Première séance du jeudi 26 juin 2025
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Dénonciation des accords franco-algériens du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013
- 2. Effectivité du droit fondamental d’éligibilité
- Présentation
- Discussion générale
- M. Charles Alloncle
- M. Bruno Bilde
- Mme Prisca Thevenot
- Mme Émeline K/Bidi
- M. Boris Vallaud
- M. Olivier Marleix
- M. Sacha Houlié
- Mme Brigitte Barèges, rapporteure
- M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Gérald Darmanin, ministre d’État
- Rappel au règlement
- Discussion des articles
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Dénonciation des accords franco-algériens du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013
Discussion d’une proposition de résolution
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues visant à dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013 (no 1151).
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Le groupe UDR a souhaité défendre dans sa journée d’initiative parlementaire une proposition de résolution demandant l’abrogation des accords franco-algériens du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013. Ces accords induisent aujourd’hui une relation déséquilibrée avec l’Algérie. Il ne s’agit pas pour nous de rompre toute relation avec l’Algérie mais de rétablir un dialogue équilibré, exempt des provocations que notre pays a subies trop souvent et depuis trop longtemps.
Ce débat parlementaire intervient à quelques jours du 1er juillet, date du verdict qui concerne notre compatriote Boualem Sansal. Je veux dire ici, avec beaucoup de solennité, que notre objectif – partagé par tous, je crois, dans cet hémicycle – est la libération de Boualem Sansal, grande voix de la paix et grand écrivain. Nous avons l’ardente obligation de soutenir son combat et d’éviter la poursuite de son calvaire.
Je me suis longuement entretenu cette nuit et ce matin avec maître François Zimeray, l’avocat de Boualem Sansal, que j’ai connu par ailleurs en 2015 lorsque je présidais la commission d’enquête sur les attentats islamistes qui avaient frappé notre pays – à l’époque, François Zimeray était ambassadeur de France au Danemark et avait été lui-même victime d’un attentat islamiste visant des caricaturistes à Copenhague, quelques jours après celui contre Charlie Hebdo.
Il m’a longuement expliqué les enjeux et les espoirs quant à la libération de Boualem Sansal. Compte tenu des éléments qu’il m’a communiqués, dans un esprit de responsabilité et pour ne pas prendre le risque de compromettre ses chances de libération, le groupe UDR a décidé de retirer cette proposition de résolution.
Je le dis très clairement, cela n’enlève rien à notre détermination, et nous identifierons un moment plus opportun pour revenir sur ce texte. Nous espérons pouvoir en débattre très prochainement, sans doute à l’ouverture de la session d’automne. Mais aujourd’hui, dans un esprit de responsabilité et parce que nous souhaitons ardemment la libération de Boualem Sansal, nous retirons provisoirement cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Cette proposition de résolution portait sur un sujet qui ne doit pas être tabou et peut naturellement faire l’objet d’un texte d’initiative parlementaire. Je veux néanmoins saluer l’esprit de responsabilité dont vous faites preuve en la retirant ce matin. En effet, la relation franco-algérienne évidemment tendue – ainsi que le met en lumière votre proposition de résolution – ne doit pas faire oublier que le plus important reste aujourd’hui la libération immédiate de Boualem Sansal, que nous réclamons depuis le premier jour et à laquelle nos services diplomatiques travaillent quotidiennement.
Il me paraît donc responsable de retirer ce texte pour éviter toute escalade, même verbale, pouvant compromettre cette libération. Je vous remercie donc, sachant que nous continuons évidemment d’y travailler avec les services compétents, à commencer par ceux de l’ambassade et des consulats de France en Algérie. (MM. Bruno Fuchs et Jimmy Pahun applaudissent.)
M. le président
Il est pris acte du retrait de la proposition de résolution par son auteur. En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre sa discussion.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinq, est reprise à neuf heures vingt-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Effectivité du droit fondamental d’éligibilité
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues visant à protéger l’effectivité du droit fondamental d’éligibilité (nos 1415, 1587).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Barèges, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Au moment où je prends la parole dans cette enceinte, je mesure la gravité du débat qui nous attend, mais aussi la chance qui est la mienne de tenter de redresser ce que je considère comme une injustice. Je mesure aussi la gravité de l’instant, car beaucoup ont présent à l’esprit un enjeu politico-médiatique important pour notre République. Pourtant, je voudrais d’ores et déjà écarter cette vision trop raccourcie et passionnelle, qui nuirait incontestablement à la qualité de nos échanges et à notre rôle de législateur, lequel doit demeurer le rédacteur impartial de la loi à portée générale et universelle.
En effet, l’enjeu est non pas d’aborder le sujet même de l’inéligibilité, mais de rappeler certains principes intangibles de notre droit pénal, qui sont bafoués par l’exécution provisoire : l’effet suspensif de l’appel et le principe tout aussi sacro-saint de la présomption d’innocence, qui doit demeurer jusqu’au terme du procès pénal. Je le répète, il s’agit non pas de gommer une peine, mais d’en suspendre les effets jusqu’à ce qu’elle soit, éventuellement ou pas, prononcée de manière définitive. C’est tout simplement une question de justice et de respect des droits les plus fondamentaux de tout justiciable.
L’article L. 44 du code électoral dispose : « Tout Français et toute Française ayant la qualité d’électeur peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi. » Ces restrictions recouvrent aujourd’hui un périmètre large. En effet, afin de sanctionner les atteintes à la probité par des élus, notamment après l’affaire Cahuzac, le législateur a rendu obligatoire la peine d’inéligibilité prévue à l’article 131-26 du code pénal, par la loi du 9 décembre 2016, dite Sapin 2, et la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Outre les atteintes à la probité sont concernés les faits de violences volontaires et d’agressions sexuelles, les discriminations ou les actes de terrorisme – toute une série de délits qui n’ont rien à voir avec le mandat électoral.
Avant l’entrée en vigueur de ces deux lois, une quarantaine de condamnations à des peines d’inéligibilité étaient prononcées chaque année, pour des faits de corruption, d’escroquerie ou de terrorisme. Mais, en 2024, le nombre de condamnations à de telles peines a atteint 20 000, du fait de la massification du recours à l’inéligibilité découlant des deux lois que je viens de citer. D’ailleurs, il conviendrait, dans un prochain texte de loi, de s’interroger sur le périmètre de cette peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité.
Les peines d’inéligibilité ont des conséquences majeures. Elles emportent, d’abord, l’interdiction de se présenter à une élection. Cependant, cela ne vaut pas uniquement pour l’avenir : le code électoral prévoit que ceux qui sont titulaires d’un mandat local au moment de la condamnation sont automatiquement déchus de ce mandat par le préfet. Ces mêmes effets sont produits immédiatement quand le premier juge prononce l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité en se fondant sur l’article 471 du code de procédure pénale. Il s’agit d’une dérogation majeure au principe traditionnel du droit pénal selon lequel l’appel a un caractère suspensif.
L’exécution provisoire produit alors les mêmes effets qu’une condamnation définitive : la personne concernée devient immédiatement inéligible et elle est déchue de son mandat local ou de ses mandats locaux, en vertu d’une jurisprudence du Conseil d’État. Là encore, c’est une position contraire à celle du Conseil constitutionnel, qui n’impose pas une telle déchéance immédiate dans le cas d’un mandat national.
Ce qui est terrible, c’est que le législateur des lois Sapin n’avait pas du tout prévu une telle évolution. Ainsi, les travaux parlementaires sur les lois de 2016 et 2017, qui ont systématisé les peines d’inéligibilité, ne font aucune mention de la possibilité d’assortir ces peines de l’exécution provisoire.
Comme l’a relevé M. Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, éminent membre de la doctrine, dans une contribution à mes travaux, « le Parlement n’a pas voulu expressis verbis que le juge pénal puisse prononcer l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité. Cette faculté n’a été conférée au juge que par ricochet, du fait d’une disposition transversale du code de procédure pénale » – autrement dit, par un effet mécanique. Cette conséquence mal anticipée est d’autant plus préoccupante que le recours à la peine d’inéligibilité, je l’ai dit, s’est massifié et a été systématisé.
C’est pourquoi le groupe UDR a souhaité revenir à la situation antérieure afin de respecter les principes fondamentaux du procès pénal.
L’exécution porte d’abord atteinte au droit au recours effectif, puisqu’elle n’est susceptible d’aucun recours spécifique, alors même qu’elle peut entraîner des conséquences irréparables pour les personnes condamnées. S’agissant d’une décision en première instance, donc par définition non définitive et susceptible d’être remise en cause ultérieurement, soit par la cour d’appel, soit par la Cour de cassation, cette atteinte apparaît disproportionnée.
Permettez-moi d’évoquer mon cas personnel pour illustrer les conséquences très concrètes de l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité prononcée en première instance. En février 2021, j’ai été condamnée par le tribunal correctionnel de Toulouse à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire.
Du jour au lendemain, j’ai été démissionnée de tous mes mandats – maire de Montauban, présidente de l’agglomération du Grand Montauban, conseillère départementale. En deux jours, la ville et l’agglomération que je dirigeais ont donc perdu leur gouvernance et ont vu leurs projets et leurs chantiers paralysés pendant près d’une année, soit un sixième de la durée totale du mandat municipal.
J’ai aussi été privée de la possibilité de me présenter aux élections départementales et régionales, et je ne vous parle même pas de l’humiliation et de la désespérance ressenties, ni de la perte des revenus liés à mes mandats. En décembre de la même année, la cour d’appel de Toulouse m’a intégralement relaxée. Le préjudice subi reste toutefois irréparable.
Je considère par ailleurs que l’exécution provisoire de telles peines constitue une atteinte à la présomption d’innocence, dans la mesure où elle confère une force exécutoire normalement réservée à une décision définitive établissant la culpabilité. Comme l’explique le Conseil constitutionnel, cela ne peut qu’influencer la liberté de choix de l’électeur et humilier l’élu concerné.
À la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée récemment par un élu mahorais, le Conseil constitutionnel a rappelé que le juge pénal, lorsqu’il décide de l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité, devait exercer un double contrôle de proportionnalité : il lui revient « d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur ».
L’appréciation de l’atteinte à la liberté de l’électeur ne peut que reposer sur des critères politiques, qu’il s’agisse de la proximité des échéances électorales, de leur importance relative pour la personne concernée ou de ses chances de réussite eu égard aux derniers sondages. Or ces critères ne relèvent pas de l’office traditionnel du juge pénal ; certains magistrats auditionnés ont d’ailleurs fait état de leur difficulté, sinon de leur gêne, lorsqu’ils ont à motiver la proportionnalité de telles atteintes. En conférant un tel pouvoir au juge pénal, nous le faisons sortir de son office de garant de la liberté individuelle pour en faire un arbitre de la vie démocratique, ce qui représente une véritable atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Comme le relève l’éminent M. Schoettl, « confier à un juge […] la mission de faire advenir la vertu en politique et ce, de façon prétorienne, […] c’est faire prendre un immense risque à la démocratie ».
En conclusion, il ne s’agit pas d’un texte destiné à une seule personne, comme je l’ai entendu en commission des lois. Ce débat dépasse les personnes : il touche au cœur même de notre République. Il appelle à méditer cette réflexion que Montesquieu nous a léguée : « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. »
L’histoire nous a mis en garde. Dans la Rome antique, le glissement du judiciaire vers le politique menaçait déjà la République. Lorsque Clodius Pulcher fit adopter une loi pour interdire à Cicéron l’exercice de ses droits civiques, ce fut non pas pour un crime, mais pour une parole, un engagement, une gêne politique. Et Rome, en prétendant moraliser la vie publique, y perdit le droit. Nous ne sommes pas Rome, mais la mémoire de ces événements doit nous servir : elle nous dit que, chaque fois qu’on a cru rendre la justice plus rapide que le droit, c’est la démocratie qui a reculé.
À nous maintenant de choisir : voulons-nous que l’inéligibilité, peine grave s’il en est, reste validée en dernier ressort, après réflexion ? Ou acceptons-nous qu’elle devienne une arme préventive, brandie dès la première instance ? Il s’agit ici de défendre non pas un camp, mais un principe : celui d’une République où nul n’est privé de ses droits civiques sans avoir été définitivement jugé, celui d’une démocratie qui ne cède pas à la tentation de la vengeance immédiate, celui, enfin, d’un Parlement qui ne confond pas urgence médiatique et nécessité juridique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Nous débattons d’une proposition de loi qui touche aux fondements de notre vie démocratique : le droit de vote, la possibilité d’être élu et de représenter ses concitoyens, l’exigence d’exemplarité de celles et ceux qui exercent une parcelle de pouvoir public.
La question posée est simple : faut-il interdire, de façon générale et définitive, toute exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité ? C’était l’essence de la proposition que vous avez déposée, madame la rapporteure, avec votre groupe, avant qu’elle ne soit modifiée et rejetée en commission. Faut-il retirer au juge la faculté d’ordonner, dans certaines circonstances, que l’inéligibilité s’applique sans attendre l’épuisement de toutes les voies de recours ?
À la suite de Mme la rapporteure, permettez-moi de rappeler un point essentiel : l’inéligibilité n’est pas une sanction ordinaire. Elle touche à la substance même de notre pacte républicain. Pour restaurer la confiance dans la vie politique et dans la démocratie, le législateur a donc encadré avec rigueur l’usage de cette peine, en renforçant les exigences d’exemplarité pour les élus condamnés pour des faits graves.
Mais c’est aussi dans un esprit de responsabilité que la loi a prévu, dans certains cas, la possibilité pour le juge d’ordonner l’exécution provisoire de cette peine. Ce n’est ni un automatisme ni une dérive ; c’est un outil laissé à la libre appréciation du juge, dans le respect du contradictoire, de la présomption d’innocence et de la proportionnalité – vous l’avez rappelé, madame la rapporteure –, afin de garantir l’effectivité des décisions de justice et répondre à l’attente de probité de nos concitoyens.
Dans notre droit, les élus ne sont pas les seuls concernés par des mesures provisoires. Le juge peut ainsi prononcer une interdiction d’entrer en contact avec une victime de violences conjugales. La possibilité de retirer l’autorité parentale sans attendre une condamnation a été votée plusieurs fois par presque tous les groupes parlementaires, et ce depuis plus de quarante ans. Pour les faits les plus graves commis en violation d’un sursis, il est possible de révoquer celui-ci et d’ordonner l’incarcération ; c’est une mesure provisoire qui tend à faire cesser le trouble à l’ordre public. Je rappelle que plus de 20 % des détenus sont en détention provisoire, c’est-à-dire avant une éventuelle condamnation.
La proposition de loi qui vous est soumise vise à supprimer purement et simplement l’exécution provisoire pour les seuls élus. Elle entend sans doute répondre à une situation particulière et médiatique, à une émotion du moment qui concerne l’un de vos collègues de l’Assemblée nationale – il faut le dire, madame la rapporteure. C’est sans doute là que réside le problème.
Nous pouvons réfléchir à l’exécution provisoire et à la place du juge. Comme vous l’avez rappelé en évoquant votre propre cas, madame la rapporteure, il est possible que le juge prenne des décisions paraissant ab irato et contraires à la volonté du peuple. Cette discussion, sans doute noble, permettrait d’éviter le genre de situation dans laquelle vous vous êtes retrouvée.
Mais il n’est pas convenable de légiférer dans la circonstance, au moment même où l’affaire en question, certes importante mais qui ne devrait influencer ni le travail du juge ni celui du législateur, se trouve entre la première instance et l’appel. Je pense que chacun reconnaîtra que ce n’est pas une bonne façon de faire la loi.
M. Jacques Oberti
Oui !
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La loi doit rester générale, stable, abstraite, et exprimer des principes constants. Elle ne doit pas ni être ad hominem, ni répondre à la pression de l’actualité politique. Légiférer sur ce sujet maintenant, c’est fragiliser la séparation des pouvoirs, au moment même où la première décision est examinée en appel. C’est risquer de transformer la règle en arme politique, au détriment de la justice et de la confiance publique.
Un député du groupe RN
Ce n’est pas très courageux !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il ne faudrait pas convoquer le Parlement chaque fois que l’un d’entre nous rencontre un problème particulier avec la loi.
Rien dans notre droit, ni dans notre jurisprudence, ne justifie une telle remise en cause dans l’immédiat – nous sommes en désaccord sur ce point, madame la rapporteure. La Cour de cassation, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont validé ce dispositif, et en ont strictement encadré l’usage. Ajoutons que la mesure dont il est question a été adoptée à l’Assemblée et au Sénat par deux majorités différentes.
La loi dispose que le juge pénal, lorsqu’il prononce l’exécution provisoire, le fait avec discernement, dans le respect des droits de la défense et en fonction de la gravité des faits. Les élus condamnés à une peine d’inéligibilité ne sont pas tous concernés par l’exécution provisoire. Les chiffres le prouvent : seules 5 % des condamnations à l’inéligibilité sont assorties d’une exécution provisoire. Le juge sanctionne ainsi les faits les plus graves.
Si ce texte avait fait l’objet d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État, notre discussion aurait été alimentée par des éléments plus précis. Supprimer en quelques minutes la faculté pour le juge de prononcer l’exécution provisoire, sans grand débat public, ni avis du Conseil d’État, ni discussion plus approfondie, ce n’est pas raisonnable. On ne change pas les règles du droit au cours d’un procès. Il est certes possible de discuter du bien-fondé de la loi Sapin 2 – j’avais moi-même voté contre lorsque j’étais député –,…
M. Charles Alloncle et M. Thomas Ménagé
Vous n’avez aucune cohérence !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…mais on ne peut régler la question selon le bon plaisir de ceux qui envisagent une candaditure à telle ou telle élection. La discussion doit se fonder sur des principes et sur notre droit. La réponse ne peut pas être de neutraliser un dispositif législatif au profit d’une candidate ou d’un candidat, fût-ce à l’élection présidentielle.
Les parlementaires et les citoyens ont le droit d’exprimer leur opposition à une disposition législative ou réglementaire ; il est tout à fait légitime qu’ils le fassent. Je comprends les interrogations, et je respecte les débats. Toutefois, se dépêcher de faire adopter une disposition parce que la règle pourtant établie pour tous n’arrange pas les uns ou les autres ne me semble conforme ni à l’esprit national, ni à notre droit, ni à nos usages. Le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Brigitte Liso et M. François Jolivet applaudissent également.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles Alloncle.
M. Charles Alloncle
Il est des droits sacrés, intangibles, que nul ne renie sans trahir l’âme d’un pays : le droit d’être éligible, le droit de se défendre, le droit de n’être condamné qu’après avoir été jugé. C’est notre peuple, le premier, qui a proclamé ces droits. C’est lui qui les a hissés au sommet de la loi. C’est lui qui a gravé dans le marbre de sa Constitution : « tout homme [est] présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ».
Pourtant, ce droit fondamental, garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est aujourd’hui violé par une exception devenue la règle : l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité. Cette sanction prononcée cinquante fois plus l’année dernière qu’il y a six ans – cinquante fois ! – est une épée plantée dans l’urne.
Soyons clairs, ce que nous combattons ici, ce n’est pas la peine d’inéligibilité, mais son exécution provisoire, brutale, automatique, aveugle, au mépris d’un fondement inviolable du droit : l’effet suspensif des voies de recours. Car le droit, en démocratie, repose sur une évidence : tant que tous les recours ne sont pas épuisés, votre innocence ne peut vous être enlevée.
Quelle est donc cette justice qui ne doute pas d’elle-même ? Qui sont ces juges emplis d’une telle certitude qu’ils peuvent prévoir en première instance le résultat de l’appel ? Qui sont ces juges au pouvoir arbitraire qui ôtent au peuple le pouvoir d’arbitrer ? C’est cette dérive que la proposition de loi vient corriger : il s’agit d’empêcher que, dans notre République, trois juges, trois consciences, trois subjectivités réunies dans l’ombre d’un délibéré, puissent d’un seul trait effacer la volonté de millions de Français.
Souvenez-vous, ce danger ne date pas d’hier. Douze ans déjà qu’a été érigé le mur du déshonneur, le mur de la honte, le « mur des cons ». Douze ans déjà que le visage du père d’Anne-Lorraine Schmitt, brisé par le meurtre barbare de sa fille par un multirécidiviste, y fut cloué comme une cible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Thomas Ménagé
Quelle honte !
M. Charles Alloncle
Douze ans déjà qu’une tache indélébile est venue souiller à jamais la robe de ces magistrats.
Et depuis ? Depuis, rien n’a changé. Les mêmes se montrent à la fête de L’Humanité, parlant d’indépendance entre deux agitations marxistes et trois saillies contre la police. Les mêmes, il y a un an, lors des élections législatives, appelaient, par la voix du Syndicat de la magistrature, à barrer « par tous les moyens » la route de Matignon à Jordan Bardella.
M. Philippe Vigier
Hors sujet !
M. Charles Alloncle
Les mêmes encore sont entrés dans la magistrature comme on entre dans les ordres, à l’apparition mystique du prophète Eva Joly.
M. Philippe Schreck
Absolument !
M. Boris Vallaud
Quelle honte de dire ça !
M. Charles Alloncle
Voilà le visage de juges en croisade, pris en flagrant délit, balance dans une main, faucille et marteau dans l’autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Pourtant, de justice, de protection, de sévérité, notre pays en manque cruellement. À force de troquer la robe pour les tracts, certains ont trahi leur mission : celle d’enfermer les multirécidivistes, de condamner les violeurs, d’être ferme, même face aux mineurs. Ils ont trahi leur mission, la seule : celle de protéger les Français. Pendant qu’ils militent, les Français subissent : Lola, Philippine, Elias, des drames, des familles brisées, des vies que la justice aurait pu sauver, aurait dû sauver. La justice ose même parfois faire rimer laxisme avec corporatisme, lorsqu’elle condamne à seulement trois ans de prison avec sursis un ancien magistrat, l’un des siens, pour avoir offert sur internet sa propre fille de 13 ans à des violeurs.
Voilà l’utilité de l’exécution provisoire : protéger la société des individus dangereux, récidivistes et criminels. Mais il y a quatre ans, ce danger, ce péril, ce risque pour la nation, ce n’était pas un multirécidiviste, ce n’était pas un fiché S, c’était apparemment Brigitte Barèges. Souriez, chers collègues, mais le 9 février 2021 le tribunal correctionnel de Toulouse a prononcé contre elle cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Le couperet tombe, l’exclusion est immédiate, la déflagration est totale : personnelle, politique, humaine.
M. François Piquemal
Oh là là !
M. Charles Alloncle
Pourtant, le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Toulouse la relaxe intégralement.
M. Thomas Ménagé
Eh oui !
M. Charles Alloncle
Aucune faute, aucune infraction, aucune entorse : Brigitte était innocente. Mais le mal est fait et les mandats sont perdus. Pardon, Brigitte. Qui lavera ton nom ? Qui assumera le tort causé, l’écharpe retirée, la légitimité brisée ? Qui te rendra ces élections régionales et départementales qu’ils t’ont confisquées ?
L’État de droit, ce n’est pas l’État des juges, c’est le droit au recours, la garantie qu’un jugement de première instance n’a rien de définitif, mais tout de provisoire. Pour quelques milliers d’euros seulement, en matière civile, le droit au recours est garanti. En revanche, pour une élection présidentielle, pour le sort d’un peuple, pour le destin d’une nation : pas de recours, pas d’appel, pas d’issue.
Sachez-le : les Français ne sont pas dupes, ils ne sont plus dupes. Ils voient, ils comprennent, ils étouffent sous ce climat de censure. Et le verdict est sans appel : deux Français sur trois ne font plus confiance à leur justice. Ils ne croient plus à ces instances sans visage qui les jugent mais qui ne les défendent pas, qui les censurent quand elles devraient les protéger. Leur chaîne de TNT la plus regardée ? Censurée. La loi « immigration », voulue par 85 % des Français ? Censurée. La loi sur la justice des mineurs, adoptée après des meurtres répétés ? Censurée ! Personne n’est épargné : des médias aux législateurs jusqu’aux candidats à la fonction suprême, toute parole dissidente est étouffée. La souveraineté populaire est entravée.
M. Arnaud Saint-Martin
Quelle bouillie !
M. Charles Alloncle
Cette proposition de loi n’est qu’un premier pas, un espoir pour les élus injustement frappés, une première injonction à ces juges qui ne rendent de comptes qu’à leur propre conscience.
Mme Prisca Thevenot
Et l’indépendance de la justice ?
M. Charles Alloncle
En attendant, à ceux qui se félicitent déjà d’avoir enterré ce texte, je dis : « Profitez ! Profitez pleinement ! Profitez tant qu’il en est encore temps ! »
M. Jean-François Coulomme
C’est une menace ?
M. Charles Alloncle
Car cette victoire sera brève, cette victoire est illusoire. Demain, c’est vous qu’elle rattrapera. Souvenez-vous : la Révolution dévore toujours ses propres enfants.
Chers collègues, je vous invite à voter pour ce texte parce qu’il protège le droit à l’éligibilité, garantit le droit au recours et préserve la présomption d’innocence. Et parce que jamais – jamais ! – le prétoire ne doit l’emporter sur l’isoloir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Bruno Bilde.
M. Bruno Bilde
Madame la rapporteure, chère Brigitte Barèges, pour commencer, je veux avoir un mot pour vous,…
M. François Piquemal
Ah, Brigitte !
M. Bruno Bilde
…qui symbolisez la faillite de l’exécution provisoire. Vous avez été condamnée en première instance, le 9 février 2021, à cinq ans d’inéligibilité, douze mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. En deux jours, vous avez perdu votre mandat de maire de Montauban et de conseillère départementale. Quelques mois plus tard, la cour d’appel vous a relaxée intégralement des faits reprochés. L’honneur d’une femme jeté aux chiens, pour rien.
M. Boris Vallaud
Mais quelle honte de dire ça !
M. Bruno Bilde
L’exécution provisoire pose le problème de l’effectivité du droit d’éligibilité, lequel constitue l’un des piliers de notre démocratie représentative. Ce droit est garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacre la liberté pour chaque citoyen de choisir ses représentants. Dans sa décision du 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel a réaffirmé avec force la valeur constitutionnelle de ce droit en insistant sur la nécessaire « préservation de la liberté de l’électeur ».
Pourtant, ce principe essentiel est aujourd’hui mis à mal par un mécanisme profondément injuste, l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité prononcée en première instance, alors même que la décision est frappée d’appel. Ce dispositif revient à appliquer une peine à une personne encore présumée innocente. Il peut priver un citoyen de son mandat ou l’empêcher de se présenter à une élection sur la base d’un jugement non définitif. Une telle atteinte à la présomption d’innocence est non seulement juridiquement discutable, mais démocratiquement inacceptable.
De nombreux juristes dénoncent à juste titre l’exécution provisoire, qui constitue une entorse disproportionnée à plusieurs principes fondamentaux de notre droit. Elle méconnaît le principe de double degré de juridiction, le droit à un recours juridictionnel effectif et, plus largement, le principe d’égalité devant la loi. Surtout, elle porte atteinte à la liberté du corps électoral puisqu’elle revient à priver les citoyens du droit de choisir librement leurs représentants. Elle produit donc des effets institutionnels parfois irréversibles.
Benjamin Morel, constitutionnaliste et professeur d’université, Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université de Toulouse Capitole, Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Béatrice Brugère, dirigeante d’Unité magistrats FO ou encore Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats : il serait bien imprudent de prétendre que tous ces éminents spécialistes du droit sont proches – tant s’en faut – de l’UDR ou du Rassemblement national ; pourtant, ils ouvrent le débat.
L’exécution provisoire est un préjudice irréversible car le jugement rendu, qui n’est pourtant pas définitif, rend définitive la condamnation. C’est fou, et la France fait ici exception en Europe. Seuls les pays totalitaires appliquent ce principe. (Rires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Duplessy
Il est malade !
M. Bruno Bilde
La jurisprudence européenne souligne l’importance du droit à un recours effectif. En privant de ce droit, l’exécution provisoire constitue une violation de la Convention européenne des droits de l’homme.
M. Jean-François Coulomme
Appelez-en à l’ONU !
M. Bruno Bilde
Les mesures d’exécution provisoire doivent respecter le principe de proportionnalité ; or leurs conséquences sont disproportionnées.
M. Boris Vallaud
Ah oui ?
M. Bruno Bilde
Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation viennent de se mettre d’accord au sujet de l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité. Dans sa décision du 28 mars 2025, au paragraphe 17, le Conseil constitutionnel avait formulé une réserve d’interprétation, estimant qu’il revient au juge pénal « d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur ». La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à faire application de cette réserve d’interprétation pour la première fois dans l’affaire Falco. Elle a contrôlé la qualité de la motivation des juges du fond et a annulé purement et simplement l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité prononcée contre l’ancien maire de Toulon. Je cite l’arrêt de cassation : « En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette exécution provisoire portait une atteinte proportionnée à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. »
Vous le voyez, tant la Cour de cassation que le Conseil constitutionnel placent la liberté de l’électeur au-dessus de l’exécution provisoire. Selon le raisonnement des deux plus hautes cours de notre République, l’exécution provisoire est quasiment impossible à appliquer. Voilà pourquoi il faut la supprimer. Avec cette proposition de loi, nous disons oui à l’État de droit, oui à la justice républicaine, oui à la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Boris Vallaud
Quelle honte !
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot.
Mme Prisca Thevenot
« Quand allons-nous mettre en place l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui ont été condamnés pour des faits commis à l’occasion de leur mandat ? » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC.) Ce n’est pas moi qui pose cette question ; c’est Mme Le Pen qui la posait, en 2013.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
Mme Prisca Thevenot
Douze ans plus tard, le groupe UDR a décidé de lui apporter la plus vilaine des réponses qui soit en menaçant et en fragilisant ce que nous sommes censés protéger ici : l’État de droit. Hier, monsieur Ciotti, vous étiez le leader d’une droite républicaine, debout, fière d’elle-même. Vous voilà devenu le porte-flingue d’une extrême droite revendiquée qui veut affaiblir notre justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Christophe Proença applaudit également.) Partout où elle avance, en France comme ailleurs, l’extrême droite veut mettre la justice au pas.
Le texte que vous proposez, monsieur Ciotti, est non pas une loi pour les Français, mais une loi taillée sur mesure pour votre amie du Rassemblement national, une loi d’exception, une exception qui porte un nom : Marine Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Marine Le Pen qui, en 2017, réclamait, la main sur le cœur, la tolérance zéro, les peines planchers et la suppression des remises de peine. Quelques affaires judiciaires et plusieurs mises en examen plus tard, tout cela a disparu.
M. Sébastien Chenu
Vingt-deux condamnations en Macronie !
Mme Prisca Thevenot
Plus un mot sur la probité, plus une ligne sur l’inéligibilité.
M. Thierry Sother
Respectez la justice !
Mme Prisca Thevenot
La transparence ? Évaporée. L’exemplarité ? Gommée. Je formule donc une question simple, mais essentielle : comment peut-on exiger la sévérité pour les autres tout en quémandant l’indulgence pour soi-même ?
M. Philippe Vigier
Charité bien ordonnée commence par soi-même.
M. Boris Vallaud
Eh oui !
Mme Prisca Thevenot
Rappelons-le, Marine Le Pen n’a pas volé une simple orange. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Si elle a été condamnée en première instance à quatre ans de prison, dont deux ferme, sous bracelet électronique, à 100 000 euros d’amende et à cinq ans d’inéligibilité, ce n’est pas pour rien : elle a été à la tête d’un vaste de réseau de fraude – vous savez, cette fraude que, mardi dernier, dans cet hémicycle, elle appelait à combattre ! – et condamnée pour avoir détourné avec méthode 4,6 millions d’euros d’argent public. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Le Pen a fait appel, mais il reste l’exécution provisoire, que vous considérez comme une anomalie. Chers collègues des groupes UDR et RN, l’anomalie, ce n’est pas l’exécution provisoire, c’est vous ! (M. Jimmy Pahun applaudit. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Charles Alloncle
C’est vous, l’anomalie !
Mme Prisca Thevenot
L’anomalie, c’est que des députés se pensent au-dessus de la loi et s’arrangent entre copains pour la modifier quand elle s’abat sur eux.
M. Emeric Salmon
On se calme !
Mme Prisca Thevenot
L’exécution provisoire a été prononcée, car il y a un risque de récidive. Ce n’est pas une opinion politique, c’est une décision de justice, validée par le Conseil constitutionnel. Pendant six ans de procédure, vous n’avez jamais reconnu vos torts. Vous avez défié la justice, remis en cause les juges et justifié le détournement.
M. Sébastien Chenu
Vous avez vingt-deux condamnations dans vos rangs !
M. Alexandre Dufosset
Oui, vingt-deux !
Mme Prisca Thevenot
Ne venez pas parler de respect des institutions, alors que vous les piétinez matin, midi et soir. Pire encore, au lendemain de la condamnation en première instance, vous avez envoyé tous vos députés sur tous les plateaux télé pour expliquer que vous aviez correctement utilisé cet argent public, qui a servi par exemple, rappelons-le, à payer un majordome à Jean-Marie Le Pen.
M. Jean-François Coulomme
Vous avez été bien reçus sur les plateaux télé, n’est-ce pas ?
Mme Prisca Thevenot
Supprimer l’exécution provisoire de l’inéligibilité, c’est créer un sas d’impunité ; c’est envoyer un message dangereux : si vous êtes haut dans les sondages, alors vous êtes au-dessus des lois.
M. Kévin Pfeffer
On sera toujours plus haut que toi !
Mme Prisca Thevenot
Mais où est la République quand la supposée popularité devient un bouclier judiciaire ? Où est l’État de droit quand une condamnation ne vaut plus rien dès lors qu’on est haut dans les sondages ?
M. Alexandre Allegret-Pilot
Continue de creuser, tu vas trouver du pétrole !
Mme Prisca Thevenot
Ces lois sur la probité, que vous avez votées, disent une chose simple : un élu condamné est déclaré inéligible, et cette inéligibilité s’applique immédiatement – sans passe-droit, sans privilège, sans clientélisme.
M. Emeric Salmon
Et si on est innocent ?
Mme Prisca Thevenot
Non, ce n’est pas la justice qui empêche Marine Le Pen d’être candidate, ce sont ses propres actes. Ce n’est pas une cabale politique, c’est une condamnation judiciaire, documentée, argumentée.
Avec votre ami Éric Ciotti, vous adressez aujourd’hui un signal ou un message pour 2027 : vous donnez un avant-goût de votre République, une République dans laquelle l’impunité devient la règle et où la loi s’efface devant les intérêts partisans. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
La vôtre, elle n’est pas plus belle !
Mme Prisca Thevenot
Chers collègues du groupe Droite républicaine, je sais qu’en commission vous avez apporté votre soutien à cette loi d’exception destinée à Marine Le Pen,…
M. Sébastien Chenu
Vingt-deux condamnations dans vos rangs !
Mme Prisca Thevenot
…mais je vous rappelle que vos électeurs ne vous ont pas choisis pour copier le Rassemblement national.
M. Paul Midy
Eh oui !
M. Jean-François Coulomme
DR ou RN, ce sont les mêmes !
Mme Prisca Thevenot
Ils vous ont fait confiance pour lui faire barrage. En marchant avec eux, vous trahissez la confiance qu’ils ont placée en vous.
Mes chers collègues, cette bataille n’est pas une bataille partisane. C’est une bataille pour la République, pour l’exemplarité, pour le respect de nos institutions. Votons ensemble contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et SOC. – Mme Constance de Pélichy applaudit également.)
Un député RN
C’était minable !
Mme Prisca Thevenot
Seule la vérité fait mal !
M. le président
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.
Mme Émeline K/Bidi
Cette proposition de loi n’est pas un simple texte, c’est une opération commando pour trouver un moyen de sauver le soldat Marine. Quand il s’agit de couvrir ses copains, la droite extrême et l’extrême droite ne se cachent plus et travaillent main dans la main. Pour l’UDR et le RN, voyez-vous, les peines planchers, les emprisonnements effectifs immédiats et toutes les autres manifestations d’une justice répressive et violente, c’est pour tout le monde, sauf pour eux. (MM. Marcellin Nadeau et François Piquemal applaudissent.)
Cette proposition de loi a pour seul objectif de sauver la candidature de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Que 64 % des Français se soient prononcés, dans un sondage réalisé en avril, contre la suppression de l’exécution provisoire de l’inéligibilité d’un élu condamné en première instance, vous n’en avez rien à faire. L’avis des Français, de façon générale, ne vous importe pas, dès lors que vous pouvez sauver votre candidate préférée.
M. Jean-François Coulomme
C’est la loi Le Pen !
M. Sébastien Chenu
Mme Huguette Bello a été condamnée en appel ! Elle vient de vos rangs !
M. Thierry Sother
Vous n’avez pas honte ?
M. Marcellin Nadeau
Ça suffit !
Mme Émeline K/Bidi
Un autre repris de justice, issu de la droite, aurait pu dire : « Quelle indignité ! »
Vous ne vous contentez pas de vouloir revenir sur une mesure qui, à plusieurs reprises, a permis d’éloigner de la vie politique des personnalités qui n’ont pas respecté le droit.
M. Emeric Salmon
Et Andy Kerbrat, il a respecté le droit ? (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émeline K/Bidi
Non, vous préférez remettre en cause la justice. Vous profitez de cette tribune pour jeter le discrédit sur les juges. C’est tout notre système judiciaire que vous souhaitez abîmer.
M. Sébastien Chenu
Votre système repose sur l’injustice !
Mme Émeline K/Bidi
Le prononcé automatique de l’exécution provisoire est une disposition de la loi Sapin 2. La justice n’a fait qu’appliquer une loi qui a été adoptée ici même en 2016 par nos prédécesseurs, peut-être même par certains d’entre vous.
M. Sébastien Chenu
Vous avez été condamnés à La Réunion !
Mme Émeline K/Bidi
L’exécution provisoire vise à empêcher la récidive et permet de pallier la lenteur de notre système judiciaire. Si vous étiez tant soit peu attachés à la justice, vous auriez déposé une proposition de loi pour la soutenir, pour lui accorder davantage de moyens, pour préserver l’indépendance des juges,…
M. Jean-François Coulomme
Pour vider les prisons !
Mme Émeline K/Bidi
…pour garantir à tous une justice de qualité, plutôt que pour défendre l’exception et l’impunité pour une seule personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Nous n’avons pas de leçons à recevoir des communistes !
Mme Émeline K/Bidi
L’exécution provisoire ne s’applique pas seulement aux peines d’inéligibilité ; elle est prévue pour toute une série d’infractions graves. Elle est devenue la règle en matière civile. Désormais, lorsqu’une personne est condamnée en matière civile, immédiatement et automatiquement…
M. Philippe Schreck
On peut déposer un recours !
Mme Émeline K/Bidi
…la peine est assortie d’une exécution provisoire. Si une personne condamnée à des dommages et intérêts souhaite interjeter appel, elle doit d’abord payer, sinon sa demande d’appel sera rejetée. Nous aurions pu parler du principe de l’exécution provisoire dans son ensemble, mais vous préférez ici défendre l’impunité d’une seule personne, rien qu’une. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Jean-François Coulomme
C’est la loi Le Pen !
Mme Émeline K/Bidi
Uniquement parce que cette personne est candidate à l’élection présidentielle.
M. Philippe Schreck
Le communisme est une maladie !
Mme Émeline K/Bidi
Peu vous importe que les Français soient opposés à cette proposition de loi ; peu vous importe que ce texte soit indécent et ne soit pas même cohérent avec ce que vous avez défendu auparavant. Vous avez pour seul but de sauver une copine. Vous plaidez ici non pas pour la justice, mais pour l’injustice.
Les élus ne sont pas au-dessus de la loi. Ceux qui nous ont élus attendent de nous de l’exemplarité et des propositions plus dignes que celle que vous nous présentez ce matin. Vous n’utilisez pas votre niche parlementaire pour lutter contre la vie chère, ni pour soutenir la justice, ni pour favoriser le logement ; vous l’utilisez pour vous. Nous n’en sommes pas surpris, et c’est aussi sans surprise que nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mme Brigitte Liso applaudit également.)
M. Marcellin Nadeau
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Sébastien Chenu
Le représentant du parti le plus condamné de la Ve République !
M. Alexandre Dufosset
Le plus corrompu des partis !
M. Boris Vallaud
Chers collègues vociférants, nous voici au rendez-vous de la trahison des principes qui sont au fondement de notre démocratie, de notre État de droit et de notre République ; des principes qui nous guident et nous obligent comme élus du peuple.
M. Emeric Salmon
Vous êtes maîtres en la matière !
M. Sébastien Chenu
François Rebsamen a été condamné en 2022 !
M. Boris Vallaud
Nous voici au rendez-vous des petits arrangements entre copains, au rendez-vous des accommodements de coquins qui n’aiment la loi que quand elle s’applique aux autres (Exclamations sur les bancs du groupe RN), qui ne revendiquent la justice que quand elle leur est favorable, qui ne promettent l’inéligibilité à vie des élus corrompus ou condamnés pour détournements de fonds publics que pour mieux s’en dédire quand ils sont eux-mêmes condamnés.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Ils osent tout !
M. Boris Vallaud
Un rendez-vous de professeurs de fausse vertu, de pédotribes de moraline sans morale. Nous le voyons ce matin : l’hypocrisie est décidément un vice à la mode. Ce sont toujours les mêmes, procureurs par procuration, qui ne cessent d’en appeler à la sévérité de la justice pour mieux en exiger la clémence pour eux-mêmes.
Quatre millions d’euros de fonds publics détournés.
M. Damien Girard
Exactement !
M. Boris Vallaud
Si les peines sont lourdes, madame la rapporteure, c’est que les faits sont accablants. Il s’agit d’un « système global et opérationnel » de détournement de fonds publics. Dans ces conditions, il est difficile de prétendre avoir les mains propres et la tête haute, alors qu’on a les mains sales et la tête basse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
M. Damien Girard
Bravo !
M. Boris Vallaud
Quatre millions d’euros de fonds publics détournés, madame la rapporteure. La démocratie n’est pas attaquée, elle est sauve ; la justice n’est pas instrumentalisée, elle est indépendante. Vous en êtes consternés, vous devriez vous en réjouir.
M. Sébastien Chenu
Certains dans votre parti ont été condamnés pour trafic d’influence !
M. Boris Vallaud
Quatre millions d’euros de fonds publics détournés. Ce n’est pas la justice qui menace la République ; c’est la République, quand elle se retourne contre elle-même, comme vous entendez l’y pousser ce matin, qui menace la justice.
Madame la rapporteure, lisons la décision de justice rendue en première instance que vous prétendez contourner : « Les infractions commises sont liées à l’exercice d’un mandat électif, soit une atteinte aux règles du jeu démocratique. »
M. Sébastien Chenu
Jean-Marc Ayrault a été condamné pour favoritisme !
M. Boris Vallaud
Ou encore : « La proposition de la défense de laisser les électeurs décider revient à revendiquer un privilège. »
C’est bien ce que vous demandez : un privilège pour les élus ; une justice à deux vitesses, dure avec les faibles, faible avec les puissants ; une justice d’exception pour les premiers, une exception de justice pour les seconds ; une République de l’impunité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
M. Damien Girard
Exactement !
M. Boris Vallaud
Comment pouvez-vous, madame la rapporteure, sans peur du ridicule ou du flagrant délit de contradiction, réclamer le durcissement de la détention provisoire avant tout jugement et l’extension aveugle des rétentions administratives et, dans le même temps, prétendre revenir sur l’exécution provisoire de décisions de justice qui ont été rendues au terme d’un procès et d’un débat contradictoire dans le respect des droits de la défense ? (Mêmes mouvements.)
Comment pouvez-vous, monsieur Ciotti, défendre dans la même journée une proposition de loi pour contourner une décision de justice et une autre visant à instaurer des peines planchers ? (MM. Marcellin Nadeau et Damien Girard applaudissent.)
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
M. Boris Vallaud
Car il ne s’agit pas de s’interroger sur le principe de l’exécution provisoire des peines, acquis dans notre droit depuis 1983 et renforcé par la loi Sapin 2, mais bien de contourner une décision de justice.
M. Jean-François Coulomme
Ils osent tout !
M. Boris Vallaud
De quoi parlons-nous ? L’exécution provisoire de l’inéligibilité vise à empêcher que des individus condamnés pour corruption ou détournement de fonds publics n’accèdent à des fonctions électives, notamment à celle de chef de l’État. Qui pourrait s’en plaindre ? Qui est prêt à admettre que l’élection devienne une voie de blanchiment des délinquants, que les urnes leur permettent d’échapper à leur peine et que l’on porte ainsi atteinte à la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Marcellin Nadeau et Damien Girard applaudissent également.) Pas les électeurs, pas les Français, qui réclament le respect de l’ordre républicain, cet ordre qui tire précisément sa force de la justice.
M. Michaël Taverne
Vous ne savez pas ce qu’est l’ordre républicain !
M. Boris Vallaud
Monsieur Taverne, à chaque grand rendez-vous de l’histoire de la République, vous étiez plus souvent sur les bancs des accusés que sur les bancs de l’Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – Vives protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Emeric Salmon
Mitterrand et sa francisque, on s’en souvient !
M. Sébastien Chenu
C’est le parti des taulards qui la ramène !
M. Boris Vallaud
Madame la rapporteure, vous ne pouvez-vous revendiquer ni des turpitudes du Rassemblement national, ni de la Constitution, ni de l’ordre conventionnel. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme ont validé l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité, afin de prévenir la récidive, de s’assurer de l’efficacité des peines, de prôner la probité et l’exemplarité. Vous choisissez non pas le camp de la démocratie, mais celui de la forfaiture et de l’indignité.
M. Sébastien Chenu
Et Cahuzac ?
M. Boris Vallaud
Madame la rapporteure, ce ne sont pas les juges qui gouvernent, ce sont ceux qui gouvernent qui prétendent juger à la place de la justice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous nous avez donné rendez-vous pour examiner une loi qui vise à contourner la loi, une loi pour défaire le droit, une loi pour juger les juges, une loi qui sue l’injustice et transpire le mensonge. Cette loi à laquelle nous nous opposerons, donnons-lui un nom, puisque vous feignez l’ignorer : c’est la loi Le Pen. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix
C’est l’un des héritiers d’une famille politique qui a payé son dû à la justice – et peut-être parfois un peu plus que son dû –…
M. Jean-François Coulomme
Vous pensez à Nicolas Sarkozy ?
M. Olivier Marleix
…qui vous le dit avec beaucoup de conviction : la probité est la condition sine qua non de la confiance dans la vie politique, ou plutôt du rétablissement de cette confiance, puisque, d’après une étude du Cevipof, seuls 26 % des Français font encore confiance aux institutions politiques.
M. Stéphane Vojetta
On se demande pourquoi !
M. Olivier Marleix
En préambule, je tiens à rappeler que la condamnation qui est le motif principal du dépôt de ce texte est une condamnation pour détournement de fonds publics. On ne parle pas d’une barre chocolatée ! Toutefois, ce texte mérite une véritable réflexion.
Souvenons-nous d’abord, comme l’a rappelé madame la rapporteure, que l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité n’émane pas de la volonté du législateur stricto sensu. Ni la loi Sapin 2 de 2016, ni la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique ne prévoient explicitement cette faculté – j’étais l’orateur de mon groupe sur ces deux textes, et il n’en a jamais été question dans nos débats. C’est par un jeu de renvois législatifs que le juge pénal est autorisé à prononcer l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Nous assistons ce matin au grand retour des lois d’amnistie.
M. Éric Martineau
Ah !
M. Sacha Houlié
Personne n’est dupe : le texte déposé par le groupe UDR n’a pas d’autre ambition que de servir celles que Mme Le Pen nourrit pour les élections présidentielles. Pas d’autre ambition que de la gracier de la sanction pénale – quatre ans de prison, dont deux ferme, 100 000 euros d’amende et une peine de cinq ans d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire – que le tribunal correctionnel de Paris a prononcée à son encontre le 31 mars dernier.
Qui déclarait pourtant en 2013, dans une grande tirade enflammée : « Quand allons-nous tirer les leçons et effectivement mettre en place l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui ont été condamnés pour des faits commis grâce ou à l’occasion de leur mandat ? » ? La désormais coupable Marine Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Charles Alloncle
Ça commence à être long !
M. Sacha Houlié
Chacun appréciera au passage l’inconstitutionnalité d’une peine à vie, fût-elle complémentaire.
Qui répétait bravement, jusqu’au mois de novembre, que « ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire est pour moi une règle numéro un lorsqu’on souhaite être parlementaire de la République » ? Son – jusqu’ici – fidèle lieutenant Jordan Bardella.
M. Frédéric Weber
Très bien !
M. Sacha Houlié
Je ne peux manquer de relever le double discours de l’extrême droite (Protestations sur les bancs du groupe RN.) La sévérité et l’exemplarité des peines ne valent que tant qu’elles ne les concernent pas. À les entendre, la justice est trop laxiste ; mais lorsqu’elle les concerne, elle est impitoyable ou cruelle.
Cette proposition de loi est un bleu de méthylène, un révélateur de votre conception de nos institutions, de votre intérêt pour la séparation des pouvoirs et de votre respect pour l’indépendance de l’autorité judiciaire. Nous savons ici, depuis longtemps, ce que vous pensez de l’État de droit – dont la séparation des pouvoirs est un des piliers. Vous préférez les juges aux ordres, si possible aux vôtres. Vous avez pu un temps berner les Français sur vos intentions réelles, mais aujourd’hui, ils savent : votre projet, c’est l’intransigeance pour les autres et l’impunité pour vous.
Il est vrai que vous ne vous seriez peut-être pas permis de déposer cette proposition de loi si vous n’aviez pas cru trouver à une époque, dans les déclarations déplacées du premier ministre et de l’actuel garde des sceaux, avant même sa nomination, une forme de soutien.
M. Pierre Cazeneuve
Oh !
M. Sacha Houlié
Sur le fond de votre proposition, et en droit, que dire ? Vous êtes à rebours de l’évolution législative des dix dernières années, qui a permis d’introduire progressivement dans le droit positif l’exigence de probité des élus. Le but des lois du 9 décembre 2016 – dite Sapin 2 – et du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique – but assumé et même tranché par l’élection présidentielle de 2017 – était de systématiser le prononcé des peines complémentaires d’inéligibilité pour de nombreuses infractions. L’exécution provisoire dont ces peines peuvent être assorties vise à assurer l’effectivité de la sanction dans un domaine où l’action judiciaire, par l’appel ou le recours en cassation, en suspend l’effet.
M. Charles Alloncle
Abrège !
M. Sacha Houlié
Quel paradoxe – un de plus – que de réclamer sans cesse une meilleure exécution des peines tout en cherchant à vous y soustraire ! L’exécution provisoire assure également la célérité, toute relative, d’un processus judiciaire dont vous êtes souvent les premiers à déplorer la lenteur. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) À ce stade, je n’ose plus dénombrer les paradoxes de votre démarche !
L’exécution provisoire, vous le savez, ne tombe pas du ciel : la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel affirment, dans les termes de ce dernier, qu’elle doit permettre « d’assurer, en cas de recours, l’efficacité de la peine et de prévenir la récidive ». C’est là l’une des motivations du jugement rendu le 31 mars dernier.
M. Charles Alloncle
Quelqu’un écoute encore ?
M. Philippe Ballard
Non, personne ! On peut changer de chaîne ?
M. Sacha Houlié
En somme, cette exécution provisoire participe à la bonne administration de la justice et il n’y a pas lieu de procéder à sa suppression. J’observe d’ailleurs qu’elle ne vous pose problème qu’en matière pénale, puisqu’en matière disciplinaire, dans le droit de la fonction publique ou le droit du travail, l’interruption de travail décidée avant même la fin des poursuites est souvent de droit, afin de préserver la cohésion du groupe de travail et la confiance des citoyens. Vous n’avez jamais remis non plus en question les interdictions d’exercer prévues par le code pénal.
Il fut une époque où l’extrême droite clamait – de façon déjà mensongère – qu’elle avait la tête haute et les mains propres. Après le jugement du 31 mars, vous êtes pourtant sortis la tête basse et les mains sales du tribunal correctionnel de Paris. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Brigitte Liso applaudit également.) Ni aujourd’hui ni demain, nous ne prêterons nos têtes et nos mains à votre sale besogne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Dem et EcoS.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que cette proposition de loi n’avait pas eu l’aval du Conseil d’État – évidemment, car on n’a guère le temps de lui présenter les textes déposés en vue d’une niche parlementaire.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Une niche, pas une litière !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Cependant, si ce texte était voté, la navette parlementaire nous permettrait de pallier certaines difficultés. J’observe que le Conseil d’État, dans sa décision sur le dossier mahorais – que nous avons tous en tête – a jugé la QPC recevable, considérant que l’affaire était suffisamment sérieuse être renvoyée devant le Conseil constitutionnel.
Permettez-moi de vous rappeler que vous avez vous-même déclaré : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. […] Si le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l’être électoralement, sans l’expression du peuple. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Emeric Salmon
Belle déclaration !
Mme Ayda Hadizadeh
Quel laxisme !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Bien souvent, nos adversaires – j’en ai moi-même été victime, et pas seulement dans l’affaire dont j’ai parlé – multiplient les plaintes faute de parvenir à leurs fins par la voie des urnes ; si ces plaintes, souvent abusives, sont fort heureusement classées dans la plupart des cas, elles risquent néanmoins de prospérer. Voilà pourquoi il nous faut anticiper et supprimer l’exécution provisoire. (Mêmes mouvements.)
Mme Dieynaba Diop
Il suffit de ne pas voler l’argent !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Avec beaucoup de naïveté, j’aurais aimé un débat serein,…
Mme Fatiha Keloua Hachi
De la naïveté !
Mme Dieynaba Diop
Ce n’est pas ce qui vous caractérise le mieux !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
…un débat de nature juridique, un débat sur le fond. Malheureusement – et oui, c’était de la naïveté –, nous assistons à une débauche d’injures et de passions – et à de l’obstruction. J’aurais dû m’y attendre !
Un député du groupe UDR
Comme d’habitude !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je suis d’ailleurs très heureuse que Mme Le Pen ne soit pas là aujourd’hui. Ce que j’ai entendu proférer à l’encontre d’Éric Ciotti est totalement ignoble et il lui aurait été bien difficile de recevoir, à son tour, de nouvelles injures. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Certains d’entre vous n’ont peut-être jamais été condamnés et n’ont peut-être jamais été élus – mais vous pourrez l’être un jour. Quand on est condamné en première instance et qu’on a fait appel, comme cela m’est arrivé, le temps de l’attente – dans l’espoir d’une réformation de la décision – est difficile à vivre, croyez-moi.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Non mais franchement !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
On éprouve de la honte et de l’humiliation, du désespoir et de l’inquiétude.
Mme Sophie Taillé-Polian
On est là pour parler du droit, pas de vos états d’âme !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
J’ai une pensée pour Marine Le Pen qui vit ces moments de manière très douloureuse – je suis donc heureuse qu’elle ne soit pas présente. (Mêmes mouvements.)
M. Maxime Laisney
Nous aussi !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Parlons maintenant de droit, même si cela ne vous intéresse apparemment pas. Tous, vous avez refait le procès de Marine Le Pen.
M. Benjamin Lucas-Lundy
On n’a pas le temps, la journée s’arrête à minuit !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je tiens à vous rappeler que la décision que vous citez à l’envi peut encore être réformée en appel. Soyez donc un peu modestes et respectueux de ce principe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) J’ai été avocat : nous n’avions pas le droit d’invoquer une décision avant qu’elle soit définitive. (« Exactement ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous paraissez avoir oublié ce principe, comme tant d’autres en matière pénale et en matière de procédure pénale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Je tiens simplement à signaler, concernant cette décision de justice, que M. Jean-Éric Schoettl, dans la contribution que vous avez annexée à mon rapport, a rappelé que le tribunal, pour motiver l’exécution provisoire, a invoqué le risque de récidive. Mais comment peut-on parler de récidive quand les faits sont vieux de dix ans et que rien ne s’est passé depuis ? (M. Mathieu Lefèvre s’exclame.)
M. Maxime Laisney
C’est donc bien une loi Le Pen, alors !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Surtout, la question cruciale est celle de la séparation des pouvoirs.
M. Pierre Cazeneuve
Oh là là !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Quand le magistrat en vient à dire que c’est la sauvegarde de l’ordre public qui justifie l’exécution provisoire, on n’est plus dans le droit, mais dans la politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Vincent Caure
Et là, vous ne commentez pas une décision de justice ?
Mme Prisca Thevenot
La honte !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Le juge n’a pas à entrer dans ces considérations – et il ne le revendique pas. Dans le cadre des auditions que j’ai conduites, tous les magistrats que nous avons entendus – procureurs ou juges – se sont montrés très gênés par l’éventualité de devoir motiver cette fameuse proportionnalité concernant la liberté des électeurs et des mandats en cours. Ce n’est pas leur rôle et il ne faut surtout pas le leur donner si nous voulons garantir l’objectivité de la justice, en laquelle je crois. (Mme Dieynaba Diop s’exclame.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Plus personne ne l’écoute !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
J’ai été avocat pendant trente ans – avocat et pas avocate, même si ça vous dérange : mon féminisme n’est pas le vôtre.
Mme Ayda Hadizadeh
L’avocate de Marine Le Pen, surtout !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je vais conclure très rapidement, puisque seules les injures et les polémiques vous intéressent…
Mme Ayda Hadizadeh
La justice nous suffira !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
…et que c’est là votre stratégie d’obstruction, nous le savons, pour nous empêcher à tout prix de parvenir à nos fins.
Vous avez dit, madame K/Bidi, que l’exécution provisoire était applicable dans beaucoup de cas. En effet, mais en matière civile, où c’est une règle très répandue, permettant d’accélérer les décisions de justice et d’éviter ainsi que les condamnations – par exemple à paiement – ne soient que trop lentement suivies d’effet. C’est le cas, notamment, pour les affaires parentales et familiales. En matière pénale, toutefois, ce n’est pas la règle, bien au contraire : c’est une entorse à la règle. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.) L’exécution provisoire n’est pas de droit en matière pénale. Le caractère suspensif de l’appel, jusqu’à ce jour, a toujours été prôné et appliqué – ce sont bien de peines dont nous parlons. Vous ne voulez pas comprendre que je ne demande en rien d’effacer une peine, mais seulement…
M. Benjamin Lucas-Lundy
De protéger Marine Le Pen !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
…d’accepter que ses effets soient suspendus jusqu’à ce que la décision définitive soit prononcée par la cour d’appel ou par la Cour de cassation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Je ne prends pas la peine de relever vos remarques désagréables nous accusant de vouloir une loi d’exception ou une loi d’amnistie,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n’est pas très beau de protéger Mme Marine Le Pen !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
…car ce n’est pas du tout le sujet.
Mme Prisca Thevenot
Si, si !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je comprends que vous fassiez de la politique dans une enceinte qui y est destinée…
Mme Ayda Hadizadeh
Et pas vous ?
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Non, j’essaye d’être objective et de travailler en droit – et je vous remercierais d’apprécier le dossier de ce point de vue. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je regrette, madame la rapporteure, que vous ayez laissé entendre qu’en France, l’autorité judiciaire pourrait prendre des décisions politiques – y compris en matière pénale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, EcoS et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Eh si ! On l’a tous vécu !
M. Matthias Renault
Le Syndicat de la magistrature est d’extrême gauche !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Je le dis sous le regard du garde des sceaux et avec le crédit que nous devons tous accorder à l’indépendance de la justice : il n’y a pas, en France, de juge politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Il peut en effet arriver, madame Barèges, que des justiciables ou des structures associatives, dans une tentative de faire obstacle à un parcours politique, portent plainte devant les tribunaux. Dans le cas d’espèce, cependant, nous ne parlons pas d’une simple plainte dilatoire, mais d’une décision de justice rendue par un magistrat.
M. Hervé de Lépinau
En première instance !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Avec beaucoup de respect,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n’est pas nécessaire !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…permettez-moi donc, madame Barèges, de vous reprendre sur ce point.
Quelle est, ensuite, la cible de la proposition de loi ? Le garde des sceaux l’a rappelé lors de la présentation : chaque année, 20 000 peines d’inéligibilité sont prononcées, dont un millier font l’objet d’une exécution provisoire. Seule une poignée de ces dernières concernent des élus. On ne peut donc pas prétendre que cette proposition de loi n’est pas une proposition de circonstance, une proposition de convenance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, Dem et LIOT.) Elle vise des situations en très petit nombre – et celle, très importante, qui a été mentionnée à plusieurs reprises.
M. Philippe Ballard
C’est votre interprétation !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
L’exécution provisoire – vous êtes avocate, madame la rapporteure – n’est jamais automatique dans le droit français.
M. Philippe Vigier
Absolument !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Elle fait systématiquement l’objet d’une audience publique, d’une motivation et d’une appréciation individuelle – mais pas d’une appréciation politique pour autant.
M. Charles Alloncle
Il n’y a aucun contrôle !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Les recours et les appels, enfin, permettent de s’assurer qu’une erreur d’appréciation n’a pas été commise en première instance. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Enfin, je reviens sur le point qui me semble le plus important pour nous, représentants de la souveraineté nationale.
Cette proposition de loi ne protège en rien les droits des justiciables – en rien ! En revanche, elle nous fait courir le risque d’introduire une profonde iniquité dans la justice pénale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem, SOC et EcoS.)
Ne pouvons-nous pas déjà, par exemple, interdire provisoirement à un condamné de se présenter en ville ? Il s’agit pourtant d’une liberté fondamentale, celle d’aller et de venir.
Ne pouvons-nous pas déjà interdire à un condamné d’exercer sa profession, qu’il soit médecin, enseignant, artisan ou commerçant, même en première instance ?
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Nous pouvons aussi priver un parent de son droit de garde ou de son autorité parentale.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Cela n’a rien à voir !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Et parce qu’un condamné aurait un mandat électif, cela vaudrait exonération ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
C’est profondément inéquitable – et je ne parle pas uniquement de la situation qui a suscité cette proposition de loi. Je comprends le débat ; il est légitime.
Mais, je le répète, un tel dispositif est profondément inéquitable. Il me semble au contraire que l’exercice d’un mandat électif exige de nous une exemplarité immédiate – immédiate ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem, SOC et EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin, ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je ne reviendrai pas sur la discussion générale. Madame la rapporteure, le gouvernement s’oppose à ce texte car c’est une mesure qui concerne expressis verbis Mme Le Pen.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est la privatisation du Parlement !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Certains évoquent un procès politique. Pourtant, la moitié des vingt-quatre personnes prévenues et condamnées n’ont pas fait appel de la décision du tribunal correctionnel de Paris.
Mme Ayda Hadizadeh
Voilà !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Cela signifie sans doute qu’ils ont considéré que la justice n’était pas politique, mais conforme aux faits qui leur étaient reprochés, et que cela justifie pleinement leur condamnation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Éric Martineau
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ces condamnations sont donc devenues définitives.
Vous avez raison, madame la rapporteure : le débat pourrait être plus serein, plus respectueux des uns et des autres. C’est d’ailleurs l’esprit dans lequel je me suis exprimé tout à l’heure.
En revanche, lorsque vous dites que tout le monde est présumé innocent tant qu’une décision n’a pas été rendue en appel, c’est faux. La moitié de ces personnes ont été définitivement condamnées par la justice de notre pays, puisqu’elles n’ont pas fait appel. Il est donc juste d’affirmer qu’une partie des cadres du Rassemblement national ont été condamnés pour détournement de fonds publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Ayda Hadizadeh
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je ne reviendrai pas non plus sur l’excellente intervention du président de la commission des lois. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je rappelle simplement que, comme plusieurs députés ici présents, j’ai émis des doutes et voté contre la loi « Sapin 2 ».
La question soulevée par M. Ciotti et ses collègues mérite qu’on s’y attarde ; c’est pourquoi il aurait été important de saisir le Conseil d’État, de disposer d’une étude d’impact et d’en discuter plus longuement, et non au détour de l’ajout d’une seule phrase qui introduit une inégalité majeure dans notre droit pénal.
Je n’ai pas souhaité faire un rappel au règlement suite à l’intervention de M. Alloncle, mais je tiens à revenir sur ses propos. On peut être en total désaccord avec le droit pénal actuel ; on peut s’opposer au code de procédure pénale tel qu’il est rédigé ; on peut avoir ses opinions – et les parlementaires peuvent les exprimer librement, c’est normal ; ils disposent de l’immunité parlementaire.
La parole est libre dans cet hémicycle, même sur des décisions de justice. Ces décisions, d’ailleurs, sont fortement critiquées, tant à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche.
M. Hervé de Lépinau
Et à l’extrême centre, il se passe quoi ? (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je l’ai encore constaté la semaine dernière : on m’a interpellé, à l’extrême gauche, sur plusieurs décisions de justice. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Je comprends donc votre position, et l’on peut légitimement critiquer.
M. Maxime Laisney
Il n’y a pas d’extrême gauche dans cet hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oui, lorsque vous m’interrogez sur la mise en examen de militants écologistes radicaux, vous exprimez une critique envers une décision judiciaire – et c’est votre droit le plus strict.
M. Maxime Laisney
Certes, mais on n’est pas l’extrême gauche !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
On peut critiquer les réquisitoires de tel ou tel procureur, mais attaquer ad hominem les magistrats qui ne font que leur travail n’est pas acceptable.
M. Pierre Cazeneuve
Exactement !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et votre ami Sarkozy, il fait quoi ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Faire semblant de confondre syndicats et magistrats, c’est profondément inacceptable – et antirépublicain.
Vous oubliez de rappeler que dans le cas du Syndicat de la magistrature, concernant l’affaire dite du mur des cons, la justice a déjà prononcé des condamnations. J’étais le camarade d’Anne-Lorraine Schmitt à l’institut d’études politiques de Lille, et je connais le drame qui a touché sa famille. Mais cette ignominie – confondre son père avec les assassins de sa fille – a été, je le répète, condamnée par la justice. (M. Charles Alloncle s’exclame.)
Ne pas rappeler cette condamnation, c’est faire comme si vous aviez droit à l’expression, mais pas les syndicats.
Pour ma part, je défends toutes les libertés syndicales : celles du syndicat Alliance, comme celles du Syndicat de la magistrature. Je ne confonds pas les syndicats et les représentants syndicaux avec les magistrats ou les policiers.
M. Matthias Renault
Et les militaires ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce que vous avez fait à la tribune en attaquant nommément les magistrats est inacceptable dans une démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Charles Alloncle
Désolidarisez-vous !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La justice les a condamnés !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Sur la base de l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats, je souhaite réagir aux propos du ministre, qui a appelé l’Assemblée nationale à respecter nos institutions et à ne pas critiquer l’institution judiciaire.
Je tiens à lui rappeler que le Conseil d’État a délibéré : La France insoumise n’est pas une organisation politique d’extrême gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je vous demande donc, monsieur le ministre, de respecter cette décision.
Les personnes ici présentes sont des collaborateurs, ce ne sont pas des députés. Il n’y a pas d’extrême gauche dans cet hémicycle. Je vous remercie de respecter cette décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Emeric Salmon
C’est l’extrême gauche ! Ce sont des antisémites ! Soyez cohérents !
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin, ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
En l’espèce, monsieur Bompard, je visais le groupe Écologiste et social, qui m’a interrogé sur la mise en examen de militants écologistes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mais si vous vous êtes senti concerné, je ne corrigerai pas votre propos. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Avant l’article unique
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Duplessy, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Emmanuel Duplessy
Il s’agit d’ajouter un chapitre unique intitulé : « Création d’une justice de classe ». (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs intervenants l’ont rappelé : cette proposition de loi est un texte d’exception, pensé pour quelques cas particuliers – notamment celui de Mme Le Pen. L’exécution provisoire ne concerne pas uniquement la peine d’inéligibilité, mais les conséquences de cette dernière ne s’appliquent qu’aux élus, c’est-à-dire aux personnes en situation de pouvoir.
Nous souhaitons dénoncer l’instauration d’une justice de classe. En effet, l’exécution provisoire peut avoir des conséquences très lourdes, notamment l’interdiction d’exercer une profession, ce qui peut entraîner des effets tout aussi graves – voire davantage – que l’interdiction d’exercer un mandat.
Très clairement, ce texte ne traite pas de la question de l’exécution provisoire dans sa globalité. Il ne s’y intéresse que lorsqu’elle gêne des élus condamnés pour corruption. Ce n’est pas admissible. Il faut nommer les choses avec clarté ; c’est pourquoi nous vous proposons ce chapitre introductif. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Avis défavorable.
Plusieurs députés du groupe Ecos
Quel dommage !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Vous proposez de créer une sorte de sous-titre à cette proposition de loi. C’est assez amusant, mais c’est surtout ridicule.
Lors de la discussion générale, j’ai déjà répondu à tous les arguments accusant ce texte de réserver aux élus un traitement privilégié.
Vous l’avez vous-même rappelé : l’exécution provisoire concerne chaque année environ 1 000 condamnations à une peine d’inéligibilité ; ce n’est pas négligeable. Et il ne s’agit pas uniquement d’élus, bien au contraire : seuls 5 % des concernés sont des élus.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Je voterai cet amendement. Nous l’avons dit lors de la discussion générale, il s’agit d’une disposition d’exception, pensée pour ne s’appliquer qu’à Mme Le Pen.
M. Ciotti a choisi d’inscrire ce texte en deuxième position dans l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Et pendant ce temps, nous ne discutons ni de pouvoir d’achat, ni d’environnement, ni de démocratie, ni de santé – les sujets qui préoccupent réellement les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Si la proposition de loi de M. Ciotti est un texte d’exception, le programme de Mme Le Pen prévoit lui aussi une justice d’exception. On y parle de fraude sociale, mais jamais de délinquance en col blanc, de fraude fiscale ou des fraudes des grandes entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Les condamner, ce serait risquer de remplir les prisons – celles que Mme Le Pen veut remplir avec de petits délinquants, pour des délits qui, selon nous, devraient être abrogés. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Dans le programme de Mme Le Pen, on trouve aussi une justice à deux vitesses pour les mineurs – une justice extrêmement répressive. Je me réjouis que la semaine dernière, le Conseil constitutionnel ait censuré la loi de M. Attal, adoptée grâce aux voix du Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Enfin, le programme de Mme Le Pen, c’est une justice à deux vitesses en matière de discriminations. Car on vous entend – et sur ce point, nous sommes d’accord – lorsqu’il s’agit d’infractions subies par les agents publics : policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires.
M. Alexandre Dufosset
Et les soignants !
Mme Gabrielle Cathala
Mais pour les autres citoyens, ceux qui sont victimes de préjudices – personnes racisées, personnes LGBT, femmes –, là, on ne vous entend pas.
Dans votre programme, vous prévoyez même de détricoter le droit relatif aux discriminations et celui du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot.
Mme Prisca Thevenot
Nous voterons cet amendement de réécriture (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR), parce qu’il faut appeler un chat un chat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ce qui est triste, avec l’extrême droite, c’est que lorsqu’elle est élue pour siéger, soit elle ne siège pas – et finalement, c’est peut-être mieux – soit, lorsqu’elle siège, c’est pour proposer des lois non pas pour les Français, non pas pour les classes populaires, mais pour elle-même ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. José Beaurain
Et qui est dans les cent premiers les plus présents ?
M. le président
Nous allons procéder par scrutin public.
Je mets aux voix l’amendement no 21.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 288
Nombre de suffrages exprimés 277
Majorité absolue 139
Pour l’adoption 141
Contre 136
(L’amendement no 21 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 22 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Article unique
M. le président
Sur les amendements identiques nos 2, 3, 5, 7, 8, 19 et 24, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République, Socialistes et apparentés et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
Il me suffira de parcourir les exposés sommaires des amendements déposés par nos collègues de l’extrême gauche…
Mme Farida Amrani
La loi ! La loi !
M. Eddy Casterman
…et des collègues socialistes et communistes pour, j’en suis sûr, vous convaincre de voter en faveur de cet article unique, qui protège le droit fondamental à l’éligibilité. C’est un véritable festival !
Plusieurs députés des des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS
Ça va !
M. Eddy Casterman
M. Saulignac,…
Mme Dieynaba Diop
L’excellent M. Saulignac !
M. Eddy Casterman
…député socialiste, justifie l’exécution provisoire de l’inéligibilité de Marine Le Pen en affirmant que sa candidature à l’élection présidentielle constituerait un « trouble irréparable à l’ordre public démocratique ». Rien que cela !
Monsieur Saulignac, Marine Le Pen est la personnalité politique qui recueille le plus fort soutien des Français, avec 36 % d’opinions favorables. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Plus de 60 % n’en veulent pas !
M. Eddy Casterman
Ce n’est donc pas elle qui constitue un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, mais vous et vos amis socialistes, qui avez été humiliés à la dernière élection présidentielle avec les minuscules 1,7 % péniblement récoltés par Mme Hidalgo. (Mêmes mouvements.)
Je lis l’exposé sommaire d’un autre amendement, cette fois déposé par une députée communiste, Mme K/Bidi, dont le candidat, Fabien Roussel, a réuni 2,28 % des voix à la présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. Emeric Salmon
Chapeau l’artiste !
M. Eddy Casterman
« L’exécution provisoire [de la peine d’inéligibilité] permet de pallier la lenteur de notre système judiciaire » et d’empêcher « des [personnes] condamné[e]s en première instance […] d’utiliser la procédure d’appel à des fins […] dilatoires. » Autrement dit, pour Mme K/Bidi, contester une décision en appel serait presque une manœuvre délictueuse.
Non, madame ! Contester une décision de justice en appel, c’est exercer son droit au recours, droit garanti par notre Constitution pour tous les justiciables, y compris Marine Le Pen ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
J’ai gardé le meilleur pour la fin : un amendement qui nous vient également d’un député socialiste, M. Eskenazi. Écoutez bien : « Si le principe du droit pénal reste la suspension de la peine en cas d’appel, il existe des situations où cette logique ne suffit plus : lorsque la personne condamnée ne reconnaît aucun tort, n’exprime aucun regret. » Quelle ignominie ! C’est justement parce que Marine Le Pen se considère comme innocente qu’elle a interjeté appel. Elle a donc parfaitement le droit de ne pas reconnaître un quelconque tort. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Chers collègues, vous nous avez donné trois bonnes raisons de voter en faveur de cet article unique : un, protéger la démocratie ; deux, protéger le droit au recours effectif ; trois, garantir la présomption d’innocence. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Emeric Salmon
Ah, voici venir la leçon de morale !
M. Pierre Cazeneuve
Personne n’est en dessous des lois : Marine Le Pen a droit, comme tout justiciable, à la présomption d’innocence et à un procès en appel. Mais personne n’est au-dessus des lois : Marine Le Pen n’a pas, à travers son petit télégraphiste, à tenter de contourner une décision de justice en proposant une loi d’amnistie. (Murmures sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Je vous entends parler de scores ou de sondages.
M. Emeric Salmon
C’est le fiston, qui cause ?
M. Pierre Cazeneuve
Mais à partir de quel niveau dans les sondages d’opinion est-on au-dessus des lois, à partir de quel score à la présidentielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Madame la rapporteure, vous avez osé parler de séparation des pouvoirs. Mais ce sont bien les députés de votre camp qui ont mis une cible sur le dos des magistrats qui ont rendu cette décision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Ce sont vos responsables politiques qui ont parlé de « démocratie exécutée » ou de « justice politisée ».
Le débat sur la question du caractère suspensif de l’inéligibilité est légitime. Mais quelle hypocrisie quand le camp politique qui veut l’ouvrir est celui qui, depuis quarante ans, à chaque mise en examen, à chaque article de presse qui met en cause un responsable, appelle à sa démission, faisant fi des procès et du respect des justiciables !
Mme Ayda Hadizadeh
On a les archives !
M. Pierre Cazeneuve
Si vous aviez un tant soit peu de dignité, Marine Le Pen – mais vous n’êtes pas là aujourd’hui, madame la présidente –, vous qui avez été condamnée en première instance pour avoir été prise les doigts dans le pot de confiture, vous ne devriez pas penser à votre prochaine élection. Vous devriez penser à démissionner, au nom du respect dû aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Que c’est savoureux de vous entendre dire l’inverse de ce que vous dites d’habitude ! Et pour quel motif ? Pour sauver Mme Le Pen, condamnée par la justice pour avoir détourné 4 millions d’euros. Quatre millions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Même au loto, des fois, on ne gagne pas autant. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Franchement, vous voir commencer un exposé des motifs en défendant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, sur laquelle vous n’avez d’habitude que des horreurs à raconter, en nous traitant de droits-de-l’hommistes comme si c’était une insulte… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Ugo Bernalicis
Oui, vous passez votre temps à la conspuer !
M. Antoine Léaument
Il n’y a même pas une semaine, vous avez décidé de priver les personnes qui sont en prison, mais qui ne sont pas forcément condamnées, du droit de vote en faisant en sorte qu’elles ne puissent pas voter. ( »Quelle honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or un droit qui ne peut pas être appliqué n’est pas un droit effectif. D’ailleurs, un certain nombre de collègues, sur d’autres bancs, qui ont permis que cette loi passe devraient aussi se poser des questions sur ce moment où ils ont joint leurs voix à celles du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Que c’est savoureux de vous voir défendre la citoyenneté quand vous la mettez en cause sans arrêt ! Bon, en réalité, vous rendez notre journée assez ridicule (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR) en essayant d’atteindre les droits de l’homme, notamment en attaquant le droit à se marier. Vous attaquez jusqu’à l’amour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Philippe Ballard
Mais tu écoutes ce que tu dis ?
M. Antoine Léaument
Vous attaquez ce qui fonde les valeurs même de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Je ne pouvais résister à l’envie – surtout maintenant que le chapitre de cet article unique s’appelle « Création d’une justice de classe » – de bien dire ce que vous êtes en train de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
On appelle communément cette journée réservée à l’initiative d’un groupe parlementaire une « niche ». Eh bien les extrêmes droites, coalisées pour l’occasion – comme pour les autres d’ailleurs –, en ont fait une journée de litière parlementaire. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RN.)
En regardant l’ordre du jour, on voit tout un tas d’excréments législatifs…
Un député du groupe RN
C’est vraiment la gauche caniveau !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…qui viennent s’empiler les uns sur les autres et paralyser une journée qui aurait pu être utile aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous pourriez défendre des propositions pour améliorer le pouvoir d’achat des Français. Mais non ! Vous défendez le pouvoir d’achat de Mme Le Pen et vous préférez l’aider à ne pas rendre l’argent que vous avez volé aux contribuables français et européens ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Vous auriez pu utiliser cette journée, comme l’ont fait nos collègues des groupes GDR et La France insoumise, pour proposer l’abrogation de la réforme qui portait la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Mais les citoyens attentifs savent bien que le programme de M. Ciotti et de M. Bardella, c’est la retraite à 67 ans – c’est d’ailleurs pour cela que vous refuserez de voter la censure la semaine prochaine ! (Mêmes mouvements.)
J’ai envie de vous remercier : avec cette journée totalement superflue du point de vue démocratique et législatif, vous montrez votre vrai visage. Vous êtes ceux qui défendent la caste, ceux qui défendent le clan, les tartuffes de la morale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Mme Le Pen demandait en 2013 l’inéligibilité à vie pour les élus condamnés pour détournement de fonds publics : eh bien, qu’elle s’applique ce principe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme Dieynaba Diop
Excellent !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Qu’elle rende l’argent, qu’elle et ses amis renoncent à se présenter aux élections ! La vérité, c’est que vous démontrez que vous êtes le pire du système politique que vous dénoncez depuis cinquante ans, avec Jean-Marie Le Pen. Vous êtes ceux qui veulent préserver les privilèges, l’impunité, le laxisme à l’égard des délinquants en col blanc. Nous ne vous laisserons pas faire ! (De nombreux députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement – sur la base de quel article, monsieur le député ?
M. Charles Sitzenstuhl
Sur la base de l’article 84, alinéa 2, monsieur le président, qui dispose : « L’auteur ou le premier signataire d’une proposition peut la retirer à tout moment avant son adoption en première lecture. Si le retrait a lieu en cours de discussion en séance publique et si un autre député la reprend, la discussion continue. »
L’amendement de M. Duplessy ayant été adopté, il change profondément cette proposition de loi en intitulant le chapitre où s’inscrit l’article unique « Création d’une justice de classe ». Dès lors, madame la rapporteure, entendez-vous poursuivre l’examen de ce texte ? Ne serait-il pas utile de le retirer, sachant que le rapport de force est très clair au sein de cet hémicycle ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement – sur la base de quel article, monsieur le député ?
M. Antoine Léaument
Sur la base des articles 70 et 100, relatifs aux mises en cause personnelles, à ceux qui provoquent des scènes tumultueuses et à la bonne tenue de nos débats, monsieur le président.
Tout à l’heure, pendant l’intervention brillante de Benjamin Lucas-Lundy, au moment où il regrettait une journée inutile, j’ai entendu quelqu’un crier « Eh bien rentre chez toi ! » (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je trouve honteux que des propos comme celui-là soient tenus dans cet hémicycle et j’appelle au respect. (Vives exclamations continues sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous faites des choses inutiles mais nous sommes là pour les combattre.
M. le président
Vous étiez là, monsieur Léaument, quand j’ai rappelé la nécessité d’une tenue correcte de ces débats, qui vont nous occuper toute la journée. Ceux qui étaient là jusqu’à tard hier soir savent que j’y étais aussi : j’ai donc peu dormi. Un peu d’indulgence pour votre président, s’il vous plaît.
Article unique (suite)
M. le président
Je suis saisi de sept amendements de suppression, nos 2, 3, 5, 7, 8, 19 et 24.
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Ayda Hadizadeh
Nous demandons la suppression de l’article unique. Je rejoins M. Sitzenstuhl : cette proposition de loi aurait dû être retirée après l’adoption de l’amendement qui en révèle la vraie nature.
Je veux souligner ce qui se passe ici ce matin : nos travaux sont privatisés au profit de Mme Le Pen. Il faut que chacun le réalise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, DR, EcoS, LIOT et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
C’est peut-être là un nouveau détournement de fonds publics. Vous révélez votre vraie nature : vous n’êtes pas ici pour le peuple, pour les Français, mais pour votre présidente Marine Le Pen. Comptez sur nous pour faire barrage, pour dire qui vous êtes : vous nous trouverez toujours sur votre chemin !
Retirez cette loi, redevenons tous un peu sérieux et travaillons pour améliorer la vie des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Mathieu Lefèvre
En écoutant Mme la rapporteure, je me demandais : imagine-t-on un seul instant le général de Gaulle demander à l’UDR – la vraie, pas sa pâle copie – une loi d’amnistie pour convenances personnelles ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC, EcoS et LIOT.) Il faut comprendre dans quel monde nous vivons et combien les principes démocratiques qui fondent la République sont bafoués par cette proposition de loi. (Mêmes mouvements.)
La loi est l’expression de la volonté générale, pas celle d’une convenance personnelle. La démocratie, ce n’est pas la privatisation du droit ; c’est faire en sorte que l’Assemblée nationale s’exprime au nom du peuple français, pas au nom d’une caste, pas au nom d’un parti, pas au nom d’une femme politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Je comprends pourquoi la présidente Le Pen n’est pas là aujourd’hui : elle a honte de ce qu’elle est en train de faire, parce qu’elle sait au fond d’elle-même que notre démocratie vaut mieux que cela ; elle sait que voter une loi pour elle-même, c’est une mauvaise manière faite à l’avenir de nos enfants.
Mme Dieynaba Diop
Elle est absente parce qu’elle n’assume pas !
M. Mathieu Lefèvre
Relisez Rousseau, et surtout relisez Gambetta : quand le peuple aura fait entendre sa voix, il faudra se soumettre ou se démettre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l’amendement no 5.
M. François Piquemal
Certains d’entre nous sont là depuis 9 heures du matin, et le spectacle auquel nous assistons est du dernier ridicule, mais au moins, désormais, le chapitre où s’insère l’article unique est bien nommé : « Création d’une justice de classe ». Nous pourrions aussi intituler ce texte « loi pour une justice d’exception », ou – Mme la rapporteure se faisant un peu voler la vedette – « loi Marine Le Pen », grande absente dans cet hémicycle mais bien présente dans nos débats.
M. Hervé de Lépinau
Babtou fragile !
M. François Piquemal
Je note que vous qui vous plaignez tout le temps de la délinquance n’avez eu cette fois aucun mot pour les victimes des politiciens et politiciennes qui usent de moyens frauduleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé de Lépinau
Le Parlement européen ne va pas nous faire verser une larme, en effet !
M. François Piquemal
Ces victimes sont parfois des individus, et j’ai une pensée républicaine pour Mme Corinne Vignon, qui a été victime d’un complot politique, monté par une politicienne, à Toulouse – cette dernière a d’ailleurs été condamnée à cinq années d’inéligibilité. Avec votre proposition de loi, vous feriez aussi disparaître ces peines et vous ne protégeriez pas les personnes victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mais les victimes, ce sont aussi les contribuables, à qui vous avez volé 4,7 millions d’euros. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Ceux-là, vous n’en parlez pas ! Pourtant, 4,7 millions d’euros, ce sont 1 000 postes d’enseignantes et d’enseignants que nous aurions pu financer, à l’heure où il manque tant de personnel devant nos pitchouns dans les écoles.
Il est temps de supprimer cet article unique et d’en finir avec cette pantalonnade qui n’a qu’un but : sauver Mme Le Pen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Elsa Faucillon
Il s’agit aussi d’un amendement de suppression de l’article unique.
Cette niche des amis de M. Ciotti, main dans la main avec le groupe Rassemblement national, me semble intéressante : alors que 9 millions de nos concitoyens vivent dans la pauvreté, que les classes sont surchargées, que le réchauffement climatique a encore montré son nez hier soir en Île-de-France et un peu partout dans le pays, que notre industrie est en déclin,…
M. Frédéric Weber
Quel rapport ?
Mme Elsa Faucillon
…que choisissent d’inscrire à l’ordre du jour de leur seule journée de l’année les députés ciottistes ? D’aller embêter encore un peu plus les détenus de ce pays déjà confrontés à la surpopulation, aux rats, aux cafards ; d’empêcher les citoyens français de choisir avec qui ils pourront se marier…
M. Philippe Lottiaux
Et la proposition de loi sur la discrimination capillaire, vous l’avez oubliée ?
Mme Elsa Faucillon
…et surtout, de protéger une personne, une seule : Marine Le Pen. Pour cela, ils utilisent l’hémicycle pour créer une justice d’exception, la loi des copains. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Un député du groupe RN
C’est leur niche !
Mme Elsa Faucillon
Ce que vous nous proposez, c’est le pain et l’eau pour le peuple, mais les passe-droits pour la bourgeoisie de Montretout. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Nous vous répondons que les élus doivent être des citoyens comme les autres, et particulièrement devant la justice. Pour en arriver là, on le voit, le chemin est très long.
Des éléments récents montrent que nous pouvons y parvenir. Vous nous proposez un énorme retour en arrière ; nous le refusons avec détermination. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 8.
Mme Sabrina Sebaihi
Des amendements de suppression ont été déposés par des députés de plusieurs groupes. Je voudrais m’adresser aux membres du groupe Droite républicaine qui ont voté en faveur de l’article unique en commission des lois – même s’ils sont très peu nombreux. Collègues, votre nouveau président-ministre Bruno Retailleau a lancé le 18 juin une campagne d’adhésion dont le slogan résonne tout particulièrement aujourd’hui : « la France des honnêtes gens ». Certains s’en sont étonnés.
Il faut dire que vous êtes le parti de Nicolas Sarkozy, condamné à trois ans de prison pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite Paul Bismuth (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC), ce qui lui a valu récemment le retrait de sa Légion d’honneur. Il est d’ailleurs encore en procès dans l’affaire Kadhafi pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs.
Il faut dire que vous êtes aussi le parti de François Fillon, votre ancien candidat à la présidentielle, condamné à quatre ans de prison, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse Penelope (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Thomas Ménagé
Et Jean-Vincent Placé ?
Mme Sabrina Sebaihi
…et de Patrick Balkany, condamné à quatre ans et demi de prison, à 100 000 euros d’amende et à dix ans d’inéligibilité pour blanchiment de fraude fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Damien Girard applaudit également.)
Mais j’ose croire que votre campagne d’adhésion n’est pas qu’une vaste opération de communication. Je suis bel et bien persuadée que toutes ces affaires sont de l’histoire ancienne. Je vous pose donc la question : serez-vous aujourd’hui du côté des honnêtes gens ? Allez-vous voter ces amendements de suppression ?
Chers collègues, ce texte est une loi d’exception pour protéger Marine Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Allez-vous vraiment pousser l’indécence jusque-là, quand on connaît tous les problèmes que rencontrent les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Constance de Pélichy, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Constance de Pélichy
Par cette niche et par la communication qui a été la vôtre depuis plusieurs mois, vous cherchez à nous faire croire que c’est la justice qui prive Mme Le Pen de son destin. Mais c’est elle qui s’en prive potentiellement elle-même. À de nombreuses reprises, le Parlement européen lui a rappelé, ainsi qu’à ses collaborateurs et aux députés qu’elle a mouillés dans son système d’escroquerie, les règles, comment elles devaient s’appliquer et ce à quoi devait servir l’argent du Parlement européen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, EPR, SOC et EcoS.)
La moitié des condamnés n’ont pas fait appel de leur condamnation, ce qui montre que celle-ci est légitime : il y a eu escroquerie et détournement de fonds publics. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe EcoS.) On nous dit : « ce n’est pas la même chose que quand il y a enrichissement personnel ». Qu’en était-il du personnel de maison de M. Le Pen ? C’est un enrichissement personnel. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
Il s’agit là du respect de l’État de droit : la loi s’applique de la même manière pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Lorsqu’il y a détention préventive ou exécution provisoire d’une peine, c’est qu’il existe un risque de récidive. En refusant de reconnaître l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés, en criant à la diffamation systématique, Mme Le Pen se place elle-même et elle seule dans une situation de potentielle récidive. C’est ce qui a conduit le juge, dans le cadre de l’individualisation des peines, à demander l’exécution provisoire. Ce n’est rien d’autre. J’irai même plus loin :…
M. Philippe Ballard
Non, ce n’est pas la peine !
Mme Constance de Pélichy
…en demandant à être jugée en appel de manière anticipée, Mme Le Pen se place là encore au-dessus des autres justiciables. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, EPR et EcoS. – exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce texte est indigne ! C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de son article unique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Romain Eskenazi
Je n’ai pas envie de rire ce matin. Cette proposition de loi est une honte – une telle honte que Marine Le Pen, qui est la seule concernée par ce texte et à qui il reste manifestement une once de décence, n’a pas souhaité assister à ces débats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Ce texte est une véritable faillite morale. Il y a une défiance des citoyens envers la classe politique.
M. Philippe Lottiaux
À cause de vous !
M. Romain Eskenazi
Ils considèrent que nous ne travaillons pas pour eux. Vous avez droit, chers collègues, à une niche par an pour améliorer le sort de la France et le quotidien des Françaises et des Français. Et vous l’utilisez pour défendre une proposition de loi visant à protéger l’une des vôtres, condamnée par la justice en première instance. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Monsieur Casterman, vous avez répondu à l’exposé sommaire de mon amendement en citant des sondages. La démocratie, ce n’est pas et ce ne sera jamais la tyrannie du plus grand nombre. La démocratie, c’est d’abord et avant tout le règne du droit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) L’exécution provisoire concerne tous les citoyens.
M. Philippe Ballard
Avec les casseroles que vous avez, continuez !
M. Romain Eskenazi
Tous les jours dans les tribunaux français, des exécutions provisoires sont prononcées pour des vols de pommes, pour de petits actes de délinquance. (Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.)
Et vous voudriez créer une loi d’exception…
M. le président
Terminez, monsieur le député.
M. Romain Eskenazi
Alors que tous les Français sont égaux devant la loi, vous voudriez créer une loi d’exception pour les politiciennes et les politiciens condamnés en première instance pour avoir détourné 4,5 millions d’euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Béatrice Roullaud
C’est faux !
M. Hervé de Lépinau
On va sortir les dossiers socialistes de la Mitterrandie !
M. Romain Eskenazi
L’exécution provisoire est prononcée lorsqu’il y a un risque de récidive, ce qui est le cas lorsque l’accusé ne reconnaît absolument pas la gravité des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Cette proposition de loi contredit toutes les revendications que vous défendez depuis des années contre une justice qui serait trop laxiste. Quand la condamnation concerne l’un des vôtres, là d’un seul coup, il faudrait de la clémence – pour des responsables politiques condamnés pour détournement de fonds. Eh oui, les juges peuvent et pourront demain, je l’espère, si les amendements de suppression sont adoptés, empêcher une responsable politique condamnée par la justice pour détournement de fonds de prétendre au gouvernement de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes Dem et EcoS. – M. Paul Molac applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Monsieur le président (Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle est impolie, elle nous tourne le dos !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Excusez-moi.
M. le président
Si vous voulez vous retourner pour regarder vos collègues, vous pouvez le faire, mais il n’y a pas de règle. Vous vous adressez à qui vous voulez, madame la rapporteure.
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Même s’il n’y a pas de règles, vous avez raison, c’est mieux. Pardonnez-moi.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Prenez votre retraite !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
L’un de nos collègues a dit que nous devrions redevenir sérieux. Je ne sais pas si c’est encore possible vu la passion qui anime cet hémicycle. Je rappellerai tout de même notre position en résumant les arguments qui nous ont poussés à déposer ce texte.
Mme Ayda Hadizadeh
Protéger Marine Le Pen !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Vous l’avez déjà dit, madame. Laissez-moi parler. Vous vous êtes exprimée, maintenant c’est mon tour. Il faut savoir se taire de temps en temps ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
L’objectif est de montrer que l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité constitue une atteinte disproportionnée au droit à l’éligibilité,…
Mme Sabrina Sebaihi
4 millions d’euros !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
…à la présomption d’innocence, au droit à un recours effectif et à la liberté de l’électeur de choisir ses représentants.
M. Inaki Echaniz
Pas quand on a volé des millions !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et 2, et 3, et 4 millions !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Autant de principes constitutionnels qui ont été rappelés par le Conseil constitutionnel très récemment, le 28 mars 2025. Deux mois à peine après la décision du Conseil constitutionnel, dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 28 mai 2025, les magistrats ont appliqué ce principe en annulant l’exécution provisoire dont les juges du fond avaient assorti la peine d’inéligibilité de M. Falco, maire de Toulon. Cette première jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation en la matière est intéressante : le juge pénal a apprécié le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure était susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur.
Mme Ayda Hadizadeh
Pour 4 millions, je crois que c’est proportionné !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Inspirons-nous des magistrats de nos cours suprêmes dans notre rôle de législateur.
Mme Léa Balage El Mariky
C’est quand ça vous arrange, les magistrats !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je n’ai rien contre les magistrats, madame. Je les ai toujours respectés, croyez-moi.
Mme Dieynaba Diop
Certains au RN ne les ont pas respectés !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
En tant qu’avocat et en tant qu’élue, j’ai toujours fait confiance à la justice, même si elle est parfois surprenante. On ne commente pas une décision de justice, mais je remercie la cour d’appel de Toulouse de m’avoir rendu justice – je crois en la justice française. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre Cazeneuve
C’est honteux de dire cela !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je vous prie de vous taire. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur, quand vous m’avez agressée. Vous pensez ce que vous voulez, mais permettez-moi de m’exprimer – je vous ai tous écoutés sans broncher.
M. Pierre Cazeneuve
C’est mon droit de réagir !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Mais pas d’interrompre. Ce n’est ni poli ni agréable.
M. le président
Poursuivez, madame la rapporteure. S’il vous plaît, chers collègues, on écoute Mme la rapporteure !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Selon plusieurs d’entre vous, rien ne justifierait que les élus bénéficient d’un traitement plus favorable que les autres citoyens. Bien entendu, mais vous prenez le problème à l’envers. La question de l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité ne se pose pas pour la majorité des citoyens : elle se pose uniquement pour les élus qui exercent un mandat politique.
Par ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, vous avez demandé pourquoi on devrait accepter que l’exécution provisoire s’applique à des peines d’interdiction professionnelle, par exemple – on pourrait même ajouter la suspension d’un permis de conduire –, et pas aux élus. Le fondement n’est pas le même, tout simplement. Comme l’ont rappelé le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, en l’occurrence, on touche au principe fondamental du droit à l’éligibilité de tous les citoyens, qui est consacré par notre Constitution et par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cela n’a rien à voir avec un permis de conduire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous avez tous évoqué un texte taillé sur mesure, un texte de circonstance, un texte d’exception, tout ce que vous voudrez. Vous l’avez tous dit, je n’y reviendrai pas. Je voudrais simplement rappeler que j’ai été la première victime de la violence de cette procédure.
M. Inaki Echaniz
Calimero !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
Je ne souhaite à aucun élu, de gauche comme de droite – y compris à ceux qui ont déposé ces amendements de suppression –, d’avoir un jour à la subir. Nous avons tous besoin de nous protéger – nous le savons, faire de la politique est de plus en plus difficile, de plus en plus violent, de plus en plus passionnel. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop
Mais l’exemplarité des élus est importante !
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
La justice apporte cette sérénité que j’appelle de mes vœux dans ce débat, peut-être pour rien, encore une fois. (Mêmes mouvements.) Seules 1 000 personnes par an sont condamnées à des peines d’inéligibilité avec exécution provisoire.
M. Paul Midy
Et alors ?
Mme Brigitte Barèges, rapporteure
D’ailleurs, la plupart d’entre elles ne sont pas des élus – c’est assez extraordinaire et c’est toute l’ambiguïté de ces dispositions. Lors des débats sur les deux lois Sapin, les parlementaires n’ont jamais envisagé d’assortir obligatoirement les peines complémentaires d’inéligibilité d’une exécution provisoire. Ce n’est pas moi qui le dis – je n’y étais pas –, mais la doctrine et M. Jean-Éric Schoettl. C’est donc bien qu’ils avaient considéré à l’époque que l’inéligibilité était suffisamment grave pour ne pas alourdir inutilement cette sanction, qui mérite d’être examinée tout au long des recours que permet la procédure pénale, devant la cour d’appel et la Cour de cassation.
Enfin, la notion de trouble à l’ordre public démocratique, qui est la motivation du juge de première instance dans l’affaire que vous avez citée, illustre tout à fait la difficulté de confier à un juge pénal le rôle d’arbitre de la vie démocratique. Quand on lui demande de statuer sur l’ordre public, par exemple, il sort de son rôle. C’est très compliqué, sans parler de la liberté de l’électeur, qui dépasse complètement ses compétences et ses missions.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a rejeté tous les amendements de suppression de cet article. J’espère que certains groupes vont considérer que le débat est légitime et qu’il pourra se poursuivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Franchement !
M. le président
J’ai reçu quatre demandes de prise de parole. Je ferai droit à toutes, car c’est le cœur de la proposition de loi. Ensuite, nous essaierons d’accélérer un peu.
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
La loi peut faire beaucoup de choses : elle peut changer le monde, elle peut changer la vie des Françaises et des Français, elle peut changer la réalité future dans laquelle ils vont vivre. Mais elle ne peut pas changer la réalité passée, en particulier le fait que Marine Le Pen a volé plus de 4 millions d’euros aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Soc, EcoS et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Paul Midy
Vous pourrez faire voter toutes les lois que vous voudrez, cela ne changera rien à une réalité simple : détourner de l’argent public, c’est commettre un délit ; et commettre un délit, c’est être un délinquant – une délinquante, en l’occurrence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Paul Midy
La loi que vous défendez ce matin n’a pour but ni d’améliorer la vie des Français, ni de renforcer leur sécurité. Elle ne vise ni à lutter contre la délinquance ni à augmenter les peines prononcées contre les délinquants. Au contraire, elle vise à alléger les peines encourues par les délinquants. C’est une loi de copinage, taillée sur mesure pour exonérer une délinquante de ses responsabilités, au seul motif qu’elle est votre amie.
M. Paul Midy
C’est une loi de petits arrangements entre amis. Nous ne sommes pas vos amis et nous ne prendrons pas part à cette mascarade. C’est pourquoi nous voterons contre cette loi, en soutenant pleinement cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes SOC, Dem et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
J’entends certains collègues nous reprocher de minimiser, par cette proposition de loi, l’intérêt de la niche parlementaire du groupe UDR. En réalité, ce texte est fondamental et revêt une importance particulière…
Mme Ayda Hadizadeh
C’est cela, oui !
M. Sébastien Chenu
…car il touche au cœur de la démocratie et à la justice, en traitant notamment de la présomption d’innocence. Tout cela ne vous plaît pas, bien entendu, parce que vous n’aimez pas la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Dieynaba Diop
On n’aime pas la démocratie des copains !
M. Sébastien Chenu
Je n’affirme pas cela à la légère : toute votre histoire en témoigne ! Vous vous êtes toujours trompés, il y a déjà longtemps en soutenant l’URSS et ses goulags (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), la Chine et ses camps de rééducation, la Roumanie et sa Securitate – bref, en soutenant tous les régimes les plus abominables hier.
Mme Dieynaba Diop
Rends l’argent !
M. Sébastien Chenu
C’est encore vrai aujourd’hui : lorsque vous copinez avec le Hamas et le terrorisme (Mêmes mouvements), lorsque vous soutenez le régime iranien qui voile les femmes et pend les homosexuels, vous nous démontrez que vous n’aimez pas la démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Ayda Hadizadeh
La honte ! Aux voleurs !
M. Sébastien Chenu
Chers collègues, il y a pire encore. Vos interventions n’ont qu’un objet : cacher vos propres turpitudes. Celles du Parti socialiste, qui compte dans ses rangs le plus grand nombre d’élus condamnés dans notre pays (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) et qui a cambriolé la France ; celles des écolos et de leurs maires, comme celui de Grenoble condamné pour favoritisme (Mêmes mouvements) ; celles de La France insoumise enfin, qui défend ceux qui cognent leurs femmes, les dealers et les fichés S. (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
M. Sébastien Chenu
Telles sont vos turpitudes. Vous n’aimez pas la démocratie ! Collègues, aveuglés par la haine, vous êtes prêts à interrompre un débat sur la démocratie. L’histoire vous jugera, les Français vous ont déjà jugés : ils ne peuvent plus vous piffrer ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Voleurs !
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Qui se fonde sur l’article 70, alinéa 3, de notre règlement. Selon notre collègue Sébastien Chenu, nous aurions défendu le terrorisme : ces propos sont indécents et insoutenables.
M. Emeric Salmon
Vous votez pour eux ! (M. Emeric Salmon désigne les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cazeneuve
Vous osez parler des mauvais choix de l’histoire. Vous appartenez à un parti qui a fait le choix de Vichy en 1940 et qui a été fondé par d’anciens SS ! (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre Cazeneuve
Depuis trois ans, votre parti soutient la Russie de Vladimir Poutine ! Alors remballez les leçons selon lesquelles vous seriez du bon côté de l’histoire ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et GDR. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Vichy, c’est Mitterrand et les gauchistes !
M. le président
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement. Chers collègues du groupe Rassemblement national, pourriez-vous le laisser s’exprimer, s’il vous plaît ?
M. Sébastien Chenu
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, relatif à la mise en cause personnelle. Le député Cazeneuve s’est senti visé par mes propos : peut-être son vieux logiciel socialisant le pousse-t-il à s’identifier au parti de la francisque, irrémédiablement lié à l’histoire de François Mitterrand, à sa collaboration vichyste et à l’héritage pétainiste du parti socialiste. (Les députés des groupes RN et se lèvent et applaudissent jusqu’à la fin de l’intervention de l’orateur.)
M. Sébastien Chenu
Vous vous êtes senti visé – et vous avez raison, car vous partagez beaucoup avec ce parti. En revanche, vous ignorez manifestement l’histoire de notre pays, tout comme celle de la création du Front national, devenu depuis le Rassemblement national, qui comptait dans ses rangs de nombreux combattants et résistants engagés contre le communisme.
M. Hervé de Lépinau
René Bousquet, ça vous rappelle quelque chose ? Celui qui finançait les campagnes des socialistes ?
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour un rappel au règlement.
M. Inaki Echaniz
Qui se fonde sur le même article pour mise en cause personnelle.
M. le président
Je vais vous laisser poursuivre votre présentation, mais j’ai entendu, sur tous les bancs, des mises en cause d’ordre plus collectif que personnel. Allez au bout de votre intervention, car M. Corbière brûle de prendre la parole pour – je crois – ramener un peu de calme dans nos échanges.
M. Inaki Echaniz
Monsieur Chenu, faut-il vous demander des comptes pour les publications de Mme Parmentier qui réhabilite Pétain ou pour les membres du Rassemblement national présents sur vos bancs, membres d’un groupe Facebook raciste, antisémite et xénophobe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Inaki Echaniz
Faut-il vous demander des comptes pour M. Barthès qui, en salle des conférences, a traité de salope la magistrate qui a condamné Mme Le Pen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR, dont plusieurs députés se lèvent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Stella Dupont et M. Belkhir Belhaddad se lèvent et applaudissent également.)
M. Inaki Echaniz
Faut-il vous demander des comptes pour vos députés qui ont insulté les juges matin, midi et soir et qui ont remis en cause la justice de notre pays ? L’escroquerie, c’est vous ! Vous n’aimez pas les Françaises et les Français, vous n’aimez ni la justice ni la justice sociale. La preuve en est : vous ne voterez pas la motion de censure sur les retraites. Vous êtes des escrocs !
M. Emeric Salmon
Vichyste !
M. le président
La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour un rappel au règlement.
Mme Gabrielle Cathala
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats. Une fois encore, nous vivons une matinée de post-vérité où les antifascistes seraient les racistes et où les fascistes seraient les défenseurs des droits humains et de la démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Les fascistes, c’est vous ! La Jeune Garde, la petite milice !
Mme Gabrielle Cathala
Le seul parti qui a collaboré, au cours de la dernière période pendant laquelle la France n’a pas été une démocratie, c’est bien le vôtre puisque le Front national a été fondé par des nostalgiques de Vichy et par des anciens Waffen SS comme M. Bousquet qui était le trésorier de M. Le Pen. (Les députés du groupe LFI-NFP, rejoints par plusieurs députés des groupes SOC et EcoS se lèvent et applaudissent.) Ce dernier a été condamné plus de dix fois par la justice française pour racisme, antisémitisme et violences, lui qui disait que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire. Si certains n’aiment pas la démocratie, c’est bien vous et vous le prouvez une nouvelle fois ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Gabrielle Cathala
Ensuite, vous nous dites que nous serions les complices des criminels.
M. Théo Bernhardt
Oui, vous soutenez le Hamas !
Mme Gabrielle Cathala
Mais qui s’associe à M. Trump, à M. Netanyahou et à M. Poutine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Qui est parti en voyage pour rendre visite à M. Bachar al-Assad ? C’est bien vous qui êtes assis sur ces bancs !
Mme Hanane Mansouri
On ne comprend rien, on s’en fout !
Mme Gabrielle Cathala
Enfin le Rassemblement national, dont un député tenait il y a quelques années une librairie négationniste (Mêmes mouvements. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également), compte encore des membres de groupes Facebook qu’ils se sont empressés de quitter sur ordre de leur secrétaire général… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. Hervé de Lépinau
On va parler du cas Kerbrat, maintenant !
M. le président
Monsieur Corbière, vous devez encore patienter !
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement.
M. Sébastien Chenu
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3. Nous ne ferons plus de rappel au règlement après celui-ci. Un rappel au règlement se fonde sur une attaque ou une mise en cause personnelle.
Mme Ayda Hadizadeh
Non !
M. Sébastien Chenu
Or, un collègue socialiste s’est senti visé personnellement, alors que nous n’avons prononcé ni son nom ni son prénom. Nous ne le connaissions pas et nous l’avons découvert seulement quand il a pris la parole : qu’il ne se sente donc pas visé personnellement !
Mme Ayda Hadizadeh
Nous non plus n’avons pas prononcé votre nom !
M. Sébastien Chenu
C’est évidemment son mouvement politique qui est mis en cause et qui est – je le répète – le parti héritier de la francisque, de même que l’extrême gauche est complice du Hamas et de tous les mouvements génocidaires du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Sébastien Chenu
Au lieu de vous livrer à des pitreries et à des attaques personnelles – comme celles entendues ce matin contre le président Ciotti –, reprenons le fil du débat. Parlons et faisons vivre la démocratie, au lieu de vous planquer derrière vos anathèmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour le dernier rappel au règlement. Nous pourrons ensuite retourner au fond du texte.
Mme Sabrina Sebaihi
Qui se fonde sur l’article 100, pour la bonne tenue des débats. Chers collègues, depuis tout à l’heure, vous essayez de détourner le débat et de faire oublier que la présidente de votre parti a été condamnée pour avoir volé plus de 4 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est bien le sujet… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
Mme Béatrice Roullaud
C’est faux !
M. le président
Vous revenez au fond du texte, ce qui est une excellente idée. Les mises en cause étaient plus collectives que personnelles – je donne raison à M. Chenu sur ce point. M. Corbière bout d’impatience. Nous en avons terminé avec les rappels au règlement. Tout le monde a eu l’occasion de s’exprimer.
M. Pierre Cazeneuve
Le règlement précise : « envers un ou plusieurs de ses collègues ».
Article unique (suite)
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je voudrais revenir au fond du débat, mais permettez-moi d’abord de dire ceci : entendre qualifier de « parti de la francisque » le parti de Léon Blum – lui qui fut déporté à Buchenwald –est tout simplement inadmissible, y compris pour moi qui n’en suis même pas membre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – «Et Mitterrand ? » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Alexis Corbière
Moi qui n’ai jamais voté pour François Mitterrand, sachez que, même au moment où il a reçu la francisque, il appartenait à un réseau de résistance. Vous ne pouvez pas tenir de tels propos, au nom de l’histoire et de ceux qui ont donné leur vie pour défendre la République face à la collaboration ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR, dont les députés se lèvent, rejoints par Mme Stella Dupont et MM. Belkhir Belhaddad et Paul Molac.)
M. Alexis Corbière
J’en reviens à mon propos. Si nos échanges sont passionnés, c’est parce que nous débattons de la nature même de la République que nous voulons. Sommes-nous une République des égaux, ou admettons-nous qu’un droit particulier s’applique parfois à ceux qui exercent des responsabilités électives, distinct de celui des autres citoyens ? Voilà le cœur du débat.
M. Alexis Corbière
L’exécution provisoire est parfois utile et vous y êtes alors favorables. Imaginons un enseignant accusé d’attitudes déplacées envers des enfants : il va de soi qu’il faut immédiatement, sans délai, l’empêcher de les approcher.
Un député du groupe RN
Cela n’a rien à voir !
M. Alexis Corbière
Dans ce cas, vous soutenez l’exécution provisoire. Le raisonnement est le même : dans la mesure où le délit concerne un justiciable susceptible d’être élu, on peut comprendre, notamment si la personne nie catégoriquement les faits, que la justice prononce l’exécution provisoire, afin d’éviter toute récidive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Matthias Renault
Quelle probité ! Et les HLM, alors ?
M. Alexis Corbière
Vous soutenez qu’aucune récidive n’est possible dans le cas qui nous préoccupe. Pourtant, à ma connaissance, la personne en question est toujours élue et candidate à de nouveaux mandats. C’est le fond du sujet.
Mme Hanane Mansouri
Et vous, vous avez retrouvé un appartement ?
M. Alexis Corbière
C’est ce qui nous passionne, nous comme les Français : il ne saurait exister de statut particulier pour certains d’entre nous lorsqu’ils sont candidats à l’élection présidentielle. (Mêmes mouvements.) L’honneur d’être candidat à cette fonction – ou de l’avoir été – ne doit en aucun cas faire trembler ni les magistrats ni nous-mêmes face à l’application de la justice. (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes EcoS et plusieurs députés des groupes SOC et GDR applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à Mme Gabrielle Cathala. Nous passerons ensuite au vote par scrutin public.
Mme Gabrielle Cathala
Je veux défendre ces excellents amendements. Cette proposition de loi nous rappelle le « deux poids, deux mesures » dont vous êtes coutumiers et le retournement de veste dont vous êtes également des spécialistes. Ainsi, M. Ciotti affirmait en 2021 : « Dans quelle langue faut-il le dire ? Le Front national est historiquement l’adversaire et l’ennemi de la famille gaulliste. Jamais, jamais d’alliance avec Mme Le Pen ! Jamais, jamais d’alliance avec le Front national ! » (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe LFI-NFP, et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Mme Ayda Hadizadeh
Il n’est plus gaulliste !
Mme Gabrielle Cathala
Ce « deux poids, deux mesures » est votre marque de fabrique, monsieur Ciotti, vous qui défendez le rétablissement du service militaire mais dont vous avez été exempté grâce à vos relations avec MM. Estrosi et Fillon. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Un « deux poids, deux mesures » enfin, au sujet de l’exécution provisoire, puisqu’un député vos bancs, M. Franck Allisio, affirmait en 2023 : « Je salue une décision de justice qui sonne comme la fin d’un monde, la fin d’un vieux système ». Il revenait ainsi sur l’inéligibilité avec exécution provisoire d’Hubert Falco, maire de Toulon, qui permettait à Mme Lavalette de se présenter plus rapidement aux municipales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Gabrielle Cathala
Au fil de ce débat qui, je l’espère, va se poursuivre, à moins que nos amendements de suppression soient adoptés – ce que je souhaite également (Sourires) –, nous verrons que Mme Le Pen, qui n’est toujours pas arrivée, n’est pas en reste, elle qui déclarait en 2012 : « L’arme de l’inéligibilité devrait être utilisée avec beaucoup plus de rigueur. » C’est ce que la justice française a fait : elle n’a fait qu’appliquer la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 3, 5, 7, 8, 19 et 24.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue 153
Pour l’adoption 185
Contre 120
(Les amendements identiques nos 2, 3, 5, 7, 8, 19 et 24 sont adoptés ; en conséquence, l’article unique est supprimé.)
(Les députés des groupes LFI-NFP, SOC ? EcoS et GDR, rejoints par Mme Stella Dupont et M. Belkhir Belhaddad se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------