Je voterai contre la proposition de loi Sécurité globale , malgré les ultimes tentatives de la rendre plus acceptable au regard des libertés publiques, parce que ce dispositif législatif présente des risques potentiels d’atteintes à la vie privée, aux principes d'égalité devant la loi et de proportionnalité d'individualisation des peines, à la liberté d'informer. Voilà qui fait beaucoup dans un domaine, celui des libertés fondamentales, où le moindre franchissement des lignes pose problème, me pose problème, surtout dans une démocratie censée porter haut l’étendard historique des libertés.
Le code pénal et la loi de 1881 protègent déjà nos forces de l’ordre et je rappelle que le droit d’informer appartient à chaque citoyen. Par ailleurs, le terme de « manifeste » ne rend pas le délit d’intention plus acceptable au regard du droit. La police et la gendarmerie nationales sont des institutions publiques et républicaines à qui tout citoyen doit le respect, c‘est incontestable. J’ai toujours clairement affiché mon soutien aux forces de l’ordre. Cependant, leurs agents doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle public dans l'exercice de leurs fonctions.
Par ailleurs, et dans le même esprit, si je suis un défenseur des nouvelles technologies, je ne souhaite pas pour autant qu’il en soit fait un usage systématique : le recours à des technologies potentiellement invasives et intrusives ne peut se faire que dans un champ d’application extrêmement borné et circonstancié sur le plan juridique. Plus encore, le vide du texte sur la reconnaissance faciale laisse la voie libre à des ordonnances ultérieures qui permettraient l’usage décomplexé d’une telle technologie.
Mais bien au-delà de toutes ces réserves sur le fond, et la liste n’en est pas ici exhaustive, je regrette les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé le débat parlementaire. Je laisserai de côté l’argumentation « sommaire » d’un collègue partisan du dispositif, me conseillant en pleine commission des lois, d’aller me faire « déniaiser ». La vulgarité du propos n’a d’égale que l’absence très « globale », effectivement, de considération manifestée à l’égard de la représentation nationale et de son rôle.
Pas d’étude d’impact, pas de saisine de la CNIL, pas d’avis du Conseil d’Etat portant sur l’ensemble du dispositif, une simple proposition de loi qui finit par ressembler à un projet de loi, mélange des genres inadmissible. Pourtant l’idée d’un continuum de sécurité et d’une montée en compétence des polices municipales aurait pu être un beau projet, celui, circonscrit, de la proposition de loi initiale. Et cela aurait dû s’en tenir à cela.
Je rappellerai le dépôt « en force » par le gouvernement de tant d’amendements importants, après la commission des lois, juste avant la séance, comme ceux sur l’article 22, heureusement retirés depuis, qui avaient été déposés sans en avoir prévenu le Conseil d’Etat, pourtant sollicité en amont sur ce seul article ; la tentative avortée d’habilitation à légiférer par ordonnance. On parle aussi d’un futur décret en Conseil d’Etat qui annihilerait le rôle du parlement
Enfin, le futur article 25 du projet de loi séparatisme opportunément dévoilé au tout dernier moment, est infiniment plus large et répressif que l’article 24 de la proposition de loi Sécurité globale et ce, sans que les parlementaires en aient été informés dans des délais suffisants pour leur permettre de déposer des amendements éclairés, une condition pourtant nécessaire pour la clarté et la sincérité des débats parlementaires, un principe constitutionnel, consacré en 2005, et présenté comme une garantie nécessaire pour assurer le respect des règles énoncées à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (« La loi est l'expression de la volonté générale ») et au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants »).