XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du lundi 24 mars 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du lundi 24 mars 2025

Présidence de M. Xavier Breton
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Sortir la France du piège du narcotrafic

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Le vendredi 21 mars, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 586 à l’article 9.

    Article 9 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 586.

    M. Éric Pauget, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Il vise à reformuler la définition de l’organisation criminelle incluse dans le texte issu du Sénat. Notre commission des lois ayant constaté que cette définition était fragile, nous avons tenu compte des remarques émanant des différents bancs. Colette Capdevielle, notamment, avait appelé notre attention sur un des critères retenus dans la rédaction initiale, la durée d’existence de l’organisation en question, laquelle devrait être formée « depuis un certain temps ». Je vous propose donc une rédaction plus cohérente et solide, qui définit l’organisation criminelle comme « toute association de malfaiteurs préparant un ou plusieurs crimes ou un ou plusieurs délits mentionnés à l’article 706-73 du code de procédure pénale ».

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Lors du débat interrompu vendredi dernier, j’avais exprimé à la fois mon opposition à la version du Sénat et un avis de sagesse en ce qui concernait les amendements du rapporteur. Même si la commission mixte paritaire (CMP) devra résoudre certains problèmes, j’émets un avis favorable à l’amendement no 586. Je prendrai plus longuement la parole s’agissant de l’amendement no 582.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    La nouvelle catégorie de délit dont l’article prévoit la création me paraît tout à fait superfétatoire. L’article 132-71 du code pénal dispose en effet que « constitue une bande organisée tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs infractions ». L’existence d’une organisation constituée préalablement aux délits commis est donc déjà qualifiée : introduire une nouvelle notion, celle d’organisation criminelle, en la constituant par ailleurs comme une circonstance aggravante, est donc parfaitement inutile.
    De surcroît, les magistrats peuvent déjà prononcer une sanction plus importante quand un vol en bande organisée est accompagné de violences, par exemple, ou en cas de proxénétisme aggravé commis en bande organisée. Je le répète : cette nouvelle catégorie est donc superflue puisque le code pénal permet déjà aux magistrats d’agir.
    J’ai bien compris que le ministère de l’intérieur attend de cette disposition des peines plus importantes. Nous pensons au contraire qu’elle n’évitera rien et qu’en outre, notre code pénal doit être le plus sobre possible.

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Il s’agit de définir le plus clairement possible –⁠ et ce n’est pas simple – ce qu’est une organisation criminelle. Nous avons débattu de la définition retenue par le Sénat. L’amendement du rapporteur est cohérent puisqu’il vise à étendre le champ des infractions mentionné à l’article 706-73 du code de procédure pénale et à relier plus directement la définition d’organisation criminelle à celle d’association de malfaiteurs. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national votera en sa faveur.

    (L’amendement no 586 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 574, 905 et 897 tombent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 582.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je vous propose de réécrire l’alinéa 16, qui découle du précédent et tend à sanctionner la participation au fonctionnement d’une organisation criminelle. Dans la continuité des débats en commission, je vous propose de supprimer la notion de simple appartenance à une telle organisation, retenue par le Sénat et à nos yeux juridiquement fragile.
    Pour conserver l’intention de nos collègues sénateurs de définir des infractions en lien avec une organisation criminelle, je vous propose de retenir trois faits : le fait de faire publiquement l’apologie d’une organisation criminelle ; le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs organisations criminelles ; le fait de concourir sciemment à l’organisation ou au fonctionnement d’une organisation criminelle –⁠ cette dernière incrimination était présente dans le texte issu du Sénat. Ces dispositions, beaucoup plus solides et précises, caractérisent des délits dont les magistrats pourront se saisir plus aisément.

    M. le président

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    Sur l’article 9, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je remercie M. le rapporteur pour ses propositions de réécriture des dispositions du Sénat. J’en comprends l’intention et le gouvernement ne s’y oppose pas, malgré les difficultés de nature constitutionnelle et les problèmes d’interprétation. Comme nous l’avons dit vendredi dernier, et sachant que la loi pénale est d’interprétation stricte, il ne faudrait pas laisser à d’autres, notamment à la Cour de cassation, le soin de définir les incriminations. En effet, dans des affaires mettant en jeu des réseaux criminels, il serait très dommageable pour les magistrats et pour la sécurité des Français que soit ainsi ruiné le travail du législateur. Pour ceux qui, comme moi, veulent un texte fort et ferme, mais en craignent une interprétation floue, votre travail est le bienvenu et j’espère que la CMP vous suivra.
    Votre amendement retient trois faits : l’apologie d’une organisation criminelle ; l’absence de justification de ressources –⁠ incrimination élargie ; la participation à l’organisation criminelle.
    La notion d’apologie peut susciter des questions puisque la liberté d’expression est une liberté fondamentale.

    M. Antoine Léaument

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    Ah oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    On peut penser que le juge constitutionnel nous suivra, de même qu’il a accepté la répression de l’apologie du terrorisme ; il conviendra cependant que la CMP élabore une rédaction encore plus fine car le doute subsiste pour le garde des sceaux que je suis.
    S’agissant de la non-justification de ressources, aucune raison de principe ne peut s’opposer à votre proposition. Les dispositions relatives aux signes extérieurs de richesse existent déjà et nous pouvons retenir votre rédaction, même si les discussions en CMP permettront peut-être de l’améliorer encore.
    Enfin, en ce qui concerne la participation à l’organisation criminelle, même si le parallèle avec les organisations mafieuses italiennes a ses limites –⁠ vous l’avez dit vous-même, ainsi que M. Taverne –, la nature des nouvelles organisations criminelles –⁠ je pense à la DZ Mafia, exemple qui commence à être malheureusement connu – implique de prendre de nouvelles dispositions, distinctes de celles qui existent en matière d’association de malfaiteurs. Ce débat a occupé une partie de la séance de vendredi soir.
    Nous pouvons donc converger, si l’Assemblée en est d’accord, vers l’adoption de votre amendement, tout en sachant qu’il n’est pas parfait. Il conviendra, monsieur le président de la commission des lois, d’en améliorer la rédaction avec le Sénat, alors que les positions des deux assemblées sont quand même –⁠ disons-le – assez éloignées. Les dispositions incluses dans le texte doivent être précises, claires et –⁠ je l’espère – constitutionnelles. Je souhaite donc que l’Assemblée adopte cet amendement et que vous trouviez avec le Sénat la rédaction adéquate. Avis favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    La rédaction proposée par M. le rapporteur ne convient pas plus que la précédente.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    C’est mieux !

    M. Antoine Léaument

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    L’article 9 introduit un nouveau crime de participation à une organisation criminelle, dont la définition –⁠ vous en êtes vous-mêmes conscients – est bancale. Vous reconnaissez, monsieur le ministre, que la notion d’apologie de l’organisation criminelle est porteuse d’un risque quant à la liberté d’expression : nous le savons bien puisque nous-mêmes, les Insoumis, sommes accusés d’apologie du terrorisme, que nous n’avons pourtant jamais pratiquée. C’est pourquoi, quand le rapporteur nous dit s’être inspiré de ce délit pour rédiger son amendement, je crains que cette disposition ne serve finalement à frapper des opposants politiques.
    S’agissant de l’absence de justification des ressources, Mme Capdevielle avait soulevé un cas intéressant : une personne qui travaillerait pour un trafiquant et qui tirerait ses subsides du trafiquant sans agir directement pour le trafic ne serait pas nécessairement capable de justifier ses ressources. Le lien entre les ressources et l’organisation criminelle est donc potentiellement problématique.
    Enfin, parlons du fait de « concourir sciemment » à l’organisation criminelle. D’après les propos du ministre de l’intérieur, quand on fume un joint ou qu’on prend un rail de coke, on a du sang sur les mains. Selon cette logique, votre rédaction est susceptible de traiter les consommateurs comme des participants actifs à l’organisation criminelle. Or, depuis le début du débat, nous vous disons que la baisse de la consommation ne passera que par des politiques de prévention ou par des politiques de soin pour ceux qui sont dépendants, c’est pourquoi le ministre de la santé manque au banc des ministres.
    La rédaction que vous proposez ne nous convient pas mais comme la rédaction précédente était mauvaise elle aussi, nous ne savons trop que faire : voter pour comme voter contre sont de mauvaises solutions. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Pour rebondir sur les propos de mon collègue Léaument, le consommateur a en effet une part de responsabilité et il est complice, d’une certaine manière, des crimes qui sont sous-jacents à la consommation d’un joint ou d’un rail de coke.

    M. Antoine Léaument

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    Il mérite donc dix ans d’emprisonnement ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Certes, il faut faire de la prévention pour empêcher les gens d’entrer dans la drogue et développer des soins pour les en sortir, mais il faudrait aussi prendre des mesures, absentes de ce texte, visant les consommateurs.
    Pour en venir à l’amendement, il est un peu fourre-tout. Nous ne sommes pas convaincus de la réécriture que vous proposez, monsieur le rapporteur, et vous-mêmes devez vous demander si elle passera ou non le contrôle de constitutionnalité. Nous venons de voter pour l’amendement no 586 mais celui-ci n’est pas assez bien écrit. C’est pourquoi, même si nous partageons plutôt les éléments qui s’y trouvent, nous nous abstiendrons.

    (L’amendement no 582 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 61, 792, 43 et 796 tombent.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je croyais que le groupe LFI devait s’abstenir !

    M. Sébastien Huyghe

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    C’est une abstention négative !

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 583.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je vous propose une mesure novatrice inspirée du droit italien, consistant à créer une liste noire des organisations criminelles. Cet outil est déjà utilisé dans le domaine du terrorisme ou encore dans la lutte contre le travail dissimulé. Il faudra peut-être en affiner la rédaction avec les services du ministère pour la rendre plus opérationnelle, par exemple pour faire de cette liste un fichier judiciaire ou un fichier de renseignement criminel.
    En tout cas, la création d’une telle liste donnerait à l’État un outil supplémentaire pour combattre plus efficacement les organisations criminelles de narcotrafiquants comme la DZ Mafia ou le clan Yoda, dans le Sud de la France. Elle permettrait de relier des personnes à ces organisations ainsi que de stigmatiser les organisations elles-mêmes.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    M. le rapporteur m’en voudra beaucoup, mais je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement, à la fois pour une raison de fond et pour une raison d’organisation.
    La raison de fond, c’est qu’un fichier judiciaire ne nous apporterait pas grand-chose, car l’inscription sur cette liste dépendrait d’une décision du juge, alors que le renseignement criminel, sur lequel le ministre de l’intérieur et moi-même souhaitons nous appuyer, permet de relier les personnes aux organisations en amont de la procédure. À titre de comparaison, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) est un fichier administratif tenu par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui n’empêche d’ailleurs pas les échanges d’informations. Je comprends bien pourquoi vous souhaitez créer une liste noire, mais cette proposition ne s’inscrit pas dans le projet que le ministre de l’intérieur et moi-même menons ensemble.
    Par ailleurs, un fichier administratif me semble préférable à un fichier judiciaire, comme le montre, mutatis mutandis, l’exemple de nos amis corses. Nous avons engagé –⁠ vous le savez bien, monsieur le président de la commission des lois, vous qui présidez aussi la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse – une discussion avec les associations de détenus corses –⁠ les Corses les appellent des prisonniers politiques, mais le garde des sceaux républicain les appelle des détenus corses – au sujet de leur possible sortie du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait). En effet, lorsque, dans la foulée du parquet national antiterroriste (Pnat), a été créé ce fichier sur lequel sont inscrites, par décision du juge, les personnes mises en examen ou condamnées pour des actes dits terroristes, on a considéré que cette appellation regroupait à la fois le terrorisme islamiste et des actes militants. En l’occurrence, la République a eu raison de combattre et de condamner très fermement ce type de militantisme politique, mais ce dernier n’est pas pour autant assimilable au terrorisme islamiste, personne n’en disconviendra. Les associations rencontrées ne demandent pas l’annulation de la condamnation des détenus –⁠ nous parlons d’une trentaine de personnes, toutes condamnées définitivement –, mais leur transfert vers un autre fichier, pour qu’ils cessent d’être mélangés avec des terroristes islamistes. Le président de la République m’ayant demandé de négocier avec les Corses –⁠ surtout avec les élus nationalistes, il faut bien le dire –, j’ai donné mon accord pour ce transfert, mais son exécution pose un problème car, malgré la volonté du ministre et peut-être celle du législateur, le retrait des inscriptions se fait une par une et dépend des magistrats.
    Si le fichier que vous proposez était administratif comme le FSPRT ou d’autres fichiers que j’ai pu gérer au ministère de l’intérieur, l’inscription ou la désinscription serait beaucoup plus simple, il serait soumis à un contrôle gouvernemental et parlementaire plus efficace et serait mieux taillé pour le renseignement que ne l’est un fichier judiciaire, dont l’objet consiste plutôt à interdire certaines actions aux personnes listées. Ainsi, une personne inscrite au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) ne peut pas s’occuper d’enfants à la mairie. Dans ce cas, l’existence d’un fichier judiciaire est justifiée. À l’inverse, on peine à comprendre à quoi servirait le fichier judiciaire visé par votre amendement, puisque les membres d’organisations criminelles inscrits dans cette liste noire n’évoluent pas dans un cadre classique. Le fichier administratif que le ministre de l’intérieur se propose d’établir serait bien plus utile.
    Tout en comprenant votre intention –⁠ mieux décrire les organisations criminelles que le Sénat ne l’a fait –, la création d’une liste noire telle que vous la proposez ne nous paraît pas opportune. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec les arguments exposés par M. le ministre de la justice pour repousser l’amendement. Certes, de telles listes noires peuvent être efficaces pour lutter contre la mafia italienne, qui est très organisée, mais le trafic de stupéfiants en bande organisée comme le pratiquent la DZ Mafia ou le clan Yoda ne fonctionne pas du tout de la même façon. Il ne s’agit pas d’entités organisées auxquelles il faut montrer patte blanche pour y entrer, mais de nébuleuses. C’est ce qui en fait la spécificité : rien de plus facile pour une nébuleuse que de changer de nom. Votre proposition n’aurait donc pas d’effet. En outre, le processus d’inscription sur la liste est un peu opaque.
    Je reviens par ailleurs sur l’amendement no 582 qui vient d’être adopté. En voulant punir l’apologie publique des organisations criminelles, on risque d’incriminer des séries télévisées, des films, des morceaux de musique ou encore des sketchs humoristiques. Cette mesure conduirait à interdire toute production parlant de drogue, de trafic ou d’organisations criminelles. Cela ferait sacrément mal à la production télévisuelle et musicale française ! C’est aller un peu loin pour une mesure qui ne sert pas à grand-chose.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    J’ai pris note des arguments des uns et des autres, mais j’aimerais apporter quelques précisions. Premièrement, ce n’est pas un fichier judiciaire que je propose, mais bien un fichier administratif, établi par arrêté du ministre de la justice pris après avis du ministère de l’intérieur. Cela se fait aux États-Unis ou encore en Italie, cette dernière disposant d’une liste des organisations criminelles qui comprend notamment les mafias.
    Deuxièmement, j’ai conscience des problèmes que peut poser une telle mesure, mais j’insiste sur son caractère novateur. Elle nous permettrait de stigmatiser les organisations criminelles pour éviter que les délinquants dans les quartiers, dans nos communes ou en prison, s’en revendiquent.
    Je maintiens donc mon amendement. Je vous propose un outil novateur, qui n’existe pas en France. Il est vrai qu’il n’entre pas dans les cadres habituels, mais il nous permettrait de mieux identifier les organisations criminelles. Or « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », comme le disait Camus. Il me paraît important de cibler nommément les organisations criminelles.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Sur le fond, nous sommes d’accord avec M. le rapporteur, mais nous avons le sentiment que cette mesure ne changerait pas grand-chose pour les policiers sur le terrain. Par ailleurs, le droit italien peut-il être transposé à l’identique en droit français ? Nous n’avons pas de réponse à ce sujet. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce qui m’a « enduit d’erreur », comme dirait mon fils de 4 ans, c’est que vous proposez d’inscrire dans le code de procédure pénale la création de ce fichier administratif. Cela serait, pour ainsi dire, original. L’amendement nécessiterait donc d’être réécrit pour modifier la codification proposée.

    M. Antoine Léaument

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    Cela n’existe-t-il pas déjà ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je ne connais pas le code de procédure pénale par cœur, même si je m’applique à apprendre tous les jours des articles supplémentaires. (Sourires.) L’amendement, s’il était adopté, créerait l’article 450-1-2 de ce même code. Nous devrions placer cette disposition ailleurs, car il me semble douteux d’inscrire la création d’un fichier administratif dans le code de procédure pénale. Le cas échéant, nous en discuterons en commission mixte paritaire.

    (L’amendement no 583 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 9, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        74
            Nombre de suffrages exprimés                74
            Majorité absolue                        38
                    Pour l’adoption                51
                    Contre                23

    (L’article 9, amendé, est adopté.)

    Après l’article 9

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 9.
    L’amendement no 288 de Mme Sophie Ricourt Vaginay est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    L’amendement tend à ce que la participation directe ou indirecte à une organisation criminelle constitue un crime. Ainsi rédigée –⁠ je pense notamment à la notion de participation indirecte –, cette disposition concernerait une grande variété de personnes.
    Par ailleurs, quand bien même la participation serait directe, la sanction est excessive dans certains cas : les jeunes gens chargés de surveiller les points de deal et de prévenir de l’arrivée de la police ne sauraient être punis de vingt ans de prison et d’une amende de 1 million d’euros. En plus d’être totalement disproportionnée, une telle disposition porte atteinte au principe d’individualisation de la peine, qui constitue un pilier du travail des magistrats.
    L’exposé des motifs de l’amendement indique clairement l’intention qui y préside, car il y est dit que ce crime de participation à une organisation criminelle serait « [indépendant] des infractions matérielles commises par ses membres ». C’est la loi des suspects, si je puis m’exprimer ainsi ! Nous nous opposerons donc à l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    (L’amendement no 288 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 584.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    En commission des lois, nous avons débattu de la question des armes dans le cadre du narcotrafic, un sujet que la proposition de loi n’aborde pas. La question avait été soulevée par un amendement de Mme Naïma Moutchou dont nous examinerons d’ailleurs l’équivalent après celui-ci.
    Par cet amendement, je propose de sanctionner plus sévèrement les personnes ayant commis une infraction liée au trafic de stupéfiants lorsque celle-ci est aggravée par la possession d’une arme, apparente ou dissimulée. Je serai également favorable à l’amendement no 856 de Mme Moutchou, qui vise la création d’une infraction autonome.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Je peine à comprendre la portée opérationnelle de l’amendement et de celui de Mme Moutchou. D’une part, cette mesure ne vise pas le haut du spectre, mais plutôt des personnes arrêtées dans la rue. En cela, elle s’inscrit dans la continuité d’une politique qui a prouvé son inefficacité depuis trente ou quarante ans. Pour la deux-centième fois depuis le début de l’examen de ce texte, je rappelle en effet que la France est le pays d’Europe dont les lois sont les plus dures et les plus répressives s’agissant tant de la vente que de la consommation de drogue, et pourtant celui où la consommation de drogue est la plus forte. C’est bien la preuve que les dispositifs actuels ne fonctionnent pas !
    D’autre part, vous proposez que certains crimes puissent être punis de réclusion à perpétuité pour la seule raison que le trafic s’accompagne du port d’une arme, que celle-ci soit utilisée ou non et qu’elle soit apparente ou cachée. Vous recourez ainsi à la logique présomptive pour en faire une circonstance aggravante à la commission des faits.
    Je pensais que notre travail consistait plutôt à lutter contre le trafic d’armes et de drogue ou le blanchiment d’argent par les réseaux criminels, et pas à développer de nouveaux outils qui, en dépit de l’intérêt que certains continuent à y trouver, ont prouvé sur le terrain leur inefficacité dans la lutte contre le trafic de drogue.
    Enfin, nous avons tous à cœur de nous appuyer sur des données objectives, des rapports et des travaux de recherche. Monsieur le rapporteur, je suis donc curieuse de savoir quelles sont les recherches sur lesquelles vous vous fondez pour proposer un tel amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Le trafic de drogue s’accompagne souvent de trafic d’armes et de prostitution. Dès lors que les trois vont ensemble, il est impossible de lutter contre l’un en omettant complètement l’autre. Nous sommes donc favorables à l’amendement no 584, car il faut sanctionner plus sévèrement l’utilisation d’armes par un trafiquant de drogue.

    (L’amendement no 584 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Moulliere, pour soutenir l’amendement no 856 rectifié, qui fait l’objet de deux sous-amendements nos 1021 et 1022.

    M. Jean Moulliere

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    Nous appelons à une tolérance zéro sur le trafic de drogue et le port d’armes.
    Le trafic de stupéfiants n’est plus seulement un fléau sanitaire, mais aussi un moteur de la violence qui gangrène nos quartiers. Les réseaux criminels ne se contentent pas de vendre de la drogue ; ils règnent par la peur, imposent leur loi par la force et trop souvent par les armes. L’amendement no 856 rectifié, dont Naïma Moutchou est première signataire, tend à créer une infraction spécifique lorsque le trafic de drogue se double de la possession d’une arme de catégorie A ou B. En effet, ces armes ne sont jamais là par hasard, mais elles servent à protéger des trafics, à contrôler des territoires, à régler des comptes et à terroriser les populations. Punir le trafic armé de quinze ans de réclusion criminelle porterait un message clair : la République ne reculera pas face aux narcobandits. L’amendement constitue donc une arme juridique contre la criminalité organisée. Il est temps de frapper fort et de frapper juste.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir les sous-amendements nos 1021 et 1022, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jocelyn Dessigny

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    L’amendement no 856 rectifié va dans le même sens que le précédent, et nous y sommes favorables. Néanmoins, omettre les armes à feu de catégories C et D reviendrait à exclure du champ du dispositif certains fusils à pompe et certaines armes de poing anciennes. Les trafiquants de drogue se fournissent d’ailleurs aussi sur des marchés où l’on peut trouver, en vente libre, mais sur déclaration, des armes de catégorie D. Il est donc souhaitable que la sanction concerne aussi toutes ces armes.

    M. le président

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    Sur l’amendement n° 856 rectifié, je suis saisi par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 856 rectifié et sur les sous-amendements nos 1021 et 1022 ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    La commission n’ayant pas eu le temps d’analyser les sous-amendements, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Leur adoption me paraîtrait cependant légèrement redondante avec l’amendement no 584, qui a été adopté précédemment et qui tendait à faire du port d’armes une circonstance aggravante pour une infraction liée au trafic de drogue.
    Quant à l’amendement no 856 rectifié de Naïma Moutchou, il tend à créer une infraction autonome en cas de trafic de stupéfiants commis concomitamment au port d’une arme. La commission y est très favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    J’émets un avis favorable sur l’amendement no 856 rectifié, qu’il soit sous-amendé ou non.
    Vous avez raison, monsieur Dessigny, certaines catégories d’armes ne sont pas concernées par l’amendement. Cependant, les ajouter créerait un risque constitutionnel pour la circonstance aggravante que nous essayons d’instaurer. Vous savez bien, en effet, que toutes les armes ne se valent pas, même si elles sont toutes létales. Un fusil à pompe n’est pas la même chose qu’un petit couteau, même si ce dernier peut contribuer à la violence liée au trafic. Comme nous n’avons pas disposé de temps pour redessiner les sous-amendements, le gouvernement s’en remet à leur sujet à la sagesse de l’Assemblée.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    L’amendement et les sous-amendements visent à punir davantage la possession d’armes par ceux qui participent au trafic de stupéfiants. (« Oui ! Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Cependant notre question est toujours la même : avez-vous vraiment l’impression que vous lutterez efficacement contre le phénomène en alourdissant les peines ?

    M. Emeric Salmon

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    Oui !

    M. Antoine Léaument

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    Vous pensez que les trafiquants ouvrent le code pénal et se disent : « Ouh là ! Je risque de prendre plus cher qu’avant ! » ? Bien sûr que non ! Si vous y croyez, vous êtes à côté de la plaque.
    Ce qui est efficace, c’est de démanteler les réseaux de trafic d’armes. Pourtant, sur cette question, on ne vous entend jamais. Où sont les dispositions sur la police judiciaire et les enquêtes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Il n’y en a pas ; on n’en parle pas dans le texte. Les 2 500 postes qui manquent ? Ils ne sont pas là. Où est le logiciel fonctionnel de la police, et celui de la justice ? Il n’y en a pas ; on n’en parle pas. (Mêmes mouvements.) Ils ne sont pas abordés, tous ces sujets qui permettraient de travailler efficacement au démantèlement des réseaux de trafic d’armes, à l’arrestation des personnes qui en sont responsables, lesquelles ont même parfois des liens avec certaines organisations politiques qui ne siègent pas de ce côté-ci de l’hémicycle –⁠ si on veut bien se souvenir de la façon dont certains terroristes se sont procuré des armes… (Mêmes mouvements.) C’est comme ça qu’on démantèle le trafic d’armes : avec des moyens humains, des moyens d’enquête, en récupérant les armes, pas en aggravant des peines dans le code pénal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Monsieur Léaument, celui qui est à côté de la plaque, c’est vous ! (Mme Marine Hamelet applaudit.)

    M. Antoine Léaument

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    Oh, touché ! (Sourires.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    En effet, vous oubliez une chose très simple : quand on arrête quelqu’un qui est en possession d’une arme à feu et qui fait du trafic de drogue, cela permet d’alourdir sa peine et de le mettre en prison.

    M. Antoine Léaument

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    J’ai bien compris !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Je sais que vous êtes contre la prison. Cependant, quand le trafiquant s’y trouve, il n’est plus dans la rue. Et si nous faisons en sorte que sa détention dure un peu plus longtemps, il sera un peu moins souvent dans la rue. Voilà ce qui nous oppose.

    Mme Ségolène Amiot

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    À quoi sert la prison si elle n’est pas suivie de réinsertion ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Pour revenir sur ce que vous avez dit, monsieur le ministre, je comprends parfaitement la raison du classement des armes en différentes catégories –⁠ un couteau n’est pas un fusil à pompe, même s’ils sont tous deux létaux. De fait, le sous-amendement no 1021, en supprimant la mention de ces catégories, permettrait, comme vous l’avez souligné, d’étendre au port de n’importe quelle arme les sanctions prévues par l’amendement no 856 rectifié, ce qui lui conférerait l’ampleur souhaitable. S’il n’est pas adopté, le sous-amendement no 1022 tend à ajouter les catégories C et D des armes à feu. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Je vous invite, de part et d’autre, à échanger des arguments sans procéder à des mises en cause personnelles.

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    (Les sous-amendements nos 1021 et 1022, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 856 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        85
            Nombre de suffrages exprimés                85
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                53
                    Contre                32

    (L’amendement no 856 rectifié est adopté.)

    Article 10

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
    Sur l’amendement n° 426 et l’article 10, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Nous sommes favorables à l’article 10 dont l’objectif est d’étendre le champ de la répression des opérations de recrutement des « petites mains ». En effet, les réseaux mafieux utilisent régulièrement les services de mineurs, dont certains sont des migrants entrés en France avec l’aide d’organisations de passeurs dont je tairai les noms et l’origine… Les recrutements sont notamment effectués par l’intermédiaire de réseaux sociaux. Il importe donc de lutter contre ce phénomène en adoptant un dispositif correspondant à la dangerosité et à l’ampleur de ce trafic. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Il s’agit une nouvelle fois d’un article qui ne sert à rien. Vous voulez introduire dans le code pénal des dispositions déjà satisfaites par les infractions existantes, tout en prétendant protéger les mineurs. L’incitation à faire entrer des mineurs dans le trafic de stupéfiants fait déjà l’objet de sanctions, mais vous ajoutez simplement une catégorie supplémentaire, liée à l’usage des réseaux sociaux.
    Si vous voulez effectivement protéger les mineurs, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire. («Ah !» sur quelques bancs du groupe RN.) Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont en cause, mais plutôt les mécanismes faibles de corruption que M. Mendes et moi avons étudiés dans le cadre de notre rapport parlementaire, et sur lesquels il faut développer la formation. Par exemple, un trafiquant propose à un jeune d’aller lui chercher une canette dans la supérette du coin en lui offrant 50 euros en échange. La somme proposée est évidemment bien supérieure à la veleur du service rendu, donc le jeune accepte cette mission facile. Ce faisant, il met un pied dans le trafic de stupéfiants. Ensuite, on lui demande un deuxième, puis un troisième service ; le quatrième consistera à surveiller l’arrivée de la police, par exemple, et alors il sera effectivement entré dans le trafic de stupéfiants.
    Si vous voulez empêcher que les jeunes entrent dans ce trafic, il faut vous pencher sur ces questions et prendre des dispositions. Je vous propose des solutions concrètes, des méthodes pour protéger effectivement les jeunes de l’entrée dans le trafic de stupéfiants. Pourquoi ne sont-elles pas dans le texte ? Pourquoi n’y a-t-il rien sur ce sujet ? Pourquoi, quand nous proposons de telles dispositions, ne sont-elles même pas recevables ? (M. Aurélien Saintoul applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Les écologistes soutiennent plutôt les dispositions de l’article 10, même si elles ne vont pas beaucoup plus loin que ce qui existe actuellement, mais nous déplorons tout ce que vient de rappeler Antoine Léaument. Au lieu d’ajouter une pièce à un arsenal répressif qui est déjà le plus important en Europe et qui n’empêche pourtant pas notre pays d’avoir aussi la proportion de consommateurs la plus élevée, nous aurions voulu élaborer, dans cette proposition de loi, des outils pour dissuader la consommation de drogue, lutter contre les addictions, faire de la prévention, apprendre à se prémunir de vendeurs de drogue qui ajoutent des substances extrêmement addictives ou toxiques, bref, pour faire en sorte que les jeunes soient des citoyens éclairés, capables de dire non et de choisir leur vie sans que d’autres en décident à leur place.
    Comme nous n’avons pas pu travailler sur la prévention et la lutte contre les addictions, qui font, je le rappelle, pourtant partie de ce que préconise le rapport du Sénat, le texte comporte des dispositions bancales. L’accroissement de peine auquel tend l’article 10 nous paraît nécessaire –⁠ ce n’est pas la question –, mais nous regrettons de ne pas pouvoir aller plus loin. On se contente d’écoper à la petite cuillère pour sauver du naufrage un navire comme le Titanic. C’est un peu dommage, alors que le droit comparé nous permet d’identifier ce qui fonctionne dans d’autres pays, ce qu’on aurait pu adapter et ce sur quoi on aurait pu travailler. Peut-être MM. les ministres ont-ils des idées en la matière. Quoi qu’il en soit, nous ne devons pas nous contenter de dispositions qui ne modifient que la surface des choses, en laissant des millions de personnes sombrer et en laissant le trafic s’appuyer sur les plus pauvres pour mener encore plus loin ses agissements.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 426, tendant à supprimer l’article 10.

    Mme Élisa Martin

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    Je veux enfoncer le clou, en appuyant les propos d’Antoine Léaument. Le délit de provocation à l’usage et au trafic de stupéfiants existe déjà. Il est puni de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende ; des dispositions spécifiques sont prévues pour les mineurs. La répression est donc déjà possible.
    S’agissant du recrutement, il repose sur des mécanismes qui sont connus et mis à jour, en particulier par l’équipe marseillaise Trafics-Acteurs-Territoires. Cela vient d’être dit.
    De surcroît, le contenu publié sur les plateformes ne s’adresse pas strictement aux mineurs, mais à tous, si je puis dire.
    Nous sommes toujours confrontés au même mur, celui de la prohibition, qui empêche de mener un travail fin de prévention, que ce soit en matière de consommation ou d’entrée dans le trafic –⁠ comme ce dernier est interdit, d’une certaine façon, il n’existe pas. Cela empêche toute politique publique qui pourrait aller dans ce sens, sans parler évidemment du manque de moyens criant. Je pense, par exemple, à la prévention spécialisée et, plus précisément, aux éducateurs de rue et à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
    Nous savons bien qu’il a fallu mener une énorme bataille pour rattraper les 500 postes supprimés par le précédent garde des sceaux. Voilà ce à quoi il faut s’attaquer, au lieu de s’adonner à la surenchère pénale comme nous le faisons depuis le début de l’examen de cette proposition de loi.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Permettez-moi de rappeler que cet article crée une infraction autonome de provocation d’un mineur à commettre une infraction liée aux stupéfiants lorsque cette provocation se fait sur une plateforme numérique.
    Je ne comprends pas le conservatisme de la gauche, qui refuse de tenir compte de la réalité. Vous avez raison, l’infraction existe déjà, mais elle est limitée aux provocations directes, du point de vue physique.
    L’idée est de s’adapter à ce qui se passe sur la toile, c’est-à-dire à l’incitation des jeunes sur les plateformes numériques.
    J’avoue que j’ai du mal à cerner la gauche quand elle refuse de s’adapter à la réalité des nouvelles technologies. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Comme l’a dit ma collègue Sandra Regol, nous regrettons de ne pas avoir pu aborder dans ce texte la question de la prévention, dont on sait l’importance pour limiter l’embrigadement des mineurs dans les trafics de stupéfiants.
    Pour les mineurs, il y a beaucoup de moments très sensibles : quand ils font le trajet de la maison à l’école, quand ils restent au pied de leur immeuble. C’est dans ces occasions qu’ils peuvent se faire embrigader par les trafiquants, qui peuvent même faire pression sur les familles, les fratries, pour qu’à la fin, il n’y ait plus d’autre choix que d’y aller.
    Néanmoins, nous comprenons l’idée de cet article, car le trafic est en train de migrer sur les plateformes numériques. (M. Éric Pauget, rapporteur, hoche la tête en signe d’approbation.)
    De très nombreux trafiquants utilisent Snapchat ou d’autres réseaux sociaux pour organiser leurs activités dans les quartiers, proposer de la livraison, voire des réductions de prix quand on achète des stupéfiants en lots.
    Nous soutiendrons donc l’article, tout en rappelant que rien ne remplacera la présence humaine. Il a le mérite de combler un vide, mais la prévention devra faire l’objet d’un véritable débat. Ainsi, on peut s’interroger aujourd’hui sur la profession d’éducateur spécialisé. La fiche de ce métier correspond-elle encore à la réalité du terrain ? Faut-il la modifier ? Je penche pour la seconde solution.

    M. le président

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    Merci, madame Sebaihi. Je vais maintenant donner la parole à un député qui est contre l’amendement.
    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Le groupe de Mme Sebaihi est pour l’article, donc contre l’amendement de suppression. Je constate que je dois convaincre aussi nos collègues de gauche sur le sujet.
    L’idée de cet article, comme l’a dit M. le rapporteur, est d’ajouter un qualificatif qui concerne l’incitation des mineurs sur les réseaux sociaux.
    Or l’incitation à faire entrer les mineurs dans le trafic de stupéfiants, que ce soit sur les réseaux sociaux ou ailleurs, est déjà punie. C’est pour cela que je vous disais que cette mesure ne servirait à rien et que nous évoquions les politiques de prévention.
    Je vais aller dans le sens de ce qu’évoquaient à l’instant nos collègues et essayer de résumer simplement mon point de vue.
    Toutes les personnes que j’ai auditionnées dans le cadre du rapport sur le trafic de stupéfiants –⁠ toutes, sans exception – ont dit la chose suivante : on videra la mer à la petite cuillère tant qu’on n’évoquera pas la question de la consommation.
    De mon point de vue, on ne lutte pas contre la consommation par la répression. Cela ne fonctionne pas. Nous en avons la démonstration sous les yeux : nous sommes à la fois l’un des pays les plus répressifs et les plus consommateurs de drogues dans leur ensemble. Je rappelle les chiffres : 50 % de la population a déjà consommé du cannabis, 10 % de la cocaïne et 10 % de l’ecstasy. Il s’agit de très hauts niveaux de consommation.
    Je constate que d’autres pays, comme le Portugal, qui ont mis en place des politiques de soin et de prévention très puissantes, alors qu’ils ont, comme nous, des façades maritimes facilitant l’importation –⁠ notamment depuis le sud ou l’ouest – ont des taux de consommation beaucoup plus faibles que nous.
    Si vous voulez sortir la France du piège du narcotrafic, il faudra donc, à un moment donné, traiter la question de la consommation. (Mme Ségolène Amiot applaudit.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 426.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        87
            Nombre de suffrages exprimés                87
            Majorité absolue                        44
                    Pour l’adoption                20
                    Contre                67

    (L’amendement no 426 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Martin, pour soutenir l’amendement no 42.

    Mme Alexandra Martin

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    Il vise à étendre et à renforcer la répression des comportements criminels envers les mineurs, en sanctionnant non seulement la provocation à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants, mais aussi toute forme de manipulation ou de contrainte exercée à leur égard pour les amener à commettre ces infractions.
    Cette extension vise à répondre à une réalité malheureusement de plus en plus préoccupante, où les jeunes sont non seulement incités, mais aussi manipulés ou contraints à s’engager dans des activités criminelles liées aux stupéfiants, parfois sous la pression ou la menace –⁠ nous parlions tout à l’heure de chantage exercé sur leur famille.
    Il est essentiel de reconnaître que la manipulation et la contrainte sont non seulement des formes de pression indirecte, mais aussi des techniques de contrôle qui poussent les jeunes à s’impliquer dans des actes criminels dont ils ne saisissent parfois pas tous les enjeux.
    L’adoption de l’amendement accentuerait la prévention et la protection des mineurs, et enverrait un signal encore plus fort aux auteurs de ces crimes.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je partage votre volonté de mieux protéger les mineurs, mais je ne donnerai pas d’avis favorable, car les termes que vous utilisez sont trop imprécis pour qualifier l’infraction.
    En outre, je rappelle qu’il y a quinze jours, en commission des lois, notre collègue Christophe Blanchet, du groupe Modem, a fait introduire un nouvel article 11 bis, qui prévoit une circonstance aggravante applicable au trafic de stupéfiants lorsque l’infraction est commise en ayant recours à une personne vulnérable. Ce nouvel article répond en grande partie à vos inquiétudes et va même plus loin, en proposant des sanctions plus fortes.
    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    Maintenez-vous votre amendement, madame Martin ?

    Mme Alexandra Martin

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    Oui, je le maintiens.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous ne pouvons pas accepter cet amendement. Toutefois, nous notons avec satisfaction que des députés reconnaissent la vulnérabilité de certains jeunes et la manipulation dont ils peuvent faire l’objet.
    Force est de constater qu’il peut se trouver parmi eux des mineurs isolés. Peut-être ferions-nous mieux de les accueillir plutôt que de les traquer et de les rejeter. Nous contribuerions ainsi à la protection des mineurs, qui est un droit pour l’ensemble d’entre eux, quels qu’ils soient.
    Ensuite, nous vivons dans des sociétés qui promeuvent peut-être trop l’argent roi et identifient la réussite à l’accumulation de richesses. Cela ne concerne pas seulement les gangsters et les voyous, mais aussi une grande partie de la population –⁠ je pense notamment aux actionnaires. Je vous invite à réfléchir au modèle que nous souhaitons promouvoir auprès des jeunes gens.

    (L’amendement no 42 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 427.

    Mme Ségolène Amiot

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    Nous nous opposons à l’article 10, qui tend à alourdir les peines. Je voudrais profiter de cette occasion pour insister sur la notion de prévention. Prévenir nous coûtera toujours –⁠ toujours – moins cher que guérir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela signifie qu’il faut apporter des réponses pour améliorer la sécurité du logement, de l’alimentation et de l’éducation, et aussi apporter des solutions aux jeunes. L’enquête en cours sur l’aide sociale à l’enfance montre que les jeunes confiés à l’État sont les premières cibles des trafics de drogue et d’êtres humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Ayda Hadizadeh applaudit aussi.)
    Il est grand temps d’ouvrir les yeux et de consacrer enfin les moyens nécessaires, humains et financiers, pour accompagner ces jeunes et accueillir les mineurs non accompagnés (MNA).
    Offrons-leur de véritables possibilités et un accompagnement digne de ce nom, au lieu de les laisser devenir les proies des trafiquants, au seuil d’une vie qui s’annonce bien mal partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Bravo !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Si vous voulez lutter contre l’exploitation des MNA et des mineurs en général, contre le trafic de drogue et les groupes qui recrutent sur les réseaux sociaux, votez cet article.
    L’amendement de suppression du deuxième alinéa, comme l’amendement de suppression de l’article en entier, n’a aucun sens si l’on suit l’argument que vous venez de défendre.

    Mme Ségolène Amiot

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    Encore une fois, où met-on les moyens ?

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Dessigny, je suis au regret de vous dire que cela ne change rien. L’article, dans sa rédaction actuelle, punira de la même façon des infractions qui existent et sont déjà punies.
    Nous profitons du temps qui nous est donné pour aborder un sujet dont nous n’avons pas pu parler à d’autres moments du texte : la protection des mineurs.
    Il y a plusieurs manières de les protéger : il faut leur éviter d’entrer dans le trafic, comme je le disais tout à l’heure, et de consommer des stupéfiants.
    J’ai entendu l’argument qui nous était opposé sur la légalisation du cannabis. Je ne cesse de vous répéter que celle-ci est précisément le moyen de faire de la prévention.
    C’est le cas pour l’alcool. Les politiques de prévention de la consommation d’alcool ont montré leur efficacité : la consommation d’alcool baisse dans notre pays. Nous pouvons nous en féliciter.
    Pour l’instant, vos politiques de répression ne fonctionnent pas. Elles produisent même l’effet inverse : il y a eu une augmentation de la consommation de stupéfiants.
    Connectez ces deux idées : puisque nous parvenons à faire diminuer la consommation d’alcool en le légalisant, nous pourrions nous inspirer des légalisations réussies dans d’autres pays –⁠ car il y en a aussi qui ont échoué, provoquant une augmentation de la consommation. Ce n’est pas notre objectif : nous voulons faire baisser celle-ci.

    (L’amendement no 427 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 428.

    Mme Élisa Martin

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    L’amendement tend à supprimer les alinéas 3 et 4 qui visent la publication, sur les plateformes numériques, d’offres incitant à entrer dans le trafic de stupéfiants.
    Ces plateformes, je le rappelle, ne s’adressent pas spécifiquement aux mineurs et, par ailleurs, le fait d’entraîner des mineurs dans le trafic de stupéfiants est déjà réprimé. En faisant preuve d’une sévérité échevelée, on se donne l’illusion d’agir, mais ce n’est pas le cas : on réprime sans faire aucune prévention.
    Faut-il rappeler que les collectivités locales auront 7,5 milliards d’euros de moins cette année ? Cela réduit les moyens des conseils départementaux, en charge de l’aide sociale à l’enfance. Nous avons besoin d’une école solide, qui donne des perspectives. Sans doute parce qu’ils sont un peu malheureux, les Français font moins d’enfants, et le nombre d’enfants par classe baisse. Profitons-en pour limiter le nombre d’élèves par classe, plutôt que de supprimer des postes d’enseignants.
    Enfin, il faut prêter attention à ce qui se passe dans les quartiers pour mineurs qui, malheureusement, sont plutôt des lieux d’apprentissage de la voyouterie que des lieux de réinsertion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Cela fait une semaine que l’on entend M. Léaument faire l’apologie de la consommation du cannabis dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Élisa Martin

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    N’importe quoi !

    Mme Ségolène Amiot

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    Nous venons de dire exactement le contraire !

    M. Olivier Marleix

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    Si, à travers sa légalisation.
    Vous nous racontez matin, midi et soir qu’il faut légaliser pour éviter les trafics. Avez-vous déjà vu les conséquences d’une consommation régulière de cannabis chez des gamins de 12, 13, 14 ou 15 ans ?

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Et de la consommation d’alcool ?

    M. Olivier Marleix

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    Avez-vous déjà vu les drames que cela provoque ? Troubles psychiques, crises de démence, troubles de l’attention à l’école : tout cela est très grave.

    Mme Ségolène Amiot

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    En effet !

    M. Olivier Marleix

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    J’entends le parallèle avec l’alcool, mais je voudrais juste vous rappeler, monsieur Léaument, que l’alcool est interdit à la vente aux jeunes de moins de 18 ans. Alors, arrêtez de faire l’apologie de la consommation et de la vente libre du cannabis. Merci pour nos jeunes !

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Marleix, je crois que vous ne m’avez pas compris. Si vous m’avez une seule fois entendu faire la promotion du cannabis, j’attends que vous me rapportiez ces propos. Je n’ai jamais, de quelque manière que ce soit, fait la promotion de la consommation de cannabis, de cocaïne, de MDMA ou d’alcool. C’est l’exact inverse que je fais, et la grande différence entre ce côté-ci de l’hémicycle et le côté opposé, c’est que moi, quand je vous parle de prévention, je parle aussi de la prévention concernant l’alcool. En revanche, la semaine dernière, on a entendu Mme Le Pen nous dire que l’alcool n’est pas une drogue. Pardon, mais il y a de quoi s’arracher les cheveux ! Et c’est moi qui ne veillerais pas assez à la prévention sur le sujet ?
    En rédigeant mon rapport sur les trafics de stupéfiants, ce dont j’ai pris conscience, c’est du problème fondamental que représente l’alcool dans notre société. Or mon réflexe a été non de proposer d’interdire l’alcool, mais de m’inspirer des politiques de lutte contre l’alcool et le tabac pour faire baisser la consommation de stupéfiants. J’ai bien dit « baisser la consommation de stupéfiants ». Je n’en fais certainement pas la promotion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et si vous aviez lu mon rapport, ce que vous n’avez pas fait, vous sauriez que j’y ai écrit que la consommation de cannabis est particulièrement dangereuse avant 25 ans.
    Vous faites confiance aux dealers pour faire de la prévention ? Moi, non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. –⁠ Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.) Moi, je fais confiance à l’État, à des magasins d’État, où le cannabis serait interdit à la vente avant 18 ans. Et, entre 18 et 25 ans, je ferais confiance à l’État et aux jeunes eux-mêmes, qui sont capable de comprendre que c’est dangereux pour eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Voilà comment on peut faire baisser la consommation de drogue dans le pays. Et il faudra aussi faire baisser la consommation d’alcool.

    (L’amendement no 428 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l’amendement no 450.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Monsieur Léaument, vous n’avez peut-être pas fait la promotion du cannabis de manière directe…

    M. Antoine Léaument

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    Ah !

    M. Jocelyn Dessigny

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    …et vous venez de dire que vous ne faites pas confiance aux dealers pour faire de la prévention. Pourtant, certains de vos collègues disent qu’il faut légaliser le cannabis et donner aux dealers qui vendent aujourd’hui de la drogue de manière illégale la clé des boutiques où l’on vendra de la drogue à l’avenir. Si vous ne leur faites pas confiance aujourd’hui, leur ferez-vous confiance demain, quand la vente sera légalisée ? Nous, nous ne leur faisons pas du tout confiance, ni pour aujourd’hui, ni pour demain. C’est pourquoi nous sommes opposés à votre façon de voir les choses. Le fait que la consommation de cannabis soit interdite et qu’il n’existe pas de points de vente est ce qui empêche les mineurs de s’en procurer.

    Mme Ségolène Amiot

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    C’est l’inverse !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous pensez peut-être qu’il est préférable qu’ils aillent directement en chercher chez les dealers qui, demain, bénéficieront d’un point de vente ; ce n’est pas notre position.

    Mme Sandra Regol

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    Ce n’est pas du tout ce que nous disons !

    M. Jocelyn Dessigny

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    J’en viens à mon amendement, qui vise à combler une faille dans notre arsenal législatif. Il importe de cibler un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur : l’utilisation des plateformes et des réseaux sociaux pour pousser des mineurs à participer à des trafics de stupéfiants. Il faut vous mettre à la page : les mineurs sont les premiers utilisateurs des réseaux sociaux. Or les annonces qui y sont publiées visent principalement les mineurs et les MNA, que vos copains des ONG et les passeurs, qui font de la traite d’êtres humains, envoient directement dans les mains des dealers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Allez !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Avis favorable. Je pense que c’est une bonne chose que de faire explicitement référence aux réseaux sociaux. Il faut nommer clairement les choses.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je m’en remettrai, sur cet amendement, à la sagesse de l’Assemblée nationale.
    J’aimerais revenir sur le débat précédent, pour que ceux qui nous écoutent –⁠ certainement nombreux, en ce lundi après-midi – ne croient pas que le gouvernement –⁠ ou moi-même – n’ait rien à dire sur la légalisation du cannabis. Vous savez, monsieur Léaument, que j’y suis absolument opposé, mais cette question n’a pas de rapport avec le texte. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.)
    M. Léaument a fait de la publicité pour le rapport qu’il a rédigé avec son collègue Ludovic Mendes, et je le salue, comme tous les rapports parlementaires. Vous m’en avez envoyé un exemplaire dédicacé, monsieur Léaument, et je vous en remercie : il est sur mon bureau. Mais je maintiens que cette question n’a pas de lien avec le texte en discussion. Si le groupe LFI-NFP ou un autre souhaite débattre des avantages de la légalisation du cannabis, il peut déposer une proposition de loi sur le sujet ou demander la tenue d’un débat : le gouvernement y est tout à fait prêt.
    Il se trouve que les sénateurs qui ont déposé la présente proposition de loi ont fait le choix de se concentrer sur le haut du spectre. Ce n’est pas le gouvernement qui a décidé d’en restreindre le champ. La consommation est une autre question. Les parlementaires sont évidemment libres d’aborder tous les sujets qu’ils souhaitent, mais le gouvernement ne prendra pas part à cette discussion, parce qu’elle n’a rien à voir avec ce texte et les dispositions qu’il contient.

    M. le président

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    La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Monsieur le ministre, il est effectivement nécessaire de s’attaquer au piège du narcotrafic par le haut –⁠ et je rappelle que cette proposition de loi émane notamment des sénateurs socialistes – mais si nous voulons vraiment détruire le piège du narcotrafic, il faut casser le monopole des dealers, le leur retirer. Des pays développés, partenaires, alliés du nôtre ont mené cette réflexion jusqu’au bout et sont sortis de l’opposition stérile entre partisans de la prohibition et tenants du laxisme –⁠ ce qui n’est pas notre position.
    Qu’est-ce que la drogue ? Un produit qui modifie le comportement et crée une addiction. Nous pouvons tous passer en revue ce qui crée une addiction chez nous. Les écrans peuvent par exemple constituer une drogue. Il faut que nous fassions évoluer notre société sur cette question de l’addiction.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Peut-on s’en tenir au texte ?

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Oui, le cannabis est une drogue, mais ce n’est pas en poursuivant dans la voie de la prohibition que l’on pourra remédier au mal. C’est pourquoi nous vous invitons, à la faveur de cette proposition de loi…

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Ayda Hadizadeh

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    …à aller au bout de cette réflexion et à retirer vos œillères : regardez ce qui se passe ailleurs. L’Allemagne et le Canada, qui sont de grands pays, sont allés dans cette voie. (Mme Ségolène Amiot applaudit.) Ils ont poussé la réflexion jusqu’au bout et organisé un monopole d’État.
    Nous, à la gauche de l’hémicycle, nous faisons confiance à l’État pour reprendre le contrôle, casser le monopole des dealers et ainsi sortir notre pays du piège du narcotrafic. (M. Roger Vicot applaudit.)

    M. Antoine Léaument

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    Vive l’État !

    M. le président

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    Je vous invite à vous en tenir au contenu des amendements.

    (L’amendement no 450 est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 44 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    J’aimerais revenir sur la légalisation du cannabis. Je tiens à préciser que personne ici ne promeut la consommation de cannabis. Si nous pensons qu’il faut légaliser, c’est d’abord et avant tout pour des raisons de santé publique, dimension que l’on a tendance à oublier quand on parle de la lutte contre le trafic. Les produits que les jeunes consomment de nos jours sont coupés avec des pneus de voiture et beaucoup de substances très nocives. La question de la légalisation est donc directement liée à celle de la santé publique et de la nature des produits consommés.
    Le Québec a fait un choix totalement différent du nôtre, puisque c’est l’État qui y accorde les droits d’exploitation, que la vente du cannabis y est totalement contrôlée et qu’elle se fait en toute transparence. On ne peut pas dire que les choses dysfonctionnent dans les États qui se sont engagés dans cette voie.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Monsieur le président, ce n’est pas le sujet !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Monsieur le garde des sceaux, contrairement à ce que vous dites, il y a bien un lien entre la question de la légalisation et cette proposition de loi.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Bien sûr que non !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce que disent les sénateurs, c’est qu’il faut taper les trafiquants au portefeuille, c’est-à-dire assécher les réseaux dans les quartiers.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Mais ils n’appellent pas à légaliser !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Or la légalisation du cannabis permettrait justement d’assécher ces réseaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous dites qu’il faut taper les trafiquants au portefeuille mais, depuis une semaine, à chaque fois que des amendements ont proposé de lutter contre le blanchiment d’argent et contre la prolifération des points de deal, vous vous êtes abstenus ou vous avez voté contre.

    Mme Sabrina Sebaihi et Mme Sandra Regol

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    Nous les avons votés !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous dites qu’il faut lutter contre le blanchiment d’argent…

    Mme Sandra Regol

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    Arrêtez de réécrire la réalité. Nous les avons votés !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Madame Regol, si vous pouviez me laisser parler…

    M. le président

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    Seul M. Dessigny a la parole. Je vous invite d’ailleurs à vous en tenir à l’amendement, cher collègue.

    M. Jocelyn Dessigny

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    On ne peut pas dire tout et n’importe quoi. On ne peut pas dire qu’il faut couper l’argent aux trafiquants et rejeter toutes les dispositions qui, depuis une semaine, visent à assécher les réseaux des narcotrafiquants. Vous avez voté contre à chaque fois.

    Mme Sandra Regol

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    Nous les avons votés ! Arrêtez de mentir !

    (L’amendement no 44 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 10, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                24

    (L’article 10, amendé, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je reprends la parole rapidement, parce que je ne voudrais pas que l’on croie que seuls les arguments en faveur de la légalisation ont droit de cité dans cet hémicycle. Madame Sebaihi, ce n’est pas moi qui ai jugé que ce texte n’avait aucun lien avec la question de la consommation : ce sont les deux assemblées, qui ont jugé les amendements déposés en ce sens, notamment ceux de M. Léaument, irrecevables. Le gouvernement reste à sa place et je ne me permettrais pas de remettre en cause la présidence de la commission des lois, ni celle de l’Assemblée nationale, quant à la recevabilité des amendements.
    Cette proposition de loi a aussi été imaginée par le groupe socialiste du Sénat, notamment par M. Jérôme Durain, qui a refusé –⁠ M. Buffet vous le confirmera – d’y inclure les questions relatives à la consommation et à la légalisation. Au groupe Socialistes, qui me reproche de ne pas parler de ces questions, je répondrai donc qu’il fallait les intégrer dans la proposition de loi initiale.
    Je veux dire aussi à M. Dessigny que tous les groupes politiques ont participé de façon intelligente à ce débat, depuis une semaine. Cela a d’ailleurs été salué en conférence des présidents. Tout le monde a contribué au débat : le groupe Rassemblement national, bien sûr, mais je veux aussi saluer le groupe Écologistes, qui a non seulement voté de nombreuses dispositions, mais aussi déposé des amendements que le gouvernement a acceptés.

    Mme Élisa Martin

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    Nous avons été sages comme des images.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je n’irai pas jusque-là, madame Martin, mais je crois que, d’une manière générale, tout le monde travaille correctement sur ce texte. Et le gouvernement ne fuit pas les débats : c’est votre assemblée elle-même qui n’a pas voulu qu’il porte sur la légalisation.

    Après l’article 10

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 10.
    L’amendement no 36 de M. Fabien Di Filippo est défendu.

    (L’amendement no 36, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 291 et 895, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 291 de Mme Pascale Bordes est défendu.
    La parole est à M. Olivier Fayssat, pour soutenir l’amendement no 895.

    M. Olivier Fayssat

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    Selon un vieil axiome, ce n’est pas la gravité de la peine qui dissuade, mais la certitude qu’elle sera appliquée. C’est pourquoi je soutiens cet amendement, dû à Éric Ciotti : s’agissant d’un problème si grave, qui fait tant de victimes, les peines planchers vont dans le bon sens.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Nous avons abordé ce point en commission des lois. Je suis favorable au principe des peines planchers, instaurées par Rachida Dati sous la présidence de Nicolas Sarkozy et supprimées sous celle de François Hollande. Néanmoins, comme cela a été dit, nous ne pouvons traiter le sujet au détour d’un amendement…

    Mme Sandra Regol

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    En effet !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    …dans le cadre de l’examen d’un texte consacré à la lutte contre le narcotrafic –⁠ d’autant qu’une proposition de loi portant sur les peines planchers sera soumise mercredi à notre commission, ce qui entraînera des auditions, des débats, un approfondissement du sujet. Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.

    M. Antoine Léaument

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    Que dit le parquet des peines planchers ?

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Cette série d’amendements issus de la droite et de l’extrême droite n’a rien qui nous surprenne : le no 36 visait ainsi, pour certains crimes ou délits, à abaisser à 16 ans la majorité pénale, c’est-à-dire à déroger à l’ordonnance du 2 février 1945, que le gouvernement ne cesse, depuis sept ans, de détricoter. Depuis l’époque de Rachida Dati, tout le monde sait que les peines planchers ne servent à rien : aucun rapport du ministère de la justice n’en a jamais établi l’utilité. Lisez, en revanche, le rapport d’information sur l’évaluation de l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, dû à nos collègues Antoine Léaument et Ludovic Mendes ! La direction générale de la police nationale (DGPN) affirme que les mineurs employés comme petites mains sont vulnérables, parfois contraints, voire victimes d’une violence extrême ; la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) que, s’ils sortent des réseaux, ils peuvent faire l’objet d’actes de torture et de barbarie dont l’éloignement géographique ne suffit pas à les protéger.
    Les mineurs sont donc victimes, et non auteurs, du trafic de stupéfiants, dans lequel des individus peu recommandables les impliquent précisément en raison de leur vulnérabilité, de leur malléabilité et du fait qu’ils n’encourent pas les mêmes peines que les adultes. Nous vous conseillons donc de les protéger : ce gouvernement si enclin à réprimer les enfants,…

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oh !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …au lieu de mettre des mois à nommer à la tête du haut-commissariat à l’enfance une proche de M. Bayrou, d’ailleurs muette au sujet de l’institution Notre-Dame de Bétharram (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), aurait pu en faire une instance qui soit à la hauteur de sa tâche, octroyer plus de moyens à l’aide sociale à l’enfance et surtout renoncer à la proposition de loi de M. Attal visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, contre laquelle de nombreux officiers de la PJJ manifesteront demain ! (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Si nous ne rétablissons pas les peines planchers, ce que nous sommes en train de faire ne servira à rien.

    Mme Sandra Regol

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    Oh !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Pour sortir la France du piège du narcotrafic, il faut des mesures fortes : celle-ci est primordiale. Tout individu arrêté pour trafic de drogue devrait avoir l’assurance d’être incarcéré, le cas échéant dans un quartier sécurisé, c’est-à-dire justement de sortir du réseau. À nos collègues de gauche, je réponds que ce serait là le meilleur moyen de protéger les mineurs des narcotrafiquants. Nous les sortirons de la rue en les envoyant en prison, où est leur place.

    M. Antoine Léaument

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    La prison, ça va les protéger ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Car, contrairement à M. Léaument qui, en commission, qualifiait de victime le porte-flingue d’un chef mafieux, nous estimons que le vendeur de drogue est un délinquant, l’assassin un criminel, et que leur place est en prison. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    (Les amendements nos 291 et 895, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Martin, pour soutenir l’amendement no 41.

    Mme Alexandra Martin

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    Si la législation sanctionne le fait de provoquer un mineur à consommer des stupéfiants, il serait essentiel d’inclure dans cette infraction les manipulations ou pressions en ce sens. Cette extension de la répression permettrait de répondre à l’évolution des pratiques criminelles qui, bien souvent, ne consistent plus en une simple incitation. L’usage de drogues chez les jeunes constitue un problème sanitaire et social grave : un adolescent contraint d’adopter ce comportement destructeur peut se retrouver dans une situation de vulnérabilité qui facilite en retour son exploitation par des réseaux de trafic de stupéfiants. Il s’agit donc de prévenir à la fois la banalisation de la consommation et l’entrée dans des circuits criminels.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du gouvernement.

    M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Les choses vont loin : de la même manière, M. Dessigny nous expliquait à l’instant que, si un mineur commettait un acte délictuel, il convenait, pour le protéger, de l’envoyer en prison –⁠ autant dire à l’école du crime, l’endroit le plus favorable aux mauvaises rencontres. Lorsque nous nous opposons à certaines mesures carcérales, c’est précisément parce qu’elles sont de nature à encourager la récidive plutôt que la sortie de la délinquance ou de la criminalité. Sur ce point, vous êtes un peu à côté de la plaque !
    Par ailleurs, avez-vous entendu parler de l’article 227-19 du code pénal, qui dispose que le fait de provoquer un mineur à consommer de l’alcool sera puni ? Si nous suivons votre raisonnement, nous en viendrons à considérer les jeunes de 16 à 18 ans comme des adultes et à ne plus leur appliquer aucune disposition visant à protéger les mineurs. Or, par définition, ces derniers ne sont pas des adultes, mais des adultes en formation ; c’est pourquoi il vaut mieux les protéger que les punir, ce qui est déjà possible, bien que ce ne soit pas très efficace.

    M. Emeric Salmon

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    Pourquoi voulez-vous leur donner le droit de vote, alors ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Martin.

    Mme Alexandra Martin

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    Je ne sais pas qui est à côté de la plaque. Cet amendement ne vise aucunement à mettre des mineurs en prison, mais à punir les criminels qui, afin de les utiliser, les manipulent ou les contraignent à faire usage de stupéfiants. Il fallait écouter ! (Mme Katiana Levavasseur applaudit.)

    (L’amendement no 41 est adopté.)

    Article 10 bis

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous proposerons la suppression pure et simple de l’article, qui, s’il traite d’un régime d’exception, ne s’en attaque pas moins à l’un des fondements de notre droit pénal : la non-confusion des peines.
    Premièrement, la dérogation ne concernerait pas seulement les infractions ayant trait à la criminalité organisée –⁠ proxénétisme aggravé, trafic de stupéfiants –, mais aussi la destruction de biens en bande organisée. Pas besoin d’être grand clerc pour penser aux mégabassines,…

    M. Emeric Salmon

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    Oui, très bien !

    Mme Élisa Martin

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    …ce qui signifie que des militants pourraient se voir soumis à ce régime de cumul.
    Deuxièmement, la logique consistant à alourdir les peines, bien que faisant croire à la population que l’on traite les problèmes à la racine, demeure inefficace. En matière de trafic de stupéfiants, elle ne sera d’aucun secours, puisque les voyous ne consultent pas, avant d’agir, le code de procédure pénale. Elle soulève en revanche la question de ce qui se passe dans nos prisons, qui servent plutôt à l’apprentissage du crime, et de la manière d’organiser une sortie qui ne débouche pas sur une récidive.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Tout en concevant le mobile du dispositif, soit la crainte d’une trop grande tolérance envers les récidivistes, le groupe Écologiste et social s’interroge sur les personnes visées. D’une part, le principe d’individualisation et de progressivité des peines s’estompe ; d’autre part, nous en revenons à la question centrale : voulons-nous lutter contre le haut du spectre, afin de démanteler des réseaux entiers, ou continuer de cibler le bas, ce qui est certes nécessaire, mais entraîne seulement le remplacement des individus en cause à mesure qu’ils sont arrêtés ? En outre, comme cela a été dit à plusieurs reprises, nos prisons, pour beaucoup de jeunes incarcérés pour la première fois, sont devenues une sorte d’université du grand banditisme ; M. le garde des sceaux prévoit de créer des superprisons, mais les personnes relevant de cet article n’y seront pas forcément détenues et passeront donc d’autant plus de temps au sein du système pénitentiaire classique.
    Alors que nous voulons que la punition serve, c’est-à-dire que la prison permette de sortir certains individus du cycle de la délinquance, de la violence, et que la société aille mieux, il y a fort à parier que le cumul des peines, en allongeant la détention, aggravera au contraire la situation et enkystera certains intéressés dans le banditisme.
    Faute de temps, je ne m’étendrai pas sur le risque d’une justice expéditive ; reste que cet article tend une nouvelle fois à instaurer, au lieu d’un régime de justice, un régime d’exception.

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 29, 384, 430 et 758, tendant à supprimer l’article 10 bis.
    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 29.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Le garde des sceaux citait tout à l’heure son fils de 4 ans : mon père de 70 ans a coutume de dire que nous ne sommes pas ici aux États-Unis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandra Regol applaudit également.) En effet, l’article 10 bis prévoit bel et bien de revenir sur le principe de non-cumul des peines, inhérent à notre droit pénal, car il rend la sanction claire et permet la réinsertion. Cette mesure dangereuse serait prise par la petite porte, sans étude d’impact, donc sans possibilité pour nous d’étudier les conséquences de la dérogation ; j’entends dire que, s’agissant de crime organisé, tout plafonnement deviendrait superfétatoire. Au pire, l’article est démago, au mieux, il ne servira à rien. C’est pourquoi nous demandons sa suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 384.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il vise également à supprimer l’article 10 bis qui déroge aux règles de plafonnement des peines prononcées pour les infractions commises en concours et liées à la criminalité organisée. Ledit article prévoit en effet que les peines puissent être cumulées, dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle.
    En l’état du droit, les peines prononcées dans le cadre de procédures séparées sont cumulables, dans la limite du maximum légal le plus élevé. Ce principe traduit une double visée de la sanction pénale : d’une part, sanctionner et éloigner la personne condamnée de la société et, d’autre part, lui permettre de se réintégrer à l’issue de sa peine.
    Or l’article 10 bis prévoit, j’y insiste, qu’en cas d’infraction relevant de la criminalité organisée et commise en concours, les peines se cumulent entre elles, dans la limite du maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Si cet article prévoit bien, malgré le cumul, un maximum légal –⁠ fixé à trente ans d’emprisonnement, sauf lorsque la perpétuité est encourue –, rien ne saurait justifier une telle entorse à un principe fondamental du droit pénal, que le garde des sceaux est censé garantir –⁠ malheureusement, celui-ci vient de sortir.
    Par ailleurs, si la lutte contre le trafic de stupéfiants à grande échelle justifie que des moyens soient accordés à la justice, ce ne doit pas être au détriment des principes qui garantissent les droits les plus fondamentaux. L’article 10 bis créerait un précédent de nature à altérer profondément notre système de peines et, plus largement, notre conception de la justice. (M. Stéphane Peu et Mme Sandra Regol applaudissent.)

    M. le président

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    Sur les amendements identiques nos 29, 384, 430 et 758, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 430.

    Mme Élisa Martin

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    Vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère, d’autant qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact ! Revenir sur un principe aussi fondamental du droit pénal sans en mesurer correctement les effets nous paraît un peu léger.
    Permettez-moi de terminer mon propos précédent : ce qui est primordial, c’est de préparer la sortie de prison et la réinsertion des détenus. Or chaque conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation gère en moyenne 130 dossiers –⁠ parfois davantage. Un dossier, cela signifie un individu et une situation particulière. Voilà ce qu’il en est de l’accompagnement des prisonniers en France ! C’est donc à cette réalité qu’il convient de s’attaquer si nous voulons redonner du sens à la peine et créer les conditions de nature à éviter la récidive. Nous résoudrons les problèmes liés au trafic de stupéfiants non pas en autorisant le cumul des peines jusqu’à plusieurs dizaines d’années de prison, mais en investissant le temps de la détention –⁠ qui ne doit être qu’un temps de privation de liberté – afin de créer de bonnes conditions de sortie. Or, avec 130 dossiers par conseiller, ce n’est pas possible. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    M. le président

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    L’amendement no 758 de M. Sacha Houlié est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    La commission, qui a débattu longuement de ce sujet, a émis un avis défavorable sur les amendements de suppression. Les trafiquants bénéficient d’un effet d’aubaine…

    Mme Élisa Martin

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    Un effet d’aubaine ? C’est délirant !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    …et nous devons trouver les leviers pour lutter contre. Lorsqu’un détenu continue à commettre des infractions, il est normal qu’il soit plus sévèrement puni.
    En revanche, je reconnais que le champ d’application de l’article 10 bis est trop large dans sa rédaction actuelle,…

    Mme Élisa Martin

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    Oui !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    …puisqu’il ne vise pas uniquement les criminels qui commettent de nouvelles infractions lors de la détention. C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement no 585, que nous examinerons tout à l’heure, pour restreindre son application aux seuls cas des personnes condamnées et détenues, afin de cibler avec précision le problème relevé par le Sénat.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Emeric Salmon.

    M. Emeric Salmon

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    L’article 10 bis est très bien. Comme l’a rappelé notre collègue Dessigny, notre objectif est d’écarter le plus longtemps possible les délinquants et les criminels qui profitent du narcotrafic. C’est pourquoi nous voterons contre les amendements de suppression de l’article. Permettez-moi néanmoins de rassurer nos collègues de la gauche : l’alinéa 4 prévoit déjà que le juge peut, par une décision motivée, décider de ne pas appliquer le présent article. Il y a donc des garanties. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 29, 384, 430 et 758.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        91
            Nombre de suffrages exprimés                91
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                37
                    Contre                54

    (Les amendements identiques nos 29, 384, 430 et 758 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Michaël Taverne

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    Il vise à étendre le principe de l’article 10 bis, qui concerne pour l’heure les crimes ou les délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale –⁠ travail dissimulé, blanchiment ou escroquerie en bande organisée – aux délits d’association de malfaiteurs et aux crimes et délits commis en bande organisée, mentionnés à l’article 706-74 du même code. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. Emeric Salmon

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    Ce n’est pas gentil !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Si cet amendement était adopté, nous basculerions dans un autre régime, puisque tout serait prétexte à des cumuls de peines ! Pour rebondir sur l’excellente intervention de ma collègue Léa Balage El Mariky, nous en arriverions à un système carcéral à l’américaine, qui est tout sauf enviable et dont nous connaissons les nombreux travers, les obsessions et les biais sociologiques, dont les pauvres sont les premiers à pâtir. Cela poserait d’autant plus problème que, comme je le soulignais tout à l’heure, ce n’est pas le haut du spectre qui est visé ici, mais le bas. Nous retrouverions donc ces individus non pas dans les prisons spéciales imaginées par le garde des sceaux, mais dans les établissements classiques, avec tous les effets pervers d’embrigadement et d’entraînement que nous connaissons. Il s’agit donc d’un amendement très dangereux pour le droit et pour l’avenir.

    M. le président

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    Je vous informe que je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 585, par le groupe Ensemble pour la République et sur l’amendement n° 340, par le groupe Écologiste et social.
    Je suis également saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 10 bis, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    J’aimerais simplement poser une question à nos collègues de la gauche et de l’extrême gauche : vous intéressez-vous à la sécurité des Français ? (Mme Mathilde Panot s’exclame.)

    Un député du groupe RN

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    Non !

    M. Michaël Taverne

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    En effet, depuis le début de l’examen du texte, vous parlez du haut du spectre et des quartiers de haute sécurité et vous vous opposez à tout –⁠ ce n’est pas compliqué ! Par conséquent, êtes-vous vraiment intéressés par la sécurité des Français ? Il est bien question ici du haut du spectre, puisque nous parlons des organisations criminelles. Vous citez le trafic de stupéfiants, mais il y a aussi le trafic d’armes, le blanchiment d’argent, la séquestration, les assassinats. Si vous critiquez la prison simplement pour préserver la société, c’est problématique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Mathilde Panot

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    Voici une contribution très importante au débat.

    (L’amendement no 10 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 585.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je l’ai déjà présenté tout à l’heure : il s’agit de limiter le champ d’application de l’article 10 bis aux criminels et aux condamnés déjà emprisonnés, afin de resserrer le dispositif et d’éviter une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Nous étions dubitatifs sur l’article 10 bis proposé par le Sénat, notamment en vertu du principe de non-confusion des peines qui reste une tradition pénale en France. Néanmoins, l’amendement du rapporteur, qui vise à en limiter le champ d’application aux individus poursuivant leur trafic alors qu’ils sont emprisonnés, nous convient parfaitement. Étant favorables à cette exception, nous voterons en faveur de l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    J’aimerais savoir si la sécurité des Français intéresse le Rassemblement national. (Rires sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    Oui !

    M. Antoine Léaument

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    Vous ne proposez que des mesures qui sont inefficaces pour ce faire ! D’ailleurs, la politique appliquée est à peu près la vôtre…

    M. Emeric Salmon

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    Nous n’avons jamais été au pouvoir !

    M. Antoine Léaument

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    …et elle est inefficace pour assurer la sécurité des Français ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) En ce qui nous concerne, nous n’avons cessé de formuler des propositions afin de garantir la sécurité des Français. Premièrement, quels sont les moyens de la police judiciaire ? Où sont les 2 500 postes manquants ? Deuxièmement, à quand un logiciel fonctionnel pour la police nationale ? Après huit ans de travail et 15 millions d’euros accordés à Capgemini, il n’y en a toujours pas –⁠ c’est votre bilan, monsieur Darmanin. Troisièmement, qu’en est-il du logiciel Cassiopée pour la justice, qui ne fonctionne pas ? Qu’en est-il de tous ces éléments qui permettraient d’assurer la sécurité des Français ?
    Par ailleurs, notre vision de la sécurité est bien plus large que la vôtre : pour vous, la sécurité se résume à celle des corps et des biens, alors que, pour nous, elle englobe la notion de sûreté, c’est-à-dire la défense des libertés –⁠ il ne s’agit pas seulement de défendre les corps.
    Comme je l’ai déjà rappelé, les deux statues qui ornent cet hémicycle, l’Ordre public et la Liberté, devraient vous conduire à réfléchir. Notre devoir de législateurs est d’assurer l’équilibre entre les deux. Or depuis le début de l’examen du texte, vous laissez la statue de la Liberté partir dans le décor ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Nous, nous la défendrons toujours ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 585.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        102
            Nombre de suffrages exprimés                93
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                63
                    Contre                30

    (L’amendement no 585 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 340 et 45 tombent.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 10 bis, tel qu’il a été amdendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        100
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                62
                    Contre                38

    (L’article 10 bis, amendé, est adopté.)

    Après l’article 10 bis

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 375 et 630 rectifié, portant article additionnel après l’article 10 bis et pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 630 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement.
    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 375.

    M. Michaël Taverne

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    Les masques vont tomber. (« Ah ! » sur divers bancs.) En effet, cet amendement vise à expulser les délinquants étrangers qui ont commis un délit passible d’au moins dix ans d’emprisonnement ou pour qui une réclusion criminelle est envisagée.
    Le Rassemblement national réclame, depuis des années, l’expulsion des délinquants étrangers –⁠ et, désormais, certains essaient de nous copier. À chaque fois qu’il y a eu des propositions de loi en ce sens, cet hémicycle s’y est opposé, alors que 90 % des pays dans le monde expulsent leurs délinquants étrangers. Cet amendement est donc crucial puisqu’il répond à une préoccupation partagée par une très grande majorité de Français. Il y a ceux qui en parlent et ceux qui le proposent et sont prêts à le voter ! C’est pourquoi cet amendement permettra de faire tomber les masques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Sur l’amendement n° 375, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 630 rectifié, qui fait l’objet du sous-amendement no 989 de M. le rapporteur.

    M. Olivier Marleix

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    Il vise à renforcer la gravité des sanctions à l’égard des étrangers qui se livrent au trafic de stupéfiants sur le sol français, en instaurant une automaticité de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Celle-ci peut déjà être prononcée, mais nous proposons qu’elle soit désormais automatique, sauf exception motivée par le juge, pour respecter le principe d’individualisation de la peine.

    M. le président

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    Le sous-amendement no 989 de M. Éric Pauget, rapporteur, est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Comme je l’avais indiqué en commission, sur le principe, je suis favorable à l’interdiction du territoire français (ITF). Cette peine existe déjà dans notre droit, mais elle n’est pas prononcée automatiquement, même si elle l’est assez régulièrement. En l’espèce, le sujet n’est pas tant celui de la nature de la peine que de son automaticité.
    L’amendement de M. Taverne, tel qu’il est rédigé, est moins sûr, du point de vue juridique, que celui de M. Marleix. Si l’on veut imposer l’automaticité, il faudra passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel mais aussi des juridictions qui peuvent contrôler la conformité de la loi aux conventions européennes. On peut le déplorer, et vous savez que je suis favorable à une révision de la Constitution sur ce point, mais en l’état de notre droit, si on ne sécurise pas cet amendement, il ne sera pas applicable. Je vous propose par conséquent de le retirer au profit de celui de M. Marleix, sous-amendé par mes soins, qui est totalement sécurisé.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    Sur les amendements nos 744, 11 et 12, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Au-delà de ces amendements, nous nous interrogeons, plus généralement, sur la notion d’automaticité. L’ITF est une peine complémentaire qui peut être prononcée par les magistrats. Laissons-les juges de l’opportunité d’une telle sanction. Je vous le dis sincèrement, ces amendements partagés entre le Front national, la droite et la Macronie…

    M. Emeric Salmon

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    Le Rassemblement national !

    Mme Élisa Martin

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    …donnent le sentiment de toujours viser les mêmes.

    M. Emeric Salmon

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    Les coupables, ce sont toujours les mêmes !

    M. Sébastien Humbert

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    Les délinquants !

    Mme Élisa Martin

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    Au fond de vous-mêmes, vous êtes convaincus que les inégalités sociales ou l’extrême pauvreté qui sévit dans bon nombre des territoires ne sont pour rien dans le trafic de stupéfiants et que seuls les étrangers en sont responsables. Au passage, je croyais qu’on visait le haut du panier, mais passons. Nous nous opposerons à ces amendements.

    M. Emeric Salmon

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    Sans blague !

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Je rappelle à Mme Martin qu’il ne s’agit pas de rendre automatique la peine d’interdiction du territoire pour toutes les infractions mais seulement pour les crimes et les délits punis d’au moins dix ans d’emprisonnement. C’est loin d’être une généralité.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 375.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        97
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                35
                    Contre                62

    (L’amendement no 375 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix le sous-amendement no 989.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        97
            Nombre de suffrages exprimés                67
            Majorité absolue                        34
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                41

    (Le sous-amendement no 989 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 630 rectifié est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Manon Bouquin, pour soutenir l’amendement no 744.

    Mme Manon Bouquin

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    Il tend à ce que les narcotrafiquants purgent leurs peines de prison ferme dans un centre pénitentiaire, même lorsqu’elles sont de courte durée. Actuellement, l’article 132-25 du code pénal impose que les peines d’emprisonnement de six mois ou moins soient exécutées sous un régime alternatif, par exemple la détention à domicile sous surveillance électronique.
    Toutefois, dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, cette disposition empêche d’apporter une réponse pénale pleinement dissuasive. Le trafic de drogue, qui gangrène notre pays et alimente une insécurité croissante, est souvent le fait de délinquants multirécidivistes condamnés à de courtes peines, entre un mois et un an, rarement exécutées en détention puisqu’elles sont automatiquement aménagées.
    C’est pourquoi nous proposons d’exclure les infractions liées au trafic de stupéfiants du champ d’application de l’article 132-25 du code pénal. Cette mesure, en garantissant une réelle exécution des peines en établissement pénitentiaire, sans aménagement automatique, marquerait la volonté de traiter plus fermement ces actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Éric Michoux applaudit également.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous nous opposerons à l’amendement. Comme d’habitude, nos collègues du Rassemblement national stigmatisent certaines populations en ne ciblant qu’une partie des infractions commises dans le pays. Si nous décidons de faire exécuter les courtes peines en établissement pénitentiaire, faisons-le pour toutes les infractions,…

    M. Antoine Léaument

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    Ah !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    …y compris pour la criminalité en col blanc. Dès lors, peut-être Nicolas Sarkozy aurait-il passé l’année en prison plutôt que sous bracelet électronique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Bravo !

    Mme Danielle Simonnet

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    Excellente intervention !

    M. Emeric Salmon

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    M. Sarkozy a fait du narcotrafic ? Je ne savais pas. Il est présumé innocent !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 744.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        103
            Nombre de suffrages exprimés                102
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                37
                    Contre                65

    (L’amendement no 744 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Michaël Taverne

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    Il vise à rendre automatique la révocation du sursis en cas de nouvelle infraction, lorsque la condamnation initiale a été prononcée pour trafic de stupéfiants ou association de malfaiteurs. Les Français attendent de nous beaucoup plus de sévérité –⁠ ils souhaitent que nous protégions efficacement la société contre les organisations criminelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Répétons-le, nous sommes opposés à ce que la révocation du sursis soit rendue automatique en cas de condamnation pour trafic de stupéfiants. D’abord, cette disposition retirerait aux magistrats la possibilité de procéder à une analyse fine de chaque situation alors même que l’individualisation des peines contribue à ce que la décision rendue soit juste.
    Ensuite, on en revient toujours au même point : pour vous, seule la sévérité garantit l’efficacité de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Faut-il vous rappeler que la France est à la fois le pays dont la législation est la plus sévère d’Europe et celui où la consommation de drogue est la plus importante ? C’est grâce à cette consommation que les trafiquants ont de beaux jours devant eux : c’est donc par ce biais-là qu’il faut réduire la pression.
    Enfin, je le répète, accumuler des peines de prison, particulièrement en maison d’arrêt, est contre-productif car malheureusement, compte tenu de la façon dont les séjours se déroulent, les maisons d’arrêt sont davantage des lieux d’apprentissage de la délinquance que de lutte contre la récidive.

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Je répondrai à nos collègues d’extrême gauche que la légalisation ne résout aucun problème –⁠ on le voit dans tous les pays qui en ont fait l’expérience, n’en déplaise à M. Léaument, (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP)…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est faux !

    M. Antoine Léaument

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    Donnez-nous des exemples !

    Mme Ségolène Amiot

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    Il faut arrêter !

    M. Jocelyn Dessigny

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    …le fait de sortir les gens de prison ne réglera pas le problème. Avec vous, c’est simple : il faut laisser tout le monde dehors… (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Vous n’avez rien compris !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Il ne faut surtout pas parler de double peine ou de peine minimale obligatoire. Vous oubliez qu’aujourd’hui, l’automatisation des peines et la double peine, c’est pour les victimes puisque vous laissez systématiquement les délinquants et les criminels dehors. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Nous sommes toujours du côté des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Antoine Léaument

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    Même cela, ce n’est pas vrai !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous, choisissez votre camp, camarades !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 11, qui a reçu un avis défavorable de la commission et du gouvernement.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        105
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                67

    (L’amendement no 11 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 639.

    M. Olivier Marleix

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    Par cet amendement, nous voulons répondre à un problème qui doit tous nous interpeller : on estime que dans notre pays plus de 200 000 mineurs sont impliqués dans le trafic de drogue, notamment au niveau le plus bas, celui de guetteur –⁠ 200 000 jeunes tiennent les pieds d’immeuble.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas tout à fait cela ! C’est l’ensemble !

    M. Olivier Marleix

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    L’amendement vise à aggraver les peines à l’encontre des trafiquants qui enrôlent des enfants et des adolescents dans le narcotrafic, comme autant d’enfants soldats.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    J’émettrai un avis favorable. L’exploitation des mineurs par les bandes de narcotrafiquants est une réalité. L’ajout de cette circonstance aggravante permet d’apporter une réponse pénale à ce problème majeur.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Il faut citer les bons chiffres, monsieur Marleix, mais pour cela, sans doute eût-il fallu lire mon rapport relatif au trafic de stupéfiants !

    M. Emeric Salmon

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    Le placement de produits devrait être interdit ! La publicité est interdite dans l’enceinte de l’Assemblée nationale !

    M. Antoine Léaument

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    Les 200 000 personnes, ce ne sont pas seulement les mineurs exploités, c’est le nombre total de personnes qui travailleraient dans le trafic de stupéfiants –⁠ il est toujours très difficile de connaître précisément le nombre de personnes qui travaillent dans les économies illégales. Au passage, on estime que la légalisation du cannabis permettrait de créer 80 000 emplois légaux –⁠ c’est l’une des manières de faire sortir des gens du piège du narcotrafic. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ensuite, s’agissant de la lutte contre la criminalité, je dispose de statistiques qui devraient d’autant plus vous intéresser qu’elles se rapportent au mandat de M. Macron. Entre 2017 et 2022, le taux d’élucidation des enquêtes des policiers et des gendarmes a globalement diminué. Pourquoi ? Parce que vous aviez décidé de mettre du bleu dans les rues et de mener des politiques de « sécurité » –⁠ je mets des guillemets parce qu’en réalité, elles ne créent aucune sécurité. Vous pensiez éviter les crimes en faisant descendre davantage de policiers dans les rues !
    Or ce n’est pas ainsi que l’on démantèle les réseaux ! Pour ce faire, il faut des policiers qui mènent des enquêtes, parfois depuis leur bureau ! Ce sont cela, des méthodes efficaces pour démanteler les réseaux et lutter contre le trafic d’armes et de stupéfiants. Pourquoi nous faites-vous le reproche de vos propres turpitudes ? Cela commence à bien faire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 639 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Michaël Taverne

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    Je n’ai pas fait de rappel au règlement, monsieur le président, sur l’amendement no 11 relatif à la révocation du sursis mais vous avez annoncé des avis défavorables de la commission et du gouvernement alors qu’ils étaient favorables, au contraire.
    Le présent amendement tend à exclure des réductions de peine les personnes condamnées pour trafic de stupéfiants ou association de malfaiteurs. Je le répète, les Français veulent plus de sévérité et nous devons nous montrer plus efficaces pour protéger la société. Il serait donc justifié d’adopter cet amendement de bon sens, ce qui vous permettrait de surcroît de viser le haut du spectre.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je ne suis pas opposé à l’idée mais le problème est qu’en l’état du droit, même les personnes condamnées pour terrorisme peuvent bénéficier de réductions de peine. On peut le déplorer, mais c’est ainsi.

    M. Emeric Salmon

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    C’est bien embêtant !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Dès lors, il serait incohérent de prévoir une exception pour le trafic de stupéfiants.

    M. Emeric Salmon

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    M. le ministre peut sous-amender pour adapter la mesure au terrorisme !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut j’y serais défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Je m’oppose, bien sûr, à l’amendement et m’étonne du laxisme des collègues du Rassemblement national. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il faut lire l’exposé sommaire : « Dans le cadre de la lutte menée contre le narcotrafic […], la justice se doit d’être implacable et d’une sévérité exemplaire. » Il est sous-entendu que cet impératif pèse sur la justice dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic mais pas contre les autres crimes et délits. (Mêmes mouvements.)
    Mais sur d’autres sujets, on ne vous entend pas ! Faut-il mener une lutte implacable contre les violences faites aux femmes ? Contre le racisme ? Contre le détournement de fonds publics, qui conduit parfois des candidates à l’élection présidentielle (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN)

    M. le président

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    Écoutez M. Corbière ! Vous aurez l’occasion de répondre !

    M. Alexis Corbière

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    …à faire l’objet de réquisitions qui demandent l’application de la loi, donc qu’elles soient déclarées inéligibles, parce que cela fait partie des peines prévues pour sanctionner le délit dont elles sont accusées ?
    Vous tombez dans une telle démagogie sécuritaire…

    Mme Manon Bouquin

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    C’est vous qui êtes un démagogue !

    M. Alexis Corbière

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    …que vous vous ridiculisez par cet exposé sommaire.

    M. Emeric Salmon

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    C’est vous qui êtes ridicule !

    M. Alexis Corbière

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    Tout ce que l’on entend de votre part, en creux de chacune de vos interventions, c’est l’écho d’une formule apparue au XIXe siècle : « classes laborieuses, classes dangereuses ». C’est votre seul discours ! Vous n’êtes sévères que quand il s’agit de frapper une catégorie de la population (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS),…

    M. Emeric Salmon

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    N’importe quoi ! Ce ne sont pas des travailleurs mais des délinquants !

    M. Alexis Corbière

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    …parmi laquelle se trouvent en effet des délinquants, mais vous êtes totalement silencieux lorsqu’il faut s’en prendre à ceux qui tuent chaque année plus de cent femmes, à ceux qui détournent des milliards d’euros d’argent public ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Colombier

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    On verra au moment des votes !

    M. Alexis Corbière

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    Votre silence révèle votre ligne politique : malheur au peuple, bénéfices aux puissants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Il a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Les Français se fient bien davantage aux forces de l’ordre qu’aux membres ou aux anciens membres de La France insoumise ! (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe RN.) Il suffit de penser aux manifestations qui ont eu lieu ce week-end et vous ont vus défiler tranquillement aux côtés de gens qui s’écrient : « À bas les flics ! »

    Mme Sabrina Sebaihi et Mme Danielle Simonnet

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    Attaque personnelle !

    M. Michaël Taverne

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    Nous n’avons pas de leçon à recevoir de vous ! On ne vous a pas souvent vu dans l’hémicycle lors de la discussion de la présente proposition, monsieur Corbière. Je vous rappelle simplement qu’elle s’attaque au narcotrafic.
    Nous avons déposé des propositions de loi visant à créer des peines planchers, afin de protéger les policiers, les gendarmes, les pompiers mais également les professeurs, les médecins et tous les serviteurs de l’État, notamment dans les services publics. Vous vous y êtes opposé ! On ne peut qu’en conclure que, tandis que nous voulons protéger les plus faibles, vous êtes comme d’habitude du côté des voyous. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 12.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                61

    (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière, pour un rappel au règlement.

    M. Alexis Corbière

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    Ce rappel se fonde sur l’article 70, alinéa 3, du règlement de l’Assemblée nationale, relatif aux mises en cause personnelles.
    Cher collègue, le style, c’est l’homme : on vous reconnaît à vos propos. Oser considérer que nous –⁠ je veux parler de tous ceux qui siègent ici –…

    M. le président

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    Monsieur Corbière, vous vous êtes vous-même livré à des considérations politiques. Un échange a eu lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Alexis Corbière

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    On prétend que je défends des voyous !

    Mme Sandra Regol

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    Il l’a traité de voyou !

    M. le président

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    Non, il s’agissait d’un échange équilibré relatif à des positions politiques ! Si nous enchaînons les rappels au règlement, nous n’arriverons pas à débattre ! (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.) Laissez-moi finir ! Je vous laisse conclure rapidement, sur la forme du débat, sans dériver vers une controverse politique.

    M. Alexis Corbière

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    Je considère que quelqu’un qui traite un parlementaire de défenseur des voyous quand sa principale dirigeante est mise en examen devrait baisser d’un ton. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Mise en cause personnelle !

    M. Emeric Salmon

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    Et la présomption d’innocence ?

    M. le président

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    Encore une fois, vous échangez des arguments. Il ne faut pas s’étonner si les interventions suscitent des réponses ! C’est le jeu !
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.

    M. Antoine Léaument

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    Il se fonde sur les alinéas 2 et 3 de l’article 70 du règlement de l’Assemblée nationale, relatifs respectivement aux scènes tumultueuses et aux mises en cause personnelles, ainsi qu’à l’article 100 de ce même règlement, relatif à la bonne tenue des débats.
    Je veux apporter une précision afin d’éviter que les débats ne s’enveniment.

    M. Emeric Salmon

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    Tiens !

    M. Antoine Léaument

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    On nous a dit tout à l’heure que nous manifestions aux côtés de gens qui s’écrient : « À bas l’État, à bas les flics ! » Le slogan qu’on entend lors de ces manifestations est précisément : « À bas l’État, les flics et les fachos ! » Pour notre part, nous ne sommes d’accord qu’avec une partie de cette devise : la troisième ! (Sourires sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Thomas Portes applaudit.)

    M. le président

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    Monsieur Léaument, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement !

    Après l’article 10 bis (suite)

    M. le président

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    L’amendement no 544 de Mme Christelle Petex est défendu.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre, pour donner l’avis du gouvernement.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 544 n’est pas adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    Article 10 ter

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 581 visant à rétablir l’article 10 ter, supprimé par la commission.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Il s’agit de rétablir les dispositions du II de cet article, qui tendent à modifier le code de la route et ne sont pas satisfaites par l’état de notre droit. Je rappelle que la commission des lois avait voté la suppression de l’autre partie de l’article, le I, qui complétait le code pénal, avant le rejet de l’article dans son ensemble à l’issue de son examen.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Il est absurde de défendre un amendement qui vise à introduire une peine complémentaire de suppression du permis de conduire : ce n’est certainement pas une telle mesure qui fera sortir les délinquants de la délinquance !

    (L’amendement no 581 n’est pas adopté ; en conséquence, l’article 10 ter demeure supprimé.)

    Après l’article 10 ter

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 932 portant article additionnel après l’article 10 ter.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Cet amendement prévoit l’augmentation du montant de la peine d’amende encourue en cas de blanchiment de capitaux dans le cadre du trafic de stupéfiants. Ce montant ne peut excéder la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. On applique ainsi à cette valeur une exonération de 50 % ! Une telle peine est insuffisamment dissuasive et peut même apparaître comme une prime au blanchiment ! Je vous propose donc de modifier ce plafond afin qu’il s’élève à 100 % de ladite valeur.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ? (M. Bernalicis fait signe qu’il demande la parole.)

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Sagesse.

    M. le président

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    Merci d’attendre que le gouvernement livre son avis, monsieur Bernalicis. Je vous donne la parole. Vous êtes impatient !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est parce que je savais que cet avis serait bref que j’ai bondi pour demander à m’exprimer !
    Monsieur Pauget, j’entends bien que vous trouviez ce plafond trop bas. Mais je rappelle que cette peine d’amende s’ajoute à la potentielle confiscation des biens ou des fonds concernés par les infractions commises. Supposons que vous ayez volé 1 million d’euros. On pourra vous infliger une amende dont le montant n’excédera pas 500 000 euros et on pourra également vous prendre ce million d’euros ! Ne laissez donc pas entendre qu’il serait étrange de laisser à la personne qui s’est rendue coupable de blanchiment la moitié des biens ou des fonds blanchis. Ce n’est pas la réalité : la peine d’amende s’ajoute à la confiscation de la totalité de ces biens ou fonds ! J’apporte cette précision pour que nous soyons tous clairement conscients de ce sur quoi nous allons voter.
    Lorsque nous débattions des mineurs, notamment au sujet des peines d’amende et des amendes forfaitaires délictuelles, nous avons évoqué la situation de précarité dans laquelle se trouvent certains délinquants. Nous n’en parlons pas ici puisque nous nous préoccupons des narcotrafiquants et autres grands délinquants. Mais, si des mesures telles que celle que vous défendez dans cet amendement touchent le bas du spectre du trafic de drogue, elles plongeront plus profondément encore ceux qui en pâtiront dans la difficulté financière, ce qui constitue un important facteur aggravant de récidive.
    J’entends bien que ce n’est pas le fond du sujet, mais je pense que 50 % du montant total du patrimoine concerné en peine d’amende, c’est déjà pas mal à partir du moment où, de toute façon, l’intégralité de la somme est déjà confisquée.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    J’étais plutôt pour cet amendement parce qu’il va dans le sens de ce que nous voulons, c’est-à-dire taper au porte-monnaie, d’où ma demande de parole, mais l’argumentation de M. Bernalicis m’amène à m’interroger. Je voudrais donc savoir s’il est possible d’avoir des précisions supplémentaires de la part de M. le rapporteur avant que l’on décide de notre vote.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    M. Bernalicis a raison. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    L’amende était jusqu’à présent de 50 % du montant de la saisie, soit 50 euros pour 100 euros de saisis, et je propose de la porter à 100 % parce que j’estime qu’il n’y a pas de raison de faire un rabais de 50 % aux narcotrafiquants, a fortiori aux têtes de réseau.

    Mme Sandra Regol

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    Quid des risques de récidive ?

    (L’amendement no 932 est adopté.)

    Article 11

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 432, 827, 841, 7, 8 et 837, pouvant être soumis à une discussion commune, qui tendent à rétablir l’article 11, supprimé par la commission.
    Les amendements nos 8 et 837 sont identiques.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 432.

    M. Antoine Léaument

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    On ne pourra pas nous dire que nous sommes contre tout : nous vous proposons de réintroduire un article dans cette proposition de loi pour traiter du cas des personnes qui transportent des stupéfiants à l’intérieur de leur corps. Lorsque je me suis rendu en Guyane et à l’aéroport d’Orly auprès des services chargés, en particulier, d’appréhender les personnes qui transportent in corpore de la cocaïne, j’ai pu constater quels moyens étaient mis à la disposition de la force publique : quand une personne est suspectée, à Orly, de transporter des produits stupéfiants, deux douaniers doivent la conduire jusqu’à l’unité médico-légale qui se trouve dans l’île de la Cité, donc au centre de Paris, ce qui peut prendre un certain temps en fonction de la circulation, et comme l’Ofast, l’Office français antistupéfiants, ferme à 18 heures, ils sont alors obligés d’y rester toute la nuit. Sachant que seuls six douaniers assurent ce type de transfert, il n’y a plus de douane disponible au-delà de trois personnes suspectées de transporter de la cocaïne.…Cela ne semble choquer personne, sauf moi ! Les narcotrafiquants en tiennent compte, d’ailleurs, dans leur stratégie.
    Les personnes qui transportent de la drogue dans leur corps sont d’abord des victimes : elles se trouvent dans une telle précarité qu’elles sont prêtes à risquer leur vie pour quelque argent. Je suis désolé de prendre un peu de temps sur cet amendement, monsieur le président, mais il me semble important de vous exposer nos raisons en détail. Comment faire pour assurer la sécurité des frontières mais aussi celle des personnes ? En effet, il suffit qu’une seule boulette de cocaïne s’ouvre pour que la personne meure.
    Nous vous proposons par conséquent d’ouvrir une unité médico-légale au sein des aéroports. C’était d’ailleurs l’une des recommandations du rapport que j’ai écrit avec M. Mendes. C’est à mon sens la façon la plus efficace de traiter ce sujet, en protégeant les victimes du trafic et en facilitant le travail des douaniers.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour un rappel au règlement.

    Mme Sandra Regol

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    Au titre de l’article 100 du règlement, relatif à la bonne tenue des débats. Il est probablement très bien que l’amendement de M. Pauget soit passé, mais malheureusement nous n’avons pas eu le temps de poser nos questions, ce qui est d’autant plus regrettable que le rapporteur avait lui-même reconnu le bien-fondé des arguments de M. Bernalicis. Le cas n’est malheureusement pas isolé. Quand on se pose des questions et que l’on a besoin de réponses pour éclairer nos votes, serait-il possible de disposer d’un tout petit peu plus de temps, monsieur le président ?

    M. Emeric Salmon

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    Jusqu’à dix heures du matin, certainement.

    M. le président

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    J’entends votre demande, madame Regol, et vous avez vu que j’ai laissé un peu plus de temps à M. Léaument, qui m’en a fait la demande, pour expliquer son amendement. À partir du moment où cela reste exceptionnel, n’hésitez pas à me faire signe en ce sens.

    Mme Sandra Regol

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    C’est pour avoir des réponses plus précises, monsieur le président !

    M. le président

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    C’est la liberté de la commission et du gouvernement d’apporter des réponses plus ou moins longues.

    Article 11 (suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 827.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Il vise à rétablir dans une rédaction différente l’article 11, qui prolongeait la garde à vue de vingt-quatre heures pour les personnes transportant in corpore des substances stupéfiantes. La rédaction semblait en effet méconnaître la sociologie des « mules », dont la fragilité est exploitée par les trafiquants pour les contraindre à transporter ces substances. Porter la garde à vue à cent vingt heures peut se comprendre si des raisons médicales sous-tendent une telle mesure, car en général une durée aussi longue est corrélée à la gravité des faits reprochés. Or les « mules » font partie des personnes les plus vulnérables des réseaux de narcotrafic, elles en constituent le bas du spectre. Lors de l’expérimentation du « 100 % contrôle » pour les vols venant de Guyane et des Antilles, effectuée depuis le premier semestre 2022 jusqu’au 31 janvier 2024, 680 mules ont été interpellées, soit entre 20 % et 25 % du total des passagers, près d’une tonne de cocaïne a été saisie et 11 000 interdictions d’embarquer ont été formulées.
    Le transport in corpore de produits stupéfiants peut s’avérer particulièrement dangereux du fait du risque d’overdose, notamment en cas de rupture des emballages. Dès lors, une surveillance médicale adaptée est indispensable. Il paraît donc bien plus approprié que la personne concernée soit prise en charge dans une unité médico-judiciaire plutôt qu’en garde à vue dans un poste de police. Assurer son transfert dans une telle unité permettrait ainsi de concilier impératif judiciaire et protection de l’intégrité physique des personnes concernées qui, nous le rappelons, constituent le bas du spectre de la pyramide du narcotrafic. (Mme Sandra Régol applaudit.)

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    M. le président

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    Sur l’amendement no 827, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 841 de M. Éric Pauget, rapporteur, est défendu.
    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Michaël Taverne

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    Il vise à réintroduire l’article 11 dans la rédaction du Sénat modifiée par nos amendements, parce que même si j’entends ce que dit M. Léaument, à savoir qu’il peut y avoir des victimes parmi les « mules », il y a aussi parmi elles des personnes volontaires et qui sont parfaitement conscientes de ce qu’elles font.
    Il y a deux sujets : le premier est d’ordre juridique, le second d’ordre sanitaire. La personne qui a ingéré ce qu’on appelle des ovules doit être prise en charge par les forces de sécurité intérieure. Si l’on souhaite prolonger la garde à vue –⁠ sur proposition des policiers mais avec l’accord du magistrat, je le rappelle –, c’est pour essayer d’obtenir un maximum d’informations afin de remonter les filières et démonter les réseaux, mais c’est aussi pour des raisons sanitaires, car les médecins auront ainsi plus de temps pour s’occuper de la personne, d’autant plus que si celle-ci n’est prise en charge que par les policiers et que des gestes mal faits ont des incidences sanitaires, ce sont encore eux qui seront mis en cause. La prolongation de la garde à vue est nécessaire tant sur le plan judiciaire que sanitaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Les amendements identiques no 8 de M. Michaël Taverne et no 837 de M. Éric Ciotti sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Sur l’ensemble de ces amendements soumis à discussion commune, mon avis est défavorable, à l’exception bien sûr de mon amendement no 841.
    Les amendements nos 432 de M. Léaument et 827 de M. Amirshahi, qui visent à rendre obligatoire la prise en charge des passeurs in corpore dans des unités médico-légales, sont satisfaits. On en a déjà discuté en commission : lorsqu’il existe un danger pour la personne –⁠ ce qui est le cas quand elle a ingéré de grandes quantités de produits stupéfiants –, la mesure de garde à vue s’exécute déjà, en l’état du droit, au sein d’une unité dédiée d’un hôpital pour permettre sa prise en charge médicale. Il appartient en effet au médecin qui examine la personne placée en garde à vue d’apprécier la compatibilité de la mesure avec son état de santé et de prescrire le transfert dans cette unité –⁠ il s’agit d’une décision médicale qui ne relève pas du domaine de la loi.
    S’agissant de l’amendement no 7 de M. Taverne, qui vise à allonger la durée maximum des nouvelles peines complémentaires d’interdiction de vol, d’embarcation maritime et de paraître dans un port ou dans un aéroport à cinq ans au lieu de trois ans comme cela était initialement prévu par le Sénat, je n’y suis pas favorable pour des raisons de proportionnalité et de cohérence. En effet, la durée de trois ans correspond à la durée maximum fixée pour les peines complémentaires d’interdiction de paraître prévues à l’article 131-6 du code pénal.
    S’agissant des amendements identiques qui rétablissent l’article 11 dans la rédaction issue du Sénat, ce sera une demande de retrait parce que je vais proposer de scinder en deux l’article 11 –⁠ mon amendement no 841 en reprenant la première partie et mon prochain amendement, no 842, la seconde après l’article 11 –, étant donné qu’il n’y a pas de lien évident entre la prolongation de garde à vue à cent vingt heures et les peines complémentaires que j’ai mentionnées.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Tout d’abord, avis défavorable aux amendements nos 432 et 827. Les mesures de garde à vue concernant les « mules » se déroulent systématiquement sur avis médical en milieu hospitalier, il faut le redire. L’examen médical est d’ailleurs obligatoire dans ce cas particulier de l’hyperprolongation de la garde à vue inscrite dans le texte. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir explicitement le transport de la personne vers un institut médico-légal, au risque d’ailleurs de rigidifier le système.
    S’agissant de l’amendement no 841 de M. le rapporteur, qui rétablit l’hyperprolongation médicale de la garde à vue selon des conditions qu’il vient de rappeler, c’est un avis favorable du gouvernement parce qu’il lui semble le plus équilibré.
    Quant à l’amendement no 7, qui vise à rétablir l’hyperprolongation dans la rédaction issue du Sénat mais aussi à prolonger jusqu’à cinq ans les peines complémentaires d’interdiction de paraître dans un port ou un aéroport, d’embarquer dans un bateau ou dans un avion, au lieu des trois ans maximum prévus par le droit positif, l’avis du gouvernement est défavorable sur ces deux points.
    Enfin, en ce qui concerne les deux amendements identiques, c’est une demande de retrait et j’invite l’ensemble des cosignataires à se rallier à l’amendement no 841 du rapporteur. À défaut d’un retrait, l’avis serait évidemment défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Les amendements proposent des dispositions réellement différentes, mais j’aimerais vous convaincre que le nôtre est le meilleur. (Mouvements divers.)
    Essayez d’aborder la question d’une manière aussi logique que M. Mendes et moi, sachant que nous avons fait le déplacement –⁠ j’en remercie le président de la commission des lois – en Guyane pour nous rendre compte par nous-mêmes de la situation, en particulier à l’aéroport de Cayenne, qui est le point de départ de nombreux trafics. Quant à moi, j’ai également pu me rendre à l’aéroport d’Orly, avant la dissolution. Les gens arrivent par avion dans l’Hexagone avec de la cocaïne à l’intérieur de leur corps ; si l’on ne prend des mesures qu’en Guyane, comme c’est le cas aujourd’hui, pour essayer de les empêcher de prendre l’avion, la cocaïne continuera à circuler en Guyane, ce qui n’est pas une bonne méthode pour lutter contre le narcotrafic. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire aussi, mais il conviendrait surtout de lutter à la source, c’est-à-dire en se penchant sur la situation sociale de ces personnes qui, en raison de leur extrême dénuement, sont prêtes à prendre d’énormes risques, y compris pour leur santé, en échange de quelque argent. Et, une fois arrivées dans l’Hexagone, ces personnes mobilisent des douaniers mais aussi l’Ofast, ce qui renvoie à une autre de nos recommandations : dessaisir l’Ofast de ce sujet.
    En effet, contrairement à ce qu’a avancé M. Taverne, il est très difficile de remonter les réseaux à partir d’une arrestation à l’aéroport. Par ailleurs, dans certains cas, il n’y a pas de réseau organisé, donc pas d’information utile à obtenir.
    Si notre amendement n’est pas adopté, les risques existent que des personnes meurent parce qu’elles n’auront pas été soignées assez vite et que des douaniers ou des policiers soient inutilement mobilisés sur un sujet pourtant crucial. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Je maintiens mon amendement. M. le rapporteur entend réintroduire l’article 11 dans sa version originale, avec seulement quelques petites modifications qui ne vont pas changer la vie des policiers, des douaniers et des gendarmes. Une compagnie aérienne qui laisserait embarquer une personne déjà interpellée pour avoir ingéré des ovules de drogue serait dans une situation administrative, et même judiciaire, un peu compliquée si ce passager venait à faire un malaise ou à les expulser naturellement. Je pense donc que l’allongement de l’interdiction de paraître peut être dissuasif.

    (L’amendement no 432 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 827.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        103
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                61

    (L’amendement no 827 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 841 est adopté ; en conséquence, l’article 11 est ainsi rétabli et l’amendement n° 7 ainsi que les amendements identiques nos 8 et 837 tombent.)

    Après l’article 11

    M. le président

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    Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 11.
    Les amendements nos 840 et 849 de Mme Christelle D’Intorni sont défendus.

    (Les amendements nos 840 et 849, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 842.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je l’ai déjà dit tout à l’heure mais je le répète pour M. Taverne : il vise à rétablir les peines complémentaires prévues par la rédaction initiale de l’article 11. Quand nous l’aurons adopté, la totalité de l’article 11 sera rétablie.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    (L’amendement no 842 est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 819 rectifié de Mme Christelle D’Intorni est défendu.

    (L’amendement no 819 rectifié, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 232 de Mme Béatrice Bellay est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Voici enfin un amendement qui porte sur la prévention en outre-mer. Il est dommage de passer aussi vite dessus alors que nous aurons peu d’occasions de revenir sur ce sujet. J’aimerais que M. le rapporteur explique son avis défavorable.

    (L’amendement no 232 n’est pas adopté.)

    Article 11 bis

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Gabarron.

    M. Julien Gabarron

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    Le groupe Rassemblement national est favorable à l’article 11 bis car, s’il était adopté, il permettrait de réprimer plus lourdement les narcotrafiquants et constituerait un premier pas vers la protection des victimes collatérales du trafic de stupéfiants.
    Depuis de nombreuses années, les trafiquants de drogue profitent de la vulnérabilité et de la précarité de certaines personnes pour les exploiter dans le cadre de leurs activités illégales. Cette situation ne peut plus durer, que l’on considère la protection de ces personnes ou la lutte contre l’expansion du narcotrafic. Nous avons toujours plaidé en faveur d’une répression forte des narcotrafiquants. L’article L. 222-37-1 du code pénal que vise à instaurer l’article 11 bis de la proposition de loi va dans ce sens dans la mesure où il crée une circonstance aggravante aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants si elles impliquent des personnes vulnérables ou contraintes. Nous espérons que ce nouvel article du code pénal sera bien appliqué. Si les conditions sont réunies, notre groupe votera en faveur de l’article 11 bis. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 440, qui tend à supprimer l’article 11 bis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous sommes dans une série d’amendements, dont celui de M. le rapporteur qui vient d’être adopté, de bordélisation du code pénal. Rajouter des infractions à droite et à gauche ou jouer sur le quantum des peines le rend illisible. Nous avons déjà eu ce débat au moment de l’instauration de la notion d’organisation criminelle ou mafieuse, qui va compliquer la qualification des faits. C’est de cela qu’il faut parler et non de l’idée selon laquelle seuls certains d’entre nous seraient favorables à la répression ou opposés au recours aux « mules ». Tout le monde est contre la traite d’êtres humains et l’exploitation de personnes vulnérables.
    Par ailleurs, on sait qu’une telle démarche est inefficace. Aggraver les peines ne fait pas baisser le nombre d’infractions, surtout quand elles sont déjà élevées –⁠ et c’est le cas quand on parle de traite d’êtres humains pour faire passer de la cocaïne. Le législateur est en train de se faire plaisir pour pouvoir dire qu’il a aggravé les peines, qu’il lutte efficacement contre l’usage de « mules ». Cela m’ennuie profondément car cela signifie qu’on ne cherche pas à résoudre le problème à la racine. Comme l’a dit mon collègue Léaument, cette racine, c’est la précarité. On devrait mettre dans le code pénal un article obligeant le gouvernement à régler le problème de la précarité. Voilà qui ferait une bonne peine complémentaire, s’il en fallait une ! Malheureusement, le code pénal ne fonctionne pas ainsi.

    (L’amendement no 440, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 685.

    Mme Christine Arrighi

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    Je ne pensais pas que nous y arriverions si rapidement.

    M. le président

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    Cette notion de rapidité est très relative, vous savez… (Sourires.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Le président a raison !

    Mme Christine Arrighi

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    Cet amendement du groupe Écologiste et social vise à reformuler l’article 11 bis introduit en commission. Le but est de mieux cibler l’exploitation de personnes vulnérables, notamment des mineurs, par des réseaux de trafic de stupéfiants tout en évitant les effets contre-productifs de la rédaction actuelle. Nous partageons évidemment l’objectif de renforcer la réponse pénale face à l’instrumentalisation des plus vulnérables. Toutefois, bien qu’il soit précisé que l’article du code pénal créé s’applique « sans préjudice des dispositions relatives à la traite des êtres humains », il risque de compliquer le travail de qualification des faits des magistrats. En effet, le principe juridique non bis in idem interdit de retenir à la fois une infraction autonome et une circonstance aggravante pour les mêmes faits. Le risque est donc réel de voir les juridictions renoncer à la qualification de traite des êtres humains au profit de celle de trafic aggravé, perçue comme plus accessible ou plus rapide à appliquer.
    Un tel choix ne serait pas neutre et représenterait un recul symbolique important. La qualification de traite des êtres humains reconnaît une exploitation systémique et organisée. Elle ouvre de plus des droits spécifiques, notamment pour les victimes étrangères. Ces protections sont inopérantes en cas de qualification de trafic de stupéfiants, même aggravé. Une mauvaise qualification juridique fragilise la reconnaissance des victimes et compromet l’accès au droit auquel elles doivent pouvoir prétendre.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je suis défavorable à ce que proposent les auteurs de cet amendement. Il me semble beaucoup plus clair et lisible de conserver à la fois la circonstance aggravante introduite en commission des lois par notre collègue Christophe Blanchet et l’infraction de traite des êtres humains. Conserver cette circonstance aggravante dans le champ des infractions liées au trafic de drogue permet de mieux prendre en compte le phénomène des passeurs de produits stupéfiants et l’exploitation de personnes vulnérables.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    À propos de cet amendement, le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée et je vais expliquer les raisons de cette position.

    Mme Christine Arrighi

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    Les raisons de la sagesse !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Oui, c’est cela. Vous proposez de faire de l’exploitation d’une victime, de la traite d’un être humain, une circonstance aggravante en cas de commission d’un crime ou d’un délit lié au trafic de stupéfiants. Cette circonstance aurait pour conséquence d’aggraver la peine encourue et de la porter à quinze ans de réclusion criminelle et 10 millions d’euros d’amende. Si l’on peut souscrire à vos arguments s’agissant de la multiplication des qualifications pénales à la disposition du juge pour un même comportement, le souci de la lisibilité du droit et de la facilitation de la tâche des juges devrait tous nous guider.
    Toutefois, la traite des êtres humains est déjà punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende qui vaut pour toute infraction que la victime serait contrainte de commettre, y compris les crimes et les délits punis par les articles L. 222-34 à 222-40 du code pénal, qui traitent du trafic de stupéfiants. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende lorsque la victime est mineure. Il me semble donc que, par la sévérité de ces peines, le droit atteint déjà l’objectif que vous visez de réprimer l’exploitation des « mules ». Augmenter encore ces peines, comme vous le proposez, conduit nécessairement, de notre point de vue, à créer un crime.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est ce que je disais aussi !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Or sans vouloir remettre en cause les procédures criminelles, je considère que la création d’un crime n’entraîne pas forcément la garantie d’une meilleure justice. Chacun connaît en effet l’encombrement des cours d’assises.
    Malgré ces réserves qui devraient m’amener à donner un avis défavorable à votre amendement, je reconnais que votre proposition de réécriture présente deux intérêts. D’une part, elle ne fait plus référence à des notions floues comme celle de « personnes abusées ». D’autre part, elle permet de mieux articuler les différentes qualifications pénales. Voilà pourquoi je choisis la sagesse.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous êtes favorable, en fait !

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    J’ai une question à poser. Nous examinons un durcissement pénal, un type de mécanisme avec lequel nous sommes généralement en désaccord même si, comme tout un chacun, nous avons envie de mettre fin à la traite des êtres humains. J’ai vu ce matin que M. Retailleau était en déplacement à Belfort. Je crois qu’il est absent depuis le début de nos débats et je me demande pourquoi, pour des sujets fondamentaux qui concernent directement le ministère de l’intérieur, il n’est pas là. Je m’inquiète du fait que son absence soit liée à une campagne interne à un parti politique.

    M. Sébastien Huyghe

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    N’importe quoi !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Il n’y a pas de lien avec l’amendement !

    M. Antoine Léaument

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    On ne peut pas en même temps nous dire que l’urgence est de sortir du piège du narcotrafic et avoir un ministre de l’intérieur absent.

    M. le président

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    Je vous prie de vous en tenir au sujet de l’amendement.

    M. Antoine Léaument

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    C’est une vraie question. Je voudrais savoir où est le ministre de l’intérieur et s’il peut nous rejoindre. (Le président coupe le micro de l’orateur.)

    M. le président

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    Le gouvernement est libre de choisir le ministre qu’il envoie à son banc.

    (L’amendement no 685 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour un rappel au règlement.

    M. Sébastien Huyghe

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    Je le formule sur le fondement de l’article 100 du règlement, relatif à la bonne tenue de nos débats. Le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, représente le gouvernement. Au nom de quoi M. Léaument pourrait-il décider que tel membre du gouvernement a le droit de siéger au banc des ministres et que tel autre n’en a pas le droit ?

    Mme Claire Lejeune

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    Vous ne présidez pas la séance ! C’est éventuellement au président de dire cela !

    M. Sébastien Huyghe

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    Le ministre auprès du ministre d’État est compétent et sérieux. Il est tout à fait à même de nous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ M. Charles Rodwell applaudit également. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Merci, monsieur Huyghe. Chers collègues, je vous invite à vous concentrer de nouveau sur le texte.

    Article 11 bis (suite)

    (L’article 11 bis est adopté.)

    Article 12

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Comme vous l’avez préconisé, monsieur le président, nous allons nous concentrer sur le texte.
    Il faut prendre des mesures à la hauteur de notre objectif : sortir la France du piège du narcotrafic. De ce point de vue, les mesures prévues à l’article 12 vont dans le bon sens, puisqu’elles sont propres à renforcer la prévention et la répression du trafic de stupéfiants en ligne. Nous l’avons dit tout au long de l’examen du texte, les narcotrafiquants utilisent de manière croissante les réseaux sociaux, les messageries, les vidéos et autres clips. On le constate même dans de petites villes comme Villers-Cotterêts, qui compte 11 000 habitants : des groupes de rap locaux s’amusent à faire la promotion du narcotrafic, en expliquant que c’est super, car ça permet de gagner beaucoup d’argent et de devenir un caïd de la cité.
    Il faut prendre des mesures pour lutter contre ce phénomène et empêcher la diffusion de tels messages sur les réseaux. Il faut propager des contre-messages, lancer une véritable campagne de communication contre le narcotrafic –⁠ le petit clip vidéo du gouvernement est tout à fait insuffisant. Il faut faire comprendre que les narcotrafiquants n’ont pas la belle vie : quand on rejoint un réseau de ce genre, on risque, sur fond d’une querelle entre bandes rivales, de se retrouver enfermé dans le coffre d’une voiture, attaché à un arbre dans une forêt, tabassé, lardé de coups de tournevis ou tué d’une balle dans la tête ; c’est un véritable danger. Au lieu de crier aux atteintes à la liberté d’expression, comme le font nos collègues d’extrême gauche,…

    Mme Claire Lejeune

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    La liberté d’expression est un principe !

    M. Jocelyn Dessigny

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    …il faut protéger. Vous affirmez qu’il faut protéger les jeunes des cités, les jeunes qui communiquent sur les réseaux. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Je termine, monsieur le président.
    D’après vous, il n’y a que des victimes. Je vous invite donc à voter l’article 12, qui vise effectivement à protéger tout le monde.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Il s’agit donc d’exiger que Pharos, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, censure les contenus en ligne qui sont liés aux stupéfiants.
    Premièrement, le champ paraît un peu large. Par exemple, la chanson « Got to get you into my life » des Beatles ou –⁠ plus chic – des tableaux de Francis Picabia seraient censurés. D’où nos interrogations, que partage l’Observatoire des libertés et du numérique. En définitive, nous sommes toujours confrontés au même type de réponses liberticides, qui relèvent de la surveillance de masse et du contrôle sécuritaire. C’est d’ailleurs, en soi, un aveu d’échec.
    Deuxièmement, la publicité pour les stupéfiants, y compris le cannabis, est déjà punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
    Alors que nous sommes déjà dotés d’un arsenal répressif en la matière, nous nous apprêtons à permettre une censure à tout-va et qui n’aura aucun effet, ni sur la vente, ni sur le transport, ni sur la production, ni sur la consommation de stupéfiants.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    L’article 12 est important, puisqu’il fait l’objet, dans le rapport de la commission, d’une explication détaillée de quinze pages. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, il est nécessaire que nous, députés –⁠ notamment ceux qui, comme moi, ne sont pas membres de la commission des lois –, comprenions bien quel est le contenu de l’article.
    Je souhaite formuler deux remarques, qui sont aussi deux questions. Premièrement, on peut s’étonner, de prime abord, qu’il ne soit pas déjà possible, en vertu du droit existant, d’exiger le retrait de contenus, publiés sur internet, liés à des comportements délictuels ou criminels.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est déjà possible !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Qu’ajoute l’article 12 par rapport au droit existant ?
    Deuxièmement, l’article 12 prend-il bien en considération les réflexions actuelles à propos des réseaux sociaux ? Le problème concerne non seulement le narcotrafic, mais aussi le terrorisme ou l’extrême violence. Les propriétaires des réseaux sociaux font-ils leur travail ? Ces dispositions permettront-elles de leur adresser des injonctions supplémentaires ?
    Ou bien la question du respect des règles par les réseaux sociaux a-t-elle vocation à être réglée au niveau européen ? En réalité, elle semble relever davantage de ce niveau, notamment des prérogatives de la Commission européenne, comme nous l’avons vu il y a quelques jours lorsque la commission des affaires européennes a examiné une proposition de résolution, déposée notamment par nos collègues socialistes et écologistes, qui traite de l’application du règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (DSA) –⁠ j’espère qu’elle sera discutée en séance publique.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    L’article 12 a le mérite d’ouvrir le débat sur une extension des pouvoirs de Pharos. Il est intéressant, mais nous nous interrogeons sur plusieurs points.
    Cela a été relevé à plusieurs reprises, nous assistons à une mutation du trafic de stupéfiants : celui-ci se développe sur les réseaux sociaux, ce qui lui permet de s’adapter plus rapidement ; les organisations sont ainsi moins menacées par un éventuel démantèlement.
    Néanmoins, l’article 12 suscite notre inquiétude. D’abord, nous craignons une dérive vers la surveillance de masse et des atteintes à la liberté d’expression. Ces dispositions ne vont-elles pas entraver la liberté de création, notamment dans les domaines de la musique et du cinéma ? Ne vont-elles pas brider la créativité sur les plateformes et les réseaux sociaux ? Nous avons besoin de garanties à ce sujet.
    Surtout, avant d’envisager une extension des pouvoirs de Pharos, dès lors qu’aucune étude d’impact ne nous a été fournie, il serait bon que le Parlement, pour pouvoir exercer son contrôle, dispose d’éléments relatifs au fonctionnement de Pharos et au travail qu’elle a réalisé en matière de lutte contre le terrorisme et la pédocriminalité.
    D’autre part, on ne peut pas envisager une extension des pouvoirs de Pharos sans aborder la question des moyens mis à sa disposition et de la formation des agents. Pharos reçoit chaque jour de très nombreux signalements concernant des contenus publiés sur les réseaux sociaux. Or elle dispose de moyens très limités. Les mesures prévues à l’article 12 appellent donc une augmentation des moyens de Pharos, pour qu’elle puisse accomplir un travail de qualité.
    En résumé, le groupe Écologiste et social est plutôt favorable à l’article 12, mais nous avons besoin de précisions, notamment à propos des garanties qui doivent accompagner l’extension des pouvoirs de Pharos.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    Madame Sebaihi, l’exposé sommaire de l’amendement no 441, que nous nous apprêtons à examiner, aborde la question que vous soulevez, celle du risque de censure. Or il prend comme exemple la censure qui s’était appliquée au site Indymedia. Rappelons qu’à l’époque, le site Indymedia avait comparé la police nationale à la police de Vichy et qualifié ses agents d’assassins. Bien évidemment, dans des cas comme celui-là, une censure s’exerce. Par ailleurs, quand Pharos demande à un hébergeur d’exclure un site, cette décision peut faire l’objet d’un recours. Les voies de droit sont donc pleinement respectées.

    M. le président

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    Nous en venons aux amendements à l’article 12.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 441, qui tend à supprimer l’article.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cela a été dit précédemment, le retrait de contenu illégal est déjà prévu dans le droit en vigueur. La question posée ici est celle de la possibilité pour Pharos d’adresser aux plateformes des injonctions leur demandant de retirer plus rapidement un tel contenu. Nous avions déjà eu cette discussion lors de l’examen de la fameuse loi, dite Avia, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, qui avait été intégralement censurée par le Conseil constitutionnel. Une partie de ce texte, portant uniquement sur les contenus liés au terrorisme, était ensuite revenue par la fenêtre, à la faveur de la transposition d’une réglementation européenne. Nous nous y étions opposés pour des raisons similaires.
    Au moment où nous nous parlons, faire l’apologie –⁠ j’emploie à dessein ce terme que vous connaissez sans doute – d’une quelconque drogue est puni de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende, comme le rappelle le code de la santé publique. Pourtant, les services de police et la justice ont cessé d’intenter des poursuites sur ce fondement, car cela revenait à écumer la mer à la petite cuillère !
    La création dans la loi de ce délit d’apologie est d’ailleurs l’un des éléments qui avait conduit à la fondation du Collectif d’information et de recherche cannabique (Circ), qui se bat depuis les années 1970 pour la légalisation du cannabis. C’est le Circ qui a envoyé un jour, sous enveloppe, un joint à chacun des 577 députés. Voyez donc le documentaire « Cannabis, le paradoxe français », diffusé en ce moment sur La Chaîne parlementaire (LCP) ! Il résume bien la situation et me semble très éclairant.
    Souhaitons-nous nous engager dans une nouvelle bataille homérique de cette nature, que nous sommes sûrs de perdre à la fin, en censurant entre-temps des contenus qui n’ont pas à l’être et en créant des injustices qui n’existaient pas auparavant ? La réponse est non. Nous disposons déjà de tous les moyens nécessaires pour mener cette lutte.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Bien entendu, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression. L’article 12 vise à mettre notre droit à jour par rapport à la réalité de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde numérique. En effet, une grande partie du trafic de stupéfiants se fait sur les plateformes ou les réseaux sociaux. Nous adaptons le code pénal a posteriori, et nous n’avons d’ailleurs pas de motif d’en être fiers.
    Je tiens à rappeler précisément les mesures prévues à l’article 12. D’abord, l’article tend à aggraver les sanctions encourues pour le délit d’administration illégal de plateforme de vente de produits illicites. Surtout, il permet le retrait et le blocage des contenus diffusés sur internet en lien avec le trafic de stupéfiants. Peut-être est-ce la disposition qui inquiète ? Mais je souligne que seuls sont visés les contenus illicites, qui proposent illégalement à la vente des produits stupéfiants.
    Lors des auditions que nous avons menées, les différents services du ministère de l’intérieur et Pharos nous ont tous dit avoir besoin de ces outils. Autant que je sache, le travail de la cellule Pharos n’est pas de nature à nous faire plonger dans un État dictatorial !
    Il n’y a rien d’extraordinaire dans l’article 12. Il met notre droit au goût du jour, le fait entrer dans la modernité. Je suis toujours assez étonné de constater combien nos collègues du groupe LFI, notamment M. Bernalicis, sont conservateurs par rapport à ce qui se passe dans la réalité : le trafic et la consommation de drogue par les jeunes passent aujourd’hui par les réseaux sociaux, les téléphones portables et les plateformes numériques.

    M. Ugo Bernalicis

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    Personne ne poste de message sur Twitter pour dire « je vends de la drogue » !

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Permettez-moi une observation préalable. Les articles précédents relevaient de la compétence du ministère de la justice. J’ai donc temporairement suppléé le garde des sceaux. Nous abordons désormais des sujets qui relèvent de la compétence du ministère de l’intérieur. Je vous prie d’excuser l’absence de Bruno Retailleau, en déplacement à Belfort, non pas pour les raisons qui ont été évoquées, mais pour honorer des engagements pris en amont de la présente séance. Je rappelle que l’examen de ce texte a démarré au début de la semaine dernière et qu’il se prolonge au-delà de ce qui était initialement prévu.

    Mme Élisa Martin

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    Et alors ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je ferai de mon mieux et vous répondrai le plus précisément possible.
    Sur cet amendement no 441, le gouvernement émet un avis défavorable. L’article 12 permettra à Pharos de prendre les décisions administratives nécessaires pour obtenir le retrait de contenus en ligne illicites liés au trafic de stupéfiants, quel que soit le réseau sur lequel ils sont publiés.
    Le bilan de l’activité de Pharos est accessible sur le site de l’Office anti-cyberciminalité (Ofac). Vous y trouverez toutes les informations pertinentes. Je vous renvoie aussi au rapport annuel de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui est parfaitement clair sur l’ensemble de ces sujets.
    Pharos exercera les prérogatives nouvelles que lui confie cet article sous le contrôle d’une autorité indépendante, l’Arcom, qui est dirigée par un magistrat –⁠ en ce moment, une magistrate. L’Arcom peut à tout instant saisir la juridiction administrative en cas de désaccord avec une décision de Pharos. En dix ans, un seul jugement –⁠ rendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise – a annulé une décision de Pharos. Contrairement à ce que certains peuvent penser, supposer ou suggérer, Pharos exerce ses prérogatives avec parcimonie et ne pratique aucune forme de censure, quelle qu’elle soit.
    Je rappelle que l’extension des pouvoirs de Pharos est justifiée par la nécessité de nous adapter à la réalité du trafic de stupéfiants : les trafiquants du haut du spectre comme les petits trafiquants utilisent fortement les moyens numériques, qui leur donnent une efficacité redoutable. Nous n’avons aucune raison de nous priver des mesures prévues à l’article 12, qui nous permettront d’agir contre le narcotrafic ; il convient de les conserver dans le texte.

    M. le président

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    Sur l’article 12, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Comme l’indiquait mon collègue Bernalicis dans sa précédente intervention, il s’agit encore d’un article instaurant des mesures extrajudiciaires, puisqu’il permettra de porter atteinte à la liberté d’expression sans qu’intervienne un magistrat indépendant. De telles dispositions s’inscrivent dans la continuité de celles que contenait la proposition de loi Avia –⁠ intégralement censurée par le Conseil constitutionnel – et que reprend en partie la loi transposant le règlement européen de 2021 relatif à la lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, lequel prend pour modèle les mesures de censure des contenus pédocriminels.
    Nous aimerions savoir si de telles mesures sont vraiment utiles. Plusieurs affaires récemment résolues montrent, me semble-t-il, que les enquêteurs parviennent à démanteler certains réseaux de narcotrafiquants opérant via Snapchat ou sur des forums en ligne. Nous réitérons donc la question que nous vous posons depuis la semaine dernière : où sont les 2 500 enquêteurs qui manquent pour enquêter correctement sur ces réseaux et les 5 000 postes d’officiers de police judiciaire (OPJ) supprimés dans le texte budgétaire pour cette année –⁠ sur lequel nous n’avons même pas voté, puisqu’il est passé par 49.3 ?
    Cet article renforcera en outre la place des grandes entreprises, notamment des Gafam : celles-ci déploieront de nouveaux algorithmes pour censurer les contenus liés au trafic de stupéfiants, portant elles aussi atteinte à la liberté d’expression, puisque n’importe quelle blague, n’importe quel propos détecté par l’algorithme sera censuré.
    Quand cela arrive, la justice n’est pas rendue tout de suite, comme le montre cet exemple récent, souligné par La Quadrature du net : la justice n’a ordonné au ministère de l’intérieur la réhabilitation d’un site militant qu’un an après qu’il a été censuré par une grande entreprise qui appliquait les dispositions de la loi visant à censurer les contenus à caractère terroriste.
    J’ajoute que nombre d’associations, dont toutes les organisations membres de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), sont opposées à cet article. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    (L’amendement no 441 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 442.

    Mme Élisa Martin

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    En toute honnêteté, nous cherchons une sorte de juge de paix. Pharos est déjà sollicitée pour censurer les contenus à caractère terroriste et ceux à caractère pédopornographique. Nous souhaiterions donc qu’un rapport sur cette partie de l’activité de la plateforme soit rendu dans les six mois qui viennent. Celui-ci nous permettrait d’objectiver son efficacité : une surveillance de masse de cette nature permet-elle effectivement de supprimer les contenus visés ?
    La rédaction actuelle de l’article vise l’ensemble des sites internet, suivant une logique très générale. Or le trafic de stupéfiants est organisé autour de boucles spécifiques et non sur des sites ouverts aux quatre vents.
    Notre amendement a pour enjeu de nous éclairer en tant que parlementaires : l’existence même de Pharos et les propositions qui nous sont faites en vue de créer –⁠ par une sorte d’effet de cliquet – de nouvelles injonctions de censurer sont-elles bien fondées ?

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Défavorable également.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Tout en reconnaissant l’importance de Pharos et la nécessité de son renforcement, ma collègue Sabrina Sebaihi a bien rappelé tout à l’heure les questionnements que nous partageons avec nos collègues Insoumis. Fournir à la représentation nationale des éléments scientifiques propres à documenter les évolutions de Pharos semble d’autant plus nécessaire que son champ d’intervention s’élargit, sans que les moyens alloués à ses équipes n’augmentent. Faute de temps, celles-ci risquent –⁠ comme c’est parfois notre cas – de devoir prendre des décisions sans disposer d’éléments suffisants pour les éclairer.
    Je soutiens donc pleinement la demande de rapport, même si je ne suis pas opposée aux dispositions prévues par l’article.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Juste une précision en réponse aux interrogations de Mme la députée : chaque année l’Arcom rend un rapport très détaillé –⁠ j’ai entre les mains un exemplaire de celui de 2023. Le rapport de 2024 n’est pas encore déposé ; on imagine qu’il est en cours de rédaction et qu’il le sera prochainement. Vous y trouverez tous les éléments, notamment statistiques, vous permettant d’apprécier la situation.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous demandons une étude d’impact portant sur l’élimination des contenus visés.

    (L’amendement no 442 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 881 de M. Éric Pauget, rapporteur, est un amendement de coordination légistique.

    (L’amendement no 881, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 880 rectifié.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Il vise à ajuster le champ d’application du délit d’administration d’une plateforme de vente en ligne, de façon à tirer les conséquences de l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques, dit DSA –⁠ Digital Services Act. Cet amendement permettra de sanctionner le non-respect des obligations prévues par ce règlement, lorsque cette violation permet de caractériser le délit d’administration illicite d’une plateforme en ligne.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le rapporteur, vous avez parlé de « mise à jour » ; excusez-moi, mais c’est vous qui avez une vision fantasmée de la façon dont le narcotrafic en ligne est censé fonctionner.
    Votre amendement vise à modifier la définition du délit d’administration illicite de plateforme parce qu’il avait été mal défini et posait des problèmes de qualification juridique lors des procès. Toutes les erreurs que nous vous signalons à propos des infractions que vous êtes en train de créer, vous les avez déjà commises dans de précédents textes, quitte à revenir dessus par la suite en reconnaissant : « Ah oui, c’est vrai que cela peut créer des problèmes. »
    Or, à moins de n’être vraiment pas très malin, personne ne poste sur Twitter un message comme : « Bonjour, je vends de la drogue. » –⁠ contenu susceptible de faire l’objet d’un retrait de contenu en soixante-douze heures. Cela ne se passe pas ainsi : il faut faire une recherche préalable, si simple soit-elle, avant de pouvoir accéder à de tels contenus.
    Bien que le retrait soit déjà possible aujourd’hui, les enquêtrices et les enquêteurs ne perdent pas leur temps à vider l’océan à la petite cuillère. En revanche, quand elles peuvent être conduites, les enquêtes aboutissent : la semaine dernière, les gendarmes de Grasse ont démantelé un petit réseau qui fonctionnait en utilisant les réseaux sociaux, mais non leur face publique et accessible au tout-venant des utilisateurs. Vous êtes donc vraiment en train de vous faire plaisir.
    Je rappelle par ailleurs que le champ d’application envisagé ne se limite pas à la vente, mais inclut toutes les infractions potentielles en matière de stupéfiants, notamment l’apologie des produits, de sorte que du contenu culturel pourrait être censuré sur le fondement de cet article. Nous sommes en train de faire n’importe quoi, ce qui m’exaspère !

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    (L’amendement no 880 rectifié est adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 12, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        106
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                87
                    Contre                18

    (L’article 12, amendé, est adopté.)

    Article 12 bis

    M. le président

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cet article va lui aussi dans le bon sens : en obligeant les vendeurs de cartes prépayées à demander l’identité de leurs acheteurs, il limite les moyens de communication des trafiquants. Une telle obligation semble aller de soi, mais n’existe pas aujourd’hui, ce qui permet aux trafiquants de se partager des cartes prépayées –⁠ on a même vu plusieurs opérateurs en vendre un certain nombre à la volée.
    Vu que ces cartes SIM permettent aux trafiquants de brouiller les pistes, le bon sens commande de rendre obligatoire l’identification des acheteurs, afin d’aider les enquêteurs à mener à bien leur mission et de faciliter les arrestations. En perturbant la logistique des trafiquants, cette identification contribuera à limiter le trafic de drogue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous souhaitons la suppression de cet article, qui vise à créer un nouveau fichier –⁠ ils sont déjà nombreux. Celui-ci serait en outre tenu par les opérateurs, ce qui constitue un problème en soi : une entité privée exigera non seulement une preuve de l’identité de la personne venue acheter un téléphone à unités prépayées et la conservera, sans que nous sachions dans quelles conditions ledit fichier pourra être consulté.
    Je peine, je vous l’avoue, à savoir combien de lignes seraient concernées. En 2024, en tout cas, 6,5 millions l’auraient été. On demanderait donc aux opérateurs de ficher 6,5 millions de lignes, si ce n’est autant de personnes.
    De surcroît, disposer d’un téléphone est essentiel de nos jours ; il est malheureusement difficile de s’en passer. Or la nécessité de prouver son identité signifierait que les personnes n’ayant pas de titre de séjour ne pourraient pas bénéficier d’une ligne téléphonique –⁠ c’est problématique, quoi qu’on puisse en penser –, pas plus que les mineurs ne disposant pas de carte d’identité.

    M. Emeric Salmon

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    Les mineurs ont une carte d’identité !

    Mme Élisa Martin

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    Comment ce fichier sera-t-il utilisé ? Quelle en sera l’efficacité en matière de lutte contre les stupéfiants ? Toutes ces raisons –⁠ la constitution d’un nouveau fichier, l’empêchement d’accéder au téléphone mobile pour certaines personnes – nous conduisent à demander la suppression de cet article liberticide.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 443, même s’il me semble que Mme Martin a déjà défendu cet amendement de suppression.

    M. Antoine Léaument

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    Il reste en effet des arguments à développer. L’article vise à rendre plus difficile l’accès à une carte de mobile prépayée et à constituer un fichier aux contours flous.
    Puisque vous n’aimez pas les Insoumis,…

    M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    C’est faux !

    M. Antoine Léaument

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    …peut-être écouterez-vous le directeur des affaires publiques d’Orange, qu’on peut difficilement soupçonner d’en être –⁠ quoique je n’en sache rien : il y en a littéralement partout ; d’ailleurs faites attention, derrière vous s’en trouve probablement un. (Sourires sur plusieurs bancs.)

    M. Emeric Salmon

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    Pas derrière moi, en tout cas !

    M. Antoine Léaument

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    Plus sérieusement, celui-ci avance un premier argument, celui des droits fondamentaux des personnes en matière de communication.
    Mais puisqu’un tel argument ne vous intéresse pas, je vais vous en présenter un autre, auquel vous n’avez sans doute pas pensé. Que résultera-t-il de cette identification obligatoire ? Que feront les personnes hors d’état d’accéder à la carte prépayée ? Elles demanderont à quelqu’un d’autre d’aller en acheter une à leur place. Cette dernière leur revendra-t-elle la carte au tarif habituel ? Non, ce n’est pas ce qui se produira. Vous allez susciter un commerce illégal de cartes prépayées. Voilà ce que vous allez faire avec cette disposition ! J’ignore si vous y aviez pensé, mais je peux vous dire que c’est ce qui va se passer : vous allez créer un nouveau problème ; puis vous nous direz : « Il faut adopter une loi pour punir ceux qui se livrent à ce commerce ! » Franchement, faites-nous gagner du temps en votant notre amendement de suppression ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Défavorable également.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Antoine Léaument

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    Je suis sûr que M. Sitzenstuhl est d’accord avec nous.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    J’ai une question pour le gouvernement : monsieur le ministre, comment comptez-vous faire respecter les dispositions de l’article que nous nous apprêtons à voter ? Comment cela se passera-t-il concrètement ? Croiserez-vous le fichier contenant toutes les lignes ouvertes par carte SIM prépayée avec celui contenant l’ensemble des titres d’identité recensés par le ministère de l’intérieur ?
    Sur le plan très opérationnel et concret, comment la sanction, d’ailleurs non négligeable, prévue à l’encontre de ceux qui ne respectent pas la nouvelle obligation sera-t-elle appliquée ? J’imagine que vous ne positionnerez pas un policier ou un gendarme devant chacun des commerces qui vendent ces cartes. Comment vérifierez-vous ce qu’il en est ?

    M. le président

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    Monsieur Sitzenstuhl, êtes-vous favorable ou défavorable à l’amendement de suppression ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    J’y suis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    La question est intéressante mais ne recevra probablement pas de réponse. Le responsable des relations publiques d’Orange soutient que l’opérateur ne privera pas une personne sans papiers de l’accès aux services de communication. Je rappelle qu’il s’agit là d’un droit fondamental, qui ne peut souffrir d’opposition.
    Par ailleurs, il n’est pas obligatoire d’avoir en permanence une pièce d’identité sur soi –⁠ cela peut causer bien des problèmes, soit dit en passant, notamment en cas de contrôle au faciès, mais passons.
    On peut toujours débattre de l’intérêt de ficher les gens –⁠ vous vous doutez que j’y suis plutôt opposé – mais vous devez surtout entendre que la mesure sera inefficace pour lutter contre le narcotrafic. Il faut savoir que les opérateurs, qui collectent déjà des données personnelles, ne sont pas chargés d’en vérifier la véracité. Puisque vous ne pourrez pas les obliger à contrôler la validité des pièces d’identité, il sera toujours possible d’acheter des téléphones prépayés avec de faux papiers et vous ne pourrez rien y faire ! Encore une fois, vous tapez à côté, en créant des problèmes qui, aujourd’hui, n’existent pas.
    De toute façon, les narcotrafiquants prennent déjà leurs précautions en envoyant quelqu’un acheter un téléphone à leur place, ou achètent tranquillement des cartes à l’étranger, sur internet, derrière un réseau privé virtuel (VPN). Comme dirait M. le rapporteur Pauget, il faut vivre avec son temps !

    (L’amendement no 443 n’est pas adopté.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Comment feront les touristes ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 686.

    Mme Danielle Simonnet

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    Par cet amendement, le groupe Écologiste et social cherche à garantir que les personnes étrangères –⁠ les touristes, celles qui effectuent un court séjour sur le territoire ou qui ont fui leur pays – pourront continuer à acheter des cartes SIM prépayées. En soumettant la vente de cartes prépayées à la présentation de documents que certaines personnes étrangères ne peuvent pas fournir, nous risquons de priver d’accès à un outil de communication essentiel des personnes qui se trouvent souvent dans une situation précaire et ne disposent ni d’un contrat téléphonique classique ni d’un domicile stable. Pour beaucoup d’entre elles, les cartes prépayées sont la seule solution accessible pour téléphoner, envoyer des messages ou se connecter à internet ; elles sont indispensables pour maintenir des liens familiaux, accomplir des démarches administratives ou rester joignables par des structures d’accompagnement. En voulant lutter contre des abus réels, on risque d’exclure des personnes vulnérables.

    (L’amendement no 686, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 446, 445, 444 et 687, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 444 et 687 sont identiques.
    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 446, et également le no 445 ?

    Mme Élisa Martin

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    Non, nous allons défendre tranquillement chaque amendement, un par un. Il faut prendre le temps, le sujet est sérieux, même si j’ai bien compris que d’aucuns souhaiteraient que nous cavalions.

    M. Hervé de Lépinau

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    Cela ne fait que cinq jours qu’on en parle, après tout !

    M. le président

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    Ils font l’objet d’une discussion commune, d’où mon invitation…

    Mme Élisa Martin

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    Il nous paraît exorbitant que les données des acheteurs de téléphones prépayés puissent être détenues par les opérateurs pendant cinq ans. Nous proposons de ramener cette durée à un mois.
    Rappelons que le gouvernement est incapable de garantir un accueil physique dans les services publics. Les personnes précaires n’ont donc d’autre moyen que le téléphone mobile connecté à internet pour s’inscrire à la CAF, s’adresser à la préfecture ou aux services des impôts ; sans cartes prépayées, elles risquent d’être privées de leurs droits. Espérons que notre proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics sera prochainement examinée par le Sénat.

    M. le président

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    Sur l’article 12 bis, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Peut-on considérer que les amendements nos 445 et 444 sont défendus, dès lors qu’ils ne modifient que la durée de conservation des données ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Dans le cas contraire, et à moins que vous ne vous inscriviez dans une logique d’obstruction, justifiez la différence entre une durée de trois mois et une durée de six mois !

    Mme Clémence Guetté

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    Nous avons d’autres arguments à faire valoir !

    M. le président

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 445.

    Mme Ségolène Amiot

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    Les députés ont le droit d’amendement, si je me souviens bien du règlement de notre assemblée, monsieur le président.
    Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à ne conserver les données que trois mois –⁠ bien que cette durée nous paraisse déjà trop longue. Réfléchissons à tous les publics concernés par les cartes prépayées, notamment aux touristes qui viennent passer quelque temps en France et qui ne souscriront pas un abonnement auprès d’un opérateur : quel justificatif de domicile devront-ils fournir ? Devront-ils être domiciliés en France ? Devront-ils apporter un justificatif de domicile étranger, avec une traduction certifiée conforme ? Réfléchissons à la portée du dispositif que nous allons voter –⁠ il est complètement à côté de la plaque !

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 444.

    Mme Gabrielle Cathala

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    J’en profite pour reposer la question au rapporteur et au ministre : qu’est-ce qui justifie de conserver des données personnelles pendant cinq ans ? Plus de 5 millions de personnes utilisent des cartes prépayées dans le pays : comment comptez-vous surveiller toutes ces personnes, avec quels moyens opérationnels ? Vous n’avez pas non plus répondu. Certaines associations ont souligné le caractère caricatural du présent article, au point de le classer dans la catégorie des articles « en roue libre ». Quelle est la finalité du dispositif ? Depuis l’ouverture de la séance, à 15 heures, des amendements assez graves du Rassemblement national ont reçu de votre part des avis de sagesse, voire des avis favorables.

    Un député du groupe RN

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    C’est qu’ils sont meilleurs !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Plus nous votons des dispositions caricaturales, plus nous faisons des cadeaux à Richard Ferrand : en les censurant, il pourra se racheter une âme ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 687.

    Mme Sandra Regol

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    Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de discuter de la durée de conservation des données. Ce n’est pas un petit sujet. Les opérateurs disent ne pas être tout à fait d’accord pour le faire ; certaines informations peuvent être sensibles. Je comprends que vous soyez agacé, monsieur le président, mais la question n’est pas anodine, c’est une question technique, une question de fond, très concrète. Cette durée de cinq ans est beaucoup trop longue : pourquoi la maintenir ?
    Si les cartes prépayées sont parfois utilisées par les touristes, elles le sont surtout par des personnes à la rue, en attente de papiers, de la confirmation de leur titre de séjour ou du statut de réfugié. Nous nous retrouverions à ficher ces personnes pour longtemps, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’image de la France à l’étranger.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    L’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit déjà que les données relatives à l’identité d’un utilisateur sont conservées durant cinq ans par les opérateurs –⁠ nous en avions parlé en commission. Nous nous sommes alignés sur cet article, il n’y a donc là rien d’extraordinaire.

    Mme Sandra Regol

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    Ils conservent les données de ceux qui souscrivent des forfaits, ce n’est pas la même chose !

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Quant à l’utilité du dispositif, je vous rappelle que nous examinons un texte qui a vocation à lutter contre les narcotrafiquants, notamment en facilitant les enquêtes dont ils font l’objet. Les données en question serviront aux enquêteurs. Or, comme nous l’ont dit les différents services que nous avons auditionnés, les enquêtes peuvent être longues et prendre plusieurs années.
    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Ce n’est pas une surprise : il est défavorable sur tous les amendements en discussion commune. Comme l’a dit le rapporteur, la durée de cinq ans figure déjà dans le droit. La nouveauté est qu’elle s’appliquerait désormais aux données personnelles relatives aux cartes prépayées, dans l’objectif de lutter contre le narcotrafic.
    Par ailleurs, il ne sera possible de connaître l’identité de l’acheteur que dans le cadre d’une procédure, sur réquisition judiciaire. Les arguments que vous avez avancés concernant les conditions de contrôle et le volume des données à traiter ne tiennent pas, en réalité ! Les réquisitions des magistrats permettront de connaître le nom de la personne qui, après avoir acheté un téléphone prépayé, l’aurait utilisé à des fins inhabituelles.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Cela ne sert à rien ! Si vous cherchez à lutter contre le narcotrafic en fichant les utilisateurs de cartes prépayées,…

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    On ne fiche personne !

    M. Antoine Léaument

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    …vous n’obtiendrez au bout du compte qu’un très grand fichier d’utilisateurs de téléphones prépayés !
    Si j’étais un narcotrafiquant, je commanderais des cartes à l’étranger ; il existe même des cartes SIM dématérialisées. Cette disposition est donc rigoureusement inutile ! Les affaires EncroChat et Sky ECC ont bien montré ce qu’il fallait faire pour lutter contre le haut du spectre…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il a malheureusement raison !

    M. Antoine Léaument

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    Même M. Sitzenstuhl est d’accord, c’est très inhabituel !
    Sur ce texte, nous avons des désaccords majeurs –⁠ je pense au durcissement des codes pénal et de procédure pénale ou à la création de prisons de haute sécurité, dont nous essayons de vous convaincre qu’ils sont inefficaces. Mais la présente disposition est inutile et, de surcroît, contre-productive ! Vous allez faire perdre du temps à tout le monde ! Plutôt que de faire des choses utiles, vous prenez des mesures inutiles pour donner l’impression que vous agissez. Nous ne voterons pas pour ce texte, mais nous cherchons quand même à l’améliorer, à faire en sorte qu’au moins, il ne soit pas contre-productif ! Vous faites déjà perdre suffisamment de temps aux policiers et à la justice…

    (Les amendements nos 446 et 445, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
    (Les amendements identiques nos 444 et 687 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 12 bis.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        107
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                73
                    Contre                28

    (L’article 12 bis est adopté.)

    Article 13

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

    M. Guillaume Gouffier Valente

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    À ce stade du débat, je tiens à revenir sur la crise des opioïdes.
    Si cette proposition de loi est un pilier important, qui permettra de renforcer la capacité de l’État à lutter contre le narcotrafic, il ne faut pas omettre un second pilier, qui porte sur les enjeux de santé publique. On sait que les États-Unis sont actuellement confrontés à une crise sans précédent des opioïdes ; toutefois, il ne faudrait pas croire que l’Europe et, plus singulièrement, la France ne courent aucun risque en la matière.
    Selon une étude récente du centre hospitalier universitaire de Grenoble, la France fait partie des six pays au monde qui courent le plus grand risque d’une telle crise. De fait, on constate depuis les années 2000 une augmentation des hospitalisations liées aux overdoses d’opioïdes. Or la France, longtemps pionnière en matière de traitement de l’addiction aux opioïdes, encourage insuffisamment le déploiement des innovations médicamenteuses dans ce domaine, alors qu’elles permettraient de lutter contre tous les effets collatéraux des traitements de substitution. En outre, selon l’avis de nombreux addictologues, notamment de la Fédération française d’addictologie, les solutions thérapeutiques à action prolongée contribuent à améliorer très sensiblement l’offre de soins dans un domaine qui n’a pas connu d’innovation depuis 1995.
    Seule une impulsion politique forte, fixant un cadre réglementaire et financier adapté aux réalités du terrain, permettrait à la France de rattraper le retard qu’elle est en train de prendre en matière de traitements innovants. Elle augmenterait les chances de réinsertion pour les patients, réduirait les charges pour les familles ainsi que le coût pour l’État en matière d’incarcération et d’hospitalisation, rendrait impossible tout trafic des traitements et permettrait ainsi de limiter les conséquences du trafic d’opioïdes sur le plan de la sécurité.
    Lutter contre les addictions, en particulier celles aux opioïdes, en amont ou en aval du trouble addictif, c’est aussi lutter contre les narcotrafics. Nous aimerions connaître les pistes que le gouvernement envisage de suivre dans ce domaine. (Applaudissements sur certains bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    L’article 13 crée une cour dédiée aux crimes commis en bande organisée et aux crimes d’association de malfaiteurs. Cela signifie que les jurys populaires vont être remplacés par des magistrats professionnels. Par principe, cela nous pose un problème.
    D’abord, le fait que la justice soit rendue au nom du peuple français et que des citoyens non aguerris participent aux jurys est un principe constitutionnel. Il s’agit de la concrétisation de l’implication citoyenne. Faire rendre la justice par une cour spéciale sera certes plus rapide et moins coûteux, mais c’est problématique.
    En outre, cette cour siégera à Paris, ce qui risque de porter atteinte aux droits à la défense, du fait de l’éloignement –⁠ qui contrevient de surcroît au principe d’égalité, le même traitement devant être appliqué à toutes les personnes mises en cause.
    Voilà une partie des raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’article 13.

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 453 et 689, visant à supprimer l’article.
    Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 453.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je prolongerai l’argumentation de ma collègue Élisa Martin en soulignant que la centralisation à Paris posera une difficulté d’abord et avant tout aux victimes et à leurs avocats, qui auront du mal à accéder aux magistrats chargés de l’enquête. Si l’on fait un parallèle avec la lutte contre le terrorisme, il est certain que cette centralisation rendra les choses encore plus complexes. J’insiste sur cet aspect parce que personne ne parlera des victimes de ce point de vue –⁠ or c’est important.
    Ensuite, la centralisation à Paris des juges de l’application des peines (JAP), qui sont des magistrats du siège, vise aussi à ce qu’ils se conforment aux desiderata du gouvernement. On va restreindre leur indépendance en formulant une exigence de sévérité envers les « narcotrafiquants », de manière à suivre une logique qui confine parfois à la volonté d’imposer des conditions d’incarcération qui fassent mal. Cette volonté, c’est celle du gouvernement : le ministre l’a en partie assumée lorsque, évoquant le statut de repenti, il a dit qu’il serait possible de négocier la possibilité de moins souffrir en détention.
    Enfin, l’extension des compétences de la cour d’assises spéciale –⁠ qui comprennent déjà en partie les affaires de stupéfiants – a pour objectif qu’il n’y ait tout simplement plus de jury populaire. C’est un énorme changement.

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Ugo Bernalicis

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    Désolé, monsieur le président, mais le même article aborde trois sujets différents ; vous comprendrez que je prenne un peu de temps pour exposer nos arguments.
    La question que nous devons donc nous poser est la suivante : pensons-nous que, dans ces circonstances, et surtout pour les crimes les plus graves, la justice doive être rendue au nom du peuple français ? On met en avant la nécessité de protéger les jurés mais la question se pose exactement dans les mêmes termes pour les magistrats qui participent à l’audience. De la protection, de toute façon, il en faudra.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 689.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Cet amendement tend à revenir sur l’institution de cours d’assises spéciales pour la criminalité organisée et de juges de l’application des peines anti-criminalité organisée. Il est essentiel de garantir la participation de citoyens aux jurys dès lors que, comme mes collègues viennent de le rappeler, la justice est rendue au nom du peuple français. En outre, cela donne une solennité à l’action de justice et permet d’assurer la fluidité entre, d’une part, les citoyens et citoyennes, d’autre part, la justice qui est rendue en leur nom.
    Certes, ces cours auraient l’avantage d’accélérer les procédures et la justice serait ainsi rendue plus rapidement. Cependant, le même résultat pourrait être obtenu en remédiant au manque de personnel actuel. Il vaudrait mieux augmenter le budget de la justice, embaucher massivement et conserver les citoyens autour de la table de la justice.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    L’article 13 prévoit la spécialisation des cours d’assises et des juridictions de l’application des peines en matière de délinquance et de criminalité organisée. Je pense que la justice doit se réorganiser en opposant à ces structures criminelles des magistrats spécialisés qui ont acquis des compétences particulières dans ces domaines. À l’instar de ce que nous avons fait pour nous adapter aux enjeux de la lutte contre le terrorisme, nous devons donner à la justice les moyens de s’organiser pour faire face au développement de la criminalité organisée dans notre territoire. La généralisation de la cour d’assises spéciale pour juger ces infractions est indispensable afin de mettre à l’abri la population contre toute forme d’influence et de menaces provenant de ces organisations. C’est aussi –⁠ cela a été souligné lors des auditions – une mesure de protection des jurés.
    Quant à la spécialisation des juges de l’application des peines en cette matière, elle est en totale cohérence avec la création du Pnaco, le parquet national anti-criminalité organisée, que nous avons décidée en adoptant l’article 2. Elle est indispensable pour accroître la compétence des magistrats en cette matière et assurer un meilleur suivi des condamnés pour faits de délinquance ou de criminalité organisée.
    Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Vous dites que la justice étant rendue au nom du peuple français, la cour d’assises, avec ses jurés, doit impérativement être maintenue –⁠ mais la justice est rendue au nom du peuple français par tous les magistrats, y compris par ceux qui statuent seuls en audience ! Tous rendent la justice de cette manière, pour tout le monde, et je crois que cela n’est pas contesté.
    Le gouvernement est par conséquent défavorable aux amendements de suppression.
    Les défis que pose la criminalité organisée nous obligent à adapter nos moyens et à apporter une réponse parfaitement efficace. La spécialisation des juges de l’application des peines et la professionnalisation des cours d’assises visent cet objectif.
    De surcroît, M. Bernalicis l’a noté, la cour d’assises professionnelle est déjà prévue pour des faits de criminalité organisée, notamment pour le trafic de stupéfiants –⁠ je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les dispositions de l’article 706-27 du code de procédure pénale.
    Enfin et peut-être surtout, il s’agit de contentieux extrêmement compliqués pour les jurés. Ces derniers peuvent subir des pressions et des tentatives de corruption. Les débats sont, je le répète, techniques et complexes, et les audiences très longues ; il n’est pas toujours facile pour les jurés de se rendre disponibles –⁠ et un juré indisponible peut mettre en difficulté la cour d’assises.
    Les cours criminelles spécialisées ont montré leur efficacité dans beaucoup de dossiers, avec des résultats positifs.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, précisément !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Le rapporteur l’a souligné : l’article 13 s’inscrit dans la même logique que la création du Pnaco. Il s’agit d’un dispositif exceptionnel en raison d’enjeux exceptionnels.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, auriez-vous l’amabilité de préciser le périmètre des infractions qui relèveront de la compétence de la cour d’assises spéciale ? Si je lis bien, il ne s’agit pas uniquement du trafic de stupéfiants ; cela concerne aussi l’association de malfaiteurs et les crimes commis en bande organisée. On peut donc imaginer qu’elle jugera des affaires qui n’ont rien à voir avec les stups. Du coup, on peut se demander ce qui va rester aux assises, les cours criminelles départementales ayant déjà récupéré une partie du spectre.
    Il s’agit en réalité d’une attaque en règle contre le jury populaire, dans son existence même. On le garde dans un coin, comme ça, parce qu’il fait joli –⁠ et pour faire quoi ? Car vous vous trompez dans votre analyse, monsieur le ministre : c’est précisément parce qu’un jury populaire juge les crimes les plus graves qu’on peut par subsidiarité dire que la justice est rendue au nom du peuple français. Si ces jurys n’existaient plus, elle serait rendue au nom des magistrats qui prononcent les décisions –⁠ donc au nom de la loi, et non du peuple français. Cette distinction me semble fondamentale. Si l’on dit que la justice est rendue au nom du peuple français, c’est parce que le peuple français participe directement, par l’intermédiaire du tirage au sort, aux décisions de justice.
    On pourrait discuter de la protection des jurés. Dans d’autres pays, pour certaines procédures, les jurés se tiennent derrière une vitre teintée ; on ne les voit pas mais ils sont présents et ce sont eux qui prennent la décision. On pourrait prendre des mesures de protection –⁠ mais vous estimez que ce n’est pas la peine, en tenant de surcroît un discours méprisant, selon lequel les jurés ne comprendraient rien parce que ce serait trop compliqué pour eux.

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Ugo Bernalicis

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    Or c’est justement la grandeur du jury populaire que de participer à la formation du peuple français.
    C’est un réel problème que vous sembliez opposés au principe même du jury populaire.

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 453 et 689.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        103
            Nombre de suffrages exprimés                103
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                24
                    Contre                79

    (Les amendements identiques nos 453 et 689 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Sur l’article 13, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 536.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous demandons la suppression du texte proposé pour l’article 242-1 du code de procédure pénale, c’est-à-dire les alinéas 2 à 4 de l’article 13 de la présente proposition de loi. Nous sommes nous aussi contre l’idée d’une cour d’assises spéciale, composée de magistrats professionnels, pour juger les crimes commis en bande organisée et le crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes. Nous nous associons à la demande de précision qui vient d’être formulée.
    Nous demandons également la suppression de la cour d’assises spéciale instituée pour le jugement des accusés mineurs âgés de 16 ans au moins mis en accusation pour de tels crimes.
    C’est à nos yeux un grave recul, motivé par des considérations essentiellement financières, alors qu’il s’agit d’un moment essentiel de la démocratie judiciaire, qui permet de la faire vivre en faisant connaître aux citoyens le fonctionnement de la justice. Nous le répétons à notre tour : le jury populaire est un instrument démocratique fondamental, qui améliore la compréhension de l’institution judiciaire par le citoyen et renforce sa confiance en elle. Le jury populaire est un moment fort de citoyenneté et de démocratie, qui permet au citoyen de participer au processus judiciaire et d’exercer la justice en devenant acteur de celle-ci.

    (L’amendement no 536, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 688.

    Mme Sandra Regol

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    Avec cet amendement de mon collègue Iordanoff, nous recherchons un accord à même de nous faire avancer sur cette disposition, puisque vous refusez d’en modifier le cadre : nous proposons d’intégrer aux cours criminelles spéciales des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, ce qui existe déjà dans les cours criminelles départementales. Cette mesure permettrait d’améliorer le fonctionnement des cours que vous souhaitez créer et de rassurer les deux côtés de l’hémicycle.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Ce dispositif a été prévu dans le cadre de l’expérimentation des cours criminelles départementale, mais il n’a pas fonctionné, les avocats honoraires ne s’étant pas bousculés pour siéger. Malheureusement, au vu de cette expérience, le gouvernement est défavorable à l’amendement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas faute d’avoir été contre à l’époque !

    (L’amendement no 688 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 462.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le fait de traduire des mineurs de plus de 16 ans devant ces cours spécialisées et non devant un jury populaire pose problème. Nous proposons de garantir l’application du principe de spécialisation de la justice des mineurs, prévu par le droit en vigueur et ce, que les mineurs aient 16 ans, 17 ans et demi ou 18 ans moins un jour.
    En réalité, avec la centralisation, on ne peut plus faire du sur-mesure et s’adapter à la diversité des situations juridiques.
    Nous voyons bien que votre objectif est de faire en sorte que tout mineur de plus de 16 ans suspecté d’avoir participé à un trafic de stupéfiants soit considéré comme un majeur. Vous l’avez déjà démontré en voulant supprimer l’atténuation de responsabilité pour les plus de 16 ans.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Le principe de spécialisation de la justice des mineurs est respecté puisqu’il est prévu que deux assesseurs composant la cour d’assises spécialisée seront désignés parmi les juges pour enfants. Avis défavorable.

    (L’amendement no 462, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 458.

    Mme Élisa Martin

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    Deux assesseurs ne suffisent pas pour garantir que la juridiction fera prévaloir l’aspect éducatif sur l’aspect répressif !
    Par cet amendement, nous souhaitons éviter la centralisation des JAP. Le fait que tout se joue à Paris est néfaste tant pour les prévenus et leurs avocats que pour les victimes, qui doivent pouvoir participer à toutes les étapes de la procédure.
    Au surplus, cette mesure est coûteuse.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?
    Contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de votre amendement, l’article 13 ne prévoit pas de centraliser le suivi de tous les condamnés. Ceux qui relèvent du haut du spectre seront suivis par le JAP parisien, tandis que les condamnés d’envergure « régionale » seront suivis par les JAP localisés au sein des juridictions interrégionales spécialisées (Jirs).
    La spécialisation des JAP s’inspire de ce qui a été réalisé vis-à-vis des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, dispositif qui a démontré sa pertinence. Avis défavorable.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Tout dépend du point de vue où on se place ! Ce dispositif a certes montré sa pertinence pour ce qui est de l’efficacité de la centralisation : tout le monde est passé à la même moulinette, se voit appliquer le même régime de sévérité des sanctions et obtient difficilement des aménagements de peine. Au regard des objectifs d’individualisation des peines et de préparation de la réinsertion –⁠ les détenus sortiront un jour –, le succès est plus discutable.
    En réalité, la centralisation vise à placer les magistrats du siège sous pression, en vue de remettre en cause leur indépendance.
    Vous venez d’invoquer l’argument d’un traitement différencié : certains condamnés seront suivis localement ; d’autres à Paris. Selon quels critères ? Pas celui de la gravité des faits commis, semble-t-il, mais plutôt celui du profil de l’auteur… C’est une individualisation à l’envers !
    Dès lors que les « superprisons » des « supernarcotrafiquants » seront localisées à Vendin-le-Vieil et à Condé-sur-Sarthe, il aurait mieux valu donner aux magistrats du Pas-de-Calais et de l’Orne les compétences en matière d’application des peines plutôt que de centraliser celles-ci à Paris. Mais mener une politique homogène décentralisée, c’est trop demander dans ce pays ! On fera donc des extractions et, à défaut, des audiences en visio : ce sera une justice à la qualité dégradée.

    (L’amendement no 458 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 843 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 843, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 13, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        102
            Nombre de suffrages exprimés                102
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                76
                    Contre                26

    (L’article 13, amendé, est adopté.)

    Après l’article 13

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l’amendement no 163.

    M. Guillaume Gouffier Valente

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    Nous proposons de compléter la liste des infractions pour lesquelles les associations de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains peuvent se constituer partie civile en y ajoutant : la soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à un travail non rémunéré ou rétribué de manière dérisoire –⁠ article 225-13 du code pénal ; la soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité –⁠ article 225-14 du code pénal ; l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier lorsqu’elle a pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d’hébergement indignes –⁠ 3o de l’article  L. 622-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; le fait de diriger un trafic de stupéfiants –⁠ article 222-34 du code pénal.
    Il s’agit de mettre en œuvre la mesure no 49 du troisième plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je comprends et partage l’objectif général de votre amendement. Cette proposition, que vous avez sans doute travaillée avec la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), est d’ailleurs prévue par le plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains 2024-2027.
    Cependant, le texte vise seulement le narcotrafic et ne comporte aucune disposition relative aux constitutions de partie civile. Autant dire que l’adoption de votre amendement ferait courir le risque d’une censure par le Conseil constitutionnel en cas de saisine, fort probable.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vrai !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    En lien avec la Miprof, le garde des sceaux travaille à la transposition de la directive du 13 juin 2024 relative à la traite des êtres humains. Il serait plus pertinent que votre proposition soit intégrée dans le véhicule législatif qui assurera cette transposition.
    Je formule donc une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    M. Gouffier Valente, retirez-vous l’amendement ?

    M. Guillaume Gouffier Valente

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    Je salue les travaux de la Miprof, avec laquelle j’ai élaboré d’autres amendements, déclarés irrecevables. Je maintiens cet amendement ; s’il n’est pas adopté, je déposerai une proposition de loi dans les prochains jours afin de faire entériner certaines des mesures du troisième plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains 2024-2027.

    M. Ugo Bernalicis

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    Parfait !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Votre argument, monsieur le ministre, m’étonne : le gouvernement s’est montré moins soucieux du risque d’inconstitutionnalité en bien d’autres endroits de la proposition de loi.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est certain !

    Mme Sandra Regol

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    Relever ce risque ici est un peu spécieux. Je note que vous avez enregistré la possibilité d’une saisine du Conseil constitutionnel –⁠ il est fort probable que celui-ci censurera certaines dispositions, si toutefois il conserve son indépendance.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 163.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        81
            Nombre de suffrages exprimés                78
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                46

    (L’amendement no 163 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 448.

    M. Ugo Bernalicis

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    Dans le même esprit, mais en restant dans le périmètre de la proposition de loi, nous proposons que les associations de lutte contre la mafia puissent se constituer partie civile dans les procédures engagées pour association de malfaiteurs, délinquance et criminalité organisée.
    J’ajoute un élément de fond. M. Retailleau –⁠ que, à mon grand regret, nous n’aurons pas beaucoup entendu car il est occupé ailleurs – dit que la lutte contre le trafic de drogue est l’affaire de tous, que la société doit s’emparer de ce sujet. Que la société, organisée en association, puisse participer concrètement à cette lutte, c’est tout l’objet de cet amendement. Bruno Retailleau exaucé par Ugo Bernalicis ? Voilà qui mérite une mention au compte rendu des débats !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Je partage votre objectif et je rends donc un avis favorable, étant observé que, si l’amendement est adopté, il y aura quelques points techniques à revoir avant la CMP.

    M. Ugo Bernalicis

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    Attendons avant de crier victoire !

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Il est divergent. Les associations agréées d’aide aux victimes d’infractions peuvent déjà agir en justice, se constituer partie civile, être présentes dans la procédure et à l’audience : l’amendement est satisfait.

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je soutiens la position de M. le ministre. La lutte contre le narcotrafic du haut du spectre appelle avant tout une action régalienne. J’ai du mal à concevoir que des associations puissent se substituer à l’action de l’État –⁠ car c’est, au fond, ce que vous proposez avec votre amendement – dans ce qui est un système d’équilibre, de preuves, de procédures.
    En outre, les contours de la mesure ne sont pas définis. Quelles associations sont concernées, et selon quels critères –⁠ la taille, la représentativité ? S’agira-t-il, au vu de la nature des faits, de grosses associations, très présentes médiatiquement ?
    Par ailleurs, il faut être très naïf pour imaginer –⁠ comme l’indique l’exposé sommaire – qu’une telle disposition aurait un « effet dissuasif ». Comme ce n’est pas le cas de mes collègues, je pense que leur amendement s’apparente plutôt à une tribune militante.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vrai, la dimension militante n’est pas absente de ces questions, et il existe des militants antimafia. Je pense à l’association Crim’halt, qui nous a suggéré plusieurs amendements –⁠ nous ne les avons d’ailleurs pas tous retenus car, si nous sommes d’accord avec elle sur certains points, nous sommes en désaccord sur d’autres et notre liberté reste totale. Je pourrais aussi citer des associations corses antimafia, qui aimeraient pouvoir se constituer partie civile dans les procès.
    Pour maintenir la qualité des débats, ne commençons pas à inventer des arguments qui n’en sont pas !

    Mme Naïma Moutchou

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    Vous les premiers !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il n’est évidemment pas question que les associations se substituent au parquet, lequel garde le monopole de l’action publique. Ainsi, ce n’est pas parce qu’Anticor a le pouvoir de signaler plus facilement certains faits à la justice que celle-ci est obligée de mener des poursuites.

    Mme Naïma Moutchou

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    Vous savez bien comment ça se passe !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ne faites pas dire aux associations ce qu’elles ne disent pas ni au droit ce qu’il ne dit pas. L’initiative des associations viendrait simplement s’ajouter à l’action publique engagée par le parquet.
    Par ailleurs, la constitution de partie civile ne se limite pas au fait de déclencher une procédure. Elle permet aussi aux associations –⁠ ces militants, si vous voulez, de l’antimafia – de participer au procès et d’exposer leur point de vue, d’exprimer les raisons pour lesquelles la criminalité organisée répugne à la société.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 448.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        78
            Nombre de suffrages exprimés                77
            Majorité absolue                        39
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                47

    (L’amendement no 448 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jiovanny William, pour soutenir l’amendement no 237.

    M. Jiovanny William

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    Il vise à permettre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, aux magistrats relevant de la Jirs dans le ressort de la cour d’appel de Fort-de-France, de recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle à tous les stades de la procédure, notamment lorsque le prévenu est interpellé en mer. Ce type d’opération pose en effet certaines difficultés. Cet amendement correspond d’ailleurs à une demande des magistrats de Martinique. Je précise que ce dispositif respecte les droits de la défense.

    (L’amendement no 237, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 456.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Il vise à supprimer les cours d’assises spéciales en matière de trafic de stupéfiants.
    Nous sommes opposés aux juridictions spécialisées telles les cours criminelles dont vous avez estimé tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’elles étaient un succès. Même le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, considère qu’elles ont accru la charge des juridictions criminelles et aggravé la pression en matière de délais. Un rapport de l’Inspection générale de la justice parle aussi, à leur propos, d’échec total, cinq ans après leur lancement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’aimerais éclairer le gouvernement sur cette question. On a créé les cours criminelles départementales afin d’accélérer la procédure judiciaire. Or elles mobilisent davantage de magistrats professionnels qu’une cour d’assises classique qui compte également des jurés. À l’arrivée, on manque de magistrats. C’était donc une fausse bonne idée d’autant plus que, en raison de l’accélération du temps judiciaire, les procès sont beaucoup plus nombreux.
    La conséquence de cette mesure contre-productive est que les délais commencent à s’allonger, y compris dans les cours criminelles départementales, avec des audiences qui interviennent au bout d’un an et demi ou deux ans, alors que l’objectif était d’aller plus vite –⁠ il fallait attendre jusqu’à trois ans pour une audience en cour d’assises.
    Surtout, le jury a disparu. Jusqu’à cette réforme, le peuple participait directement à l’œuvre de justice. Ce n’est pas un détail. Ce modèle était un acquis de la Révolution française : l’idée était alors de rompre avec la justice « à la tête du client », en vigueur sous l’Ancien Régime.
    Je ne suis pas pour autant opposé à la professionnalisation de la justice. Il faut continuer de défendre le modèle hybride, au sein duquel coexistent magistrats professionnels et jury populaire. (M. Gabriel Amard applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je suis, comme nombre d’entre nous, attachée à la justice populaire mais je ne l’oppose pas à la justice professionnelle.

    Mme Ségolène Amiot

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    Nous non plus !

    Mme Naïma Moutchou

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    La présence des citoyens au sein des jurys, évoquée par M. Bernalicis, a certes une dimension symbolique. Cependant, la justice du peuple, cela signifie d’abord que celui-ci, par la Constitution, donne aux magistrats le pouvoir de rendre la justice en son nom. Dès lors, la justice professionnelle a toute sa place dans ce système.
    Par ailleurs, je n’irai pas jusqu’à parler de succès mais le bilan des cours criminelles départementales est plutôt positif, du point de vue de la qualité des débats –⁠ un critère très important pour ce type d’affaires – ou du respect du contradictoire, par exemple.
    On peut difficilement défendre le principe de la spécialisation tout au long du processus judiciaire –⁠ l’enquête, l’instruction – si on ne l’applique pas aux dernières étapes que sont le jugement et l’application des peines. Il faut aller au bout de la logique.

    (L’amendement no 456 n’est pas adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    Article 14 bis

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 482.

    Mme Élisa Martin

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    Nous sommes opposés à l’aggravation de peine prévue en cas de révélation de l’identité d’un témoin menacé, non pas, bien sûr, par principe, mais parce qu’il est possible d’appliquer à cette situation le régime prévu lorsque la révélation concerne une personne bénéficiant d’une identité d’emprunt lors de la procédure pénale.
    De surcroît, si l’aggravation de peine peut satisfaire certaines pulsions de l’être humain, il ne faut pas pour autant cesser de faire appel à notre raison. Nous devons donc analyser les causes de tels actes pour tenter de les comprendre. L’objectif central d’une telle proposition de loi devrait être le démantèlement de réseaux dont la puissance se manifeste à la fois par leurs actions mais aussi par leur capacité à manipuler des gens, par exemple pour les obliger à menacer des personnes que la justice souhaite protéger.
    Avec cet amendement, il ne s’agit certainement pas de sous-estimer la gravité des actes mais plutôt d’unifier les peines… ce qui rendra le code pénal d’un usage plus simple.

    (L’amendement no 482, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 811 de M. Éric Pauget, rapporteur, est un amendement rédactionnel.

    (L’amendement no 811, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Bellay, pour soutenir l’amendement no 230 rectifié.

    Mme Béatrice Bellay

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    Dans notre quotidien, nous côtoyons des familles menacées par les narcotrafiquants. Il faut savoir que lorsqu’une personne est prise dans le filet du narcotrafic, c’est un mariage, qui implique tous les membres de sa famille. Eux aussi peuvent se retrouver soumis à la loi de ces réseaux organisés de délinquants violents, menaçants et qui ont de l’argent.
    La protection des familles ne doit pas être une option mais une obligation pour la nation : les petits frères et sœurs ne doivent pas être embarqués dans le tourbillon infernal et mortifère du trafic, plus particulièrement du narcotrafic. Tel est l’objet de cet amendement.
    Je vous demande de tenir compte de ce que vivent les familles dans certains territoires, dans des sociétés de face-à-face où tout le monde se croise quotidiennement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Bellay.

    Mme Béatrice Bellay

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    Monsieur le rapporteur, je suis étonnée de votre position sur certains de nos amendements relatifs à la protection de la famille, comme celui-ci, ou à la prévention –⁠ je pense à un amendement qui prévoyait simplement de diffuser des spots dans le cadre d’une campagne.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur.

    M. Éric Pauget, rapporteur

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    J’avais moi-même déposé un amendement pour mieux protéger les familles mais j’ai été convaincu par les différentes auditions du service interministériel d’assistance technique (Siat) et de la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), lesquels nous ont dit combien ils avaient besoin de souplesse. Comme nous l’avons dit en commission, il n’est pas souhaitable de rigidifier les dispositifs de protection, notamment l’attribution du statut de repenti ou de témoin protégé.
    Dans cette matière très particulière, le Siat examine au cas par cas, individualise chaque dossier, procède de manière quasi chirurgicale. Il ne souhaite pas que la loi rigidifie les procédures. Il faut faire confiance au Siat et à la CNPR et les laisser agir, parce que chaque cas est différent. Je maintiens mon avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je fais miennes les observations du rapporteur, même si je comprends et partage tout à fait votre inquiétude et votre intention. Le gouvernement, à ce jour, ne constate pas de remontées particulières du terrain en la matière. En tout cas, je peux vous rassurer sur les dispositions du droit positif : la possibilité d’être protégé est déjà offerte et il n’apparaît pas nécessaire de créer un dispositif supplémentaire de nature impérative. Les mesures de protection par une identité d’emprunt sont des mécanismes assez lourds et ne sont pas toujours souhaitées ni acceptées par les intéressés.
    Ce constat rejoint les propos du rapporteur : l’application du dispositif de protection, dont l’organisation est complexe mais qu’il faut déclencher en cas d’absolue nécessité, doit obéir à une évaluation réalisée au cas par cas. C’est la raison pour laquelle le gouvernement exprime une demande de retrait, considérant que le droit positif satisfait votre demande ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    L’article 14 bis permettra aux témoins de disposer d’une meilleure protection et de meilleurs outils d’anonymat. J’entends l’argument de la souplesse, mais il s’agit, avec cet amendement, de garantir aux personnes qui souhaitent témoigner mais ne le font pas parce qu’on fait peser des menaces sur leur famille que ces menaces ne pourront pas être exécutées parce que l’État les protège.
    Il doit être possible de concilier ce message adressé aux témoins avec la nécessaire souplesse des mesures de protection. La rédaction proposée par notre collègue ne me semble pas aller à l’encontre d’un tel objectif. Au contraire, elle vise à assurer les intéressés que leur famille sera bien protégée. Cette garantie supplémentaire n’est pas anecdotique.

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Il est vrai que les réseaux criminels s’en prennent souvent à ce qu’il y a de plus vulnérable chez les témoins, à savoir les proches, les familles et parfois les enfants : cette réalité a été documentée. Sur le principe, nous sommes donc plutôt favorables à cette volonté de protéger l’environnement du témoin qui subit une pression et une intimidation qui ne vont pas nécessairement jusqu’à la vengeance : pour le faire taire, il faut lui faire peur.
    L’argument que Mme Regol vient d’exposer est intéressant : il faut envoyer un message à ceux qui osent parler, en garantissant leur protection mais aussi celle de leur entourage. J’entends les contraintes évoquées par le rapporteur et le ministre : peut-être faut-il évaluer le cadre juridique actuel et voir en quoi il peut être amélioré ? En tout cas, notre groupe ne votera pas contre cet amendement –⁠ ses membres voteront pour ou s’abstiendront –, car ce message est d’actualité et doit être transmis.

    (L’amendement no 230 rectifié est adopté ; en conséquence, l’amendement no 822 tombe.)

    (L’article 14 bis, amendé, est adopté.)

    Article 15

    M. le président

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    Sur l’article 15, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Cet article renforce la protection des policiers et des gendarmes qui interviennent dans le cadre de la criminalité organisée, en les autorisant à être identifiés dans les actes de procédure par leur numéro d’immatriculation administrative –⁠ mesure qui tend à se généraliser à l’ensemble des policiers dans les domaines de la sécurité publique, du maintien de l’ordre ou encore du renseignement. Les agents des douanes chargés des enquêtes en matière de criminalité organisée pourront aussi bénéficier de ce dispositif d’anonymat.
    L’article 15 vise à renforcer la protection des agents qui risquent leur vie –⁠ ne l’oublions pas – pour lutter contre la criminalité organisée, notamment le haut du spectre. Nous voterons évidemment en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 131.

    M. Michaël Taverne

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    Nous proposons de rétablir la rédaction initiale issue du Sénat, qui prévoyait une présomption d’habilitation des enquêteurs affectés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées pour l’accès au fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ). Les amendements adoptés en commission qui sont revenus sur cette disposition ne servent strictement à rien, selon les témoignages des policiers –⁠ j’ai moi-même été confronté à de telles situations.

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    La disposition contenue dans le texte issu du Sénat comportait le risque d’un accès trop large au TAJ. De plus, l’article 15-5 du code de procédure pénale prévoit déjà que l’absence de la mention de l’habilitation n’emporte pas nullité de la procédure. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Votre amendement est satisfait par l’article 15-5 du code de procédure pénale, qui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, prévoit que « l’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation [de traitements au cours de l’enquête] n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ». Cet article, issu de la Lopmi, a donc déjà créé une présomption d’habilitation qui permet aux enquêteurs de ne pas mentionner en procédure qu’ils sont nommément habilités à accéder au fichier TAJ. Avis de sagesse.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Comme vient de le rappeler le ministre, des évolutions ont déjà permis l’accès au TAJ sans habilitation et il me semble que, lorsque l’habilitation est formellement prévue par la loi, une procédure permet de tracer les accès au TAJ de chaque agent. D’un point de vue opérationnel, même si une habilitation d’office était instaurée, chaque agent serait obligé de disposer d’un accès nominatif au logiciel. Il n’empêche que cette procédure permet de rappeler aux policiers que l’accès à un fichier n’est pas neutre : on n’y accède pas comme on veut, juste pour voir ce qu’il y a dedans.
    Je rappelle que le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de 2023 signalait les problèmes de l’accès frauduleux aux fichiers de police et de la revente de certaines informations, liées notamment au narcotrafic, et soulignait la traçabilité insuffisante de ces accès. De plus, la nullité prévue dans notre droit existe justement pour rappeler qu’on ne met pas ce qu’on veut et comme on veut dans un fichier et que tout le monde, au sein de la police, n’y a pas accès. Il faut des règles claires en la matière. De ce point de vue, le droit positif est satisfaisant, il n’est pas nécessaire d’aller au-delà.

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    La disposition rappelée par le ministre a été adoptée avec la Lopmi, que nous avons tous votée, sauf l’extrême gauche. Soyez cohérents et faites confiance aux policiers : s’ils consultent le TAJ, ce n’est pas parce qu’ils en ont envie ou parce qu’ils s’ennuient, c’est pour obtenir des éléments probants. De plus, chaque policier disposant d’un numéro d’immatriculation, les consultations sont traçables. Il faut donc faire preuve de bon sens : faites confiance aux policiers !

    (L’amendement no 131 n’est pas adopté.)

    M. Michaël Taverne

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    Ils votent contre ce qu’ils ont voté lors de la Lopmi !

    M. le président

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    L’amendement no 876 de M. Vincent Caure, rapporteur, est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 876, accepté par le gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 484 tombe.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 486.

    M. Ugo Bernalicis

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    On peut comprendre l’objectif de l’anonymisation d’office des agents qui travaillent au sein des services de lutte contre le crime organisé. Pourtant, un point d’équilibre a été trouvé avec les autorisations d’anonymisation accordées par le supérieur hiérarchique ou le magistrat. L’anonymisation ne saurait devenir un principe. En effet, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que tout agent public doit rendre compte de son action : ce principe est déterminant.
    Par ailleurs, aucune étude d’impact –⁠ puisque nous discutons d’une proposition de loi – ne nous permet d’éclairer cette revendication d’anonymisation : combien de policiers ont été menacés ou agressés parce que leur nom figurait dans la procédure ? Fort heureusement, les policiers ne semblent pas très touchés par de telles menaces.
    Quand on légifère en la matière, il faut mettre en regard les éléments factuels avec les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’état actuel du droit. En l’occurrence, ce dernier nous paraît satisfaisant. C’est pourquoi nous défendons cet amendement et voterons contre l’article 15.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Contrairement à ce que vous affirmez dans l’exposé sommaire, votre amendement n’a pas pour effet d’unifier le quantum de peines pour les infractions de révélation de l’identité d’un agent anonymisé, mais plutôt d’en affaiblir la répression, alors que les risques que font peser les délinquants sur nos agents sont élevés. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Le gouvernement avait déposé un amendement, déclaré irrecevable, qui visait à baisser le quantum des peines prévues pour les délits de révélation de l’identité d’un enquêteur qui agit sous pseudonymat. Ainsi, la proposition du gouvernement était de passer de cinq à trois ans d’emprisonnement et de 75 000 à 45 000 euros d’amende encourue –⁠ peines proches de celles que vous proposez.

    M. Ugo Bernalicis

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    Quel laxisme !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Par ailleurs, ce même amendement visait également à diminuer le quantum des peines aggravées.
    S’agissant de la suppression des deux circonstances aggravantes, le gouvernement y est opposé. Votre amendement aurait pour effet de prévoir une peine identique à la révélation du pseudonymat d’un enquêteur, sans tenir compte des conséquences éventuellement mortelles que cette révélation a entraînées. Or le principe de gradation en droit pénal invite à aggraver les peines en fonction de la gravité de l’infraction commise. Il est donc indispensable de prévoir des peines aggravées lorsque la révélation de l’identité de l’agent a entraîné des violences à son encontre ou contre ses proches, ou pire encore a causé le décès. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Les noms de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider vous disent-ils quelque chose ? Si je vous dis que ces personnes ont été égorgées à Magnanville devant leur enfant, cela vous parle ?
    Il existe des dispositifs d’anonymisation, notamment le référentiel des identités et de l’organisation (RIO), qui n’empêchent pas de remonter jusqu’à l’identité des policiers. Ceux-ci demandent simplement que leur nom soit dissimulé, alors qu’il est parfois affiché sur les murs de certains quartiers ou relayé par des organisations criminelles. Les autoriser à être identifiés par leur numéro dans les procédures est parfaitement logique et légitime.
    J’en reviens au rejet de l’amendement no 131. Collègues marcronistes, vous avez voté pour la Lopmi, qui contenait une disposition similaire pour protéger nos policiers, mais contre mon amendement, probablement parce qu’il venait du Rassemblement national. S’il avait été présenté par la Macronie, il aurait été adopté. Heureusement que nous sommes là pour défendre le texte ! Sinon, il aurait été détricoté par l’extrême gauche !

    M. Emeric Salmon

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    Ça, c’est sûr !

    M. Michaël Taverne

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    Vous pouvez remercier le Rassemblement national d’être là pour défendre la sécurité des Français et lutter contre la criminalité organisée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cher collègue, ce ne sont pas des fuites dans une enquête judiciaire, en cours ou close, qui ont mené au double assassinat de Magnanville. Je rappelle que Jessica Schneider a été tuée parce que son assassin pensait qu’elle était policière, alors qu’elle faisait partie –⁠ comme moi-même – du personnel administratif de la police ; Jean-Baptiste Salvaing, lui, était policier d’active. Et puisque des éléments de l’enquête ont été révélés dans la presse, vous savez comme moi que l’assassin a trouvé le nom, donc l’adresse, de ses victimes dans une clé USB appartenant au syndicat de police dont elles étaient adhérentes.

    Mme Ségolène Amiot

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    Rien à voir, donc !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne vois donc pas du tout le rapport entre ce crime et le sujet dont nous débattons. Ce que j’observe, c’est votre capacité à instrumentaliser un double assassinat. (Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est votre marque de fabrique, et le procédé est intolérable.

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    On parle du Hamas ?

    (L’amendement no 486 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 15, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        100
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                90
                    Contre                10

    (L’article 15, amendé, est adopté.)

    Article 15 bis A

    M. le président

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    L’amendement no 877 de M. Vincent Caure, rapporteur, est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 877, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 489.

    Mme Élisa Martin

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    L’article vise à protéger davantage les interprètes intervenant à l’occasion des procédures, en prévoyant leur anonymisation.
    S’il est tout à fait légitime de protéger ainsi les témoins, les jurés, les interprètes, les policiers, etc., on peut se demander si prévoir des sanctions pénales en cas de révélation de leur identité ou, quand elles existent, les aggraver est la bonne façon de procéder. Cela donne sans doute le sentiment que le législateur agit fermement, mais, dans les faits, cela ne protégera en rien les personnes. Il vaudrait mieux concentrer notre réflexion sur les moyens –⁠ humains, d’abord, techniques, ensuite – qu’il faut mobiliser pour protéger ces personnes.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Cet article visant à protéger les interprètes est important et nous le soutiendrons. Toutefois, la sécurité des interprètes ne se limite pas à ce type de mesures. Assurer leur sécurité, c’est aussi les payer dans les temps, éviter que leur statut ne se précarise toujours davantage. Les enquêteurs ont un besoin impérieux d’interprètes disponibles et fiables. Nous voterons cet article, mais il va falloir travailler plus sérieusement pour que cette profession cesse d’être en souffrance, sur tous les plans.

    (L’amendement no 489 n’est pas adopté.)

    (L’article 15 bis A, amendé, est adopté.)

    Après l’article 15 bis A

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l’article 15 bis A, chacun faisant l’objet d’un sous-amendement.
    La parole est à Mme Martine Froger, pour soutenir l’amendement no 154.

    Mme Martine Froger

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    Ce texte ne prévoit pas de dispositions pour anonymiser et protéger les agents de l’administration pénitentiaire, en particulier lors de transfèrements ou d’extractions, opérations susceptibles de les mettre en danger, eux et leurs proches.

    M. le président

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    Le sous-amendement no 1016 du gouvernement est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

    (Le sous-amendement no 1016 est adopté.)

    (L’amendement no 154, sous-amendé, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 794.

    Mme Sandra Regol

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    Il vise à garantir la protection des travailleurs sociaux, qui accompagnent quotidiennement les plus vulnérables. Ces femmes et ces hommes sont en première ligne face aux réalités du narcotrafic dans nos territoires : ils accompagnent des mineurs en grande détresse, dont certains sont pris dans l’engrenage de la violence et de l’exploitation. Alors qu’ils exercent une mission d’intérêt général, ils restent exposés à de graves menaces et à des représailles.
    Nous proposons d’étendre à ces professionnels du travail social la mesure d’anonymisation prévue pour les interprètes. Il ne s’agit pas de confort administratif, mais bien d’une nécessité pour qu’ils puissent exercer leur mission en sécurité, sans crainte.
    Le sous-amendement du gouvernement vise à préciser le cadre d’application de cette mesure en définissant plus rigoureusement les personnes qui pourront en bénéficier. Si nous comprenons l’importance d’une rédaction juridique rigoureuse, nous devons veiller à ne pas restreindre indûment le champ des bénéficiaires. Nous vous demandons donc de nous transmettre avant sa publication le décret qui sera pris à cet effet et de bien vérifier que l’ensemble de la sphère du travail social, en première ligne sur le terrain, sera concernée. Il est déjà arrivé –⁠ lors du Ségur, par exemple – que certaines catégories qui auraient dû bénéficier de mesures positives soient oubliées.
    Notre responsabilité est de garantir aux professionnels de l’accompagnement social les moyens d’agir sans risquer leur intégrité. L’anonymisation est un outil indispensable pour briser l’omerta. Je vous invite à voter l’amendement.

    M. le président

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    Le sous-amendement no 1015 du gouvernement est défendu.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Tout a été dit. Favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

    (Le sous-amendement no 1015 est adopté.)

    (L’amendement no 794, sous-amendé, accepté par le gouvernement, est adopté.)

    Mme Sandra Regol

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    Je n’ai pas eu ma réponse !

    Article 15 bis

    M. le président

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    Sur l’article 15 bis, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 859.

    M. Nicolas Ray

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    Il vise à assouplir et à sécuriser les conditions d’investigation des enquêteurs. Il existe en effet un certain flou quant aux conditions dans lesquelles les méthodes d’infiltration peuvent être utilisées, ce qui dissuade les services répressifs d’y recourir.
    Les sénateurs Durain et Blanc ont préconisé dans leur rapport que les actes permettant à l’officier de police judiciaire d’être mis en contact avec sa cible ne puissent être considérés comme une incitation à commettre une infraction. L’amendement reprend cette recommandation. Il vise à sécuriser juridiquement l’usage de ces techniques, en complément de l’article 17 qui traite aussi de ces sujets.

    (L’amendement no 859, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 493.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il tend à compléter l’article 15 bis, que nous trouvons intéressant, en proposant que les logiciels en question soient développés et détenus par l’État lui-même. Nous estimons préférable de ne pas devoir faire appel à un tiers, étant donné le caractère sensible qu’aura l’usage de ces logiciels.
    Plus généralement, il faudrait traiter le problème des logiciels destinés à l’usage interne de l’administration, notamment pour les interceptions judiciaires. Nous avons déposé à ce sujet des amendements dont je ne sais même plus s’ils ont été déclarés recevables. Mis à part les écoutes téléphoniques, de nombreuses interceptions judiciaires doivent être réalisées à l’aide de solutions privées car l’État ne possède pas en interne les technologies nécessaires. Même la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) dépend de Thales, qui, bien que l’État en soit actionnaire, reste une entreprise privée.
    En la matière, nous avons besoin de garanties de sécurité et de souveraineté ; il nous semble donc indispensable que la puissance publique développe, gère et entretienne ses propres logiciels.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Défavorable.

    M. Ugo Bernalicis

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    Pourquoi ? Nous proposons de compléter l’article !

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Il serait intéressant de savoir pourquoi vous êtes défavorables à l’amendement. Le logiciel Scribe-XPN, qui n’a pas été développé par des gendarmes ou des policiers –⁠ pourtant les mieux informés de leurs propres besoins – mais par une entreprise privée, ne fonctionne toujours pas. Cela fait huit ans, je crois, que ce chantier dure !
    C’est d’autant plus dommage que les gendarmes savent faire preuve d’une grande inventivité. Lorsque je leur rends visite, je me rends souvent compte qu’ils ont anticipé sur des dispositifs techniques bien avant que ceux-ci soient instaurés pour l’ensemble du territoire ; je pense par exemple aux techniques de suivi d’un véhicule sur leur terrain.
    Je ne comprends pas votre refus. Développer des logiciels en interne coûterait bien moins cher et serait bien plus efficace, puisqu’ils seraient créés par des agents de la police et de la gendarmerie. Pourquoi refuser cela ?

    (L’amendement no 493 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 15 bis.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        98
            Nombre de suffrages exprimés                98
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                98
                    Contre                0

    (L’article 15 bis est adopté.)

    Article 15 ter

    M. le président

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    Je suis saisi de six amendements, nos 769, 785, 907, 6, 631 et 902, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 769, 785 et 907 sont identiques, ainsi que les amendements nos 6, 631 et 902.
    Je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public sur la première série d’amendements identiques.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 769.

    M. Sébastien Huyghe

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    Il vise à rétablir l’article 15 ter, supprimé par inadvertance en commission des lois. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Cet article tend à permettre l’activation à distance des appareils fixes domotiques, des appareils fixes connectés et des appareils embarqués des véhicules. Il est précisé que « cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République ».
    Nous proposons d’apporter des garanties complémentaires solides, puisque notre rédaction limite strictement l’application de ces dispositions aux infractions, relevant de la délinquance et de la criminalité organisées, les plus graves. Nous espérons que ces garanties rassureront les plus réfractaires d’entre nous.

    Mme Élisa Martin

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    Nous, on savait ce qu’on faisait en supprimant l’article !

    M. le président

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    Les amendements identiques nos 785 de M. Éric Martineau et 907 de M. Vincent Caure, rapporteur, sont défendus.
    L’amendement no 6 de M. Michaël Taverne est défendu.
    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 631.

    M. Philippe Juvin

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    Il s’agit, là encore, de rétablir l’article supprimé par la commission ; nous permettrons ainsi à la justice de se doter de moyens efficaces, notamment l’activation d’appareils à distance. Le recours à ce dispositif serait autorisé par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, ou par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République.

    M. le président

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    L’amendement no 902 de M. Éric Ciotti est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Il me semble que les débats en commission qui ont conduit à la suppression de cet article ont été un peu rapides et qu’ils ont été émaillés d’inexactitudes qui laissent penser que le dispositif n’a pas été bien compris.
    Ainsi avons-nous pu entendre que cet article créait une nouvelle technique spéciale d’enquête –⁠ c’est inexact, je l’ai souligné à plusieurs reprises lorsque nous en avons débattu avec M. Bernalicis. (Mme Ségolène Amiot proteste.) En réalité, en autorisant l’activation à distance, nous créons une nouvelle modalité pour une technique spéciale d’enquête qui existe déjà.
    L’amendement no 907 tire les enseignements de nos échanges sur la nature de cette nouvelle modalité, dont nous ne nions pas le caractère intrusif : la réécriture de l’article tend à réserver l’activation à distance aux infractions les plus graves, relevant du haut du spectre de la criminalité organisée. Nous tenons ainsi compte des doutes exprimés par certains groupes et des décisions rendues par le Conseil constitutionnel, tout en rendant le dispositif plus robuste.
    L’avis de la commission est défavorable aux amendements no 6 et identiques.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Avis favorable sur les amendements no 907 et identiques ; avis défavorable sur les amendements no 6 et identiques.

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, il s’agit de techniques particulièrement intrusives. Les articles 15 ter et 15 quater tendent à autoriser la police à activer à distance des caméras et micros d’appareils, notamment de téléphones et d’ordinateurs, pour espionner des personnes qui appartiendraient au haut du spectre –⁠ en réalité, nous n’en savons rien, car ces dispositifs pourraient servir à espionner n’importe qui.
    Nous avons obtenu la suppression de ces articles en commission, de nombreux collègues s’étant montrés sensibles à l’argument selon lequel le Conseil constitutionnel, saisi par notre groupe, avait censuré en 2023 une disposition quasi identique. C’est d’ailleurs cette disposition particulièrement attentatoire aux libertés fondamentales qui nous avait poussés à voter contre la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice de M. Dupond-Moretti. Le Conseil constitutionnel a souligné que cette disposition constituait une « atteinte particulièrement importante » à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont découle le droit au respect de la vie privée.
    L’article 15 quater légalise les logiciels espions, tels que Pegasus, développé par NSG Group, ou ceux qui sont développés par la société Paragon, qui pourront infiltrer les systèmes et se fonder sur la compromission des systèmes informatiques pour espionner un large spectre de personnes.
    Nous invitons donc l’ensemble des collègues à voter contre le rétablissement de ces articles. S’ils devaient être adoptés, nous saisirions de nouveau le Conseil constitutionnel.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Comme l’a rappelé Mme Cathala, ce n’est pas par inadvertance, monsieur le rapporteur, que ces articles ont été supprimés en commission.
    Ce n’est pas la première fois que nous travaillons sur ces questions. Si le Conseil constitutionnel a censuré une disposition similaire, c’est notamment parce qu’elle n’était pas suffisamment encadrée. Si tout appareil électronique fixe ou mobile peut être activé à distance, cela permettra d’écouter les échanges avec un nombre de tiers très large, y compris les avocats ou les journalistes, ce qui est inacceptable dans l’état actuel du droit et ne le serait pas davantage si ces dispositions étaient adoptées.
    Nous aurions pu imaginer, après la décision du Conseil constitutionnel du 16 novembre 2023, que le législateur s’efforcerait de restreindre ces dispositions aux appareils électroniques utilisés pour la communication. Il ne me semble pas que les enquêteurs demandent tous les jours à pouvoir placer des micros sur des appareils tels qu’un aspirateur automatique, un robot ménager ou un appareil auditif… en revanche, il est concevable qu’ils souhaitent mettre sur écoute des appareils spécifiques, comme les interphones dans les entrées d’immeuble ou les mobiles. Pourquoi, après une première censure du Conseil constitutionnel, continue-t-on de nous présenter une rédaction avec un champ aussi large, qui risque d’être censurée pour les mêmes raisons ? C’est un grand mystère. Peut-être devrions-nous avancer et cesser de réinventer le fil à couper le beurre –⁠ à l’envers.

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 769, 785 et 907.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                106
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                31

    (Les amendements identiques nos 769, 785 et 907 sont adoptés ; en conséquence, l’article no 15 ter est ainsi rétabli et les amendements nos 6, 631 et 902 tombent.)

    Article 15 quater

    M. le président

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    Je suis saisi de sept amendements, nos 5, 635, 770, 786, 844, 908 et 4, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 5, 635, 700, 786, 844 et 908 sont identiques.
    Sur cette série d’amendements, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Michaël Taverne

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    Il vise à rétablir l’article 15 quater. Les policiers qui luttent contre la criminalité organisée n’ont pas à revenir au XIXe siècle à cause de la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La gauche est contre la vidéoprotection, contre les drones, contre les quartiers de sécurité, contre les techniques spéciales d’enquête, contre le dossier coffre. Elle s’oppose maintenant à l’activation à distance des appareils électroniques aux fins d’enregistrement, alors que les écoutes sont systématiquement réalisées sous le contrôle d’un juge.
    Si on veut lutter efficacement contre la criminalité organisée, il faut s’en donner les moyens. Je rappelle que nous parlons du haut du spectre, d’individus qui mettent des contrats sur la tête des autres, font du trafic d’armes, séquestrent et tuent. Si vous empêchez les policiers d’utiliser la technologie, comme les y autorisent pourtant 90 % des pays occidentaux et développés, nous n’arriverons jamais à lutter contre ces groupes.
    Ces dispositions ne feront pas l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel car elles sont relativement encadrées, notamment grâce au travail de rédaction du Sénat. La logique même nous impose de donner aux policiers des moyens d’interpeller ces organisations criminelles et de protéger la société. Il faut donc voter ces amendements qui tendent à rétablir l’article 15 quater. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    L’amendement no 635 de M. Olivier Marleix est défendu.
    La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 770.

    M. Sébastien Huyghe

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    Il tend à rétablir l’article 15 quater en encadrant fortement les dispositions qu’il prévoit afin d’apporter des garanties procédurales.
    Le recours à l’activation à distance est conditionné aux nécessités de l’enquête ou de l’instruction, tenant à l’impossibilité d’identifier les lieux où pourrait être placé un dispositif d’enregistrement ou aux risques d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des enquêteurs. De plus, le recours à ce procédé est limité aux infractions du haut du spectre. L’autorisation est accordée par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention, pour une durée maximale de quinze jours, renouvelable une fois, dans le cadre de l’enquête de flagrance ou préliminaire, et de deux mois, renouvelable jusqu’à six mois, dans le cadre de l’information judiciaire. Seules les données utiles à la manifestation de la vérité feront l’objet d’une retranscription et seront versées au dossier, les séquences relatives à la vie privée ou étrangères aux infractions visées ne seront pas concernées. Enfin, le recours à ce procédé est interdit s’il vise certains lieux protégés. Vous le voyez, toutes les garanties de protection de la vie privée ont été apportées.

    M. le président

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    Les amendements identiques nos 786 de M. Éric Martineau et 844 de M. Éric Ciotti, sont défendus.
    La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 908.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    L’amendement no 908 tire les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’étant donné le caractère intrusif de ces techniques d’enquête, il fallait réserver leur utilisation aux infractions les plus graves. C’est ce que fait l’amendement en prévoyant qu’il ne peut être recouru à ce procédé que pour certaines infractions graves, telles que le meurtre commis en bande organisée.
    Je rappelle que la technique d’activation à distance sur les appareils mobiles a un caractère subsidiaire : elle n’est utilisée que lorsque le recours à d’autres techniques est impossible ou réputé trop dangereux pour les enquêteurs. L’activation à distance implique une autorisation motivée du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction, après avis du procureur de la République. L’autorisation est délivrée pour une durée qui ne peut excéder trente jours pendant l’enquête, six mois pendant l’instruction. Les données relatives aux échanges avec des personnes exerçant certaines professions ou fonctions comme les avocats ou les magistrats ne peuvent être transcrites, à peine de nullité.

    M. le président

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    L’amendement no 4 de M. Michaël Taverne est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 4 ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement sur les amendements en discussion commune ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Avis favorable sur les amendements identiques.
    J’insiste sur les conditions dans lesquelles ces techniques pourront être utilisées. Comme l’a indiqué le rapporteur, nous respectons les conditions fixées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 novembre 2023.
    L’application de ces dispositions est conditionnée à des exigences de nécessité de l’enquête ou de l’instruction tenant à l’impossibilité d’identifier préalablement les lieux de déploiement de ces techniques ou aux risques d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des enquêteurs. Elle est limitée aux infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, prévues aux 1o à 6o et 11o à 12o de l’article 706-73 du code de procédure pénale, notamment les délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Elle fait l’objet d’une autorisation écrite et motivée du juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, dans le cadre des enquêtes, ou du juge d’instruction, dans le cadre de l’information judiciaire. La durée de cette autorisation est limitée à quinze jours, renouvelable une fois dans le cadre de l’enquête, et à deux mois, renouvelable deux fois, dans le cadre de l’instruction.
    Compte tenu de l’utilité absolue de ces moyens, l’avis du gouvernement est favorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Je me permets de faire remarquer que, s’agissant des mesures les plus liberticides, la Macronie est heureuse de pouvoir s’appuyer sur les députés du RN.
    Vous l’avez légèrement dévoilé, monsieur le rapporteur, ces dispositions ne s’appliquent pas qu’aux affaires de stupéfiants mais à toute une série de délits aggravés. Le trafic de stupéfiants apparaît donc ici comme un cheval de Troie. Alors que le droit au respect de la vie privée est un principe constitutionnel, cette technique demeure très intrusive puisqu’elle pourrait rompre la confidentialité des échanges avec l’avocat. En outre, ces dispositions s’inscrivent dans un contexte particulier. La proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports prévoit de proroger le recours à la vidéosurveillance algorithmique (VSA), prévu à titre d’expérimentation par la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et ce, alors même que la première évaluation n’a rien donné. Elle comporte aussi d’autres dispositions qui tendent à élargir le recours aux écoutes et à la surveillance vidéo. L’article 15 quater, enfin, précise que ces techniques ne doivent être utilisées qu’en dernier recours ; vous savez pourtant que, si elles existent, elles seront utilisées de manière commune, comme il en va du reste.

    M. le président

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Nous, ce qui nous intéresse, c’est la protection des Français. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous travaillons donc pour donner des moyens supplémentaires à nos policiers, à nos gendarmes, à nos douaniers, à nos agents pénitentiaires et surtout à nos magistrats. Vous vous livrez à une attaque parfaitement inutile du Rassemblement national mais en fait, vous préférez défendre les voyous ; nous, nous choisissons d’assurer la sécurité des Français et de mettre les voyous hors d’état de nuire. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi jusqu’à son terme. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai bien noté toutes les restrictions que vous apportiez sur la durée et le cadre judiciaire de ces écoutes, dont vous rappelez le caractère exceptionnel.
    Toutefois, je ne vous ai pas entendus évoquer l’exclusion de certains appareils pouvant être activés à distance, comme les appareils de santé ou à usage intime. C’est pourtant la typologie des appareils qui a fondé la censure du Conseil constitutionnel.
    Il s’agit de faire respecter l’équilibre entre, d’un côté, les besoins des policiers et de l’enquête et, de l’autre, le droit, qui nous protège toutes et tous. Aux députés du Rassemblement national, qui nous accusent de faire durer les débats, je rappelle qu’il est essentiel de défendre les droits des citoyens. S’il n’y avait pas la gauche et les écologistes pour faire un rappel au droit à chaque moment, votre loi ressemblerait à Mad Max et les Français n’auraient plus aucun droit qui les protège.
    Malheureusement, vous êtes très nombreux –⁠ il est vrai que la coalition présidentielle s’appuie beaucoup sur vous. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Heureusement, les Français peuvent compter sur une gauche toujours vivante pour rappeler le cadre du droit et faire sévir le Conseil constitutionnel lorsque les lois vont trop loin. (M. Maxime Laisney applaudit.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, de notre règlement, pour mise en cause personnelle.
    M. Taverne, du Rassemblement national, nous accuse de ne pas vouloir protéger les Français,…

    Mme Sandra Regol

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    Ils viennent de nous traiter de « canailles », monsieur le président !

    M. Hervé de Lépinau

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    Ce n’est pas personnel, ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    …mais il a mal compris l’intervention de ma collègue. Élisa Martin a souligné une nouvelle fois que, sans le soutien des députés du Rassemblement national, aucun article, aucun amendement du bloc central ne pouvait passer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Hervé de Lépinau

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ils pourraient en être remerciés. Nous, nous tenons notre rang, celui de l’opposition.

    Article 15 quater (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 635, 770, 786, 844 et 908.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        104
            Nombre de suffrages exprimés                103
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                76
                    Contre                27

    (Les amendements identiques nos 5, 635, 770, 786, 844 et 908 sont adoptés ; en conséquence, l’article 15 quater est ainsi rétabli et l’amendement n° 4 tombe.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
    Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra