Première séance du mardi 19 novembre 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Congrès des maires
- Crise agricole
- Relations avec les collectivités territoriales
- Hausse du ticket modérateur
- Coût du travail et déficit public
- Hausse du ticket modérateur
- Accord avec le Mercosur
- Conflit au Proche-Orient
- Crise agricole
- Politique budgétaire et fiscale
- Drame de Crépol
- Relations avec les collectivités territoriales
- Politique de santé
- Difficultés du secteur de la petite enfance
- Situation de l’hôpital public
- Difficultés des producteurs d’endives et de chicorée
- Accord avec le Mercosur
- 2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- M. Aurélien Le Coq
- M. Laurent Saint-Martin, ministre
- Mme Sophie Mette (Dem)
- Mme Félicie Gérard (HOR)
- M. Michel Castellani (LIOT)
- M. Emmanuel Maurel (GDR)
- M. Olivier Fayssat (UDR)
- M. Emmanuel Fouquart (RN)
- M. David Amiel (EPR)
- Mme Mathilde Feld (LFI-NFP)
- M. Philippe Brun (SOC)
- Mme Véronique Louwagie (DR)
- Mme Christine Arrighi (EcoS)
- Discussion générale
- Avant la première partie
- Article liminaire
- M. Charles Sitzenstuhl
- Amendements nos 17 et 79
- Article liminaire
- Première partie
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Congrès des maires
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Aujourd’hui s’ouvre le 106e congrès des maires de France, et je tiens tout d’abord à saluer nos 500 000 maires, maires adjoints, ainsi que les autres conseillers municipaux (Applaudissements sur tous les bancs), soit un demi-million de nos concitoyens qui s’engagent au quotidien, en toutes circonstances, parfois à toute heure du jour et de la nuit. Heureusement qu’ils sont là ! Aussi ne méritent-ils pas d’être soutenus ?
Pourtant aujourd’hui, ils sont en colère, le ton monte ! Depuis des semaines, ils vous interpellent : fermetures de mairies, manifestations devant les préfectures. Il y a à peine une heure, les maires étaient plusieurs milliers à protester dans l’enceinte de leur propre congrès… Que demandent-ils ? Ils veulent pouvoir agir, qu’on leur garantisse les moyens de faire ce pour quoi ils ont été élus. Or c’est bien ce dont vous voulez les priver en leur faisant les poches :…
M. Sylvain Maillard
Ah, là là ! Ce n’est pas à la hauteur !
M. Stéphane Delautrette
…5 milliards d’euros annoncés, 10 milliards en réalité. C’est un véritable hold-up ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Pendant les débats budgétaires, nous avons trouvé dans cet hémicycle des majorités pour, au contraire, soutenir nos collectivités.
M. Pierre Cordier
François Hollande leur a piqué 11 milliards !
M. Stéphane Delautrette
Le rejet de la première partie du projet de loi de finances ne saurait balayer cet espoir alors que les élus sont dans l’attente.
Monsieur le premier ministre, vous vous êtes engagé, dans votre discours de politique générale, à bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités locales et l’État. Agir en responsabilité, c’est bien ce que demandent les élus locaux, mais pour nouer un contrat, encore faut-il du dialogue et de la confiance. (Mêmes mouvements.) Vous vous exprimerez jeudi au congrès des maires : entendez-vous répondre à leur colère et reprendre les mesures qui ont fait consensus dans cette assemblée ? (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je pense comme vous que, dans cette assemblée, tout le monde rend hommage aux 500 000 élus, membres du bloc local, conseillers régionaux et conseillers départementaux. Vous savez que le gouvernement travaille régulièrement avec l’ensemble de ces élus à travers l’Association des maires de France – j’étais encore ce matin à leur congrès – et l’Association des maires ruraux de France. Il est vrai qu’un certain nombre de maires ont souhaité, vous venez de l’évoquer, couvrir leur écharpe de noir pour appeler l’attention du gouvernement. Mais je rappelle que depuis le 21 septembre, date de nomination du gouvernement de Michel Barnier, nous avons travaillé avec l’ensemble des élus en tenant compte d’un enjeu, celui d’un budget qui a été réalisé dans les conditions que vous connaissez. Ce budget a évidemment, parmi ses nombreuses contraintes, celle de ramener à 5 % le déficit public de notre pays. Dès lors, nous devions réfléchir avec les collectivités aux marges possibles d’économie. D’ores et déjà, entre la version initiale et celle qui est proposée, la différence est de taille. Vous avez entendu le premier ministre s’exprimer vendredi devant les départements, et nous avons évoqué avec les maires des sujets très concrets,…
Mme Béatrice Bellay
Ils ne sont vraiment pas contents !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…dont par exemple le fonds de compensation de la TVA et leur capacité à retrouver du pouvoir d’agir, mais aussi des points relatifs à leur statut car quand on évoque la grogne et les interrogations des maires, il ne faut pas oublier le rôle qu’ils jouent au quotidien près de nos concitoyens : je pense notamment aux violences dont ils font l’objet. Pas plus tard que jeudi, le ministre de l’intérieur relancera d’ailleurs le Beauvau des polices municipales, parce que respecter les maires, cela signifie aussi qu’aucun de nos concitoyens n’attente d’une manière ou d’une autre à leur vie, et que chacun sache les traiter correctement et les respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Xavier Breton applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Je ne pense pas que cette réponse rassure les élus, pas plus que les Françaises et les Français qui nous écoutent. Tous, ils auront compris que ce sera moins de services publics au quotidien et moins d’emplois du fait de la réduction des travaux dans les collectivités. Vous ciblez les collectivités, mais à la fin, ce seront bien nos concitoyens qui paieront la facture ! (Plusieurs députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les autres bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Crise agricole
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture.
J’étais hier soir à Troyes, dans ma circonscription, pour une manifestation agricole, et j’y ai entendu la même chose que l’année dernière, la même chose qu’en 2022, qu’en 2017, qu’en 2012 ou même qu’en 2007. Car depuis des décennies, des traités de libre échange sont signés et votés par tous les partis au pouvoir, LR, macroniste ou PS, et exposent nos agriculteurs à la concurrence déloyale de produits qui ne respectent aucune norme sanitaire et environnementale. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le Mercosur, c’est l’aboutissement d’un processus de destruction massive de notre modèle agricole alors, il faut le rappeler, que nous importons déjà 300 000 tonnes de viande bovine et un poulet sur deux consommé, par la faute de ceux qui l’ont permis, c’est-à-dire de tous les anciens gouvernements ! Et pendant que vous essayez de gagner du temps sur le Mercosur, qu’en est-il du reste ? Les agriculteurs veulent vivre de leur travail grâce des prix rémunérateurs, voir un État qui, dans le cadre d’une vie administrative simplifiée, les protège de la concurrence déloyale et de la fraude à l’importation. Dès lors, pourquoi ne pas avoir proposé une loi d’orientation agricole complète dès l’automne ?
En outre, allez-vous enfin faire appliquer la loi Egalim et procéder à des contrôles à l’importation ? Où en êtes-vous dans le réalignement des normes françaises au moins sur les normes européennes pour que s’exerce une concurrence loyale au sein du marché unique – je pense notamment à l’acétamipride et aux néonicotinoïdes ? Qu’en est-il de l’instauration de prix minima afin que jamais une production puisse être achetée à perte ? Allez-vous mettre en œuvre le patriotisme économique dans la commande publique ? Qu’en est-il enfin des problèmes de transmission des exploitations jamais abordés par votre gouvernement dans le projet de loi de finances ?
Toutes ces questions peuvent se résumer en une : allez-vous commencer à agir ou continuer à subir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thomas Ménagé
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Tout d’abord, n’oubliez pas que la France est une grande nation exportatrice de produits agricoles et que les accords équilibrés que l’on conclut avec d’autres pays sont utiles à nos producteurs. Après ce rappel, j’en viens à votre question.
Vous abordez beaucoup de sujets et je voudrais revenir sur plusieurs d’entre eux.
S’agissant de la loi d’orientation agricole, je rappelle que le texte a déjà vécu sa première lecture ici, et qu’il a été beaucoup amendé, au point de parvenir à un état qui ne lui permettra peut-être pas de devenir la grande loi agricole que certains espéraient. En tout cas, c’est une loi qui est attendue par les agriculteurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN), ce qui devrait vous inspirer un peu plus de mesure dans votre analyse. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Vous abordez aussi la question des normes européennes. Vous ne trouverez pas chez moi une défenseure de la surtransposition. Nous avons toujours dit, dans la famille politique à laquelle j’appartiens mais aussi dans une large partie de cet hémicycle, combien la surtransposition des normes européennes était mortifère pour notre agriculture – vous évoquez à ce propos deux produits en particulier. (Mêmes mouvements.)
M. Thibault Bazin
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
Soyez-en certain ce débat viendra très rapidement, avant le Salon de l’agriculture, et nous verrons bien alors comment les uns et les autres se positionnent par rapport à la question de la surtransposition, qui est en effet vraiment très défavorable à nos producteurs.
J’en viens à votre proposition d’instaurer un prix minimum pour garantir aux agriculteurs un revenu qui leur permette de vivre de leur travail. Cette idée peut sembler séduisante mais, en réalité, le prix minimum sera le prix maximum : je doute que ce soit la meilleure façon de garantir et le cours de la matière première agricole et le revenu des agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Je pense que ce serait même tout le contraire.
Enfin, vous aurez à nouveau l’occasion de vous exprimer sur Egalim puisque nous légiférerons dans quelques mois sur ce sujet important. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
La vérité, c’est qu’avec ce que vous appelez votre famille politique, vous avez rejoint le macronisme pour quelques postes ministériels et pour travailler aux côtés de ceux qui ont mis à genoux l’agriculture française depuis sept ans ! Assumez au moins un peu ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Relations avec les collectivités territoriales
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
Nos élus locaux, en particulier les maires, sont en première ligne pour répondre chaque jour aux préoccupations de nos concitoyens, que ce soit sur le logement, sur le transport ou sur la santé mais aussi, ne l’oublions jamais, pour œuvrer à la transition écologique. Je veux au nom de mon groupe saluer l’ensemble des élus locaux pour leurs actions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Sans leur engagement, l’État ne pourrait seul relever les défis du quotidien, d’autant que de nouveaux défis nous imposent d’agir main dans la main avec eux, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons avancer sur des enjeux aussi cruciaux que le zéro artificialisation nette, le changement climatique ou encore la situation budgétaire, qui est d’une gravité inédite.
Des efforts sont donc nécessaires pour redresser les finances publiques, et cela concerne l’État comme les collectivités territoriales. Chacun doit y contribuer à la hauteur de ses capacités, en luttant contre les dépenses inutiles, sans que cela ne pèse sur la qualité de nos services publics ou sur les investissements des élus locaux – je pense bien sûr au bloc communal. Dans ce contexte, il est important et même essentiel de retisser un lien de confiance avec les élus autour d’une trajectoire qui soit assumée par l’État comme par les collectivités locales. Plutôt que d’élaborer un nouvel acte de décentralisation, il y a urgence à établir une méthode de dialogue qui permette d’élaborer des politiques publiques adaptées aux réalités du terrain, financées et par conséquent véritablement appliquées. Cela suppose que les élus soient considérés comme de vrais partenaires, et ils ont besoin d’avoir confiance sur ce point aussi. Le gouvernement a annoncé vouloir bâtir un nouveau contrat de confiance avec les élus locaux. Comment celui-ci se déclinera-t-il concrètement et permettra ainsi de renouer le lien avec eux ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Vous avez raison de mettre en avant l’engagement des maires, ce qui suppose de la part du gouvernement respect, reconnaissance et volonté de travailler avec l’ensemble des élus. Nous avons pour y parvenir une feuille de route importante à suivre avec eux.
Le premier élément de cette feuille de route, M. le premier ministre l’a dit à plusieurs reprises, c’est incontestablement le redressement des comptes publics, dans le cadre du budget qui reste encore à améliorer.
Le deuxième élément, c’est la dette environnementale. M. le premier ministre l’a évoquée dans le discours de politique générale. Et vous avez raison, il est à cet égard indispensable que nos communes puissent investir. On connaît tous le triptyque gagnant : anticiper, gérer la crise et réparer. C’est l’enjeu majeur des événements climatiques.
Ensuite, nous avons bien sûr à travailler à de nombreux chantiers avec les élus, dans le cadre de cette relation fluidifiée. Vous avez évoqué le ZAN : vous savez que des sénateurs viennent de déposer une proposition de loi à ce sujet et que votre assemblée va former un groupe de travail. Le gouvernement, sous l’impulsion du premier ministre, souhaite y travailler lui aussi.
Le quatrième élément de la feuille de route, c’est évidemment le statut de l’élu.
Pour tous ces différents chantiers, nous devons bien sûr en premier lieu tenir compte des exigences du budget avant de nous engager ensuite sur une feuille de route dans le respect des compétences des uns et des autres. C’est cela, fluidifier les relations et, finalement, ce qu’on appelle déconcentrer, c’est-à-dire faciliter le lien entre le maire, le sous-préfet et le préfet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Fabien Di Filippo
Et qu’en est-il du député-maire ?
M. Thibault Bazin
C’est la question du député-maire qui est importante, il a raison !
Hausse du ticket modérateur
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Madame la ministre de la santé, hier, au Sénat, vous avez annoncé que le ticket modérateur augmenterait de 5 % pour les consultations médicales et pour les médicaments. En prenant cette décision, vous commettez un acte d’une violence inouïe.
Pour agir sur la dette publique, avec laquelle la protection sociale n’a pourtant rien à voir, vous décidez arbitrairement, avant même que les parlementaires aient fini de débattre du budget de la sécurité sociale, que les Français doivent, une fois encore, être sanctionnés.
En effet, en majorant le ticket modérateur, vous augmentez le reste à charge des patients, particulièrement celui des plus modestes et des plus âgés, les retraités, qui ont davantage besoin de soins et de médicaments.
En 2022, ce reste à charge représentait déjà en moyenne 250 euros par habitant, dont 67 euros pour l’achat de médicaments. Avec votre proposition, un patient sans mutuelle devra régler sur ses deniers 10,50 euros à chaque consultation chez un médecin.
Vous allez répondre que les mutuelles prendront à leur charge cette augmentation. C’est faux ! Les organismes complémentaires, plus chers et plus inégalitaires que la sécurité sociale, ont été très clairs : ils vont modifier leurs tarifs, comme ils l’ont fait dans la dernière période, en augmentant de 8 à 10 % les cotisations.
Ce sont donc bien les assurés sociaux qui paieront – s’ils en ont les moyens puisque 3 millions de personnes n’ont pas de mutuelle. Vous accentuez chez les plus vulnérables l’éloignement de la protection sociale, un phénomène qu’a souligné le dernier rapport du Secours catholique sur la pauvreté.
Comme celui de vos prédécesseurs, votre choix est clair : faire payer les patients plutôt qu’aller chercher des recettes supplémentaires à même de répondre enfin aux besoins de la population en matière de santé. Comment pouvez-vous accepter d’aggraver une situation dans laquelle près de six Français sur dix renoncent déjà à des soins ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
La question est importante. Le Sénat a commencé hier l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le premier groupe d’objectifs comporte le soutien à l’hôpital, l’amélioration de l’offre de soins sur tout le territoire, la défense de la recherche et de l’innovation, le déploiement d’une stratégie pour l’accès aux médicaments et le développement de la prévention.
Un deuxième type d’objectifs vise à tenir une trajectoire de retour progressif à l’équilibre des comptes sociaux, alors que le déficit devrait être de 16 milliards d’euros en 2025. Nous sommes donc loin de cet équilibre. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie va augmenter de 9 milliards mais, dans le même temps, il est de notre responsabilité de faire 5 milliards d’économies.
Dans cette dernière somme, il était prévu que 1,14 milliard soit transféré à la charge des assurances complémentaires. J’ai réduit ce montant à 900 millions. De même, il était prévu que le ticket modérateur pour les consultations médicales augmente de 10 points. J’ai ramené cette hausse à 5 points. Nous avons donc travaillé pour améliorer la trajectoire tout en gardant des positions équilibrées.
L’accès aux soins et aux consultations est un sujet majeur à mes yeux. Les Français les plus fragiles sont couverts par la complémentaire santé solidaire, que nous allons maintenir, voire étendre. Ils continueront donc à être protégés.
M. Thibault Bazin
Il ne faut pas pénaliser les classes moyennes !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Même vous, vous ne croyez pas à ce que vous dites !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Avec votre gouvernement, la méthode est toujours la même : vous annoncez le pire en espérant nous faire accepter le terrible. Mais le terrible reste inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Coût du travail et déficit public
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Ma question s’adresse à M. le premier ministre. « Face au choc fiscal qui s’annonce, les entreprises réduisent déjà la voilure en France », « Budget 2025 : la tentation du grand large des entreprises » : ces titres d’articles de presse sont bien sûr le résultat des propositions délétères pour les entreprises faites aux deux extrêmes de cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe RN) pendant tout l’examen du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR),…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Où étiez-vous ?
M. Paul Midy
…mais ils traduisent également une forte inquiétude qui, à juste titre, monte dans les entreprises et parmi les entrepreneurs.
Le PLF prévoit en effet une hausse de près de 5 milliards d’euros du coût du travail, dont une augmentation de 30 % pour les jeunes entreprises innovantes. Cette inquiétude sur la montée de la pression fiscale existe dans toutes les entreprises, mais en particulier dans les TPE et les PME, qui représentent plus de la moitié de l’emploi privé en France.
Une hausse du coût du travail serait une première depuis trente ans. Depuis celui dirigé par Lionel Jospin, tous les gouvernements l’ont baissé, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy comme lors de celui de notre honorable collègue François Hollande. Elle irait totalement à l’encontre de notre objectif de plein-emploi et elle nous semble très risquée pour la compétitivité des entreprises françaises au moment où la conjoncture internationale se dégrade. Elle serait d’autant plus désastreuse qu’elle toucherait principalement l’emploi dans l’industrie, secteur où, actuellement, les entreprises traversent des difficultés et où certains sites sont menacés.
Notre groupe a fait de nombreuses propositions pour éviter cette hausse des charges sans toucher à l’équation budgétaire car nous sommes attachés à la maîtrise des comptes publics : réduction des dépenses, limitation de niches fiscales, réformes de l’assurance chômage, du millefeuille administratif et de la fonction publique.
Pouvez-vous nous rassurer quant à votre engagement à ne pas augmenter le coût du travail et nous indiquer les pistes de votre gouvernement pour atteindre cet objectif ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Permettez-moi d’abord de vous rejoindre sur votre constat.
M. Emeric Salmon
Il est faux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L’impératif est de réduire le déficit public de la France et, ce, de manière responsable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Être responsable, c’est d’abord baisser la dépense publique dans notre pays – ce n’est pas ce qui est sorti des agissements du Nouveau Front populaire, avec la complicité du Rassemblement national, qui le permettrait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.) Je vous rejoins sur ce point et je salue la décision de l’ensemble du bloc central…
M. Emeric Salmon
Il n’était pas là !
Mme Caroline Parmentier
Vous n’étiez jamais là !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…d’avoir repoussé en première lecture la partie recettes du PLF.
Vous en venez ensuite à des sujets essentiels, la compétitivité des entreprises et le coût du travail. Permettez-moi de rappeler un contexte que vous connaissez parfaitement. Au cours des quatre dernières années, nous avons protégé les entreprises comme aucun autre pays ne l’a fait.
M. Gabriel Attal
Merci !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pendant la crise du covid, l’État, grâce notamment à la majorité gouvernementale, a été au rendez-vous avec la prise en charge de l’activité partielle, les prêts qu’il a garantis et la baisse du coût du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Tout ceci a permis la hausse du taux d’emploi dans le pays. L’État a notamment mis près de 20 milliards d’euros au service de la baisse du coût du travail et de la hausse de la compétitivité des entreprises.
Face au défi que représente l’état des finances publiques, nous sommes à un moment de vérité. Il est exact que nous demandons aux entreprises de participer à l’effort de réduction du déficit public à hauteur de 4 milliards d’euros – chiffre à rapporter aux 20 milliards dépensés au cours des quatre dernières années. Vous l’avez souligné, le contexte appelle à une certaine gravité, à une certaine responsabilité. Ainsi que mes collègues du gouvernement et moi l’avons déjà dit, nous sommes prêts à travailler avec vous sur ces sujets dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Au Sénat aussi, dès cet après-midi, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il faut que nous trouvions le meilleur compromis possible pour réduire le déficit du pays sans grever l’emploi, la politique de l’offre et l’attractivité de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Hausse du ticket modérateur
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Nous venons de passer des heures à débattre du budget de la sécurité sociale sans que, jamais, le gouvernement ne parle de déremboursements. Alors, pourquoi en annoncer maintenant ?
À la sortie de la seconde guerre mondiale, la France a fait un choix radical, audacieux et protecteur : aucun citoyen ne devait plus être exclu de la protection sociale. Chacun paierait en fonction de ses moyens et tout le monde y aurait accès en fonction de ses besoins. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.) Tout cela pour prévenir le retour du fascisme. (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Et c’est par décret, sans affronter le débat parlementaire, en catimini, que vous décidez de rogner, morceau par morceau, cette protection sociale.
Après les trois jours de carence en cas d’arrêt de travail, vous annoncez 5 % de remboursement en moins sur les médicaments et les consultations. Les mutuelles, qui ont déjà augmenté leurs tarifs, vont devoir le faire à nouveau.
M. Pierre Cordier
Les mutuelles sont riches comme Crésus ! Allez voir leurs réserves !
Mme Sandrine Rousseau
Or tout le monde n’a pas de mutuelle et les besoins évoluent. Au-delà de 80 ans, ils augmentent. Après avoir voulu geler les petites retraites, c’est encore sur les personnes âgées que vous faites peser le poids de votre inconséquence budgétaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
Un Français sur trois se prive de repas et un sur dix de soins. Ce sont toujours les mêmes : celles et ceux qui n’y arrivent pas – parce que c’est très long, un mois sans argent – et sur qui, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, vous tapez avec constance, sans cesse.
Mais vous êtes mauvais en calcul, parce que se priver de soins quotidiens, c’est laisser la maladie gagner et sa santé se dégrader, c’est finir aux urgences et mettre encore plus en tension l’hôpital public. Quelle est cette volonté farouche de faire payer aux autres vos erreurs de gestion ? Je vous le dis : il y a plus de dignité dans la manière dont les personnes sans le sou gèrent leur budget que dans le moindre de vos décrets. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.) Ma question est simple : pourquoi vous en prenez-vous toujours aux pauvres ? (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Je vais compléter la réponse que j’ai faite un peu plus tôt sur le même thème. Vous connaissez tous la situation dans laquelle nous sommes en raison du vieillissement de la population, de la hausse des diagnostics de maladies chroniques et de l’augmentation du nombre de personnes en longue maladie. Les 13 millions de malades en affection de longue durée – 400 000 de plus tous les ans – ne seront en rien concernés par le relèvement du ticket modérateur dont nous parlons.
L’assurance maladie prend en charge 80 % des soins et des frais pour maladie quand ce taux était de 71 % il y a dix ans. Nous voyons donc que les besoins sont importants et qu’ils augmentent. Notre système de financement est-il adapté à cette réalité ? Nous sommes dans une société du soin. Je souhaite que nous passions dans une société de la prévention, puis du soin.
Mme Ségolène Amiot
Vous avez méthodiquement détruit toutes les formes de prévention !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous avons besoin de travailler à l’avenir de notre système de santé, comme je l’ai dit lors de nos derniers débats dans cette enceinte.
Pour les personnes les plus fragiles, la complémentaire santé solidaire remplit sa fonction de soutien. S’il faut en étendre le champ, par exemple aux grands retraités qui touchent de petites pensions, nous le ferons. Parce qu’elle protège les plus fragiles, nous devons aussi aller chercher les personnes qui ont droit à la C2S mais ne la demandent pas.
Pour les autres catégories de la population, je travaillerai avec les complémentaires – dont je sais bien qu’elles ne sont pas toujours des entreprises philanthropiques – afin de réduire au minimum leurs prétentions d’augmentation des cotisations.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
À l’heure où le nombre des malades augmente, vous augmentez la précarité. Vous allez vraiment à contre-courant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Accord avec le Mercosur
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
« Aimez-nous, nous ferons le reste » est le message qu’un agriculteur m’a confié hier sur un « feu de la colère », l’un des nombreux lieux de la mobilisation de sa profession. L’amour ne se prouve pas par des mots, mais par des actes. Les agriculteurs demandent de la confiance et « le reste » consiste à nous nourrir.
Le chemin qui a mené à cette colère est long, jalonné de choix qui ont manqué de cohérence et de courage. Madame la ministre de l’agriculture, les conséquences des blocages hérités de décisions ou de non-décisions accumulées au fil des années – réformes sans vision, choix réglementaires punitifs et entraves administratives qui paralysent notre agriculture – reposent aujourd’hui sur vos épaules.
Il est vrai que le problème est en partie conjoncturel, et nous saluons les aides à la trésorerie, la réduction des contrôles et les vaccins pour les élevages que vous avez annoncés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Mais le mal qui étouffe la compétitivité agricole nationale est aussi structurel. Nous proposons d’abattre ce mur d’entraves et de bâtir une transformation de fond : garantir un revenu décent et repenser la loi Egalim pour assurer une transparence totale dans la chaîne de valeur, du prix payé à la ferme à celui affiché dans les rayons des magasins. Que chaque acteur assume ses responsabilités pour que les paysans puissent enfin tirer un revenu digne de leur travail !
Et puis, il y a cette ultime provocation : le traité avec le Mercosur. Nos exploitants sont déjà écrasés par une avalanche de contraintes, par des normes phytosanitaires strictes qui interdisent certains produits chez nous mais les tolèrent pour des importations concurrentes. Ce traité menace de submerger nos filières agricoles avec des produits étrangers qui ne respectent ni nos standards ni nos exigences de qualité. (Mêmes mouvements.) Il constitue une menace écologique, sanitaire et économique.
Instaurons un rapport de force avec Bruxelles ! Un veto clair sur cet accord est nécessaire. Soyons prêts à imposer des conditions fermes !
Nous, les quarante-sept députés de la Droite républicaine,…
M. Hervé de Lépinau
Ah ! Les rescapés ! Une espèce en voie de disparition…
M. Julien Dive
…avons sollicité du gouvernement l’organisation, en application de l’article 50-1 de la Constitution, d’un débat sur ce traité, suivi d’un vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Êtes-vous prête à respecter ce vote et à engager un véritable bras de fer avec la Commission européenne pour défendre notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Merci pour cette question plus que jamais d’actualité, du fait de la crise agricole qui frappe nos paysans – une crise terrible pour certains territoires : crise climatique, crise météorologique, crise sanitaire, crise de sens aussi.
Vous m’interrogez sur le sentiment d’urgence dans lequel se trouve cette profession si essentielle à notre pays. Depuis que je suis arrivée à ce poste – cela fait cinquante-cinq jours –, je me suis efforcée d’agir vite. Vous évoquez les prêts de trésorerie. Il est vrai que les trésoreries sont aujourd’hui exsangues, notamment pour certaines productions et dans certains territoires, et c’est à la demande des agriculteurs que j’ai pris deux mesures de soutien.
M. Alexandre Dufosset
Un an qu’ils attendent !
Mme Annie Genevard, ministre
La première est un prêt à court terme afin de remédier à des difficultés conjoncturelles, dont le taux sera réduit, grâce à l’intervention de l’État et au soutien des banques. Néanmoins, certaines exploitations agricoles souffrent de façon structurelle et ont besoin d’un autre type d’aide ; il s’agira d’un prêt qui sera garanti par l’État, à hauteur de 70 %, pour une période de douze ans. Il importait, je le crois, de combiner ces deux types d’aides pour répondre à la demande des exploitants.
Il reste que vous avez raison : il faut aussi leur donner des perspectives d’avenir. De ce point de vue, le Mercosur représente plutôt une fermeture (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR),…
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
…car il s’en prend frontalement à nos producteurs de bœufs, de volailles ou de sucre. Le premier ministre et moi sommes résolus à nous battre, et avec la plus grande énergie. Je remercie votre groupe d’avoir demandé un débat sur le sujet ; il sera fructueux. Croyez bien que nous sommes très mobilisés sur la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
À cet égard, je vous indique que ledit débat, qui avait été initialement fixé au mardi 10 décembre, a été avancé au 26 novembre, après la séance des questions au gouvernement, en accord avec ce dernier. (Mêmes mouvements.)
Conflit au Proche-Orient
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes
Selon un rapport de l’ONU présenté hier à New York, les méthodes employées par Israël à Gaza « correspondent aux caractéristiques d’un génocide ». (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je sais bien, monsieur le ministre des affaires étrangères, que vous persistez à nier cette atroce réalité, allant même jusqu’à parler la semaine dernière de « faute morale » en réponse à mon collègue David Guiraud, qui utilisait pourtant ce terme à bon escient (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; et puisque vous refusez, semaine après semaine, de nous entendre, je vais citer mot pour mot le communiqué de l’institution onusienne : « Par son siège de Gaza, son obstruction à l’aide humanitaire, ses meurtres de civils et de travailleurs humanitaires, malgré les appels répétés de l’ONU, les ordonnances contraignantes de la Cour internationale de justice et les résolutions du Conseil de sécurité, Israël provoque intentionnellement la mort, la famine et des blessures graves », en utilisant la privation de nourriture comme une arme. Oui, à Gaza, Israël commet un génocide ! (Mêmes mouvements.)
Honte et déshonneur à tous ceux qui, dans cet hémicycle et au-delà, s’en rendent complices en pensant pouvoir étouffer cette vérité ! Honte et déshonneur à ceux qui laissent le gouvernement israélien piétiner le droit international, les droits humains et les institutions qui les défendent ! Heureusement, vous n’êtes plus qu’un petit club étriqué, autoconvaincu par sa propre désinformation – en témoigne la piteuse tribune officielle dans un stade de France presque vide pour le match de la honte, jeudi dernier (Mêmes mouvements) : si la Russie est légitimement exclue des compétitions sportives internationales, Israël doit l’être aussi ! (Mêmes mouvements.)
L’un de vos prédécesseurs, Dominique de Villepin (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR), prononça les mots suivants, au siège de l’ONU, à l’occasion d’un discours devenu fameux : « Dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. » Monsieur le premier ministre, en soutenant le gouvernement israélien, coupable d’un génocide et qui disqualifie l’ONU, qu’avez-vous fait de votre conscience ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Émeline K/Bidi et M. Nicolas Sansu applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous nous interrogez sur la qualification de génocide. En droit, le génocide est défini à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, ainsi qu’à l’article 6 du statut de Rome de la Cour pénale internationale. En vertu de ces dispositions, le génocide s’entend comme la commission de certains des actes que vous mentionnez dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
La qualification de génocide sur le fondement de l’une de ces dispositions relève exclusivement de la compétence du juge. En l’occurrence, ni la Cour internationale de justice ni la Cour pénale internationale n’ont estimé à ce jour qu’Israël ou ses dirigeants commettaient un génocide à Gaza. La France se soumet à cette décision.
M. René Pilato
Vous devriez avoir honte !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
La poursuite de la guerre à Gaza, avec une dégradation des conditions humanitaires du fait de l’intensification des opérations au nord de l’enclave, est intenable ; elle ne peut amener ni la paix ni la sécurité. Il est temps d’aller vers un accord à deux États, de permettre l’entrée massive de l’aide humanitaire à Gaza et de préparer le jour d’après. C’est ce que le ministre des affaires étrangères s’efforce de faire, sous l’autorité du premier ministre, au moyen de voyages répétés et de négociations.
Crise agricole
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Le Peih.
Mme Nicole Le Peih
Nos campagnes incarnent l’identité et l’avenir de notre pays ; elles nourrissent quotidiennement nos familles, entretiennent nos paysages et préservent un patrimoine vivant. Pourtant, nos agriculteurs, déjà fragilisés par les crises climatiques, sanitaires et économiques, affrontent une situation critique : chute des revenus, montée des coûts de production, concurrence internationale déloyale.
Face à ces défis, des mesures significatives ont été prises sous le précédent gouvernement. La réduction de la taxe sur le foncier non bâti, le renforcement de la déduction pour épargne de précaution, le soutien à l’installation des jeunes agriculteurs et les réponses aux intempéries ont marqué de réels progrès dans la préservation de nos territoires. En outre, les démarches liées à la transition agroécologique ont été notablement simplifiées. Ces initiatives, que je salue, ont apporté un nouveau souffle à des exploitations en difficulté.
Cependant, la disparition persistante des exploitations agricoles, des savoir-faire traditionnels et des emplois ruraux demeure profondément inquiétante. Les accords commerciaux tels que le Mercosur, qui ignorent nos standards agricoles, fragilisent davantage les filières vulnérables et mettent en péril notre souveraineté alimentaire.
Madame la ministre de l’agriculture, où en sommes-nous du renforcement des dispositifs enclenchés par le précédent gouvernement ? Quels moyens comptez-vous mobiliser afin de garantir un modèle agricole viable, résilient et respectueux de nos normes ? Quelles assurances apporterez-vous pour protéger notre agriculture de tout accord commercial déloyal ?
Ensemble, refusons de laisser nos territoires et nos paysans sombrer dans le découragement. Œuvrons pour bâtir une agriculture durable, fière de nourrir la France et l’Europe, tout en respectant les générations futures et les équilibres de notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Oh là là ! Quel blabla !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Vous ne m’entendrez jamais déclarer qu’entre ce qu’a fait l’ancien gouvernement et ce qu’il faudrait faire aujourd’hui, il faut tirer un trait. Je l’ai dit à Gabriel Attal, je le répète aujourd’hui devant le groupe EPR : les bonnes mesures ont vocation à être mises en œuvre et pérennisées. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
C’est précisément ce que je fais depuis cinquante-cinq jours à la tête du ministère de l’agriculture. Vous avez pris des engagements : je les honore – et je vais même au-delà.
Je voudrais en faire rapidement l’exposé, parce que je crois qu’il importe que nous disions au monde agricole, que vous comme moi connaissons bien, combien nous avons entendu non seulement ses difficultés, mais aussi sa souffrance – car de la souffrance, il y en a, et il faut l’entendre, la comprendre et y répondre.
Depuis cinquante-cinq jours, les engagements pris ont été tenus ou sont en passe de l’être. Néanmoins, nous avons dû, face à la violence de la crise, ajouter un certain nombre de dispositifs.
Nous avons d’abord conforté le budget, avec un choc fiscal et social qui comprend un allégement puissant de charges pour nos éleveurs et nos producteurs ; ils l’attendent, le demandent : ce sera fait dès que le budget aura été adopté. Cela représente tout de même un apport de 300 millions d’euros.
La réforme des retraites agricoles, dite Dive, sera appliquée : à partir du 1er janvier 2026, les vingt-cinq meilleures années seront prises en compte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Je veux emmener les agriculteurs sur le chemin de la simplification, avec, pour commencer, le contrôle administratif unique. (Mmes Danielle Brulebois, Stéphanie Rist et Anne-Laure Blin applaudissent.) Des mesures d’urgence seront prises pour lever les impasses sanitaires. Il y aura aussi les prêts exceptionnels de trésorerie dont j’ai parlé précédemment et le fonds d’urgence annoncé par le premier ministre à Cournon-d’Auvergne pour répondre aux crises sanitaires. (Mouvements d’impatience sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) L’examen du projet de loi d’orientation agricole reprendra dans trois semaines au Sénat… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés des groupes EPR et DR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
Madame la ministre, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Merci, chers collègues, de m’avoir rappelée à l’ordre !
M. Fabien Di Filippo
C’est dommage. C’était intéressant !
Politique budgétaire et fiscale
Mme la présidente
La parole est à M. Bernard Chaix.
M. Bernard Chaix
Monsieur le premier ministre, votre copie budgétaire initiale comprenait 30 milliards d’impôts supplémentaires. Il semblerait que vous vouliez aggraver encore les choses !
Augmenter le ticket modérateur de 5 %, c’est augmenter le prix des médicaments et des soins. Le reste à charge sera trop lourd pour nos concitoyens, qui ont déjà beaucoup de mal à se faire soigner ; cela pèsera directement sur leur pouvoir d’achat, déjà fragilisé.
Relever les droits de mutation, dits frais de notaire, c’est installer définitivement la crise du logement et, surtout, trahir les Français. Nos droits de mutations sont les plus élevés d’Europe – un record dont nous nous serions bien passés ! Au moment où le marché de la construction s’essouffle, cela revient à mettre à mort le secteur du bâtiment, casser la mobilité des Français et pénaliser les primo-accédants.
Rehausser le plafond du versement mobilité – à la demande, semble-t-il, du maire de Nice –, c’est pénaliser gravement nos entreprises et nos emplois, déjà fragilisés par une fiscalité excessive. Ne suivez pas pour la France le mauvais exemple d’irresponsabilité fiscale que l’on connaît à Nice ! Le versement mobilité est un impôt de production, c’est-à-dire le pire des impôts. Il frappe les entreprises pourvoyeuses d’emplois. Dans ma circonscription niçoise, cette mesure s’ajoute à une augmentation de 15 % de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, à une taxe foncière à 35 % et à un taux de versement mobilité fixé à son maximum.
Nous vous demandons de retirer ces trois mesures et de diminuer enfin massivement les dépenses publiques, en réduisant et en simplifiant le périmètre de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
D’abord, je le répète, l’objectif du gouvernement n’est pas le matraquage fiscal. Le gouvernement a au contraire le courage de présenter un budget prévoyant – enfin ! – une réduction de la dépense publique. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous savez qu’il n’est pas aisé de réduire la dépense publique dans notre pays ; c’est pourtant ce que nous proposons, à hauteur de 20 milliards d’euros pour l’État, de 15 milliards pour la sécurité sociale et de 5 milliards pour les collectivités territoriales. Il s’agit d’un effort inédit. Si des députés de votre groupe ont des propositions complémentaires à nous soumettre, je les invite à les formuler, car, pour l’instant, nous n’en avons pas eu connaissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Vous évoquez plusieurs sujets liés au quotidien soit de nos concitoyens, soit des entreprises. S’agissant de l’augmentation du ticket modérateur, Mme la ministre de la santé, Geneviève Darrieussecq, a eu l’occasion de préciser les choses ; cette mesure relève de l’Ondam et figurait dans le texte initial, elle n’a pas été ajoutée.
Vous évoquez ensuite deux leviers de fiscalité affectés aux collectivités territoriales. Je vous demande de faire preuve de cohérence sur ce point. On ne peut vouloir protéger les recettes de nos départements, dont on souligne à juste titre la diminution, notamment de celles provenant des droits de mutation à titre onéreux, d’ailleurs concomitante d’une hausse de leurs dépenses sociales, tout en refusant d’accéder à leur demande unanime de pouvoir, au terme d’une délibération et non d’une décision de l’État, augmenter ces droits de 0,5 point.
Il en va de même de la réévaluation du versement mobilité : demandée par l’ensemble des présidents de nos régions, il ne s’agit en aucun cas d’une mesure imposée par l’État, mais d’une possibilité laissée à ces collectivités afin de leur donner de l’oxygène pour financer leur fonctionnement et leurs investissements. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
Drame de Crépol
Mme la présidente
La parole est à M. Thibaut Monnier.
M. Thibaut Monnier
Ma question s’adresse au ministre de la justice, Didier Migaud.
Il y a un an, jour pour jour, la Drôme devenait une terre martyre de l’ensauvagement et du laxisme d’État. Il y a un an, le parvis de la salle des fêtes du paisible village de Crépol était maculé du sang de victimes innocentes : Thomas, ce jeune rugbyman de 16 ans, était touché en plein cœur et décédait pendant son transfert à l’hôpital ; seize autres participants étaient blessés, dont deux très grièvement. On dénombre, à ce jour, 192 victimes, dont plus de 60 jeunes, atteintes de troubles psychotraumatiques.
Depuis ce drame, on ne sait pas encore lequel des assaillants a porté le coup fatal à Thomas. Ce que l’on sait en revanche, c’est que l’onde de choc du drame de Crépol, bien loin de susciter un regain de cohésion nationale, a au contraire aggravé la fracture communautaire et la haine antifrançaise jusque dans l’enceinte des collèges et des lycées de notre territoire. Ce que l’on sait, c’est que, parmi les quatorze suspects mis en examen, nombre d’entre eux, issus du même quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, étaient déjà des délinquants connus des services de police. Ce que l’on sait aussi, c’est que neuf témoins du drame ont entendu cette phrase qui glace le sang : « On est là pour tuer des Blancs, on est là pour planter les Blancs ! » Ce que l’on sait, enfin, c’est que le jour même du meurtre du jeune Nicolas à la sortie d’une discothèque par Hassan Youssef Dhabi, un étranger impliqué dans le narcotrafic marseillais, votre gouvernement refusait deux propositions de loi du groupe RN, dont l’une visait à rétablir les peines plancher et l’autre à faciliter l’expulsion des criminels étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Quelle honte !
M. Julien Odoul
Vous avez fini de danser ?
M. Thibaut Monnier
Monsieur le ministre, ma question est très simple – c’est celle que se posent les parents de Thomas, les parents de Nicolas, que j’ai rencontrés la semaine dernière, la même question, au fond, que se posent tous les parents de France qui, chaque jour, ont peur pour leur enfant : quand allez-vous enfin agir et engager le réarmement de notre appareil judiciaire et carcéral pour protéger la vie des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Nathalie Oziol
Et vous, vos problèmes avec la justice, ça se passe comment ?
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice
Votre question nous ramène douloureusement à cet événement dramatique : la mort de Thomas, adolescent de 16 ans, décédé il y a tout juste un an.
Le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire interdit, vous le savez, au garde des sceaux de commenter toute affaire en cours. Il appartient au seul procureur de la République de le faire – ce qu’a fait le procureur du tribunal de Valence.
Le garde des sceaux est aussi le ministre des victimes : avec la représentation nationale, je veux avoir une pensée émue pour Thomas, sa famille, ses proches ainsi que pour les autres victimes que vous avez évoquées – je pense évidemment à Nicolas, qui connaissait Thomas et est récemment disparu dans des circonstances tout aussi dramatiques, et à sa famille. J’ai entendu les déclarations d’une extrême dignité de cette famille, qui a exprimé sa confiance en l’institution judiciaire et indiqué qu’il fallait lui laisser le temps de rendre une justice de qualité, propos auxquels je ne peux que m’associer.
Mme Marie-Christine Dalloz
Oui !
M. Didier Migaud, garde des sceaux
Le garde des sceaux est chargé de définir, sous l’autorité du premier ministre, la politique pénale du gouvernement et de donner à la justice les moyens nécessaires pour qu’elle exerce pleinement son office et que la justice passe. Soyez assuré qu’à cet égard ma détermination, comme celle du premier ministre, est absolue. Nous combattons le crime, qu’il soit le fait de majeurs ou de mineurs, et nous renforcerons notre arsenal législatif autant que nécessaire, notamment en ce qui concerne les seconds.
Mme Hanane Mansouri
On a surtout besoin de fermeté !
M. Didier Migaud, garde des sceaux
Il convient en particulier – le premier ministre l’a affirmé lors de sa déclaration de politique générale – de reconsidérer certains pans de la justice des mineurs en atténuant l’excuse de minorité et en instaurant une forme de comparution immédiate pour les mineurs. Nous le ferons : une proposition de loi de Gabriel Attal en ce sens viendra bientôt en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibaut Monnier.
M. Thibaut Monnier
En conscience, monsieur le ministre : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Relations avec les collectivités territoriales
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
À l’occasion du salon des maires, je voulais, au nom du groupe LIOT, rendre hommage au travail exceptionnel de ces élus et de leurs équipes. Je souhaite aussi rappeler notre ferme opposition à la baisse de 5 milliards des dotations aux collectivités : elles sont le premier investisseur public et réduire leur capacité d’action risque de provoquer une récession. Je veux réaffirmer formellement qu’elles ne sont pas responsables de l’énorme déficit public.
Les élus locaux sont la solution ! Face aux crises sociales, économiques et écologiques, les maires sont en première ligne pour protéger nos concitoyens. Heureusement qu’ils étaient mobilisés pour pallier les carences de l’État central lors de la crise du covid, comme plusieurs orateurs l’ont rappelé dans cet hémicycle.
Pourtant, de plus en plus de maires sont si démunis qu’ils envisagent d’abandonner leur mandat ; il est essentiel de leur permettre d’exercer dans les meilleures conditions et ainsi de valoriser les atouts de leurs territoires. À leurs côtés, les députés du groupe LIOT demandent un nouvel élan en faveur d’une véritable décentralisation.
Depuis sept ans, le pouvoir a, au contraire, renforcé la centralisation, réservant la décision politique à des experts – souvent parisiens, toujours technocrates. D’après certains médias, le retour au cumul des mandats de parlementaire et de conseiller territorial serait envisagé. Or ce n’est pas avec de vieilles recettes et des rustines que l’on transformera le pays.
Aux côtés des Françaises et des Français, nous voulons rétablir la confiance dans l’action publique, en développer la proximité et l’efficacité par l’octroi d’une véritable autonomie fiscale, l’adaptation locale des normes et la suppression des doublons, qui permettra de simplifier et de faire des économies. Il faut nous montrer ambitieux pour nos territoires : nous avons le choix entre l’audace et l’enlisement.
Monsieur le premier ministre, quel est votre choix ? Quelle est votre feuille de route pour redonner de la liberté et des moyens d’action aux collectivités locales ?
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. Michel Barnier, premier ministre
Monsieur le président Lenormand, je vous remercie d’avoir à votre tour salué l’engagement des élus comme l’avaient fait Lionel Mandon et Stéphane Delautrette, à qui Mme la ministre Vautrin a répondu.
Vous avez parlé de technocrates – nous savons tous qu’il y a des technocrates et des bureaucrates et des experts ! Ne vous y trompez pas : j’ai présidé un département pendant dix-sept ans et je n’oublie pas ce que j’ai appris alors, en Savoie, aux côtés des élus, des maires et auprès de la région. Il arrive effectivement, à Bruxelles ou à Paris, que les technocrates prennent le pouvoir, mais c’est que les hommes ou les femmes politiques le leur ont laissé. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes GDR et LIOT.)
M. Pierre Cordier
Ils ont souvent fait les mêmes écoles !
M. Michel Barnier, premier ministre
Tel n’est pas l’esprit dans lequel j’ai l’honneur de diriger le gouvernement.
Les élus locaux, à qui nous rendons hommage – plusieurs se trouvent dans les tribunes –, sont les premiers militants de la solidarité, de la cohésion territoriale et sociale. Ils sont en première ligne en cas de crise ou de catastrophe. Vous avez rappelé celle du covid, mais nous pourrions mentionner toutes sortes d’exemples : dramatiques, les catastrophes naturelles se multiplient et se multiplieront.
Dans ces assemblées locales, municipales, départementales ou régionales, comme dans les intercommunalités, on sait se respecter et travailler ensemble bien que l’on ne soit pas d’accord, qu’on ne vienne pas du même endroit ni qu’on souhaite toujours aller au même endroit. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes HOR et LIOT.)
Pour tout dire, à la place que j’occupe – pour un temps que je ne connais pas : il dépend de vous, mesdames et messieurs les députés –… (Sourires.)
Un député du groupe LFI-NFP
Plus pour longtemps !
M. Michel Barnier, premier ministre
…je trouve dans cette expérience du travail en commun une source d’inspiration et d’espérance.
Cet hommage étant rendu, le problème que vous soulevez et qu’il nous faut traiter ensemble avec les responsables politiques locaux est celui des finances publiques. Nous avons trouvé un déficit ; dans l’intérêt national, nous nous sommes engagés à le réduire : il n’est pas conforme à l’intérêt national de laisser filer la dette, le déficit risquant d’atteindre 7 ou 8 % du PIB, générant des intérêts d’emprunt que nous paierons – quelque 57 milliards d’euros cette année. Je préfère en effet que cet argent soit utilisé au profit de l’éducation, de la sécurité, de l’équipement des collectivités locales. Nous devons donc réduire cette dette, dans l’intérêt national. Il s’agit d’un effort collectif auquel, en responsabilité, j’ai décidé d’appeler tous les acteurs du pays en respectant les plus faibles. Voilà pourquoi Catherine Vautrin et moi-même avons engagé ce travail aux côtés des collectivités.
M. Julien Odoul
Quand on a dit ça, on n’a rien dit !
M. Michel Barnier, premier ministre
Je suis bien conscient que ce budget, élaboré avec le ministre des comptes publics en l’espace de quinze jours – jamais un premier ministre n’a été contraint de présenter un budget en disposant de si peu de temps –, n’est pas parfait. Il comporte des erreurs qui rendent nécessaires des adaptations. Tel est l’esprit dans lequel je dialogue : je l’ai fait à Angers la semaine dernière avec les élus des départements, je le ferai cette semaine avec les maires et nous avons aussi rencontré les représentants des régions de France.
M. Jérémie Iordanoff
Et avec le Parlement, c’est quand ?
M. Michel Barnier, premier ministre
Aux conseillers départementaux, j’ai annoncé plusieurs mesures destinées à alléger les efforts qui leur sont demandés : nous procéderons à une réduction très significative de cet effort sur le fonds de réserve ; celui qui sera demandé à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sera lissé sur quatre ans au lieu de trois. Enfin la baisse du taux du FCTVA ne sera pas rétroactive. Je compléterai ces propositions lors de ma rencontre avec les maires.
Outre ces questions budgétaires et fiscales, se pose celle de la simplification. Vous l’avez fort bien dit, monsieur le président Lenormand : les maires aimeraient qu’on les laisse gérer librement les collectivités locales. Voilà pourquoi j’ai annoncé ces mesures. Nous poursuivrons avec le Sénat, qui a maintenant la main sur le budget, cet effort de simplification et de soutien aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Brigitte Barèges applaudit également.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
Le groupe LIOT sera toujours force de proposition pour donner plus de pouvoir aux élus locaux.
Politique de santé
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Notre système de santé n’en finit plus de sombrer : 87 % du territoire est un désert médical, pas moins de 6,7 millions de Français sont privés de médecin traitant, 85 % des Ehpad sont en grande difficulté financière.
Confrontés à l’inaction des gouvernements successifs, des maires de mon département et d’ailleurs ont pris des arrêtés pour contraindre l’État à instaurer un plan d’urgence pour l’accès à la santé. D’autres installent dans leur commune un hôpital de campagne tenu par des praticiens à diplôme hors Union européenne ou ont carrément interdit à leurs administrés de tomber malade… D’autres encore se voient contraints d’entrer en résistance pour sauver leurs Ehpad et nombre d’entre eux participent avec la population aux manifestations contre les fermetures de services d’urgences, de maternité ou de lits.
Au lieu de leur répondre en proposant une politique de santé adaptée aux besoins de leurs territoires, on a assigné certains d’entre eux devant les tribunaux, plusieurs ayant même été entendus en garde à vue. On en est là !
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
La honte !
Mme Murielle Lepvraud
Pourtant, en amendant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Nouveau Front populaire a montré qu’il était possible de financer les besoins en matière de santé.
Mme Marie-Christine Dalloz
Taxer, taxer, taxer !
Mme Murielle Lepvraud
Mais vous avez préféré renvoyer le texte au Sénat dans sa version initiale pour vous assurer qu’on ne remette pas en cause votre vision comptable et managériale, destructrice. Pour préserver les intérêts des ultrariches, vous vous apprêtez à infliger à nos services publics une cure d’austérité sans précédent alors que les inégalités d’accès aux soins ne cessent de s’aggraver. Aujourd’hui encore, des gens meurent sur des brancards dans les couloirs des hôpitaux – nous vous l’avons déjà dit.
Madame la ministre de la santé, que répondez-vous aux élus locaux qui multiplient les initiatives pour vous alerter et se retrouvent devant les tribunaux ? Quel plan d’action immédiat et concret entendez-vous appliquer pour garantir un accès équitable aux soins sur tout le territoire ? Peut-être préférez-vous en finir avec notre système de santé publique et de sécurité sociale, au profit des cliniques privées ? Si c’est le cas, assumez : annoncez clairement votre projet de santé pour les riches ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
M. Jean-Yves Bony
Ce n’est pas la peine de se mettre debout !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Votre question est un peu caricaturale… (Sourires sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Stéphanie Rist, M. Pierre Cordier et M. Roland Lescure
Si peu !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Néanmoins, je dois vous dire, si vous voulez bien écouter ma réponse, que les difficultés rencontrées par la France en matière d’accès aux soins sont liées à une raison majeure : nous n’avons pas suffisamment de médecins…
Mme Sophia Chikirou
C’est vous qui êtes responsables de cette situation !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
…et cela ne date pas d’hier. La prospective, pour ce qui est de la formation des médecins et plus généralement des soignants, n’a pas été le fort de notre pays depuis trente ans. C’est une réalité ! Il nous faut donc attendre que la formation des actuels étudiants en médecine s’achève. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
À toute crise, nous trouvons des solutions innovantes. Alors que se tient le congrès des maires, je veux saluer les élus locaux qui travaillent…
Mme Élise Leboucher
Qu’avez-vous à leur dire, aux maires ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
…de concert avec tous les professionnels de santé des territoires, au sein des communautés professionnelles territoriales de santé et des contrats locaux de santé, pour construire des solutions.
M. René Pilato
Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Dans une localité rurale, la solution n’est pas la même qu’à Paris ou en banlieue parisienne !
M. Jean-Yves Bony
Bien sûr !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous avons donc besoin d’agilité, d’innovation et d’ingénierie territoriale, et nous y parvenons ! Les CPTS, les services d’accès aux soins, le renforcement des liens entre l’hôpital et les médecins libéraux…
Mme Sophia Chikirou
Vous y croyez vraiment ?
Mme Ségolène Amiot
Il faut arrêter de se voiler la face !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Si ma réponse ne vous convient pas…
Mme la présidente
S’il vous plaît, madame Chikirou, vous n’avez pas la parole ! Laissez la ministre répondre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Sophia Chikirou
Demandez donc aux ministres de nous répondre vraiment, madame la présidente !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Des solutions se construisent à l’échelle de chaque territoire. Ce matin, je me suis rendu au Salon des maires, où j’ai pu voir un médicobus qui est employé en Lozère ; c’est une solution innovante et formidable. (Mêmes mouvements.)
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est absolument pas une solution !
Mme la présidente
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Huit ministres de la santé en sept ans : aucun n’a eu la volonté de faire quoi que ce soit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-Yves Bony
Vous ne connaissez visiblement pas le sujet !
Difficultés du secteur de la petite enfance
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Hervieu.
Mme Céline Hervieu
Maltraitance ; mauvais traitements et violences physiques ; rationnement sur les couches et sur la nourriture : de telles dérives n’ont pas leur place dans le secteur de la petite enfance. Aujourd’hui, 19 novembre, les professionnels sont en grève. J’étais ce matin à leurs côtés devant votre ministère.
M. Thibault Bazin
Nous aussi !
Mme Céline Hervieu
La colère de ces travailleurs – ou plutôt de ces travailleuses, car ce sont majoritairement des femmes – est immense. Leur travail n’est pas assez respecté, pas assez rémunéré, pas assez considéré. Dévouées à nos enfants, elles sont pourtant victimes d’un système qui dysfonctionne gravement – je rappelle qu’il y a deux ans, un enfant est mort dans une crèche. Pour permettre un accueil digne des tout-petits, il faut conférer de la dignité au travail de ceux qui en sont chargés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Chaque jour, ce sont des centaines de professionnels du secteur de la petite enfance, auquel il manque 10 000 postes, qui jettent l’éponge. L’État n’est pas au rendez-vous ! Plus de la moitié des places de crèches créées en France le sont dans le secteur lucratif : plutôt que d’investir dans le secteur public en soutenant nos crèches municipales, l’État dilapide l’argent des Français pour alimenter des profits privés (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS), au détriment de la qualité d’accueil. Même la société civile s’empare de ce sujet, à l’instar d’Anticor qui a porté plainte pour détournement d’argent public. Pendant ce temps, nos collectivités, exsangues, sont prises à la gorge et ne parviennent pas à remplir leur mission de service public.
Madame la ministre de la famille et de la petite enfance, serez-vous enfin la ministre que les professionnels du secteur attendent depuis tant d’années pour résoudre les problèmes d’un secteur en crise ? Augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail, réforme du mode de financement pour sortir de la logique comptable et de la financiarisation, respect des taux d’encadrement : les solutions sont connues, alors qu’attendez-vous pour agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
M. Thibault Bazin
Quel que soit le statut du gestionnaire, il y a un problème de modèle !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap
Le gouvernement est très sensible aux points que vous soulevez et aux constats qui ont été dressés s’agissant de la petite enfance, notamment à certaines dérives que vous avez pointées dans le secteur privé lucratif.
Mme Élise Leboucher
Elles ne sont pas nouvelles !
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Il entend répondre aux difficultés rencontrées et il a déjà engagé des travaux pour y remédier, en premier lieu l’instauration, à compter du 1er janvier 2025, du service public de la petite enfance, qui, en confiant aux communes la compétence d’autorité organisatrice, permettra d’organiser l’offre d’accueil et son adéquation aux besoins locaux.
M. Laurent Jacobelli
Ça a l’air bien, ça !
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Ensuite, vous avez évoqué la qualité de l’accompagnement : le référentiel de la qualité d’accueil du jeune enfant, qui sera créé dans le cadre de ce service public, constitue une stratégie de contrôle coordonné. Pour favoriser et stimuler la création de places d’accueil de jeunes enfants, la ministre de la famille et de la petite enfance, Agnès Canayer,…
M. François Hollande
Où est-elle ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
…engage une réforme du financement des modes d’accueil collectifs, qui concernera toutes ses dimensions. Elle veillera bien entendu à ce que tout risque de dérive soit écarté.
Enfin, rien ne se fera sans les professionnels de la petite enfance. Un comité de filière, composé des représentants de tous les acteurs de la filière (« On vous demande d’agir ! » sur les bancs du groupe SOC), travaille sur cette question et sur tous les aspects visant à améliorer la formation, les parcours et les conditions de travail des professionnels. Si nous partageons le constat concernant certaines difficultés et certains risques que vous avez évoqués, les différents points soulevés sont spécifiquement analysés et les travaux susmentionnés permettront d’y apporter des solutions.
Situation de l’hôpital public
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Vingt heures, chaque soir : un émouvant concert d’applaudissements en faveur de nos soignants. Vingt heures, chaque soir : un hommage de la nation à ceux de la « première ligne » qui, malgré les risques liés à la vague initiale de covid-19, étaient chaque jour sur le pont pour accompagner les malades.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Aurions-nous – auriez-vous – déjà oublié ? L’hôpital public souffre. Il souffre du manque de personnel, du manque de soignants, parfois au bénéfice d’une bureaucratie qui, dans ce domaine également, est bien trop souvent étouffante. Il souffre du manque de matériel et de moyens, qui met parfois en danger les patients qui y ont recours.
S’il fallait citer un seul exemple pour illustrer la situation dramatique dans laquelle se trouve notre hôpital public, ce serait celui de ce patient ayant passé vingt-quatre heures aux urgences de l’hôpital de Langres, en Haute-Marne, avant d’être déplacé dans le garage de ce même hôpital, à défaut de chambre disponible. Sommes-nous en France ou dans un pays du tiers-monde ? Comment pouvez-vous accepter une telle situation ?
M. Jean-Yves Bony
Il ne faut pas exagérer non plus !
Mme Claire Marais-Beuil
Nous vous alertons depuis des années sur le manque de lits par rapport au nombre de patients, et quelle est la réponse du gouvernement ? Toujours davantage de suppressions de lits ! Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, publiée récemment, fait état de la suppression de 43 000 lits d’hospitalisation depuis une dizaine d’années, dont 4 900 pour la seule année 2023. Quand allez-vous faire cesser cette folie ? Nous devons au contraire recruter et former davantage de médecins et d’infirmières. Nous devons leur donner les moyens nécessaires à l’exercice de leur mission de service public et non nous contenter de belles déclarations jamais suivies d’effets. Face à la crise profonde que traverse l’hôpital public et que subit l’ensemble du personnel soignant, il est urgent de réagir.
Vous venez d’ailleurs d’annoncer l’adoption de « mesures d’efficience à l’hôpital », censées faire économiser 600 millions d’euros. Ainsi, madame la ministre, j’ai deux questions : quand allez-vous enfin prendre conscience de cette terrible situation…
M. Jean-Yves Bony
Je pense qu’elle en a conscience !
Mme Claire Marais-Beuil
…et y apporter les réponses nécessaires, et quelle est la nature de ces « mesures d’efficience » annoncées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Notre hôpital connaît des difficultés dans certains secteurs – personne ne le niera –, mais je peux tout de même dire que nous sommes fiers de nos hôpitaux. (« Ce n’est pas le sujet ! » sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes fiers des soignants qui y travaillent (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Louise Morel applaudit également), des soins qui y sont prodigués aux Français : si n’importe lequel d’entre nous est hospitalisé pour n’importe quelle maladie, il est pris en charge, et bien pris en charge. (Mme Justine Gruet applaudit.)
M. Jean-Yves Bony
C’est cela qu’ils appellent le tiers-monde !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Il faut donc arrêter de dire que notre hôpital est à la dérive et ne va pas bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Écartez les œillères !
Mme Caroline Parmentier
Et le manque de soignants ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Oui, il y a des difficultés – vous avez raison – dans certains services, les urgences notamment, car elles accueillent tous les soins non programmés, mais nous sommes en train de travailler pour que ces soins soient dirigés vers d’autres praticiens quand ce ne sont pas des urgences. Oui, il y a des secteurs en difficulté que nous devons soutenir, par exemple la gériatrie, parce que nous manquons de gériatres malgré les revalorisations salariales intervenues dans le cadre du Ségur de la santé.
Cependant, si ce que vous dites à propos des lits est vrai – les chiffres de la Drees sont vrais –, votre interprétation n’est pas la mienne. En 2023, 4 900 lits ont disparu, en effet,…
Mme Caroline Parmentier
Disparus en un claquement de doigts !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
…soit une baisse de 1,3 %, mais ce n’est pas parce qu’il y a moins de soignants ! Si le nombre de lits a diminué, c’est parce que l’on soigne différemment dans les hôpitaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), puisque le nombre de places d’hospitalisation sans nuitée a, lui, augmenté de 4,1 %, du fait de l’accroissement de l’ambulatoire – qui se pratique en chirurgie mais aussi, désormais, en médecine – et du déploiement de l’hospitalisation à domicile.
Mme Caroline Parmentier
Tout va très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Il y a moins de places d’hébergement mais plus de places pour soigner les personnes, et je crois que c’est ce qui importe. Nous travaillerons dans cette direction. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Caroline Parmentier
Quelle escroquerie !
Difficultés des producteurs d’endives et de chicorée
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere
Les feux de la colère embrasent nos campagnes. Parmi les revendications de nos agriculteurs, il y en a une qui est essentielle : « Pas d’interdiction sans solution ! » C’est ce que nous défendons, mes collègues du groupe Horizons & indépendants et moi-même, pour nos agriculteurs.
Malheureusement, nos producteurs de chicorée et d’endives, que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans le Nord, sont en grande difficulté. Depuis l’interdiction en mai 2024, au niveau européen, de la benfluraline, qui permettait de lutter efficacement contre les chénopodes, ils se trouvent dans une incertitude totale, vivant avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
En effet, sans ce produit, le coût de la main-d’œuvre est amené à exploser. Nous connaissons les problèmes de recrutement que connaît le secteur agricole, les problèmes de rendement liés aux conditions climatiques et aussi les fluctuations du coût de l’énergie, qui ont fortement affecté la filière de l’endive. Nous savons tout cela, et nous savons qu’un agriculteur a besoin de voir loin pour faire bien. Alors donnons-leur de l’air et un avenir !
Dans ma circonscription, nous travaillons à relancer la production de chicorée au niveau local, en nous appuyant sur l’usine Leroux, principale entreprise du secteur, implantée à Orchies. C’est un produit sain (Mme Maud Petit applaudit) et une excellente solution de rechange au café, dont l’empreinte carbone est bien supérieure. Si demain, les producteurs choisissent de semer une plante plus rentable et offrant davantage de certitudes, c’est toute une filière d’excellence qui sera mise en péril. Pour ma part, je ne souhaite pas qu’à l’avenir, ma salade d’endives vienne d’Amérique du Sud et ma chicorée d’Inde.
M. Thibault Bazin
Moi non plus !
M. Jean Moulliere
Il y va de notre souveraineté alimentaire. Pour reprendre un slogan que nous connaissons bien : « On marche sur la tête ! »
Madame la ministre, je connais votre engagement sur ce dossier. Face à cette situation alarmante, quelles mesures concrètes le gouvernement envisage-t-il de prendre pour soutenir les producteurs d’endives et de chicorée, garantir l’avenir de ces filières et ainsi défendre notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mmes Justine Gruet et Maud Petit applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Vous abordez une question absolument fondamentale, qui a trait aux impasses techniques auxquelles font face certaines productions. Je vais vous parler de l’endive et de la chicorée, mais je voudrais d’abord dire un mot de la filière de la noisette.
M. Laurent Wauquiez
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
Voilà une magnifique petite filière, performante, à laquelle contribuent des centaines de producteurs dont la production est remarquable. Ils sont menacés de mort parce qu’ils ne peuvent pas traiter leur production : voilà où nous en sommes dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Le jour où cette filière disparaîtra, nous mangerons des noisettes étrangères, traitées avec les produits dont l’interdiction aura causé la mort des noisettes françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Violette Spillebout et M. Franck Riester applaudissent également.)
C’est également la situation dans laquelle se trouvent les magnifiques filières de l’endive et de la chicorée, qui sont elles aussi menacées par l’absence de traitement adapté à leur pérennité. Voilà des cultures patrimoniales, qui font la fierté de l’agriculture française et qui subissent la même menace. J’ai reçu personnellement les représentants de ces filières, et j’ai apporté à l’endive, avec mes services, deux solutions sur les trois demandées – nous avons sollicité une autorisation pour le troisième type de traitement.
Pour la chicorée, malheureusement, c’est un peu plus compliqué. Nous avons formulé une demande pour que le traitement adapté à cette production soit autorisé, et j’espère que nous pourrons bénéficier d’un produit qui s’appelle l’Avadex Factor ; l’examen de la demande est en cours et un avis indicatif sera rendu pour le 30 novembre.
Je veux vous dire, monsieur le député, que je suis avec la plus grande attention cette question. Certains d’entre vous se sont fait plaisir en votant ici même des interdictions dont nous payons aujourd’hui le prix en matière de production : il faut le dire et le dénoncer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Accord avec le Mercosur
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Ma question s’adresse à M. le premier ministre, habitué des sinistres manœuvres de la Commission européenne. Avec un indiscutable sens du timing, celle-ci cherche à accélérer la signature de l’accord avec le Mercosur au moment où le secteur agricole traverse une crise historique, sur fond d’événements climatiques extrêmes ayant des conséquences sévères pour les récoltes et d’une crise sanitaire sans précédent pour les éleveurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Christophe Bex
Il a raison !
M. Benoît Biteau
Au-delà de l’importation de centaines de milliers de tonnes de viande bovine, de volaille, de miel ou de sucre ne respectant pas nos standards de production, faire entrer ces produits en Europe, c’est assumer l’amplification d’une crise sociale et économique pour les producteurs européens ; c’est cautionner le prolongement d’un désastre pour la santé des producteurs du Mercosur et celle des mangeurs de toute la planète, du fait de l’utilisation de pesticides. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Faire entrer ces produits en Europe, obtenus au prix de la déforestation du poumon de la planète et à grand renfort de pesticides réputés dangereux, c’est encourager un système agricole mortifère et renoncer à l’espoir de souveraineté alimentaire en assumant l’importation du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, principales menaces pour cette souveraineté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Faire entrer ces produits en Europe, c’est valider la stratégie de spécialisation de zones de la planète, qui a pourtant montré toutes ses limites lors de la crise du covid-19, lors d’accidents climatiques majeurs ou encore lors d’épisodes d’instabilité géopolitique, comme l’actuelle guerre en Ukraine, alors que nous devons au contraire diversifier nos productions afin de sortir des dépendances alimentaires, lesquelles, de surcroît, mettent en concurrence les paysans du monde entier. (Mêmes mouvements.)
N’est-il pas temps que la France agisse, qu’elle saisisse l’occasion de cette crise pour reprendre le leadership sur la question agricole, afin de refonder les politiques européennes et de permettre une rémunération digne des paysans, tout en visant l’objectif de restaurer notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, dont une partie des députés se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP, M. Christophe Bex se levant aussi. – M. André Chassaigne applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Je vous remercie de votre question, posée avec la véhémence que justifie le sujet, à savoir l’accord avec le Mercosur. À votre véhémence, nous répondons par la plus grande des déterminations, celle que nous mettons à combattre ce traité que nous estimons inacceptable étant donné les conditions dans lesquelles il pourrait être conclu.
M. Christophe Bex
Vous ne faites rien !
Mme Annie Genevard, ministre
Il est inacceptable d’abord parce qu’il est très éloigné de l’ambition d’une relation forte et équilibrée que nous appellerions de nos vœux avec d’autres pays, ensuite parce qu’il prévoit des concessions tarifaires déséquilibrées, enfin parce qu’il n’est pas conforme aux objectifs sanitaires et climatiques européens. Vous avez évoqué la déforestation et les effets déstabilisants pour nos propres filières. Dans ces accords de libre-échange, on l’a beaucoup dit mais il faut le répéter, l’agriculture est souvent une variable d’ajustement, ce qui n’est pas supportable. Et, au sein de l’agriculture, ce sont toujours les mêmes filières qui sont concernées, spécialement les filières de viande : le bœuf, la volaille, parfois l’agneau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Ce sont toujours les mêmes qui souffrent de ces accords de libre-échange ; nous ne pouvons pas l’accepter. (Mme Justine Gruet et M. Laurent Wauquiez applaudissent.)
M. le premier ministre, Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et moi-même travaillons d’arrache-pied pour amener d’autres États membres à rejoindre notre position ; nous conduisons à cette fin un intense travail diplomatique.
Mme Christine Arrighi
Vous avez voté en faveur de l’accord !
Mme Annie Genevard, ministre
Certains pays sont dans l’hésitation ; peut-être les avons-nous amenés à s’interroger sur les conséquences d’un tel accord. Soyez assuré de notre parfaite détermination à empêcher la conclusion de cet accord inacceptable et véritablement néfaste pour notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland Lescure.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 (nos 538, 553).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Pierre Cordier
Enfin un peu de pragmatisme !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Nous examinons aujourd’hui le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024. Comme vous le savez, ce texte a pour spécificité d’avoir un objet limité aux seuls ajustements budgétaires nécessaires pour boucler l’année en cours, à l’exclusion de toute mesure fiscale nouvelle. Si le Parlement n’est saisi d’un tel texte que pour la deuxième fois, dans les faits la pratique de ce type d’ajustements est constante depuis 2018. Le PLFG constitue un gage de bonne gestion et de respect de l’autorisation parlementaire donnée en loi de finances initiale, et un outil de lisibilité de nos débats budgétaires et fiscaux de fin d’année.
La commission des finances a rejeté le PLFG pour 2024. Je le regrette à double titre. En effet, l’effort complémentaire de maîtrise de la dépense de l’État qu’il propose est nécessaire pour contenir le déficit pour 2024 à 6,1 % ; par ailleurs, ce texte prévoit des ouvertures urgentes de crédits qui sont indispensables pour terminer l’année.
Je structurerai mon propos en quatre points.
Dans un premier temps, je dirai quelques mots du cadre macroéconomique dans lequel s’inscrit ce PLFG, cadre qui confirme les estimations retenues dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
J’évoquerai ensuite le premier objectif de ce texte : sécuriser l’effort de maîtrise de la dépense enclenché par le précédent gouvernement afin que le déficit public soit contenu à 6,1 % du PIB.
En troisième lieu, je préciserai le périmètre des mouvements de crédits de fin de gestion. Concrètement, nous faisons tout notre possible pour limiter la dépense de l’État au strict nécessaire.
M. Aurélien Le Coq
C’est bien le problème !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Elle s’établira à 6 milliards en dessous du niveau prévu dans le budget initial ; les trois quarts de la réserve de précaution de 16 milliards ne seront pas consommés en 2024.
Enfin, j’évoquerai le deuxième objectif de ce PLFG – tout aussi nécessaire que le premier – qui est d’assurer le financement des urgences et des dépenses inéluctables de fin d’année : nous avons impérativement besoin d’ouvrir 4 milliards d’euros de crédits.
Comme je vous le disais, le PLFG pour 2024 confirme les hypothèses de croissance et d’inflation retenues dans le PLF pour 2025.
En 2024, selon les dernières estimations dont nous disposons, la croissance atteindra bien 1,1 %. Cette prévision rejoint celles des principales institutions spécialisées – l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Banque de France, le Fonds monétaire international (FMI), l’Insee, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – ainsi que le consensus des économistes. Cette bonne nouvelle confirme la solidité et la résilience de notre économie, laquelle s’explique par la reprise du dynamisme de la consommation des ménages en fin d’année et par l’effet des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024.
L’inflation sera contenue à 2,1 % en moyenne annuelle, prévision maintenue par rapport au PLF pour 2025. Il s’agit d’une forte baisse par rapport à l’année 2023 – l’inflation atteignait alors 4,9 % – et d’une bonne performance, confortée par l’inflation de 0,1 % observée en septembre.
Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que les prévisions de croissance et d’inflation retenues dans le PLFG sont « réalistes » et que notre prévision de déficit est « plausible ».
J’en viens maintenant au premier objectif de ce texte. Comme vous le savez, nous souhaitons ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025. Dans cette perspective, il est indispensable de cantonner à 6,1 % le déficit pour 2024. C’est la première condition du redressement de nos finances publiques et le préalable nécessaire pour renouer avec une trajectoire de financement responsable, nous permettant de revenir sous la barre des 3 % de déficit à l’horizon 2029. Il ne s’agit pas uniquement d’un enjeu comptable mais du niveau nécessaire pour stabiliser puis réduire notre endettement qui dépasse aujourd’hui les 112 % du PIB, ce qui n’est pas soutenable.
Comme je l’ai rappelé devant la commission des finances, l’année 2024 est marquée par un écart sensible entre le déficit constaté et le solde négatif de 4,4 % prévu par la loi de finances. Ce décalage, qui représente environ 50 milliards d’euros, est principalement lié à l’évolution des prélèvements obligatoires, dont le niveau est inférieur de plus de 40 milliards d’euros aux prévisions initiales. Ce chiffre s’explique pour moitié par l’exécution constatée en 2023.
J’ai bien conscience que ces écarts, imputables à la grande volatilité de notre économie en période de crise puis de rebond, soulèvent des enjeux de confiance et de crédibilité. Comme vous le savez, Antoine Armand et moi avons lancé un travail de réflexion, qui intègre des expertises extérieures à l’administration ; il aboutira avant la mi-décembre à un plan d’action pour mieux piloter et mieux suivre nos finances publiques. Dans ce cadre, et conformément aux engagements pris devant vous, nous formulerons des propositions pour renforcer l’information à la disposition du Parlement.
L’écart par rapport à la prévision initiale résulte également – je l’avais reconnu avec franchise – du dynamisme des dépenses publiques. En matière de dépenses sociales, nous avons récemment détecté pour l’année 2024 un risque lié aux dépenses de médicaments,…
M. Aurélien Le Coq
Un risque !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…en raison d’un niveau de remises consenties par les laboratoires inférieur de 1,2 milliard à la prévision retenue jusqu’à présent. Le jeu des stabilisateurs automatiques devrait permettre de contenir d’environ un tiers le dépassement qui aurait résulté de cette nouvelle prévision. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024 sera revu de 0,8 milliard à la hausse.
Le gouvernement a immédiatement signalé cette information – dont il dispose depuis quelques jours seulement – à la représentation nationale, afin qu’elle se prononce sur les textes financiers en toute connaissance de cause et qu’elle puisse prendre rapidement des mesures pour maîtriser ce dépassement. Nous y travaillons en lien avec la commission des affaires sociales. Nous proposons de mobiliser plusieurs leviers pour ramener à 0,2 milliard le dépassement par rapport à la trajectoire de l’Ondam pour 2025 présentée initialement.
En septembre, je vous avais dit que le gouvernement n’était pas là pour distribuer les bons et les mauvais points. Je m’y tiens ! L’État, la sécurité sociale et les collectivités sont tous soumis aux difficultés de prévision et de gestion qu’impliquent les périodes de crise puis de rebond économique comme celles que nous avons connues en 2023 et en 2024. Cependant notre niveau d’endettement actuel résulte moins de ces aléas que des choix collectifs que nous avons faits ces dernières années face aux crises. Je rappelle que nous étions tous d’accord pour dépenser temporairement davantage afin de protéger nos concitoyens et nos entreprises face à la pandémie, à la crise énergétique et à l’inflation.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est faux !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous vouliez dépenser plus !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mesdames et messieurs les députés, ne nous dites pas que vous étiez opposés à l’activité partielle, aux prêts garantis par l’État, aux filets de sécurité en faveur des entreprises, des ménages et des collectivités territoriales : l’ensemble de la représentation nationale a voté – à raison – en ce sens et souhaitait même qu’il soit fait davantage ! Nous étions tous d’accord pour que l’État soutienne notre modèle de protection sociale car c’est la force de notre nation de savoir rendre notre économie résiliente pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Mme Christine Arrighi
Ce n’est pas le sens de la loi de 2020 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le niveau d’endettement – plus de 3 220 milliards d’euros – qui résulte de ce choix collectif est l’affaire de tous. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nos créanciers ne font pas de différence entre les administrations publiques. Il nous faut donc retrouver des marges de manœuvre afin, notamment, de réduire notre exposition en cas de choc de taux. La charge de la dette a progressé de 17 % entre 2023 et 2024, passant de 39 milliards à près de 46 milliards d’euros. Nous sommes tous solidaires des efforts de redressement qu’il nous faut maintenant réaliser pour renouer avec une trajectoire de finances publiques soutenable. Le redressement, nous y sommes !
J’insiste sur ce point : nous ne devons pas et nous ne pouvons pas laisser filer les comptes aujourd’hui car nous le paierions collectivement demain. Les Français ne sont pas dupes ; ils ne nous pardonneraient pas d’avoir manqué de courage.
C’est pourquoi, avec ce PLFG, le gouvernement a recours, autant qu’il le peut, à des annulations de crédits, avec l’objectif de limiter la dépense de l’État au strict nécessaire. Concrètement, celle-ci s’établira à un niveau inférieur de 6 milliards à celui prévu en loi de finances initiale.
Comme vous le savez, des efforts substantiels ont été faits en gestion cette année pour freiner les dépenses, dès que cela s’est avéré nécessaire. Ils doivent beaucoup au volontarisme déployé par le précédent gouvernement pour tenir les comptes en 2024 face à la baisse des recettes.
Dès février, un décret d’annulation a été pris à hauteur de 10 milliards – il fallait le faire. À l’été, le précédent gouvernement a amplifié l’effort de freinage en fixant aux ministères, en cours d’année, des cibles d’exécution exigeantes pour 2024, et en portant la réserve de précaution à plus de 16 milliards dans le cadre du surgel de juillet. Là encore, il fallait le faire.
C’est en s’appuyant sur ces deux mesures de régulation que le PLFG prévoit des annulations de crédits à hauteur de 5,6 milliards sur le périmètre de dépenses de l’État. Ces annulations portent très majoritairement sur la réserve de précaution renforcée cet été grâce au surgel de juillet. Elles ont fait l’objet – comme les ouvertures de crédits que je vous présenterai ensuite – de discussions approfondies avec l’ensemble des ministères.
Ce travail utile de construction collective nous a permis de calibrer les moyens au plus près des besoins réels de gestion de nos administrations, en limitant les crédits au strict nécessaire. Au total, les trois quarts des 16 milliards de crédits mis en réserve ne seront pas consommés en 2024. Avec les annulations du décret de février et celles du texte qui vous est présenté, la réduction des dépenses de l’État en cours d’année s’élève à plus de 15 milliards – un montant inédit, le maximum que l’on pouvait atteindre.
En tenant compte de mouvements inverses, en particulier de l’effet net des reports de crédits de 2023 mais aussi des ouvertures sur des dépenses imprévues et exceptionnelles – que je vais également vous présenter – à hauteur de 4,2 milliards, l’exécution des dépenses de l’État se caractérise par une baisse de 6 milliards par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale.
Enfin, avec ce PLFG, le gouvernement propose des ouvertures de crédits nécessaires pour parer à l’urgence et pour faire face à des dépenses inéluctables. Nous parlons de 4,2 milliards d’ouvertures de crédits qui répondent à des besoins impératifs.
Il faut premièrement financer le soutien à la Nouvelle-Calédonie. C’est la responsabilité de la nation et cela correspond à un engagement fort de l’État. Je pense notamment à des avances de trésorerie urgentes, eu égard à la situation financière de la collectivité, mais aussi à la prise en charge des forces de l’ordre et de défense mobilisées pour assurer la sécurité sur place, ou encore aux mesures de soutien aux entreprises, aux salariés, aux collectivités et aux hôpitaux qui permettent à la Nouvelle-Calédonie de tenir. Au total, 1 milliard de dépenses est prévu en 2024 dans cet objectif.
Nous devons ensuite sécuriser le financement des Opex – les opérations extérieures – et permettre à nos armées de renouveler les équipements militaires à la suite des livraisons à l’Ukraine en soutien à la résistance de tout un peuple face à l’invasion russe.
Il est également nécessaire d’assurer les paiements des salaires de la fonction publique, qu’il s’agisse de l’éducation nationale ou du ministère de l’intérieur, où ce réabondement permettra notamment de payer les primes pour les agents qui ont contribué à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques.
Il faut enfin compléter le financement des dépenses de guichet en faveur des plus vulnérables, le niveau de celles-ci pouvant évidemment varier en cours de gestion : je parle ici des bourses sur critères sociaux pour les étudiants, de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la préservation du parc d’hébergement d’urgence ou encore de l’accueil des réfugiés ukrainiens.
Voilà, en quelques mots, l’esprit et le contenu du PLFG. Je le répète, ce texte est nécessaire à double titre : d’abord pour freiner au maximum la dépense de l’État et entamer ainsi le redressement de nos comptes publics, qui s’impose, mais aussi – voire surtout, pour certains d’entre vous – pour ouvrir les nouveaux crédits qui permettront de financer les dépenses urgentes que j’ai détaillées.
L’esprit de responsabilité collective devrait vous guider si vous songez à l’une ou à l’autre de ces priorités – voire aux deux. Car, encore une fois, il est impératif, pour notre nation tout entière, de mettre un frein à notre dépense publique mais aussi de financer les mesures d’urgence de fin de gestion, liées aux situations que j’ai évoquées. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Le présent projet de loi vient confirmer le dérapage majeur des finances publiques auquel nous nous attendions depuis cet été et que le nouveau gouvernement tente de limiter depuis le début de l’année.
Je formulerai, au sujet de ce texte, trois remarques. Premièrement, le PLFG prévoit des ouvertures importantes qui tiennent compte de dépenses non prévues – bien que, parfois, totalement prévisibles. D’un montant de 10,6 milliards en autorisations d’engagement (AE) et de 11,5 milliards en crédits de paiement (CP), elles couvrent notamment quatre types de dépenses.
Tout d’abord, les surcoûts liés aux Jeux olympiques et paralympiques représentent un montant exceptionnel de 1,6 milliard. Si un écart entre la prévision et l’exécution pourrait s’expliquer, un tel dérapage trouve forcément sa source dans une grave erreur de programmation budgétaire du précédent gouvernement, en l’occurrence une réserve destinée à assurer la sécurité des Jeux.
Ensuite, le PLFG tire les conséquences de la dissolution. On ne peut pas reprocher au gouvernement d’ouvrir près 200 millions de crédits à cette fin, même si nous avons tous ici un avis sur l’opportunité de la décision prise par le chef de l’État. Toujours est-il que la mission Pouvoirs publics bénéficie d’un abondement de 28,5 millions afin de compenser le surcoût net de la dissolution de l’Assemblée nationale, notamment lié au licenciement des collaborateurs des députés.
Les émeutes en Nouvelle-Calédonie depuis le mois de mai 2024 ont, en outre, entraîné une hausse des dépenses à hauteur de 1,1 milliard. À cette occasion, le programme 152, Gendarmerie nationale, bénéficierait d’une ouverture de 315 millions en CP hors dépenses de personnel. Dans l’attente des ouvertures prévues par le PLFG pour 2024, la poursuite de l’activité opérationnelle a en effet nécessité de suspendre temporairement le paiement des loyers dus par la gendarmerie aux propriétaires, souvent des collectivités locales – départements, communes, intercommunalités –, parfois même des bailleurs sociaux. Pour le seul mois de septembre, ces impayés représentent 82,5 millions – monsieur le ministre, vous nous indiquerez le montant au 31 décembre. Nous nous retrouvons donc dans une situation ubuesque puisque l’État fait face à des arriérés de loyers auprès des collectivités pour assurer les opérations en Nouvelle-Calédonie et le versement des primes liées aux JOP.
Par ailleurs, ces ouvertures portent sur des programmes sous-dotés en loi de finances initiale, comme l’allocation aux adultes handicapés, les bourses sur critères sociaux et, comme chaque année, le parc d’hébergement d’urgence. Or de tels manques étaient identifiés dès le projet de loi de finances pour 2024. Il est désormais nécessaire de tenir compte de ces sous-budgétisations chroniques dans le PLF pour 2025 afin de rendre la loi de finance initiale la plus réaliste possible.
Enfin, 7,7 milliards sont prévus au titre de la seule mission Remboursements et dégrèvements, en raison d’un écart de 7,1 milliards pour le seul impôt sur les sociétés (IS),…
M. Aurélien Le Coq
Scandale !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…de 2,1 milliards pour l’impôt sur le revenu et de 0,8 milliard pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Dans ce dernier cas, l’écart est dû à la création d’un fichier bourré d’erreurs – et il est considérable sachant que le produit de cette taxe est d’environ 1 milliard.
Il faut aussi noter, à l’inverse, une baisse des remboursements et dégrèvements de TVA à hauteur de 4,6 milliards, qui s’explique, semble-t-il, par la faiblesse des rentrées fiscales liées à cet impôt.
Je tiens à le dire clairement : les explications qui nous ont été fournies pour justifier ces montants considérables sont insuffisantes. Cela nuit à la transparence des comptes publics et à la sincérité du débat budgétaire. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus d’explications sur ces écarts – cette question sera de toute façon examinée par notre commission des finances, qui s’est transformée en commission d’enquête ?
J’en viens à ma deuxième remarque. Afin de compenser ces ouvertures et de réduire le déficit public, le projet de loi prévoit d’importantes annulations. Là encore, un effort de clarté est nécessaire. Le PLFG annule 7 milliards en autorisations d’engagement et 6,5 milliards en crédits de paiement. Le périmètre des dépenses de l’État atteindrait ainsi 486,4 milliards fin 2024, soit 5,6 milliards de moins qu’en début d’année – je précise qu’il ne s’agit là que d’une partie des dépenses de l’État.
Toutefois, il ne faut pas croire que les annulations observées soient toujours le résultat de véritables efforts de réduction de la dépense publique de la part du gouvernement. Ce sont bien souvent des annulations de constatation, bien loin des économies pérennes et structurelles que nous pouvons attendre de la part de l’exécutif lorsque le déficit public dépasse 178 milliards.
Par ailleurs, le décret de février 2024 qui avait annulé, dès le début de l’année, 10 milliards, prouve que le dérapage a été identifié très tôt dans l’année, voire dès la fin 2023,…
M. Charles Sitzenstuhl
Absolument !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…et que le scénario présenté en loi de finance initiale pour 2024 n’a jamais été crédible, comme le groupe LIOT l’avait d’ailleurs signalé à l’époque lors des débats.
Enfin, nous devons rester vigilants s’agissant du niveau des reports. En 2024, le gouvernement a consommé 18,6 milliards de crédits de paiement qu’il avait reportés de 2023 et devrait à nouveau reporter 13,1 milliards de 2024 sur 2025, des montants considérables au regard de ceux que l’observait avant la crise du covid – ils étaient alors de l’ordre de quelques milliards seulement. Ces mouvements, qui restent presque en dehors des radars, rendent plus complexe l’analyse des comptes de l’État.
Ma troisième remarque porte sur l’atterrissage puisque nous aboutissons à un déficit très éloigné de la prévision. Vous vous en souvenez, la loi de finances initiale pour 2024 prévoyait un déficit public de 4,4 % du PIB quand le présent projet de loi de fin de gestion l’estime désormais à 6,1 %, un écart de 1,7 point qui représente un peu plus de 50 milliards.
La première conséquence est que la France continue à creuser son déficit et s’endette toujours plus. Le déficit public devrait atteindre 178 milliards, soit environ 50 milliards de plus qu’initialement prévu en début d’année et 24 milliards de plus qu’en 2023. Ce dérapage incontrôlé s’explique à la fois par des recettes fiscales en chute libre et par l’augmentation des dépenses des administrations publiques. S’agissant de l’écart entre les recettes prévues et celles constatées, il faudra nous interroger sur la fiabilité des évaluations, notamment dans le cadre de la commission d’enquête, qui commencera ses travaux le mois prochain.
Monsieur le ministre, nous avons également besoin de précisions s’agissant des recettes prévues à la ligne 1753 de l’état A dans la catégorie « Autres taxes intérieures ». Nous constatons des recettes supplémentaires de TICFE, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, à hauteur de 1,5 milliard, du fait de la sortie du bouclier tarifaire, ainsi que de TICGN, la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, à hauteur de 800 millions, soit au total 2,3 milliards supplémentaires en loi de finances de fin de gestion pour 2024 alors que, dans la loi de finances initiale, les prévisions étaient égales à zéro.
Cependant le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) présenté en octobre dernier, évoquait plus de 6 milliards de recettes supplémentaires en 2024 pour ces deux taxes, et le PLF pour 2025 prévoit un rendement de 7,8 milliards. On n’y comprend plus grand-chose.
L’absence de ventilation claire et les multiples prévisions s’agissant de cette ligne budgétaire créent un flou et appellent un éclairage particulier. Je suis en effet de ceux qui ont toujours combattu la délégation donnée par le Parlement au gouvernement pour fixer par voie réglementaire le taux des accises – qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou d’autres produits énergétiques.
Enfin, il faut espérer que cette loi de finances de fin de gestion pour 2024 aura au moins l’avantage d’être réaliste. Car, pour rappel, l’exécution 2023 avait permis de constater un déficit de 0,6 point de PIB de plus qu’en loi de fin de gestion pour 2023, pourtant votée deux mois avant la fin de l’année. Si la présente loi de finances de fin de gestion venait encore à s’écarter des résultats de la loi de règlement, cela décrédibiliserait durablement l’exercice et nous inciterait, en tant que parlementaires, à souhaiter d’autant plus le recours à des lois de finances rectificatives.
Vous mesurez donc la difficulté de l’exercice. La multiplication des mouvements d’ouverture et d’annulation de crédits ainsi que la modification infra-annuelle des prévisions de recettes nuisent à la lisibilité de budget de l’État. Ils rendent également plus complexe l’appréciation par le gouvernement du pilotage au cours de l’année.
Dès lors, adopter ce PLFG reviendrait à constater non seulement une détérioration des comptes mais surtout une mauvaise gestion budgétaire. On a pourtant considéré la loi de finances initiale pour 2024 comme adoptée à la suite du recours à l’article 49.3 de la Constitution. Il serait donc aisé de repousser ce texte pour rappeler au gouvernement que son passage en force n’a pas donné lieu à une meilleure gestion des finances publiques.
Cependant, rejeter le projet de loi de finances de fin de gestion ne permettrait en aucune manière de rééquilibrer les comptes de l’État en fin d’année. Des annulations sont certes nécessaires, non pour atteindre nos objectifs européens mais pour éviter que notre déficit public ne dépasse les 6,2 ou 6,3 %. En outre, certaines ouvertures sont essentielles, s’agissant notamment de l’AAH ou, avec l’arrivée de l’hiver, de l’hébergement d’urgence.
C’est pourquoi je considère qu’il ne serait pas responsable de voter contre ce projet de loi. Je vous invite donc à l’adopter ou à vous abstenir, sous réserve que le ministre fournisse des réponses adéquates au sujet de la programmation des JOP et du détail des remboursements et dégrèvements.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Il n’y a pas de fatalité comptable, il n’y a que des choix politiques. Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 n’est pas seulement technique, il ne se résume pas à des annulations de crédits et des enveloppes non consommées. Il ne se borne pas à admettre un état de fait qui s’imposerait à nous.
Il constitue un choix, celui de priver encore davantage certains services publics de ressources au motif qu’on dépenserait trop, alors que le gouvernement lui-même admet dans l’exposé des motifs de l’article 3 que « cette dégradation résulte principalement d’une baisse des recettes fiscales » de 24,3 milliards d’euros. Le problème auquel nous faisons face résulte donc de la baisse des impôts, non d’une quelconque hausse des dépenses. C’est une première raison pour laquelle il aurait fallu déposer, non ce PLFG, mais un PLFR, un projet de loi de finances rectificative, qui aurait permis d’envisager la création de recettes supplémentaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Cela nous a été refusé, tout comme les groupes gouvernementaux viennent de refuser un PLF pour 2025 qui aurait justement résolu ce problème. Leurs membres ont parlé d’un matraquage fiscal inacceptable mais, depuis 2017, la seule chose qu’on matraque, ce sont les services publics. Les seuls qu’on taxe sont ceux qui ne peuvent échapper à la mondialisation et doivent payer la TVA, cette même TVA que des sénateurs de droite imaginent de faire passer de 20 à 22 %. À l’inverse, ils trouvent acceptable de taxer de moins en moins ceux qui possèdent de plus en plus de milliards assoupis dans des comptes en banque.
Ce budget que vous avez refusé prévoyait pourtant des dizaines de milliards de recettes supplémentaires pour financer nos services publics. Dans l’exposé des motifs de son dernier amendement au PLF pour 2025, relatif à l’article d’équilibre, le gouvernement ne concluait-il pas qu’« [à] l’issue de la première partie du budget à l’Assemblée nationale, le solde budgétaire de l’État est porté à – 85,1 milliards d’euros, en amélioration de + 57 milliards d’euros par rapport au texte déposé » ? (M. Aurélien Le Coq applaudit.)
Par ces mots, le gouvernement, en la personne du ministre du budget, a admis en des termes techniques ce qu’il ne dira jamais à voix haute : une majorité de députés, sous l’impulsion du NFP, s’est montrée plus capable que ce gouvernement de réduire le déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.)
Mais certains osent encore dire que le compte n’y est pas ! Il y a de l’argent à aller chercher, on peut donc trouver des moyens supplémentaires pour les services publics. Pourtant on nous présente, un mois avant la fin de l’année, des coupes supplémentaires, qui affectent les mêmes secteurs que ceux auxquels vous réservez vos principales attaques en 2025 : l’aide publique au développement, amputée de 17,2 % ; le sport et les associations, de 11,3 % ; l’écologie, de 10,7 %. Citons également l’enseignement scolaire, que vous privez de 820 millions d’euros en 2024, ainsi que les 400 millions d’euros que vous ôtez aux transports et les 50 millions d’euros en moins pour l’audiovisuel public. Comme si la bifurcation écologique ne dépendait pas de nos mobilités ! Comme si, face aux fantassins de Bolloré, nous pouvions nous permettre d’affaiblir Radio France et France Télévisions !
Monsieur le ministre, vous prétendez auprès de qui veut encore l’entendre que tout ceci est nécessaire et indispensable. Mais en touchant aux dépenses, vous touchez aux besoins. La nécessité apparaît là où l’on daigne la voir. Nous créons chaque année 3 000 milliards d’euros supplémentaires. Jamais on n’a produit autant de richesse ! Mais en septembre, 2 000 enfants vivaient dans la rue, sans soins, sans éducation, sans foyer. Or avoir un toit, être soigné, aller à l’école plutôt que de geler dans la rue, n’est-ce pas nécessaire, n’est-ce pas indispensable ?
Vous tentez d’inquiéter qui vous écoute encore en affirmant que sans diminuer ses dépenses, l’État n’aura pas les moyens de protéger notre pays face aux crises à venir, alors même que l’inaction climatique entraînerait dans cinquante ans une diminution de 10 % du PIB chaque année, selon l’Ademe, l’Agence de la transition écologique. Aucune économie n’y survivrait. Alors agir, investir, comme le prévoyait le budget coconstruit par les groupes du NFP, limiter le désastre, n’est-ce pas nécessaire, n’est-ce pas indispensable ?
En plus de n’être ni nécessaire ni indispensable, la politique que vous voulez imposer est récessive. Comme l’indique l’OFCE, vos coupes ralentiraient l’économie de près de 30 milliards d’euros en 2025. Cette austérité nuirait à l’emploi et au pouvoir d’achat.
Il existe d’autres solutions, prévues dans le budget amendé dans cette assemblée par le NFP. Taxer les bénéfices des multinationales rapporterait plus de 43 milliards d’euros supplémentaires pour financer les dépenses nécessaires ; taxer exceptionnellement les dividendes du CAC40, 6 milliards ; taxer de 2 % seulement le patrimoine des milliardaires, 13 milliards. Mais tous ceux que ces mesures concernent les trouvent inacceptables et veulent faire croire qu’elles concernent tout le monde, alors même que taxer les riches, ce n’est pas taxer tout le monde : c’est seulement taxer les riches. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.)
Nos solutions résolvaient mieux que les vôtres le problème que pose le déficit public. Grâce à elles, nous aurions pu économiser des milliards et les investir dans la bifurcation écologique ; mais vous avez refusé ce budget socialement et écologiquement responsable.
La logique qui préside à ce PLFG est exactement identique. Vous persistez dans la déraison. Je voterai donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ? Vous nous présentez aujourd’hui un énième plan d’austérité.
Mme Marie-Christine Dalloz
Oh ! Les mots sont forts…
M. Aurélien Le Coq
Que Macron plonge la France dans le chaos budgétaire, cela ne vous a pas suffi ? Maintenir 11 millions de personnes dans la pauvreté, cela ne vous a pas suffi ? Fermer plus de 25 000 lits d’hôpital, au point que des gens meurent aujourd’hui sur les brancards aux urgences, cela ne vous a pas suffi ? Une mobilisation des agriculteurs, cela ne vous a pas suffi ? Il vous en faut une seconde ?
Perdre votre majorité absolue en 2022, cela ne vous a pas suffi ? Perdre les élections européennes, cela ne vous a pas suffi ? Perdre les élections législatives de cette année, cela ne vous a pas suffi ? Visiblement, non. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Si vous aviez voulu tout faire pour que le peuple vous déteste, vous ne vous y seriez pas pris pas autrement ! Cela, vous l’avez réussi.
M. Jean-Paul Mattei
Quel rapport ?
M. Aurélien Le Coq
On se demande toujours si le fanatisme avec lequel vous tondez la laine sur le dos des Français est le fruit d’une incompétence exceptionnelle ou s’il procède d’un choix assumé : celui de faire souffrir les plus pauvres pour gaver les riches. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Venons-en à ce PLFG, et d’abord à sa forme : il constitue une nouvelle attaque contre notre démocratie. Macron a imposé sans vote et à coups de 49.3 les deux précédents budgets. Macron a décidé,…
M. Éric Woerth
On dit M. Macron !
M. Aurélien Le Coq
…sans vote, en début d’année, de couper 10 milliards de dépenses. Macron a décidé, toujours sans vote, de geler 16,5 milliards en cours d’année.
Vous nous proposez à présent un projet qui prévoit de sabrer encore dans les dépenses sans qu’il soit possible de toucher aux recettes. Si vous aviez eu un peu de courage, vous ne nous auriez pas présenté un PLFG mais un PLFR. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Charles Sitzenstuhl
C’est vrai !
M. Aurélien Le Coq
Mais peut-être avez-vous peur, monsieur le ministre, que le Parlement démontre qu’une autre politique est possible, comme il l’a fait lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 ? Quand on a peur du Parlement, on s’en va ! (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Le problème, ce ne sont pas les dépenses mais les recettes. Vous pouvez bien répéter vos mensonges en boucle : personne n’y croit, pas même vous !
M. Benjamin Dirx
Restez correct !
M. Aurélien Le Coq
Je vous rafraîchis un peu la mémoire : « Par rapport à la loi […] de finances pour 2024, cette dégradation résulte principalement d’une baisse des recettes fiscales […]. » Qui a écrit cela ? C’est vous, monsieur le ministre, dans l’exposé des motifs de l’article 3 de votre PLFG, ce texte que l’on étudie aujourd’hui et qui nous apprend qu’au sein du déficit abyssal de 6,1 % que vous avez creusé, la part du déficit structurel s’élève à 5,7 %.
Que veut dire le terme « structurel » ? Êtes-vous ministre du budget ou votre seule fonction est-elle de vous livrer à des numéros de claquettes pour gagner du temps avant la chute de votre gouvernement ? (Murmures.) Contrairement à ce que vous avez essayé de nous faire croire, le trou béant dans notre budget n’est ni accidentel ni conjoncturel, dû à la volatilité de notre économie, comme vous venez de le prétendre. Il est structurel ! Un déficit structurel résulte de la différence entre les recettes et les dépenses. Il n’est pas dû au fait qu’on dépense trop mais qu’on ne perçoit pas assez d’impôts, parce que depuis sept ans, vous avez déversé l’argent, par dizaines de milliards, dans les comptes en banque des plus riches. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est vous, dans votre propre texte.
M. Daniel Labaronne
Et les emplois créés ?
M. Aurélien Le Coq
La Macronie ce n’est plus le « en même temps », c’est devenu la schizophrénie budgétaire. Vous écrivez vous-mêmes que le problème est dû à l’insuffisance des recettes. Conclusion ? Vous coupez dans les dépenses !
D’où vient ce problème ? Du fait que vous avez vidé les caisses ! Aujourd’hui encore, vous voulez faire payer aux Français l’argent que vous avez offert aux grandes entreprises et aux ultrariches. Je sais qu’en Macronie, on a du mal avec l’économie,…
M. Éric Woerth
En Mélenchonie aussi !
M. Aurélien Le Coq
…qu’on a besoin de pédagogie, comme vous dites. Je vais donc essayer de vous expliquer. N’hésitez pas à vous munir d’un stylo et d’une feuille : vous allez apprendre des choses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous créez des niches fiscales : 465 à ce jour. Une niche fiscale est un moyen de payer moins d’impôts. Vous diminuez, par exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises présentant telle ou telle caractéristique. Et là, ô surprise : les recettes de cet impôt diminuent de 14,4 milliards ! C’est curieux. Vous devriez comprendre que si vous faites payer moins d’impôts aux grandes entreprises, à la fin, il y a moins d’argent.
M. Daniel Labaronne
Mais non !
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est l’économie pour les nuls !
Mme Eliane Kremer
Vous avez loupé quelques cours d’économie !
M. Aurélien Le Coq
Cette notion est-elle comprise ? Attention, accrochez-vous, la difficulté augmente un peu ! Après les recettes de l’impôt sur les sociétés, ce sont celles de la TVA qui ont été surestimées. C’est bizarre !
M. Charles Sitzenstuhl
On n’y a pas touché !
M. Aurélien Le Coq
Quelqu’un a-t-il une explication ? Personne ? Je vous la donne, puisque vous en êtes incapables.
M. Erwan Balanant
Monsieur le président, faites arrêter ce spectacle !
M. Aurélien Le Coq
La TVA est payée par tous les Français. Quand la paient-ils ? Quand ils consomment ! Donc, si les recettes de la TVA sont moindres que prévu, c’est que la consommation est moindre que prévu. Et pourquoi, à votre avis, les Français consomment-ils moins que prévu ?
M. Daniel Labaronne
Pour financer l’investissement !
M. Aurélien Le Coq
Parce qu’ils sont pauvres ! Parce que vous les avez appauvris ! Voilà le résultat de vos politiques d’austérité et de vos saignées à répétition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les Français ne mangent plus à leur faim, ils n’arrivent plus à faire leurs courses, à remplir leurs frigos. Vous avez la réalité sous les yeux.
Pourtant, vous vous apprêtez à recommencer. Ce que vous nous proposez est une honte, un nouveau vol, un nouveau braquage. Vous voulez imposer aux enseignants, aux agriculteurs, aux étudiants, aux salariés, aux clubs de sports, à la justice, à l’écologie de payer les cadeaux fiscaux que vous avez faits aux grandes entreprises.
M. Gérault Verny
Quel rapport ?
M. Aurélien Le Coq
Ce projet de loi prévoit de diminuer les dépenses de l’État de 6,5 milliards pour augmenter de 7,7 milliards le budget alloué aux cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises : c’est ce que vous nommez « remboursements et dégrèvements ». Vous prenez aux plus pauvres pour donner aux plus riches. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La réalité, c’est qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours, qu’un agriculteur sur quatre est pauvre.
Et alors que vous continuez à tuer l’agriculture française avec le Mercosur, vous décidez de supprimer, ici, 147 millions d’euros du budget de l’agriculture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez inventé un nouveau circuit court : prendre directement l’argent dans les poches des agriculteurs pour le mettre dans les poches des multinationales.
Ce n’est pas tout : 60 000 entreprises ont mis la clé sous la porte depuis le début de l’année ; les plans sociaux se multiplient partout ; des multinationales que vous avez gavées d’argent public délocalisent ; et, plutôt que d’investir dans l’industrie française, vous faites encore des cadeaux aux actionnaires. Auchan, Sanofi, Michelin, cela ne vous a pas suffi : vous décidez de supprimer 1,2 milliard d’euros du plan d’investissement France 2030, plutôt que d’utiliser cet argent pour sauvegarder notre industrie.
Les inondations et les conséquences du dérèglement climatique se multiplient en Europe : 338 millions d’euros sont pris sur le budget de l’écologie pour financer les cadeaux aux plus riches.
Les inégalités ne cessent d’exploser ? Quelque 330 000 Français dorment dans la rue…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
C’est le cas de 2 043 enfants !
M. Aurélien Le Coq
…et 2 000 en meurent chaque année.
M. Éric Woerth
Dites-nous, quelque chose va bien ou pas ?
M. Aurélien Le Coq
Eh bien, vous coupez 245 millions d’euros dans l’accès au logement et privez de 685 millions la cohésion des territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans nos écoles, nos élèves manquent d’enseignants, étudient dans des classes surchargées.
M. Éric Woerth
Soignez donc votre dépression !
M. Aurélien Le Coq
Supprimer 4 000 postes l’année prochaine ne vous suffit pas : vous supprimez 478 millions d’euros en cette fin d’année 2024. Dans les universités, les étudiants font la queue pour recevoir des denrées alimentaires, sont assis par terre sur les marches de leurs amphis : 317 millions d’euros de moins.
Près de 6 millions de chômeurs et les plans de licenciement qui se multiplient : 285 millions d’euros en moins pour le travail et pour l’emploi.
Les Jeux olympiques ont été une réussite… (« Ah ! » sur de nombreux bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Erwan Balanant
Vous ne les vouliez pourtant pas, vous étiez contre !
M. Jean-Yves Bony
Vous aviez prédit pourtant qu’ils seraient catastrophiques !
M. Aurélien Le Coq
Oui, une réussite, mais des centaines de milliers de jeunes Français veulent rejoindre des clubs de sport et partout il manque des places, des infrastructures, des éducateurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Or vous supprimez 28 millions d’euros pour le sport et la jeunesse. Etc., etc.
Ce gouvernement n’est pas le gouvernement du peuple, il est le gouvernement des banquiers et des ultrariches. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Exactement !
Mme Eliane Kremer
Toujours la même rengaine !
M. Aurélien Le Coq
Il préfère engraisser toujours plus les actionnaires et les multinationales plutôt que de défendre les Français.
Et pourtant – le président Coquerel vous l’a rappelé –, de l’argent, il y en a.
M. Philippe Gosselin
Oui, c’est ça, partout !
M. Aurélien Le Coq
Il y en a même énormément. Je rappelle quelques chiffres : 70 milliards d’euros de cadeaux fiscaux, 90 milliards par an d’exonération de cotisations sociales, 200 milliards de cadeaux aux grandes entreprises,…
M. Philippe Gosselin
Oui, des cadeaux partout !
M. Aurélien Le Coq
…tout ça pour distribuer 107 milliards d’euros de dividendes par an, somme en grande partie récupérée par les 500 familles les plus riches qui possèdent déjà 1 228 milliards d’euros de patrimoine.
Oui,…
M. Benjamin Dirx
Arrêtez avec vos « oui » !
M. Aurélien Le Coq
…un autre budget est possible, et le Nouveau Front populaire vous en a fait la démonstration. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous vous avions trouvé 75 milliards d’euros, prélevés uniquement sur les plus riches. Et qu’avez-vous fait ? Vous les avez rejetés avec l’aide de vos larbins du Rassemblement national, toujours là pour venir au secours de la Macronie en lambeaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP. – Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Jean-Yves Bony
Risible !
M. Aurélien Le Coq
Vous préférez la protection des privilégiés aux intérêts du peuple et vous en payerez les conséquences.
Mais je vous alerte. Bruno Le Maire devra bientôt se présenter devant une commission d’enquête…
M. Éric Woerth
Vous aimez ça, hein ?
M. Aurélien Le Coq
…pour avoir vidé les caisses de l’État et menti sur les comptes publics. Et, monsieur le ministre, vous le rejoindrez bientôt au banc de ceux qui ont sabordé nos finances.
M. Ugo Bernalicis
Le gouvernement sera censuré d’ici là !
M. Aurélien Le Coq
Vos politiques usent des mêmes méthodes, elles auront donc les mêmes effets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Votre politique n’aura que deux conséquences : le franchissement d’un nouveau seuil dans l’explosion de la pauvreté et la création d’un déficit abyssal. Heureusement pour les Français, votre gouvernement illégitime ne passera pas l’hiver.
M. Ugo Bernalicis
Voilà !
M. Philippe Gosselin
On ne peut pas expulser pendant l’hiver ! (Sourires sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Aurélien Le Coq
Sinon, et nous le savons bien, vous nous imposerez une nouvelle saignée dans quelques semaines ou quelques mois. En effet, vous annoncez pour l’année prochaine une croissance de 1,1 % du PIB, alors même que tous les organismes vous disent, comme ils l’avaient déjà fait dès septembre 2023,…
M. Éric Woerth
Il ne vous reste plus que deux minutes de temps de parole !
M. Aurélien Le Coq
…qu’avec 60 milliards d’euros d’effort budgétaire – c’est joliment dit –, auxquels il faut ajouter les 6,5 milliards de ce projet de loi, vous n’atteindrez jamais cet objectif. C’est même l’OFCE, une bande de gauchistes bien connue, qui annonce que vos plans d’austérité diviseront par deux la croissance.
Reprenons la pédagogie : moins de croissance entraîne moins de richesse ; moins de richesse entraîne moins d’impôts ; moins d’impôts entraînent moins de recettes – et revoilà le déficit qui se creuse.
M. Daniel Labaronne
Et la ponction fiscale que vous proposez, elle entraîne quoi ? Moins de croissance !
M. Aurélien Le Coq
Vous ne pouvez l’ignorer : vous mettez la France en danger. Il est donc temps que l’Assemblée nationale arrête net cette folie, ce naufrage, puisque vous vous apprêtez une fois de plus à voler tous les Français pour remplir encore les poches des actionnaires.
M. Daniel Labaronne
N’importe quoi !
M. Aurélien Le Coq
Chers collègues, je vous le dis : arrêtons-les tout de suite ! Ne les laissons pas faire un mètre de plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Rejetons ce nouveau plan d’austérité ! Et si jamais la mauvaise idée leur venait de vouloir revenir ici avec un 49.3,…
M. Jean-Paul Mattei
Mais sur quel texte ?
M. Aurélien Le Coq
…alors, dégageons-les ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont la plupart des députés se lèvent pour applaudir.)
M. le président
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les questions pertinentes que j’ai entendues sont celles du rapporteur général.
Mme Sophia Chikirou
Gardez votre mépris pour vous !
M. Daniel Labaronne
Oh !
Mme Véronique Louwagie
Insupportable !
Mme Sophia Chikirou
Vous aussi, vous êtes insupportables !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vais donc commencer par y répondre afin d’éclairer la représentation nationale.
Vous vous interrogez à juste raison, monsieur le rapporteur général, sur les recettes supplémentaires prévues au titre de la TICFE. Elles s’expliquent par la hausse de cette taxe, décidée en février dernier, qui a permis un retour partiel à la situation d’avant la crise, et par la baisse des prix de l’énergie, elle-même supérieure aux prévisions.
En ce qui concerne les Jeux olympiques, vous évoquez un surcoût de 1,6 milliard d’euros. Il s’agit du montant global. Les sommes entrées sous gestion des ministères, si vous me passez l’expression, font l’objet d’ouvertures de crédits additionnels à hauteur de 0,6 milliard d’euros, tandis que le milliard d’euros restant constitue l’enveloppe des ministères des armées et de l’intérieur et permettra le règlement des primes évoqué dans ma présentation.
Par ailleurs, 7,1 milliards d’euros sont prévus au titre de la mission Remboursements et dégrèvements pour l’impôt sur les sociétés. L’évolution des bénéfices, vous l’avez noté, reste faible. En revanche, leur forte dispersion a créé des différences de remboursement liées à des excédents d’acompte qui expliquent cette importante hausse de 7,1 milliards d’euros. Pour ce qui est de la TVA, compte tenu du fait que nous anticipons une baisse des recettes de 11 milliards d’euros, un calcul au prorata donne bien 4,6 milliards de remboursements et dégrèvements de TVA en moins, soit une exécution plus faible que prévu.
Des difficultés concernant les déclarations d’impôts locaux, principalement dues à la mise en place du service Gérer mes biens immobiliers (GMBI), ont entraîné une hausse de 0,8 milliard d’euros. Avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), nous sommes attentifs à la résolution de ces difficultés afin qu’elles ne se reproduisent pas l’année prochaine. J’ai en discuté avec l’administration cette semaine encore.
Monsieur le député Le Coq, je crois que vous n’avez pas compris le sens du texte. J’ai écouté votre cours d’économie, et il aurait été bon qu’il soit en phase avec l’essence du projet de loi. Si je comprends bien votre motion de rejet préalable, vous ne voulez pas ouvrir de crédits pour aider la Nouvelle-Calédonie, les forces de sécurité… bref, pour aider la collectivité. Si je vous comprends bien, vous ne voulez pas financer les primes pour les fonctionnaires du ministère des armées et du ministre de l’intérieur.
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui ! C’est exactement ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Plus grave, si je suis votre propos, vous voulez rejeter un texte qui permet tout simplement de payer les fonctionnaires au mois de décembre.
La prochaine fois que vous nous donnez un cours, aussi faux soit-il, par ailleurs, sur le fond, essayez au moins de faire en sorte, j’y insiste, qu’il ait un lien avec le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette (Dem)
À l’occasion des dernières élections législatives, les Français nous ont appelés à trouver des compromis, à dialoguer, à dépasser nos différences, afin de répondre concrètement à leurs attentes. Pourtant, sur un texte budgétaire ne comportant aucune mesure fiscale et sur lequel nous étions parvenus à trouver, l’année dernière, la voie du compromis, le groupe LFI veut à nouveau nous priver de débat. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP)
M. Nicolas Sansu
Mais qu’est-ce qu’ils sont méchants !
Mme Sophie Mette
Il faudra d’ailleurs nous expliquer pourquoi vous avez retiré votre motion de rejet préalable du PLF pour 2025, alors que vous en maintenez une sur le présent texte dont la portée est beaucoup plus limitée, puisqu’il s’attache seulement à ajuster les crédits définis dans la loi de finances initiale en fonction des aléas de l’année en cours.
Je ne vois dès lors qu’une explication à cette énième motion de rejet : la majorité de nos collègues veulent discuter, proposer et construire, alors que vous, collègues de La France insoumise, vous voulez toujours plus conflictualiser, diviser et bloquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Benjamin Dirx applaudit également.)
M. René Pilato
Et vous, vous voulez discuter pour rien !
Mme Sophie Mette
Parce que nous refusons que le débat nous soit une nouvelle fois confisqué, nous voterons contre la motion de rejet, ce qui nous permettra, dans quelques minutes, de discuter d’un texte grâce auquel financer les dépenses nécessaires, pour la fin de l’année 2024, en s’assurant de ne pas creuser plus encore le déficit public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Violette Spillebout applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard (HOR)
Chaque jour qui passe nous prouve que les calculs politiques de certains n’ont pas de limites.
M. Nicolas Sansu
Élément de langage !
Mme Félicie Gérard
Vous nous proposez, collègues de La France insoumise, de rejeter un texte de fin de gestion, qui n’est donc pas la traduction d’un positionnement politique du gouvernement ni celle d’un choix budgétaire, mais la simple régulation de fin d’année, destinée à ajuster le budget aux événements survenus depuis janvier.
Vous faites d’un texte technique un cheval de bataille politique. Rejeter ce projet de loi, c’est priver les fonctionnaires, parmi lesquels les gendarmes et les militaires, de primes et de traitements que l’État leur doit, c’est nier les ajustements qui permettent de financer les aides urgentes à la Nouvelle-Calédonie. (Bruit de conversations.)
Pire, vous voulez empêcher le débat parlementaire. Soyons clairs : cette motion n’est qu’un geste politique,…
M. Nicolas Sansu
En effet, nous faisons, nous, de la politique !
Mme Félicie Gérard
…un de ces coups d’éclat du groupe LFI-NFP pour rejeter systématiquement, aveuglément, tout ce qui ne correspond pas à son idéologie. Cette motion ne propose ni ne résout rien. Fidèles à vos habitudes, vous préférez les postures aux solutions concrètes. (Brouhaha crescendo.) Nous sommes ici pour agir avec sérieux et responsabilité. Cette motion n’est pas à la hauteur des enjeux des finances publiques et n’est qu’une manœuvre politicienne, c’est pourquoi nous voterons résolument contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
Le brouhaha pourrait-il cesser, s’il vous plaît ?
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LIOT)
Nous ne soutiendrons pas la motion de rejet préalable. Nous devons pouvoir débattre d’un texte budgétaire comme de tout autre. Nous sommes ici au cœur même de la vie démocratique, laquelle repose sur la confrontation des idées, qui précède le vote des textes qui nous sont soumis. Rejeter a priori un texte, quel qu’il soit, revient, volens nolens, à restreindre le droit fondamental de notre assemblée à débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel (GDR)
C’est tout de même un comble que de reprocher à des députés de vouloir faire de la politique !
M. Erwan Balanant
C’est un texte de gestion !
M. Emmanuel Maurel
On avance qu’il s’agit d’un texte technique,…
M. Jean-Paul Mattei
C’est la loi !
M. Emmanuel Maurel
…mais ce n’est pas seulement un texte technique. J’en veux pour preuve ce qu’a dit M. le ministre – que, parfois, je plains tant il est contraint à des contorsions sans doute douloureuses. Vous l’avez dit vous-même : il est ici question d’un texte de bonne gestion.
M. Jean-Paul Mattei
Eh oui !
M. Emmanuel Maurel
Eh bien, nous avons un avis sur votre bonne gestion, qui n’est certes pas le même que celui de l’ex-majorité du macronisme déclinant.
Il a été question de cours, de pédagogie. Or ce texte est un cas d’école qui sera enseigné dans les manuels de finances publiques comme l’exemple à surtout ne pas suivre.
Mme Sophia Chikirou
Très juste !
M. Emmanuel Maurel
D’abord, en effet, vous nous demandez de valider une pure insincérité budgétaire,…
M. Louis Boyard
Certains mériteraient d’être condamnés pour ça !
M. Emmanuel Maurel
…c’est-à-dire un accroissement stupéfiant de l’écart entre les prévisions et les réalisations.
Il y a aussi un problème démocratique sur lequel j’insiste. Le 16 juillet, l’ancien ministre chargé des comptes publics, présent parmi nous, annonçait un gel des crédits supplémentaires ; le même jour, le gouvernement de Gabriel Attal démissionnait, neuf jours après la défaite de la majorité aux élections législatives. C’est-à-dire qu’au moment où le peuple refusait votre politique, vous avez décidé de geler des milliards de crédits et d’affaiblir les politiques publiques.
Il y a un deuxième problème, qui n’est pas non plus d’ordre technique. L’enquête de la commission des finances nous dira ce qu’il en est, mais, si vous aviez suivi les conseils de certains hauts fonctionnaires vous alertant au sujet du dérapage, nous aurions pu discuter de la création de recettes dans un projet de loi de finances rectificative. Or vous l’avez empêché.
Évidemment, nous voterons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Le gouvernement a imposé le PLF pour 2024 par 49.3 ; les prévisions de croissance et de recettes fiscales se sont révélées complètement fausses et, lorsque les aides d’État se sont asséchées, la vérité est apparue. Il est important de prendre connaissance des dérapages et d’en identifier les causes.
L’examen du PLFG fera apparaître la vérité : l’économie est exsangue, les entreprises et contribuables sont écrasés par la pression fiscale, par conséquent, ils ne consomment et n’investissent plus.
Nous voulons la lumière et non l’obscurité : l’UDR ne votera donc pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Fouquart.
M. Emmanuel Fouquart (RN)
La motion de rejet préalable déposée par La France insoumise veut nous empêcher d’examiner le PLFG pour 2024. Or la situation financière exige de revenir sur la nécessité et l’utilité de chaque poste de dépense publique ; seul l’examen approfondi du PLFG le permet.
Rejeter ce texte empêcherait, par exemple, la hausse des crédits nécessaires au règlement des heures supplémentaires réalisées par les forces de l’ordre pendant les Jeux olympiques ou l’étude de pistes d’économies immédiates.
À mesure que le déficit et la dette publique explosent, il semble plus pertinent de parler, non pas d’un projet de loi de fin de gestion, mais de projet de loi de gestion de la fin, fin des finances publiques saines, fin de l’équilibre budgétaire annuel ou fin de la confiance des marchés financiers dans notre solvabilité.
Cela étant, devons-nous adopter une attitude fataliste face au naufrage des finances publiques ? Non ! Le redressement budgétaire de la France est encore possible, moyennant d’audacieuses réformes structurelles, à commencer par la refonte des opérateurs publics.
Le PLF pour 2025 dénombre 434 opérateurs de l’État, qui bénéficient d’un financement public à hauteur de 77 milliards d’euros et rémunèrent 400 000 emplois sous plafond. Si toutes les agences ne sont pas à supprimer, nul ici n’est aveugle à l’hypertrophie administrative qui coûte chaque année plus de 80 milliards d’euros à la France.
Par le rejet du PLFG, toute tentative de sauver nos finances publiques avorterait. Ayons dès lors l’audace de débattre du texte et d’entreprendre, au-delà des solutions simplistes, des réformes structurelles pour lesquelles les générations futures nous seront reconnaissantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel (EPR)
Collègues de La France insoumise, au-delà des murs de notre enceinte, il y a un monde réel, qui attend de nous autre chose que des propos d’estrade.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Vous ne connaissez rien au monde réel !
M. David Amiel
Si cette motion de rejet préalable est adoptée, nous empêchant d’amender ce PLFG, nous ne disposerons pas des moyens pour payer les forces de l’ordre, alors qu’elles se sont tant mobilisées pendant les Jeux olympiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Elles remercieront La France insoumise !
Nous ne disposerons pas des moyens nécessaires pour les habitants de la Nouvelle-Calédonie, frappée par une crise économique sans précédent ; eux aussi remercieront La France insoumise.
Nous ne disposerons pas des moyens requis par les personnels de l’éducation ; eux aussi remercieront La France insoumise.
Nous ne disposerons pas non plus des moyens tant attendus pour soutenir l’Ukraine. Peut-être s’agit-il là d’un choix politique de La France insoumise ? Le même qui les a conduits faire adopter l’amendement du Rassemblement national coupant dans les crédits alloués à l’Union européenne ?
M. Rodrigo Arenas
Mais quelle indécence !
M. David Amiel
Le PLFG peut être amélioré, à condition d’en discuter et de l’amender. Cela avait été rendu possible les précédentes années, notamment par des amendements défendus par la gauche, en particulier le PS. Cela avait permis de l’adopter.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Aucun rapport !
M. David Amiel
Alors que les urgences sont encore plus grandes cette année, alors que les Français exigent de nous un dialogue et des compromis, il n’y a aucune raison pour que la gauche républicaine fasse le contraire de ce qu’elle avait réussi à faire les années précédentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. René Pilato
Personne ne vous écoute ! Vous racontez n’importe quoi !
M. David Amiel
J’attends des socialistes qu’ils travaillent avec nous, comme ils l’ont fait l’année dernière, afin de répondre aux urgences des Français.
Il ne s’agit pas d’afficher des postures idéologiques, comme à l’occasion du débat du PLF, mais tout simplement de répondre à un certain nombre d’urgences économiques et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP)
Je trouve savoureux que les champions du 49.3 nous reprochent de refuser le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), d’autant plus que les mêmes ont été totalement absents lors des débats budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Hadrien Clouet
Deux-zéro !
Mme Mathilde Feld
On nous parle d’aléas, mais que pèsent-ils face aux erreurs grossières, aux mensonges, aux surestimations de recettes et aux sous-estimations de dépenses dont nous vous parlons ? Le bilan est catastrophique. Nous sommes évidemment pour cette motion de rejet préalable.
Il est aussi savoureux de constater que vous avez attendu un PLFG pour décider comment payer les fonctionnaires.
M. Jean-Yves Bony
Mais non !
Mme Mathilde Feld
Ils seront ravis de l’apprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Pour notre part, nous nous félicitons des débats que nous avons eus en commission et qui ont conduit au rejet du PLFG.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est n’importe quoi ! Ça ne veut rien dire, ce que vous dites !
Mme Mathilde Feld
Nous continuerons dans cette voie en votant cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
Je n’ai rien compris…
M. Sylvain Maillard
On fait quoi pour la Nouvelle-Calédonie alors ? Rien ?
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun (SOC)
En 2022, comme en 2023, les socialistes se sont abstenus lors du vote du PLFG, considérant que les moyens d’une discussion ouverte avec le gouvernement avaient été trouvés. Ce faisant, notre assemblée avait abouti à un consensus républicain, et ce texte technique, de fin de gestion, avait pu être adopté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mais le passé est le passé. En 2024, le gouvernement s’est rendu coupable d’une faute de gestion historique – du jamais vu depuis 1945 ! On nous demande d’avaliser un trou de 50 milliards d’euros. Par ce PLFG, le gouvernement nous demande de lui donner quitus pour sa mauvaise gestion.
Mme Brigitte Liso
Minus !
M. Philippe Brun
En raison même de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), telle qu’elle a été révisée par la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, dont Laurent Saint-Martin a été rapporteur, nous n’avons pas pu débattre des recettes qu’aurait créées un projet de loi de finances rectificative.
Le PLFG autorise une coupe d’1,8 milliard d’euros dans le budget alloué aux aides de la politique agricole commune (PAC) destinées aux agriculteurs, ceux-là mêmes qui manifestent en ce moment devant les préfectures.
Il autorise aussi une coupe de 802 millions dans le budget de la défense, de 478 millions dans le budget de l’enseignement scolaire, de 1,2 milliard pour Investir pour la France de 2030, de 113 millions dans l’administration territoriale de l’État, de 338 millions dans le budget de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
De tout cela, nous ne pourrons débattre efficacement, car nous ne pourrons pas discuter des recettes. À quoi bon alors continuer ? Ce texte doit être rejeté. Faisons-le dès maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie (DR)
Monsieur Le Coq, votre intervention m’inspire quatre remarques.
Premièrement, LFI dépose de manière générale une motion de rejet sur chaque texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sylvain Maillard
Vous n’aimez pas le débat !
M. Ugo Bernalicis
C’est parce que vous ne déposez que des mauvais textes !
Mme Véronique Louwagie
Deuxièmement, vous ne vous rendez pas compte de ce qu’implique un PLFG. En fin d’année, nous avons des ajustements de crédits à réaliser, en l’occurrence en ouvrant notamment des crédits pour la Nouvelle-Calédonie, pour les Opex, pour l’allocation aux adultes handicapés. Vous refusez de le faire.
Troisièmement, vous avez présenté vos propres hypothèses relatives à l’inflation et à la croissance, mais vous omettez de préciser que le HCFP juge réalistes les hypothèses retenues par le gouvernement.
M. Aurélien Le Coq
Non !
Mme Véronique Louwagie
Si, si, monsieur Le Coq. Je vous invite à reprendre l’avis du HCFP, qui juge réalistes et cohérentes les hypothèses retenues par le gouvernement en matière de croissance et d’inflation.
M. Aurélien Le Coq
C’est faux !
Mme Véronique Louwagie
Quatrièmement, vous refusez de reconnaître la situation budgétaire catastrophique de notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Loïc Prud’homme
Mais non, c’est vous !
M. Manuel Bompard
Et vous, alors ?
Mme Véronique Louwagie
Nous devons réagir. Non pas par des hausses d’impôt, comme vous le proposez, mais par des baisses d’impôt, car les impôts pèsent sur les ménages et les entreprises.
M. Ugo Bernalicis
Arrêtez donc vos mantras !
Mme Véronique Louwagie
Vous refusez d’envisager la diminution des dépenses publiques ; or c’est elle qui nous permettra de sortir de la trajectoire de déficit excessif et de la spirale de la dette.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette motion de rejet préalable. Elle précipiterait le pays dans une dérive budgétaire encore plus importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi (EcoS)
Cette motion de rejet préalable est la conséquence de vos choix budgétaires, et surtout démocratiques. En avril, et de nouveau cet automne, vous avez refusé de nous soumettre un projet de loi de finances rectificative et donc la possibilité de créer de nouvelles recettes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez privé nos concitoyens de transparence juste avant les élections européennes.
Ce texte n’est pas un texte technique, ni comptable, mais politique. J’en veux pour preuve les coupes budgétaires proposées : 1,2 milliard d’euros en moins pour Investir pour la France de 2030, 317 millions en moins pour l’enseignement supérieur et la recherche – dont 100 millions pour la recherche spatiale, pourtant déclarée grand enjeu par Emmanuel Macron lors de sa visite à Toulouse en décembre 2023 –, 159 millions retranchés aux collectivités territoriales, 284 millions annulés pour la mission Travail et emploi – sans parler des 250 millions alloués au plan Vélo, rayés d’un trait de plume malgré les 400 collectivités locales qui avaient répondu à l’appel.
Vous affaiblissez les services publics, vous freinez la recherche scientifique et vous reportez à 2025 les priorités adoptées par 49.3 pour 2024.
Votre inaction en réponse aux besoins de la transition écologique, votre casse organisée des services publics et vos cadeaux fiscaux aux plus riches ont conduit le pays dans l’abîme financier. Vous reprenez le témoin et vous continuez à vouloir faire payer les mêmes : les plus précaires.
Ce PLFG n’a donc aucun sens et nous voterons pour la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 392
Nombre de suffrages exprimés 388
Majorité absolue 195
Pour l’adoption 155
Contre 233
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
Les conditions dans lesquelles se déroule ce débat ne peuvent manquer d’étonner, dans cet hémicycle et bien au-delà. L’année dernière, nous avions trouvé un compromis sur un texte de même nature et, cette année, rien ne justifierait qu’il en soit autrement.
Pourtant, le débat en commission a été tronqué et, aujourd’hui en séance, le groupe de La France insoumise s’oppose une fois de plus à une discussion de fond. Le gouvernement s’est malgré tout efforcé, nous le croyons, de répondre aux demandes de révision des dotations budgétaires qui lui ont été adressées.
Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 prévoit 4,2 milliards d’euros d’ajustement de crédits, principalement destinés à couvrir les dépenses imprévues, que le rapporteur général du budget a rappelées. En compensation, il comporte également des annulations nettes de crédits, généralement affectés à la réserve de précaution qui nous permet de contenir le déficit.
Le projet de loi apparaît donc pour ce qu’il est, un outil de fin de gestion permettant de clore l’exercice budgétaire 2024. Il constitue un outil de bonne gestion conçu à partir du constat prévu par la Lolf.
Malheureusement, certains nient ce fait par posture politique. Nous regrettons donc qu’un compromis ne puisse être trouvé, alors que dans les circonstances actuelles, c’est bien notre capacité à abandonner les postures et à dépasser les clivages politiques qui sera jugée : nous devrions faire preuve d’un esprit de responsabilité bien plus grand !
Les inquiétudes légitimes que suscite la détérioration rapide et mal expliquée de nos finances publiques forment la trame de fond du débat budgétaire de cette fin d’année. C’est pourquoi la constitution de la commission des finances en commission d’enquête nous paraît particulièrement opportune : ses travaux, qui débutent dans quelques jours, permettront de faire toute la lumière sur l’aggravation du déficit public, qui porterait notre dette publique à 112,8 % du PIB, ainsi que sur le rôle joué par la baisse de certaines recettes fiscales – estimée à 42 milliards d’euros en 2023 et 2024 –, malgré une croissance robuste et une inflation contenue.
En tant que rapporteur de la mission Relations avec les collectivités territoriales, je me réjouis que ces travaux fassent justice de critiques hâtives adressées aux élus de ces collectivités.
Le groupe Les Démocrates souhaite vivement que la réflexion qui sera ainsi développée contribue à améliorer durablement la fiabilité de nos prévisions macroéconomiques, dont la qualité retrouvée sera le préalable nécessaire au redressement efficace et soutenu de nos finances publiques.
La commission d’enquête est peut-être le meilleur lieu pour aborder ensemble le débat général sur les finances publiques et c’est pourquoi notre groupe abordera ses travaux avec sérieux et constance.
L’objet du projet de loi de finances de fin de gestion est bien plus limité : il s’agit d’autoriser le financement des dépenses nécessaires à la clôture de l’exercice budgétaire, sans aggraver le déficit. Voilà le sens de ce texte, que le groupe Les Démocrates votera sans hésitation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. Éric Martineau
Bravo, excellent !
M. le président
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Comme son nom l’indique, une loi de finances de fin de gestion présente les ajustements de crédits indispensables à la clôture d’un exercice budgétaire. Le PLFG pour 2024 répond donc par des dépenses aussi limitées que possible aux imprévus et aux urgences ; il tire des conséquences et adapte les crédits, pour clore la gestion budgétaire de l’année en cours.
Le texte qui nous est présenté cet après-midi reprend les hypothèses macroéconomiques du PLF pour 2025. La croissance de 2024 est estimée à 1,1 % et le déficit public est attendu à 6,1 %. À la fin de l’année 2024, le déficit budgétaire de l’État devrait s’établir à 163 milliards d’euros, soit à un niveau légèrement meilleur que celui évalué, il y a quelques semaines, par le PLF pour 2025, à 166,6 milliards d’euros.
En revanche, les prévisions de recettes fiscales nettes pour 2024 sont malheureusement révisées à la baisse et abaissées de 24,3 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
Une nouvelle fois, la commission des finances a été le théâtre de l’irresponsabilité budgétaire, et le PLFG a été rejeté. Nous l’avons pourtant rappelé : rejeter ce texte revient à priver les fonctionnaires, les gendarmes et les militaires des primes et des salaires que l’État leur doit, notamment après leur mobilisation dans des contextes particulièrement difficiles. Rejeter ce texte, c’est également affaiblir notre crédibilité économique à l’international et celle que nous reconnaissent nos concitoyens.
Malgré une situation budgétaire très fragile, ce texte est censé permettre un ajustement réfléchi, sur des sujets essentiellement régaliens. Les 4,2 milliards d’euros de crédits supplémentaires que prévoit le PLFG seront d’abord portés au budget du ministère de l’intérieur et des outre-mer, pour soutenir la Nouvelle-Calédonie et pour payer les primes liées aux Jeux olympiques et paralympiques. Ils seront également affectés au budget du ministère des armées, pour le conflit ukrainien, pour les surcoûts liés aux opérations extérieures et pour des missions de renfort en Nouvelle-Calédonie. Enfin, ils abonderont le budget du ministère de l’éducation nationale.
Ces 4,2 milliards d’euros sont intégralement financés par l’annulation des 5,6 milliards d’euros de crédits alloués aux réserves de précaution des différents ministères. Le PLFG soulève néanmoins la question importante de la vision à long terme des finances publiques : si l’ajustement des crédits en fin d’année est compréhensible, il doit être limité au strict nécessaire.
Le PLFG pour 2024 doit enfin intégrer une baisse importante des recettes fiscales, avec le recul de 14,3 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés et la baisse de 3,8 milliards d’euros des recettes de TVA.
En plus de mettre en évidence des fragilités structurelles dans le modèle de recettes de l’État, ce texte nous oblige – et c’est vertueux – à remettre en question la fiabilité de nos prévisions fiscales. Les mesures du texte étant indispensables à la clôture de l’exercice budgétaire en cours, en particulier s’agissant de celles concernant le ministère de l’intérieur et celui des armées, les députés du groupe Horizons & indépendants voteront, avec responsabilité, en faveur du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Nous examinons un texte relevant d’une catégorie relativement nouvelle, puisque le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 est le second de cette nature. Le groupe LIOT est l’un de ceux dont les députés ont demandé la présentation d’un projet de loi de finances rectificative, qui aurait permis de traiter en parallèle les dépenses et les recettes, mais surtout de mieux agir.
Ce que nous retiendrons avant tout est la dégradation continue des finances publiques : le solde structurel des administrations se dégrade considérablement – de 2 points de PIB – entre la loi de finances initiale et le présent PLFG ; au-delà des éléments conjoncturels, la part du déficit structurel continue de progresser, ce qui indique un déséquilibre de fond.
Le déficit budgétaire s’aggrave de 22,7 milliards d’euros et atteindra 6,1 % du PIB, alors qu’il était estimé à 4,4 % par la loi de finances initiale. Le taux d’endettement est marqué par une hausse de 3 points de PIB. L’encours total de la dette négociable de l’État est très important et progresse encore de 150 millions d’euros en un an. Ainsi, la charge de la dette s’aggrave.
Le pays est, de ce fait, exposé à un cycle négatif, l’endettement entraînant l’alourdissement des charges et donc la détérioration successive des choses. Ce problème s’aggraverait encore si les taux d’intérêt augmentaient ou si la note de la dette publique était dégradée. En tout état de cause, c’est une situation instable et inquiétante dont nous dressons le panorama.
Les dépenses sont réduites de 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions établies dans la loi de finances initiale. Le montant des prélèvements obligatoires, dans ce PLFG, est moins important que prévu : si les efforts de redressement des comptes publics s’en trouvent amoindris, la pression fiscale globale s’allège heureusement. Les ménages modestes et les classes moyennes subissent en effet des prélèvements fiscaux de toute nature et très nombreux, mais dont les résultats sur la vie sociale, le bien public ou l’efficacité économique ne sont pas véritablement apparents. Les entreprises sont dans une position moins favorable que celle de leurs concurrentes en Europe et dans le monde. Il conviendrait donc d’améliorer l’efficacité de la dépense publique et de mieux répartir le fardeau fiscal.
Des montages financiers et des délocalisations permettent souvent aux plus aisés et aux grands groupes d’alléger leurs charges. L’économie strictement financière, quant à elle, bénéficie à plein des résultats d’une activité spéculative que nous déplorons.
Le groupe LIOT est opposé à la réduction de 51 millions d’euros des crédits affectés à l’audiovisuel public, qui compromet sa capacité à remplir sa mission de service public et menace son indépendance. Ces coupes surviennent alors que l’Assemblée sera saisie sous peu et, encore une fois en urgence, d’une proposition de loi organique visant à asseoir le financement de ce secteur sur une fraction de TVA et donc à le priver de ressources stables.
Nous déplorons également les annulations de crédits qui faussent les débats budgétaires, notamment de ceux dédiés à l’aide au développement ou de ceux alloués au programme France 2030 et aux relations avec les collectivités territoriales, même si nous nous réjouissons du niveau des fonds alloués à la Nouvelle-Calédonie.
La sous-consommation de crédits alloués à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales pose question au moment où nos agriculteurs, en souffrance, se mobilisent une fois de plus contre des politiques agricoles mortifères.
En tant que député de la Corse, je me réjouis de la revalorisation de l’enveloppe de continuité territoriale, injustement figée depuis 2009. Celle-ci vise à compenser une partie du coût de l’insularité pour les habitants et les marchandises et à atténuer partiellement les distorsions de concurrence que subissent les entreprises corses par rapport à celles du continent. Cette enveloppe n’a rien d’une libéralité à l’égard des Corses, mais constitue une mesure minimale en faveur des habitants d’une île où, faut-il le rappeler, emprunter un avion ou un bateau n’est pas un luxe réservé aux riches mais une nécessité. Est-il normal que nous ayons à plaider chaque année pour cette revalorisation ? Non. Il convient donc d’instaurer une indexation systématique de l’enveloppe sur l’inflation, demande que nous formulons en vain depuis des années et que je renouvelle ici une fois encore.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires attend une gestion budgétaire conséquente et qui contribue à la soutenabilité des finances publiques. C’est objectivement difficile, mais c’est indispensable.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
À M. Saint-Martin qui nous demandait si nous avions bien compris la nature de ce texte, je réponds que j’y vois un véritable condensé des mauvaises pratiques budgétaires du macronisme défait.
M. David Amiel
Vous avez déjà utilisé cette expression !
M. Emmanuel Maurel
Oui. Sachez que la pédagogie, c’est la répétition.
Mettons-nous à la place de quelqu’un qui découvre l’exécution du budget et la compare aux prévisions de la loi de finances pour 2024 : il y a de quoi être sidéré ! Les anomalies sont si flagrantes et les écarts si importants qu’on ne peut pas les attribuer à de simples aléas – vous avez parlé de volatilité – ou à des erreurs de calcul. Aucune crise majeure, aucun choc exogène ne permet d’expliquer une telle distorsion entre ce qui était prévu et ce qui a été réalisé.
À cet égard, monsieur le ministre, je tiens également à vous mettre en garde au sujet du projet de loi de finances pour 2025 : vos prévisions macroéconomiques restent trop optimistes, en dépit de ce que disent un certain nombre d’institutions. Au cours des dernières semaines, on a en effet assisté à une cascade de plans sociaux, et certains secteurs économiques ne vont pas bien. Or si vous faites adopter par 49.3 ce projet de loi de finances que nous trouvons à la fois injuste et inefficace, l’effet récessif sera automatique, et la distorsion que nous avons constatée sur l’exécution en 2024 peut très bien se reproduire en 2025.
Ce que vous allez infliger aux Français l’année prochaine sera d’autant plus dur que vous avez refusé de prendre en 2024 des décisions qui s’imposaient, c’est-à-dire de faire appel à la représentation nationale pour éviter l’écart abyssal entre les recettes attendues et celles effectivement perçues, qui est la source majeure du dérapage du déficit. Si l’on additionne les moindres rentrées de l’impôt sur le revenu – 5,3 milliards –, de la TVA – près de 4 milliards –, et surtout de l’impôt sur les sociétés – 14 milliards –, on arrive à un total qui représente presque 1 point de PIB. Si vous aviez évalué correctement les recettes ou si vous aviez, comme nous vous le demandions, déposé un projet de loi de finances rectificative, nous aurions aujourd’hui un déficit de 5 %, c’est-à-dire précisément celui que vous visez pour la fin de 2025, au prix de l’une des pires coupes budgétaires de toute l’histoire de la Ve République.
Nous avons besoin d’explications au sujet de l’impôt sur les sociétés. Vous aviez prévu 72 milliards de rentrées au titre de l’IS pour 2024. Sachant que l’impôt sur les sociétés avait rapporté 62 milliards en 2022 et un peu moins de 57 en 2023, comment avez-vous pu croire un seul instant qu’il connaîtrait une croissance équivalente à celle qu’il avait connue en 2021 – 6,8 % –, avec une croissance du PIB de 1 % ? C’était impossible, et le fait que vous l’ayez maintenu prouve que nous sommes dans un exercice qui n’est pas loin de l’insincérité. Et c’est bien le problème du document que vous nous soumettez.
Comme vous avez été incapables de corriger rationnellement vos erreurs, vous avez pris un stylo et rayé des lignes de crédit au petit bonheur la chance, parfois dans la panique, parfois dans l’improvisation la plus totale. Vous vous enorgueillissez de quelques crédits supplémentaires, mais moi, je veux parler des coups de rabot que vous avez donnés – 10 milliards en février et 5 milliards aujourd’hui –, car ces annulations de crédits, ce sont des services publics en moins : vous retirez – en pleine remontée du chômage ! – près de 300 millions au programme Accès et retour à l’emploi ; 25 millions à la mission Sports, jeunesse et vie associative, après les 31 millions supprimés en février, alors que nous sommes en année olympique ; 15 millions à la sécurité routière ; et 160 millions aux collectivités territoriales, au moment où l’on s’apprête à faire une saignée de 5 milliards supplémentaires !
Ce que vous proposez, c’est une politique d’austérité – osons le mot ! –, qui aura des effets récessifs catastrophiques pour la France et les Français. Chacun doit prendre ses responsabilités. Notre collègue du groupe Les Démocrates appelait à un compromis et je vous en propose un moi aussi : si vous annulez la suppression des 5,6 milliards de crédits, nous pourrons discuter. Sinon, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Ce projet de loi de finances de fin de gestion marque une nouvelle étape dans le naufrage de la gestion publique. Ce texte, plus que les précédents mais moins que le prochain, consacre l’hypertrophie budgétaire d’un gouvernement qui, sous couvert de protéger, ne fait que précipiter la France et les Français dans une spirale d’appauvrissement insupportable.
Nous avons d’un côté l’extrême gauche…
Mme Karen Erodi
Il n’y a pas d’extrême gauche ! Arrêtez de raconter n’importe quoi !
M. Gérault Verny
…qui, encore et toujours, persiste dans ses délires fiscaux. Son obsession, c’est de tout prendre, tel Pac-Man dans un labyrinthe fiscal, affamé de prélèvements, dévorant tout sur son passage, sans jamais trouver la sortie. La France n’est qu’un terrain d’expérimentation pour ces docteurs Frankenstein de la fiscalité, qui rêvent d’une société paralysée par l’impôt, étouffée par la dépense publique. Et où cette folie nous a-t-elle menés ? À ce PLFG et à un déficit public abyssal, qui culmine à plus de 6 % du PIB, en dehors de toute période de crise.
De l’autre côté, il y a le futur « ex-bloc gouvernemental », dont l’inaction est la faiblesse. Face à cette extrême gauche capricieuse et immature (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR),…
M. Emmanuel Maurel
Ce n’est pas sérieux !
M. Gérault Verny
…vous avez été incapables de mener la moindre réforme structurelle, car vous préférez l’inaction au courage. Votre politique a consisté à empiler les promesses et à dénicher des fonds là où il n’y en avait plus. Votre inaction est une trahison des Français qui, eux, doivent compter chaque euro. Vous avez choisi de répondre à la complexité de notre situation économique par une simple fuite en avant.
« Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte », disait Jean-Baptiste Say. Lorsqu’on dépasse un certain seuil de taxation, les recettes de l’État finissent par diminuer, parce que les contribuables, étranglés par l’impôt, modifient leurs comportements : ils réduisent leur activité et investissent ailleurs. Chaque hausse d’impôt qui prétend remplir les caisses finit par tuer le dynamisme de notre économie. Cette vérité se manifeste cruellement aujourd’hui : les recettes de l’État s’effondrent, malgré la hausse continue des prélèvements. En douze ans de socialisme,…
M. Emmanuel Maurel
Oh là là, ce n’est pas possible !
M. Gérault Verny
…la dépense publique est en effet passée de 1 100 à 1 600 milliards d’euros, soit une hausse de 32 %. Ce PLFG, avec ses prévisions budgétaires irréalistes, est la preuve vivante de ce que j’avance. La chute des recettes fiscales est là, implacable, et ce n’est pas un hasard.
« C’est de la faute des cadeaux aux entreprises », explique l’extrême gauche. Cette phrase est ontologiquement insupportable.
M. Emmanuel Maurel
Ontologiquement ? Vous faites de la philosophie, maintenant ?
M. Gérault Verny
Elle est insupportable à deux titres. D’abord, si les entreprises étaient gérées comme l’État, il n’y en aurait plus une seule. Ensuite et surtout, les entreprises subissent 900 milliards de prélèvements obligatoires, soit 75 % de l’ensemble des prélèvements, avec pour conséquence des faillites en cascade, des délocalisations, et vos larmes de crocodile, tandis que, tels des pompiers pyromanes, vous vouez au bûcher « les flics et les patrons ».
Mme Mathilde Feld
N’importe quoi !
M. Gérault Verny
La vérité, c’est que les recettes de l’État ne seront jamais à la hauteur, tant que l’on s’obstinera à étrangler nos entreprises et nos ménages. Malgré l’anthropomorphisme de la gauche, je vous confirme que les Français ne sont ni des moutons à tondre, ni des vaches à lait.
M. Emmanuel Maurel
Quoi ?
M. Gérault Verny
Comme le montre ce PLFG, ils n’investissent plus et ne consomment plus, parce qu’ils étouffent sous la pression des normes et des taxes. Vous êtes faibles avec les forts, mais forts avec les faibles, et vos solutions ont toujours consisté à prendre à la France du labeur et du travail, la France qui se lève tôt et qui paie ses impôts. Mais cette France est à l’os.
Mme Ayda Hadizadeh
Arrêtez de monter les Français les uns contre les autres !
M. Gérault Verny
Ainsi, ce PLFG n’est pas seulement un texte de clôture budgétaire : c’est l’acte de capitulation d’une politique sans vision. C’est le symbole d’une gouvernance à court terme, prête à sacrifier l’avenir pour quelques mois de tranquillité apparente. Il est le produit d’années de décisions sans ambition, de calculs politiciens qui remettent sans cesse à demain l’inévitable réajustement. Qui paiera la note, mes chers collègues ? Ce seront nos enfants, les travailleurs, ceux qui peinent déjà à faire tourner l’économie sous le poids de vos choix défaillants. Ce PLFG, c’est la facture d’un banquet auquel seuls les inconscients se sont attablés, et c’est le peuple français qui en supportera les intérêts, année après année. Notre groupe votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.
M. le président
La parole est à M. Philippe Lottiaux.
M. Philippe Lottiaux
« Il est minuit, tout est tranquille, dormez braves gens. » Tel est le discours lénifiant dont nous a abreuvés ces dernières années notre ancien ministre des finances, sauveur autoproclamé de l’économie française. Et malheur à qui mettait en doute ses prévisions, que la plupart des économistes jugeaient pourtant irréalistes !
Nous avions déploré à plusieurs reprises la mauvaise pente suivie par notre budget, l’absence d’économies, l’augmentation constante de la dette et le peu de sérieux de certaines hypothèses. Las, nous ne fûmes pas écoutés et nous fûmes même qualifiés de défaitistes, tant le macronisme radieux allait amener à notre pays prospérité et abondance !
Mais les faits sont têtus. Et, en dépit des circonvolutions, des prétextes, des dissimulations opérées ces derniers mois, la réalité finit par rattraper votre gouvernement. Et cette réalité crue, c’est ce projet de loi d’une fin de gestion qui s’apparente davantage à une fin de règne : 6,1 % de déficit public, soit 1,7 point de PIB de dérapage par rapport à vos prévisions d’il y a un an, la bagatelle de 50 milliards d’euros !
Vous nous dites que c’est un problème de recettes mais, si les recettes se sont logiquement effondrées par rapport à des prévisions excessivement optimistes, c’est d’abord à cause d’un essoufflement de notre activité économique, qu’illustre le nombre record de défaillances d’entreprise. Et ne venez pas dire que vous ne pouviez rien faire : cela fait des mois que nous vous avertissons, par exemple, des risques de l’effondrement du marché immobilier, sans qu’aucune conséquence n’en ait été tirée.
C’est à cause d’une croissance qui ne tire plus les recettes, avec une faible élasticité qui devrait nous faire réfléchir. C’est à cause de l’inquiétude des ménages, qui ont freiné leur consommation, contrairement aux prévisions d’il y a quelques mois. C’est à cause d’une paupérisation des Français, que nous pouvons constater au quotidien dans nos circonscriptions, et à laquelle votre coûteuse politique des chèques ne pouvait remédier, dès lors que vous refusiez de vous attaquer, malgré nos propositions réitérées en ce sens, aux causes profondes de la baisse du pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Mais la situation actuelle n’est pas qu’un problème de recettes. C’est aussi, ne vous en déplaise, un problème de dépenses. Et ce ne sont pas les annulations de crédits ou les ponctions sur la trésorerie d’opérateurs proposées par ce projet de loi qui permettront de redresser la situation. Soyons clairs : quel est le ménage, quelle est l’entreprise qui pourrait, des années durant, dépenser une fois et demie ce qu’il ou elle gagne, comme le fait l’État ? Ce n’est pas possible, car les 6,1 points de déficit public, les 163 milliards de solde budgétaire négatif et les 285 milliards de nouveaux emprunts réalisés cette année, qui portent notre dette à plus de 3 200 milliards, cette « dégradation d’une ampleur exceptionnelle hors période de crise » – dixit le Haut Conseil des finances publiques – sont à mettre en relation avec un autre chiffre, celui des dépenses publiques, qui passent en 2024 à 56,8 % du PIB, contre 55,3 % prévus par la loi de programmation.
Quand on voit certaines dépenses prévues dans ce projet de loi, on comprend mieux nos difficultés : des crédits pour les heures supplémentaires liées aux Jeux olympiques, comme si on venait de découvrir que les JO se tenaient en 2024 ; des crédits pour l’hébergement d’urgence, véritable tonneau des Danaïdes, dans la mesure où c’est votre laxisme migratoire qui conduit à la saturation des centres d’hébergement par des immigrés illégaux, et à l’explosion de ces dépenses ; et près de 700 millions de plus pour l’Union européenne ! Une paille, me direz-vous, par rapport aux 5 milliards que vous voulez ajouter en 2025, au mépris des Français qui souffrent et auxquels l’Union européenne, telle que vous la concevez, n’apporte que normes, contraintes et destructions d’emploi.
Et quand vous baissez certaines dépenses, c’est sans stratégie d’ensemble ni vision de l’avenir. Le fonctionnement courant augmente mais vous taillez dans les crédits en faveur de la recherche, de l’immobilier pénitentiaire, de la défense, du très haut débit, mais aussi, avec un magnifique sens du timing, de l’agriculture.
« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. On ne saurait mieux commenter ce projet de loi de fin de gestion. Il aurait dû, de plus, être précédé, comme nous l’avions demandé, d’un projet de loi de finances rectificative : cela aurait permis au Parlement de discuter des choix que vous n’êtes pas capables de faire. Des choix, le Rassemblement national en a fait, sur l’immigration, l’Union européenne, les opérateurs, le poids des normes, les fraudes. Nous vous avons fait des propositions, que vous avez repoussées par idéologie, ou par sectarisme. Nous aurions pu en discuter lors du débat sur les dépenses du PLF, si la première partie n’avait pas été sabotée par la folie taxatrice de l’extrême gauche…
M. Charles Sitzenstuhl
Vous avez tout voté avec eux !
M. Philippe Lottiaux
…avec la passivité coupable de la coalition gouvernementale. Un PLF qui ne répond pas, ou mal, à la gravité de notre situation.
En l’état, et à moins de l’adoption des amendements que nous avons déposés, le Rassemblement national votera contre ce projet de loi de fin de gestion, triste constat du bateau ivre qu’est devenu notre budget et, avec lui, le navire France, dont nous sommes heureusement prêts à redresser la barre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
L’examen de ce projet de loi nous fournit l’occasion de jouer cartes sur table : au contact des chiffres, les procès faits au précédent gouvernement explosent comme des ballons de baudruche. Contrairement à ce que beaucoup ont prétendu, les prévisions de croissance n’ont pas été artificiellement dopées. Au contraire, la prévision sur laquelle se fonde ce texte – 1,1 % en 2024 – est supérieure à celle sur laquelle se fondait le programme de stabilité présenté au printemps par Gabriel Attal, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. Deuxième mensonge démasqué : contrairement à ce que certains prétendaient, les dépenses de l’État n’ont joué aucun rôle dans la hausse imprévue du déficit.
M. Emmanuel Maurel
Et les recettes, alors ?
M. David Amiel
Le texte le prouve, ces dépenses sont en nette baisse par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale examinée par le Parlement.
D’où vient donc l’écart avec les prévisions ? Principalement d’erreurs qui concernent non le niveau des impôts – il était connu – ou de la croissance – il avait plutôt été sous-estimé dans le programme de stabilité –, mais celui des recettes. La formule qui permet de déterminer le niveau de recettes à partir d’un niveau de croissance donné et d’une certaine structure de fiscalité pose une difficulté technique considérable, à laquelle de nombreux pays ont été confrontés, à l’instar de l’Allemagne en ce moment ou du Royaume-Uni par le passé. Je salue l’initiative des ministres Saint-Martin et Armand qui permettra, avec des économistes et les services compétents de Bercy, de faire toute la lumière sur ce point, l’un des principaux auxquels s’intéressera la commission des finances constituée en commission d’enquête.
L’écart par rapport aux prévisions tient aussi aux dépenses des collectivités locales, qui ont été plus importantes qu’anticipé. Le gouvernement avait pris toutes les mesures nécessaires pour corriger ces deux aléas et circonscrire le déficit public autour de 5,5 %. Au printemps 2024, il a décidé d’annuler 10 milliards de crédits, puis, dans le courant de l’été, de geler 16,5 milliards supplémentaires – alors qu’il était démissionnaire – afin de préserver les marges de manœuvre du gouvernement qui lui succéderait. Le déficit aurait pu être moins important encore si, outre le gel des crédits, certaines mesures fiscales ne devant entrer en vigueur qu’en 2025 avaient été appliquées, comme cela était possible, dès 2024.
M. Charles Sitzenstuhl
Tout à fait !
M. David Amiel
Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 dresse le tableau clinique de la situation telle que je viens de la résumer, mais contient aussi des ouvertures de crédits indispensables : pour nos policiers, nos gendarmes et nos militaires, très mobilisés durant les Jeux olympiques ; pour l’Ukraine, où le soutien de la France et de l’Europe est encore plus attendu depuis l’élection de Donald Trump ; pour la Nouvelle-Calédonie, où la situation économique est dramatique. Le texte procède également à des économies tout aussi indispensables. Nous sommes souvent plus nombreux à réclamer des économies qu’à les soutenir lorsqu’il s’agit de les appliquer concrètement.
Mme Véronique Louwagie
Ça sent le vécu !
M. David Amiel
Ce ne sera pas l’attitude du groupe Ensemble pour la République : nous soutiendrons les mesures d’économies défendues par le gouvernement et appellerons à aller plus loin dans certains domaines.
L’examen du projet de loi de finances a témoigné d’un effondrement du débat parlementaire, 80 % des mesures votées nécessitant de sortir de l’Union européenne, de violer les traités internationaux ou de mettre à bas notre Constitution.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Avec une présence exceptionnelle des députés de la majorité !
M. David Amiel
Pire, ces mesures ont été votées en connaissance de cause, puisque le rapporteur général du budget nous a alertés à de multiples reprises, oralement ou par écrit. On ne peut se résigner à une telle démission parlementaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous n’étiez pas là !
M. David Amiel
Ce texte nous offre une occasion, certes peu ambitieuse, de nouer des compromis au service de l’intérêt général. Il ne prévoit pas de mesures fiscales, ni dans un sens, ni dans l’autre – il est probablement moins idéologique que le PLF pour 2025. Par le passé, nous avions d’ailleurs réussi à trouver des équilibres nous permettant de le voter. Il est l’occasion ou jamais de prouver que nous pouvons, de temps en temps, dépasser les querelles de chapelle afin d’œuvrer au service de l’intérêt général, de l’intérêt supérieur de la nation – ceci est d’autant plus indispensable dans la période politique et économique actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
Il est tout de même singulier de recevoir continuellement des leçons d’économie de la part de ceux qui ont plongé la France dans un tel désastre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les leçons ne viennent pas de nous, ce soir !
Mme Mathilde Feld
Nos critiques s’appuient sur des faits, non sur des élucubrations.
Avec ce projet de loi, présenté comme un document technique, d’ajustement, nous arrivons vraisemblablement au terme des débats budgétaires. Ses auteurs et ceux qui les soutiennent ont laissé entendre que ces derniers n’étaient qu’accessoires : les choses seraient jouées d’avance, puisqu’il serait matériellement impossible de dépenser les crédits inutilisés dans des délais aussi courts. Outre qu’ils traduisent un mépris pénible envers le Parlement, ces propos sont inexacts : nous pouvons sans aucun doute dépenser très rapidement une grande part des crédits concernés. Demandons, au hasard, aux agriculteurs s’ils estiment qu’il est techniquement impossible de dépenser 147 millions d’euros pour les aider d’ici à la fin de l’année. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Il n’y a pas d’ajustement technique : tout document budgétaire est le reflet de choix politiques.
Nous ne partageons ni vos hypothèses ni vos conclusions. Si des crédits n’ont pas été utilisés, c’est parce que le gouvernement a empêché qu’ils trouvent des débouchés. La France et les Français sont toujours en attente du fameux ruissellement : depuis sept ans, nous avons surtout observé une cavité se transformer en gouffre, jusqu’à atteindre 170 milliards d’euros, un montant largement supérieur aux 147 milliards prévus en loi de finances initiale pour 2024 – un déficit abyssal, un record dans l’histoire moderne de la France, dont les ministres nous expliquent que personne n’est responsable !
Il est évident que tout le monde a droit à l’erreur ; tout le monde peut se tromper. La moindre des choses est cependant d’assumer ses erreurs et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Le plus incroyable est que vous reconnaissez tous que la faiblesse des recettes a creusé le déficit. Nous en convenons volontiers ! Il n’est pas compliqué de trouver l’origine du déficit : depuis 2017, vous avez supprimé plus de 62 milliards de recettes fiscales, principalement au bénéfice de celles et ceux qui en avaient le moins besoin, sans aucune anticipation, sans aucun plan d’action. Cela nous a menés au désastre budgétaire et au déficit structurel que nous connaissons et que vous avez créé par vos cadeaux fiscaux.
Vous restez concentrés sur ces équations que vous maîtrisez si brillamment, et persistez dans vos calculs captieux en présentant un PLFG qui annule 6,4 milliards de crédits sur des missions manifestement sans importance à vos yeux : l’agriculture – 147 millions –, l’écologie – 338 millions –, l’enseignement – 800 millions –, la cohésion des territoires – 685 millions –, ou encore le sport – 28 millions –, qui devait pourtant être le grand gagnant de cette année de Jeux olympiques. Une seule dépense est systématiquement épargnée par les coupes macronistes : la dépense fiscale. Le texte montre que le coût des remboursements et dégrèvements a été sous-estimé de 2,2 milliards, du fait de niches fiscales mal calibrées, injustes et contre-productives qui n’empêchent aucun licenciement et envoient de l’argent public directement dans les poches des actionnaires.
Contrairement à ce que pensaient les macronistes, la baisse des impôts n’entraîne pas comme par magie une hausse des recettes par le biais d’une augmentation de l’activité.
M. Charles Sitzenstuhl
Bien sûr que si !
Mme Mathilde Feld
Elle conduit simplement à une baisse des recettes.
M. Charles Sitzenstuhl
Mais non !
Mme Mathilde Feld
Plus grave encore : la surestimation des recettes de TVA à hauteur de 3,7 milliards, qui ne surprend que celles et ceux qui, comme vous, refusent de regarder la réalité en face. Ouvrez les yeux : la plupart des Français n’ont plus les moyens de consommer.
Mme Karen Erodi
Exactement !
Mme Mathilde Feld
Par ce projet de loi, vous vous entêtez à maintenir une politique austéritaire qui plonge plus de 10 millions de Français dans la misère et au moins autant dans la précarité, sous couvert de compétitivité et sous la menace constante, brandie du matin au soir, de voir les détenteurs de capitaux s’enfuir vers d’autres horizons.
M. Gérault Verny
C’est déjà le cas !
Mme Mathilde Feld
En vérité, vous seuls avez un problème avec les riches ! De quel mépris faites-vous preuve envers eux en estimant qu’ils n’ont aucun amour pour leur pays, qu’ils ne sont en France que par intérêt ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous seuls les prenez pour des êtres grossièrement vénaux ! Nous faisons au contraire le pari que ces personnes aiment la France, comme nous,…
M. Laurent Jacobelli
Plus que vous, j’espère !
Mme Mathilde Feld
…et qu’elles seront fières de participer à son redressement en adhérant aux solutions que nous préconisons pour répondre aux besoins et assurer la nécessaire bifurcation écologique, économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Quant aux firmes multinationales, qui bénéficient d’économies d’échelle et de rendements croissants, il est parfaitement possible de les contraindre à contribuer significativement aux finances publiques. Votre absence totale de boussole désoriente les acteurs économiques et anéantit leurs efforts d’adaptation à vos politiques désordonnées. Il faut planifier et cesser ces revirements incessants, opérés de façon purement démagogique au gré des protestations légitimes de telle ou telle corporation. Cessez de vous obstiner et admettez que seule une meilleure répartition des richesses permettra de relancer l’économie, en redonnant du pouvoir d’achat aux Français et un pouvoir d’investissement aux collectivités. Puissent nos débats transformer ce PLFG dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
L’exercice auquel nous nous livrons ressemble à maints égards à un jeu d’équilibriste. Nous devons donner quitus de sa gestion à un gouvernement qui a notablement failli dans l’exécution budgétaire : un trou dans la caisse de 50 milliards d’euros, c’est inédit dans l’histoire de la République. J’ai vérifié les chiffres : même lors de la reconstruction du pays en 1945, 1946 et 1947, nous n’avons jamais connu une telle faillite dans l’exécution de la loi de finances initiale.
Voici la difficulté qui se présente devant nous : les économies proposées par le gouvernement pour boucler l’année ne sont assorties d’aucune recette nouvelle – mise à contribution de grandes entreprises ou des hauts revenus – que nous pourrions avaliser afin de corriger cette faute de gestion.
Nous n’examinons pas seulement une réalité budgétaire, mais la réalité d’une politique économique qui, depuis sept ans, a d’abord amoindri les ressources de l’État. Au total, lorsque l’on additionne les 50 milliards de baisses d’impôts pour les plus riches et les nombreuses baisses d’impôts non financées qui ont créé de la dette, comme la diminution des impôts de production des grandes entreprises, 80 milliards ont été perdus chaque année. C’est l’équivalent des budgets cumulés de l’éducation nationale – 64 milliards – et de la justice – 10 milliards – qui s’est ainsi envolé et doit être financé par de la dette.
La politique de soutien public à la croissance économique n’a pas eu les effets escomptés. Comment expliquer qu’après un plan de baisses d’impôts massives, France relance, la croissance ne soit que de 1 point, duquel il faut retrancher l’effet des Jeux olympiques ? Cette faible croissance montre bien qu’en dépit des milliards d’euros dépensés, nous n’avons créé que très peu d’emplois.
M. Erwan Balanant
Vraiment, vous croyez ? Faut-il rappeler votre propre patouille de chiffres ?
M. Philippe Brun
Les difficultés sont donc devant nous.
M. Erwan Balanant
Soyez honnête !
M. Philippe Brun
Je vous prie de m’écouter, cher collègue !
M. le président
Monsieur Balanant, s’il vous plaît ! La discipline, je m’en charge !
M. Philippe Brun
La croissance demeure faible. Le projet de loi de finances pour 2025, que vous ferez adopter au moyen de l’article 49.3, devrait encore la diviser par deux, d’après l’OFCE.
M. Erwan Balanant
Avez-vous en tête la courbe du chômage ?
M. Philippe Brun
Une fois n’est pas coutume, j’ai apporté une petite fiche…
Mme Ayda Hadizadeh
C’est toujours bien !
M. Philippe Brun
…qui récapitule les coupes prévues par ce projet de loi de finances de fin de gestion : une diminution de 1,8 milliard sur le programme 821, Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune, ce qui signifie concrètement que les aides de la PAC ne seront pas versées à temps aux agriculteurs français d’ici à la fin de l’année ; des baisses de 684 millions sur la mission Cohésion des territoires, de 802 millions pour la défense, de 478 millions pour l’enseignement scolaire, de 338 millions pour l’écologie, de 113 millions pour l’administration générale et territoriale de l’État, de 1,2 milliard pour le plan Investir pour la France de 2030.
Ne sont pas seulement concernées les dépenses de fonctionnement, mais aussi des dépenses d’investissement : les dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) sont ainsi amputées de 394 millions. Comment parler de planification écologique, de plans de relance ou de soutien à la croissance quand on s’attaque aussi directement aux dépenses d’investissement ? Que dire encore de cette coupe de 51 millions d’euros dans le budget de l’audiovisuel public ? Au demeurant, ces économies de bouts de chandelle ne permettent même pas de respecter l’équation budgétaire du gouvernement.
M. Emmanuel Mandon
Des bouts de chandelle ? Quel mépris !
M. Philippe Brun
Alors que la loi de finances initiale prévoyait un déficit de 4,4 % du PIB, il s’élève finalement à 6,1 % – soit près de 180 milliards d’euros –, à rebours de tous les pays européens, notamment l’Espagne…
M. Charles Sitzenstuhl
Quel est l’âge de départ à la retraite en Espagne ?
M. Philippe Brun
…qui a pourtant lancé sans hésiter un programme de relance. Notre endettement continue d’augmenter, pour atteindre 113 % du PIB en 2024, quand la prévision initiale le limitait à 109,5 %. La situation des comptes publics est grave et aurait exigé, plutôt que des coupes aveugles et précipitées, un travail approfondi avec l’ensemble des groupes politiques, afin d’identifier des recettes nouvelles. Cela n’a pas été possible. Pour toutes ces raisons et la mort dans l’âme – les socialistes ayant l’habitude de voter ou de s’abstenir sur les PLFG –, nous en sommes réduits à voter contre le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur
Ce projet de loi de fin de gestion clôt une année noire pour les finances publiques. Toutefois, cela n’est pas de votre fait, monsieur le ministre : Michel Barnier et son gouvernement ont hérité d’une situation cataclysmique et ont dû affronter la dégradation des comptes publics, cadeau empoisonné offert par leurs prédécesseurs. Telle est la conséquence d’un « quoi qu’il en coûte » dont nous n’avons pas su sortir à temps, et que nous payons désormais au prix fort. Les chiffres donnent le tournis et imposent de faire preuve d’humilité et de courage face à une situation inquiétante.
Faute d’une bonne gestion des comptes publics, le dérapage du déficit a échappé à tout contrôle et celui-ci devrait s’établir à 6,1 % du PIB en 2024 – record absolu en Europe –, laissant un trou de 50 milliards d’euros à combler. Nous héritons d’un endettement record qui s’apparente à un vertigineux mur de la dette : cette dernière représente près de 113 % du PIB et plus de 3 200 milliards d’euros, soit près de 50 000 euros par Français. La France est désormais le troisième pays le plus endetté d’Europe et celui qui s’est le plus endetté ces dix dernières années. L’aggravation de la charge de la dette est très préoccupante : cette année, nous dépenserons 55 milliards d’euros pour rembourser les seuls intérêts. C’est un grand gâchis, car nous aurions bien besoin de cette somme pour financer l’hôpital ou les Ehpad, pour recruter et mieux rémunérer les AESH, les accompagnants d’élèves en situation de handicap, et pour éviter de fermer des classes en zone rurale.
Le constat est implacable, mais la France est à la fois le pays le plus dépensier d’Europe et celui qui prélève le plus d’impôts, de taxes et de cotisations. Cette situation d’une particulière gravité menace notre souveraineté financière. Le gouvernement a donc été contraint de présenter un budget de rupture, particulièrement difficile, pour trouver en urgence 60 milliards d’euros, dont les deux tiers correspondent à des économies et un tiers à des hausses d’impôts. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.) Je mesure les efforts que cela représente, mais nous n’avons pas le choix. Nous le faisons par esprit de responsabilité et pour protéger les Français de mesures nettement plus brutales, qui pourraient nous être imposées de l’extérieur si nous ne réduisons pas la facture nous-mêmes.
Néanmoins, je me félicite des ajustements budgétaires que le gouvernement a su trouver. D’abord, les petites retraites seront bien revalorisées à proportion de l’inflation. Ce n’est que justice pour des gens modestes qui ont travaillé toute leur vie et qui doivent pouvoir vivre leurs vieux jours dignement. Ensuite, les allégements de charges à venir sur les bas salaires sont indispensables pour ne pas pénaliser l’emploi alors que la situation économique se dégrade dangereusement. Enfin, nous attendons un geste en direction des collectivités : il est inadmissible que l’État impose aux communes, aux intercommunalités ou aux départements des efforts qu’il ne s’impose pas à lui-même.
En revanche, je le dis et je l’assume, le gouvernement doit accentuer ses efforts de réduction des dépenses, tout en baissant les impôts sur les classes moyennes et sur la France qui travaille. Les députés du groupe Droite républicaine proposent de réduire drastiquement le coût de la bureaucratie et d’en finir avec une suradministration qui coûte toujours plus cher aux Français.
M. Philippe Juvin
Très bien !
M. Corentin Le Fur
Songez que l’État emploie plus de 480 000 équivalents temps plein…
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Heureusement !
M. Gérault Verny
C’est trop !
M. Corentin Le Fur
…répartis dans 1 200 agences, qui coûtent 76 milliards d’euros aux finances publiques. C’est 13 milliards de plus qu’il y a quatre ans : ces opérateurs publics représentent un gisement d’économies colossal.
Par ailleurs, la défense du travail doit demeurer la priorité, afin qu’il rapporte davantage que l’assistanat. Cela nécessite de baisser les charges salariales pour augmenter le salaire net sans pénaliser la compétitivité des entreprises, et de réduire les revenus de l’assistance. L’État doit être un soutien face aux accidents de la vie, mais la solidarité ne doit pas constituer une aide permanente, surtout quand elle dissuade du travail.
S’agissant de ce texte, essentiellement technique et dépourvu de mesures fiscales et politiques, nous saluons l’effort de près de 6 milliards d’euros consenti par le gouvernement afin de corriger les erreurs du passé et retrouver une trajectoire plus saine. Je salue également le réajustement de février dernier, même si je regrette comme beaucoup – y compris le précédent ministre – de ne pas avoir pu débattre d’un PLFR. Cela nécessitait du courage…
M. Charles Sitzenstuhl
Il a raison !
M. Corentin Le Fur
…et aurait constitué un premier pas vers le redressement des finances publiques. Cependant, ce dernier doit avant tout passer – comme le défend notre famille politique – par la maîtrise des dépenses. Enfin, nous nous réjouissons de l’ouverture de crédits destinés à couvrir des besoins majeurs et urgents : le soutien indispensable à la Nouvelle-Calédonie et à l’Ukraine, où le conflit s’enlise, et celui aux forces armées déployées en opérations extérieures. Pour toutes ces raisons, le groupe Droite républicaine votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
La situation est originale : vous avez rejeté la motion de rejet préalable et réclamé un débat auquel vous êtes finalement bien peu à participer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. Philippe Juvin
Vous n’êtes pas maîtresse d’école !
Mme Christine Arrighi
D’autant que le texte n’offre aucune impulsion économique ou fiscale nouvelle, et aucun infléchissement de la politique gouvernementale, alors que la Macronie vous a légué, monsieur le ministre, une situation budgétaire catastrophique – ce qui ne vous empêche pas d’adopter la même logique. La loi de finances pour 2024 adoptée par le recours à l’article 49.3 s’est caractérisée par le maintien de la politique fiscale inaugurée en 2017 : moins d’impôts et plus d’aides aux entreprises. Ce projet de loi de finances de fin de gestion suit la même veine alors que l’année 2024 est de nouveau marquée par une forte inflation, dont le taux devrait s’établir à 2,1 % en moyenne, entraînant une hausse de la précarité et de la pauvreté.
Ce PLFG n’est pas un texte technique, mais bien un texte politique. Il brosse un panorama des hypothèses macroéconomiques : le solde public pour 2024 devrait s’établir à moins 6,1 % du PIB. Ce déficit important est le fruit de la politique économique et fiscale que vous menez. Les recettes fiscales nettes devaient s’établir, selon la loi de finances initiale que vous avez vous-mêmes imposée par 49.3, à 348,5 milliards d’euros ; elles ne sont plus que de 324,1 milliards dans le texte, soit une baisse de 24,3 milliards. Ces recettes manquantes auraient pu vous épargner de recourir à un décret d’annulation de 10 milliards d’euros, qui a amputé le budget de l’écologie de 2 milliards – c’est la politique publique la plus touchée –, tout comme elles auraient permis d’éviter le gel supplémentaire de 10 milliards d’euros en juillet.
Nous aurions pu épargner de vos coupes le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, l’aide à l’accès au logement ainsi que la police nationale, qui a perdu 134 millions d’euros alors que le besoin d’une police de proximité se fait de plus en plus criant. Nous aurions pu également préserver les crédits des missions Travail et emploi ou Recherche et enseignement supérieur, qui se sont vu retirer 2 milliards d’euros dès le mois de février, ainsi que l’action internationale de la France et l’aide publique au développement, amputée de 740 millions d’euros.
Je pourrais poursuivre cet inventaire à la Prévert, mais je voudrais m’attarder sur le cas de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim). Cette contribution devait rapporter 12,3 milliards d’euros. Or son rendement connaît, après la catastrophe de l’année 2023 – durant laquelle elle n’a rapporté que 600 millions d’euros au lieu des 3 milliards annoncés – une nouvelle contre-performance. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait pourtant annoncé : « On peut espérer 1 milliard d’euros supplémentaires en 2024 et on est prêts à y travailler. » Force est de constater que le compte n’y est toujours pas, puisque le texte indique que le rendement de la Crim devrait augmenter – légèrement – de 33,7 millions d’euros – bien loin du milliard. Pourtant, dans son rapport public thématique sur les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, publié en mars 2024, la Cour des comptes avait formulé de vives critiques à l’égard de la Crim en dénonçant ses failles qui privent de recettes « à la hauteur de ce qui serait équitable pour les consommateurs ».
Il est parfaitement incompréhensible de procéder à des annulations de crédits aussi importantes alors que les moyens de lever des recettes supplémentaires existent. Il faut donc en conclure que vous faites, comme votre prédécesseur, le choix de ne pas vous en saisir. Le groupe Écologiste et social ne cautionnera pas cette gestion imposée aux Français, qui ne préserve pas leur présent et ne construit pas non plus leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Ce projet de loi de finances de fin de gestion acte l’annulation de près de 6 milliards d’euros de crédits, qui viennent s’ajouter aux 9 milliards déjà annulés par décret en février. Au total, ce sont donc 15 milliards d’euros de crédits qui se trouvent supprimés en 2024 par rapport à la loi de finances initiale. À ces annulations peut être ajoutée la réduction des dépenses publiques de plus de 40 milliards d’euros proposée dans le PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Les deux sont liées, car ces coupes budgétaires sont une réponse à la détérioration du déficit public, lequel s’élève à un peu plus de 6 % du PIB en 2024 alors qu’il était initialement estimé à un peu plus de 4 %. Bien qu’il soit crucial de préserver les marges de manœuvre budgétaires nécessaires au financement des investissements prioritaires, il faut également penser à préserver le potentiel de croissance économique. En effet, sans dynamisme économique, aucune redistribution n’est possible : pour redistribuer, il faut d’abord encaisser des recettes, sans quoi le modèle social se trouve financé sur le dos des générations futures. C’est précisément pour protéger la croissance, l’activité économique, les entreprises et la redistribution que je souhaite appeler votre attention sur les effets des coupes budgétaires que vous proposez.
Des institutions sérieuses, comme l’OFCE, mettent en garde contre les effets négatifs d’un tel niveau d’effort sur l’économie. Selon leurs prévisions, la politique budgétaire devrait grever la croissance du PIB français de 0,8 point. Il serait sage d’envisager une trajectoire de rétablissement des comptes publics étalée sur une période plus longue, afin de limiter cette diminution du PIB et les difficultés économiques qui ne manqueront pas de l’accompagner, à l’image de celles brutalement constatées en Maine-et-Loire avec le groupe Michelin. Soyons attentifs à ne pas aggraver les dégâts économiques et sociaux par des mesures de freinage trop radicales ! La machine économique ne doit surtout pas caler. Monsieur le ministre, avez-vous pu évaluer l’impact de ces coupes budgétaires sur les prévisions de croissance économique ? Quels enseignements en tirez-vous ?
Lors de l’examen du PLF pour 2025, les députés du collectif social-démocrate ont défendu plusieurs amendements visant à mieux répartir l’effort, dans un esprit de justice fiscale, pour redresser les finances publiques sans verser dans le matraquage fiscal. Certains de ces amendements, notamment celui relatif à l’élargissement de la taxe sur les transactions financières, ont été adoptés.
Le précédent gouvernement avait également proposé des mesures, comme l’instauration de la taxe sur les rachats d’actions.
Je déplore que nous examinions un PLFG ne portant que sur les dépenses, sans avoir eu l’opportunité de débattre, au cours de l’année, d’un projet de loi de finances rectificative qui nous aurait permis de discuter des décisions fiscales – concernant les recettes – à prendre en temps utile.
Je tiens enfin à souligner, monsieur le ministre, les problèmes que posent certaines de vos décisions.
Je pense, comme certains de nos collègues, aux conséquences de la réduction des crédits alloués à l’agriculture.
Je pense également à certaines mesures qui se répercutent directement sur les équilibres financiers de nos associations et de nos collectivités locales, et en particulier au poids financier de l’extension de la prime Ségur au secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif. Cette mesure, bienvenue en ce qu’elle permet la revalorisation des salaires de personnels, qui en ont bien besoin, n’est cependant pas financée. Le planning familial et le centre d’information sur les droits des femmes et des familles du Maine-et-Loire ont appelé mon attention sur leur incapacité à assumer cette nouvelle charge financière, qu’ils jugent trop lourde – et ce d’autant plus que l’arrêté publié en juin prévoit la rétroactivité de l’augmentation salariale au 1er janvier 2024, conformément à l’accord conclu par les partenaires sociaux.
Afin de compenser cette extension, j’ai déposé un amendement au PLF pour 2025. C’est également à ce titre que je soutiens pleinement un amendement au PLFG, adopté en commission des finances, visant à prévoir cette compensation dès 2024. J’espère que cette mesure sera conservée dans le texte définitif. Quelles sont vos intentions en la matière, monsieur le ministre ?
M. le président
La discussion générale est close.
Avant la première partie
M. le président
J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.
Article liminaire
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La discussion de ce PLFG nous permet d’évoquer encore une fois la gestion 2024. Un tiers de l’exercice en cours – du mois de septembre au mois de décembre – est bien le fait du gouvernement actuel, contrairement à ce qu’a pu dire tout à l’heure M. Corentin Le Fur. Nous sommes plusieurs à contester que le déficit annoncé pour 2024 relève de la fatalité : il était possible de rester sous la barre des 6 %. Le gouvernement aurait dû, à cet effet, présenter un projet de loi de finances rectificative dès le mois d’octobre. Des mesures fiscales auraient alors pu être prises dès ce moment, et des crédits auraient pu être annulés plus tôt et pour des montants plus importants.
Le gouvernement est donc comptable de ce déficit, et les conséquences néfastes de son refus de recourir à une loi de finances rectificative se répercutent dans ce PLFG.
Tout d’abord, vous rendez la marche pour 2025 plus haute qu’elle ne l’est déjà : il est en conséquence permis de douter, comme l’a écrit la Commission européenne la semaine dernière, que vous pourrez tenir les objectifs affichés dans le PLF pour 2025. La Commission constate, comme le Haut Conseil des finances publiques, que votre effort budgétaire pour 2025 repose pour les deux tiers sur des hausses d’impôts…
M. Mathieu Lefèvre
Tout à fait !
M. Charles Sitzenstuhl
…et seulement pour un tiers sur la baisse des dépenses.
Et alors que chaque semaine qui passe, ce sont toujours plus d’impôts, les baisses de dépenses sont, elles, bien insuffisantes. Les annulations de crédits sont très limitées, comme nous le voyons dans le texte dont nous discutons. Nous sommes plusieurs à penser, dans divers groupes, qu’il est possible de faire davantage.
Ce texte pose finalement plus de questions qu’il ne donne de réponses…
M. Nicolas Sansu
On ne vous le fait pas dire : il crée plus de problèmes que de solutions !
M. Charles Sitzenstuhl
…et nous en débattrons lors de la discussion de cet article liminaire.
M. Laurent Jacobelli
Dire qu’il est dans la majorité !
M. Charles Sitzenstuhl
Je le répète : il était possible d’annuler davantage de crédits et de baisser davantage la dépense publique.
M. Mathieu Lefèvre
Très bien !
M. le président
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 79, tendant à supprimer l’article liminaire.
Je vous informe que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine m’a saisi d’une demande de scrutin public sur le vote de ces amendements.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Nicolas Sansu
Il vise à supprimer l’article liminaire, qui met en évidence le caractère déplorable de la gestion budgétaire en 2024. Cette suppression, monsieur le ministre, vaut un peu pour l’ensemble de votre œuvre.
C’est un article entaché, de plus, de nombreuses anomalies. La plus visible d’entre elles est l’écart abyssal de déficit structurel entre la loi de finances initiale – 3,7 % du PIB – et celui de ce projet de loi de finances de fin de gestion – 5,7 %, soit une différence de 55 milliards d’euros. On ne peut plus parler de simple erreur d’estimation, et nous espérons que la commission d’enquête sur le dérapage des finances publiques fera toute la lumière sur ce sujet. Une des causes que l’on avance pour expliquer cet écart est la fameuse élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, qui a été plus faible que prévu ; mais cela ne peut en rendre compte que pour moitié. Et encore faut-il compter à l’intérieur l’écart de rendement de 14 milliards, par rapport aux prévisions, de l’impôt sur les sociétés. Pourquoi vos prédécesseurs avaient-ils inscrit un montant prévisionnel de 72 milliards, supérieur de 20 % au rendement de 2023 et de 18 % à celui de 2022 ? C’est ubuesque.
Derrière ces chiffres, ce sont des coupes drastiques – de 10 milliards, puis de 6 milliards – qui se voient confirmées. Tous les secteurs sont touchés : agriculture, recherche, enseignement supérieur, éducation nationale, collectivités territoriales, et j’en passe.
Ce n’est pas d’un PLFG, mais bien d’un PLFR que nous aurions dû discuter. Nous aurions ainsi pu proposer des recettes au lieu des seules suppressions de crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Emmanuel Maurel
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Philippe Lottiaux, pour soutenir l’amendement no 79.
M. Philippe Lottiaux
On ne peut se contenter de prendre acte de ce dérapage inédit des finances publiques, qui résulte d’erreurs de prévision graves et d’une incapacité des précédents gouvernements à diminuer la dépense publique, mais qui soulève également la question de leur sincérité – question que la commission des finances constituée en commission d’enquête aura à éclaircir. C’est le sens de cet amendement de suppression.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté contre ces amendements.
M. Nicolas Sansu
À tort !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je comprends qu’ils visent à condamner la dérive des finances publiques, et je partage personnellement cette position. Mais l’article liminaire n’est qu’un constat. Le supprimer n’a donc aucune portée : cela ne changera rien à la gestion que vous condamnez.
M. Emeric Salmon
À quoi bon un article liminaire, alors ?
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je suis resté sur ma faim, monsieur le ministre, quand vous avez répondu tout à l’heure avec des arguments d’autorité aux questions du rapporteur général, et je saisis donc l’occasion de cet article liminaire pour relancer le dialogue.
Vos explications me laissent pantois, quand vous admettez, dans le préambule du texte, que ce qui explique pour la plus grande part le déficit structurel de 5,7 % – un déficit record hors problème conjoncturel –, ce sont des rentrées fiscales inférieures de 23 milliards aux prévisions, mais que vous en cherchez la solution dans la diminution des dépenses publiques.
Pour résumer, nous avons un problème de recettes, que l’on entend résoudre en diminuant les dépenses. Vous ne nous avez pas donné d’éléments nous permettant de comprendre cela. J’ai bien entendu David Amiel…
Mme Stéphanie Rist
L’excellent David Amiel !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…juger que l’Assemblée nationale avait démissionné de son rôle en votant tant d’amendements sur la partie recettes du PLF. Mais le constat apporté par l’article d’équilibre, c’est que le déficit avait ainsi été ramené à 3 %.
M. David Amiel
En sortant de l’Union européenne !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je voudrais bien entendre autre chose que des arguments d’autorité (M. Ugo Bernalicis applaudit) : j’attends des arguments économiques. Comment pouvez-vous justifier, quand le problème est celui de l’insuffisance des recettes, de baisser les dépenses publiques, ce dont chacun connaît l’effet récessif ? Les conséquences, ce sont moins de cotisations et moins d’impôts qui rentrent, des carnets de commandes qui se réduisent et des entreprises qui ne peuvent plus faire face.
Vous n’êtes pas capable de répondre à cette question – pas plus d’ailleurs que vos prédécesseurs, qui se sont trouvés réellement stupéfaits de découvrir que le déficit s’était accru. Je me rappellerai toujours de Thomas Cazenave me disant qu’il y avait moins de TVA que prévu, moins d’impôt sur le revenu que prévu, moins d’impôt sur les sociétés que prévu.
Vous pourriez peut-être finir par envisager que la baisse des impôts ne se traduit pas par des rentrées fiscales supplémentaires, comme vous l’avez répété pendant les deux ans qui ont suivi la crise du covid. Tout cela est infirmé par les résultats de cette année. Vous baissez le seuil des impôts : il y a moins de rentrées fiscales.
Vous baissez la consommation populaire, vous baissez les dépenses publiques, qui sont aussi des recettes,…
M. Mathieu Lefèvre
On ne les baisse pas !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
… il y a moins de rentrées fiscales encore. Je n’ai toujours pas eu, de votre part, de réponse rationnelle me permettant de comprendre cette équation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cette réponse, je vous l’ai pourtant apportée à de nombreuses reprises lors de l’examen du PLF. C’est avec plaisir que je vais vous la donner une nouvelle fois.
La baisse des recettes fiscales sur l’exercice 2024 est, pour l’essentiel, due à la baisse de l’IS ainsi qu’à celle de la TVA. La question qui revient sans cesse entre nous est de savoir si la hausse d’un taux, comme il pourrait y en avoir dans la première partie d’un PLFR, et alors qu’un texte n’a pas le pouvoir de changer la dynamique d’assiette, entraîne nécessairement une augmentation de l’assiette ou bien du produit fiscal. C’est là votre façon de penser. Mais voyez pourtant : en 2022, l’IS est abaissé à 25 %, niveau que nous n’avions pas connu depuis très longtemps. Son produit fiscal est cependant supérieur de moitié à celui de l’estimation de la loi de finances initiale. On pourrait prendre de la même façon, sur un autre exercice, l’exemple de la flat tax.
Le rapport entre la baisse ou la hausse d’un taux et la baisse ou la hausse du produit fiscal n’est en rien une fonction linéaire : si c’était aussi simple, nous serions plusieurs à avoir déjà trouvé la solution.
M. Mathieu Lefèvre
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne une économie ouverte. Vous le savez comme moi, et les auditions de la commission d’enquête vous le confirmeront : au lendemain de chocs aussi importants que ceux de la crise du covid et de la crise énergétique, il se produit un rebond avec une élasticité entre les recettes et la croissance dont la courbe est très difficile à estimer. Les recettes pour les années 2021 et 2022 ont ainsi été supérieures aux estimations, tandis que pour 2023 et 2024, elles ont été inférieures. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le produit fiscal global est en moyenne le même.
Cette difficulté à prévoir l’élasticité pose bien un problème – mais je n’ai pas souvenir qu’il y ait eu une demande de commission d’enquête quand les recettes, en 2021 et 2022, ont été supérieures aux estimations. (MM. David Amiel et Mathieu Lefèvre applaudissent.)
La question n’est donc pas celle des taux ou des leviers fiscaux à actionner, mais celle de la capacité à prévoir l’élasticité entre les produits fiscaux et la croissance : c’est la réalité, monsieur le président, mais vous ne voulez pas l’entendre. Sinon, expliquez-moi pourquoi, en 2021 et 2022, le produit fiscal a été supérieur aux prévisions. Vous ne pouvez pas, dans votre raisonnement, ne regarder que les années qui vous arrangent !
Mme Christine Arrighi et Mme Eva Sas
Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les hausses sur les premières années, supérieures aux estimations, ont mécaniquement entraîné une baisse sur les suivantes. Ce n’est pas si compliqué à comprendre, et je pense, monsieur le président, que vous le comprenez fort bien.
Sur ces amendements de suppression, je donne évidemment un avis défavorable.
M. Nicolas Sansu
Dommage !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous avons besoin de cet article : modifiez-le, éventuellement, mais ne le supprimez pas. Je le comprends comme un amendement d’appel – comme nombre d’amendements que vous avez déposés lors de l’examen du PLF.
M. Nicolas Sansu
C’est pour l’ensemble de votre œuvre !
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Nicolas Sansu
Un fondamentaliste du macronisme !
M. Mathieu Lefèvre
Il est paradoxal d’entendre des députés de gauche, qui ont refusé les annulations de crédits courageusement décidées en début d’année, venir pleurer sur le lait renversé et déplorer la dégradation du déficit public en 2024. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Pierre Cazeneuve
Eh oui !
M. Mathieu Lefèvre
La double question à laquelle nous devons répondre est assez simple : en septembre, quand le nouveau gouvernement a pris ses fonctions, était-il envisageable que le déficit soit inférieur à 6 % du PIB à la fin de l’année 2024 ? Est-ce encore envisageable aujourd’hui ? La réponse est évidemment oui. Il était possible de faire d’autres choix, notamment en réduisant les dépenses publiques, pour maintenir le déficit en dessous de 6 % – ce n’était pas une fatalité. Le groupe Ensemble pour la République considère que les annulations de crédits ne sont pas aussi élevées qu’elles auraient pu l’être. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Le gouvernement annule 5 milliards de crédits tout en débloquant 4 milliards : il aurait été possible d’aller beaucoup plus loin en procédant à de véritables annulations de crédits.
M. Nicolas Sansu
Avec des amis comme ça, monsieur le ministre, ça ne doit pas être facile !
M. Mathieu Lefèvre
Par ailleurs, des mesures réglementaires auraient pu être prises dès septembre. Ainsi, un décret aurait permis d’instaurer très rapidement le remboursement des tests covid sans ordonnance.
M. le président Coquerel affirme que nous n’aurions pas un problème de dépenses publiques, mais un problème de recettes publiques. Comment vous faire comprendre que c’est bien d’abord et avant tout un problème de dépenses publiques que rencontre notre pays, lui qui est champion de l’OCDE en matière de prélèvements obligatoires et dont les dépenses publiques ont plus que doublé depuis les années 2000 ?
M. Aurélien Le Coq
C’est faux !
M. Mathieu Lefèvre
Comment vous expliquer que la dépense de l’État a augmenté de plus de 100 milliards d’euros depuis 2019 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Yannick Monnet et M. Emmanuel Maurel
Mais cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !
M. Mathieu Lefèvre
Comment vous expliquer qu’en la réduisant de 6 milliards d’euros, nous faisons simplement preuve de raison et de sens des responsabilités ? La vérité, c’est que pour vous, un bon impôt est un impôt confiscatoire ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 79.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 177
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 132
Contre 45
(Les amendements identiques nos 17 et 79 sont adoptés ; en conséquence, l’article liminaire est supprimé.)
Première partie
M. le président
Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.
Article 1er
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 19, tendant à supprimer l’article 1er.
L’amendement no 8 de M. Philippe Brun est défendu.
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Emmanuel Maurel
Il tend à supprimer l’article 1er, qui prévoit une baisse de 393 millions d’euros des taxes affectées au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Notre pays a pourtant pris du retard en la matière, n’atteignant pas les objectifs qu’il s’était lui-même fixés. Mme Borne s’était engagée à financer un plan pour le ferroviaire à hauteur de 100 milliards d’euros, ce qui supposait un effort complémentaire de 3,3 milliards – le compte n’y est pas. Les 250 millions d’euros alloués au plan Vélo passent aussi à la trappe : dans le contexte actuel, ce n’est ni raisonnable, ni souhaitable.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Elle a repoussé ces deux amendements tendant à supprimer l’article 1er, qui modifie les plafonds des taxes affectées aux opérateurs. Il prévoit notamment une réduction de 393 millions d’euros de la part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’Afitf.
Cette baisse des ressources de l’Afitf prend acte du deuxième budget rectificatif pour l’année 2024 de l’agence, adopté par son conseil d’administration le 23 octobre 2024. L’agence ayant constaté des dépenses moindres que prévu en fin de gestion, elle a réduit ses ressources.
Mme Christine Arrighi
Franchement, arrêtez !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’article 1er du PLFG pour 2024 inscrit donc dans la loi la fin de l’exécution 2024 du budget de l’Afitf. L’économie réalisée découle d’un constat. L’annulation de la baisse de la fraction de TICPE affectée à l’agence ne devrait pas avoir de conséquence sur son action – cela m’a été confirmé par son président, que j’ai appelé personnellement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Bien sûr !
Mme Christine Arrighi
Vous plaisantez ?
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ces amendements sont typiques des lois de finances de fin de gestion : ils suggèrent que certains crédits diminueraient, alors que nous prenons simplement acte des baisses de gestion, en l’espèce de l’Afitf. Ces débats qui font croire à des ambitions à la baisse pour les opérateurs sont assez pénibles : en l’occurrence, les CP affectés à l’Afitf s’élèvent à 4,435 milliards – ils sont donc en hausse ! Si je récapitule, vous prétendez, à tort, que nous baissons les crédits. Il faut faire preuve d’honnêteté intellectuelle : certains crédits sont à la baisse, mais ce n’est pas le cas ici. Nous nous contentons d’inscrire dans la loi la baisse des crédits que l’Afitf a elle-même constatée en gestion.
Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 8 et 19 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir les amendements nos 13 et 127, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Christine Arrighi
Nous nous inscrivons en faux contre l’intervention du rapporteur général, qui prétend que l’Afitf ne s’opposerait pas à cette baisse. Nous nous opposons à la réduction des crédits de cette agence, mesure qui entraînerait la suppression de 250 millions d’euros alloués au plan Vélo pour 2024. Ce choix bafouerait les engagements écologiques de la France. Rappelons que 400 projets d’aménagements cyclables sécurisés avaient été déposés par plus de 300 collectivités territoriales, à la suite d’appels à projets gouvernementaux et d’un engagement de Mme Borne, alors première ministre. Cette coupe budgétaire met en péril des initiatives locales essentielles pour le développement des mobilités actives et fragilise gravement les projets de mobilité durable, alors que la demande en infrastructures sécurisées ne cesse de croître, que ce soit en ville ou à la campagne. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, le président de l’Afitf a-t-il vraiment consenti à ces coupes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme Sophia Chikirou
Très bien !
Mme Christine Arrighi
L’amendement no 127 est un amendement de repli, qui limite la réduction des crédits de l’Afitf et permet de sauver 250 millions alloués au plan Vélo pour 2024.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Comme je l’ai dit, j’ai appelé le président de l’Afitf, Franck Leroy, pour lui demander si la suppression de ces crédits aurait une incidence sur le fonctionnement de l’agence. Il m’a répondu que non, car certains dossiers n’ayant pas encore été traités, il ne sera pas possible d’utiliser les fonds en question avant le 31 décembre.
Mme Marie-Christine Dalloz
Voilà ! Elle a sa réponse !
M. Jean Terlier
Demande de retrait !
M. Éric Woerth
Les dépenses, c’est ce qu’on peut dépenser !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je ne peux rien vous dire de mieux ! Comme je l’ai précisé, le conseil d’administration s’est réuni pour rectifier le budget. Contrairement à ce que vous dites dans votre exposé sommaire, que nous votions pour ou contre cette baisse n’aura aucune conséquence sur le fonctionnement de l’agence : c’est une économie qui découle d’un constat.
La commission a voté contre ces deux amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que sur les amendements précédents.
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
En tant que rapporteure spéciale sur les crédits des transports, j’ai voulu auditionner le président de l’Afitf en octobre : il m’a dit que c’était impossible car il ne disposait toujours pas d’informations précises quant au montant du budget de l’agence.
M. Frédéric Petit
Du budget pour 2025, pas pour 2024 !
Mme Christine Arrighi
Il vous répond à présent qu’il ne pourra pas dépenser l’intégralité de son budget. Mais les 250 millions alloués au plan Vélo ont bien été supprimés du budget !
Mme Marie-Christine Dalloz
Parce qu’ils n’ont pas été dépensés !
Mme Christine Arrighi
Ils traduisaient pourtant un engagement de l’État.
M. Philippe Juvin
Mais si ces crédits ne peuvent pas être dépensés ?
Mme Christine Arrighi
Les collectivités locales avaient pourtant réservé un accueil très favorable à ce plan lors de sa présentation : des projets ont été soumis à l’État, des dossiers instruits. Des crédits pourraient donc encore être dépensés d’ici à la fin de l’année.
Mme Marie-Christine Dalloz
Elle ne comprend rien ! C’est irresponsable !
Mme Véronique Louwagie
On n’aménage pas des pistes cyclables en un mois !
Mme Christine Arrighi
Je m’inscris donc en faux contre les arguments du rapporteur général.
(Les amendements nos 13 et 127, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme Christine Arrighi
Vous votez contre les collectivités !
Mme Marie-Christine Dalloz
Oh, ça suffit !
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 9, 70 et 119, tendant à supprimer l’article 2.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Emmanuel Grégoire
Il y va de la souveraineté de notre audiovisuel public : en diminuant les moyens du secteur, vous mettez en péril la solidarité territoriale et le service public de l’audiovisuel. Une ponction infra-annuelle a déjà été effectuée en début d’exécution 2024 ; supprimer 51 millions supplémentaires en cours de route est insoutenable. C’est contraire à toutes les discussions entre le gouvernement et les acteurs de l’audiovisuel public, alors que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) ont déjà été négociés. L’audiovisuel public, c’est aussi la voix de la France dans nos territoires et à l’étranger –…
M. Laurent Jacobelli
C’est surtout la voix de la gauche, voire de l’extrême gauche !
M. Emmanuel Grégoire
…il n’est pas possible de priver ses acteurs de 51 millions d’euros sans attenter profondément aux intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
L’amendement no 70 de M. Aurélien Le Coq est défendu.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l’amendement no 119.
Mme Sophie Taillé-Polian
Il tend à supprimer la mauvaise manière faite en cours d’année 2024 aux entreprises de l’audiovisuel public, car elle les plonge dans de graves difficultés. Dans leur rapport de 2022 sur l’audiovisuel public, nos collègues Bataillon et Gaultier affirmaient pourtant que de nouvelles coupes budgétaires affecteraient structurellement ces entreprises. Que s’est-il passé ? Alors qu’elles s’étaient engagées à investir à la demande de l’État, ce dernier s’est désengagé sans prévenir, les mettant dans l’embarras le plus complet. Il serait incompréhensible d’accepter cette coupe de plus de 50 millions d’euros tout en défendant dans quelques heures l’audiovisuel public lors de l’examen de la proposition de loi organique réformant son financement. Ces crédits sont essentiels au bon fonctionnement de l’audiovisuel public. Notre société démocratique a besoin d’un audiovisuel fort et indépendant, ce que seul un financement pérenne et prévisible peut garantir. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de supprimer l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La loi de finances pour 2024 prévoyait initialement d’affecter aux cinq structures de l’audiovisuel public un montant de 3,976 milliards, contre 3,797 milliards en 2023, soit une augmentation de 179 millions.
Mme Marie-Christine Dalloz
Elle n’écoute même pas la réponse !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’article 2 vise à diminuer de 50,7 millions la fraction de TVA affectée aux sociétés de l’audiovisuel public. Cette coupe découle d’un constat – l’arrêt du programme de transformation de l’audiovisuel public. Ce projet gouvernemental, semble-t-il abandonné, était adossé à un programme budgétaire ad hoc, doté de 70 millions d’euros. Il a fait l’objet d’une première réduction de 20 millions dans le cadre du décret du 21 février 2024 – le fameux décret qui a annulé 10 milliards. Le programme a été interrompu dès le mois de mai 2024, dans le contexte de l’examen de la proposition de loi visant à fusionner les sociétés de l’audiovisuel public. À l’époque, il était devenu sans objet,…
Mme Sophie Taillé-Polian
Pas du tout !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…en raison du projet de création d’une holding, d’autant que la conjoncture financière était déjà tendue. Le projet de loi de finances de fin de gestion se borne à constater la non-consommation de 30 millions supplémentaires initialement alloués à ce programme en les annulant.
Mme Sophie Taillé-Polian
Mais ils ont été consommés !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Votre amendement viendrait rétablir un programme qui n’existe plus de facto depuis le mois de mai !
Mme Marie-Christine Dalloz
Mais ça ne les gêne pas, ce n’est pas grave !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cela perturberait les trajectoires financières des sociétés de l’audiovisuel pour 2024. Elles ne pourraient pas tirer parti de ce financement complémentaire en investissant dans des délais aussi contraints.
Mme Sophie Taillé-Polian
C’est faux, c’est complètement faux !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Voilà pourquoi la commission des finances a rejeté ces trois amendements.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’espère que ces amendements seront adoptés. Je ne partage pas votre analyse, monsieur le rapporteur général : ces crédits manquent à l’audiovisuel public. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir en finir en 2025 avec ces budgets dits de transformation, dépendant du seul bon vouloir de l’exécutif – certains collègues des groupes de la majorité sont du même avis.
Il faut pérenniser le budget de l’audiovisuel public et faire en sorte qu’il ne soit plus intégré au budget général, mais alloué en toute indépendance à l’audiovisuel. C’est notamment l’objet des propositions de Constance Le Grip, dont nous avons adopté les amendements, afin que la situation actuelle ne se reproduise plus à l’avenir.
Mais, en 2024, le problème est bien réel, et le projet de loi de finances de fin de gestion annule ces crédits, que certains pourraient considérer comme anormaux alors qu’il s’agit d’une variable d’ajustement, et d’une décision de l’exécutif concernant le financement de l’audiovisuel public qui pose problème.
Si nous ne conservons qu’une seule modification de ce projet de loi de finances de fin de gestion, je souhaite qu’il s’agisse de la suppression de l’article 2, et donc de l’annulation de la baisse du budget de l’audiovisuel public.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Madame Taillé-Polian, votre intervention soulève tout d’abord la question de la sécurisation des financements de l’audiovisuel public. Mais ce point fera l’objet d’un autre projet de loi.
En l’espèce, de quoi parle-t-on ? Il s’agit de 50 millions de crédits affectés au plan de transformation, d’abord gelés par le décret d’annulation du 21 février 2024, et dont le versement a été suspendu en avril suite à l’engagement de discussions sur la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public.
Comme précédemment, la rectification est donc une simple correction matérielle, les crédits n’ayant pas été consommés du fait des discussions susmentionnées.
Mme Sophie Taillé-Polian
Non, pas du tout !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il ne s’agit en aucun cas d’une diminution du niveau d’ambition pour l’audiovisuel public. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
C’est la dernière fois que nous évoquons ce sujet.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est pour ça qu’ils en parlent beaucoup !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public dont nous allons discuter – et que nous allons en principe adopter à l’unanimité – interdira toute régulation de ce type sur les crédits de l’audiovisuel public.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Certes, monsieur le rapporteur général, le budget initial des sociétés de l’audiovisuel public était légèrement inférieur à 4 milliards. Vous estimez donc que leur budget, tel que rectifié par cet article, serait dans la droite ligne des précédents.
Mais depuis 2017, l’audiovisuel public a connu une saignée et des coupes budgétaires, année après année, qui ont entraîné 1 500 suppressions de postes dans ses entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Protestations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Il y a quelques années, plus de 4 milliards d’euros étaient alloués chaque année à ces entreprises – et depuis, l’inflation est passée par là ! Les sociétés sont donc en grande difficulté, incapables de dégager de nouvelles économies sans réformes structurelles, et donc sans toucher à leurs missions. J’en profite pour saluer les personnels de ces entreprises.
Deuxième réalité : les crédits de transformation ont été consommés, avec ou sans changement de la gouvernance, car il s’agit d’investissements de long terme.
Ainsi, le rapprochement de France Bleu et de France 3 en région est une réalité depuis le 6 novembre dernier. Les entreprises ont présenté leur marque et leur logo communs, Ici.
M. Gérault Verny et Mme Marie-Christine Dalloz
C’est trop long !
Mme Sophie Taillé-Polian
Comment vont s’opérer les coupes ? Probablement sur les structures et les personnels. Nous devons en prendre conscience et comprendre que l’audiovisuel public est sous-financé de manière chronique depuis 2017.
Mme Marie-Christine Dalloz
Allez, c’est bon !
Mme Sophie Taillé-Polian
C’est grave pour notre démocratie et pour le soutien à la diversité culturelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Gérault Verny
On a compris !
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Nous sommes, autant que vous, attachés à l’audiovisuel public.
Mme Sophie Taillé-Polian
Visiblement pas !
M. Jean-René Cazeneuve
Bien sûr que si !
Il faut analyser les budgets, mais aussi les recettes propres de ses sociétés. Vous constaterez que leurs recettes, comme leurs dépenses, augmentent année après année, contrairement à ce que vous venez de dire.
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous avez désindexé en 2018 !
M. Jean-René Cazeneuve
En outre, soyons raisonnables. Il s’agit d’un ajustement de 1 % ! Il y a forcément des écarts entre la prévision budgétaire et l’exécution ! Ainsi, nous aurons dépensé plus en 2024 pour l’Ukraine que ce que nous avions prévu, et un peu moins pour l’audiovisuel, mais l’ajustement est presque normal.
Ne vous trompez pas de débat : il s’agit d’un projet de loi de finances de fin de gestion, qui vise à entériner les écarts entre prévision et utilisation des deniers publics.
Mme Marie-Christine Dalloz
Ce n’est pas le PLF !
(Les amendements identiques nos 9, 70 et 119 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 24, 12 et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 12 et 65 sont identiques.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe UDR de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Matthias Renault
C’est un amendement d’appel, puisque l’article vise à prévoir une ponction de fin d’année sur l’audiovisuel public à laquelle nous sommes favorables.
Il s’agit ici de remettre sur la table la privatisation de l’audiovisuel public, privatisation que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous plaidons pour une privatisation quasi totale de ces sociétés. Quelle est la place de l’État dans l’audiovisuel public et pourquoi y a-t-il un audiovisuel public en France ? Quelles sont les missions confiées à ces entreprises ? Il s’agit d’informer, de cultiver et de divertir. (M. Éric Woerth s’exclame.)
Divertir, le privé le fait très bien. La culture peut effectivement être une mission de service public, mais cela dépend de la demande. (M. Sylvain Maillard s’exclame.)
Quant à informer, quelle est la frontière entre information d’État et information indépendante ? L’État peut-il informer objectivement les citoyens ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. Loïc Prud’homme
Vous, vous les informez avec CNews !
M. Matthias Renault
En outre, l’audiovisuel public est coûteux : 4 milliards d’euros ! Ce coût est-il optimisé ? Si l’on en croit les différents rapports de la Cour des comptes, la réponse est non. Le pilotage du secteur privé est bien plus efficace dans l’audiovisuel.
M. Éric Woerth
Vous n’iriez pas jusque-là si vous étiez au gouvernement !
M. Matthias Renault
Enfin, qu’en est-il de la neutralité de ce service public ? Quand Mme Ernotte déclare devant l’Assemblée nationale que France Télévisions n’est pas là pour décrire le monde tel qu’il est, mais le monde tel qu’on voudrait qu’il soit, qui est « on » ? Qui détermine quelle vision du monde doit diffuser France Télévisions ?
La neutralité de l’audiovisuel public est un leurre. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour la privatisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Sébastien Peytavie
Il faudrait juste préciser : « Ceci est une fiction » !
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Mickaël Bouloux
Si les amendements sont en discussion commune, le nôtre n’a pas grand-chose à voir avec celui de M. Renault.
M. Philippe Brun
Non, rien à voir !
M. Mickaël Bouloux
Pour soutenir l’amendement de M. Lefèvre adopté en commission, nous avons déposé un amendement identique, qui vise à renforcer le soutien financier à l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Je laisse M. Lefèvre le défendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Mathieu Lefèvre
Je salue l’engagement constant de Mickaël Bouloux sur ce sujet.
Ces amendements n’ont rien à faire en discussion commune, puisque l’amendement de M. Bouloux et le mien visent à défendre une belle société de l’audiovisuel public, l’INA, située à Bry-sur-Marne dans ma circonscription, dont la gestion est saluée par la Cour des comptes.
M. Thomas Cazenave
C’est ça, l’énarchie !
M. Mathieu Lefèvre
Pourtant, cette société doit faire face à une impasse financière, liée à un flux de trésorerie négatif de près de 7 millions. Grâce aux efforts de gestion de la société, et à un personnel particulièrement actif et innovant, le besoin peut être revu à la baisse, à 5 millions d’euros seulement.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement no 24 de notre collègue Renault est – il le dit lui-même – un amendement d’appel qui vise à réduire de 65 à 70 % les dotations aux cinq structures de l’audiovisuel public, alors que nous sommes presque fin novembre.
M. Gérault Verny
Très bon amendement d’appel !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté l’amendement, déraisonnable et inapplicable, l’audiovisuel public ayant déjà dépensé beaucoup plus.
Les amendements identiques nos 12 et 65, relatifs à l’INA, ont été adoptés en commission. Néanmoins, ils me semblent injustes.
Pourquoi 5 millions pour l’INA au prétexte de difficultés de financement de la société, et rien pour les quatre autres structures ?
Mme Sophie Taillé-Polian
Parce que l’INA est dans sa circonscription !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’arrêt du versement des crédits de transformation des sociétés de l’audiovisuel public, qui motive la baisse de la fraction de TVA proposée par le gouvernement, était connu des sociétés de l’audiovisuel depuis mai 2024. Depuis cette date, l’INA a pu intégrer ces contraintes financières nouvelles à ses perspectives de financement.
Aussi, abonder de 5 millions d’euros son budget – soit une hausse de 5 % – à un mois de la fin de l’année 2024 ne permettrait pas à l’INA de déployer ces fonds et pourrait désorganiser la gestion financière de l’institut.
En outre, les crédits alloués à l’INA s’inscrivent dans une tendance positive, puisqu’ils ont été revalorisés de 11 % en 2023 – soit 10 millions d’euros – et de 4 % en 2024 – soit 4 millions d’euros.
Vos amendements ne sont pas raisonnables. À titre personnel, j’y suis donc défavorable.
M. Éric Bothorel
Tout à fait ! Vous avez raison !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable sur tous les amendements, pour des raisons différentes. Je rejoins l’analyse du rapporteur général sur l’amendement d’appel de M. Renault.
S’agissant des deux amendements identiques sur l’INA, je rappelle que lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion en 2023, les crédits de l’institut ont augmenté de 10,5 millions d’euros.
M. le président
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Nous l’avons compris, pour le Rassemblement national, le droit d’information est réservé aux milliardaires ! Avec lui, Bolloré a trouvé son principal défenseur dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) On comprend mieux les attaques auxquelles il se livre contre l’audiovisuel public quand on sait que lors des dernières élections législatives, les antennes régionales de France 3 ont réalisé un travail magnifique qui a permis d’informer nos concitoyens sur la véritable nature de ses candidats, en dénonçant l’infamie que constituait la présence parmi eux de candidats racistes ou antisémites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Alors oui, nous défendons fermement, de ce côté-ci de l’Hémicycle, l’audiovisuel public : la République compte avec l’éducation, avec l’information et avec la culture, et c’est avec elles et les lumières de la raison que toujours, nous vous avons fait reculer ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
L’INA est une institution très intéressante et très précieuse pour notre pays, mais il n’est pas tout à fait exact de dire que la Cour des comptes a salué sa bonne gestion : certes, elle a relevé des éléments positifs, mais également des points de fragilité. Rappelons que l’INA, c’est 1 000 équivalents temps plein et six délégations régionales – bref, une très grosse machine. Or malgré une diminution – toute relative – des effectifs, la masse salariale n’a pas baissé, ce qui s’explique par une politique salariale qu’on peut qualifier de généreuse. Il me semble que l’INA doit d’abord faire des efforts pour optimiser ses dépenses et peut s’abstenir de la dotation supplémentaire proposée par nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Je voudrais soutenir l’excellent amendement de Matthias Renault.
Je comprends que la France insoumise soit indignée par cette proposition, car elle trouve parmi les auditeurs et les téléspectateurs de l’audiovisuel public à peu près tout ce qui reste de ses électeurs. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) L’audiovisuel public nous a démontré ces dernières années qu’il était constitué de médias de propagande et absolument pas de médias d’information. Je ne vois donc pas pourquoi les 11 millions de Français qui ont voté pour l’alliance des droites seraient condamnés à payer pour des médias qui les vomissent à longueur de journée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Par ailleurs, le soutien à l’audiovisuel public coûte généralement une fortune, et dans une période d’austérité budgétaire, je pense qu’il est plus sain d’en limiter drastiquement le coût et de laisser au privé l’expression de la pluralité, puisqu’il n’a échappé à personne que si l’on prend en compte l’intégralité des chaînes privées, il existe une vraie pluralité de l’information.
M. Raphaël Arnault
Ridicule !
M. Gérault Verny
Certes, cela ressemble plus à la vraie France, c’est moins à l’avantage de la gauche, mais c’est la France. C’est comme ça ! (Mêmes mouvements.)
M. Raphaël Arnault
La France des milliardaires !
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Nous avons évidemment besoin d’un audiovisuel public fort au moment où les médias privés subissent les pressions de certaines personnes qui veulent les mettre au pas (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN),…
Un député du groupe RN
Au secours !
Mme Sophie Taillé-Polian
…selon leurs intérêts et leur agenda politique. Cette concentration est extrêmement dangereuse pour la démocratie. L’audiovisuel public assure parmi ses missions la diffusion d’une information vérifiée, recoupée,…
M. Hervé de Lépinau
Alors tout va bien ! La France est sous contrôle !
Mme Sophie Taillé-Polian
…ce qui n’est pas le cas dans nombre de médias privés, qui diffusent de fausses informations. Il doit à ce titre être conforté, comme bien sûr dans sa mission de soutien à la diversité culturelle qui fait la fierté de notre pays. Oui, pour notre démocratie et pour l’exception culturelle française, nous devons renforcer notre audiovisuel public.
M. Gérault Verny
Ah, vous pouvez en être fière ! Quelle prétention !
Mme Sophie Taillé-Polian
Et je voudrais ajouter un mot sur l’INA, non pas tant parce qu’il est situé dans la circonscription de M. Lefèvre, qui défend uniquement cet établissement public et pas les autres pour cette raison – ce n’est pas très joli, nous sommes là pour défendre l’intérêt général –, mais parce que cette suppression de crédits l’empêche d’investir pour que le patrimoine audiovisuel de notre pays puisse rayonner encore davantage, notamment être de plus en plus vu et utilisé. Je voterai donc l’amendement, puisqu’il s’agit d’investissements pour augmenter l’efficacité de la chaîne de vente, investissements qui auraient dû être faits au lieu d’être reportés – ce qui n’est vraiment pas au bénéfice de cette chaîne patrimoniale qu’est l’INA, véritable trésor pour notre pays qu’il convient de renforcer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 24.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 163
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l’adoption 53
Contre 110
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 65.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 160
Majorité absolue 81
Pour l’adoption 114
Contre 46
(Les amendements identiques nos 12 et 65 sont adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
À la demande de M. le rapporteur général, la séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Après l’article 2
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2, nos 41, 43, 46, 86, 137, 38, 40, 42, 47, 110, 131 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 41, 43, 46, 86 et 137 sont identiques, de même que les amendements nos 38, 40, 42, 47, 110 et 131.
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 41.
M. Stéphane Viry
À l’occasion de ce projet de loi de finances de fin de gestion, nous demandons par cet amendement une mesure d’équité à l’égard des conseils départementaux, lesquels doivent assumer le coût du RSA. Je rappelle que ce dispositif émane d’une volonté décentralisée de l’État d’accompagner celles et ceux qui sont éloignés, voire en position d’exclusion de l’emploi, et que depuis le 1er avril, il a fait l’objet d’une revalorisation. Celle-ci étant à la charge des départements, elle devrait donner lieu à une compensation rétroactive. Pour être tout à fait transparent, je précise que cet amendement a été suggéré par Départements de France. Nous savons le premier ministre attentif à ce sujet, puisque la semaine passée, il a déclaré qu’il fallait faire preuve, par rapport à la trajectoire budgétaire 2025, de mansuétude au vu de l’équilibre des finances départementales. Nous nous inscrivons ainsi dans la position politique du premier ministre et ce que nous proposons ici n’est qu’une mesure de justice et d’équité pour les départements.
M. le président
L’amendement no 43 de Mme Sophie Pantel est défendu.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 46.
Mme Danielle Brulebois
Il faut permettre aux départements de mettre en œuvre l’extension de la prime Ségur, sachant que selon un engagement pris et renouvelé depuis 2022, cette extension aurait dû faire l’objet d’un accord politique en comité des financeurs, instance qui réunit des représentants de l’État et des départements, pour s’assurer de la soutenabilité de la mesure. Les départements sont d’accord pour rendre les métiers concernés plus attractifs en les rémunérant à la hauteur de la qualité du service rendu. Toutefois, ils ne peuvent, dans l’état actuel de leurs finances, supporter les conséquences annoncées, estimées à hauteur de 170 millions d’euros, cette disposition étant rétroactive au 1er janvier 2024. Le gouvernement devrait tirer les conséquences d’un accord qu’il a agréé afin d’étendre la prime Ségur à l’ensemble des professionnels dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif.
M. le président
L’amendement no 86 de Mme Mathilde Feld est défendu.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 137.
Mme Christine Arrighi
Le revenu de solidarité active a été revalorisé à hauteur de 4,6 % le 1er avril dernier. Cette hausse en fonction de l’inflation est prévue par les textes et a le mérite de soutenir, certes insuffisamment, le pouvoir d’achat des Français concernés. Cette revalorisation s’ajoute aux diverses dépenses nouvelles annoncées par l’État – pour certaines non concertées et dans tous les cas partiellement, voire pas compensées du tout – qui se sont accumulées depuis 2022. L’augmentation est pérenne et devra dès 2025 être absorbée par les départements, dont la situation budgétaire est pourtant de plus en plus complexe. Je suis allée ce matin au congrès des maires rencontrer de nombreux élus qui, bien évidemment, font état de leurs difficultés à cet égard. Cette mesure creuse encore davantage leur reste à charge. Le RSA fait pourtant partie des compétences décentralisées que l’État s’était engagé à compenser par le passé… Or sur les 10,2 milliards d’euros de dépenses d’allocation RSA, les départements ont déjà un reste à charge cumulé de 5,2 milliards ! Une telle situation nous inquiète autant qu’eux, d’autant plus que nous avions déjà exprimé de vives réserves devant la réforme de France Travail. Nous demandons donc un transfert de crédits à hauteur de 345 millions d’euros pour compenser cette hausse de leurs dépenses pour 2024.
M. le président
Nous en venons à la seconde série d’amendements identiques de cette discussion commune.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 38.
Mme Virginie Duby-Muller
Comme avec les amendements précédents, nous évoquons des compétences que les départements ont héritées de l’État sans compensation des dépenses nouvelles qui en découlent. Ici, il s’agit de l’extension de la prime dite Ségur à l’ensemble des professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, une dépense très importante pour les départements. Cette décision vient s’ajouter aux 3 milliards d’euros de dépenses transférées aux départements par l’État depuis 2022. Afin de permettre aux départements de mettre en œuvre cette extension de la prime, nous demandons une compensation intégrale par l’État de son coût annuel estimé, soit 170 millions d’euros. L’État doit mettre un terme à ces annonces de transferts financés et supportés par les collectivités locales sans avoir fait l’objet d’une concertation avec elles.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Stéphane Viry
Tout à l’heure, on a parlé du RSA. Là, il s’agit de l’extension des primes Ségur à titre de régularisation. Cet amendement est surtout un amendement de principe. En 2022, le Parlement avait voté le principe d’une compensation des dépenses supplémentaires imposées aux départements par l’État. Nous demandons simplement que cette jurisprudence s’applique. Que les personnels concernés par le Ségur bénéficient d’une prime va de soi pour l’attractivité de leur métier et la reconnaissance de leur travail. Pour autant, les départements n’ont pas vocation à être des guichets de distributions d’argent décidées par l’État. Cet amendement a un but économique et comptable, mais il a surtout une vocation de déclaration de principe sur le respect des collectivités territoriales en général et des départements en particulier.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 42.
Mme Sandrine Runel
Identique aux précédents, il vise à obtenir pour les départements une compensation du versement des primes Ségur. Ce n’est pas parce que la ministre a avoué en commission des affaires sociales que le Ségur de la santé n’avait pas été financé par le précédent gouvernement qu’il appartient aux départements de le faire. Nous défendons évidemment l’idée que les professionnels, travailleurs sociaux ou soignants, doivent être bien rémunérés pour leur travail. Pour autant, ce n’est pas aux départements de financer des dépenses engagées par l’État. Nous demandons donc une compensation intégrale.
M. le président
Les amendements nos 47 de Mme Danielle Brulebois, 110 de Mme Marianne Maximi et 131 de M. Tristan Lahais sont défendus.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 14.
Mme Marie-Christine Dalloz
Depuis 2022, un accord tacite entre le gouvernement et les départements prévoit qu’une décision de transfert prise par l’État est précédée d’un accord entre l’ensemble des parties. En revanche, quand, le 25 juin, le gouvernement a décidé de faire bénéficier de la prime Ségur les professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, aucune discussion préalable n’avait été ouverte. Les départements se trouvent aujourd’hui confrontés à un effet ciseaux avec, d’un côté, des demandes d’allocations sociales individuelles qui progressent plus vite encore que ne baissent leurs droits de mutation à titre onéreux (DMTO), et, de l’autre, cette dépense de 170 millions d’euros dont il conviendrait de compenser le transfert.
Je ne demande pas à ce qu’on aille au-delà, mais 170 millions d’euros seraient la juste contribution de l’État à une mesure qu’il a prise et que les départements doivent assumer. Il s’agit d’un amendement d’appel, mais j’espère qu’il suscitera une réponse favorable. Il a été adopté en commission par principe ; nous verrons ce qu’il en est en séance.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
En fait, il y a deux blocs d’amendements. Le premier, qui va de l’amendement no 41 à l’amendement no 137, pose la question de la prise en charge de la revalorisation du RSA au 1er avril 2024 à hauteur de 345 millions d’euros. La commission y est défavorable, car il n’existe pas de précédent d’une telle prise en charge par l’État, alors que le RSA est revalorisé tous les ans au 1er avril. Le second bloc, qui va de l’amendement no 38 à l’amendement no 14, pose le problème de la compensation des décisions du Ségur de la santé, qui ont fait l’objet d’un accord entre les départements et l’État en juin dernier. La commission est favorable à la compensation par l’État des 170 millions d’euros que ces décisions coûtent aux départements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je n’ai pas écouté M. le rapporteur général…
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il y a deux blocs, monsieur le ministre. Les amendements nos 41 à 137 concernent la revalorisation du RSA de 345 millions d’euros. La commission y a donné un avis défavorable, que j’appuie en tant que rapporteur. En revanche, la commission demande la compensation des primes Ségur, de 238 euros brut ou de 183 euros net, sur lesquelles il y a eu un accord entre le gouvernement et les départements, comme cela a été le cas pour les structures concernées les autres années. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis favorable aux amendements nos 38 à 14, qui sont identiques.
M. le président
L’amendement no 14 n’est pas parfaitement identique aux précédents, monsieur le rapporteur général, et je connais votre sens de la précision ! Vous êtes donc favorable au no 38 et identiques et défavorable au no 14 ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Non : l’avis est le même puisqu’ils portent sur le même montant.
M. le président
C’est le même montant, mais pas le même amendement. Vous êtes favorable aux deux, mais un seul pourra être adopté.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Peu importe : ils auront la même incidence.
M. le président
Certes, mais cela ne donnera pas le même texte. Revenons à l’avis du gouvernement !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable. Sur le premier bloc, je rejoins les arguments de M. le rapporteur général concernant le RSA. Le point commun entre tous ces amendements est qu’ils visent à prévoir des compensations au profit des départements ; or le PLFG n’est pas le bon vecteur pour créer des compensations nouvelles qui deviendraient pérennes. En revanche, ils me donnent l’occasion de rappeler les mesures de soutien aux départements qui figuraient dans le budget pour 2024 : le doublement, par un abondement exceptionnel de l’État, du fonds de sauvegarde, porté à plus de 100 millions d’euros ; le renforcement significatif du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, avec 150 millions supplémentaires ; et, enfin, l’augmentation de 50 % et 100 millions d’euros du soutien de l’État à la prise en charge des mineurs non accompagnés.
Dans le PLF pour 2025, le gouvernement a aussi présenté des mesures de soutien aux dépenses des départements, notamment celles consacrées à l’autonomie. Pour toutes ces raisons – le choix d’un mauvais vecteur, les mesures prises en 2024 et celles proposées pour 2025 –, je formule une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Les députés du groupe Rassemblement national vont s’abstenir sur les amendements du premier bloc et voter en faveur de ceux du second bloc. À propos de la revalorisation du RSA, il est vrai que les départements sont dans une situation financière compliquée – les recettes de DMTO sont moindres que prévu, en raison de la situation du marché de l’immobilier, et les recettes de TVA également plus basses qu’attendu. Toutefois, comme la Droite républicaine l’a reconnu, il s’agit d’amendements d’appel : ce sont des sujets du PLF pour 2025 qui sont discutés ici, si j’en crois les menaces de certains présidents de conseils départementaux de droite de suspendre le versement du RSA ainsi que la prise en charge de nouveaux mineurs non accompagnés – point sur lequel nous jetons un œil très favorable. On parle ici d’un peu plus de 300 millions d’euros quand la prise en charge des mineurs non accompagnés représente 2 milliards. Il serait intéressant de mettre les deux chiffres en perspective.
Dans le cas du Ségur de la santé, la logique est un peu différente, car l’engagement qui avait été pris rend la rétroactivité sur 2024 plus pertinente. C’est pourquoi nous voterons en faveur des amendements du second bloc. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
En tant que conseiller départemental, ce débat m’intéresse. D’autre part, comme M. le ministre a un peu lancé la discussion en parlant du PLF, je voudrais savoir si la hausse des DMTO évoquée la semaine dernière sera dans la copie finale du projet de loi de finances pour 2025, d’autant qu’à lire la presse, elle semble faire débat au sein même du gouvernement. Cette augmentation va peser sur les Français qui achètent un bien immobilier, donc ceux de la classe moyenne, c’est-à-dire à peu près tout le monde. Une réponse à ma question éclairerait nos discussions sur les finances des départements.
(Les amendements identiques nos 41, 43, 46, 86 et 137 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 38, 40, 42, 47, 110 et 131 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 14 est adopté.)
Article 3 et état A
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Matthias Renault
Il s’agit d’un amendement déposé régulièrement par les députés du RN qui vise à demander des précisions sur les détenteurs de notre dette. Notre collègue Kévin Mauvieux, rapporteur spécial sur la dette, a tenté pendant plus d’un an, avec des contrôles sur pièces et sur place, de répondre à la question suivante : qui détient la dette française, en particulier chez les étrangers, lesquels en possèdent la moitié ? Il ne réclame pas des informations nominatives, car il pourrait se voir opposer un secret inscrit dans la loi, mais cherche à établir une liste comportant le montant de notre dette détenu dans tel ou tel pays tiers.
L’objet de l’amendement est d’en savoir plus sur la détention de la dette. Lors de ses contrôles sur pièces et sur place à l’Agence France Trésor (AFT) et à la Banque de France, le rapporteur spécial s’est vu opposer un refus de transmission des informations que ces deux institutions détenaient. Cet amendement est donc aussi une façon d’interpeller M. le ministre sur les raisons qui poussent à ne pas divulguer les informations sur la détention de la dette française à l’étranger. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas voté en faveur de cet amendement, qui soulève toutefois un problème réel et ancien puisque cela fait des années que nous demandons de connaître la répartition de la dette par nationalité des détenteurs, par nature, etc. Cet amendement constitue en quelque sorte un appel de la part de nos collègues, car cet article n’est pas le bon endroit pour obtenir ces informations. Je leur suggère de retirer leur amendement et de demander au gouvernement d’indiquer cette répartition dans le rapport remis au moment du débat sur la dette.
M. Hervé de Lépinau
Il ne veut pas !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La nouvelle loi organique relative aux lois de finances prévoit un débat annuel sur la dette sur la base d’un rapport qui traite précisément de la nature des investisseurs. Il me semble que c’est plutôt dans ce cadre-là que les informations doivent être données.
Il est vrai que la nature des investisseurs change en temps réel. Néanmoins, vous pouvez également disposer d’informations sur le sujet auprès de l’AFT.
Avis défavorable.
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance : l’article 3 étant l’article d’équilibre, vu les amendements adoptés précédemment, il nous faudrait corriger par voie d’amendement les données relatives à cet article.
M. le président
La suspension est de droit et, comme il est vingt heures et qu’il reste un certain nombre d’amendements à examiner, je vais même lever la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 ;
Discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public ;
Discussion de la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités ;
Discussion de la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra