XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du lundi 20 janvier 2025

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Première séance du lundi 20 janvier 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Élection d’une députée

    Mme la présidente

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    J’ai reçu du ministre de l’intérieur une communication m’informant que Mme Camille Galliard-Minier a été élue hier, dimanche 19 janvier 2025, députée de la première circonscription de l’Isère.

    2. Urgence pour Mayotte

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte (nos 772, 775).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les députés qui soutiennent le gouvernement ne sont pas là ; ils ne peuvent pas applaudir. C’est dommage, ils auraient pu marquer leur soutien.

    Mme la présidente

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    Je suis là, monsieur Lecoq, pour montrer notre soutien à Mayotte et aux outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Il faut de la retenue face à un sujet d’une telle gravité.
    À mi-chemin entre Madagascar et l’Afrique continentale se trouve un petit archipel volcanique à qui l’on a donné bien des noms : l’île hippocampe, d’après sa forme vue du ciel et ses côtes très découpées, l’île aux parfums, pour sa culture historique de plantes odoriférantes, l’île au lagon, car elle possède l’un des plus grands du monde, sublimé par une longue barrière de corail. Ce territoire splendide, qui a systématiquement, à de multiples reprises, et de manière quasi unanime, choisi notre pays, parfois contre vents et marées, est l’un des plus magnifiques recoins de France. La forêt, le lagon, l’agriculture, la faune, la flore, les Mahorais eux-mêmes, leur humanité, leur culture accueillante et attachante sont autant d’atouts qui constituent un potentiel incontestable.
    Mayotte est française depuis 1841. L’île est devenue cent soixante-dix ans plus tard –⁠ je ne vous apprends rien – le 101e département français en 2011. Depuis, beaucoup a été fait pour rattraper le retard mais –⁠ il faut être lucide – c’est très largement insuffisant. Nous le savons, la réalité est implacable, comme deux chiffres l’illustrent à eux seuls : 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ; 73 % des jeunes rencontrent des difficultés de lecture. Dans un département français, il n’est pas normal d’envoyer ses enfants à l’école seulement un jour sur deux ; d’avoir de l’eau à peine potable au robinet seulement quelques jours par semaine et quelques heures par jour ; de ne pas pouvoir pénétrer dans certains lieux, à côté de chez soi, parce qu’ils sont aux mains des bandes ; de devoir, chaque jour, raser les murs, ou d’accueillir son enfant de retour de l’école après qu’il a vu son bus caillassé par des voyous.

    M. Pierre Cordier

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    Un peu comme en métropole, en fait !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Il n’est pas normal de ne plus se sentir du tout chez soi, dans un territoire revendiqué par un État étranger voisin et dévisagé par des arrivées clandestines infinies. Je vous parle d’une partie de la nation, d’une partie de nous, d’un département français et d’une situation qui n’a pas attendu le cyclone Chido.
    Maintenant, imaginez qu’à la suite d’un événement climatique dévastateur s’ajoutant à ce qui était déjà considéré comme une situation très difficile, vous ayez le sentiment d’avoir aussi perdu tout ce qui était utile, beau ou bon. Telle est la vie de nos compatriotes mahorais, mesdames et messieurs les députés.
    Je ne pouvais pas vous présenter ce projet de loi d’urgence sans commencer par vous amener un peu là-bas, sans vous pousser à ressentir ce que vos deux collègues, Mmes Youssouffa et Bamana, vivent au quotidien, ce que j’ai modestement ressenti quelques jours au début du mois et ce que je ressentirai la semaine prochaine, en y retournant. Nous devons à tous les Mahorais de trouver ensemble des solutions fortes, concrètes, pragmatiques et dénuées de toute idéologie.
    Depuis que j’ai pris mes fonctions de ministre des outre-mer le 23 décembre dernier, la situation à Mayotte s’est évidemment imposée à moi comme une urgence immédiate, comme la première priorité de mon action. Il en va de même pour le premier ministre et pour l’ensemble du gouvernement, engagé dans la réponse à la crise et dans la déclinaison, progressive, difficile –⁠ il faut l’admettre – mais rapide, du plan Mayotte debout annoncé le 30 décembre dernier, sur place, par François Bayrou.
    Nous devons refonder Mayotte, de Mtsamboro à Kani-Kéli, du lagon à la forêt, de la Petite-Terre à la Grande-Terre, des logements à l’accès aux soins, de l’agriculture à la pêche, de l’école aux infrastructures d’eau et d’assainissement. Nous devons ainsi faire ressortir le meilleur de Mayotte en la débarrassant des fléaux qui la dénaturent : l’habitat illégal et l’immigration clandestine. J’ai entendu, lors des débats en commission, comme certains le répéteront dans cet hémicycle, que le projet de loi ne comprend rien sur la lutte contre l’immigration ou sur les urgences vitales. C’est vrai. Cependant, ne confondons pas les différents temps.
    Nous devons sauver Mayotte, la reconstruire, puis la refonder. Le premier temps, sauver Mayotte, correspond à la gestion de crise. Elle ne nécessite heureusement pas de texte législatif. Elle mobilise tout le gouvernement et, nuit et jour, les services de la préfecture, sous l’autorité du préfet Bieuville à qui je veux rendre hommage devant vous. En ce qui concerne les opérations de secours aux personnes, la distribution d’eau et de vivres est encore imparfaite et inégale sur le territoire, et le rétablissement des infrastructures stratégiques, notamment l’électricité, peut lui aussi être amélioré. J’en ai longuement parlé en commission et je pourrai y revenir le cas échéant au cours de la discussion.
    Je dirai un mot du risque épidémiologique car, vous le savez, un cas de choléra a été identifié. Nous nous étions préparés à cette éventualité, car ce territoire avait déjà connu ce type de crise il y a quelques mois. L’individu, qui venait de l’étranger, a été immédiatement isolé. Nous avons engagé une campagne de vaccination massive dans la zone impactée et nous avons informé de nouveau les populations sur les risques de consommation d’eau sale.
    Plus généralement, si la mobilisation de l’État a permis des avancées concrètes, le chemin est encore long. La mobilisation doit se poursuivre sans relâche et dans la durée, avec une présence constante sur le terrain.
    Nous nous battons chaque jour afin de réaliser de nouvelles avancées pour Mayotte. Depuis mon audition devant la commission des affaires économiques le 13 janvier, nous en avons obtenu plusieurs. Je vous donne des informations, mais je ne crie pas victoire, car je pense que nous devons être modestes face à la situation que nous connaissons.
    Premièrement, j’ai cosigné, le 15 janvier, un décret prévoyant une aide exceptionnelle aux entreprises de Mayotte pour les mois de décembre 2024 et janvier 2025 –⁠ il faudra évidemment aller plus loin par la suite. Cette aide pourra atteindre 20 000 euros. Les premiers versements seront disponibles dès cette semaine pour les bénéficiaires. Cette première opération concerne 2 402 entreprises pour un montant de 16,66 millions.
    Deuxièmement, il a été décidé d’harmoniser davantage l’attribution des aides d’urgence aux agents publics pour la fonder sur des critères objectifs afin d’éviter le sentiment d’injustice entre catégories de fonctionnaires, entre fonctionnaires et contractuels, ou entre métropolitains et Mahorais.
    Troisièmement, nous avons progressé vers le déploiement d’un prêt à taux zéro (PTZ) pour accompagner les familles les plus fragiles dans la reconstruction de leur maison. Ses caractéristiques seront favorables aux emprunteurs : il permettra d’emprunter jusqu’à 50 000 euros, pour une durée maximale totale de trente ans, avec un taux d’intérêt bonifié puisqu’il s’agira d’un taux zéro sur toute la durée du prêt et avec un différé d’amortissement de cinq ans. Ce prêt sera ouvert à toutes les familles mahoraises, même lorsque leur habitation n’était pas assurée, ce qui est une réalité massive à Mayotte. Nous faisons en sorte que ce prêt soit distribué le plus rapidement possible, d’autant plus qu’ensuite les banques ont besoin de temps pour le délivrer effectivement. Il s’agit d’une aide capitale. Sa mise en place est complexe ; elle devra être simplifiée au maximum localement, pour que chacun la comprenne.
    Quatrièmement –⁠ les élus mahorais, notamment les deux députées, m’ont particulièrement alerté ces derniers jours sur ce sujet –, une circulaire est en cours de finalisation pour préciser les principes d’intervention et les modalités de mise en œuvre du fonds de secours pour les outre-mer (FSOM) qui permettra d’apporter un soutien financier aux particuliers non assurés, afin de prendre en charge la réparation ou le remplacement des biens mobiliers perdus, pour un montant allant jusqu’à 700 euros, et des biens immobiliers, jusqu’à 1 800 euros. Il permettra également de soutenir les petites entreprises à caractère artisanal ou familial pour remplacer ou réparer les outils de production, ainsi que les exploitants agricoles pour compenser les pertes de récoltes et d’outils de production.
    Madame la présidente, vous étiez vous-même sur place il y a peu, et vous comprenez tous que sur ce sujet comme sur d’autres, les discours et les annonces ne suffisent pas : je serai très attentif à leur réalisation. Il s’agit en effet d’accompagner des personnes, des familles ou de toutes petites entreprises.
    Enfin, l’augmentation très nette et très significative dans un tel contexte des crédits de la mission Outre-mer bénéficiera évidemment à Mayotte. Un fonds d’amorçage de 100 millions d’euros afin de financer les premières dépenses d’urgence a notamment été adopté mercredi dernier au Sénat. Nous irons beaucoup plus loin, bien entendu, le moment venu, mais nous avons besoin que la mission inter-inspections chargée d’évaluer les dégâts achève ses travaux, qu’elle effectue en relation avec les élus, particulièrement le conseil départemental et les maires.
    Nous sommes aussi particulièrement mobilisés pour relever les défis qui restent devant nous. Premièrement, nous préparons la rentrée scolaire. La rentrée administrative a lieu aujourd’hui même. Celle des élèves se déroulera le 27 janvier, après avoir été décalée à la suite de la tempête tropicale intense Dikeledi.
    Là encore, il faut être lucide : cette rentrée sera progressive, complexe, difficile, avec des modalités adaptées. Elle reste un défi, d’autant que 30 % des établissements demeurent inutilisables ou doivent être évacués. Mme la rapporteure m’en parlait encore ces derniers jours, nous accompagnerons les élèves du second degré qui seraient contraints du fait de l’état de leur école de suivre leur scolarité sur un autre territoire, c’est-à-dire, pour parler directement, dans l’Hexagone. Le billet d’avion sera pris en charge par L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) sur le fondement des critères sociaux habituels. Il faut diffuser effectivement l’information dans les jours qui viennent à toutes les familles.
    À ce sujet, car je ne doute pas que vous suivez tous très attentivement ce qui se passe à Mayotte –⁠ en tout cas les deux députées de ce territoire le font pour vous –, je confirme que le lycée Younoussa-Bamana de Mamoudzou a été évacué ce matin. La phase de secours et d’hébergement d’urgence prend fin, dans des conditions difficiles sur place, au profit d’une phase de redémarrage des services essentiels dont, au premier rang, l’école. Le lycée doit être disponible lundi pour permettre aux élèves mahorais d’y apprendre et d’y réussir. Toute cette semaine, avec les élus, le ministère de l’éducation nationale et le rectorat, nous nous engageons pour nettoyer les établissements scolaires quand cela n’a pas été fait et assurer leur sécurité.
    Deuxièmement, nous sommes confrontés à une situation très difficile en matière de gestion des déchets. Il s’agit de l’un des sujets les plus complexes, en particulier eu égard aux urgences sanitaires que j’ai évoquées. Nous devons évacuer plus de 6 000 tonnes, en gardant l’objectif d’une évacuation totale des déchets ménagers de la voie publique à la fin du mois de janvier. Pour cela, du soutien est nécessaire, notamment depuis La Réunion, afin de réaliser la stratégie retenue. J’espère que nous parviendrons à cet objectif à la date prévue.
    Troisièmement, nous sommes mobilisés pour avancer au plus vite pour le reboisement de l’île. La forêt ayant été détruite, ce sera incontestablement l’un des grands défis : on voit bien ce que cela représente pour les circuits d’eau, l’aménagement du territoire et l’écosystème de Mayotte. Un financement du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) sera recherché. Il faudra garantir la disponibilité des plans et s’assurer que les pépiniéristes locaux pourront répondre aux commandes. Il y a urgence, car c’est la saison pour semer. Il faudra aussi s’appuyer sur les pays voisins de l’océan Indien.
    Après la crise et les défis que je viens de présenter, le deuxième temps que j’évoquais, celui de la reconstruction de Mayotte, s’incarne dans ce projet de loi d’urgence. Sa philosophie générale est simple : permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l’hébergement et l’accompagnement de la population, ainsi que la reconstruction ou la réparation des infrastructures et des logements sinistrés. Pour ce faire, ce texte comprend désormais trente-trois articles, contre vingt-deux dans la version initiale du projet de loi.
    Le chapitre Ier comporte deux mesures importantes. L’article 1er prévoit la mise en place d’un opérateur public puissant et dédié à la reconstruction de Mayotte. À la demande des élus, il a été bien précisé en commission qu’il ne s’agira pas de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), mais que les missions de ce dernier seront intégrées dans un nouvel établissement public. Le général Pascal Facon en a été nommé préfigurateur. Il se rendra sur place, afin de discuter avec tous les acteurs de l’organisation envisageable et de bien déterminer l’espace qu’occupera cet établissement, en tenant compte du rôle de l’État déconcentré et, évidemment, des missions des collectivités territoriales.
    L’article 2 permet à l’État d’assumer, jusqu’au 31 décembre 2027, les compétences de construction, de reconstruction, de réhabilitation, de rénovation et de réparation des écoles publiques communales à Mayotte. Cette substitution sera temporaire et soumise à l’avis conforme des communes, comme vous l’avez souhaité.
    Le chapitre II adapte les règles d’urbanisme et de construction. À l’initiative de la rapporteure et avec le soutien du gouvernement, il a notamment été complété en commission par un nouvel article 4 bis visant à encadrer la vente de tôle aux particuliers, dans le but de lutter contre le fléau de l’habitat illégal. C’est le grand sujet. Est-il facile à régler ? Non, mais nous devons être capables d’utiliser tous les moyens offerts par la loi. En ce sens, le gouvernement proposera un autre amendement visant à élargir l’ordonnance prévue par l’article 4 à la lutte contre les bidonvilles. Ainsi, des mesures rapides pourront être prises. C’est un point important, par rapport aux débats que nous avons eus en commission.
    Le chapitre III comporte six articles qui s’inspirent des dispositions prises à la suite des violences urbaines de l’été 2023 et qui visent à adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte. En commission, il a été complété, à l’initiative du gouvernement, par des dérogations temporaires pour accélérer la reconstruction des infrastructures de communication électronique, comme annoncé par le premier ministre dans le plan Mayotte debout. Tout à l’heure, le gouvernement proposera par amendement de revenir sur certaines dispositions, selon moi trop complexes, introduites en commission.
    Le chapitre IV est constitué d’un seul article, l’article 10, habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique.
    Le chapitre V prévoit des adaptations et des dérogations temporaires aux règles de la commande publique. Un amendement a été adopté en commission afin de garantir la participation effective des entreprises mahoraises à la reconstruction de leur territoire. Nous proposerons de le préciser.
    Le chapitre VI comprend des mesures déjà annoncées, inspirées des dispositions mises en œuvre pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, afin de faciliter les dons en faveur de Mayotte pour les collectivités territoriales ou pour les particuliers. Je vous communique une information qui m’a été donnée par la Fondation de France : il y a eu environ 40 millions d’euros de dons, soit deux ou trois fois plus que pour l’ouragan Irma ou le tremblement de terre au Maroc. Cela montre la générosité de nos compatriotes.
    Enfin, le chapitre VII regroupe des mesures sociales temporaires en faveur de la population et des professionnels à Mayotte. Les mesures initiales ont été utilement élargies par la prolongation de plein droit des demandes de logement social arrivées à expiration, par l’extension à certaines autres catégories de prestations comme les allocations logement ou par l’élargissement au régime agricole.
    Donnez-nous tous ces moyens, mesdames et messieurs les députés, et j’en suivrai l’application, matin, midi et soir. Actuellement, une équipe dédiée se met en place auprès de mon cabinet et de la direction générale des outre-mer, afin de suivre, minute par minute, la situation à Mayotte. Cette équipe sera composée de spécialistes de tous les sujets, dans une approche interministérielle, et elle travaillera évidemment en lien très étroit avec la préfecture sur place. Les moyens humains et matériels de cette dernière ont été renforcés et le seront encore davantage. L’équipe travaillera aussi avec les élus, afin de renforcer l’ingénierie, notamment du conseil départemental et des communes.
    Ce projet de loi est donc une réponse incontournable, mais il n’est qu’une première réponse. Un troisième temps viendra, celui de refonder Mayotte grâce à des mesures structurelles que nous présenterons dans un autre projet de loi. Le premier ministre l’a annoncé : nous allons mener des concertations très larges dans les prochaines semaines, afin d’avancer sur des mesures législatives plus structurelles, à plus long terme.
    D’ici à deux mois, nous vous présenterons donc un second projet de loi, qui prendra la forme d’un projet de loi-programme de refondation de Mayotte. Ce texte visera à asseoir le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases. Par exemple –⁠ mais nous ne passerons pas nécessairement par cette seconde loi pour cela –, nous instituerons une zone franche globale et agirons en matière de politique de la ville. Pour cela, nous avons besoin de la vérité sur les chiffres, afin de calibrer la solidarité nationale et de connaître la réalité de l’immigration illégale : c’est l’objet du recensement demandé à l’Insee par le premier ministre. Ce recensement devra se faire avec les élus locaux.
    Ne nous mentons pas : si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé les problèmes, les difficultés et les calamités qui existaient déjà. J’ai évoqué la pauvreté, mais Mayotte plie déjà, depuis des années, sous le poids des deux fléaux qui la rongent : l’habitat illégal et l’immigration irrégulière, clandestine.
    Y a-t-il ici quelqu’un pour défendre l’habitat illégal ? Ces constructions de fortune, tenant à peine debout, surtout après le cyclone, et reconstruites dans les conditions qu’on peut imaginer, excèdent les Mahorais. Je le redis avec clarté : nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. Les opérations régulières de décasage doivent se poursuivre. Vient alors la grande question : mais où les mettrez-vous ? Il n’y a qu’une seule réponse possible, qui nous gêne peut-être, mais qui est têtue : nous devons aux Mahorais et aux étrangers légaux qui vivent dans ces habitats insalubres –⁠ car c’est aussi le cas – de construire les conditions économiques et sociales pour qu’ils puissent en sortir. Cela ne doit pas être un vœu pieux, et ça n’est évidemment pas facile. S’agissant des autres, des illégaux, il faudra les renvoyer chez eux. En effet, 50 % de la population à Mayotte est étrangère.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Comorienne !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Dans une interview publiée cet après-midi par Le Monde, le directeur général de l’Insee l’a confirmé : l’immigration illégale pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes, elle nourrit l’ultraviolence et alimente des réseaux de trafiquants d’êtres humains, à Mayotte et à l’extérieur. C’est indigne de la République et des valeurs universelles que nous voulons défendre. L’immigration clandestine nécrose Mayotte. Les Mahorais n’en peuvent plus ; ils ont le sentiment d’être submergés et d’être abandonnés par la France. La société craque et le pire est possible sur place. Ayons-le en tête.
    La lutte contre l’immigration clandestine constituera donc un volet primordial du second projet de loi, texte sur lequel nous travaillons avec Bruno Retailleau. Dès à présent, nous rétablissons nos moyens de détection des entrées illégales, par voie aérienne et maritime, car certains ont été abîmés par le cyclone. Ces moyens monteront en gamme, comme annoncé dans le plan Mayotte debout.
    Nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte : allongement de la durée de résidence régulière des parents pour l’accès des enfants à la nationalité française, meilleurs outils juridiques pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et extension de l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine. Nous devons surtout augmenter les éloignements de clandestins, de 25 000 aujourd’hui, à 35 000 ou plus demain. Cela suppose un rapport très ferme avec les Comores, cet État qui revendique dans sa norme suprême une part de notre territoire national. Aucun État souverain ne peut l’accepter.
    Je sais que le groupe Droite républicaine de l’Assemblée nationale inscrira dans sa journée réservée du 6 février une proposition de loi du député Gosselin pour rendre encore plus restrictifs les critères du droit du sol à Mayotte. Nous y sommes favorables.
    Il y a le jeu et le débat politiques,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas un jeu !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …les actualités qui vont et qui viennent, mais aussi une impérieuse exigence quand on écoute les Mahorais : ne pas laisser tomber Mayotte. Ne nous laissez pas tomber, ne nous oubliez pas, nous disent-ils. Soyons conscients qu’au-delà de la région, le monde nous regarde. Nous ne lâcherons rien pour aider Mayotte à se relever ; nous ne transigerons avec rien pour reconstruire l’île sur des bases plus saines, ainsi que pour changer son visage et, à travers elle, la vie des Mahorais.
    D’abord, il s’agira, bien sûr, de lutter jour et nuit contre les conséquences du cyclone ; et ensuite, de reconstruire rapidement, comme le propose le projet de loi que nous examinons.
    Il s’agira aussi de débarrasser très vite les Mahorais des bidonvilles, des clandestins, de l’ultraviolence, ainsi que du sous-développement économique et social. Notre responsabilité est immense, afin que, demain, Mayotte ne soit plus seulement la tôle, les machettes et les kwassa-kwassa.
    Je sais que vous partagez ma volonté que, demain, l’image de Mayotte soit celle d’une économie et d’une agriculture qui redonnent de la force au territoire ; des jeunes du régiment du service militaire adapté, qui ont fait un travail extraordinaire ; de la beauté du lagon ; du voulé, ce barbecue traditionnel qui est une véritable fête ; de la ferveur des manzarakas, ces mariages traditionnels ; de la fête prochaine du Ramadan, tellement importante sur l’île, qui est déjà un sujet de préoccupation et même d’urgence ; ou encore de la culture de l’ylang dans les jardins mahorais.
    Je veux que nous voyions tous Mayotte comme elle est : pas seulement l’île hippocampe ou l’île du lagon, ni même l’île aux parfums, mais bien l’île de beauté, et plus largement, un de ces territoires qui nous permettent de penser que la France est belle quand elle est grande. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Pourquoi ne l’avez-vous pas vu plus tôt ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques.

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques

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    Selon le premier ministre, Mayotte a subi la plus grave catastrophe naturelle de l’histoire de France depuis plusieurs siècles. Le cyclone Chido a ravagé notre île le 14 décembre ; le 13 janvier, c’est Dikeledi qui a continué le travail de dévastation et je vous rappelle que la saison cyclonique n’est pas finie. Depuis hier, c’est le choléra qui frappe, avec un premier cas déclaré. À Mayotte, nous avons l’impression d’un calvaire sans fin, d’un martyre qui vient s’ajouter aux années de crises successives.
    Française depuis 1841, Mayotte était sans eau courante avant le cyclone ; elle est maintenant sans électricité, dans une bonne partie de l’île. Des efforts et des renforts ont été apportés, oui, mais pas à la hauteur des besoins. Comme je le répète depuis le lendemain du cyclone, toute la population est vulnérable à Mayotte : tout le monde a subi les dégâts importants de son habitation ou a perdu son toit, son outil de travail ou son emploi ; tout le monde est confronté aux coupures d’eau ; tout le monde subit les violences de pillages et des caillassages qui ont repris, ainsi que la hausse des prix et les ruptures de stocks dans les magasins. Tout le monde subit la hausse des prix imposée par Air Austral. Tous les habitants de Mayotte souffrent, riches et pauvres, Mahorais, Indiens, Hexagonaux et étrangers. Toute la population est vulnérable et il faut enfin massifier l’aide apportée à notre territoire parce que tout le monde à Mayotte est à bout de forces.
    L’orgueil de notre pays, c’est de proposer une aide internationale au reste du monde, mais de la refuser pour Mayotte en affirmant que l’on gère au mieux la situation, alors que la population a faim et soif. À Mayotte, vos compatriotes subissent des coupures d’électricité et sont rationnés pour les achats de packs d’eau dans les magasins, où les ruptures de stock sont fréquentes. L’aide alimentaire s’est résumée à une boîte de sardine et à une bouteille d’eau par personne pour une semaine : un effort logistique énorme, pour un résultat dérisoire.
    Il y a aussi un déni de la réalité, quand les communiqués gouvernementaux affirment que l’électricité est rétablie à 80 %, alors que cette donnée ne concerne pas des foyers mais des bâtiments publics prioritaires. Il y a bien eu des efforts et des renforts, mais pas à la hauteur des besoins : la majorité des foyers n’a toujours pas l’électricité à Mayotte.
    Alors que le cyclone Chido nous a frappés il y a trente-sept jours, la plupart des familles mahoraises n’ont toujours pas vu la couleur de la moindre bâche pour protéger leur tête et 90 % des foyers mahorais n’ont pas d’assurance. Nous n’avons encore aucun détail concret ni aucune modalité pratique concernant la promesse faite par le premier ministre de nous aider pour la reconstruction de nos maisons. J’entends les déclarations que vient de faire le ministre des outre-mer, que je remercie, mais je lui répète qu’il est urgent d’atteindre enfin les foyers, parce que la loi d’urgence ne dit absolument rien de la première des nécessités : nous donner un toit.
    Comme l’a expliqué un conseiller départemental à la présidente de l’Assemblée nationale lors de sa visite, dont je la remercie encore, Mayotte est à poil –⁠ vous pardonnerez l’expression. Nous sommes tout nus : pas un arbre pour cacher la forêt. Impossible de se cacher derrière son petit doigt pour justifier l’injustifiable, l’anarchie administrative, le grand n’importe quoi des exceptions, ordonnances et décrets qui, depuis des décennies, laissent Mayotte en dehors de la République, avec des inégalités structurelles et des injustices inacceptables.
    Le cyclone remet tragiquement les compteurs à zéro et nous offre une occasion historique de reconstruire correctement Mayotte, d’aligner enfin nos droits sur ceux du reste du pays et de mettre fin au désordre migratoire qui déstabilise notre département. Le cyclone Chido nous impose de reconstruire Mayotte mieux, durablement et solidement, pour sortir du précipice, résister au changement climatique, offrir un avenir à nos enfants et construire la prospérité de demain. Nous avons la force de tenir et le courage de reconstruire ; nous vous demandons le courage d’agir enfin.
    Les crises sont un révélateur des caractères, mais aussi des fragilités du système : la grandeur et la mesquinerie des uns et des autres sont visibles de tous, les insuffisances, impossibles à masquer.
    Le premier ministre a présenté, le 30 décembre dernier, le plan Mayotte debout, avec pour ambition d’accélérer la reconstruction, mais également de conduire les réformes structurelles nécessaires. Nous cherchons en vain, dans ce projet de loi, une réelle ambition, ou même la traduction législative de ce plan. Nous sommes face à un texte technique, rédigé par la haute administration au lendemain du cyclone et avant la formation du gouvernement, sans consultation des élus locaux ni des parlementaires. Certes, il apporte des réponses utiles pour accélérer la reconstruction, mais il reste largement muet sur des sujets essentiels, tels que l’immigration.
    Alors que le premier ministre Bayrou, comme ses prédécesseurs, constate vraiment, condamne fermement et déplore avec encore plus de fermeté l’ampleur des flux migratoires et le scandale des bidonvilles, l’État a regardé, les bras ballants, les mêmes bidonvilles repousser comme des champignons et les bateaux chargés de migrants continuer à débarquer à Mayotte. Les autorités sur place ont laissé les pilleurs voler, dans nos maisons et dans les établissements publics, les matériaux de reconstruction des bidonvilles. Une telle passivité frise la complicité et certains en viennent à se demander si le problème migratoire et les bidonvilles ne sont pas les excellentes mauvaises raisons que l’État se donne pour ne rien faire à Mayotte. Parce que déployer la marine nationale pour protéger la frontière de Mayotte est visiblement mission impossible. Parce que faire appliquer la loi qui interdit les constructions illégales et insalubres à Mayotte est visiblement mission impossible. Parce qu’imposer des sanctions financières contre les dirigeants comoriens impliqués dans le trafic humain et détruire les usines à kwassa semble mission impossible !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Très bien !

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    La décision du gouvernement de déposer des amendements sur son propre texte pour lutter contre la reconstruction des bidonvilles l’a exposé à l’irrecevabilité. Là encore, la méthode gouvernementale, celle d’un échec annoncé, amène à s’interroger sur la sincérité de sa démarche.
    C’est Mayotte qui a vu passer le cyclone Chido, mais il semble que ce soit le Quai d’Orsay qui souffre de dégâts majeurs, puisqu’il est totalement aphone face aux déclarations du président Azali, qui a encore revendiqué Mayotte la semaine dernière. Notre diplomatie reste à genoux devant les Comores, qui déstabilisent notre île depuis près de cinquante ans avec la complicité de nos diplomates et de certains hauts fonctionnaires, qui estiment que le vote souverain répété des Mahorais ne vaut rien. Nain diplomatique, paradis de la corruption et dictature violente qui assume son ingérence dans nos affaires internes, les Comores viennent, par la voix du président Azali, d’opposer une cinglante fin de non-recevoir au sujet de leurs ressortissants en situation irrégulière à Mayotte. Quelle a été la réaction de Paris ? Le silence absolu.

    Mme Caroline Parmentier

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    Quelle honte !

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    La grande puissance mondiale est émasculée par les Comores !
    Rappelons que plus de la moitié de la population est étrangère à Mayotte et que la destruction des radars, mais aussi de la maigre flotte de surveillance maritime dédiée à la lutte contre l’immigration clandestine, laisse les migrants arriver quotidiennement sans entrave sur notre île depuis le passage du cyclone. Nous estimons que notre île n’est pas en mesure d’assurer les besoins vitaux et les droits fondamentaux des ressortissants français et que Mayotte ne peut accueillir davantage de monde.
    Mayotte n’a qu’un seul hôpital, qui est partiellement détruit, et 80 % de ses écoles sont détruites. Le gouvernement prévoit de scolariser les enfants à tiers-temps dans des tentes, en pleine saison des pluies ! La production d’eau potable est insuffisante et les services publics ne fonctionnent pas normalement. Je vous le répète : Mayotte ne peut pas accueillir davantage de monde. Nous, élus locaux et parlementaires mahorais, avons demandé en vain la destruction des bidonvilles, mais aussi la suspension de la délivrance de titres de séjour et de demandes d’asile dans notre département.
    Le conseil départemental de Mayotte a émis un avis réservé sur ce projet de loi, qui lui a été transmis avant l’ajout des amendements du gouvernement et de votre rapporteure. L’Association des maires de Mayotte et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte ont aussi fait part de leur déception. Je note par ailleurs qu’il s’agit d’un projet de loi sans financement. La question essentielle des moyens consacrés à la reconstruction de Mayotte est renvoyée à plus tard.
    Je veux également évoquer le sujet très sensible des expropriations. À Mayotte, l’État possède très peu de foncier, trop peu à son goût, et son souhait d’obtenir, grâce à la loi d’urgence, des pouvoirs dérogatoires pour les expropriations alarme à juste titre la population. On ne peut pas utiliser le cyclone Chido et le prétexte de la reconstruction pour prendre les terres des Mahorais en s’asseyant sur le droit à la propriété, qui est protégé par la Constitution.
    Le désordre foncier à Mayotte était antérieur au cyclone et jamais l’État n’a fourni les moyens financiers et humains nécessaires pour régler le problème. Il ne les donne toujours pas et choisit au contraire d’exproprier en accéléré, avec un champ d’action qui semble bien trop large et imprécis pour un tel pouvoir. Le cyclone nous a déjà tout pris ; la terre héritée de nos aïeux ne peut être arrachée aux Mahorais. Parce que je m’oppose fermement à ces pouvoirs exorbitants, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 10, qui a été accepté en commission, lors de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 du règlement. Je demande solennellement à l’État de revoir son approche pour une reconstruction qui se fasse avec les Mahorais, et pour les Mahorais.
    La devise de Mayotte est « Ra Hachiri », ce qui signifie : « Nous sommes vigilants ». Mayotte vous regarde et compte sur vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, EPR, SOC, DR, Dem, HOR et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Le 14 décembre dernier, le cyclone Chido a dévasté Mayotte et détruit presque tout sur son passage. Le préfet de Mayotte, que j’ai souhaité auditionner, nous a indiqué que près de 90 % des infrastructures avaient été détruites. À cette heure, nous ne connaissons toujours pas le nombre de victimes. La commission a rappelé combien il importe d’établir ce bilan et vous en avez pris l’engagement ferme, monsieur le ministre.
    Nos pensées vont en premier lieu aux familles endeuillées, aux blessés et à ceux qui ont tout perdu, ou presque. Face à une telle épreuve, la solidarité s’impose avant toute chose.
    Force est de constater que les mesures d’urgence prises par le gouvernement et les moyens délivrés ne sont pas suffisants pour faire face à la catastrophe. La rapporteure l’a rappelé, une grande partie de la population de Mayotte manque encore d’eau et de nourriture, d’un logement, d’électricité, de moyens de communication et de services de santé. Et la tempête Dikeledi a aggravé la situation.
    Je veux ici rendre hommage aux services de l’État et à l’ensemble des agents publics qui se sont mobilisés dans les conditions les plus difficiles. La reconstruction de Mayotte doit être lancée sans retard pour que chacun retrouve un toit et que les écoles, en particulier, puissent fonctionner : il y a là une évidente urgence. Je pense aux élèves qui n’ont toujours pas pu faire leur rentrée, faute de bâtiments en nombre suffisant pour accueillir à la fois les sinistrés et les classes.
    Saisie de ce projet de loi le 8 janvier, notre commission l’a examiné dès le lundi et le mardi qui ont suivi, dans un délai très court justifié par l’urgence. Nous avons mis à profit les cinq jours qui ont précédé l’examen du texte pour mener, en accord avec Mme la rapporteure, une série d’auditions d’acteurs mahorais en visioconférence, afin que nos collègues disposent d’un premier socle d’informations. Cela nous a permis d’échanger avec les représentants du conseil départemental de Mayotte, avec ceux des syndicats et du patronat, ou encore avec le préfet de Mayotte. Je tiens à les remercier à nouveau de leur disponibilité.
    Notre commission a examiné 266 amendements, dans un état d’esprit que je qualifierais de constructif et de respectueux, même si des débats de fond ont pu, sur certains points, donner lieu à des échanges forts. Nous avons adopté 84 amendements et avons inséré 11 articles additionnels dans le projet de loi. Nous avons notamment renforcé la participation des élus et des acteurs mahorais à la reconstruction. Nous avons voulu assurer, dans cette reconstruction, la préservation des règles relatives à la sécurité, à l’accessibilité, ainsi qu’à la transparence sur les taux de marge des candidats aux offres de marché public. Nous avons également souhaité renforcer les mesures prévues par le texte concernant le paiement des cotisations et des contributions sociales à Mayotte au profit des travailleurs et employeurs indépendants.
    L’application des règles de recevabilité ne nous a pas permis de discuter d’une quarantaine d’amendements, qui étaient dépourvus de lien avec les articles du projet de loi. Je regrette que certaines mesures n’aient pas pu être abordées, par exemple celles relatives à l’agriculture, qui a été ravagée par le cyclone et qui est pourtant fondamentale pour la population et l’économie de Mayotte.
    Je pense aussi aux mesures relatives à la reconstruction d’un certain nombre d’infrastructures fondamentales dans les secteurs de l’eau, de l’électricité et des communications ; à l’accélération du cadastrage, qui est indispensable à la régularisation de milliers de logements ; au gel, voire à l’annulation d’un certain nombre de factures d’eau et d’énergie, ou encore de loyers, alors que les services sont encore plus défaillants depuis le cyclone et que les Mahorais ont perdu leurs moyens de subsistance ; à l’alignement de toutes les prestations sociales sur le droit commun dans l’Hexagone, ou encore à la restauration des écosystèmes forestiers et littoraux, qui sont très importants pour l’équilibre de l’île.
    J’ajoute deux préoccupations vitales pour les Mahorais : le prix des billets d’avion, qui sont inaccessibles, alors que les familles voudraient pouvoir s’entraider et accueillir leurs proches ; les tarifs postaux et le coût du fret, bien trop élevés, alors que l’envoi de biens de première nécessité est indispensable en ce moment. Faut-il rappeler que les outre-mer sont bel et bien la France et que c’est à la puissance publique d’assurer la continuité et la cohésion territoriales, quoi qu’il en coûte ?
    Ce projet de loi présente bien des insuffisances, je l’ai dit après beaucoup d’autres collègues. Ce n’est qu’un plan à court terme. Nous espérons que les moyens budgétaires suivront, même si tout indique que les outre-mer paieront cher les choix budgétaires qui se dessinent à Bercy.
    Il importe aussi de revoir la méthode. L’enchaînement des plans conduits depuis Paris, sans ressources suffisantes, sans connaissance sérieuse de l’île et de ses habitants, sans consultation réelle des acteurs locaux, n’est plus acceptable. Les besoins de Mayotte sont légitimes et tous ses habitants aspirent à une vie digne. La catastrophe que traverse l’île n’a rien de naturel et fait apparaître au grand jour des situations inacceptables qui découlent de choix, ou plutôt de non-choix, pleinement politiques.
    Je forme le vœu que nos débats sauront se concentrer sur l’essentiel sans se tromper de cible et apporter à la population mahoraise le soutien qu’elle est en droit d’attendre pour se relever aussi vite que possible de cette catastrophe sans précédent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ M. Boris Vallaud applaudit également.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Permettez-moi tout d’abord de renouveler, au nom du groupe Socialistes et apparentés, notre soutien à l’ensemble des Mahoraises et des Mahorais face à la catastrophe qui a frappé Mayotte, et d’adresser nos remerciements à tous ceux qui, agents publics, opérateurs privés, associations ou simples citoyens, se sont mobilisés pour répondre à l’urgence et accompagner les sinistrés, victimes du cyclone Chido.
    L’ampleur de cette catastrophe et de ses conséquences a crûment mis en lumière l’état de vulnérabilité dans lequel nous avons laissé le 101e département français durant des décennies. En tant que député de La Réunion, île voisine, je ne le découvre pas, mais il faut le vivre sur place pour le mesurer réellement et je remercie à cet égard notre rapporteure pour tous les témoignages apportés en commission.
    Disons-le d’emblée : le bilan humain et matériel a été aggravé par une situation sociale très dégradée et un retard structurel important par rapport à l’Hexagone. Faut-il encore rappeler que le PIB moyen par habitant à Mayotte est quatre fois inférieur à celui constaté dans l’Hexagone ? Le dernier-né des départements français est de loin le plus pauvre. Et pourtant, Mayotte, c’est la France, et depuis longtemps ! Mayotte a été française avant Nice et la Savoie. Depuis leur rattachement en 1841, les Mahorais ont à plusieurs reprises exprimé leur attachement à la France et le souhait d’une intégration toujours plus poussée au sein de la République.
    Référendums de 1974, de 1976, de 2000, de 2009, ces derniers conduisant à la départementalisation en 2011 : la population mahoraise a fait un choix clair, qui nous honore et nous oblige. Or nous n’avons collectivement pas été à la hauteur, alors que plus de 8 000 kilomètres de distance avec l’Hexagone ne sauraient justifier que la nation manque au rendez-vous avec les siens. En nous mettant littéralement face à une tabula rasa, Chido nous donne une deuxième chance de tenir la promesse républicaine.
    Ce sera le temps d’un autre projet de loi, du plan Mayotte debout, dont nous débattrons d’ici à quelques semaines ; dans l’immédiat, il faut parer au plus pressé, reconstruire rapidement l’habitat, les services publics et les infrastructures, ce qui, compte tenu de l’ampleur des dommages, nécessite que nous nous dotions d’outils exceptionnels. Cependant, un principe doit guider notre action : reconstruire vite, certes, mais aussi et surtout reconstruire mieux.
    Notre groupe, associé à d’autres, a obtenu en commission des avancées notables : citons, au sein de la gouvernance de l’établissement public foncier et d’aménagement chargé de la reconstruction, la représentation paritaire de l’État et des collectivités territoriales ainsi qu’une place accrue des acteurs économiques et sociaux mahorais ; l’accord des communes avant que l’État puisse se substituer à elles en vue de la reconstruction des écoles ; le renforcement du dispositif de relogement d’urgence des sinistrés, pour une durée de deux ans ; le maintien de règles de qualité de construction minimales, notamment en matière d’accessibilité des établissements recevant du public ; la limitation des rangs de sous-traitance dans les marchés publics concernant la reconstruction de Mayotte, et l’obligation pour les soumissionnaires de préciser, dans leur offre, quelle serait leur marge, afin d’éviter les profiteurs de crise ; la possibilité de réserver jusqu’au tiers de la valeur d’un marché public aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) mahoraises ; enfin, la prolongation jusqu’au 31 mars de la validité des demandes de logement social qui n’ont pu être renouvelées à leur échéance annuelle.
    Alors que nous nous apprêtons à examiner le texte en séance publique, plusieurs points demeurent néanmoins perfectibles. Nous devons ainsi donner des perspectives à la jeunesse mahoraise en assurant la scolarisation de tous, dans des conditions qui ne sauraient être moins bonnes que celles de l’Hexagone. S’agissant de la reconstruction des logements, la souplesse nécessaire ne doit pas conduire à faire fi des garanties d’accessibilité minimales : nous proposerons un compromis en la matière. Les adaptations touchant les réseaux devraient pouvoir être élargies à celui de l’électricité, lourdement atteint par le cyclone. Enfin, la multiplication des épisodes climatiques extrêmes nous invitant à anticiper toujours davantage, il importe qu’un plan de prévention des catastrophes naturelles à Mayotte, conçu par l’État en lien avec les collectivités, voie le jour.
    Vous l’aurez constaté, nous abordons ce débat suivant une approche constructive et responsable. J’espère de tout cœur que nous pourrons voter ensemble pour ce texte, amélioré dans l’intérêt des Mahorais. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Lebec.

    Mme Marie Lebec

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    Mayotte traverse une crise sans précédent : le passage du cyclone Chido a laissé les habitants meurtris, les infrastructures détruites, des défis immenses à relever. Face à ce désastre, à ce drame, nous voulons témoigner notre soutien le plus sincère et notre solidarité indéfectible. Les Mahorais n’ont jamais baissé les bras dans l’adversité ; aujourd’hui encore, leur courage nous inspire et nous oblige. Ils nous rappellent la nécessité pour notre nation de l’unité, de la responsabilité.
    Le projet de loi d’urgence pour Mayotte constitue une réponse essentielle. Adopté à l’unanimité en commission des affaires économiques, il pose les bases d’une reconstruction rapide en facilitant les procédures d’urbanisme, en soutenant les sinistrés grâce à des dons et à des aides sociales prolongées, en allégeant les charges des employeurs. Ce texte illustre ce que la République sait faire de mieux : agir avec réactivité et efficacité. Nous saluons cette avancée, fruit d’un travail transpartisan, et rendons hommage aux acteurs locaux, ainsi qu’au gouvernement, pour leur engagement.
    Réagir face à l’urgence est une obligation morale ; anticiper les défis de demain, une responsabilité politique. Il importe que ce projet de loi devienne le point de départ d’une transformation durable. Les infrastructures doivent respecter les normes de sécurité et de durabilité qui leur permettront de résister aux aléas climatiques. Surtout, il est indispensable que les Mahorais bénéficient directement de la reconstruction : ils doivent être impliqués dans les décisions, profiter des retombées économiques et sociales. Le plan d’action devra mobiliser les entreprises locales et, je le répète, refléter la volonté des Mahorais de jouer un rôle central dans la renaissance de leur territoire.
    Chido a révélé les fractures de la société mahoraise : avec moins de 10 % des logements assurés, la plupart des sinistrés sont livrés à eux-mêmes pour reconstruire. L’absence de plans cadastraux et les particularités administratives exigent également des solutions innovantes, adaptées à la réalité du département. Or ce texte n’est pas exempt de faiblesses : l’urgence ne constitue pas une excuse pour proposer des mesures mal adaptées ou ralentir une reconstruction que nous voulons efficace et inclusive. Nous devons veiller à ce que les dispositions soient cohérentes, justes, véritablement utiles à la renaissance de Mayotte.
    Plusieurs points méritent donc des ajustements. La limitation de la sous-traitance prévue par l’article 13, qui vise à accroître l’efficacité des travaux, risque de marginaliser les petites et moyennes entreprises locales, cœur du tissu économique mahorais, qui pourraient être exclues de la reconstruction de leur propre territoire. En d’autres termes, une telle restriction risquerait de concentrer les marchés entre les mains de grandes entreprises extérieures, privant ainsi les habitants de Mayotte des retombées économiques et sociales dont ils devraient être les premiers bénéficiaires. De même, le maintien des enquêtes publiques à l’article 8 risque d’introduire des délais inutiles dans ce contexte d’urgence. Nous soutenons l’amendement visant à rétablir la participation du public par voie électronique (PPVE), en vue d’une consultation rapide et efficace.
    Ce projet de loi n’est qu’une première étape. Les défis structurels de Mayotte –⁠ pression démographique, immigration illégale, manque criant de logements décents, risques climatiques grandissants – nécessitent une réponse globale et pérenne. Le plan Mayotte debout, dévoilé par le premier ministre, complète donc cette démarche en proposant des mesures ambitieuses : blocage des prix des matériaux de construction, interdiction de reconstruire les bidonvilles, déploiement de la 5G et de la fibre optique d’ici à 2026, aides financières d’urgence aux entreprises, en outre exonérées de taxes durant cinq ans grâce à l’instauration d’une zone franche globale. Ces actions visent à approfondir les investissements, renforcer les droits des Mahorais, garantir une égalité républicaine pleine et entière ; elles sont les fondations sur lesquelles construire l’avenir.
    Bien que située à 8 000 kilomètres de Paris, Mayotte fait partie intégrante de notre République. C’est le 101e département de notre pays et son avenir doit être au cœur de nos préoccupations. Comme tous nos territoires d’outre-mer, elle incarne notre diversité, notre richesse, et contribue au rayonnement de la France à travers le monde. Lui apporter notre soutien, c’est réaffirmer avec force notre engagement en vue de l’égalité républicaine. Ne laissons pas la distance affaiblir notre solidarité : ensemble, faisons de cette île un exemple de ce que nous pouvons accomplir, même face aux épreuves les plus dures. Ce n’est pas le cyclone Chido qui définira l’histoire de Mayotte, mais notre capacité à bâtir pour ses habitants un avenir prospère et solide. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Plus d’un mois après que le passage du cyclone Chido a dévasté Mayotte, plus d’une semaine après que les pluies torrentielles liées au cyclone Dikeledi ont aggravé la situation, nous voici en train de discuter d’un objet politico-technique non identifié, un texte qui, en dépit de son intitulé, n’est pas examiné en urgence et ne répond pas à l’urgence –⁠ à la détresse, au découragement d’une population à bout de forces, comme la rapporteure l’a très justement exprimé, une population en proie au sentiment d’être abandonnée, livrée à elle-même, comme la ministre de l’éducation nationale se l’est entendu dire, dignement mais fermement, le 30 novembre. Le Conseil d’État lui-même s’en est ému, demandant pourquoi le gouvernement n’avait pas choisi, en vertu de la théorie des circonstances exceptionnelles, de prendre par décret les mesures qui s’imposaient.
    Nous avons insisté en commission –⁠ un amendement en ce sens a d’ailleurs été adopté – sur la nécessité de disposer rapidement d’un bilan exhaustif de la catastrophe : les maires recensent comme manquant à l’appel des milliers d’habitants qui ne peuvent être réfugiés ni en forêt, car il n’y a plus de forêts, ni dans le sud de l’île, en partie épargné, mais où l’on ne signale pas d’afflux de population ni d’augmentation de la consommation de riz. Nous ne vous lâcherons pas, monsieur le ministre, avant de savoir combien de personnes sont blessées, amputées, décédées, disparues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Christine Arrighi et M. René Pilato applaudissent également.) Il y va de la crédibilité de l’État !
    Par ailleurs, on chercherait en vain dans le projet qui nous est soumis de quoi remédier à la misère du système éducatif, à la saturation du système de soins, aux difficultés des communes, à l’incapacité du syndicat des eaux de reconstruire les réseaux d’eau et d’assainissement, dont un grand nombre de logements étaient déjà dépourvus, tout en réalisant les investissements lourds attendus depuis des années. Pour l’essentiel, ce texte traite des conditions de la reconstruction et des dispositions exorbitantes du droit de l’urbanisme –⁠ provisoires, espérons-le ! – qui doivent permettre de reconstruire vite. Du moins les débats en commission auront-ils mis en évidence que le provisoire pourrait durer, qu’il est hors de question de rebâtir à l’identique, précipitamment, pour effacer tant bien que mal les traces du cyclone, et nécessaire de tirer les leçons de la catastrophe, réduire les vulnérabilités, adapter les infrastructures à des phénomènes naturels dont l’intensité et la fréquence sont largement accrues par le dérèglement climatique.
    En mai 2024, la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer insistait sur la vulnérabilité de Mayotte et de ses habitants face aux premières manifestations d’ampleur du changement climatique et, plus généralement, à des risques longtemps sous-estimés. Elle dénonçait l’impréparation de l’État et des collectivités, le manque d’anticipation et d’adaptation, qui ont permis le drame. Sur les dix-sept communes que compte Mayotte, dix ne sont pas couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), et le plan Orsec –⁠ organisation de la réponse de sécurité civile – n’est pas à jour : il faut y remédier au plus vite.
    L’enjeu consistera donc à articuler de façon responsable et efficace les travaux d’urgence permettant, en cette saison des pluies, de mettre rapidement la population à l’abri, et la reconstruction proprement dite, laquelle doit s’opérer en tenant compte de l’organisation sociale et du mode de vie des habitants, et sans lésiner sur la qualité des bâtiments, appelés à durer, à résister. Reconstruire Mayotte tout en rattrapant un retard structurel que la départementalisation n’a pas permis de combler, c’est là un défi considérable, d’une complexité inouïe, d’autant que les acteurs économiques sont peu nombreux. La multiplicité des chantiers d’ampleur risque d’entraîner une concurrence exacerbée pour l’accès aux matériaux et aux engins de chantier disponibles ; il faut également anticiper les difficultés ayant trait aux déplacements et au logement des ouvriers. Il conviendra que l’État et les collectivités fassent des arbitrages, notamment en faveur des écoles et des centres de soins.
    Il faudra également traiter un autre sujet, qui a beaucoup occupé la commission, alors même qu’il n’apparaît qu’en creux dans le texte : que deviendront les habitants des bidonvilles ? Certains bangas sont d’ores et déjà reconstruits. L’Epfam pose frontalement la question, en rappelant que, selon les études réalisées dans certains quartiers, un tiers seulement des habitants en cause seraient expulsables. L’encadrement de la vente de tôles, que le grand vent transforme en armes meurtrières, ne saurait tenir lieu de stratégie.
    Ce projet de loi doit être examiné et adopté sans tarder afin de laisser place à un indispensable travail de fond, à l’inscription à notre ordre du jour du projet de loi pour l’avenir de Mayotte, repoussé depuis plusieurs années de session en session. Que ce texte d’urgence soit en décalage avec la réalité, les enjeux du terrain, tout le monde le sait –⁠ M. le ministre d’État et Mme la rapporteure mieux que personne, puisque leur propos liminaire débordait largement le cadre du texte.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas nouveau !

    Mme Dominique Voynet

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    Certains de nos amendements, jugés irrecevables, traitaient de questions abordées par M. le ministre d’État : c’est dommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR. –⁠ M. René Pilato applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Baada ya pwanga, baada ya utupa, après l’ouragan, après la tempête, le soleil revient toujours. Mayotte, il est temps que tu te relèves : utsi kosi –⁠ nous t’aiderons.
    Le 14 décembre 2024, sur la petite île de Mayotte, en plein océan Indien, les autorités appellent au confinement : un cyclone d’une ampleur inédite depuis plus de quatre-vingt-dix ans, aux rafales dépassant 200 kilomètres à l’heure, s’apprête à frapper. Lorsque la furie de Chido s’éloigne enfin, le silence qui s’abat est terrifiant. L’île est dévastée, la forêt et les tôles des bangas se sont envolées. À cet instant, les Mahorais ont tout perdu : trente-neuf d’entre eux –⁠ officiellement – la vie, les autres le peu qu’ils avaient. Mayotte est à genoux, la France entière meurtrie.
    Depuis un mois, il faut faire face au chaos : dégager les axes, concourir aux premiers secours, distribuer de l’eau et quelques vivres, réparer les réseaux, prévenir les troubles à l’ordre public, estimer le nombre des blessés, évaluer les dégâts… La mobilisation des services de l’État a été pleine et entière ; on a pris des mesures pour acheminer les vivres indispensables et garantir la sécurité des Mahorais.
    Le groupe Les Démocrates salue le courage de ce peuple, ainsi que l’esprit de solidarité et de soutien mutuel qui s’est exprimé spontanément dès les premières heures de répit. Il tient à remercier les associations, les bénévoles, les forces de l’ordre et de secours, les soignants et les enseignants.
    Mayotte ne doit pas s’enfoncer dans la crise. À l’heure où je m’adresse à vous, les accès à l’eau, à l’électricité ou aux communications sont encore partiels ; l’économie et l’agriculture sont à l’arrêt ; les services de santé fonctionnent en mode dégradé, alors que le choléra fait son retour ; l’école n’a toujours pas rouvert ses portes.
    Il revient désormais au Parlement de délibérer afin d’apporter à la situation des réponses supplémentaires. Le projet de loi d’urgence pour Mayotte que nous nous apprêtons à examiner y concourt, en permettant de coordonner la reconstruction durable en matière sociale, scolaire, économique et agricole. Il permettra également le relogement d’urgence des familles sinistrées et l’adaptation des règles de construction et des procédures d’urbanisme : il faut reconstruire rapidement l’hôpital, les écoles et les logements –⁠ nous proposerons plusieurs amendements en ce sens.
    Dans un volet plus social, ce texte permettra de faciliter les dons, d’assurer un accompagnement psychologique et social compte tenu du traumatisme subi, de prolonger les droits des demandeurs d’emploi, de protéger les travailleurs indépendants, de suspendre le recouvrement fiscal forcé et les cotisations sociales ou encore de maintenir les prestations versées par les caisses de la sécurité sociale.
    Dans cette situation de crise inédite, notre groupe en appelle au dialogue et à la responsabilité de chacun, car ces dispositifs sont d’une absolue nécessité. Le chaos vécu par Mayotte met en lumière une réalité douloureuse, à laquelle nous devrons bien, un jour, remédier : l’archipel, 101e département français, fait face à des difficultés structurelles. Les dégâts et les pertes humaines n’auraient sans doute pas atteint une telle ampleur si Mayotte avait été préparée aux risques et aux catastrophes naturels : cela nous oblige et nos réponses doivent être à la hauteur.
    L’objectif du gouvernement d’une reconstruction en deux ans traduit cette ambition ; sa méthode repose notamment sur une coordination indispensable avec les acteurs locaux. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates salue la déclinaison progressive mais rapide du plan Mayotte debout et l’arrivée prochaine d’un projet de loi-programme. Monsieur le ministre d’État, peut-être serait-ce aussi l’occasion de créer un centre national dédié à la connaissance des aléas climatiques et des risques naturels en zones intertropicales humides, qui apporterait son expertise en matière de construction dans les territoires concernés et ferait référence en matière de prévention et de protection des populations et de l’habitat ?
    Les inégalités et les discriminations persistent à Mayotte, ce qui prouve que le chemin vers l’égalité réelle reste inachevé : inégalités dans l’accès aux droits, à la justice, à la santé, à la formation ; écarts socio-économiques importants avec l’Hexagone ; habitat dégradé, souvent indigne ; carences du cadastre. Aider Mayotte ne saurait donc se résumer à panser ses plaies récentes, et le prochain projet de loi-programme nous permettra d’aller plus loin.
    Économie, immigration, sécurité, logement durable, agriculture, accès aux droits : faisons en sorte que, de ce malheur, naisse un avenir meilleur. La République doit être à la hauteur du défi. Mayotte, je veux croire que tu seras, un jour, le phénix qui renaîtra de ses cendres.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Henri Alfandari.

    M. Henri Alfandari

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    Permettez-moi, pour commencer, d’exprimer, au nom du groupe Horizons & indépendants, nos pensées les plus sincères aux victimes du cyclone Chido et à leurs familles. Nous adressons également notre soutien aux Mahorais et aux Mahoraises qui continuent de faire face, chaque jour, aux conséquences de la catastrophe qui a frappé l’archipel de Mayotte, il y a un peu plus d’un mois. Nous saluons avec gratitude l’engagement total des services de l’État et la mobilisation de tous, qui ont permis de porter secours aux populations et de rétablir, en partie, les conditions de vie de nos concitoyens.
    Je tiens à remercier Mme la rapporteure qui, en commission, a fait entendre, avec force et conviction, la parole des Mahorais et des Mahoraises, et nous a éclairés sur les réalités et les enjeux profonds de l’archipel : réalité quotidienne de nos concitoyens mahorais, phénomènes météorologiques complexes et imprévisibles, situation migratoire restée sans réponses, incapacité collective à agir dans un temps court. Ce sont autant de problèmes non résolus jusqu’ici et qui doivent nous inciter à la plus grande humilité, même si nous avons tant bien que mal répondu à l’urgence vitale.
    Il nous faut désormais répondre à l’urgence sociale, sanitaire et sécuritaire. Il y va de notre responsabilité collective : nous devons nous donner les moyens non seulement de faire, mais surtout de bien faire, pour reconstruire Mayotte dans la dignité et l’espoir. Car le rétablissement de la situation très insatisfaisante qui prévalait à Mayotte avant le passage du cyclone Chido ne peut et ne doit pas être notre objectif.
    Le projet de loi d’urgence que nous examinons constitue, à ce titre, une première étape essentielle. Il permettra de soutenir concrètement la population mahoraise dans l’amélioration de ses conditions de vie, en facilitant et en accélérant les procédures administratives et d’urbanisme non seulement pour l’hébergement temporaire, mais aussi et surtout pour la reconstruction de logements pérennes. Toutefois, notre groupe regrette l’adoption en commission de plusieurs amendements qui compromettent une partie de la simplification initialement prévue par le texte, et soutiendra leur suppression. L’urgence de la reconstruction à Mayotte exige des mesures exceptionnelles à la hauteur des défis, dans le respect des exigences de sécurité. Sa réussite repose sur une coordination étroite entre l’État, les élus locaux et l’ensemble des acteurs de la société civile.
    Nous saluons par ailleurs plusieurs avancées obtenues en commission, telles que l’association des entreprises et des opérateurs mahorais aux efforts de reconstruction de l’archipel, ainsi que les mesures qui visent à empêcher le retour des bidonvilles –⁠ une priorité absolue.
    Au-delà de ce texte, nous insistons sur la nécessité d’adopter, dans les mois à venir et conformément aux annonces du ministre des outre-mer, Manuel Valls, des mesures structurelles afin de répondre durablement aux attentes des Mahorais et des Mahoraises en matière de convergence sociale, d’accès aux soins, de sécurité, d’immigration, d’adaptation au changement climatique, de développement économique et d’attractivité –⁠ autant de sujets qui concernent également le reste du territoire national.
    Mayotte, c’est la France. Je souhaite que nous sachions appliquer cette même capacité d’action collective à l’ensemble du territoire national chaque fois que les circonstances l’exigeront, sans forcément recourir à une loi exceptionnelle ou à un dispositif dérogatoire. Il nous faut retrouver une force d’action « pour faire », afin que nos efforts collectifs nous permettent de construire un avenir désirable pour tous les Français.
    Le groupe Horizons & indépendants votera bien évidemment le présent projet de loi, dans l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Max Mathiasin.

    M. Max Mathiasin

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    Le 14 décembre dernier, Mayotte a fait face à un drame, de ceux que nous connaissons bien en Guadeloupe et dans les Antilles françaises en général : le cyclone Chido a ravagé l’île. Le bilan officiel fait état de trente-neuf morts, ainsi que de plusieurs disparus dont on ne connaît pas le nombre exact. Les dégâts matériels sont incommensurables : nombreux sont les Mahorais qui ont perdu leur maison ; l’eau manque, le réseau électrique est endommagé, les services publics fonctionnent au ralenti et les zones forestières ainsi que les milieux naturels sont dévastés. À cela sont venues s’ajouter les pluies diluviennes de la tempête Dikeledi : les inondations et les glissements de terrain ont entamé encore davantage le moral, pourtant si résilient, des Mahorais.
    Dans un archipel marqué par la crise migratoire, les pénuries d’eau et l’insécurité, les cyclones sont l’épreuve de trop. Les Mahorais alertent depuis longtemps les pouvoirs publics sur leurs conditions de vie indignes. Mais leur colère n’est pas entendue. À Mayotte, comme dans le reste des outre-mer, les différences de traitement avec l’Hexagone sont légion, monsieur le ministre d’État –⁠ je m’adresse au gouvernement en général, ainsi qu’à mes collègues –, et alimentent le sentiment d’une France à deux vitesses.
    Face au drame, la première des priorités est de répondre à l’urgence absolue : lutter contre le risque de pénurie alimentaire et de manque d’eau, fournir rapidement un toit à ceux qui n’en ont pas et garantir la sécurité de tous.
    Néanmoins, cette réponse rapide ne doit pas se faire au détriment de l’engagement de politiques pérennes. Il est temps de mettre un terme à des années de sous-investissement de l’État dans l’archipel. En déplacement dans l’île le 30 décembre dernier, le premier ministre François Bayrou a présenté le plan Mayotte debout, qui comprend cette double ambition que nous ne retrouvons malheureusement pas dans le présent projet de loi. Ce texte, qui comporte des dispositions techniques visant à accélérer la reconstruction, ne touche jamais aux raisons qui ont rendu Mayotte si fragile, face aux vents notamment.
    Certes, il faut reconstruire rapidement, mais pas n’importe comment. Évitons que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Sans actions déterminantes, la démographie galopante et les revenus insuffisants se traduiront par l’installation de nouveaux bidonvilles, habitats que l’on sait fragiles et insalubres.
    Cela étant dit, nous sommes favorables en grande partie aux dispositions contenues dans le projet de loi. Elles sont nécessaires pour permettre une reconstruction rapide des infrastructures et des logements pérennes qui préexistaient à Mayotte.
    La rapporteure s’est assurée, lors du travail en commission, que les dérogations prévues ne soient pas synonymes d’un habitat de mauvaise qualité et qu’elles ne se traduisent pas non plus par une recrudescence de l’habitat informel. Nous veillerons à ce que les ajouts adoptés en commission soient maintenus au cours des débats.
    Les communes sont engagées dans une course contre la montre pour assurer la rentrée des classes annoncée le 27 janvier. De nombreuses écoles servent encore de refuge, alors que d’autres ont été endommagées. Le projet de loi prévoit donc que l’État puisse se substituer aux collectivités locales pendant trois ans pour prendre la reconstruction des écoles à sa charge –⁠ une mesure nécessaire.
    En matière de commande publique, il nous semble légitime, comme le proposent les amendements de la rapporteure adoptés en commission, de réserver une part du marché aux acteurs locaux, afin qu’ils contribuent à la reconstruction.
    S’agissant des dispositions fiscales, la rédaction de l’article 18, qui suspend le versement des cotisations et contributions sociales, a été améliorée en commission : la mesure a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2025 afin de laisser le temps aux entreprises de se relever, et un plan d’apurement des dettes a été prévu, avec la possibilité d’en annuler certaines. Sur le même modèle, nous appelons au maintien de l’article 17 bis qui prévoit le report du paiement des impôts et des taxes versés par les entreprises, disposition que nous souhaitons compléter par l’instauration d’un plan échelonné de règlement des dettes.
    En conclusion, le projet de loi apporte de premières réponses, même si elles sont insuffisantes et trop timides pour permettre à Mayotte de véritablement se relever. Le futur projet de loi qui a été annoncé nous permettra de discuter en profondeur du drame mahorais et de la nécessaire reconstruction, ainsi que du redressement économique et social de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    Notre nation est endeuillée. Le 14 décembre dernier, la tragédie a frappé de plein fouet, dévastant le 101e département français. Le vent, la pluie et l’océan se sont déchaînés sur ce bout de terre, arrachant tout sur leur passage, y compris la vie de trop nombreuses personnes qui n’avaient nulle part où se réfugier. Organiser un vrai recensement est une priorité. (M. Marcellin Nadeau applaudit.)
    Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je tiens à présenter mes plus sincères condoléances à toutes les familles meurtries, dont la vie a soudainement basculé au passage du cyclone Chido. J’exprime également tout mon soutien aux personnes sinistrées et aux équipes de secours qui font face, aujourd’hui encore, à l’une des plus grandes crises humanitaires qu’ait connues notre pays.
    C’est avec une profonde tristesse et une indignation sincère que nous évoquons cette tragédie humaine et cet abandon déchirant. Trois heures auront suffi pour mettre à terre des décennies de simulacre de développement. Mayotte est le théâtre d’une crise humanitaire, sociale et écologique. Des vies innocentes, des enfants, s’éteignent chaque jour faute de soins, faute d’espoir. Les maladies liées à l’insalubrité et au manque d’eau potable prolifèrent. Concomitamment à la crise sociale, la crise sanitaire prend de l’ampleur.
    Les gouvernements successifs n’ont laissé que la détresse en héritage. Mayotte est souvent traitée comme une entité à part, une île lointaine et secondaire dans les priorités nationales, y compris lorsqu’il est question des outre-mer.
    Les Mahoraises et Mahorais, héritiers de Zéna M’Déré et des chatouilleuses, ont droit à toute la reconnaissance et à tout le respect de l’État français. Si le président de la République a rendu hommage à la première par les mots, il l’a salie par son inaction. Des décennies de combat pour ancrer l’île au sein de la République française ne peuvent avoir pour seul effet l’ignorance et l’abandon des pouvoirs publics. La fausse promesse de la départementalisation doit laisser place à la prise en compte réelle et sérieuse de ce territoire et de ses habitants. Il est temps de mettre fin à l’injustice et à la marginalisation.
    Les appels à l’aide ne doivent plus rester sans réponse. Le devoir républicain nous oblige : il est temps d’agir. L’île de La Réunion a été à l’avant-poste de la solidarité. L’État français doit désormais prendre toute sa part et reconnaître sa responsabilité envers Mayotte et ses habitants, ce qui passe par des mesures concrètes et ambitieuses : investir massivement dans les infrastructures et l’habitat, renforcer les dispositifs sociaux, déployer un plan éducatif ambitieux, assurer une gestion humanitaire digne et, surtout, impliquer les Mahorais dans les décisions.
    Toutes les forces vives de Mayotte souhaitent participer à la reconstruction de leur territoire. Les acteurs économiques, certes, mais également les ONG, les associations et tous les habitants de l’île. L’État a le devoir de coopérer et de se coordonner avec les collectivités territoriales, plus à même de connaître les besoins locaux et les mesures nécessaires. Comme tous les territoires ultramarins, Mayotte présente des spécificités qui justifient une part d’adaptabilité des normes et de la réglementation. Les taux de pauvreté et de chômage, le nombre d’enfants non scolarisés, la faiblesse du système de santé : tout exige une grande vitesse d’exécution. Mais le besoin d’adaptation ne doit pas laisser la porte ouverte à un éternel régime dérogatoire. Les Français de Mayotte doivent avoir les mêmes droits que l’ensemble des citoyens français.
    Sans nous opposer aux dispositions d’accélération proposées dans ce texte, nous nous devons d’alerter le gouvernement sur les risques d’une mauvaise application de la simplification. Le travail de reconstruction ne peut être bâclé. Reconstruire à l’identique et mettre une fois de plus en danger la population ne peut être une option. Le nouvel aménagement doit offrir une garantie de qualité et s’éloigner de toute velléité de reconstruction au rabais.
    Dès aujourd’hui, nous nous devons de substituer un réel travail de réflexion aux explications réductrices qui n’apportent rien, sauf à créer du ressentiment à l’égard de l’autre. Nous ne voulons pas vivre dans une France où une chroniqueuse explique refuser une minute de silence sous prétexte que les victimes du cyclone Chido ne sont pas françaises. La mort de centaines d’êtres humains ne doit pas laisser la place à la surenchère xénophobe. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Nous ne devons jamais sortir du cadre de l’humanité.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Karine Lebon

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    Le monde nous regarde. Par responsabilité face à l’urgence humaine et sociale, nous voterons pour ce texte. Un survol des défis ne sera toutefois pas suffisant pour répondre à cette crise dont l’ampleur est sans précédent. La future loi-programme annoncée par le ministre des outre-mer devra veiller à répondre aux problèmes structurels auxquels fait face le département et à assurer l’égalité ainsi qu’un avenir à la jeunesse mahoraise. De Petite-Terre à N’Gouja, aidons ce joyau à retrouver tout son éclat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Le groupe UDR soutiendra ce texte nécessaire pour reconstruire Mayotte et répondre à l’urgence pour nos concitoyens, en matière d’alimentation en eau et en électricité, de logement et de moyens de communication. Nous serons très attentifs à la réalisation concrète des mesures que nous voterons aujourd’hui et que vous aurez, monsieur le ministre d’État, la lourde charge de mettre en œuvre. Nous vous accordons notre confiance dans cette démarche impérieuse, mais cette confiance n’exclut ni la vigilance ni le contrôle : il est essentiel qu’un suivi resserré des actions entreprises, des décaissements réalisés et des progrès constatés soit instauré sans délai.

    M. Pierre Cordier

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    C’est Lénine qui disait ça !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Les graves difficultés que traverse Mayotte sont le prolongement d’insuffisances structurelles et bien connues. Il est inadmissible que ce département français, avant comme après le cyclone, demeure un territoire qui présente toutes les caractéristiques du tiers-monde. Vous l’avez dit, monsieur le ministre d’État, il ne nous faudra pas seulement reconstruire Mayotte ; il s’agira de la refonder. Mais comment refonder Mayotte sans les Mahorais ? L’association des collectivités territoriales mahoraises au sein de l’établissement public chargé de la reconstruction apparaît particulièrement timide. Nous avons déposé un amendement visant à garantir une logique partenariale et le respect du principe de subsidiarité, sans pour autant compromettre l’efficacité du travail. Naturellement, ce qui vaut pour la gouvernance vaut également pour les entreprises locales : espérons que les dérogations aux règles de la commande publique seront employées en ce sens.
    S’agissant des entreprises, si la mise en place d’une zone franche globale pour une durée de cinq ans est à saluer, il faut engager une réflexion d’ensemble sur l’insertion de nos territoires d’outre-mer dans le paysage fiscal international marqué par la concurrence, notamment celle des paradis fiscaux. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, nous demeurons encore probablement trop timorés.
    Ce débat est l’occasion d’une réflexion plus générale sur l’adaptation de nos grands principes à un principe supérieur : la réalité. En effet, Mayotte n’est que l’illustration paroxysmique de principes totalement obsolètes auxquels s’accrochent ceux qui ont en horreur le concept même de nation et qui voient dans le sacrifice du bien-être de leurs compatriotes l’expiation de péchés imaginaires et éternels. Qu’importe l’avis des principaux concernés, c’est pour leur propre bien moral !
    Je prendrai deux exemples parmi tant d’autres. Premièrement, 580 millions de personnes seraient éligibles au droit d’asile en France, soit une augmentation de 245 % en quinze ans. Deuxièmement, sur le plan économique, si le PIB moyen, majoritairement du fait de la dépense publique, est de 12 000 euros par habitant à Mayotte, il reste dix fois supérieur à celui des Comores. Sans action, l’attraction est irréversible et la submersion migratoire, irrésistible.
    Alors que les flux humains sont hautement mondialisés, que les différences culturelles fortes demeurent, voire s’exacerbent, que l’ascenseur social est en panne et que la création de richesse est poussive, au point qu’un retraité sur trois renonce à se soigner convenablement, comment peut-on prétendre disposer des conditions suffisantes pour assurer l’intégration ou l’assimilation de centaines de milliers de personnes par an ? Leur motivation se limite parfois à des considérations économiques ; elles n’adhèrent ni à notre histoire ni à notre projet collectif.
    Le droit du sol, tout comme le rapprochement familial, ne peut se concevoir en 2025 comme en 1851 : penser l’inverse serait un déni hautement réactionnaire. Ne jetons pas la pierre à ceux qui en bénéficient ; nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes. Mayotte en fait les frais, plus que tout autre territoire, et ce depuis des décennies. À la pauvreté indigne s’ajoutent ainsi l’insécurité insoutenable et l’absence de toute perspective individuelle ou collective pour sortir du marasme. Nous le savons tous, vous le savez tous, et vous n’avez rien fait.
    Mayotte a choisi d’être française, à la différence des Comores par exemple. Être Français est –⁠ ou devrait être – un privilège, dont nous jouissons tous ici : celui de bénéficier de l’attention de la nation tout entière. C’est ce que demandent les Mahorais et nous le leur devons, à eux en priorité. Cessons donc de sacrifier les conditions de vie et les perspectives, souvent déjà dégradées, de nos compatriotes, pour nous acheter une bonne conscience pas cher, confortablement lovés dans l’entre-soi des jardins de la capitale ! Pendant ce temps, la pauvreté touche 77 % de la population mahoraise, plus d’un tiers des habitants est en situation irrégulière, et ce contre l’avis unanime des principaux concernés : nos compatriotes.
    J’identifie donc trois champs d’action : revenir sur le droit du sol et le rapprochement familial, qui sont dépassés dans leur version actuelle ; déterritorialiser les visas ; lutter contre le phénomène migratoire local comorien avec fermeté, par une contrainte sur les transferts d’argent et l’aide au développement. Écoutons les Mahorais, rebâtissons Mayotte, refondons la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anchya Bamana.

    Mme Anchya Bamana

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    Trente-sept jours après Chido, nous examinons le projet de loi d’urgence pour Mayotte. D’abord, permettez-moi de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, à tous les niveaux de l’État, travaillent sans compter pour gérer la situation chez moi, à Mayotte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Qu’ils en soient tous remerciés ici et maintenant. J’ai conscience des efforts et du travail qui ont été nécessaires pour arriver à examiner ce texte en moins d’un mois. Nous avons beaucoup travaillé en commission pour tenter de l’améliorer –⁠ il en avait bien besoin. Mais c’est de Mayotte que je veux vous parler aujourd’hui. Chido a montré que son abandon par la République ne date pas d’aujourd’hui. À Mayotte, il existe une réalité dont vous, citoyens de France et de Navarre, ne vous rendez pas toujours compte.
    Chez nous à Mayotte, l’eau ne coule pas au robinet tous les jours, les enfants ne vont pas à l’école toute la journée par manque de classes, ils n’ont pas non plus de repas, par manque de cantines scolaires. Chez nous à Mayotte, la violence est telle que les fenêtres des voitures des gendarmes sont grillagées. Les bus scolaires et ceux des soignants sont escortés par les forces de l’ordre. Nous avons le plus gros bidonville de France et la plus grande maternité d’Europe, tout cela sur 374 kilomètres carrés. Chez nous à Mayotte, le montant du RSA s’élève à 50 % de celui distribué aux autres allocataires de France, et bien d’autres prestations sociales n’existent toujours pas. Pourtant, les Mahorais payent l’impôt plein pot, comme tous les Français. Ces inégalités de traitement sont injustes et insupportables ! Chez nous à Mayotte, le cadastre n’est pas à jour et nous ne disposons toujours pas d’un recensement fiable de la population, qui permettrait d’aligner sur cette dernière le montant des dotations aux collectivités.
    Aujourd’hui, monsieur le ministre d’État, les Mahorais ont faim et soif. Ils n’ont plus de toit. Il ne reste plus rien, sauf les inondations provoquées par Dikeledi sur un sol déjà artificialisé par Chido, qui ont déversé des tonnes de déchets dans notre lagon, le plus beau du monde. Ce texte permettra de légèrement desserrer le carcan administratif et, partant, de reconstruire plus vite. Il manque pourtant cruellement d’ambition.
    D’abord, le manque de concertation avec les élus locaux lors de sa conception a obligé ceux-ci à s’autosaisir pour pouvoir dire ce qu’ils pensent des besoins du département.
    Ensuite, on laisse de côté un sujet majeur –⁠ l’éléphant dans la pièce, qui est bien présent et que personne ne veut ni voir ni évoquer, et que nous avons dû faire entrer dans la discussion, à défaut de le faire entrer dans le texte : la submersion migratoire.
    Il est temps, monsieur le ministre d’État, de sortir de l’illusion que les bidonvilles seraient des abris et d’ouvrir les yeux sur ce qu’ils sont en réalité : des pièges mortels. Oui, Chido a tué. Et face à l’insécurité qui gangrène le département et aux risques sanitaires –⁠ le premier cas de choléra est apparu ce week-end –, les pouvoirs publics sont astreints à une obligation de résultat. Selon Albert Einstein, « la folie, c’est de refaire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Aujourd’hui, le peuple mahorais attend une volonté réelle du gouvernement et du Parlement de sortir notre département du chaos ; il faut donc accorder les paroles et les actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est Mayotte qui nous réunit aujourd’hui. C’est Mayotte qui souffre et qui nous fédérera. À la suite du passage du cyclone Chido, le département est dans la souffrance et dans l’attente de ce que nous ferons pour lui. Le bilan humain, qui n’est que provisoire, est tragique : au moins trente-neuf morts et plus de 5 000 blessés. Nombre de nos compatriotes sont sans abri, hébergés dans soixante-dix centres d’urgence. Les dégâts matériels sont tout aussi alarmants, vous le savez, et la liste exhaustive n’est pas encore dressée. Je pense en particulier à l’hôpital de Mamoudzou –⁠ le seul de l’archipel, j’y reviendrai –, fortement endommagé, et aux près de 95 % des exploitations agricoles touchées, en très grande difficulté.
    Le projet de loi d’urgence pour Mayotte, inscrit dans le cadre du plan Mayotte debout, est nécessaire et attendu car il vise à coordonner la reconstruction et à accélérer la création d’hébergements temporaires. Il prévoit aussi un soutien renforcé, essentiel aux entreprises et aux personnes en recherche d’emploi, afin d’accompagner nos compatriotes mahorais dans cette période très incertaine. Si nous reconnaissons l’utilité du texte, nous souhaitons aussi que les élus locaux, qui, pour certains d’entre eux, sont dans nos murs et nous rejoindront peut-être dans quelques minutes, soient pleinement associés à la reconstruction de l’archipel –⁠ je pense aux représentants des collectivités communales et de la présidence du conseil départemental.
    En outre, nous dénonçons des lacunes importantes s’agissant de la construction d’infrastructures essentielles qui ne peuvent plus attendre. La lutte contre l’habitat indigne et l’immigration clandestine nous préoccupe également.
    Nous ne devons pas simplement envisager la reconstruction de Mayotte, bien entendu nécessaire, mais aller plus loin, en construisant des équipements attendus et promis depuis des années. Je pense à la fameuse piste longue, dont nous évoquions déjà l’imminence lorsque, jeune député exerçant mon premier mandat sous la présidence de Nicolas Sarkozy, je m’étais rendu pour la première fois à Mayotte : nous sommes en 2025 et nous l’attendons encore. Je pense aussi au contournement de Mamoudzou, à la transformation du port de Longoni –⁠ et la liste est longue…
    Il est crucial d’agir pour l’avenir de l’île. Le projet de loi prévoit déjà la construction de nouvelles écoles : c’est un pas qui va dans la bonne direction, mais qui demeure insuffisant car il faut étendre cette approche à d’autres infrastructures essentielles. En effet, dans la France du XXIe siècle, Mayotte est un département français et fier de l’être où, un jour sur trois, pas une goutte d’eau ne coule des robinets, et où un tiers des habitations n’ont pas accès à l’eau courante –⁠ oui, cela existe encore en France ! Les problèmes de Mayotte ne datent d’ailleurs pas du cyclone Chido et ne seront pas résolus du jour au lendemain en quelques petits coups de pouce.

    M. Laurent Wauquiez

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    Très juste !

    M. Philippe Gosselin

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    Même après la construction d’une deuxième usine de désalinisation, Mayotte continuera de souffrir d’un déficit hydrique certain et élevé.
    Une des autres préoccupations majeures concerne la lutte contre les bidonvilles, mais le projet de loi n’y consacre pas un mot, ce qui est vraiment fâcheux ! Pourtant, nous avons à plusieurs reprises alerté sur ce point, ainsi que les élus de Mayotte eux-mêmes, les observateurs et notre rapporteure, chère madame Estelle Youssouffa. Plusieurs amendements, proposés par notre groupe comme par le gouvernement et qui visaient à allonger le délai de flagrance, ont été déclarés irrecevables. On a prétendu qu’ils étaient hors sujet. Quel dommage ! Cette situation met en évidence une lacune importante du projet de loi initial : la lutte contre les bidonvilles aurait dû y être incluse.
    Enfin, si 40 % de la population vit dans les bidonvilles, près de 50 % de celle-ci est issue de l’immigration irrégulière. Disons-le clairement : nous ne résoudrons pas les difficultés de Mayotte sans une politique migratoire ferme. Ce sera l’objet de la proposition de loi que nous avons déposée et que nous défendrons dans la niche parlementaire du groupe Droite républicaine le 6 février prochain.

    M. Laurent Wauquiez

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    Ce sera la vraie solution !

    M. Philippe Gosselin

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    Malgré les imperfections du texte, nous le voterons car nous le devons à nos compatriotes. Toutefois, nous attendons que vienne très rapidement le second étage de la fusée, qui, seule, nous permettra de rappeler à Mayotte qu’elle est pleinement dans la République et que nos concitoyens sont pleinement Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    C’est avec le cœur lourd que nous abordons ce projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte. La plus grande catastrophe naturelle qu’a connue notre pays appelle une réponse à la hauteur de la dévastation subie par nos compatriotes. Je veux à cet instant, en mon nom et au nom de mon groupe, les assurer de nouveau de nos pensées les plus fraternelles dans l’épreuve qu’ils traversent. La semaine dernière, lors d’un déplacement à Mayotte avec ma collègue Mathilde Hignet, qui y a vécu, j’ai pu exprimer ma solidarité totale avec les habitantes et habitants de Mayotte, et ma gratitude immense envers celles et ceux qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour redonner vie à l’archipel. Dans la population, au sein des services de l’État et de la sécurité civile, à l’hôpital, au sein des collectivités, des pompiers et des services techniques des différents opérateurs, l’épreuve est inédite.
    Les Mahoraises et Mahorais sont résilients mais l’heure est à l’examen de conscience, car le cyclone Chido est le révélateur d’un sous-développement chronique, qui fait souffrir les habitants et fait honte à la République. Mayotte est en sous-France, en deux mots. C’est à Mayotte que l’État dépense le moins, que 77 % de la population est touchée par la pauvreté et que 30 % des habitants, Mahorais ou non, vivent dans un habitat informel et précaire.
    Pénurie d’eau, insécurité, chômage, pauvreté : les difficultés de Mayotte sont profondes. Dès lors, les seules réponses sécuritaires et martiales ne sont que diversions court-termistes. Les modifications successives du droit de l’asile et de l’immigration et les opérations policières et militaires n’ont ni fait baisser la pression démographique, ni réglé la crise sociale. Nous devons trouver des solutions durables pour sortir du chaos et de la guerre de tous contre tous (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR), car le dérèglement climatique, les guerres, les régimes effondrés qui persécutent et créent des exilés, ainsi que les liens familiaux et géographiques avec les Comores ne disparaîtront pas du jour au lendemain.
    Mayotte ne doit pas être laissée seule pour gérer les crises. La solidarité nationale plutôt que la préférence nationale, c’est d’abord la convergence sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également) : mêmes salaires, mêmes prestations sociales, services publics de l’eau, de la santé, du logement et du relogement à la hauteur des besoins. La solidarité nationale, c’est aussi la convergence du droit, avec une gestion rationnelle et pragmatique de la pression démographique pour protéger l’ensemble de la population : le titre de séjour territorialisé, notamment, et la non-répartition de l’hébergement d’urgence sur le territoire national font de Mayotte un point de fixation difficilement supportable. Notre groupe a formulé des propositions pour la future loi-programme, un plan d’urgence qui s’ajoute à une demande de commission d’enquête sur la gestion de la crise Chido et les moyens de prévention.
    Ce sont les habitants et les habitantes qui parlent le mieux du projet de loi. À Kawéni, c’est cette femme qui fustige le contraste entre le satisfecit et la réalité : « Accepteriez-vous cela en métropole ou bien est-ce parce que nous sommes noirs, musulmans et loin de Paris ? », nous a-t-on demandé.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas très bon, ça !

    M. Emeric Salmon

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    Noirs, musulmans et électeurs de Marine Le Pen !

    Mme Nadège Abomangoli

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    En effet, il n’y a pas assez d’eau, d’aide alimentaire, de bâches pour la maison, pas assez de liens avec les acteurs associatifs de proximité pour l’aide, pas de décompte sérieux des victimes…
    C’est aussi cette femme de Mtsamboro, traumatisée par une attaque de coupeurs de route, qui parle de Mayotte comme d’un État effondré, où l’on n’a pas déployé les moyens de police, de justice, d’éducation et de prévention de la délinquance. Regretter que nous en soyons arrivés là, ce n’est pas justifier la violence, c’est au contraire dénoncer le manque systémique de moyens pour la combattre dans le temps long. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également)
    À l’hôpital de Mamoudzou, c’est cette soignante aux urgences, dévouée mais épuisée, qui consulte dans les couloirs et recycle du matériel médical. À M’Tsangamouji, ce sont ces agriculteurs qui veulent importer des denrées et des semences hors du cadre commercial européen, sans quoi se nourrir sera impossible à court et moyen terme.
    Le plan Mayotte debout n’a donc, à ce stade, pas suffisamment répondu aux urgences vitales les plus immédiates, malgré des efforts immenses, il faut le reconnaître. Le texte que nous allons étudier, au motif de l’urgence, donne un blanc-seing au gouvernement pour légiférer par ordonnances et de manière dérogatoire en matière de droit de l’urbanisme, de la propriété privée et de la commande publique.

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai qu’il n’y a vraiment pas d’urgence !

    Mme Nadège Abomangoli

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    Oui, à circonstances exceptionnelles, solutions exceptionnelles, mais pas de reconstruction à l’identique ni au rabais. Quelques mesures fiscales et sociales temporaires sont les bienvenues, afin d’alléger un peu la pression sur la population et les entreprises. Mais quid des acteurs économiques locaux à la merci des mastodontes qui risquent de capter l’ensemble des marchés ? Quid des facilités d’expropriation, à nos yeux excessives ? Nous nous opposerons aux dispositions qui risquent de spolier les entreprises locales et les habitants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
    En dépit de la non-reconnaissance par l’ONU de son rattachement à la France, le peuple mahorais a bel et bien exprimé sa volonté d’être français et usé du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : il en est ainsi et cela implique des droits pour les Mahorais et des devoirs pour notre pays. Mayotte peut et doit être à l’avant-garde de la bifurcation écologique et du progrès social. C’est la République de la dignité qu’il faut construire à Mayotte, avec et pour les Mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP dont plusieurs députés se lèvent.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je voudrais remercier tous les orateurs, ainsi que Mme la rapporteure et Mme la présidente de la commission. Chacun d’entre vous s’est exprimé avec beaucoup de force et de dignité, conscient des difficultés et du défi qui sont devant nous.
    Votée par l’Assemblée nationale –⁠ j’en étais membre à l’époque – et entrée en vigueur en 2011, la départementalisation a constitué une promesse que nous devions aux Mahorais qui s’étaient exprimés massivement en sa faveur. À la place qui est la mienne aujourd’hui, je suis parfaitement lucide et conscient de la continuité de l’action de l’État et des gouvernements qui se sont succédé. Beaucoup a été fait, en particulier en matière d’investissements –⁠ et c’est peut-être tout le problème, d’ailleurs. En 2015, j’ai moi-même signé le plan Mayotte 2025, annoncé sur place par celui qui était alors président de la République.

    M. Pierre Cordier

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    N’ayez pas honte de le nommer !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    J’ai aussi posé la première pierre du centre de soins Martial Henry de Petite-Terre et lancé un plan de construction de 500 classes, dont 350 ont été réalisées,…

    Mme Christine Arrighi

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    Vous n’avez pas honte ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …mais ces équipements ont été très vite mis à mal par les problèmes qui ont été évoqués, notamment celui de l’immigration irrégulière.
    Il est vrai que l’État a agi aussi. En matière de sécurité, il suffit de voir les postes de police, les brigades de gendarmerie. Il y a les écoles, les collèges et les lycées ou les contrats conclus avec le conseil départemental. Cependant, nous sommes très loin de la promesse républicaine et des espérances des Mahorais, notamment de la promesse d’égalité et de convergence sociale. Cette réalité a été exposée par chacun d’entre vous, de diverses manières, notamment par Mmes Bamana et Youssoufa qui sont députées de ce territoire.
    Il faudra donc traiter toutes les questions : la pauvreté, le retard pris en matière d’égalité réelle ou de convergence sociale, les rapports avec les Comores –⁠ point crucial si nous voulons stopper la migration permanente –, la lutte contre l’immigration irrégulière et l’habitat illégal. D’une certaine manière, comme Mme la rapporteure le rappelait, Chido a révélé les maux, les difficultés, les problèmes et les drames que subissent les Mahorais. Nous avons l’obligation de réussir, mais notre tâche est particulièrement difficile. C’est pourquoi, après l’urgence et ce projet de loi, nous prendrons des mesures en matière d’immigration, en nous appuyant d’abord sur la proposition de loi du groupe Droite républicaine, puis sur un deuxième texte de loi que j’ai annoncé et qui a déjà fait l’objet d’un long travail conduit par mon prédécesseur au cours des derniers mois.
    Je veux m’arrêter un instant sur un sujet délicat, qui a été abordé en commission, celui du bilan humain : je veux dire une nouvelle fois, de manière très claire et devant la représentation nationale, que l’État et le gouvernement n’ont rien à cacher. Je me demande d’ailleurs à quoi servirait de cacher la réalité de ce bilan ; cela n’aurait aucun sens. L’adoption de l’amendement de Mme Voynet, débattu en commission, nous garantira à cet égard la plus grande transparence. Je le répète : nous n’avons rien à cacher.
    Le bilan est connu : à ce stade, 39 personnes décédées, 124 blessés graves et près de 5 000 blessés légers. Or, différentes voix ont évoqué le chiffre de 50 000 morts ! Vous rendez-vous compte de la situation, s’il existait 50 000 morts cachés, enterrés ou jetés à la mer qui, en l’occurrence, n’a ramené aucun corps, aucun cadavre ? Faisons donc attention à ce que nous disons ! Il faudra certes aller plus loin, découvrir ce qui s’est passé et comprendre les « disparitions » –⁠ je mets des guillemets à ce mot –, mais nous n’avons rien à cacher.
    Je veux aussi rappeler que l’État agit. On ne peut pas à la fois saluer, à juste titre, l’engagement de tous les fonctionnaires de l’État, des communes et du département, des bénévoles –⁠ ainsi que la grande solidarité des Mahorais eux-mêmes et de ceux qui sont venus, notamment de La Réunion ou de l’Hexagone, pour apporter leur aide et leur soutien –, tout en affirmant que nous avons été en retard.
    Il est très difficile d’agir à plusieurs milliers de kilomètres de l’Hexagone, à plus de deux heures d’avion ou de quatre jours de bateau de La Réunion. Dans les régions européennes ou américaines touchées par les cyclones, les tempêtes et les coulées de boue, on a bien conscience que tout cela est très difficile. Je suis prêt à entendre toutes les critiques légitimes et surtout les propositions –⁠ nous allons en débattre –, et je comprends surtout l’impatience des Mahorais parce que ce cyclone, cette catastrophe a frappé une terre déjà touchée par des défis, des maux et des difficultés que vous avez tous évoqués.
    Nous allons continuer à agir, parce que nous n’avons pas d’autre choix que de répondre au désespoir et aux peurs qui s’expriment, alimentées notamment par les problèmes de sécurité. La mission Outre-mer et tous les autres budgets viseront à participer à la reconstruction de Mayotte. Je veillerai à ce que les choses soient préservées. Nous n’aurons pas d’autre choix. Nous n’avons pas encore indiqué le montant des crédits qui seront fléchés vers Mayotte parce que nous évaluons toujours les dégâts et le coût de la reconstruction. Je comprends l’impatience mais cette évaluation doit être bien faite. Aucune reconstruction ne peut se faire en quelques semaines, cela n’existe pas et n’a jamais existé, y compris dans l’Hexagone.
    Vous avez raison, madame la rapporteure, ce texte a été préparé avant que le gouvernement soit nommé. Cependant, il est faux de dire qu’il n’a fait l’objet d’aucune concertation : je suis allé sur place et j’ai rencontré encore cette semaine à Paris le président du conseil départemental ainsi que le président de l’association des maires. Nous nous parlons beaucoup, par WhatsApp, par mail et ce dialogue inclut les quatre parlementaires du territoire. Ainsi l’article 1er a-t-il été réécrit et, contrairement à ce que j’ai entendu, nous avons ajouté des mesures anti-bidonvilles. Ce texte peut encore être amélioré et il le sera, grâce au travail de l’Assemblée nationale et du Sénat.
    Ce projet de loi n’est évidemment pas la traduction du plan Mayotte debout. Tel sera l’objet du projet de loi-programme de refondation de Mayotte, pour lequel nous prendrons tout le temps de concertation nécessaire. Plusieurs d’entre vous l’ont dit à juste titre : nous devons procéder autrement. Je veux évidemment m’appuyer sur les élus locaux, les maires, le département, le monde économique et social ainsi que sur les Mahorais. C’est un engagement et ce sera le rôle du futur établissement public.
    Néanmoins, le présent texte contient déjà des mesures importantes. En évoquant plusieurs d’entre elles, dont certaines ne font pas partie du présent texte, nous constatons que les choses avancent : par exemple sur l’accueil des lycéens dans l’Hexagone –⁠ ou ailleurs – et sur le soutien aux familles ou aux entreprises. Il faudra continuer dans ce sens.
    Je voudrais apporter quelques précisions au sujet des écoles, puisque le débat doit se nourrir d’éléments concrets. Actuellement, dans le premier degré, 39 écoles sur 221 ne peuvent pas fonctionner compte tenu de leur état, soit précisément 388 classes sur 1 939, loin du taux de 80 % évoqué. Ces chiffres sont certes élevés et prouvent que des reconstructions sont à prévoir, plus ou moins lourdes selon les cas. Dans le second degré, cinq établissements sur trente-trois –⁠ collèges et lycées – sont endommagés de manière significative. Là encore, nous restons loin des 80 %.
    Je ne minimise pas pour autant la situation, qui était déjà difficile auparavant, puisque les jeunes ne sont pas scolarisés toute la journée, cinq jours sur cinq. La réalité est suffisamment difficile pour que nous ne l’exagérions pas. Il est vrai que la rentrée était normalement prévue le 13 janvier et qu’elle a été décalée au 20, puis au 27, à cause de Chido puis de la tempête tropicale intense qui a suivi. Les services de l’État sont mobilisés pour permettre la reprise des cours. Ladom prendra en charge les billets d’avion des élèves du secondaire, pour que tous puissent poursuivre leur scolarité dans les meilleures conditions.
    Trois établissements scolaires –⁠ un lycée professionnel et deux collèges – restent en outre réquisitionnés pour des hébergements d’urgence. Deux d’entre eux seront évacués dans la semaine et nous faisons tout pour que ce processus exceptionnel et complexe se déroule dans les meilleures conditions. Cela constitue un vrai défi : les enseignants doivent retrouver leur établissement scolaire dès cette semaine, puis le plus grand nombre d’élèves à partir du 27 janvier.
    J’ai conscience des problèmes d’électricité. J’indique des pourcentages mais entre ce qui est annoncé publiquement, dans les médias, en commission ou en séance, et ce que vivent les Mahorais –⁠ c’est aussi vrai pour l’accès à l’eau –, il y a toujours une différence, selon qu’ils vivent dans des foyers dévastés ou dans des communes ou des villages plus éloignés. Un exemple pour illustrer la difficulté des choix des représentants de l’État : l’enterrement de la ligne à haute tension dans le nord a été critiqué pour sa lenteur, mais le choix d’enfouir cette ligne doit permettre de résister aux risques sismiques ou cycloniques de demain ; nous devons déjà les prendre en compte. Il est vrai que Mayotte, à la différence des Antilles ou de La Réunion, n’était pas préparée. Il faudra mettre les bouchées doubles pour que cette culture de la prévention des catastrophes naturelles s’impose aussi là-bas.
    Au 18 janvier, 30 400 mètres carrés de bâches avaient été distribuées. Elles l’ont été, selon la logique du dernier kilomètre, par les communues qui recensent les besoins individuels et collectifs, puis les relaient auprès des services de l’État avant de se charger de la distribution. Je ne mettrai jamais en cause le travail des maires car ce qu’ils font est très difficile et ils manquent d’ingénierie. Néanmoins, puisque l’on nous demande de nous appuyer sur les maires, je me dois de rappeler les difficultés que je constate : sur le terrain, les communes ont parfois du mal à approvisionner les habitants jusqu’au dernier kilomètre, sinon jusqu’aux derniers mètres. La coordination s’effectue entre les services de l’État, le préfet, les maires et le conseil départemental afin d’être le plus efficace possible.
    Plusieurs d’entre vous m’ont alerté sur la situation sociale, et cette convergence sociale qui doit être un des piliers du futur projet de loi de refondation. Tous les outre-mer sont concernés : je constate un sentiment d’éloignement, d’abandon parfois ; les habitants ont le sentiment d’être mis à distance, voire infantilisés. Tout cela correspond à une réalité. La situation s’est d’ailleurs dégradée ces dernières années. Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) devra prendre cette question à bras-le-corps. Il y va de la solidarité nationale, d’autant plus vive à Mayotte que ce territoire est peut-être celui qui revendique le plus sa nationalité française –⁠ preuve de son grand patriotisme. Prêtons attention à ce qui se joue là-bas. Pourquoi devons-nous y réussir –⁠ je pourrais dire la même chose dans tous les autres territoires, notamment dans quelques jours, en Nouvelle-Calédonie ? C’est parce que si nous ne parvenons pas à reconstruire Mayotte et à répondre aux attentes des Mahorais, il y a partout, dans l’océan Indien, l’Atlantique, le Pacifique, des forces différentes, des prédateurs, des pays…

    M. Marcellin Nadeau

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    Il y a des peuples, aussi !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …qui veulent chasser la France pour qu’elle ne soit plus présente sur les cinq continents et dans les trois océans. Nous avons donc évidemment une obligation de réussite, d’abord pour les Mahorais, ensuite pour tous nos compatriotes des outre-mer qui attendent que l’État et la République agissent avec beaucoup plus de force et de détermination pour l’égalité réelle et la convergence sociale.
    Madame Voynet, et peut-être d’autres, vous considérez que nous aurions pu prendre des mesures par décret après avoir déclaré l’état de calamité naturelle exceptionnelle. Nous l’avons fait : pour encadrer les prix, notamment des bouteilles d’eau, et déployer un dispositif d’aide aux entreprises –⁠ je l’ai rappelé à la tribune. En décrétant l’état de calamité naturelle exceptionnelle, le préfet a pu réquisitionner des transporteurs pour livrer des vivres et des moyens de chantier pour déblayer les déchets. Je sais bien que des difficultés subsistent, et je remercie d’ailleurs les parlementaires de la circonscription de m’en faire part. Le préfet les relaie aussi en direct, et j’essaie moi aussi, malgré d’autres urgences, nombreuses, dans d’autres territoires, de les relayer aussitôt, tant je suis conscient qu’un grain de sable peut gripper la machine sur place et casser un peu plus la confiance des Mahorais dans l’action de l’État.
    Monsieur Gosselin, vous n’étiez pas là lorsque j’ai annoncé qu’un amendement du gouvernement –⁠ le no 176 à l’article 4 – permettra d’inclure la lutte contre les bidonvilles dans le champ des mesures susceptibles d’être prises par ordonnances, de sorte que nous puissions notamment élargir les catégories d’agents pouvant constater l’édification illégale ou allonger le délai de flagrance.

    M. Philippe Gosselin

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    Très bien !

    M. Laurent Wauquiez

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    C’est très attendu par nos élus.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Cependant, il ne faut pas se mentir : de telles mesures impliquent des moyens. Tout comme ceux de la lutte contre l’immigration, ils feront l’objet du projet de loi-programme. Quels dispositifs prévoyons-nous pour maîtriser le foncier sur le territoire ? Lorsque nous examinerons l’article 10, madame la rapporteure, j’essaierai de répondre aux attentes, et surtout aux craintes des Mahorais, que vous avez exprimées. Si nous voulons reconstruire autrement, nous devons maîtriser davantage le foncier, disposer de davantage de moyens.
    Madame la présidente de la commission des affaires économiques, vous aurez l’occasion de vous rendre sur place. Nous devrons tous suivre attentivement l’action de l’État et évaluer la gestion de l’argent public.
    Nous aurons l’occasion de revenir sur tous ces points lors de la discussion des articles, amendement par amendement. Je serai toujours auprès de vous pour répondre à l’ensemble des questions. Nous avons l’obligation de réussir. Je vous remercie pour le ton et le sens de la responsabilité qui ont caractérisé l’ensemble de vos interventions.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
    Je vous indique que 218 amendements déposés ont été déclarés recevables.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je profite de cet article relatif à l’établissement public foncier chargé de coordonner la reconstruction pour vous dire, monsieur le ministre, que je suis très sensible, comme de nombreux collègues, au fait que nous puissions nous préoccuper davantage des bidonvilles grâce à l’amendement no 176. C’était une lacune du texte, merci d’y remédier, c’est un point très positif. Nos débats apporteront un certain nombre d’éclairages et je ne doute pas que la rapporteure y contribuera également.
    J’étais en effet en retard, retenu par un avion qui ne rentrait pas de Cracovie. Avec une délégation des maires de la Manche, nous étions à Auschwitz-Birkenau pour le quatre-vingtième anniversaire de la libération des camps. J’adopte un ton un peu solennel. C’est hors sujet mais cela nous concerne tous. Les avions ont été annulés et nous sommes rentrés vingt-quatre heures plus tard que prévu. Il y a donc une raison objective à mon retard. Je ne me serais pas permis d’arriver en retard pour le discours du ministre. Il n’y a là ni dédain ni négligence à l’égard de nos amis Mahorais. Ce quatre-vingtième anniversaire commémore également la liberté.
    La question des migrations doit être abordée et l’on m’a dit, monsieur le ministre, qu’avant que je n’arrive vous avez annoncé votre soutien à la proposition de loi que le groupe DR défendra dans l’hémicycle le 6 février ; je vous en remercie. Il peut s’agir d’une première réponse concrète sur le plan régalien.
    Je reviendrai sur la question du délai d’habilitation prévu à l’article 1er en défendant mon amendement. Nous aurons l’occasion de débattre des autres questions en examinant les différents amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet.

    Mme Mathilde Hignet

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    Monsieur le ministre, vous soutenez que l’Epfam absorbé par un nouvel établissement public sera un opérateur puissant. Pour que ce soit le cas, et afin que la reconstruction de Mayotte réponde aux besoins de la population en tenant compte des contraintes et des spécificités du département, il nous semble important que plusieurs acteurs sociaux et économiques soient associés au travail du futur établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction. Cela permettrait d’éviter que Mayotte soit reconstruite à l’identique, comme le craignent de nombreux citoyens rencontrés sur place. Pour l’avenir, il faudrait aussi installer davantage de services, notamment publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Nous tenons à revenir sur une question essentielle, évoquée en commission : le « calibrage » des missions de l’établissement public. Nous savons que le problème endémique de Mayotte, c’est l’immigration irrégulière, et nous ne pouvons pas engager des travaux sans en connaître le dimensionnement. Pour construire les unités d’assainissement et les équipements d’adduction d’eau, pour dimensionner le réseau informatique, pour déterminer le nombre de places dans les établissements scolaires, nous devons pouvoir raisonner en équivalents habitant.
    Pour qui allons-nous réaliser ces travaux ? Le groupe Rassemblement national s’inquiète que l’on s’apprête, une fois de plus, à lancer un programme de travaux en dissimulant cette question fondamentale. Autrement dit, la question de l’immigration irrégulière est déjà au cœur du sujet. Nous devrons y être très attentifs, notamment lorsque nous aborderons, en mars, le deuxième texte relatif à Mayotte. Nous espérons que vous serez toujours en fonction à ce moment-là, monsieur le ministre, de sorte que se concrétise dans ce texte l’écoute dont vous avez fait preuve en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    L’article 1er traite des conditions dans lesquelles l’Epfam sera refondé et son périmètre sera élargi, à la demande du département et en accord avec le gouvernement. L’ordonnance définira les règles relatives aux missions de ce nouvel établissement public. Or l’Epfam conduisait de nombreux chantiers comme des projets de zones d’aménagement concerté, des opérations de résorption de l’habitat insalubre, la future construction d’un deuxième hôpital… Êtes-vous déjà en mesure de nous dire, monsieur le ministre, ce qu’il adviendra de ces chantiers ? Vont-ils se poursuivre ? Il serait vraiment dommage que l’on arrête tout, certains projets étant déjà bien avancés, d’autres abordant la phase de réalisation.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Je remercie tous les collègues qui ont participé aux travaux de la commission des affaires économiques sur ce texte. Nous les avons menés avec sérieux et nous avons réussi à tenir dans des délais contraints.
    La commission a adopté, à la majorité, plusieurs amendements à l’article 1er, notamment pour que les collectivités locales, le comité de l’eau et de la biodiversité (CEB) ainsi que les acteurs sociaux soient davantage impliqués dans les travaux de l’établissement public.
    Monsieur le ministre d’État, nous avons effectivement prévu un déplacement du bureau de la commission à Mayotte. Nous sommes bien conscients qu’il est nécessaire, en sus des auditions que nous avons réalisées ces derniers jours, de nous rendre sur place pour dialoguer avec les acteurs mahorais. J’espère en tout cas que le futur projet de loi que vous avez évoqué comprendra un important volet économique, car il manque malheureusement, dans le présent texte, des mesures de long terme en la matière.

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements à l’article 1er.
    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 41.

    M. Philippe Gosselin

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    L’article 1er prévoit que l’ordonnance est prise dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du texte. Par cet amendement, nous proposons de ramener le délai à deux mois. Certes, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, mais il est urgent, à Mayotte, de reconstruire, d’héberger les habitants et d’assurer la scolarisation des enfants. En un mot, il faut assurer l’essentiel, qui fait cruellement défaut à ce stade.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    J’émets un avis défavorable. Nous avons évoqué ce point en commission : un délai de deux mois serait trop court pour mener les consultations nécessaires sur la création du nouvel établissement public. Il faut certes aller vite –⁠ la mission de préfiguration est d’ailleurs déjà en cours – mais trois mois ne seront pas de trop pour associer toutes les parties concernées.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Si vous le voulez bien, madame la présidente, j’en profite pour répondre à deux interventions précédentes.
    Madame Voynet, tous les chantiers lancés par l’Epfam seront poursuivis. Le présent article d’habilitation prévoit bel et bien que le nouvel établissement public reprendra toutes les missions, droits et obligations de l’Epfam.
    La mission de préfiguration, menée par le général Facon, est chargée de déterminer le cadre dans lequel agira l’établissement public, par rapport à l’action de l’État déconcentré et aux compétences exercées par les collectivités –⁠ le département, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il faudra bien évidemment évoquer de nouveau ce point avec les élus locaux et départementaux. J’ai donné l’assurance –⁠ et c’est peu ou prou ce que nous avons écrit dans le projet de loi – que le conseil départemental, notamment son président, serait pleinement associé à la gouvernance de l’établissement public.
    Rappelons qu’une défiance s’était installée entre les élus et l’Epfam, du fait de la gouvernance de cet établissement public –⁠ je le dis sans mettre en cause ceux qui y travaillent. Nous devons réussir à restaurer la confiance et à créer les conditions d’un travail aussi rapide que possible. Je comprends l’impatience, mais il nous faut bien réfléchir à l’outil que nous créons, notamment dans la perspective du deuxième projet de loi.
    J’en viens à la question de la population. De toute évidence, le recensement qui a été annoncé doit commencer le plus vite possible. Sinon, nous ne pourrons pas reconstruire Mayotte dans de bonnes conditions. Nous avons besoin d’une préfiguration de l’établissement public, d’un calibrage de ses missions et d’un chiffrage précis du coût des travaux de reconstruction. Tout cela doit s’appuyer sur le recensement, qui donnera la réalité des chiffres pour Mayotte.
    S’agissant de l’amendement, mon avis est le même que celui de Mme la rapporteure.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Dans la discussion générale, nous avons été nombreux à indiquer qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation pour la reconstruction de Mayotte. Philosophiquement et politiquement, nous sommes opposés à un recours excessif aux ordonnances,…

    M. Philippe Gosselin

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    Ici, c’est un cas particulier !

    Mme Nadège Abomangoli

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    …mais nous l’acceptons en la matière, tout simplement en raison de l’urgence. Par ailleurs, nous considérons que le texte prévoit déjà des dérogations importantes pour ce qui est des délais. Il faut aussi tenir compte des réalités matérielles et des difficultés à travailler dans la concertation. Nous avons rappelé qu’il fallait discuter avec tout le monde, ce qui ne peut pas se faire dans des délais réduits. C’est pourquoi nous suivrons les avis de la rapporteure et du gouvernement, et voterons contre cet amendement.

    (L’amendement no 41 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 116 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 116, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 188 et 271.
    La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 188.

    Mme Dominique Voynet

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    En commission, nous avons indiqué que les représentants des acteurs économiques et sociaux mahorais seraient associés à la gouvernance de l’établissement public. Or il nous semble nécessaire de prendre en compte l’apport de l’économie sociale et solidaire, assez présente à Mayotte. Par cet amendement, nous proposons de préciser que les acteurs susmentionnés incluent les acteurs de l’économie sociale et solidaire, tels qu’ils sont définis par l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 271.

    M. Paul Midy

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    Les associations, les fondations et tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire ont agi aux côtés de l’État pour faire face aux dégâts considérables causés par le cyclone Chido. Ils ont été présents dans l’urgence et le seront pour la reconstruction. Il est donc important de les mentionner de façon explicite parmi les acteurs économiques et sociaux dont les représentants seront associés à la gouvernance de l’établissement public.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Mon avis est défavorable. En commission, nous avons prévu d’une part le maintien d’une représentation équilibrée de l’État et des collectivités territoriales, d’autre part l’association du comité de l’eau et de la biodiversité ainsi que des acteurs économiques et sociaux. Les amendements me semblent satisfaits, les acteurs de l’économie sociale et solidaire étant compris dans les acteurs économiques et sociaux.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis que la rapporteure. Je le dis en pensant à des amendements ultérieurs, je ne suis pas favorable à ce que nous nous engagions dans une liste sans fin et que nous déterminions dans le détail, par la loi et depuis Paris, la gouvernance de l’établissement public. Les amendements adoptés en commission ont fixé un cadre à la mission de préfiguration. C’est précisément à celle-ci que revient d’organiser la gouvernance de l’établissement. Il y aura une concertation avec les acteurs économiques et sociaux, avec la société mahoraise. Quant aux élus, ils seront totalement associés. Veillons à ne pas interférer dans le travail de la mission de préfiguration. Le message est passé, mais n’alourdissons pas la gouvernance de l’établissement public.

    (Les amendements identiques nos 188 et 271 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 235 et 251.
    L’amendement no 235 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 251.

    M. Philippe Gosselin

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    Bien sûr, il n’est pas possible que toutes les parties prenantes soient associées à la gouvernance de l’établissement public –⁠ nous en avons discuté en commission la semaine dernière. Néanmoins, les acteurs économiques et sociaux du territoire doivent être davantage pris en compte qu’ils ne le sont à ce stade. Par cet amendement, nous proposons de préciser que sont associées en particulier les organisations professionnelles des secteurs de la conception, de l’ingénierie et de l’artisanat du bâtiment et des travaux publics (BTP). La reconstruction ne peut pas se faire sans ces acteurs importants.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Comme précédemment, je donne un avis défavorable. Les représentants des acteurs économiques et sociaux seront associés à la gouvernance. On peut penser que, bien évidemment, les acteurs du BTP seront régulièrement consultés.

    M. Philippe Gosselin

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    Il ne faut pas seulement le penser ! Il faudra que ce soit effectivement le cas !

    (Les amendements identiques nos 235 et 251, repoussés par le gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 192.

    Mme Maud Petit

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    Inspiré par Kassandrah Chanfi et Ange Dusom, deux amis Démocrates mahorais, cet amendement d’appel vise à ce que des représentants des acteurs agricoles soient associés à la gouvernance de l’établissement public chargé de penser la reconstruction de Mayotte. Il est très peu question d’agriculture dans le texte. Pourtant, les agriculteurs sont là pour nourrir nos amis mahorais. Il est très important de les associer, car les exploitations agricoles doivent être reconstruites rapidement afin de relancer la production. Il convient d’ajouter ici le terme « agricoles », ne serait-ce que du point de vue symbolique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Compte tenu des enjeux, je suis favorable à cet amendement.
    L’Epfam n’a pas rempli correctement son rôle de société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Alors qu’il lui incombait de protéger les terres agricoles, il a utilisé ses pouvoirs pour les vendre en vue de réaliser des projets commerciaux.
    L’ouragan Chido ayant dévasté le tissu végétal, il existe un risque important que la sécurité alimentaire ne soit plus assurée. Ainsi, sans tomber dans l’inventaire à la Prévert que M. le ministre souhaite éviter, il semble fondamental que la question agricole soit intégrée dans les compétences de l’établissement public à créer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet.

    Mme Mathilde Hignet

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    Je soutiens cet amendement qui semble important en considération de ce que subissent les agriculteurs à Mayotte. Certains d’entre eux ont tout perdu,…

    M. Philippe Gosselin

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    Il n’y a plus rien !

    Mme Mathilde Hignet

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    …les serres sont dévastées, les plans des pépiniéristes ont été emportés par les eaux. La situation est catastrophique, suscitant l’inquiétude quant à la production alimentaire dans les mois à venir.

    (L’amendement no 192 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frantz Gumbs, pour soutenir l’amendement no 203 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 329.

    M. Frantz Gumbs

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    Dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017, ma circonscription de Saint-Martin et Saint-Barthélemy était très sévèrement touchée par le passage de l’ouragan Irma. Un long processus de reconstruction, qui n’est pas achevé, s’en est suivi.
    Dans un souci d’efficacité, il semble judicieux que l’établissement public ayant pour mission de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte puisse s’appuyer sur les enseignements tirés par des territoires sinistrés tels que Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et sur l’expérience acquise par les acteurs publics et privés de ces territoires.
    Dans des conditions aussi extrêmes, le traumatisme humain s’ajoute aux destructions matérielles. Si nous investissons dans des infrastructures résistantes aux aléas naturels et si nous améliorons la capacité de résilience de nos territoires, nous dépenserons moins pour la reconstruction matérielle et humaine. Il faut y prêter attention. Les experts que nous nous proposons de mobiliser ont un savoir et une connaissance intimes de certaines des meilleures pratiques dans ce type de circonstances et peuvent en faire bénéficier le territoire de Mayotte.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir le sous-amendement no 329.

    Mme Maud Petit

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    Je m’inquiète, peut-être à tort, de voir disparaître de l’article 1er la référence aux acteurs agricoles si l’amendement de M. Frantz Gumbs était adopté. Mon sous-amendement vise donc à la rétablir.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Vous avez raison de rappeler qu’il ne faut pas oublier les leçons des catastrophes que vous avez connues à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et qu’il convient de profiter de l’expertise existante de gestion des risques cycloniques. Néanmoins, le rôle des experts n’est pas de participer à la gouvernance de l’établissement public que nous nous apprêtons à créer, c’est-à-dire aux choix budgétaires et stratégiques en matière d’aménagement et de gestion du foncier sur l’île de Mayotte. Tout au plus pourraient-ils être consultés. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Monsieur le député, je comprends votre préoccupation. Vous avez pleinement raison de rappeler que nous devons tirer les leçons des expériences passées, qu’elles concernent la Guadeloupe, évoquée tout à l’heure, ou Saint-Martin, particulièrement touché par le cyclone Irma, dont il a été de nouveau question dans le débat public récent. Nous devons intégrer le retour d’expérience ; comme l’a indiqué Mme la rapporteure, le préfigurateur, le préfet, les élus locaux doivent le faire de manière globale, au-delà du domaine de la construction, dans le cadre d’une culture de la prévention à inventer.
    Comme d’autres territoires de l’océan Indien, du Pacifique ou de l’Atlantique, Mayotte devra faire face à des risques naturels.
    Je me range à l’avis de Mme la rapporteure et j’émets un avis défavorable à l’amendement, et, par conséquent, au sous-amendement.

    (Le sous-amendement no 329 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 203 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 124.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Cet amendement vise à préciser les modalités décisionnelles au sein de l’établissement public afin d’y associer les collectivités territoriales en leur accordant la moitié des droits de vote. Les collectivités locales mahoraises doivent détenir un véritable pouvoir décisionnel pour que leur présence ne soit pas uniquement cosmétique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Certes l’idée est bonne : les collectivités locales doivent évidemment jouer un rôle important pour définir la stratégie de l’établissement en matière de reconstruction. Toutefois cette ambition est partiellement satisfaite grâce à l’adoption en commission de l’amendement de notre collègue Philippe Naillet prévoyant une « représentation équilibrée des représentants de l’État et des collectivités territoriales de Mayotte » au sein du nouvel établissement public.
    À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée et vous invite à retirer votre amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je comprends le souci manifesté par cet amendement du groupe UDR. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, il apparaît clairement que la présidence de l’établissement public devra être confiée à un élu du département, qui sera très probablement le président du conseil départemental –⁠ mais je ne veux pas avancer plus rapidement que la mission de préfiguration. En commission, le principe d’une représentation équilibrée de l’État et des collectivités territoriales a été acté. À moins que l’amendement ne soit retiré, le gouvernement y est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Cet amendement rappelle que le principe de subsidiarité –⁠ très maltraité sous la Macronie – doit être privilégié pour la reconstruction de Mayotte. Les collectivités sont les expertes de leur territoire. Nous rejoignons ainsi l’amendement de M. Frantz Gumbs : les experts de ce qui doit être fait à Mayotte sont les Mahorais eux-mêmes. Nous pouvons leur faire confiance. Il faudra les écouter, monsieur le ministre. On en revient toujours au même problème : si on doit reconstruire des structures d’assainissement, c’est les Mahorais d’abord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 124 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 8.

    Mme Mathilde Hignet

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    Par cet amendement nous souhaitons garantir le relogement durable de l’ensemble des personnes présentes à Mayotte.
    Les Mahorais et les Mahoraises n’attendent pas une reconstruction à l’identique car les conditions de logement étaient déjà dégradées avant le passage du cyclone. Protéger nos concitoyens des aléas climatiques passera par une reconstruction de qualité. L’amendement tend à compléter l’article 1er en précisant que « la Nation se fixe pour objectif de garantir le relogement durable de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire de Mayotte ».

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Cet amendement fixe un objectif de relogement durable de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire mahorais. Or, comme je l’ai exposé précédemment, la moitié de la population de l’île est étrangère et une grande partie de ces étrangers sont en situation irrégulière. Cet amendement conduirait donc à l’obligation de loger des personnes en situation irrégulière, dont certaines occupent illégalement des terrains privés ou publics. Une telle obligation n’existe pas sur le territoire hexagonal où seul l’hébergement, et non le relogement, est inconditionnel.
    J’émets un avis défavorable comme je l’avais fait en commission où cet amendement a été rejeté.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet.

    Mme Mathilde Hignet

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    J’entends votre position, madame la rapporteure. De notre côté, nous pensons que la solidarité nationale doit s’appliquer à Mayotte, département français, et qu’elle implique de reloger certains habitants de Mayotte dans l’Hexagone.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Cet amendement a le mérite de poser une question importante : pour qui allons-nous reconstruire ? En 1985, le recensement comptabilisait 67 500 habitants à Mayotte. Ils sont 320 000 aujourd’hui. Si l’amendement est adopté, ils seront 500 000 demain et 800 000 dans dix ans car une pompe aspirante XXL de l’immigration sera mise en place et nous n’en finirons jamais avec cette dernière. Il est absolument nécessaire de bien cadrer le sujet et de rappeler que la reconstruction doit s’effectuer au bénéfice des Mahorais et de personne d’autre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)

    (L’amendement no 8 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Cet amendement proposé par le groupe LFI-NFP entend encadrer dans le temps les changements de mission et de structure de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, afin qu’une éventuelle pérennisation puisse faire l’objet d’un débat parlementaire au terme de la phase de reconstruction.
    L’établissement public actuel fait l’objet de critiques. Pour rétablir la confiance, il convient que les mesures contenues dans l’ordonnance du gouvernement soient réputées caduques dans les deux ans suivant la publication de la présente loi. Le délai de deux ans a été choisi en cohérence avec l’esprit du texte pour correspondre à la durée de reconstruction pressentie par le projet de loi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Avis défavorable. Vous nous expliquez que l’établissement public ne doit pas se borner à faire de la reconstruction mais qu’il doit construire. Cela prendra nécessairement plus que deux ans !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Avis défavorable. À juste titre, le rôle de l’établissement chargé de la reconstruction de Mayotte a été comparé à celui de l’établissement ayant permis la restauration rapide de la cathédrale Notre-Dame. Si la volonté de mobiliser tous les moyens pour réussir la reconstruction est la même, la comparaison s’arrête là.
    En l’espèce, il s’agit d’intervenir sur un territoire où l’État agit déjà et le fait bien grâce aux moyens existants –⁠ étant précisé que les moyens dont disposent les services déconcentrés de l’État autour du préfet seront renforcés – et où les collectivités locales interviennent également. Le périmètre de l’établissement doit être bien calibré. Il ne s’agit pas de créer une sorte de « superconsul » sur place qui fasse le travail sans tenir compte de la réalité, des attentes des Mahorais et de leurs représentants.
    C’est pourquoi, tout en avançant sur ce dossier comme nous le faisons ici même, il faut attendre la préfiguration et veiller à ne pas priver les élus de leurs prérogatives et de leurs compétences même si les collectivités territoriales doivent être soutenues et aidées, notamment sur le plan financier –⁠ ce sera le cas – et en matière d’ingénierie.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Nous avons évoqué assez rapidement la question des missions de l’établissement destiné à remplacer l’Epfam, lequel a fait l’objet de critiques assez sévères en commission comme en séance. Or je suis de ceux qui considèrent que lorsqu’un établissement public exproprie certains propriétaires, comme on le lui demande, il n’agit pas sur la base de foucades de ses équipes. Ses décisions sont validées par un conseil d’administration et par un préfet. Il en va de même pour la Safer : nombre de projets agricoles sont conduits par l’Epfam.
    Si j’ai un doute concernant l’application de l’article 1er, c’est en raison de la lourdeur inhérente à la création du nouvel établissement puisqu’il faudra prévoir un conseil d’administration, des statuts, des discussions avec les personnels en vue de la mise en place de leurs instances représentatives mais aussi un nécessaire renforcement des équipes de l’établissement public foncier.
    Il faudra donc de nouveau traiter cette question dans le projet de loi à venir qui doit porter sur le fond des problèmes. Il ne s’agira pas forcément de revenir en arrière dans deux ans mais peut-être, une fois instruits par l’expérience, de compléter le dispositif pour démocratiser les choix en matière d’urbanisme et de foncier à Mayotte.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Si notre amendement prévoit de limiter à vingt-quatre mois la durée d’application des mesures prises par ordonnance, c’est bien pour qu’une fois ce délai écoulé, il soit obligatoire d’organiser un débat parlementaire.
    On constate une grande défiance des acteurs mahorais, notamment de la part des élus locaux, à l’égard de l’établissement foncier –⁠ cela a été dit tout au long des discussions en commission, notamment lors des auditions. C’est pourquoi, même si des rapports ont déjà été demandés, il me semblait nécessaire d’indiquer qu’un débat serait forcément organisé sur l’établissement public, notamment sur les changements de ses missions.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    On l’a déjà dit, urgence ne signifie pas précipitation. Pour rebondir sur les propos de Mme Voynet, il est évident que le nouvel établissement prendra des décisions qui feront grief et que celles-ci seront donc à l’origine de contentieux. S’il n’est pas conçu correctement, je crains que l’on ne consacre plus de temps et d’énergie à des procédures devant le tribunal administratif qu’à la reconstruction de Mayotte. Par conséquent, il est nécessaire d’agir conformément à la loi en s’efforçant de ne rien oublier.

    (L’amendement no 9 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        134
            Nombre de suffrages exprimés                133
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                133
                    Contre                0

    (L’article 1er, amendé, est adopté à l’unanimité.)
    (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et Dem. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Article 1er bis

    (L’article 1er bis est adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 272, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, inscrite sur l’article.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Cet article vise à permettre la rapide reconstruction des établissements scolaires de l’archipel mahorais. L’école est un pilier de notre République, le ferment de l’émancipation sociale des citoyens. Dès lors, il est nécessaire de rétablir au plus vite cette porte d’accès à la réussite des jeunes Mahorais.
    Lorsqu’il apparaît que les biens ont été très fortement endommagés, cette reconstruction sera assurée par l’État, en lieu et place des collectivités locales. Si l’intervention de l’État est la bienvenue –⁠ il apportera sa puissance financière et ses capacités d’ingénierie à un territoire exsangue –, ces opérations doivent cependant respecter les volontés des collectivités locales.
    Je tiens donc à saluer l’adoption en commission d’amendements de Mme la rapporteure, qui prévoient de solliciter l’avis conforme des collectivités locales concernées. L’action publique doit en effet être menée en bonne intelligence avec les territoires, condition essentielle à sa réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anchya Bamana.

    Mme Anchya Bamana

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    L’article 2 est bien rédigé –⁠ mieux que dans la version initiale du gouvernement. En commission, il a fallu batailler pour associer les élus mahorais, notamment les maires des dix-sept communes.
    En dehors de la question de l’avis conforme, nous avons longuement discuté pour savoir s’il fallait adapter les établissements scolaires à des conditions climatiques marquées par la chaleur. Nous avons aussi été obligés d’ajouter un alinéa relatif à l’accès à l’eau dans les écoles. Je parle bien d’écoles primaires publiques d’un département français. Comment admettre que cela ne choque personne ?
    Cependant, comme pour l’article 1er, le vrai scandale de l’article 2 réside dans ce qui n’y figure pas. La question de la politique migratoire est évoquée de façon elliptique, en à peine vingt-deux mots, à l’alinéa 4. Or, tant que ce problème ne sera pas traité, il faudra ouvrir à Mayotte plus de classes que l’État n’est capable d’en construire.
    Les écoles à Mayotte sont tellement saturées que les enfants n’ont classe que le matin ou l’après-midi. Les inscriptions des enfants clandestins sont systématiquement acceptées, au détriment des enfants français qui, au nom de votre humanisme dévoyé, n’auront appris que la moitié du programme avant d’entrer en sixième.
    On peut bien parler systèmes de ventilation, panneaux solaires ou code de l’environnement. La réalité est que notre lâcheté entraînera la disparition de Mayotte en tant que terre française. Cet article passe à côté de son objet –⁠ définir clairement qui doit aller à l’école à Mayotte et reconstruire en conséquence en renvoyant les autres chez eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements.
    La parole est à M. Joseph Rivière, pour soutenir l’amendement no 58.

    M. Joseph Rivière

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    Cet amendement que nous défendons au Rassemblement national vise à prolonger le régime dérogatoire de droit commun à Mayotte pour que la reconstruction du territoire soit efficace et efficiente tout en respectant le principe de libre administration des collectivités locales fixé par l’article 73 de la Constitution.
    En effet, le délai fixé dans la loi –⁠ le 31 décembre 2027 – est trop court à mon sens pour permettre de lancer des procédures administratives ou des projets de reconstruction stables et durables qui ne soient pas élaborés à la va-vite.
    En tant qu’ancien cadre de mairie, je puis affirmer qu’entre la conception d’un projet, sa validation par un conseil municipal et la pose de la première pierre, il faut compter, en temps normal, au moins dix-huit mois, voire le double. Or la situation à Mayotte n’est pas normale : elle est exceptionnelle. Il faut donc prolonger le régime dérogatoire pour se donner le temps de tout reconstruire durablement.
    Grâce à cet amendement, nous donnerions aux élus locaux plus de temps pour mener des projets de reconstruction en étant préservés des manœuvres politiciennes liées aux élections municipales de 2026 ou à la présidentielle de 2027. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    En vertu d’une convention entre l’État et la collectivité, la mise à disposition pourra déjà être prolongée.
    Il convient au passage de réaffirmer la compétence des communes. La mise à disposition ne peut être que transitoire car, à terme, les communes mahoraises doivent pouvoir assumer et assurer leurs missions avec leurs propres moyens.

    (L’amendement no 58, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Aurélien Taché

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    Il vise à améliorer le taux de scolarisation observé à Mayotte avant le passage du cyclone Chido. Il s’élevait alors à seulement 73 % contre bien sûr près de 100 % dans l’Hexagone.
    Il est intéressant de noter que la question de l’école est évoquée dès l’article 2. Car, au cours de l’examen du projet de loi, nous allons sans doute beaucoup débattre pour savoir s’il faut privilégier la volonté de faire entrer Mayotte dans le droit commun de la République ou s’il faut plutôt multiplier les dérogations dans tous les domaines. Or nous pourrions au moins nous entendre sur le fait que l’application ferme du droit commun est souhaitable s’agissant d’un premier enjeu : la scolarisation.
    Comme le président de la République lui-même l’a compris, nous réglerons la question de la scolarisation à Mayotte non en affichant une ambition moins-disante en matière de reconstruction des écoles mais plutôt en affirmant un principe de solidarité nationale, ce qui doit se traduire, en l’espèce –⁠ nous évoquerons d’autres modalités de cette solidarité dans d’autres domaines – par la scolarisation d’enfants dans l’Hexagone. Un tel principe devrait prévaloir tant que nous n’aurons pas eu le temps de redresser l’ensemble des infrastructures et des services publics sur l’archipel.
    Il faut donc dès maintenant fixer dans ce projet de loi, certes écrit à la va-vite –⁠ il répond à certaines urgences mais comporte de nombreux manques –, le principe d’une exigence républicaine s’agissant de l’école et donc y inscrire comme objectif l’amélioration du taux de scolarisation des jeunes Mahorais. Tout autre choix serait incompréhensible et reviendrait à renoncer aux principes fondamentaux qui fondent notre République, notamment l’instruction obligatoire pour tous les enfants vivant sur le sol français.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Puisque nous discutons une nouvelle fois de la question du taux de scolarisation, j’aimerais vous répondre en évoquant des événements récents survenus à Mayotte. Le lycée Bamana, qui a accueilli des réfugiés, s’est retrouvé au cœur d’une bataille intense. Des parents d’élèves se sont en effet mobilisés pour exiger l’évacuation des réfugiés.
    Vous n’ignorez pas que de nombreux bâtiments scolaires qui ont servi d’abri ont été détériorés. Il nous faut passer au niveau de granularité de cette affaire pour décrire ce phénomène. Car les établissements n’ont pas seulement été détruits : ils ont été pillés. Les salles de classe ont été utilisées comme des toilettes puisque des personnes y ont déféqué. Elles ont laissé des graffitis partout. Bref, des individus ont détruit systématiquement, méthodiquement des établissements scolaires. Dès lors, la crainte des parents –⁠ fondée, comme on l’a vu l’an dernier avec le stade de Cavani – est que les installations publiques servent d’abri pour tous les migrants qui continuent à arriver quotidiennement à Mayotte.
    Avec votre amendement, vous souhaitez entériner dans la loi l’obligation de scolariser tous ceux qui arrivent à Mayotte. Or, comme vous l’a rappelé notre collègue Anchya Bamana, nos enfants n’y bénéficient pas du même nombre d’heures de cours que tous ceux de France et de Navarre parce qu’il n’y a pas assez de place dans les salles de classe –⁠ on a déjà recours à un système de rotation. L’éducation nationale prévoit même à présent de scolariser nos enfants dans des tentes, pendant la saison des pluies, en pleine saison chaude, sans climatisation.
    Face à une telle situation, vous proposez d’augmenter le taux de scolarisation alors que nous n’arrivons même pas à atteindre un niveau normal.
    L’avis est donc évidemment défavorable mais je vous invite surtout à avoir le courage de vous remettre en question. Car, à Mayotte, la situation est explosive. Ce week-end, des parents se sont affrontés à coups de cailloux pour que des établissements publics remplissent uniquement leur fonction –⁠ scolariser. Des familles se sont engagées, ont pris des risques pour leur sécurité physique afin de s’assurer que leurs enfants auront un avenir, car c’est bien ce qui est en jeu. Dès lors, on ne peut pas se comporter ici de façon totalement irresponsable en proposant de fixer des ambitions pour régler des questions électorales qui sont loin, très loin, des préoccupations de Mayotte.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, la situation à Mayotte demeure très tendue. À entendre telles déclarations ou tels entretiens accordés par des élus locaux ou d’anciens parlementaires, je vois à quel point ces questions font l’objet de réactions exacerbées.
    En commission, nous avons déjà discuté de votre amendement, qui vise à accroître les capacités de scolarisation de l’île relativement à la situation antérieure au passage du cyclone Chido. Il s’agit d’un débat ancien que j’ai connu en 2015 lorsque, premier ministre, je m’étais rendu à Mayotte aux côtés de Najat Vallaud-Belkacem, qui était alors la première ministre de l’éducation nationale à se déplacer dans ce territoire.
    On entend bien votre argumentation et la discussion qu’elle suscite.
    La plupart des élus ne souhaitent pas la construction de nouvelles écoles, car ils savent qu’une bonne partie d’entre elles bénéficieront à l’immigration irrégulière, voire l’encourageront, comme vient de le démontrer Mme Youssouffa. Il y a quelques années, c’est le même argument qu’on nous opposait. Je reconnais qu’il est très étrange de se rendre dans un territoire, d’y proposer la construction de nouvelles écoles, la création de nouvelles classes et d’entendre les élus les refuser pour les raisons qui viennent d’être exposées. Ils ne le font pas au nom d’une réalité qui n’existe pas mais bien parce qu’ils sont confrontés au problème que je viens d’évoquer. Dans la mesure où, en dépit de sa pauvreté, y compris dans la période actuelle, Mayotte attire des migrants issus d’autres territoires plus pauvres encore, on peut comprendre la crainte qu’expriment les élus.
    Votre amendement propose de répondre à la nécessité de scolarisation des enfants en incluant ceux qui sont en situation irrégulière. À certains égards, je peux comprendre votre position mais permettez-moi de vous dire, tranquillement, que seule la position opposée est compatible avec la réalité du terrain.
    Je refuse de laisser dire que nous ne respectons pas les droits de l’enfant…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    C’est pourtant bien le cas ! Relisez l’article 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    …car, si nous faisons face à la difficulté que nous soulevons ici, c’est précisément parce que nous scolarisons les enfants en question ! Il est bien normal de le faire mais cela ne dispense pas de faire attention à ce qui se déroule sur le terrain, aux confrontations que l’on vient d’exposer, au rejet profond qui commence à s’exprimer à Mayotte, et qui n’est pas nouveau, vis-à-vis des populations migrantes qui viennent notamment –⁠ quoique pas seulement – des Comores.
    Deux logiques s’affrontent donc, tandis que la réalité du terrain nous explose au visage. Votre amendement a un mérite, qui n’est pas celui que vous lui reconnaissez : la discussion dont il fait l’objet montre que l’on n’avancera pas tant que l’on n’aura pas réglé la question de l’immigration irrégulière à Mayotte. Dans une société au bord de la déflagration, les grands principes que vous affirmez avec sincérité sont précisément mis en danger car nous avons trop laissé faire. J’en assume ma part de responsabilité.

    Mme Christine Arrighi

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    Ça vous rassure, de l’assumer !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Madame la députée, je l’assume et je m’efforce d’être au plus près de la réalité.

    Mme Christine Arrighi

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    Assumez tout !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Par ailleurs, il ne revient pas à la loi d’imposer des objectifs de taux de scolarisation. Ils doivent être adaptés à des besoins que l’on ne peut déterminer que par référence à la réalité du terrain.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est faire payer aux enfants leur situation administrative !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Chacun d’entre vous rappelle le rôle important que jouent les élus locaux, assure qu’il faut les écouter mais, lorsqu’ils affirment qu’une mesure est inapplicable, vous refusez de les entendre, comme vous refusez d’entendre Mme la rapporteure. Entendez-les lorsqu’ils maintiennent qu’on ne peut pas continuer ainsi, sans quoi l’on ira droit à l’affrontement et l’on sèmera des germes de guerre civile que le membre du gouvernement que je suis ne peut pas accepter !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    La loi doit s’appliquer partout !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Personne ici n’oserait imaginer à quel point la situation à Mayotte est difficile. Elle l’est ! L’île est le théâtre d’affrontements très durs entre des personnes qui subissent également une réalité pénible à vivre. On ne peut pas pour autant piétiner l’ensemble des valeurs de la République en niant que l’amélioration du taux de scolarisation devrait rester un objectif.
    Quand on a décidé de lancer l’opération Wuambushu, l’ARS, l’agence régionale de santé, menait une autre opération, de rattrapage vaccinal à la suite de la crise du covid-19. Le déplacement des populations de quartier en quartier et le fait que des gens se terraient à cause de Wuambushu ont contribué à torpiller cette opération de vaccination. Il faut le dire ! Nombre des enfants qui se cachaient ainsi ne sont pas retournés à l’école.
    On ne peut pas dire, comme l’a fait Mme Bamana, que l’on inscrirait des enfants comoriens à l’école au détriment des enfants mahorais. Non : les enfants comoriens, comme les enfants mahorais, souffrent durement, tous ensemble, de cette situation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    J’en profite pour corriger une sottise affirmée en commission. Quelqu’un avait indiqué qu’on recevait à Mayotte des fax venus des Comores qui invitent à inscrire dans les écoles mahoraises des enfants comoriens. J’ai appelé le rectorat de Mayotte, qui m’a assuré que c’était évidemment faux puisque cela fait bien longtemps que plus personne n’y utilise de fax, pas plus qu’aux Comores. (Mêmes mouvements.)

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Bien sûr qu’on vous a répondu cela, puisque ces demandes sont envoyées aux municipalités et pas au rectorat !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    On voit que le poison de l’idéologie commence déjà à corrompre ce projet de loi d’urgence. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Pierre Pribetich

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    Et c’est reparti !

    Mme Dieynaba Diop

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    Qu’est-ce que c’est que ces propos ?

    M. Marcellin Nadeau

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    Ce n’est pas possible d’entendre ça !

    M. Hervé de Lépinau

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    On a très bien compris ce qui se passe puisque nous aurons par ailleurs à examiner un autre amendement évoqué en commission, qui prévoit de répartir les personnes en situation irrégulière à Mayotte dans l’ensemble du territoire national. On vous voit venir, avec vos gros sabots !

    Mme Christine Arrighi

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    Ça fait longtemps qu’on vous a vus venir !

    M. Hervé de Lépinau

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    J’ai une pensée particulière pour les parents mahorais. Du fait d’une immigration irrégulière invasive, leurs enfants partent dans la vie avec un handicap scolaire, car ils ne peuvent pas recevoir la même quantité d’enseignement que les enfants de l’Hexagone. Ce n’est pas normal ! Nous devons assurer en priorité aux enfants français la possibilité de suivre l’enseignement qui leur revient. C’est ensuite seulement que nous pourrons nous intéresser aux illégaux. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Antoine Léaument

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    Vous démontrez que vous êtes toujours racistes !

    M. Hervé de Lépinau

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    Dernier point : monsieur le ministre d’État, vous avez évoqué la possibilité d’une guerre civile. J’espère que vous serez suffisamment vigilant pour que soit décrété l’état d’urgence avant que la situation devienne explosive. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Antoine Léaument

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    Jean-Marie Le Pen n’est pas mort !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    En commission, si l’amendement a été rejeté à la majorité, il n’en a pas moins fait l’objet d’un débat très fourni.
    Il faut recentrer notre discussion, qui concerne avant tout l’éducation des enfants de Mayotte, dont l’amendement vise à augmenter le taux de scolarisation.
    Comme l’ont indiqué de nombreux députés en commission, l’État a l’obligation indéniable de scolariser chaque enfant qui se trouve en France. L’insuffisance des moyens que l’État consacre aux écoles mahoraises fait des dégâts que subissent l’ensemble des enfants. Des horaires décalés ou alternés s’appliquent à nombre d’entre eux et bien des écoles n’ouvrent que par demi-journées plutôt que par journées entières par manque de moyens.
    À titre personnel, il me semble très problématique, monsieur le ministre d’État, de prétendre que vouloir scolariser chaque enfant en France pourrait mener à la guerre civile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) La parlementaire que je suis trouve glaçantes de telles affirmations.

    M. Antoine Léaument

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    Il est beau, M. la République !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Je ne crois pas que l’idéologie républicaine soit un poison. (Mêmes mouvements.) Je pense en revanche que celle de la préférence nationale en est un et qu’elle est en train de gagner les bancs des ministres et des commissions.
    Vouloir satisfaire à l’obligation de scolariser chaque enfant sur le sol français, qui est au fondement des principes républicains, n’implique aucunement de nier ce qui arrive sur le terrain. Arrêtez de le prétendre ! Ce n’est pas parce qu’on aurait laissé faire depuis trente ans, comme vous venez de le dire, monsieur le ministre d’État, en évoquant à demi-mot la question migratoire, que nous sommes confrontés à la difficulté présente. Si nous sommes aujourd’hui pris dans ce débat, c’est bien plutôt parce que, depuis trente ans, on n’a pas investi dans l’école, dans le logement, dans les services publics de l’archipel de Mayotte de la même manière qu’ailleurs. (Mêmes mouvements. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Je comprends, après ces décennies d’abandons et de trahisons, que Mme la rapporteure n’ait plus confiance. Mais, en tant que député de la République française, je ne peux me résoudre à ce que la seule réponse que l’on apporte à toutes les difficultés que nous évoquerons lors de l’examen de ce projet de loi soit un renoncement aux grands principes républicains. Je pensais que le ministre des outre-mer était également attaché à la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Comme vous venez de le rappeler, l’obligation de scolarisation est inscrite dans nos principes fondamentaux. Par conséquent, si l’on mène votre propos jusqu’au bout, votre amendement est redondant car il est satisfait.
    Cependant, ce n’est pas le sujet. Votre amendement prévoit d’augmenter le taux de scolarisation. Parlons du terrain et revenons aux bases. À Mayotte, cela fait vingt ans que l’État se bat contre les communes pour les obliger à construire des écoles primaires, que les ambitions sont affichées et l’argent débloqué sans que les projets soient réalisés. En effet, les élus et la population rappellent à l’État que la surface de l’île est seulement de 375 kilomètres carrés et que construire des écoles a eu pour seul effet d’accroître les flux migratoires.
    Je réponds à Mme Voynet : je ne dis pas de sottises quand j’indique que les mairies de Mayotte –⁠ et non le rectorat – reçoivent des Comores, par fax, des demandes d’inscription d’élèves. De nombreux élus en témoignent. C’est si vrai que, dans certaines communes, les écoles primaires accueillent jusqu’à 80 % d’élèves étrangers. Nous devons ainsi faire face au phénomène qu’on qualifie de kwassa scolaires : des parents mettent leurs enfants dans des bateaux, au péril de leur vie, pour les envoyer dans des écoles. Ils arrivent seuls sur notre territoire avec le statut de mineur isolé et sont inscrits à l’école par des associations sans même que l’on connaisse leur identité.
    Quand vous appelez à une augmentation du taux de scolarisation au mépris des conditions d’enseignement actuelles qui nuisent aux enfants déjà présents sur le territoire, vous ne faites qu’alimenter le flux migratoire. Nous ne pourrons pas tomber d’accord : sur le terrain, on constate non seulement l’existence de ferments de violence qui, pour être déplorables, n’en sont pas moins réels, mais encore l’échec d’une politique qui a montré que la construction d’écoles avait pour seul effet un accroissement du flux migratoire, de sorte que le nombre d’élèves étrangers à Mayotte est de plus en plus important.
    Cela ne peut pas fonctionner : notre territoire ne saurait se borner à être une grande école primaire pour enfants étrangers, alors que notre seul hôpital est déjà une immense maternité pour les parturientes étrangères ! Il faut arrêter, ou assumer pleinement que Mayotte n’est pas un département français mais seulement une immense terre d’accueil pour les étrangers venus de toute l’Afrique. Évidemment, Mayotte, les Mahorais et l’ensemble de leurs élus s’y opposeraient résolument.
    Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Mme Véronique Besse applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Ce débat est difficile et je comprends que l’on veuille rappeler les principes, notamment l’obligation de scolarisation des enfants. Mais vous connaissez les chiffres, qui sont têtus : 50 % de la population de Mayotte est étrangère.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Et alors ?

    M. René Pilato

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    La scolarisation est un principe de la République !

    Mme Dominique Voynet

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    Étranger ne veut pas forcément dire irrégulier.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Une grande partie de cette population est présente de manière irrégulière sur le territoire.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Quel lien avec la scolarisation ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Il existe évidemment un lien direct entre les écoles et cette population irrégulière. C’est cette réalité qu’il faut garder en tête.

    Mme Christine Arrighi

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    Mais oui, c’est le principe de réalité permanent !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Ce débat est récurrent. Il y a une dizaine d’années, alors que la situation n’était pas la même, nous avions proposé un plan de création de 500 classes, dont 350 ont été réalisées. Contrairement à ce que vous affirmez, ce décalage n’est pas dû au fait que l’État n’aurait pas été au rendez-vous des financements publics mais bien au fait que les maires n’ont pas voulu de ces classes supplémentaires. Ce n’est pas qu’ils refusaient les écoles ou les classes en elles-mêmes. Ils considéraient toutefois qu’elles constituaient une pompe aspirante de l’immigration clandestine, dans le contexte que rappelait à l’instant Mme la rapporteure.
    C’est pour cela que j’évoque la guerre civile ou du moins ses ferments. J’ai encore constaté à la fin de la semaine dernière que la simple occupation, pendant quelques jours, du lycée Bamana par des réfugiés venus d’Afrique continentale crée les conditions d’un choc, d’une hostilité, donc d’un affrontement. Voilà pourquoi j’appelle au rejet de votre amendement et à ce que chacun fasse preuve de lucidité au sujet de la situation que nous vivons.
    Il s’agit de savoir comment concilier l’attachement profond des Mahorais à la France, à la République et à ses principes, avec une réalité qui est en train de détruire ces derniers. C’est la raison pour laquelle je me range totalement à l’avis de Mme la rapporteure.

    (L’amendement no 11 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 272.

    M. Philippe Naillet

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    Il s’inscrit dans la continuité du débat en cours. Chacun a bien compris que si on veut avancer de façon objective, il faut de la clarification. C’est pourquoi l’amendement vise à soumettre les opérations de reconstruction et de construction d’écoles qui seront menées dans le cadre du présent article à la réalisation d’une évaluation de la démographie scolaire actuelle et prévisionnelle afin d’assurer un juste calibrage. À cet effet, il est proposé de compléter l’alinéa 1er par la phrase suivante : « Ces opérations tiennent compte d’une évaluation de la démographie scolaire actuelle et prévisionnelle. »

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Même réponse que sur l’amendement rédigé dans le même esprit : avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Je voudrais qu’on m’explique ce qu’est une évaluation prévisionnelle dès lors qu’il y a une immigration irrégulière, par définition non quantifiable à un instant T. Il faudrait, semble-t-il, scolariser tout le monde, mais comment établir des prévisions quand on ne maîtrise pas ses frontières ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    M. Christophe Bentz

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    Eh oui ! Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Comme je l’ai dit, il s’agit de clarifier les choses. La discussion sur l’amendement de M. Taché a conduit à rappeler –⁠ à raison – l’obligation constitutionnelle de scolariser un enfant, qu’il soit français ou étranger, dès qu’il a 6 ans. À La Réunion, je suis à deux heures d’avion de Mayotte, pas à 9 000 kilomètres, et j’en connais les difficultés liées à un afflux de populations qui arrivent des Comores. On vit les mêmes. Le débat sur l’immigration viendra en son temps –⁠ la proposition de loi des Républicains sur le sujet a été évoquée, et je ne doute pas que d’autres textes suivront –, mais il s’agit ici de tenir compte du fait qu’il ne faut pas reconstruire à l’identique. Et si l’on veut reconstruire sur des bases nouvelles, il faut disposer de chiffres pour savoir concrètement combien d’enfants sont à scolariser à Mayotte. Sinon on va continuer à tenir des postures idéologiques et à poursuivre des discussions qui ne feront en rien avancer le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Nous sommes ici dans le temple de la République et notre devoir de législateur est de veiller à ce que la France soit toujours à la hauteur des promesses de la République au regard des principes centraux que sont notre Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, bref de ce qui fait notre identité de Français. Il ne peut donc jamais être question que, dans l’un des territoires de la République, la France ne soit pas à la hauteur des principes qu’elle a érigés et inscrits dans le marbre de la loi. Lorsque des collègues du Rassemblement national disent qu’il y aurait une différence à faire entre les élèves de nationalité française et les autres, ils sont indignes des valeurs de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Car la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui naît avec le drapeau tricolore de la République, avec La Marseillaise et avec la devise Liberté, Égalité, Fraternité, dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » ; elle impose que la France soit à la hauteur de ses promesses ! (M. Laurent Jacobelli imite un joueur de pipeau.)

    M. Pierre Cordier

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    Robespierre, sors de ce corps !

    M. Antoine Léaument

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    Dès lors, notre devoir de législateur est de faire échec à ceux qui, en face de nous, sont en train de dire que, pour une raison ou pour une autre, on devrait aller à l’inverse de ce que fixent nos codes, en l’espèce le code de l’éducation, et les conventions internationales que nous avons signées. C’est l’honneur et le devoir de la France d’être à la hauteur de ce qu’elle est aux yeux du monde : le pays des droits de l’homme et du citoyen ! (Mêmes mouvements.)

    M. Laurent Jacobelli

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    On n’est pas au théâtre ! Changez de métier !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Madame la rapporteure, si on veut aller ensemble jusqu’au bout de l’examen de ce projet de loi, il vaudrait mieux éviter de s’accuser d’être irresponsables face à la situation très difficile que vit la population de Mayotte, et d’avoir des envolées lyriques qui créent de la tension sans proposer de solution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Charité bien ordonnée commence par soi-même !

    Mme Dominique Voynet

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    J’ai bien noté qu’en commission comme maintenant dans cet hémicycle, il a été proposé de procéder à l’inventaire de la population de Mayotte pour objectiver les choses. Chacun attendait la rentrée scolaire avec impatience, et si elle avait eu lieu il y a une semaine, on saurait déjà combien d’enfants manquent et quel est l’état réel des besoins de reconstruction en ce qui concerne les infrastructures scolaires. Ce n’est pas le cas, mais l’amendement de M. Naillet propose ni plus ni moins que d’objectiver les données à connaître concernant le nombre d’élèves. Il n’évoque pas leur nationalité, se concentrant sur l’évaluation des besoins. A-t-on le droit de dire qu’il faut procéder à l’inventaire de la population et déterminer combien d’enfants exactement devraient être scolarisés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anchya Bamana.

    Mme Anchya Bamana

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    J’entends bien les arguments de mes collègues d’en face. Je leur demande –⁠ y compris à Mme Voynet –, par solidarité avec Mayotte, de faire venir dans l’Hexagone les enfants comoriens pour leur instruction. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Avec plaisir !

    Mme la présidente

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    Je considère que l’Assemblée est suffisamment éclairée.
    Je mets aux voix l’amendement no 272.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        133
            Nombre de suffrages exprimés                133
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                49
                    Contre                84

    (L’amendement no 272 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 204.

    Mme Dominique Voynet

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    En commission, on a listé les conditions permettant de garantir que les écoles seraient reconstruites d’une façon durable en intégrant tous les critères de confort ; on a notamment pointé la nécessité de tenir compte de la ventilation naturelle et d’avoir un accès à l’eau potable. Mais nous savons que 90 % de l’énergie consommée à Mayotte est importée et que c’est de l’énergie fossile. Si l’on veut renforcer l’autonomie énergétique de l’île, il faudrait prévoir la possibilité, quand on en aura les moyens, d’installer des panneaux photovoltaïques sur les vastes toitures des écoles reconstruites.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Avis favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    L’État promeut déjà l’installation de dispositifs bioclimatiques et de production d’énergies renouvelables dans les constructions scolaires. Il doit prévoir évidemment des études sur l’implantation de tels dispositifs dans ses projets de réhabilitation, et leur installation sera examinée au cas par cas en fonction des caractéristiques de chacun des projets. Je crois qu’il est difficile de nous engager a priori à adapter 100 % des toitures concernées à la réception future de panneaux solaires, comme vous le demandez. Il faut essayer de s’adapter à la réalité des contraintes du territoire pour mener à bien ces projets. J’invite au pragmatisme, surtout quand on entre dans de tels détails. Vous savez bien, madame Voynet, qu’on ne peut pas reconstruire Mayotte depuis Paris. Au vu du débat, j’émets cependant un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Pour appuyer la position de la commission et de Mme la rapporteure, je rappelle non seulement que le développement des énergies renouvelables est un objectif de l’État mais, en plus, que le taux de dépendance énergétique atteint 92 % à Mayotte, ce qui rend d’autant plus nécessaire de développer le recours aux énergies renouvelables dans ce département.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Après les petites saillies robespierristes, il faut en revenir à des choses beaucoup plus concrètes. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) L’amendement de la collègue Voynet est très important car il va falloir reconstruire mieux et surtout en tenant compte des caractéristiques climatiques de Mayotte. L’habitat hexagonal n’étant évidemment pas adapté aux zones équatoriales, j’espère que l’établissement public que nous allons créer comprendra une cellule consacrée à l’ingénierie de l’habitat, pour garantir la qualité de vie des habitants. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RN et UDR.)

    (L’amendement no 204 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 224, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 119 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 119, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 224.

    Mme Dominique Voynet

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    Qui connaît la situation des écoles à Mayotte sait qu’un point de restauration scolaire n’existe que dans une petite minorité d’entre elles, que des collations sont généralement distribuées dehors, parfois en plein soleil, qu’il n’y a pas toujours de préau ni d’endroit où on peut se laver les mains avant de manger. Il est donc indispensable de prévoir, dans ces écoles où il y a souvent beaucoup de classes, beaucoup d’enfants qui viennent parfois de loin, à pied, un point de restauration scolaire dont les modalités devront être évidemment adaptées au climat, aux usages locaux, aux capacités requises et aux demandes des familles.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    C’est un amendement important puisque le niveau d’équipement des écoles est non seulement insuffisant mais même en deçà de ce qu’on est en droit d’attendre au sein de la République. L’avis est donc évidemment favorable. J’espère que les moyens financiers alloués seront suffisants pour répondre à l’objectif ainsi inscrit dans la loi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Sagesse.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Cet amendement, madame Voynet, vous met face à vos contradictions. Ne vous méprenez pas, nous allons le voter, mais prévoir dans chaque établissement scolaire un point de restauration –⁠ il faut en effet que les enfants mahorais puissent manger correctement à la cantine, ou en tout cas avoir une collation digne de ce nom –, c’est oublier les raisons de cette situation. La première raison, c’est qu’ils ont école le matin ou bien l’après-midi et qu’ils n’ont droit à ce titre –⁠ je l’ai vu quand je suis allé en mission parlementaire à Mayotte en septembre dernier – qu’à une seule collation : une Vache qui rit et un jus de fruit ultrasucré. La seconde raison, c’est que les collectivités locales n’ont plus les moyens de proposer des aliments de bonne qualité parce que les enfants sont trop nombreux du fait, en grande partie, de la submersion migratoire. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Le terme de submersion migratoire n’est même pas assez fort pour décrire ce qui se passe à Mayotte et les répercussions sur les écoles publiques. Ma collègue Anchya Bamana, députée de Mayotte, a souligné que les enfants n’avaient école que le matin ou l’après-midi, mais il faut également préciser qu’une classe en accueille en réalité quatre puisqu’il y en a une le matin et une autre l’après-midi, chacune étant dédoublée –⁠ je l’ai vu en visitant un groupe scolaire à Majicavo –, avec des tableaux de chaque côté et des élèves qui suivent leur cours dos à dos tant la situation est dramatique, tant la submersion migratoire pèse sur l’école publique mahoraise.
    Certaines classes comptent 80 à 90 % d’élèves en situation irrégulière. C’est tellement dramatique que certains Mahorais –⁠ des Français, donc – ne parviennent pas à avoir de places pour leurs enfants. Des instituteurs me l’ont dit : la situation est tellement dégradée que les enfants n’apprennent plus rien à l’école ; on ne peut plus enseigner dignement et on se contente de les faire réciter par cœur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Farida Amrani

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    C’est la même chose dans l’Hexagone car ils n’ont pas de professeurs !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. René Pilato.

    M. René Pilato

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    Si ces chiffres étaient exacts, les députés qui les avancent voudraient-ils nourrir 10 % des enfants pendant que tous les autres les regarderaient manger ? Parler d’invasion migratoire est inhumain et indigne de notre débat. Point barre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 224.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        123
            Nombre de suffrages exprimés                121
            Majorité absolue                        61
                    Pour l’adoption                117
                    Contre                4

    (L’amendement no 224 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 136 et 239, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de deux amendements, nos 22 et 273, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 22.

    Mme Mathilde Hignet

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    Nous souhaitons revenir sur une modification apportée lors de l’examen en commission, qui prévoit, à l’alinéa 4, un avis exprès des communes sur la construction d’écoles et le nombre de classes implantées, alors que le premier alinéa prévoit déjà qu’elles donnent un avis conforme sur le transfert du bâti scolaire à l’État.
    Nous estimons que l’État doit accompagner les communes afin qu’elles puissent surmonter les conséquences financières qu’entraînera immanquablement la construction d’écoles. Améliorer la scolarisation à Mayotte en ouvrant de nouvelles écoles et de nouvelles classes nous semble nécessaire. Nous ne pouvons ajouter aucun frein au développement du parc scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 273.

    M. Philippe Naillet

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    Il vise à ce qu’il soit tenu compte de l’avis de la commune pour le choix du lieu d’implantation d’une nouvelle école et pour son nombre de classes. Les députés du groupe Socialistes et apparentés qui l’ont déposé veulent, en conservant l’esprit de l’ajout adopté en commission, y apporter de la souplesse afin qu’une commune ne dispose pas d’un droit de veto sur la construction d’une nouvelle école dès lors que la démographie la rendrait nécessaire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Compte tenu de nos débats précédents, il ne me paraît pas acceptable, ni même envisageable, que l’État puisse totalement contourner les communes mahoraises. Elles doivent évidemment être associées aux décisions concernant des écoles qui seront à leur charge dans quelques années. Il est indispensable qu’elles donnent leur avis et il serait insuffisant qu’elles soient seulement consultées. Avis défavorable aux deux amendements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Il est tout à fait souhaitable et nécessaire que les communes soient consultées sur l’implantation et la capacité des écoles construites ou reconstruites, et qu’elles puissent émettre un avis sur les choix qui seront faits. C’est pourquoi le projet du gouvernement prévoyait que la commune serait consultée afin qu’elle puisse faire valoir son appréciation sur les conséquences de ces choix sur son budget, ses engagements ou ses moyens. Les maires sont associés à tous les projets scolaires, qui seront donc menés main dans la main avec eux. L’objectif est de restaurer la confiance et non de multiplier les procédures lourdes. Par ailleurs, les élus auront un rôle déterminant dans la gouvernance de l’établissement public de reconstruction qui assurera la maîtrise d’ouvrage pour l’État. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable à l’amendement défendu par Mme Hignet, dont l’adoption simplifierait le travail de terrain, et j’invite M. Naillet à retirer le sien au bénéfice de l’amendement no 22.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Je veux préciser notre position à propos de l’approche prévisionnelle de la démographie. Le recensement est un problème sur lequel elle va buter car les acteurs locaux nous indiquent que les personnes en situation irrégulière se cachent pour échapper à toute mesure ou évaluation organisée par les autorités publiques. Le comptage va donc se heurter à des difficultés pratiques qui feront que les communes se retrouveront très rapidement avec des ensembles scolaires sous-dimensionnés puisque, une fois l’évaluation terminée, les populations en situation irrégulière reviendront et scolariseront leurs enfants.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Je retire l’amendement no 273 au profit du no 22 de Mme Hignet.

    (L’amendement no 273 est retiré.)

    (L’amendement no 22 est adopté ; en conséquence, l’amendement n° 136 tombe.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Jacques Oberti applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 239, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Il s’agit d’un amendement qui a été retiré en commission quand le gouvernement nous a proposé de le retravailler –⁠ ce que nous avons fait. Il vise à soulager temporairement les finances des collectivités locales mahoraises en leur permettant de renégocier l’échéancier de remboursement de leurs emprunts. Cela revient à leur offrir la possibilité de renégocier globalement leur dette au moment où elles ont d’immenses besoins pour financer la reconstruction. Je propose par ailleurs qu’elles soient accompagnées dans cette démarche par des services et des agences de l’État comme la direction générale des finances publiques (DGFIP) et l’Agence française de développement (AFD). Enfin, je soutiens le sous-amendement qui va être proposé par le gouvernement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir le sous-amendement no 320.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je donne un avis favorable à l’amendement qui vient d’être présenté par Mme la présidente de la commission sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement visant à retirer la référence aux travaux concernant le patrimoine scolaire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    Favorable aux deux.

    (Le sous-amendement no 320 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 239, tel qu’il a été sous-amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        128
            Nombre de suffrages exprimés                127
            Majorité absolue                        64
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                52

    (L’amendement no 239, sous-amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 2, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de l’amendement no 250 de Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    (L’amendement no 250 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        129
            Nombre de suffrages exprimés                129
            Majorité absolue                        65
                    Pour l’adoption                129
                    Contre                0

    (L’article 2, amendé, est adopté.)

    Article 3

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Mayotte traverse une crise sans précédent. Le cyclone Chido, le plus puissant de l’histoire récente, a dévasté un département français déjà fragilisé par des décennies de mépris et de laxisme, notamment en matière d’immigration. Face à cette catastrophe, l’article 3 vise à autoriser l’installation d’habitations d’urgence en s’affranchissant de formalités d’urbanisme qui seraient de toute évidence inadaptées à l’urgence de la situation.
    Mais cet article fait l’impasse sur une réalité importante, celle de la submersion migratoire. Le risque existe que ces logements soient occupés par des clandestins au détriment des Mahorais et qu’à l’issue de la période de deux ans prévue par le texte, les logements d’urgence temporaires deviennent des abris pérennes pour l’immigration clandestine. Ces craintes sont celles dont les Mahorais ont fait part à Marine Le Pen lors de son déplacement sur place, il y a deux semaines.
    Le fléau de la submersion migratoire a déjà transformé Mayotte en un champ de bidonvilles géant. Les Mahorais attendent donc légitimement que l’État agisse. Les causes de la situation sont multiples : un cadre législatif inadapté, une réponse pénale quasi inexistante, un manque de pression sur les Comores, d’où proviennent la majorité des migrants, mais aussi un manque cruel de courage de la part des gouvernements successifs et une capacité à ne pas voir l’éléphant dans le salon, comme disait notre collègue Anchya Bamana.
    Monsieur le ministre d’État, le Rassemblement national vous exhorte à agir au lieu de vous contenter de mesures qui, si nécessaires qu’elles soient, deviendraient inutiles si l’on ne traitait pas les problèmes de Mayotte dans leur ensemble. Ce texte est incomplet car il omet des actions essentielles pour traiter le problème central de Mayotte : l’immigration massive. Un texte de fond, en matière d’immigration, de sécurité et de développement économique, est nécessaire et attendu. Ne fermez pas les yeux, ne détournez pas le regard, agissez ! Ne décevez pas les Mahorais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Le groupe LFI-NFP s’opposera à cet article. En effet, même si l’on doit faire vite en matière d’hébergement d’urgence, il ne faut pas pour autant supprimer toutes les dispositions du code de l’urbanisme.
    D’une manière plus générale, les débats sur l’article précédent ont démontré que des hésitations sur la solidarité nationale existent même à propos de la scolarisation. Pourtant, comme M. le ministre d’État le sait, il ne reste que très peu de choses véritablement universelles sur le sol français. L’accès aux soins mis à part, la scolarisation et l’hébergement d’urgence sont les deux grands principes auxquels la France ne déroge pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Quand on est véritablement universaliste, on y ajoute le droit au séjour.
    Si le Front national, ou le Rassemblement national –⁠ appelez-vous comme vous voulez, chers collègues –, est aussi vindicatif à propos de la scolarisation et de l’hébergement d’urgence, la raison en est simple : si on déroge à Mayotte à l’obligation de scolarisation et au principe qui fait qu’en France, on héberge quelqu’un sans lui demander ses papiers, on finira par le faire sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Farida Amrani

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    Exactement !

    M. Aurélien Taché

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    Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre d’État, puisqu’à l’époque pas si lointaine où vous dirigiez le gouvernement de François Hollande, nous avons réfléchi ensemble au moyen d’accorder cette solidarité nationale à des personnes en détresse à Calais ou porte de la Chapelle, à Paris. Vous savez aussi que si on avait appliqué à l’époque ce que vous proposez aujourd’hui pour Mayotte, nous n’aurions hébergé ni relogé personne.
    Je vous fais rarement des compliments, monsieur le ministre d’État, mais je vous invite à vous souvenir de cette époque et à revenir aux principes fondamentaux. La scolarisation, l’hébergement d’urgence, les soins : ce sont des domaines sur lesquels aucun républicain conséquent ne peut tergiverser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Regardez bien, à la droite de l’hémicycle, ceux qui vous encouragent à aller dans cette direction et demandez-vous pourquoi ils le font ; je sais qu’au fond de vous, vous avez la réponse. Il est encore temps de vous reprendre. J’espère que vous le ferez avant la fin de l’examen de ce projet de loi. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 120 de Mme la rapporteure, visant à supprimer l’article, est défendu.
    Quel est l’avis du gouvernement sur cet amendement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Avis défavorable.
    Je vais essayer de défendre l’article.
    Il faut avoir en tête que compte tenu de l’ampleur des dégâts et des délais de reconstruction, il est indispensable de prévoir des structures pour reloger durant un temps long les personnes qui n’ont plus de logement.
    Je précise que la mesure concernera spécifiquement les familles mahoraises sinistrées et les familles des agents des différents services publics présents dans le territoire. L’adoption en commission d’un amendement de M. Naillet a permis de préciser ce point. L’attribution sera prévue par un cahier des charges, rédigé avec le préfet, qui indiquera les priorités.
    Cette dérogation permettra d’aller plus vite, en gagnant le temps de l’instruction des autorisations d’urbanisme. Tout cela devra se faire là encore en concertation avec les élus.
    Je sais que le terme « modulaire », qui est utilisé couramment, évoque l’idée d’une construction de mauvaise qualité qu’à juste titre personne ne veut voir s’installer à Mayotte. Il y a de ce point de vue un passif. Il s’agit en réalité de structures construites hors site, ce qui permet de gagner en rapidité, réversibles et de qualité. Il convient en effet d’être réaliste, et l’objectif est de multiplier les solutions. Des constructions traditionnelles seront également utilisées.
    Le caractère provisoire de ces constructions d’urgence est garanti par la loi, qui fixe un délai d’implantation de deux ans. À l’expiration de celui-ci, les constructions seront retirées. Leur maintien éventuel, s’il est jugé nécessaire, ne pourra se faire qu’après la délivrance d’une autorisation d’urbanisme.
    Voilà pourquoi, de mon point de vue, l’article 3 ne doit pas être supprimé.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Madame la rapporteure, je comprends votre souci : ne pas avoir du provisoire qui dure –⁠ un mal bien français.
    Je ferai néanmoins une comparaison historique. Aujourd’hui, c’est Mayotte année zéro. Or l’Hexagone a connu lui aussi son année zéro, en 1945, quand il a fallu reloger rapidement des populations grâce à des solutions provisoires. Fort heureusement, le provisoire n’a pas duré, des politiques publiques ambitieuses ayant été conduites pour reconstruire les villes démolies par les bombardements –⁠ de ce point de vue, les images qui nous parviennent de Mayotte nous donnent vraiment l’impression d’un blast.

    Mme Farida Amrani

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    Heureusement qu’il y a les immigrés pour reconstruire !

    M. Hervé de Lépinau

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    En revanche, nous devons être extrêmement attentifs à ce qu’après la reconstruction, le modulaire provisoire ne remplace pas les précédents bidonvilles. En effet, on sait que certains voudraient le réutiliser pour continuer à fixer des populations en situation irrégulière et poursuivre l’appel d’air en direction notamment des Comores et de l’Afrique orientale.
    Si nous comprenons le sens de l’amendement, le caractère d’urgence de la situation, que le préfet a souligné lors de son audition –⁠ des enseignants, des policiers, des familles mahoraises, des étrangers en situation régulière ont vu leur habitat détruit –, fait qu’il nous semble nécessaire d’offrir à ces populations un toit, ne serait-ce que pour une période de deux ans.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    L’article 3 et son éventuelle suppression ont fait l’objet d’une longue discussion en commission. Si j’ai bien compris, notre rapporteure s’inquiète que le provisoire puisse durer. Mon inquiétude porte sur un autre point : mon expérience de maire ainsi que mes anciennes fonctions à Mayotte me conduisent à penser que le délai nécessaire pour fabriquer, transporter et installer les modulaires sera long. L’hébergement d’urgence risque donc de consister en des choses bien plus légères, comme des tentes. Il faut que nous soyons bien clairs sur ce dont on a besoin.
    On a besoin de logements transitoires pour héberger les corps de métier qui vont œuvrer à la reconstruction de Mayotte : forces de l’ordre, professionnels du bâtiment et des travaux publics, professionnels de santé, enseignants, pompiers, etc. C’est pourquoi il me semble nécessaire de maintenir l’article, d’autant qu’il y est indiqué que les obligations en matière de prestations et d’équipements seront précisées ultérieurement. Veillons à ce qu’il s’agisse bien d’un relogement d’urgence afin que l’on ne nous explique pas au bout de deux ans que, finalement, on va conserver des habitats indignes.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure

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    À Mayotte, on sait bien ce que c’est, le « modulaire » : ce sont des conteneurs climatisés. Avant Chido, il y en avait plein : dans les établissements scolaires, à l’hôpital, au rectorat, dans les services de la préfecture… Le modulaire, c’est une habitude qu’a prise l’État à Mayotte. Et pendant le cyclone, ces structures ont été emportées à l’autre bout de l’île –⁠ en plus, elles sont dangereuses.
    Ce qui me gêne, dans ce projet de loi d’urgence, c’est l’énergie que l’État met dans les constructions modulaires. On est en train de nous dire que pour la reconstruction, on va faire avec du bricolage. Nous ne sommes pas d’accord. Dans notre territoire, pour ce qui est de la construction, l’État a été un mauvais acteur, se contentant d’empiler les conteneurs climatisés. Et maintenant, il vient nous dire : pour la reconstruction, l’urgence, c’est d’en remettre partout ? Désolée, mais non. On ne peut pas continuer ainsi. À Mayotte, notre ambition est tout autre.
    Je rappelle aussi que le modulaire, c’est de l’importation. Cela signifie que les structures arriveront par bateau dans un délai de six semaines à deux mois. Le gain de temps est donc nul.
    Je sais bien que M. le préfet et d’autres acteurs sont des avocats acharnés du modulaire. Tous les élus de Mayotte, tous les élus locaux ont eu beau expliquer ce qu’il en était et refuser l’habitat modulaire –⁠ nous l’avons dit au premier ministre et répété au ministre des outre-mer –, on continue à affirmer que le recours à des conteneurs climatisés est une bonne nouvelle !
    Le modulaire, à Mayotte, c’est du temporaire qui s’installe. On nous en a déjà mis, sans jamais qu’on explique pourquoi il était nécessaire. Dans cet article, on se contente de nous servir sur un plateau une très bonne raison d’en installer, en se passant de surcroît du consentement des communes : cela permettra de le faire partout. Et puisqu’on va dans le détail, je rappelle que l’île ne fait que 375 kilomètres carrés de superficie. Si l’on occupe le foncier par du modulaire, où va-t-on reconstruire ?
    Nous ne sommes pas insensibles à la problématique du relogement, mais elle ne se pose que pour les fonctionnaires hexagonaux, parce qu’aucune famille mahoraise n’acceptera d’être relogée dans du modulaire. Aucune. Ce que nous attendons, c’est de savoir comment nous allons pouvoir reconstruire avec des prêts à taux zéro.
    Et pour ce qui est du logement des fonctionnaires qui viennent nous aider, nous avons suggéré d’installer à quai des paquebots qui puissent faire office d’habitation temporaire, comme cela se fait ailleurs. Nous avons donc demandé aux services ainsi qu’au secteur privé de travailler sur des solutions de ce type. Peut-être me direz-vous qu’un paquebot, ce n’est pas superconfortable, mais croyez-vous vraiment qu’un conteneur réfrigéré, ce soit le top en la matière ? Demandez à ceux qui sont concernés –⁠ on a une certaine expérience du modulaire à Mayotte.
    Voilà pourquoi je demande la suppression de l’article.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    En commission, l’article a été adopté, modifié par des amendements visant à préciser que ces hébergements d’urgence seront destinés aux sinistrés, qu’ils respecteront des normes de qualité et que les communes seront consultées. Néanmoins, pour appuyer les propos de Mme la rapporteure, de fortes craintes ont été émises quant à la possibilité de voir le modulaire devenir durable –⁠ d’autant que, pour l’instant, on ne voit venir aucun plan pour le logement en dur. Cela est évidemment de nature à nourrir les interrogations qui viennent d’être soulevées.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Nous demandons une courte suspension de séance, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Elle est de droit, mais je vous propose, si vous en êtes d’accord, de donner auparavant la parole au ministre d’État pour qu’il réponde.
    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Pour bien faire comprendre les données du problème, je vais prendre un exemple. Depuis le passage du cyclone Chido, les trente-cinq gendarmes de l’unité nautique n’ont plus de locaux, sanitaires compris. Comment voulez-vous assurer l’ordre public dans ces conditions ? Il faut donc des modulaires.
    Je comprends que la méfiance se soit installée, mais ne mettons pas en cause le préfet. Sa seule obsession, qui est aussi la mienne, est que les agents publics qui viennent soutenir la reconstruction de Mayotte puissent le faire dans de bonnes conditions.
    Ensuite, il faudra reconstruire différemment, nous en sommes tous d’accord, madame la rapporteure –⁠ mais ce ne sera pas facile, parce qu’il existe aussi sur place, y compris chez les Mahorais, une tradition de la tôle, d’une certaine forme d’habitat. On ne va pas construire dans des formes différentes.
    Il faut donc être capable de proposer autre chose. Cela se fera-t-il en quelques semaines ? Non. Cela se fera-t-il au moyen de logements modulaires ? Non plus, parce que ce ne serait pas digne. Il faudra reconstruire autrement. L’urgence, je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’aide. Il faut mettre en place le système le plus pratique possible pour redonner un toit, et ensuite envisager les choses différemment.
    Mon engagement est donc que les modulaires serviront à ce à quoi ils doivent servir, c’est-à-dire à assurer un hébergement d’urgence pour les Mahorais et pour les fonctionnaires. Essayons de travailler sur ce point en confiance avec les élus –⁠ nous en reparlerons plus tard.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Mme la présidente

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    Nous continuons l’examen de l’amendement no 120, présenté par Mme la rapporteure.
    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Les élus mahorais nous ont rappelé que l’État ne respecte pas ses engagements –⁠ l’expérience le leur a appris. Ils sont donc convaincus que si nous votons une autorisation de principe en faveur du modulaire, cette solution temporaire deviendra pérenne.
    Après concertation, il nous semble donc nécessaire de mettre un petit « coup de pression » pour que la mission de reconstruction démarre le plus rapidement possible. C’est pourquoi je reviens sur l’explication de vote qui a été donnée tout à l’heure : nous voterons en faveur de l’amendement de suppression.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Pourrions-nous avoir de la part du ministre d’État et du gouvernement un engagement clair quant au fait que ces équipements modulaires ne resteront pas ad vitam æternam ?
    On peut en effet comprendre l’inquiétude de la rapporteure comme on peut comprendre la nécessité d’agir vite afin d’héberger ceux qui sont dehors aujourd’hui. À ce titre, il serait intéressant d’entendre le gouvernement à propos de la pérennité ou non des modulaires et –⁠ puisque le ministre d’État n’a pas répondu à ma précédente intervention à ce sujet – de l’idée de répartir les personnes à héberger d’urgence sur l’ensemble du territoire français selon un principe de solidarité. Pour le dire clairement, il s’agirait de permettre aux personnes les plus démunies, aujourd’hui contraintes de chercher un hébergement à Mayotte, souvent sans succès, d’accéder à des centres d’hébergement d’urgence situés sur le territoire hexagonal, de sorte que la solidarité nationale prévale, y compris, voire surtout, à l’égard du département de Mayotte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    M. le ministre d’État, Mme Maud Petit, M. Philippe Naillet et Mme Dominique Voynet ont demandé à prendre la parole. Il serait de bonne méthode que nous ayons fini ce débat et puissions mettre aux voix l’amendement concerné avant de lever la séance.
    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je confirme, en précisant si nécessaire, ce que j’ai dit tout à l’heure : l’avis du Conseil d’État sur le texte de loi est très clair et souligne le caractère nécessairement temporaire de ce type d’équipement modulaire –⁠ deux ans maximum. Par ailleurs, j’y insiste, nous en avons vraiment besoin.
    Je comprends parfaitement la méfiance à propos de certains engagements et les élus mahorais qui la relaient. Toutefois, nous ne pourrons reconstruire Mayotte sans confiance entre les élus locaux et l’État –⁠ celui-ci est prêt à leur accorder la sienne. Je pourrais du reste évoquer certaines difficultés rencontrées sur le terrain, non avec tous les élus, mais avec certains d’entre eux. Je tiens à le rappeler car, dans cette assemblée, il faut dire la vérité : la responsabilité n’est pas toujours du côté de l’État. Il faut être lucide sur la situation à Mayotte ; il serait trop facile de tout mettre sur le dos de l’État, quel que soit le gouvernement. Les élus et les maires ont leur part de responsabilité dans certaines situations, y compris s’agissant de la répartition de la nourriture et de l’eau au cours des dernières semaines.

    M. Pierre Cordier

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    C’est grave !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    En tout état de cause, l’autorisation serait temporaire, limitée à deux ans, puisqu’au-delà, il faudrait une autorisation d’urbanisme, sur laquelle les maires ont la main. Je confirme donc le caractère temporaire de ces équipements.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    J’aimerais poser quelques questions à Mme la rapporteure. On peut parfaitement comprendre vos explications et votre crainte que les installations modulaires ne deviennent permanentes. Vous avez proposé d’aménager des paquebots ; soit, mais que comptez-vous faire de la population, qui doit bien être hébergée quelque part ? Où ces gens vivraient-ils durant cette période ? Si vous avez d’autres solutions, j’aimerais vraiment vous entendre. Les paquebots peuvent éventuellement satisfaire les personnels qui viennent travailler sur l’île de façon ponctuelle, mais que faites-vous de la population, de ceux qui ont perdu leur toit ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Si je comprends la crainte des collègues de voir le provisoire durer, je rappelle qu’en commission, nous avons réalisé un travail de recentrage afin que l’article 3 cible le relogement des sinistrés, non leur hébergement –⁠ en droit, les deux termes ne sont pas équivalents.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    M. Naillet vient de me troubler : pour ma part, l’article m’aurait paru plus simple, plus clair, si l’on avait précisé qu’il s’agissait uniquement d’héberger en urgence et non de reloger, ce qui implique une durée plus longue.
    Monsieur le ministre d’État, vous avez pris l’exemple de l’occupation de bâtiments modulaires par des agents des services publics. Il est vrai que le cas n’est pas rare à Mayotte. Pendant la crise du covid, on a installé des modulaires, notamment afin d’y procéder à des vaccinations ou d’y pratiquer des analyses. Ces équipements ne sont plus là, mais d’autres sont toujours dans les communes ; tous n’ont pas été installés par l’État, car nombre de communes y ont encore recours.
    La réécriture de l’article 3 intervenue en commission me semble offrir toutes les garanties souhaitables : personne ne croit qu’on puisse laisser des familles vivre pendant des mois, voire des années, dans des modulaires climatisés. Il convient de le réaffirmer fortement. Vous l’avez fait, monsieur le ministre d’État, mais en prenant un exemple relevant des services publics. Nous avons donc besoin de vous entendre dire que ces bâtiments ne serviront pas de logements, du moins pas au-delà de deux ans.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je comprends les craintes de nos collègues, celles de Mme la rapporteure en particulier. Dans l’esprit de beaucoup de gens, modulaire égale précaire, pour ne pas dire cheap –⁠ en mauvais français –, bon marché, de mauvaise facture. On peut aussi craindre que le provisoire dure ; nous en avons, hélas, trop d’exemples, à Mayotte et ailleurs –⁠ beaucoup d’élus et divers responsables pourraient en témoigner.

    M. Antoine Léaument

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    Oui, en Guyane, c’est pareil !

    M. Philippe Gosselin

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    Observons toutefois ce qui se fait dans d’autres territoires, même si les températures, l’hygrométrie, etc. ne sont évidemment pas les mêmes. D’autres collectivités locales font appel à des constructions modulaires : plus rapidement mobilisables, elles coûtent un peu moins cher et ne sont pas de mauvaise qualité, le préfabriqué, comme on l’appelait, n’étant plus ce qu’il était il y a quelques années.
    Faire preuve d’une certaine confiance, d’une forme de sagesse dans la rédaction paraît d’autant plus nécessaire que de telles constructions offriraient une souplesse accrue, bienvenue dans la situation d’urgence où nous nous trouvons.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Afin de clarifier nos débats, je rappelle les trois amendements adoptés en commission. L’un précise qu’il doit s’agir de reloger les sinistrés ; le deuxième que les conditions résultant du relogement doivent être vivables ; le troisième que l’installation doit obtenir l’accord des communes concernées. Certaines insuffisances avaient été soulignées lors des débats et des inquiétudes s’étaient exprimées, notamment sur l’éventuelle pérennité des installations modulaires. Sans prétendre qu’ils ôteraient tout sujet d’inquiétude, je rappelle ces amendements adoptés à la majorité en commission.

    M. Philippe Gosselin

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    C’est très concret quand même !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 120.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        102
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                57
                    Contre                37

    (L’amendement no 120 est adopté ; en conséquence, l’article 3 est supprimé et tous les amendements suivants tombent.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra