatoires ; nous voulons au contraire les baisser. (Brouhaha.)

    Mme Frédérique Meunier

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    Écoutez l’orateur !

    M. Philippe Juvin

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    Quatrièmement, enfin, ce débat en cache un autre, touchant la quantité de travail que le pays peut fournir en vue de financer les retraites. Or il y a un fait dont personne ne parle : je ne connais pas un commerçant, un artisan, une PME, pas un hôpital ou un Ehpad qui, même dans vos circonscriptions, ne peine pas à embaucher. Nous avons 5 millions de chômeurs et personne pour travailler ! (M. Olivier Marleix applaudit.) Dans ce contexte, que proposez-vous ? De travailler moins ! Nous, Les Républicains, pensons exactement le contraire : si nous voulons garder le même pouvoir d’achat, il faut, collectivement, travailler davantage ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.) C’est pourquoi, à ceux qui ne travaillent pas, nous préférerons toujours ceux qui travaillent, car ce sont eux qui financent les retraites. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, RE et Dem.)

    Un député du groupe GDR-NUPES

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    Vous travaillez comme Penelope Fillon !

    M. Philippe Juvin

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    Encore une fois, nous ne croyons pas à la magie : le départ à 62 ans sans aucune contrepartie, ça ne fonctionne pas. J’espère achever de vous en convaincre en citant un ancien président de la République : « Le repoussement – c’est le mot qu’il employait – de l’âge de la retraite est nécessaire pour faire face aux défis démographiques et économiques auxquels nos sociétés sont confrontées. C’est une mesure de responsabilité et de durabilité. » Vous aurez reconnu François Hollande ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. André Chassaigne

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    On va avoir du libéralisme !

    M. Philippe Vigier

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    Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, ce matin, c’est l’heure de vérité.

    M. Benjamin Lucas

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    Le ministre est un menteur !

    M. Philippe Vigier

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    Il s’agit de sauver notre système par répartition, où ceux qui travaillent financent les retraites de ceux qui ont travaillé. Avec l’Agirc-Arrco, les partenaires sociaux ont montré la voie, expliquant que le départ à 62 ans était désormais intenable et demandant que les pensions soient minorées de 10 % pendant trois ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Chacun connaît les problèmes liés à la démographie, aux petites retraites, aux carrières hachées, à celles des femmes.

    M. Benjamin Lucas

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    Au vote ! Au vote !

    M. Philippe Vigier

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    Le courage consiste à agir et à dire la vérité.

    Mme Caroline Parmentier

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    En écrasant le Parlement ?

    M. Philippe Vigier

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    Je vous la dis : vous avez menti, tronqué le débat démocratique en déposant quelque 20 000 amendements, parce que Mélenchon, le guide suprême, vous a enjoint de le faire ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.) Le courage consiste à rappeler que nous avons débattu durant 175 heures, c’est-à-dire plus longuement que jamais : vous le niez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Le courage, monsieur Coquerel, qui n’êtes malheureusement plus dans l’hémicycle, c’est d’appliquer l’article 40 de la Constitution – vous le faites bien pour les textes financiers – y compris à cette proposition de loi que vous soutenez. Vous n’avez pas le droit de vous arroger le pouvoir de nier la Constitution ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Changez le nom de votre groupe : vous n’êtes plus démocrates !

    M. Philippe Vigier

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    Le courage, c’est de prévenir les Français qui nous regardent que, de toute manière, jamais cette proposition de loi ne franchirait l’étape du Sénat (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem),…

    Mme Élodie Jacquier-Laforge

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    Eh oui !

    M. Philippe Vigier

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    …ni celle du Conseil constitutionnel. Cessez donc de mentir, de donner au peuple de faux espoirs !
    Les membres du groupe LIOT, malheureusement, ne sont pas en nombre pour m’entendre, mais j’aperçois sur les bancs des commissions le rapporteur du texte, Charles de Courson, qui m’a formé – Charles de Courson, qui prônait une retraite à taux plein à l’âge de 65 ans (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem) et qui, en 2013, cosignait avec moi des amendements visant à repousser l’âge de départ à 64 ans à l’horizon 2020 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    M. Maxime Minot

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    En matière de manque de convictions, tu t’y connais !

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Charles de Courson est un démocrate !

    M. Benjamin Lucas

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    Que proposait Dussopt en 2012 ?

    M. Philippe Vigier

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    Charles de Courson, qui m’a déclaré un jour que ne pas agir serait bafouer la démocratie ! Pendant la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon était en quête de son hologramme. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Celui-ci a désormais un nom et un visage (Mme Émilie Bonnivard désigne M. le rapporteur) : Charles de Courson ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR, dont certains membres se lèvent. – M. le rapporteur sourit.)
    La vérité, je le répète, c’est que vous mentez aux Français. Oui ou non, mesdames et messieurs les députés de la NUPES, ce texte vise-t-il à rétablir la retraite à 60 ans ?

    M. Manuel Bompard

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    Oui !

    M. Philippe Vigier

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    Non, la réforme Touraine le rend impossible. Mensonge ! Oui ou non, tend-il à rétablir les régimes spéciaux ?

    M. Manuel Bompard et M. Sébastien Jumel

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    Oui, oui !

    M. Philippe Vigier

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    Non, vous mentez au peuple. Mensonge ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Comble de l’hypocrisie, chers collègues, nous avons mis sur la table 7 milliards d’euros destinés aux femmes, aux travailleurs à la carrière hachée, aux pompiers, aux aidants : ces milliards, vous les garderiez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Sébastien Jumel

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    Porteur d’eau !

    M. Philippe Vigier

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    Reste la grande muette : ceux qui ne sont pas là, qui se drapent dans leur vertu, Mme Le Pen s’étant bornée, dans son programme présidentiel, à promettre de revaloriser les petites retraites. On ne sait pas lesquelles, on ne sait pas de combien ; pas vu, pas pris, impeccable !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il faudrait apprendre à lire !

    M. Philippe Vigier

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    Dans un amendement formidable, le Rassemblement national nous explique que, lorsque l’on a commencé à travailler à 24 ans, il faudrait cotiser quarante-deux ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Cela donne un départ à 66 ans ! Vous êtes démasqués ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Eh oui !

    M. Philippe Vigier

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    Le choix est simple, mes chers collègues.
    Vous avez devant vous le chemin de la Mélenchonie, celui où l’on n’accepte pas le verdict de l’élection présidentielle, où M. Mélenchon est arrivé troisième. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Vous, vous n’acceptez pas le verdict des élections législatives : la composition de l’Assemblée !

    M. Philippe Vigier

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    C’est cela qui fait tout bloquer, qui a égaré mon pauvre Charles de Courson, lequel n’ignore pas l’affection que j’ai pour lui. La Mélenchonie, ce sont 2 000 amendements déposés en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
    Vous avez devant vous le chemin du Rassemblement national – je constate que sa présidente n’est pas là – qui pourrait désormais porter un autre nom : le Renoncement national. Ne rien faire pour que tout soit fait ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Vous l’aurez compris, chers collègues, le blocage, c’est vous, l’action, c’est nous ; le mensonge, c’est vous, la vérité, même difficile à dire, c’est nous !

    M. Emeric Salmon

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    L’avenir, c’est nous !

    M. Philippe Vigier

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    Nous nous opposerons à ce texte, et les Français qui nous regardent auront été témoins de vos mensonges ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, dont de nombreux membres se lèvent.)

    M. Benjamin Lucas

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    Un mauvais acteur !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Bruno Millienne

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    Vive la réforme Touraine !

    M. Boris Vallaud

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    Vous aurez donc manqué, collègues de la majorité relative, mesdames et messieurs du Gouvernement, madame la présidente de l’Assemblée, de ce type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire, de code moral dont parlait Pierre Mendès France à propos de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Bruno Millienne

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    Vous avez tout renié !

    M. Boris Vallaud

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    Vous aurez été incapables d’inventer ce parlementarisme de fait, issu des urnes, dont les Français nous avaient confié le sort ; ce parlement nouveau, pluraliste, dans lequel les majorités étaient à inventer. Par la pratique solitaire du pouvoir du Président de la République et par la vôtre, partiale, vous avez achevé d’épuiser une Ve République plus que jamais à bout de souffle (Mêmes mouvements), pathologiquement défavorable à la concertation et aux compromis. Vous aurez transformé l’Assemblée nationale – particulièrement vous, madame la présidente – en corps docile du président Macron (Mêmes mouvements) au mépris de la séparation des pouvoirs et, en définitive, en machine à trahir le peuple. Le parlementarisme rationalisé nous entravait ; avec vous, le parlementarisme caporalisé nous asservit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Arthur Delaporte

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    Eh oui !

    M. Laurent Croizier

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    Venant de la roue de secours de Mélenchon, c’est quand même drôle !

    M. Boris Vallaud

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    Depuis des mois, vous avez fait le choix du mépris comme mode de gouvernement. Vous avez préféré l’esquive au vote de cette assemblée, le mensonge au débat de fond, l’intimidation au respect des oppositions et de leurs droits, la manœuvre à la tradition républicaine. En définitive, vous avez fait le choix, lâche et médiocre, de la fuite et du coup de force. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) La brutalité des fins – cette réforme des retraites dont personne ne veut et que nous pouvions abolir dans un geste d’apaisement, le vote de la représentation nationale – justifie-t-elle vraiment les moyens que vous avez déployés jusqu’à ce jour ? Je crains, mes chers collègues, que vous n’ayez instillé un poison funeste au-delà de vous-mêmes, au-delà de ce quinquennat, au-delà de cet hémicycle.

    M. Bruno Millienne

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    C’est vous qui vous êtes reniés !

    M. Boris Vallaud

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    Notre République est historiquement aimantée par deux idées exigeantes, la poursuite de l’égalité et la promesse d’émancipation. Voilà pourquoi il n’y a pas de république véritable qui ne soit sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Mathieu applaudit également.) Voilà pourquoi la critique des injustices et la dénonciation des inégalités se confondent toujours avec le débat démocratique. Voilà pourquoi combattre l’injustice, c’est défendre la démocratie et pourquoi défendre la démocratie, c’est toujours combattre l’injustice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La crise sociale qui s’est exprimée durant des mois est bien plus profonde dans ses sources et bien plus durable dans ses conséquences que votre seule réforme des retraites. C’est la révolte du monde du travail, des classes populaires laborieuses.

    M. Bruno Millienne

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    Que vous avez abandonnées depuis longtemps.

    M. Boris Vallaud

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    C’est une quête du sens perdu du travail, de la place de l’homme, de notre rapport au monde, aux choses et aux autres. Si vous n’êtes pas cyniques, c’est donc que vous êtes sourds et que vous n’avez rien compris : le pays est malade et le mal qui l’épuise, c’est l’injustice.

    M. Bruno Millienne

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    Si vous aviez compris, vous seriez au pouvoir.

    M. Boris Vallaud

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    Nous sommes entrés ici veillés, en héritage, par deux compagnons : la justice et la démocratie. Vous avez brutalisé l’une et méprisé l’autre. Ne le sentez-vous pas ? Ce qui se joue ici est infiniment plus grand que nous, alors que partout dans le monde sourd la contestation de la démocratie et de l’État de droit ; alors que dans nos démocraties mêmes, jusque dans cet hémicycle désormais, la tentation autoritaire paraît plus que jamais avoir la force sociale et l’organisation politique pour prospérer ; alors que l’emballement de la défiance est partout. Ne sentez-vous pas que ce qui se joue ici, c’est une certaine idée de la démocratie et de sa permanence, qui s’accommode mal des détournements de procédure et des abus de pouvoir ?

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement.

    M. Boris Vallaud

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    Songez-y. Que dirions-nous d’un pouvoir choisissant les voies les plus expéditives et les procédures les moins adaptées pour imposer sans vote une réforme telle que celle-ci, d’une ampleur considérable, parce que le compte n’y serait pas, et qui décréterait sans autre motif la fin du processus démocratique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Que dirions-nous d’un gouvernement qui demeurerait sourd aux revendications des organisations syndicales et obstinément aveugle aux manifestations de millions de ses concitoyens pendant des semaines, pendant des mois ? Que penserait-on des pressions exercées sur le président de la commission des finances issu de l’opposition – et dont je salue le travail – pour l’empêcher justement d’exercer sa mission ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Yannick Monnet applaudit également.)
    Que dirions-nous si vous vous accommodiez de la Constitution pour vous opposer à des pratiques jamais démenties, aux droits de l’opposition, au droit d’amendement et, en définitive, à l’expression de notre souveraineté nationale ? Vous diriez quant à vous que ça n’est pas normal et vous auriez raison. Vous diriez que décidément, la démocratie manque de démocrates, que les démocrates parfois manquent à la démocratie, et vous auriez raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Collègues de la majorité, mesdames et messieurs du Gouvernement, madame la présidente de l’Assemblée, votre obstination pave le chemin mauvais qu’ont emprunté ailleurs les ennemis de la démocratie. Il en coûtera cher sur le plan politique et social, plus cher que les économies que vous escomptez. Pour ce qui nous concerne, nous connaissons notre devoir et nous ne renoncerons jamais à l’accomplir. Nous abrogerons cette réforme, nous défendrons la démocratie. Vous avez manqué à votre devoir, chers collègues, et vous avez manqué à la démocratie ! (Les députés des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que M. Jean-Louis Bricout, se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs autres bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, nous discutons ce matin de la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe LIOT dans le cadre de leur journée de niche parlementaire, preuve s’il en est qu’il n’y a pas eu d’obstruction à son examen ni de déni de démocratie comme nous avons pu l’entendre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) – mais j’y reviendrai, rassurez-vous !

    M. Benjamin Lucas

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    Vous aussi, à la niche !

    M. Paul Christophe

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    S’il avait l’ambition, dans son article 1er, d’abroger le recul de l’âge effectif de départ à la retraite, ce texte nous permet de souligner un premier constat : oui, notre système de retraite par répartition est déficitaire. Pour l’équilibrer…

    M. Emeric Salmon

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    Cette réforme ne l’équilibrera pas.

    M. Paul Christophe

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    …face au déficit démographique croissant, nous avons fait le choix de ne pas augmenter les cotisations pour ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des salariés. Nous n’avons pas voulu non plus baisser les pensions, pour ne pas diminuer les revenus des retraités. En conséquence, comme nos voisins européens avant nous, nous réaffirmons notre choix – un choix nécessaire –  de travailler plus longtemps. Il paraît utile de rappeler que les mêmes effets négatifs de l’évolution démographique ont été constatés sur l’autre système de retraite par répartition, le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire des salariés du privé. Notons que confrontés eux aussi à une perspective déficitaire, les syndicats qui le cogèrent ont fait le choix, il n’y a pas si longtemps, d’un recul de l’âge de la décote.
    Votre proposition de loi, chers collègues, dénaturait l’esprit de la réforme en abrogeant les mesures d’équilibre tout en maintenant les mesures de progrès social que nous avons défendues en réparation d’injustices héritées du passé. C’est l’occasion de le rappeler : oui, notre réforme porte réparation, à hauteur de 7 milliards d’euros, de situations injustes héritées du passé. Votre proposition face au déficit consistait à supprimer les recettes et à garder les dépenses supplémentaires : franchement, on a connu mieux en matière de sérieux et d’équilibre budgétaires !
    La semaine dernière, à l’issue d’un vote de l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, nous avons majoritairement voté la suppression du premier article de cette proposition de loi, qui abrogeait le recul de l’âge de départ à la retraite. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    En supprimant des amendements !

    M. Paul Christophe

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    C’est l’occasion de tordre le cou aux éléments de langage entendus dans tous les médias, évoquant un déni de démocratie. La réforme des retraites a fait l’objet d’un vote favorable en CMP.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Pas dans l’hémicycle !

    M. Paul Christophe

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    Puis les députés opposés à la réforme ont soutenu une motion de censure du Gouvernement ici même, appelant à en faire un vote contre la réforme des retraites. Vous avez perdu ce vote, chers collègues !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Vous avez perdu la face !

    M. Benjamin Lucas

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    Pyromanes !

    M. Paul Christophe

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    Mercredi dernier, enfin, votre article proposant l’abrogation de la réforme a été soumis au vote, et vous avez encore perdu ! Nous avons donc eu trois votes et vous avez subi trois défaites. Oui, je sais, cela peut être douloureux. Mais je comprends mieux les propos de notre collègue Hadrien Clouet qui assumait avant-hier sur La Chaîne parlementaire, lors d’un débat auquel nous participions tous deux, la crainte du clan LFI d’aller au vote sur l’article 7 de la réforme – celui qui portait l’âge de départ à 64 ans –, justifiant ainsi la stratégie d’obstruction menée en première lecture à l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit également.) C’est sans doute ce que vous appelez la peur du vote.

    M. Arnaud Le Gall

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    Vous êtes servis !

    M. Paul Christophe

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    Ceci dit, je comprends votre frustration de ne pouvoir réintroduire votre mesure phare par amendement. Mais nous avons tous déjà vu l’article 40 s’appliquer à nos amendements ; nous connaissons tous la règle qui veut que le critère crédible et réel du gage, exigé par la Constitution, soit rempli – il ne l’était pas. La même application est régulièrement observée ; nous avons tous eu à la vivre, voire à nous en plaindre. Rien de nouveau ! En tout cas, ce n’est sans doute pas une surprise pour le rapporteur, élu depuis trente ans, deux mois et six jours. Cher Charles de Courson, vous défendiez encore il y a peu, avec la même force, le départ à la retraite à 65 ans et un retour à l’équilibre des finances de l’État.

    M. Thierry Benoit

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    Absolument !

    M. Paul Christophe

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    Votre proposition dangereusement simpliste relève d’une manœuvre politique de nature à mentir à nos concitoyens.
    À propos de mensonges, j’entends ceux qui proposent, comme solution de financement, de taxer le capitalisme, tout en voulant sortir du capitalisme ; de profiter de la croissance tout en prônant la décroissance ; d’utiliser la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qu’ils veulent déjà détourner pour financer l’autonomie ou la transition écologique. Ce n’est pas sérieux !

    M. Arnaud Le Gall

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    Donnez des exemples, soyez concret !

    M. Paul Christophe

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    Mes chers collègues, place à l’apaisement. Notre pays en a besoin. Très prochainement, d’autres grands projets de loi seront étudiés, tels que celui relatif au partage de la valeur en entreprise ou celui pour le plein emploi.

    M. Sébastien Delogu

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    Démissionnez !

    M. Paul Christophe

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    Ce sont autant d’occasions qui nous sont données pour réfléchir collectivement aux conditions de travail, aux nouvelles aspirations des Français, des salariés et des entreprises, aux métiers en tension et à l’amélioration du quotidien au travail. Saisissons-les ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Mes chers collègues, lorsque les gilets jaunes se sont révoltés et ont occupé les ronds-points, lorsqu’ils ont demandé que l’on réfléchisse à une démocratie directe, ouverte,…

    Mme Émilie Bonnivard

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    Les gilets jaunes protestaient contre la fiscalité sur les carburants !

    Mme Sandrine Rousseau

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    …vous avez répondu en envoyant des policiers qui tiraient au lanceur de balles de défense (LBD) à hauteur de visage. Le sang, les larmes, les yeux perdus sont alors devenus quotidiens. Lorsque vous avez transformé cela en un grand débat qui n’était en fait qu’une mise en scène grotesque d’un dirigeant seul face au peuple, nous avons eu honte. Lorsque les lycéens ont protesté contre la réforme de l’éducation nationale, vous les avez agenouillés, mains sur la tête, entourés de policiers ; nous nous sommes alors offusqués.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Lorsque le covid est arrivé en France, vous avez imposé une gestion de la crise par un dirigeant omniscient, sans les institutions, dans le secret d’un conseil de défense. Vous avez publié des décrets d’exception, déclaré des états d’urgence sanitaire sans la démocratie ; nous avons concédé en renonçant, au nom de la préservation de notre santé, à des espaces de liberté démocratique et citoyenne.
    Lorsque la réforme des retraites est arrivée, vous avez tenté de nous convaincre qu’un homme, toujours seul, savait ce qui était bon pour le peuple – mieux que tous les syndicats unis et représentatifs de ce pays, mieux que le peuple lui-même. Vous avez dit que le Président avait fixé un cap, qu’il fallait le suivre, peu importe le rejet massif du texte ; nous avons alors battu le pavé. Quand le texte est arrivé à l’Assemblée, que les députés ont fait savoir qu’ils ne vous suivraient pas, qu’ils ne le voteraient pas, vous avez sorti le 49.3 comme la victoire d’un homme seul contre la représentation nationale ; nous avons alors été en colère. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
    Quand le texte est ensuite allé au Sénat, que les sénateurs et sénatrices se sont inquiétés de ses conséquences, vous avez utilisé le 44.3, le vote bloqué : le Président n’avait pas la patience pour les discussions et les palabres que la démocratie impose.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vingt mille amendements d’obstruction !

    Mme Sandrine Rousseau

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    Nous nous sommes alors interrogés : jusqu’où ira-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
    Quand le groupe LIOT utilise sa niche pour poser un texte d’abrogation afin que l’Assemblée puisse enfin voter…

    Mme Marina Ferrari

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    Quel sérieux, en une journée !

    Mme Sandrine Rousseau

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    …vous dégainez l’article 40 !
    La présidente de l’Assemblée nationale a un temps résisté mais elle n’a pas tenu bien longtemps contre la volonté d’un homme seul, sacrifiant au passage le rôle de l’institution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Le Président n’a pas le droit d’entrer dans l’Assemblée nationale, pour respecter la séparation des pouvoirs. Il n’en a plus besoin : il s’est assuré la servilité d’un perchoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Emeric Salmon

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    Il ne fallait pas voter pour lui !

    Mme Sandrine Rousseau

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    Il est donc là, le fanfaron de l’Elysée, régnant sur une république et une démocratie abîmées, déformées, amputées de leurs contre-pouvoirs !

    Mme Stéphanie Rist

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    C’est scandaleux.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Mais cette crise-là n’est qu’un début. Ce qui arrive est bien pire : la crise écologique et sociale éprouvera l’édifice et la structure de notre société. Ce que vous nous vendez, c’est l’idée qu’un régime autoritaire sera seul à même de gérer ce qui vient. Alors je prends les mots de Victor Hugo : « Ce que je viens faire ici ? Je viens être terrible. Je suis un monstre, dites vous. Non, je suis le peuple. Je suis une exception ? Non, je suis tout le monde. L’exception, c’est vous. » Ces mots sont tirés de L’Homme qui rit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Le peuple français aujourd’hui ne rit pas du tout, mais cela ne saurait durer. Nous sommes là, en défense de cette démocratie.

    M. Bruno Millienne

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    Eh ben, c’est pas gagné…

    Mme Sandrine Rousseau

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    Elle est forte, elle est puissante, et elle vous survivra ! (Les députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES, plusieurs députés du groupe SOC et M. Bertrand Pancher se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs autres bancs du groupe LIOT.)

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Ce que j’ai entendu à l’instant était une mise en cause…

    M. Sébastien Jumel

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    Sur la base de quel article ?

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    …injurieuse de la présidente de cette assemblée. Je m’exprime donc au titre de l’article 70 du règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – Mme Émilie Bonnivard applaudit aussi.)
    Accuser la présidente de notre institution de servilité est une injure ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Sandrine Rousseau

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    J’ai parlé de servilité du perchoir !

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    On ne défendra la Constitution qu’à la condition de respecter les personnes à qui on a confié une charge, qu’il s’agisse du Président de la République, des ministres ou de la présidente de l’Assemblée nationale. (Les députés des groupes Dem et RE se lèvent et applaudissent. – Mme Marie-Christine Dalloz applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur le président.
    La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.

    Mme Mathilde Panot

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    Également sur la base de l’article 70. Vous êtes plusieurs à vous émouvoir, à vous dire choqués que nous ne nous soyons pas levés lorsque la présidente est arrivée dans l’hémicycle,…

    Mme Anne Le Hénanff

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    Eh oui !

    Mme Mathilde Panot

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    …que Clémentine Autain – crime de lèse-majesté – ne l’ait pas saluée à la tribune.

    M. Paul Christophe

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    Honteux !

    M. Laurent Croizier

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    Scandaleux !

    Mme Mathilde Panot

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    Ce qui nous choque, nous, c’est la mise en cause du président de la commission des finances, Éric Coquerel, c’est le coup de force contre la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Ce qui nous choque, c’est que vous ayez cédé, madame la présidente, aux intimidations et aux menaces du Président de la République. Vous n’êtes plus la garante de la séparation des pouvoirs ! (Mêmes mouvements.) Ce qui nous choque, c’est que 15 000 personnes, parce que vous empêchez le vote, ne vivront pas un seul jour de leur retraite ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Était-ce un rappel au règlement ? Je ne le crois pas.

    Discussion générale (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, merci de me donner la parole. J’ai le sentiment très désagréable d’avoir été convoqué à une réunion du Cercle des amis du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Ce jour est un jour de vérité, ce jour est un jour de gravité, c’est un jour de vertige pour la République. Nous sommes là pour délibérer et nous ne délibérerons pas. Nous sommes là pour faire la loi et nous ne la ferons pas. Nous sommes là pour voter et nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Les amis du Président en ont décidé ainsi. Les amis du Président ont supplié qu’on les prive de leurs droits, réclamé qu’on les dispense de leurs missions, imploré qu’on limite leur pouvoir et celui de l’Assemblée nationale tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES – M. Bertrand Pancher applaudit également.)
    Les amis du Président savent que si cette assemblée vote, ils essuieront un revers cinglant. Ils ne veulent pas que cela se sache, que cela se voie. Certains n’arrivent même pas à se l’avouer. Alors ils se racontent une fable.

    M. Bruno Millienne

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    Allez écouter le peuple !

    M. Pierre Dharréville

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    Ils seraient les héros dressés face à l’adversité, les prophètes dressés contre leur pays, la victime dressée contre l’agresseur. En reprochant aux députés de vouloir se défendre, ils vous feraient presque oublier qu’ils veulent vous voler vos meilleures années de retraite et qu’ils ont mené depuis six ans la politique de la finance, des actionnaires et de leurs cabinets de conseil. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    La vérité est très simple : le gouvernement a coché toutes les cases. Il a décidé dès le départ qu’il passerait en force, contre les organisations syndicales, contre la volonté populaire, contre le Parlement. À chaque étape, il a trouvé un nouvel artifice pour s’en sortir. Et cette loi n’a jamais été votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Nous avions l’occasion de nous prononcer sur l’article central de la loi. Il fallait donc tordre les règles et les usages pour empêcher cela. Ce fut fait en commission, où vous êtes majoritaires, contrairement à l’hémicycle. C’est désormais chose faite ici. Jamais l’article 40 n’avait été mobilisé ainsi pour empêcher une loi d’initiative parlementaire.

    M. Benjamin Lucas

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    Forfaiture !

    M. Pierre Dharréville

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    C’est la politique du « quoi qu’il en coûte », de la terre brûlée. Prêts à tout, en voulant nous déclarer illégitimes, ils se délégitiment eux-mêmes.
    Ce qui se joue va bien au-delà de cette proposition de loi. Cela veut dire que l’essentiel de l’initiative des lois devrait se concentrer plus encore entre les mains de l’exécutif. Cela signifie qu’on veut cantonner le Parlement à des initiatives symboliques, qu’on choisit de l’abaisser encore davantage.
    Nous devrions nous soumettre et enregistrer sagement les propositions concoctées par le Gouvernement sous la dictée du Président de la République. Ce qui est en train de se passer est extrêmement grave. Ce que nous défendons, en défendant le droit des parlementaires et du Parlement, c’est la vitalité démocratique.
    Ce qui est en train de se passer ici est l’un des symptômes d’une crise démocratique profonde. Depuis longtemps, cette majorité aurait dû prendre acte que sa réforme n’avait pas l’assentiment du pays. On ne triche pas impunément avec la République. Cet acharnement est en train d’abîmer la confiance dans la République, que nous chérissons avec ses valeurs révolutionnaires, et dont les derniers épisodes nous montrent à quel point elle doit être transformée.
    J’éprouve un profond sentiment de révolte parce qu’avec moi, c’est tout un peuple que cette majorité essaye de faire renoncer. Quand on prend le Parlement pour un paillasson, c’est sur le peuple qu’on s’essuie les pieds. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – M. Emmanuel Taché de la Pagerie applaudit aussi.)
    C’est avec dignité que nous nous tenons ici pour incarner de notre mieux la dignité populaire, la dignité humaine. En s’attaquant à ce droit si emblématique d’une société solidaire – la retraite – les amis du Président ont voulu faire plier le monde du travail et le mouvement social, ils ont voulu faire plier la gauche, ils ont voulu plier l’espoir en un monde plus juste. Nous leur refusons le droit de se revendiquer de la République pour accomplir ces méfaits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Nous n’acceptons ni cette loi injuste et injustifiable ni le déni de démocratie qui l’escorte. Dès que possible, elle devra être abrogée.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Elle le sera en 2027, quand Marine Le Pen sera au pouvoir !

    M. Pierre Dharréville

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    Nous sommes inquiets parce que ces choix, ces comportements peuvent nourrir les réactions antirépublicaines ; l’extrême droite menaçante essaye d’en profiter pour tromper le peuple.
    Mais quelque chose est né. C’est une bataille de longue haleine qui est engagée contre les forces de l’argent, prêtes à abîmer beaucoup de choses pour arriver à leurs fins. Ce que le peuple a fait, ce qui a été dit, change la donne. Ce dont il rêve, nous voulons le mettre à l’ordre du jour, avec lui. Tel est le sens de notre présence, dans ce moment qui n’a pas de sens !
    Cette bataille politique, les amis du Président l’ont définitivement perdue ; le geste qu’ils se sentent obligés d’accomplir aujourd’hui en témoigne. Ils entendent poursuivre leurs œuvres. Continuons à leur tenir tête et à proposer, pour connaître des jours qui n’auront pas ce goût amer. Vive le droit à la retraite, vive la République démocratique, écologique et sociale ! (Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES s’exclament ensuite et désignent Mme Mathilde Panot qui brandit le règlement.)

    Mme Mathilde Panot

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    J’ai demandé la parole pour un rappel au règlement !

    Mme la présidente

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    Je ne vous ai pas vue.

    Mme Mathilde Panot

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    Bien sûr !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Je l’ai demandée pour un rappel au règlement, madame la présidente. Mais avant toute chose, je voudrais dire l’émotion de mon groupe – partagée par l’ensemble de notre assemblée – face à l’attaque au couteau qui a blessé six enfants en bas âge, à Annecy.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir pris les devants. Je souhaitais intervenir à la fin de la discussion générale. Nous avons peu d’éléments d’information sur cette attaque, qui s’est déroulée à Annecy et a fait plusieurs blessés, sinon que l’assaillant a été neutralisé et interpellé. La Première ministre se rend sur les lieux. De très jeunes enfants sont en état d’urgence absolue.
    Je vous invite à respecter une minute de silence pour eux, pour leurs familles. Nous espérons que cette attaque gravissime n’endeuillera pas la nation. (Mmes et MM. les députés et M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion se lèvent et observent une minute de silence.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.

    Mme Mathilde Panot

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    Au titre de l’article 89, alinéa 6, qui dispose qu’en cas d’irrecevabilité d’une proposition de loi ou d’un amendement, le député qui en est l’auteur peut demander une explication écrite de cette irrecevabilité.
    Les groupes de la NUPES ont demandé des explications écrites sur l’irrecevabilité de tous leurs amendements à l’article 1er. Nous comprenons d’autant moins que, je le redis, les amendements d’objectifs, lors de l’examen en commission du projet de loi de réforme des retraites au mois de février, avaient été jugés recevables.
    L’examen des articles de cette proposition de loi débutera bientôt, mais nous ne pouvons continuer nos travaux sans avoir reçu ces explications.

    M. Benjamin Lucas

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    Demandons à Macron de les donner !

    Mme Mathilde Panot

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    Je vous demande de réunir le bureau afin qu’on nous explique, amendement par amendement, pourquoi ils ont été jugés irrecevables, sans fondement juridique et au mépris de la jurisprudence de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Discussion générale (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher Charles, chers collègues, c’est avec émotion que je prends la parole après cette terrible nouvelle.
    Cela fait désormais six ans que je siège dans cette assemblée et six ans que je suis ce qu’on appelle un député de l’opposition. En démocratie, appartenir à l’opposition, c’est l’école de l’humilité ; c’est accepter de gagner parfois, de perdre très souvent ; c’est accepter que le fait démocratique est motivé par la création d’une majorité.
    Je crois, monsieur le ministre, que vous avez gardé les mauvaises habitudes de l’époque où votre camp détenait la majorité absolue. Le temps où vous pouviez vous affranchir de la culture du compromis est révolu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La minorité présidentielle doit, tout comme nous, accepter l’idée de pouvoir perdre.
    Vous avez dit des députés du groupe LIOT qu’en s’opposant à la réforme des retraites, ils étaient irresponsables. Ce qui est irresponsable, c’est d’avoir réduit à néant toute capacité de dialogue, d’avoir tué tout débat.
    Je le dis avec gravité : vous jouez à un jeu dangereux lorsque vous étouffez toute alternative crédible à vos idées, un jeu auquel seuls les extrêmes peuvent gagner.
    Vous avez employé tous les outils d’obstruction à votre disposition pour passer en force : les articles 47-1, 44.2, 44.3 ou encore 49.3 de la Constitution. Pire, vous avez contredit toutes les jurisprudences de notre institution.
    D’abord, en agitant le drapeau de l’irrecevabilité financière, au titre de l’article 40 de la Constitution, pour rejeter notre proposition de loi au motif qu’elle créerait de la dépense publique. C’est pourtant le cas de toutes les propositions de loi, y compris celles que votre camp dépose, comme la proposition de loi « bien vieillir » que vous avez gagée, vous aussi, sur la hausse du prix du tabac. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Ensuite, en déclarant irrecevable l’amendement de rétablissement de l’article 1er, ce qui a vidé le texte de sa substance. C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que cela se produit.
    Enfin, en balayant nos derniers amendements pour nous empêcher d’en débattre. Créer de tels précédents n’est pas anodin. En écornant ainsi les droits des oppositions, vous abîmez profondément la démocratie.
    In fine, la réforme des retraites n’aura jamais été approuvée par le Parlement. Vous direz, et personne ne le niera, que la commission a voté le rejet de l’article 1er de cette proposition de loi. Mais un vote en commission n’est pas définitif ; c’est aujourd’hui, en séance publique, que nous aurions dû nous prononcer une bonne fois pour toutes. En empêchant cela, vous changez les règles de base de notre procédure législative, vous mettez à mal la séparation des pouvoirs, au profit d’un exécutif de plus en plus solitaire.
    Pour tenter de combler le déficit budgétaire, vous avez organisé la faillite parlementaire.
    Avec toute la solennité qu’appelle ce moment, je veux vous dire, monsieur le ministre, que la configuration de l’Assemblée vous obligeait à coconstruire, à dialoguer. Si les électeurs n’ont pas donné de majorité au Président de la République, ce n’est pas un hasard. Alors qu’il était particulièrement nécessaire de faire preuve de concertation sur cette réforme, vous avez fait tout l’inverse. Nous aurions souhaité une autre méthode. Si vous aviez accepté de faire des compromis, vous auriez pu trouver un vrai chemin démocratique.
    Une chose est certaine, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Alors, je le dis clairement au Gouvernement : en politique, il n’est jamais trop tard. Il n’est jamais trop tard pour éviter une crise de régime et redonner toute sa place au Parlement et à l’expression du peuple. Il est encore temps de saisir la main que nous vous tendons, celle du dialogue, de l’apaisement et du respect de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je n’ai cessé de le dire, je ne voulais pas de cette réforme. Soyons clairs, ce n’était pas le projet que je souhaitais. J’aurais aimé une réforme plus ambitieuse, plus audacieuse, qui aurait osé prendre à bras-le-corps les défauts structurels de notre système, une réforme sur laquelle on ne serait pas obligés de revenir dans trois ou quatre ans pour colmater les brèches, pour écluser les déficits. J’aurais préféré un autre projet, qui aurait d’abord procédé à certaines remises à plat en se penchant sur les régimes spéciaux, en introduisant une dose de capitalisation qui, bien calibrée, pourrait sauver notre régime par répartition, en fondant une politique nataliste digne de ce nom, en instaurant une véritable lutte contre les fraudes aux pensions versées à l’étranger, en prenant des mesures audacieuses sur la pénibilité et les fins de carrière, et j’en passe. Cela aurait été un préalable pour déterminer si, une fois toutes ces mesures prises, il était encore nécessaire d’allonger le temps de travail.
    Ce n’est pas la réforme que vous avez choisie. Néanmoins, une réforme des retraites était indispensable et ceux qui prétendent le contraire vous mentent. Avec 340 milliards d’euros, les retraites constituent de très loin le premier poste de dépenses publiques. C’est aussi celui qui progresse le plus.
    Votre réforme deviendra un symbole de l’échec présidentiel. Elle marque une véritable défaite politique de votre majorité. Elle incarne votre incapacité à convaincre de l’utilité, que dis-je, de la nécessité de réformer notre système à bout de souffle. Elle incarne également votre incroyable amateurisme qu’illustrent vos discours contradictoires sur les conséquences de la réforme pour les femmes, vos revirements sur la pension de 1 200 euros minimum, net puis brut, censée s’appliquer à « tout le monde », puis à 40 000 bénéficiaires et pour finir à « entre 10 000 et 20 000 ». Bravo pour la clarté ! Bravo pour les mensonges !
    Comme beaucoup, j’ai regretté l’utilisation de l’article 49.3 par le Gouvernement. Ce recours entame, c’est sûr, la légitimité de cette réforme. Pour être tout à fait honnête, rappelons toutefois que, s’il n’y a pas eu de vote en première lecture, c’est à cause des députés de la NUPES, plus particulièrement de ceux de La France insoumise qui ont fait de l’obstruction parlementaire afin de nous empêcher d’arriver au terme de ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    M. Benjamin Lucas

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    Et vous applaudissez, madame Ménard !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Mais, et c’est peut-être le plus grave, cette réforme et les débats qui l’ont entourée ont déclenché une violence inouïe dans la rue comme dans notre assemblée. Les scènes auxquelles j’ai assisté dans l’hémicycle m’ont choquée. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Je ne serai jamais la complice de ceux – et je parle encore de La France insoumise – qui témoignent d’une telle détestation et d’un tel mépris pour nos institutions, de ceux qui se réjouissent des malheurs de notre pays. Je ne soutiens pas le Président de la République…

    Mme Danièle Obono

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    Un peu, quand même !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …mais je ne suis pas comme vous – ce sont vos mots – « galvanisée par l’échec du Gouvernement ».
    Depuis quelques mois, les masques sont tombés et le vrai visage de l’extrême gauche est très clairement apparu. La France insoumise, c’est le parti des insultes permanentes, des menaces, des outrances, et même de la délation.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Exactement !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    La France insoumise, je n’ai pas peur de le dire, c’est le parti de la haine (Mme Laurence Robert-Dehault et M. Emmanuel Taché de la Pagerie applaudissent) : haine de la police (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également) ; haine de ce que Jean-Luc Mélenchon qualifie de « système » et dont il a toujours pourtant largement bénéficié ; haine contre Emmanuel Macron, dont Jean-Luc Mélenchon, toujours lui, a régulièrement remis en cause la légitimité, pourtant acquise par les urnes – je vous rappelle que je n’ai pas voté pour lui au deuxième tour des présidentielles contrairement à Jean-Luc Mélenchon et la plupart de ses amis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Revenons à cette proposition de loi. Vous, la majorité, faites une terrible erreur en refusant à notre assemblée, une fois encore, la possibilité de voter sur ce texte. Par ce refus, vous vous faites les alliés objectifs de la gauche et de l’extrême gauche qui souhaitent la mort de nos institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Pierre Meurin applaudit.) Cette proposition de loi, qui n’avait aucune chance d’aller jusqu’au bout – tout le monde le sait, à commencer par son auteur, Charles de Courson – aurait dû être examinée dans des conditions apaisées.
    Au lieu de cela, par vos manœuvres, vos tripatouillages, vos magouilles politiciennes, vous affaiblissez encore un peu plus notre parlement, qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Mais qui s’en soucie vraiment ? Il m’arrive de penser que la plupart ici préfèrent leurs petites ambitions à ce bien commun que, dans ces travées, trop d’entre vous ont totalement oublié. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Mes chers collègues, quelques observations sur les nombreuses interventions de cette discussion générale. S’agissant de l’article 1er, précisons d’abord que tous ceux qui prétendent que son coût est de 18 milliards ne l’ont pas lu. Il est de 170 millions net en 2023, soit cent fois moins ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sylvain Maillard

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    Quelle mauvaise foi !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Et pour 2024 et les années suivantes, le coût par rapport au texte promulgué dépendrait des propositions de la conférence de financement. Nous pouvons espérer, au vu des mesures courageuses décidées par les partenaires sociaux en matière de retraite complémentaire, que les syndicats réformistes parviendront à un accord solide financièrement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Pour ce qui est de l’article 2, je m’étonne un peu de l’hostilité de M. le ministre à l’idée d’organiser une conférence de financement, qu’il a qualifiée de « pansement sur une jambe de bois ».

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    En effet !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Est-il au courant du fait que la minorité présidentielle, en commission des affaires sociales, a voté en faveur cette mesure ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je pense qu’il est urgent, monsieur le ministre, d’améliorer la coordination entre les groupes de la minorité présidentielle et vous-même. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Il est certain que la coordination entre la NUPES, le RN et vous est très bien organisée !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Enfin, s’agissant du « gage tabac » à l’article 3, je m’étonne que certains y aient vu un problème alors qu’il est de tradition d’y recourir. Je rappelle que la fiscalité sur les produits du tabac rapporte 14 milliards. L’impact financier de notre proposition étant de 170 millions net, cela ne représenterait que quelques centimes sur un paquet de cigarettes à 11 euros.

    M. Erwan Balanant

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    Il en sourit !

    M. Charles de Courson, rapporteur

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    Mes chers collègues, nous pouvons balayer tous ces arguments. Je demande une suspension de séance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La suspension est de droit.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Je veux tout d’abord m’associer à l’émotion à propos du drame survenu à Annecy. Mes pensées vont aux familles des enfants durement touchés, dont j’espère qu’ils se rétabliront. La nation est à leurs côtés. (Les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
    En tant qu’auteur de la proposition de loi, je souhaite faire appel à l’article 84, alinéa 2, du règlement.
    Je regrette vivement la façon dont a été traité le rapporteur Charles de Courson – même s’il a les épaules larges. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il a raison !

    M. Bertrand Pancher

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    Je lui témoigne notre respect et notre amitié. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous aussi !

    M. Bertrand Pancher

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    Je remercie les collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, qui se sont unis dans l’engagement en faveur de ce texte. Présider ce groupe avec le coprésident Christophe Naegelen est pour moi un honneur. Merci également aux collaborateurs du groupe, qui ont réalisé un travail énorme, ainsi qu’au personnel et aux collaborateurs de l’Assemblée nationale.

    M. Olivier Falorni

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    Ce sont des adieux ?

    M. Bertrand Pancher

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    Je remercie tous les collègues qui nous ont soutenus, quels que soient leurs engagements et les bancs sur lesquels ils siègent. S’agissant de ce texte, nous sommes majoritaires ! (Mêmes mouvements. – M. Jean-Yves Bony applaudit également.)
    Je remercie, bien sûr, les millions voire les dizaines de millions de Françaises et de Français qui nous ont fait confiance, qui ont cru que nous irions jusqu’au bout, que le Parlement ne calerait pas. Je les remercie pour leurs encouragements constants, dans nos circonscriptions ; c’est pour eux que nous nous engageons toutes et tous.
    Je remercie les grandes organisations de la société civile et les responsables des grandes organisations syndicales qui nous ont fait confiance. Le dialogue social (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES), fondé sur le respect de ces entités, est le cœur de l’engagement démocratique.
    Je remercie également la presse (Murmures sur divers bancs) qui nous fait encore croire que la démocratie est vivante et que le partage des pouvoirs subsiste dans notre pays.
    Il ne reste plus rien de notre texte, mis à part les amendements que la minorité présidentielle s’est gardés. Nous ne nous ridiculiserons pas à poursuivre le débat, d’autant que les organisations syndicales, que vous n’avez pas entendues, nous ont expliqué qu’il ne servait à rien de nous organiser dans le cadre d’une conférence sociale puisqu’elles-mêmes n’en voulaient pas. Par conséquent, nous retirons la proposition de loi, consternés par les attaques directes et puissantes contre le Parlement affaibli.
    Vive le Parlement, chers collègues ! Vive le Parlement, vive la République et vive la France ! (Les députés des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES revêtent leurs écharpes tricolores.)

    Mme la présidente

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    Je prends acte du retrait de la proposition de loi par son auteur, en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion du texte. Je suspends la séance avant d’aborder la suite de l’ordre du jour : la proposition de loi visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières. (Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, restés debout, continuent à applaudir en cadence.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou,
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières

    Discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de proposition de loi de M. Christophe Naegelen et plusieurs de ses collègues visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières (nos1145, 1297).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Durant les nombreuses auditions que nous avons pu mener, les acteurs du secteur financier ont présenté la taxe sur les transactions financières (TTF) comme un mauvais impôt qui fonctionne bien. À titre personnel, je dirais plutôt que c’est un impôt logique, qui pourrait rapporter plus et surtout être plus juste.
    Cet impôt est logique parce que son champ d’application est simple : il s’agit des achats d’actions des grandes entreprises cotées : elles sont environ 130 aujourd’hui, qui concentrent l’essentiel des volumes de transactions. Il y a peu de risques de contournement, grâce à un principe d’émission : on taxe les achats d’actions de grandes sociétés cotées installées en France, quels que soient la nationalité de l’investisseur, le lieu de cotation et la nationalité de l’entreprise. Ce principe est bien plus efficace que la taxation des investisseurs français, qui a déjà échoué avec l’ancien impôt sur les opérations de Bourse (IOB), ou même la TTF suédoise dans les années 1980-1990, qu’ont évoquée, en commission, les groupes qui ne voulaient pas voter la proposition de loi (PPL) – bien qu’on ne puisse comparer cette dernière taxe à la nôtre.
    Le rendement de la TTF française augmente constamment : 2,2 milliards prévus en 2023 contre 766 millions en 2013. Il faut noter que ce rendement augmente même sans hausse de taux, puisque celui-ci, s’établissant depuis 2017 à 0,3 %, est demeuré constant.
    Le coût de collecte est faible, bien plus que celui de l’impôt sur le revenu (IR), et le recouvrement est délégué à Euroclear, unique dépositaire central en France, qui enregistre les transferts de titres sur le marché à la fin de la journée et livre les titres dans les deux jours.
    L’impact de la TTF sur l’attractivité de la place est très modéré. Malgré les craintes qui se sont exprimées lors de sa création, en 2012, les volumes de transaction augmentent tendanciellement, la volatilité n’a pas baissé à long terme et la place connaît une dynamique de croissance. Des pays dotés de places financières robustes appliquent des taxes semblables – notamment le Royaume Uni avec la stamp duty, Hong Kong ou Taïwan –, dont le rendement s’élève à plusieurs milliards de dollars. Dans l’Union européenne, l’Italie et l’Espagne perçoivent également des taxes semblables.
    Il faut cependant améliorer cet impôt afin de le rendre plus juste. Son assiette est beaucoup trop étroite. On taxe les transferts d’action qui matérialisent une prise de position de long terme, mais non d’autres transactions dont l’utilité sociale ou économique est plus discutable et qui ne contribuent pas toujours à l’efficience des marchés, voire qui sont surtout spéculatives et ne créent pas de valeur ajoutée. On ne taxe pas non plus les transactions intrajournalières, qui représentent environ 80 % du volume de transactions, ni les produits dérivés, qui peuvent servir de couverture ou d’outils de spéculation. Enfin, les modalités de collecte sont peu transparentes et insuffisamment contrôlées, comme l’a relevé la Cour des comptes dans un référé de 2017.
    La PPL initiale prévoyait un élargissement substantiel de l’assiette, mais l’article a été supprimé en commission, contre l’avis de tous les groupes d’opposition. Je vous propose de le rétablir, au prix de plusieurs modifications, en nous inspirant du rapport Barroso, en prenant exemple sur plusieurs pays et en nous enrichissant des différentes auditions auxquelles nous avons procédé.
    Depuis vingt ans, en raison des progrès technologiques et de la déréglementation des marchés qui a réduit les coûts de transaction, le volume des transactions intrajournalières a explosé – pour quelle utilité sociale, puisque cette explosion ne se traduit pas par une augmentation du financement des entreprises ? Aujourd’hui, faute d’un registre, on ne connaît ni le nombre ni le volume précis de ces transactions intrajournalières.
    Le Parlement avait voté leur taxation dans la loi de finances pour 2017, mais l’avait abrogée l’année suivante avant son entrée en vigueur. L’administration et la place avancent un obstacle technique : il faudrait pouvoir se fonder sur un transfert de propriété acté par le dépositaire central Euroclear, qui intervient seulement sur le solde net de transactions à la fin de la journée. Pourtant, le système est déjà déclaratif : dès lors que les intermédiaires déclarent les transactions et les montants à Euroclear, on pourrait taxer les ordres d’achat, comme le recommande d’ailleurs le prix Nobel Joseph Stiglitz.
    Les gouvernements français successifs bottent en touche au motif qu’il serait nécessaire d’instaurer une taxe sur les transactions financières européenne. Or la Commission européenne a proposé dès 2011 une TTF à l’assiette très large incluant les dérivés et les transactions intrajournalières, comme nous le demandons aujourd’hui.
    Cette version a tout pour plaire : une assiette très large et peu distorsive, un taux bas et un rendement prévisible. C’est pourtant la position française qui bloque l’avancée du texte, car la France propose une assiette que les autres pays jugent bien trop étroite. Dans une lettre datée de 2020 aux ministres des finances de la coopération renforcée, l’Autriche a menacé de quitter le processus si l’on retenait une TTF du type français, qui désinciterait au rachat d’actions et encouragerait les transactions spéculatives.
    Je propose donc à la France d’avancer et de taxer les ordres d’achat plutôt que les transferts de propriété actés par Euroclear sur une base déclarative, ce qui permet d’inclure les ordres d’achat annulés par une transaction journalière inverse. Des adaptations informatiques et juridiques sont nécessaires pour ceux qui interviennent sur le marché, mais elles sont réalistes. C’est d’ailleurs la procédure prévue par le projet de la Commission européenne qui tend à taxer les transactions brutes avant toute compensation.
    Je propose, par mon amendement no 31 tendant à rétablir l’article 1er, d’exempter les apporteurs de liquidités, autrement appelés market makers, pour préserver l’attractivité de la place de Paris. Ils interviennent sur moins de 1 % des montants échangés sur celle-ci et ils fournissent un service de liquidités utile, qui suppose, pour être rentable, des transactions intraday non taxées.
    Je propose aussi de taxer les produits dérivés, car, s’ils peuvent servir de couverture, donc avoir une utilité financière et économique, ce sont des outils de spéculation risqués. Sur son site internet, l’AMF – Autorité des marchés financiers – indique en effet : « En aucun cas ils ne répondent à des besoins d’investissement de moyen ou de long terme ». Ils sont souvent négociés hors des marchés réglementés. Il serait donc utile d’inciter à renforcer la connaissance et la transparence de ces outils. Je propose ainsi d’inclure dans l’assiette les dérivés uniquement sur actions et indices. Il est paradoxal de taxer la détention d’actions longues et non les transactions les plus spéculatives. À ce stade, mieux vaut ne pas inclure dans la taxation certains dérivés utiles pour des opérations de couverture, par exemple en matière agricole.
    Je propose aussi de nous inspirer de l’Italie qui, bien qu’elle taxe les dérivés, a la place financière la plus fréquentée en parts de marché, parce qu’elle taxe davantage les dérivés hors marché réglementé.
    Il faut cependant préserver les atouts actuels de la taxe : un taux raisonnable qui ne décourage pas l’investissement de l’épargne en actions ni la cotation sur la place de Paris ; un champ d’assujettis protecteur, en conservant un seuil de capitalisation, dont on peut discuter le niveau, pour protéger les petites capitalisations moins liquides.
    Ce texte renforcera la transparence des marchés et le contrôle de l’application de la loi fiscale. La taxation des transactions intrajournalières et des dérivés incitera l’administration et la place à constituer enfin le registre des transactions et à donner les moyens de connaître la nature des transactions réalisées.
    Adopté en commission, l’article 2, rédigé à partir de mon amendement, permettra de renforcer l’information sur les modalités de collecte de la taxe par Euroclear, qui préoccupe à juste titre plusieurs groupes parlementaires de notre assemblée. Il prévoit la remise au Parlement, avant le prochain projet de loi de finances, d’un rapport gouvernemental détaillé qui fera le point sur les contrôles exercés sur les développements technologiques nécessaires à l’extension de l’assiette. Ce rapport pourra être enrichi et précisé par les amendements déposés en séance sur le sujet.
    Enfin, cette PPL contribuera à désendetter l’État et à rééquilibrer la taxation entre capital et travail. Je tiens à le rappeler, notre dette a augmenté de près de 15 points de PIB ; en 2022, elle dépassait 111 % du PIB. Il est urgent de rétablir nos finances publiques, d’autant que la hausse des taux aggravera encore la charge des intérêts. Il importe surtout de rétablir une forme d’équité entre la taxation du capital et celle du travail. L’extension de l’assiette de la TTF aux transactions intraday et aux produits dérivés procurera un rendement important. C’est une mesure juste, qui tend à valoriser bien davantage le travail, du moins à taxer un peu plus le capital – en l’espèce uniquement les mouvements spéculatifs qui ne créent pas de valeur pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur les bancs des commissions. – M. Fabrice Brun applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Comme l’ont fait plusieurs d’entre vous, je veux au préalable revenir, au nom du Gouvernement, sur l’attaque abominable dont ont été victimes plusieurs personnes, notamment des enfants, à Annecy. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
    Cette attaque nous bouleverse tous. Je crois que nous sommes tous profondément et intimement meurtris. Il s’agit d’enfants, de nos enfants. Le Gouvernement est aux côtés des victimes, des familles et de leurs proches. Le Président de la République s’est exprimé. La Première ministre se rend sur place. La nation tout entière est solidaire des victimes de cette barbarie.

    M. Emeric Salmon

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    Sauf Aurore Bergé !

    Mme la présidente

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    Monsieur le député, s’il vous plaît !

    M. Emeric Salmon

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    Ce qu’elle a dit est honteux !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Monsieur le rapporteur l’a dit à l’instant, la proposition de loi que vous examinez vise à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières, dans l’objectif assumé d’améliorer son rendement et de faire davantage contribuer le secteur financier aux finances publiques.
    Que l’on ne s’y trompe pas : le Gouvernement est évidemment attaché à la maîtrise des comptes publics. Nous sommes déterminés, je l’ai déjà dit ici, à accélérer notre désendettement. Toutefois, je suis convaincu que cet objectif ne pourra être atteint qu’à deux conditions : la première, que notre activité économique demeure dynamique, et la deuxième, que nos entreprises puissent trouver des financements et continuer ainsi à croître et à se développer.
    Nous ne sommes pas favorables au texte initial, tel qu’il a été déposé, parce qu’il risque de mettre en péril le dynamisme de notre activité et de fragiliser notre secteur financier. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, l’enfer peut être pavé de bonnes intentions : non seulement l’extension de la TTF ici proposée serait dangereuse pour le financement de l’économie française, mais elle menacerait aussi, en réalité, le produit de la taxe existante, car elle provoquerait la délocalisation des activités très mobiles qui permettent de la collecter. Enfin, sa mise en œuvre opérationnelle semble particulièrement difficile à engager.
    Tout d’abord, je souhaite rappeler que nous disposons déjà en France d’une taxe sur les transactions financières qui procure un rendement substantiel et répond aux objectifs qui lui sont assignés. Énonçons quelques faits. Créée en 2012, la TTF frappe les achats d’actions par les investisseurs. Son taux est le plus élevé de l’Union européenne ; il est supérieur à celui autrefois envisagé pour la taxe européenne. Du point de vue des finances publiques, son rendement est significatif : 1,8 milliard d’euros de recettes fiscales en 2022,…

    Mme Aurélie Trouvé

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    Un montant ridicule !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …soit près de deux fois celui de la taxe italienne.

    Mme Aurélie Trouvé

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    C’est 4 milliards au Royaume-Uni !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    La taxe fait ainsi contribuer le secteur financier aux ressources publiques sans dégrader la compétitivité française. C’est pourquoi l’assiette de la taxe est restée inchangée.
    Qu’en est-il de nos principaux concurrents et de certains pays de l’Union européenne parfois présentés comme plus exigeants ? Dans l’Union, seuls six pays ont une taxe de ce type. Elle n’existe pas dans les pays qui accueillent des places financières importantes, comme les Pays-Bas ou le Luxembourg.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous oubliez Taïwan, la Suisse et le Royaume-Uni ! Rien que ça !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Il n’y a pas non plus de taxe sur les transactions financières en Allemagne, en Autriche, en Suède ou au Danemark, pour ne citer que ces exemples.
    Mon message principal sera donc le suivant : ne cassons pas ce qui fonctionne ! À cet égard, j’en viens au contenu de la proposition de loi et aux risques majeurs qu’elle impliquerait si elle devait être adoptée.
    En premier lieu, la proposition de loi prévoit l’extension du champ de la taxe aux produits dérivés. À rebours du postulat sur lequel elle repose, les produits dérivés ne sont pas « purement spéculatifs ». Bien au contraire, ils sont utilisés par nos entreprises pour se prémunir contre l’incertitude et les fluctuations de marché, au bénéfice de l’économie réelle.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Une toute petite partie d’entre eux ! Vous le savez très bien !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Les produits dérivés permettent à nos agriculteurs de se protéger contre les variations de prix de leur production.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Cela correspond à 1 % d’entre eux !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Selon une étude de l’AMF publiée en juillet 2022, 57 % des contrats dérivés sur le blé ou sur le maïs conclus sur le marché à terme international de France (Matif) étaient détenus par des sociétés commerciales à des fins de couverture. Ces produits ont joué un rôle crucial ces deux dernières années, qui ont parfois vu le prix du blé ou du maïs varier du simple au double.
    Les produits dérivés de taux permettent à nos entreprises exportatrices de se protéger contre le risque de change. Ils permettent aux Français de souscrire des emprunts immobiliers à taux fixe. Ce sont en effet des produits dérivés qui permettent aux banques de ne pas répercuter l’évolution des taux d’intérêt de marché. Sans ces produits dérivés, nos concitoyens se retrouveraient dans la situation des ménages espagnols, italiens ou anglais, dont les mensualités s’envolent et qui n’ont d’autre choix que le surendettement. En réalité, loin de frapper la spéculation, cette taxe pénaliserait les entreprises et les épargnants français. Ce sont ces derniers qui acquitteraient la taxe, au travers des intermédiaires financiers.
    En second lieu, cette proposition de loi prévoit l’extension de l’assiette aux transactions intrajournalières. Là encore, les auteurs de la proposition de loi voient dans ces transactions dites intraday le signe de comportements spéculatifs, alors qu’elles assurent un flux continu d’achats et de ventes essentiel au bon fonctionnement des marchés. La fluidité des échanges sur les actions françaises rassure les investisseurs quant à la qualité des sociétés françaises et à la sécurité de leurs propres investissements. On investit dans des produits cotés et échangeables parce que l’on sait pouvoir les revendre : c’est la liquidité du marché – et un grand marché doit être liquide.

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Sans liquidité, il y a moins d’investisseurs, donc moins de financements pour l’économie réelle, et des primes de risque qui majorent le coût de ces financements. Cette fluidité des échanges est un élément constitutif des marchés cotés et permet de diminuer le coût de financement des sociétés cotées à Paris, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée entre les places de cotation.
    Dans la mesure où elle remettrait en cause des aspects fondamentaux du fonctionnement des marchés, l’extension de la TTF aurait toutes les chances de provoquer une attrition de la place de Paris et d’accroître la dépendance de la France aux financements étrangers.

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    La dégradation de la liquidité du marché français rendrait la cotation moins attractive, ce qui inciterait les grandes sociétés à installer leur siège social à l’étranger, pour se coter à New York, à Londres ou à Amsterdam.

    M. Daniel Labaronne

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    Bien sûr !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Plus généralement, les mesures proposées provoqueraient sans nul doute la délocalisation des activités concernées, de manière progressive, sinon brutale. Les acteurs financiers n’auraient même pas besoin de traverser les océans : ils choisiraient nos propres voisins au sein de l’Union européenne. Pour les produits dérivés, le renchérissement du prix de contrats extrêmement mobiles ne peut que conduire à une délocalisation quasi immédiate de ces opérations dans un autre pays de l’Union européenne.
    À ceux qui en doutent, je rappelle l’expérience menée par la Suède de 1984 à 1991, qui est riche d’enseignements : quelques semaines après l’instauration de la taxe, plus de 95 % des transactions avaient été délocalisées à Londres. Le traumatisme suédois est tel que ce pays de la social-démocratie a fini par abroger sa taxe sur les transactions financières et refuse de participer aux travaux européens en la matière. Ce scénario à la suédoise affaiblirait très directement les acteurs financiers français, au profit de leurs concurrents situés à l’étranger.
    Il faut aussi avoir conscience que les activités délocalisées échapperaient à la supervision de l’AMF. Elles relèveraient des autorités de marché d’autres pays, qui sont parfois moins exigeantes. Les épargnants français seraient donc moins bien protégés.
    Pour ces raisons, cette mesure affaiblirait considérablement l’effet des efforts engagés depuis 2017 par le Gouvernement…

    Mme Sophia Chikirou

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    Pour enrichir les riches !

    Mme la présidente

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    Madame Chikirou, s’il vous plaît !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …pour faire de la place de Paris la capitale du financement de l’économie européenne. Cette politique a un objectif clair : permettre à la France de financer efficacement ses entreprises afin de stimuler l’innovation, de faciliter leur développement international et d’accompagner la transition écologique. La place financière de Paris est un pilier de la souveraineté et de l’autonomie financière de la France et de l’Europe.
    La politique du Gouvernement a eu des résultats concrets et incontestables en la matière. La capitalisation boursière du marché parisien, dont dépend en partie le rendement de la TTF, a dépassé celle de Londres. Par ailleurs, la France a été la principale bénéficiaire du Brexit, puisqu’elle a attiré de nombreux acteurs financiers, comme la banque JPMorgan, créant ainsi des milliers d’emplois bien rémunérés.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Ça, c’est sûr, ces emplois-là sont parfaitement bien rémunérés !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Toutes ces activités produisent, chaque année, des recettes fiscales substantielles, qui se chiffrent en milliards d’euros. Cette réussite doit beaucoup aux réformes conduites par le Gouvernement, puis à la stabilité fiscale qu’il a défendue.
    Au bout du compte, alors qu’elle vise à dégager de nouvelles ressources financières, cette proposition de loi risque de conduire à une perte de recettes fiscales. Comme en Suède, la taxe serait privée d’effet par les déplacements de flux financiers dans les pays voisins.
    Par ailleurs, la baisse d’activité des banques françaises et des entités étrangères installées ainsi que la perte d’attractivité de la France se traduiraient par une dégradation des recettes fiscales et une perte pour les finances publiques françaises. Face à une mesure fiscale périlleuse, le Gouvernement s’attache à défendre une fiscalité du capital équilibrée et qui met les acteurs financiers à contribution sans fragiliser l’attractivité financière de la France.
    Enfin, je veux tenir un discours de vérité sur les obstacles techniques qui rendent impossible la mise en œuvre de la proposition de loi. En l’état du droit, la taxation des transactions intraday n’est pas possible, car la taxe est fondée sur le transfert de propriété. Or cette opération nécessite que le règlement-livraison du titre soit finalisé et ne peut donc intervenir qu’à la clôture des marchés. Pour mettre en œuvre cette extension de la TTF, l’administration fiscale devrait s’appuyer sur des déclarations effectuées par les acteurs financiers concernés ou créer de nouvelles obligations déclaratives pour les chambres de compensation, qui sont des acteurs multiples et, souvent, étrangers. Ces obstacles avaient conduit le Gouvernement à revenir, en 2017, sur l’extension de la TTF aux transactions intraday. La position que je défends est donc tout à fait cohérente avec celle que nous avions soutenue à l’époque.
    J’appelle votre attention sur le fait qu’aucun des pays disposant d’une taxe sur les transactions financières ne parvient actuellement à taxer les transactions intraday, aussi élaboré soit le mécanisme qu’ils aient développé. On voit mal comment la France pourrait trouver la martingale pour y parvenir.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Les produits dérivés, quant à eux, peuvent être noués de gré à gré sans faire appel à un intermédiaire. Dès lors, la TTF ne pourrait être que déclarative et l’administration fiscale serait dépourvue de tout moyen de contrôle efficace. Après l’expérience suédoise, c’est ici le cas italien qui doit nous inviter à la prudence : alors que les dérivés sur actions représentaient 73 % de la base d’imposition théorique, ils n’étaient à l’origine que de 7 % du rendement total de la taxe italienne sur les transactions financières – lui-même très inférieur à celui de la taxe française.
    Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, le Gouvernement ne peut être que défavorable au texte initial de la proposition de loi. Je m’étonne d’ailleurs que des formations politiques qui affirment en permanence vouloir agir pour l’indépendance, la souveraineté et l’attractivité de la France…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Paul Midy

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    Il a raison !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …proposent des mécanismes qui, en réalité, nous rendraient plus dépendants encore des marchés financiers, des investisseurs étrangers et des places de marché étrangères, au détriment de celle de Paris, que nous sommes parvenus à développer et à renforcer après le Brexit – j’ai indiqué précédemment les beaux résultats que nous avons obtenus.
    Cependant, nous pouvons faire preuve d’ouverture quant à la version du texte issue des travaux de la commission des finances, qui prévoit la remise d’un rapport, dès lors que ce rapport ne va pas à l’encontre de la volonté de ne pas élargir l’assiette de la TTF, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, au premier chef l’intérêt de notre pays.
    Il s’agit non pas de refuser ce débat, qu’il est toujours sain d’avoir, mais de se méfier d’initiatives qui peuvent procéder d’une intention louable – je ne remets pas en cause la sincérité du rapporteur et de certains de ceux qui soutiennent la proposition de loi. Bien évidemment, nous sommes tous attachés à la justice fiscale et au fait de mettre à contribution le capital et les transactions financières,…

    Mme Sandrine Rousseau

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    Non, pas tous !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …comme d’autres facteurs, notamment le travail, sont mis à contribution. Mais gardons-nous de prendre des décisions qui auraient des effets pervers tels qu’elles finiraient par affaiblir la place financière de la France, nos entreprises et les épargnants français.

    Mme Danielle Brulebois

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    Exactement !

    Mme Sophie Errante

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    C’est une mauvaise idée !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Les exemples européens en la matière devraient nous inciter à ne pas emprunter la même voie : ne répétons pas les erreurs qu’ont pu commettre certains de nos voisins au cours des dernières années. Débattons et avançons ensemble ! Produisons un rapport qui permette d’étayer la position que je viens de vous exposer et de répondre aux arguments soulevés. En tout cas, je le redis, ne prenons pas de mesure qui nuirait à notre attractivité et aux épargnants français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Géraldine Bannier applaudit aussi.)

    Mme Danielle Brulebois

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    Excellent ministre !

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Pour réduire le déficit, on peut certes diminuer les dépenses, mais on peut aussi augmenter les recettes, notamment la fiscalité du capital.
    Parmi tous les impôts, il en est un dont on nous disait qu’il ne devait rien nous rapporter et qui rapporte finalement 1,7 milliard d’euros par an. Cet impôt semblait impossible ; pourtant, son coût de collecte est l’un des plus bas de tout notre système fiscal. Cet impôt dont je parle, c’est la taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons la rendre plus efficace : c’est l’objet de cette proposition de loi.
    L’assiette de cette taxe est en fin de compte assez réduite et les transactions qui en sont exemptées sont les plus spéculatives et les plus importantes en volume. Dès lors, notre proposition est de taxer les transactions dites intrajournalières et les produits dérivés. Les transactions intraday incluent le courtage à haute fréquence, réalisé par algorithme ; ces échanges consistent en un achat et une revente dans un temps très court. Vous dites que ces transactions sont fluides, monsieur le ministre délégué : pour être fluides, elles le sont, puisqu’elles durent souvent moins d’une seconde ! Pour rappel, la loi de finances pour 2017 prévoyait déjà l’extension de la TTF aux transactions intrajournalières, mais elle a été supprimée par le gouvernement Philippe. D’autre part, en offrant la possibilité d’acheter ou de vendre une action à un prix déterminé par avance, les dérivés d’action permettent de jouer contre le marché.
    On peut opposer des arguments à l’extension de la taxe, mais nous regrettons le choix qui consiste à repousser l’idée en bloc.
    Vous pourriez nous dire que le champ est trop large. Pourtant, comme le rapporteur Naegelen l’a précisé, les auditions qu’il a menées ont affiné notre conviction que certaines opérations sont spéculatives tandis que d’autres peuvent, dans certains cas, avoir leur utilité. Plutôt que de discuter du champ à définir suivant des modalités techniques, vous vous êtes tout simplement opposés à l’idée de mieux taxer.
    Vous nous dites qu’il vaut mieux attendre une disposition européenne, que c’est le meilleur moyen d’écarter toute stratégie d’évitement. Pourtant, à Bruxelles, le sujet est au point mort depuis dix ans et, de l’aveu d’une des personnes auditionnées, le blocage n’est pas près de se lever. Nous voulons, pour notre part, de nouvelles recettes pour l’État, avec une application rapide. Comme en 2012, la représentation nationale peut décider de montrer l’exemple en Europe.
    Dans ces conditions, vous changez d’argumentaire : vous dites que ce sera inutile. Vous nous dites que l’État n’a pas les données, qu’il ne sait pas comment collecter cette taxe élargie qui, d’ailleurs, ne rapportera rien. Vous soulignez les difficultés de recouvrement plutôt que de vous alarmer de l’absence de transparence, qui pose un réel problème, ou encore de l’absence de suivi des opérations. Vous ne dites rien des travaux que la DGFIP – direction générale des finances publiques – a menés lorsque cette extension fut décidée et dont les résultats ont disparu en 2018, lorsque vous avez supprimé l’extension aux intraday. Les sujets sont liés : sans observation, pas de données ; sans données, pas de contribuables et, finalement, pas de contribution.
    Enfin, si la proposition de loi doit rapporter si peu, comment pourrait-elle entraîner l’effondrement de la place de Paris ? En vérité, personne n’est capable de chiffrer cette disposition. Cependant, les dérivés sur actions représentent au moins 15 % du marché au comptant, dit marché spot, et les transactions à haute fréquence représenteraient, au bas mot, 70 % de l’ensemble des transactions. Ainsi, on peut estimer que notre proposition doublerait aisément le rendement de la TTF.
    Je souligne que les transactions financières ont pris une importance sans commune mesure avec celles de l’économie réelle. Les objets financiers sont devenus des matières premières de plus en plus complexes que l’on échange à l’infini, sans création de richesses. C’est de la spéculation pure. (MM. Bertrand Pancher et Laurent Panifous applaudissent.) Leur masse est telle qu’ils peuvent déstabiliser à tout moment le système financier mondial et aboutir à une crise majeure. Cela aussi, nous devons en tenir compte. Nous en avons eu plusieurs fois l’exemple depuis 2008.
    Cette proposition de loi permettra d’augmenter les recettes de l’État tout en réduisant les comportements les plus spéculatifs, déconnectés de l’économie réelle et créateurs d’une dangereuse volatilité sur les marchés. Des recettes fiscales potentielles existent, sans pour autant augmenter les impôts des ménages en difficulté ou de la classe moyenne.
    La commission a supprimé l’article 1er, vidant la proposition de loi de sa substance. L’amendement de rétablissement a un champ plus limité. Il serait incohérent que les différents groupes de notre assemblée n’y trouvent pas leur compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    Je m’associe à l’émotion qui nous saisit tous à la suite des événements d’Annecy.
    On peut être sensible aux trois objectifs que M. le rapporteur détaille dans l’exposé sommaire de sa proposition de loi, à savoir faire contribuer le secteur financier aux finances publiques, trouver de nouvelles ressources pour l’État et lutter contre la spéculation. Le problème – nous en avons déjà discuté en commission –, c’est que l’élargissement de l’assiette de la TTF ne fera rien de tout cela.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Exactement !

    M. Daniel Labaronne

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    S’il s’agit de faire contribuer le secteur financier au budget de l’État, je rappelle que ce n’est pas le secteur financier qui paie la TTF, mais les entreprises ou les épargnants, c’est-à-dire les acteurs de l’économie réelle.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Daniel Labaronne

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    Pourquoi ? Quand une transaction financière fait l’objet d’une taxe, c’est un courtier qui paie la taxe. À qui ? À la société Euroclear France, laquelle verse ensuite le montant de la taxe au Trésor public. Mais le courtier va se retourner vers son client. Qui est ce client ? Une entreprise, un ménage ou encore un épargnant. Le référé de la Cour des comptes que vous citez, dont je vous avais transmis une copie avant le début de la séance, le dit très clairement : « La taxation ne pèse pas sur le secteur financier mais sur les clients des intermédiaires financiers. » Les clients des intermédiaires financiers, ce sont les ménages et les entreprises.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Eh oui !

    M. Daniel Labaronne

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    Votre proposition de loi, c’est donc un nouvel impôt qui pèsera sur la compétitivité des entreprises, le pouvoir d’achat des ménages, l’attractivité de l’économie française et, singulièrement, de la place de Paris.

    M. Maxime Laisney

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    Alors ne faisons rien ?

    M. Daniel Labaronne

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    Si l’objectif est de trouver des ressources pour l’État, viser les transactions les plus volatiles et les plus mobiles est une mauvaise stratégie. Ces transactions sont facilement délocalisables. Là est le nœud du problème.

    Mme Sophia Chikirou

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    Il y a un amendement pour ça !

    M. Daniel Labaronne

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    Le rendement risque d’être très limité, comme le prouve l’expérience italienne ou française, quand nous avons instauré la taxe sur le trading haute fréquence – car nous en avons une !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Ah bon ? Laquelle ?

    M. Daniel Labaronne

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    Pire, elle risque d’encourager les entreprises émettrices à déplacer leur siège social ou les intermédiaires financiers leurs activités et leurs emplois. Le résultat sera une perte d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous ne comprenez rien à l’économie ! Essayez au moins de comprendre quelque chose !

    Mme la présidente

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    Chère collègue, s’il vous plaît.

    M. Daniel Labaronne

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    Nous aurons ce débat durant la discussion des amendements.
    Si l’objectif est de lutter contre la spéculation, agir de manière unilatérale au niveau français, sur des transactions très facilement délocalisables, est aussi une mauvaise idée. Sur ce sujet comme sur d’autres, la solution doit être au moins européenne. Si les grandes places financières européennes n’avancent pas en même temps, les acteurs financiers déplaceront simplement leur activité ailleurs. Dans une tribune du journal Le Monde daté d’aujourd’hui, soixante-dix économistes, dont Joseph Stiglitz, demandent que le sommet international pour un nouveau pacte financier mondial, qui aura lieu à Paris fin juin, se prononce en faveur d’une TTF mondiale. C’est dans cette direction qu’il faut aller, me semble-t-il.

    Mme Aurélie Trouvé

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    C’est Macron qui a enterré la taxe européenne !

    M. Daniel Labaronne

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    J’entends dire que la France s’opposerait au projet de taxe européenne. La réalité, c’est que la France est aujourd’hui l’un des rares grands pays européens à taxer les transactions financières. L’Allemagne ou l’Autriche s’érigent en défenseurs acharnés de la taxation des transactions financières, mais ces pays se sont bien gardés de la mettre en place de leur côté.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous ne vouliez pas la mettre en place pour les mêmes raisons, avant !

    M. Daniel Labaronne

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    Si l’on veut lutter contre la spéculation, alors il faut s’attaquer à la finance non régulée. C’est le travail que mène le régulateur européen. Élargir la TTF aux éléments les plus volatils du marché aura l’effet inverse : cela encouragera les acteurs financiers à déplacer leur activité sur des marchés non régulés, hors du contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Il me semble que l’AMF vous l’a dit en audition.
    Enfin, je voudrais rappeler les difficultés juridiques et pratiques que poserait l’élargissement de l’assiette de la TTF à l’intraday et aux produits dérivés, lesquelles ont également été rappelées au rapporteur lors des auditions. Premièrement, la TTF vise l’acte de transfert de propriété d’une action. Or, dans le cas de l’intraday, il n’y a pas de transfert de propriété. Vous serez confrontés à la jurisprudence de l’article 34 de la Constitution, en vertu de la théorie des formalités impossibles ; c’est un point juridique sur lequel nous reviendrons lors de la discussion des amendements.
    En commission, nous avons supprimé l’article unique qui élargissait l’assiette de la TTF. En revanche, à l’initiative du rapporteur, nous avons adopté un amendement qui me paraît bienvenu, pour étudier les modalités actuelles de collecte de la taxe par Euroclear, et ainsi envisager si nous pouvons améliorer encore le rendement de la TTF.
    Par conséquent, le groupe Renaissance est favorable à la proposition de loi telle qu’issue des travaux de la commission, mais il sera défavorable à tout amendement tendant à modifier le fonctionnement actuel de la TTF. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Permettez-moi d’abord de témoigner, au nom du groupe Rassemblement national, l’émotion que nous partageons face à l’effroyable attentat qui a frappé les plus innocents d’entre nous.
    En une seule journée de niche, le groupe LIOT aura réussi à présenter au moins deux textes qui ont trois vertus.
    La première vertu est de rappeler à ceux qui nous regardent que vous, groupe LIOT, êtes riche des courants politiques fondateurs de la République. Vous poursuivez l’œuvre des radicaux-socialistes, des radicaux de droite, de la démocratie chrétienne et des vrais libéraux qui, eux, n’ont jamais été et ne seront jamais les serviteurs de l’argent. (M. le rapporteur applaudit.) Chers collègues du groupe LIOT, nous avons nombre de divergences et d’oppositions, mais le groupe Rassemblement national tient à saluer non seulement les propositions de loi que vous présentez aujourd’hui, mais les valeurs que vous incarnez. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LIOT.)
    La deuxième vertu réside dans les propositions elles-mêmes que vous présentez à notre Parlement. Elles répondent à l’exigence, à la soif de justice de notre pays et de notre peuple : justice sociale pour les retraites, justice fiscale pour la présente proposition de loi visant à faire payer au secteur financier sa juste part d’impôt, et donc de solidarité nationale. Vous êtes courageux, monsieur Naegelen, de défendre une loi qui, en creux, dénonce la profonde injustice du système fiscal macroniste – un système fiscal qui accable les travailleurs modestes autant qu’il protège les rentiers qui n’ont jamais levé et ne lèveront jamais le petit doigt, un système fiscal qui tond les classes moyennes et les entrepreneurs pour sanctuariser l’extrême minorité qui parasite, depuis trente ans, l’économie dérégulée, globalisée, financiarisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    La troisième vertu de la proposition de loi est de montrer qu’il existe malheureusement dans notre pays des pouvoirs qui parviennent à faire peser l’injustice contre la justice, l’oligarchie contre la démocratie, l’aveuglement de la bureaucratie contre les honnêtes fonctionnaires du service public. Sur les retraites, on a senti, du début à la fin, le joug, le poids non pas de l’Europe, mais de l’épouvantable bureaucratie bruxelloise, empire de paperasserie, qui joue la courroie de transmission – la vraie, celle-là – de la mondialisation, au détriment des peuples qu’elle est censée protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Sur la taxation des marchés financiers, on voit surgir l’autre pouvoir qui anime les entrailles du macronisme : les marchés financiers, évidemment, et la haute finance, malheureusement. Que d’arguties techniques et de contraintes imaginaires vous trouvez, monsieur le ministre délégué, pour ne pas imposer sa juste part à la finance ! La finance a été le fer de lance de la mondialisation inhumaine qui a tué nos industries, affaibli l’agriculture, appauvri nos nations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Tout a été financiarisé, tout a été titrisé, tout a été dérivé : le travail, les ressources naturelles, nos droits sociaux comme les retraites, la dette souveraine, la dette des ménages et même la dette des plus pauvres ! Privatisation des bénéfices, mutualisation des pertes : il est temps de mettre fin à cette insupportable injustice.
    Le texte du groupe LIOT frappe au cœur du logiciel macroniste en élargissant la taxe sur les transactions financières – et pour cette simple raison, le groupe Rassemblement national le soutiendra. Il l’élargit en particulier, comme l’avait proposé Marine Le Pen, aux transactions intrajournalières, ces transactions sur les marchés financiers passées le plus souvent non par des hommes, mais par des logiciels – cela veut tout dire –, qui sont une plaie pour l’économie réelle. Nous ne parlons pas de la finance vertueuse qui finance l’économie, de l’épargne qui finance la recherche et le progrès. Nous parlons d’une industrie automatisée, sans lien avec l’économie réelle, qui pompe et qui paralyse la vraie valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Vous qui cherchez tant d’argent, l’argent vous tend les bras : il s’appelle la taxe sur les transactions financières, il s’appelle la loi LIOT qui vous est présentée aujourd’hui ! Cette loi a déjà été votée par le Parlement de façon transpartisane. Mais évidemment, quand M. Macron, l’enfant chéri de la banque, est arrivé au pouvoir, il a annulé cette loi. Encore aujourd’hui, vous vous y opposez, contre la volonté de tous les partis, hormis les vôtres.
    Cet abandon en rase campagne est inacceptable ; il ne peut que me faire penser, quand je vous observe, chers collègues macronistes, aux mots que Philippe Séguin a prononcés lorsqu’il a été défait à Paris, malheureusement, en 2001.

    M. Olivier Falorni

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    Pauvre Philippe Séguin !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Voici ses mots – ce ne sont pas les miens : « La gauche du fric » a « capitulé devant la finance », cette gauche « des hôtels particuliers », des « fortunes vite faites », de la « pensée unique », des « timorés » et des « craintifs » face à la mondialisation, de « tous les lâches » qui n’aiment que vénérer « l’air du temps » et « les promesses de franfreluches », au détriment des valeurs républicaines.

    M. Olivier Falorni

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    Laissez Philippe Séguin tranquille !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Qu’est donc le macronisme, sinon cette gauche qui a « goûté à l’argent » et qui « s’est mise à l’aimer » ? « L’argent lui-même s’est lové dans la bonne conscience de la gauche et il s’y est senti bien », ajoutait-il ! Vingt ans après ces mots de Philippe Séguin, vous êtes ce qu’il avait appelé « le produit de ce monstrueux accouplement » entre l’argent et la bonne conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Olivier Falorni

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    Laissez Philippe Séguin en paix ! Il a toujours combattu l’extrême droite !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    En 2027, la présidente Le Pen sera garante non seulement de la justice sociale, mais aussi de la justice fiscale. Et pour cela, nous affronterons, nous, la finance ! (Mêmes mouvements.)

    M. Olivier Marleix

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    Philippe Séguin parlait de « l’exception française » !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Sala.

    M. Michel Sala

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    Je voudrais d’abord m’associer à la douleur de tout le peuple français face à l’événement dramatique survenu à Annecy.
    Ensuite, je voudrais tout de même revenir, en cette journée un peu particulière, sur ce qui s’est passé ce matin. Une nouvelle fois, la présidente et sa minorité présidentielle ont transgressé les règles et usages de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) : vous n’avez pas consulté le président de la commission des finances, vous avez fait fi de son accord alors qu’il avait accepté la proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite, et vous avez rejeté des amendements habituellement recevables. Vous et votre gouvernement, parce que vous êtes minoritaires, avez une nouvelle fois peur de passer au vote à propos d’une loi dont la très grande majorité des Français ne veulent pas : les Français ne veulent pas perdre deux ans de leur vie. Vous piétinez le Parlement ; c’est un abus de pouvoir ! Vous publiez les décrets d’une loi qui n’a jamais été mise aux voix. Vivement la VIe République ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Bravo !

    M. Michel Sala

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    Venons-en maintenant à la taxation des transactions financières et espérons que nous aurons un débat de fond à ce sujet. En effet, pour nous, l’économie est un moyen et non une fin en soi : nous voulons développer des outils de contrôle et de régulation pour inventer un contre-modèle par rapport au néolibéralisme. L’économie doit de toute urgence être mise au service de la réduction des inégalités et de la transition écologique. Taxer les transactions financières freinera la spéculation et dégagera des ressources.
    Cette volonté n’est pas nouvelle. En 1930, Keynes était déjà favorable à ce type de régulation du marché. En 1972, James Tobin, lauréat du prix Nobel d’économie, a été à l’origine d’un grand mouvement altermondialiste visant à instaurer une taxation de la finance, dont l’association Attac est l’une des héritières. Créée en 2012, la taxe sur les transactions financières est un prélèvement sur les opérations de ventes d’actions. Elle concerne toutes les entreprises dont le siège social se situe en France et dont la capitalisation boursière excède le milliard d’euros. Depuis 2017, son taux de prélèvement s’élève à 0,3 %.
    Elle a deux objectifs. Elle vise d’abord à limiter la spéculation outrancière qui, si l’on considère par exemple le cours des céréales, constitue un véritable jackpot pour les gros négociants : en 2022, on estime qu’elle a compté pour 40 % de la hausse des prix des matières premières, nourrissant l’inflation que nous connaissons. Elle sert ensuite à augmenter les moyens de financement de l’État, afin d’abonder un budget national essoré par les cadeaux fiscaux aux plus riches. Attac évalue les recettes d’une taxe potentiellement élargie à hauteur de 10 milliards d’euros, et, d’après les estimations appliquées aux pays du G20, elle pourrait rapporter au total entre 156 et 260 milliards.
    L’ambition de ce texte est d’agir sur l’une des formes les plus pernicieuses du marché financier : les échanges intrajournaliers. Adossés à un outil informatique automatisé – le trading à haute fréquence –, les tradeurs achètent et vendent des titres dans l’espoir de dégager un profit substantiel dans un court laps de temps. Ces échanges concernent 25 à 40 % des transactions réalisées à la Bourse de Paris, et jusqu’à 70 % au niveau mondial. Élargir l’assiette de l’impôt sur les transactions financières, c’est simplement se redonner les moyens de contrôler l’intensité des échanges boursiers et d’y apporter de la transparence.
    Suite à la crise des subprimes, l’ensemble du monde politique a changé son fusil d’épaule pour réintroduire l’idée d’un contrôle accru des mécanismes financiers. Nicolas Sarkozy, longtemps défavorable au fait de s’attaquer à la finance, s’était vu obligé, pour des raisons morales mais surtout électorales, de lancer le chantier d’une taxe minimale sur les transactions en France et dans l’Union européenne. À sa suite, en 2012, François Hollande a également fait face à un échec plus ou moins volontaire, en accouchant d’une taxe soumise au lobbying à haute fréquence des banques. Déjà acquis à la cause du grand capital, Emmanuel Macron, favorable au ruissellement – actuellement sous le coup d’un arrêté sécheresse –, a réduit l’assiette de la taxe dès 2018.
    Leur responsabilité collective est lourde dans l’embourbement qu’ont connu les négociations sur ce mécanisme au niveau européen, que ce soit en 2013 ou en 2020. Alors qu’une telle taxe est défendue par de nombreuses institutions et personnalités internationales telles que le FMI – Fonds monétaire international – ou Adair Turner, ancien président de l’autorité britannique de régulation des marchés financiers, il est incompréhensible que nous ne trouvions pas rapidement des perspectives collectives en la matière.
    Faute de contrôle sur les marchés, nous sommes à la merci de petits et de gros krachs boursiers ; il nous faut donc retrouver de la souveraineté politique dans la stratégie financière. Lors de la crise du covid, entre janvier et août 2020, alors que le reste de l’économie s’effondrait, générant une volatilité sur les marchés financiers et une hausse du volume des transactions, le rendement de la TTF a presque doublé.
    Cette taxe a été conçue pour corriger l’ampleur des inégalités dues à la mondialisation. Elle est indolore pour les ménages et pour les entreprises, car elle ne touche pas l’économie réelle. En 2023, elle rapportera environ 2,2 milliards d’euros, et son bilan a doublé depuis 2019 – sans bouleversement majeur de la Bourse de Paris –, ce qui témoigne de son potentiel.
    Par conséquent, nous sommes favorables à la présente proposition de loi, dont nous partageons les objectifs : il nous faut reconnecter la finance avec l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Brun.

    M. Fabrice Brun

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    Permettez-moi d’abord de témoigner, au nom du groupe Les Républicains, notre émotion et notre solidarité suite au drame effroyable qui vient de frapper des enfants de France, à Annecy.
    Je voudrais ensuite remercier le groupe LIOT, qui nous propose d’élargir la taxe sur les transactions financières aux transactions intrajournalières ainsi qu’aux produits dérivés ; c’est une idée que je défends pour ma part avec constance depuis six ans, tout comme la lutte contre l’évasion fiscale. Merci également au groupe Les Républicains de me permettre de porter une voix jusqu’ici quelque peu singulière : c’est bien la preuve que tout évolue. Notre groupe s’inscrit dans cette réflexion et la soutient, tout en nourrissant en son sein un débat toujours intense.
    Sans considérer qu’il s’agit de l’alpha et de l’oméga d’une nouvelle politique fiscale, je voudrais d’emblée couper la tête aux idées reçues. Non, il ne s’agit pas d’un principe bolchevique ! Sans remonter jusqu’à Keynes ou à Tobin, l’Angleterre, principale place de marché d’Europe, a, elle aussi, instauré une taxe sur les transactions financières, en introduisant d’ailleurs, monsieur le ministre délégué, un taux plus élevé que chez nous – 0,5 % contre 0,3 %. Et pas plus que sa création par Nicolas Sarkozy en France, en 2011, son élargissement ne condamnera la place de Paris. Disons-le clairement, une fois pour toutes : en France, en Italie, en Espagne, en Suisse, à Hong Kong ou à Taïwan, son application a peu d’impact, finalement, sur les marchés, et c’est vrai dans la trentaine de pays qui l’ont instaurée.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    C’est vrai !

    M. Fabrice Brun

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    Loin des caricatures, la taxe sur les transactions financières est un impôt assorti d’un taux faible et d’une assiette large qui assure des revenus élevés au budget de l’État – elle rapporte aujourd’hui un peu plus de 1 milliard d’euros et demain davantage, nous l’espérons –, moyennant un coût de collecte modique ; elle a en outre un fort caractère redistributif.
    Nous défendons donc ici un principe simple, efficace et juste. De la même façon que chacun paie la TVA lorsqu’il achète un bien, quiconque achète des actions, des produits dérivés ou réalise des transactions intrajournalières doit lui aussi s’acquitter d’une contribution, et ainsi participer à la solidarité nationale.
    Ce qui est proposé, ce sont des recettes budgétaires nouvelles sans solliciter davantage le capital et le travail. Dans le contexte actuel, une telle proposition devrait tous nous rassembler, d’autant plus que, comme l’a dit le rapporteur, nous débattons là des produits financiers les plus spéculatifs, qui ne sont pas taxés à la même hauteur que l’achat d’actions standard.
    En réalité, les deux tiers des transactions financières sont aujourd’hui exemptés de TTF en France, et c’est le cas grâce à un certain Emmanuel Macron, qui, en bon banquier mondialiste, a tout fait jusqu’à présent pour protéger ses amis.

    M. Luc Geismar et M. Daniel Labaronne

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    Mais non !

    M. Fabrice Brun

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    C’est d’ailleurs une illustration concrète de nos différences avec le Président de la République : quand il préfère taxer le patrimoine immobilier, qu’il qualifie de rente, nous défendons la pierre – la pierre qui loge, qui se transmet et qui demeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Xavier Breton

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    Très bien !

    M. Fabrice Brun

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    Nous assumons ainsi de mettre davantage à contribution les actifs financiers les plus spéculatifs, car ils ne participent ni à la création de valeur ni au financement de l’économie, contrairement à l’artisan, à l’agriculteur, au fonctionnaire, au soignant, au salarié, qui ne se reconnaissent plus dans ce monde parallèle de l’algorithme fou mis au service de la spéculation.
    Alors ensemble, disons oui à l’élargissement de la taxe sur les transactions financières en France. Et disons oui, demain, à sa création au niveau européen, à condition que ces nouvelles recettes budgétaires rentrent dans les caisses de la nation, à l’instar de la TVA. C’est une question d’équité fiscale. Nos compatriotes, dans leur grande majorité, nous le demandent, car nous avons besoin de moyens nouveaux, notamment pour sortir des énergies fossiles, pour financer les politiques climatiques…

    Mme Christine Arrighi

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    Bravo !

    M. Fabrice Brun

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    …et tout simplement pour protéger notre économie – tout cela, pour une fois, sans toucher au portefeuille de M. et Mme Tout-le-monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, sur quelques bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions.)

    M. Francis Dubois

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mohamed Laqhila.

    M. Mohamed Laqhila

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    À ce moment, alors que nos enfants sont touchés, tout paraît futile et insignifiant. Mes pensées émues vont avant tout aux victimes et à leurs familles, et notre groupe s’associe à la douleur de notre peuple et de notre nation.
    Je tiens, en préambule, à saluer notre collègue Christophe Naegelen pour son initiative et le sérieux de son travail. Il nous donne l’occasion de débattre de ce sujet important. Avec près de 1 500 projets d’investissements enregistrés en 2022, soit une augmentation de plus de 7 % par rapport à 2021 – c’est un chiffre record –, la France garde sa première place en matière d’attraction des investisseurs étrangers en Europe, pour la quatrième année consécutive.
    Bien que nous rejoignions le rapporteur sur la nécessité d’imposer efficacement le secteur financier, il faut aussi reconnaître les limites de cette taxe, pour plusieurs raisons objectives. D’abord, elle ne permet pas de réduire la volatilité, et donc la spéculation, de manière évidente.
    Ensuite, elle accuse des effets néfastes en matière de liquidités, ce qui limite la capacité des épargnants à vendre leurs titres sans subir de décote. En outre, il existe un véritable risque, pour nos entreprises, de voir leurs coûts de financement fortement augmenter, alors même – vous le savez, chers collègues – que nous avons un besoin criant de fonds propres pour relever les défis économiques qui se présentent à la France.
    Enfin, et c’est un point crucial, en réduisant le volume des transactions sur le marché, on risque d’assister à une fuite des capitaux vers des zones non taxées ou moins taxées.

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    M. Mohamed Laqhila

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    La TTF reste tout de même un outil fiscal utile pour mieux imposer le secteur de la finance. Ainsi, le groupe Démocrate soutient tout de même l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Cependant, ses limites, que je viens d’exposer, nous disent autre chose : si nous devons mener cette réflexion, nous ne pouvons le faire qu’à une échelle beaucoup plus large.
    Au-delà des principes généraux que je viens d’évoquer, cette proposition de loi présente des limites intrinsèques. L’extension de la taxe aux transactions intrajournalières avait déjà été tentée en 2016, mais elle fut abandonnée dès l’année suivante en raison de difficultés relatives à son application. Avant de réessayer, ne pensez-vous pas qu’il faille mener un véritable travail de fond, assorti d’une étude d’impact approfondie, en collaboration avec les pays partenaires ?
    Quant à la proposition consistant à taxer les produits dérivés à un taux supérieur à celui proposé par la Commission européenne elle-même en 2011, elle me semble préjudiciable. En effet, les dérivés ne sont pas de simples artifices de la finance : ce sont de précieux outils, utiles et protecteurs, pour de nombreuses entreprises.
    L’un de nos collègues, agriculteur de métier, me rappelait hier que son ancienne coopérative y avait recours chaque année pour sécuriser les revenus de ses adhérents dans le temps, en réduisant la très forte volatilité des prix agricoles. Imposer une taxe sur ces contrats, surtout à un taux élevé, entraînerait une augmentation considérable des coûts de couverture des risques pour les entreprises, et pourrait conduire à une délocalisation de ces activités hors de la France.
    Rappelons que nous sommes en avance par rapport à nos partenaires, européens en particulier, en ce qui concerne les taux de taxation. Par conséquent, nous devons faire preuve de prudence. La priorité doit être de progresser vers une TTF à l’échelle européenne et même à l’échelle internationale dans le cadre du G20. C’est ainsi que nous pourrons éviter les effets de fuite d’investisseurs et de concurrence par le bas et bénéficier d’une source de recettes budgétaires non négligeables, estimées à 57 milliards d’euros par la Commission européenne. Nous pensons que l’élan donné par la France et l’Allemagne va dans le bon sens et doit être poursuivi.
    Aussi avons-nous voté contre l’article unique de cette proposition de loi qui, s’il promeut une idée intéressante, doit désormais être envisagé à un échelon plus large pour plus d’efficacité. Nous le referons aujourd’hui s’il le faut. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Dévastée comme vous toutes et tous par l’attaque perpétrée à Annecy, j’adresse, au nom du groupe Socialistes et apparentés, toutes mes pensées aux victimes et à leurs familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes RE et LIOT.)
    Notre position sur la réintégration des transactions intrajournalières et des produits dérivés dans l’assiette de la TTF ne surprendra personne : les parlementaires socialistes la demandent depuis 2013 au moins. La mesure avait d’ailleurs été adoptée en 2016, puis censurée par le Conseil constitutionnel avant d’être adoptée de nouveau début 2017.

    M. Daniel Labaronne

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    Ce n’était pourtant pas davantage possible !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Malheureusement, Emmanuel Macron l’a enterrée dès son arrivée à l’Élysée. Pourquoi ?

    M. Daniel Labaronne

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    Parce qu’elle était inconstitutionnelle.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Parce que la place de Paris devait rester compétitive et qu’elle devait voler les tradeurs de la City une fois le Brexit venu. Sans surprise, cela ne s’est pas produit car le pari était surprenant : le Royaume-Uni a lui aussi une TFF…

    M. Daniel Labaronne

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    Pleine d’exonérations !

    Mme Christine Pires Beaune

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    …dont le taux est supérieur au nôtre, ce qui n’empêche pas la City de respirer.
    L’adoption d’une telle TTF pourrait insuffler un vrai mouvement en faveur d’une taxe européenne sur les transactions financières, les débats étant au point mort pour une raison simple : la France n’y est pas favorable. Notre pays a une position si minimaliste que l’Autriche menace de quitter la table des négociations. C’est dire !
    Revenons sur les arguments entendus en commission des finances. L’un de nos collègues du groupe Renaissance nous a dit que l’extension de la TTF favoriserait « les marchés bancaire ou financier au détriment du marché des actions sur lequel les entreprises n’iront plus pour se financer. » Ceci appelle deux remarques : primo, les marchés d’actions sont des marchés financiers ; secundo, la TTF ne concerne pas les primo-émissions d’actions, mais uniquement le marché secondaire, celui de l’occasion – c’est l’article 235 ter ZD du code général des impôts. Rassurez-vous, chers collègues, les entreprises pourront toujours aller se financer sans problème sur le marché d’actions.
    On nous dit aussi que cela ruinerait la place de Paris. En vérité, cet argument ne tient pas : la City se porte bien avec un taux supérieur au nôtre, mais d’autres pays comme Hong Kong, Singapour ou Taïwan ont à la fois une TTF et une Bourse qui se porte bien.
    Enfin, un autre collègue nous a dit que les socialistes avaient « adopté la TTF en 1997 mais avec un taux nul par hypocrisie, jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy en augmente le taux en 2012. » Ce collègue fait une sacrée confusion !

    M. Gérard Leseul

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    Eh oui !

    Mme Christine Pires Beaune

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    En 2002, le gouvernement de Lionel Jospin avait créé une taxe sur les transactions de devises, c’est-à-dire sur les conversions monétaires, loin de l’actuelle TTF sur les actions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Et pour cause : en 1997, il existait déjà une TTF, nommée impôt sur les opérations de bourse, dont le taux était de 0,3 % par titre échangé – articles 978 et suivants du code général des impôts, vous pourrez vérifier. Devinez qui a supprimé cet impôt ? Nicolas Sarkozy dans l’article 11 de la loi de finances pour 2008.

    M. Hervé Saulignac

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    Eh oui ! La vérité est rétablie !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Le même Nicolas Sarkozy a effectivement rétabli une TTF cinq ans plus tard, en mars 2012, juste avant sa défaite, tout en supprimant la taxe sur les transactions de devises. On notera qu’il avait fixé à 0,1 % le taux de cette TTF, que le gouvernement socialiste a immédiatement relevé à 0,2 % en 2012, puis 0,3 % en 2017.

    M. Nicolas Forissier

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    Toujours plus d’impôts avec les socialistes !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Quand on veut raconter une histoire, il vaut mieux ne pas la réécrire. Les socialistes ont toujours été en pointe sur ce sujet,…

    M. Nicolas Forissier

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    Sur les impôts et les taxes, oui !

    Mme Christine Pires Beaune

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    …et continueront de l’être. C’est pourquoi nous voulons renforcer cette taxe en élargissant son assiette aux transactions intrajournalières et aux produits dérivés, à tous les titres échangés sur les marchés français et pas seulement à ceux d’entreprises françaises. Nous voulons aussi augmenter son taux à 0,5 %…

    M. Nicolas Forissier

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    Toujours plus d’impôts !

    Mme Christine Pires Beaune

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    …afin de limiter la spéculation et financer le fonds de solidarité pour le développement (FSD). Surtout, nous continuons à militer pour une TTF internationale car une chose est sûre : une telle taxe serait bien plus forte si elle existait à l’échelle européenne, voire mondiale.

    M. Nicolas Forissier

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    Quand proposerez-vous des économies sur les dépenses publiques ?

    Mme Christine Pires Beaune

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    Voter pour cette proposition de loi serait un signal fort envoyé par le Parlement au Président de la République, afin qu’il révise la position française et propose à l’Union européenne une TTF ambitieuse, conforme aux résolutions du Parlement européen des 16 février et 10 mai derniers. Pour cela, il faut que l’extension de la TTF, proposée dans le texte initial du groupe LIOT, soit rétablie, car cette proposition de loi a, elle aussi, été vidée de son sens en commission des finances par la majorité.
    Après l’épisode que nous avons vécu ce matin, une question se pose : allez-vous à chaque fois empêcher l’Assemblée nationale de se prononcer sur les textes proposés par les oppositions ? Que signifie pour vous le Parlement si l’on ne peut pas y discuter des textes ? Nous vous alertons solennellement : nos concitoyens auront vite fait de se demander à quoi nous servons si nous ne pouvons même plus avoir de débats politiques dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard

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    Comme vous tous, je pense aux victimes d’Annecy, à leurs familles et à leurs proches.
    La proposition de loi, présentée aujourd’hui par notre collègue Christophe Naegelen, a pour objectif d’étendre l’assiette de la TTF aux produits dérivés tels que les options ou les contrats à terme, mais aussi aux transactions intrajournalières. La volonté de faire contribuer davantage le secteur financier doit être prise au sérieux, eu égard aux montants en jeu et à l’exigence d’une juste contribution de chacun à l’effort national. Toutefois, ce projet précis ne répond pas de manière optimale à un tel enjeu car il soulève plusieurs difficultés.
    Relevons tout d’abord une difficulté technique qui risque de faire de cette proposition de loi un texte d’appel sans suite pratique : un élargissement de l’assiette de la TTF aux opérations intrajournalières, qui reviendrait à taxer les transactions, y compris lorsqu’elles ne donnent pas lieu à un transfert de propriété. On taxerait ainsi le flux au lieu de taxer l’acquisition réelle d’une action. Dès lors, le fait générateur de la taxe ne peut plus être le transfert de propriété.

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    Mme Félicie Gérard

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    Il serait difficile de définir les modalités techniques de déclaration et de contrôle de la taxe. C’est ce qui a conduit à la suppression de l’article unique de la proposition de loi lors de son examen en commission. Au vu du manque de données existantes sur le risque que représentait cette taxe intrajournalière, cette suppression nous a semblé nécessaire. L’Assemblée nationale a déjà adopté une telle taxation des transactions intrajournalières dans le passé, et, chers collègues socialistes, Christian Eckert, alors secrétaire d’État au budget, avait alerté sur les difficultés d’application d’un tel dispositif, qui fut d’ailleurs abrogé par la suite.

    M. Daniel Labaronne

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    Très bien !

    Mme Félicie Gérard

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    Dans sa version initiale, cette proposition de loi visait aussi à taxer en France les produits dérivés tels que les options et les contrats à terme. Même si l’on met de côté les considérations techniques – importantes mais ne pouvant constituer à elles seules l’argumentation –, la proposition de loi soulève un autre problème : la hausse de la fiscalité sur les transactions effectuées en France risque de nuire considérablement à l’attractivité de la place financière de Paris, pourtant en pleine expansion depuis le Brexit.

    M. Daniel Labaronne

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    Bien sûr !

    Mme Félicie Gérard

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    La demande de rapport adoptée en commission prend tout son sens car, sur ce point, nous manquons d’une analyse. Alors que nous portons un regard critique sur cette proposition initiale pour des raisons techniques et politiques, nous soulignons l’importance du rapport demandé : il sera sans nul doute utile et permettra de remettre sur la table la nécessité d’une taxation à l’échelle européenne. Pour mettre à contribution le secteur financier, sans risquer une délocalisation des activités financières dans des pays tiers, seule une solution européenne, souhaitée depuis plus de dix ans par la France, peut être efficace. Elle pourrait permettre d’élargir l’assiette de la TTF, notamment aux produits dérivés, sans prendre le risque de voir la place de Paris quittée par les financiers.
    Si l’examen à venir de ce texte ne modifie pas l’équilibre trouvé en commission, le groupe Horizons et apparentés votera favorablement pour cette proposition de loi. En revanche, si elle était rétablie dans sa version initiale, nous nous y opposerions. (MM. Philippe Dunoyer et Daniel Labaronne applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Pour souligner l’intérêt capital de cette proposition de loi, il faut rappeler que la TTF est l’héritière de la taxe Tobin, proposée par le lauréat du prix Nobel d’économie du même nom. Comme certains orateurs l’ont déjà indiqué, la TTF a été créée par Nicolas Sarkozy à un moment où les excès de la finance spéculative venaient de provoquer l’une des plus grandes crises financières mondiales depuis les années 1930, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté.
    L’idée est de dégager des recettes en taxant modestement la finance pour le bien commun, sans ralentir l’économie productive. Cette idée devrait faire consensus. Faut-il rappeler qu’une telle taxe est appliquée dans de plus de trente pays – à un taux de 0,3 % en France et de 0,5 % au Royaume-Uni où elle a d’ailleurs été créée au XIXe siècle – sans jamais menacer l’attractivité de leurs places financières ? En revanche, elle rapporte beaucoup plus que prévu : plus de 2 milliards d’euros en France, le double au Royaume-Uni et le triple en Corée du Sud – ces deux derniers pays étant très hostiles aux marchés, comme chacun sait.
    Alors oui, il faut voter pour cette proposition de loi. En élargissant l’assiette aux transactions intrajournalières, c’est aux transactions les plus spéculatives et les plus déconnectées de l’économie réelle que l’on demande de contribuer aussi au financement des biens communs. La TTF a, en effet, été créée par Nicolas Sarkozy pour financer des biens communs qui n’ont pas de frontières : la santé mondiale, le climat, l’éducation.
    Or, depuis la création de cette taxe, nous sommes devant un paradoxe. Contrairement à ce que pronostiquaient les ultralibéraux pour s’y opposer, les recettes n’ont cessé d’augmenter ; en revanche, sa contribution à la solidarité internationale – son objet même – n’a pas évolué car elle est plafonnée. Cette contribution s’élève ainsi à 528 millions d’euros alors que la taxe rapporte plus de 2 milliards d’euros. Compte tenu de l’augmentation du produit de la taxe, la part consacrée à la solidarité internationale est passée de la moitié à environ un quart de son montant en cinq ans.
    Que l’augmentation des recettes profite au budget général – et donc à nos services publics – est évidemment une bonne chose. Qu’elle profite également à l’objet pour lequel elle a été créée, ce serait de bon sens et cela contribuerait à respecter enfin l’engagement pris par la France il y a maintenant soixante-deux ans, en 1960 : consacrer 0,7 % de notre PIB à la solidarité internationale.
    Tel sera l’objet des amendements identiques nos 23 et 24 que nous défendrons cet après-midi – amendements que nous présentons d’ailleurs depuis maintenant plus de cinq ans, à chaque examen du projet de loi de finances (PLF), appuyés en cela par bon nombre d’autres parlementaires, notamment par le président Pancher.
    Alors que le PIB mondial a été multiplié par quinze depuis la fin des années 1970, le montant des transactions boursières a été multiplié par 500 ! Le temps est donc venu de faire en sorte que ces opérations contribuent davantage au financement des services publics et des biens communs. Nous ne nions pas la nécessité des transactions financières, monsieur le ministre délégué. Nous demandons simplement qu’elles contribuent un peu plus au financement des biens communs. Pour ce faire, il faut élargir l’assiette du prélèvement et augmenter son taux. Son équivalent britannique, la stamp duty, est fixé à 0,5 % depuis 1986. À cette date, la TTF n’existait même pas en France ! Cela n’a pas empêché Londres de rester la première place boursière de l’Union européenne jusqu’au Brexit, puis de rester la deuxième place boursière du monde.

    Mme Christine Arrighi

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    Eh oui !

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    Vous affirmez, comme certains intervenants l’ont fait au cours des auditions, qu’un élargissement de l’assiette serait techniquement impossible. C’est exactement ce même argument qui nous était opposé lors de la création de la TTF et qu’avancent encore les opposants à la taxe Tobin. Puisque Daniel Labaronne a évoqué la tribune parue le 6 juin dernier dans le journal Le Monde, je rappelle que si cette question revient régulièrement dans le débat depuis que nous défendons la création d’une taxe internationale sur les transactions financières,…

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Hubert Julien-Laferrière

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    …nous n’avons pas entendu le Président de la République la mettre à l’agenda de l’Union européenne lorsqu’il en assurait la présidence au début de l’année 2022. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR-NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme Christine Arrighi

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    Et voilà !

    Mme la présidente

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    Avant de lever la séance, je vous informe que la présidente a été informée du retrait par son auteur, en application de l’article 84, alinéa 2 du règlement, de la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique. Il est pris acte de ce retrait. En conséquence, il n’y aura pas lieu de débattre de cette proposition de loi, qui était inscrite à l’ordre du jour immédiatement après le texte en cours d’examen.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières ;
    Discussion de la proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer ;
    Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » ;
    Discussion de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance ;
    Discussion de la proposition de loi visant à limiter la contamination par les substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra