La proposition de loi relative à la sécurité globale est le fruit d’un intense travail parlementaire visant à compléter le recrutement de 10.000 agents supplémentaires, à déployer la police de sécurité du quotidien et à réinvestir massivement dans la sécurité publique, ainsi que la majorité s’y emploie depuis le début du quinquennat.

Ce texte d’initiative parlementaire poursuit des objectifs particulièrement louables. 

Il vise à renforcer la protection de nos concitoyens en assurant la coopération efficace des différentes forces de sécurité : les polices nationale et municipale, la gendarmerie nationale et les agents de sécurité privée. Il s’agit de donner leur pleine mesure aux renforcements d’effectifs par l’optimisation de leurs interventions, la mutualisation de leurs moyens et le partage de leurs compétences pour garantir à chacun le droit à vivre paisiblement. 

Ces dispositions doivent permettre de mieux encadrer le recours à des agents de sécurité privée dont les effectifs sont nécessaires à l’organisation des prochaines grandes compétitions internationales (Coupe du monde de rugby, Jeux Olympiques).

Il doit permettre de doter l’ensemble des policiers et gendarmes de caméras individuelles. Cette disposition recueille ma totale approbation tant l’on sait que l’enregistrement des interventions participe à un apaisement des relations entre citoyens et gardiens de la paix. 

Toutefois, je voudrais exprimer certaines réserves.

L’article 21 modifie l’article L.241-1 du code de sécurité intérieure permettant aux agents engagés sur le terrain un accès direct aux enregistrements auxquels ils procèdent. Cette disposition m’interpelle quant à la neutralité d’une preuve qui serait consultable par l’une des parties. Elle me semble par ailleurs contraire aux préconisations de la délibération n°2016-865 de la CNIL sur le projet de décret du Conseil d’État portant application dudit article, qui estime que cette interdiction constitue une protection essentielle.

L’article 22 a le mérite de définir un cadre législatif d’utilisation et de traitement des images captées par caméras autoportées conformément à la décision rendue en référé par le Conseil d’État (CE, 18 mai 2020, n°44042). Le champ d’application prévu pour l’usage de cette technologie à l’article L.242-5 me semble toutefois excéder les mesures strictement nécessaires et proportionnées à la poursuite de l’objectif d’intérêt général tendant à garantir la sécurité publique.

L’article 23 étend les interdictions de crédit de réduction de peine lorsqu’une des infractions visées est commise au préjudice d’un élu, d’un représentant des forces de l’ordre, de l’administration pénitentiaire ou d’un pompier. Cette interdiction, aujourd’hui réservée aux seules infractions terroristes, m’apparaît disproportionnée et sujette à controverse dès lors qu’elle vient créer une catégorie de victimes dont les droits seraient supérieurs aux « victimes de droit commun ».

Je partage l’idée qu’aucun agent ne devrait être inquiété parce qu’il exerce son métier, ni craindre pour son intégrité parce qu’il remplit sa mission d’intérêt général. J’ai proposé un amendement de réécriture globale de l’article 24 afin d’objectiver le délit créé et d’en exclure les journalistes.

Cependant, sa concomitance avec l’article 25 du projet de loi renforçant nos principes républicains qui prévoit de sanctionner le « fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens » m’interroge sur la nécessité de le maintenir.

L’article 25 étend le droit du port d’arme hors service par les policiers ou les gendarmes en levant l’interdiction d’accès au porteur que peut opposer le propriétaire d’un établissement recevant du public. Aussi utile que puisse être cette disposition, elle est susceptible de créer des difficultés supérieures aux avantages qu’elle procure et vient porter atteinte au droit constitutionnel de protection de la propriété privée.

L’article 30A prescrit l’enregistrement de l’identité de l’acheteur d’articles pyrotechniques de divertissement ou le fait de refuser de conclure une vente si l'on suspecte un usage inapproprié. En l’état, ce texte présente des restrictions importantes à la commercialisation d’artifices de divertissement dont je souhaite autoriser l’usage dans les enceintes sportives.

En conséquence, au terme de l’examen en première lecture, je m’abstiendrai de voter cette proposition de loi.