Deuxième séance du jeudi 31 octobre 2024
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Restaurer un système de retraite plus juste
- Article 2 octies
- Après l’article 2 octies
- Amendements nos 9 et 1
- M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- Amendement no 6
- Rappel au règlement
- Après l’article 2 octies (suite)
- Article 3
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public
- Rappel au règlement
- Discussion générale
- Reprise de la discussion
- Discussion des articles
- 3. Réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et juguler leurs effets sur la crise du logement
- Suspension et reprise de la séance
- Présentation
- Discussion générale
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Restaurer un système de retraite plus juste
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de discussion de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (nos 284, 475).
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 2 octies.
Article 2 octies
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
L’article 2 octies prévoit la rédaction d’un nouveau rapport pour faire une analyse des différentes réformes des retraites, du financement, etc. C’est très intéressant, cependant la propagande du Rassemblement national ne résiste pas à l’épreuve des faits. D’abord, les députés du groupe RN prétendent choisir le chemin le plus rapide et le plus court pour abroger la réforme des retraites qui a porté l’âge de départ à 64 ans. Figurez-vous que le chemin le plus court aurait été d’avoir un gouvernement du Nouveau Front populaire, en nommant Lucie Castets Première ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.) Pourquoi n’y a-t-il pas un tel gouvernement ? Parce que le Rassemblement national l’a refusé. Pourquoi y a-t-il un gouvernement de M. Barnier ?
M. Philippe Ballard et M. Emeric Salmon
Parce que vous avez voté pour eux le 7 juillet !
M. Ugo Bernalicis
Parce que le Rassemblement national l’a accepté. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Chaque fois qu’il y a un problème, on appelle la droite pour rattraper les choses !
M. Ugo Bernalicis
Ensuite, dès lors que le critère de l’urgence est évacué, reste le critère de l’efficacité. Pour que la loi soit effectivement abrogée, il ne suffit pas de voter un texte en première lecture à l’Assemblée ; il faut une navette parlementaire. Je vous l’apprends peut-être, chers collègues, mais il faut que le texte aille au Sénat, puis revienne, s’il n’y a pas de commission mixte paritaire (CMP) à l’issue de la première lecture dans les deux chambres. Or les prochaines niches parlementaires au Sénat pour abroger la réforme portant l’âge de départ à 64 ans auront lieu en décembre 2024 et en janvier 2025. Vous aurez donc l’occasion de vous rattraper, avec la coalition majoritaire – en majorité relative certes, mais en majorité à l’Assemblée nationale – du Nouveau Front populaire, le 28 novembre prochain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je me tiens à votre disposition, car je serai le rapporteur de cette proposition de loi d’abrogation…
M. Philippe Ballard
Nous avons dit que nous la voterions !
M. Ugo Bernalicis
…que vous voterez parce que ce circuit-là sera efficace pour abroger effectivement la réforme des retraites. Enfin, nous vous en voulons de ne pas avoir voté l’amendement du groupe LFI-NFP au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ; nous proposons une base de financement, au moins à court terme, pesant sur les actifs qui gagnent le plus, lesquels paieront une légère surcotisation. Vous l’avez refusé, car vous n’avez pas de proposition pour financer l’abrogation de la retraite à 64 ans, sinon de dire aux femmes de procréer davantage ; c’est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Dans la suite de ce qu’a très bien dit M. Ugo Bernalicis, je souhaite à mon tour démontrer le mensonge que vous faites aux Français. Ce n’est pas bien, ce n’est pas beau de mentir. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
Ça vous va bien de dire ça !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand autant de gens se sont mobilisés contre cette réforme, quand autant de gens en souffrent, faire croire que vous pourriez l’abroger aujourd’hui est un mensonge vraiment répugnant, et qui vous ressemble d’ailleurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Avant même d’être vidée de sa substance, votre proposition de loi était un coup d’un soir législatif.
M. le président
Ne prenez pas à partie vos collègues.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je m’exprimerai donc à la troisième personne. Le texte du Rassemblement national était un coup d’un soir législatif, puisqu’il s’agissait de voter aujourd’hui un texte qui n’aurait pas été transmis au Sénat ensuite, et qui n’aurait rien changé à la vie de personne. Or nous sommes à l’Assemblée nationale pour changer la vie de nos concitoyens, pas pour créer des visuels et faire des effets de communication, ou pour permettre à Mme Le Pen d’entamer sa dix-huitième campagne présidentielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 2 octies.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 214
Nombre de suffrages exprimés 200
Majorité absolue 101
Pour l’adoption 111
Contre 89
(L’article 2 octies est adopté.)
Après l’article 2 octies
M. le président
Nous en venons à une série d’amendements portant article addionnel après l’article 2 octies.
Je suis saisi de deux amendements, nos 9 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Philippe Juvin
Il ne faut pas se faire d’illusion : avec le système de retraite par répartition pur, compte tenu de la natalité, la baisse des pensions est inéluctable. Que font alors les riches pour s’assurer une bonne retraite ? Ils économisent, et cela s’appelle de la capitalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe SOC
C’est inégalitaire !
M. Philippe Juvin
Cela existe déjà pour les fonctionnaires, avec le régime de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) ou au Sénat, par exemple. Si l’État avait capitalisé comme le Sénat, il aurait réduit son déficit de 40 %. En réalité, économiser permet non seulement de compléter le système par répartition, c’est-à-dire les pensions de retraite, mais aussi de financer l’économie. Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, d’étudier l’avenir des régimes de retraite et de compléter le système de retraite par répartition au moyen d’une étude sur la capitalisation collective.
M. Jean-Paul Lecoq
Va-t-on capitaliser le Smic ?
M. Philippe Juvin
Ayez une chose en tête : si nous n’avons pas de capitalisation collective obligatoire, il y aura des gens qui capitaliseront néanmoins ; ce seront les privilégiés, car ils pourront le faire, tandis que vous aurez laissé les autres sur le bord du chemin. (M. Olivier Marleix applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Fabien Di Filippo
Comme je l’ai dit ce matin, le système de retraite par répartition, étant donné l’évolution démographique qui s’accélère, est condamné. Il nous faut envisager de nouvelles manières pour nos concitoyens de se constituer une retraite solide. Nous le constatons en observant d’autres pays : la capitalisation permet d’atteindre des niveaux de pension bien plus satisfaisants que ce que nous pouvons encore garantir aux retraités en France.
Je souhaite également exprimer un regret. Je sais que les mariages de raison sont les plus longs à se dessiner, mais ce sont souvent les plus solides. Je vois le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire se déchirer alors qu’ils portent exactement le même projet (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP) en matière de retraite. (M. Pierre Cazeneuve applaudit.) M. Bernalicis vient de publier les bans : dans quelques semaines, le 28 novembre, ils se retrouveront sans doute.
Cependant, nous perdons énormément de temps sur une proposition de loi vide de tout contenu. J’aimerais que nous abordions les sujets des propositions de loi suivantes : les peines planchers ou la clandestinité sont des vrais problèmes dans notre pays. Si l’on se réfère à la promesse que vous avez faite à vos électeurs sur le contenu de cette journée, pour l’instant, le compte n’y est pas. Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à perdre des heures et en allant au bout de la discussion, alors que nous pourrions aborder des sujets beaucoup plus porteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.
M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales
MM. Juvin et Di Filippo ont abordé dans l’hémicycle un sujet important. Certains critiquent le débat que nous avons depuis le début de cette journée, mais je pense qu’il est intéressant. Vous avez tous les deux évoqué un sujet qui intéresse les Français. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous l’avez très bien dit, il faut débattre de la question d’une part de capitalisation collective, pour éviter, bien entendu, que seuls les plus riches se constituent indirectement une retraite par capitalisation, grâce à des produits financiers et par l’intermédiaire de sociétés privées, et pour préserver le niveau de pension de retraite et le niveau de vie des Français. Il faut donc étudier cette question, sur la base du régime de retraite additionnelle de la fonction publique, comme vous l’avez bien expliqué, monsieur Juvin.
Il me semble cependant, comme je l’ai dit lors des débats en commission, que la demande de rapport sur ce sujet n’est pas opportune. En effet, notre travail est d’apporter des solutions et non de les attendre du Gouvernement. Le sujet de la capitalisation collective peut être ouvert.
M. Manuel Bompard
Ah !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Néanmoins, ce qui m’inquiète, monsieur Juvin, c’est qu’il semble difficile, avec un taux de cotisation vieillesse de 28 % du salaire brut, d’ajouter un nouvel étage à la fusée, comme vous le proposez – en effet, nous sommes attachés au système par répartition, donc il s’agirait d’un étage supplémentaire – sans baisser le pouvoir d’achat des Français en diminuant mensuellement leur salaire net. Voilà la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
D’autres pays ont une part de capitalisation, mais comme je l’ai expliqué ce matin, ils ont souvent des taux de cotisation largement inférieurs à ceux de la France : ce taux s’élève à 28 % en France contre 18 % en moyenne dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
J’ai souhaité laisser se dérouler le débat sans répondre aux différentes accusations, mais je voudrais désormais répondre sur le financement. Chers collègues de gauche, il n’y a pas que la natalité. Cela devrait vous parler, de soutenir les familles avec des places en crèche, des services publics qui marchent, en garantissant la sécurité dans le pays et en assurant un soutien financier et un pouvoir d’achat à la hauteur, pour qu’elles vivent en bonne santé, dans de bonnes conditions ; je ne comprends pas l’hystérisation dont vous faites preuve sur cette question.
Cependant, il y a d’autres sujets que nous avons mis au cœur de nos capacités à financer notre système de retraite par répartition, comme la question de la productivité. Au cours des cinq dernières années, la productivité dans notre pays et surtout en Europe, a augmenté dix fois moins vite qu’aux États-Unis. Nous sommes donc très en retard. C’est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national veut porter à 3 % du PIB les moyens en matière de recherche et développement.
Nous souhaitons également travailler sur l’amélioration du taux d’emploi pour financer les retraites sans demander plus d’efforts aux Français qui ne peuvent pas en fournir davantage. Je le répète, nous sommes très loin derrière l’Allemagne, où le taux d’emploi est supérieur de 10 points, et les Pays-Bas, où il est supérieur de 14 points. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) l’explique très bien : si nous rattrapons les Pays-Bas, 140 milliards d’euros supplémentaires entreront dans les caisses pour financer le système de retraite par répartition.
Enfin, vous avez proposé d’abroger la réforme portant l’âge de départ à la retraite à 64 ans grâce à un gouvernement du Nouveau Front populaire, cependant nous aurions eu une inquiétude : celle que M. Aurélien Rousseau soit votre ministre du travail, alors qu’il était favorable à la retraite à 64 ans, qu’il a instaurée. Nous sommes désolés, mais non : nous ne voulions pas de M. Rousseau comme ministre du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Cette série d’amendements est intéressante. Il ne faut pas avoir peur des demandes d’études. Je donne donc un avis de sagesse sur l’amendement no 9 de M. Juvin sur la capitalisation collective, comme je le ferai sur l’amendement no 8 de M. Viry portant sur un système universel de retraites par points, car je pense que cela permettra à la représentation nationale et à l’exécutif de mieux prendre des décisions à l’avenir.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Aujourd’hui, c’est Halloween.
M. Fabien Di Filippo
Vous importez la culture américaine dans notre pays !
M. Hadrien Clouet
Normalement, Halloween, c’est la nuit des masques, mais il est quinze heures et les masques tombent déjà. En effet, autour de l’article 2 octies, nous voyons se constituer une coalition baroque, de l’extrême droite à la droite dure, de personnes qui sont d’accord, selon les termes du rapporteur, pour examiner la capitalisation des retraites,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
La capitalisation collective !
M. Hadrien Clouet
…soit le fait de jouer en Bourse les revenus de retraite des Françaises et des Français.
M. Fabien Di Filippo
La capitalisation, ce n’est pas la Bourse !
M. Hadrien Clouet
Nous avons entendu vos arguments. Certains nous disent : avec la répartition, on ne trouverait pas l’argent pour les caisses de retraite. Mais d’où viendra alors l’argent de la capitalisation ? C’est l’argent magique. Comment voulez-vous mettre à la banque l’argent que vous ne trouvez pas actuellement ? Peut-être parce que vos amis sont banquiers. Ce n’est que ça, la différence entre ces deux types de projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
J’entends dire : cela aura un rendement à long terme. D’abord, vous ne savez pas calculer à six mois vos résultats électoraux, alors les taux d’intérêt à quinze ans… (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Néanmoins, admettons. Vous nous dites : regardez, il y a des pays où les rendements sont de 2 % ou 2,5 %. Mais pourquoi ? Parce que personne ne le fait. Dès lors que tout le monde entre dans un même fonds de pension, le rendement de ce fonds de pension baisse automatiquement. Vous nous proposez donc d’aller vers un système où le rendement des placements que vous aurez pris aux Français sera de 0 %. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Les effets de ce type de politique sont bien connus : vous allez créer une masse gigantesque de capital fictif qui excédera les capacités de production et qui entraînera de l’inflation. Alors, non seulement on aura perdu de l’argent au début, mais on rognera le pouvoir d’achat des pensionnés à la fin. En vous écoutant aujourd’hui, ces derniers auront perdu à deux ou trois, voire à quatre reprises. Pour l’instant, heureusement, il ne s’agit que de leur temps, et pas de leur argent.
Nous voyons bien que ces rapports sont demandés sur consigne du Medef. Du Rassemblement national à la Droite républicaine, tout le monde est d’accord pour jeter l’argent des Français sur les marchés financiers.
Plusieurs députés du groupe EPR
Oh là là…
M. Hadrien Clouet
Mais rassurez-vous : le 28 novembre, nous défendrons la retraite à 62 ans et – surtout – le système par répartition auquel nous ne vous laisserons jamais prendre un centime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur Clouet, ces amendements visent seulement à étudier la question. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Avec vos propositions et celles du RN, notre système de retraite va droit dans le mur !
Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le rapporteur, loin d’apporter des solutions, vous aggraverez le déficit de 4 milliards, dès l’année prochaine, et de 16 milliards par an les années suivantes.
M. Hadrien Clouet
C’est de l’argent magique, la capitalisation !
M. Thibault Bazin
Vous évoquez le taux d’activité et le taux de renouvellement des générations, mais, depuis que je siège ici, c’est-à-dire depuis 2017, je ne vous ai jamais entendus vous exprimer sur la politique familiale.
M. Fabien Di Filippo
Ils n’aiment pas la famille !
M. Thibault Bazin
Où étiez-vous quand nous débattions du taux d’activité et de la loi pour le plein emploi ? Vous avez refusé les contreparties au RSA et le plafonnement des aides sociales. En fait, vous ne voulez pas vraiment améliorer le taux d’activité : vous étiez absents à chaque rendez-vous ! Pire, vous votiez contre les solutions !
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Si nous proposons d’étudier la question, c’est non pour les banquiers ou le Medef, mais pour les Français ! Nous réfléchissons à toutes les solutions possibles, afin de financer une retraite digne pour tous, qui protège le pouvoir d’achat de ceux qui ont travaillé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Hadrien Clouet mime un joueur de violon.)
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Hadrien Clouet
Une retraite qui disparaîtra sur les marchés financiers !
M. le président
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
À mesure qu’il progresse, le débat éclaire la position de chacun. En cohérence avec vos votes sur le budget, les propos du rapporteur du Rassemblement national sur la retraite par capitalisation en disent long sur le modèle que vous promouvez : celui d’un pays où la finance et le privé prendraient le pas sur la protection sociale. Ce n’est pas cela qui permettra aux ouvriers et aux employés d’avoir de meilleures retraites, car vous les appauvrirez.
Vous n’avez qu’un mot à la bouche : la productivité au travail. En bout de course, pour les caissières et les travailleurs à la chaîne, cette obsession signifie qu’ils devront faire plus en moins de temps. La détérioration des conditions de travail de ceux qui font vivre le cœur de notre pays n’est pas acceptable.
Puisque vous évoquez le modèle américain, permettez-moi de rappeler que l’Inflation Reduction Act a permis d’investir des milliards dans les écoles et la transition écologique. C’est précisément ce que vous refusez de faire sur ces bancs. (L’oratrice désigne les bancs du groupe RN jusqu’aux bancs du groupe EPR).
M. Fabien Di Filippo
Vous avez montré François Hollande !
Mme Clémentine Autain
Vous êtes incapables d’avoir un minimum d’esprit public et d’investir pour être non plus productifs, mais plus utiles à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Vos fantasmes sur la capitalisation collective trompent les Français qui n’ont pas la possibilité financière de mettre de l’argent de côté.
M. Vincent Jeanbrun
C’est clair !
M. Philippe Juvin
La capitalisation collective est le choix d’économiser ensemble pour l’avenir.
M. Vincent Jeanbrun
Bravo !
M. Philippe Juvin
C’était la position de Jaurès, dans L’Humanité. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Il est sérieux ?
M. Philippe Juvin
Dans plusieurs articles de 1909, il expliquait que l’une des bases du progrès social était de permettre aux ouvriers d’économiser, afin qu’une fois à la retraite, ils bénéficient de la richesse produite par leur travail. En ne leur disant pas la vérité, en avançant que le système par répartition continuera à les défendre, vous trompez ceux d’entre nous qui sont les plus dépouillés d’avantages personnels. Pour vous – c’est encore un fantasme –, le capital ne peut pas être au service des plus modestes. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Je souhaite dissiper les incompréhensions des collègues de gauche. Avec Marine Le Pen, nous ne proposons pas d’investir dans des fonds de pension privés, mais nous invitons à une réflexion sur la part de capitalisation collective dans un fonds souverain français, sur lequel nous aurions la main. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Madame Autain, il est évident que la productivité est nécessaire. Sans richesse créée, il n’y a rien à répartir. Si on veut que chacun ait sa part, il faut faire grossir le gâteau. Vous voulez le réduire en le taxant : cette position mènera notre pays à la ruine.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Cela n’a rien à voir !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Monsieur Bazin, je n’ai pas compris votre colère au sujet de la part de capitalisation collective.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas moi !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Pardon, j’ai cru que vous m’interpelliez. S’agissant du financement, je vous invite à lire notre contre-budget présenté par Jean-Philippe Tanguy la semaine dernière. Il propose 15 milliards d’économies supplémentaires, qui s’ajoutent aux 60 milliards du budget de M. Barnier. Cela compensera largement les 3 milliards de déficit des retraites pour l’année prochaine, et cela donnera deux ans de vie en plus aux Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
(Les amendements nos 9 et 1, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur ces amendements, en raison du grand nombre d’interventions, j’ai donné la parole à deux orateurs pour et deux orateurs contre. Nous repassons à un orateur pour, un orateur contre.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Aurélien Pradié
Il s’agit d’un amendement commun, déposé avec huit collègues issus de trois groupes politiques différents ou non inscrits.
L’amendement porte sur les carrières longues, qui ont fait l’objet d’une bataille collective, il y a plusieurs mois. Permettez-moi de présenter la situation actuelle, après la dernière réforme des retraites : si vous avez commencé à travailler à 16 ans, vous cotiserez quarante-quatre annuités et si vous avez commencé à travailler à 17, 18, 19 ou 20 ans, quarante-trois annuités. J’imagine que, comme moi, vous n’y comprenez pas grand-chose.
Parmi les grands perdants de la dernière réforme des retraites figurent ceux qui ont eu une carrière longue, en commençant à 16 ou plus généralement avant 21 ans. La sociologie de ces travailleurs montre qu’ils ont les métiers les plus difficiles, avec des horaires décalés et une faible rémunération.
D’un point de vue intellectuel, il est injustifiable que quelqu’un qui a commencé à 16 ans cotise une année de plus que quelqu’un qui a commencé à 17 ans. Cela n’a pas été corrigé par la réforme des retraites, même si nous étions un certain nombre à appeler à le faire. Le Premier ministre a annoncé qu’il voulait avancer sur la question, mais je ne vois pas pourquoi nous y réfléchissons encore. En plus, cela nous coûte de l’argent. Depuis la dernière réforme des retraites, les études du COR pointent une explosion des dépenses liées aux pensions d’invalidité et aux arrêts maladie, notamment pour ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans. Même si la réforme vous pousse à travailler une année de plus, si votre métier est physiquement difficile, vous ne le pouvez pas. À défaut de pouvoir faire mieux, la demande de rapport vise à mettre fin le plus rapidement possible à ces injustices. (Mmes Stella Dupont et Constance de Pélichy, ainsi que M. Raphaël Schellenberger applaudissent.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Je vous remercie d’évoquer ce sujet majeur. Les personnes ayant effectué une carrière longue, qui ont commencé entre 18 et 20 ans, travailleront aussi deux ans de plus. Faute de pouvoir faire mieux, comme vous l’avez bien dit, je donne un avis favorable à cette demande de rapport.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je donne un avis de sagesse à ces demandes de rapport.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons cet amendement posant la question légitime des carrières longues, qui ont été au cœur de la bataille contre la réforme des retraites.
Par ailleurs, je tiens à dire que nous avons été scandalisés par les propos tenus par le Rassemblement national et l’extrême droite en général sur la capitalisation. Une fois ouverte la possibilité de dilapider sur les marchés financiers les retraites des Français,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
J’ai dit l’inverse !
M. Hadrien Clouet
…nos collègues de la Droite républicaine, notamment notre collègue Juvin, se sont engouffrés dans la brèche. La France insoumise ne peut pas le laisser salir ainsi la mémoire de Jean Jaurès. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Les explications que vous avez données sont sorties de leur contexte, ou bien de mauvaise foi – vous connaissant, c’est plutôt la première option. Nous nous réjouissons que vous soyez d’accord avec Jaurès, puisque vous êtes maintenant favorables au groupement associé des travailleurs en vue de contrôler toute la production du pays. Bravo, bienvenue au club ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Ensuite, vous arguez que Jaurès défendait la capitalisation. Il soutenait plutôt le placement des caisses de retraite dans des rentes d’État ou des rentes industrielles. Il n’y avait pas de fonds de pension !
M. Fabien Di Filippo
On n’a pas parlé de fonds de pension !
M. Hadrien Clouet
Vous n’avez donc pas compris Jaurès – et même si vous l’aviez compris, nous ne serions pas d’accord. Jaurès défendait les caisses de retraite qui pouvaient placer des intérêts, parce qu’à l’époque, l’État était hostile à la classe ouvrière et lui refusait toute institution autonome.
M. Philippe Juvin
C’est exactement ça !
M. Hadrien Clouet
Cette institution a été conquise en 1945 : elle s’appelle la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Elle est directement placée entre les mains des travailleurs associés et élimine, pour toujours, l’usage de la finance et des fonds de pension dans notre pays. Elle a fait de la finance, qui pouvait alors passer pour une force de progrès, une force de régression. La sécurité sociale répond donc à votre question. Votre amendement ne sert à rien, votre lecture de Jaurès a cent ans de retard, vous devriez lire le début et la fin de la page, et enlever le paragraphe que vous citez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe LFI-NFP
Tel est pris qui croyait prendre !
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
J’ai cosigné cet amendement de mon collègue Aurélien Pradié, parce que les carrières longues sont un sujet de protection sociale et de justice économique. Les travailleurs en carrière longue occupent généralement des emplois pénibles et parmi les moins qualifiés. Certes, le temps a permis des améliorations, notamment avec la dernière réforme, mais il existe encore des biais, sans parler de la complexité des règles.
Le cadre financier du système des retraites doit évidemment être préservé, afin de protéger les retraites des Français, mais M. le Premier ministre a ouvert la porte à d’autres améliorations et le rapport demandé vise à avancer sur ce sujet consensuel. L’hémicycle s’honorerait à voter l’amendement à l’unanimité.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour un rappel au règlement.
Mme Danielle Brulebois
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats, je rappelle à mes collègues qu’ils ont un micro et qu’ils doivent prendre garde au niveau sonore. Certains, qui se reconnaîtront, nous agressent par un niveau de décibels insupportable. Ces conditions de travail nous affectent beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je vous remercie, madame Brulebois, mais je ne sais pas si vous serez entendue.
Après l’article 2 octies (suite)
(L’amendement no 6 est adopté.)
(Mmes Stella Dupont et Constance de Pélichy, ainsi que MM. Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Julien Dive
Il s’agit d’étudier l’extension du versement de la pension de réversion aux couples unis par un pacte civil de solidarité (pacs). Sur ce sujet j’avais rédigé une proposition de loi en 2019 et déposé des amendements à feu la réforme des retraites d’Édouard Philippe en 2020 puis à celle de 2023, dont on connaît les conditions d’adoption.
La devise Liberté, Égalité, Fraternité est inscrite au fronton de nos mairies. Nos concitoyens sont libres de s’unir comme ils l’entendent. Ils sont de plus en plus nombreux à recourir au pacs, notamment dans le cadre d’une deuxième ou troisième union.
Si le mariage et le pacs instaurent une contribution commune à l’impôt, ce dernier n’ouvre pas droit à une pension de réversion en cas de décès.
Par cet amendement, il est proposé qu’un rapport étudie l’extension du versement d’une telle pension, notamment ses modalités et son coût, afin de rédiger une vraie loi dans quelques mois ou années. (Mme Constance de Pélichy et MM. Aurélien Pradié, Raphaël Schellenberger et Stéphane Viry applaudissent.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous abordez un sujet intéressant car, vous l’avez dit, compte tenu des évolutions qui ont eu lieu dans notre pays, le mariage n’est plus la norme centrale. La question d’étendre le versement de la pension de réversion peut se discuter. Toutefois, multiplier les rapports n’a pas nécessairement d’intérêt.
En conséquence, je donne un avis de sagesse.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je donne également un avis de sagesse. Le Conseil d’orientation des retraites, qui travaille actuellement sur les droits familiaux, rendra ses conclusions au début de 2025.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons cet amendement qui pose la question importante de l’égalité des revenus entre différentes formes de conjugalité. Notre groupe l’a beaucoup défendue, par exemple l’année dernière dans le cadre de notre proposition de loi visant à déconjugaliser l’allocation de soutien familial.
L’amendement pose la question de l’égalité entre couples mariés et pacsés en matière de pension de réversion. Je ne suis pas surpris d’entendre le rapporteur du RN s’y opposer, même dans le cadre d’une simple demande de rapport. (« Vous n’avez pas écouté ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. José Beaurain
Le rapporteur a donné un avis de sagesse !
M. Hadrien Clouet
Le Rassemblement national reste le parti qui a combattu le pacs (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement national) – pardon, je veux dire le Front national, car rien n’a changé entre hier et aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Le FN, avec tout le ramassis autour de lui, s’est opposé au pacs, à tous les grands progrès des libertés conjugales et d’émancipation familiale, à l’égalité des droits pour les différentes formes de couple, à l’ouverture de la procréation médicalement assistée. (Mêmes mouvements.)
Ce combat d’arrière-garde, qui est mené à quelques mètres de nous, n’est que la fidélité à votre ADN historique – malheureux, mais historique – sur ce sujet comme sur d’autres.
Nous espérons que l’amendement sera adopté. L’égalité doit être absolue et inconditionnelle entre les êtres humains, quelle que soit la forme de conjugalité qu’ils et elles ont choisie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 7.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 294
Majorité absolue 148
Pour l’adoption 133
Contre 161
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Stéphane Viry
L’amendement aborde la question du système universel de retraite à points. Cette solution permet de sortir du brouhaha du régime par répartition. Elle mérite d’être mise sur la table car elle présente des avantages en matière de simplification et de liquidation de droits.
Pour ce qui est des carrières longues, de la pénibilité, de l’égalité entre femmes et hommes, le mécanisme introduit davantage de justice.
Cet amendement, rédigé par des députés de divers groupes, vise à mettre le sujet des retraites au cœur de notre pacte social et républicain. (Applaudissements de Mme Constance de Pélichy et de MM. Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Sagesse.
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 12 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Sagesse.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Il est difficile de réagir à un amendement qui n’a pas été présenté, mais qui vise encore à passer d’un modèle de retraite par répartition à un modèle par capitalisation.
Comme nous l’avons dit à de nombreuses reprises, nous nous y opposons fermement. Que le fonds soit souverain ou privé, il s’agit toujours de jouer la protection sociale à la roulette des marchés !
Le rapporteur a dit qu’il voulait financer une réforme des retraites par des gains de productivité.
Or la robotisation et l’arrivée de l’intelligence artificielle ont pour effet soit, comme l’a dit Mme Autain, de dégrader les conditions de travail, notamment pour les métiers manuels peu qualifiés, avec une intensification du travail que le corps des salariés ne peut pas supporter ; soit de supprimer des emplois.
Vous ne pouvez pas dire que vous voulez financer la réforme par l’augmentation du taux d’emploi et par des gains de productivité quand ces derniers se fonderont sur des destructions d’emplois, notamment d’emplois de bureau non qualifiés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Anne-Laure Blin
La fraude sociale est un vrai serpent de mer, dont on débat mais contre lequel on ne lutte pas assez. Il s’agit de mener une étude précise sur l’ampleur de la fraude aux retraites – la Caisse nationale d’assurance vieillesse l’évalue à 70 millions d’euros.
Dans une période où les finances publiques sont fortement grevées, le Gouvernement doit se saisir de la question et restaurer la justice dans la perception des aides sociales, notamment des pensions de retraite.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Le Rassemblement national, notamment notre collègue Franck Allisio, mène un travail approfondi sur ce sujet essentiel, qui a abouti à un plan antifraude, tant sociale que fiscale.
On le sait, les 13 milliards par an de la fraude sociale permettraient de financer un retour à une retraite à 62 ans.
Mme Sandrine Runel
Et la fraude au Parlement de l’Union européenne ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
S’agissant de la fraude sur les pensions de retraite, le rapport que le Haut Conseil du financement de la protection sociale a publié en juillet 2024 fournit des données suffisantes. Il faut maintenant passer aux actes et nous avons nos propositions en la matière.
Madame Blin, vous avez dit ce matin qu’il était inutile de multiplier les rapports. Soucieux de me mettre en cohérence avec vos propos, je donne un avis défavorable à votre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
J’étais contre les comités Théodule !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
À l’initiative de Gabriel Attal, un Conseil de l’évaluation des fraudes a été instauré l’an dernier.
Le rapport de Dominique Libault répond par ailleurs à ces questions.
Sur le même sujet, enfin, un amendement de M. Cordier, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis de sagesse, a été adopté hier dans le cadre de l’examen du PLFSS.
Avis de sagesse.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Article 3
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Nous arrivons à la fin de ce qui a été, durant plusieurs heures, le grand cirque du Rassemblement national, dans toute sa splendeur. (Murmures et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
Il sait de quoi il parle !
M. Aurélien Le Coq
Vous veniez en nous expliquant que vous comptiez abroger la réforme des retraites. Vous avez fait la démonstration que, depuis le début, vous en êtes incapables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La proposition de loi ne prévoit plus que quelques rapports et une taxe sur le tabac. C’est ridicule !
Vous passez votre temps à combattre et à critiquer la bureaucratie, mais, en bons bureaucrates, vous présentez un texte plein de rapports et de paperasse, sans rien qui change la vie des gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En plus d’être des clowns, vous êtes des menteurs (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN) parce que vous êtes venus ici pour faire semblant…
M. le président
Chers collègues, ne vous en prenez pas directement à vos collègues. Je vous prie de qualifier leurs propos sans les qualifier eux-mêmes !
M. Aurélien Le Coq
Je les qualifie comme je veux, car, monsieur le président, c’est une réalité qui doit éclater !
M. Fabien Di Filippo
Respectez la présidence !
M. Aurélien Le Coq
Jamais ils n’ont compté abroger la réforme des retraites, ni améliorer la vie des gens ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Oui, aujourd’hui, les masques sont tombés. Vous racontez n’importe quoi, et vous l’assumez ! Même Mme Le Pen l’a assumé tout à l’heure. Vous êtes d’accord pour que certains partent à 66 ans – le rapporteur l’a dit ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marine Le Pen fait le signe d’un zéro avec ses doigts.)
Vous êtes d’accord pour que la retraite soit mise dans les mains des banquiers. Quand bien même ils seraient français, le problème n’est pas leur nationalité mais le fait qu’ils soient des banquiers. (Plusieurs députés du groupe RN signifient de la main à l’orateur qu’il doit quitter l’hémicycle.)
M. le président
Cher collègue, je vous invite à conclure.
M. Aurélien Le Coq
Si vraiment vous vouliez vous débarrasser de la réforme des retraites, il fallait, le 8 octobre… (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Durant les quelque cinq heures qu’a duré ce débat, je ne me suis pas exprimé, alors que le sujet me passionne.
M. Fabien Di Filippo
On ne s’en était pas rendu compte !
M. Nicolas Turquois
Notre rapport à la retraite est très lié à notre rapport au travail, donc à la structuration de notre société, des sujets passionnants.
La réforme des retraites adoptée en 2023 est-elle populaire ? Assurément, non ! Il est donc normal que vous puissiez la remettre en question.
Nos concitoyens sont-ils attachés à notre système de retraite par répartition ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe Dem.) Très majoritairement, oui.
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas la question !
M. Nicolas Turquois
Nos concitoyens sont-ils inquiets pour la pérennité de notre système de retraite par répartition ? Oui, et de façon très significative.
Fallait-il la réformer ? Oui, évidemment.
Le critère d’âge est-il le plus pertinent ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Oui, et vous le savez tous.
Personne ici ne reviendra sur cette réforme ; tout au plus sera-t-elle adaptée, car aucune mesure n’est plus efficace que l’augmentation de l’âge du départ, qui déplace à la fois vers le haut le curseur des cotisations récoltées et vers le bas celui des pensions versées. Tous les pays occidentaux l’ont fait. Notre collègue Sandrine Runel, rapporteure pour avis de la mission budgétaire Régimes sociaux et de retraite, évoquait hier en commission des affaires sociales les initiatives intéressantes prises en matière de pénibilité par l’Autriche ou la Finlande, où l’âge légal de départ est de 65 ans – 67 ans aux Pays-Bas, que le rapporteur Ménagé citait tout à l’heure en exemple pour leur taux d’emploi. M. Bardella lui-même confie régulièrement aux chefs d’entreprise qu’il rencontre afin d’asseoir sa stature l’impossibilité de remettre en cause les dispositions adoptées ! (Brouhaha. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Veuillez conclure, cher collègue.
M. Nicolas Turquois
Pour autant, il est évident que ce report pose problème : tous ne commencent pas à travailler en même temps, ne s’usent pas à la même vitesse, n’ont pas le même rapport au travail.
M. le président
Merci, monsieur Turquois.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Explications de vote
M. le président
Pour les explications de vote, la parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye (RN)
Nous achevons l’examen de la proposition de loi, soutenue par le groupe Rassemblement national, visant à abroger l’injuste réforme des retraites d’Emmanuel Macron – celle qui exige toujours plus d’efforts de la France du travail, la France qui se lève tôt. Depuis un an, nos compatriotes devront travailler deux années supplémentaires, en dépit de la dureté des conditions dans lesquelles ils bossent. (Mme Caroline Parmentier applaudit.) Ces débats leur auront révélé toute la vérité : en ce jour de transparence totale, les masques sont tombés.
Mme Sandra Regol
Nous sommes bien d’accord !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous avons fait éclater la triple trahison de l’extrême gauche, des membres du Nouveau Front populaire. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.) La première a eu lieu lors de l’élection présidentielle de 2022, lorsque gauche et extrême gauche ont fait élire au second tour M. Macron,…
Mme Marie Pochon
Ils vous ont surtout fait perdre !
M. Gaëtan Dussausaye
…candidat dont la seule et unique proposition consistait à porter de 62 ans à 64 ans l’âge légal de départ en retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDR.) La seconde s’est produite cette année, à l’occasion des élections législatives, où, durant l’entre-deux-tours, l’extrême gauche et la Macronie ont formé, main dans la main, un parti unique (Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame) et permis l’élection non seulement de François Hollande, dont la réforme des retraites, accomplie par Mme Touraine, avait allongé la durée de cotisation des travailleurs, mais de Mme Borne, maître d’œuvre de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron.
La troisième trahison est celle que nous vivons aujourd’hui. Le groupe Rassemblement national, aux côtés de Marine Le Pen, vous l’a rappelé : la seule majorité absolue qui existe à ce jour dans cet hémicycle est celle des 55 % de députés élus notamment…
M. Gérald Darmanin
Notamment !
M. Gaëtan Dussausaye
…sur la foi de leur promesse d’abroger la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDR.) Par votre comportement sectaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN), vous empêchez, vous bloquez cette volonté du peuple français. Demain, dans vos circonscriptions, il vous faudra expliquer à vos électeurs…
M. Alexis Corbière
On leur expliquera pourquoi vous n’avez pas voté la censure !
M. Gaëtan Dussausaye
…pourquoi ils devront continuer de travailler deux années supplémentaires, expliquer aux femmes, dont les carrières hachées font les premières victimes de cette réforme injuste, pourquoi, par votre faute, elle n’a pas été abrogée !
M. Alexis Corbière
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas été censuré ? À cause de vous !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous vous l’avons dit, chers collègues du Nouveau Front populaire, le sectarisme ne viendra pas de notre camp. Pour nous, seuls importent la France et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) La France insoumise compte faire examiner en novembre une proposition de loi visant également à abroger la réforme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) : parce que nous considérons avant tout l’intérêt des travailleurs français, nous serons capables, pour notre part, de voter en faveur de ce texte. (M. Alexis Corbière s’exclame.) D’ailleurs, je vous le répète une ultime fois, si celui-ci est adopté, ce sera uniquement, exclusivement, grâce aux voix du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Eh oui !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous regrettons, encore une fois, que votre sectarisme nous ait empêchés d’améliorer le quotidien de nos compatriotes,…
Mme Mathilde Panot
Arrêtez de dire n’importe quoi : il n’y a rien dans votre texte !
M. Gaëtan Dussausaye
…mais ce sera à vous de leur rendre des comptes : je suis content que ce procès de la gauche et de l’extrême gauche ait démontré votre culpabilité, prouvé que vous êtes responsables du climat d’injustice sociale que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP)
Je commencerai par vous souhaiter un joyeux Halloween : le film d’horreur a débuté tôt ce matin (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR)…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Tu t’es regardé dans un miroir ?
M. Hadrien Clouet
…par les discours successifs, à la tribune ou au micro, des intervenants d’extrême droite. Cela nous a tout de même permis d’apprendre que Mme Le Pen est ouverte à l’idée d’un départ à la retraite à 66 ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Vous êtes vos pires ennemis : pour que vous trahissiez ce que vous avez derrière la tête, il suffit de vous laisser parler ! Vous avez ainsi révélé votre penchant pour une capitalisation, partielle ou totale, des retraites des Français en émettant un avis favorable aux amendements prévoyant un rapport en ce sens.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est faux : j’ai émis un avis défavorable. Vous vivez dans un monde parallèle !
M. Hadrien Clouet
Vous voulez savoir comment extraire de l’argent des caisses de retraite, l’injecter dans les grands circuits internationaux de crédit et produire le même effet que dans tous les pays où l’on capitalise les retraites, à savoir le départ en fumée d’une bonne partie du magot. Rappelez-vous la crise des subprimes de 2008 : aux États-Unis, ce système a alors fait disparaître 2 000 milliards de dollars.
M. Fabien Di Filippo
La capitalisation, ce ne sont pas les fonds de pension !
M. Hadrien Clouet
Que les gens voient se volatiliser les économies d’une vie, voilà le projet du Rassemblement national ! Des Français, à l’époque, ont subi les conséquences d’une telle politique. Ils avaient placé à l’étranger leur épargne retraite ou investi dans des fonds de pension : certains y ont perdu 50 000 ou 70 000 euros. C’est ce que promet la capitalisation souhaitée par l’alliance entre DR, RN et les quelques amis ici présents de M. Ciotti !
Vous nous avez également parlé des manifestations qui ont eu lieu l’an dernier contre la réforme des retraites – pour les critiquer, les traiter de bazar ou de violences.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous dites n’importe quoi !
M. Hadrien Clouet
Sans doute les avez-vous confondues avec les défilés de vos amis du GUD (Groupe union défense). (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Vous êtes un zadiste !
M. Hadrien Clouet
Une manifestation, c’est quelque chose d’organisé, de paisible, de familial ; vous n’y seriez certes pas les bienvenus, mais ne parlez pas pour autant de ce que vous ne connaissez pas, d’autant que depuis le début de nos discussions, vous avez exclusivement mentionné des syndicats patronaux.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
N’importe quoi, une fois encore : j’ai parlé des syndicats de salariés que j’avais rencontrés !
M. Hadrien Clouet
Sur le marché du travail, vos interlocuteurs sont donc les patrons, lesquels, contrairement à la plupart des employeurs du pays, se refusent à mettre un centime dans les caisses d’assurance vieillesse ; cela ne vous empêche pas de travailler avec eux, puisque – voir M. Bardella – vous espérez, en vue des élections, l’appui financier et moral des grands monopoles privés.
Par ailleurs, vous comptez financer les retraites exclusivement – pardon, à 99 %, cela change tout – par la natalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
En termes de fake news, c’est vraiment un modèle du genre !
M. Hadrien Clouet
Autrement dit, vous comptez sur les naissances pour redresser les comptes dès les prochaines années ; or, collègues, on ne met pas au travail un enfant de 3 ans ou de 5 ans. Même si vous y parveniez, ce n’est pas ainsi que vous rempliriez les caisses de retraite.
M. Fabien Di Filippo
Désolé de voir les choses à long terme !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Gouverner, c’est prévoir !
M. Hadrien Clouet
Surtout, laissez les utérus tranquilles : personne ne vous a rien demandé au sujet du nombre d’enfants que les femmes devraient faire dans ce pays ! Enfin, votre souci de financer les retraites exclusivement par la natalité explique votre attitude depuis le début de l’examen du PLFSS : lundi, mardi, mercredi, vous avez voté contre toutes les propositions visant à instaurer de nouvelles cotisations, même prélevées sur les plus hauts revenus, sur les dividendes, sur le produit des rachats d’actions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Chaque fois qu’il aurait fallu prendre un euro aux plus puissants pour le verser aux caisses de retraite et concourir à l’abrogation de la réforme des macronistes, vous vous y êtes opposés, main dans la main avec M. Barnier ! (Mêmes mouvements.) S’y ajoutent vos votes contre la hausse du Smic, contre l’indexation des salaires sur l’inflation, contre l’égalité salariale entre les femmes et les hommes,…
M. Laurent Jacobelli
Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !
M. Hadrien Clouet
…autant de mesures qui auraient contribué au financement des retraites.
M. Laurent Jacobelli
Va bosser, ça te fera du bien ! Va créer une boîte !
M. Hadrien Clouet
Nous assistons donc à une pantalonnade absolue. Heureusement, le bout du tunnel se rapproche : le 28 novembre, cette assemblée se prononcera sur le rétablissement d’un départ à 62 ans (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et l’abrogation de cette réforme illégitime, refusée par les Français. (Plusieurs députés du groupe RN désignent leur montre et font au revoir de la main à l’orateur.)
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Hadrien Clouet
Nous réussirons en partageant les richesses, non en protégeant les grands et les puissants ! Si vous vouliez réellement mettre fin à l’état actuel des choses, censurez le Gouvernement, destituez le Président de la République, plutôt que de trahir… (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tiens, voilà François Hollande ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Boris Vallaud (SOC)
Il y a quelques mois, nous nous tenions, dans les rangs de la gauche, aux côtés des Français qui, par les rues, contestaient une réforme dont la violence sociale égalait la brutalité politique : vous n’y étiez pas.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Nous étions dans l’hémicycle !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous les avez plantés, d’ailleurs.
Un député du groupe RN
Maintenant, ils votent pour nous !
M. Boris Vallaud
Nous nous sommes tenus aux côtés des organisations syndicales qui exprimaient à l’unisson leur opposition à cette réforme injuste : vous n’y étiez pas davantage.
M. Laurent Jacobelli
Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un salarié ?
M. Boris Vallaud
Nous avons, au sein de notre assemblée, ferraillé durement, relevé chaque mensonge du Gouvernement, signifié nettement ce qu’était cette réforme ; Jérôme Guedj, ici présent, peut en témoigner. Vous manquiez à ces combats !
M. Jean-Philippe Tanguy
N’importe quoi !
M. Boris Vallaud
Nous continuerons de dénoncer la réforme, guidés, dans la nuit que vous avez voulue, par la seule lumière subsistante, la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il y avait aujourd’hui dans l’hémicycle quelque chose d’une escroquerie en bande organisée – mal organisée, en définitive, car à aucun moment vous n’aurez proposé l’abrogation de la réforme des retraites, mais seulement quelques obscurs rapports. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est de votre faute !
M. Boris Vallaud
Vous ne savez pas où vous allez, où vous voulez en venir, à force d’être revenus de tout. Vous avez dit tour à tour vouloir la retraite à 60 ans, à 62 ans, à 64 ans, à 67 ans ; la réalité qui vient d’apparaître crûment, c’est que vous voulez la retraite par capitalisation. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Où est Marisol Touraine ?
M. Boris Vallaud
Au fond, ne prévoyant pas de financement, vous souhaitez diminuer les pensions. Au lieu de votre escroquerie politique, il y avait, pour abroger la réforme, un rendez-vous, que vous avez manqué : la motion de censure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) Vous avez soutenu le Gouvernement ; vous appartenez de fait à sa majorité.
Il y avait aussi une autre forme d’escroquerie institutionnelle : vous n’avez pas de groupe parlementaire au Sénat ! Dès lors, votre initiative était mort-née. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – « À qui la faute ? » sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est vous qui l’avez tuée !
M. Boris Vallaud
Vous pensez qu’il est possible de gouverner les Français à coups de hochet et de mensonges. En réalité, ils ont besoin non de tuteurs ni de maîtres, mais de guides honnêtes et intelligents. Au cours des débats sur le projet de loi de finances, comme sur ceux relatifs à la loi de financement de la sécurité sociale, vous vous êtes montrés tels que vous êtes : les valets dociles de la Macronie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Un député du groupe RN
Et toi ! Tu as été élu grâce à qui ?
M. Boris Vallaud
Vous vous êtes rangés du côté des rentiers, des multipropriétaires et des très riches, mais en aucun cas du côté de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Que dit Aurélien Rousseau de ton discours ?
M. Boris Vallaud
Nous sommes contre votre réforme des retraites, contre les mensonges, contre votre esbroufe, contre les faux-semblants, contre les masses qui cachent mal votre vilenie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Votre proposition de loi ne rime à rien et ne permettra aucun progrès – surtout pas le progrès social, dont vous n’êtes aucunement les pères. Au contraire, vous êtes les ennemis de la République sociale, comme vous êtes les ennemis de la République ! (M. Laurent Jacobelli s’exclame.)
Les socialistes voteront donc contre cette réforme – et vous pouvez ajouter mon nom et le nom de beaucoup d’autres ici sur la longue liste des ennemis de l’extrême droite (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR), ceux qui ne céderont jamais rien et qui ne mentiront jamais au peuple. Voilà où nous en sommes !
Un député du groupe RN
Ridicule !
M. Boris Vallaud
Messieurs, nous vous souhaitons bien du plaisir ! (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin (DR)
Vous le savez, je suis très attaché au respect envers chacun. Avant d’en venir au fond – c’est tellement difficile depuis ce matin –, permettez-moi de déplorer le climat entretenu dans cet hémicycle et les attaques personnelles infondées sur des sujets aussi graves, aussi complexes, qui mériteraient pourtant moins d’hystérie.
Mme Olivia Grégoire
Il a raison !
M. Thibault Bazin
Sur le fond, il faut dire la vérité : nous venons de débattre pendant près de cinq heures pour rien !
M. Hervé de Lépinau
À qui la faute ?
M. Thibault Bazin
Pourquoi avez-vous maintenu en séance une proposition de loi qui a été complètement vidée de sa substance, il y a une semaine, en commission ?
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Pour quelle utilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Ce matin, vous avez fait semblant de revenir sur la réforme des retraites de 2023. Soyons sérieux : juridiquement, il n’en est rien. Cela ne révèle-t-il pas, en définitive, un problème de crédibilité ? (Mme Marie Pochon applaudit.) Il est toujours facile d’être majoritaire lorsqu’il s’agit de s’opposer, mais bien plus ardu de trouver des majorités pour soutenir des propositions sérieuses, crédibles, élaborées dans l’intérêt des Français, en vue d’assurer la pérennité du système de retraite. Car ce qui doit nous réunir, c’est bien l’intérêt des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Quel aurait été l’impact de votre proposition de loi initiale ? Vous avez esquivé ce sujet toute la matinée. Pourtant, là est le principal écueil de votre texte : son défaut de financement.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thibault Bazin
Le déficit serait encore plus élevé qu’actuellement ! En effet, si votre proposition de loi, dans sa rédaction initiale, était adoptée, nous aurions 3,4 milliards supplémentaires de déficit dès 2025, et près de 16 milliards par an à long terme. Ce n’est pas un petit sujet pour l’avenir de nos retraités !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Il faut faire des économies, monsieur Bazin !
M. Thibault Bazin
Quelles conséquences ce déséquilibre aggravé des caisses de retraite aurait-il pour les Français ? Soyons clairs : il en résulterait soit une baisse des pensions pour les retraités, soit une augmentation des cotisations, c’est-à-dire une baisse du pouvoir d’achat, pour les actifs. Voilà la réalité. Et ce n’est pas acceptable !
M. Laurent Jacobelli
Tu as changé Thibault !
M. Thibault Bazin
Non, je n’ai pas changé ! Relisez mes interventions des années précédentes sur ce sujet : je suis toujours resté cohérent (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), parce que la cohérence est aussi un gage de crédibilité sur le long terme.
Si nous adoptions votre proposition de loi, nous condamnerions les retraités à ne plus voir leurs pensions revalorisées, et ce durablement. Voilà la réalité que vous tentez de masquer ! C’est l’exact contraire de ce que nous souhaitons et de ce qui devrait nous rassembler.
C’est pourquoi le groupe Droite républicaine s’opposera à la présente proposition de loi, qui menacerait le pouvoir d’achat des retraités, comme des actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Emeric Salmon
C’est aujourd’hui qu’il est menacé !
M. Thibault Bazin
Ne perdons donc plus de temps et venons-en aux autres propositions de loi que vous avez déposées.
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS)
Il y a, dans cette enceinte, des moments qui font l’histoire et d’autres qui ne servent à rien, ce qui est pathétique !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est un spécialiste qui parle !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Parmi ceux qui font l’histoire, je pense aux avancées de 1936 qui ont changé la vie de mes grands-parents, grâce à la semaine de 40 heures et aux congés payés ;…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Et les quarante-trois annuités de la loi de Marisol Touraine ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
…je pense à celles qui ont changé la vie de mes parents, à partir du 10 mai 1981, grâce à la retraite à 60 ans, au passage aux 39 heures, puis aux 35 heures, en 1997, du temps de Lionel Jospin, et à la création de la couverture maladie universelle (CMU). (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous ne parlez pas de la loi de Marisol Touraine votée en 2014 ?
M. Laurent Jacobelli
Vous avez oublié François Hollande !
M. Benjamin Lucas-Lundy
De ces conquêtes sociales majeures, vous avez toujours été les adversaires résolus : ni oubli ni pardon.
Et puis, il y a des moments qui ne servent à rien et qui, je le disais, sont assez pathétiques : vous nous en offrez un aujourd’hui. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Avec Mme Le Pen, nous sommes en plein trumpisme, avant même l’élection américaine de la semaine prochaine ! D’abord, avec une fake news : raconter que ce texte abrogerait la réforme des retraites est un mensonge absolu. Je le dis à celles et ceux qui nous regardent, que le texte soit adopté ou non ; il n’abrogera pas la réforme des retraites et ne changera rien, car l’obsession de Mme Le Pen n’est pas d’améliorer votre quotidien, mais de servir sa conquête du pouvoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Trumpisme, encore, avec des intimidations et des injures – toutefois, venant de vous, nous en avons l’habitude.
Il ne reste donc, avec ce non-texte, qu’une seule chose ou presque : une proposition macroniste. Tiens donc ! Et il reste vos délires natalistes pour mettre le corps des femmes sous coupe réglée ! (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RN.) Une fois encore, la vérité éclaire nos débats.
Il restera tout de même, dans nos archives – si quelqu’un vient à les consulter un jour –, l’aveu de Mme Le Pen sur la retraite à 66 ans, comme l’a rappelé Hadrien Clouet, la baisse des pensions, votre volonté de recourir à la capitalisation et l’absence totale de solutions de financement faisant reposer l’effort sur les plus privilégiés : c’est une farce aussi grossière que grotesque !
M. Laurent Jacobelli
C’est du délire !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Nous ne voterons donc pas ce non-texte, parce qu’il ment aux Français sur ses intentions,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Ce faisant, vous votez contre l’abrogation !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…comme vous mentez sur l’ensemble de votre œuvre. Personne n’est dupe : votre fonds de commerce a toujours reposé et continuera de le faire sur la division du peuple par le racisme, et non sur l’émancipation et le progrès. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Quel rapport ? Vous êtes monomaniaque !
M. Benjamin Lucas-Lundy
En témoignent les textes que nous examinerons dans le cadre de cette journée d’initiative parlementaire !
Votre non-texte est vide ; il n’abroge rien. En revanche, il arrive en séance après des choix et des votes qui, eux, sont très clairs. Parlons, pour commencer, du programme présidentiel de Mme Le Pen, qui a changé dix fois : il prévoyait bien, inscrit noir sur blanc, la retraite à 65 ans !
M. Laurent Jacobelli
Absolument pas !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Parlons, ensuite, de vos atermoiements pendant la campagne pour les élections législatives. Vous qui appeliez tellement à la dissolution avez été pris de court ; vous avez mis beaucoup de temps à vous mettre d’accord, pour qu’en définitive personne n’y comprenne rien et que vous soyez obligés de rattraper les bourdes de M. Bardella ! N’est pas capable d’aller à Matignon qui veut ! Sans oublier, au cours de cette campagne, votre accord avec le renégat Ciotti, qui a fait élire dans cette assemblée seize députés pour soutenir la retraite à 65 ans, la capitalisation et la fin de la sécurité sociale ! C’est cela aussi votre bilan ! Un groupe entier pour maintenir la réforme des retraites et en amplifier les effets.
Vos atermoiements ont débouché, une fois l’élection passée, sur votre refus de censurer Michel Barnier, dont on sait pourtant que la mission première – et c’est pourquoi le cartel improbable qui gouverne tient – est de maintenir la réforme des retraites et l’héritage néolibéral de M. Macron. C’est également votre refus, il y a quelques jours, d’abroger la réforme des retraites par la voie la plus solide et sérieuse qui nous était proposée : les amendements du Nouveau Front populaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
De l’aveu même du président de la commission des finances, M. Coquerel, cela ne fonctionnait pas !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vos gesticulations parlent moins que vos actes.
Pour conclure, permettez-moi de dire à celles et ceux qui nous regardent, qui ont combattu avec nous auprès d’un front syndical uni comme jamais, à ces sept Français sur dix qui ont rejeté la réforme des retraites – réforme qu’ils ont très bien comprise et qu’ils rejetaient davantage encore à mesure que le Gouvernement l’expliquait –, à celles et à ceux qui souffrent et souffriront de cette réforme, que le Nouveau Front populaire déterminé, uni et solidaire, abrogera la réforme des retraites…
M. Alexis Corbière
Absolument !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…et construira, autour d’un projet cohérent, clair et sincère (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC), fidèle à notre histoire républicaine, de nouvelles conquêtes pour le temps libéré et les droits sociaux des travailleuses et des travailleurs ! Le NFP sait bien qu’en la matière, il ne pourra pas compter sur une extrême droite qui n’a jamais été au rendez-vous de l’histoire ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Oui, nous abrogerons la réforme des retraites et nous empêcherons l’extrême droite de mentir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Laurent Croizier
Enfin un qui va parler du fond !
M. Philippe Vigier (Dem)
Cela fait plus de cinq heures que nous sommes ici pour débattre d’un texte dont chacun sait qu’il a été vidé de son contenu en commission des affaires sociales.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Mais le débat, c’est important !
M. Philippe Vigier
Cette séance illustre une forme de compétition, un feu d’artifice même, entre le Rassemblement national, qui avait cranté la date du 31 octobre et espérait prendre de court le NFP – puisque celui-ci dispose d’une date plus lointaine fixée au 28 novembre – et le Nouveau Front populaire, coincé de voir le Rassemblement national proclamer, au cours de la campagne, qu’il reviendrait sur la réforme des retraites, dans le but de séduire des électeurs toujours plus nombreux ! Nous avons donc assisté à ces feux d’artifice qui se transforment en feux de Bengale, avec Thomas Ménagé en artificier d’un jour. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Le groupe Les Démocrates ne votera pas votre réforme et je vais vous expliquer pourquoi. Son adoption fragiliserait le pacte républicain de 1945, auquel tout le monde se réfère encore et qui veut que les retraites soient financées par les actifs. Vous savez très bien, monsieur Ménagé, que votre texte n’est pas financé. Le déficit des retraites est connu de tous : il n’est pas de 4 milliards seulement ; comme je l’ai souligné ce matin, tout le monde passe sous silence les fameux 40 milliards que l’État engage chaque année en vue d’équilibrer le système des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Il va falloir travailler jusqu’à 70 ans alors !
M. Philippe Vigier
Si nous votons ce texte et abrogeons ces réformes courageuses – car il faut être courageux lorsqu’on est au pouvoir –, le trou sera encore plus grand et le pacte républicain, dont nous sommes les détenteurs et les garants, davantage fragilisé. Ce matin, j’ai cité le président Hollande. Parmi les quatre derniers présidents de la République, pas un seul n’est revenu sur ce qui avait été voté auparavant.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Quel hommage au président Hollande, qui a participé de cette situation !
M. Philippe Vigier
Ce n’est pas Éric Ciotti qui me contredira, lui qui demandait la retraite à 65 ans et qui se retrouve avec ceux – ses amis d’un jour – qui veulent abroger la réforme des retraites. Si votre texte est adopté, vous expliquerez à ceux qui perçoivent de petites retraites et dont il n’a guère été question,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Petites retraites que vous voulez désindexer !
M. Philippe Vigier
…à ces 850 000 retraités qui toucheront 50 euros de plus par mois, qu’avec vos décisions injustes et irresponsables, ces avancées sociales seront gommées d’un trait de plume. Vous expliquerez aux femmes dont les trimestres au titre de la maternité ont été comptabilisés qu’ils ne le seront plus demain ! Nous, nous ne sommes pas d’accord avec cela. Vous expliquerez aussi aux élus, aux sapeurs-pompiers et à d’autres qu’il faut revenir en arrière !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est faux ! Ce n’est pas dans le texte !
M. Philippe Vigier
Face à la démographie, le choix de l’irresponsabilité n’est pas ce qui nous guide. Dans tous les pays européens qui nous entourent, l’âge de la retraite est plus élevé qu’en France.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Mais le taux des cotisations est bien plus bas !
M. Philippe Vigier
Un éditorialiste célèbre d’une grande radio française expliquait ce matin que la France est le pays d’Europe et de l’OCDE dans lequel on travaille le moins. Ce que nous voulons, c’est une retraite digne, juste, qui prenne enfin en compte les différents critères de pénibilité.
Au Nouveau Front populaire qui intente des procès contre le système par capitalisation, je réponds que nous croyons, nous, à la répartition. Toutefois, nous ne rejetons pas la capitalisation. Allez expliquer aux 5,8 millions de fonctionnaires qui cotisent à la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon) que nous allons l’écarter, d’un seul coup, alors qu’il s’agit d’une retraite par capitalisation instaurée après 1945 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Expliquez-leur, mais vous en porterez le fardeau ! C’est intenable !
Les grands débats politiques méritent mieux que les effets de manche – je me tourne vers Alexis Corbière. L’esprit de responsabilité doit l’emporter. Il n’y a pas deux chemins diamétralement opposés, mais un seul : celui de la coconstruction intelligente. Le grand rêve de 1981 de François Mitterrand qui avait abaissé l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans est évaporé. Nous verrons si, le 28 novembre, nous trouverons le chemin de la responsabilité pour régler les problèmes des Français qui nous regardent, en particulier celles et ceux qui ont des petites retraites et qui répondent aux critères de pénibilité. Le groupe Les Démocrates sera naturellement au rendez-vous de cette exigence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon (HOR)
Les députés du groupe Horizons déplorent le déroulement des débats relatifs à ce texte. Les niches parlementaires ont été instituées en 2008 dans le but de renforcer le pouvoir parlementaire, pas pour transformer l’Assemblée en cirque dans un esprit de bordélisation.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Il fallait que Mme Yaël Braun-Pivet juge nos amendements recevables !
M. François Gernigon
Grâce aux travaux de la commission, ce texte n’est plus – c’est heureux.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous vous félicitez d’avoir bâillonné le débat !
M. François Gernigon
Comme de nombreux autres groupes, nous voterons contre ce texte, pour des raisons de fond et par responsabilité, contrairement aux collègues du NFP qui voteront contre pour des raisons politiques – afin de se réserver la primeur d’une abrogation irresponsable et délétère. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et EPR, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry (LIOT)
Au cours des cinq heures de discussion – cinq heures pour cela –, il a été très peu question du système de retraite et absolument pas des retraités, de leur situation, de leur vie, de leurs droits et de ce que nous pouvions construire collectivement pour eux aujourd’hui. Bien loin de ce qu’on peut attendre sur un tel sujet, ce furent cinq heures pour rien – pour du bruit, du vacarme, du spectacle, même si je respecte vos positions, chers collègues. La question des retraites, qui est épidermique, est éminemment politique et sociétale. On les doit aux Français : pendant leur carrière, ils ont contribué et fait la France ; ils attendent en retour qu’à un moment de leur vie, on s’occupe d’eux, qu’on les considère et qu’on leur verse une pension respectueuse et responsable.
La question qui se pose est celle du financement de notre système. Il en est le socle – on distribue ce que l’on a collecté. Dans la proposition de loi, il n’y a rien – sinon du vide. Je le répète, ce texte a été dépouillé de son contenu en commission des affaires sociales. Aujourd’hui, à aucun moment nous n’avons évoqué les ressources, si importantes pour redistribuer et liquider les retraites. Nous n’avons pas davantage parlé des carrières longues, des carrières hachées, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la pénibilité – rien de rien.
Comment voulez-vous que nous votions pour du bidon ? Cette proposition de loi n’est qu’imposture et démagogie. Nous espérons que la question des retraites sera à nouveau discutée dans cet hémicycle, avec davantage de sérieux et de responsabilité, dans l’intérêt des Françaises et des Français. Aujourd’hui, pour nous, c’est non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR)
Le groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal votera contre le texte. D’abord, nous déplorons les conditions de ce débat, pendant lequel le Rassemblement national, singulièrement le rapporteur, a lui-même organisé l’obstruction contre son propre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR). Il n’a cessé, dans cet hémicycle, de jeter des noms en pâture – c’est vraiment irresponsable, monsieur le rapporteur – et de créer des incidents de séance en multipliant le tumulte et les provocations. Pour ceux qui en douteraient, le Front national n’a pas changé. Il est toujours présent dans cet hémicycle. (Mêmes mouvements.)
La proposition de loi est un tissu de mensonges. Tout dans ce débat montre que le Rassemblement national n’est pas un parti de gouvernement mais le parti de l’irresponsabilité économique. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Excellent !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous êtes irresponsables en refusant de voir que l’augmentation de l’espérance de vie oblige à travailler collectivement un peu plus longtemps – monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés du groupe Rassemblement national, vous n’avez répondu à aucune de nos questions relatives à l’espérance de vie. Tous les pays d’Europe ont déjà fixé l’âge légal de départ à la retraite à 65, 66, 67 ans, voire envisagent de l’augmenter de nouveau. Revenir à 60 ou 62 ans ruinerait l’économie française.
M. Emeric Salmon
C’est déjà la ruine à cause de vous !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous êtes irresponsables car, dans la situation actuelle, nos finances publiques ne peuvent pas supporter le coût délirant d’une abrogation de la réforme de 2023. Une fois écartés vos délires sur la fraude et l’immigration, vous n’avez aucune solution pour financer cette abrogation. Vous faites croire aux Français qu’il est possible en 2024 de travailler moins longtemps, alors que le rapport entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités ne cesse de chuter dans notre pays depuis la Libération et que l’Europe est en train de décrocher sur le plan économique, en particulier par rapport aux États-Unis – il est donc nécessaire de travailler davantage pour améliorer la compétitivité de nos entreprises et de l’économie française.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Créez des emplois ! Il y a 5,5 millions de chômeurs !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous êtes irresponsables, car votre texte ne permettra pas d’abroger la réforme de 2023 – les groupes de gauche l’ont souligné et vous le savez très bien.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vos alliés ! C’est un parti unique !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous mentez aux Français et, pire encore, à vos propres électeurs.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Lors de la campagne des élections législatives, vous leur avez fait croire que vous abrogeriez la réforme des retraites, alors que tout dans la rédaction juridique de ce texte montre qu’il ne permet pas de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) En mentant ainsi aux Français – à vos propres électeurs –, vous entretenez la nation française dans le malheur et vous en êtes responsables.
Oui, il est parfois difficile de dire la vérité aux Français,…
M. Laurent Jacobelli
Certes ! Ce n’est pas facile !
M. Charles Sitzenstuhl
…de leur demander de travailler plus longtemps et d’assumer une réforme impopulaire comme l’ont fait avec courage Emmanuel Macron et Élisabeth Borne, présente parmi nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Mais c’est notre honneur de l’avoir fait – la réforme de 2023 était indispensable et aucun gouvernement futur ne la remettra en cause.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous verrez ça !
M. Charles Sitzenstuhl
Pour ceux qui en doutaient encore, le Rassemblement national a fait la démonstration de son irresponsabilité. Il n’est pas un parti de gouvernement et il ne le sera jamais. (Les députés du groupe EPR se lèvent et applaudissent.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Et vous ne le serez plus !
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue 159
Pour l’adoption 119
Contre 197
(La proposition de loi n’est pas adoptée.)
(Applaudissements sur divers bancs.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue pour deux minutes.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-trois, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Edwige Diaz et plusieurs de ses collègues visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public (nos 265, 474).
La parole est à Mme Edwige Diaz, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Edwige Diaz, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
J’ai l’honneur de présenter un texte largement plébiscité par les Français puisque 85 % d’entre eux sont favorables à l’expulsion des délinquants et criminels étrangers ayant purgé leur peine de prison sur le territoire national. Depuis longtemps, Marine Le Pen et Jordan Bardella soutiennent cette mesure car la sécurité des Français est au cœur de leurs priorités. Si ce texte est à ce point plébiscité, c’est que les chiffres sont sans appel. Alors que les étrangers représentent 8 % de la population vivant en France, ils totalisent 37 % des mises en cause pour cambriolage, 20 % de celles pour trafic de stupéfiants, 14 % de celles pour violences sexuelles. Dans les transports en commun d’Île-de-France, 63 % des violences sexuelles sont commises par des étrangers.
Derrière ces statistiques, il y a une réalité glaçante : des vies brisées par des crimes évitables. Je vous parle du père Olivier Maire, tué par un Rwandais ; de Berthe, 90 ans, tabassée à mort par un Pakistanais ; de cette patiente violée par un Jordanien à l’hôpital Cochin ; de cette grand-mère de 82 ans, violée, chez elle, à Marseille, par un Guinéen (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; de cette lycéenne ukrainienne de 15 ans violée par un Tunisien ; de cette femme violée chez elle à Nantes par un Algérien, déjà condamné à quatre reprises et sous contrôle judiciaire. Le point commun entre toutes ces victimes, c’est qu’elles ont été brutalisées par un étranger sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Pour que la France ne devienne pas un boulevard à marches blanches, jonché de nounours et de bougies, nous soutenons une proposition de loi (PPL) qui vise à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave à l’ordre public. Elle peut se résumer en quatre points : précision de la définition de la menace grave à l’ordre public – laquelle sera notamment constituée par une condamnation pour une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement ; systématisation de l’expulsion des étrangers menaçant gravement l’ordre public ; suppression des obstacles à l’éloignement des étrangers dangereux, ressortissants de l’Union européenne ; permission d’expulser dès l’âge de 16 ans des individus qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État ou sont liés à des activités terroristes. En clair, avec le Rassemblement national, les étrangers délinquants et criminels passeront de la prison à l’expulsion sans passer par la case libération. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
En commission, j’ai entendu, médusée, un florilège d’arguments relevant d’une mauvaise foi abyssale ou d’une inquiétante méconnaissance du droit. J’invite nos collègues, qui invoquent l’inconstitutionnalité ou l’inconventionnalité du texte pour se complaire dans un confortable immobilisme politique, à lire les articles 2 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), les articles 5 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 18 octobre 2006 et les décisions du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1982 et du 20 novembre 2003. Ils découvriront ainsi que la sûreté est un droit imprescriptible, que la sauvegarde de l’ordre public est un objectif à valeur constitutionnelle, que le droit à la vie privée et familiale ne confère pas un droit absolu à la non-expulsion, que la loi demeure l’expression de la volonté générale et que l’autocensure du législateur ne correspond pas à l’esprit de la Ve République.
À nos collègues qui se couchent avec une passivité déconcertante devant l’obstruction de la délivrance de laissez-passer consulaires, je pose la question suivante : pourquoi vous présentez-vous aux élections si c’est pour dire à vos électeurs que vous ne décidez de rien et si, une fois élus et présents dans l’hémicycle, vous devenez les porte-parole de l’inaction et les gestionnaires de l’inertie ? (Mêmes mouvements.) Contrairement à vous, nous considérons avec Marine Le Pen que la France est un État souverain et qu’en aucun cas, sa politique intérieure ne doit être dictée par les échecs de sa politique extérieure. Aussi, en cas de manque de coopération des États, procéderons-nous à une restriction de la délivrance de visas et des transferts de fonds privés et, comme le veulent 80 % des Français, à une restriction de l’aide publique au développement qui a coûté à la France en 2022 la somme astronomique de 15 milliards d’euros.
M. Arnaud Le Gall
Vous mélangez tout ! Ces 15 milliards, c’est de l’investissement. Travaillez vos dossiers !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
J’aimerais maintenant revenir sur les propos abominables tenus par l’extrême gauche qui s’est littéralement salie et ridiculisée en commission : non, contrairement à ce que vous avez osé écrire dans vos amendements, un étranger ne sera pas expulsé s’il commet un simple vol pour se nourrir ou se vêtir. En revanche, nous voulons qu’un étranger soit expulsé s’il se rend coupable de proxénétisme, de viol, de meurtre, de harcèlement sexuel aggravé, de diffusion de messages pornographiques à des mineurs, de menace de mort ou encore d’abus de faiblesse sur un mineur, une personne âgée ou une personne en situation de handicap. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) La gravité de ces infractions devrait vous faire sortir de votre déni idéologique et de votre fascination morbide pour les délinquants. De toute façon, plus personne n’ignore que votre soutien sans limite à l’immigration est le terreau du communautarisme islamiste, de l’expansion de la charia et de la banalisation du viol. (Mêmes mouvements.)
M. Arnaud Le Gall
Un crime est un crime, quel qu’en soit l’auteur !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Vous devriez avoir honte de vous autoproclamer défenseurs des femmes. Si vous étiez réellement féministes, vous vous seriez rendus disponibles pour l’audition de la courageuse Claire Geronimi qui a accepté de raconter le calvaire qu’elle a subi lors de son viol par un étranger dans l’obligation de quitter le territoire français. Vous auriez dû aussi être présents lors de l’audition de Catherine Bargue dont la fille a été assassinée par un Algérien sous OQTF. Mais peut-être que pour vous, parce que leurs bourreaux sont étrangers et parce qu’elles sont françaises, ce sont des sous-victimes qui ne méritent pas votre temps.
Mme Béatrice Bellay
C’est indigne !
M. Hervé de Lépinau
C’est vous qui êtes indigne !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Ou bien peut-être que la honte ou la couardise vous ont saisis quand vous avez compris que face à des victimes innocentes, vous auriez dû expliquer vos choix mortifères.
Mme Béatrice Bellay
Il n’y a pas de sous-victimes ni de sous-agresseurs ! Les victimes et les femmes violées ne méritent pas d’être défendues par des gens comme vous !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Je veux aussi dénoncer l’absence des associations dites de défense des droits des étrangers. J’avais envoyé à une dizaine d’entre elles une invitation qu’elles ont très majoritairement déclinée. Par souci de transparence, je porte à la connaissance de tous la liste des associations qui ont refusé de participer aux auditions : Equalis, qui a reçu 13 millions d’euros de subventions en 2022 ; la Cimade – 6 millions en 2023 ; France terre d’asile – 65 millions en 2022 – et bien d’autres largement subventionnées également, comme le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) ou Utopia 56.
M. Maxime Laisney
Vous êtes raciste, c’est tout !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
J’ai voulu entendre les associations qui ont contribué à empêcher l’expulsion de Mohammed Mogouchkov, plus connu comme étant l’assassin de Dominique Bernard. Les associations comme le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) et le Réseau Éducation sans frontières (RESF) ne se sont pas présentées, pas plus que la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui a empoché plus de 500 000 euros de financement public en 2023…
Mme Béatrice Bellay
Parce qu’elles connaissent vos intentions !
M. Maxime Laisney
C’est un texte contre les associations, finalement ?
Mme Edwige Diaz, rapporteure
…et qui s’est illustrée par la défense du Collectif – islamiste – contre l’islamophobie en France (CCIF) et de l’imam antisémite et sexiste Hassan Iquioussen. Rendez-vous bien compte : ces associations, qui font partie des plus de 1 000 associations qui ont reçu en 2022 près de 1 milliard d’euros – contre 300 millions en 2016 –, ne se donnent même pas la peine de répondre aux questions de la représentation nationale ni même de saisir cette occasion pour défendre la politique migratoire qui garantit leur juteux fonds de commerce. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Ces entités devenues de véritables machines à fabriquer des recours saturent les tribunaux administratifs, dont 40 % de l’activité est consacrée au contentieux des étrangers, alimentent le désarroi des préfectures sous-dotées pour les contrer et aggravent la frustration de nos très dévouées forces de l’ordre. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.)
M. Maxime Laisney
Ce n’est pas la faute des associations !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Résultat : entre 2016 et 2022, le nombre d’OQTF exécutées a été divisé par trois. En bref, l’État ponctionne le contribuable français pour entretenir des officines gorgées d’argent public dont l’action entrave celle de l’État, dans le plus grand mépris des Français qui sont pourtant plus de 75 % à vouloir durcir la politique migratoire. Aujourd’hui, c’est l’heure de vérité et aucun politique n’a de raison de s’opposer à ce texte.
Mme Léa Balage El Mariky
Si, le respect de la Constitution !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Du côté du Gouvernement, on imagine mal le ministre Retailleau ou son représentant contredire le sénateur Retailleau qui tient régulièrement des propos similaires aux nôtres et qui déclarait lors des débats sur la loi « immigration » du 26 janvier 2024 que le législateur devait exprimer la volonté générale. Du côté des socialistes, il me semble opportun de rappeler que sous Mitterrand, la loi du 27 octobre 1981 prévoyait l’expulsion d’un étranger dès lors qu’il était condamné à une peine d’au moins un an de prison ferme. Aux membres de La France insoumise, je signale que 40 % de leurs électeurs sont favorables à un durcissement de notre politique migratoire. Quant aux macronistes, ils doivent être conscients qu’il serait peut-être temps, quand la cote de confiance d’Emmanuel Macron s’effondre à 17 %, de redresser la barre et d’honorer la promesse faite en 2017 d’exécuter 100 % des OQTF. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) J’ai bien noté que le groupe DR avait l’intention de voter en faveur du texte, encore faudrait-il qu’ils soient présents dans l’hémicycle. Chers collègues, c’est l’heure de prendre vos responsabilités à l’égard des attentes des Français qui en ont marre de pleurer les Lola et les Philippine. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, dont plusieurs députés se lèvent, et sur les bancs du groupe UDR.)
M. Ugo Bernalicis
Les attentes des Français ont été tranchées le 7 juillet dernier et ce n’est pas vous qu’ils ont choisis !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.
M. Ugo Bernalicis
Tiens, un nouveau !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien
Un étranger criminel ou délinquant n’a rien à faire en France et doit être expulsé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Olivier Marleix applaudit également.)
M. Laurent Jacobelli
Bravo !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Ces mots sonnent comme une évidence. Si je veux les rappeler et les marteler devant vous, c’est parce que nous avons hélas pris l’habitude de subir, malgré nous, la présence sur notre sol d’individus qui ne partagent pas nos valeurs, qui ne respectent pas notre pays voire qui mettent en danger nos compatriotes. Nous avons pris l’habitude, avec la complicité de certains, de protéger des individus indignes de la générosité des Français et de la protection de la France. Je le dis sans une once d’hésitation, sans un doute et avec fermeté : l’étranger qui assassine, dehors ! L’étranger qui viole, dehors ! (Très vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.) L’étranger qui a un lien quelconque avec une entreprise terroriste, dehors ! L’étranger islamiste, dehors ! (Mêmes mouvements. – Une partie des députés du groupe RN se lève pour applaudir.) L’étranger voleur, harceleur, agresseur, trois fois dehors !
M. Ugo Bernalicis
Monsieur le président, il y a erreur, c’était au ministre de s’exprimer mais c’est un député RN qui a pris la parole !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Nous devons reprendre le contrôle, car il y va de notre souveraineté : un pays qui subit la présence, sur son sol, d’étrangers qui le blessent, ne peut pas se dire souverain. Nous devons le reprendre, car c’est une exigence démocratique. C’est ce que nous demandent les Français, dans une quasi-unanimité qui transcende largement les frontières politiques. Marianne ne doit pas tendre l’autre joue. Aussi, madame la rapporteure, vous ai-je écoutée avec attention. Je le dis sans détour et au nom du Gouvernement : oui, vous avez raison, les étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public doivent être expulsés du territoire national. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, DR et UDR.)
Partant de ce constat que nous partageons, nous avons examiné votre texte sans a priori, mais le Gouvernement aura un avis défavorable sur cette proposition de loi. (« Ah ! » et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR.) Notre position est nourrie par des raisons très pragmatiques que je vais vous exposer…
M. Timothée Houssin
Quarante ans de trahison !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
…et que je vous demande d’écouter sans sectarisme (Rires sur plusieurs bancs du groupe RN) et sans procès d’intention, comme je l’ai fait moi-même. Notre position n’est ni clanique, ni idéologique.
M. Emeric Salmon
Non, juste lâche !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
J’anticipe d’ores et déjà certaines réactions : non, cette proposition de loi n’est pas dangereuse, elle ne nous ramène pas « aux heures les plus sombres de notre histoire ». Elle n’est pas davantage antihumaniste, puisqu’elle ne traite que de criminels et de délinquants avec lesquels nous devons être intransigeants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Le fond de mon propos est clair, mais je veux l’affirmer plus directement : je partage l’objectif de votre proposition de loi. (M. Jean-Pierre Taite applaudit.) Mais les moyens d’agir que nous choisissons doivent d’abord être conformes au droit, faute de quoi ils peuvent se révéler non seulement inefficaces mais aussi contre-productifs.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
En pensant le renforcer, votre proposition de loi risque en réalité de fragiliser le régime actuel des expulsions. D’abord, je veux le dire à ceux qui nous écoutent : la réglementation actuelle permet déjà au ministre de l’intérieur ou au préfet d’expulser un étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. Certes, pour que notre législation soit conforme à la Constitution et donc soit applicable, certains étrangers sont dits protégés du fait de certaines de leurs caractéristiques. C’est le cas, par exemple, d’un étranger résidant régulièrement en France depuis dix ans. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne peuvent pas être expulsés,…
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
…mais simplement que les conditions dans lesquelles ils peuvent l’être sont précisées dans la loi. Ainsi, l’étranger qui viole les principes de la République, qui exerce des activités terroristes ou qui incite à la discrimination, à la haine ou à la violence peut toujours être expulsé. Par ailleurs, tous les étrangers, même ceux dits protégés, peuvent déjà être expulsés s’ils ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement, cinq ans ou plus dans certains cas. Je veux donc être très clair : dans notre cadre juridique actuel, tout étranger qui commet un crime ou un délit grave peut déjà être expulsé. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Alors, au travail !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Prenons maintenant ce que vous proposez de faire, point par point. Alors qu’aujourd’hui la loi dispose que « l’autorité administrative peut décider d’expulser un étranger lorsque sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public », laissant au préfet le soin d’apprécier la situation, vous proposez d’abord de définir partiellement la menace contre l’ordre public qui peut justifier l’expulsion. Ce serait à mon sens dangereux. Pourquoi ? Si la notion de menace grave pour l’ordre public n’est aujourd’hui pas définie dans le droit, c’est justement pour donner au préfet une marge de manœuvre dans son appréciation. Dire, comme vous voulez le faire, que cette menace est « notamment » constituée lorsque l’étranger a fait l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement serait en réalité contre-productif : avec vous, l’étranger condamné à moins de trois ans d’emprisonnement reste en France.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Avec vous, l’étranger qui représente une menace grave mais qui n’a jamais été condamné reste en France. Avec vous, l’étranger polygame reste en France. J’ajoute que l’adverbe « notamment » ne veut rien dire en droit. (Mmes Émilie Bonnivard, Blandine Brocard et M. Olivier Marleix applaudissent.) Ainsi, votre proposition de loi ne changerait ainsi pas grand-chose en ce qui concerne les étrangers protégés, puisqu’ils peuvent déjà être expulsés en cas de condamnation.
M. Hervé de Lépinau
Mais vous ne le faites pas !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Et pour les étrangers non protégés, qui peuvent aujourd’hui être expulsés pour bien moins que cela, elle introduit donc un doute, une brèche, un risque.
Mme Émilie Bonnivard
Excellent !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Il est d’ailleurs très important de préciser que les préfets n’ont aujourd’hui aucune difficulté à trouver un cadre juridique pour expulser un étranger dangereux,…
Mme Sophie-Laurence Roy
Mais pourquoi ne le font-ils pas ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
…surtout depuis la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration que vous avez d’ailleurs votée. Cette loi, qui ne va pas assez loin sur un certain nombre de points, a en revanche permis d’avancer considérablement en matière d’expulsion des étrangers protégés. C’est elle qui a notamment permis de lever les protections lorsqu’ils sont condamnés, justement, pour un délit ou un crime puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement.
Ce ne sont pas des mots. C’est du concret. Entre février et septembre 2024, au moins 2 195 mesures d’éloignement impossibles avant l’entrée en vigueur de la loi sont devenues possibles, parmi lesquelles 1 940 OQTF et – ce qui nous intéresse aujourd’hui – 255 expulsions. Vous avez confondu les deux dans votre présentation, mais ce n’est vraiment pas la même chose.
Mme Sophie-Laurence Roy
Et l’assassin de Philippine ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
La situation est loin d’être parfaite, mais nous avons déjà pu avancer sur le problème que vous soulevez, et cela sans modifier le droit constitutionnel. Tel est justement le dernier point sur lequel nous sommes en désaccord. En voulant supprimer toutes les protections juridiques des étrangers, vous rendez votre proposition de loi contraire à notre Constitution et aux engagements internationaux de la France.
Mme Blandine Brocard
Absolument !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Votre proposition aboutirait à moins d’expulsions d’étrangers dangereux. Notre objectif à nous, c’est plus d’expulsions d’étrangers dangereux.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Vous qui prônez la préférence nationale, vous remettez en cause la préférence européenne en matière de libre circulation. Vous avez la préférence à géométrie variable !
Par ailleurs, vous prévoyez artificiellement la création d’une compétence liée du préfet, qui serait « tenu » d’expulser tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. Cette compétence liée est une fiction incantatoire. Quid si l’on n’obtient pas le laissez-passer consulaire ? Quid si la mesure d’expulsion est annulée ? Faut-il alors condamner le préfet ?
Mme Blandine Brocard
Eh oui ! C’est cela, la réalité !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Au passage, quelle preuve de défiance envers les préfets de la République ! Vous faites comme si, confrontés à un individu représentant une menace grave, ils hésitaient aujourd’hui à expulser.
M. Nicolas Meizonnet
C’est le « en même temps » !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Je ne peux pas vous laisser dire cela. (Mme Blandine Brocard applaudit.)
M. Laurent Jacobelli
Ah si !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Par ailleurs, vous savez que notre Constitution impose juridiquement le respect du droit de mener une vie familiale normale. L’automaticité de l’expulsion que vise à instaurer votre proposition de loi lui est donc contraire.
Enfin, en voulant rendre possible l’expulsion de mineurs à compter de l’âge de 16 ans, vous remettez en cause le principe, lui aussi constitutionnel, de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Vous me répondrez que ce n’est pas le problème du législateur. Laissez-moi vous le dire avec le pragmatisme d’un élu de terrain, d’un maire : le législateur doit se préoccuper de l’efficacité de la loi qu’il vote, sans quoi il prend le risque qu’elle ne serve à rien. Or cette proposition de loi, à cadre constitutionnel constant, ne ferait en réalité qu’accroître l’impuissance de l’État. Elle serait probablement censurée par le Conseil constitutionnel, et les décisions préfectorales qu’elle entraînerait pourraient être annulées pour non-respect du cadre constitutionnel et du droit de l’Union européenne. Voulez-vous prendre le risque de voir des étrangers dangereux remis dans la nature ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Blandine Brocard et M. Éric Martineau applaudissent également.)
M. Hervé de Lépinau
Votre discours avait bien commencé, mais là, c’est de pire en pire !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Si votre proposition de loi était adoptée, elle aurait trois effets : personne ne serait expulsé, l’État serait humilié et nos compatriotes seraient une nouvelle fois totalement désabusés.
Vous me répondrez probablement qu’il n’y a qu’à modifier la Constitution. Oui, sans aucun doute faut-il y réfléchir. Cela mérite un examen approfondi. Mais vous savez très bien que le contexte actuel ne permet pas une révision constitutionnelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Si, par référendum !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Le Gouvernement, sous l’autorité de Michel Barnier et sous l’impulsion de Bruno Retailleau, agit d’ores et déjà. Nous menons d’abord un travail diplomatique actif pour obtenir les laissez-passer consulaires nécessaires à l’éloignement des étrangers dangereux ou illégaux. C’était d’ailleurs l’objet de la récente visite du ministre de l’intérieur au Maroc, où il s’est rendu avec la délégation présidentielle et avec lequel nous avons noué un partenariat renforcé contre l’immigration clandestine. C’est du concret.
Le ministre de l’intérieur a également adressé une instruction à tous les préfets de département, en date du lundi 28 octobre 2024, pour leur donner consigne d’être plus fermes, plus rapides et plus actifs en la matière. Il leur a notamment demandé d’amplifier et de systématiser les mesures d’éloignement rendues possibles par la loi de janvier 2024 ; de recueillir tous les éléments susceptibles de caractériser un risque posé par un étranger pour l’ordre public, afin que puissent être engagées des actions d’éloignement ; d’éloigner les étrangers sortant de prison dès la levée d’écrou ; de placer systématiquement en rétention en cas de menace à l’ordre public, de prolonger sur ce motif la rétention au-delà de trente jours et, lorsque celle-ci prend fin, de poursuivre les mesures de surveillance et de prononcer une assignation à résidence ; enfin, de faire systématiquement appel d’une décision de remise en liberté prise par l’autorité judiciaire au profit d’un étranger constituant une menace pour l’ordre public. C’est du concret.
Bientôt, le Gouvernement proposera à la représentation nationale d’adopter des mesures fermes et concrètes, pragmatiques et réalisables, qui permettront de réduire drastiquement l’immigration en France. Ce sera du concret.
Mesdames et messieurs les députés, vos actes engagent la crédibilité de l’État devant le pays tout entier.
Mme Émilie Bonnivard
Excellent !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Rien ne serait pire que de fragiliser le cadre juridique actuel au risque de moins pouvoir expulser. Rien ne serait pire que de paver davantage encore de bonnes intentions l’enfer que nos compatriotes vivent déjà. Rien ne serait pire que de décevoir les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Mmes Danielle Brulebois, Blandine Brocard et M. Éric Martineau applaudissent également.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.
M. Ugo Bernalicis
Il se fonde sur l’article 91 de notre règlement, qui détermine l’ordre des interventions lors de la présentation d’un texte. Je crois qu’il y a eu une petite erreur : un deuxième orateur du Rassemblement national est intervenu à la place d’un membre du Gouvernement. (Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) J’espère que le Gouvernement aura l’occasion de s’exprimer également. (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Je vous remercie, monsieur Bernalicis. Je veillerai à ce que votre prochain rappel au règlement en soit réellement un.
M. Emeric Salmon
Se moquer du monde ainsi, cela mérite une sanction !
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bryan Masson.
M. Ugo Bernalicis
Qui est le monsieur là-bas, assis au banc des ministres ? (M. Ugo Bernalicis pointe du doigt M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.)
M. Bryan Masson
Vous avez un problème avec la démocratie, monsieur Bernalicis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous feriez mieux de sortir un calepin et de prendre des notes !
M. le président
Je vous invite à cesser d’interrompre l’orateur.
M. Bryan Masson
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est ni anecdotique ni superflue ; elle n’est ni outrancière ni déraisonnable ; elle n’est ni farfelue, ni alambiquée dans son dispositif ; elle est nécessaire et adaptée.
Mme Léa Balage El Mariky
Elle est raciste et xénophobe !
Une députée du groupe RN
Tais-toi !
M. Bryan Masson
Au nom du calice des libertés individuelles, l’État a passé les cinquante dernières années à bâtir une forteresse réglementaire qui bloque les voies administratives permettant l’expulsion des étrangers condamnés, quel que soit leur degré de dangerosité. En l’état, cette conception politique tronquée protège davantage les délinquants étrangers que les victimes elles-mêmes. Ce fonctionnement irresponsable est le meilleur moyen de provoquer le chaos en laissant croire à ceux qui viennent que, quoi qu’ils fassent, ils resteront. Marine Le Pen et les députés du groupe Rassemblement national souhaitent prendre le contre-pied de cette doxa et faire comprendre à ceux qui se voient offrir l’hospitalité française que leur présence sur notre sol n’est pas inconditionnelle. Bien au contraire, leur maintien sur le territoire français doit être soumis au respect de nos lois, sans quoi leur simple présence serait compromise.
La faiblesse de l’État, couplée au laxisme de la justice, alimente chez les délinquants étrangers un véritable sentiment de toute-puissance. Pour couper immédiatement le sifflet à ceux qui feignent de ne pas voir le lien entre insécurité et immigration,…
Mme Léa Balage El Mariky
Il n’existe pas !
M. Bryan Masson
…permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Pas moins de 93 % des vols et 63 % des agressions sexuelles commis dans les transports d’Île-de-France sont le fait d’étrangers. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Léa Balage El Mariky
Mais arrêtez avec vos fausses statistiques !
M. Bryan Masson
À Nice, 54 % de la délinquance de voie publique est le fait d’étrangers. Ils sont également responsables de 82 % des vols à la tire, de 66 % des vols avec violences et des trois quarts du trafic de drogue dans la cinquième ville de France. Ce chiffre est de 53 % à Cannes et de 55 % à Marseille. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait une, qu’insécurité et immigration sont inséparables.
Mme Marie Mesmeur
N’importe quoi !
Mme Ayda Hadizadeh
C’est honteux !
M. Bryan Masson
Inutile de vous dire que cette surreprésentation des étrangers parmi les auteurs de délits se retrouve ipso facto dans nos prisons et dans nos tribunaux. Ainsi, les prisons françaises sont peuplées à hauteur de 25 % par des étrangers, ce qui représente au moins 15 000 personnes. (M. Benjamin Lucas-Lundy s’exclame.)
Face à ce constat chiffré et avéré, le groupe Rassemblement national, plus qu’aucun autre groupe, a l’intention d’en finir avec cette spirale de la violence étrangère. En la matière, nous ne pouvons compter ni sur la dangereuse extrême gauche, ni sur la lâche Macronie. Il revient au groupe Rassemblement national de proposer du changement aux Français, qui sont 84 % à souhaiter l’expulsion des criminels et délinquants étrangers. Nous souhaitons remettre un peu de bon sens dans la réponse de l’État face aux auteurs de délits et de crimes.
Mes propos sont hélas corroborés par des affaires dont les Français se souviennent. Je pense, comme la rapporteure Edwige Diaz, à l’assassinat de Philippine, ou encore à celui de la petite Lola. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ces affaires glaçantes de brutalité ne prouvent pas seulement le lien entre immigration et insécurité, mais mettent aussi en exergue les graves dysfonctionnements de notre système administratif et pénal.
Mme Andrée Taurinya
Avez-vous seulement demandé aux familles l’autorisation d’utiliser leur nom ?
Mme Marie Mesmeur
Vous êtes des charognards !
M. Bryan Masson
Comment un étranger déjà condamné pour viol peut-il être libéré avant le terme de sa peine initiale et récidiver sans jamais se voir expulsé ? Ces graves manquements de l’État font couler le sang des Français et ne peuvent être tolérés. (Mme Marie Mesmeur s’exclame.)
Mme Sarah Legrain
Cela n’a rien à voir avec les étrangers !
M. Bryan Masson
Nous appelons à un virage à 180 degrés de notre politique régalienne pour endiguer cette criminalité endémique et garantir aux Français leur sécurité, première des libertés.
Il faut être aveuglé par l’idéologie pour ne pas tirer les conséquences de cette immigration anarchique qui est un facteur aggravant de la délinquance. Si vous ne souhaitez pas le voir, croyez-moi, les Français, eux, sont loin d’être aveugles.
Mme Sarah Legrain
Vous choisissez vos victimes et vos voleurs ! Il y a les bons et les mauvais !
M. Bryan Masson
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national propose d’assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public. Ce texte doit faire l’objet d’une large approbation de la part de notre assemblée, car il est indispensable pour rétablir l’ordre dans le pays.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez avancé un argument assez faux. Le texte vise à rendre systématique l’expulsion des étrangers condamnés pour un crime ou pour un délit et punis d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement ; ce n’est pas ce que vous avez dit. Votre discours commençait bien, mais comme avec tout ce qui vient de la droite molle, à la fin, on est toujours déçu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure
Nous examinons aujourd’hui en séance, après l’avoir rejetée en commission, la proposition de loi du Rassemblement national visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public. Ce texte est symptomatique du projet du Rassemblement national. Il traduit à la fois l’inhumanité et l’inefficacité du projet politique de l’extrême droite. Il traduit enfin sa faiblesse juridique, étant donné le caractère inconventionnel et inconstitutionnel du dispositif qui est soumis au législateur.
Commençons par son inhumanité. Dès l’exposé des motifs, le Rassemblement national nous présente sa rengaine et son discours habituel sur l’échec nécessaire de l’assimilation des étrangers en France. Selon vous, les étrangers seraient condamnés à « [ne pas vouloir] vivre selon les mœurs françaises », voire à « [vouloir] imposer leurs modes de vie à leurs voisins ».
Mme Marine Le Pen
Cela s’appelle la loi !
M. Vincent Caure
Ne criez pas : je ne fais que citer l’exposé des motifs de votre texte.
Passons ensuite à sa faiblesse juridique. J’ai entendu, madame la rapporteure, votre réponse en commission et votre intervention en séance. Certes, comme vous le dites, nous ne sommes pas rue de Montpensier, mais rue de l’Université, et nous ne sommes pas chargés de juger du droit, mais de faire la loi. Néanmoins, quand on aspire à gouverner, on se préoccupe de la hiérarchie des normes et de l’État de droit.
Ce texte est une faute juridique unanimement remarquée sur tous les bancs, hors les vôtres. En l’état du droit, les mineurs, y compris ceux de plus de 16 ans, sont exclus du champ d’application de la procédure d’expulsion, plus lourde que celle d’OQTF. Vous proposez de revenir sur ce point. Il s’agirait là d’un mouvement de bascule, d’un renversement complet et dangereux de l’état du droit, qui marquerait la fin de la protection des mineurs en matière d’expulsion. Vous proposez également que l’expulsion d’un étranger cesse d’être une faculté pour l’administration et devienne une obligation. Cette perte de liberté de l’État serait très problématique.
Au-delà de ces remarques, la proposition de loi est inefficace, car sa faiblesse juridique se double d’une faiblesse opérationnelle. Le texte ne contient rien qui permette d’améliorer la gestion des étrangers en France et l’application des mesures d’éloignement. Vous oubliez de le dire, mais l’expulsion d’un étranger condamné est déjà largement possible, et d’ailleurs pratiquée. Elle a été facilitée à nouveau par la loi de janvier 2024, adoptée à l’initiative de Gérald Darmanin.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Main dans la main avec le Rassemblement national !
M. Vincent Caure
Qu’il s’agisse des étrangers condamnés définitivement pour un crime ou un délit puni de plus de trois ans d’emprisonnement, des étrangers vivant en situation de polygamie, ou encore des étrangers ayant commis des violences contre un conjoint, un enfant, une personne dépositaire de l’autorité publique ou un élu, leur expulsion a été facilitée par cette loi. Votre affirmation principale selon laquelle le droit des expulsions serait laxiste est donc fausse.
Votre proposition de loi est un coup d’épée dans l’eau qui ne permettra en rien de résoudre les problèmes liés à l’immigration illégale, notamment l’exécution des OQTF, que vous n’évoquez même pas. Les vraies difficultés, par exemple l’obtention des laissez-passer consulaires, vous ne les avez mentionnées ni dans le texte, ni en commission, ni en séance.
Le groupe Ensemble pour la République et ses alliés continueront de défendre une meilleure maîtrise de nos frontières et la mise en œuvre rapide du pacte sur la migration et l’asile, celui-là même que vous avez refusé de voter au Parlement européen.
La situation qui est faite à l’étranger révèle souvent à elle seule le degré de tolérance de la société à l’égard des autres. Chers collègues du Rassemblement national, nous sommes de nouveau éclairés sur la vôtre. Pour cette raison et toutes les autres, nous nous opposerons une nouvelle fois à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale, applaudit également.)
Mme Caroline Parmentier
Amen !
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes.
M. Thomas Portes
Au moment où nous parlons, 300 000 personnes dorment dans la rue, 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté,…
M. Hervé de Lépinau
Ce n’est pas le sujet ! Vous vous trompez de texte !
M. Thomas Portes
…1 million subissent des coupures d’électricité, un tiers des Français se privent d’un repas au cours de la journée, un Français sur deux a du mal à régler sa facture d’électricité. En vérité, rien de cela ne vous intéresse. Votre seule boussole est la haine des étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La proposition de loi que nous examinons en est l’illustration parfaite. Par vos obsessions racistes (Exclamations sur les bancs du groupe RN), vous tournez le dos aux véritables enjeux du pays et montrez une fois de plus votre vrai visage. Je le redis ici à toutes celles et tous ceux qui nous écoutent : tirer le droit des étrangers vers le bas n’améliorera jamais le droit des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Cette proposition de loi est une hypocrisie totale. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous cherchez simplement à assouvir vos fantasmes et à justifier l’expulsion massive de millions de personnes, à l’instar de vos amis allemands de l’AFD – Alternative für Deutschland –, fondée par des nazis. (Mêmes mouvements.)
Cette proposition de loi est un coup de communication CNews. Quelle différence y a-t-il désormais entre les réunions du groupe Rassemblement national et les comités de rédaction de la chaîne de Vincent Bolloré ? Est-ce Bolloré qui vient à l’Assemblée présider vos réunions de groupe, ou est-ce vous qui vous rendez dans ses locaux à Issy-les-Moulineaux ?
Votre proposition de loi n’a qu’un but : propager et légitimer la théorie du grand remplacement, une idéologie xénophobe et conspirationniste, sur laquelle votre candidate Marine Le Pen a fait campagne, pour justifier la haine et la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé de Lépinau
Reprends ton souffle !
M. Thomas Portes
Depuis 1945, la France a adopté 119 textes sur l’immigration. Vous dites que rien n’a été fait. Pourtant, depuis les années 1960, la machine à expulser est bel et bien en marche, entraînant enfermements et éloignements. En 1980, la loi Bonnet a légalisé les reconduites à la frontière et le maintien des sans-papiers dans des centres de rétention administrative (CRA). Aujourd’hui, quarante-quatre ans plus tard, alors que les dispositifs répressifs se multiplient et que les barbelés sont dressés partout (M. Hervé de Lépinau s’exclame), les cadavres s’accumulent en Méditerranée et dans la Manche. Cette année a été la plus meurtrière dans nos mers depuis la dernière crise migratoire. L’Europe forteresse, que vous soutenez, n’est rien d’autre qu’une Europe cimetière.
Vous instrumentalisez les faits divers et exploitez les peurs pour justifier la suppression des protections légales essentielles, qui tiennent compte des situations personnelle et familiale ainsi que de l’état de santé des individus.
L’expulsion automatique d’un étranger condamné à trois ans de prison, prévue par ce texte, constitue une double peine discriminatoire (MM. Ugo Bernalicis et Christophe Bex applaudissent) : elle punit deux fois pour le même délit, uniquement parce que la personne n’est pas de nationalité française.
M. Thomas Ménagé
Vous soutenez les délinquants !
M. Thomas Portes
C’est une rupture tant du principe d’égalité devant la loi que du droit à l’individualisation des peines. Oui, votre texte est une proposition strictement raciste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Contrairement à ce que vous affirmez avec vos chiffres, les études montrent qu’il n’y a aucun lien direct entre l’immigration et la délinquance. Que cela vous plaise ou non, la violence n’appartient à aucune nationalité, couleur de peau ou religion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Chez nous, il n’y a pas de tri parmi les victimes. Où étiez-vous pour dénoncer l’assassinat du joueur de rugby Federico Martín Aramburú ? Cet assassinat a été commis en plein Paris par vos amis du GUD (Groupe union défense), Loïk Le Priol et Romain Bouvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Où étiez-vous pour dénoncer la tentative d’incendie du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins par des militants que vous aviez chauffés à blanc depuis cet hémicycle ? (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Où êtes-vous quand les menaces graves pour l’ordre public viennent de groupuscules d’extrême droite, identitaires ou néonazis, qui sont le vivier de vos attachés parlementaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ou êtes-vous quand vos amis attaquent des universités, des associations, des élus, des militants, des librairies ou des lieux de culte ?
M. Hervé de Lépinau
Tu as raté ton rendez-vous avec l’histoire !
M. Thomas Portes
La seule réalité, c’est que, pour vous, la violence est inacceptable lorsque l’auteur est étranger, mais acceptable lorsque la victime est étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà ce que dit votre proposition de loi !
Se préoccuper des questions migratoires, c’est agir sur ses causes profondes : les guerres impérialistes, le pillage capitaliste (Exclamations sur les bancs du groupe RN) et la destruction climatique, que vous soutenez avec votre programme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Prenez votre ami Bolloré, qui pille les forêts d’Afrique, soutient le commerce du bois qui finance les guerres civiles, contraint des millions de personnes à l’exil. C’est le même Bolloré qui vomit son racisme sur ses chaînes télé et radio et dont vous vous faites les relais politiques dans cet hémicycle.
Je me désole de constater que le représentant du Gouvernement reprend mot pour mot l’idéologie de l’extrême droite et se cache derrière elle pour participer à cette funeste marche.
Mme Caroline Parmentier
Il faut travailler un peu !
M. Hervé de Lépinau
Paresseux…
M. Thomas Portes
Humanistes et républicains, nous sommes antiracistes comme les millions de citoyens qui ont fait gagner le Nouveau Front populaire aux dernières élections législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le peuple de France vous a barré la route, et il a raison ! Fidèles à nos valeurs, nous rejetons ce texte en bloc.
Députés d’extrême droite, au Parlement européen, vous êtes fictifs ; ici, vous êtes inutiles. Dans les gares, nous dégageons les affiches de Bardella ; ici, nous dégageons vos textes racistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Paul Christophle.
M. Paul Christophle
Le groupe Socialistes et apparentés s’opposera à cette proposition de loi.
M. Hervé de Lépinau
Ah bon ?
M. Paul Christophle
D’après son intitulé, elle vise à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public. Qu’en est-il de son contenu ? Au lieu d’assouplissement, vous instaurez une obligation d’expulsion qui ne laisse aucune marge d’appréciation à l’administration et ne permet aucune prise en compte de l’individu, ni de la situation particulière dans laquelle il se trouve. En lieu et place d’une menace grave pour l’ordre public, notion que nous approuvons, vous proposez que toute infraction passible d’une peine de trois ans de prison – je dis bien passible, la peine encourue n’ayant pas nécessairement été prononcée – rende l’expulsion obligatoire.
Il pourrait s’agir, par exemple, de la non-assistance à personne en danger, passible de cinq ans de prison, ou encore d’un vol dans un supermarché, passible de trois ans de prison. Voilà votre appréciation des menaces graves pour l’ordre public qui justifieraient l’expulsion automatique ! Notre appréciation est bien différente. (« Ça, c’est sûr ! » sur les bancs du groupe RN.)
L’automaticité que vous proposez est contraire à nos normes constitutionnelles. Peut-être souhaitez-vous modifier la Constitution, mais en attendant, vous faites bien peu de cas de la préservation de l’État de droit et des principes républicains que celui-ci fait prévaloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Au fond, votre texte ainsi que nombre des amendements que vous avez déposés en commission des lois depuis le début de la présente session sont la parfaite illustration d’un projet xénophobe jamais abandonné, jamais altéré, qui fait toujours partie de votre identité politique. (Mêmes mouvements.) Ce n’est pas ce que veulent vos électeurs. Ils veulent le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; or vous ne l’avez pas voté. (Mêmes mouvements.) Ils veulent l’abrogation de la réforme des retraites ; depuis ce matin, vous essayez de nous faire croire que vous la souhaitez.
M. Jean-Philippe Tanguy
Pas d’applaudissements ? Quel bide ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Paul Christophle
Vous entendez revenir sur un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) déjà modifié par la loi « immigration » de décembre 2023, il y a moins d’un an. Vous devriez savoir que changer sans cesse la loi affaiblit son exécution. Vous devriez savoir aussi qu’avant d’adopter de nouvelles dispositions, il faut évaluer les précédentes. Le législateur est toujours mal avisé lorsqu’il prend son inspiration dans les faits divers.
Si vous l’aviez lu, vous sauriez que le droit actuel permet déjà de faire beaucoup, trop même. Je vous propose de répondre à quelques questions. Un étranger en situation régulière ne relevant pas d’un régime de protection relative ou absolue et constituant une menace grave pour l’ordre public peut-il être expulsé ? La réponse est oui. Un étranger régulièrement installé en France depuis dix ans et dont les enfants sont Français mais qui commet une infraction passible de trois ans d’emprisonnement peut-il être expulsé ? La réponse est encore oui.
Un député du groupe RN
Ça se voit !
M. Paul Christophle
Un étranger arrivé en France avant l’âge de 13 ans, en situation régulière, qui n’a connu que notre pays mais qui commet une infraction passible de cinq ans d’emprisonnement peut-il être expulsé ? La réponse est toujours oui. Tel est l’état du droit.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Votre proposition de loi ne sert à rien ! C’est du vent !
M. Paul Christophle
Cette loi serait donc profondément inefficace. D’une part, en conduisant à une multiplication des arrêtés d’expulsion sans hiérarchiser les situations selon leur gravité, elle engorgerait préfectures et tribunaux.
Mme Isabelle Santiago
Ils sont déjà engorgés !
M. Paul Christophle
D’autre part, l’exécution des expulsions est en réalité tributaire de la coopération des pays de renvoi (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SOC), à propos de laquelle vous ne proposez absolument rien.
En matière d’étrangers criminels, un autre chemin est possible. Il faut concentrer les OQTF et les mesures d’expulsion sur les personnes qui représentent un véritable danger pour la France ; c’est le seul moyen de les rendre enfin effectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Pour conclure, je m’adresse à vous, chers collègues macronistes. L’extrême droite ne fait que poursuivre et radicaliser votre œuvre législative. Je vous parle en tant que député de la Drôme (Mme Marie Pochon applaudit),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Excellent !
M. Paul Christophle
…un département qui s’enorgueillit, depuis longtemps, de Valence à Vercheny en passant par Alixan, de savoir accueillir, intégrer et accompagner les étrangers qui arrivent en France. Ne sacrifiez pas ce qui fait le fondement de notre République à ce que certains ici projettent comme étant l’opinion majoritaire. Non, ce n’est pas ce que veulent les Français, ni aujourd’hui avec la proposition du RN, ni demain avec un projet de Bruno Retailleau relevant de la même philosophie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Républicains de tous bords, ne cédez pas ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
Nous sommes réunis dans cet hémicycle pour étudier la proposition de loi n° 265 déposée par le groupe du Rassemblement national, dont je relève au passage la bonne inspiration sémantique : elle porte quasiment le même titre qu’une proposition de loi déposée il y a deux ans par le groupe Les Républicains et dont j’ai été rapporteur, qui ne visait pas, néanmoins, tout à fait les mêmes objectifs.
M. Hervé de Lépinau
Alors, tous les espoirs sont permis !
M. Éric Pauget
L’article 1er du présent texte vise à rendre obligatoire l’expulsion d’un étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. Il précise, en modifiant l’article L. 631-1 du Ceseda, la notion même de menace grave pour l’ordre public, celle-ci se trouvant « notamment constituée lorsque l’étranger a fait l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement ». Il tend à supprimer, dans ce même code, les régimes de protection dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre le prononcé d’un arrêté d’expulsion et à modifier le régime d’expulsion applicable aux citoyens de l’Union européenne. Il y supprime également les dispositions relatives aux modalités d’abrogation des décisions d’expulsion.
En outre, l’article 1er prévoit des règles particulières pour permettre l’expulsion d’un « étranger mineur de plus de 16 ans en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste ».
Les députés du groupe Droite républicaine ont toujours défendu une application stricte des conditions d’expulsion des étrangers sous OQTF et représentant une menace grave pour l’ordre public. Toutefois, ils considèrent qu’ils doivent légiférer dans la pertinence juridique, afin d’éviter une éventuelle censure globale du Conseil constitutionnel. En l’espèce, ce que nous considérons sur le fond comme des avancées législatives positives et dans l’intérêt des Français présente, en l’état du texte, des faiblesses juridiques.
Mme Laure Lavalette
Dans ce cas, amendez le texte !
M. Éric Pauget
En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, a indiqué que la législation en matière d’expulsion devait respecter le droit à une vie familiale normale, principe qui a valeur constitutionnelle. Par ailleurs, il a rappelé que les mineurs présents sur le territoire national devaient bénéficier de la protection légale liée à leur âge. Mes chers collègues, ne perdons pas de vue ces décisions et ces principes ! En effet, à peine de nullité, ce texte ne devra en aucun cas être à charge contre les personnes étrangères ; il doit être plutôt un mémoire en défense permettant de protéger efficacement les Français.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Éric Pauget
C’est d’ailleurs dans le souci de la conduite d’une politique migratoire ferme, responsable et efficace, que le ministre de l’intérieur vient d’expulser le fils Ben Laden et d’abroger la circulaire dite Valls (M. Olivier Marleix et Mme Émilie Bonnivard applaudissent), laquelle permettait, depuis plus de dix ans, la régularisation de clandestins présents sur notre sol.
Dans ce même souci, le Gouvernement souhaite faire passer de quatre-vingt-dix à deux cent dix jours le délai de rétention dans les CRA pour les personnes étrangères dangereuses, le temps d’obtenir leur laissez-passer consulaire. Nous soutenons et soutiendrons cette initiative.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Éric Pauget
Outre les importantes faiblesses juridiques que j’ai relevées, le texte comporte des imprécisions rédactionnelles qui affaiblissent la portée des mesures, voire se révèlent contre-productives – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
M. Olivier Marleix
Oui, quel bricolage !
M. Éric Pauget
Je pense à la définition de la notion même de menace grave pour l’ordre public, qui devrait être étendue aux atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État telles que les menaces terroristes ou incitant à la haine, ou bien encore aux motifs d’expulsion des étrangers représentant cette menace, qui devraient être complétés, la condamnation à une peine de prison de trois ans étant par trop limitative.
Bien que conscients du risque d’inconstitutionnalité, qu’il faudra lever, et des lacunes rédactionnelles que je viens d’exposer, les députés du groupe Droite républicaine, qui ont toujours soutenu les textes allant dans le sens de la fermeté et d’une meilleure sécurité pour nos concitoyens, voteront de telles propositions, d’où qu’elles viennent.
Le projet de loi relatif à l’immigration que le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau est en train de préparer sera porteur des mêmes exigences. J’espère qu’il sera largement soutenu dans cet hémicycle, dès le début de l’année 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Bernard Chaix applaudit également.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Jamais !
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
L’imposture comme méthode et la haine comme horizon : bienvenue à la journée d’initiative parlementaire du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Excellent !
Mme Léa Balage El Mariky
Madame la rapporteure, l’inspiration, c’est peu de le dire, n’a pas soufflé dans votre direction. Les mêmes préjugés, les mêmes obsessions et, en définitive, la même vacuité intellectuelle sont toujours à l’œuvre avec vous : exploiter les fantasmes sécuritaires, alimenter les peurs, quitte à se vautrer dans le déshonneur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.) Voilà la marque de fabrique du Rassemblement national !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Léa Balage El Mariky
La même rengaine consternante vous sert toujours de boussole : pour résoudre les problèmes des Français, il faudrait priver les étrangers de leurs droits.
Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner un cas parfait de fraude législative ! La recette n’est pas bien compliquée, je vous la livre. Deux ingrédients seulement sont nécessaires : le mensonge et l’outrance.
Je commence par le mensonge sur lequel repose le texte soumis à notre examen. D’abord, il faut détourner l’attention de ce qui préoccupe vraiment le citoyen et traiter l’étranger comme un ennemi. Le pouvoir d’achat, l’injustice sociale, la souffrance au travail, la crise climatique, l’émancipation : tout cela n’a aucune espèce d’importance aux yeux du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et Soc. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
La seule chose qui compte est de mettre les étrangers sur le gril, de les suspecter constamment de ne pas vouloir s’intégrer, de les décrire systématiquement comme des délinquants et de faire croire à nos compatriotes – au mépris des statistiques – qu’il existe un lien direct entre immigration et délinquance. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Toutes les études démontrent pourtant qu’à comportement identique, un étranger sera toujours plus sévèrement condamné par la justice qu’un délinquant français (MM. Benjamin Lucas-Lundy et Christophe Bex applaudissent) et qu’il a deux fois plus de risques qu’un Français de faire l’objet d’une comparution immédiate, cinq fois plus d’être placé en détention provisoire et huit fois plus d’être condamné à de la prison ferme.
Même si le Rassemblement national le passe volontairement sous silence, les étrangers ne sont pas surreprésentés dans les affaires les plus graves, telles que les viols et les violences physiques. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Exclamations en retour sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ils sont souvent jugés pour des vols simples ou de légères atteintes aux biens. C’est de la petite délinquance de survie, marque du paupérisme ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Yoann Gillet
Alors tout va bien !
Mme Léa Balage El Mariky
En revanche, et c’est logique, ils sont surreprésentés pour des infractions aux dispositions sur la circulation et le séjour des étrangers. Mais, comme le Rassemblement national rêve d’éliminer du corps social toutes celles et ceux qui ne lui ressemblent pas,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Léa Balage El Mariky
…tous les moyens sont bons, y compris créer un faux problème. (Mme Cyrielle Chatelain et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent.)
On souffre en lisant votre exposé des motifs et on se pince pour y croire. Vous écrivez qu’une partie des étrangers ne sont pas expulsés parce que les préfets ne font pas usage de leur faculté. C’est faux !
Plusieurs députés du groupe RN
C’est vrai !
Mme Léa Balage El Mariky
Vous mentez. Il n’y a jamais eu de laxisme en matière d’expulsion. Les préfets ne se censurent pas. Ils expulsent, en masse, dès qu’ils en ont l’occasion, et plutôt en cadence, comme le démontrent les derniers chiffres. Votre idée de transformer la faculté d’expulser en une obligation ne repose donc sur aucune nécessité.
Au mensonge, vous ajoutez l’outrance. C’est le second ingrédient de la recette. Vous détruisez le principe fondamental de justice et de proportionnalité qui distingue notre République des régimes autoritaires. Vous n’avez aucun égard pour le temps, les liens, la vie que ces étrangers ont bâtie ici.
Votre objectif est que le moindre écart – par exemple, la conduite sans permis – donne lieu à l’application d’une peine capitale : l’expulsion automatique, aveugle et impitoyable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
La brutalité que vous proposez…
Mme Ayda Hadizadeh
Cette brutalité n’est pas surestimée, elle !
Mme Léa Balage El Mariky
…s’abat sans distinction. Que la personne ait grandi ici, qu’elle ait fondé une famille, qu’elle soit intégrée, qu’importe ! Aucune circonstance n’éveille votre clémence, pas même l’enfant né en France que vous condamnez à grandir sans parent.
M. Jérôme Buisson
Quand évoquerez-vous les victimes ?
Mme Léa Balage El Mariky
Loin d’avoir pour vocation de protéger nos concitoyens, ce texte se borne à broyer des vies, à expulser sans distinction, à cultiver le rejet et l’arbitraire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Vos propositions renient notre tradition d’équité et de justice pour imposer un retour à des logiques d’exclusion qui ne devraient plus avoir droit de cité dans notre République. En vérité, ce que vous cherchez, c’est une France du repli, une France crispée, une France suspicieuse et agressive envers celles et ceux qui n’ont pas eu le privilège de naître ici.
Ce n’est pas la France que nous défendons. Notre projet n’est pas celui de l’expulsion systématique mais de l’inclusion et du respect des droits fondamentaux. (Mme Cyrielle Chatelain et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent.)
La France, c’est la solidarité, l’accueil et la générosité, l’humanisme. La France, c’est notre diversité. La France, c’est la justice. Voilà la France que nous défendons ! Voilà la France que les Françaises et Français ont choisie le 7 juillet dernier ! Nous avons choisi notre camp, celui de la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Un député du groupe RN
Ce n’était pas mauvais, c’était très mauvais !
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
Je vais tuer le suspense en annonçant immédiatement que nous nous opposerons à ce texte. (Exclamations amusées sur les bancs du groupe RN.)
Nous nous y opposerons non au regard de ses auteurs mais à l’aune de son dispositif, non pas simplement parce qu’il a été déposé par le Rassemblement national mais parce qu’après l’avoir analysé nous avons conclu que nous ne pouvions le voter pour des raisons juridiques, pratiques et philosophiques.
Nous ne pouvons le voter pour des raisons juridiques. Nous sommes d’abord circonspects quant à la constitutionnalité de cette proposition de loi. Le choix du vecteur législatif, alors que vous ne cessez sur les plateaux télévisés de dire que la Constitution – ou du moins la lecture qu’en fait le Conseil constitutionnel – est un frein à toute politique migratoire, est étonnant et pour le moins révélateur de votre conception de la politique !
En second lieu, nous l’avons dit en commission, ce texte est largement contraire au droit européen et au droit international, notamment au droit à mener une vie privée et familiale normale et au respect dû à l’intérêt supérieur de l’enfant. Or les principes fondamentaux internationaux, confirmés par la jurisprudence européenne, ont un sens.
M. Hervé de Lépinau
L’intérêt des victimes n’en a-t-il pas un aussi ?
M. Éric Martineau
L’Europe est un tout ; ce n’est pas seulement un lieu où l’on aime siéger largement mais aussi un espace de respect de la jurisprudence et des juges.
Des raisons pratiques s’opposent aussi au vote de ce texte : s’il semble avoir à vos yeux une valeur performative, il repose sur une compréhension erronée des causes de l’insuffisante exécution des OQTF. Vous feignez d’ignorer que celle-ci s’explique par des difficultés structurelles tenant à l’absence de délivrance des laissez-passer consulaires.
La mise en pratique des OQTF repose sur l’efficacité des rapports diplomatiques. Or notre groupe croit comprendre que le Président de la République prend la mesure de ce défi, comme en atteste son récent déplacement au Maroc.
Enfin, nous sommes opposés à ce texte car il va à l’encontre de notre idée de la politique. Il y a moins d’un an, nous avons voté une loi « immigration et intégration »…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Une honte, un scandale ! Ce texte résulte d’un bouche-à-bouche avec l’extrême droite !
M. Éric Martineau
…qui se fixait trois objectifs. Le premier consistait à faire du travail un véritable levier d’intégration : il ne s’agissait pas d’être incantatoires mais d’être exigeants en la matière et de se doter de véritables moyens. Le texte visait en second lieu à faire de la maîtrise de la langue un vecteur d’émancipation et d’intégration incontournable. Enfin, il réaffirmait l’exigence s’imposant à tous et partout de respecter nos valeurs, exigence d’autant plus importante qu’elle met en jeu la crédibilité de la loi.
En élargissant les possibilités de recourir à l’expulsion d’étrangers ayant commis des infractions graves, en supprimant des freins à la mise en application des décisions portant OQTF pour les étrangers en situation irrégulière et en ajoutant de nouveaux motifs d’expulsion sans besoin de caractériser la menace à l’ordre public, la loi « immigration » récemment votée satisfait les objectifs que vous poursuivez.
La France et les Français souffrent de l’instabilité législative : comment nos policiers, nos gendarmes, nos agents de préfecture, nos juges peuvent-ils travailler dans un tourbillon législatif et réglementaire permanent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Avant de bouleverser de nouveau le droit, ne faut-il pas commencer par appliquer la loi de janvier 2024 que vous avez votée et dont l’approche, fondée sur une alliance entre intégration de ceux qui travaillent et éloignement de ceux qui ne sont pas appelés à rester, nous semble plus équilibrée et donc plus juste ?
Mme Blandine Brocard
C’est du bon sens !
M. Éric Martineau
Sur l’immigration comme sur d’autres sujets, le chemin consiste à agir de manière rationnelle, équilibrée et pragmatique…
Mme Blandine Brocard
Pragmatique et non dogmatique !
M. Éric Martineau
…en prenant en compte la parole de tous les acteurs. Avant de proposer un texte de loi, le groupe Rassemblement national aurait pu demander l’organisation d’un débat sur l’évaluation de la loi « immigration ». (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Blandine Brocard
Idée judicieuse !
M. Éric Martineau
Vous nous répondrez sûrement que l’heure est à l’action. C’est vrai ! Mais pour le Parlement, agir consiste aussi à exercer sa mission constitutionnelle de contrôle de l’action publique.
Nous souhaitons agir et répondre aux préoccupations des Français sans double discours, sans effets de manche, sans proposition de réformes « à coups de tweet, à coup de clic ». (Mme Blandine Brocard applaudit.) Les Français méritent mieux, les Français attendent mieux.
En responsabilité, nous affirmons que cette énième loi proposée par le Rassemblement national n’est qu’un leurre. Si l’effectivité des OQTF pour les étrangers délinquants constitue un véritable problème et si des réponses urgentes, pragmatiques et ambitieuses doivent être trouvées, elles figurent dans la dernière loi « immigration ».
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est le RN qui l’a écrite !
M. Éric Martineau
Attendons donc qu’elle ait été appliquée dans son entièreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Cette proposition de loi est particulièrement symptomatique de la méthode des députés frontistes et son examen dans le cadre de la niche parlementaire du Rassemblement national nous offre l’opportunité de la mettre à jour. Sous un titre racoleur se cache un texte d’un vide sidéral contenant des mesures inapplicables ou inconstitutionnelles.
Examinons donc dans le détail ce que vous nous dites aujourd’hui.
Première affirmation : en matière d’expulsion des étrangers délinquants, le problème vient de notre droit. C’est une fake news ainsi que le ministre l’a rappelé.
Deuxième affirmation : en matière d’expulsion des étrangers délinquants, le problème provient des préfets car ils ne prennent pas les décisions qui s’imposent. Deuxième fake news.
Troisième affirmation : évidemment, grâce à son action, le Rassemblement national va régler tous ces problèmes en un coup de baguette magique ! Nouvelle fake news !
M. Hervé de Lépinau
Parce que l’action du Gouvernement vous paraît efficace ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Comme à votre habitude, vous créez des écrans de fumée pour dissimuler votre incapacité à résoudre les problèmes de nos concitoyens. Vous trompez les Français en prétendant détenir des solutions. Permettez-moi donc de remettre un peu de vérité et de nuance !
Nous ne nions pas qu’il existe de réelles difficultés pour expulser les étrangers délinquants. Cependant, si la France expulse peu les étrangers délinquants, le problème ne réside ni dans notre droit ni dans les protections dont bénéficient certains d’entre eux.
M. Kévin Pfeffer
Il vient du Gouvernement !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
En effet, la part d’étrangers qui ne peuvent être expulsés en raison de ces protections est minime comparée à la difficulté que nous rencontrons dans l’exécution concrète des décisions d’éloignement.
La France ne parvient pas à éloigner un certain nombre d’étrangers de son territoire car elle n’obtient pas les laissez-passer consulaires permettant un retour effectif.
M. Kévin Pfeffer
C’est de votre faute !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
C’est pourquoi la méthode la plus efficace consiste à mener des négociations avec les pays concernés, ce qu’a entrepris de faire le ministre de l’intérieur lors du voyage d’État du Président de la République au Maroc.
En matière d’expulsion des étrangers délinquants, il est inexact d’affirmer que les préfets ne prendraient pas les décisions qui s’imposent.
Mme Sophie-Laurence Roy
C’est le cas !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Vous voulez les contraindre, par votre proposition de loi, à ordonner l’expulsion en cas de menace pour l’ordre public : cela en dit long sur la confiance que vous leur accordez. Pensez-vous qu’ils n’utilisent pas les moyens juridiques à leur disposition pour préserver l’ordre public dans leur territoire ?
M. Hervé de Lépinau
Ils respectent les instructions du Gouvernement !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Quelle défiance envers ces agents de l’État qui dédient leur vie professionnelle et souvent une partie de leur vie personnelle à l’intérêt général !
La conclusion à laquelle vous souhaitez que tout le monde arrive mais qui ne trompe personne est évidemment que l’action du Rassemblement national va régler tous ces problèmes grâce à cette proposition de loi.
Un peu d’humilité, chers collègues ! Votre proposition de loi ne réglera rien. Elle serait en effet censurée à terme car elle est parfaitement inconventionnelle et inconstitutionnelle !
De notre côté, nous préférons l’action et le travail à la tromperie et à la supercherie.
Un député du groupe RN
Quel travail ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Le groupe Horizons & indépendants a toujours défendu une position extrêmement ferme d’éloignement des étrangers menaçant l’ordre public.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Oui, extrêmement !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Nous avions soutenu des dispositions qui ont été adoptées telles que la création de nouvelles exceptions aux protections dont bénéficient certains étrangers contre l’expulsion, l’élargissement du champ des infractions pour lesquelles le juge peut, ou doit, prononcer une interdiction du territoire français ou encore la suppression des catégories protégées contre l’expulsion au profit de la liberté laissée aux préfets d’apprécier au cas par cas les éventuelles atteintes à la vie privée et familiale.
Pour le groupe Horizons & indépendants, le faible nombre d’expulsion des étrangers délinquants ne s’explique pas par des manquements de l’autorité administrative qui ne prendrait pas les décisions indispensables à la préservation de l’ordre public ; il provient d’obstacles concrets à la mise en œuvre desdites décisions.
Autrement dit, cette proposition de loi ne réglera rien, contrairement à ce que vous prétendez. S’il a souvent été dit que la gauche n’a pas le monopole du cœur, l’extrême droite n’a pas non plus celui de la sécurité des Français.
Par conséquent, le groupe Horizons et indépendants ne votera pas cette proposition de loi. La sécurité des Français mérite bien mieux qu’un effet de manche. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Simplifier. Tel est le mot qui aurait guidé la main des auteurs de cette proposition de loi. Vraiment ? Je ne le crois pas.
Notre groupe est conscient des attentes des citoyens en matière de sécurité, un sujet souvent cité dans les enquêtes d’opinion comme étant l’une des principales préoccupations des Français, surtout dans certaines régions.
Toutefois, je ne peux m’empêcher d’ajouter que ces attentes des concitoyens sont entretenues et alimentées par une couverture médiatique qui fait la part belle aux cas particuliers et aux exceptions pour nous faire croire qu’il s’agit d’une généralité. Ces drames insupportables, contre lesquels il faut lutter, sont instrumentalisés pour établir un lien entre étrangers et délinquants, entre immigration et insécurité comme autrefois certains associaient classes laborieuses et classes dangereuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Au mépris des études sociologiques qui montrent que la grande majorité des étrangers s’intègrent bien, on préfère montrer du doigt les brebis galeuses qui existent malheureusement dans toutes les communautés. Car hélas, les crimes horribles et les abus sexuels ne sont pas l’apanage d’une communauté, d’un peuple en particulier, d’une classe d’âge ou encore d’une classe sociale ; ils touchent malheureusement tous les milieux. Je ne tombe pas pour autant dans la peur ni dans l’émotion car ces agissements restent le fait d’individus peu nombreux.
En disant cela, je ne minimise aucunement les crimes et délits et ne cherche pas d’excuses pour leurs auteurs que je veux voir sous les verrous. J’ai également une pensée pour les victimes et leur famille qui doivent vivre et se reconstruire après un tel drame. Cependant, la justice n’est ni la vengeance ni la recherche de boucs émissaires. En outre, nous ne sommes pas juges, laissons donc les professionnels faire leur travail.
Je dis seulement que l’exaltation des émotions et des passions ne fera pas baisser le nombre de crimes et délits mais contribuera à renforcer les tensions et les divisions au sein de notre société, ce qui entraînera une augmentation de la violence.
Mme Léa Balage El Mariky
Il a raison !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Une parole pleine de sagesse !
M. Paul Molac
L’utilisation de moult statistiques – dont on se demande parfois quelles ont été les questions posées au préalable – ne me convainc absolument pas, de même que les études qui consistent à montrer que les hommes sont mauvais en expliquant que plus de 90 % de la population carcérale est composée d’hommes mais en oubliant de préciser que ces délinquants ne représentent qu’une minorité des hommes. Il en est de même pour les étrangers qui ne sont pas meilleurs que nous mais certainement pas pires non plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Nous appelons ainsi à ne pas instrumentaliser les affaires récentes : non, contrairement à ce que prétend la rapporteure, sa proposition de loi n’aurait pas empêché le meurtre de Philippine par un individu sous OQTF dans la mesure où elle traite uniquement des expulsions et non des OQTF. Or il ne vous aura pas échappé que le meurtrier présumé n’était pas passible d’une expulsion.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Merci de remettre un peu de décence dans ce débat !
M. Paul Molac
D’ailleurs, les expulsions sont une mesure d’exception en cas de menace grave. On ne compte que 300 cas environ par an alors que près de 17 000 mesures d’éloignement forcé ou aidé sont prises chaque année. Ce texte n’est donc en rien un remède miracle.
Nous rejetons aussi le discours des auteurs de cette proposition de loi tendant à faire croire que l’État n’a rien fait sur le sujet. Au contraire, le Parlement a voté plusieurs textes pour renforcer l’arsenal législatif contre l’immigration, en matière tant de police administrative que de répression pénale, et pour augmenter les moyens des ministères de la justice et de l’intérieur. Rappelons, s’il en est besoin, que la dernière loi « immigration » n’est en vigueur que depuis janvier et que tous les décrets ne sont pas encore publiés. Depuis que je siège dans cette chambre, c’est un thème qui revient souvent – trop à mon goût –, tous les dix-huit mois environ.
Pour approfondir le sujet, notons que les protections dont peuvent jouir les personnes qui ne sont pas françaises résultent d’un juste équilibre entre préservation de l’ordre public et protection de plusieurs droits fondamentaux – notamment celui de mener une vie familiale normale – sans parler de la santé.
En supprimant toutes les protections dont peuvent bénéficier les étrangers, le texte rompt cet équilibre. Notre groupe ne peut soutenir une telle démarche qui présente un risque élevé d’inconstitutionnalité. J’irai même plus loin : elle heurte nos conceptions humanistes.
La réalité est que la loi « immigration » a déjà drastiquement réduit le statut des étrangers protégés. Alors que la protection relative ne pouvait être levée qu’en cas de condamnation à au moins cinq ans de prison ferme, elle peut désormais tomber pour une simple condamnation à un délit passible de trois ans de prison. La nuance est de taille. D’après l’alinéa 12 de l’article 1er de la proposition de loi qui nous est soumise, si vous êtes condamné à quinze jours de prison avec sursis pour le vol d’un paquet de pâtes dans un supermarché, vous êtes automatiquement expulsé. N’est-ce pas un peu trop ? (M. Antoine Léaument applaudit.)
En conclusion, on voit très bien que ce texte a été élaboré pour faire un coup de communication et flatter les penchants xénophobes d’une partie de la société. Ce n’est pas ainsi que nous arriverons à faire société. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – M. Richard Ramos applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
S’agissant de l’âge de départ à la retraite, le RN opte tantôt pour 66 ans, tantôt pour 65, 62 ou 64 – bref, on a vite compris que la défense des classes populaires, ce n’était pas son truc, le vernis a craqué facilement. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.)
M. Kévin Pfeffer
On est passés à un autre texte, il faut suivre !
Mme Elsa Faucillon
En revanche, quand il est question de stigmatiser et de déshumaniser les étrangers…
M. Emeric Salmon
Nous parlons des délinquants et des criminels !
Mme Elsa Faucillon
…ou d’en faire les boucs émissaires des effets des politiques néolibérales, alors là, pas d’hésitation : vous vous contentez d’un flot d’éructations xénophobes. C’est d’ailleurs aussi ce qui fait de vous des supplétifs de la Macronie. Pas touche aux plus riches, c’est forcément la faute des étrangers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Charles Sitzenstuhl
C’est exagéré ! Vous valez mieux que ça, madame Faucillon !
Mme Elsa Faucillon
Ce texte de votre niche parlementaire met en scène vos passions mortifères. En bons idéologues de l’inégalité naturelle, il vous est impossible de construire un discours politique sensé sans y accoler des théories racistes faisant de l’étranger le coupable de tous les maux de notre société.
Dans votre texte, l’étranger, par essence délinquant et violeur, serait – je cite la rapporteure – « à la source d’une part considérable de la délinquance et de la criminalité ».
M. Emeric Salmon
Ce sont les statistiques qui le disent !
Mme Elsa Faucillon
Cette affirmation n’est étayée par aucun chiffre. D’ailleurs, de telles données statistiques n’existent pas puisque les analyses indiquent même le contraire. Je vous invite ainsi à lire l’article d’Arnaud Philippe et Jérôme Valette, deux chercheurs qui ont interrogé le lien entre immigration et délinquance en analysant des travaux réalisés à partir de données de plusieurs pays européens. S’appuyant notamment sur des études menées au Royaume-Uni et en Italie lors de l’arrivée importante de personnes étrangères, ils notent : « Lorsque [les] différents biais sont éliminés, les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance. » Toutefois, on le sait bien, la recherche, les données fiables et les statistiques, vous n’en avez que faire.
De même, faire peser les conséquences brutales de la culture du viol et de la domination masculine sur les seules épaules des hommes étrangers relève d’une fraude insoutenable.
M. Emeric Salmon
Personne ne dit cela !
Mme Elsa Faucillon
Vous ne défendez pas les femmes, vous les instrumentalisez. Vous ne soutenez pas les familles de victimes, vous faites de leur chagrin une arme pour la division et contre les étrangers.
J’en viens à la proposition de loi examinée aujourd’hui et qui a pour ambition de supprimer en partie les catégories protégées des expulsions du territoire français. Définie dans les articles L. 631 et suivants du Ceseda, l’expulsion est une mesure administrative visant à éloigner un ressortissant étranger du territoire. Elle est prononcée dans des situations très graves liées à la protection de l’ordre public ou en cas d’atteinte à la sûreté de l’État.
La menace est évaluée par l’administration en fonction du comportement de l’individu étranger – violences, trafic de drogue ou encore incitation au terrorisme. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait l’objet d’une condamnation pénale. La décision d’expulsion est prise par le préfet ou par le ministre de l’intérieur. L’étranger peut être renvoyé de force dans son pays d’origine ou dans un autre pays. La procédure est donc exceptionnelle, encadrée et doit être justifiée.
Ce que les députés du RN prétendent instaurer dans l’exposé des motifs existe en réalité déjà dans le droit positif puisque l’appartenance à une catégorie dite protégée ne met pas totalement à l’abri d’une expulsion. D’ailleurs, ce dispositif est d’ores et déjà largement contourné par l’autorité administrative si nécessaire.
D’autre part, cette proposition de loi s’attaque aux garanties procédurales et aux droits fondamentaux des étrangers.
M. Emeric Salmon
Des délinquants !
Mme Elsa Faucillon
L’automaticité de la procédure d’expulsion, la suppression d’une voie de recours et l’interdiction de l’assignation à résidence sont autant de mesures qui rendront la procédure d’expulsion à la fois inéquitable et arbitraire.
Je conclurai en évoquant ce qui me semble l’aspect le plus dangereux de votre proposition de loi : l’atteinte manifeste aux droits des enfants. Car, généralement, avant de voir des êtres humains, qu’ils soient adultes ou enfants, vous voyez d’abord des étrangers.
La mesure prévue par votre texte remet en cause la minorité comme catégorie protégée de fait. Elle autorise donc l’expulsion d’enfants – oui, d’enfants –, et ce neuf mois à peine après l’interdiction du placement d’enfants en centre de rétention par la loi du 24 janvier 2024 que, par ailleurs, je le rappelle, nous avons largement combattue. Si cette proposition de loi supprime la possibilité d’assignation à résidence, est-ce à dire que les mineurs de 16 ans sous le coup d’un arrêté d’expulsion seront finalement retenus en CRA, de manière illégale ? C’est une atteinte manifeste au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Vous l’aurez compris, nous voterons résolument contre votre proposition de loi, texte d’affichage et d’instrumentalisation qui s’en prend toujours aux mêmes…
M. José Beaurain
Aux criminels !
Mme Elsa Faucillon
…mais n’aide finalement personne, si ce n’est peut-être qu’il contribue à révéler un peu plus la tristesse de votre projet pour notre pays. Car la France est belle de sa solidarité. Je veux donc ici remercier toutes les associations et les citoyens solidaires qui font l’honneur de notre pays.
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Ce texte devrait recueillir un assentiment général… (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Non !
M. Éric Ciotti
…tant il correspond à une attente plus que majoritaire, quasiment unanime de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Sabrina Sebaihi
Ben voyons !
M. Éric Ciotti
Cette attente relève tout simplement du bon sens. Or pour moi, la politique requiert certes des convictions – naturellement différentes sur tous ces bancs – et le respect des principes juridiques mais aussi la prise en considération du bon sens, un principe premier.
Cette proposition de loi est d’abord un texte de bon sens. Notre pays accueille les étrangers avec respect, en leur accordant l’honneur d’être sur le territoire de la République française, cette grande démocratie, en leur donnant un titre de séjour qui confère de nombreux droits – trop, pourrait-on dire aujourd’hui, notamment trop de prestations sociales versées dès la première heure (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Toutefois le titre de séjour devrait aussi conférer des devoirs, et d’abord celui de respecter les lois de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Quiconque ne les respecte pas n’a plus rien à faire sur le territoire.
Pour les délinquants et les criminels, et a fortiori pour ceux qui sont passibles d’une condamnation à plus de trois ans de prison, c’est-à-dire, comme le précise ce texte équilibré, non pas ceux qui ont volé l’orange du marchand,…
M. Raphaël Schellenberger
Une chanson ! Une chanson !
M. Éric Ciotti
…mais ceux qui ont déjà commis un délit grave, des agressions, qui ont fait subir des coups et blessures volontaires à des victimes, qui ont violé ou parfois tenté d’assassiner,…
Mme Sabrina Sebaihi
Et ceux qui ont volé la clé du siège de LR ?
Mme Marie Pochon
Et les détournements de fonds ?
M. Éric Ciotti
…oui, pour tous ceux-là, la réponse doit être claire : la prison et l’avion. C’est un principe de bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Nous soutiendrons donc ce texte, qui apporte des réponses juridiques adaptées aux enjeux qu’il soulève.
J’ai entendu M. le ministre. Je suis tellement habitué à de tels discours ! J’en ai tiré les conséquences en posant les fondements de l’alliance des droites que j’ai voulue lors des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Par le passé, ce sont les mêmes dispositions que j’ai soutenues, avec l’appui de l’actuel ministre de l’intérieur et d’Olivier Marleix, ici présent et qui acquiesce. (Sourires sur les bancs des groupes UDR et RN. – M. Olivier Marleix fait un signe de dénégation.)
Monsieur le ministre, si vous vous souciiez du bon sens, de la logique, de l’intérêt des Français, de la protection de notre société, du respect des droits des victimes, auxquelles personne sur les bancs de la gauche ne s’est adressé, vous approuveriez ce texte. Mais vous ne le faites pas au nom de considérations bassement politiciennes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
J’ai entendu votre message, que nous approuvons – ô combien ! Dehors, dehors, dehors ! (« Dehors, dehors, dehors Ciotti ! » sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mais l’anaphore ne suffit pas ! En politique, il faut de la volonté, du courage ! C’est ce courage, trop souvent défaillant, que les Français exigent ! Nous en ferons preuve en votant cette proposition de loi qui vise à protéger les Français et faire respecter les lois de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Emeric Salmon
Encore ? Il n’a jamais autant parlé !
M. Aurélien Pradié
Pour un pays, il y a plus grave que d’être doté de règles laxistes : c’est d’être incapable de faire appliquer et respecter ses propres règles.
M. Gérault Verny
C’est trop long !
M. Aurélien Pradié
C’est l’un des drames de notre politique migratoire : l’impuissance. Les règles sont assez claires, les OQTF sont délivrées, en nombre plus important chaque année. Mais voilà : la France apparaît incapable de les faire respecter.
Cet échec est non seulement l’échec de notre politique migratoire non maîtrisée mais c’est aussi, peut-être surtout, l’échec de notre État de droit. Que reste-t-il d’un grand pays, d’une nation, d’une démocratie si les règles fixées par la loi nationale sont négligées, contournées, fictives ?
Nous devons reprendre le contrôle. Laisser faire, abdiquer, s’accoutumer à ne pas maîtriser l’immigration, c’est choisir le naufrage de notre pacte national. L’impuissance à laquelle certains voudraient que nous nous habituions est la première faute nationale.
Mais il y en a une seconde : celle qu’on commet lorsqu’on prononce des paroles fortes tandis qu’on pose des actes faibles. S’il y a bien un sujet s’agissant duquel l’essentiel n’est pas de beaucoup parler mais de beaucoup agir, c’est la politique migratoire. Les seuls engagements que l’on doit prendre sont ceux que l’on tiendra.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner prévoit de lever l’essentiel des freins juridiques à l’expulsion d’individus étrangers qui constituent une menace grave pour notre nation ou ont déjà commis des actes graves. Qui pourrait y être défavorable ?
Chacun peut voir la politique migratoire à travers le prisme idéologique de son choix mais lorsqu’il s’agit de la sûreté de la nation, face à des actes criminels, qui peut fermer les yeux ? Il ne s’agit plus d’intégration, d’assimilation ou d’humanité mais bien de préserver la sécurité nationale. Si la France a toujours donné une chance à ceux qui l’aiment, quelle chance peut-elle donner à ceux qui l’attaquent et la détestent ?
Est-ce là un propos extrémiste ? Non. C’est un propos patriote qui, hier encore, aurait uni sur ces bancs une certaine droite et une certaine gauche qui croyaient en la nation et en la République.
Durant les six premiers mois de l’année 2022, seules 7 % des OQTF ont été exécutées. Combien d’expulsions seront encore prononcées demain et resteront lettre morte ?
Disons les choses clairement : inutile de promouvoir des lois d’affichage et de communication politique si nous ne réglons pas l’essentiel.
L’essentiel, d’abord, c’est la réforme constitutionnelle. Sans elle, rien n’est possible. Je l’affirme nettement : abandonner la perspective d’une réforme constitutionnelle, c’est se condamner à communiquer beaucoup mais à agir peu.
Sans moyens importants pour lutter contre l’immigration illégale et les drames humains qu’elle occasionne, nous ne réussirons pas. À cet égard, la baisse des crédits alloués à la mission Immigration, asile et intégration dans le projet de loi de finances pour 2025 est une erreur. Ces 103 millions d’euros manqueront.
Revenons aux expulsions. Qu’est-ce qu’une OQTF si le pays d’origine refuse de rapatrier son ressortissant ? Au risque de vous perturber, monsieur le ministre, sans vous ôter a priori ma confiance, je ne suis pas certain que le ministère de l’intérieur soit le mieux à même de maîtriser la politique migratoire. Le ministère de la justice en contrôle de nombreux aspects et le ministère des affaires étrangères a en main l’essentiel des outils lui permettant d’espérer reprendre le contrôle et d’engager les bras de fer nécessaires avec les pays concernés.
Le besoin de disposer d’un ministère entièrement consacré à l’immigration n’a jamais été aussi pressant, non pour mener des batailles sémantiques et idéologiques ou faire de l’agitation mais pour agir, pour construire les rapports de force diplomatiques requis, pour s’assurer que chaque personne qui doit être expulsée le soit véritablement. Si personne n’est capable d’appliquer les OQTF, rien ne changera.
Enfin, il faut sortir d’une dernière illusion : celle de la rétention administrative. Seules 1 869 places sont disponibles dans nos CRA. On peut espérer, sans certitude, disposer de 3 000 places à l’horizon 2027. Rendez-vous compte : 1 869 places pour 65 000 OQTF au premier semestre 2024 ! Qui peut croire que les CRA pourraient tout régler ? C’est une illusion.
J’ajoute que les CRA ne sont pas des prisons mais des lieux où les individus retenus sont libres de circuler et ont accès à leurs téléphones portables.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est magnifique !
M. Aurélien Pradié
Prolonger la durée maximale de rétention est utile mais ne réglera en aucun cas nos problèmes de sécurité nationale.
La seule solution, c’est l’expulsion effective. Si nous nous contentons de prononcer des incantations, nous ne réussirons pas. Voilà ma conviction : l’heure des ajustements est dépassée. Cette proposition de loi est sûrement utile mais, comme beaucoup d’autres, c’est une bricole. (MM. Julien Dive, Guillaume Lepers, Paul Molac et Raphaël Schellenberger applaudissent.)
M. le président
La discussion générale est close.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Monsieur le ministre, quand je vous ai entendu dire qu’il fallait expulser les délinquants étrangers, que les personnes qui soutiennent l’islamisme ou qui s’en prennent aux femmes n’ont rien à faire dans notre pays, je me suis dit que j’allais peut-être demander une suspension de séance afin d’aller chercher dans mon sac, pour vous le faire signer, un bulletin d’adhésion au Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Malheureusement, chassez le naturel, il revient au galop ! Vous vous êtes dissimulé derrière des arguments en inconstitutionnalité et en inconventionnalité qui ne tiennent pas la route. Dans mon propos liminaire, j’ai pris le soin de vous rappeler plusieurs articles de la DDHC et de la CEDH pour faire la démonstration que notre texte est conforme au droit en vigueur.
Je suis étonnée de vous entendre dire qu’il faudrait peut-être commencer à réfléchir à une révision constitutionnelle. Vous appartenez pourtant à un exécutif au pouvoir depuis sept ans ! Avec Marine Le Pen, nous n’avons cessé de réclamer une révision de la Constitution, précisément pour y intégrer le droit des étrangers. Nous n’avons plus le temps de réfléchir.
Les Français veulent que nous agissions ! Vous êtes ministre et vous leur devez d’être réactif. Ils souhaitent que des réponses leur soient fournies urgemment. Pas moins de 85 % d’entre eux attendent notre loi : il est temps pour vous de répondre à ces attentes.
Cher collègue d’Ensemble pour la République, vous parlez d’inhumanité. Pardon de vous le dire, mais c’est votre action qui est empreinte d’inhumanité ! (M. Thibaut Monnier applaudit.)
Vous nous faites également un procès en inconstitutionnalité et en inconventionnalité. Je vais donc aussi vous offrir une copie de la DDHC et de la CEDH.
Vous dites que nos propositions sont insuffisantes. Mais de qui se moque-t-on ? Quand on a votre bilan, qu’on a appliqué moins de 10 % des OQTF prononcées, on doit se faire tout petit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et quelques bancs du groupe UDR.)
Plus grave encore : vous affirmez que c’est le pacte sur la migration et l’asile qui réglera le problème de l’immigration. Je rappellerai seulement que ce pacte permettra aux clandestins et aux étrangers d’arriver sur notre territoire, ensuite de quoi nous devrons les répartir dans nos campagnes, sous peine d’une amende dont le montant peut aller jusqu’à 20 000 euros par étranger.
Voilà ce qui nous différencie de vous : les migrants, nous ne souhaitons pas les répartir, mais les faire repartir ! (Mêmes mouvements.)
J’en viens à M. Portes, de La France insoumise. Tout ce qui est excessif est insignifiant, je ne répondrai donc pas à vos délires imaginatifs.
Je rétablirai seulement une vérité. Je ne peux pas vous laisser dire que nous avons la haine de l’étranger : ce n’est pas vrai. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Si si !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
En revanche, votre indifférence révèle votre haine des Français ! Vous hiérarchisez la misère !
Vous affirmez que la Méditerranée est un cimetière à ciel ouvert. C’est vrai. Pourquoi ? Parce que vous êtes les complices de passeurs que vous entretenez et qui font miroiter un avenir radieux, un eldorado, aux yeux de migrants qui finissent malheureusement morts au fond de la mer. Vous devriez avoir honte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Si vous avez un mot pour cette Méditerranée cimetière, vous n’en avez aucun pour les cimetières de France remplis de victimes innocentes massacrées par des étrangers qui n’auraient pas dû se trouver sur notre territoire ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Je vois bien, monsieur Portes, que vous êtes obsédé par Jordan Bardella. J’en profite donc pour vous dire merci du coup de pub que vous avez fait à son livre, Ce que je cherche, disponible à partir du 9 novembre !
M. Maxime Laisney
Cachez-vous !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pas cher, le Bardella, pas cher !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Monsieur Christophle, il n’y a pas grand-chose à retenir de l’intervention dont vous nous avez gratifiés au nom des socialistes, si ce n’est une chose : vous nous avez démontré votre propension à trahir le peuple français mais aussi la mémoire de François Mitterrand. Lorsqu’il était au pouvoir, les délinquants étrangers pouvaient être expulsés dès lors qu’ils commettaient un crime passible d’un an seulement d’emprisonnement, contre trois ans dans notre proposition. À entendre de tels discours, on ne s’étonne pas que les résultats de votre candidate à l’élection présidentielle avoisinent 1 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Quant à vous, chers collègues des Républicains, je vous remercie pour votre soutien à notre proposition. Je regrette seulement qu’une fois de plus, vos bancs soient clairsemés et que vos suffrages ne soient malheureusement pas assez nombreux pour faire la démonstration de votre attachement à notre texte, donc à la protection des Français.
M. Fabien Di Filippo
On verra au moment du vote ! Vous avez le droit d’être gentille une fois dans la journée…
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Chers collègues écologistes, vous dites que nous avons des préjugés et des obsessions. Mais c’est vous qui en nourrissez !
Vous affirmez que nous n’avons aucun chiffre à l’appui de nos propos. Mais nous en avons beaucoup ! J’en ai déjà cité un certain nombre à la tribune mais j’en citerai d’autres. Pardon s’ils vous font saigner les oreilles : ils reflètent seulement la réalité !
Les étrangers représentent 8 % de la population. Ils sont mis en cause dans 14 % des cas de violences sexuelles, 15 % des cas d’escroquerie, 20 % des cas de trafic de stupéfiants, 30 % des cas de vol sans violence, 30 % des cas de vol avec violence sans arme, 35 % des cas de vol d’accessoires de véhicule et 37 % des cas de cambriolage de logements ! Ils représentent 25 % des détenus dans les prisons françaises.
M. Jean-Paul Lecoq
Vous versez dans le grand remplacement !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Je ne peux pas être plus claire ! Si vous voulez demeurer dans le déni, cela vous regarde.
M. Fabien Di Filippo
Déni, c’est le mot juste.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Vous prétendez aussi que le RN est le parti du déshonneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
De la fraude aussi ! Votre présidente est au tribunal !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Nous, nous sommes lucides sur la situation et attentifs aux préoccupations des Français ! Le camp du déshonneur – pardon de vous le dire –, c’est le vôtre !
Si vous aviez participé aux auditions auxquelles vous étiez invités, vous auriez certainement entendu les discours poignants de Claire Geronimi et de Mme Bargue, venues témoigner du calvaire qu’un étranger sous OQTF leur a fait subir ! Vous n’étiez pas là et je le regrette ! J’ai entendu les propos d’une mère meurtrie, qui nous a expliqué que sa fille avait été assassinée par une personne sous OQTF ! Que lui auriez-vous répondu ? C’est peut-être parce que vous n’aviez rien à lui dire que vous n’assistiez pas à son audition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Charognards !
Mme Ayda Hadizadeh
Vous exploitez la détresse et le malheur des gens !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Je préfère être insultée, critiquée par les représentants de la culture de l’excuse que par ceux qu’on ne protège plus.
Du côté du Dem, c’est la parfaite illustration des députés de l’immobilisme, de la contemplation passive, de l’inertie. Je vous rappelle qu’ici, vous n’êtes pas rue de Montpensier, mais rue de l’Université, et que vous n’êtes pas là pour commenter la Constitution, mais pour voter des lois,…
M. Éric Martineau
Et vous au Parlement européen aussi !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
…que vous n’êtes pas des sages mais des députés, que vous n’avez pas été nommés, mais élus. Alors faites votre travail : votez les lois et protégez les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
J’en viens au groupe Horizons & indépendants. Madame Firmin Le Bodo, c’est assez affligeant de vous entendre donner des leçons. (« Oh ! » sur les bancs des groupes Dem et HOR.) Quand on a votre bilan, on devrait se faire tout petit parce qu’avec vous et M. Darmanin, l’immigration a explosé ! Et je vous rappelle que moins de 10 % des OQTF sont exécutées. Vous dites que si notre pays n’arrive pas à expulser les délinquants étrangers, c’est parce qu’il ne nous est pas délivré suffisamment de laissez-passer consulaires… Mais cela fait sept ans que vous êtes aux responsabilités, sept ans que vous auriez dû vous demander comment en obtenir davantage. On vous aurait fait gagner du temps, avec Marine Le Pen, si vous nous aviez écoutés…
M. Alexandre Sabatou
C’est vrai !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
…quand on vous expliquait qu’il fallait en la matière faire preuve de courage. Notre pays a des leviers pour faire avancer les choses : l’aide au développement, les visas, y compris les visas étudiants, etc. Mais vous n’écoutez rien. Vous dites que vous préférez l’action, le travail… J’ai juste un conseil à vous donner : mettez-vous y très rapidement.
Quant au groupe LIOT, je ne vais pas lui faire un coup de pub, même si tout le monde ne le connaît pas. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et Dem.)
M. Fabien Di Filippo
Il faut respecter les oppositions !
M. Pierre Cazeneuve
Quelle insolence !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Vous dites, monsieur Molac, que vous avez une pensée pour les victimes. Pardon de vous rappeler qu’elles préfèrent les actes ! Arrêtez d’être le député de l’attentisme, le député de la parole dépourvue d’autorité, celui, comme un certain nombre de collègues, du commentaire inutile.
Madame Faucillon, qui vous êtes exprimée au nom du groupe communiste, vous dites que nous sommes les supplétifs de la Macronie.
Mme Dieynaba Diop
Oui !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Mais s’il y en a dans cet hémicycle qui ont voté pour Emmanuel Macron en 2017, en 2022 et pour ses candidats en 2024, c’est bien vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
Mme Dieynaba Diop
C’était contre vous et nous recommencerons autant que nécessaire !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Vous contestez les chiffres de la criminalité. Cela vous regarde mais en tout cas, si j’étais vous, je n’oserais pas me présenter devant les Français ou alors j’aurais bien honte de le faire. Et vous osez à cette tribune nous dire que vous êtes les défenseurs des droits des femmes… Qui peut le croire quand on sait que vous êtes les complices de l’immigration massive, celle qui est responsable du terreau du communautarisme, support de l’obscurantisme islamiste qui explique le recul du droit des femmes dans notre pays ? Alors arrêtez de dire des bêtises. Cela vous permettra peut-être de dépasser les 3 % pour la première fois depuis longtemps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Je voudrais conclure sur les propos de sagesse qui ont été tenus par Éric Ciotti, le président du groupe UDR. (« Ah ! » sur de nombreux bancs des groupes EPR et Dem. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.) Il a raison de dire que le texte présenté par le Rassemblement national devrait recueillir un large assentiment parce qu’il répond précisément aux attentes des Français. Et il rappelle, à juste titre, que le premier devoir d’un étranger quand il est accueilli en France, c’est de respecter les lois de la République, et que si le respect n’est pas au rendez-vous, la seule solution, c’est dehors ! (Mmes et MM. les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent longuement.)
Mme Dieynaba Diop
Rendez l’argent !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour un rappel au règlement.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Sur le fondement de l’article 70, pour une mise en cause… (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) J’aimerais pouvoir m’exprimer dans le calme. Mme Diaz a tenu des propos extrêmement injurieux pour nos collègues du groupe LIOT. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes ici toutes et tous des représentants du peuple français, et quand on prétend défendre la proportionnelle et le pluralisme, on n’insulte pas des collègues aussi respectables que chacun d’entre nous, et sans doute plus que vous ! (Mmes et MM. les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS ainsi que MM. Nicolas Sansu et Christophe Marion se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Pierre Cazeneuve applaudit également.)
Reprise de la discussion
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je ne peux qu’approuver les propos de notre collègue Lucas-Lundy. Nous sommes tous députés et nos groupes, quelle que soit leur importance numérique, ont leur valeur parce que c’est celle que nos concitoyens ont donnée à chacun d’entre nous, tous autant que nous sommes constituant une parcelle de la représentation nationale.
J’en viens à la sagesse et au bon sens d’Éric Ciotti. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Merci madame Diaz de l’avoir remarqué. Ce bon sens qui permet de si bien coller avec toutes les idées reçues, tous les truismes, toutes les fausses évidences. Et c’est là, monsieur le ministre, que je ne partage pas votre point de vue. Vous avez dit en effet que vous partagiez les objectifs du texte, mais pas moi. Car j’ai compris quel était l’objectif du Rassemblement national à travers cette proposition de loi : ce n’est pas l’efficacité, plusieurs orateurs l’ont démontré, pas même de rechercher concrètement des solutions opérationnelles. Vous avez dit que vous souhaitez, au Rassemblement national,…
M. Laurent Jacobelli
Protéger les Français !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…et c’est votre fonds de commerce,…
M. Emeric Salmon
Ne soyez pas insultant pour nos électeurs !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…assimiler l’étranger à la délinquance. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Vous voulez démontrer que l’étranger est délinquant presque par nature. C’est au fond sa destinée. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Personne n’a dit ça !
M. Pierre Meurin et M. Stéphane Rambaud
Caricature !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Renforçons donc les dispositifs d’expulsion ; faisons-le même au détriment de la Convention européenne des droits de l’homme et de nos règles constitutionnelles. Bryan Masson, ce que vous avez dit à la tribune est très révélateur : vous parlez du « calice des libertés individuelles » – qu’il faudrait boire, si j’ai bien compris, jusqu’à la lie. Mais nous, nous voulons défendre les libertés individuelles (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR)…
M. Nicolas Sansu
Bravo !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…parce que c’est l’État de droit, madame Le Pen, ce sont les principes de la République, ce qui fonde notre société et notre vivre-ensemble ! Et les libertés individuelles, monsieur Masson, elles valent aussi pour les étrangers et pas seulement pour les nationaux ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et Dem. – M. Nicolas Sansu applaudit également.) Je disais il y a quelques instants que vous vouliez mettre un signe égal entre délinquance et étranger, mais donnez tous les chiffres, pas seulement ceux qui vous arrangent. Il y a, chaque année, environ 2 millions d’affaires qui sont traitées par les parquets en France,…
Mme Sandrine Runel
Dont celle de Marine Le Pen !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…un chiffre important, convenons-en, et dont seulement 270 000 concernent des étrangers. Vous dites que les prisons sont surpeuplées d’étrangers, mais vous oubliez de dire que 80 % des personnes détenues en France sont de nationalité française. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe RN.) Oui mesdames, messieurs les députés du Rassemblement national, il y a 80 % de personnes de nationalité française dans les prisons françaises. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Il y a bien une surreprésentation des étrangers !
M. Emeric Salmon
Merci de l’avoir confirmé !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Mais je passe sur ces considérations parce que je ne voudrais pas céder comme vous à la facilité.
Venons-en plutôt à des éléments de fond. C’est un texte pour rien. C’est du bricolage.
M. Laurent Jacobelli
Avec vous, c’est Retour vers le futur !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Ainsi, la compétence liée des préfets n’existe pas. Ce serait le meilleur moyen pour que nos préfectures ne puissent plus traiter aucun dossier. De façon générale, cette proposition de loi détricote tous nos principes au regard des règles constitutionnelles et de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle ne tiendrait pas deux secondes devant le Conseil constitutionnel, sauf à changer la Constitution mais aussi le juge suprême… Supprimez-le, tant que vous y êtes.
J’en viens à des éléments plus concrets encore. La loi « immigration » de 2024 n’a pas fait consensus mais elle a apporté des réponses concrètes. L’ancien ministre de l’intérieur Gérald Darmanin,…
M. Laurent Jacobelli
Qui est ce joueur de cornemuse ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…s’était engagé à ce que les 4 000 étrangers délinquants qui ne pouvaient pas jusqu’alors être expulsés le soient. Et ce fut fait. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Bon nombre de considérations au début des années 2000 avaient en effet conduit à l’instauration de protections qui sans doute allaient trop loin et nous les avons supprimées, mais dans le respect des règles constitutionnelles et de nos engagements conventionnels. Madame Hamelet, vous dites non du doigt, mais vous avez tort. Avant la loi « immigration » de 2024, lorsqu’un jeune étranger arrivé en France à 12 ans commettait un acte criminel à l’âge de 18 ans, il n’était pas expulsable. Il l’est désormais. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe RN.) Autre exemple : si l’un des deux conjoints d’un couple de nationalité étrangère, marié en France et ayant eu des enfants dans notre pays, présent sur le territoire depuis vingt ans, commettait un acte criminel, il n’était pas expulsable. Il l’est désormais en vertu de la loi Darmanin, c’est-à-dire de la loi « immigration ». (Mêmes mouvements. – M. Pierre Cazeneuve applaudit.)
M. Emeric Salmon
Ce qui compte, c’est qu’il soit expulsé !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Le bon sens, monsieur Ciotti, je n’y crois pas quand je l’entends de votre bouche. J’y crois quand je l’entends de la bouche de mes concitoyens sur le terrain ; ils n’ont pas la même obsession que vous, eux veulent de l’efficacité et moins de mots, moins d’effets de manche. Et c’est le rôle de la loi, dans le respect de l’État de droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Je ne peux pas laisser M. le président de la commission des lois proférer de telles sottises. (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS. – Applaudissements sur nombreux bancs des groupes RN et UDR.) Nous, au Rassemblement national, ne mettons pas un signe égal entre étrangers et délinquance. D’où le titre de notre proposition de loi : il s’agit d’expulser les délinquants étrangers, soit des personnes qui n’ont rien à faire sur notre sol parce qu’elles sont dangereuses. J’ai face à moi un socle commun composé d’un ministre du constat et de la résignation, et d’un président de la commission des lois, plutôt d’un président de la mauvaise foi et de la complaisance dans la satisfaction. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RN et UDR.) Vous dites, monsieur Boudié, qu’il y a un risque d’inconventionnalité et d’inconstitutionnalité, et que c’est un texte pour rien. Fort bien, levons le doute : allez voir le Président de la République et demandez-lui d’appliquer la proposition de Marine Le Pen, c’est-à-dire un référendum constitutionnel pour clarifier le droit des étrangers dans notre pays. (Mêmes mouvements.) Nous sommes tous les deux députés de Gironde, nos circonscriptions sont voisines, et je vous demande d’appliquer le conseil de nos concitoyens sur le terrain quand ils vous disent qu’il faut agir. Je rappelle au passage à la représentation nationale que vous avez d’ailleurs failli être battu par une candidate du Rassemblement national, et je pense qu’avec ce type de propos, vous êtes en train de lui offrir, pour la prochaine fois, une victoire sur un plateau. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Madame la rapporteure, vous avez fait en permanence la confusion entre le régime applicable aux expulsions et celui applicable aux OQTF. Je le regrette vivement parce que c’est ce qui fonde la demande de rejet de la part du Gouvernement. Je le regrette d’autant plus qu’à l’instar de M. Masson, vous avez fait la même confusion concernant les affaires Lola et Philippine, pour lesquelles votre proposition de loi serait parfaitement inutile. Je ne veux pas polémiquer, mais je tiens à le dire clairement. Si texte était entré en vigueur, ni l’assassin de Lola ni l’assassin de Philippine n’auraient pu être expulsés plus facilement. Oui, nous devons être beaucoup plus fermes, mais Lola a été assassinée par une barbare sous OQTF parce qu’elle ne remplissait pas les conditions d’entrée et de séjour en France, mais qui n’avait jamais été condamnée par la justice et n’était pas défavorablement connue pour motif d’ordre public. Votre proposition de loi n’aurait donc pas été applicable en l’espèce. Quant à Philippine, elle a été assassinée par un barbare qui, certes, avait déjà été condamné, mais à 17 ans. Votre proposition de loi ne permet l’expulsion d’un mineur âgé de plus de 16 ans que s’il est condamné pour terrorisme ou atteinte aux intérêts de l’État, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Là non plus, votre proposition de loi n’aurait pas été applicable.
Ces horreurs nous obligent à trouver de réelles solutions. Celles-ci reposent, je l’ai dit, sur un véritable volontarisme politique pour obtenir les laissez-passer consulaires et transmettre des consignes au préfet. Ce volontarisme est désormais incarné.
Monsieur Caure, vous avez raison mais il nous faut agir davantage. Nous le ferons dès janvier 2025.
Monsieur Portes, expulser les criminels ou les délinquants immigrés, ce n’est pas affaiblir le droit des étrangers. En associant les deux choses, c’est vous qui faites l’amalgame. Et je m’interroge sur votre légitimité à donner des leçons à propos du respect de la République et de ses institutions.
M. Fabien Di Filippo
Je suis d’accord !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Monsieur Christophle, de grâce, ne tombez pas dans les pièges qui vous sont tendus ! Non, expulser les étrangers qui menacent l’ordre public ne va pas trop loin ! En janvier 2025, nous irons d’ailleurs beaucoup plus loin que cette proposition de loi totalement inapplicable.
Un député du groupe RN
Si vous êtes encore là !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Cher Éric Pauget, vous avez eu raison de rappeler que le groupe LR avait déposé une proposition de loi dont l’objectif était le même. Toutefois, elle tenait bien mieux la route : elle réduisait le nombre des catégories d’étrangers protégés de l’expulsion mais ne les supprimait pas toutes, ce qui la rendait constitutionnelle, donc applicable.
Madame Balage El Mariky, il ne s’agit pas de savoir si les étrangers sont surreprésentés ou sous-représentés dans les statistiques de délinquance. Il s’agit de les expulser quand ils sont dangereux pour l’ordre public.
M. Fabien Di Filippo
Tout simplement !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Monsieur Martineau, vous avez raison : ce texte est contraire à la Constitution et le Rassemblement national le sait pertinemment puisqu’il ne cesse de réclamer une révision constitutionnelle.
Madame Firmin Le Bodo, je suis parfaitement d’accord avec vos propos sur le titre et l’objectif de la proposition de loi. Mais ce texte est contre-productif. Comme vous l’avez très bien dit, la solution réside dans la délivrance de laissez-passer consulaires.
Monsieur Molac, je vous respecte autant que tout autre représentant de la nation mais je ne souscris pas à tout ce que vous avez dit. Je viens d’expliquer pourquoi les dispositions de la proposition de loi n’auraient pas concerné les meurtriers de Lola et de Philippine.
Madame Faucillon, le sujet n’est pas la stigmatisation des étrangers.
Mme Elsa Faucillon
Si, bien sûr !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Ce texte évoque exclusivement les étrangers délinquants et criminels, qu’il faut expulser.
Monsieur le président Ciotti, cher Éric (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et LFI-NFP. – Sourires sur les bancs du groupe UDR.), vous connaissez très bien le droit et les sujets de sécurité. J’ai intensément pensé à vous en entrant Place Beauvau pour mettre en œuvre, aux côtés de Bruno Retailleau, la politique que nous avons longtemps prônée ensemble. Croyez que le Gouvernement s’efforcera d’être crédible en proposant des mesures qui seront, elles, applicables.
M. Antoine Léaument
Je n’ai pas bien compris : nous sommes à Paris ou à Vichy ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Enfin, monsieur Pradié, vous savez qu’une révision constitutionnelle est, pour le moment, impossible. Par ailleurs, le budget prévisionnel du ministère de l’intérieur est en hausse d’un peu plus de 750 millions d’euros, somme en partie destinée à créer des places dans les centres de rétention administrative, dont vous avez regretté le trop faible nombre. (MM. Olivier Marleix et Fabien Di Filippo applaudissent.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Non, l’immigration n’est pas une chance pour la France ! (« Si ! », sur les bancs des groupes EPR et LFI-NFP.) Ne vous en déplaise, mesdames et messieurs les députés de gauche, de la minorité présidentielle ou du socle commun, la submersion migratoire à laquelle nous sommes confrontés depuis des dizaines d’années met gravement en danger l’équilibre de notre nation ! Les Français ne s’y trompent d’ailleurs pas : ils affirment régulièrement leur opposition à cette immigration massive et placent, à chaque élection, le Rassemblement national toujours plus haut.
Est-il besoin de le rappeler ? Tous les étrangers ne constituent pas une menace pour l’ordre public.
Mme Danièle Obono
Les fascistes sont une menace pour la République !
M. Lionel Tivoli
Tous les étrangers ne sont pas des criminels, des délinquants ou des violeurs. Mais prenons de la hauteur et abordons le débat avec pragmatisme.
L’Allemagne, pays dirigé par des socialistes – ce qui devrait vous plaire –, instaure une double frontière pour se protéger de l’immigration. Au Danemark, les gouvernements socialistes successifs ont mis en place les politiques les plus restrictives d’Europe en matière d’immigration. Tous nos voisins européens, y compris ceux de gauche, se protègent car ils ont compris que l’immigration massive avait un effet négatif.
Monsieur le ministre, vous partagez nos constats mais, comme d’habitude, vous vous accordez un satisfecit et prônez l’immobilisme. Si la mesure que nous proposons avait été en vigueur, l’assassin de Philippine aurait été expulsé dès sa condamnation pour viol.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Non, toujours pas !
M. Lionel Tivoli
Faut-il attendre d’autres Philippine ou d’autres Lola pour enfin agir ?
Mme Danièle Obono
Charognard !
M. Lionel Tivoli
Qui, dans cet hémicycle, défendra sérieusement qu’un étranger condamné à de la prison pour antisémitisme, homophobie, viol ou agression puisse rester sur notre territoire ?
Il est urgent de mettre un terme à la détérioration permanente de la situation sécuritaire de notre pays, que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont refusé, par dogmatisme et lâcheté, de traiter ! Le laxisme, dont la droite et la gauche sont toutes deux responsables, doit cesser. Le rôle d’un État puissant est d’assurer la protection de ses ressortissants. La sécurité des Français est leur première liberté, elle n’est pas négociable. Nous comptons sur vous pour voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Le fonds de commerce du Front national, la désignation d’un bouc émissaire, ne change pas. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le Front national est égal à lui-même, égal au RN. Pour lui, les maux du pays ne sont pas causés par les inégalités sociales abyssales, encore moins par la catastrophe climatique qui avance jour après jour,…
Plusieurs députés du groupe RN
Oh, ça va !
Mme Élisa Martin
…mais par l’ennemi de l’intérieur : l’étranger.
Le RN/FN ou FN/RN est par principe opposé à l’égalité des droits. Pour lui, une seule solution : tout le monde dehors ! Savez-vous que la vie privée, la vie familiale ou la santé sont des droits fondamentaux ?
M. Hervé de Lépinau
La vie aussi !
Mme Élisa Martin
Savez-vous que les femmes qui subissent les coups de leur compagnon sont des victimes ? Savez-vous que les enfants ont des droits ? Non, le problème n’est pas l’étranger ! Non, expulser à tout-va ne garantirait en rien la sécurité des Français, à la différence de ce que vous voulez faire croire.
En revanche, cela satisferait votre vision xénophobe et raciste de l’humanité. Vous cherchez à diviser le peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.) Vous incarnez les heures les plus sombres de notre histoire, celles de la France de Vichy et du maréchal Pétain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Contrairement à vous, nous pensons que c’est laisser les personnes dans la clandestinité qui pose problème.
M. Fabien Di Filippo
On parle des délinquants !
Mme Élisa Martin
Contrairement à vous, nous voulons organiser un accueil structuré, respectueux des personnes et de leur exil. Contrairement à vous, nous sommes pour l’État de droit et le respect des droits humains. Contrairement à vous, nous pensons que tous les hommes et toutes les femmes sont égaux. Ce sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons résolument à votre proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.
Mme Ayda Hadizadeh
Monsieur Tivoli, vous venez de résumer par votre intervention la duplicité de votre parti. Vous commencez par dire que l’immigration n’est pas une chance pour la France. Est-ce que je ne suis pas une chance pour la France, en étant ici, devant vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS, Dem et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Est-ce que Mmes Dieynaba Diop et Nadège Abomangoli, à gauche de cet hémicycle, et d’autres collègues, à droite, ne sont pas des chances pour la France ?
Puis vous enchaînez en disant que vous n’en voulez pas à tous les immigrés mais seulement aux immigrés délinquants. Monsieur le député, mesdames et messieurs les députés des groupes RN et UDR, si vous avez besoin d’un nuancier pour déclencher votre empathie, c’est que vous n’avez pas d’empathie, juste du racisme et de la xénophobie. (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Nous nous opposerons toujours à vous. Vous voulez défendre la France contre les criminels mais vous avez besoin d’un nuancier pour savoir si une personne est criminelle ou non.
Vous ne défendez pas l’État de droit mais une vision raciste et xénophobe de la société. Nous ne serons jamais de votre côté. Avec vous, Omar Raddad serait toujours en prison. (« N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe RN.) Nous serons toujours opposés à cette vision de la société qui veut diviser les Français.
On n’efface pas une injustice avec d’autres injustices. On n’éteint pas le feu par le feu. Vous voulez diviser la nation française mais nous nous y opposons. Votre projet est raciste et xénophobe depuis quarante ans et vous n’avez pas changé. Vous avez beau mettre des masques d’agneaux sur vos visages de loups (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN), vous restez un danger pour la France et vous nous trouverez toujours sur votre route. Nous disons non à votre projet xénophobe. Vous ne défendez pas les victimes, vous défendez seulement une vision raciste et xénophobe de la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix
À l’évidence, les Français attendent que les OQTF émises à l’encontre des étrangers délinquants soient exécutées. Ils attendent que la France se fasse respecter et que l’étranger admis en France soit expulsé s’il ne respecte pas ses lois. Je remercie M. le ministre pour la clarté de ses propos sur le sujet.
Oui, il faut améliorer l’efficacité de notre droit mais en veillant à le faire d’une manière juridiquement correcte. Ne confondons pas simplicité et simplisme ! La loi actuelle distingue, à travers trois articles, trois régimes juridiques différents : la menace grave pour l’ordre public, la nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État et l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Le texte qui nous est soumis réduit tout cela dans un seul et unique article où une condamnation définitive à une peine de plus de trois ans de prison vaut définition de la menace à l’ordre public.
Cette définition est réductrice par rapport à l’état du droit. Si elle s’appliquait, le Gouvernement ne pourrait plus expulser nombre d’étrangers qu’il peut aujourd’hui éloigner : ceux qui commettent des provocations à la haine raciale, ceux qui pratiquent la radicalisation religieuse extrême, ceux qui sont en lien avec une entreprise terroriste ou ceux qui pratiquent la polygamie. Avec une telle rédaction, il faudrait attendre que l’étranger ait commis un crime ou un délit passible de trois ans de prison pour enfin on l’expulse ! On aurait aimé entendre Mme la rapporteure sur ce point.
Ce sujet mérite mieux que d’être traité comme un fonds de commerce. Il appelle une rédaction juridiquement sérieuse, que nous attendons. Les textes que nous avons déposés par le passé sur ce thème allaient dans ce sens. C’est sans doute, monsieur Masson, ce qui fait la différence entre la droite républicaine et l’extrême droite. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
J’ai entendu M. le ministre donner tranquillement du « cher Éric » au renégat Éric Ciotti. Je l’ai entendu reprendre slogan après slogan les thèmes, les propositions emblématiques ainsi que le vocabulaire de l’extrême droite et j’ai pensé aux millions de Françaises et de Français qui, le 7 juillet, se sont mobilisés dans les urnes pour faire barrage à l’extrême droite de Mme Le Pen et de M. Ciotti. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Je pense à ces millions de Françaises et de Français qui ont voté pour empêcher que l’extrême droite ait une influence majeure sur la vie politique du pays et j’imagine leur colère, qui est aussi la nôtre, d’entendre un ministre de la République, membre d’un Gouvernement qui a bafoué le résultat du 7 juillet, reprendre les propos de l’extrême droite et de le voir se faire offrir une carte d’adhérent au Rassemblement national par Mme la rapporteure. (Mêmes mouvements.)
M. Aurélien Taché
C’est un imposteur !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Jusqu’où irez-vous dans le déshonneur après avoir nié votre défaite ?
M. Pierre Cazeneuve
N’importe quoi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Monsieur le ministre, vous devez vous montrer digne du choix qu’ont fait les Françaises et les Français de sauver la République à un moment où elle pouvait basculer à l’extrême droite.
J’ai entendu M. le président de la commission des lois revenir sur la loi « immigration » alors qu’on nous en annonce une nouvelle pour le début de 2025. Nos collègues de l’ex-majorité présidentielle vont-ils encore se vautrer dans le déshonneur en offrant à Mme Le Pen une « victoire idéologique majeure » ?
Un député du groupe EPR
Il ne faut pas se tromper d’ennemi !
M. Nicolas Forissier
Démagogie !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Allez-vous passer de « la main dans la main » au « bouche-à-bouche » ? Allez-vous, comme M. Boudié l’avait fait, tenir le stylo pour l’extrême droite, au mépris de la Constitution, des principes humanistes et du barrage érigé par les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Monsieur le ministre, ce que je retiendrai de votre première expression dans l’hémicycle, c’est que vous avez déclaré à la tribune que les étrangers devaient partir ; vous avez même dit : « Les étrangers, dehors ! », sous les ovations du Rassemblement national, et cela quelques mois après que les Français se sont mobilisés massivement pour affirmer qu’ils ne voulaient pas des valeurs de rejet ni de la xénophobie pour gouverner notre pays.
M. Michel Guiniot
Onze millions de Français nous ont donné raison !
Mme Elsa Faucillon
Or vous venez de donner quitus à cette proposition de loi du Rassemblement national, en expliquant que vous ne voyiez pas quel problème pose un texte qui tente d’associer, comme le RN le fait en permanence, la délinquance, voire le terrorisme, à l’étranger.
Madame Diaz, permettez-moi de le répéter : oui, vous instrumentalisez le droit des femmes pour servir votre projet mortifère.
M. Fabien Di Filippo
Sûr que la gauche ne le fait jamais…
Mme Elsa Faucillon
D’ailleurs, vous ne vous exprimez sur les droits des femmes que quand il est question d’étrangers. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) En revanche, vous faites silence sur les viols de Mazan, qui démontrent que la culture du viol a des racines profondes dans notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Cela ne vous intéresse pas, parce que la domination patriarcale ne vous intéresse pas. Ce qui vous intéresse, c’est de pointer du doigt en permanence l’étranger.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
N’importe quoi !
Mme Elsa Faucillon
Qu’avez-vous à dire sur les agressions répétées dans les milieux de pouvoir, dans le milieu politique, dans celui du cinéma ? Qu’avez-vous à dire sur l’exploitation des travailleuses ?
Un député du groupe RN
Les travailleuses, elles votent RN !
Mme Elsa Faucillon
On ne vous voit jamais sur les piquets de grève des femmes de chambre, des caissières, des accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH). (Mêmes mouvements.) Vous êtes une fraude pour les travailleuses, une fraude pour les droits des femmes et, disons-le, une insulte pour les siècles de combats féministes ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
Avant de commencer, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, quand vous avez commencé votre intervention à la tribune, nous nous sommes demandé si c’était le socle commun que vous représentiez, ou une autre couleur politique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Pour revenir sur ce qui a déjà été dit à plusieurs reprises, oui, nous sommes d’accord avec le titre de la PPL, mais seulement avec son titre, et non avec les arguments utilisés pour la présenter. L’immigration n’a pas à être une chance ou non pour la France ; l’immigration, c’est l’histoire de la France (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, Dem et GDR), c’est mon histoire, c’est celle de Prisca, celle d’Amélia, celle de Naïma, celle de Sabrina. Nous sommes nous aussi des élus de la République française, et vous devez le respecter.
M. Antoine Léaument
C’est aussi celle de Ciotti et de Diaz, celle de tout le monde !
M. Ludovic Mendes
Vous avez raison, c’est notre histoire à tous.
M. Antoine Léaument
Combien de fascistes issus de l’immigration ?
M. Ludovic Mendes
D’ailleurs, cette PPL est, non un vrai texte, mais un simple coup de communication. S’il s’était agi d’un vrai texte, vous vous seriez préoccupé de sa conformité à la Constitution. Vous avez aussi foulé aux pieds la Convention européenne des droits de l’homme. Cela démontre que vous savez très bien ce que vous faites. Ce texte ne fonctionnera pas parce qu’il est inconstitutionnel et inconventionnel. C’est là que l’on voit que vous êtes d’extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est la vérité : vous êtes d’extrême droite, et il va falloir que vous l’assumiez pleinement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
Vous avez rédigé votre texte avec les pieds. Vous prétendez que la Constitution ne protège pas les Français. Le trumpisme a pris place à l’Assemblée nationale, par la voix du Rassemblement national. (M. Gabriel Attal applaudit.) D’ailleurs, vous n’avez rien d’un rassemblement : vous restez le Front national. Nous ne changerons pas d’avis sur le sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC.)
Vous parlez beaucoup des OQTF. Vous avez cité, madame Diaz, un sondage – mais en omettant de préciser que, d’après ce même sondage, six Français sur dix sont favorables à la régularisation par le travail. De cela, vous n’avez rien à faire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Il est inutile que le Front national cherche à me faire de la publicité : nous n’avons pas les mêmes valeurs. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Ce texte est totalement disproportionné. La preuve : à l’alinéa 12, il est dit que la menace grave pour l’ordre public est constituée par une condamnation à un délit passible d’une peine de trois ans d’emprisonnement. Cela veut dire que pour le vol d’un paquet de pâtes, un étranger sera directement expulsé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
plusieurs députés du groupe RN
N’importe quoi !
M. Paul Molac
Madame Diaz, votre vocabulaire traduit certaines idées. Vous avez traité un certain nombre de collègues de traîtres. Ce terme me choque. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes DR et EcoS.) Je sais fort bien ce qu’historiquement il veut dire.
Quant à vos statistiques… Les hommes représentent moins de 50 % de la population et plus de 90 % de la population carcérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Qu’est-ce que cela veut dire ? Rien ! Vous affirmez que 25 % des personnes détenues dans les prisons françaises sont des étrangers. Qu’est-ce que cela veut dire ? Rien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Michel Guiniot
Demandez à ceux qui ne sont plus là ce qu’ils en pensent !
M. Paul Molac
Cette proposition de loi est une simple opération de communication visant à développer des sentiments de peur et de xénophobie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NFP, SOC, EcoS, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Je ne comptais pas prendre la parole mais entendre dire à tout-va que l’immigration n’est pas une chance est d’une extrême violence. C’est une provocation. Vous essentialisez et stigmatisez des générations entières d’hommes et de femmes qui font la France et qui sont d’honnêtes citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR. – M. le président de la commission des lois et plusieurs députés de ces groupes se lèvent et continuent d’applaudir.)
Ce n’est pas avec de tels slogans que nous avancerons sur ces sujets, très sérieux et qui touchent à la sécurité de nos concitoyens. Qu’on le veuille ou non, l’immigration est un phénomène naturel dans nos sociétés. Entre l’immigration zéro, totalement irréaliste, et l’immigration absolue, totalement impossible, il existe bien évidemment un chemin. Ce texte n’apporte aucune réponse. Il s’apparente à du populisme pénal. Il ne réglera rien.
Le sujet a été évoqué à de nombreuses reprises. Ce que nous voulons, ce sont des résultats pour les Français. Nous avons travaillé sérieusement sur la question. Le déplacement du Président de la République a permis d’avancer en matière de laissez-passer consulaires – qui sont au cœur du sujet.
Il serait bon que, sur ces questions cruciales pour nos concitoyens, l’on évite l’essentialisation et les procès contre une grande partie de la population française. Il est de notre responsabilité et de celle du Gouvernement d’y répondre, mais pas de cette manière. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR et Dem.)
M. le président
Sur les amendements no 1 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1, 2, 3, 7, 9 et 10, visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Élisa Martin
Vous dites aimer la France mais vous ne l’aimez pas. Le peuple de France est un peuple mélangé : 25 % d’entre nous ont un grand-parent étranger. C’est bien ce mélange qui fait notre beauté et notre force.
Vous n’aimez pas la France, parce qu’avec vous, elle sera condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier pour non-respect du droit des enfants. Vous souhaitez les enfermer et les mettre dans un avion – mais pour aller où ? pour faire quoi ? Comment pouvez-vous imaginer faire une chose pareille ? Même M. Darmanin avait compris que c’était délicat ! Cela étant, avec M. Retailleau, on a la nouvelle version et nous pouvons nourrir certaines craintes.
Vous n’aimez pas la France, parce que vous cherchez à détourner l’attention des vrais problèmes, en particulier les questions sociales, les inégalités et le changement climatique, sans doute parce que vous n’êtes pas capables de les traiter.
Vous n’aimez pas la France, parce que vous remettez en cause l’individualisation des peines et le respect du contradictoire.
Toutefois, d’une certaine façon, nous sommes tranquilles. Pourquoi ? Parce que les Français vous ont bien rendu la monnaie de votre pièce aux dernières législatives. Alors, vous savez quoi ? Gardez votre bon sens et nous, nous gardons la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Soumya Bourouaha
Je souhaite m’exprimer en tant que fille d’immigré. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Quand j’entends toute cette violence, ces propos, cela me fait mal. (Mêmes mouvements.) Cela fait mal à ma famille, à mon histoire, à tous les immigrés. Ça suffit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Plusieurs députés du groupe RN
N’importe quoi !
Mme Soumya Bourouaha
Vous êtes toujours en train de stigmatiser les étrangers. C’est insupportable ! Quand je vous entends parler des immigrés, je pense toujours à ce personnage d’un conte de Perrault qui crache des crapauds à chaque fois qu’il ouvre la bouche. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Voilà ce que je ressens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Paul Christophle, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Paul Christophle
Madame la rapporteure, depuis tout à l’heure, vous récitez une litanie d’exemples de personnes sous OQTF : c’est donc qu’une mesure a été prise contre elles ! De telles mesures, on en prend 12 000 par an.
M. Éric Ciotti
Non : 120 000 !
M. Paul Christophle
Les OQTF ne sont pas l’objet de votre texte. Vous mélangez tout, vous mentez. La réalité, c’est que votre proposition de loi est inefficace. D’ailleurs, on ne peut pas vous en vouloir : le Rassemblement national n’a jamais gouverné le pays. (Exclamations et rires sur les bancs du RN.)
Un député du groupe RN
Quant à vous, on a vu ce que ça donnait !
M. Paul Christophle
Vous ne savez pas comment faire. Alors, nous allons vous aider. Pour plus d’efficacité, nous allons supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Paul Molac
Il vise à supprimer ce texte dont on a déjà dit qu’il était inconstitutionnel, disproportionné, inutile et qu’il ratera en plus son objectif. Je conseille donc à tous les collègues de voter ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 9. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Charles Sitzenstuhl
Est-ce parce que j’ai un nom étranger que vous réagissez ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Cet amendement vise à supprimer l’article. Même des gens de droite trouvent que cette proposition de loi sent très mauvais ! Nombre de sous-entendus me déplaisent.
D’abord, vous sous-entendez que, par nature, la République serait faible,…
M. Emeric Salmon
Non, c’est depuis que vous la gérez qu’elle l’est !
M. Charles Sitzenstuhl
…alors même que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la sûreté est un droit naturel et imprescriptible de l’homme, et que notre République est forte.
Ensuite, vous cherchez de manière obsessionnelle à remettre en cause l’État de droit, en proposant des mesures manifestement contraires à la Constitution, et cela en toute connaissance de cause : votre objectif, en réalité, est d’attaquer le Conseil constitutionnel. Ces mesures sont également contraires aux textes européens : votre autre objectif est d’attaquer l’Union européenne, dont vous voulez sortir.
M. Nicolas Meizonnet
Paranoïaque !
M. Charles Sitzenstuhl
Pourtant, il a été bien expliqué que la difficulté que nous avons à exécuter les OQTF découle non pas d’un problème juridique, mais de problèmes de mise en œuvre, avec une forte dimension diplomatique, en raison de la difficulté d’obtenir des laissez-passer consulaires.
Vous sous-entendez aussi que les gouvernements passés n’auraient rien fait. Je vous rappelle que nous avons adopté il y a quelques mois une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui donne des moyens records à nos policiers et à nos gendarmes pour les aider à expulser. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Enfin, vous sous-entendez que l’Europe serait un problème. Or ce n’est qu’à l’échelon européen et en respectant les valeurs humanistes et démocratiques de l’Europe que nous réglerons les difficultés migratoires, que nous arriverons à mieux maîtriser les flux. C’est pourquoi, plutôt que de faire comme vous des effets de manche, nous avons travaillé.
M. Laurent Jacobelli
Avec quel succès !
M. Charles Sitzenstuhl
Nos députés européens ont travaillé pendant des années pour obtenir le pacte sur la migration et l’asile, que nous aurons à transposer dans le droit national dans quelques mois.
Chers collègues, je vous propose de gagner du temps et de supprimer cet article pour que nous puissions passer à autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je rejoins les arguments invoqués par les collègues pour supprimer l’article, afin que nous en finissions avec ce texte immonde.
Mme Le Pen, elle, n’argumente pas ; elle ne démontre pas, elle ne pense pas, elle vomit. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Monsieur le président, c’est inacceptable !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle vomit la haine, elle vomit la peur, elle vomit le mensonge, elle vomit la division du peuple français. Nous, nous croyons que la France est bien plus belle, généreuse et fidèle à son histoire républicaine que ce que veut en faire le Rassemblement national. Nous ferons donc tout pour faire échec à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Je voudrais rappeler aux collègues qui feignent d’ignorer les apports de notre proposition de loi les quatre mesures essentielles qu’elle contient, à savoir : la précision de la menace grave à l’ordre public ; la systématisation de l’expulsion des délinquants étrangers menaçant gravement celui-ci ; la suppression des obstacles à l’éloignement des étrangers dangereux ressortissants de l’Union européenne ; la permission d’expulser dès l’âge de 16 ans – il ne s’agit donc pas d’enfants – des individus qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État ou qui sont liés à des activités terroristes. On est très loin du vol de pommes !
Notre loi n’est pas réductrice ; elle est encore moins inopérante, comme l’a sous-entendu M. Marleix. En effet, à l’alinéa 12 de notre texte, vous lirez : « la menace à l’ordre public est notamment – j’y insiste – constituée lorsqu’un étranger a fait l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement. »
M. Olivier Marleix
Le terme « notamment » n’est pas très juridique.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Ne vous moquez pas, monsieur Marleix ! Dans la proposition de loi que vous avez déposée il y a quelque temps, vous utilisez très régulièrement cet adverbe : treize fois dans ce texte, huit fois dans d’autres dispositifs législatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Notre proposition de loi sert simplement l’objectif affiché par M. Retailleau qui, dès sa nomination, a indiqué qu’il fallait « rétablir l’ordre, rétablir l’ordre et rétablir l’ordre. »
M. Fabien Di Filippo
Le ministre ne semble pas satisfait.
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Outre qu’il répond aux attentes du ministre, notre texte répond aussi à celles des Français : 85 % d’entre eux veulent expulser les délinquants étrangers pour empêcher des crimes évitables. Si vous votez en faveur de la suppression de cet article, vous vous placerez du côté des délinquants et non des honnêtes gens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Même si nous ne partageons pas tous les motifs avancés, certains étant particulièrement outranciers, nous émettons un avis favorable aux amendements de suppression.
M. Emeric Salmon
On sent que ça lui coûte !
M. le président
Vu le grand nombre de demandes de parole, je donnerai la parole à quatre orateurs : deux pour, deux contre.
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Jamais, lorsque j’ai été élu député, je n’aurais pensé qu’une de mes collègues se ferait huer pour avoir dit qu’elle était une fille d’immigrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Madame Le Pen, vous dites vouloir expulser ceux qui représentent une menace pour la République, mais la menace pour la République, c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et LIOT.)
Plusieurs députés du groupe RN
Non, c’est vous !
M. Antoine Léaument
C’est vous qui menacez la République quand vous menacez son peuple, en oubliant que 20 millions de nos compatriotes ont au moins un parent, un grand-parent ou un arrière-grand-parent immigré. Combien d’entre nous, jusque dans cette assemblée, ont un parent, un grand-parent, un arrière-grand-parent qui était belge, italien, polonais, portugais, marocain, algérien, malien, allemand ? Allons-y, collègues, levez la main – j’en suis. (L’orateur lève la main, de nombreux députés, sur divers bancs, en font autant.)
Plusieurs députés du groupe RN
Nous aussi !
M. Antoine Léaument
Voilà l’histoire de la France, madame Le Pen ! Vous la niez quand vous ciblez les personnes étrangères, car nous qui avons levé la main, nous ne savons pas si nos arrière-grands-parents, nos grands-parents, nos parents sont arrivés légalement sur le territoire de la République française. (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous ne connaissons pas cette histoire-là, mais nous savons une chose : la France, sa grandeur, s’est construite avec et par l’immigration, madame Le Pen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous savons aussi qu’en face de nous se trouve la vieille France, celle de Vichy, celle qui n’a cessé d’attiser la xénophobie (Les exclamations s’amplifient sur les bancs du groupe RN) cependant qu’à nos côtés, la France nouvelle, celle qui se tient sur ses deux pieds, fière de son histoire républicaine et révolutionnaire, affirme : Liberté, Égalité, Fraternité. (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP scandent la devise avec l’orateur ; les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et continuent d’applaudir.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Sur le fondement de l’article 100 et sans aucunement mettre en cause votre excellente présidence. Vu que les amendements pourraient faire tomber l’ensemble du texte, j’exprime la demande, émanant de plusieurs bancs, qu’un orateur de chaque groupe puisse prendre la parole. (Exclamations sur divers bancs.)
M. le président
Les groupes ont eu l’occasion de se faire entendre lors de la discussion générale. Nous suivons la règle du « deux pour, deux contre » lors de l’examen des amendements. Tous les groupes auront la possibilité d’intervenir si l’examen du texte se poursuit.
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Oui, monsieur Léaument, nous aussi, notre président s’appelle Jordan Bardella ! (L’oratrice scande exagérément sa phrase en imitant le ton de M. Antoine Léaument. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs membres se lèvent.)
Plus sérieusement : collègue Moutchou, j’entends ce que vous avez dit. L’immigration désordonnée, massive, irrationnelle, hors contrôle n’en demeure pas moins un problème, comme vous le savez évidemment.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est votre fantasme !
Mme Marie Mesmeur
Votre fantasme xénophobe !
Mme Marine Le Pen
Le Parti socialiste aussi le savait. Laissez-moi vous lire un propos de François Mitterrand – vous vous souvenez de François Mitterrand ? – sur le renvoi de tous les clandestins : « ceux qui sont clandestins, il n’y a qu’une seule loi possible : il faut – c’est malheureux pour eux mais c’est la nécessité – il faut qu’ils rentrent chez eux. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Plusieurs députés scandent le nom de François Mitterrand.)
Quant aux communistes, Georges Marchais – vous vous souvenez de Georges Marchais ? –…
M. Stéphane Peu
Très bien !
Mme Marine Le Pen
…disait : « Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. Il est inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France, alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs, français et immigrés. » – il n’y en avait que 2 millions à l’époque. (Mêmes mouvements. – « Marchais, avec nous ! » sur les bancs du groupe RN.)
Mme Ayda Hadizadeh
Et que disait Jean-Marie Le Pen ?
Mme Marine Le Pen
Cela étant dit, je n’arrive pas à comprendre une chose : vous nous indiquez que les cas visés par cette proposition de loi ne sont pas ceux qui font l’objet d’une OQTF. Et alors ? En quoi cela rend-il légitimes la présence et le maintien sur notre territoire d’étrangers qui ont violé la loi, fait des victimes, commis des délits graves, voire des crimes ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Votre père a été condamné !
Mme Marine Le Pen
Jamais je n’ai réussi à obtenir de vous un seul argument : qu’est-ce qui nous oblige à conserver sur notre territoire des gens qui ont violé la loi, celle de l’hospitalité d’abord, celle qui protège nos compatriotes ensuite ? (Mêmes mouvements.)
Mme Danièle Obono
Ça s’appelle la loi !
Mme Marine Le Pen
Nous considérons, quant à nous, que c’est rendre leur dignité aux Français que de lancer un signal clair : si vous venez chez nous, il faut respecter les Français et la loi française ! (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
Permettez-moi de le dire : François Mitterrand a marqué l’histoire de France du sceau de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Alexandre Sabatou
Et la francisque ?
M. Ludovic Mendes
Vous la marquerez parce que vous détestez la France, madame Le Pen. Sur le fond… (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Continuez, monsieur Mendes, je vous en prie.
M. Ludovic Mendes
Merci, monsieur le président. Permettez-moi aussi de corriger la façon dont vous prononcez mon nom, d’origine portugaise.
M. le président
Au temps pour moi, monsieur Mendes. (Le président prononce le patronyme conformément aux indications de l’orateur.)
M. Ludovic Mendes
Si nous soutenons l’amendement de suppression de notre collègue Charles Sitzenstuhl, c’est parce que l’article est inconstitutionnel et inconventionnel : vous ne respectez même pas les mineurs présents dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Vous pouvez toujours répéter – et c’est un combat que nous pouvons tous partager – qu’un étranger qui représente un grave danger pour l’ordre public, qui a commis des actes de terrorisme, ne mérite pas de rester sur notre territoire. Mais ce n’est pas là l’objet de votre texte, qui est de surcroît inapplicable.
Votre seul objectif est de démontrer que la Constitution française ne protégerait pas les Français. Vous dévoyez les règles de la République, vous les détournez pour promouvoir votre politique d’extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous cherchez à contourner des règles qui nous protègent tous et qui constituent le ciment de la République française. Voilà pourquoi le groupe Ensemble pour la République (L’orateur détache les mots composant le nom de son groupe) votera, à l’unanimité, pour les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Personne ne s’exprime ici en tant qu’étranger ou descendant d’étrangers ; tout le monde le fait en tant que citoyen français, député de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR. – Exclamations sur plusieurs autres bancs.)
Mme Danièle Obono
Ce n’est pas contradictoire.
M. Maxime Laisney
On ne laisse pas son histoire à la porte !
M. Fabien Di Filippo
L’une des raisons profondes du fiasco des sept dernières années en matière de sécurité – nous parlions ce matin des raisons économiques, nous examinons cet après-midi les raisons sécuritaires –, c’est l’amalgame que vous continuez d’entretenir. Dès qu’il est question des personnes qui viennent en France et violent nos lois, manquant au respect de l’hospitalité de la France, vous répondez en évoquant – je reprends pêle-mêle – un enfant de 5 ans, une femme victime de violences, un travailleur honnête qui contribue au développement de notre pays,…
M. Jean-Didier Berger
Un peu de dignité !
M. Fabien Di Filippo
…alors qu’il n’est absolument pas question de ces personnes-là. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Maxime Laisney
C’est pourtant ce qu’on a compris en écoutant Mme Le Pen !
M. Fabien Di Filippo
En 2018, quand Gérard Collomb siégeait au banc des ministres, nous avions déjà des débats et on nous opposait les mêmes arguments pour ne pas avancer sur les questions migratoires : on nous parlait d’humanité, de fermeté, de « en même temps » – de toutes ces choses qui ne fonctionnent pas. (Mêmes mouvements.)
M. Inaki Echaniz
Vous n’avez pas honte d’être applaudi par l’extrême droite ?
M. Fabien Di Filippo
Le texte est sans doute imparfait et son sort devant les plus hautes instances juridictionnelles incertain, mais nous devons envoyer un message à nos concitoyens comme à ceux qui entendent rejoindre la France : en matière d’intégration, il ne peut plus y avoir la moindre tolérance vis-à-vis de déviances graves, affectant la sécurité des Français et les intérêts de la France. (Mêmes mouvements.)
Je conclus en m’adressant aux collègues de gauche. Ce matin, vous vous êtes prévalus des demandes des Français pour abroger la réforme des retraites. Que demandent-ils en matière de sécurité et d’immigration ? La fin de la naïveté, tout simplement ! Ils ne disent pas qu’il faudrait mettre tout le monde dehors de manière indistincte et aveugle, mais que des personnes qui se maintiennent illégalement en France, qui violent nos lois,…
M. Aurélien Le Coq
Les Français ont rejeté l’extrême droite !
M. Maxime Laisney
Pourquoi nous ont-ils mis en tête ?
M. Fabien Di Filippo
…qui ont été condamnées pour des faits très graves et menacent notre sécurité ne s’intégreront jamais dans notre pays et n’ont rien à y faire. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe DR et sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 2, 3, 7, 9 et 10.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue 166
Pour l’adoption 186
Contre 144
(Les amendements identiques nos 1,2,3,7,9 et 10 sont adoptés ; en conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements suivants tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et LIOT.)
Après l’article 1er
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 16 portant article additionnel après l’article 1er.
Mme Anne-Laure Blin
L’hystérisation de ce débat est incroyable : la gauche fait un amalgame terrible entre les immigrés qui respectent les lois de notre pays et ceux qui ont commis des crimes ou des délits très graves et doivent quitter notre territoire afin d’assurer la sécurité de tous les Français.
Les chiffres sont très clairs ; les ministères de la justice et de l’intérieur établissent un lien manifeste entre l’immigration et la délinquance, d’ailleurs en forte augmentation : surreprésentés dans la population carcérale, les étrangers constituent 17 % des mis en cause.
M. Hervé Berville
C’est n’importe quoi : corrélation n’est pas causalité.
Mme Anne-Laure Blin
La réalité, c’est aussi l’augmentation du nombre de certains types d’infractions comme les cambriolages, les vols de véhicules et les vols violents, y compris avec des armes à feu. Cette réalité, nos compatriotes nous demandent très majoritairement de la regarder en face.
Nous demandons qu’un rapport évalue de façon très précise cette loi ; nous pourrons ainsi mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour lutter avec fermeté contre cette délinquance, qui augmente. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Le parti unique, composé des députés de la majorité et de la gauche, soutenant un gouvernement au service de l’immobilisme, vient de démontrer qu’il va obliger les Français à accepter et à financer la présence et l’impunité d’étrangers qui bafouent nos lois.
Mme Blandine Brocard
Mais arrêtez ! Ça n’a rien à voir !
Mme Edwige Diaz, rapporteure
Faciliter l’expulsion des délinquants étrangers, c’était simplement répondre aux attentes de 85 % des Français, parmi lesquels se trouvent vos électeurs. Vous venez une fois de plus de les décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Ils se rendent compte qu’ils se sont fait avoir : ils ont voté non pour des députés soucieux d’améliorer la situation du pays mais pour des spectateurs de la violence, des architectes de la passivité et des figurants de la politique.
Mme Anne-Laure Blin
Et mon amendement, madame la rapporteure ?
Mme Edwige Diaz, rapporteure
En refusant d’expulser les délinquants étrangers qui piétinent nos lois, vous tournez honteusement le dos aux victimes. Je veux justement avoir une pensée pour les victimes de crimes évitables et pour leurs familles ; leurs vies ont été brisées par un étranger dangereux qui n’avait rien à faire sur notre territoire national.
Je m’y engage ici, devant les Français : jamais le Rassemblement national ne tolérera l’injustice, l’insécurité et l’indifférence face à la souffrance de ses compatriotes. Le combat continue jusqu’à la victoire ; vivement la prochaine dissolution, vivement 2027 ! Je retire la proposition de loi. (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
M. le président
Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteure en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président
La séance est reprise.
3. Réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et juguler leurs effets sur la crise du logement
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Frédéric Falcon et plusieurs de ses collègues visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et à juguler leurs effets sur la crise du logement (nos 278, 478).
M. Vincent Caure
Je demande une suspension de séance de dix minutes, monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
M. le président
La séance est reprise.
Présentation
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Frédéric Falcon, rapporteur de la commission des affaires économiques
La France n’avait pas fait face à une crise du logement aussi grave depuis l’après-guerre. C’est là le navrant héritage de près d’une décennie de macronisme au pouvoir, qui a tout fait pour pénaliser l’investissement immobilier. Les chiffres sont édifiants. Plus de 1 million de personnes seraient privées de logement ; 4 millions de personnes, mal logées, vivent dans des conditions difficiles.
Cette pénurie de l’offre touche les zones tendues que constituent les grands centres urbains, les littoraux et certaines zones frontalières. Parallèlement, notre pays doit faire face à la pression d’un flux migratoire toujours plus fort – un demi-million d’entrants légaux ou illégaux par an –, que nous peinons à absorber et qui sature notre parc social. Cette crise affecte désormais la croissance économique ; faute de logement, des salariés renoncent à l’emploi et près d’un étudiant sur cinq abandonne ses études.
Contrairement aux affirmations de la Macronie, la crise du logement n’a pas pour seules origines la remontée des taux d’intérêt et la hausse du prix des matières premières. Les contraintes normatives, qui n’ont cessé de se multiplier sous l’ère Macron, en sont la cause. En 2017, Emmanuel Macron affirmait : « Nous ne créerons pas de nouvelles normes de construction sur le quinquennat ». Mais voilà, la majorité présidentielle a pris le chemin contraire sous l’influence d’une idéologie décroissante : elle a créé l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), visant à raréfier le foncier et appliqué, à partir de 2020, la réglementation environnementale RE2020 dans la construction de bâtiments neufs, ce qui a contribué à faire exploser les coûts de construction. Et maintenant, elle empêche les propriétaires de louer leur logement mal classé, ce qui constitue une atteinte grave et inédite au droit de propriété en Europe.
Enfer fiscal, la France devient un enfer normatif, produit de dix années d’une législation punitive qui asphyxie chaque jour les Français et notre économie. Les propriétaires français sont les nouvelles victimes de cette sur-réglementation que rien n’arrête.
La loi « climat et résilience » intègre désormais la performance énergétique dans les critères de décence des logements. Cette performance est mesurée à partir d’un outil discutable, le diagnostic de performance énergétique. Le DPE attribue une note à chaque logement d’après une méthodologie nouvelle, fondée sur les critères d’isolation et non plus sur la consommation réelle d’énergie, comme c’était le cas initialement. De plus, la loi « climat et résilience » fixe un calendrier interdisant progressivement la location des logements les moins performants, auxquels a été attribuée une note qualifiée de « dégradée » : G, F puis E. Autrefois simple document informatif, le DPE, désormais opposable, devient le pilier de la politique du logement en France.
Cette nouvelle norme, qu’aucun pays au monde ne s’inflige, pose problème. Le manque de fiabilité du DPE n’est plus à démontrer. Il a fait l’objet d’une commission d’enquête au Sénat, et on ne compte plus les études qui contestent son sérieux, comme celle d’UFC-Que choisir publiée en septembre 2022. À cette occasion, sept maisons, dans différentes régions, ont été soumises à trente-quatre diagnostics : une seule s’est vu attribuer la même étiquette par tous les diagnostics ; toutes les autres ont reçu une étiquette différente, parfois avec trois classes d’écart.
Lors de nos auditions, les représentants de diagnostiqueurs nous ont alertés sur le risque de fraude tant la notation DPE est devenue un enjeu majeur. Cette note conditionne désormais la valeur locative du logement, mais aussi sa valeur vénale et son éligibilité à certaines aides.
L’efficacité des travaux de rénovation énergétique semble également aléatoire. De nombreuses études, comme celle réalisée pour l’Agence de la transition écologique (Ademe), montrent que les économies réelles après une rénovation restent limitées. La qualité des travaux est en cause, souvent mauvaise et impossible à vérifier en pratique. Un autre facteur tient à l’effet rebond : après la rénovation, les occupants préféreraient augmenter la température de chauffage plutôt que réduire leurs factures. Plus grave encore, la Cour des comptes estime que 40 % des logements ayant fait l’objet de travaux d’isolation demeurent des passoires thermiques selon la loi, car leur notation DPE ne change quasiment pas. La conclusion me semble évidente : le DPE n’est pas un bon outil de mesure de la qualité énergétique des logements. Il ne saurait donc servir à exclure des logements d’un marché déjà tendu.
Mes chers collègues, je vous pose donc la question : qu’allons-nous faire de ces millions de logements qu’il sera impossible de louer, malgré tous les efforts financiers de leurs propriétaires, et qui n’atteindront jamais les objectifs fixés par la loi ? En Île-de-France, la région la plus peuplée du pays, près d’un logement sur deux, selon l’Insee, ne sera plus louable sans travaux d’ici 2034. Je vous laisse imaginer les conséquences catastrophiques sur l’offre.
Entendons-nous bien : le Rassemblement national n’est pas pour loger les Français dans des taudis. Nous ne contestons pas l’objectif d’amélioration du parc.
Mme Delphine Batho
Si !
M. Frédéric Falcon, rapporteur
Nous contestons la validité de l’outil instauré pour apprécier la qualité des logements. Nous refusons que des Français se trouvent sans solution alors que des logements restent vacants, pour des raisons purement idéologiques, sans aucun fondement rationnel.
Il faut l’admettre, ces contraintes de rénovation énergétique, fixées de manière technocratique et imposant au parc ancien le niveau d’isolation des logements neufs, sont contre-productives car inapplicables. Dès le 1er janvier 2025, des millions de logements aujourd’hui décents deviendront légalement indécents. Leurs bailleurs les retireront progressivement du marché locatif, contraints de baisser les bras face aux difficultés, notamment financières, pour répondre à ces normes absurdes. L’exemple le plus emblématique est probablement celui de Paris, où les annonces de location se sont effondrées de près de 75 % en trois ans à cause de l’application de cette mesure technocratique, alors même que les aides à la rénovation sont rabotées.
Au-delà des difficultés techniques et réglementaires, le coût des travaux représente une charge insurmontable, en particulier pour de petits propriétaires bailleurs qui avaient investi pour leur retraite et perçoivent des revenus fonciers faibles, souvent complémentaires à leur pension. Incapables de suivre le rythme des normes qui leur sont imposées, ils sont souvent forcés de vendre à un prix décoté un bien qu’ils avaient acquis quand ces normes n’existaient pas et qui n’a pas eu de chance à la loterie du DPE.
Ces mesures n’affectent pas seulement le marché locatif mais aussi celui de la transaction. Les professionnels de l’immobilier et les notaires m’ont confirmé que les banques finançaient difficilement l’acquisition des logements classés F ou G, préférant renvoyer les acquéreurs potentiels vers le marché de la location, lui-même saturé. C’est un cercle vicieux dont nous devons nous extraire.
Enfin, je voudrais m’adresser à ceux qui nous accusent de renoncer aux efforts climatiques de la France : convertissez-vous à la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Delphine Batho
Allez le dire aux Espagnols !
M. Frédéric Falcon, rapporteur
Au nom d’une certaine vision de l’écologie, les gouvernements, depuis dix ans, ont sacrifié notre parc nucléaire en mettant à mal notre modèle énergétique, pourtant le plus décarboné au monde. Ils ont également fait le choix de saborder notre industrie sur l’autel de la transition écologique et de la décroissance, et de sacrifier les agriculteurs français – dont la colère est légitime. À présent, au nom d’une certaine vision de l’écologie, ces mêmes gouvernements détruisent le secteur de l’immobilier par une législation qui, de facto, réduit drastiquement l’offre de logements.
Je rappelle à cette assemblée que le logement représente seulement 12 % des émissions de CO2 de la France, et que la France elle-même ne produirait que 0,9 % des émissions de CO2 dans le monde. On est en train de faire peser sur les épaules des petits propriétaires français, déjà vertueux, des efforts démesurés qui concernent à peine 0,1 % des émissions de CO2 dans le monde. Nous disons : « Stop ! »
Il est urgent de revoir le calendrier établi à l’article 160 de la loi « climat et résilience » et de nous donner du temps pour préserver notre parc immobilier. En effet, il vaut mieux des logements, certes imparfaits, que pas de logements du tout.
Inscrite au programme législatif de Jordan Bardella en juillet, cette proposition de loi est une mesure d’urgence ; elle vise avant tout à créer un choc d’offre de logements, alors que les bailleurs français retirent massivement leurs biens du marché locatif, las du harcèlement dont ils sont la cible depuis 2017.
Nous entendons rendre de la liberté aux Français en leur redonnant confiance et en les laissant suivre le mouvement de la transition énergétique à leur rythme, sans dogmatisme, et selon leurs moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
La proposition de loi du Rassemblement national vise, par son article unique, à supprimer l’interdiction de location des passoires thermiques.
Nous devons être clairs sur l’ambition du Gouvernement en la matière. D’abord, il s’agit d’un sujet de justice sociale : ce sont les personnes les plus vulnérables qui subissent les logements énergivores. Les passoires sont financées sur le dos des locataires, à travers leurs factures d’énergie : une passoire de classe G consomme trois fois plus qu’un logement de classe C. Les locataires d’une passoire thermique peuvent se retrouver à payer 100 euros de plus par mois, voire plusieurs milliers d’euros par an – s’ils arrivent à se chauffer, car, bien souvent, ils n’en ont pas les moyens. Les passoires présentent aussi des problèmes sanitaires : un logement mal chauffé finit par devenir humide et par se dégrader, présentant un risque pour la santé de ses habitants. Vous proposez la suppression pure et simple du dispositif, sans prendre en compte ces conséquences sociales.
Le coût de ces passoires thermiques pour les collectivités doit aussi nous interroger. Ces dernières mobilisent près de 400 millions d’euros pour la rénovation de ces logements.
Vous dénoncez régulièrement la dépossession immobilière des petits propriétaires par l’État. Or l’Insee estime que près de la moitié des logements sont détenus par moins de 5 % des propriétaires. Cela relativise vos propos : il n’y a pas que des petits propriétaires bailleurs – bien au contraire.
Ensuite, nous accompagnons les propriétaires, sans pour autant être inactifs en matière d’ambition écologique. Nous les protégeons des contestations et des poursuites éventuelles. C’était l’ambition des mesures de la loi « climat et résilience ». Nous protégeons leur patrimoine, parce qu’une fois rénové, ils pourront le louer ou le revendre. La vraie dégradation du patrimoine, c’est l’insalubrité qui empêche la location du logement. Plutôt que de multiplier les chèques énergie, qui coûtent 900 millions d’euros par an, nous accompagnons en responsabilité les propriétaires : bailleurs ou occupants, ils ont accès aux mêmes aides, dans les mêmes conditions. Avec MaPrimeRénov’, le montant des travaux peut être pris en charge jusqu’à 90 %. Le montant moyen de subvention s’élève à 22 000 euros.
M. Hervé de Lépinau
Ça marche tellement bien…
Mme Valérie Létard, ministre
L’enjeu est surtout de faire connaître les dispositifs et de les articuler. Afin d’en garantir l’accès au plus grand nombre, nous continuons d’améliorer l’information et l’accompagnement des ménages, grâce au déploiement du programme Mon Accompagnateur Rénov’ et des espaces France Rénov’. Le dispositif a permis de multiplier par dix le nombre d’actes de rénovation en deux ans, pour atteindre 500 000 rénovations en 2023.
Malgré la situation de nos finances publiques, le budget de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) restera important…
Mme Delphine Batho
Avec 1 milliard en moins !
Mme Valérie Létard, ministre
…et s’élèvera à près de 4 milliards d’euros, qui s’ajoutent à près de 4 milliards de certificats d’économie d’énergie. Quant à l’éco-PTZ – éco-prêt à taux zéro – de la rénovation, il couvre jusqu’à 30 000 euros de travaux. En outre, une déduction des charges de travaux est accessible aux bailleurs. Son plafond est doublé pendant deux ans pour les rénovations de logements classés E, F et G. Enfin, le dispositif MaPrimeRénov’ Copropriété permet de rénover jusqu’à 30 000 logements par an. Ces moyens sont donc largement suffisants pour accompagner l’effort de rénovation des passoires thermiques.
Monsieur le rapporteur, votre groupe affiche constamment son souhait de supprimer les agences de l’État, dont l’Anah, qui aide les propriétaires bailleurs – notamment les plus modestes – à rénover leurs logements. Encore une fois, cela interroge votre cohérence par rapport à vos prétendus objectifs. Vous ne mesurez pas à quel point cette agence est nécessaire aux particuliers.
Alors que la France a signé des engagements climatiques internationaux, cette proposition de loi donne un mauvais signal. Pour atteindre la neutralité carbone dans nos bâtiments en 2050, il n’y a pas de temps à perdre.
M. Jean-Luc Fugit
Eh oui !
Mme Sandra Marsaud
Très bien !
Mme Valérie Létard, ministre
Les dérèglements planétaires du climat ont des conséquences sur des dizaines de millions de personnes. Notre responsabilité en la matière est scrutée. Dans ce contexte, permettez-moi de rappeler que les bâtiments représentent près de 44 % des consommations d’énergie de la France.
La rénovation globale des logements est un formidable gisement d’emplois – jusqu’à 250 000 emplois d’ici 2030 – et d’innovation pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME). Les entreprises ont fait un effort considérable de formation, afin de répondre aux besoins des particuliers – cela répond à l’une de vos critiques. Dans le Nord, plus de 6 000 entreprises ont passé la qualification RGE – reconnu garant de l’environnement – afin d’engager des travaux de rénovation énergétique. Alors que nous souhaitons favoriser l’excellence des entreprises, votre proposition de loi leur ferait comprendre que, finalement, cette formation ne servait à rien. Ce serait une erreur, tant sur le plan social que sur le plan économique.
Vous dénoncez la brutalité et la rigidité du calendrier. Permettez-moi de rétablir une vérité : personne ne sera mis dehors au 1er janvier 2025.
M. Jean-Luc Fugit
Exactement ! Elle a raison !
Mme Valérie Létard, ministre
La mesure s’applique à la signature ou au renouvellement des baux, pas aux baux en cours. En France, la majorité de ceux-ci durent trois ans. Ainsi, si vous avez signé un bail en 2023 ou 2024, vous ne serez pas touché. Un tiers seulement des 600 000 logements privés seront concernés : ne laissons donc pas penser que la totalité d’entre eux sortiront du jour au lendemain du parc locatif.
En matière de DPE, le Premier ministre s’est engagé à aménager les conditions d’application et à mener un travail de simplification des règles. Ce travail, qui ne doit pas être interprété à l’emporte-pièce, doit s’inscrire dans une réflexion globale, car il a des conséquences sur les rapports entre bailleurs et propriétaires et sur les professionnels du secteur.
De nombreuses dérogations et souplesses ont déjà été accordées au calendrier fixé par la loi « climat et résilience ». Ainsi, pour les petites surfaces de moins de 40 mètres carrés, l’arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE, sortant 140 000 logements de la catégorie des passoires énergétiques. En effet, dans un espace restreint, les dépenses fixes d’énergie occupent une part disproportionnée, ce qui entraîne une consommation par mètre carré plus élevée que dans les grandes surfaces. C’est un ajustement de bon sens.
Je suis ouverte à un autre ajustement de bon sens, qui concerne les copropriétés. Il n’est pas soutenable qu’un propriétaire de bonne foi ne puisse pas louer son logement en raison de retards dans les travaux de la copropriété – que la copropriété refuse de voter des travaux indispensables ou que le locataire s’oppose à ces travaux. Une proposition de loi prévoyant ce type de situation, déposée par l’ancien député Guillaume Vuilletet au printemps dernier, devait être examinée dans cet hémicycle.
Je ne peux qu’encourager la reprise de cette initiative au travers d’une nouvelle proposition de loi transpartisane, portée par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés, en particulier par les députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, que je salue.
Mme Stéphanie Rist
Bravo !
Plusieurs députés du groupe RN
Ah bon ?
Mme Valérie Létard, ministre
Cette initiative, mûrie en concertation avec les différents acteurs, va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) L’intérêt général, c’est de sauver la planète, mais aussi d’aider les gens à dépenser moins pour se chauffer. Pour des raisons sociales, sanitaires, environnementales et économiques, il est urgent et essentiel de garantir la qualité des logements.
Le Gouvernement, défavorable à ce texte, espère que la proposition de loi sur les copropriétés sera bientôt examinée. Elle apportera des simplifications salutaires et sécurisera ceux qui s’inquiètent de l’échéance du 1er janvier 2025. Cette date n’est pas un couperet : des solutions seront avancées, afin d’éviter les situations de fragilité. Nous serons réalistes, attentifs aux inquiétudes et aux situations particulières où la bonne foi prime – je les ai listées et elles seront prises en compte. Notre vision n’est pas uniforme et sans humanité ; elle est exigeante et humaine. Pour cette raison, elle devrait faire l’objet d’un consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Frédéric-Pierre Vos.
M. Frédéric-Pierre Vos
Le traitement du diagnostic de performance énergétique par le législateur a malheureusement pris des proportions démesurées, notamment dans les nombreuses dispositions qui lui sont consacrées dans la loi « climat et résilience ». Sous le prétexte de performance énergétique des bâtiments, nous avons transformé une simple information en un couperet administratif qui menace de priver de logement un grand nombre de Français.
Les victimes expiatoires de ce déclassement programmé sont les baux d’habitation en résidence principale relevant de la loi du 6 juillet 1989, mais également le secteur HLM, qui n’est pas écarté du dispositif.
M. Jean-Luc Fugit
La ministre vient de dire le contraire !
M. Frédéric-Pierre Vos
Selon une étude de l’Observatoire national de la rénovation énergétique, dans le secteur privé, environ 35 % des logements classés G sont occupés par des personnes âgées.
Quant au secteur social, pensez-vous que les barres de HLM construites dans les années 1960 soient exclues du dispositif ? Non, bien sûr. Tous les logements édifiés jusque dans les années 1980 tombent sous les couperets F ou G. Outre les bailleurs, la mesure concerne les petits propriétaires, pour qui la location est souvent un moyen de compléter leurs revenus ou leurs retraites. Surtout, elle s’applique à des logements conformes, ni insalubres ni indécents, qui ont pour seul défaut d’être déclarés énergivores. Vous vous comportez en pharisiens…
M. Mickaël Cosson
Houlà ! (Sourires.)
M. Frédéric-Pierre Vos
…en assimilant l’insalubrité à l’absence de conformité aux critères F ou G.
À cet égard, les petites surfaces sont particulièrement pénalisées. Or ce sont précisément celles qui appartiennent aux 5 % de petits propriétaires, qui figurent parmi les moins dotés, et qui sont recherchées par les personnes les plus modestes – étudiants, personnes âgées ou seules.
Mme Sandra Marsaud
Au contraire, ça a été exclu !
M. Frédéric-Pierre Vos
Aux termes de la loi ENL de 2006, portant engagement national pour le logement, le DPE était un indicateur purement informatif, fournissant aux locataires et aux acquéreurs des informations sur la consommation d’énergie des logements. Avec la loi Elan de 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, le DPE est devenu opposable. La loi « énergie-climat » de 2019 a rendu ces informations contraignantes. Elle a même été plus loin encore en instituant le fameux seuil d’interdiction de location des logements mal classés.
Selon l’article 160 de la loi « climat et résilience » de 2021, une note trop basse conduit progressivement à interdire la location des logements. Au fur et à mesure, tout le monde sortira du bail, à moins de le reconduire de façon indécente ou frauduleuse. À partir du 1er janvier 2025, tous les logements classés G seront progressivement exclus du parc locatif. Cette mesure absurde équivaut à retirer brutalement de l’offre locative une part importante de logements, sous couvert de transition écologique.
Serons-nous comptables des effets pervers d’une loi dont l’objectif, initialement louable, mènera au désastre ? Le mieux est l’ennemi du bien. L’adoption de la loi a eu pour conséquence directe un assèchement brutal de l’offre locative. Avant, il était déjà difficile de trouver un logement à un prix abordable ; c’est désormais quasi impossible.
En vain, les acteurs de l’immobilier – essentiellement les syndics et les agents immobiliers – ont alerté les pouvoirs publics sur ce point. Depuis trois ans, le volume d’offres de biens disponibles a fortement baissé – de 30 % environ – dans toutes les villes. Et l’interdiction n’était pas encore applicable ! Une fois qu’elle le sera, les propriétaires auront trois solutions, en fonction de la sortie des baux : occuper eux-mêmes le logement ou le prêter, le laisser vacant ou le reconditionner en Airbnb, car cette solution est possible.
M. Inaki Echaniz
Il va y avoir un texte pour l’encadrer !
M. Frédéric-Pierre Vos
Tout cela réduira l’offre de logement dans le secteur protégé.
Dans le parc social, les conséquences sont identiques, si les organismes sociaux reprennent des logements pour y faire des travaux. Ils ont certes davantage de moyens pour les mener à bien que les petits propriétaires, mais cet argent est mal dépensé. En effet, il est peut-être plus utile de détruire des barres et de reconstruire des logements décents que de faire du rafistolage énergétique !
Mes chers collègues, il est minuit moins une ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Indépendamment de l’hypothèse de non-applicabilité de la loi aux baux en cours dans le secteur privé, deux catégories de locataires sont concernées : les plus de 65 ans et les autres.
Mme Sandra Marsaud
Vous leur faites peur !
M. Frédéric-Pierre Vos
Les premiers sont protégés contre l’éviction, les autres moins, mais la date du 31 décembre prochain les concerne tous les deux, à des niveaux différents.
Pour ceux que leur bailleur a déjà éconduits, des procédures sont en cours. Il ne leur reste plus qu’à trouver un autre logement, plus cher et plus rare.
Vous dites que ces logements sont énergivores et que les factures sont 100 euros plus élevées, mais une fois que le logement aura été rénové ou qu’ils auront dû déménager, ces locataires paieront souvent un loyer 200 à 300 euros plus cher. À l’aune de leurs possibilités, le mieux est l’ennemi du bien. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Quant aux propriétaires, faute de pouvoir expulser les locataires, doivent-ils être condamnés à les reloger, le temps des travaux nécessaires, même s’il n’y a pas encore de jurisprudence à ce sujet ? Je précise que l’on parle de logements décents, non pas de logements insalubres.
Autant de procès, autant de malheurs, et nous ne parlons toujours pas de ce qu’il faudrait faire, à savoir des travaux adaptés, avec une loi équilibrée.
Le risque de fraude est sous-jacent : pour contourner la loi, les loyers seront payés en liquide, le logement passera du statut de résidence principale à celui de résidence secondaire – ils ne seront plus concernés par l’article 160 dès lors qu’ils seront sortis de la loi de 1989 ou loués en Airbnb.
M. Inaki Echaniz
Vous dites n’importe quoi ! Lisez le texte qui sera examiné en CMP la semaine prochaine ! (« Tais-toi ! » et exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Frédéric-Pierre Vos
C’est une bombe sociale et judiciaire en préparation. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Alors que les tribunaux sont déjà saturés, cette loi provoquera une explosion des litiges opposant locataires et propriétaires dans une lutte stérile. Ces procédures mobiliseront d’énormes ressources pour des conflits sur de simples questions de laine de verre ou de pompe à chaleur.
Beaucoup de propriétaires, pour des raisons financières ou administratives, ne pourront pas se conformer à des exigences coûteuses et excessives. Sur le plan financier, la rénovation, de 20 000 euros en moyenne, est onéreuse.
L’accès aux aides pour la rénovation énergétique a accumulé les dysfonctionnements, notamment pour le dispositif MaPrimeRénov’ dont vous venez de vous targuer. Je rappelle que la Cour des comptes en a dénoncé les exactions : dans le budget précédent, elles s’élèvent à 400 millions d’euros. En commission, nous venons de bloquer les 540 millions supplémentaires qui étaient demandés.
Pour le reste, la bureaucratie prendra le pas et les propriétaires iront de complication en complication pour des histoires de délais, de mention obligatoire ou de certificat administratif manquant. Comment voulez-vous avoir envie de louer dans de telles conditions ?
La situation ne sera pas meilleure pour les propriétaires. L’isolation des immeubles anciens en centre-ville est un casse-tête car elle est souvent incompatible avec les normes architecturales et patrimoniales.
Mme Delphine Batho
Situation prévue par la loi !
M. Frédéric-Pierre Vos
Dans des villes comme Paris, les architectes des bâtiments de France (ABF) refusent d’isoler par l’extérieur pour préserver le patrimoine. Résultat : des appartements fonctionnels resteront inlouables.
Le problème sera pire dans les copropriétés, où la rénovation dépend de décisions collectives lentes et doit surmonter des obstacles financiers accrus. Même si un propriétaire peut financer des travaux, il sera bloqué par des refus de financement ou des aspects administratifs – et le procès avec son locataire continuera.
Or, même dans ces cas, l’article 160 de la loi « climat et résilience » prévoit de suspendre les loyers de ces logements dits indécents, sans solution pour le propriétaire.
Cette loi contribue à raréfier l’offre et jette devant les huissiers de justice la moitié des locataires concernés. L’article 160 confond à dessein performance énergétique et décence d’un logement, ce qui n’est pas cohérent.
À l’origine, l’article 6 de la loi de 1989 visait les conditions menaçant la sécurité physique ou la santé des occupants. Changer un chauffage électrique n’est pas remédier à l’insécurité physique ou améliorer la santé des occupants. L’insalubrité réside plutôt dans un manque d’aération ou des installations électriques défectueuses, mais tel n’est pas l’objet de notre débat.
Dire que l’émission de gaz à effet de serre est un critère de la décence du logement est une dérive politique, qui entraînera une dérive juridique.
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Frédéric-Pierre Vos
Les victimes se trouvent aux deux niveaux : propriétaires et locataires. Au lieu de protéger les locataires, cette loi stigmatise injustement les propriétaires qui ne sont pas tous des marchands de sommeil, mais des acteurs légitimes du marché locatif. Une telle approche nuit gravement à la prévisibilité et à la sincérité des normes, deux principes essentiels de l’État de droit.
Après l’interdiction des logements de classe G, la farandole ne s’arrêtera pas là. C’est ce compte à rebours qu’entend enrayer ce texte, dont l’initiative revient à notre honorable collègue Frédéric Falcon. Je vous invite à le voter. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandra Marsaud. (De nombreux députés des groupes RN et UDR quittent l’hémicycle.)
M. Inaki Echaniz
Un peu de respect, ne partez pas !
Un député du groupe RN
On n’est pas moins nombreux que vous !
Un député du groupe SOC
Ce n’est pas notre niche…
Mme Sandra Marsaud
Non, nos concitoyens ne demandent pas à vivre dans des passoires thermiques, ni à débourser des sommes exorbitantes pour se chauffer chaque hiver. Nous l’avons dit en commission, votre proposition de loi vise pourtant à les laisser de côté et à détricoter un engagement pris par cette assemblée.
Un engagement essentiel a en effet été acté en 2021 dans l’ambitieuse loi « climat et résilience », qui imposait des échéances claires pour mettre un terme – enfin – aux logements énergivores. Pour les logements classés G, cette date est fixée au 1er janvier 2025.
Aujourd’hui, on voudrait revenir en arrière – ce n’est pas encore fait ! Au lieu de protéger, on sacrifie l’environnement, la justice sociale et les plus vulnérables, ceux que vise cette proposition de loi.
Soyons clairs, chers collègues, ce sont les plus précaires qui subissent de plein fouet ces logements énergivores. Un logement classé G+ représente près de 4 300 euros de chauffage supplémentaires par an ! Ce montant est insupportable pour de nombreux foyers. Et vous voulez supprimer la seule mesure qui pourrait leur permettre de sortir de cette spirale de la précarité énergétique ?
Pour ce qui est de l’emploi, des artisans, des entrepreneurs travaillent dans des chantiers de rénovation, en Charente comme partout en France. Voulez-vous vraiment freiner leur activité et, de surcroît, envoyer un mauvais signal aux propriétaires qui ont déjà entrepris les démarches nécessaires pour mettre leur bien aux normes ? Voter cette proposition serait envoyer un signal désastreux pour notre économie. Nos entreprises ont besoin de politiques publiques stables.
Vous parlez ici d’une mesure qui ferait sortir 600 000 logements du marché locatif. C’est totalement faux, et la ministre l’a brillamment démontré ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Jean-Luc Fugit
Elle a raison.
Mme Sandra Marsaud
Il est important de rétablir la vérité. Ce chiffre s’appuie sur une réalité déformée car la future interdiction de louer concerne uniquement les logements de classe G, et seulement lors d’un renouvellement de bail.
Vous ignorez aussi les rénovations déjà réalisées, les ajustements pour les petites surfaces – l’orateur du RN n’a pas dû voir les modifications apportées par le précédent gouvernement – ou les exemptions pour raisons patrimoniales, certes discutables.
Bref, la réalité est plus complexe que vous ne la présentez. Vous essayez de la travestir pour effrayer nos concitoyens. J’ai peur, d’ailleurs, en entendant vos discours. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.) Arrêtez de faire peur à nos concitoyens !
Vous ne proposez rien,…
M. Jean-Luc Fugit
Rien !
Mme Sandra Marsaud
…– merci de votre soutien – ni pour la transition écologique ni pour la rénovation énergétique, alors qu’après les transports, les bâtiments représentent 43 % de la consommation énergétique et 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Pendant sept ans, nous avons agi ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Et la crise du logement ?
Mme Sandra Marsaud
En réalité, ce n’est pas le sujet ! (Mêmes mouvements.)
Nous avons mis en place des aides pour soutenir ces rénovations. Je pense à MaPrimeRénov’, à Mon Accompagnateur Rénov’, mais aussi à Bail Rénov’, moins connu, dont la Charente est un des territoires pilotes. Bien que perfectibles, ces dispositifs récents restent nécessaires pour inciter davantage de propriétaires à rénover leur bien. Ils permettent aussi de dynamiser le secteur du bâtiment, qui en a besoin.
Le Premier ministre s’est par ailleurs engagé à améliorer le dispositif DPE, notamment en matière de simplification administrative.
La ministre l’a dit, nous devons aussi avancer sur le dossier des copropriétés, où des blocages empêchent des propriétaires de bonne foi de réaliser les travaux nécessaires. Enfin, un travail transpartisan est nécessaire.
La présente proposition de loi ne résout rien.
M. Marc Fesneau
Exactement !
Mme Sandra Marsaud
Elle nous fait perdre du temps, affaiblit nos engagements climatiques et au service de la justice sociale, et trahit les citoyens les plus vulnérables.
Pour toutes ces raisons, nous sommes contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Cette proposition de loi est encore une occasion – elles ne manquent pas ces derniers jours – de souligner à quel point le Rassemblement national est une escroquerie et une impasse pour les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Votre texte, écologiquement rétrograde et violemment antisocial, viendrait donc supprimer l’interdiction de mettre en location des passoires thermiques. Vous prétendez ainsi juguler la crise du logement.
Votre proposition intervient dans un contexte où 12 millions de Françaises et de Français vivent dans la précarité énergétique ; où, en 2023, pour la première fois, le cap du million de coupures pour impayés d’énergie a été franchi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ; où 70 % des locataires souffrent de la chaleur en été et du froid en hiver dans leur logement. (Mêmes mouvements.)
Un député du groupe RN
Comme tout le monde !
Mme Claire Lejeune
Vous proposez donc de renoncer à la massification de la rénovation thermique, levier essentiel de la décarbonation, à un moment où le chaos climatique frappe violemment les Françaises et les Français, et en premier lieu les classes populaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Vous menez ici la même politique de protection des riches que les macronistes. Notre collègue Labaronne avait raison de le rappeler, il se joue bien dans nos débats une confrontation entre les intérêts de classe. La question de la redistribution des richesses se pose également.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Heureusement, le ridicule ne tue pas !
Mme Claire Lejeune
Le RN a pris son parti, le même que celui de la Macronie : celui des plus privilégiés. Il poursuivra la guerre sociale contre les pauvres et les précaires.
Votre proposition revient à protéger les propriétaires bailleurs en sacrifiant les locataires, en les piégeant dans des passoires thermiques qui endommagent leur santé et forcent les plus précaires à des choix impossibles et inhumains : payer la facture, acquitter le loyer ou nourrir les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous êtes des macronistes, en pire, car, comme eux, vous êtes inutiles. Face aux immenses chantiers de ce siècle, qui devraient animer chacun de nous en tant qu’élus de la nation, c’est la démission permanente. Les macronistes actent les reculs, les demi-mesures et les rétropédalages. Ainsi, le gouvernement Barnier voudrait encore retirer 1 milliard aux fonds disponibles pour la rénovation thermique.
En appelant à renoncer à l’interdiction de location des passoires thermiques, vous faites leur service après-vente. Vous entérinez leurs échecs. Aux lepénistes, la Macronie reconnaissante. (Mêmes mouvements.)
À cause de la frilosité des gouvernements sous Emmanuel Macron, il faudra, au rythme actuel, trente ans pour achever toutes les rénovations et éradiquer les passoires thermiques, trois siècles pour atteindre nos objectifs globaux de rénovation. Avec vous, somme toute, les choses sont plus simples : vous supprimez les objectifs et vous repoussez le problème sous le tapis. Quelle démagogie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) On reconnaît là, face au marché, la lâcheté caractéristique des libéraux que vous êtes, au même titre que les macronistes : vous vous montrez incapables de concevoir que l’État, la puissance publique, la République sociale, garante de l’intérêt général, puisse réellement agir et changer la vie.
En matière de rénovation comme sur tous les autres chantiers – exception faite de l’expulsion des étrangers, votre obsession –, vous capitulez. (Mêmes mouvements.) La réalité, c’est que vous n’avez rien fait et que vous ne proposez rien pour juguler la crise du logement. Vous ne parlez des logements sociaux que pour réclamer la préférence nationale ; vous vous êtes opposés à la régulation des meublés touristiques, préférant défendre Airbnb plutôt que les classes populaires françaises (M. Inaki Echaniz applaudit) ; vous avez voté contre l’encadrement des loyers et contre toutes les hausses des moyens en faveur de la rénovation thermique que nous avons proposées lors des réunions de commission (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC). Vous êtes des macronistes en bien pire ; il ne s’agit même plus d’organiser l’inaction climatique, mais d’invisibiliser l’enjeu climatique et ses conséquences sociales. Ainsi, vous ferez place nette à ce qui vous importe vraiment, votre agenda xénophobe, raciste et réactionnaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cette négation des enjeux liés au climat fait de vous les pires patriotes qui soient : vous condamnez les Français à subir à grande échelle, et dans toute leur brutalité, aujourd’hui la précarité énergétique, demain le chaos climatique. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte de capitulation climatique et de violence sociale. (Les députés du groupe LFI-NFP, ainsi que M. Inaki Echaniz, se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et à juguler leurs effets sur la crise du logement ;
Discussion de la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits ;
Discussion de la proposition de loi visant à moderniser les installations hydroélectriques pour renforcer la souveraineté énergétique de la France ;
Discussion de la proposition de loi visant à exonérer de l’impôt sur le revenu les médecins et infirmières en cumul emploi-retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra