Deuxième séance du lundi 03 novembre 2025
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Projet de loi de finances pour 2026
- Première partie (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 2894, 3300, 3341, 3297 rectifié, 588, 641, 59, 148 et 829
- M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 3368, 3626, 149, 924, 2821, 2890, 946, 945, 373, 1797, 2105 et 2884
- M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
- Amendements nos 2792, 3296, 496, 3264, 2878, 2882 et 3163
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappels au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 885, 1620 et 551
- M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l’État
- Amendements nos 1071, 1335, 2745 et 1469 rectifié
- Sous-amendement nos 3931, 3929, 3932, 3930
- Amendements nos 3924, 1338, 1337, 2374, 2938, 606, 596 et 413
- Article 5
- Après l’article 3 (suite)
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Projet de loi de finances pour 2026
Première partie (suite)
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (nos 1906, 1996).
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant au sein d’une discussion commune aux amendements no 753 et identiques portant article additionnel après l’article 3.
Je rappelle que des scrutins publics ont été annoncés sur les amendements nos 2677, 2897, 720 rectifié, 2362 rectifié, 753 et identiques, 3297 rectifié et 588.
Comme annoncé ce matin, je vous informe que compte tenu du rythme d’avancement des débats, le temps de parole sera ramené à une minute par orateur, conformément aux décisions de la conférence des présidents.
Après l’article 3 (suite)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 753, 2894, 3300 et 3341.
L’amendement no 753 de Mme Christine Pirès Beaune n’est pas défendu.
L’amendement no 2894 de Mme Marianne Maximi est défendu.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3300.
M. Nicolas Sansu
Si vous le permettez, monsieur le président, je prendrai deux minutes et défendrai aussi l’amendement no 3297 rectifié. Le Conseil d’analyse économique a documenté une accélération de l’accumulation des patrimoines : le poids de l’héritage représente près des deux tiers du patrimoine des Français contre un tiers constitué par l’épargne provenant des revenus du travail. C’était le rapport inverse il y a cinquante ans.
Cela n’empêche pas certains d’agiter la peur face à la taxation des transmissions. Or 87 % d’entre elles sont exonérées de tout droit et le rendement moyen de l’impôt sur les 360 milliards d’euros de transmissions est de 18 milliards, soit 5 %. Pour les transmissions de patrimoine en ligne directe, le taux d’effort moyen est de 2 %. C’est donc un mensonge que d’affirmer que les Français des couches moyennes et populaires sont touchés par les droits sur les transmissions.
D’autre part, alors que le stock de patrimoine appelé à changer de mains au cours des quinze prochaines années devrait s’élever à 9 000 milliards d’euros – un montant considérable –, toute une fantasmagorie est entretenue autour de la transmission aux enfants. Or les enfants qui héritent aujourd’hui ont en moyenne 56 ans ! L’héritage n’est donc plus un élément de justice intergénérationnelle. La transformation de l’héritage, de simple privilège familial en instrument collectif d’égalité des chances, devrait permettre à cette manne de patrimoine de garantir aux jeunes des chances équitables de commencer une belle vie. De nos jours, le seul mérite de l’héritier, selon le mot de Beaumarchais, c’est de s’être « donné la peine de naître » dans la bonne famille.
Ces amendements visent donc à corriger cette situation : en comptabilisant le flux successoral tout au long de la vie, en assurant une véritable progressivité des droits de succession, en allégeant ces droits pour 95 % des héritiers et en revenant sur des mécanismes d’évitement qui ne servent qu’aux plus riches.
M. Aurélien Le Coq
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l’amendement no 3341.
Mme Sophie Taillé-Polian
Vendredi soir, le premier ministre a affirmé qu’il n’existait pas d’« impôt miracle » permettant de résoudre l’injustice fiscale majeure à laquelle notre pays est confronté : des ultrariches ultra-protégés et des classes moyennes et modestes, voire des personnes en situation de précarité, qui se trouvent taxées sans arrêt ou dont les prestations sociales sont gelées. Or il existe bien des niches fiscales miraculeuses !
Mme Marie-Christine Dalloz
Arrêtez avec cette vision ! Je vais être complètement déprimée !
Mme Sophie Taillé-Polian
Le démembrement de propriété, le régime fiscal des assurances vie et d’autres dispositifs grèvent l’imposition sur l’héritage. Au point que notre société, selon le Conseil d’analyse économique – placé auprès du premier ministre – ressemble de plus en plus à la « société d’héritiers » du début du XXe siècle. Ces niches fiscales miraculeuses devraient être abrogées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
L’amendement no 3297 rectifié de M. Nicolas Sansu a été défendu.
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour soutenir l’amendement no 588.
Mme Estelle Mercier
Il vise à rehausser le barème des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) appliqués aux gros héritages, tout en exonérant d’effort supplémentaire 90 % des légataires. Il s’agit de financer la hausse des dépenses de protection sociale induite par le vieillissement démographique. Le barème serait rendu plus progressif en créant une tranche soumise à un taux de 25 % et en rehaussant le taux appliqué aux tranches supérieures de 1 point. Le rendement de cette mesure est estimé à 1 milliard d’euros.
M. le président
Les amendements nos 641 de M. Éric Ciotti et 59 de M. Alexandre Portier sont défendus.
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 148.
M. Corentin Le Fur
Cet amendement de notre collègue Éric Pauget tend à abaisser les droits de succession pour renouer avec la promesse faite en 2022 par le président Macron.
M. le président
L’amendement no 829 de M. Jean-Philippe Tanguy est défendu.
La parole est à M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces treize amendements en discussion commune.
M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Ces amendements vont dans des sens tout à fait opposés. Certains tendent à réformer le barème des droits de mutation à titre gratuit jusqu’à des taux parfois confiscatoires de 100 %, ce qui entraînerait une hausse rapide de l’impôt dès un niveau modéré de patrimoine.
M. Nicolas Sansu
Ah bon !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
D’autres visent à remettre en cause le régime fiscal de l’assurance vie, alors qu’il s’agit du placement le plus prisé des Français, qui y ont déposé 2 000 milliards d’euros. À quoi s’ajoute parfois un plafonnement du pacte Dutreil – dispositif dont nous pourrons, je l’espère, débattre un peu plus tard. Pour mémoire, le taux maximal applicable en France aux transmissions en ligne directe s’élève à 45 %,…
M. Nicolas Sansu
Le taux marginal !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…soit un taux trois fois supérieur à la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 15 %.
À partir du no 641, les amendements vont dans le sens inverse et visent à créer des exonérations d’impôt. Certains encourageraient considérablement la circulation des patrimoines, ce à quoi je suis plutôt favorable. Cependant, certaines de ces mesures seraient très complexes à mettre en œuvre.
D’aucuns ont pu dire que le système fiscal français était très inégalitaire. Or si l’on considère l’écart des revenus entre les 10 % les moins riches et les 10 % les plus riches, il est de 1 à 23 avant redistribution et de 1 à 5,6 après.
M. Nicolas Sansu
Il s’agit des revenus, pas des patrimoines !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Oui, je parle des revenus. Je donne un avis défavorable aux amendements nos 2677 à 641 inclus. S’agissant des amendements nos 59, 148 et 829, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Dans notre pays, le régime fiscal des donations et des successions suscite le débat. Les amendements nos 720 de Mme Pirès Beaune et 2362 de M. Ruffin proposent de taxer non pas le flux mais le stock reçu par chaque personne, donc de faire reposer la fiscalité non pas sur celui qui donne mais sur celui qui reçoit. Une telle réforme ne serait pas du tout absurde mais elle constituerait une révolution copernicienne qu’il me paraît difficile de voter aujourd’hui. Cette idée, qui paraît plutôt bonne sur le principe, pourrait faire l’objet de débats dans le cadre de la campagne pour la présidentielle.
Mme Sophie Taillé-Polian
On propose cette idée depuis 2021 !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
D’autres amendements tendent au contraire à baisser les droits de mutation et de donation ainsi qu’à augmenter les abattements. Il s’agit d’un débat de société fondamental mais je vous propose que nous ne nous y lancions pas aujourd’hui, en quelques heures.
En revanche, trois éléments me semblent pouvoir faire l’objet de compromis. En premier lieu, moderniser l’impôt pour mieux l’adapter aux configurations familiales de la société de 2025. L’amendement à venir no 3122 de M. Jean-René Cazeneuve tend ainsi à augmenter les abattements pour les enfants du conjoint ou du partenaire de pacte civil de solidarité dans les familles recomposées. Je suis favorable à cette approche.
En second lieu, plusieurs d’entre vous proposent de limiter les dispositifs de suroptimisation. Nous l’avons déjà évoqué à propos du plan d’épargne retraite (PER) et la question se posera également pour l’assurance vie. Depuis vendredi et le vote d’un impôt sur la fortune improductive, qui change les règles fiscales applicables à l’assurance vie, les ouvertures que je peux donner en la matière ne me semblent plus d’actualité. Je me montrerai donc prudente ; toutefois, il ne serait pas inintéressant d’examiner ce point au cours de la navette parlementaire.
En troisième lieu, s’agissant des donations intergénérationnelles, un chiffre m’a fait beaucoup réfléchir : dans notre pays, 60 % des donations se font au bénéfice de personnes âgées de plus de 50 ans. Or si nous voulons faire circuler l’épargne et soutenir les jeunes générations, nous devrions encourager les donations vers les moins de 50 ans – étudiants, jeunes actifs, parents ayant des projets pour leurs propres enfants.
M. Nicolas Sansu
Je suis bien d’accord !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Des amendements à ce sujet seront bientôt discutés ; nombre d’entre eux vont beaucoup plus loin que ce que l’état des finances publiques en matière de donation me paraît autoriser – j’y reviendrai. Les transmissions ne doivent pas se transformer en pompe à patrimoine au bénéfice des générations les plus âgées, qui ont déjà un taux d’épargne très élevé – ce qui revient à convertir l’épargne en épargne. Notre société a plutôt besoin d’aider les jeunes générations.
Telle est la vision d’ensemble que je souhaitais vous donner. Je suis défavorable à cette série d’amendements et me montrerai plus ouverte à d’autres amendements à venir.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Si le taux marginal est bien de 45 %, le taux moyen d’effort sur l’ensemble des successions n’est que de 5 %. (M. Aurélien Le Coq applaudit.) Le taux d’effort sur les successions en ligne directe, quant à lui, n’est que de 2 % – très loin du taux marginal. N’oublions pas non plus que 87 % des successions – qui se font au bénéfice de personnes âgées de plus de 60 ans, contre 50 ans pour les donations – sont exonérées de tout droit. Cessons donc de faire croire que les gens payeront pour transmettre un bien d’une valeur de 200 000 euros !
Il faudrait également intégrer l’assurance vie à la transmission, comme les autres titres de participation.
Le régime des donations, enfin, est très favorable. Dans notre rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine publié le 27 septembre 2023, Jean-Paul Mattei et moi-même avons établi qu’il était possible, pour une famille très aisée, de transmettre 568 000 euros tous les quinze ans sans s’acquitter d’aucun droit. Cela mériterait que l’on s’y penche, quand on sait que nous avons 9 000 milliards d’euros… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS applaudissent ce dernier.)
M. le président
Je vous rappelle que chaque orateur doit s’en tenir à une minute.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Monsieur Sansu, vous ne voulez que vampiriser l’épargne des honnêtes gens – fruit d’une vie de travail –, eux qui ont donné de leur sueur pour pouvoir transmettre un petit pécule à leurs enfants : c’est scandaleux ! (« Oh ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Vous faites la même chose quand il s’agit des entreprises !
M. Jocelyn Dessigny
Quand j’entends la présidente de l’Assemblée nationale parler de l’héritage comme d’un « truc qui tombe du ciel », je me sens cerné par les corbeaux et les vautours qui veulent faire payer au travail le prix de leur incompétence budgétaire. Vous ne relevez pas le niveau, madame la ministre, quand vous affirmez que 60 % des héritages sont transmis à des personnes de plus de 50 ans. C’est évident : on vit plus vieux, donc on hérite plus vieux. Par l’héritage, les honnêtes travailleurs transmettent à leurs enfants un patrimoine qu’ils ont difficilement édifié : il doit être sacralisé contre ces corbeaux et ces vautours qui tentent de vampiriser le fruit de notre travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Nicolas Sansu
Et les sangsues !
Mme Marie Mesmeur
C’est qui le vautour, là ?
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je soutiens tous les amendements tendant à transformer la fiscalité de l’héritage. Non pas pour punir ou spolier quiconque ;…
M. Emeric Salmon
Quand même !
M. Alexis Corbière
…mais rappelons-nous que 9 000 milliards d’euros vont changer de main dans les quinze années à venir, soit 667 milliards par an. Une plus juste fiscalité des transmissions nous donnerait le moyen de remédier au déficit public et de protéger les services publics – ces services publics qui nous permettent, justement, de lutter contre les inégalités de naissance. Si, après le rejet de la taxe Zucman, il n’était pas non plus possible d’obtenir de tels changements au cours de nos débats, le signal politique, madame la ministre, serait déflagrateur.
Nous avons entendu, contre la taxe Zucman, qu’il fallait encourager l’innovation, défendre l’initiative, aider ceux qui travaillent ou éviter de faire fuir les grandes fortunes ; mais aucun de ces arguments ne fonctionne contre l’héritage ! L’héritage n’aide pas ceux qui travaillent, n’encourage pas l’innovation, et personne ne va partir. Tout le monde devrait donc être à l’aise pour voter… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe EcoS applaudissent ce dernier.)
Mme Christine Arrighi
Personne ne l’avait encore dit !
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
L’article 777 du code général des impôts prévoit déjà des droits de mutation importants – même en ligne directe, où l’on commence à être taxé à 20 % à partir de 15 000 euros par personne.
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui !
M. Jean-Paul Mattei
À partir de 500 000, le taux passe à 30 %. Au-dessus de 1,8 million, il passe à 45 %. Ce taux, de plus, n’a pas été indexé depuis un bon nombre d’années, ce dont personne ne s’émeut.
M. Aurélien Le Coq
Eh oui !
M. Jean-Paul Mattei
En règle générale, on commence à donner à 55 ans. Quinze ans après, on atteint donc l’âge de 70 ans : il y a de fortes chances, monsieur Sansu, que l’on décède avant que de pouvoir faire, à 85 ans, une troisième donation. Ce n’est pas une opération que l’on peut, tout simplement, répéter à l’infini !
Les taux sont suffisamment élevés, en ligne directe notamment : n’y touchons pas.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est M. Hollande qui avait rallongé le délai !
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Je suis effaré par ce que je viens d’entendre sur les bancs du Rassemblement national. Soit les députés du Rassemblement national mentent sciemment aux Françaises et aux Français afin de les effrayer (« Eh oui ! », sur les bancs du groupe LFI-NFP), soit ils ne savent pas lire. C’est un mensonge que de dire que celles et ceux qui se sont battus toute leur vie au travail pour léguer quelque chose à leurs enfants sont concernés par ces discussions. L’immense majorité des Françaises et des Français n’héritent de rien ou de presque rien – 40 % des Français d’absolument rien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Personne ne propose d’augmenter les droits de succession des 87 % des Français qui n’en payent aucun ; nous proposons, au contraire, de baisser les droits sous le seuil de 550 000 euros. Nous parlons donc ici des super-héritiers, notamment des milliardaires : ne mentez pas aux Français, monsieur Dessigny, en tentant de leur faire croire que nous allons chercher l’argent de celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie pour enrichir ces milliardaires, quand nous demandons au contraire à ce que ces derniers partagent !
Mme Marie Mesmeur
Menteurs !
M. Emeric Salmon
Avec 12 millions d’euros, on n’est pas milliardaire !
M. Aurélien Le Coq
Je termine en disant… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Transmission, assurance vie, taxation : autant de sujets que nous devrions également aborder lors de l’examen du PLFSS – le projet de loi de financement de la sécurité sociale – et de la question du financement du grand âge.
Les personnes disposant de suffisamment de revenus et de patrimoine devraient financer elles-mêmes leur perte d’autonomie et l’aide de l’État ne devrait être garantie que pour celles qui n’en ont pas les moyens.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Soyons raisonnables. Il n’y a pas que le problème du barème de l’impôt ; il y a aussi – et surtout – celui de son assiette, que n’aborde presque aucun de ces amendements. Évitons les amendements excessifs qui s’attaquent soit à l’assiette, soit au taux, mais pas aux deux pris ensemble – et qui sont de ce fait dénués de sens. Notre groupe ne votera pas ces amendements, excessifs pour certains et même inconstitutionnels pour les premiers d’entre eux. L’amendement no 2677, par exemple, vise à taxer à 100 % à partir de 12 millions – il n’est pas raisonnable de déposer de tels amendements.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est confiscatoire !
M. Charles de Courson
Il existe, heureusement, un droit de propriété…
Mme Marie-Christine Dalloz
En France, oui !
Un député
C’est de taux marginal qu’il s’agit !
M. Charles de Courson
Certes, mais le Conseil constitutionnel raisonne justement en termes de taux marginal ; et votre amendement vise bien à supprimer toute transmission au-delà de 12 millions d’euros.
Mme Marie-Christine Dalloz
Ça ne les gêne pas !
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
L’héritage fait partie des grandes inégalités qui pèsent sur notre système. Dans les années 1970, le patrimoine hérité ne comptait, en moyenne, que pour 35 % du patrimoine total, proportion qui s’élève aujourd’hui à 70 % – pour ceux qui touchent quelque chose.
M. Dessigny a parlé, tout à l’heure, de « petit pécule » à transmettre à ses enfants ; mais nous ne parlons pas des petits héritages, contrairement à ce que vous essayez de faire croire ! 87 % des héritages ont une valeur inférieure à 100 000 euros et bénéficient déjà de l’abattement : la grande majorité des Français ne sont donc pas concernés par les mesures dont nous débattons. Les 0,1 % des Français les plus riches, en revanche, transmettent en moyenne 13 millions d’euros !
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Je tiens à défendre l’amendement de mon collègue Jean-Philippe Tanguy, qui avait été voté lors de la discussion du précédent budget.
Afin de prendre en compte l’inflation, il tend à relever de 100 000 à 120 000 euros l’abattement pour les donations et les successions en ligne directe. Plus on facilite la transmission en direction des nouvelles générations, plus on donne à ces nouvelles générations les moyens dont elles ont besoin – et dont les donateurs ont moins besoin.
La France est le pays qui fiscalise le plus l’héritage, tandis que, chez certains de nos voisins, l’abattement pour les donations peut atteindre 10 millions d’euros.
Les biens transmis, enfin, ont déjà été taxés tout au long de la vie du donateur : ce n’est donc que justice que de revoir à la hausse le montant des abattements.
Mme Christine Arrighi
Vous êtes toujours du côté des riches !
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La transmission est le deuxième étage de la fusée expliquant la constitution d’une noblesse d’argent – le premier étant l’accumulation du patrimoine rendue possible par une taxation qui, pour les ultrariches, est largement inférieure à l’imposition de la plupart des Français.
Le même système est à l’œuvre dans les deux cas. Les niches fiscales – pacte Dutreil, assurances vie, etc. – permettent aux ultrariches d’échapper à l’imposition dont s’acquittent ceux qui ne sont que riches. Ces derniers sont théoriquement taxés à hauteur de 45 % sur leur héritage – mais pour les 0,1 % les plus riches, c’est moins de 10 %. Leur héritage moyen – 13 millions d’euros – n’est ainsi presque plus taxé. Nous retrouvons là ces ultrariches qui, théoriquement taxés à hauteur de 25 % de leurs revenus, ne le sont effectivement qu’à 2 %.
Le terme de noblesse d’argent évoque une société figée. L’ascenseur social, déjà bien en panne, est carrément bloqué pour le dernier étage de la tour, de fait inaccessible. Toute mesure visant à réintroduire de la redistributivité dans la succession des ultrariches est donc bienvenue.
Le néolibéralisme a remporté une victoire idéologique, lui qui a fini par convaincre que toucher aux impôts des ultrariches, c’est toucher aux impôts de tous les Français.
M. Guillaume Kasbarian
Bien sûr ! Ça concerne tout le monde !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Il en va de même pour les héritages : toucher les héritages et les niches fiscales des ultrariches en matière de succession reviendrait à s’attaquer à la maison familiale d’un couple – alors qu’elle ne sera en réalité pas imposée, neuf Français sur dix étant exonérés de tout droit de succession.
Je ne doute pas que la plupart des députés ne supportent pas, au fond, cette constitution d’une noblesse d’argent. Notre système d’imposition sur les successions est devenu antiredistributif dès qu’on en arrive aux 0,1 % les plus riches. (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2677.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 49
Contre 169
(L’amendement no 2677 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2897.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 227
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 52
Contre 166
(L’amendement no 2897 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 720 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 78
Contre 168
(L’amendement no 720 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2362 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 249
Nombre de suffrages exprimés 244
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 76
Contre 168
(L’amendement no 2362 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2894, 3300 et 3341.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 77
Contre 170
(Les amendements identiques nos 2894, 3300 et 3341 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3297 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 74
Contre 172
(L’amendement no 3297 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 588.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 78
Contre 170
(L’amendement no 588 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 641, 59, 148 et 829, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public sur l’amendement no 3368, et par le groupe Droite républicaine sur l’amendement no 3626.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 3368 et 3626, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l’amendement no 3368.
M. Jean-Paul Mattei
Notre collègue Véronique Louwagie avait déposé un amendement similaire l’an dernier. Il s’agit d’organiser la transmission intergénérationnelle des assurances vie, en autorisant les versements jusqu’à 152 500 euros – plafond pour bénéficier de l’exonération – aux enfants afin qu’ils puissent investir. L’abattement est déjà prévu dans le cadre du contrat ; cela permet de réinjecter des fonds dans l’économie et de donner aux plus jeunes les moyens de consommer.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 3626.
M. Nicolas Ray
Il s’agit de favoriser la transmission et de libérer l’épargne en direction des jeunes générations. Cet amendement de notre – ancienne et future – collègue Véronique Louwagie avait été adopté l’an dernier lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF), mais il n’avait malheureusement pas été retenu dans le texte adopté après le déclenchement du 49.3. Cette année, il a été adopté en commission des finances il y a dix jours.
Concrètement, nous proposons de transmettre par anticipation aux bénéficiaires de contrats d’assurance vie les primes versées, dans la limite de 152 500 euros. L’objectif est de favoriser la transmission et de libérer l’épargne au profit des plus jeunes générations, qui héritent de plus en plus tard.
Ce dispositif ne s’appliquerait qu’en 2026, afin de générer de l’activité économique et de faciliter la transmission aux bénéficiaires des contrats.
En outre, une telle mesure n’est fiscalement pas coûteuse, puisque les sommes en question sont déjà exonérées. En conséquence, nous plaidons pour l’adoption de cet amendement… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’encours de l’assurance vie représente 2 000 milliards d’euros, et les deux amendements permettraient de remettre une partie de cet argent en circulation.
En plus d’encourager la mobilisation des capitaux logés dans l’assurance vie, ils ne s’appliquent que pour une année. Cela évite de créer un machin qui deviendrait incontrôlable, l’objectif étant plutôt d’engendrer un effet qu’on espère massif, sur une seule année. Il s’agit de transmettre des moyens aux jeunes générations, en priorité, et donc de relancer la consommation – ce qui est nécessaire. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En France, le taux d’épargne atteint désormais près de 19 %. L’Insee l’a relevé : 75 % de la revalorisation des retraites en 2024 a été épargnée. Cela signifie que le biais en faveur de l’épargne est très fort dans notre pays, et l’épargne est générée majoritairement par les retraités.
Mme Sophia Chikirou
Les retraités à hauts revenus !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Certes, madame Chikirou, mais, si vous analysez le taux d’épargne des ménages retraités de la classe moyenne, il a également beaucoup augmenté. Il n’est pas du même ordre que celui des retraités les plus aisés, mais il a tout de même progressé de manière significative.
Il faut garder à l’esprit que nous sommes l’un des rares pays européens où le patrimoine des plus de 70 ans continue d’augmenter – ce devrait être un élément important de notre réflexion collective.
Depuis que, vendredi, vous avez adopté l’amendement de M. Mattei créant un nouvel impôt sur la fortune improductive (IFI) – qui produit des conséquences sur l’assurance vie –, j’estime qu’il faut agir avec beaucoup de prudence pour éviter toute décollecte supplémentaire d’assurance vie.
Je vous rappelle que la dette française est financée à hauteur de près de 350 milliards d’euros par l’assurance vie et que, ce matin, le taux d’intérêt français à dix ans était trois centièmes de point supérieur au taux italien. Cela illustre l’importance de faire preuve de prudence sur l’assurance vie.
Abordons ces enjeux avec précaution. Le gouvernement plaide pour encourager les donations, mais plutôt en passant par un taux d’imposition forfaitaire réduit – sans cibler exclusivement l’assurance vie.
Il faut diversifier les sources de donation – l’assurance vie bien sûr, mais aussi les PER, qui sont parfois évoqués, ou les liquidités en général.
Il est bon de réfléchir à la manière dont on fait circuler l’épargne. Pourquoi cette épargne est-elle de plus en plus concentrée chez les générations les plus âgées ? Comment les jeunes générations peuvent-elles y accéder pour se lancer dans la vie, acheter un logement ou créer une entreprise ?
Soyons prudents, et voyons comment la navette parlementaire évolue. À ce stade de la discussion, je suis malheureusement défavorable aux deux amendements.
M. Michel Herbillon
C’est lié au vote sur l’IFI !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Nous maintiendrons notre amendement, compte tenu des bienfaits qu’il pourrait générer. J’entends vos arguments sur ses conséquences sur le marché de l’assurance vie.
Certes, il n’aurait peut-être pas fallu adopter l’amendement de vendredi, mais reconnaissons les effets positifs que le nôtre pourrait produire. Il contribuerait à la relance de l’économie, à l’investissement, et à l’achat de résidences principales par les jeunes générations. Il aurait donc un effet bénéfique sur l’activité économique, notamment dans le secteur du bâtiment – qui en a grandement besoin.
Monsieur Mattei, peut-être pourriez-vous, par courtoisie, retirer votre amendement ? Le nôtre était à l’origine défendu par notre collègue Véronique Louwagie – qui n’est pas présente. Notre rédaction me semble moins redondante, et plus claire sur le fond.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Bien évidemment, je retire mon amendement – il s’agissait effectivement d’une idée défendue par Véronique Louwagie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Peut-être pourrions-nous retravailler votre amendement en introduisant des conditions d’âge – le restreindre aux personnes de plus de 75 ans par exemple.
Il ne s’agit pas d’organiser la décollecte – le placement en assurance vie reste attractif et nécessaire. Mais nous serons d’accord pour dire que, si le bénéficiaire a 70 ans, cela n’a plus d’intérêt pour l’économie.
Mme Marie-Christine Dalloz
Le donateur peut transmettre à ses petits-enfants !
(L’amendement no 3368 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Merci, messieurs les députés, pour votre écoute attentive de mes arguments. Je tiens à rappeler qu’il existe déjà un mécanisme, proposé l’an dernier par le député Jolivet, visant notamment à faciliter la construction immobilière à la suite d’une donation. Ce dispositif reste valable en 2026 et constitue donc une incitation à la donation, en particulier dans le but de permettre à des jeunes de se lancer dans un projet immobilier.
Nous ne partons donc pas de rien en matière de donation. Mais, M. Mattei a raison, nous pouvons réfléchir à des mécanismes qui ciblent plus directement les jeunes générations.
M. Michel Herbillon
C’est important de favoriser les jeunes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Enfin, je n’ai pas parlé de successions, mais bien de donations, qui relèvent du libre arbitre des donateurs : ces dernières bénéficient à 60 % à des personnes de plus de 50 ans. La dynamique intergénérationnelle actuelle est donc différente de celle que nous avons connue il y a quelques années.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3626.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue 116
Pour l’adoption 120
Contre 110
(L’amendement no 3626 est adopté.)
M. le président
Levez-vous le gage, madame la ministre ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Non.
M. le président
Les amendements nos 149 de M. Éric Pauget et 924 de M. Fabien Di Filippo, en discussion commune, sont défendus.
(Les amendements nos 149 et 924, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 2821 de M. François-Xavier Ceccoli est défendu.
(L’amendement no 2821, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 2890, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Sur les amendements nos 946, 945 et 1797, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de six amendements, nos 2890, 946, 945, 373, 1797 et 2105, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2890.
Mme Mathilde Feld
Cet amendement propose de fonder le calcul de l’impôt sur les successions sur l’héritage reçu tout au long de la vie, plutôt que de réinitialiser arbitrairement le décompte tous les quinze ans.
La plus grande hypocrisie dans ce domaine consiste à raisonner en termes de moyenne : c’est impossible quand on est face à des disparités aussi phénoménales que celles observées dans les successions, très inégalement réparties. En effet, 40 % des Français n’héritent de rien, tandis que les 0,1 % les plus riches héritent en moyenne de 12,6 millions d’euros.
Sur une période de trente et un ans, un couple avec trois enfants peut transmettre jusqu’à 1,8 million d’euros à ses enfants sans verser un seul centime à la solidarité nationale.
Un député du groupe RN
Et alors ?
Mme Mathilde Feld
Dans les trente prochaines années, vingt-cinq milliardaires devraient transmettre 460 milliards d’euros à leurs héritiers, ce qui représente un manque à gagner potentiel de 160 milliards pour l’État.
C’est pourquoi cette logique de réinitialisation des abattements tous les quinze ans doit cesser ; il est temps de recalculer les héritages reçus tout au long de la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour soutenir l’amendement no 946.
Mme Claire Marais-Beuil
Beaucoup d’entre vous l’ont souligné : le versement de l’héritage arrive tard – les enfants ont souvent un âge avancé lorsqu’ils en reçoivent transmission.
L’amendement no 946, comme le no 945 qui suit, vise à aligner la fiscalité applicable aux transmissions aux petits-enfants sur celle au profit des enfants, afin de favoriser la circulation de l’épargne dans l’économie.
Monsieur Juvin, lors de nos débats en commission, vous aviez refusé notre proposition, estimant qu’il serait plus judicieux d’y intégrer une limite temporelle. L’amendement no 946 est donc de repli, et prévoit un dispositif de trois ans.
M. le président
L’amendement no 945 de M. Lionel Tivoli est défendu.
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 373.
M. Corentin Le Fur
Votre constat, madame la ministre, est juste : les héritages se font désormais tardivement, si bien qu’à l’âge où elles héritent, les personnes sont âgées, souvent retraitées. Cet argent aurait pourtant été bien utile aux familles au moment où elles en avaient besoin pour acquérir leur résidence principale et plus généralement faire leurs débuts dans la vie. Le taux d’épargne est élevé dans notre pays : les Français épargnent beaucoup, ce qui complique le financement de l’économie.
Mme Sophie Taillé-Polian
Attention, vous allez vous faire harceler par Le JDD !
M. Corentin Le Fur
Quelles solutions peut-on trouver collectivement pour faciliter et accélérer la circulation de l’épargne, et pour rendre son allocation plus judicieuse ? Comment faire rebasculer cet argent dans l’économie ?
Une de nos propositions consiste à faciliter les donations afin de les rendre plus régulières et plus précoces, et de permettre ainsi aux jeunes et aux familles de débuter dans la vie.
M. le président
La parole est à Mme Manon Bouquin, pour soutenir l’amendement no 1797.
Mme Manon Bouquin
Il part d’une idée simple : faciliter la transmission de ce que nos anciens ont bâti. Dans nos campagnes, lorsqu’on transmet une exploitation agricole ou viticole, c’est une vie de travail qui passe d’une main à l’autre. L’exploitation est une histoire de famille, un lien vivant entre les générations. Pourtant la règle du rapport fiscal sur quinze ans vient freiner cette chaîne de transmission : lorsqu’un agriculteur ou un viticulteur fait une donation à ses enfants, celle-ci reste prise en compte pour le calcul des droits de succession pendant quinze ans ; si le parent décède avant cette échéance, la donation sera intégrée dans le montant global servant de base pour le calcul des droits.
Nous estimons que quinze ans représentent une durée trop élevée : elle décourage les parents de donner de leur vivant, empêche les jeunes de s’installer et fige le patrimoine au moment où le renouvellement des générations agricoles est déjà en péril. Aujourd’hui, pour deux départs à la retraite, un seul jeune s’installe. D’ici à 2035, près de 43 % des chefs d’exploitation auront plus de 65 ans. C’est toute une génération d’agriculteurs qui se trouve à l’heure de la transmission. Nous proposons donc de ramener le délai du rapport fiscal à dix ans.
M. le président
Je salue l’arrivée de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat. Bienvenue, monsieur le ministre !
L’amendement no 2105 de M. Christophe Plassard est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement no 2890 tend à instaurer un rappel à vie, alourdissant fortement la fiscalité des transmissions. Les autres amendements visent au contraire à faire passer le rappel à dix ans. Le premier amendement de M. Tivoli, le no 946, propose un abattement temporaire à 100 000 euros sur les transmissions aux petits-enfants ; son second amendement, le no 945, le rend permanent.
La commission a repoussé tous ces amendements. À titre personnel, j’aimerais bien donner un avis favorable à tous les amendements sauf le no 2890 ; cependant, cette mesure aurait probablement un coût considérable, que nous ne pouvons malheureusement pas nous permettre. Par conséquent, avis défavorable sur tous les amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Madame Feld, votre amendement no 2890 pourrait faire l’objet d’un grand débat de société. Si on voulait le faire à droit constant, il faudrait fixer l’exonération à environ 1 million d’euros. En effet, aujourd’hui, 85 % des Français qui perçoivent un héritage ne paient pas de droits de succession et reçoivent, durant leur vie – via les donations et les successions, et en tenant compte des abattements –, moins que ce montant. Nous pourrions très bien – c’est une proposition très intéressante – avoir un système où chaque Français pourrait hériter, durant sa vie, de 1 million d’euros…
M. Erwan Balanant
J’aimerais bien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…sans payer aucun droit ; et à partir de cette somme, l’héritage serait fiscalisé, avec une vraie progressivité. Si nous le faisions ainsi, nous ne changerions pas la réalité des droits de mutation actuels mais nous les rendrions beaucoup plus lisibles. En effet, monsieur Sansu, vous avez raison :…
M. Nicolas Sansu
C’est la première fois que vous le dites !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…beaucoup de Français pensent que les droits de succession vont s’appliquer à leur situation alors que 85 % d’entre eux héritent, je répète, sans payer aucun droit.
Votre idée, madame Feld, est donc bonne. Certes, avec l’abattement que vous proposez, cette mesure constituerait un choc fiscal majeur et représenterait pour de nombreuses personnes un changement subit dans l’organisation de la transmission qu’elles avaient prévue ; mais j’estime, à la fois à titre personnel et en tant que responsable politique, que nous pourrions avoir un très beau débat de société sur ce point, et proposer de fiscaliser les sommes que les héritiers reçoivent plutôt que celles qui sont données. Je suis donc défavorable à votre amendement parce que le niveau de l’abattement est trop bas par rapport à l’existant, mais je trouve l’idée intéressante.
En ce qui concerne les autres amendements, en particulier celui de M. Le Fur, ils visent à rendre les donations plus fréquentes et plus généreuses ; j’y suis défavorable pour la simple et bonne raison que personne, dans notre pays, n’estime que le régime des donations ne fonctionne pas. Ce système est très efficace ; il faut certes encourager les donations aux jeunes générations, mais je suis défavorable à votre proposition.
Cela étant dit, il y a là matière à travailler en vue de débats plus structurants que nous pourrons avoir dans dix-huit mois, durant la campagne présidentielle.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
Madame la ministre, je ne sais pas d’où viennent vos chiffres, mais 87 % des Français ne perçoivent pas plus de 100 000 euros – et non 1 million – de toute leur existence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Avec cette somme-là, mon amendement prend tout son sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2890.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 238
Nombre de suffrages exprimés 237
Majorité absolue 119
Pour l’adoption 72
Contre 165
(L’amendement no 2890 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 946.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 236
Majorité absolue 119
Pour l’adoption 99
Contre 137
(L’amendement no 946 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 945.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 97
Contre 138
(L’amendement no 945 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 373 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1797.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 231
Majorité absolue 116
Pour l’adoption 97
Contre 134
(L’amendement no 1797 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2105 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 2884, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement.
M. Aurélien Le Coq
Comment est-il possible que la fraction la plus riche de nos concitoyens, les 0,1 % de la population, voire moins – les milliardaires –, parviennent à ne payer presque aucun impôt sur la succession et à accumuler autant d’argent ? Comment est-il possible que, parmi les 100 premières fortunes, 66 % soient des héritiers ?
La réponse est simple, et avec le présent amendement nous cherchons à alerter l’opinion sur cet enjeu : c’est grâce au pacte Dutreil. En effet, les milliardaires détiennent 90 % de leur patrimoine sous forme de biens professionnels, et grâce au pacte Dutreil, ceux-ci sont exonérés de l’impôt sur la succession pour 75 % de leur valeur. Or le patrimoine professionnel peut comprendre non seulement des entreprises mais aussi des holdings, dans lesquelles peuvent se retrouver des tableaux ou des biens immobiliers –…
M. Gérault Verny
Ce n’est pas vrai !
M. Aurélien Le Coq
…un château par exemple, comme celui de Montretout. (Murmures sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est ainsi que les plus riches de notre pays ne paient absolument aucun impôt sur la succession !
M. le président
Merci de conclure, monsieur Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Le pacte Dutreil représente un coût de 5 milliards pour… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Nous commençons le débat sur le pacte Dutreil, une disposition de souveraineté, qui protège les entreprises au moment de la transmission. Compte tenu du vieillissement de la génération du baby-boom, d’ici à 2035, la moitié des entreprises familiales devront être transmises. Dans ce cadre, de quels outils disposons-nous pour les protéger ?
Mme Léa Balage El Mariky et Mme Sophie Taillé-Polian
Vous protégez les héritiers, pas les entreprises !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Tout le monde cite le fameux rapport de la Cour des comptes – sans l’avoir lu puisqu’il n’est pas publié. En attendant qu’il le soit, chacun scrute la presse, se demandant quelles seront ses conclusions. J’attends de consulter ce rapport. Le fait que la presse dispose d’éléments dont nous ne disposons pas, et sur lesquels s’échafaudent les prises de position publiques, est d’ailleurs problématique du point de vue légal.
Mme Léa Balage El Mariky
Allez donc le chercher, vous en avez les prérogatives !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Pour ma part, j’attends de lire l’avis précis de la Cour des comptes avant de formuler une analyse complète. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
Monsieur Le Coq, je suis défavorable à votre amendement et je vais vous expliquer pourquoi.
Quelques mots d’abord sur le pacte Dutreil. Nous sommes face à un enjeu économique de souveraineté sans précédent pour notre pays : dans les dix années à venir, 500 000 entreprises changeront de mains. Cela ne s’était jamais vu, c’est inédit – on peut parler de mur démographique. Le pacte Dutreil est un pacte avec la nation. Il concerne non seulement les grandes mais aussi les petites et moyennes entreprises ; c’est tout notre modèle de l’entreprise familiale qui est en jeu.
M. Michel Herbillon
Bien sûr !
M. Serge Papin, ministre
Au-delà de l’aspect fiscal, le pacte Dutreil permet la transmission des savoir-faire et plus généralement la transmission intergénérationnelle. Ce mécanisme, que j’ai observé maintes fois, permet un tuilage où les fondateurs, souvent les parents, accompagnent le repreneur – un mentorat précieux pour la réussite des entreprises. Je pense bien sûr aux artisans, à ceux qui assurent la vitalité des territoires, aux commerces de centre-ville qu’on cherche à dynamiser – vous connaissez tous, dans vos circonscriptions, le problème des vacances commerciales, y compris dans les petits bourgs.
M. Pierre Henriet
Eh oui !
M. Serge Papin, ministre
Le pacte Dutreil renvoie à notre souveraineté au sens large : la souveraineté alimentaire, numérique, énergétique, mais aussi sécuritaire. Sans ce dispositif, certaines entreprises qui travaillent dans le domaine de l’atome – j’en ai rencontré – pourraient ainsi tomber entre des mains étrangères. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Eh bien oui, je les ai rencontrées, la semaine dernière !
Ce pacte a permis une stabilité des actionnaires, seul gage de pérennité des entreprises. Or la pérennité est aussi importante pour les salariés (Mêmes mouvements) et y renoncer ferait prendre de très gros risques à notre économie, remettant en question le leadership de la France. Sans pacte Dutreil, nos entreprises tomberaient entre les mains des fonds, y compris des fonds étrangers, anglo-saxons, dont certains ne rêvent que d’une chose : démembrer les entreprises françaises pour faire de l’argent.
Voilà les éléments auxquels je voulais vous sensibiliser, monsieur Le Coq, et qui expliquent mon avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur le ministre, j’ai envie de vous dire : c’est un beau roman, c’est une belle histoire. Certes, nous n’aurons le rapport de la Cour des comptes que dans quelque temps, monsieur le rapporteur général, mais d’après un article du Monde, il est littéralement explosif. Le pacte Dutreil est décrit comme un dispositif coûteux, dont on peut interroger l’efficience – jugée faible –, et exagérément favorable à l’optimisation. Nous connaissons ces éléments car il y a déjà eu un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) : je rappelle que, pendant des années, on nous a expliqué que le pacte Dutreil coûtait 500 millions d’euros, alors qu’il coûterait en réalité 3 à 5 milliards.
M. Nicolas Sansu
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Quand une optimisation fiscale, rendue possible par une niche, coûte aussi cher, il est légitime de se demander si le pacte Dutreil a réellement servi à la transmission familiale – si tant est que cette dernière soit un gage de plus grande efficacité pour l’entreprise, puisque certaines études contredisent ce fait.
En réalité, cela montre surtout que c’est une source d’optimisation pour les ultrariches. Le pacte Dutreil est l’une des niches qui a permis aux 0,1 % les plus riches de payer des droits de succession inférieurs à 10 %, quand ils devraient être taxés à environ 45 %. C’est dommage que l’on n’ait pas encore le rapport, mais les extraits communiqués dans l’article du Monde – j’y reviendrai peut-être lors d’une intervention plus longue – sont éclairants.
Nous sommes en train de chercher des économies, alors de grâce, convenons qu’il faut s’interroger sur l’efficacité du pacte Dutreil au lieu de dire : c’est merveilleux, c’est extraordinaire, continuons ainsi.
Certains amendements remettent en question de manière globale le pacte, d’autres ciblent les avantages qu’il donne aux très grosses fortunes ; j’espère que nous ne sortirons pas de cet hémicycle sans avoir voté certains d’entre eux.
Mme Marie-Christine Dalloz
On a déjà eu le débat sur le pacte Dutreil !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Oui, mais à l’époque, on pensait qu’il ne coûtait que 500 millions…
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy
Il faut mettre les mots sur les choses : l’extrême gauche a développé une obsession maladive pour l’impôt (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)…
M. René Pilato
Il n’y a pas d’extrême gauche, les extrêmes, c’est vous !
Mme Stéphanie Galzy
…au point de vouloir transformer chaque événement de la vie, et même de la mort, en occasion de ponctionner davantage les Français, et en particulier les entreprises familiales.
Mme Béatrice Bellay
Et les 4 millions ?
Mme Stéphanie Galzy
L’héritage est le fruit d’une vie de sacrifices. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Eva Sas mime un joueur de violon.) Des familles entières travaillent, économisent, et prennent des risques pour transmettre quelque chose à leurs enfants. Certains, parce qu’elles ont cette ambition, veulent les culpabiliser, les faire passer pour des profiteurs ; c’est indécent. Derrière cette volonté permanente de taxer la transmission, il y a une idéologie qui ne supporte pas l’ascension sociale…
Mme Sophie Taillé-Polian
L’ascenseur est en panne !
Mme Stéphanie Galzy
…et n’accepte pas qu’une famille puisse s’en sortir par l’effort et le mérite.
Mme Eva Sas
Arrêtez avec ce refrain !
Mme Stéphanie Galzy
Cette obsession égalitariste pousse à préférer couper les têtes qui dépassent, plutôt que de s’élever ensemble.
M. Antoine Léaument
Vous ne connaissez pas l’histoire de France !
Mme Stéphanie Galzy
Nous attendons nous aussi le résultat de la Cour des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Ce qu’a noté le Conseil d’analyse économique, c’est que l’ascension sociale, précisément, est anéantie par ces niches fiscales sur les grandes transmissions. La reproduction des inégalités est à l’œuvre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Stéphane Rambaud
Vous n’y connaissez rien !
Mme Sophie Taillé-Polian
Il y a quelque chose, madame la ministre, que je ne comprends pas. Nous cherchons des recettes, dans le compromis. La note du Conseil d’analyse économique – organisme placé, je le rappelle, sous l’autorité du premier ministre – est sortie en décembre 2021. Depuis, chaque année dans cet hémicycle, M. Sansu, Mme Pirès Beaune, des collègues Insoumis et moi-même faisons des propositions. Chaque année, le ministre au banc nous dit que c’est intéressant… mais que le moment n’est pas approprié. Je crois que le moment est venu : vous pourriez ainsi trouver le compromis que vous recherchez. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Boris Vallaud applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2884.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 233
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 49
Contre 184
(L’amendement no 2884 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 3296 et 3264, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; sur l’amendement n° 496, par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 2792, 3296, 496 et 3264, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 2792.
M. Arnaud Saint-Martin
Par cet amendement de repli, nous souhaitons recentrer l’application du pacte Dutreil sur les seuls actifs professionnels. Il prend acte de l’insuffisant contrôle, maintes fois constaté par l’administration, des usages de ce dispositif, indéboulonnable depuis deux décennies.
Un rapport de la Cour des comptes va bientôt paraître. Les bonnes feuilles qui circulent dans la presse autorisée pointent la très faible efficience économique de cette niche fiscale, les cas d’optimisation fiscale et l’absence d’effet sur l’emploi ou sur la stimulation de l’industrie – censément, l’objectif de cette niche fiscale.
L’objectif est surtout d’alléger très sensiblement la fiscalité sur les grandes fortunes lors des transmissions familiales d’entreprises, pour un coût de 5,5 milliards d’euros. À l’heure où l’on doit chercher de nouvelles recettes, on en a ici une belle. Il faut tailler dans le gras. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
En résumé, nous sommes contre la société des héritiers et le capitalisme d’héritage. Il faut en finir avec cette… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3296.
M. Nicolas Sansu
Merci, madame la ministre, pour votre ouverture sur la question de l’héritage. J’espère qu’il en sera de même sur le pacte Dutreil.
Mme Marie-Christine Dalloz
Oh !
M. Nicolas Sansu
Notre amendement vise à réformer le pacte Dutreil, désormais hors de contrôle, en lui redonnant son aspect originel. La Cour des comptes va enfin rendre son rapport et démontrer que cet outil, utile pour la transmission familiale des commerçants, des PME – si tant est que les héritiers souhaitent poursuivre l’activité de leurs parents, ce qui n’est pas une obligation –…
Mme Marie-Christine Dalloz
On n’est pas rendus !
M. Nicolas Sansu
…est devenu un outil d’optimisation fiscale.
En cumulant la donation en nue-propriété avant l’âge de 70 ans, les droits de succession réels ne sont que de 2,7 % pour 10 millions d’euros, soit 270 000 euros, loin des 42,2 % de droits exigibles en droit commun. Et là, on ne parle pas de commerçants ou de PME, mais de grandes entreprises.
Nous proposons de revenir au principe originel : en pleine propriété, plafond fixé à 50 millions d’euros, plafonnement de la trésorerie transmise et allongement de la durée de détention. Ce qu’il ne faut pas, c’est cacher la holding de Bernard Arnault derrière le boulanger. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 496.
M. Philippe Brun
Ce débat est particulièrement important. Lorsque nous parlons des inégalités de patrimoine et que nous nous attachons à mettre à jour les niches fiscales inefficaces, nous sommes naturellement amenés à évoquer le pacte Dutreil, dont le coût a explosé au cours des dernières années. L’annexe Voies et moyens, en 2021, faisait état d’un coût d’environ 2 milliards, contre plus de 5 milliards aujourd’hui. Les rapports de la Cour des comptes et du Conseil d’analyse économique vont dans la même direction : cette niche est efficace pour permettre le maintien du tissu économique français, mais elle doit être réformée car elle est devenue un outil majeur d’optimisation fiscale.
Par cet amendement, les socialistes proposent de remédier aux deux critiques faites au pacte Dutreil, dans le droit fil de ce qui a été proposé par la Cour des comptes et le Conseil d’analyse économique. Tout d’abord, nous proposons de réduire l’assiette du pacte Dutreil.
M. le président
Il faut conclure, monsieur le député.
M. Philippe Brun
Nous souhaitons concentrer l’exonération de 75 % sur la transmission des biens professionnels de l’entreprise et non sur les biens personnels. Ensuite, nous proposons de baisser le taux à 50 %… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe SOC applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3264.
M. Nicolas Sansu
C’est un amendement de repli qui s’attelle surtout à restaurer le plafonnement – l’abattement serait de 75 % jusqu’à 50 millions, de 50 % au-delà. Je rappelle qu’en Allemagne, au-dessus de 26 millions, le taux est progressif, si bien que la disposition est moins avantageuse qu’en France. C’est cela, la réalité du pacte Dutreil !
Les transmissions jusqu’à 50 millions d’euros auraient toutes le même régime. Dire que cela concerne les petites entreprises est une ineptie, parce que les entreprises à 50 millions d’euros ne sont pas des petites entreprises ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
D’abord, la part des transmissions familiales est de 20 % ; en Allemagne, elle est de 56 %, en Italie, de 70 %, en Suède, de 83 %.
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ensuite, pour quelles raisons la dépense fiscale a-t-elle augmenté ? C’est l’effet démographique du baby-boom : l’augmentation de la dépense s’explique par l’arrivée des chefs d’entreprise à l’âge de la retraite.
Enfin, entre 2026 et 2033, la moitié des entreprises familiales devront être transmises. Alors que des sommes d’argent considérables cherchent à se placer à l’échelle mondiale, est-ce bien le moment de changer les règles du jeu et de ne plus protéger ces entreprises familiales contre d’éventuels prédateurs ?
Mme Marie-Christine Dalloz
Pour eux, oui ! C’est antiéconomique !
M. Sylvain Maillard
Ils veulent les livrer aux fonds de pension ! C’est un scandale !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a repoussé ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Je partage les arguments du rapporteur général et suis défavorable à ces amendements. Plus tard dans la discussion, nous verrons que l’amendement no 706, dans l’esprit de ce qui a été fait pour les holdings, exclut potentiellement les biens somptuaires. Je pense qu’il est pertinent d’examiner la façon dont nous pourrions régler le curseur.
M. le président
J’ouvre la discussion. La parole est à Mme Olivia Grégoire.
M. Sylvain Maillard
Ah, très bien !
Mme Olivia Grégoire
D’abord, je m’étonne que certains parlent d’un rapport dont nous n’avons pas connaissance puisque, sauf erreur de ma part, le rapport de la Cour des comptes est censé paraître entre le 10 et le 15 novembre.
Mme Christine Arrighi
Il faut lire la presse, madame !
Mme Olivia Grégoire
Peut-être certains en disposent-ils, ce n’est pas mon cas.
Mme Marie-Christine Dalloz
Ils ont eu des informations secrètes !
Mme Olivia Grégoire
Je suggère que l’on se pose ces questions à l’aune du rapport et de ses recommandations.
En réalité, le pacte Dutreil n’est pas tant une niche fiscale qu’un investissement. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, la Cour des comptes oublie à chaque fois l’ensemble des externalités positives. Je pense à l’impôt sur les sociétés, aux cotisations sociales et à la TVA que paient ces entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Je rappelle d’ailleurs que les très grosses transmissions de l’année 2024, liées à de très grosses ETI, ont rapporté en DTMG et en PFU – prélèvement forfaitaire unique – sur les années 2023 et 2024.
Sans le pacte Dutreil, les dirigeants de ces ETI seraient obligés de se verser des dividendes pour s’acquitter de la fiscalité de la transmission, ou de vendre, notamment à des concurrents. Dans les sept à dix ans, une ETI sur deux devra être transmise ; 71 % de ces entreprises… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Des députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
De grâce, pour une fois qu’un dispositif fonctionne, gardons-le.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
L’ultragauche est fascinée par les ultrariches (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.), mais on ne fait pas une politique économique ou une politique fiscale pour les ultrariches ou les 0,1 % de ceux qui sont concernés.
M. Aurélien Le Coq
Ils coûtent trop cher !
M. Sylvain Berrios
Le pacte Dutreil doit être évalué, et la Cour des comptes nous transmettra ses résultats. Doit-il être mieux piloté ? Probablement. Doit-il être adapté ? Peut-être. Nous le saurons lorsque la Cour des comptes aura rendu son rapport.
Mme Sophie Taillé-Polian
On corrigera !
M. Sylvain Berrios
D’ici là, ne cassons pas ce qui fonctionne. 500 000 entreprises vont devoir changer de main. Ne faisons pas les choses aveuglément. À l’aune d’une idéologie, l’ultragauche veut absolument casser l’ultrariche. Restons raisonnables.
M. Jérémie Patrier-Leitus
C’est électoraliste !
M. Alexis Corbière
Avant, c’était l’extrême droite qui disait ça.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Je suis atterré de ce que j’entends sur l’héritage. Vous n’avez que la valeur travail à la bouche : hériter, est-ce que c’est travailler ? Vous n’avez que la méritocratie à la bouche : quel mérite y a-t-il à hériter ? Vous protégez les 13 % d’héritiers qui doivent payer des droits de succession. Vous parlez de rupture alors qu’en fait, vous soutenez la reproduction sociale : pour vous, les enfants de patrons doivent devenir des patrons et les enfants de salariés des salariés. L’émancipation, vous vous asseyez dessus ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Christophe Bentz
N’importe quoi !
Mme Olivia Grégoire
Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle ânerie ?
M. René Pilato
Votre vision ultra-statique et ultra-étriquée de la société française fait que la France ne peut plus évoluer. Par votre attitude, vous incarnez son déclin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Michel Herbillon
Vous, vous incarnez la méconnaissance du monde de l’entreprise !
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Faciliter les transmissions d’entreprises dans le cadre familial, c’est le principe de la loi Dutreil – que les députés, dans leur immense majorité, soutiennent. Malheureusement, certaines personnes s’en sont éloignées et ont utilisé la loi pour transmettre des biens qui n’avaient aucun caractère professionnel. Les amendements identiques nos 706 à 3522, qui viendront plus tard dans la discussion, tendent justement à boucher ce trou. Ils pourraient, à cet égard, être unanimement soutenus.
Mais gardons-nous d’instaurer des plafonds ou de réduire le taux d’exonération : la modification de la loi pourrait convaincre les propriétaires d’entreprises importantes – ETI ou autres – de vendre, et de vendre à des fonds d’investissement qui exigeront des dividendes bien plus importants que ceux versés dans un cadre familial… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Mme Olivia Grégoire et M. Sébastien Huyghe applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Moi, j’ai connu l’avant Pacte Dutreil : les entreprises étaient intransmissibles. Soit leurs dirigeants devaient s’expatrier, soit ils devaient vendre – c’est ainsi qu’UPSA, implanté à Agen, a été vendu à un groupe américain. Or chaque cession d’entreprise à un groupe étranger fait courir un risque de délocalisation et peut entraîner l’appauvrissement de tout un territoire.
Il faut donc soutenir les transmissions d’entreprises dans un cadre familial, sans attendre ce qu’en dira le rapport de la Cour des comptes. Il ne faut pas les considérer du seul point de vue fiscal, mais pour toute l’activité qu’elles permettent de préserver en France. C’est là que réside la véritable rentabilité !
Le pacte Dutreil est un outil fort utile et j’ai connu très peu d’excès qui auraient consisté à transmettre aussi du patrimoine personnel. Dans la plupart des cas, l’esprit de la loi est respecté. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Encore une fois, il ne faut pas que le boulanger serve d’alibi. J’entends le chiffre de 500 000 transmissions, mais ce ne sont pas 500 000 transmissions à 50 millions d’euros…
Bien sûr, il y a des ETI dans le lot, dont la valeur peut atteindre 100 millions. Mais n’oubliez pas qu’on peut utiliser plusieurs pactes Dutreil – on peut transmettre plusieurs fois à hauteur de 50 millions, le cumul est possible. Au taux actuel, les droits de succession payés dans le cadre de la transmission d’une ETI valorisée 100 millions sont de 5 millions, soit un montant infime relativement à la valeur de l’entreprise. Et d’autant plus infime qu’il est exigible sur quinze ans – les bénéfices futurs de l’entreprise permettront de s’en acquitter.
Vous exagérez et vous protégez ceux qui utilisent le pacte Dutreil à d’autres fins que la transmission d’actifs professionnels.
M. Philippe Brun
Il a raison !
M. Nicolas Sansu
Ce que nous proposons, c’est de revenir au pacte Dutreil d’origine. La durée de conservation des titres était alors de seize ans et le taux d’abattement de 50 % ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Chacun sait combien il est important que les petites entreprises et les entreprises familiales perdurent et se développent en France. Nous sommes prêts à y consacrer des moyens et de l’argent public, mais au bénéfice de qui ? Nous ne nous posons jamais cette question, si bien que ce sont toujours les héritiers qui profitent de ce soutien, alors qu’ils ne sont pas forcément les mieux placés pour reprendre une entreprise et la développer.
Ce sont bien souvent les salariés qui détiennent les savoir-faire que M. le ministre appelle à préserver. Alors je le dis très clairement : il faut concevoir un nouveau dispositif qui permette aux salariés de récupérer ces entreprises, de les faire vivre et de les développer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Bravo !
Mme Olivia Grégoire
Ce n’est pas contradictoire !
M. Sylvain Maillard
L’un n’empêche pas l’autre !
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous nous opposerons à ces amendements. D’abord, nous sommes pour l’enracinement et la transmission familiale – nous défendrons d’ailleurs un amendement tendant à porter à dix ans la durée de conservation des titres.
Bien sûr, nous sommes tous contre le capitalisme financiarisé, la mondialisation et le pillage des entreprises françaises. Mais si vous êtes aussi contre l’actionnariat – y compris celui que permettent les plans d’épargne en actions (PEA) et celui des petits porteurs –, et contre les entreprises familiales, que reste-t-il ?
M. Emeric Salmon
Le kolkhoze !
M. Jean-Philippe Tanguy
Les coopératives ? Je ne suis pas dans la caricature et je veux bien qu’on soutienne les coopératives, mais ce n’est pas ainsi qu’on financera toute l’industrie et l’économie française dans son ensemble ! On n’achète pas de haut-fourneau avec des petits salaires de 1 200 euros à 2 500 euros !
Alors que le pacte Dutreil favorise ce qui pourrait passer à vos yeux pour le moins pire, ou le meilleur, des capitalismes, vous vous y opposez, et ce, avant même la publication du rapport de la Cour des comptes. Sortez des postures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Serge Papin, ministre
La ministre des comptes publics et moi-même réfléchissons à un dispositif qu’on pourrait appeler un « Dutreil salariés ». Dans les très petites entreprises (TPE), ce sont souvent les salariés qui sont intéressés par la reprise. Des dispositifs le permettent – sous forme de société coopérative de production (Scop) ou directement, sans modification des statuts –, mais ils sont peu connus. Cette voie me paraît très intéressante.
(L’amendement no 2792 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3296.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 244
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 89
Contre 155
(L’amendement no 3296 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 496.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 244
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 91
Contre 153
(L’amendement no 496 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3264.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 244
Nombre de suffrages exprimés 243
Majorité absolue 122
Pour l’adoption 89
Contre 154
(L’amendement no 3264 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 2878 et 2882, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2878.
M. Aurélien Le Coq
Protéger nos petites entreprises, nos artisans, nos commerçants, nos boulangers… Nous sommes pour !
M. Charles Sitzenstuhl
C’est nouveau, ça !
M. Aurélien Le Coq
J’imagine donc que notre proposition trouvera consensus, à supposer que la défense des petites entreprises par M. Tanguy du Rassemblement national et nos collègues de la Macronie soit sincère et qu’elle ne serve pas à protéger la succession de la holding de Bernard Arnault.
L’amendement tend à plafonner à 2 millions d’euros la valeur totale des titres transmissibles grâce au pacte Dutreil, afin de favoriser avant tout la transmission des TPE et PME.
M. Paul Midy
Et les ETI ?
M. Aurélien Le Coq
Je vous ai entendus vous inquiéter de la souveraineté française et du danger du rachat d’entreprises par des fonds américains, alors qu’habituellement, lorsqu’un fonds vautour s’empare d’une société et met tous ses salariés sur la paille, vous n’êtes pas nombreux à vous en émouvoir et à soutenir les piquets de grève ! Si votre inquiétude est réelle, vous devriez soutenir cette proposition : que l’État puisse accepter, en guise du paiement des droits de succession, l’équivalent en parts de la société considérée… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 2882.
M. Damien Maudet
Ce week-end, j’ai dû expliquer à Matthieu, un chauffeur de bus d’Ambazac qui touche 800 euros par mois, qu’il devrait faire des économies, qu’il verrait le prix de ses frais de santé augmenter après la hausse des franchises et des cotisations à une mutuelle et que même les aides à la rénovation thermique pourraient évoluer. En d’autres termes, qu’il aurait à faire des sacrifices.
Les dommages collatéraux de votre politique, vous ne les voyez pas quand ils concernent Matthieu et ceux qui, comme lui, gagnent 800 euros par mois ; mais quand on envisage de toucher au pacte Dutreil, vous vous empressez de parler des dégâts que cela pourrait entraîner.
On parle d’une niche fiscale qui coûte 5 milliards d’euros par an et qui ne profite qu’aux 1 % des héritiers les plus riches. Vous affirmez qu’il ne faut pas y toucher pour protéger l’emploi, même si la Cour des comptes estime qu’elle n’a pas d’effets sur l’investissement et l’emploi. Soit.
Vous nous dites aussi qu’il faut protéger les TPE et les PME. Nous vous proposons de limiter l’application de ce pacte aux entreprises de cette taille, afin qu’il cesse d’être un outil d’optimisation fiscale pour les plus grosses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Le sujet est inépuisable, mais une entreprise, ce n’est pas seulement un capital : ce sont aussi des emplois et un territoire, et le pacte Dutreil permet de maintenir les entreprises dans leur territoire.
Le Dutreil, ce n’est pas un cadeau fiscal,…
M. Alexis Corbière
Un peu quand même !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…mais un outil industriel. (Protestations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous exagérez !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il permet aux entreprises françaises de rester françaises !
Enfin, il ne faut pas confondre héritage et transmission. La transmission peut, y compris grâce au pacte Dutreil, être organisée au bénéfice des salariés.
Les amendements nos 2878 et 2882 – certainement malicieux et intelligents – tendent à limiter à 2 millions d’euros la valeur des titres transmis grâce à ce dispositif. Celui-ci serait vidé de sa substance, puisque la valeur moyenne des transmissions qu’il permet est actuellement de 5 millions.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Nous avons recueilli le témoignage de la Maison Piganiol, dans le Cantal. Fabricant de parapluies depuis 1884, cet établissement est tenu par la famille du même nom depuis cinq générations. Il emploie vingt-cinq salariés et a reçu le label entreprise du patrimoine vivant (EPV).
Son directeur actuel a repris la société à son père et, sans le pacte Dutreil, cette transmission eût été impossible. Ce dispositif a permis de maintenir la production en France, de préserver les emplois locaux et un savoir-faire artisanal et, s’il disparaissait, l’entreprise ne pourrait pas être dirigée par la sixième génération de Piganiol. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Olivia Grégoire applaudit également.)
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Alexis Corbière
Vous valez mieux que ça !
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Ce débat me rappelle celui que nous avons eu sur le crédit d’impôt recherche (CIR), dont toutes les analyses montrent qu’il facilite l’optimisation fiscale des grandes entreprises plus qu’il ne soutient réellement la recherche. On nous demandait d’attendre les rapports de la Cour des comptes et du CPO ; ces documents ont été publiés, mais alors qu’ils préconisent l’évolution du dispositif – de ses seuils notamment –, vous ne voulez quasiment rien changer.
S’agissant du pacte Dutreil, si le rapport de la Cour des comptes est conforme à ce que rapporte Le Monde, j’espère que vous serez avec nous pour le réformer en profondeur ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Monsieur le rapporteur général, vous prétendez que le pacte Dutreil est un outil industriel, mais le rapport de la Cour des comptes souligne que les secteurs qui en bénéficient le plus sont d’abord ceux du commerce et de la distribution ; l’industrie arrive loin derrière. Au reste, vous évoquez un avantage fiscal moyen de 5 millions d’euros, quand la Cour des comptes l’estime à 30 millions ! Vous usez sans cesse de l’argument des petites entreprises, qui en seraient les premières bénéficiaires ; le rapport indique quant à lui que près des deux tiers de son montant bénéficient à 1 % des donataires et des héritiers. Vous avancez enfin qu’il aurait créé des emplois sans nous donner d’éléments chiffrés. Le rapport…
M. Michel Herbillon
Il n’est pas sorti !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Certes, mais j’ai quand même tendance à croire que Le Monde ne raconte pas n’importe quoi ! (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe DR.) Chers collègues des Républicains, si ce que rapporte Le Monde figure bien dans le rapport de la Cour des comptes, j’espère que vous serez d’accord avec moi pour modifier le pacte Dutreil… (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.) Votre argument est donc malhonnête.
Ce que dit le rapport, c’est que les entreprises transmises sous ce régime affichent un taux d’investissement similaire à celui des sociétés qui ont été transmises en dehors de celui-ci. Il serait également sans effet notable sur l’emploi. Bref, tous vos arguments et vos exemples de petits commerçants sont manifestement déconstruits par ce rapport. La Cour suggère par conséquent de réduire le taux de l’abattement, d’allonger la durée de l’engagement individuel et de revoir le périmètre de la niche – soit les propositions contenues dans les amendements que nous examinons ! Que les Républicains n’envisagent pas de changer d’avis si le contenu du rapport est conforme à ce que nous avons pu en lire dans Le Monde ne m’étonne pas. J’espère en revanche que ceux de nos collègues qui sont un peu plus honnêtes intellectuellement seront prêts à voter ces amendements avec nous. Je me tourne vers M. Midy : qu’en pensez-vous ? Non ? Vous dites comme M. Wauquiez ? C’est bien dommage !
M. Alexis Corbière
Ils ne veulent pas de recettes !
M. le président
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
J’irai dans le même sens que M. le président de la commission des finances. On ne peut pas se servir des rapports de la Cour des comptes uniquement quand cela nous arrange !
M. Patrick Hetzel
C’est une experte qui parle ! Vous êtes coutumière du fait !
Mme Aurélie Trouvé
Il se trouve que Le Monde s’est procuré une synthèse de ce rapport et qu’il en cite certains passages : la Cour des comptes estime que l’« efficience économique » du pacte Dutreil est « faible », alors qu’il coûte cher du fait de règles « exagérément favorables ». La perte de recette fiscale est estimée à 5,5 milliards d’euros en 2024 !
M. Alexis Corbière
C’est énorme !
M. Nicolas Sansu
C’est une sacrée niche !
Mme Aurélie Trouvé
Selon la Cour, ses résultats sont donc mitigés – on peut même dire que son efficacité est nulle, si l’on compare le taux d’investissement des entreprises transmises sous ce régime à celui des entreprises transmises en dehors de celui-ci. Le rapport ajoute : « On ne constate pas non plus d’effet notable sur l’emploi. » Il faut rompre avec le mythe de l’entreprise familiale : seules les plus grandes entreprises tirent parti de ce dispositif ! Monsieur le ministre, vous le dites vous-même… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
Je m’adresse aux collègues de gauche qui soutiennent que nous serions contre le travail parce que nous cherchons à protéger l’héritage contre une taxation excessive. Au groupe Horizons, nous pensons qu’il faut valoriser le travail à toutes les étapes de la vie…
M. René Pilato
Sauf quand il s’agit d’augmenter les salaires !
M. Loïc Kervran
C’est valable quand on est actif : ceux qui travaillent doivent gagner davantage que ceux qui ne travaillent pas. C’est valable à la retraite : la pension de celui qui a cotisé doit être supérieure à celle de celui qui n’a pas cotisé. Et c’est valable aussi lors de la transmission d’un héritage. Le seul héritage auquel nous sommes opposés est sans doute celui du communisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, EPR et UDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Alexis Corbière
C’est subtil !
Mme Danielle Simonnet
C’est minable !
M. le président
Je m’en tiens à un pour, un contre. Nous élargirons la discussion lors de l’examen des prochains amendements.
(Les amendements nos 2878 et 2882, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 3163.
Mme Claire Lejeune
Depuis le début de cette discussion, nous montrons comment le pacte Dutreil favorise l’essor d’un capitalisme d’héritage. Bien loin de nous démentir, vous l’assumez pleinement ! Il est pourtant complètement contraire à ce que devraient être nos principales préoccupations, en tant que républicains soucieux de défendre l’égalité.
Mme Marie-Christine Dalloz
On ne partage pas les mêmes dogmes !
Mme Claire Lejeune
Le collègue du groupe Horizons vient d’expliquer que le mérite serait transmissible. Un enfant d’une famille aisée serait fondé à hériter parce qu’il aurait plus de mérite ? (Protestations sur les bancs du groupe HOR.) C’est bien ce que vous dites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Autrement dit, vous êtes à l’opposé de l’idée d’égalité des chances que vous prétendez défendre par ailleurs.
Un député du groupe DR
On parle de travail !
M. Éric Michoux
Montez une entreprise, et on en reparle !
Mme Claire Lejeune
Assez de malhonnêteté ! Quant à votre défense du pacte Dutreil au nom de la souveraineté, elle est tout aussi malhonnête : quand on sait que le bloc dont vous faites partie a fait passer la part de l’industrie sous les 10 % du PIB, c’est n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. François Ruffin
Elle a raison !
M. le président
Sur l’amendement n° 3292, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Comme beaucoup sur ces bancs, cela fait des heures que j’assiste à ce débat budgétaire et on a un peu l’impression d’être dans Un jour sans fin ! (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Charles Sitzenstuhl
C’est sûr !
M. Laurent Wauquiez
À peine avez-vous voté une nouvelle taxe que vous passez à la suivante, en vous demandant s’il n’y aurait pas, par miracle, un nouveau petit coin de fiscalité à enfoncer. Au cours de la semaine dernière, vous avez voté sans vergogne des milliards d’euros d’impôts supplémentaires, et vous cherchez à présent à massacrer les entreprises françaises lors de leur transmission ! (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Nicolas Sansu
Massacrer les entreprises ?
M. Laurent Wauquiez
Pendant ce temps, personne ne parle de déficit budgétaire.
M. René Pilato
On cherche justement de l’argent !
M. Laurent Wauquiez
Je ne vous ai jamais entendus soutenir la nécessité d’économiser sur les dépenses ! En revanche, vous êtes d’une créativité sans fin quand il s’agit d’inventer des taxes et des impôts ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Vous ne redresserez pas le pays en massacrant ceux qui créent de l’emploi et de la valeur. Cessez de taxer et d’écœurer… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Chaque groupe aura la parole, il ne sert à rien de hurler.
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Monsieur le président Wauquiez, vous dites suivre les débats, mais on ne croirait pas : soit vous débarquez soit vous ne savez pas compter ! Le seul chiffrage de la première partie du PLF dont nous disposons à ce jour estime la perte de recettes à 584 millions d’euros. Il faudrait suivre un petit peu !
M. Laurent Wauquiez
Tout ce que vous avez voté n’a pas encore été pris en compte ! Une véritable évaluation de Bercy serait d’ailleurs bienvenue, madame la ministre.
M. François Ruffin
Pendant huit ans, vous avez supprimé 55 milliards d’impôts et vous voulez continuer dans cette voie ! Qui met le pays au bord du gouffre financier ? Qui provoque le chaos budgétaire ? Vous et vos députés ! Vous refusez d’imposer ce qui pourrait l’être ! Vous l’avez prouvé sur le pacte Dutreil, les holdings, la flat tax, les transmissions d’entreprises : à chaque fois, pour vous, c’est non ! Vos choix précipitent la France dans le mur financier, monsieur Wauquiez ! (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Vous devriez suivre : nous en sommes à 584 millions de recettes en moins, par rapport à l’objectif de recettes attendues ! Nous attendons le chiffrage du gouvernement…
M. Laurent Wauquiez
Bercy n’a pas encore intégré le produit de l’impôt sur les multinationales !
M. François Ruffin
Nous verrons bien. À ce stade, l’estimation fournie par Mme de Montchalin n’indique pas un redressement fiscal, loin de là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Je voudrais aborder le pacte Dutreil sous l’angle des investissements étrangers en France. Nous savons que des entreprises françaises sont rachetées par des pays étrangers – principalement les États-Unis – à cause de notre fiscalité sur la transmission, qui contraint les héritiers de ces entreprises à les vendre pour payer les droits de mutation.
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas pour des questions d’héritage !
M. Hervé de Lépinau
Le président de la République, qui doit occuper son temps d’ici à 2027 (Exclamations sur les bancs du groupe EPR), organise d’ailleurs le 17 novembre un nouveau sommet Choose France. Il se vante d’organiser ce sommet pour les investisseurs français, mais c’est complètement faux : il s’agit d’une grande braderie de l’industrie française au profit des étrangers !
N’affaiblissons pas le pacte Dutreil : c’est un outil important pour préserver notre souveraineté industrielle. Je me réjouis de voir M. le ministre Serge Papin acquiescer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Nous avons été plusieurs, à commencer par les ministres, à rappeler que le pacte Dutreil protège les transmissions d’entreprises. Mais, rassurez-vous, les droits de mutation demeurent bien plus élevés en France que dans l’ensemble des pays européens ; ce n’est pas encore la panacée, il reste très difficile de transmettre son entreprise ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas vrai !
Mme Olivia Grégoire
Notre collègue du groupe écologiste a soulevé la question de la transmission aux salariés. Il serait intéressant – et M. le ministre Papin l’a évoqué – de réfléchir calmement aux moyens d’améliorer les dispositifs existants, notamment ceux visant les héritiers indirects, et d’encourager la transmission aux salariés selon les nouveaux modes de gouvernance – société coopérative d’intérêt collectif (Scic), Scop, société anonyme à participation ouvrière (Sapo), qui sont autant de solutions possibles. Pourra-t-on plancher sur le sujet avec Bercy, monsieur le ministre, madame la ministre ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Oui !
Mme Olivia Grégoire
Nous avons encore du travail.
Mme Sophia Chikirou
Vous n’avez rien fait pendant huit ans !
Mme Olivia Grégoire
Si !
M. le président
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Monsieur le ministre, pourquoi ne prenez-vous pas en compte les premières conclusions du rapport de la Cour des comptes sur le pacte Dutreil ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Parce qu’on ne l’a pas lu !
Mme Aurélie Trouvé
Je n’ose pas croire que Le Monde ait eu accès à une première synthèse et pas vous ! Que pensez-vous de l’idée consistant à ne plus prendre en compte les biens et actifs non professionnels, comme le propose notre amendement ? Par ailleurs, êtes-vous toujours d’accord avec vos propos du 19 octobre, monsieur le ministre, selon lesquels « on ne peut pas fermer les yeux sur certains abus manifestes qui dénaturent l’esprit du dispositif » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je voudrais insister sur les effets pervers d’une transmission d’entreprise en dehors du pacte Dutreil. L’héritier est obligé de vendre. Un fonds va acquérir l’entreprise et vouloir se rembourser ce qu’on appelle la dette senior. Il y aura une opération de LMBO (Leveraged Management Buy-Out), avec une remontée des dividendes, qui va complètement assécher l’entreprise. Voilà ce qui se passe en réalité.
M. Bastien Lachaud
C’est déjà ce qui se passe partout avec le pacte Dutreil !
M. Jean-Paul Mattei
Je n’ai jamais vu de transmissions d’entreprise dans le cadre familial qui auraient inclus du patrimoine non affecté à l’activité, notamment parce que cela ne correspond pas à l’esprit du dispositif et pourrait donc faire l’objet d’un contrôle fiscal. Je peux également témoigner que toutes les entreprises qui ont dû être cédées à des fonds d’investissement ont vu, quelques années après, leur activité être délocalisée ; l’emploi a donc été détruit. Vous pouvez m’opposer tous les rapports du monde, je vous apporte des éléments objectifs recueillis sur le terrain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Je voudrais poser une question aux collègues de gauche et d’extrême gauche…
M. René Pilato
Il n’y a pas d’extrême gauche ; en revanche, vous êtes d’extrême droite !
M. Gérault Verny
Quel serait selon vous le juste niveau de prélèvements obligatoires ? M. Ruffin évoque un objectif de justice fiscale, mais où le situe-t-il ? Faites preuve de clarté, cessez les faux-semblants : êtes-vous favorables à la collectivisation générale de l’économie ? (« Ils le sont ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. René Pilato
Vous, vous êtes pour la rente !
M. Gérault Verny
Monsieur Coquerel, vous savez que le pacte Dutreil est encadré, qu’il se signe forcément chez un notaire.
Plusieurs députés du groupe RN
Chez Mattei !
M. Gérault Verny
Or le notaire – je parle sous le contrôle de M. Jean-Paul Mattei (Sourires) – est un officier ministériel ; en tant que tel, il procède à tous les actes légaux. L’administration fiscale refuse évidemment qu’un pacte Dutreil prenne en compte des biens qui ne seraient pas professionnels. Tel qu’il existe aujourd’hui, ce dispositif est donc bien un outil de souveraineté.
M. Nicolas Sansu
Ah bon ?
M. le président
Merci, cher collègue.
M. Gérault Verny
Collègues de gauche, vous ne pouvez pas vous plaindre de la désindustrialisation de la France tout en vous plaignant du pacte Dutreil, qui est le seul outil efficace pour transmettre… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour un rappel au règlement.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je répondrai à M. Verny, mais il n’est pas le seul à soutenir cela…
M. le président
Sur quelle base se fonde votre rappel au règlement ?
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Sur l’article relatif à la bonne tenue des débats…
M. le président
Facile, je vous le souffle : c’est l’article 100. (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je vous invite à ne pas céder à cette mode, venue de l’autre côté de l’Atlantique, consistant à discréditer des adversaires autrement qu’en argumentant, monsieur Verny !
Mme Geneviève Darrieussecq
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je rappelle que selon la classification du ministère de l’intérieur, personne n’appartient à l’ultragauche ou à l’extrême gauche dans cet hémicycle ; en revanche, à l’extrême droite… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Je veux bien être gentil, monsieur le président, mais vous ne citez pas le bon article, et votre intervention ne s’apparente pas à un rappel au règlement.
Après l’article 3 (suite)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Nous convenons tous qu’il faudrait éviter d’inclure les biens non professionnels dans le pacte Dutreil. Des amendements qui me paraissent mieux rédigés seront examinés dans quelques instants.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout à fait !
M. Charles de Courson
Puisqu’il y a quasi-unanimité sur le sujet, que le président Coquerel retire son amendement à leur profit ! Et cessons de nous chipatouiller sur de faux débats ! (Sourires.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Les socialistes voteront pour l’amendement n° 3163.
Nous ne comprenons pas pourquoi il n’a pas été présenté en discussion commune avec les amendements nos 706 et identiques qui suivent, car il s’agit de la même question et sa rédaction est très semblable. L’intention est la même : nous ne souhaitons pas que les biens non professionnels ou les sommes qui ne sont pas affectées à l’activité opérationnelle de la société fassent l’objet d’une exemption.
À écouter les réactions de MM. Wauquiez et Verny, j’ai l’impression qu’on ne parle pas de la même chose. Nous proposons de maintenir le pacte Dutreil, mais on le recentre sur l’exonération de la création de valeur par l’entreprise et on exclut le reste : les liquidités qui traînent et les biens qui n’ont rien à voir avec le fonctionnement concret de l’entreprise. Si c’était déjà le cas, le Conseil d’analyse économique ne pointerait pas cette part importante de biens non professionnels retenus dans l’assiette du Dutreil.
Ceux qui veulent défendre le pacte Dutreil doivent voter cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Je vais commencer par être un peu taquin avec mon collègue Loïc Kervran. Nous sommes du même département. Il a dit qu’il ne voulait pas recevoir le communisme en héritage, mais il a bien aimé recevoir les voix du parti communiste au deuxième tour des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations et sourires sur les bancs du groupe RN.) Je ne le regrette pas parce que contre le Rassemblement national, je serai toujours avec lui.
L’amendement Coquerel aurait effectivement pu être mis en discussion commune avec les amendements nos 706 et identiques ; il faut en tout cas adopter l’un d’entre eux. Le pacte Dutreil doit être limité aux seuls biens professionnels. Je ne sais pas sous quelle forme, mais il faut que cela soit bien contrôlé.
On parle toujours du pacte Dutreil en disant « Oh, les pauvres petites entreprises, les pauvres commerçants ! ». Je rappelle que 1 % des donataires et héritiers représentent 3,5 milliards de la niche fiscale. Arrêtez de faire croire que nos amendements qui proposent de limiter le pacte Dutreil portent préjudice aux petites et moyennes entreprises, aux artisans et aux commerçants. (M. Stéphane Peu applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Un des problèmes posés par cet amendement est qu’il exclut toutes les holdings, y compris les holdings animatrices, du bénéfice du Dutreil. Or la fonction de celles-ci est précisément de participer activement à l’activité du groupe. Vous vous trouvez donc en contradiction avec le principe que vous défendez. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Ma deuxième remarque concerne le rapport de la Cour des comptes : il faut arrêter de le commenter, car personne ne l’a lu.
M. François Ruffin
Vous n’avez pas envie qu’on le lise, en tout cas !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
J’aimerais bien le lire, mais personne ne l’a !
M. Nicolas Sansu
Si !
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Serge Papin, ministre
Le rapport de la Cour des comptes n’est pas public. Quant à l’amendement, je suis d’accord avec M. de Courson : il pourrait être retiré au profit des amendements nos 706 et identiques.
Il faut parler des abus manifestes, des biens somptuaires. La porte est ouverte. La ministre des comptes publics aura l’occasion de s’exprimer. Je rappelle que les abus caractérisés font l’objet de sévères sanctions infligées par l’administration fiscale.
(L’amendement no 3163 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3292.
M. Nicolas Sansu
Cet amendement propose d’empêcher la cession de titres démembrés dans le cadre du pacte Dutreil et d’éviter ainsi le cumul de deux niches fiscales qui permettent de réduire de manière importante l’imposition.
L’abattement est aujourd’hui de 75 %. Les droits sont donc calculés sur la portion de 25 %, mais, avec le démembrement, ce taux peut encore être réduit à 12,5 %, voire à 6,25 % si le donateur a moins de 70 ans. L’abattement total dans le cadre du pacte Dutreil peut donc atteindre 93,75 %.
M. Emmanuel Maurel
Pas mal !
M. Nicolas Sansu
Voilà la réalité des cessions de titres démembrés dans le cadre du pacte Dutreil quand le donateur a moins de 70 ans !
M. Emmanuel Maurel
Il doit pouvoir y avoir un compromis, là !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement a été rejeté en commission.
L’anticipation de la transmission par la nue-propriété vise à préparer la transmission en créant une sorte d’ affectio societatis chez les bénéficiaires.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Jean-Paul Mattei a dit quelque chose de très important. La période de transmission, quel qu’en soit le mode, est pour l’entreprise une période de fragilité car le rachat se fait au moyen de ses bénéfices, de ses dividendes.
Pendant des années, nos collègues de gauche ont dit que les fonds de pension étrangers, notamment américains, étaient ce qu’il y avait de pire. Aujourd’hui, à les entendre, il semble que l’actionnariat familial français soit encore pire. C’est la lutte des classes absolue ! (M. Laurent Wauquiez applaudit.)
Mme Mathilde Feld
Vous caricaturez !
M. Sylvain Maillard
Vous avez raison de vous battre pour le maintien de l’emploi en France, mais l’emploi est mieux protégé par l’actionnariat familial français, qui est attaché au territoire et qui ne va pas se battre pour gagner un peu plus. Je suis vraiment très surpris par votre discours de lutte des classes. C’est insupportable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Michel Barnier applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question. Dans La Tribune Dimanche du 19 octobre, vous dites qu’« on ne peut pas fermer les yeux sur certains abus manifestes qui dénaturent l’esprit du dispositif » Dutreil.
Quels sont ces abus manifestes ? Comment comptez-vous y répondre ? On ne vous a pas entendu sur ces points. Si vous croyez à ce que vous dites, le gouvernement aurait dû déposer des amendements pour éviter ces abus manifestes. Or je ne les vois pas ici. C’est bizarre. Peut-être les avez-vous oubliés ? En tout cas, nous les attendons, car ces propos sont ceux d’un gouvernement responsable et je les soutiens. Des corrections doivent en effet être apportées à ce dispositif, qui coûte quand même 5,5 milliards à la collectivité, dont 3 milliards vont aux très grandes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. François Ruffin applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3292.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 87
Contre 148
(L’amendement no 3292 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 170 de M. Olivier Fayssat est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Monsieur Coquerel, vous semblez vous passionner pour les avis de la Cour des comptes. Je vous propose donc de faire un pari. Soumettons le programme du Nouveau Front populaire et ses 150 milliards d’impôts supplémentaires à l’évaluation de la Cour des comptes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) Si elle estime que son impact sur l’économie serait négatif et qu’en conséquence vous abandonnez votre programme, je m’engage à suivre tous les avis de la Cour des comptes sur le pacte Dutreil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
Eh oui !
M. le président
Sur l’amendement no 3342, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
La droite macroniste nous dit qu’en mettant à mal cet avantage fiscal, nous allons ouvrir la voie aux fonds d’investissement. C’est un peu fort de café ! Je rappelle que, avec Emmanuel Macron, vous avez vendu la branche énergie d’Alstom aux Américains de General Electric, vous avez vendu Lafarge aux Suisses de Holcim. Demain soir, je serai chez Arcelor, qui a été vendu aux Indiens de Mittal.
Mme Sophie Taillé-Polian
Eh oui !
M. François Ruffin
Cela ne s’arrête pas là : Alcatel a été vendu aux Finlandais de Nokia, Thomson a été liquidé pour 1 euro et Pechiney a été vendu à Alcan. Vous avez laissé partir nos fleurons industriels et, maintenant, vous venez nous faire la leçon ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Au cours des dix dernières années, 1 500 entreprises françaises ont été cédées aux fonds de pension anglo-saxons.
M. Sylvain Maillard
Aucune avec le pacte Dutreil, justement !
M. François Ruffin
Vous n’avez pas levé le petit doigt alors que, pour certaines entreprises, comme Latecoere et Exxelia, l’outil Montebourg aurait pu être utilisé.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur Midy, vous vous trompez : notre programme prévoit 180 milliards d’impôt et non 150. J’ajoute qu’il prévoit un solde de 26 milliards, qui permet non seulement de faire baisser le déficit mais en plus d’investir. Mais pour l’instant, c’est vous qui gouvernez, pas nous, et c’est donc sur votre politique que se base la Cour des comptes. (M. Dominique Voynet applaudit.) Son rapport devrait sortir le 10 novembre. J’espère qu’après l’avoir lu, vous changerez votre vote en seconde lecture sur tous les amendements que vous avez rejetés.
M. Sylvain Maillard
J’espère que vous aussi !
(L’amendement no 170 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l’amendement no 3342.
Mme Sophie Taillé-Polian
Je présenterai également l’amendement no 3352, qui fait l’objet d’une discussion commune à venir.
À ce moment du débat, je ne peux que faire un constat d’échec, une nouvelle fois.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Non ! Il faut être patiente.
Mme Sophie Taillé-Polian
Si, madame la ministre ! Nous avons fait de nombreuses propositions pour réduire le nombre d’entreprises visées afin de recentrer le dispositif sur les PME ou encore pour revenir à la durée d’engagement initiale des héritiers. C’est la grande hypocrisie ! Vous nous dites que personne n’a lu le rapport de la Cour des comptes. Tout le monde l’a lu ! Sa synthèse a paru dans Le Monde le 23 octobre.
Vos simagrées autour du compromis apparaissent pour ce qu’elles sont : un vaste mensonge ! Nous pourrions faire quelque chose de majeur, comme sur les grandes transmissions.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ça arrive !
Mme Sophie Taillé-Polian
Mais pas à la marge, madame la ministre ! Oui, nous voulons des taxes, mais vous, monsieur Wauquiez, vous vous demandez à chaque seconde comment détruire le service public, comment précariser encore davantage ceux qui sont déjà les plus précaires. Chacun ses obsessions !
M. Patrick Hetzel
Vous êtes dans la nuance, comme toujours.
Mme Sophie Taillé-Polian
Madame la ministre, les heures passent et je ne vois aucune volonté de compromis avec la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Mais si !
M. le président
Je suis saisi de cinq demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 3352, par le groupe Écologiste et social, et sur les amendements n° 706 et identiques, par les groupes Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire, de la Gauche démocrate et républicaine et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur cet amendement, nous nous en tiendrons à un pour, un contre.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je simplifie, mais l’idée de votre amendement est d’appliquer le pacte Dutreil essentiellement aux petites entreprises. Or ce sont surtout les très grandes entreprises qu’il faut protéger, car les Français n’ont pas l’argent pour les racheter et ce sont celles qui intéressent le plus les investisseurs étrangers.
Avis défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian
Je suis déçue !
M. Alexis Corbière
Vous lui brisez le cœur ! (Sourires.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
En France, à la différence de l’Allemagne, nous avons de très grandes entreprises et de très nombreuses PME. L’Allemagne compte beaucoup plus d’ETI. Les grandes entreprises sont des fleurons qu’il faut préserver…
M. Bastien Lachaud
Il n’y en a plus ! Vous avez tout détruit !
M. Serge Papin, ministre
…et l’ambition, pour les petites entreprises, est de les faire passer dans la catégorie des ETI. Sans le pacte Dutreil, nous n’y arriverons pas. C’est le défi du leadership économique français.
Le rapport de la Cour des comptes peut aussi être lu en creux : il montre alors que les entreprises sont restées en France.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Pourquoi l’ultragauche ou l’extrême gauche (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP)…
M. René Pilato
Vous, vous êtes ultrastupides !
M. Sylvain Berrios
…s’escrime et s’acharne-t-elle à vouloir casser un dispositif qui fonctionne et qui protège l’entreprise familiale – laquelle représente le cœur de notre économie ?
Selon M. Le Coq, la réponse est simple : si les héritiers n’ont pas suffisamment de liquidités, ils paieront avec leurs actions. La réalité est que vous voulez faire entrer l’État dans le capital des petites entreprises.
Mme Sophie Taillé-Polian
Mon Dieu ! Ciel !
M. Sylvain Berrios
Comme si l’État était capable de les gérer ! Dans quel monde vivez-vous ? Ne cassez pas ce qui fonctionne !
Enfin, je m’adresse au président Coquerel : vous présidez une commission, vous n’êtes pas le porte-parole de LFI !
M. René Pilato
Dites cela aussi au rapporteur général !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
En tant que président de la commission, ma parole est libre ! Ça va, quoi !
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je soutiens l’amendement de ma collègue Sophie Taillé-Polian. Nos échanges mériteraient un peu plus de nuance, malgré nos désaccords. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et HOR. – M. Sylvain Berrios rit.)
Lorsque nous critiquons le crédit d’impôt recherche – comme le font d’ailleurs toutes les études à son sujet –, vous nous rétorquez que nous voulons briser la recherche. Quand nous plaidons pour la taxe Zucman, en nous appuyant sur les études qui démontrent que les ultrariches paient moins d’impôt que le reste de la population, vous nous accusez de vouloir faire partir les plus grandes fortunes.
M. Gérault Verny
C’est vrai ! Assumez un peu !
M. Alexis Corbière
Nous traitons de l’héritage et vous nous reprochez de mépriser les familles ; nous évoquons le pacte Dutreil et vous nous accusez de nouveau de vouloir faire partir les entreprises françaises.
M. Sylvain Berrios
Vous avez bien compris !
M. Alexis Corbière
Je veux simplement rappeler quelques chiffres à M. Midy et à ceux dont l’héritage aura peu de valeur – je veux parler de l’héritage du macronisme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) En 2021, le gouvernement que vous souteniez – oui, monsieur Kasbarian, écoutez-moi ! – a accepté la vente de 124 entreprises françaises sensibles à des fonds étrangers ; en 2022, celle de 131 entreprises sensibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS et quelques bancs du groupe SOC.) Chaque année, c’est la même chose, et vous osez nous faire la leçon. Franchement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Paul Midy s’exclame.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3342.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 239
Nombre de suffrages exprimés 237
Majorité absolue 119
Pour l’adoption 70
Contre 167
(L’amendement no 3342 n’est pas adopté.)
M. le président
Je vous communique quelques informations qui vont vous faire plaisir. Depuis 15 heures, nous avons examiné quarante et un amendements. Il nous reste à examiner 2 301 amendements, ce qui nécessiterait, à l’excellent rythme horaire actuel de vingt amendements, cent-treize heures de débat. Cela étant dit, je suspends la séance. (Sourires.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)
M. le président
La séance est reprise.
Je suis saisi de six amendements, nos 3352, 706, 2335, 2660, 3294 et 3522, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 706, 2335, 2660, 3294 et 3522 sont identiques.
L’amendement no 3352 de Mme Sophie Taillé-Polian a été soutenu avant la suspension.
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l’amendement no 706.
M. Christophe Marion
Cet amendement de mon collègue Jean-René Cazeneuve vise à clarifier le contenu des actifs bénéficiant de l’exonération prévue dans le pacte Dutreil. En effet, lorsque la transmission des entreprises familiales s’effectue par l’intermédiaire d’une holding et dans certains cas précis, l’exonération de 75 % s’applique non seulement à des actifs professionnels, mais aussi à des actifs personnels. Nous proposons de remédier à cette imprécision en rendant les biens personnels explicitement inéligibles à l’exonération du pacte Dutreil.
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour soutenir l’amendement no 2335.
Mme Françoise Buffet
Le pacte Dutreil est un outil indispensable pour assurer la transmission des entreprises françaises. L’idée est simple : il vaut mieux réduire la fiscalité sur la transmission plutôt que de provoquer la cession contrainte de l’entreprise à un fonds d’investissement ou à un acteur étranger. Toutefois, les holdings animatrices éligibles au pacte peuvent intégrer des actifs sans lien avec l’activité économique. L’année dernière, à l’initiative de notre collègue Charles de Courson, l’Assemblée a voté la restriction de l’exonération « à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société ». La disposition ne figurait toutefois pas dans la loi de finances initiale pour 2025. Par cet amendement, nous proposons de l’introduire dans ce PLF.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l’amendement no 2660.
M. Manuel Bompard
Il s’agit vraiment d’un amendement d’extrême repli. Il vise à retirer les biens non professionnels de la liste des actifs pouvant être exonérés au titre du pacte Dutreil.
Ayant entendu les interventions venant des bancs des ultranuls au bilan calamiteux (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR), je crois nécessaire de vérifier la sincérité de leurs arguments. Si c’est vraiment au nom de la protection des petites entreprises, des entreprises moyennes ou des entreprises de taille intermédiaire – les arguments ont beaucoup varié – que vous refusez toute modification du pacte Dutreil, vous devriez voter à l’unanimité pour en exclure les biens non professionnels. (M. René Pilato applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 3294.
M. Emmanuel Maurel
L’amendement est réformiste, c’est le moins qu’on puisse dire. Il n’a rien d’ultra. Au contraire, il est très modéré : il s’agit simplement de corriger le scandale qui consiste à ce que des biens personnels puissent être intégrés dans le pacte Dutreil. Nous pouvons certainement parvenir à un compromis en la matière, par l’adoption de cet amendement de repli.
En gros, nous refusons qu’un chalet qui contient un bureau soit couvert par le pacte Dutreil, quand bien même ce serait un lieu de télétravail. Ce n’est pas un exemple caricatural, cela existe !
M. Midy suggère de demander à la Cour des comptes de passer au crible le programme du NFP. Cela se fera peut-être un jour. En tout cas, je vous invite à lire tous les rapports de la Cour sur votre bilan ; vous verrez, c’est du solide ! Sur le déficit public, la dette publique ou encore le déficit commercial, la Cour des comptes a beaucoup à dire ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS. – M. Pierre Pribetich applaudit également.)
Mme Olivia Grégoire
On gouvernait pendant le covid !
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 3522.
M. Charles de Courson
Comme l’a dit M. Maurel, l’amendement est particulièrement réformiste. Je l’avais déjà déposé l’an dernier et il avait été adopté mais, hélas, il avait été abandonné dans la suite de la procédure. Je constate qu’il fait l’unanimité. Votons-le donc dès à présent. S’il avait été adopté au début de la séance, nous aurions pu gagner deux à trois heures de débat.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a adopté les amendements identiques, dont le principe est bon. J’appelle toutefois votre attention sur leur mise en œuvre, notamment s’agissant de la trésorerie, qui peut faire partie de l’activité opérationnelle : je ne suis pas sûr qu’elle soit comprise dans « la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises ». Nonobstant ce point important, qui pourrait faire l’objet d’une clarification au cours de la navette, je suis favorable aux amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Parfois, le compromis apparaît de lui-même. En l’occurrence, une proposition collective a émergé, des bancs de la gauche jusqu’à ceux du centre. Comme il l’était s’agissant de l’article 3, lorsque nous avons débattu de la taxe sur les holdings et des biens somptuaires, le gouvernement est favorable à ce que soient clairement définis les biens personnels ou somptuaires ne pouvant pas être inclus dans un pacte Dutreil. C’est une évolution importante : jusqu’alors, seule la jurisprudence tendait à en exclure certains biens n’ayant pas vocation à bénéficier du soutien financier de l’État ; ce sera désormais inscrit dans le droit.
Je suis d’accord avec nombre de vos arguments. Néanmoins, au vu de la rédaction des amendements identiques, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée. Il conviendra de trouver dans le cadre de la navette une meilleure traduction légistique de votre intention, car les amendements sous leur forme actuelle excluraient du pacte Dutreil toute la trésorerie de l’entreprise, qui en a pourtant besoin pour investir.
La mesure n’en reste pas moins une étape importante. Beaucoup d’entre vous ont mentionné un rapport de la Cour des comptes qui n’a pas encore été diffusé publiquement ; il me semble que nombre des exemples problématiques de ce rapport cités dans la presse seraient partiellement résolus par l’adoption des amendements. Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée, en attendant de les améliorer pendant la navette.
M. Erwan Balanant
Sagesse plutôt positive !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ces amendements montrent bien que, sur certains sujets discutés de longue date, des convergences peuvent advenir entre différents groupes. C’est tout à l’honneur du Parlement que de procéder ainsi.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Il se fonde sur l’article 100. Les amendements en discussion commune ne sont pas tous identiques. M. le rapporteur général et Mme la ministre n’ont donné qu’un avis chacun. Serait-il possible qu’ils précisent leur avis ?
M. Matthias Renault
Pour une fois qu’un rappel au règlement porte vraiment sur l’article 100 !
Après l’article 3 (suite)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
M. Cazeneuve a raison : l’amendement no 3352 est très différent des amendements no 706 et identiques. L’avis de la commission est défavorable sur le premier et favorable sur les suivants.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Comme le rapporteur général, je suis défavorable à l’amendement no 3352, qui est écrit différemment. C’est sur les amendements identiques qui le suivent que je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Je remercie M. Cazeneuve d’avoir précisé ce point.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Depuis environ deux heures, notre assemblée, en particulier la gauche, donne des coups de boutoir au pacte Dutreil. Ce dispositif vise à faciliter la transmission d’une entreprise familiale – un argument qui, n’en déplaise à M. Bompard, n’a rien de fallacieux. J’en sais quelque chose, car dans ma circonscription se trouve le Vimeu, un territoire encore industriel, largement animé par des ETI industrielles familiales. Tous les chefs d’entreprise que j’ai rencontrés m’ont tenu exactement le même discours : si ce n’était qu’une question de calcul financier, leur entreprise serait délocalisée depuis longtemps.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Matthias Renault
Ils sont attachés à leur entreprise, qu’ils ont reçue de leurs parents et de leurs grands-parents, en sont fiers et veulent rester sur leur territoire.
M. le président
Merci de conclure.
M. Matthias Renault
Ma circonscription compte aussi une autre entreprise industrielle qui appartient à un groupe américain et a été délocalisée pour des raisons… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés des groupes RN et UDR applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je dois souligner la grande faiblesse politique des arguments que vous nous opposez.
M. Hervé de Lépinau
Parce que vos arguments sont lumineux ?
Mme Claire Lejeune
À vous entendre, il n’y aurait que deux choix possibles : favoriser l’héritier d’une entreprise ou laisser la place à un fonds étranger. On ne vous entend jamais proposer d’introduire une dose de protectionnisme pour favoriser la reprise par un acteur national (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ou de favoriser la reprise par les salariés.
M. Hervé de Lépinau
Quels acteurs nationaux ? Vous pensez à la nationalisation ?
M. Gérault Verny
Cela ne marche pas !
Mme Claire Lejeune
Vous présentez une alternative entre la défense de notre souveraineté par le capitalisme d’héritage et la reprise par un fonds étranger. C’est d’une pauvreté intellectuelle et politique abyssale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous vous cachez derrière l’argument de la souveraineté pour cautionner des abus documentés et établis. Le rapport de la Cour des comptes n’est pas novateur en la matière : il rejoint le sommet d’une pile de rapports et de documents produits depuis des années, que vous persistez à ignorer. Cela prouve que votre argument n’est ni politique, ni économique, mais purement idéologique. Encore une fois, vous refusez de modifier le pacte Dutreil, alors que nous en avons urgemment besoin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3352.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 68
Contre 156
(L’amendement no 3352 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 706, 2335, 2660, 3294 et 3522.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l’adoption 94
Contre 49
(Les amendements identiques nos 706, 2335, 2660, 3294 et 3522 sont adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3295. Accepteriez-vous de défendre en même temps l’amendement no 3298 ?
M. Nicolas Sansu
Avec plaisir. Il s’agit de résoudre le problème de la trésorerie excédentaire. Les ministres ont souligné la difficulté d’évaluer correctement la trésorerie affectée à l’activité professionnelle ; je propose de plafonner la trésorerie intégrée dans le pacte Dutreil à 1,5 fois la moyenne du besoin en fonds de roulement constaté lors des trois années précédentes. Toute trésorerie excédentaire serait considérée comme un bien personnel et exclue du pacte Dutreil. Par cette mesure, j’espère éviter que le pacte Dutreil soit contourné par la transmission d’une trésorerie personnelle qui ne serait pas affectée aux besoins de l’entreprise.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Nous avons besoin de stabilité, de continuité et de souplesse. Par conséquent, je donnerai un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question de Mme Trouvé sur ce que vous vouliez dire dans une interview récente quand vous avez soutenu qu’il y avait des « abus manifestes » dans l’utilisation du pacte Dutreil et qu’il fallait une réforme pour rendre le dispositif « plus équitable et efficace ». Votre réponse nous intéresse d’autant plus que vous soutenez à présent qu’il faut de la continuité.
Ensuite, alors que depuis deux heures on nous dit qu’il ne faut rien changer au pacte Dutreil, parce que cela affecterait les entreprises, j’observe que sur les bancs macronistes, de la Droite républicaine et du Rassemblement national, on n’a pas voté en faveur des amendements précédents, qui visaient pourtant précisément à exclure les biens non professionnels de ce dispositif. Cela met assez bien en lumière l’hypocrisie de certains des arguments que nous avons entendus dans cet hémicycle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Charles Sitzenstuhl
Regardez précisément qui a voté quoi !
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’amendement no 3295 de M. Sansu montre bien que l’extrême gauche ne connaît pas grand-chose à la gestion d’une entreprise. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Lorsqu’un dirigeant veut vendre une entreprise qui dispose d’une certaine trésorerie, celle-ci permet entre autres à l’acheteur de rembourser les associés. Généralement, en effet, les chefs d’entreprise investissent énormément d’argent personnel pour permettre à l’entreprise de survivre. Il est donc tout à fait normal qu’au moment où ils cèdent l’entreprise, on rembourse grâce à cette trésorerie ce qui a servi à la faire vivre.
Mme Mathilde Feld
Mais bien sûr !
M. Hervé de Lépinau
Votre amendement est donc totalement antiéconomique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Nicolas Sansu
N’importe quoi !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur le député Bompard, quand, dans la presse ou dans les débats, nous affirmons que nous sommes évidemment mobilisés pour que les dispositifs soient utilisés dans l’esprit de leur rédaction initiale et qu’ils ne soient pas contournés par des abus ou des évitements, nous sommes constants. Le gouvernement, en s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée sur les amendements no 706 et identiques, indique précisément que le ministre Papin, le premier ministre et moi-même voulons clarifier la distinction entre ce qui peut faire l’objet d’une exonération – c’est-à-dire, en quelque sorte, d’un usage de l’argent public en faveur de ces transmissions d’entreprises – et ce qui ne peut pas en bénéficier. Nous sommes tout à fait cohérents – je pense qu’il n’y a pas lieu de remettre en question notre sincérité sur ce sujet.
M. Manuel Bompard
Ah si !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il est donc nécessaire de retravailler ces dispositions pendant la navette. Ce qui est certain, cela dit, c’est que votre proposition consistant à définir un niveau de trésorerie acceptable est par définition arbitraire – pourquoi retenir le chiffre de 1,5 ? –, comme nous l’avons déjà constaté à propos de la taxe sur les holdings. Il y a beaucoup de situations qui demandent un montant supérieur – et peut-être d’autres qui demandent un montant inférieur. Ce n’est pas en fixant précisément aujourd’hui, dans l’hémicycle, le bon niveau de trésorerie, que nous prendrons une disposition adaptée à l’économie française. Je pense qu’il est possible d’être engagé sans être caricatural.
(L’amendement no 3295 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 3298 de M. Nicolas Sansu a déjà été défendu.
(L’amendement no 3298, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public : par le groupe Les Démocrates sur l’amendement n° 3369, par le groupe Écologiste et social sur l’amendement n° 1946, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur l’amendement n° 3291.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l’amendement no 3369.
M. Jean-Paul Mattei
Il vise à éviter des phénomènes d’optimisation et à inciter les dirigeants un peu âgés à transmettre leur entreprise en posant comme condition pour la transmission à titre gratuit – et non en cas de décès – que l’âge d’un des donataires doit être compris entre 18 et 60 ans. Cela doit inciter les dirigeants un peu âgés, qui ont parfois tendance à s’accrocher, à accélérer la transmission. Le but est de permettre la transmission anticipée mais aussi d’éviter des phénomènes que l’on pourrait considérer comme des effets d’aubaine, telle que la transmission à des enfants très mineurs – même si celle-ci présente un risque juridique, certains imaginent réaliser ainsi une forme d’optimisation. L’amendement vise donc à éviter ce genre d’opération.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a adopté l’amendement. J’avais à titre personnel déposé un sous-amendement, monsieur Mattei, pour retirer la borne basse de 18 ans, considérant qu’il y a des cas où le chef d’une entreprise peut souhaiter la transmettre à quelqu’un de plus jeune, mais ce sous-amendement n’a pas été jugé recevable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
M. Bompard n’est plus dans l’hémicycle…
M. Aurélien Le Coq
Il va revenir !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et c’est dommage car il aurait vu que je fais preuve de cohérence. M. Mattei a raison de proposer que nous revenions à l’esprit du dispositif Dutreil. Je rappelle quel est cet esprit : faire une donation à une personne, en général de sa famille, qui doit s’engager à s’intéresser activement à l’entreprise et détenir les titres pendant trois ou cinq ans après la transmission. On a du mal à envisager comment un enfant mineur pourrait s’engager à gérer une entreprise à la suite d’une transmission – je ne parle pas des cas de décès subit qui peuvent amener à une telle situation ; dans ce cas, on trouve un gérant. L’amendement no 3369 porte sur les transmissions volontaires.
M. Jean-Paul Mattei
Absolument !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Votre proposition de définir un âge maximum me paraît également intéressante. Transmettre une entreprise à quelqu’un qui a plus de 60 ans n’est pas vraiment – comme l’a dit le ministre Papin – transmettre à une génération qui prend le relais.
Mme Danielle Simonnet
Ah, enfin !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. Nous n’avons pas fait d’estimation statistique pour vérifier si une telle mesure aurait des effets collatéraux négatifs, mais le gouvernement souhaite accompagner la démarche que vous proposez. Nous verrons au cours de la navette si nous devons ajuster les dispositions prévues ; il nous semble en tout cas qu’il s’agit d’une deuxième évolution de bon sens, fidèle à l’esprit du dispositif.
Cela nous permet, mesdames et messieurs les députés, de constater que nous pouvons très bien recentrer certains dispositifs sans tout envoyer balader et tout remettre en cause, notamment les plafonds et les périmètres. Cette vision me paraît intéressante.
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », monsieur le député Mattei. Je ne comprends pas votre raisonnement : vous expliquez qu’un dirigeant assez âgé ne doit pas transmettre à un enfant s’il est trop jeune.
M. Philippe Brun et M. Erwan Balanant
S’il est mineur !
M. Gérault Verny
Donc trop jeune : c’est ce que je dis ! Un dirigeant qui a un enfant de 16 ou 17 ans ne pourra pas bénéficier du pacte Dutreil au seul prétexte que son enfant est trop jeune. J’avais moi aussi déposé un sous-amendement, monsieur le rapporteur général, mais il a également été jugé irrecevable.
Il en va de même pour la borne haute de 60 ans. Si on considérait que les personnes âgées de plus de 60 ans ne peuvent plus travailler, beaucoup de personnes dans cet hémicycle seraient disqualifiées. (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.) Il faut simplement faire confiance aux entrepreneurs et les laisser s’organiser.
M. le président
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Sans vouloir parler en son nom, je ne crois pas que l’amendement no 3369 de Jean-Paul Mattei soit aussi caricatural que vous le prétendez. Il est frappé au coin du bon sens. Actuellement, plus de 11 % des chefs d’entreprise ont plus de 70 ans ; depuis 2024, 30 000 entreprises disparaissent annuellement faute de repreneur ; 40 % des dirigeants de plus de 70 ans ne trouvent pas de repreneur. (Mme Sandra Marsaud applaudit.) Il y a un éléphant dans la pièce – nous en avons parlé rapidement tout à l’heure, au sujet de la transmission aux salariés. Il y a un vrai problème de vieillissement des dirigeants qui ne réagissent pas assez tôt pour transmettre dans les meilleures conditions. (M. Jean-Paul Mattei applaudit.) L’exposé sommaire de l’amendement no 3369 souligne assez clairement ce problème et il n’est pas aussi caricatural que vous le prétendez. La borne d’âge est un vrai sujet : je vous fais part de ces réflexions car j’en ai fait l’expérience avec les entrepreneurs pendant deux ans à Bercy.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3369.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l’adoption 99
Contre 44
(L’amendement no 3369 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 1946, 3291 et 3523, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir l’amendement no 1946.
M. Tristan Lahais
D’autres l’ont dit avant moi, nous sommes stupéfaits d’entendre année après année, rapport après rapport, qu’il faut étudier la question, travailler, mais surtout ne pas prendre de décision à la va-vite. Votre prudence est à géométrie variable : vos mains ne tremblent pas et vous savez aller vite lorsqu’il s’agit par exemple de faire des réformes dans le champ des politiques sociales.
L’amendement no 1946 ne vise pas à modifier le taux ou l’assiette du pacte Dutreil mais à mettre des conditions à son utilisation – c’est une nécessité, cela a été dit, de même que l’évaluation d’un tel outil. L’amendement propose, d’une part de renforcer l’obligation pour les donataires de conserver les parts de l’entreprise qui leur ont été transmises, d’autre part de garantir le maintien de l’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3291.
M. Nicolas Sansu
Il est bien moins ambitieux que l’amendement no 1946 présenté par mes collègues écologistes, car il ne tend qu’à augmenter la durée de détention, de quatre à huit ans, après deux ans de direction commune auparavant. Cela permettrait ce qu’on appelle, je crois, l’enracinement ; nous jugeons qu’il est très important, si on souhaite vraiment que les entreprises soient transmises dans le milieu familial, de ne pas permettre qu’elles soient vendues au bout de cinq ou six ans sans que les héritiers n’aient à payer de plus-value sur la totalité de la somme – je rappelle qu’ils bénéficient de cet autre avantage fiscal.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 3523.
M. Charles de Courson
Actuellement, en contrepartie de cet avantage considérable destiné à faciliter la transmission, on demande aux héritiers de conserver l’entreprise pendant quatre plus deux ans, c’est-à-dire six ans. C’est la durée de détention la plus faible de tous les dispositifs européens.
M. Nicolas Sansu
Exactement !
M. Charles de Courson
En effet, dans les autres pays de l’Union européenne, celle-ci est souvent beaucoup plus longue. L’amendement no 3523, qui est très modéré, tend à augmenter la durée de détention pour passer à six plus deux ans, soit huit ans. Cela paraît réaliste. Il n’est pas normal que l’on puisse revendre au bout de six ans, en réalisant une plus-value, une entreprise qu’on a obtenue avec une exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit afin d’en favoriser le maintien dans le cadre familial.
Mme Christine Arrighi
Absolument !
M. Charles de Courson
Nous proposons donc d’allonger la durée de détention de deux ans.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les amendements nos 1946 et 3291 ont reçu un avis défavorable de la commission, tandis que l’amendement no 3523 a reçu un avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
L’amendement no 1946 tend à instaurer l’obligation du maintien de la masse salariale. Vous savez, nous sommes dans un changement d’époque. Or les entreprises et les commerces sont souvent les miroirs de l’époque et ils doivent pouvoir s’adapter. C’est pourquoi il faut à la fois de la constance et de la souplesse.
Mme Christine Arrighi
On croit rêver !
M. Serge Papin, ministre
Je suis donc défavorable à cette disposition. Je suis assez ouvert, en revanche, à une discussion sur l’augmentation de la durée des titres. Mais comme les amendements mêlent les deux questions, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Je voudrais simplement signifier au ministre que les amendements nos 3291 et 3523 n’incluent pas la condition du maintien de l’emploi dont il a fait mention, mais ne modifient que la durée de détention.
M. le président
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous redonner votre avis, amendement par amendement ?
M. Serge Papin, ministre
L’avis du gouvernement est défavorable sur l’amendement no 1946 ; je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur les amendements nos 3291 et 3523.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1946.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 231
Nombre de suffrages exprimés 229
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 79
Contre 150
(L’amendement no 1946 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3291.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 76
Contre 141
(L’amendement no 3291 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3523.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 162
Contre 54
(L’amendement no 3523 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 948 et 830, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour soutenir l’amendement no 948.
Mme Claire Marais-Beuil
Il est temps de rappeler quelques vérités : ce sont les entreprises qui créent les emplois dans notre pays. Si l’on veut préserver ces emplois, il faut donc pérenniser l’existence des entreprises.
Or la France perd 20 000 entreprises familiales chaque année. Il est donc urgent de rationaliser et d’alléger la fiscalité de la transmission d’entreprise, afin de permettre à nos entreprises d’être davantage compétitives. Nous proposons à cet effet un nouveau dispositif de transmission : une exonération totale des droits de mutation, à condition que les héritiers s’engagent à conserver l’entreprise pour une durée de dix ans ; l’autre option serait d’opter pour le régime actuel du pacte Dutreil, complété du dispositif de réduction de droits pour âge du donateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Franck Allisio, pour soutenir l’amendement no 830.
M. Franck Allisio
La faiblesse relative du réseau d’ETI dont dispose notre pays par rapport à nos voisins italiens et allemands constitue un handicap pour notre économie. Cette faiblesse s’explique principalement par des raisons fiscales, notamment par la lourdeur de la taxation relative à la transmission du capital.
En effet, selon le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, le coût de la transmission d’une ETI française s’établit entre 7 % et 11 % de la valeur de l’entreprise en ligne directe et entre 15 % et 24 % en ligne indirecte, contre 5 % en moyenne en Europe.
Ainsi, pour une entreprise industrielle valorisée à 300 millions d’euros, il faut entre deux années et demie et huit années et demie pour que l’entreprise puisse s’acquitter du coût global de la transmission, ce qui grève fortement ses capacités d’investissement au cours de cette période.
Les conséquences sont très lourdes sur la compétitivité de l’entreprise, qui peut même être entraînée vers la faillite ou rachetée par des capitaux étrangers. Afin d’entamer une réduction réelle de cette taxation sur les transmissions d’entreprises, l’amendement propose de compléter le dispositif du pacte Dutreil. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
L’exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par le pacte Dutreil est déjà dérogatoire du droit commun. Son taux de 75 % exonérant les trois quarts de la valeur des biens transmis se double en effet d’une réduction de moitié des droits en cas de donation en pleine propriété avant 70 ans, soit au total un taux d’exonération de près de 90 %. Il n’apparaît donc ni raisonnable ni politiquement justifié d’aller au-delà. De plus, les contreparties de cette exonération seraient faibles face au risque constitutionnel élevé de rupture d’égalité devant l’impôt. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je viens en appui de ce qu’a dit le ministre. Quand, il y a plusieurs dizaines d’années, une tentative d’abattement sur les droits de transmission d’entreprise a été proposée, elle a été considérée comme inconstitutionnelle, parce qu’elle n’était pas juridiquement encadrée. Nicolas Sansu évoquait quinze ans d’engagement de conservation – effectivement, il a fallu prévoir un délai.
Si nous votons une exonération à 100 %, avec un engagement pour dix ans, il y aura un problème de rupture d’égalité devant l’impôt. L’adoption de ces amendements présente donc un risque constitutionnel. Certes, la transmission d’une ETI représente des sommes importantes pour la trésorerie de l’entreprise – près de 11 millions de droits de succession pour une ETI de 100 millions d’euros –, mais il existe des dispositifs de paiement différé et fractionné sur quinze ans.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 948.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 86
Contre 139
(L’amendement no 948 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 830.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 231
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 87
Contre 137
(L’amendement no 830 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements nos 2655 et 2651, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2655.
M. Aurélien Le Coq
Il y a un instant, la Macronie radicalisée a refusé, par pure idéologie, que le pacte Dutreil soit conditionné à la conservation de l’entreprise pendant quelques années supplémentaires par les bénéficiaires de l’héritage ou de la donation. Vous versez ensuite des larmes de crocodile en parlant du risque de disparition ou de rachat de nos entreprises. La réalité, c’est que vous votez contre nos amendements, même quand ils visent à obliger les héritiers à garder l’entreprise.
Si les multimilliardaires français ne payent quasiment aucun impôt sur la succession, c’est parce qu’ils exploitent le dispositif du pacte Dutreil, qui vaut aussi pour les holdings. C’est magique : le pacte Dutreil, qui exonère déjà de 75 % les frais de succession, peut être combiné avec le démembrement – on donne la nue-propriété tout en conservant l’usufruit. En combinant les deux, on arrive à des exonérations d’impôt qui atteignent 90 %.
M. le président
Merci de conclure.
M. Aurélien Le Coq
Voilà comment font les plus riches pour ne payer aucun impôt sur… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2655.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 86
Contre 136
(L’amendement no 2655 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2651.
Mme Claire Lejeune
Le problème du pacte Dutreil est qu’il peut être cumulé, dans certains cas, avec d’autres dispositifs, créant ainsi sous nos yeux une société d’héritiers. L’amendement propose de mettre un terme au problème du cumul du pacte Dutreil avec l’exonération de 50 % sur la réunification de la nue-propriété et de l’usufruit, en cas de démembrement.
La Cour des comptes – que vous avez pris l’habitude d’ignorer – explique qu’un propriétaire peut transmettre jusqu’à 1 million de biens immobiliers, en ne payant que 1,8 % de frais de succession. C’est énorme, sachant que ces sommes sont soustraites à la solidarité nationale. Depuis tout à l’heure, vous vous posez en parangon de la connaissance et de la défense des entreprises, mais si celles-ci existent, c’est aussi grâce à nos services publics : il faut donc faire rentrer des recettes pour les défendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot.
Mme Prisca Thevenot
Cet amendement vise à supprimer l’exonération sur l’usufruit dans les transmissions d’héritage. Permettez-moi de rappeler ce qu’est l’usufruit : c’est ce qui permet au conjoint survivant de garder son toit et aux enfants de garder un bien familial sans avoir à le vendre pour payer une part au fisc.
En remettant en cause l’usufruit, vous prouvez à nouveau que vous confondez justice sociale et sanction fiscale. Vous voulez en permanence punir celles et ceux qui travaillent, qui épargnent et qui aimeraient transmettre un jour dignement le fruit de leur travail à leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Michel Herbillon
Elle a raison !
Mme Prisca Thevenot
Vous ne pouvez pas répéter que vous êtes de gauche et que vous défendez le peuple, alors que, depuis une semaine, vous essayez de le matraquer fiscalement à toutes les étapes de la vie ! Nous nous opposons à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
Sur l’amendement no 3122, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Ce n’est pas l’objet de l’amendement : il ne vise pas à supprimer la possibilité de démembrement, mais plutôt à éviter le cumul entre les dispositions du pacte Dutreil et l’exonération de 50 % sur la réunification de la nue-propriété et de l’usufruit. Relisez la partie du code sur laquelle se fonde ce dispositif. Votre grande envolée lyrique tombe un peu à plat !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2651.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 59
Contre 152
(L’amendement no 2651 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 3122 de M. Jean-René Cazeneuve, sur lequel j’ai annoncé un scrutin public, n’est finalement pas défendu.
M. le président
L’amendement no 2106 rectifié de M. Christophe Plassard est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Qu’est-il arrivé à l’amendement no 3122 ?
M. le président
Il n’a pas été défendu.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est très dommage, parce que j’allais lui donner un avis favorable. Je l’ai d’ailleurs annoncé tout à l’heure, quand j’ai fait le point sur les enjeux de transmission et de succession. Puis-je reprendre cet amendement ?
M. le président
Cet amendement n’a pas été défendu ; vous ne pouvez donc pas le reprendre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il aurait aligné l’abattement sur les donations aux enfants du conjoint sur celui des enfants du défunt, afin de tenir compte de la situation des familles recomposées. Il me semblait utile de faire évoluer notre droit en ce sens. Puis-je redéposer l’amendement ?
M. le président
Oui, vous pourrez le faire à la fin.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Puis-je le faire maintenant ?
M. le président
Oui, bien sûr. Il sera examiné à la fin.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement redéposera donc cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Sur le fondement de l’article 100 alinéa 2, relatif à la non-défense des amendements. Il est important de débattre de cet amendement qui adapte le droit aux nouvelles structures familiales.
M. le président
Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement et Mme la ministre a déjà indiqué qu’elle allait redéposer cet amendement.
M. le président
Madame la ministre, quel est votre avis sur l’amendement no 2106 rectifié ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis défavorable.
(L’amendement no 2106 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements nos 2110 et 2112 de M. Christophe Plassard sont défendus.
(Les amendements nos 2110 et 2112, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, pour soutenir l’amendement no 3616, qui fait l’objet de deux sous-amendements identiques, nos 3830 et 3833.
M. Guillaume Kasbarian
Cet amendement vise à faciliter l’accès des jeunes à la propriété en leur permettant de bénéficier d’un don de leurs grands-parents ou arrière-grands-parents – jusqu’à 100 000 euros chacun – pour financer l’acquisition d’une résidence principale, que celle-ci soit neuve ou ancienne.
M. Nicolas Sansu
Ça concerne seulement certains jeunes !
M. Guillaume Kasbarian
Notre collègue François Jolivet, dont je salue le travail, avait proposé un dispositif sur ce sujet, mais il ne portait que sur le neuf et les gros travaux de rénovation ; mon groupe souhaite qu’il concerne l’ancien comme le neuf – les sous-amendements visant à réintroduire les travaux –, afin d’ouvrir largement aux jeunes la possibilité de la propriété privée. Il importait d’inclure l’ancien, qui représente 900 000 transactions, contre 100 000 environ pour le neuf ; cette extension du dispositif permettra donc de répondre aux besoins des jeunes, qui ne se tournent pas seulement vers le neuf et peuvent avoir envie d’acheter une maison ancienne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Nicolas Sansu
Il y en a qui dorment dans la rue !
M. le président
Sur cet amendement, no 3616, et ses sous-amendements, no 3830 et identique, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 3830.
Mme Danielle Brulebois
Ce sous-amendement à l’excellent amendement du ministre Kasbarian…
M. Nicolas Sansu
Ça commence mal…
Mme Danielle Brulebois
…tend à rétablir l’éligibilité des travaux de rénovation énergétique du logement principal à l’exonération des droits de donation prévue par la loi de finances pour 2025.
Alors qu’elle joue un rôle essentiel dans la lutte contre la précarité énergétique et le réchauffement climatique, cette rénovation ne progresse pas assez rapidement : nous sommes bien loin des objectifs de la loi « climat et résilience ». Or le principal frein réside dans des obstacles financiers considérables. Il serait donc urgent de rétablir cette mesure d’exonération adoptée, je le répète, à l’automne dernier.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir le sous-amendement no 3833.
M. Nicolas Ray
Ce sous-amendement de bon sens, dû à Jean-Pierre Vigier, est identique au précédent, c’est-à-dire qu’il vise à compléter l’excellent amendement de Guillaume Kasbarian…
M. Inaki Echaniz
Oh, arrêtez ! Il a la moustache qui frise !
M. Nicolas Ray
…en l’élargissant aux gros travaux de rénovation énergétique d’une résidence principale, qui sont parfois très coûteux. De surcroît, il s’agit là d’une disposition que l’administration fiscale était en train de valider : son rétablissement contribuera donc également à la stabilité fiscale.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements et l’amendement ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement a obtenu un avis favorable de la commission. Quant aux sous-amendements, ils n’ont pas été étudiés ; j’ignore absolument quel serait le coût de leur adoption et m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
L’année dernière était instaurée, à l’initiative du député Jolivet, cette possibilité de donations augmentées en vue de la construction d’un logement. Votre objectif consistait alors à relancer les permis de construire, les mises en chantier, notamment au profit des jeunes, dont vous aviez donc décidé qu’ils pourraient être aidés en ce sens par leurs parents ou leurs grands-parents. À ce stade, le dispositif fonctionne ; il est en revanche un peu tôt pour l’étendre à l’ancien, ce qui coûterait très cher, d’autant que les primo-accédants à l’ancien bénéficient déjà du prêt à taux zéro (PTZ).
M. Erwan Balanant
Il y a trop de bâtiments à rénover !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
S’agissant des sous-amendements, je tiens à rappeler l’existence du fameux amendement gouvernemental portant article additionnel après l’article 12, que M. Echaniz attend avec beaucoup d’intérêt, et qui prévoit l’extension du dispositif dit Louwagie en vue de faciliter les travaux de rénovation énergétique. En résumé, l’amendement est porteur d’une vision que l’on pourrait soutenir, mais à laquelle concourent d’autres outils. Dans le contexte actuel des finances publiques, il serait un peu risqué de dupliquer des dispositifs qu’il nous faut déjà évaluer et sécuriser.
Je vous le dis avec beaucoup de calme : honnêtement, étendre les exonérations de donation à tout l’ancien serait aller très loin dans l’accompagnement des jeunes générations. Il n’y a aucun doute, monsieur le ministre – cher Guillaume Kasbarian –, concernant le fait qu’elles ont besoin d’être accompagnées, mais à ce stade, je le répète, je ne peux que suggérer le retrait de l’amendement et des sous-amendements ; à défaut, avis défavorable. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Monsieur Kasbarian, vous rendez-vous compte du cynisme de vos positions ?
Mme Prisca Thevenot
Arrêtez avec vos leçons !
Mme Claire Lejeune
Il y a peu, vous tweetiez au sujet de votre loi « antisquat » : « J’assume ce record d’expulsions. […] Ce n’est ni aux propriétaires ni aux contribuables d’assumer le coût des impayés. On devrait même aller plus loin dans le respect de la propriété privée et la rapidité des expulsions. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
S’il vous plaît, chers collègues, seule Mme Lejeune a la parole !
M. Guillaume Kasbarian
Est-ce qu’on pourrait revenir à l’amendement ?
Mme Claire Lejeune
Je passe sur l’inhumanité de cette position quand on voit la détresse des familles jetées à la rue (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) que défend la Fondation pour le logement des défavorisés. Vous ne voulez pas que les contribuables assument le coût des loyers impayés, mais vous n’avez aucun souci à faire financer par l’argent des Français un abattement destiné à favoriser l’accès des héritiers à la propriété. Vraiment, encore une fois, vos positions sont absolument inhumaines et cyniques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement, monsieur Kasbarian ?
M. Guillaume Kasbarian
L’article 70, alinéa 3, de notre règlement, qui a trait à la mise en cause personnelle : je viens d’être mis en cause par l’oratrice (« Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), laquelle a parlé de tout autre chose que de l’amendement – et en particulier de tweets.
Je tiens à signaler à Mme la députée qu’en faisant ce qu’elle fait, avec son groupe, elle me met des cibles dans le dos. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je reçois depuis dimanche des dizaines et des dizaines de menaces de mort parce que des députés de La France insoumise ne respectent pas la propriété privée. Je conteste… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes EPR et LFI-NFP échangent des interpellations.)
Mme Marie Mesmeur
C’est infect ! Plus de 900 personnes sont mortes dans la rue l’année dernière !
M. le président
Restons-en là, monsieur Kasbarian. S’il vous plaît, chers collègues !
Après l’article 3 (suite)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur
Tout ce qui pourra favoriser l’accession à la propriété, répondre à la crise du logement, nous y serons favorables. L’amendement et les sous-amendements ont d’ailleurs une vraie logique, dans la continuité de la proposition, l’an dernier, de M. Jolivet, que je remercie de son initiative. Nous disons vouloir encourager la rénovation, donc l’ancien, plutôt que la construction, qui signifie artificialisation des sols : il serait réellement logique, je le répète, madame la ministre, d’étendre le dispositif en ce sens – réhabilitation de l’ancien, accession à la propriété – afin de répondre à la crise du logement et du bâtiment. Nous soutiendrons pleinement l’amendement comme les sous-amendements.
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour un rappel au règlement.
Mme Claire Lejeune
Il se fonde sur l’article 100 du règlement, ayant trait à la bonne tenue des débats.
M. le président
Arrêtez avec cet article : il porte sur les amendements. Ce n’est pas pour vous que je le dis, madame Lejeune, mais tout le monde l’invoque. Le règlement ne fait pas mention de la bonne tenue des débats. Trouvez-moi tous un autre article pour fonder vos rappels au règlement !
M. Emeric Salmon
Il a raison ! C’est un excellent président !
Mme Claire Lejeune
Pour faire un rappel au règlement, monsieur le président, on a tout de même le droit d’invoquer un article du règlement !
M. le président
Oui, mais le bon ! Sur quel article vous appuyez-vous ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
C’est comme les rapports de la Cour des comptes : personne ne les lit…
Mme Claire Lejeune
Vous ne m’avez pas entendue, je n’ai pas pu m’exprimer !
M. le président
Encore une fois, l’article 100 ne concerne pas la tenue des débats, mais l’examen des amendements. Je vous laisserai vous exprimer, dites-moi seulement sur quel fondement.
Mme Claire Lejeune
Sur celui de l’article 100 : pardonnez-moi, je ne vais pas en inventer un. Je voudrais seulement prendre la parole au sujet de la clarté des débats.
M. le président
Je vais vous la donner. Je le répète, ce que je viens de dire n’est pas pour vous, mais lorsque l’on fait un rappel au règlement, on l’appuie sur un article : essayez que ce soit le bon, au lieu de sortir un numéro qui ne correspond pas au rappel au règlement que vous souhaitez faire. Encore une fois, il n’existe pas d’article concernant la bonne tenue des débats, et l’article 100 porte sur l’ordre dans lequel les amendements sont mis en discussion. Cela dit, madame Lejeune, vous avez la parole.
Mme Claire Lejeune
Pour la clarté du débat, mon propos portera sur l’amendement, puisqu’il existe bien sûr un lien entre la situation des locataires précarisés et la concentration du capital immobilier… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
En revanche, dès lors que nous entrons dans un débat, nous sortons du rappel au règlement ; nous nous arrêterons donc là.
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, de notre règlement. Je souhaiterais répondre à M. Kasbarian que le fait de donner lecture de propos publics de sa part ne constitue en aucun cas une mise en danger de sa personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela fait partie du débat politique que d’évoquer des positions politiques que vous avez exprimées, je le répète, publiquement !
M. le président
Monsieur Bompard, merci, nous avons fait le tour.
M. Manuel Bompard
Arrêtez d’essayer de nous faire passer pour des gens dangereux alors que nous… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Bompard.
Après l’article 3 (suite)
M. le président
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 3830 et 3833.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 219
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 123
Contre 96
(Les sous-amendements identiques nos 3830 et 3833 sont adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3616, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 132
Contre 79
(L’amendement no 3616, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 670 et 3606 tombent.)
M. Nicolas Sansu
Quelle honte !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je souhaitais revenir sur les votes qui viennent d’avoir lieu. Évidemment, le Parlement est souverain. Reste que ces votes ont une double conséquence : d’une part, nous allons chiffrer tant bien que mal – les éléments comportementaux ne sont pas faciles à évaluer – le coût de ces adoptions, significatif pour…
M. Nicolas Sansu
Pour les riches !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…les finances publiques, puisqu’un volume important de donations exonérées concernant l’ancien s’ajoutera à celles qui sont autorisées par ailleurs. D’autre part, jusqu’ici, notre approche résidait plutôt dans une démocratisation de l’accès au logement…
M. Dominique Potier
De l’aristocratie !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…des jeunes générations : cet amendement aura quelques conséquences touchant la concentration. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Nicolas Sansu
Il est fait pour les riches !
M. Sébastien Delogu
C’est des bourgeois !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je tiens à être très claire : nous avons, monsieur Kasbarian – monsieur le ministre –, un certain nombre de limitations concernant l’accès au PTZ. La question d’inclure ou non l’ancien a été, l’an dernier, l’objet d’un très grand débat : vous y aviez répondu négativement. Aujourd’hui, la construction est repartie, entre autres grâce à ce dispositif d’exonération – qu’il faudra évaluer. Je le répète, nous allons le chiffrer ; il m’importe, comme chaque fois, d’être aussi claire et transparente que possible au sujet des conséquences des votes favorables. Je le dis très calmement.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Paul Midy, pour un rappel au règlement.
M. Paul Midy
Il se fonde sur l’article 100, si je ne me trompe pas. Nous sommes très étonnés que l’amendement no 3606 portant sur le plan d’épargne retraite soit tombé. Je tenais à le signaler.
M. le président
Eh bien, je vous laisse à votre étonnement.
M. Inaki Echaniz
Il n’y a plus d’argent !
Après l’article 3 (suite)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 62.
M. Corentin Le Fur
Je défends l’amendement de notre excellent collègue Cordier, qui y tient beaucoup. Je partage le grief de Mme Pirès Beaune : on revient sur le sujet de la donation alors qu’on l’a déjà examiné auparavant, mais ce sont les subtilités du classement des amendements.
Il s’agit ici de lutter contre la surabondance d’une épargne qui ne circule pas assez et qui ne profite pas aux plus jeunes. Nous souhaitons donc faciliter les donations en relevant le plafond d’exonération et en permettant des donations plus régulières.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je vais demander à mes équipes de dresser un bilan consolidé de tout ce qu’il est possible de faire en matière de donation et vous le ferai transmettre dès que possible.
Les propositions précédentes étendent les donations à l’achat ancien, les donations qui peuvent être faites tous les dix ans, celles qui peuvent être faites grâce à des dispositifs dérogatoires au droit commun. Bref, on ne cesse d’ajouter des motifs de donation. Une clarification s’impose et je transmettrai au rapporteur général et au président de la commission des finances un tableau complet le plus rapidement possible.
Je n’ai rien contre les donations ni contre votre amendement a priori, mais si l’on veut faire preuve d’un peu d’équité, il faut avoir une approche globale.
Depuis ce matin de nombreuses dispositions sont adoptées et à un rythme accéléré. Il me semble que c’est aller un peu loin dans l’octroi de largesses nouvelles. Il est temps d’arrêter et de procéder par petits pas en fonction, j’y insiste, d’une vision d’ensemble. Nous pourrons toujours revenir en deuxième lecture, si nécessaire, à votre proposition ; c’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement. En attendant, je le répète, je vais demander à mes équipes, à la direction de la législation fiscale, de faire un point au plus vite sur l’état du sujet.
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
On a déjà une exonération pour les donations de 100 000 euros. S’y est ajoutée, l’année dernière, par l’action de M. Jolivet, une exonération de 100 000 euros dont l’efficacité est limitée. Voilà que M. Kasbarian, qui dénonce pourtant à cor et à cri les avantages fiscaux, l’augmentation de la dette et les aides sociales, est prêt à créer une exonération fiscale pour ceux qui peuvent donner 100 000 euros de plus ! C’est se moquer du monde. Ça ne correspond pas à la vision ultralibérale et « afueriste » qu’il prétend défendre.
M. Guillaume Kasbarian
N’importe quoi !
M. Inaki Echaniz
Il me semble que quand une famille est capable de donner 100 000 euros par enfant puis à nouveau 100 000 euros pour l’achat d’une résidence principale, elle n’a pas besoin d’un avantage fiscal.
Encore une fois, M. Kasbarian, derrière ses grandes moustaches, ne défend que les plus riches de ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Olivia Grégoire
Attaque personnelle !
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je voulais juste réagir à ce que vient de dire Mme la ministre. Je rappelle qu’il s’agit de donations de sommes d’argent. Cet argent existe. Je pense donc qu’il vaut mieux qu’il circule, qu’il génère de la TVA, des droits d’enregistrement, etc.
Dans les calculs que vos services seront amenés à faire, il y a certes les dépenses, mais il serait intéressant de tenir compte des recettes correspondant au fait que cet argent travaille et ne reste pas bloqué sur des comptes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Corentin Le Fur applaudit également.)
(L’amendement no 62 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 1924.
Mme Béatrice Piron
Par le présent amendement, nous souhaitons répondre à la crise du logement, relancer la commercialisation des logements neufs et réduire le stock de logements neufs invendus. Il se rapproche des dispositions défendues par M. Jolivet l’année dernière et par M. Kasbarian, si ce n’est qu’il ne passe pas par une donation ; il vise les personnes elles-mêmes. En 1993, ce dispositif portait le nom de « balladurette ». Il permet d’exonérer la transmission future d’un bien tout en le gardant au cas où on en aurait besoin, pour financer une place en Ehpad par exemple.
Cet amendement ne propose donc pas d’exonération, mais vise simplement à faciliter l’investissement dans la pierre plutôt que dans l’assurance vie.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Mes équipes me font remarquer que, du fait des amendements votés aujourd’hui, entre celui de M. Wauquiez sur les donations d’assurance vie et celui de M. Kasbarian, le plafond total de donations que peut recevoir un enfant de ses deux parents est passé de 200 000 euros à 750 000 euros. (« Bravo ! » et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Alexis Corbière
C’est honteux !
M. Nicolas Sansu
Oui, la honte !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
On a déjà fait beaucoup pour le logement, par le biais des assurances vie, de donations en espèces…
M. Nicolas Sansu
C’est de la folie !
Mme Danielle Simonnet
C’est la fête des riches !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Aussi, madame Piron, paraît-il quelque peu excessif d’y ajouter la donation de la fameuse « balladurette », nommée ainsi en hommage au premier ministre Balladur. Cette mesure, à l’époque, avait tout à fait son sens, dans un cadre fiscal bien différent.
De nombreuses mesures ont été votées aujourd’hui dont j’espère qu’elles produiront l’effet voulu sur le terrain. Reste néanmoins la navette parlementaire et bien des discussions à venir. Je n’ai rien contre votre amendement pris isolément mais, j’y insiste, après tout ce qui a été voté, je pense que ce serait aller un peu trop loin. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Alexis Corbière
Nous sommes choqués.
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Mme la ministre a raison, nous avons déjà beaucoup donné pour ce qui est des transmissions. Or on hérite de plus en plus tard et parfois trop tard pour investir dans des bâtiments et des maisons qui profiteront à l’ensemble des personnes concernées. La ministre l’a dit : on hérite à environ 54 ans. À cet âge-là, on peut encore investir, mais quand les parents décèdent à 90 ans alors qu’on a soi-même 70 ans, on ne fera rien pour le logement.
De plus, l’accès à la propriété dans l’ancien à rénover est un problème. Nous avons décidé de limiter le grignotage foncier en adoptant l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) : il faudra donc rénover le parc ancien. Il faudra aussi rénover celles de nos demeures qui ne répondent plus du tout aux critères environnementaux et de confort attendus.
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron
Je précise que mon amendement ne prévoit pas une donation puisque la personne achète le bien qui sera potentiellement exonéré s’il n’est pas revendu avant la transmission. En 1993, beaucoup avaient tout de même revendu leur bien avant de le transmettre : l’exonération n’est donc pas garantie ou nécessairement effective. En attendant, ça fait rentrer de la TVA et ça permet à des personnes de se loger. Si on n’investit pas aujourd’hui, le problème du logement demeure.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
On se demande sincèrement qui vous défendez avec ce budget.
Un député du groupe EPR
Les Français !
M. Aurélien Le Coq
Quand je dis « vous », je parle de la Macronie, de la droite et du Rassemblement national.
C’est quand même absolument ahurissant. Sur la question de l’héritage et des donations, voilà des heures que vous nous expliquez que vous êtes là pour défendre les enfants qui galèrent ou les jeunes qui n’arrivent pas à se loger. La réalité, c’est que vous êtes en train de vider les caisses de l’État, encore une fois, pour satisfaire la petite partie de la population qui est déjà ultrariche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Savez-vous à qui vous êtes en train de faire des cadeaux ? La ministre expliquait que vous êtes prêts à exonérer des donations allant jusqu’à 750 000 euros ! Mais qui, aujourd’hui, a des parents ou des grands-parents qui peuvent lui donner 750 000 euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.) Dans notre pays, il y a 10 millions de personnes pauvres. Plus de la moitié des étudiants ne mangent pas à leur faim. C’est ça, la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR et DR.)
Quand on parle des donations, il faut savoir que 87 % des gens n’héritent de rien, ou presque. Vous êtes… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Je vais poursuivre les propos de M. Le Coq. Effectivement, depuis le début de l’examen de ce budget, on reçoit des leçons de morale de la part de Laurent Wauquiez – qui vient de revenir dans l’hémicycle – et du bloc central sur le fait que la gauche créerait trop d’impôts, trop de taxes, et ferait déraper les comptes publics. Mais à lire les deux amendements adoptés de M. Kasbarian et de M. Wauquiez, on voit bien que ce sont eux qui font déraper les comptes publics ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce sont eux qui coûtent à l’État ! (M. Guillaume Kasbarian fait des signes de dénégation.)
Tout ça pour qui ? Pour des gens qui ont déjà la capacité de donner jusqu’à 750 000 euros – et par enfant, en plus ! Ce n’est même pas une somme totale. Soyez donc cohérents : assumez de vous battre pour les plus privilégiés plutôt que pour les classes populaires et les classes moyennes.
Un dernier fait important : on constate, depuis cet après-midi, qu’un ancien ministre fait sécession, que le bloc commun ne suit pas les avis de la ministre. (Mme Prisca Thevenot forme un cœur avec les doigts en direction de Mme la ministre.) C’est quand même inquiétant quant à la structuration de ce gouvernement et de cette pseudo-majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. René Pilato applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 1924 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 2427, 916 et 3472, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 2427.
M. David Taupiac
Cet amendement vise à sortir de l’assiette de l’IFI les logements qui seraient loués sous conditions de loyer et de ressources. Il y a en effet une crise du logement en France et le but est de mettre en place une incitation fiscale qui permettrait de louer des biens qui relèvent du simple actif patrimonial dormant, souvent des logements vacants, et de les remettre sur le marché.
M. le président
L’amendement no 916 de M. Christophe Blanchet est défendu.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3472.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je le retire.
(L’amendement no 3472 est retiré.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si j’étais taquine, je demanderais sur quel IFI se fondent les deux amendements restant ici en discussion. Je ne sais pas si la référence à l’article du code général des impôts est la bonne.
Je vous rappelle que vous avez voté un sous-amendement de M. Brun à l’amendement de M. Mattei visant à réintégrer dans l’assiette de l’impôt sur la fortune improductive les biens loués. Comme je vous l’ai dit, le nouvel IFI aura au mieux un rendement supérieur de 500 millions d’euros à l’IFI actuel. Il serait étonnant, vu les volontés de cet hémicycle, de retirer les biens loués de son assiette étant donné que le barème de l’IFI a été remplacé par un taux unique de 1 % et que l’exonération a été portée à 1 million d’euros.
Les mesures précédemment votées offrent déjà une sorte de soutien à ceux qui veulent louer des biens. Pour beaucoup d’entre eux, notamment les multipropriétaires, la nouvelle version de l’IFI les soumettra de facto à une moindre pression fiscale. On peut donc considérer que les deux amendements sont satisfaits. De plus, vu les conditions dans lesquelles nous travaillons, ils se superposeraient à l’amendement Mattei sous-amendé et je ne suis pas certaine que ce serait cohérent d’un point de vue légistique. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.
(L’amendement no 2427 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Madame la ministre, ce matin, dans votre énumération des mesures votées concernant les plus fortunés, à hauteur de 5 milliards d’euros, vous avez annoncé 500 millions de rendement pour l’amendement visant à créer un impôt sur la fortune improductive et 3,1 milliards pour l’IFI.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Les critères que vous avez retenus pour arriver à ce rendement de 3,1 milliards tiennent-ils compte de tout ce qui a été voté vendredi, à savoir un abattement supérieur, un seuil à 2 millions d’euros et la fin de la progressivité de cet impôt ?
(L’amendement no 916 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2379, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire et sur l’amendement n° 885, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2379 et 3064, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2379.
Mme Mathilde Feld
Je ne reviendrai pas sur l’indécence des largesses que vous avez octroyées à des héritiers – j’espère simplement que vous saurez être aussi généreux en matière de construction publique et de logement social.
L’amendement vise à plafonner l’abattement sur la résidence principale dont profitent les contribuables assujettis à l’IFI. Cet impôt est miné par les abattements fiscaux : des exonérations partielles sur les forêts, les bois et les terres agricoles, etc., mais aussi par un abattement de 30 % sur la résidence principale, dont le coût budgétaire est estimé à 305 millions d’euros, et qui s’applique quelle que soit sa valeur. Ainsi, pour une résidence principale qui vaudrait 10 millions, l’assiette imposable serait réduite de 3 millions, tandis que pour une résidence principale qui en vaudrait 300 000, l’assiette ne serait réduite que de 90 000 euros. C’est encore, de façon flagrante, un cadeau fiscal fait à des très riches. Nous vous proposons donc de plafonner cet abattement à 400 000 euros. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 3064.
M. Hendrik Davi
Je défends l’excellent amendement de notre collègue Tristan Lahais, qui vise à plafonner à 600 000 euros l’abattement de 30 % sur les résidences principales existant dans l’assiette de l’IFI. Ainsi, pour le propriétaire d’une villa d’une valeur de 4 millions d’euros sur la corniche à Marseille – je donne les prix, pour ceux que cela intéresse de l’autre côté de l’hémicycle –,…
M. Thomas Ménagé
C’est Mélenchon qui peut se le payer !
M. Hendrik Davi
…l’abattement s’élèvera à 600 000 euros au lieu de 1,2 million. L’IFI sera calculé sur la base d’un patrimoine de 2,1 millions d’euros et non de 1,5 million – je n’ai pas fait le calcul, mais, in fine, le propriétaire ne paiera pas beaucoup plus d’impôt.
La question est la suivante : êtes-vous pour faire payer les retraités et les malades – nous en débattrons demain à l’occasion de l’examen du PLFSS, qui souffre d’un vrai manque de financement –, ou êtes-vous du côté de ceux qui possèdent des villas sur la corniche à Marseille ou ailleurs ? En vérité, nous nous posons cette question pour l’ensemble du budget : protégez-vous les plus riches dans le PLF pour mieux taper les plus pauvres dans le PLFSS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Renault
Il se fonde sur l’article 100. Je m’interroge : pourquoi ces deux amendements ne sont-ils pas tombés du fait de l’adoption de précédents amendements ?
M. Aurélien Le Coq
Peut-être parce qu’ils se cumulent ?
M. Matthias Renault
Certes, il y a peut-être un débat sibyllin à avoir : parle-t-on de l’abattement de 30 % ou de l’abattement total ? L’abattement total sur l’IFI que nous avons voté était de 2 millions d’euros plus 1 million.
M. le président
Je vous répondrai plus tard mais si Mme la ministre souhaite le faire je lui donne la parole.
Après l’article 3 (suite)
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Effectivement, on a un peu l’impression d’être dans la deuxième ou la troisième dimension. Voilà ce que je comprends : d’abord, l’IFI – tout comme la référence à l’IFI – existe toujours, jusqu’à ce qu’il soit supprimé. Ensuite, l’amendement de M. Mattei prévoit à la fois une exonération de 1 million d’euros et un abattement de 30 %. À ce stade du processus légistique, l’imbrication entre ces deux mesures n’est pas très claire : est-ce que c’est l’un ou l’autre, est-ce que c’est l’un plus que l’autre – est-ce que c’est cumulatif ?
Il y a du travail en perspective à l’occasion de la navette. En tout état de cause, monsieur le président, je demande aux auteurs des deux amendements de les retirer afin que nous puissions y revenir le cas échéant en deuxième lecture. Nous travaillons ici sur une base juridique très floue – je pense que personne dans cet hémicycle ne comprend ce que nous sommes en train de faire.
M. Jean-Paul Mattei
Je suis d’accord avec vous !
Mme Christine Arrighi
Nous avons voté contre !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je vous propose donc de les retirer – sinon nous sommes dans un monde juridique un peu difficile à suivre.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Nous maintenons le nôtre. Monsieur Renault, la modification introduite par l’amendement de M. Mattei touchait à une partie du code général des impôts et le plafonnement de 30 % figure dans une autre partie du code, qui n’a pas été modifiée. Le vote de vendredi ajoute un abattement – plus précisément une exonération, le mot est utilisé dans l’amendement – à un abattement de 30 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Les deux, aujourd’hui, s’ajoutent – il faudrait disposer d’une interprétation juridique. Cela commence à faire beaucoup. J’entends bien que tout cela n’est peut-être pas très précis mais, au moins, en adoptant ces amendements, on plafonnerait l’abattement de 30 % ; il resterait l’exonération de 1 million qui a été votée – je n’ai toujours pas compris pourquoi – par une grande partie de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Dans un premier temps, je pensais également que ces deux amendements étaient tombés, mais en fait, ce n’est pas le cas. En effet, l’amendement de notre collègue Mattei prévoit un abattement de base de 1 million d’euros, mais nous avons maintenu l’abattement de 30 %. Prenons une modeste maison de 3 millions : après l’abattement de 1 million, il ne reste plus que 2 millions. Ensuite, quand on applique l’abattement de 30 %, plafonné à 600 000 euros – je me réfère à l’amendement qui prévoit de fixer ainsi la limite de l’abattement –, il reste donc 70 % de 2 millions, soit 1,4 million. Dans cet exemple, cela signifie qu’on va taxer uniquement 1,4 million sur les 3 millions, ce qui correspond à un abattement de 55 %. Vous me suivez tous ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Bastien Lachaud
C’est limpide !
M. Charles de Courson
Avons-nous bien compris, madame la ministre ? (Mme la ministre acquiesce.) Sinon, nos éminents administrateurs auraient fait tomber ces deux amendements. Ils les ont maintenus, c’est donc que l’abattement de 30 % existe toujours. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
M. le président
Vous avez très bien résumé les choses, monsieur de Courson. La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
En cette fin de journée, il est intéressant de constater comment certains cherchent à enfermer le débat budgétaire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En gros, vous avez le choix entre augmenter les impôts et augmenter les impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Et avec vous, on a le choix entre faire des cadeaux aux riches et faire des cadeaux aux riches !
M. Inaki Echaniz
M. Wauquiez, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
M. Laurent Wauquiez
La seule question que vous auriez à vous poser est la suivante : qui va payer les impôts ? Soit ce sont les entreprises, soit ce sont les propriétaires immobiliers, soit ce sont les retraités, soit ce sont les classes moyennes. De façon extraordinaire, vous avez fait disparaître un paramètre de nos débats : la dépense publique. Je suis désolé, il y a un autre choix que d’augmenter les impôts : baisser la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Christine Arrighi
Nous y viendrons plus tard, dans la deuxième partie.
M. Laurent Wauquiez
Si vos solutions marchaient, nous serions le pays au monde qui devrait le moins faire payer la France qui travaille et les classes moyennes ; nous sommes à la fois celui qui matraque le plus les entreprises et celui qui matraque le plus les classes moyennes et la France qui travaille. Vos solutions ne marchent pas.
M. Inaki Echaniz
Et les vôtres, elles marchent, peut-être ?
M. Laurent Wauquiez
Si vous voulez préserver la France qui travaille, baissez la dépense publique ! C’est la solution.
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Nous voterons pour ces amendements. Rappelons l’esprit des dispositions adoptées vendredi. Quand on fait la coordination de l’ensemble, il y a évidemment des erreurs – vous avez remarqué par exemple qu’il y avait deux sous-amendements qui modifiaient les seuils, que l’un des deux n’a pas été adopté et qu’en raison de cette non-adoption, il existe deux seuils d’entrée dans le nouvel impôt sur la fortune improductive : un seuil de 1,3 million d’euros et un seuil de 2 millions.
S’agissant du seuil de 1 million que nous avons créé pour les résidences uniques, c’est un plafond, en réalité – l’abattement de 30 % s’applique toujours avec un plafond à 1 million. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En votant les amendements no 2379 de M. Coquerel et no 3064 de M. Lahais, nous abaisserions le seuil, conformément à notre intention initiale.
Notre objectif était d’élargir l’assiette, d’y intégrer les cryptomonnaies, les bijoux, les œuvres d’art, les placements, les liquidités et les contrats d’assurance vie ; l’adoption de l’amendement no 3379 de M. Mattei l’a permis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Maintenant, baissons le seuil d’entrée pour le patrimoine immobilier.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’en reviens à la question que je posais tout à l’heure. Nous cherchons toujours à comprendre ce que nous avons voté vendredi. On sait déjà, vous l’avez dit ce matin, que nous n’avons pas voté un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou l’équivalent – je le précise car cela a circulé sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous avons plutôt voté – vous l’avez dit ici – un IFI diminué ainsi qu’un nouvel impôt sur la fortune improductive dont vous estimez le rendement à 500 millions d’euros.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Voilà.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Tout à l’heure, vous avez dit que vous estimiez le rendement de l’IFI à 3,1 milliards cette année. L’an dernier, il était de 2 milliards…
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il était de 2,8 milliards.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
S’il est de 2,8 milliards, le rendement serait donc supérieur. Mais je ne sais toujours pas comment vous êtes arrivée à ce résultat. Le présent débat montre qu’en réalité, nous n’avons pas comptabilisé une partie des abattements – je suppose que vous ne l’avez pas pris en compte non plus dans votre calcul. Madame la ministre, pourriez-vous refaire l’exercice et nous indiquer précisément, au vu de ces éléments – que beaucoup de nos collègues semblent découvrir – ce que rapporte désormais l’IFI, dont les contours ont été réduits par rapport à l’ancien IFI ? Je doute qu’il rapporte davantage que l’an dernier pour toutes les raisons qui ont été énoncées.
M. Erwan Balanant
Cela vous dérange qu’il rapporte plus ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Lorsque nous travaillons sur des chiffrages, nous travaillons en net. Nous prenons le chiffrage que nous connaissons et nous essayons de déterminer si l’amendement augmente ou diminue le rendement. D’après les estimations de mes équipes, le paquet incluant l’IFI dans sa version initiale et la nouvelle base fiscale représente 3,6 milliards d’euros – 3,1 milliards d’IFI prévus dans le projet de loi de finances initial auxquels s’ajoutent 500 millions pour l’impôt sur la fortune improductive.
Il est vrai que la répartition entre l’immobilier comme assiette de base et la nouvelle assiette, qui inclut les fonds en euro, les liquidités et autres, va probablement bouger – il y aura un peu moins de fiscalité sur l’immobilier et un peu plus sur le reste. Ainsi, la partie immobilière de ce nouveau paquet fiscal sera probablement inférieure aux 3,1 milliards prévus, mais le paquet global est estimé à 3,6 milliards. Par conséquent, les chiffrages partent du texte initial et, après d’éventuels ajouts ou soustractions, nous aboutissons à un résultat net.
Et, monsieur le président de la commission des finances, même si, par définition, vous pouvez toujours entrer à Bercy pour vous livrer à un examen sur place et sur pièces, nous vous indiquerons de manière détaillée – car je n’ai pas ces données devant moi – la manière dont nous chiffrons ces 500 millions additionnels, comment nous arrivons au chiffre de 3,6 milliards et nous vous donnerons la répartition putative entre l’immobilier comme assiette et le reste de l’assiette.
Je comprends à vous écouter que vous êtes nombreux à souhaiter revenir sur cet impôt : sur son périmètre, sur ses paramètres, sur ses seuils et sur ses exonérations.
M. Paul Midy et M. Manuel Bompard
Oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
On peut passer beaucoup de temps à vous donner les chiffrages qui ont été faits ce week-end, mais je pense qu’il faut surtout que les parlementaires travaillent à la manière dont ils souhaitent éventuellement faire évoluer cet impôt, pour qu’ils puissent y revenir en deuxième lecture.
Je lis comme vous les journaux, je suis moi-même interpellée : que fait-on des œuvres d’art ? Toutes sont-elles concernées ? Que fait-on des œuvres classées et des biens qui, jusqu’ici, n’ont jamais été couverts par l’ISF, y compris quand François Mitterrand en avait proposé la première version en 1981 ?
Bref, les parlementaires ont du travail dans la perspective de la navette. Je peux pour vous donner, par définition, tous les chiffrages. Je comprends, monsieur le président Coquerel, que vous voulez jouer un peu politiquement avec une partie de l’hémicycle pour dire que ce qui a été voté ne correspond pas à ce que les uns et les autres disent.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous l’avez dit ce matin !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est votre droit ; mon devoir, c’est, devant vous, de me livrer à un exercice de transparence pour qu’ensuite les parlementaires, je le répète, fassent leur travail au cours de la navette. Voilà quel est mon rôle et que je continuerai de tenir, je l’espère, avec la plus grande responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Il se fonde sur l’article 119 de notre règlement relatif à la discussion des projets de lois de finances. Le président Wauquiez a pris la parole à plusieurs reprises pour s’étonner que nous ne parlions que des recettes et pas des dépenses. Je lui rappelle qu’en vertu des règles qui s’appliquent à la discussion des projets de loi de finances, pour l’instant, nous examinons la partie relative aux recettes. Nous discuterons ensuite des dépenses, mais pour cela nous devons aller jusqu’au vote de la partie sur les recettes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Il se fonde sur l’article 89, alinéa 2, relatif à l’irrecevabilité des amendements au titre de l’article 40 de la Constitution. Il existe un doute sur le rendement exact du nouvel impôt sur la fortune improductive ; par ailleurs, l’amendement n’a pas été gagé. J’ai fait mon propre chiffrage ce week-end (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) : s’il y a une baisse de recettes,… (L’orateur s’interrompt car Mme Monique Griseti fait un malaise.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
M. le président
La séance est reprise. Notre collègue Monique Griseti est entre de bonnes mains.
Après l’article 3 (suite)
M. le président
Bienvenue à M. le ministre délégué auprès de la ministre des comptes publics, qui prend la relève.
Je mets aux voix l’amendement no 2379.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 46
Contre 82
(L’amendement no 2379 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 3064 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 885, 1620 et 551, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 885.
M. Matthias Renault
Cet amendement vise à retrancher de l’IFI – désormais impôt sur la fortune improductive – les bâtiments classés ou inscrits au titre des monuments historiques. La ministre nous a fourni des éléments intéressants : selon les calculs de Bercy, l’impôt sur la fortune improductive rapporterait 500 millions d’euros de plus que l’actuel IFI. On peut être pour ou contre le nouvel IFI ; un débat non dénué d’une certaine hystérie a enflammé le week-end. On observe cependant un décalage entre l’hystérie médiatique et l’ordre de grandeur de cet impôt qui, avec ses 500 millions de recettes supplémentaires, est à mettre en regard des 2 milliards d’impôt en moins qu’on a voté en faveur des PME.
Nous souhaitons qu’au cours de la navette parlementaire, les meubles classés et les œuvres d’art détenues depuis plus de dix ans puissent également être extraits de l’assiette de l’impôt sur la fortune improductive.
M. Aurélien Le Coq
Comme ça, on sera sûr qu’il ne rapportera rien !
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1620.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Plutôt que de passer par des systèmes complexes de subvention ou des acquisitions par les communes, il semble plus opportun de déduire de l’IFI les dépenses de rénovation et de remise en état des bâtiments classés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
M. le président
L’amendement no 551 de Mme Christelle D’Intorni est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La question de l’entretien du patrimoine historique est évidemment cruciale. Cependant, la commission a rejeté tous ces amendements.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l’État, pour donner l’avis du gouvernement.
M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l’État
J’observe une double incohérence. D’abord au regard des dispositifs existants : lorsqu’on est propriétaire d’un monument historique, des sujétions particulières et des travaux s’imposent mais on touche pour cela des subventions souvent considérables, notamment de la part de la direction régionale des affaires culturelles (Drac). Si on était cohérent avec ce retranchement des bâtiments classés de l’IFI, on supprimerait alors ces subventions ; or je ne crois pas que cela soit souhaité par les propriétaires de monuments historiques.
Seconde incohérence, de la part des groupes politiques qui ont voté la création de cet impôt sur la fortune improductive : si j’ai bien suivi la discussion parlementaire, leur but était de soumettre à l’imposition certains biens de valeur qui y échappaient jusque-là, tels que les œuvres d’art ; en retrancher aujourd’hui les monuments historiques paraîtrait incohérent. En raison de cette double incohérence, je donne un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Je trouve incroyable que l’extrême droite veuille ajouter de nouvelles exonérations à l’impôt sur la fortune immobilière après avoir, il y a quelques heures, réduit l’impôt sur l’héritage en instaurant un abattement jusqu’à 750 000 euros par enfant. Vous êtes vraiment devenu le syndicat des très, très riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La ministre a indiqué tout à l’heure que la hausse des recettes induite par le nouvel impôt sur la fortune improductive s’élèverait, au mieux, à 500 millions d’euros. Mais, si j’ai bien compris, le double abattement sur la résidence principale – de 30 % et de 1 million d’euros – n’a pas été pris en compte dans ces calculs. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner une estimation prenant en compte ce double abattement ? Elle risque d’être bien inférieure aux 500 millions évoqués.
M. le président
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Nous serons favorables à ces amendements. Cependant, je relève les incohérences de nos collègues du groupe Rassemblement national.
M. Théo Bernhardt
Jaloux !
M. Laurent Wauquiez
Ils veulent aujourd’hui restreindre l’assiette d’un impôt qu’ils ont eux-mêmes voté la semaine dernière. De même, le Rassemblement national qui, dans les médias, explique qu’il ne faut pas augmenter les impôts a, dans l’hémicycle, voté 38 milliards d’impôt supplémentaire, souvent avec La France insoumise et le Parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
On a voté tes amendements, sois beau joueur !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué
Pour répondre à Manuel Bompard : le chiffrage communiqué par la ministre des comptes publics incluait bien le double abattement.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 885.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 185
Majorité absolue 93
Pour l’adoption 80
Contre 105
(L’amendement no 885 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1620 et 551, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur les amendements nos 1071 et 2745, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 1071.
Mme Mathilde Feld
Il est une dette dont on ne parle jamais ou si peu : la dette écologique. Nous proposons de réduire l’exonération de l’IFI dont bénéficient les propriétaires de forêts, en la conditionnant à l’engagement de ces derniers dans une sylviculture un peu plus écologique.
Actuellement, les propriétés en nature de bois et de forêts ainsi que les parts de groupements forestiers sont exonérées à 75 % de l’IFI, à condition de présenter un simple document de gestion prévu par le code forestier, qui ne permet pas de prendre en compte les enjeux liés à la biodiversité et au climat. L’amendement tend à supprimer l’exonération pour les bénéficiaires qui se contenteraient de ce simple document et à maintenir une exonération à 50 % pour les propriétaires qui s’engageraient en faveur de la biodiversité et de la conservation des puits de carbone. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cet amendement a été repoussé par la commission. L’exonération à 75 % mentionnée est déjà assortie de conditions strictes de respect de l’environnement et d’engagement dans une gestion durable. Si on veut modifier ces critères, il faut passer par le code forestier plutôt que par une disposition d’ordre fiscal.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je tiens tout d’abord à adresser nos vœux de rétablissement à notre collègue.
Le nouvel impôt sur la fortune improductive voté vendredi fait deux types de gagnants : le premier, c’est Jean-Luc Mélenchon, une personne qui était assujettie à l’IFI en tant que propriétaire d’une grande résidence principale. La résidence principale étant largement retranchée de l’impôt sur la fortune improductive, Jean-Luc Mélenchon sera probablement exonéré de cet impôt. (MM. Paul Midy et Laurent Wauquiez applaudissent.)
M. Alexis Corbière
C’est nul comme argument !
M. Nicolas Sansu
Et pour la famille Cazeneuve, ça se passe comment ?
M. Pierre Cazeneuve
Le deuxième, c’est Bernard Arnault. En effet, avec l’impôt sur la fortune improductive et son taux unique de 1 %, les personnes dont le patrimoine excède 10 millions d’euros verront leur contribution baisser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1071.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 194
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 42
Contre 134
(L’amendement no 1071 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1335, sur lequel je suis saisi par le groupe de l’Union des droites d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Cet amendement vise à aligner les règles successorales relatives aux PEA sur celles de l’assurance vie : mêmes abattements fiscaux et mêmes règles de désignation des bénéficiaires au moment de la succession, non-intégration dans l’actif successoral.
En effet, nous savons que les PME manquent de capital et que l’innovation est insuffisamment financée. Or le régime fiscal des assurances vie attire davantage l’épargne vers ce type de placements, relativement peu productifs, plutôt que vers des actions dans les PME françaises. Nous souhaitons neutraliser cet effet sans rien retirer aux assurances vie, afin d’offrir une plus grande liberté de choix aux Français. Je vous invite donc à voter cet amendement Ciotti. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je trouve cette idée intéressante mais, compte tenu de l’état des finances publiques, je ne suis pas certain qu’on puisse se le permettre. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Avis défavorable également. Plusieurs amendements ont été votés aujourd’hui pour réduire la fiscalité sur les successions – que ce soit pour la détention d’une résidence principale ou en matière d’assurance vie. Ajouter une nouvelle couche serait déraisonnable pour les finances publiques.
Je rappelle qu’en France les impôts sont très élevés sur les personnes qui travaillent. Si nous voulons les faire baisser, il y a d’autres priorités que de modifier le dispositif du PEA. Ce dernier n’a jamais eu pour vocation d’être un outil de transmission patrimoniale – c’est le propre de l’assurance vie – mais d’encourager l’investissement dans l’économie réelle. De plus, ce dispositif fonctionne bien et est assorti d’un avantage fiscal considérable qui en garantit déjà l’attractivité.
Mon avis est défavorable, donc, par souci de cohérence dans l’utilisation des différents instruments et dans l’intérêt des finances publiques.
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
L’épargne placée dans les produits d’assurance vie ne finance pas toujours l’économie réelle : on y trouve des produits financiers plus ou moins complexes ou destinés au financement de la dette publique. Le PEA, en revanche, n’est destiné qu’au financement, par l’intermédiaire des actions, de l’économie réelle. Rendre ce dispositif aussi attractif que l’assurance vie, comme vise à le faire cet excellent amendement, c’est donner aux Français la possibilité de financer activement l’économie réelle – sans nuire à aucun autre dispositif. Les éventuelles pertes fiscales seraient entièrement compensées par les gains de croissance ainsi obtenus. (M. Alexandre Allegret-Pilot applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Pourriez-vous nous communiquer rapidement, monsieur le ministre, le coût pour les finances publiques de l’amendement no 3626 de M. Wauquiez et de l’amendement no 3616 de M. Kasbarian adoptés tout à l’heure ? Autant ils risquent de ne pas avoir d’effet sur l’économie réelle, autant ils risquent de coûter cher aux finances publiques et de contribuer, de ce fait, au dérapage du déficit. Si l’on mettait des moyens équivalents dans l’élargissement du prêt à taux zéro ou dans la construction de logements publics, on pourrait loger les classes moyennes et précaires – et si l’énergie dépensée par certains à défendre l’héritage et la transmission de biens entre ceux qui en ont déjà était mise au service du logement social, il n’y aurait déjà plus de crise du logement.
M. le président
Je vous informe que je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1469 rectifié par le groupe Socialistes et apparentés, sur l’amendement no 3924 par le groupe Ensemble pour la République et sur l’amendement no 1338 par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix l’amendement no 1335.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 207
Majorité absolue 104
Pour l’adoption 91
Contre 116
(L’amendement no 1335 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2745.
Mme Claire Lejeune
Il vise à revenir sur l’exonération qui touche à la réunion de la nue-propriété et de l’usufruit. Mme Thevenot peut être tranquille : il ne s’agit pas d’interdire les opérations de démembrement mais simplement d’y remettre un peu de justice fiscale. Cela est d’autant plus important que nous venons d’adopter de très nombreux allègements sur la fiscalité des successions.
Cumulée à la possibilité de transmettre 100 000 euros tous les quinze ans sans devoir s’acquitter de droits de donation, cette exonération, d’après la Cour des comptes, permet de transmettre jusqu’à 1 million en ne payant que la somme dérisoire de 18 000 euros d’impôt, soit 1,8 % du total.
Une telle exonération est encore moins justifiée que celle dont bénéficient les donations : s’agissant de la transmission de la seule nue-propriété, l’héritier ne peut en avoir aucun usage. Il est évident qu’une telle disposition est détournée à des fins d’évitement fiscal et qu’il convient d’y mettre fin.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2745.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 218
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 67
Contre 150
(L’amendement no 2745 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Peio Dufau, pour soutenir l’amendement no 1469 rectifié, qui fait l’objet des sous-amendements nos 3931, 3929, 3932 et 3930.
M. Peio Dufau
Il vise à créer deux nouvelles tranches pour la taxe sur les plus-values immobilières élevées, afin de la rendre plus progressive et plus juste. Il ne concerne que les résidences secondaires puisque nous avons malheureusement voté, ce matin, l’exonération de cet impôt pour les résidences principales.
La tranche la plus haute commence actuellement à 260 000 euros de plus-value. Dans de nombreux territoires, toutefois, on enregistre des plus-values exceptionnelles : on peut penser à une maison de Saint-Jean-de-Luz, achetée 6 millions d’euros il y a trois ans et à vendre aujourd’hui pour 16 millions – la maison de M. Stérin.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il ne faut pas donner de noms comme ça !
M. Peio Dufau
Les habitants ne comprennent pas qu’une telle plus-value ne soit pas plus taxée qu’une plus-value de 260 000 euros, quand des montants si considérables ne peuvent s’expliquer que par un dérèglement du marché ou par de la spéculation.
Nous proposons donc de créer une première nouvelle tranche entre 260 000 euros et 500 000 euros de plus-value, ainsi qu’une autre au-delà de 500 000 euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, pour soutenir les sous-amendements nos 3931, 3929, 3932 et 3930, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Annaïg Le Meur
Ils tendent à amoindrir la portée de l’amendement de M. Dufau, pour éviter tout coup de massue sur les fortes plus-values. Si je ne suis pas opposée à la création de ces deux tranches supplémentaires, afin de suivre l’augmentation des prix de l’immobilier à laquelle nous assistons ces derniers temps, je propose toutefois, pour la première tranche, de remplacer les 14 % de l’amendement de M. Dufau par 7 %, ou 8 % en repli, et, pour la seconde, de remplacer les 22 % par 8 %, ou 10 % en repli. Ces valeurs me semblent plus progressives et suivre la courbe précédemment proposée pour les plus-values.
M. Inaki Echaniz
Bravo !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable à l’amendement de M. Dufau, qui tend à augmenter très significativement l’imposition sur les plus-values.
Avis favorable, en revanche, aux quatre sous-amendements de Mme Le Meur qui visent à en atténuer les effets.
M. Inaki Echaniz
Mais quel serait votre avis sur l’amendement ainsi sous-amendé ?
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Avis défavorable à l’amendement de M. Dufau. Une telle augmentation de l’imposition sur les plus-values immobilières aurait deux effets. Elle inciterait à la rétention foncière puisqu’il deviendrait avantageux, avant que de vendre, d’attendre les vingt-deux années ouvrant droit à l’exonération fiscale sur la plus-value. Dans les zones tendues – à Saint-Jean-de-Luz comme ailleurs – cette imposition risquerait d’être reportée sur les acquéreurs, si bien qu’une telle mesure contribuerait à l’inflation immobilière.
Je donne un avis défavorable également aux sous-amendements de Mme Le Meur : leur coût budgétaire serait trop important. Dans la situation où nous sommes, nous devons viser la stabilité, y compris sur le marché de l’immobilier. Même si une augmentation des prélèvements, en cette matière, nous confronterait à d’importantes difficultés, la situation des finances publiques ne nous permet pas non plus de les baisser sensiblement.
M. Inaki Echaniz
Vous n’avez pas compris les sous-amendements !
M. le président
La parole est à M. Peio Dufau.
M. Peio Dufau
M. le ministre a mal saisi les sous-amendements de ma collègue : ils n’impliquent aucune perte de recette mais, au contraire, des rentrées d’argent supplémentaires – même minimes.
Mme Annaïg Le Meur
Oui !
M. Peio Dufau
À l’écoute des arguments de Mme Le Meur, et dans le souci de trouver un entre-deux, je pense que ses sous-amendements nos 3929 et 3930 représentent un bon compromis, en fixant un taux de 8 % pour la première de ces nouvelles tranches et de 10 % pour la seconde. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Armand.
M. Antoine Armand
Je suis opposé à cet amendement et à son esprit. Je tiens, en outre, à saluer la cohérence du piège socialiste qui se referme progressivement sur les Français. Vendredi soir, avec le Rassemblement national, les socialistes ont adopté un amendement visant à taxer davantage le patrimoine des Français. Mis en face d’une telle perspective, et afin d’éviter cette nouvelle forme de taxation, certains pourraient envisager de vendre leurs propriétés – …
M. Philippe Brun
Mais non !
M. Antoine Armand
…et c’est là qu’ils se trouvent rattrapés par le socialisme bon teint car la plus-value se voit maintenant taxée plus fortement encore. Pour m’exprimer en tant que président du groupe d’étude « Élevage et pastoralisme » : la tonte sera totale ! Pas une assiette ne sera laissée pleine à la fin de la discussion du projet de loi de finances, pas un Français ne sera épargné, quels que soient son revenu et son patrimoine : à la fin, dans un monde et un continent ouverts, les Français et leurs patrimoines s’en iront.
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 3931.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 104
Contre 118
(Le sous-amendement no 3931 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 3929.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 133
Contre 58
(Le sous-amendement no 3929 est adopté.)
(Le sous-amendement no 3932 est adopté ; par conséquent le sous-amendement no 3930 tombe.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1469 rectifié, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 228
Nombre de suffrages exprimés 228
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 76
Contre 152
(L’amendement no 1469 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 3924.
M. David Amiel, ministre délégué
Reprenant l’amendement déposé tout à l’heure par Jean-René Cazeneuve, il vise à adapter la fiscalité des successions au développement des familles recomposées – signal de modernité aussi important qu’attendu.
Il tend ainsi à aligner l’abattement sur les successions pour les beaux-enfants sur l’abattement en vigueur pour les frères et sœurs, en le passant de 1 594 euros à 15 932 euros. Les familles recomposées, dans lesquelles des beaux-parents se sont occupé toute leur vie de leurs beaux-enfants, sont nombreuses à attendre une telle disposition.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
C’est un amendement intelligent,…
M. Pierre Cordier
Il en existe !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…qui tient compte des évolutions de la société : avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Quelle est exactement la durée pendant laquelle le beau-parent doit s’être occupé de l’enfant pour que la succession puisse bénéficier de cet abattement ? Cinq ans au moins ? Le texte de l’amendement mentionne, en son deuxième alinéa, une « prise en charge continue et principale ». Le terme de « principale » semble devoir s’entendre par référence au parent, dont le beau-parent aurait assumé la charge : pourriez-vous alors préciser quel est exactement le laps de temps pendant lequel le beau-parent aura dû, à ce titre, s’occuper de l’enfant ?
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Je reconnais la constance du ministre Amiel, jadis député, qui avait déjà déposé cet amendement lorsqu’il siégeait à nos côtés. Monsieur le ministre, à combien évaluez-vous le coût de cette mesure ?
On est en droit de penser qu’il est pertinent et judicieux de permettre à une personne d’hériter de son beau-père ou de sa belle-mère, lorsqu’ils l’ont élevée toute sa vie et qu’elle les considère comme ses parents. Mais, dans le contexte actuel, pouvons-nous obtenir une estimation du coût ? Aussi louable que soit une telle générosité, elle risque sans doute d’affaiblir encore davantage les recettes déjà maigres de ce projet de budget.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué
Monsieur de Courson, l’enfant concerné par la disposition doit avoir reçu soins et secours de façon ininterrompue pendant cinq ans avant ses 18 ans. Monsieur Brun, il est toujours difficile de chiffrer très précisément le coût d’amendements qui dépendent de comportements individuels. Mais, en l’espèce, le coût est probablement négligeable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3924.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 120
Contre 79
(L’amendement no 3924 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir les amendements nos 1338 et 1337, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Alexandre Allegret-Pilot
L’amendement no 1337 vise à abolir le plafond du PEA, créateur d’un effet d’éviction – en France, nous nous privons de capital car les épargnants orientent leurs investissements vers les comptes-titres ordinaires (CTO) pour rechercher de la performance financière à l’étranger, ou vers des assurances vie qui, elles, sont sous-performantes.
Notre proposition est concomitante de celle de l’Union européenne qui souhaite développer un nouveau compte d’épargne et d’investissement (CEI), le rapport Draghi ayant estimé à 800 milliards d’euros par an les fonds manquants pour relancer l’industrie européenne.
Autrement dit, en déplafonnant le PEA, on favorise l’investissement, l’innovation, la croissance – et donc les rentrées fiscales.
Une fois le plafond supprimé, l’amendement no 1338 vise à supprimer la distinction entre PEA, PEA-PME et PEA jeune, afin de ne conserver qu’un seul produit, plus lisible pour les épargnants.
Il s’agit également d’autoriser le fractionnement d’actions, comme le prévoyait la loi du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. Le gouvernement disposait d’un an pour légiférer par ordonnance, ce qu’il n’a pas fait. Nous prenons donc nos responsabilités en proposant ce mécanisme, qui représente une véritable opportunité pour les petits porteurs.
Enfin, nous supprimons l’obligation de ne détenir qu’un seul PEA, par similitude avec le régime des assurances vie.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1338.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 218
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 95
Contre 122
(L’amendement no 1338 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1337 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 2374.
M. Paul Midy
L’amendement porte sur le PEA-PME, qui constitue un excellent outil pour encourager l’investissement dans nos PME, partout en France. Il s’agit d’augmenter le plafond de 225 000 à 300 000 euros, afin de donner un petit coup de pouce à cette dynamique, sans que cela ait d’impact significatif sur nos finances publiques.
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public : sur l’amendement no 606 par le groupe Socialistes et apparentés, et sur l’amendement no 596, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(L’amendement no 2374, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l’amendement no 2938.
Mme Ersilia Soudais
Un PER, c’est quoi ? C’est un outil d’optimisation fiscale.
M. Pierre Cordier
Ah bon ?
Mme Ersilia Soudais
À lui seul, il concentre 1,2 milliard d’euros d’exonérations fiscales – des exonérations qui profitent principalement aux plus riches. (M. Erwan Balanant s’exclame.) Les chiffres sont parlants : si l’on regarde du côté des professions libérales, une personne sur deux possède un PER. En revanche, chez les employés et les ouvriers non qualifiés, on tombe à une personne sur dix. C’est donc un outil profondément inégalitaire.
En outre, il contribue à abîmer notre système de retraite par répartition, déjà bien mis à mal par les gouvernements successifs, au profit d’un système par capitalisation.
Avec cet amendement, nous restons modestes et plaidons simplement pour un peu de cohérence. Un plan d’épargne retraite, comme son nom l’indique, sert à épargner pour la retraite. Il est donc logique qu’au-delà de l’âge de départ à la retraite, on ne puisse plus y verser d’argent. C’est pourquoi nous proposons qu’à partir de 64 ans, les versements sur un PER ne soient plus autorisés.
Bien sûr ; je sais qu’à long terme, votre objectif est de supprimer la retraite – certains évoquent 67 ou 70 ans.
Un député du groupe DR
On n’a rien compris !
Mme Ersilia Soudais
Je comprends donc que notre proposition vous dépasse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable. Le PER n’abîme pas le régime par répartition – je vous cite. Il permet simplement aux gens de compléter leur retraite en mettant de l’argent de côté.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Guillaume Kasbarian.
M. Guillaume Kasbarian
Je suis effaré par la manière dont notre collègue Ersilia Soudais vient de parler du PER. Créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, il suscite un véritable engouement chez les Français – 10 millions de personnes ont fait le choix d’ouvrir un PER. Le PER permet à chacun de capitaliser pour sa retraite, de mettre de l’argent de côté pour ses vieux jours, et de le faire de manière libre et indépendante.
Et là, certains députés de La France insoumise en parlent comme s’il s’agissait d’un privilège, comme s’il s’agissait d’un dispositif nul. Ce sont les mêmes qui critiquent en permanence le grand capital, les profits ou la hausse de la Bourse. Pourtant, c’est un outil qui démocratise l’accès à la Bourse, qui permet à chacun d’investir et de préparer sa retraite sereinement, sans dépendre uniquement du système par répartition.
Il faudrait en réalité augmenter la capacité de chacun à capitaliser et à bénéficier de la hausse boursière. On ne peut pas, d’un côté, dézinguer le PER, et, de l’autre, dénoncer le fait que seuls certains profitent de la bonne santé des marchés financiers. La position de nos collègues de La France insoumise est profondément contradictoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Laurent Alexandre s’exclame.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Monsieur Kasbarian, merci pour l’exemple que vous venez de fournir car il illustre nos arguments. Pourquoi les gens souscrivent-ils à des PER ? Parce que vous détruisez, petit à petit, le système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – « Mais non ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Laurent Wauquiez
Et vous, vous allez les spolier de leur épargne !
M. Antoine Léaument
Si nous avions un système de retraite qui permettait de vivre dignement, les Français ne se tourneraient pas vers la capitalisation. C’est bien pour cette raison que, lorsque nous critiquons cet outil, nous ne disons pas qu’il faudrait le supprimer du jour au lendemain.
Une députée du groupe HOR
C’est la liberté !
M. Antoine Léaument
Elle est belle, la liberté, quand on n’a pas eu un salaire suffisant, quand on a usé son corps au travail, et que vous avez détruit le système de retraite contre la volonté de tout le peuple français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Elle est belle, la liberté, quand vous ne respectez ni la démocratie ni la volonté du peuple. (« Oh ! » sur plusieurs bancs à droite de l’hémicycle.) Vous pouvez protester, mais tout le monde se souvient très bien que vous êtes passés en force, avec le 49.3 – vous n’y aviez alors pas renoncé.
Ne vous étonnez pas que les gens se tournent vers les plans d’épargne retraite – c’est, j’y insiste, la conséquence directe de la destruction du système par répartition. (M. Laurent Croizier proteste.)
Je le répète : merci d’avoir alimenté nos arguments. Quand nous arriverons au pouvoir, nous rétablirons la retraite à 60 ans, à taux plein, avec quarante annuités ; vous verrez qu’il n’y aura plus besoin de PER ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes, RN, DR, HOR et UDR.)
M. Pierre Cordier
Jamais vous n’arriverez au pouvoir !
(L’amendement no 2938 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour soutenir l’amendement no 606.
Mme Estelle Mercier
Il s’agit d’un excellent amendement – comme toujours – de notre collègue Mme Pirès Beaune, qui vise à identifier les défauts des dispositifs en vigueur.
En l’espèce, il concerne le PER, censé à la fois renforcer l’économie réelle et permettre à certains de se constituer une petite épargne pour la retraite.
Il s’agit de rendre obligatoire le dénouement du PER lorsque le détenteur atteint l’âge de la retraite, sans pour autant fixer un âge précis. L’idée est simple : une fois la retraite atteinte, le détenteur serait tenu de solder son PER.
Cela permettrait de continuer à encourager l’épargne de long terme et la constitution d’un complément de retraite, tout en supprimant le mécanisme d’optimisation fiscale. Les encours du PER représentent 125,7 milliards d’euros, répartis entre 11,6 millions de titulaires.
Le taux de croissance annuel de ce produit est très élevé – depuis 2020, on est à + 60 %. C’est donc un placement très attractif.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable à votre amendement. Toutefois, permettez-moi de formuler trois remarques car, à titre personnel, j’émettrai un avis défavorable.
Je crains qu’en obligeant les détenteurs à liquider leur PER au moment de la retraite, certains se retrouvent contraints de le faire dans des conditions défavorables – marchés instables, inflation élevée. Cela pourrait entraîner des pertes pour des personnes qui ont épargné pendant des années. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui, mais ça, ils s’en foutent !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
En outre, le véritable enjeu de société, c’est le financement de la dépendance. Lorsqu’on part à la retraite, on n’est pas nécessairement dépendant dès le premier jour – cela peut survenir plus tard. Il me paraît donc essentiel de laisser aux gens la liberté de liquider leur PER au moment où ils en ont réellement besoin – et cela peut être précisément au moment où ils deviennent dépendants.
M. Aurélien Le Coq
Et la dépendance aux marchés, vous en dites quoi ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Enfin, ce qui me gêne, c’est la rigidité que cette mesure introduit dans la gestion du PER. Prenons l’exemple d’un couple qui ne dispose que d’un seul PER et dont les conjoints ont une importante différence d’âge. Même si le plus âgé prend sa retraite, le plus jeune pourrait avoir besoin de ce capital plus tard. En imposant une liquidation immédiate, on ne tient pas compte de cette réalité.
Si la commission a donné un avis favorable, je le répète, à titre personnel, je voterai contre.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
Nous pouvons discuter du recentrage du PER qui, comme son nom l’indique, a vocation à préparer la retraite – et non à servir de véhicule d’optimisation fiscale. Ce débat mérite d’être mené sérieusement.
Comment, techniquement, résoudre ce problème ? Les propos du rapporteur général me semblent frappés au coin du bon sens : il est vrai que certaines personnes peuvent avoir besoin de leur PER pour financer des dépenses liées à l’autonomie, que ce soit leur propre dépendance ou celle de leurs parents. Souvent, lorsqu’on atteint l’âge de départ à la retraite, on entre aussi dans une période où l’on soutient ses parents, qui peuvent avoir 85, 90, voire 95 ans. Il faut donc veiller à ce que le dispositif proposé ne comporte pas d’obligations trop rigides, qui ne correspondraient pas aux besoins réels de personnes ayant épargné pendant de longues années.
Si je ne me trompe pas, un autre amendement du groupe Socialistes et apparentés visait à revenir sur les avantages fiscaux accordés aux versements effectués après 70 ans.
Il faut travailler dans le cadre de la navette parlementaire afin de recentrer le PER, mais sans introduire une coupure trop brutale au moment de l’âge de départ à la retraite.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Il existe un système qui permettrait de rendre tous les Français actionnaires des entreprises, tout en étant trois fois plus efficace que notre système actuel de retraite par répartition : c’est la retraite par capitalisation. (M. Guillaume Kasbarian applaudit.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Ah !
M. Paul Midy
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut avancer vers une capitalisation obligatoire, collective et solidaire – dans l’esprit de Jean Jaurès qui, en 1909, défendait ce modèle dans les colonnes de L’Humanité. (M. Alexis Corbière proteste.)
M. Pierre Cordier
Ce journal n’existe plus ! (Sourires.)
M. Paul Midy
À ses yeux, c’était une bonne manière pour les Français de se réapproprier leur outil productif. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Boris Vallaud
C’est tellement approximatif !
M. Paul Midy
Il faut avancer sur le sujet, et en débattre d’ici à 2027.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
J’invite monsieur Midy à lire L’Humanité plus souvent, et pas seulement des exemplaires de 1909. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Le PER n’est pas un outil de placement ou d’optimisation fiscale ; c’est un dispositif destiné à constituer une retraite complémentaire. Il est donc tout à fait logique qu’au moment de la retraite, le PER soit liquidé – que ce soit sous forme de rente ou de capital. Or, en l’état du droit, il arrive que le PER ne soit jamais fiscalisé, notamment lorsqu’il entre dans une succession après le décès du titulaire – nous avons soulevé le problème à plusieurs reprises au cours nos débats. Concrètement, le PER bénéficie d’une défiscalisation au moment des versements, et il peut ensuite échapper à toute imposition s’il est transmis dans le cadre d’une succession. Il faut corriger cette faille.
Rendre la liquidation du PER obligatoire au moment de la retraite est une bonne mesure. Elle permettrait, au minimum, de régler la question de la fiscalisation.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 606.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 73
Contre 152
(L’amendement no 606 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 596.
M. Emmanuel Maurel
Depuis le début de l’après-midi, nous avons multiplié les largesses en direction des riches héritiers – largesses qui, en plus d’être coûteuses, aggravent les inégalités. Par le présent amendement, je propose une disposition qui apportera à l’État au moins 200 millions d’euros en recettes fiscales ; cela ne fera pas de mal.
Il s’agit d’instaurer une fiscalité ciblée sur les transactions immobilières de très haut standing en créant une taxe sur les ventes de logements dont le prix excède 15 000 euros par mètre carré. Cette taxe ne toucherait pas les circonscriptions de la plupart d’entre vous – elle ne concernerait que quelques quartiers parisiens, littoraux et zones de montagne. L’idée, suggérée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans un rapport sur l’habitat, est de réaffecter le produit de cette taxe au logement social.
Pour le convaincre de l’utilité de cette mesure, je conseille à M. Midy de lire les très belles pages de Jean Jaurès où celui-ci tonne contre la spéculation immobilière et insiste sur la nécessité de loger la grande masse du peuple, notamment la classe ouvrière. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les plus grosses ventes immobilières donnent déjà lieu aux droits d’enregistrement proportionnels…
M. Emmanuel Maurel
Bien sûr ! Mais il s’agit de créer une surtaxe.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…et, dans l’hypothèse où il ne s’agit pas d’une résidence principale, à l’impôt sur la plus-value du vendeur avec, en prime, une surtaxe sur les plus-values les plus élevées. La commission n’a pas examiné l’amendement mais il a été repoussé au titre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
L’amendement soulève un vrai débat – faut-il taxer les transactions importantes ? – mais il le fait d’une manière étrange puisqu’il propose de taxer le prix de cession et non la plus-value. Des moins-values pourraient donc se retrouver taxées, ce qui n’est probablement pas votre objectif et qui serait une bizarrerie. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Monsieur Maurel, les droits de mutation sont payés par l’acheteur ; or, dans votre amendement, vous proposez que la nouvelle taxe soit payée par le vendeur. Mais que va-t-il se passer ? (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Inaki Echaniz s’esclaffe.) Le vendeur va essayer de répercuter son manque à gagner sur l’acheteur – bien sûr, c’est évident, c’est pourquoi les collègues rigolent. Je ne suis pas sûr que l’amendement soit bien rédigé.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 596.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 71
Contre 151
(L’amendement no 596 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 413 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement a été repoussé par la commission. Il faut bien sûr saluer la volonté de faciliter l’acquisition d’un véhicule électrique mais il existe déjà une prime à l’achat financée par les certificats d’économie d’énergie. Par ailleurs, l’amendement ne précise pas les modalités concrètes de la défiscalisation. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué
L’amendement, qui s’inspire des travaux du Conseil d’analyse économique, est intéressant, mais je vous suggère de le retirer – à défaut, mon avis sera défavorable – dans la mesure où il faut faire attention à ne pas complexifier le paysage de l’épargne. Il n’est déjà pas évident de s’y retrouver dans la prolifération des différents plans et objectifs ; ajouter un livret risquerait de morceler encore plus le tableau et de rendre l’orientation encore plus délicate.
De plus, il existe déjà des dispositifs ciblés pour aider à l’acquisition de véhicules électriques – le bonus écologique ou le leasing social, qui vise les travailleurs des classes populaires et moyennes. Dans un moment où les finances publiques sont contraintes, c’est sur ce public, pour lequel un véhicule électrique serait totalement inaccessible sans l’aide de l’État, qu’il faut concentrer les moyens.
(L’amendement no 413 n’est pas adopté.)
Article 5
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
L’article 5 vise à supprimer certaines niches fiscales. Nous pourrions partager cette exigence, sachant que la totalité des dépenses fiscales s’élève à 91 milliards d’euros ; mais le diable est dans les détails de l’article 5. Quand on dissèque les propositions du gouvernement, le dégoût le dispute à la stupeur. Vous ne cessez de remettre en cause les avantages fiscaux des personnes modestes et des classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous vous attaquez aux familles en supprimant la réduction d’impôt pour frais de scolarité ; aux malades en supprimant celle sur les indemnités journalières perçues en cas d’affection de longue durée (ALD) – d’aucuns ont parlé à juste titre d’une taxe sur le cancer ; dans l’article suivant, vous attaquerez également les retraités en remettant en cause l’abattement pour les retraites, qui touchera les pensions supérieures à 1 650 euros seulement.
En revenant sur ces trois dispositifs, vous comptez prélever 2,3 milliards d’euros sur les classes moyennes ou modestes ; à côté de cela, quand on évoque l’encadrement du crédit d’impôt recherche ou du pacte Dutreil, le gouvernement pousse les hauts cris, alors que ces deux mécanismes représentent en cumulé 13 milliards d’euros. L’article 5 est donc véritablement indécent dans ses principales dispositions et nous proposerons de l’amender – comme nous proposons de nettoyer l’ensemble du projet de loi de finances de toutes les horreurs qu’il contient, et comme nous le proposerons dès demain pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui comporte également tant de mesures défavorables à nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Bravo !
Mme Danielle Simonnet
Exactement ! Il a raison !
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
L’article 5 prétend supprimer les niches fiscales inefficaces ; en réalité, il s’attaque à des dispositifs essentiels – économiques, sociaux et patriotiques. Sous couvert de simplification, vous proposez de fiscaliser la Légion d’honneur, la médaille militaire, les gratifications du travail, autrement dit de faire payer le prix de votre impuissance budgétaire à ceux qui incarnent le mérite, le courage et le dévouement. Vous remettez aussi en cause les exonérations sur les biocarburants, pourtant vitales pour notre souveraineté énergétique. Ces dispositifs soutiennent une filière d’excellence – nos agriculteurs, nos raffineries, nos territoires. Les supprimer, c’est renoncer à produire en France pour dépendre demain des marchés internationaux. Enfin, vous touchez aux allégements liés aux affections de longue durée, qui permettent à des millions de malades chroniques de faire face à leurs dépenses de santé sans tomber dans la précarité. Frapper ces dispositifs, c’est frapper les plus vulnérables pour un gain budgétaire dérisoire.
Nous aurions pourtant pu orienter notre effort de rationalisation vers des vraies niches fiscales, celles profitant aux fonds d’investissement étrangers, aux géants de la spéculation immobilière ou aux multinationales du numérique qui contournent notre fiscalité. Mais non, vous frappez les symboles, pas les rentes ! Ce n’est pas une rationalisation, c’est une politique d’abandon : abandon des territoires, des malades, de la souveraineté. Le Rassemblement national s’y oppose avec force. Nos amendements défendent ce qui relève de l’intérêt national et de la justice sociale : la protection des Français qui travaillent, qui produisent et qui souffrent sur notre sol. La rigueur budgétaire ne doit pas rimer avec injustice ; elle doit servir à relever les finances de notre pays qui sont au fond du gouffre à cause de votre incompétence et de votre impuissance économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le groupe EPR soutient l’esprit de cet article 5,…
M. Benoît Biteau
Quelle honte !
M. Charles Sitzenstuhl
…tout en étant favorable à une série d’amendements. L’objectif de l’article est de réduire le nombre de niches fiscales ; on ne peut pas, d’un côté, durant les campagnes électorales, dire en chœur, tous bancs confondus, qu’il y a trop de niches et qu’il faut les réduire, et ensuite, lorsque nous avons l’occasion de le faire dans l’hémicycle, voter à l’opposé – les joies du métier politique…
À titre plus personnel, en tant que rapporteur spécial des crédits de l’enseignement supérieur, je reviens sur la réduction d’impôt pour les frais de scolarité. Chers collègues de gauche, je ne dis pas que vos intentions sont mauvaises mais je tiens à rétablir un certain nombre de vérités.
Le coût de cette niche fiscale pour le budget de l’État n’est en réalité pas négligeable : il dépasse les 400 millions d’euros. La Cour des comptes, à travers le Conseil des prélèvements obligatoires, a affirmé, dans un rapport d’octobre 2024, qu’il fallait supprimer cette niche redondante, symbolique et quasiment dépourvue d’effet.
Surtout – c’est sur ce point que je vous demande, collègues de gauche, de m’entendre –, contrairement à ce que vous pouvez penser en toute sincérité, cette niche fiscale, dans les faits, bénéficie très largement au neuvième et au dixième décile. Elle n’est donc pas utilisée par les classes moyennes ou populaires mais majoritairement par les plus hauts revenus – or les niches de cette nature, comme je crois le comprendre du débat budgétaire, représentent votre principal sujet de préoccupation. C’est pourquoi je vous dis : il faut supprimer cette niche fiscale, cela va dans le sens de ce que vous souhaitez.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
On arrive à l’article qui représente sans doute la quintessence de l’ignominie et de la violence sociale qu’incarne ce budget. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. Ludovic Mendes
Oh là là, toujours plus !
M. Aurélien Le Coq
Oui, « toujours plus » car, avec cet article, vous avez décidé d’aller chercher l’argent là où, théoriquement, humainement, cela semblait impossible : vous avez décidé d’aller faire les poches des malades ; vous avez osé taxer les 14 millions de Français souffrant de cancer ou de sclérose en plaques. (« Arrêtez ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. François Cormier-Bouligeon
Vos propos sont indignes !
M. Aurélien Le Coq
Non, je n’arrêterai pas !
M. Michel Lauzzana
Mais oui, ajoutez-en encore !
M. Aurélien Le Coq
Il y a des gens qui n’ont pas d’autre choix pour vivre que de se reposer sur leurs indemnités journalières – parce qu’ils ne peuvent plus respirer correctement ou se lever, parce qu’ils ont du diabète, parce qu’ils ont fait un accident vasculaire cérébral. Oui, c’est cela la réalité derrière cet article ! L’argent qu’ils touchent n’est pas un luxe ; il leur est dû car ils ont cotisé pour l’avoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Exactement !
M. Idir Boumertit
Il a raison !
M. Aurélien Le Coq
C’est une indemnité qui leur revient de droit au moment où la vie est peut-être en train de leur échapper et qu’ils se battent contre la mort. Oui, avec cet article, vous enfilez le masque de la mort ; et tout ça pour quoi ? Pour récupérer 800 millions d’euros – les mêmes millions qu’un certain nombre de députés ont décidé, il y a quelques articles, d’offrir aux holdings. Vous êtes là quand il s’agit de taxer les malades, mais il n’y a plus personne quand il faut aller taxer le capital, les super-héritages, les multinationales ! (Mêmes mouvements.) On nous explique qu’on veut supprimer des niches fiscales ; mais on préfère s’attaquer à une niche qui protège les malades qu’à la première niche du pays, qui permet à Sanofi d’engranger toujours plus d’argent – là aussi sur le dos des malades. C’est une honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Idir Boumertit
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel
Je ne ferai pas d’effets de manche car je fais partie de ceux qui commencent à être lassés par la tonalité de nos débats. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Zahia Hamdane
Oh, ça va !
M. François Cormier-Bouligeon
Ce sont vos partenaires du NFP !
M. Laurent Baumel
L’inclusion, dans cet article, de la niche fiscale relative aux ALD l’entache d’une profonde illégitimité. D’abord, il y va de la justice : les indemnités versées aux malades atteints d’affections de longue durée sont des compensations pour les pertes de revenu qu’ils subissent, et non des privilèges. Ensuite, il y a une raison de simple humanité : nous faisons toutes et tous, en fin de semaine, dans nos circonscriptions, l’expérience de représenter la nation et la République dans ce qu’elles ont de protecteur pour nos concitoyens. Réfléchissons au signal que nous, la représentation nationale, envoyons à toutes ces personnes qui subissent la maladie, les hospitalisations, la fragilité de la vie quotidienne – un signal d’insensibilité, de défaut de solidarité et d’humanité.
Pour ces raisons, l’article 5 est entaché d’illégitimité et ce serait notre honneur de le faire disparaître de ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra