Troisième séance du vendredi 16 mai 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Accompagnement et soins palliatifs
- Discussion des articles
- Après l’article 20 quater (suite)
- Amendement no 20
- M. François Gernigon, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- Amendements nos 185, 761 et 449
- Sous-amendement no 808
- Amendements nos 63, 103, 147, 178, 201, 688, 100, 582, 39, 358, 7 et 651
- Article 21
- Amendement no 780
- Titre
- Article 2
- Après l’article 20 quater (suite)
- Discussion des articles
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Accompagnement et soins palliatifs
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs (nos 1102, 1281).
Discussion des articles
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 20 portant article additionnel après l’article 20 quater.
Après l’article 20 quater (suite)
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Sylvie Bonnet
Cet amendement a été déposé à l’initiative de notre collègue Fabrice Brun.
L’aide à mourir n’est pas un droit universel que chacun pourrait exercer. Cette assistance doit être conditionnée à des critères médicaux prérequis : c’est une ligne rouge à ne pas dépasser.
Il importe d’insister sur ce point : l’aide à mourir doit être demandée par un patient lucide et capable de jugement, dans un cadre précisé par la loi, et c’est le médecin qui, dans une approche collégiale, accepte ou non cette demande.
Dans ce cadre, les directives anticipées permettent à un patient encore valide, capable de s’exprimer sans influence extérieure, de faire part de ses volontés. Or plusieurs bilans montrent que seulement 20 % des Français ont signé des directives anticipées. Ce nombre semble encore trop faible, compte tenu de l’importance du sujet abordé.
Cet amendement, qui tend à demander un rapport, vise à mieux prendre en considération les directives anticipées du patient lorsque ce dernier n’est plus en capacité de s’exprimer.
M. le président
La parole est à M. François Gernigon, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. François Gernigon, rapporteur de la commission des affaires sociales
De nombreuses dispositions de la proposition de loi tendent à renforcer la rédaction et l’utilisation des directives anticipées. Je ne vois pas l’utilité d’un rapport supplémentaire.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Même avis.
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 185.
M. Patrick Hetzel
L’article 20 quater prévoit la conservation des directives anticipées dans un registre national. L’amendement tend à demander un rapport sur l’application effective de cette conservation. Étant donné que cette effectivité a jusqu’à présent fait défaut, il serait bon de disposer de données fiables à ce sujet.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Votre amendement est sans objet et le sera d’autant plus si la proposition de loi est adoptée : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 185 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 761.
M. Thibault Bazin
Nous arrivons à la fin de l’examen de cette proposition de loi relative aux soins palliatifs : c’est l’occasion pour nous de défendre un certain nombre d’amendements qui sont en réalité des amendements d’appel. Si nous en sommes réduits à demander des rapports, c’est pour des questions de recevabilité – par exemple, certaines expérimentations que je proposais ont été déclarées irrecevables, parce qu’elles créaient des charges.
Vous avez présenté la stratégie décennale : les unités de soins palliatifs (USP) seront déployées dans l’ensemble du territoire et devraient couvrir 1 % des besoins ; le déploiement des maisons d’accompagnement répondra quant à lui, à terme, à 3 % des besoins. Or, d’ici à 2046, 470 000 personnes auront besoin de soins palliatifs chaque année : il sera parfois nécessaire de les dispenser à domicile.
Les patients à accompagner ne seront pas nécessairement en USP, dans des lits identifiés de soins palliatifs (Lisp) ou dans des maisons d’accompagnement, mais se trouveront donc à leur domicile. Le défi sera alors d’armer des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).
On sait que la solitude est l’une des principales difficultés de la prise en charge. Ce que nous proposons, à travers cet amendement, c’est de constituer des équipes hybrides, réunissant des professionnels de santé et des bénévoles – bien entendu formés –, de manière à renforcer la relation de proximité.
Nous proposons aussi, conformément à une recommandation formulée par la Cour des comptes il y a deux ans en vue de renforcer la prise en charge des patients chez eux, de créer un statut des centres de soins et d’accompagnement à domicile. Nous avons jusqu’à présent très peu parlé de ce statut, mais, vu qu’il s’agit d’une recommandation de la Cour des comptes, cette possibilité mériterait d’être étudiée, étant donné qu’elle n’est pas complètement reprise par la stratégie décennale.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Tous les sujets que vous abordez sont importants. Toutefois, dès lors que nous avons adopté l’amendement no 610 portant article additionnel après l’article 4, ce n’est plus au gouvernement qu’il revient de faire des rapports sur le sujet, mais à l’instance compétente qui assurera le pilotage et le suivi de la mise en œuvre de la stratégie décennale.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je note, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, votre volonté de regrouper l’ensemble des rapports potentiels en un seul.
Je souhaiterais revenir sur le déploiement des équipes mobiles. Vous ne l’avez pas dit mais nous en comptons 420 à ce jour.
M. Thibault Bazin
Elles ont été mentionnées.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Certes, mais vous n’avez pas souligné dans votre présentation que nous en comptions 420 ; je le fais donc, pour que cela figure au compte rendu. L’un des défis à venir sera d’assurer le bon maillage du territoire. C’est un des aspects que nous allons évaluer chaque année.
C’est pourquoi cette demande de rapport supplémentaire – ou plutôt de concentré de rapports, si je prends votre amendement à la lettre – me paraît déjà satisfaite. Avis défavorable.
(L’amendement no 761 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 449 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 449, qui fait l’objet du sous-amendement no 808.
Mme Josiane Corneloup
L’offre de soins palliatifs est un enjeu majeur de santé publique en France. Or nous savons qu’il existe de grandes disparités entre les territoires : environ vingt départements en sont dépourvus.
Il importe de permettre à tous les patients, dans l’ensemble du territoire, un égal accès aux soins palliatifs. Cet amendement tend donc à demander au gouvernement de rendre compte régulièrement au Parlement, sous la forme d’un rapport, du développement des soins palliatifs dans l’ensemble du territoire national et des moyens humains et matériels restant à déployer pour y parvenir.
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement no 808.
Mme Sylvie Bonnet
Un rapport remis tous les cinq ans ne permettrait pas de rattraper à temps un éventuel retard. Le sous-amendement tend donc à ramener à un an la fréquence de remise de ce rapport.
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 63.
Mme Josiane Corneloup
Cet amendement, déposé à l’initiative de mon collègue Vincent Descoeur, tend à demander la remise d’un rapport permettant de définir les moyens financiers et humains et humains nécessaires pour que toutes les personnes dans tous les territoires puissent bénéficier de soins d’accompagnement à l’horizon 2030.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?
M. François Gernigon, rapporteur
Ce ne sont pas tant de rapports supplémentaires dont nous avons besoin que de la vigilance constante des membres du Parlement quant à l’inscription des crédits dans la loi.
Je demande le retrait des deux amendements et du sous-amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(Le sous-amendement no 808 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 449 et 63, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 103.
M. Thibault Bazin
L’intérêt d’un tel débat est de pouvoir émettre des idées et des suggestions.
Plus de la moitié des Français qui auraient besoin de soins palliatifs n’y ont pas accès. Il y a bien la stratégie décennale, mais je pense qu’elle n’est pas suffisante, même si elle va dans le bon sens. Nous devrions peut-être envisager d’autres solutions.
Cet amendement tend à demander au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’opportunité d’instituer une réserve opérationnelle de bénévoles en soins palliatifs, sur le modèle de la réserve opérationnelle nationale de sécurité civile.
Dans le domaine des soins palliatifs, on trouve déjà des bénévoles – je ne suis pas l’inventeur de cette forme d’engagement. D’après les derniers rapports, on en recensait 6 000 en 2022. Ces bénévoles donnent de leur temps – deux à quatre heures par semaine – et apportent aux patients une présence. La solitude face à la maladie, notamment celle des malades accueillis en unités de soins palliatifs ou en établissement de santé, peut engendrer une grande souffrance. La présence de bénévoles est très appréciée ; même les professionnels de santé se déclarent satisfaits de leur aide.
J’avais d’abord déposé un amendement tendant à organiser une expérimentation, mais il a été déclaré irrrecevable, parce qu’il créait une charge. Le présent amendement tend donc à demander un rapport, mais charge à vous, madame la ministre, d’approfondir l’idée, qui mérite à mon sens d’être creusée.
Sa concrétisation permettrait de remédier à l’un des grands maux de notre société : la solitude. Quand j’étais maire, j’ai été très marqué par le fait que 31 % des résidents de la maison de retraite de mon village n’avaient reçu aucune visite dans l’année.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Il me semble que l’amendement est satisfait : la mesure 18 de la stratégie décennale prévoit déjà la création d’une réserve opérationnelle.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Mon avis est exactement le même que celui du rapporteur, mais je profite d’avoir la parole pour rendre à mon tour hommage à l’ensemble de ces bénévoles. C’est bien parce que je suis parfaitement consciente du travail qu’ils fournissent dans les unités de soins palliatifs que j’ai souhaité, dans la stratégie décennale, inscrire la constitution d’un groupe de travail qui nous permette d’avancer et de réfléchir aux modalités de création de la réserve opérationnelle de bénévoles.
L’amendement est donc satisfait : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
J’entends bien, madame la ministre, mais en lisant le dossier de presse de la stratégie décennale, j’ai constaté qu’il manquait des précisions au sujet de la création de cette réserve.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Elles n’y sont pas encore.
M. Thibault Bazin
Je déduis de vos propos que s’il y a besoin d’un véhicule législatif…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il n’y en a pas besoin : c’est du domaine réglementaire.
M. Thibault Bazin
…pour donner un statut à la réserve, en circonscrire les missions et préciser ses prérogatives et ses conditions d’exercice, j’imagine que vous utiliserez la navette parlementaire pour le faire.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Dans un premier temps, nous lancerons une concertation avec les acteurs dans le cadre de la stratégie décennale. Malgré l’immense respect que j’ai pour le Parlement et l’approche législative, je rappelle que des structures peuvent être réglementaires.
Dans tous les cas, je ne doute pas que la navette nous permettra d’avancer si nécessaire.
L’amendement est donc doublement satisfait.
(L’amendement no 103 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 147.
M. Patrick Hetzel
Il s’agit d’une demande de rapport contenant des indicateurs de couverture des soins palliatifs, département par département. La stratégie décennale n’a de sens que si l’on est en mesure d’en assurer le suivi, y compris sur le plan opérationnel.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Avis défavorable : l’objectif de transparence quant à la couverture de l’offre de soins palliatifs est légitime, mais l’atteindre par le moyen d’un rapport annuel départementalisé ne peut conduire qu’à alourdir le texte, alors que la publication d’un autre rapport est déjà prévue.
(L’amendement no 147, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 178 de Mme Karine Lebon est défendu.
(L’amendement no 178, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 201 et 688.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 201.
M. Patrick Hetzel
Il vise à mettre en lumière un sujet qui revient fréquemment mais sur lequel, hélas, nous n’avons pas assez de données : l’obstination déraisonnable. La Haute Autorité de santé (HAS) a elle-même indiqué à plusieurs reprises qu’elle manquait de données fiables en la matière. Or si l’on remonte l’histoire des soins palliatifs, il s’agissait aussi de favoriser un accompagnement des patients afin de leur éviter des actes médicaux déraisonnables.
M. le président
L’amendement identique no 688 de M. Dominique Potier est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
La stratégie visant à lutter contre l’obstination déraisonnable, à propos de laquelle vous demandez un rapport, existe : c’est la loi !
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 201 et 688 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 100.
M. Thibault Bazin
Madame la ministre, j’ai écouté attentivement votre avis sur mon amendement visant à regrouper tous les rapports afin de ne pas en multiplier les demandes – même si nous venons d’en présenter un plus spécifique sur les indicateurs territoriaux. Tout à l’heure, vous m’avez répondu que certaines mesures relevaient plutôt du domaine réglementaire que du domaine de la loi. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on contacte les agences régionales de santé (ARS) pour connaître l’offre de soins palliatifs, elles répondent qu’elles sont dépourvues du tuyau de financement ; elles doivent alors se tourner vers les fonds d’intervention régionaux (FIR). Si nous voulons systématiser – j’allais dire industrialiser – l’offre de soins palliatifs, nous allons avoir besoin des bons tuyaux de financement, y compris pour avoir des offres adaptées aux différents territoires.
Je n’ai pas totalement compris comment le gouvernement comptait faire – nous avons évoqué ce point cet après-midi, lorsque le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement était au banc. Dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté l’année dernière, il était question de créer un sous-objectif à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Il serait selon moi plus pertinent de préciser vos objectifs de dépense pour chaque sous-objectif existant, ainsi que les véhicules de financement – donc les moyens correspondants.
Ce sujet revient régulièrement en commission, quelle que soit la sensibilité politique. À chaque fois, on nous renvoie vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui n’est pourtant pas l’outil le plus adéquat pour vérifier que les moyens sont alloués – et avec quel véhicule. Il ne faudrait pas que les ARS financent au cas par cas les USP, les Lisp, les équipes mobiles – comme si elles disposaient librement d’une carte bleue –, sans quoi les conditions de transparence ne seraient pas réunies.
Tel est, grossièrement, l’objet de la demande de rapport visée par cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement que je considère comme un amendement d’appel.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je ne doute pas que le député Bazin s’entretiendra avec le rapporteur général de la commission des affaires sociales au sujet du PLFSS et qu’ils seront, à eux deux, capables de formuler des propositions ! (Sourires.)
En attendant, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
(L’amendement no 100 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 582 de Mme Christine Loir est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 582 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Stéphane Delautrette
Nous sommes obligés d’aborder le sujet – ô combien difficile et délicat – du mode de financement des maisons d’accompagnement sous la forme d’une demande de rapport afin de respecter l’article 40 de la Constitution.
Nous voudrions garantir à ces maisons un mode de financement mixte à travers, d’une part, une dotation globale, d’autre part, une dotation à l’activité. Le rapport d’information « Fin de vie : privilégier une éthique du soin » des sénatrices Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier a mis en évidence les difficultés de financement des soins palliatifs par le seul financement à l’activité, sur le modèle de la tarification à l’activité (T2A). Le sujet est assez technique mais, pour résumer, la T2A est très axée sur la technicité des soins et valorise mal une prise en charge sur la durée, reposant sur l’écoute, l’accompagnement humain, les temps de concertation interdisciplinaire et la collégialité. On ne peut que regretter que le mode de financement des maisons d’accompagnement de soins palliatifs ne tienne pas compte de cette complexité. Cette question n’était abordée ni dans le projet de loi initial ni dans son étude d’impact et elle ne l’est pas davantage dans la présente proposition de loi.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Le texte prévoit déjà une demande de rapport et une évaluation de la stratégie décennale. Elle comportera évidemment une partie sur les maisons d’accompagnement, laquelle abordera aussi la question de leur financement.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je rappelle que l’article 10, que vous avez adopté aujourd’hui, précise que ces structures seront incluses dans le champ de l’Ondam spécifique ; le premier alinéa de l’article L. 314-3-3 du code de l’action sociale et des familles est modifié en ce sens.
Ces maisons d’accompagnement feront en outre l’objet d’une phase de préfiguration, pour en garantir le déploiement rapide.
L’amendement est donc satisfait, raison pour laquelle j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serais défavorable.
(L’amendement no 39 est adopté.)
(M. Arnaud Simion applaudit.)
M. le président
L’amendement no 358 de M. Paul-André Colombani est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 358 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Justine Gruet
Il s’agit là encore d’un amendement d’appel au sujet des maisons d’accompagnement. Comment les déployer de manière efficace et rapide si elles nécessitent un important investissement immobilier ? J’ai peur que l’on manque le coche en procédant ainsi ; d’où cette demande de rapport afin d’évaluer l’opportunité de mettre en place des « unités spécialisées d’accompagnement », par exemple quand les patients concernés sont des personnes âgées, au sein des Ehpad. L’idée est d’utiliser le bâti existant pour éviter des investissements aux coûts colossaux qui empêcheraient le déploiement uniforme de telles structures dans l’ensemble du territoire.
M. Philippe Juvin
C’est très sage !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Il ne faudrait pas multiplier les structures, les cadres d’emploi, les noms de service…
Mme Justine Gruet et M. Philippe Juvin
Précisément !
M. François Gernigon, rapporteur
Les Ehpad sont soutenus financièrement, de loi de financement de la sécurité sociale en loi de financement de la sécurité sociale. La présente proposition de loi, si elle est adoptée, instituera les maisons d’accompagnement. L’amendement précise que les unités que vous suggérez de créer sont équivalentes à ces dernières : il est donc satisfait.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 651 de M. Odoul est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. François Gernigon, rapporteur
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 651 n’est pas adopté.)
Article 21
M. le président
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 780, visant à supprimer l’article.
M. Thibault Bazin
Vous avez l’air d’hésiter, madame la ministre… Vous avez peut-être raison : j’en parlerai au rapporteur général de la commission des affaires sociales ! (Sourires.)
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est possible, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales ; toutefois, devant l’unanimité de votre assemblée pour développer les soins palliatifs, il serait assez incohérent de ne pas lever le gage ! Nous nous donnons donc rendez-vous lors de l’examen du PLFSS pour évoquer le financement des soins palliatifs – du moins à celles et ceux qui seront présents à ce moment-là… (« Ah ? » sur divers bancs.)
M. Emeric Salmon
Vous avez une annonce à faire ?
M. Thibault Bazin
Tout dépend de votre groupe, monsieur Salmon, et du groupe Socialistes et apparentés !
M. Emeric Salmon
C’est la deuxième allusion de ce genre, tout de même !
(L’amendement no 780, accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l’article est supprimé.)
Titre
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 121, 202 et 194, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 121.
M. Thibault Bazin
J’espère qu’il s’agit du dernier amendement. Si nous l’adoptons, nous pourrons passer à la suite ! (Rires.) L’espoir fait vivre ! Si nous sommes là, c’est parce que nous aimons la vie !
Nous avons tous l’intention d’ouvrir l’accès aux soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin, sur l’ensemble du territoire national. Nous partageons l’objectif, mais les moyens sont contraints, comme vous le savez, madame la ministre. La question de l’allocation des ressources est une question profondément éthique. Lorsqu’une personne en souffrance a besoin de soins palliatifs, notre système de santé doit en faire sa priorité ; pour cela, l’accès à ces soins doit apparaître clairement comme une priorité. Dans son avis 139, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) recommande d’ailleurs d’« imposer les soins palliatifs parmi les priorités des politiques de santé publique » ; faute de quoi, lorsque des arbitrages seront nécessaires, ce seront toujours les soins palliatifs qui trinqueront.
Nous l’avons constaté dans le cadre de notre mission d’évaluation : certains directeurs d’établissement de santé nous ont confié ne pas avoir toujours consommé les budgets alloués aux soins palliatifs, car ils devaient financer d’autres choses. Les responsables de notre système de santé devraient désormais se faire une obligation d’obtenir un lit en soins palliatif lorsque l’état du patient le requiert, de la même manière que l’on sauve en urgence un accidenté de la route. C’est la raison pour laquelle je vous propose de modifier le titre du présent texte en l’intitulant proposition de loi « visant à faire du développement des soins palliatifs une priorité de la nation et à en garantir l’accès pour tous sur l’ensemble du territoire français ».
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 202.
M. Patrick Hetzel
Je le défends au nom de l’ensemble des membres du groupe Droite républicaine. Il vise à modifier ainsi le titre de la proposition de loi : « visant à garantir les soins palliatifs, renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades partout sur le territoire ».
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
C’est la raison pour laquelle je plaidais pour un seul texte, mais nous n’allons pas rouvrir ce débat-là. Faisons en sorte qu’il y ait un continuum entre les deux textes pour garantir à l’ensemble des patients qu’ils auront une fin de vie digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. François Cormier-Bouligeon
Excellent !
(L’amendement no 1119 n’est pas adopté.)
Article 2
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je saisis l’occasion de cette inscription à l’article, j’aurais tout aussi bien pu faire un rappel au règlement, pour dire que je trouve scandaleuse l’application du principe « un pour, un contre ». Le sujet est trop important pour que nous ne prenions pas le temps de débattre et que nous soyons ainsi muselés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, EPR et DR. – M. Gaëtan Dussausaye applaudit également.) En commission, nous avions une liberté de parole, nous avons pu nous exprimer et débattre. Deux week-ends ont été bloqués pour l’examen en séance publique, qui devrait durer toute une semaine et a, de surcroît, commencé plus tôt que prévu. Il faut laisser le débat se dérouler, monsieur le président. Il ne peut en être autrement pour un texte aussi important. (Mêmes mouvements.)
Dans leurs propos liminaires, nos collègues ont exprimé une volonté d’avoir un débat correct. Mais pour que ce soit le cas, le débat doit se tenir. Retirez vos amendements de suppression, chers collègues ; nous voterons sur l’article après en avoir discuté. Je comprends la stratégie qui sous-tend le dépôt d’amendements de suppression, mais admettez que s’ils venaient à être adoptés, nous n’aurions pas eu de débat.
Le débat est nécessaire pour que toutes les nuances se fassent entendre. Parfois même, les « pour » et les « contre » peuvent se rejoindre. Par exemple, moi, je pense que l’aide à mourir ne doit pas être considérée comme un soin – c’est un acte médical, en aucun cas un soin – et qu’elle doit faire l’objet d’un droit d’exception. D’autres, y compris au sein de mon groupe, ont une approche différente, voire sont farouchement opposés à cette vision. Le débat permettra d’éclairer toutes ces nuances.
Par un amendement du groupe GDR, nous avons fait valider le fait que l’aide à mourir est un droit – j’y suis très attaché. Mais ne caricaturons pas le débat : un droit, ce n’est pas une obligation. Un droit, cela signifie que tous y ont accès, de façon équitable et juste. Que les gens s’en saisissent, ou pas, c’est une autre affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas de débat. J’ai compté au moins quatorze interventions sur l’article 1er, une vingtaine de députés prendront la parole sur l’article 2. Nous sommes huit fois plus nombreux qu’en commission. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser traîner les débats, d’autant qu’il reste à examiner 2 049 amendements. Soyons un peu raisonnables.
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Avec l’article 2, qui vise à définir l’aide à mourir, revient le fameux débat sémantique, qui est fondamental.
Nous demandons que notre discussion se déroule dans un esprit de vérité et dans la transparence. Parce que, s’agissant des termes, nous avons perdu les Français. D’après une enquête réalisée en mars pour LNA Santé, 89 % d’entre eux estiment ne pas connaître la différence entre « aide à mourir », « euthanasie » et « suicide assisté » ou répondent de manière approximative. Il y a une confusion généralisée dans l’esprit des Français.
Pour clarifier les choses, je vous pose de nouveau, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, une question précise : lorsqu’on s’auto-administre une substance létale, dans son corps – un corps vivant –, dans l’intention de se donner la mort, en quoi n’est-ce pas un suicide – aussi assisté soit-il ? Il faut dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Cet article est très important : il vise à définir un nouveau droit, appelé pudiquement « aide à mourir » – j’y reviendrai. Ce droit soulève des questions éthiques et juridiques importantes, qui animeront nos débats. Surtout, il nous interpelle profondément quant à notre conception de l’accompagnement du terme de la vie. Il emporte en effet un changement majeur : une personne, certes sous certaines conditions, pourra provoquer légalement la mort d’autrui.
C’est la raison pour laquelle nous devons être très vigilants. Il convient d’éviter d’employer tout terme à même d’entraîner une confusion, tant dans l’esprit de nos concitoyens que sur ces bancs, lors de nos discussions.
Nous l’avons vu, le terme « aide à mourir » est un de ceux-là. Je vous proposerai une rédaction qui ne l’emploie pas pour désigner l’acte qui consiste à recourir à une substance létale.
L’Académie de médecine a d’ailleurs indiqué qu’il était important de différencier cet acte de tous les autres qui consistent à aider à mourir – tous les jours, dans les services de soins, les Ehpad, au domicile des personnes, des professionnels de santé aident à mourir, sans recourir à une substance létale. Il est très important de faire la différence.
M. le président
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher
Nous sommes sur le point d’ancrer dans le code de la santé publique la dernière des libertés, la dernière des dignités, celle de pouvoir rester maître de soi jusqu’à ses derniers instants, en recourant, dans un cadre précis, à l’aide à mourir.
L’ouverture de ce droit vise à répondre à une demande de la société, réitérée par la Convention citoyenne sur la fin de vie. Elle marquera une nouvelle étape dans le processus qui a permis au cours des vingt dernières années de mieux reconnaître les droits des patients, de respecter davantage leurs choix et leur dignité. Elle mettra fin à l’une des inégalités les plus injustes : ceux qui en ont les moyens peuvent se rendre en Suisse ou en Belgique pour mettre fin à leurs souffrances, tandis que les moins fortunés doivent recourir à des pratiques clandestines ou subir une longue et douloureuse agonie.
Écoutons ce que disent nos concitoyennes et concitoyens ; répondons-leur en ouvrant ce nouveau droit et en établissant un cadre sécurisé pour les patients et les soignants. Je tiens ici à vous alerter sur la volonté du gouvernement de revenir sur la possibilité, pour le patient, de choisir entre auto-administration et administration par un professionnel de santé. Le libre arbitre de la personne doit guider nos considérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Danielle Simonnet applaudit également. )
M. le président
La parole est à Mme Océane Godard.
Mme Océane Godard
Inscrit à l’article 1er, notre collègue Dominique Potier a exprimé, à juste titre, sa position. Ce n’est pas celle du groupe Socialistes et apparentés, dont les membres conservent toutefois une liberté de vote. Je rejoins les propos de Yannick Monnet : l’organisation du débat doit être la plus juste possible et refléter la pensée de chaque groupe.
L’article 2 est au cœur de la proposition de loi. Il définit le droit à l’aide à mourir comme celui qui « consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande, à recourir à une substance létale […], afin qu’elle se l’administre ou se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ».
Oui, c’est un nouveau droit. Nous n’avons déjà que trop entendu que ce droit pourrait pousser à donner la mort, qu’il pourrait pousser les gens à mourir. Non, ce texte ne donne pas la mort !
D’abord, il a été pensé et travaillé depuis des années, il s’appuie sur des faits, sur les paroles, les ressentis des malades, des familles, et des soignants.
M. Philippe Juvin
Encore heureux !
Mme Océane Godard
Ensuite, il fixe des conditions, qui seront cumulatives, et il prévoit que la décision sera prise de façon collégiale, par des professionnels.
Enfin, la décision sera issue de la volonté, libre et éclairée, d’une personne qui subit des souffrances réfractaires insupportables. Cela, on ne l’entend pas ce soir ! Il y a une inversion des arguments. C’est pourtant bien la souffrance qui guide nos travaux ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Hadrien Clouet et Mme Danielle Simonnet applaudissent également.)
M. le président
Aux termes du règlement, un orateur par groupe peut intervenir sur l’article et je donne la parole au premier qui lève la main. J’invite les groupes à s’organiser pour désigner, en amont de la discussion des articles, leur orateur.
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
L’article 2 soulève des enjeux terminologiques. En parlant d’un droit à « l’aide à mourir », nous avons déjà opéré un glissement qui soulève des interrogations. Initialement, nous voulions cibler les personnes en fin de vie – qui allaient mourir. De plus en plus, ce texte s’adresse à des personnes qui veulent mourir – ce n’est plus exactement le même cadre.
Dans l’étude d’impact du projet de loi examiné sous la précédente législature, le terme « euthanasie » est utilisé plus d’une centaine de fois, celui de « suicide assisté », vingt-neuf fois. Le Conseil d’État, en 2024, a utilisé treize fois le terme « euthanasie » et dix fois celui de « suicide assisté ». Pourquoi refuse-t-on ces termes ? Nous avons eu ce débat en commission ; Olivier Falorni rejette l’utilisation du terme « euthanasie ». Nous avons même soutenu en commission un amendement qui visait à retenir l’expression « aide active à mourir », pour faire le distingo avec l’aide à mourir, ce à quoi s’emploient en permanence les professionnels des soins palliatifs.
Vous le savez, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Vous devez l’entendre : ne pas nommer les choses comme elles devraient l’être est très dangereux et nous entraîne dans une direction qui nous pose problème. Il faudrait au moins nommer les choses. Pourquoi ne parlons-nous pas de « suicide assisté » ?
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
L’article 2 instaure le droit à l’aide à mourir en autorisant l’administration d’une substance létale, dans des conditions strictes, pour les personnes qui subissent des souffrances réfractaires à tout traitement, que les soins palliatifs n’arrivent pas à soulager et dont le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale – nous débattrons de toutes ces conditions.
Certains de ceux qui s’opposent à l’inscription de ce nouveau droit discutent le choix des termes : selon eux, il faudrait parler d’« euthanasie ». Je retrouve là le débat qu’ont eu nos prédécesseurs sur le droit à l’avortement, dont on disait à l’époque qu’il était l’euthanasie des bébés – c’est bien le même terme qui était employer pour provoquer le rejet. Eh bien, je ferai moi aussi le parallèle : avec le droit à l’avortement, nous, les femmes, avons arraché une grande victoire : « mon corps, mon choix » m’appartiennent ; avec le droit à l’aide à mourir, tous, nous pourrons dire : « ma vie, ma mort » m’appartiennent ». Ultime liberté.
La loi Clayes-Leonetti instaure le droit au laisser mourir, par l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, avec l’intention de conduire jusqu’au décès – c’est la sédation profonde et continue. Mais on ne sait pas ce que le patient ressent ; cela peut durer quelques heures, quelques jours, quelques semaines parfois ; et toutes les situations ne permettent pas d’y recourir.
Je ne sais pas comment vous pensez votre mort – j’ai beaucoup de mal à penser la mienne –, mais je sais que nous avons tous été confrontés à la mort d’un proche. Je nous souhaite à tous une mort la plus douce possible. Mon père, qui est parti en novembre, n’a pas souffert, n’a pas eu d’angoisse. Je nous souhaite de vivre la même situation.
Mais vous savez comme moi que ce ne sera pas le cas pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Alors, instaurons ce droit, cette ultime liberté qui ne retire rien à celui ou celle qui ne souhaite pas en faire usage. Espérons que les progrès de la science feront que peu d’entre nous seront dans la nécessité d’en user ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Ce débat sémantique dont vous parlez, ce n’est pas nous qui le refusons. Par principe, il est normal de nommer les choses telles qu’elles sont. Le « suicide assisté » et l’« euthanasie » désignent tous deux l’acte que ce texte va introduire. S’il y a un refus de nommer les termes – certains y voient même une volonté de dissimulation –, j’ai plutôt l’impression que c’est la confession d’une impasse : ce que nous dit votre volonté de ne pas choisir les termes adéquats, c’est que vous voudriez ne pas tuer ; vous voudriez pouvoir soulager sans tuer et vous pensez qu’il n’y a pas d’autre solution que celle que vous proposez.
Je vous pose cette question : comment penser qu’il n’y a pas d’autre solution quand, depuis vingt ans, hommes et femmes politiques sur ces bancs, tous confondus, nous n’avons pas été au rendez-vous du déploiement des soins palliatifs ? Comment pouvez-vous apporter une réponse alors que les soins palliatifs n’ont pas été développés ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
On vient d’en parler pendant cinq jours !
M. Vincent Trébuchet
De plus, vous invoquez la création d’un nouveau droit, mais je m’étonne, chers collègues de gauche, que vous ne perceviez pas qu’un nouveau droit a toujours un impact sur l’ensemble du corps social. Le professeur Sicard l’affirmait dès 2012 : « La pratique euthanasique […] intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap. »
Il est évident que cette loi n’obligera pas à tuer, mais elle conduira certaines personnes à se poser la question et à se considérer peut-être comme contraintes au recours au suicide assisté et à l’euthanasie. C’est d’ailleurs ce que montrent des cas d’évolution de la loi dans différents pays. Ainsi, l’ONU s’alerte de la situation au Québec, où l’euthanasie est proposée de plus en plus ouvertement à des personnes fragiles. Dans le cadre de ces dérives, ne pas nommer les choses, dès le début de l’examen de la loi, c’est mentir aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Nous en venons à l’examen des amendements.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 4, 7, 516, 1118, 1245, 1594, 1934, 2001 et 2492, visant à supprimer l’article.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet article est fondamental puisqu’il introduit en fait les définitions de l’euthanasie et du suicide assisté. Pour répondre au collègue Monnet, j’assume le fait d’avoir déposé beaucoup d’amendements de suppression. Ce levier fait partie de la palette à la disposition de tous les parlementaires, précisément pour susciter et provoquer le débat. Sur tous les bancs, à propos de tous les textes, nous en faisons usage lorsque nous considérons que des points extrêmement importants sont en jeu.
Par ailleurs – je veux encore le rappeler –, nous sommes en avance dans le débat, même si on entend parler d’obstruction. Nous sommes allés plus vite que nous le pensions sur le précédent texte. La feuille verte nous donne un planning très étendu. Ma circonscription se trouve à 500 kilomètres d’ici : je suis un député de province et j’ai annulé deux week-ends complets de manifestations, comme beaucoup de collègues. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Nicole Dubré-Chirat
Et alors ?
Mme Élise Leboucher
Nous aussi !
M. Charles Sitzenstuhl
Je le rappelle simplement pour souligner qu’il n’y a aucune volonté d’obstruction et que nous avons suffisamment de temps pour mener un débat approfondi.
M. Thibault Bazin
Si on pouvait finir ce soir, d’ailleurs ! Adoptez notre amendement !
M. Charles Sitzenstuhl
Je m’oppose donc à l’article 2, non seulement parce que ses termes ne sont pas clairs, comme cela a déjà été dit, mais aussi parce qu’il va profondément déstabiliser le corps médical. En effet, il prévoit qu’un médecin ou un infirmier pourra tuer des malades : c’est ce qui est écrit, il faut regarder la réalité en face. Pour ceux qui auraient un doute, lisez attentivement l’alinéa 7 de l’article – nous aurons l’occasion d’en reparler : il consacre l’irresponsabilité des médecins et des infirmiers qui auront à accomplir ce geste, précisément parce que c’est un geste qui vise à tuer des gens.
M. Thibault Bazin
Il y a un sujet de responsabilité pénale !
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Patrick Hetzel
Nous en venons progressivement à la définition des termes juridiques. Le Conseil d’État préconise une définition claire des actes qui seront pratiqués. Or, la volonté d’inscrire le suicide assisté et l’euthanasie dans le code de la santé publique pousse à nous interroger. En effet, les dispositions du code de la santé publique relèvent par principe du domaine du soin.
À cet égard, on peut examiner la manière dont les législations sur le sujet dont nous débattons ont été intégrées dans le droit des pays étrangers : soit il s’agit de législations autonomes, qui ne s’inscrivent pas dans le code de la santé publique – c’est le cas en Autriche, en Belgique, en Espagne, au Luxembourg et au Québec ; soit ces législations ont modifié des dispositions du code pénal puisque la question interfère avec la notion d’homicide – c’est le cas au Canada et aux Pays-Bas.
Ces exemples étrangers ont un point commun : à aucun moment, l’acte dont il est question n’a été considéré comme un soin. C’est la raison pour laquelle la question se pose : pourquoi, alors que nous pourrions nous inspirer de ce qui a été fait ailleurs, voulons-nous inscrire un tel acte dans le code de la santé publique ? Ce choix est troublant parce qu’il contribue à donner une dimension médicale à un acte qu’il faudra imposer au corps médical. Je ne suis pas certain que nous soyons amenés à devoir le faire.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 516.
Mme Justine Gruet
Cet article vise à définir la notion d’« aide à mourir », retenue par le législateur. Elle englobe deux situations distinctes : l’autoadministration d’une substance létale par la personne elle-même et son administration par un médecin ou un infirmier. Dans le premier cas, il s’agit d’un suicide assisté ; dans le second, d’euthanasie. Or cet article ne nomme pas clairement l’objet même de la proposition de loi.
En outre, je tiens à rappeler que c’est à cet endroit du texte qu’est survenu le premier déséquilibre, avec la suppression en commission des affaires sociales de la restriction selon laquelle l’administration par un tiers n’est possible qu’à condition que la personne soit dans l’incapacité physique de procéder à l’auto-administration.
Le premier élément que je souhaitais développer est donc d’ordre sémantique, c’est pourquoi je proposerai des amendements pour introduire la notion d’aide « active » à mourir. Rappelons que l’euthanasie et le suicide assisté font l’objet d’une codification internationale, puisque ces actes existent dans d’autres pays, notamment en Belgique pour l’euthanasie et en Suisse pour le suicide assisté.
Par ailleurs, comme l’a rappelé Patrick Hetzel, aucune législation étrangère n’a inséré ce type d’actes dans le code de la santé ; il s’agit de lois autonomes. Pour répondre à Mme Simonnet, le texte sur l’IVG a instauré un subtil équilibre entre les droits et la liberté de la maman et la protection du bébé.
Mme Sandrine Rousseau
Vous y étiez opposés, à l’époque !
Mme Justine Gruet
Or le texte introduit un déséquilibre car, au-delà des critères qui seront retenus pour pouvoir recourir à l’aide active à mourir, les patients n’auront parfois pas d’autre choix, par manque d’accès aux soins, au dépistage précoce et aux soins palliatifs. La seule option qu’on leur proposera, c’est le recours à l’aide active à mourir. La comparaison avec l’IVG s’arrête donc là, parce que le texte n’est plus équilibré.
Enfin, au lieu de se doter des moyens nécessaires d’un accès aux soins sur l’ensemble du territoire, choisir cette voie par facilité et ouvrir ce droit qui conduira à une rupture anthropologique constituent un aveu de faiblesse.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1118.
M. Dominique Potier
Monsieur le président, vous avez rappelé les règles du débat. Je voudrais le dire, en totale solidarité et avec respect et amitié pour le groupe socialiste : le fait est – et c’est tout à fait normal en démocratie – que je ne pourrai pas m’exprimer comme orateur inscrit ni même dans les réponses aux rapporteurs et au gouvernement, par respect pour la dynamique du groupe. Je ne voudrais pas que cette situation soit perçue comme une lâcheté.
Le seul regret que j’exprime, au-delà de mon cas personnel qui compte peu, c’est qu’il manque des voix importantes, celles de Pierre Dharréville, d’André Chassaigne et d’autres, pour montrer qu’on peut s’opposer à l’euthanasie pour des raisons de gauche. Je disposerai de peu de mots pour porter cette parole, c’est pourquoi j’essaierai de trouver les meilleurs possibles.
C’est bien le commun, comme garantie de la liberté et de l’égalité des personnes, qui est menacé et fragilisé, puisque chacun sera sommé de se poser une question que notre société avait choisi de trancher définitivement, à savoir le devoir d’assistance à une personne qui se suicide et l’abolition de la peine de mort. Ce n’est pas une affaire de morale, d’ordre moral ou de religion. C’est la sagesse d’une civilisation qui, progressivement, a fait de l’interdiction de la mort une des digues sur lesquelles elle fondait son commun.
Demain, chacun sera sommé d’exprimer sa liberté – une liberté doublement illusoire. D’une part, chaque fois que nous affirmons notre liberté, nous agissons pour l’ensemble de l’humanité. Notre liberté a un impact sur les autres ; ce n’est pas l’« ultime liberté », mais un message que nous adressons au monde. D’autre part, ce monde est terriblement inégal et les plus fragiles, les plus vulnérables seront les victimes des décisions que nous nous apprêtons à prendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1245.
M. Christophe Bentz
La mal nommée « aide à mourir » est en réalité le suicide assisté, ou le suicide délégué à une tierce personne – en l’occurrence, un soignant. Pour nous, ce choix est une forme de démission dans le soin du corps et de la vie, une forme d’aveu d’échec et, plus grave, une forme d’abandon des malades et des souffrants. Si nous proposons de supprimer l’article 2, c’est parce que nous voulons, en définitive, supprimer la possibilité de la mort provoquée de manière intentionnelle et délibérée.
Notre position est simple : c’est la protection de la vie à tout prix. Lorsque les souffrances sont trop insupportables, lorsque la douleur est finalement inacceptable, je le dis et je le redis, c’est précisément la douleur qui doit disparaître, jamais la vie humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Hadrien Clouet
Et quand on ne sait pas faire ?
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1594.
M. Thibault Bazin
L’article 2 crée donc le droit d’administrer une substance létale, avec l’intention de provoquer la mort. Je ne sais pas si on en mesure l’impact. On prétend que son objet est de soulager des souffrances, mais est-ce la bonne réponse pour ceux qui souffrent et qui ne sont pas nécessairement en fin de vie, puisque les critères envisagés n’incluent pas l’engagement du pronostic vital à court terme ? Finalement, comment répondre à la personne qui souffre ? C’est la question posée à notre système de protection sociale et plus largement à notre société, et c’est la seule qui doit nous préoccuper.
Il faut y répondre en soulageant la personne, pas en l’éliminant. D’ailleurs, lorsque des soins palliatifs sont administrés, la demande de mort disparaît dans l’immense majorité des cas. En l’occurrence, notre responsabilité est immense. La première des nombreuses questions que pose cet article est éthique : tant que les soins palliatifs ne seront pas accessibles à tous et partout – et le titre voté pour la précédente proposition de loi montre bien que ce n’est pas encore le cas –, n’avons-nous pas une responsabilité ?
L’audition d’Annabel Desgrées du Loû par la mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti en 2023 m’a marqué. Elle s’était exprimée en ces termes : « Faire avancer vraiment l’accompagnement de la fin de vie pour tout le monde, et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs va prendre énormément de temps, d’argent, de volonté (…) Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. » Elle avait poursuivi en s’interrogeant sur la nature du choix : « Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. »
Enfin, cet article ne va-t-il pas acter une rupture anthropologique majeure, obligeant notre société à différencier la valeur des vies humaines ? Peut-on admettre que la vie de certaines personnes n’est pas ou plus inviolable ? Quelles seraient d’ailleurs les conséquences d’un tel glissement pour les personnes fragiles et vulnérables ? N’est-ce pas le regard que chacun de nous pose sur une personne malade qui sera bouleversé ?
Le professeur Didier Sicard écrivait, dans son éditorial du document de l’Espace éthique de l’AP-HP de l’automne-hiver 1999-2000, que…
M. le président
Veuillez conclure, monsieur le député.
M. Michel Lauzzana
Oh, c’est fini !
M. Thibault Bazin
…« la dignité est dans le regard que l’autre adresse à celui qui souffre ou jouit, dans le regard porté sur celui qui est le plus faible, le plus désespéré, le plus condamné. Condamné à mort deux fois : par sa maladie et par l’autre ».
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------