Les professionnels du grand âge, les personnes âgées et dépendantes, mais aussi leurs familles, attendent depuis de nombreuses années un engagement et un investissement massifs pour répondre aux nombreux défis et enjeux du vieillissement. Promesse du candidat Emmanuel Macron en 2017, la loi « grand âge » qui devait révolutionner notre système n’a jamais vu le jour. Hélas ! Afin d’y pallier, les députés issus des bancs de la majorité présidentielle ont déposé cette proposition. Personne ne peut tolérer que l’espérance de vie en bonne santé en France, quoiqu’en progrès, reste inférieure à la moyenne européenne, avec des écarts pouvant aller, pour les femmes, jusqu’à dix à douze ans avec un pays comme la Suède. Face à la volonté de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions, comment ne pas souscrire à l’idée de voter en faveur d’une telle proposition de loi ?

Après avoir lancé une consultation des acteurs locaux de la dépendance, de la prise en charge à domicile et plus généralement du grand âge, le député Stéphane VIRY déplore en premier lieu l’absence totale de mesures liées aux ressources humaines. Nombre d’EHPAD et de services à domicile dressent un constat partagé de manque de personnels. Renforcer l’attractivité salariale et statutaire de ces métiers, mais aussi les valoriser, les sécuriser et assurer une promotion des métiers à la hauteur du service rendu auraient dû être des mesures portées. Par ailleurs, agir sur la formation aurait également dû être au cœur des priorités quand on sait que 800 000 emplois seront à pourvoir d’ici 2030. L’opportunité de recréer une véritable filière attractive est manquée.  

Outre la vision des ressources humaines, il est indispensable de remettre le résident au cœur des priorités, surtout en libérant du temps de travail pour les soignants auprès des patients. En effet, les soignants croulent sous la bureaucratisation de leur métier, en devant remplir formulaires et comptes-rendus. A titre d’exemple, un dirigeant d’un Ehpad a indiqué que chaque soir, la cinquantaine d’usagers de cet établissement devait être aidée pour se laver les dents et se coucher, et ce en moins de 90 minutes. Avec deux soignants, ils ont entre 3 et 4 minutes – seulement – pour chaque patient et par soir. La parution du livre-enquête « Les Fossoyeurs » en 2022 a permis de mettre en lumière des défaillances de prise en charge des résidents en EHPAD. Aussi, depuis le 1er janvier 2023, les établissements médicaux sociaux sont tenus de publier 5 indicateurs de qualité quant aux soins, à l'accompagnement et aux services afin de veiller au respect des droits et dignité des personnes âgées vulnérables. Afin de permettre de rassurer les familles et d’assurer les bons soins aux résidants, il faudrait généraliser les questionnaires de satisfaction dans le cadre de la bientraitance afin de permettre d’atteindre ces objectifs.

En outre, il convient d’agir sur la médicalisation, notamment en permettant au médecin coordinateur de pouvoir devenir prescripteur, mais également en développant la télémédecine dans les Ehpad ou encore en renforçant la surveillance de nuit. En effet, avec le développement des soins à domicile ou les logements dits « seniors », les personnes âgées arrivant beaucoup plus tard en établissement, leur situation physique est médicalement plus lourde qu’auparavant. De plus, en assurant à chaque individu un médecin traitant avec des rendez-vous disponibles, mais également avec une offre de soins garantie pour tous et partout, cela permettrait de passer d’une société du curatif au préventif.

6 ans d’attente pour arriver à cela, ce n’est pas sérieux et ce n’est pas ce que l’on attend d’une réelle loi sur le Grand âge. Cette proposition de loi ne traite pas des causes profondes, mais seulement des conséquences qui sont le résultat de l’absence de réelles politiques menées par le Gouvernement sur le sujet. L’article 40 de notre Constitution disposant que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique », un tel texte, par nature, ne pouvait pas être ambitieux. Ainsi, la filière des aides à domicile, l’isolement des personnes âgées, le reste à charge pour les patients, le financement de la dépendance, les différences territoriales de prise en charge, … tant de sujets peu ou pas abordés dans cette proposition de loi. Une autre copie devra être rendue afin de soigner réellement les maux du bien vieillir en France.