Première séance du mercredi 05 novembre 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Attaque sur l’île d’Oléron
- 2. Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris
- 3. Questions au gouvernement
- 4. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
- Deuxième partie (suite)
- Article 5
- Mme Camille Galliard-Minier
- Mme Danielle Simonnet
- M. Erwan Balanant
- Mme Soumya Bourouaha
- Mme Sandrine Runel
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Amendement no 1997
- M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
- Amendements nos 1679, 1945, 2293, 2294, 2295, 1905, 1004, 1681, 1818, 2307 et 2563
- Sous-amendement no 2569
- Amendements nos 1850, 795 et 2474
- Sous-amendement no 2571 rectifié
- Amendements nos 1683 et 2296, 2297, 2298, 2299
- Après l’article 5
- Suspension et reprise de la séance
- Article 6
- Mme Angélique Ranc
- Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
- Mme Sandrine Runel
- M. Hendrik Davi
- M. Yannick Monnet
- Amendements nos 122, 128, 310, 853, 873, 1350, 1814, 1892 et 2280
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 6
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 6 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 6 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 6 (suite)
- Article 5
- Deuxième partie (suite)
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Attaque sur l’île d’Oléron
Mme la présidente
Je voudrais que nous ayons une pensée à la suite de l’attaque d’une violence inouïe qui a eu lieu ce matin sur l’Île d’Oléron. Nous attendons encore les éléments de l’enquête mais nous savons déjà que plusieurs personnes sont blessées, dont certaines sont dans un état grave, en particulier la collaboratrice de notre collègue Pascal Markowsky. Face à ce drame, je voudrais dire, en notre nom à tous, la solidarité et le soutien de la représentation nationale à l’ensemble des victimes et de leurs proches. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement. – Mmes et MM. les membres du gouvernement se lèvent également.)
2. Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris
Mme la présidente
Je voudrais également vous dire que je sais à quel point la représentation nationale s’associe à la joie qu’éprouvent les familles de Jacques Paris et de Cécile Kohler à la suite de leur libération, hier, de la prison d’Evin, en Iran. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent très longuement. – Mmes et MM. les membres du gouvernement se lèvent aussi.)
Ils sont désormais en sécurité à la résidence de l’ambassadeur de France à Téhéran. C’est un immense soulagement pour nous tous. Nous espérons les retrouver prochainement sur le sol français, chez eux. Nos pensées se tournent vers eux.
Je voudrais aussi vous remercier car la représentation nationale n’a jamais cessé de se mobiliser pour leur libération. En témoignent leurs portraits accrochés devant l’Assemblée nationale, symboles de notre engagement commun et transpartisan à leurs côtés. Je salue également la présidente du groupe d’amitié France-Iran, qui a beaucoup œuvré en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)
J’exprime encore ma profonde gratitude à notre diplomatie pour son action décisive. Elle a œuvré nuit et jour pour parvenir à cette issue heureuse. C’est la démonstration que, face à l’injustice, la détermination de la France ne faiblit jamais. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR. – M. Sébastien Chenu applaudit également.)
3. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Guerre civile au Soudan
Mme la présidente
La parole est à M. Steevy Gustave.
M. Steevy Gustave
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, depuis 2023, une guerre ravage le Soudan. Dans la région du Darfour, des crimes atroces se répètent sous nos yeux : des enfants sont enrôlés de force, des femmes violées préfèrent se donner la mort plutôt que de subir, des villages entiers sont détruits parce qu’ils sont habités par des populations noires.
Il y a vingt ans, j’étais déjà engagé dans le collectif Urgence Darfour, aux côtés d’artistes, d’ONG et de citoyens français qui refusaient le silence. Vingt ans plus tard, les mêmes peuples subissent les mêmes représailles. Les Masalits, les Fours, les Zaghawa sont à nouveau massacrés par les mêmes milices, sous la direction d’un même homme : Hemedti. Le Darfour, c’est la géopolitique sans âme : un laboratoire du mépris où les peuples subissent le silence international. Au-delà d’une guerre entre deux camps, c’est le même scénario qui se répète : des puissances étrangères arment les belligérants, attisent le chaos et continuent de piller les sols. C’est hélas l’histoire tragique de l’Afrique, une histoire qu’il est temps, enfin, de faire cesser.
Les enquêtes de l’ONU et d’Amnesty International ont révélé le rôle des Émirats arabes unis, par lesquels transitent l’or et les armes des milices d’Hemedti, en violation des embargos internationaux. Elles ont aussi documenté la présence russe du groupe Africa Corps. La France, pays des droits de l’homme, ne peut rester spectatrice de cette tragédie. Elle doit nommer les choses. Elle doit dénoncer les responsables et agir avec courage.
La France est-elle prête à condamner clairement ces soutiens internationaux et à en tirer toutes les conséquences diplomatiques, notamment vis-à-vis des Émirats arabes unis ? Est-elle prête à agir fermement, avec l’Union européenne, pour que les pays voisins du Soudan empêchent le transit d’armes et de mercenaires ?
Tant que l’Afrique pleure seule, la conscience du monde restera coupable. Des Toubous de Libye aux peuples du Darfour, du Congo à l’Éthiopie, du Sahel jusqu’au Soudan, les mêmes larmes coulent, les mêmes silences tuent. Ce qui se joue au Darfour n’est pas une guerre africaine : c’est une question humaine. Quand un peuple est persécuté pour ce qu’il est, c’est l’humanité entière qu’on assassine. Et cette humanité, nous devons la défendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, EPR, LFI-NFP, SOC, Dem et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous avez raison : ce qui se passe au Soudan nous rappelle les pires heures de la guerre du Darfour, il y a vingt ans. C’est notre humanité qui est engagée, au moment où deux tiers de la population soudanaise sont en situation d’insécurité alimentaire, où 13 millions de personnes, dont 4 millions d’enfants, ont été déplacées et où les Soudanaises et les Soudanais vivent depuis deux ans et demi un calvaire sans fin.
En revanche, comme je l’ai dit hier à votre collègue Abomangoli : non, la France n’est pas spectatrice car elle ne pratique pas le « deux poids, deux mesures ». Ainsi, c’est à Paris qu’un an après la reprise de cette guerre au Soudan, la communauté internationale s’est rassemblée pour que 2 milliards d’euros soient levés au profit des populations.
Mais apporter l’aide humanitaire indispensable ne suffit pas : il faut aussi savoir pointer les responsabilités. Quelques jours après la chute de la ville d’El Fasher sous les assauts des Forces de soutien rapide, nous avons condamné les atrocités à caractère ethnique auxquelles ces dernières se sont livrées et les avons appelées à interrompre immédiatement leur offensive au Darfour du Nord. (Mme Marie Mesmeur s’exclame.) Nous avons appelé toutes les parties tierces, tous les États externes qui soutiennent les belligérants à cesser de le faire et appelé au respect du droit international et du droit international humanitaire. Les embargos des Nations unies et de l’Union européenne doivent en particulier être respectés par tous et en toutes circonstances.
Mme Marie Mesmeur
Et sur les armes ?
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous n’avez pas parlé des Émirats arabes unis !
Otages en Iran
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott.
M. Hubert Ott
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, après 1 277 jours d’emprisonnement arbitraire en Iran, dans des conditions inhumaines, privés de leurs libertés les plus fondamentales, c’est aujourd’hui un immense soulagement : Cécile Kohler et Jacques Paris sont en sécurité à la résidence de France à Téhéran. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR, SOC, EcoS et LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, DR et GDR.)
J’ai d’abord une pensée pour eux, qui viennent de passer leur première nuit hors de prison ; ensuite une pensée particulièrement émue pour leurs familles et toutes celles et ceux qui ont lutté pour toujours continuer d’espérer. La dignité de leur combat, durant plus de trois années, m’a profondément marqué. Je pense évidemment aux parents de Cécile, Mireille et Pascal, à sa s?ur et à ses frères. (Mêmes mouvements.)
Pas un jour ne s’est écoulé sans mobilisation. Comité Liberté pour Cécile, associations, collectivités, citoyens et parlementaires : partout en France et au-delà, ils ont rappelé inlassablement que Cécile et Jacques étaient là et qu’ils comptaient sur la France.
Leur libération est le fruit d’un engagement sans relâche : celui du président de la République et de notre diplomatie, placée sous votre autorité, une diplomatie toujours fidèle à ce que notre pays a de plus noble – la constance, le courage et l’honneur de servir la France et ses ressortissants.
Nous les attendons maintenant ici, tout particulièrement en Alsace, chez Cécile, où chacun depuis hier soir est sous le coup d’une immense émotion. Quels ont été les efforts déployés pour parvenir à cette première étape et comment obtenir désormais ce retour tant attendu de Cécile et Jacques en France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
J’ai échangé ce matin avec Cécile Kohler et Jacques Paris. Je leur ai fait part de ma joie de le faire et de les trouver en bonne forme, et de l’immense élan de solidarité qui, dans tout le pays, les a soutenus dans l’épreuve qu’ont constituée ces trois ans et demi de captivité. En retour, ils m’ont chargé, avant d’être en mesure de les leur adresser eux-mêmes de vive voix, de transmettre leurs remerciements à toutes celles et tous ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, contribué à obtenir ce résultat si positif, à commencer par les agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC), dont je salue le dévouement et l’excellence dans l’exercice de leur mission, mais plus largement aux services de l’État placés sous l’autorité du premier ministre, aux collectifs et associations qui, partout sur le territoire national, ont porté les visages de Jacques et Cécile (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et RN), enfin aux parlementaires dont vous êtes – les parlementaires alsaciens, la présidente de l’Assemblée nationale et plus généralement toute la représentation nationale –, qui n’ont jamais baissé les bras.
C’est une très bonne nouvelle qu’ils soient désormais en sécurité à la résidence de France au regard des indicibles conditions de captivité qu’ils ont connues jusqu’ici mais ce n’est qu’une première étape sur le chemin qui doit nous conduire à leur libération définitive et à leur rémission morale – car l’épreuve qu’ils ont traversée laissera évidemment des séquelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) C’est pourquoi nous avons envoyé dès hier une équipe de renfort qui, aux côtés de celle de l’ambassade, les accompagnera dans les premiers jours et semaines. Nous les accompagnerons à chaque étape du nouveau chemin sur lequel ils s’engagent. Merci à toutes et à tous pour votre mobilisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott.
M. Hubert Ott
Merci, monsieur le ministre. Notre diplomatie mène un combat intense mais silencieux. Je salue tous les agents diplomatiques qui, partout dans le monde, par leur engagement et leur détermination, font la grandeur de la France. Je tiens enfin à souligner et à témoigner de votre implication personnelle dans la durée auprès des autorités iraniennes mais aussi auprès de la famille de Cécile et de Jacques. Par vos actes et votre attention, vous avez montré que l’État n’a jamais cessé d’agir, jamais cessé de se mobiliser, jour après jour, pour qu’ils puissent retrouver leur liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR, DR et LIOT.)
Lutte contre le diabète de type 2
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione
Qu’il me soit d’abord permis, au nom du groupe LIOT, d’avoir une pensée pour les passants fauchés ce matin à Oléron, en particulier pour la collaboratrice de notre collègue. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Madame la ministre de la santé, à quelques jours de la Journée mondiale du diabète, je souhaite rappeler l’urgence de renforcer nos politiques publiques de santé face à une épidémie silencieuse : le diabète de type 2.
C’est une bombe à retardement pour notre système de santé. D’après les données de l’assurance maladie, plus de 4 millions de Français ont été soignés pour cette pathologie en 2023, pour un coût estimé à près de 11 milliards. D’ici à 2027, c’est plus de 500 000 personnes supplémentaires qui devraient être diagnostiquées, selon la CPAM.
Depuis plus d’un an, dans le cadre d’un tour de France du diabète, à la suite de notre ancienne collègue Béatrice Descamps, je mène des travaux qui m’ont conduit un peu partout sur le territoire national. Cela m’a permis de rencontrer de nombreux acteurs de terrain et a nourri la rédaction d’un rapport contenant une dizaine de propositions visant à améliorer la prise en charge de cette pathologie. Outre la France métropolitaine, mon travail s’est concentré sur la Corse et sur la Guadeloupe, où près de 12 % de la population est diabétique, soit trois fois plus que le taux moyen dans notre pays.
Le constat est le même partout : le traitement du diabète de type 2 souffre de trop nombreux retards de diagnostic, de ruptures dans les parcours de soins et d’inégalités territoriales qui ont des conséquences importantes pour les patients comme pour notre système de santé et son financement.
De ces échanges est née une conviction partagée : les premiers mois qui suivent le diagnostic sont décisifs pour éviter la dégradation de l’état de santé, prévenir les complications et permettre au patient de connaître et de maîtriser l’évolution de sa maladie. C’est pourquoi le rapport propose notamment la création d’un programme national des 1 000 premiers jours de diabète qui assurerait dès le diagnostic un suivi renforcé et pluridisciplinaire.
À l’heure où je quitte cette assemblée et remets les travaux que j’ai réalisés à mes collègues du groupe LIOT, comment le gouvernement entend-il renforcer la préservation et l’accompagnement des personnes vivant avec un diabète de type 2 pour améliorer durablement à la fois leur qualité de vie et l’efficacité de notre système de santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
Je m’associe à vos remarques relatives aux événements qui se sont déroulés ce matin à Oléron et je dis tout mon soutien aux équipes soignantes de La Rochelle et de Poitiers qui prennent en charge les blessés. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Outre vos travaux sur le diabète, je vous remercie pour ceux que vous avez réalisés au cours de l’année qui vient de s’écouler. (Mêmes mouvements.)
Je souligne que 3,8 millions de personnes en France sont diabétiques, dont 90 % de type 2 – c’est l’objet de votre rapport.
Vous savez qu’il y a un gros travail à faire en matière de prévention, et nous l’avons commencé, notamment au travers de Mon Bilan Prévention, ces questionnaires que nos concitoyens reçoivent aux âges clefs de la vie et qui permettent de repérer les personnes avec lesquelles il faut travailler pour leur éviter en l’occurrence d’entrer en diabète de type 2. Cela renvoie aussi à une mesure prévue dans le budget de la sécurité sociale que nous sommes en train d’examiner : la diminution du nombre de personnes en affection de longue durée grâce à une prise en charge de prestations d’accompagnement préventif.
Pour ce qui concerne le parcours de soins, il s’agit d’en assurer la prise en charge tout au long de la maladie avec l’ensemble des professionnels soignants – une expérimentation est menée dans trois régions –, mais aussi grâce aux outils numériques – objets connectés et télésurveillance – qui permettent un suivi rapproché. Je vous remercie pour votre rapport que j’étudierai avec beaucoup d’attention dès que je l’aurai reçu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Éric Bothorel applaudit également.)
Plan de transformation et d’investissement pour la Corse
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Lacombe.
M. Xavier Lacombe
Permettez-moi tout d’abord de me joindre à mes collègues et d’avoir une pensée émue pour les victimes de l’attaque survenue il y a quelques heures à Oléron. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Ma question s’adresse à Mme la Ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Le plan de transformation et d’investissement pour la Corse lancé en 2021 et doté de 500 millions d’euros, devait être le levier concret du développement de l’île en accompagnant des projets structurants : modernisation des routes et des réseaux d’énergie, sécurisation de la ressource en eau, lutte contre les inondations ou encore revitalisation des zones rurales. Financé par l’Etat, il devait irriguer à parité la collectivité de Corse et le bloc communal afin de soutenir à la fois les projets structurants du territoire et les initiatives de proximité lancées par les communes et par les intercommunalités. Pourtant, près de la moitié des crédits, soit environ 250 millions d’euros, restent aujourd’hui non mobilisés. De plus, le projet de loi de finances pour 2026 ne traduit pas l’ambition nécessaire : les crédits du PTIC stagnent alors que des projets finalisés, très importants pour le rattrapage de l’île, sont en attente de validation – n’est-ce pas, madame la ministre ?
Les élus locaux sont en première ligne pour conduire ces projets, mais ils ont besoin de visibilité et de soutien. Comment le gouvernement entend-il dès lors relancer la mise en œuvre du PTIC, lever les blocages et garantir son exécution intégrale, quitte à le prolonger au-delà de 2027 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Votre question me permet de saluer le travail important que vous avez conduit dans cette assemblée ces derniers mois (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem) et de vous dire que le premier ministre et moi partageons le même intérêt, extrêmement attentif et bienveillant, pour la Corse et pour ses habitants. Ces derniers savent pouvoir compter sur le soutien massif de l’État, notamment à travers le plan de transformation et d’investissement pour la Corse que vous avez mentionné, qui court jusqu’en 2027 et qui succède à un programme exceptionnel d’investissement qui a permis de financer plus de 730 opérations. Ce fameux PTIC, qui a été lancé en 2021, concerne tout à la fois, vous l’avez dit, l’Assemblée de Corse et l’ensemble des collectivités, notamment les communes. Il vient en complément des 114 millions provenant des fonds européens, pour lesquels nous devons activer la consommation. L’État s’est engagé à hauteur de 500 millions jusqu’en 2027. À ce jour, nous en sommes à peu près à 50 % de contractualisation, soit 250 millions. Les résultats sont déjà là. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une majoration d’autorisations d’engagement de 2 millions, soit au total 42 millions.
Je tiens à redire devant la représentation nationale que l’État restera pleinement impliqué dans le PTIC et qu’il honorera ses engagements. Ensemble, nous en suivrons l’application aux côtés des maires et de la collectivité de Corse pour qu’en transparence, chaque euro dépensé permette le développement de votre île. J’ai des discussions régulières avec M. le préfet pour nous assurer que les choses avancent en concertation. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe HOR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Lacombe.
M. Xavier Lacombe
Madame la ministre, mes chers collègues, j’en profite pour vous dire au revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur divers bancs.)
Mme la présidente
Votre mandat prend fin en effet ce soir.
Missions locales outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Monsieur le ministre du travail, les missions locales sont inquiètes et tirent la sonnette d’alarme, notamment celles des pays d’outre-mer. Cette inquiétude est légitime, vous le savez, et grandit encore au vu de ce qui est annoncé, bien pire que ce qui a été touché par le budget de l’année dernière.
Petit rappel des indicateurs sociaux en ce qui concerne la jeunesse des pays d’outre-mer : les Neets – jeunes ni en emploi, ni en études ni en formation – sont 27 % en Guadeloupe ; le taux de chômage chez les jeunes s’élève à 20 % en Martinique ; la jeunesse pauvre représente 53 % de cette catégorie d’âge en Guyane ; le taux d’insertion n’est que de 13 % à Mayotte ; et La Réunion n’échappe pas à ses indicateurs. Voilà la réalité que vous tentez d’ignorer pour justifier votre politique qui est animée par un seul mot, « économies », que vous adressez toujours aux mêmes : les précaires, les modestes, la classe moyenne et maintenant la jeunesse. Un pays qui a de l’estime pour lui-même ne fait pas d’économies sur le dos de la jeunesse, au contraire, il la favorise. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Or 13 % d’économies sur les missions locales, c’est 5 300 jeunes Réunionnais qui ne pourront pas être suivis par des conseillers, 44 postes de conseillers supprimés en plus des 25 de l’année dernière et des dispositifs qui vont disparaître, tels la Stratégie pauvreté, l’enveloppe des Parcours contractualisés vers l’emploi et l’autonomie et la diminution du nombre des contrats d’engagement jeunes.
Je me fais ici chambre d’écho et caisse de résonance des missions locales et de la jeunesse des outre-mer. Nous avons encore le moyen de rectifier le rabotage funeste qui signera la mise à mort sociale de 57 % des jeunes, ceux qui ont besoin de la mission locale pour trouver un emploi, financer leur permis ou encore devenir indépendants ! Quel message envoyez-vous en mettant au chômage ceux qui aident nos jeunes à ne pas être au chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Abandonnez votre triptyque « économies, économies, économies » au profit de celui que nous vous proposons : « jeunesse, émancipation, réussite ». (Mêmes mouvements.) Mais entre les milliardaires et la jeunesse, vous avez choisi les milliardaires ! Persisterez-vous dans la voie de ces économies à tout prix, quitte à condamner la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Votre question me permet de réaffirmer tout le soutien que nous apportons au réseau des missions locales.
M. Emmanuel Maurel
C’est pour cela que vous leur enlevez des millions !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Elles sont au nombre de 400 sur le territoire, assurent 6 800 points de contact et accueillent un million de jeunes par an, y compris bien sûr dans les territoires que vous avez plus particulièrement mentionnés. Elles existent depuis quarante ans et leur maillage est précieux. Je veux rendre hommage d’ailleurs aux élus locaux qui assument souvent la présidence de ces associations, aux conseillers ainsi qu’aux bénévoles qui aident à les faire fonctionner. Elles sont présentes dans les quartiers prioritaires et dans les territoires les plus difficiles.
Le contexte budgétaire, malheureusement, est là. Dès lors, nous avons été amenés, dans cette première version du budget – mais le débat aura lieu, il a déjà commencé –, à ajuster les crédits de fonctionnement à hauteur de 13 %. Le budget alloué aux missions locales reste tout de même à hauteur de plus d’un demi-milliard d’euros. On parle donc tout de même de chiffres très importants.
M. Emmanuel Maurel
Non, c’est une baisse !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je rappelle aussi que l’on est à 48 % d’argent public en plus engagé par rapport à 2019. Chacun peut donc mesurer l’effort fait par le gouvernement sur ces sujets.
S’agissant des contrats d’engagement jeunes, que les missions locales servent à conclure, j’indique que nous en avons prévu 270 000 l’an prochain. C’est donc un effort tout à fait important.
Ce qui vous a été remonté me l’a été aussi par d’autres canaux et je rencontrerai le président de l’Union nationale des missions locales, M. Valli, jeudi prochain.
M. Frédéric Maillot
Et les outre-mer ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Nous parlerons bien sûr des sujets que vous évoquez et aussi de la qualité des prestations et de l’accompagnement dans ses missions.
Comparé aux autres pays, le taux d’emploi des jeunes reste insuffisant dans le nôtre, vous avez raison. Comptez sur mon action au ministère du travail pour relever ce taux. (Mmes Danielle Brulebois et Pauline Levasseur applaudissent.)
Insécurité
Mme la présidente
La parole est à Mme Hanane Mansouri.
Mme Hanane Mansouri
Monsieur le premier ministre, ce week-end à Lille, Mathis, 19 ans, a perdu la vie, renversé par un multirécidiviste sous l’emprise de gaz hilarant, lancé à une vitesse folle en plein centre-ville après un refus d’obtempérer. Mathis est mort parce qu’un homme, déjà connu des services de police, n’a pas été condamné à temps. Il est la victime d’un système qui relâche, qui excuse, qui banalise. Il est mort du laxisme politique et judiciaire qui laisse sur nos routes, dans nos rues, des individus qu’on savait dangereux. Et pendant que les coupables récidivent, les victimes, elles, ne reviennent jamais ! Nos forces de l’ordre, elles aussi, payent le prix de cette démission : désarmées, paralysées par la peur de mal faire, jugées avant même d’agir, elles sont écrasées par cette épée de Damoclès que la gauche a suspendu au-dessus de leur tête. À force de les suspecter, de les exposer, de les accuser, vous les empêchez d’agir avec confiance pour notre sécurité. Ce désarmement a encore coûté une vie samedi. Dans quel autre pays met-on des bâtons dans les roues à ceux qui nous protègent ?
L’autosabotage doit cesser. Mathis est mort dans l’indifférence de l’État parce qu’il n’était pas Naël. (Vives protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Marie Mesmeur
Oh là là !
M. Davy Rimane
C’est honteux de dire ça !
Mme Hanane Mansouri
La gauche, si prompte à s’indigner et à défendre les coupables, est silencieuse quand il s’agit de défendre les victimes. Où est le président de la République, si rapide pour jeter en pâture un policier et sa famille, mais muet face aux meurtres de jeunes Français ? Quand Naël devient un symbole, Mathis, lui, rejoint la longue liste des oubliés. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs des groupes UDR et RN.)
M. le ministre de l’intérieur Nuñez déclarait la semaine passée en commission qu’il n’existait pas un seul endroit en France où les Français ne sont pas en sécurité. Il n’est malheureusement pas présent aujourd’hui pour répondre de son mensonge, dépêché qu’il est sur l’île d’Oléron pour voir de ses propres yeux à quel point l’insécurité est partout en France…
Ma question est simple : ma génération aura-t-elle le droit de connaître une France en sécurité ? Devons- nous vous en supplier, monsieur le premier ministre ? Ma question, je le sais, restera sans réponse. Alors je laisse la place à votre ministre qui défendra encore une fois l’indéfendable. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – M. Fabrice Brun applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur.
M. Sébastien Chenu
Qui êtes-vous, madame ?
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur
Oui, la mort du jeune Mathis, fauché par un jeune chauffard dans les rues de Lille le week-end dernier, est un drame absolu. Et aucun mot prononcé dans cet hémicycle ne pourra malheureusement nous consoler. J’ai une pensée encore très émue pour sa famille et ses proches parce que Mathis aurait fêté ses 20 ans demain.
Mais les faits, les voici : dans la nuit de vendredi à samedi, les policiers décident de procéder au contrôle d’une voiture circulant à vive allure. Ils aperçoivent le conducteur consommant du protoxyde d’azote et, refusant de se soumettre une première fois au contrôle, l’individu redémarre et prend la fuite.
M. Julien Odoul
C’est la honte !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Un autre équipage de police secours, prévenu sur les ondes radios de ce refus d’obtempérer, repère le véhicule roulant à vive allure.
M. Théo Bernhardt
On le sait déjà ! Répondez la question !
Mme Hanane Mansouri
Ce n’est pas ma question !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Le drame est assez grave pour qu’on puisse s’écouter ! (Mouvements divers.)
M. Hervé de Lépinau
Calmez-vous !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Vous savez que le ministre de l’intérieur a une position bien affirmée sur les refus d’obtempérer et que nous serons toujours très clairs sur ces questions. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Menace islamiste
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Monsieur le premier ministre, c’est avec beaucoup de gravité que je viens vous interpeller nom du groupe du Rassemblement national et probablement au nom de millions de Français qui sont choqués. Ce matin, à neuf heures et demie, un individu a volontairement ciblé et renversé des cyclistes et des piétons entre Dolus-d’Oléron et Saint-Pierre-d’Oléron, faisant dix victimes, dont deux grièvement blessées. Je veux penser évidemment à ces victimes – beaucoup de nos collègues l’ont fait – en particulier bien sûr à Emma, âgée de 22 ans, collaboratrice parlementaire de notre collègue Pascal Markowsky, hospitalisée dans un état grave. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RN, LIOT et UDR.) L’interpellé, selon le procureur de la République, aurait crié : « Allah akbar ! »
Hier dans le Tarn-et-Garonne, sur fond d’islamisme, ce sont des gendarmes qui ont été menacés au couteau par une femme qui faisait l’apologie du terrorisme et de Ben Laden.
Plus une seule commune, plus un seul quartier ne se sent à l’abri de tels événements. Les constats, les chiffres, les paroles rassurantes n’ont évidemment plus lieu d’être. Il va falloir les dépasser. Afin de ne jamais être ambigu, il y a urgence à définir l’islamisme. Il y a urgence à identifier, débusquer, traquer et combattre l’hydre islamiste dans chacun de ses relais, dans chacun de ses financements, dans chacun de ses discours, dans chacun de ses soutiens politiques. Quelle que soit la nature des événements de ce matin, la menace islamiste sur notre pays n’a jamais été aussi forte. Vous devez lui mener la guerre ici et maintenant car demain il sera trop tard. Avec le Bataclan, il y a dix ans, la France a déjà payé un trop lourd tribut à l’islamisme. Monsieur le premier ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur. (Vives et longues protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
S’il vous plaît, mes chers collègues !
Un député du groupe RN
Qui est cette dame ?
Mme la présidente
N’avez-vous pas honte ? Elle n’a pas encore dit un mot. Écoutez la réponse que Mme la ministre va vous apporter ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.) Soyez respectueux des membres du gouvernement et des femmes qui s’expriment dans l’hémicycle !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur
Mes premières pensées vont naturellement aux victimes d’un acte tragique et odieux que nous devons tous condamner. Elles vont également aux familles et aux proches des personnes blessées, dont tout le gouvernement est solidaire. À l’heure où je vous parle, deux personnes se trouvent dans un état grave, parmi lesquelles l’assistante d’un groupe politique.
Mme Hanane Mansouri
C’est la revue de presse, en fait !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Non, ce n’est pas la revue de presse, c’est la vie des gens, et notre mission commune est de trouver des solutions pour la défendre.
M. Julien Odoul
Répondez à la question !
Mme la présidente
Écoutez-la !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Il semble que vous ne vouliez pas entendre de réponse. La question porte sur des faits dramatiques pour lesquels le gouvernement est complètement mobilisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) L’auteur de l’acte commis ce matin a été interpellé et une enquête a bien sûr été ouverte. C’est désormais à la justice – et à elle seule – de faire son travail.
Une députée du groupe EcoS
Ils n’aiment pas la justice !
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Le conducteur arrêté est un Français de 35 ans habitant l’île d’Oléron. Il est connu pour des faits de droit commun et inconnu de tous les services de renseignements. Il est entendu par les gendarmes dans le cadre de sa garde à vue. À la demande du premier ministre, le ministre de l’intérieur s’est rendu sur l’île dès que les faits ont été connus.
M. Hervé de Lépinau
On croirait entendre un flash sur France Bleu…
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée
Il se tient bien sûr auprès des victimes et de toutes les forces de secours engagées. Dans l’attente d’autres éléments d’information, j’invite chacun à la prudence. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
M. Éric Michoux
Ce n’est vraiment pas au niveau…
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Avoir besoin d’une fiche pour ânonner un tel constat en dit long sur votre incapacité à lutter contre la menace islamiste. C’est nul ! (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent. – Protestations sur les bancs des groupes EPR et SOC.)
M. Erwan Balanant
Vos propos sont indignes d’un vice-président de l’Assemblée !
Situation au Soudan
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Marion.
M. Christophe Marion
À nouveau, je veux faire entendre dans l’hémicycle les cris des Soudanaises qu’on viole, des civils qu’on massacre, des communautés du Darfour victimes d’un nettoyage ethnique qui s’intensifie depuis la chute de la ville d’El Fasher. L’horreur est documentée par les bourreaux eux-mêmes qui, dans une pulsion d’abjection, partagent les vidéos insoutenables de leurs crimes sur les réseaux sociaux. Safaris humains, exécutions sommaires au milieu des hurlements fanatisés des membres des milices janjawids : nous assistons, effarés, à un véritable génocide par balles.
Depuis avril 2023, on compte 150 000 morts et 16 millions de déplacés ou de réfugiés. La famine et l’horreur sont partout. Il y a quelques jours, 500 innocents ont été massacrés dans la maternité d’El Fasher. Aujourd’hui, j’apprends que les miliciens des Forces de soutien rapide exigent des réfugiés du camp de Gorom – que j’avais rencontrés au Soudan il y a deux ans et à qui je pense chaque jour (Saisi par l’émotion l’orateur s’interrompt quelques instants. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR) – des rançons de la honte pour obtenir la libération de leurs proches retenus en otage.
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les condamnations de la France ou de l’ONU ne suffisent plus. Le silence des chancelleries européennes face aux Émirats arabes unis, qui arment le bras des tueurs, n’est plus acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.) Ne l’est pas plus l’indifférence des médias et des opinions publiques, que j’observe impuissant depuis le début de la guerre et sur laquelle je m’interroge sans cesse. Chaque vie compte ! Négliger les morts d’Afrique revient à nier notre humanité commune. (Mêmes mouvements.) Les Soudanais attendent de nous que nous traduisions en actes l’exhortation de Desmond Tutu : « S’il vous plaît, la seule chose que nous vous demandons est de reconnaître que nous sommes humains, nous aussi. »
Je vous demande donc de nous dire – de leur dire – ce que vous pouvez faire pour garantir la sécurité des civils ayant fui à Tawila pour échapper aux massacres d’El Fasher, pour faciliter l’ouverture de corridors humanitaires permettant la circulation de l’aide internationale, pour convaincre nos partenaires – particulièrement, les Émirats arabes unis – d’agir pour que cessent les livraisons d’armes, pour que les combats s’achèvent enfin et pour que s’ouvre un chemin vers la paix ? (Sur tous les bancs les députés se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Je partage votre émotion. Je me suis rendu il y a quelques mois à la frontière entre le Soudan et le Tchad, à Adré, où 300 000 Soudanais sont accueillis par les agences des Nations unies après avoir fui les atrocités, la persécution et la guerre. J’ai pu lire dans les yeux noirs des femmes qui arrivaient au Tchad la terreur et les stigmates de la guerre atroce qui ravage le Soudan depuis deux ans et demi.
Je partage aussi votre indignation devant une forme d’indifférence de la communauté internationale. Je suis également indigné que, désormais, des forces politiques protestent lorsque la France se mobilise pour apporter des réponses humanitaires et politiques aux crises africaines, comme elle l’a fait jeudi dernier. Ce qui se passe en Afrique, au Soudan ou dans la région des Grands Lacs, engage une part de notre humanité. À ceux qu’un tel argument ne mobilise pas, je dis que l’instabilité et l’insécurité provoquées par les guerres qui déchirent l’Afrique auront à un moment ou à un autre, si nous n’en prenons pas la mesure, des conséquences lourdes et concrètes pour l’Europe et pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Cela nous donne deux raisons – deux obligations, même ! – d’agir en réponse à ces crises. Nous l’avons fait l’année dernière en accueillant à Paris la première conférence internationale humanitaire sur le Soudan et cette année en en coprésidant avec le Royaume-Uni la deuxième édition. Nous espérons qu’il n’y aura pas de troisième édition, pas de troisième anniversaire de cette guerre. Sur le plan politique, nous avons pris, à l’échelle européenne comme à l’échelle onusienne, des sanctions à l’encontre des belligérants et des responsables des atrocités. Nous soutenons les récentes médiations menées par les États-Unis pour que les belligérants cessent le feu et pour que les parties externes au conflit cessent d’alimenter le désastre humanitaire et sécuritaire au Soudan en armant les combattants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Aciérie Novasco
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Ian Boucard
Le vice-président de l’Arcom…
M. Aurélien Saintoul
Le macronisme a commencé par la vente d’Alstom et le pacte de corruption dont parlait Olivier Marleix. Doit-il finir avec la liquidation de Novasco ? Dans une semaine, le tribunal de commerce doit se prononcer sur l’avenir de ce fleuron industriel. D’ores et déjà il apparaît que la dernière aciérie de Moselle, située à Hagondange, pourrait fermer. Des centaines de familles sont dans le désarroi.
Comptez-vous laisser faire ? Ou – ce serait peut-être pire – comptez-vous sous-traiter ce dossier à Europlasma, repreneur en série que les différents gouvernements macronistes ont laissé récupérer Luxfer, Satma, Les Forges de Tarbes, Valdunes et la Fonderie de Bretagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Dans toutes ces entreprises, le constat est le même : les promesses n’ont pas été tenues, la production est sans cesse arrêtée, l’effondrement des cours a ruiné les petits actionnaires au bénéfice d’Alpha Blue Ocean, un fonds voyou domicilié dans un paradis fiscal.
Monsieur le premier ministre, lorsque vous étiez ministre des armées, vous avez bien aidé le nouveau propriétaire de ces entreprises à vendre du vent, d’abord en confiant à un homme à la fois ancien délégué général de l’armement et membre de son conseil d’administration un rapport sur l’avenir de la filière des munitions, puis en le laissant affirmer, contre toute vraisemblance, que les usines qu’il reprenait pourraient produire et vendre des obus.
Désormais, la bulle Europlasma, qui est si près d’éclater, se positionne pour reprendre Novasco et chacun comprend que c’est un jeu de dupes. À chaque rachat, les ministres ont pensé : « Je laisse faire le marché et, après moi, le déluge. » Il n’est plus temps. Le marché se fiche pas mal de l’intérêt général. (Mêmes mouvements.) La souveraineté industrielle de la France n’émeut pas la Bourse.
Les décisions d’engager la planification écologique et de protéger les savoir-faire comme les emplois ne se prennent pas dans un conseil d’administration mais en conseil des ministres. A-t-on en France la hauteur de vue et le volontarisme suffisants pour non seulement protéger l’industrie mais aussi la relancer et la mettre au service de l’intérêt général ? (Mêmes mouvements.) Laisserez-vous liquider Novasco et la métallurgie française en remettant sans cesse au lendemain l’ardente obligation de planification, qui est le moyen et la fin de son sauvetage ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Monsieur Saintoul, vous tombez mal parce qu’après moi, ce n’est pas le déluge, après moi, c’est moi. J’étais ministre de l’industrie quand tous les salariés d’un groupe qui s’appelait alors Ascometal ont été repris. Je suis aujourd’hui ministre de l’économie et des finances et, avec Sébastien Martin qui s’occupe d’industrie à mes côtés, je suivrai le dossier Novasco de très près. Je rappelle qu’à l’époque, 300 salariés de Fos-sur-Mer ont été sauvés par le groupe italien Marcegaglia, qui a contribué au développement industriel du site.
Mme Aurélie Trouvé
Ça ne s’est produit que là !
M. Roland Lescure, ministre
Pour le reste, vous l’avez dit, le fond Greybull, qui avait repris les activités des sites d’Hagondange, de Leffrinckoucke, de Custines et de Saint-Étienne, soit 700 salariés au total, nous a littéralement fait défaut. Il n’a pas respecté ses engagements et je me réserve le droit d’engager toutes les procédures qui permettront de comprendre pourquoi. Mais les salariés sont la priorité du moment. Deux offres de reprise ont été déposées pour les différents sites et le tribunal déterminera – le 12 novembre je crois – quelle est la meilleure.
Pour terminer, je souligne qu’il est bien beau de critiquer les entreprises et les entrepreneurs qui investissent dans l’industrie française. (« C’est vous que nous critiquons ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Heureusement qu’Europlasma était là pour reprendre Valdunes ! Sans anticiper sur les décisions du tribunal, je voudrais que, quand des repreneurs se manifestent, on s’en réjouisse ensemble – surtout quand ils sont français. Vous, vous ne faites que les critiquer, toujours et partout. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ian Boucard
Ils ne savent faire que ça !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Europlasma, c’est une fraude qui a ruiné des actionnaires et tous les salariés le savent. Quel est l’avenir du site d’Hagondange où 400 salariés sont mobilisés ? Va-t-il fermer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Sur de tels sujets, nous devrions tous nous retrouver et non polémiquer.
M. Erwan Balanant
L’autre jour, M. Le Coq a eu des mots bizarres pour qualifier les actionnaires…
M. Roland Lescure, ministre
Des entreprises françaises s’engagent dans la relance de l’industrie. Nous nous assurons de leur viabilité et nous les accompagnons quand, vous, vous les condamnez. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Redressement judiciaire d’ACI Group
Mme la présidente
La parole est à M. Pierrick Courbon.
M. Pierrick Courbon
Le groupe socialiste apporte naturellement tout son soutien aux victimes du drame de l’île d’Oléron. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, EcoS et Dem.)
La holding d’ACI Group, acteur industriel de la sous-traitance pour les secteurs de la défense, de l’aéronautique et du nucléaire, a été placée en redressement judiciaire. En six ans, à force de rachats réalisés à un rythme effréné et souvent avec le soutien de la puissance publique, les effectifs d’ACI ont atteint 1 600 salariés, répartis dans plus de trente filiales.
L’aventure ACI, dont les dirigeants se présentaient comme de nouveaux capitaines d’industrie et comme des sauveurs d’entreprises, se termine dans une atmosphère de scandale financier, de gestion calamiteuse et de risque de casse sociale, avec la crainte de voir les filiales chuter les unes après les autres, par effet domino, et des centaines de salariés se retrouver au chômage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Les entités les plus fragiles, comme Roche Meca Tech, à Roche-la-Molière, près de Saint-Étienne, sont en grande difficulté. Certaines viennent d’être liquidées et d’autres sont en redressement judiciaire. Dans certains cas, les salaires ne sont plus versés.
Sur le terrain, les signes avant-coureurs de la catastrophe se sont multipliés, mais, comme toujours, malgré les alertes, vous n’avez rien fait. (Mêmes mouvements.) Des montages financiers destructeurs fondés, dans le cas d’ACI, sur le surendettement et financés par l’assèchement des trésoreries des sites de production, à la façon d’une pyramide de Ponzi ; des aides publiques non conditionnées détournées de leur objet ; des promesses d’investissements privés jamais honorées, dans le silence, voire la complaisance, des pouvoirs publics : voilà le vrai bilan de votre politique industrielle ! (Mêmes mouvements.)
ArcelorMittal, Novasco, ACI : le vrai visage du macronisme industriel, ce n’est pas celui du redressement au service de nos territoires, mais celui de l’ouverture de notre économie aux braconniers, prédateurs d’aides publiques, qui viennent chasser du profit financier immédiat plutôt que de consentir de vrais investissements dans l’appareil productif et pour l’emploi.
Monsieur le ministre, que dites-vous aux salariés du groupe ACI, de Roche-la-Molière et d’ailleurs, qui sont dans l’angoisse ? Quel accompagnement proposez-vous pour les sites en redressement ? Garantissez-vous au moins le versement des arriérés de salaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Steevy Gustave applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
L’histoire que vous venez de nous raconter est très difficile. Je vais tenter de vous apporter des réponses, mais je partage avec vous un constat…
M. Pierrick Courbon
C’est aux salariés qu’il faut répondre !
M. Roland Lescure, ministre
À travers vous, c’est évidemment aux salariés que je m’adresse. La manière dont cette holding a été mise en redressement judiciaire et les conditions qui l’ont conduite à l’être méritent que l’on s’y intéresse de très près. J’ai demandé un audit à nos services : nous l’obtiendrons et nous le diffuserons.
M. Pierrick Courbon
Mais c’est trop tard !
M. Roland Lescure, ministre
Non, ce n’est pas trop tard, il n’est jamais trop tard. Nous nous battons jusqu’au bout et je vous remercie de vous battre pour les salariés de la filiale qui vous concerne, sans oublier les 1 650 salariés qui sont concernés dans toute la France. Vous l’avez dit : les secteurs dont il s’agit, comme l’énergie ou l’aéronautique, sont d’une importance cruciale.
Nous allons d’abord nous engager à ce que les arriérés de salaires soient versés. C’est la priorité des priorités, elle doit être respectée. Nous nous intéresserons ensuite à toutes les filiales – certaines vont bien, d’autres moins –, de manière à pouvoir faire ce que nous faisons en pareil cas : tenter de trouver des repreneurs. Certains sont de qualité – arrêtons de les vouer aux gémonies tous autant qu’ils sont !–, d’autres ne le sont pas. C’est pourquoi nous devons nous montrer très prudents. Nous allons nous assurer de trouver des offres de reprise crédibles et relancer les territoires. Si les procédures de reprise ne peuvent finalement pas aboutir, nous nous occuperons évidemment avant tout des salariés, qui ne doivent pas être les victimes de comportements de ce type.
Les secteurs industriels concernés sont d’une extrême importance. Mon collègue, Sébastien Martin, et moi-même allons nous atteler à ces tâches.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierrick Courbon.
M. Pierrick Courbon
Quand les golden boys de la finance restent sourds à la colère des bleus de travail, c’est la souveraineté industrielle de notre pays qui est mise à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
On peut certes rejouer la lutte des classes en toutes occasions. Pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est l’appareil industriel de la France. Depuis sept ans, le nombre de sites industriels qui ouvrent a dépassé celui des sites qui ferment – cela en fait 500 de plus –, contrairement à ce que l’on observait depuis des décennies, y compris sous des gouvernements que vous connaissez bien. Je ne dirai pas que tout va bien dans l’industrie,…
M. Pierre Cordier
Pas dans les Ardennes en tout cas !
M. Roland Lescure, ministre
…mais nous avons fait beaucoup, nous avons réindustrialisé : la France est devenue le pays le plus attractif d’Europe.
M. Vincent Descoeur
N’en faites pas trop !
M. Roland Lescure, ministre
C’est quand même largement grâce à eux (M. le ministre désigne les bancs des groupes EPR, Dem et HOR) et un peu moins grâce à vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Suspension de la plateforme Shein
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.
M. Antoine Vermorel-Marques
Je tiens d’abord à apporter le plein soutien de mon groupe aux victimes du drame d’Oléron comme à leurs proches et à leur dire qu’ils sont dans nos pensées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Depuis des mois, de nombreux parlementaires s’engagent contre la fast fashion et la concurrence déloyale : un texte a été adopté par l’Assemblée nationale et par le Sénat ; une mission d’information transpartisane est en cours ; et, ce matin, de nombreux groupes ont annoncé le dépôt d’une proposition de résolution européenne.
Cette concurrence déloyale, les acteurs de l’ultrafast fashion s’y livrent notamment sur une plateforme principale, Shein. Condamnée par la Cnil, par la DGCCRF, par l’OCDE, cette plateforme l’est aussi par l’ensemble de nos entreprises et de nos commerçants, qui subissent sa concurrence déloyale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)
Mais un cap a été franchi : on est passé de la fast fashion au fast crime. Dimanche, des poupées pédopornographiques étaient vendues en libre accès sur cette plateforme, qui les a certes retirées depuis, mais qui s’est assuré un bénéfice sur le dos de nos enfants en vendant des produits à des pédocriminels. Ce matin, je signalais à la procureure de la République de Paris que des armes de catégories A, dont la vente et la détention sont interdites en France, étaient en vente sur cette plateforme – elles le sont encore à l’heure où je vous parle.
M. Vincent Descoeur
C’est grave !
M. Antoine Vermorel-Marques
Pire, la livraison en est gratuite et des ristournes tendent en ce moment même à réduire leur prix !
M. Vincent Descoeur
Quelle honte !
M. Antoine Vermorel-Marques
À Roanne, dans ma circonscription, si un commerçant vendait des poupées pédocriminelles ou des armes en libre accès, la préfète de la Loire prendrait fatalement un arrêté de fermeture. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.) Ma question est simple, monsieur le ministre : comptez-vous, comme le demandent tous les groupes de l’Assemblée nationale, en particulier le mien – son président, Laurent Wauquiez, réclame depuis quarante-huit heures la suspension de cette plateforme –, suspendre Shein en France ? (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat.
M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
C’en est trop : après les poupées pédopornographiques, les armes ! En discutant avec le ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, j’ai appris qu’une des armes en vente sur ce site avait servi à l’assassinat du jeune Élias, le 26 janvier dernier dans le 14e arrondissement.
À la suite de votre courrier, de votre signalement, fruit de votre vigilance, et sur instruction du premier ministre, le gouvernement engage la procédure de suspension de Shein. (Très vifs applaudissements sur tous les bancs. – La plupart des députés se lèvent et continuent d’applaudir.)
Au nom du gouvernement, merci ! La suspension durera le temps nécessaire pour que la plateforme prouve aux pouvoirs publics que tous les produits qu’elle propose sont enfin conformes à nos lois, à nos normes, à nos règlements. Un premier point d’étape sera organisé dans les quarante-huit prochaines heures. Mon collègue Roland Lescure et moi-même restons très vigilants et nous avons mobilisé tous les services de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.)
Présidence de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
4. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999, 2057, 2049).
Deuxième partie (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la deuxième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 5.
Comme vous le savez, la conférence des présidents a décidé que ne pourraient s’exprimer sur chaque amendement qu’un orateur pour et un orateur contre, et que les temps de parole seraient réduits à une minute. Des exceptions seront possibles puisque les amendements signalés par la commission des affaires sociales pourront faire l’objet d’un débat plus large.
Article 5
Mme la présidente
Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 5. La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
Les artistes-auteurs sont à la source de toutes les activités culturelles. Ils sont les représentants de la paix et du bonheur. L’apport des artistes-auteurs, chacun dans sa singularité, est irremplaçable en ce qu’ils expriment le regard de la société sur elle-même et sur son temps. Photographes, scénaristes, écrivains, plasticiens, sculptrices, graphistes, illustrateurs, compositeurs sont les premiers maillons de notre culture.
Ma collègue Soumya Bourouaha et moi-même nous sommes engagées dans une mission flash sur la mise en place d’une continuité de revenu pour les artistes-auteurs, dont nous avons souvent constaté la grande précarité. Une question a été soulevée lors des auditions que nous avons menées ; elle a trait au rôle joué par La sécurité sociale des artistes-auteurs (SSAA) et à ses dysfonctionnements, qui ont été constatés par la Cour des comptes et s’inscrivent dans l’histoire déjà très douloureuse de ce qui s’appelait encore récemment l’Agessa, l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs d’œuvres cinématographiques, musicales, photographiques et télévisuelles.
L’article 5 y répond par la création, porteuse d’espoir, du Conseil de protection sociale des artistes-auteurs. Nous aurions d’ailleurs pu nous saisir de cette occasion pour corriger une injustice : entre 1977 et 2019, de nombreux artistes-auteurs assujettis aux cotisations sociales n’ont pas été appelés à verser de cotisations retraite en raison d’une défaillance de l’Agessa. Ma collègue Bourouaha et moi-même avions déposé un amendement visant à simplifier le rachat de ces cotisations ; celui-ci a malheureusement été déclaré irrecevable, mais nous continuerons à œuvrer pour réparer cette injustice. (M. Erwan Balanant et Mme Danielle Simonnet applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Il ne peut y avoir de société au service de nos émancipations sans art, sans artistes. Les artistes auteurs sont des travailleurs qui doivent jouir des mêmes droits à la protection sociale que tous les autres.
Le présent article fait suite au rapport de la Cour des comptes qui a signalé nombre de problèmes – des problèmes graves – dans la gestion de la sécurité sociale des artistes-auteurs. Rendez-vous compte : on parle d’artistes qui ne peuvent pas toucher leurs droits à la retraite ! Cependant, le texte qui nous est soumis consiste en un rafistolage inacceptable qui continue de violer l’esprit de la sécurité sociale puisqu’il se contente de recycler l’Agessa, pourtant très critiquée.
Nous soutiendrons les amendements qui relaient le travail de l’intersyndicale regroupant vingt et une organisations d’artistes-auteurs, notamment le Snap – syndicat national des artistes plasticiens – CGT. Nous devons revenir à l’esprit initial de la sécurité sociale d’Ambroise Croizat en la replaçant sous le contrôle de ses assurés. Le mot d’ordre doit être : démocratie ! Il faut organiser des élections professionnelles pour assurer une représentation nationale, syndicale et professionnelle des artistes-auteurs, sachant que jusqu’en 2014, des élections étaient bel et bien organisées à la Maison des artistes et à l’Agessa.
Le conseil d’administration ne doit plus être nommé par le ministère de la culture ! La mise sous tutelle des artistes, ça suffit ! Il faut maintenir, au sein de cette sécurité sociale, une commission d’affiliation et de recours qui soit gérée par les assurés eux-mêmes hors de tout conflit d’intérêts, car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs propres pratiques professionnelles. Il faut aussi maintenir la commission d’action sociale et créer une commission de prévention. C’est au futur organisme – le Conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs – de définir les orientations générales de l’action sanitaire et sociale ; il doit être consulté à ce sujet. Il faut également supprimer la participation des organismes de gestion collective (OGC) comme la Sacem – Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – au sein du conseil d’administration. Rétablissons la démocratie et donc des élections afin de garantir aux artistes-auteurs la jouissance de tous leurs droits en tant qu’assurés sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Le dispositif prévu à l’article 5 nous permet d’avancer vers la construction d’une vraie sécurité sociale des auteurs. Mes deux collègues ont parlé à l’instant de ces nombreux artistes qui n’ont pas cotisé, faute de prélèvements de cotisations à l’assurance vieillesse pendant toute une partie de leur carrière professionnelle. J’en fais partie : avant d’être parlementaire, j’étais artiste-auteur. J’ai pu observer, à l’époque, le fonctionnement que l’on pourrait qualifier de scabreux de la Maison des artistes : le système fonctionnait mal. Depuis qu’une partie de la gestion des artistes-auteurs a été reprise par l’Urssaf du Limousin, les choses fonctionnent bien mieux ! Il faut donc continuer dans cette direction.
J’entends Mme Simonnet nous dire que le dialogue social et la représentativité des auteurs doivent être pris en considération. Je suis d’accord avec elle, mais rejeter le présent article serait dommageable car il me semble qu’il constitue une belle avancée. Ensuite, nous devons continuer à avoir en tête que le terme générique d’artiste-auteur recouvre une multitude de métiers : des photographes, des auteurs d’arts visuels, des peintres, des dessinateurs, des romanciers ou encore des scénaristes. C’est très vaste ! C’est cette pluralité qui doit être représentée. On ne peut donc pas, comme le demande l’intersyndicale, mettre de côté les OGC, qui sont essentiels pour défendre les droits des auteurs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
L’examen de l’article 5 est l’occasion de débattre de la nécessaire restructuration de la sécurité sociale des artistes-auteurs, largement reconnue comme défaillante.
Néanmoins, la rédaction proposée par le gouvernement n’est pas satisfaisante. En effet, l’article confère une forme de légitimité à la SSAA pour continuer à œuvrer en faveur de la protection sociale des artistes ; or il faut rappeler que cette association s’inscrit, dans son organisation comme dans son fonctionnement, dans la continuité de l’Agessa, qui se trouve au cœur d’un immense scandale car elle a omis de prélever les cotisations vieillesse de plus de 190 000 affiliés pendant plusieurs décennies. Ce sont ainsi des milliers d’artistes qui ne peuvent justifier de leur travail pour faire valoir leurs droits à la retraite. Comme l’a indiqué ma collègue Camille Galliard-Minier, nous avions déposé à ce sujet un amendement qui a malheureusement été jugé irrecevable, mais nous continuerons à œuvrer pour remédier à cette situation.
S’ajoute à cela une gouvernance qui est jugée opaque et des organisations qui sont peu représentatives car choisies par le ministère de la culture sans que ne se tiennent des élections professionnelles.
En mai dernier, la Cour des comptes a d’ailleurs rendu un avis limpide en préconisant le transfert de toutes les missions de sécurité sociale relatives aux auteurs à l’Urssaf du Limousin, qui deviendrait l’opérateur gestionnaire et l’interlocuteur unique du régime.
Nous avons mené à partir de mai dernier, ma collègue Camille Galliard-Minier et moi-même, une mission flash sur la continuité de revenu pour les artistes-auteurs. Dans ce cadre, de nombreuses organisations nous ont fait part de leur insatisfaction ; c’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements dans le but de repartir sur de nouvelles bases. Nous proposons notamment qu’une autre association soit agréée par le ministère de la culture et prenne le nom de Conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs, afin de préfigurer la création d’un véritable conseil au sein du régime général. Je vous invite donc à soutenir ces amendements pour que les artistes-auteurs puissent bénéficier d’une véritable protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mmes Fatiha Keloua Hachi et Danielle Simonnet applaudissent également.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1997, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Certains de mes collègues l’ont dit, le système de sécurité sociale propre aux artistes-auteurs est défaillant. Surtout, il met en péril leurs droits sociaux. C’est pour réparer cette injustice que l’article 5 prévoit une gestion centralisée de la sécurité sociale des artistes-auteurs. Ceux-ci bénéficieraient ainsi d’un interlocuteur unique, l’Urssaf.
Si les artistes-auteurs soutiennent cette ambition de clarification, ils nous ont néanmoins alertés sur le manque de démocratie sociale qui caractérise le système actuel. La Cour des comptes l’a d’ailleurs confirmé dans son rapport de 2024.
Dès lors, non seulement l’article 5 doit prévoir le transfert des compétences de la SSAA à l’Urssaf, mais il devra aussi assurer le respect du dialogue social dans la gouvernance de la SSAA. Les enjeux de représentation des artistes-auteurs au sein de la SSAA seront au centre de nos débats sur cet article. J’espère que nous pourrons nous accorder pour que la gouvernance repose sur les partenaires sociaux et les représentants des artistes-auteurs, car c’est là le cœur de la démocratie sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
L’article 5 est important – plusieurs orateurs viennent de le dire, mais je me permets de le souligner à mon tour, étant coauteur de plusieurs amendements.
M. Jérôme Guedj
Artiste-auteur ? (Sourires.)
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Non, plus modestement auteur d’amendements ! C’est nettement moins plaisant.
L’article 5 tend en effet à réintégrer dans notre système social des dizaines de milliers d’artistes-auteurs qui échappent pour le moment à la prise en charge de droit commun. C’est tout un système qu’il faut construire, sur les ruines du système précédent – nos collègues ont évoqué les errements de gestion de l’Agessa et de l’association qui lui a succédé. S’agissant de l’intervention des organismes de gestion collective, je ne partage pas l’avis d’Erwan Balanant : selon moi, c’est précisément une des sources de la confusion et du mélange des genres qui ont abouti aux errements constatés.
Plusieurs amendements vous seront soumis. Ils doivent permettre – c’est un premier pas – de remettre dans le droit chemin le fonctionnement de ce régime. Au nom de la commission des affaires sociales, je tiens à remercier Camille Galliard-Minier et Soumya Bourouaha d’avoir mené à ce sujet un travail approfondi. Elles ont dialogué avec l’ensemble des intervenants du système pour en comprendre les tenants et les aboutissants.
Monsieur le ministre du travail et des solidarités, il serait bon que vos services s’intéressent de près aux questions relatives aux artistes-auteurs. C’est peut-être aussi une insuffisante prise en considération de ces questions par le ministère du travail au cours des dernières années – je ne parle pas de vous, puisque vous êtes en fonctions depuis seulement quelques semaines – qui a conduit aux errements de gestion que nous avons connus dans ce secteur.
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements à l’article 5.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l’amendement no 1997.
Mme Soumya Bourouaha
Le gouvernement souhaite transférer à l’Urssaf les compétences actuellement exercées par la SSAA en matière d’affiliation et de contrôle du champ d’application du régime. Par mon amendement, je demande que la commission d’affiliation et de recours amiable comprenne majoritairement des représentants des organisations syndicales et professionnelles des artistes. En effet, qui est mieux placé que les artistes-auteurs eux-mêmes pour porter un regard sur les situations et déterminer si l’intéressé est un professionnel ou s’il ne l’est pas ? Je vous invite à voter pour mon amendement, qui garantirait le caractère représentatif de la commission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Mesdames Bourouaha et Galliard-Minier, je salue à mon tour le travail que vous menez dans le cadre de la mission flash commune à la commission des affaires sociales et à la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Vous étudiez notamment la possibilité d’instaurer une continuité de revenus pour les artistes-auteurs. J’espère que le gouvernement pourra avancer sur ce dossier, au bénéfice de ceux qui, en raison des errements évoqués, n’ont pas constitué de droits, ce qui est préjudiciable pour leur carrière.
Madame Bourouaha, vous proposez que les commissions professionnelles consultées sur l’affiliation des artistes-auteurs comprennent majoritairement des représentants des organisations professionnelles et syndicales des artistes-auteurs.
Sur la forme, votre amendement est inopérant parce qu’il définit dans une disposition codifiée la composition de commissions dont la mention est supprimée par l’article 5. Cela aboutirait à une rédaction incohérente.
Sur le fond, les commissions professionnelles ne vont pas disparaître. Leur composition n’est pas encore définie. Un décret précisera les modalités de leur saisine par l’Urssaf du Limousin pour fournir une expertise et éclairer la prise de décision concernant les cas complexes nouveaux.
Comme vous le demandez dans l’exposé sommaire, les représentants des organisations professionnelles et syndicales des artistes-auteurs continueront à être associés, puisque les commissions professionnelles seront maintenues. Vous pouvez être rassurée à cet égard, mais je laisse le soin au gouvernement de vous répondre plus précisément.
Votre amendement n’a pas été examiné en commission. À titre personnel, je lui donnerai un avis défavorable si vous ne le retirez pas.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Monsieur le président de la commission des finances, soyez assuré que toutes les directions concernées de mon ministère suivront avec attention l’évolution de ce dossier, en lien avec le ministère de la culture, et s’impliqueront pour que tout se passe bien. Vous avez raison de souligner qu’il faut se garder de reproduire les errements du passé et qu’il faut désormais bâtir un système solide.
La gestion des demandes d’affiliation des artistes-auteurs et le contrôle du champ d’activité du régime seront confiés à l’Urssaf. Il s’agit d’assurer un traitement homogène des dossiers, de simplifier les démarches des artistes-auteurs et de garantir la continuité de leurs droits sociaux.
Par votre amendement, madame Bourouaha, vous proposez d’adapter la composition de la commission d’affiliation et de recours amiable pour que les représentants des organisations syndicales et professionnelles des artistes-auteurs y soient majoritaires.
Le gouvernement est d’accord sur le fait que, lors d’un recours formé par un cotisant contre une décision de l’Urssaf relative au caractère artistique de l’activité, il convient de recourir à l’expertise de professionnels pour apprécier l’entrée dans le champ du régime. Dans ce contexte, la modification de la composition de cette commission ne présente pas, selon nous, d’intérêt, dans la mesure où les conditions assurant la majorité aux organisations des artistes-auteurs sont déjà réunies. Votre amendement me semblant satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
Je remercie le rapporteur général du message qu’il vient d’adresser à propos des retraites des artistes-auteurs. C’est un combat que nous devrons poursuivre après la présente discussion.
La mission d’affiliation sera désormais confiée à l’Urssaf du Limousin. C’est une bonne nouvelle, car la SSAA était défaillante. Dès lors que l’Urssaf aura compétence pour décider de l’affiliation, je suis opposée à l’amendement no 1997.
Je vous invite en revanche à adopter mon amendement no 1945, qui vise à créer, au sein du futur Conseil de la protection sociale des artistes-auteurs, une commission professionnelle qui pourrait être consultée et donner son avis sur la qualité de professionnel. Selon moi, cette commission professionnelle devrait d’ailleurs être composée uniquement – et pas seulement majoritairement – de représentants des artistes-auteurs. (Mme Julie Delpech applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Je tiens à dire, quitte à être un peu solennel, que nous avons vraiment besoin d’écrivains, de plasticiens, de photographes. Or il est de plus en plus difficile d’exercer ces métiers et d’en vivre.
Les artistes-auteurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme. Leur situation a été rendue plus difficile encore par la réforme du RSA. Ils ne peuvent plus bénéficier du RSA car on leur demande désormais de travailler ou de suivre des formations pendant quinze heures.
Nous avons absolument besoin d’une réforme qui institue une vraie sécurité sociale des artistes-auteurs. En 2018, le gouvernement avait promis de créer un véritable organisme de gestion, mais cet engagement n’a pas été tenu.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 ne règle rien – d’autres orateurs l’ont relevé. Il faut absolument améliorer la représentation des syndicats. C’est pourquoi nous voterons pour cet amendement no 1997. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1997.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 44
Contre 86
(L’amendement no 1997 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1679 et 1945, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur chacun de ces amendements, je suis saisie d’une demande de scrutin public : sur le no 1679, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur le no 1945, par le groupe Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Karen Erodi, pour soutenir l’amendement no 1679.
Mme Karen Erodi
Cet amendement du groupe La France insoumise vise à maintenir une commission d’affiliation et de recours amiable au sein de la SSAA. Le transfert à l’Urssaf des compétences de cette commission, prévu à l’article 5, revient à silencer la voix des organisations syndicales, pourtant les plus légitimes en la matière, car elles connaissent la réalité des pratiques professionnelles. C’est une atteinte aux libertés syndicales. Qui aurait pu prédire une telle chose de la part des macronistes ?
Nous rejetons votre vision et votre gestion technocratique du régime. Nous croyons profondément que les assurés eux-mêmes doivent en garder la maîtrise. Cela vaut pour toutes les caisses d’assurance sociale nées dans le sillage des premières caisses primaires d’assurance maladie héritées du Conseil national de la Résistance (CNR).
En effet, nous parlons ici de décisions d’affiliation qui relèvent du cœur des missions de la sécurité sociale. La commission devra inclure une majorité de représentants syndicaux et professionnels, conformément au code de la propriété intellectuelle. Par cet amendement, nous cherchons à préserver un contrôle démocratique et professionnel du système par les artistes-auteurs eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour soutenir l’amendement no 1945.
Mme Camille Galliard-Minier
Nous nous rejoignons sur la nécessité absolue que les artistes-auteurs puissent continuer à porter leur voix en cas de refus d’affiliation par l’Urssaf.
C’est bien l’Urssaf qui récupérera la compétence en matière d’affiliation ; c’est donc elle qui examinera les demandes et se prononcera sur les recours. En revanche, il est absolument essentiel que soit créée une commission professionnelle composée d’artistes-auteurs et que celle-ci soit consultée et donne son avis sur tout refus qui serait opposé à une demande d’affiliation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ils n’ont pas été examinés par la commission. Ils prévoient tous deux la saisine d’une commission en cas de refus d’affiliation, mais selon des modalités différentes.
Par l’amendement no 1679, madame Erodi, vous proposez que le refus d’affiliation d’un artiste-auteur soit prononcé par une commission d’affiliation et de recours amiable constituée majoritairement de représentants des artistes-auteurs et des diffuseurs. En ce sens, votre proposition va au-delà du droit existant, lequel prévoit la consultation d’une commission de recours amiable mais ne confère pas de caractère contraignant à son avis. Une telle modification de l’équilibre actuel ne me semble pas compatible avec l’objectif visé par l’article, qui est de transmettre le plus de compétences possible à l’Urssaf, dans un souci de simplification.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’indique son exposé sommaire, l’amendement ne précise pas que la commission de recours amiable serait intégrée à la sécurité sociale des artistes-auteurs. En effet, la phrase précédant celles que l’amendement tend à modifier mentionne les compétences désormais dévolues à l’Urssaf en matière d’affiliation.
Madame Galliard-Minier, votre amendement no 1945 vise à maintenir une voie de recours amiable contre les décisions de refus d’affiliation en prévoyant la saisine d’une commission professionnelle. Cette solution me semble plus équilibrée, car elle offre une voie de recours aux personnes dont l’affiliation a été refusée tout en préservant la marge de manœuvre de l’Urssaf, qui sera chargée de prononcer l’affiliation in fine.
Je relève toutefois que votre amendement prévoit la saisine d’une commission professionnelle unique alors qu’il existe actuellement plusieurs commissions de ce type. Je comprends que le gouvernement souhaite, quant à lui, renvoyer à un acte réglementaire la question de l’articulation entre les commissions professionnelles et l’Urssaf. Ce point pourra éventuellement être précisé au cours de la navette parlementaire. À ce stade, votre amendement présente le mérite de mentionner explicitement dans la loi l’existence d’une voie de recours amiable, ce qui offre une garantie procédurale utile aux artistes-auteurs.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de l’amendement no 1679, sans quoi mon avis sera défavorable, et m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 1945.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Les deux amendements proposent d’inclure des représentants des organisations professionnelles des artistes et, s’agissant de l’amendement no 1679 présenté par Mme Erodi, des représentants des organisations syndicales, au sein de la commission d’affiliation et de recours amiable de la sécurité sociale des artistes-auteurs.
Le PLFSS prévoit de confier à l’Urssaf la gestion des demandes d’affiliation au régime des artistes-auteurs afin d’assurer un traitement homogène des dossiers, de simplifier les démarches et de garantir la continuité des droits sociaux. Le gouvernement reconnaît qu’en cas de recours formé par un cotisant contre une décision de l’Urssaf relative au caractère artistique de son activité, il convient de faire appel à l’expertise de professionnels. L’article 5 prévoit cette possibilité ; la commission de recours sera exclusivement chargée d’apprécier l’éligibilité au régime des artistes-auteurs tandis que la décision finale d’affiliation demeurera de la compétence de la caisse.
La proposition que vous formulez nous semble ainsi largement satisfaite. Je vous propose de retirer vos amendements ; à défaut, le gouvernement émettra un avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
C’est un sujet très important qu’il faut envisager de manière concrète. M. Davi l’a dit, dans le monde actuel coexistent une pluralité d’auteurs. Dans les années 1990, les auteurs d’œuvres graphiques étaient inscrits à la Maison des artistes. Le design des interfaces graphiques sur internet émergeait tout juste et personne ne connaissait ce métier, aussi était-il très difficile pour ceux qui le pratiquaient d’être affilié – j’en ai fait l’expérience !
Si un organisme spécialisé doit s’occuper des affiliations, il convient qu’il soit assez souple pour accepter tous les types de métiers. De nouvelles professions artistiques peuvent apparaître : il faut pouvoir les prendre en charge. Soyons prudents et confions à la navette parlementaire le soin de trouver la bonne formule !
M. Fabien Di Filippo
Il est toujours intermittent du spectacle !
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Je voterai l’amendement no 1679 de M. Clouet car la commission d’affiliation doit demeurer au sein de la SSAA.
Notre collègue Gaillard-Minier souhaite que les recours contre les refus d’affiliation soient examinés par une commission professionnelle au sein de la SSAA. Cependant, dans la mesure où la SSAA est une association privée gérée par l’État, cette commission n’aurait qu’un avis consultatif. Cela est insatisfaisant. Je prône une commission d’affiliation et de recours au sein de laquelle les artistes-auteurs soient représentés de manière équilibrée à l’issue d’élections démocratiques. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1679.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 180
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 75
Contre 105
(L’amendement no 1679 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1945.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 231
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 224
Contre 2
(L’amendement no 1945 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et GDR.)
Mme la présidente
Les amendements nos 2293, 2294 et 2295 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
(Les amendements n os 2293, 2294 et 2295, acceptés par le gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1905, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour le soutenir.
Mme Camille Galliard-Minier
Cet amendement dont l’importance n’est pas que symbolique prévoit d’abandonner l’intitulé « sécurité sociale des artistes-auteurs » et de dénommer l’institution destinée à remplacer la SSAA: « Conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs ».
Le nom proposé désigne de manière plus précise les missions de cette organisation. L’affiliation au régime étant désormais gérée par l’Urssaf, le Conseil serait un véritable organisme politique au service des artistes-auteurs, comprenant un médiateur et chargé de définir, en relation avec les acteurs institutionnels, les orientations de l’action sociale à l’égard des artistes-auteurs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Votre amendement, qui n’a pas été examiné en commission, propose de réserver à l’association agréée instituée par l’article 5 la dénomination de « Conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs », répondant ainsi à une demande forte des organisations professionnelles.
Selon moi, le rôle du législateur n’est pas forcément de choisir le nom d’une association, fût-elle agréée pour exercer des missions de service public – ainsi, le nom de l’Unedic ne figure-t-il pas dans la loi alors que cette association gère le régime d’assurance chômage – et vous conviendrez avec moi que l’essentiel de l’article 5 réside dans la définition des compétences de cette association et non dans sa dénomination.
Toutefois, je mesure le souhait d’une partie des artistes-auteurs de marquer symboliquement une rupture avec le fonctionnement actuel de l’association gérant la sécurité sociale des artistes-auteurs, qui a été très sévèrement critiquée par la Cour des comptes et par une partie de la profession. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous nous proposez de renommer l’association agréée visée à l’article L. 382-2 du code de la sécurité sociale : « Conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs ». Cette association relève du régime de la loi de 1901. S’il incombe à ses membres – M. le rapporteur l’a rappelé – de choisir par eux-mêmes sa dénomination sous la seule condition de ne pas utiliser un nom déjà utilisé ou protégé, un changement de nom pourrait permettre d’enclencher symboliquement la réforme proposée par le gouvernement et de clarifier les nouvelles missions de la structure auprès des artistes-auteurs. Le gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
J’ai cosigné cet amendement : j’estime important de changer le nom de cette association pour changer d’ère mais également de redéfinir ses missions. Pour ce faire, nous pourrions nous inspirer du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1905.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 243
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 167
Contre 67
(L’amendement no 1905 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1004, 1681, 1818, 2307 et 2563, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1004 et 1681 sont identiques, de même que les amendements nos 1818 et 2307. L’amendement no 2563 fait l’objet d’un sous-amendement.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 1004.
Mme Sandrine Runel
Afin de rétablir une démocratie sociale et d’assurer aux partenaires sociaux une place centrale dans la gouvernance de la SSAA, cet amendement prévoit d’élire les membres de son conseil d’administration ou de les désigner sur la base des résultats des élections professionnelles des artistes-auteurs.
L’article 5 va dans le bon sens mais demeure incomplet. Nous souhaitons clarifier la position des représentants dans la future gouvernance et accentuer son caractère démocratique : les artistes-auteurs en ont bien besoin !
Mme la présidente
Sur l’ensemble des amendements en discussion commune, je suis saisie par différents groupes de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 1681.
Mme Élise Leboucher
De nombreux artistes-auteurs nous interpellent depuis le début de l’examen du PLFSS : ils se plaignent du manque de considération dont ils font l’objet car ce texte fait tout pour ne pas leur donner la parole alors qu’ils sont les premiers intéressés !
Cet amendement se situe dans la ligne des préconisations du rapport Racine et des demandes des artistes-auteurs : ces derniers doivent pouvoir organiser des élections professionnelles et déterminer par eux-mêmes la composition de leurs organisations représentatives. En définitive, ils ne demandent rien d’autre que l’application du droit commun ; il serait utile d’entendre cette demande légitime.
Mme Danielle Simonnet
Démocratie !
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l’amendement no 1818.
Mme Soumya Bourouaha
Il vise à rendre aux artistes le droit fondamental d’élire leurs représentants au sein du conseil d’administration de leur organisme de sécurité sociale. Actuellement, les organisations qui siègent au sein de cette instance sont désignées directement par le ministère de la culture sans que les artistes eux-mêmes aient leur mot à dire. Ce système, hérité de la SSAA, a conduit à une représentation faible, parfois contestée, et à une gouvernance éloignée de la réalité du terrain.
Notre amendement introduit un principe simple mais essentiel : les représentants qui siègent au conseil doivent être élus et non désignés. Il n’y a là rien de révolutionnaire : ce principe est mis en œuvre dans l’ensemble des régimes de protection sociale. Le régime général des salariés, le régime agricole et celui des indépendants disposent tous de mécanismes de représentation démocratique. Seuls les artistes, pourtant contributeurs à part entière au régime général, en sont privés depuis la réforme de 2018. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 2307.
M. Hendrik Davi
Sur 271 000 artistes-auteurs déclarant des revenus, seuls 41 000 déclarent plus de 9 000 euros par an. Face à cette très grande paupérisation, il est urgent de disposer d’un véritable service de sécurité sociale des artistes-auteurs.
Le gouvernement avait promis d’en créer un en 2018 mais cet engagement n’a pas été tenu. Le régime actuel n’a ni direction claire ni gouvernance partagée. Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 ne règle rien : il confirme et renforce le rôle dominant de l’Urssaf Limousin pour l’affiliation, sans prévoir la consultation des représentants des artistes-auteurs. La SSAA, agréée par l’État mais contestée par les syndicats, n’a aucun pouvoir réel et ne remplit pas les fonctions d’un organisme de sécurité sociale. Malgré les critiques de la Cour des comptes et le mécontentement des syndicats par rapport à ce système, la proposition du gouvernement ne change pas les équilibres actuels.
Cet amendement, travaillé avec le groupe GDR ainsi qu’avec l’intersyndicale composée de vingt et une organisations d’artistes-auteurs, propose une nouvelle rédaction de cet article destinée à améliorer la représentativité des organisations syndicales et professionnelles grâce à des élections. Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions d’éligibilité.
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour soutenir l’amendement no 2563.
Mme Camille Galliard-Minier
Ces amendements marquent un moment important pour les artistes-auteurs. Alors que, jusqu’en 2018, ils pouvaient choisir leurs représentants en participant à des élections, cette possibilité leur a été ôtée à cette date par la suppression du mot « élu » dans les textes. L’ensemble des amendements en discussion ont pour objectif de la réintroduire.
Cependant, je vous invite à adopter plutôt le mien parce qu’il prévoit également de supprimer la participation des représentants des organismes de gestion collective – qui avait été introduite par le gouvernement – dans un souci de cohérence institutionnelle et afin que la gestion du régime par l’association soit la plus favorable aux artistes-auteurs.
Par ailleurs, je vous encourage tous à voter pour que la composition du conseil d’administration soit à nouveau conforme au résultat des élections professionnelles des artistes-auteurs.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 2569 à l’amendement no 2563 et donner son avis sur les amendements en discussion commune.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Tous ces amendements visent à préciser la composition du conseil d’administration de la sécurité sociale des artistes-auteurs ainsi que le mode de désignation des représentants des artistes-auteurs dans ce conseil. Deux questions y sont donc abordées : le rôle des organismes de gestion collective et l’élection des représentants des artistes-auteurs.
Premièrement, on ne peut nier que les OGC disposent d’une expertise réelle, reconnue, en matière de gestion des intérêts des acteurs concernés. C’est même à ce titre qu’ils sont représentés au sein des commissions professionnelles chargées de se prononcer en cas de doute concernant l’affiliation d’un artiste-auteur.
Néanmoins, leur présence au sein du conseil d’administration de l’association agréée ne me semble pas opportune. Les organisations représentatives ne sont d’ailleurs pas unanimes sur ce point – ce qui n’est pas sans poser problème.
Il faut savoir que les organismes de gestion collective mènent une action sociale en faveur de leurs assurés, par exemple sous la forme d’aides à la création. Or la sécurité sociale des artistes-auteurs aurait toujours pour rôle de déterminer les orientations générales de l’action sociale réalisée par l’Urssaf Limousin. Il existerait un risque de confusion entre les actions de l’Urssaf et celles que mènent les OGC.
M. Erwan Balanant
Exactement !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
À ce stade, il me semble donc préférable que les organismes de gestion collective ne siègent pas au sein des organes de direction de la sécurité sociale des artistes-auteurs, ce qui ne les empêchera pas d’être toujours représentés au sein des commissions professionnelles chargées de se prononcer sur les affiliations.
J’en viens aux élections professionnelles. Vous avez expliqué en commission qu’il était nécessaire de les rétablir. J’ai évolué sur cette question. Il s’agit d’une demande récurrente de la part des organisations professionnelles d’artistes-auteurs qui avait d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation dans le rapport Racine de 2020. Je rappelle au passage que, faute d’élections, la représentation des artistes-auteurs est actuellement définie sur le fondement d’une enquête de représentativité.
Si je comprends la volonté de s’engager sur la voie du rétablissement des élections professionnelles, il faut aussi tenir compte du fait que certains problèmes fondamentaux n’ont pas encore été résolus. En particulier, comment définir de façon pertinente un corps électoral au sein d’une population forcément très morcelée ? La diversité des métiers concernés, rappelée par M. Balanant, rend la tâche complexe. Il ne faudrait pas que l’impossibilité d’organiser de telles élections à brève échéance compromette le déploiement d’une réforme attendue par la plupart des acteurs.
Ainsi, par mon sous-amendement à l’amendement de Mme Galliard-Minier, je propose de préciser que les représentants des artistes-auteurs au conseil d’administration de leur organisme de sécurité sociale seraient désignés en tenant compte du résultat des élections professionnelles à compter du 1er janvier 2027.
Si l’on ne prévoit pas un tel délai, on ne laissera pas aux différentes parties prenantes le temps de mener les concertations nécessaires pour aboutir au rétablissement des élections, ce qui risquerait de compromettre la réforme. En effet, faute d’élections professionnelles, les amendements qui prévoient de tenir compte du résultat des élections pour désigner les membres du conseil d’administration seraient inapplicables dans l’immédiat.
Je demande donc le retrait de l’ensemble des amendements au profit du no 2563 de Mme Galliard-Minier, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Cette discussion commune porte sur la composition du conseil d’administration de la sécurité sociale des artistes-auteurs.
Premièrement, les amendements nos 1004 et 1681 – tout comme les nos 1682 et 1902 à venir – prévoient de supprimer la participation des organismes de gestion collective au conseil d’administration. Or nous souhaitons, avec cet article, améliorer le pluralisme dans la composition de ce conseil. En outre, les OGC défendent les intérêts collectifs des artistes-auteurs, disposent d’une expertise et jouent un rôle particulier qui justifie leur présence à la direction de l’association agréée. Je suis donc défavorable à ces amendements.
J’en viens aux amendements nos 1018 et 2307 qui visent à renforcer la part des organisations représentatives des artistes-auteurs issus d’élections. Leurs auteurs appellent également à la tenue prochaine de nouvelles élections professionnelles.
Je souhaite avant tout rappeler que le ministère de la culture a conduit une enquête de représentativité sur le modèle appliqué pour le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants – qui constitue pour moi une bonne référence. Un appel à manifestation d’intérêt a ainsi été lancé le 31 août 2021, donnant lieu à l’arrêté du 1er décembre 2022 qui fixe la composition des représentants après examen des candidatures. Il était ouvert à l’ensemble des organisations professionnelles et syndicales d’artistes-auteurs, lesquelles étaient invités à transmettre un dossier permettant d’apprécier leur influence dans le secteur.
Si l’Assemblée souhaitait malgré tout adopter l’un des amendements de la discussion commune, je suis favorable à celui de Mme Galliard-Minier, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de M. Bazin.
M. Vincent Descoeur
Un gage de rigueur !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
En effet, le délai prévu par le sous-amendement offrirait le temps nécessaire à l’organisation de nouvelles élections professionnelles.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Comme vous tous, je suis très favorable à une représentation élue. Cela me semble couler de source.
En revanche, je veux vous mettre en garde sur un point. Vous semblez tous partager la volonté d’écarter les organismes de gestion collective des droits. Or, à l’heure où le modèle français du droit d’auteur – qui inclut le droit moral et les droits patrimoniaux – subit aujourd’hui des attaques frontales, notamment de la part des plateformes qui souhaitent sa disparition, je peux vous dire, pour avoir côtoyé les OGC, pour avoir travaillé avec eux sur différentes questions liées à la protection du droit d’auteur, telles que la taxe sur le streaming, que nous avons besoin qu’ils restent à nos côtés.
Si les représentants doivent évidemment être élus, nous ne pouvons pas nous passer des OGC. Mon opinion sur ces amendements est donc mitigée.
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
J’ai la chance d’être l’élu d’une circonscription d’artistes, à Lyon. Je pourrais citer Camille, autrice et dessinatrice de bande dessinée sur les pentes de la Croix-Rousse, Olivier Jouvray, scénariste de BD, ou encore Sophie, alias Miya, mangaka. Tous m’ont écrit, ces derniers jours, pour exprimer leur inquiétude à propos de cet article qui ne réforme rien du tout mais maintiendra un système qui ne fonctionne pas.
Nous l’avons vu avec la sécurité sociale : lorsqu’elle était gérée par les travailleurs, le modèle fonctionnait. Lorsque l’État ou les technocrates en prennent le contrôle, il dysfonctionne.
Dans l’intérêt de la création en France, ne commettons pas la même erreur avec la sécurité sociale des artistes-auteurs. Écoutons les premiers concernés – les travailleurs de l’art. Ils souhaitent un vrai conseil de protection sociale, légitime, représentatif, doté de missions complètes et qui s’inscrive dans le droit commun de la sécurité sociale. Les créateurs et créatrices demandent une gouvernance digne de ce nom pour la gestion de leur sécurité sociale. Écoutons ces travailleurs et travailleuses souvent précaires. Organisons des élections professionnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Galliard-Minier, qui prévoit un retour des élections et la suppression de la participation des OGC.
(L’amendement no 1818 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1004 et 1681.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 263
Nombre de suffrages exprimés 261
Majorité absolue 131
Pour l’adoption 102
Contre 159
(Les amendements identiques nos 1004 et 1681 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2307.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 265
Nombre de suffrages exprimés 264
Majorité absolue 133
Pour l’adoption 101
Contre 163
(L’amendement no 2307 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2569.
(Le vote à main levée n’étant pas concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 261
Nombre de suffrages exprimés 257
Majorité absolue 129
Pour l’adoption 125
Contre 132
(Le sous-amendement no 2569 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2563.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 258
Majorité absolue 130
Pour l’adoption 186
Contre 72
(L’amendement no 2563 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1929 rectifié, 1682, 1902 et 1913 tombent.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 1850, je suis saisie d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l’amendement no 1850.
Mme Soumya Bourouaha
Il vise à mettre fin aux inégalités de traitement entre les commerces d’art. Toutes les galeries d’art qui vendent des œuvres – qu’il s’agisse de peinture, de sculpture ou de gravure – sont soumises à la contribution diffuseur. Seules les galeries de photographie en sont exemptées. Or elles exercent également le même type d’activité économique que les autres puisqu’elles diffusent et vendent des œuvres originales d’artistes vivants ou décédés.
Cette situation résulte d’un oubli ancien qui avait été signalé dans le rapport remis par l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2013. Celui-ci recommandait clairement d’intégrer les galeries de photographie dans le champ de cette contribution.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Votre amendement, qui n’a pas été examiné en commission, prévoit de modifier l’assiette de la contribution due par les diffuseurs d’?uvres d’art pour y inclure les photographies originales.
Actuellement, l’assiette porte, d’une part, sur le chiffre d’affaires réalisé à raison de la diffusion ou de l’exploitation d’œuvres graphiques et plastiques et, d’autre part, sur les revenus tirés des droits d’auteur à l’occasion de la diffusion ou de l’exploitation des œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques.
Votre amendement tend à établir une distinction entre, d’une part, la contribution due par les exploitants qui vendent le support matériel d’une œuvre originale graphique, plastique ou photographique, pour qui cette contribution serait assise sur le chiffre d’affaires et, d’autre part, tous les autres cas d’exploitation commerciale donnant lieu au versement de droits d’auteur, pour lesquels la contribution porterait sur les revenus tirés de ces droits.
Une telle réforme de l’assiette de la contribution due par les diffuseurs dépasserait le simple ajustement de son périmètre que proposaient les inspections générales des affaires culturelles et des affaires sociales dans le rapport de 2013 que vous avez cité. Votre amendement va donc plus loin que l’objectif qui était le vôtre. Par conséquent, je vous invite plutôt, à ce stade, à le retirer et émettrai à défaut un avis défavorable. Je laisse à présent M. le ministre donner son avis.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Si j’ai bien compris, vous proposez d’assujettir à la contribution diffuseur les commerces de photographies originales ; vous visez également à clarifier la distinction sur laquelle se fonde le calcul de la contribution des exploitants des œuvres.
Toutefois, en réécrivant les dispositions relatives à la contribution diffuseur, l’amendement restreindrait son champ aux seuls exploitants commerciaux et en exclurait les diffuseurs, ce qui pourrait entraîner de regrettables effets de bord. Sur le fond, l’objet de l’article 5 n’est pas de modifier le financement du régime des artistes-auteurs, mais d’en améliorer le fonctionnement au moyen d’une délégation de compétence à l’Urssaf. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1850.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 95
Contre 156
(L’amendement no 1850 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 795.
Mme Élise Leboucher
Par cet amendement, nous nous opposons à la dématérialisation complète de la déclaration de revenus des artistes-auteurs, qui provoquerait une rupture d’égalité et pourrait faire obstacle à la bonne réalisation de leur obligation déclarative. De manière générale, nous sommes contre la dématérialisation de l’ensemble des services publics. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Leboucher, vous ne manquez pas de constance sur ce point ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ian Boucard
Ce n’est pas une qualité d’être constant dans le n’importe quoi !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous êtes opposée à toute dématérialisation mais je ne pense pas qu’on puisse nourrir une telle opposition de principe en 2025 !
M. Ian Boucard
Avec eux, c’est retour vers le futur !
Mme Élise Leboucher
Nous sommes opposés à la dématérialisation complète !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cependant, j’ai été sensible, en commission, à votre mise en garde concernant les artistes-auteurs qui rencontrent des difficultés liées à la dématérialisation. C’est pourquoi mon amendement no 2474 à venir vise à prévoir une solution de rechange à la dématérialisation, sans exclure cette dernière. Cela devrait vous satisfaire et je vous invite donc à retirer le vôtre, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
L’amendement vise à supprimer la dématérialisation obligatoire de la déclaration de revenus des artistes-auteurs. Il conduirait ainsi à maintenir la déclaration papier. Pourtant, la dématérialisation est une mesure de simplification utile, notamment pour les gestionnaires du régime des artistes-auteurs. Actuellement, la déclaration papier remplie par un artiste-auteur doit être ressaisie par les agents de l’Urssaf du Limousin et deux formats de déclaration doivent donc être tenus à jour.
M. Ian Boucard
Pensez aux agents de l’Urssaf !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
La dématérialisation permettrait de limiter les incohérences et donc d’assurer un meilleur respect des droits des artistes-auteurs. À titre d’exemple, lors de la campagne de déclaration des revenus 2025, l’Urssaf a adressé 221 500 courriers – soit plus de 1 million de pages – aux artistes-auteurs n’ayant pas activé leur compte dématérialisé. Au 15 juillet 2025, seuls 13 977 artistes-auteurs avaient effectivement déclaré leurs revenus par voie papier, soit 2,97 % de la population visée, entraînant autant de saisies manuelles par les services.
Cette obligation de dématérialisation rejoint celle qui pèse sur les employeurs – pour les salariés et les travailleurs indépendants –, déjà opposable depuis plusieurs années. Dans tous les cas, si une personne se trouvait dans l’impossibilité d’effectuer sa démarche en ligne, elle pourrait toujours demander au service de la caisse de lui envoyer un formulaire papier.
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Nous ne souhaitons pas nous opposer intégralement et bêtement à la dématérialisation. Nous voulons simplement prévoir systématiquement une autre solution afin de ne pas aggraver les effets de la fracture numérique. Tout le monde ne dispose pas, pour réaliser ces démarches, d’un libre accès permanent à Internet et d’un ordinateur.
Le ministre vient d’indiquer qu’il était toujours possible de solliciter l’envoi d’un formulaire papier ; cependant, cette demande doit passer par un formulaire électronique ! La fracture numérique existe ; nous devons la réduire et la prendre en considération. D’où notre souhait de maintenir la possibilité d’accéder à un service papier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Je ne suis pas sûr que beaucoup d’artistes-auteurs soient heureux de ne pas pouvoir déclarer leurs revenus de façon numérique.
Mme Élise Leboucher
Ça n’empêche pas !
M. Erwan Balanant
Certes, et c’est pour cette raison que l’amendement à venir no 2474 de M. Bazin, s’il est modifié par le sous-amendement no 2571 rectifié, me semble pertinent. Je ne sais pas si vous avez déjà fait une déclaration de revenus d’artiste-auteur ;…
M. Ian Boucard
Alors que lui, oui !
M. Erwan Balanant
…c’est une tâche qui n’est pas simple. Pouvoir procéder de façon numérique la rendrait plus aisée et éviterait bien des erreurs. Le ministre a rappelé que le personnel de l’Urssaf du Limousin devait ressaisir informatiquement les déclarations papier : c’est un véritable nid à erreurs !
Qu’une solution soit prévue pour les personnes qui n’ont pas accès à un ordinateur, pourquoi pas ; mais de nos jours, il ne doit pas exister beaucoup d’artistes-auteurs dans ce cas.
Mme Ségolène Amiot
Pensez aux outre-mer, par exemple !
(L’amendement no 795 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2474.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mmes Amiot et Leboucher seront sans doute satisfaites par cet amendement : il vise à permettre aux artistes-auteurs affiliés qui ne sont pas en mesure de souscrire leur déclaration par voie dématérialisée de continuer à le faire selon les modalités en vigueur. La rédaction retenue reprend celle des dispositions applicables aux déclarations fiscales. Nous avions eu ce débat il y a plusieurs années, au moment d’examiner le projet de loi de finances qui instaurait la dématérialisation en la matière.
J’en profite pour donner mon avis sur le sous-amendement no 2571 rectifié : je ne suis pas sûr que les personnes qui rencontrent, du fait de la fracture numérique, des difficultés à remplir leur déclaration dématérialisée voient leur situation changer en un an. Mon avis est donc plutôt défavorable.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 2571 rectifié de Mme Nathalie Colin-Oesterlé est défendu.
M. le rapporteur vient de donner son avis. Quel est celui du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
L’amendement du rapporteur vise à autoriser les artistes-auteurs affiliés qui ne sont pas en mesure de souscrire leur déclaration auprès de l’Urssaf par voie dématérialisée de continuer à le faire par voie postale.
La dématérialisation vise un objectif de rationalisation et dégagera des économies de gestion significatives.
Je le répète, la déclaration papier remplie par les artistes-auteurs doit actuellement être ressaisie par les agents de l’Urssaf du Limousin et les deux formats de déclaration doivent être tenus à jour. L’évolution proposée permettra à la fois des gains d’efficacité et une meilleure qualité du renseignement ; elle évitera les incohérences et la double saisie par les services de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Au 15 juillet 2025, seuls 13 977 artistes-auteurs ont effectivement déclaré leurs revenus par voie papier, soit 2,97 % de la population visée, entraînant autant de saisies manuelles par les services. Cette obligation de dématérialisation rejoint celle des employeurs – pour les salariés et les travailleurs indépendants – déjà opposable depuis plusieurs années.
Pour maîtriser les coûts et sécuriser les processus déclaratifs, il est nécessaire de développer la dématérialisation. En outre, si une personne se trouve dans l’impossibilité d’effectuer ses démarches en ligne, elle pourra toujours demander au service de la caisse de lui envoyer un formulaire papier.
M. Ian Boucard
Vous l’avez déjà dit !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Néanmoins, je suis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 2571 rectifié de Mme Colin-Oesterlé, à l’amendement no 2474 du rapporteur, afin d’instaurer une période de transition.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor
Nous serons favorables à l’amendement du rapporteur, qui constitue en quelque sorte un amendement de repli. Cela préserverait les intérêts de tous ces artistes qui, notamment dans les territoires dits d’outre-mer, où les zones blanches sont légion, n’ont pas toujours accès à Internet. Car chez nous, nous avons beaucoup d’artistes !
Une société qui ne protège pas ses artistes est une société qui se prive de son âme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Dieynaba Diop applaudit également.) À tous les fanatiques de la dématérialisation, je veux dire ceci : on ne dématérialise pas une inspiration, on ne dématérialise pas une poésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(Le sous-amendement no 2571 rectifié n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2474 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1683, sur lequel je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Dans notre pays, les artistes-auteurs se trouvent dans une précarité grandissante. Il y a quelques jours à peine, les artistes de Toulouse nous interpellaient par courrier après que leur municipalité a délibérément mis fin à des structures artistiques emblématiques : de nombreux artistes pourraient bientôt se retrouver sans espace pour travailler.
Dans ce contexte, vous entendez faire disparaître la seule instance dans laquelle les artistes-auteurs peuvent encore défendre leurs droits sociaux : la commission d’action sociale de leur régime de sécurité sociale. Vous souhaitez la dissoudre et la remplacer par une structure floue rattachée à l’Urssaf du Limousin, sans possibilité pour les artistes de faire entendre leur voix, sans syndicat, sans débat démocratique. Il s’agit d’une confiscation. Encore une fois, la Macronie veut écraser la culture et faire taire les artistes,…
M. François Cormier-Bouligeon
Ben voyons !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…pourtant déjà enchaînés à des contrats précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Incidemment, on veut faire taire celles et ceux qui nous aident à penser le monde d’aujourd’hui. Nous refusons cette casse sociale maquillée en réforme technique. Préserver cette commission, c’est aussi défendre l’idée que la sécurité sociale appartient aux assurés – pas aux comptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
J’avoue que je n’étais pas préparé à l’évocation de la municipalité de Toulouse !
M. Sylvain Berrios
Excellent maire !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Stambach-Terrenoir, vous souhaitez que les compétences en matière d’action sociale actuellement exercées par la sécurité sociale des artistes-auteurs ne soient pas transférées à l’Urssaf du Limousin. Or cette dernière a acquis une spécialisation depuis 2019 et ce transfert répond aux recommandations de la Cour des comptes, qui sous-tendent cet article. Son esprit général est de confier à l’Urssaf du Limousin le plus de missions possible, y compris en matière d’action sociale.
Cependant, ce transfert n’implique pas la disparition du dialogue social puisque l’association agréée sera compétente pour définir les orientations générales de l’action sociale conduite par l’Urssaf. Le dialogue pourra ainsi s’exercer au sein de l’association.
Par ailleurs, l’exposé sommaire de votre amendement mentionne la disparition de la prévention sanitaire parmi les compétences que l’Urssaf serait appelée à exercer. Il s’agit d’une erreur car cette action est bien mentionnée à l’alinéa qui définit la compétence de la sécurité sociale des artistes-auteurs en matière d’action sanitaire et sociale. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement de coordination, no 2296, pour rétablir la mention de l’action sanitaire dans la définition des futures compétences de l’Urssaf. Cela devrait répondre à votre inquiétude et je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous proposez de supprimer le transfert de l’action sociale, actuellement gérée par la sécurité sociale des artistes-auteurs, vers l’Urssaf du Limousin. Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette réforme s’inscrit dans la continuité des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, publié en mai 2025, qui a mis en évidence des dysfonctionnements importants dans la gestion des missions confiées à la sécurité sociale des artistes-auteurs.
Nous proposons ainsi de mettre à profit les compétences de l’Urssaf, déjà interlocuteur des artistes-auteurs, afin d’examiner chaque demande individuelle d’action sociale.
Ce transfert, contrairement à ce que vous avez indiqué, ne supprime pas la voix des représentants des artistes-auteurs, puisque la sécurité sociale des artistes-auteurs conservera la responsabilité de fixer les orientations générales de l’action sociale. Il s’agit de définir des critères d’attribution clairs et objectifs, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.
L’Urssaf du Limousin gère en outre déjà, en lien avec la sécurité sociale des artistes-auteurs, l’aide à la surcotisation ; il est également familier de la population artistique. Une fois le règlement d’action sociale adoptée par le conseil d’administration de la sécurité sociale des artistes-auteurs, l’Urssaf du Limousin pourra gérer directement la majorité des situations courantes. Cette centralisation vise à renforcer l’efficacité de l’action sociale en s’appuyant sur les ressources et les compétences déjà présentes dans le réseau des Urssaf, dont les fonctionnaires ont toute ma confiance, eux qui assurent déjà une part significative de ces missions pour d’autres publics, notamment pour les travailleurs indépendants.
Pour l’ensemble de ces raisons, je donne un avis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1683.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 265
Nombre de suffrages exprimés 264
Majorité absolue 133
Pour l’adoption 85
Contre 179
(L’amendement no 1683 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 2296, 2297, 2298 et 2299 de la commission sont rédactionnels.
(Les amendements nos 2296, 2297, 2298 et 2299, acceptés par le gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L’article 5, amendé, est adopté.)
Après l’article 5
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1017, je suis saisie d’une demande de scrutin public par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir les amendements nos 1017 et 721 portant article additionnel après l’article 5, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Charles de Courson
Permettez-moi de défendre également, à cette occasion, l’amendement no 722. En Champagne, comme également en Bourgogne et ailleurs, il existe un mode de bail particulier. Certains propriétaires, appelés tiers-franquistes et quart-franquistes, ne sont pas rémunérés par un loyer à l’hectare : ils le sont soit en nature, et reçoivent alors une certaine quantité de raisin – qu’ils peuvent ensuite revendre –, soit en espèces, et reçoivent alors une somme égale au tiers ou au quart de la récolte multiplié par le quotembre et par le prix auquel l’exploitant a vendu.
Or la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) a donné instruction aux caisses locales de considérer ces tiers-franquistes et ces quart-franquistes comme des exploitants agricoles. Tous ceux qui ont loué leurs terres après leur départ en retraite – à leur famille ou leurs amis, par exemple – se voient ainsi obligés, à ce titre, de payer des cotisations ; le versement de leur retraite est également suspendu. Vous imaginez l’émotion suscitée par cette instruction, que la caisse marnaise a d’ailleurs suspendue dans l’attente que ce point soit tranché.
Le premier de mes trois amendements vise à clarifier la distinction entre les baux à métayage en espèce ou en nature.
Le deuxième précise que, dans ces baux à métayage, seul le preneur est considéré comme exploitant.
Le troisième vise à modifier les critères du cumul emploi-retraite. Un bail à métayage dans lequel on ne participe pas à l’exploitation – en s’acquittant des charges afférentes ou en y participant activement – devrait permettre la conservation de ce cumul.
J’invite tous les collègues à se rallier à l’amendement no 721.
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 721 par le groupe Union des droites pour la République ainsi que sur les amendements no 722 et identiques par les groupes Libertés, indépendants, outre-mer et territoires et Union des droites pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
La commission n’a pas étudié les amendements présentés par M. de Courson, qui soulèvent un véritable problème lié à des spécificités locales. Peut-on toutefois garantir la pérennité d’une pratique ancienne, observée dans une région particulière, sans que cela entraîne des conséquences pour le reste de la France ?
J’apprécie les productions champenoises que vos amendements visent spécifiquement à protéger !
M. Charles de Courson
Non, pas seulement !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Leur rédaction est toutefois très générale, si bien qu’ils s’appliqueraient à l’ensemble du territoire : cela serait source de difficultés pour la caisse centrale de la MSA. En voulant régler un cas particulier, vous risquez, en somme, de remettre en cause la règle générale.
Si le problème sur lequel vous appelez notre attention est réel, la solution proposée par vos amendements me semble donc inadaptée – il faudrait au moins prendre le temps d’en débattre. Je vous demande donc de les retirer, mais je laisserai le gouvernement nous faire part de son expertise.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Je vais tenter de vous exposer plus en détail la situation. Certaines personnes sont propriétaires de terres sur lesquelles elles se rémunèrent non par un bail fixe mais, en nature ou en espèces, en raison de ce que ces terres produisent – cela existe en Champagne, mais partout en France également.
Quand on dispose d’un revenu, convient-il que l’on contribue au système de protection sociale par des cotisations ? Généralement, oui. Nous nous efforçons par ailleurs, dans l’examen du budget de la sécurité sociale, de mettre fin aux multitudes d’exonérations et de niches qui la privent des cotisations nécessaires au paiement des droits – nous aurons l’occasion d’y revenir avec les nombreux amendements que Jérôme Guedj ne va pas manquer de déposer à ce sujet.
La rémunération en nature, a fortiori en espèces, doit-elle être soumise à une obligation de cotisation ? C’est la position du gouvernement. Nous ne souhaitons pas en exempter les bailleurs à métayage, qui touchent bien un revenu, et doivent ainsi contribuer à la protection sociale du monde agricole. Cela doit faire consensus.
La MSA doit-elle pour autant – c’est votre préoccupation, monsieur le député de Courson – priver de retraite ceux qui ne s’acquitteraient pas de ces cotisations ? Je n’ai pas connaissance de cette décision ni de cette jurisprudence et de son fondement. Nous sommes en revanche prêts, avec Jean-Pierre Farandou, à faire le point avec la MSA. Nous verrons alors s’il est nécessaire de sécuriser, au cours de la navette parlementaire, une forme spécifique de cumul emploi-retraite. Les cotisations additionnelles dont ces retraités doivent s’acquitter ont vocation, en toute logique, à leur ouvrir des droits additionnels.
Je vous propose donc de retirer vos amendements. Si vous voulez, en tout état de cause, que le débat puisse avoir lieu lors de la navette parlementaire, il ne faut certainement pas abroger le système. Je ne doute pas que vos amis champenois seront aussi à la manœuvre au Sénat et je m’engage à examiner si nous donnons instruction à la MSA de considérer que ces cotisations additionnelles donnent droit à une retraite additionnelle. Il doit y avoir là une voie de passage, tant principielle que pragmatique.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Ce problème n’est pas seulement champenois – je le dis pour M. le rapporteur général. On le retrouve en Bourgogne et même dans le Bordelais.
En suivant votre position, madame la ministre, si un viticulteur prend sa retraite en louant ses terres à tiers-franc ou à quart-franc – ce qui est souvent plus intéressant qu’un bail rural classique – il devient de fait adhérant à la MSA, puisqu’il paye des cotisations et, dès lors, perd ses droits à sa retraite. Il faut donc voter au moins l’amendement no 721 si nous ne voulons pas aller au-devant de graves difficultés.
Vous arguez que cela nous ferait perdre des recettes ; mais, dans la Marne, la MSA n’émettait pas de cotisation, pour les baux en espèces comme pour les baux en nature.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Ce qui se passe en Champagne a existé ailleurs, avec la pratique du quintofermage. Les propriétaires ont d’abord été payés en nature – en blé, par exemple – et plus tard en espèces. On ne saurait être affilié à la MSA parce qu’on touche un revenu, mais seulement au titre d’une activité agricole – inexistante en l’occurrence. Ces propriétaires, qui ne font que jouir d’un revenu foncier, ne sauraient être assimilés à des agriculteurs.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Deux questions sont soulevées. Est-on affilié à la MSA, avec perte de ses droits à la retraite, du seul fait que l’on s’acquitte de cotisations ? Un travail jurisprudentiel est sans aucun doute nécessaire sur ce point. Je comprends vos arguments, monsieur le député Turquois ; reste cependant qu’une forme de production de richesse se verrait alors dégagée de toute cotisation. Que vous receviez de l’argent, du raisin ou du blé, cela n’en est pas moins une production soustraite de l’assiette des cotisations : si l’exploitant conservait l’intégralité de son revenu, il cotiserait bien sur l’intégralité de sa production.
La suite de la discussion budgétaire nous permettra de clarifier ultérieurement la question du cumul emploi-retraite. En coordonnant votre amendement no 721, monsieur de Courson, avec les propositions à venir du gouvernement, nous pourrions établir que l’appel à cotisation n’entraîne pas pour autant une affiliation à la MSA en tant qu’exploitant, et, avec elle, la perte des droits à la retraite.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Je retire l’amendement no 1017, pour que chacun se rallie au no 721. Nous verrons ce qu’il en sera, ensuite, de la discussion qui se tiendra au Sénat.
(L’amendement no 1017 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 721.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 131
Contre 104
(L’amendement no 721 est adopté ; en conséquence, les amendements no 722 et identiques tombent.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 389, 1312, 1768, 2340, 72, 283, 1052, 1295 et 1506, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 389, 1312, 1768, 2340, d’une part, et 72, 283, 1052, 1295 et 1506, d’autre part, sont identiques.
Sur les amendements no 389 et identiques, je suis saisie par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 389.
Mme Danielle Brulebois
La loi du 17 décembre 2021, dite Chassaigne 2, qui vise à revaloriser les pensions de retraite agricoles les plus modestes, limite désormais à cinq ans la durée pendant laquelle un conjoint peut conserver le statut de collaborateur au sein d’une exploitation ou d’une entreprise agricole. Entrée en vigueur le 1er janvier 2022, cette règle obligera 10 000 personnes à changer de statut au 1er janvier 2027.
Par cet amendement, nous proposons d’encourager les conjoints collaborateurs à devenir chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole – nous en avons bien besoin – en leur octroyant le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales applicable aux jeunes agriculteurs. L’exonération leur serait accordée sous trois conditions : qu’ils puissent attester de cinq années d’affiliation au statut de conjoint collaborateur ; qu’ils choisissent d’exercer comme chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif ; qu’ils s’engagent à conserver leur nouveau statut pendant cinq ans.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1312.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mme Brulebois a présenté un amendement que j’avais soutenu en commission et qu’elle a déposé très rapidement en vue de son examen en séance publique. Le mien peut donc être considéré comme défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement identique no 1768.
Mme Justine Gruet
Cet amendement, qui émane du groupe Droite républicaine, a été imaginé par notre cher rapporteur général et vise à étendre aux conjoints collaborateurs d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales applicable aux jeunes agriculteurs – étant précisé que la condition d’âge prévue pour ces derniers serait supprimée pour les conjoints collaborateurs. La rédaction de cette proposition a été guidée par une logique de valorisation du monde agricole – préoccupation constante de notre groupe et de notre famille politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 2340.
Mme Annie Vidal
Cet amendement identique, déposé par le groupe Ensemble pour la République, est défendu.
Mme la présidente
Dans la discussion commune, nous en venons à la seconde série d’amendements identiques.
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 72.
M. Julien Dive
Il est défendu. J’en profiterai néanmoins pour interroger Mme la ministre et M. le rapporteur général sur deux points. Deux lois dites Chassaigne, destinées à revaloriser les pensions de retraite agricoles, ont été votées. J’ai moi-même été rapporteur d’une proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs vingt-cinq meilleures années de revenu, laquelle a été adoptée à l’unanimité dans cette chambre en décembre 2022, puis à l’identique en 2023 par le Sénat. Cette loi a été promulguée par le président de la République le 13 février 2023 et elle doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026. La MSA, qui avait fait part de ses doutes, est-elle prête ?
Par ailleurs, lors de l’examen du précédent PLFSS, il avait été envisagé de décaler son application à 2028, avec effet rétroactif. Nous nous étions battus, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, pour éviter un tel report, qui nous paraissait dénaturer la loi. Pouvez-vous nous confirmer que le calendrier initial sera bien respecté, madame la ministre ?
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement identique no 283.
M. Jean-Pierre Vigier
Par cet amendement, nous voulons sécuriser la situation des conjoints collaborateurs agricoles, qui vont devoir opter pour un nouveau statut au 1er janvier 2027. Faute d’accompagnement, les 10 000 personnes concernées pourraient être contraintes de passer sous le statut de salarié, ou, pire, de quitter leur exploitation. Afin d’éviter cela, nous proposons de leur octroyer l’exonération partielle et dégressive de cotisations sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l’amendement no 1052.
Mme Valérie Bazin-Malgras
Il est identique à ceux de mes collègues. Je précise que la mesure concernerait 4 500 collaborateurs âgés de plus de 40 ans.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 1295 de M. Eric Liégeon et 1506 de M. Lionel Vuibert sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux séries d’amendements identiques en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je connais la force de l’engagement de mon collègue Julien Dive pour améliorer les retraites des non-salariés agricoles, dans la continuité du travail d’André Chassaigne. Nous avions d’ailleurs plaidé auprès de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, pour que la loi votée en 2023 puisse s’appliquer comme prévu.
Pour être précis, nous allons connaître entre 2026 et 2027 une période de transition : afin que les personnes qui vont partir à la retraite durant cette période ne pâtissent pas de l’application des nouvelles règles, elles bénéficieront d’un recalcul de leurs droits, fondé sur les règles qui leur seront le plus favorables. Quoi qu’il en soit, je tiens à vous rassurer sur ce point, monsieur Dive : rien ne laisse à penser que la MSA ne sera pas prête pour l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier prochain – c’est en tout cas ce qui ressort de l’audition des représentants de la Caisse centrale de la MSA, menée dans le cadre de la préparation de ce PLFSS.
M. Julien Dive
J’ai eu peur !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
La vie n’est pas toujours simple, et il vaut parfois mieux se garder de promettre des choses irréalisables – n’est-ce pas, madame la ministre ! (Sourires.)
Concernant la deuxième série d’amendements identiques, je dois vous faire part d’une réserve – les membres de la commission des affaires sociales la connaissent bien, pour en avoir entendu parler toute la semaine dernière : si nous votons une mesure pour l’année 2027 qui n’affecte pas l’année 2026, nous risquons une censure du Conseil constitutionnel. Voter l’amendement no 72 de mon ami Julien Dive et les amendements identiques reviendrait donc à prendre le risque de voir la disposition votée ne pas survivre au contrôle ultérieur du Conseil.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Christophe Bentz
Il faut que ce soit pluriannuel !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
La règle du Conseil constitutionnel est claire : les dispositions que nous votons doivent soit ne concerner que l’année 2026, soit être des mesures pérennes ; toute autre mesure pourrait être considérée comme un cavalier social. Je vous invite donc à retirer la deuxième série d’amendements identiques au profit de la première. L’extension du bénéfice de l’exonération est très attendue par ceux qui basculeront sous le statut de chef d’exploitation à l’issue de la période de cinq ans prévue par la loi Chassaigne. Elle constituerait un beau message adressé par la représentation nationale.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur le député Dive, rassurez-vous, tout est prêt : les décrets d’application sont au Conseil d’État. Quand une loi est votée et promulguée, nous nous devons de tenir les délais – à défaut, cela revient à changer la loi. On peut donc dire que le combat que vous avez mené est sur le point d’aboutir : il n’y a aucun doute que la loi sera bien appliquée durant cette année de transition – avec l’ addenda important du rapporteur général : si la réforme fait des perdants à court terme, ils ne seront pas pénalisés, car le meilleur des régimes s’appliquera.
J’ai tout de même une petite réserve sur les amendements : vous proposez d’étendre un régime destiné aux jeunes agriculteurs à des personnes qui ne le sont pas. En procédant de la sorte, ne risquons-nous pas de dénaturer le régime des jeunes agriculteurs ?
C’est bien parce que les conjoints collaborateurs ont des droits à la retraite et à la formation professionnelle très limités qu’ils sont incités pendant cinq ans à opter plutôt pour le statut de salarié ou de chef d’exploitation agricole, beaucoup plus protecteur, avec de véritables droits sociaux – telle était l’ambition de la loi Chassaigne 2. J’en profite pour dire ma reconnaissance à André Chassaigne…
M. Frédéric Maillot
Le meilleur d’entre nous !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et à tous ceux qui ont œuvré dans ce sens sur ces bancs.
Même si le PLFSS pour 2025 a déjà beaucoup facilité l’installation des non-salariés agricoles en alignant leur régime sur celui, mieux-disant, des travailleurs indépendants, je comprends qu’il faille prévoir un dispositif pour les personnes concernées par cette phase de transition de cinq ans qui n’auraient pas trouvé à s’installer au 1er janvier 2027.
Reste que la première série d’amendements identiques, qui privilégie un dispositif pérenne afin d’éviter le risque de censure du Conseil constitutionnel, me paraît quelque peu étrange du fait qu’elle ne mentionne plus la période de transition prévue par la loi Chassaigne, donc l’incitation à l’installation, pour in fine créer un régime très calqué sur celui des jeunes agriculteurs. À choisir, la première série serait donc préférable à la seconde ; néanmoins, il faudra sous-amender dans le cadre de la navette pour préciser que le dispositif ne s’applique qu’à la population qui s’inscrit dans la période de la loi Chassaigne et qu’il n’est pas éternel – à défaut, nous risquons de priver cette loi de son objet. En résumé, je suis défavorable aux amendements mais, si vous les votez, il faudra en restreindre le champ afin qu’ils ne concernent que la population que ciblait M. Dive et qu’ils conservent la logique de transition qui figure dans la loi Chassaigne.
Nous ne sommes pas en train de nous faire de l’argent sur le dos de qui que ce soit, mais bien de créer un régime, associé à des droits, en sorte que nos agriculteurs et leurs conjoints bénéficient d’une protection sociale adaptée à l’engagement qui est le leur pour nourrir les Français. Voilà le compromis que je vous propose. Sachez qu’avec le ministre Jean-Pierre Farandou, en deuxième lecture, nous veillerons à traduire l’esprit de ce que vous vous apprêtez à voter.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
J’ai beaucoup travaillé avec André Chassaigne à l’élaboration du statut de conjoint collaborateur, qui a permis de conférer un statut à des personnes – souvent des femmes d’agriculteurs – qui n’en avaient pas. À l’heure de l’égalité entre les femmes et les hommes, le couple formé par le chef d’exploitation et le conjoint d’exploitation renvoyait un message particulier, d’autant que le statut de conjoint collaborateur, vous l’avez dit, n’offrait presque pas de droits : le conjoint qui se séparait à 48 ou 55 ans découvrait alors qu’il n’avait presque pas de retraite. Il fallait mettre fin à cette situation, et j’avais trouvé parfaitement approprié le dispositif présenté par le rapporteur général en commission. Néanmoins, Mme la ministre a raison, il faut en limiter l’application à ceux qui sont concernés par la période visée par la loi Chassaigne ; il ne peut pas s’appliquer ad vitam aeternam.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Exactement !
(Les amendements identiques nos 72, 283, 1052 et 1295 sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Juste une précision, afin que tout le monde comprenne ce qu’on va voter. Les amendements ne prévoient que l’exonération de cotisations salariales ; le régime des jeunes agriculteurs est beaucoup plus large – il comprend notamment la dotation jeunes agriculteurs et les abattements fiscaux. Par ailleurs, l’exonération ne concernera que les conjoints collaborateurs qui arrivent au bout du délai de cinq ans, qui font le choix d’exercer en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif et qui s’engagent à conserver ce statut pendant au moins cinq ans.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 389, 1312, 1768 et 2340.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 255
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 195
Contre 56
(Les amendements identiques nos 389, 1312, 1768 et 2340, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 1506 tombe .)
(Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Patrick Hetzel
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je précise que je lève le gage pour rester fidèle à la bonne volonté de travailler en commun. J’insiste cependant : le gouvernement soutient une forme de fusion des dispositions ; il faut que la mesure qui vient d’être votée s’applique uniquement aux personnes dont le statut est issu de la réforme Chassaigne, pour les inciter à effectuer la transition vers le statut de chef d’exploitation. Les conjoints collaborateurs, très mal protégés, prennent des risques pour eux et pour leurs familles en matière de protection sociale ; l’objectif est de voir ce statut disparaître.
M. Laurent Wauquiez
Parfait, merci !
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 113, 236, 114 et 796, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 114 et 796 sont identiques.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 113.
M. Yannick Monnet
Dans votre élan de bonne volonté, je vous suggère de soutenir le présent amendement qui vise à apporter des recettes nouvelles pour financer les retraites. Les annonces du premier ministre ne reçoivent aucune traduction concrète dans ce PLFSS, mais on ne renonce pas aux efforts. Le problème de la sécurité sociale en général et du système de retraite en particulier, ce sont les recettes et non les dépenses ; nous proposons donc de mettre un peu plus à contribution les hauts revenus, suivant la recommandation du COR, le Conseil d’orientation des retraites, qui soulignait en 2025 que les ressources de la branche vieillesse diminuaient trois fois plus vite que n’augmentaient ses dépenses.
Nous proposons également de convoquer une vraie conférence sociale consacrée au financement des retraites, pour garantir la pérennité de notre système par répartition.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 236.
Mme Sandrine Rousseau
Il a le même objet : organiser une conférence sur le financement des retraites, pour éviter de mettre notre système en péril. Nous n’avons pas évoqué, dans cet amendement, les 400 millions nécessaires pour cette année, mais nous proposons plus loin des pistes pour trouver les ressources permettant non pas de décaler ou de suspendre, mais d’abroger la réforme des retraites. Je vous invite à adopter le présent amendement.
M. François Cormier-Bouligeon
Eh bien, non !
Mme la présidente
Sur les amendements no 114 et identique, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 114.
Mme Karine Lebon
Au cas où l’excellent amendement no 113 ne serait pas adopté, nous proposons un amendement de repli, qui vise à créer une contribution supplémentaire sur les plus hauts revenus afin de renforcer le financement de la branche vieillesse.
M. Ian Boucard
Ça faisait longtemps que la gauche n’avait pas proposé une taxe !
Mme Karine Lebon
C’est une simple mesure de justice sociale. L’amendement, qui reprend les recommandations du COR, ne bouleverse pas la structure du système, mais l’équilibre en apportant une recette supplémentaire ciblée sans alourdir les charges des petites entreprises ni fragiliser les exploitants agricoles. Vous qui cherchez à améliorer le financement de la branche vieillesse, vous accepterez, je n’en doute pas, notre proposition qui consiste à augmenter très légèrement les taux de cotisation des plus hauts revenus.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 796.
Mme Élise Leboucher
Comme votre réforme des retraites doit être non pas décalée mais abrogée, nous proposons un amendement qui vise à financer le retour à la retraite à 62 ans en augmentant les cotisations d’assurance vieillesse pour les plus hauts revenus.
Votre réforme accroît le nombre d’accidents de travail et de maladies professionnelles – dont vous compliquez, dans ce PLFSS, la reconnaissance et la prise en charge. Pour rappel, les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de cinq ans à celle des cadres.
M. Pierre Cordier
Je ne suis pas LFIste, mais cela est vrai !
Mme Élise Leboucher
Votre réforme renforce le chômage et précarise les seniors. Les femmes sont les plus pénalisées, et ce ne sont pas les miettes que vous jetez dans ce PLFSS qui vont améliorer les choses. Pour empêcher ce désastre social, la suspension de la réforme n’est pas une option ; il faut l’abrogation – et le financement qui va avec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
Ou un travail sur la pénibilité !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Nous commençons une série d’amendements qui tendent à augmenter les surcotisations vieillesse. Monsieur Monnet, mesdames Rousseau, Lebon et Leboucher, vous souhaitez trouver de nouvelles recettes ; c’est louable, mais les mesures que vous proposez représentent un impact de 3,4 milliards d’euros.
M. Yannick Monnet
Oui, et alors ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Lebon, vous avez parlé d’augmenter « très légèrement » les taux de cotisation, mais il s’agit tout de même d’une augmentation de 33 %, ce qui est loin d’être négligeable.
M. Yannick Monnet
Il faut savoir ce que vous voulez !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ces éléments, déjà évoqués en commission, doivent être rappelés ici pour être portés à la connaissance de toute la représentation nationale : les personnes aux revenus élevés paient déjà des cotisations au-dessus du plafond de la sécurité sociale, contribuant ainsi au financement de solidarité du régime sans en retirer aucun droit supplémentaire à la retraite de base.
M. Yannick Monnet
Une partie seulement des cotisations est déplafonnée !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Monsieur Monnet, on entend souvent, sur vos bancs, que nous n’avons qu’un problème de recettes. C’est faux : nous avons aussi un problème de dépenses très important. Nous sommes d’ailleurs l’un des pays qui prélèvent le plus – nous sommes à la deuxième place en Europe – et qui redistribuent le plus. C’est un serpent qui se mord la queue : on augmente les prélèvements sur les entreprises, puis il faut aider celles-ci pour qu’elles restent compétitives. Ce système est fou ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Je soutiens l’amendement de M. Monnet qui propose, dans la suite de nos échanges, de taxer – puisque vous adorez ce terme – les plus hauts revenus. Oui, il y a un problème de recettes sur la branche vieillesse : nous avons besoin d’un financement supplémentaire pour cette année et surtout pour les années à venir. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Je vous invite donc à voter l’amendement de M. Monnet ou, à défaut, l’un des amendements suivants. Ceux qui en ont les moyens doivent contribuer à combler ce besoin de financement. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
(Les amendements nos 113 et 236, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 114 et 796.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 227
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 62
Contre 165
(Les amendements identiques nos 114 et 796 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1572, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement.
Mme Élise Leboucher
Le déficit affiché de la branche vieillesse est le résultat d’un sabotage délibéré de notre système de retraite par les libéraux, impatients de mettre en œuvre sa privatisation et d’offrir de nouveaux débouchés aux fonds d’investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or les déficits ne s’expliquent que par la baisse organisée des recettes. La politique de l’offre détourne des recettes sociales – presque 20 milliards d’exonérations de cotisations sociales – et provoque le déficit.
Notre système de retraite a besoin de retrouver des sources de financement dont il a été privé. Les cotisations vieillesse sont aujourd’hui limitées ; résultat, les revenus les plus élevés sont moins mis à contribution que les autres. Ce système bénéficie aux employeurs et aux travailleurs les plus aisés, et c’est un sérieux coup porté à la solidarité nationale en matière de protection face au risque vieillesse. La hausse générale des salaires et la socialisation accrue des revenus élevés sont la solution pour assurer la couverture des besoins de financement du système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Votre amendement, madame Leboucher, rapporterait 12 milliards de plus sur les seules cotisations salariales et 15 milliards de plus sur les seules cotisations patronales. Vous reprenez une idée en vogue dans les années 1980 – les années 1981 à 1988, pour employer une référence qui vous parle davantage.
Mme Élise Leboucher
Je n’étais pas née en 1981 !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Moi non plus !
Je ne suis pas sûr que la mesure que vous proposez puisse rapporter de l’argent. Cela m’étonne d’ailleurs que vous la formuliez ainsi – en général, vous faites moins confiance au gouvernement ! En effet, votre amendement ne modifie pas les taux de cotisation d’assurance vieillesse et laisse donc au gouvernement la plénitude des compétences pour opérer ces modifications. Or, dans les années 1980, lorsqu’on a organisé le déplafonnement des cotisations, cela s’est en général accompagné de baisses de taux. On croyait qu’on allait avoir davantage – c’est le but que vous visez en cherchant à faire participer les plus hauts revenus – mais, comme le déplafonnement s’est accompagné de baisses de taux, on n’a pas forcément engrangé les recettes attendues. Je ne suis donc pas sûr que votre amendement augmente les recettes car, lorsque le gouvernement va le traduire en mesures réglementaires, le jeu des taux risque d’annuler l’effet escompté. Avis défavorable.
M. Louis Boyard
On les censurera !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous proposez de déplafonner les cotisations patronales et salariales d’assurance vieillesse de base. Une telle mesure constituerait un changement majeur du mode de fonctionnement de notre système de retraite. Celui-ci repose sur deux couvertures : le régime de base géré par la branche vieillesse, qui ne couvre les revenus que jusqu’au plafond de la sécurité sociale ; et le régime complémentaire géré notamment par l’Agirc-Arrco pour le secteur privé, qui assure un complément en cas de rémunération supérieure au plafond – d’autant plus important que le salaire est élevé. Nous sommes par ailleurs attachés au caractère assurantiel du système : il ne peut y avoir de cotisations sans ouverture de droits. Déplafonner les cotisations d’assurance vieillesse implique donc en théorie de déplafonner aussi les pensions.
La solidarité que vous appelez de vos vœux dans le système de retraite existe déjà. Il n’est pas exact que ceux qui ont des revenus élevés ne contribuent pas : ils cotisent bien sur le revenu qui excède le plafond annuel de la sécurité sociale alors que cela ne leur ouvre aucun droit supplémentaire à la retraite de base.
Votre proposition est motivée par le souci de pérenniser notre système, mais elle pose plus de questions qu’elle n’en résout. Que deviendrait le régime complémentaire Agirc-Arrco ? Il serait vraisemblablement insoutenable et devrait au mieux se réduire, au pire disparaître. Ce point fait-il l’objet d’un consensus parmi les partenaires sociaux ? J’en doute. Les droits seraient-ils également déplafonnés ? Si oui, votre amendement bénéficierait surtout, à terme, aux assurés les plus aisés. Ce sont là des sujets majeurs qui touchent aux fondements de notre système et ils doivent bénéficier d’un espace de débat dédié, mais votre amendement ne me semble pas, en l’espèce, répondre à ces questions. Mon avis est donc défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
L’ADN de la répartition, c’est la solidarité intergénérationnelle. Si, demain, les hauts revenus – comme vous les qualifiez – ne sont plus là ou n’ont plus leur activité économique en France, comment allez-vous pérenniser ce bien collectif qu’est notre système de retraite ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela faisait longtemps que la gauche n’avait pas proposé de nouvelle taxe ; nous ne sommes pas déçus, vous restez constants dans vos idées.
Mme Marie Mesmeur
Vous aussi, vous restez constants !
Mme Justine Gruet
Nous pensons, pour notre part, à la valorisation du travail – ce n’est pas un vilain mot – et à l’épanouissement que celui-ci permet. Avec le taux d’emploi de l’Allemagne, nous aurions 15 milliards de cotisations supplémentaires et nous économiserions 5 milliards en prestations sociales. L’enjeu, pour pérenniser notre système, est d’augmenter le taux d’emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
Eh oui !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Tout d’abord, si la droite est contre l’impôt, c’est parce que c’est la seule façon de répartir les richesses.
Ensuite, pour répondre à notre collègue Lauzzana, on entend souvent dire que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe. C’est vrai, mais nous n’avons pas tout à fait les mêmes dépenses que les autres : dans notre pays la sécurité sociale coûte 660 milliards, et la dissuasion nucléaire 17 millions par jour.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1572.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 51
Contre 167
(L’amendement no 1572 n’est pas adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 803 rectifié et 110, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Zahia Hamdane, pour soutenir l’amendement no 803 rectifié.
Mme Zahia Hamdane
Je suis certaine que vous voterez en faveur cet amendement qui comporte des mesures de bon sens et de justice sociale.
Au-delà d’un salaire d’environ 15 700 euros brut par mois, le taux de cotisation vieillesse chute. Plus les revenus sont élevés, moins on contribue à la solidarité nationale : les très hauts salaires profitent ainsi d’un véritable rabais sur la sécurité sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous proposons donc d’instaurer une surcotisation vieillesse au-delà de ce seuil. Concrètement, quelqu’un qui gagne 30 000 euros par mois cotiserait environ 480 euros de plus. Une telle mesure, qui n’est pas confiscatoire, permettrait de renforcer durablement la branche vieillesse, affaiblie par des années d’exonérations patronales.
Qu’on ne nous dise pas que c’est insoutenable. Les personnes bénéficiant de ces niveaux de revenus cotisent déjà à plusieurs caisses, peuvent épargner et devenir propriétaires ; ils n’ont pas besoin de cadeaux supplémentaires. C’est une question d’équité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 110.
M. Jérôme Guedj
Si nous n’avons pas soutenu, tout à l’heure, l’amendement proposant un déplafonnement total de la cotisation vieillesse, c’est au nom de la logique assurantielle de cette branche, principe auquel nous sommes attachés.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, si nous déplafonnons les cotisations vieillesse, il faut déplafonner aussi les pensions de retraite, puisqu’elles sont créatrices de droits et qu’il existe une retraite de base maximale correspondant à un demi-plafond annuel de la sécurité sociale. En déplafonnant, nous questionnons tout notre système de sécurité sociale, fondé sur un régime de retraite de base associé à des régimes complémentaires.
Un déplafonnement total pourrait, un jour, être proposé dans le cadre d’une réforme systémique d’ampleur. En attendant, au nom de l’uniformité et de l’unité de notre système, notre proposition d’appel augmente – pour les très hauts revenus seulement – la part des cotisations déplafonnées qui financent les prestations non contributives.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ces amendements sont très proches de ceux de la discussion précédente, mais les montants sont un peu différents. Pour être précis, l’amendement de M. Guedj – modifié depuis son rejet en commission – a un impact de 650 millions d’euros ; celui de Mme Hamdane est de 6 milliards d’euros. Ce n’est pas la même épure.
Mme Hamdane évoque le cas des personnes qui gagnent plus de 30 000 euros par mois, mais, en réalité, cet amendement concerne des personnes qui peuvent gagner 4 001 euros par mois.
M. Pierrick Courbon
Ce n’est déjà pas mal !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Il y a tout de même une différence entre ceux qui gagnent 4 001 euros et ceux qui gagnent 30 000 euros.
L’argumentaire de Jérôme Guedj me fournit une transition, au-delà des arguments que j’ai déjà développés. Dans notre régime de base, la retraite est plafonnée à 1962,50 euros. Or ces surcotisations vieillesse – des cotisations de solidarité qui ne créent pas de droits – peuvent poser des questions de constitutionnalité. Une exception a été prévue, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous avertit sur le niveau des plafonds et des seuils de ces cotisations de solidarité.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements qui ont été rejetés en commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Il est proposé de créer une surcotisation vieillesse sur les revenus supérieurs à quatre fois le plafond de la sécurité sociale, soit 7 000,20 euros par mois en 2026, ladite surcotisation comportant une part patronale fixée à 1,78 % et une part salariale fixée à 1,60 %. Cette mesure ne me semble pas opportune, notamment au regard des autres mesures déjà actées pour 2026 – je pense notamment à la refonte des allégements généraux, qui profitera pour partie à la branche vieillesse, et à d’autres recettes que nous avons proposées, telle la mesure relative aux organismes complémentaires, à l’article 7 de ce PLFSS – sans parler d’autres de vos propositions qui vont revenir dans le débat.
Une telle mesure alourdirait le coût du travail, mais réduirait également le pouvoir d’achat des salariés, ce qui constituerait une contrainte significative pour de nombreux actifs. Est-ce là un objectif à poursuivre dans le contexte économique actuel ?
De plus, je vous rappelle que notre système de retraite comporte aussi un volet complémentaire, et qu’en s’ajoutant au taux applicable pour la retraite complémentaire au-dessus du plafond de la sécurité sociale, l’application de la mesure proposée pourrait mettre en danger le financement de la retraite complémentaire des salariés.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose de retirer vos amendements, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Hypocrisie et arnaque, tels sont les deux mots qui permettent de définir…
Mme Karine Lebon
Le RN !
M. Kévin Mauvieux
…la gauche et l’extrême gauche.
Les amendements qui se succèdent depuis tout à l’heure révèlent votre programme : créer des surcotisations, augmenter la lourdeur fiscale et sociale qui pèse sur les patrons et les Français.
Les patrons sont pris à la gorge, les Français sont à découvert le 5, le 10 ou le 15 du mois – en tout cas de plus en plus tôt.
Mme Ségolène Amiot
Quand on touche 5 000 euros par mois, ça va !
M. Kévin Mauvieux
En réalité, vous voulez resserrer le pouvoir d’achat et les marges de manœuvre des entreprises et faire croire que vous pouvez ainsi financer une abrogation de la réforme des retraites qui ne pourra pas passer par amendement.
Les solutions, nous les avons et ce sont celles que demandent nos concitoyens. Les Français – et les patrons – ne demandent pas qu’on les oblige à se serrer encore plus la ceinture pour des mesures démagogiques.
M. Jean-François Coulomme
Rendez l’argent aux Français !
M. Kévin Mauvieux
Ce qu’ils veulent, c’est qu’on arrête de dépenser leur argent n’importe comment ! La fraude sociale, c’est 13 milliards d’euros à récupérer.
M. Jean-François Coulomme
Où sont les 9 millions d’euros que doit le RN ?
M. Kévin Mauvieux
La vente de médicaments à l’unité, la fin des agences régionales de santé (ARS) et de la gabegie dans l’administration – qui coûtent une blinde aux Français –, les prestations sociales non contributives qu’il faut réserver aux Français… On a les moyens de faire de très importantes économies sans serrer la ceinture des Français ! Et aux macronistes qui comparent toujours la France à l’Allemagne, je rappelle enfin que les Allemands cotisent moins que nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Rassemblement national.)
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Le Rassemblement national dit que notre programme, c’est de taxer, mais lui, il n’a pas de programme ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe Rassemblement national.)
L’amendement concerne des personnes qui touchent 4 000 euros par mois. En deçà de ce niveau de revenu, le taux de cotisation est de 18 %, mais au-delà, il est de 2,42 %.
Mme Alma Dufour
Voilà !
M. Louis Boyard
Vous passez votre temps à dire que les Français sont les plus taxés au monde, mais ce n’est vrai que pour les plus pauvres ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Depuis 2003, les recettes de la sécurité sociale financées par la TVA ont crû de 8 % et celles financées par les cotisations patronales ont diminué de 8 % ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Frédérique Meunier
C’est faux !
M. Louis Boyard
Vous creusez le déficit en le faisant payer aux plus précaires et c’est le Rassemblement national qui tient la pelle !
Mme Frédérique Meunier
Ce n’est pas vrai !
M. Louis Boyard
Heureusement que La France insoumise est là pour rappeler que ce n’est pas aux plus précaires de payer et que ce n’est pas la TVA, mais une hausse de la taxation des hauts revenus qui doit financer la sécurité sociale ! Heureusement que les plus précaires peuvent compter sur elle : on ne peut pas en dire autant du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 803 rectifié.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 187
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 78
Contre 109
(L’amendement no 803 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 110.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 194
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 87
Contre 104
(L’amendement no 110 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 1349.
M. Michel Castellani
Il tend à rendre obligatoire, dans les entreprises de plus de 300 salariés, une négociation ou un plan d’action en faveur du maintien dans l’emploi du personnel le plus âgé, sous peine d’un malus sur les cotisations vieillesse.
Son objectif est d’améliorer le taux et les conditions d’emploi des seniors.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je partage le souci d’améliorer le taux d’emploi des seniors. Il se trouve que nous avons, il y a quelques jours, voté définitivement la transcription de l’accord national interprofessionnel qui prévoit la création d’une nouvelle négociation obligatoire, relative à l’emploi, au travail et à l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, dans les entreprises d’au moins 300 salariés et dans les branches professionnelles.
Cet accord apporte la preuve qu’on peut faire confiance aux partenaires sociaux, mais on leur enverrait un mauvais signal si on adoptait l’amendement no 1349, qui tend à créer un malus – autrement dit un prélèvement social déguisé.
En outre, vous souhaitez qu’un décret précise le calcul de son montant en fonction des efforts constatés dans l’entreprise et des motifs de son éventuelle défaillance, sur la base de critères clairs. Selon moi, ces critères devraient être fixés par la loi, afin de ne pas laisser trop de marge à une décision arbitraire du gouvernement.
Par honnêteté, je dois vous dire que l’amendement a reçu un avis favorable de la commission, mais que le mien sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous proposez de créer un malus applicable aux cotisations d’assurance vieillesse pour les entreprises de plus de 300 salariés en cas de carence des négociations sur l’emploi des seniors. Comme le rapporteur l’a rappelé, le gouvernement a déjà agi en faveur de l’emploi des seniors : la loi du 24 octobre dernier a transposé l’ANI conclu à ce sujet.
Le choix du gouvernement n’est toutefois pas celui que vous défendez : si le rôle des cotisations est bien de créer des droits, à qui attribuer ceux résultant de leur majoration et comment les intégrer à notre système de retraite ?
Ce malus n’est qu’un prélèvement supplémentaire déguisé. Je vous renvoie donc aux avis que j’ai donnés sur les amendements qui tendaient à créer des cotisations ou des contributions supplémentaires.
Votre mesure me semble aussi disproportionnée, car c’est l’absence de négociation qui serait sanctionnée et non les manquements effectifs de l’employeur en matière d’emploi des seniors. Les partenaires sociaux ont signé un ANI sur le même sujet, mais n’ont pas prévu de telles dispositions.
Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Je ne retirerai pas cet amendement, car je n’en suis pas le premier signataire. Son objectif est bien que des négociations aient lieu dans le cadre mentionné plus tôt.
(L’amendement no 1349 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l’amendement no 809 rectifié.
Mme Ersilia Soudais
Il est hallucinant que nous soyons incapables de former suffisamment de médecins en France, au point de devoir sortir des praticiens de leur retraite. Pour les inciter à reprendre du service, on a décidé de les exonérer de certaines contributions sociales. C’est si efficace que les médecins retraités qui reprennent le chemin du travail sont de moins en moins nombreux !
Nous devons plutôt nous attaquer au problème fondamental et former plus d’étudiants en médecine. Avoir supprimé le numerus clausus ne suffit pas : il faut plus de moyens et plus de places ouvertes en faculté. Il faut aussi faire en sorte de mieux traiter les médecins qu’on fait venir de l’étranger : il est hallucinant que les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) soient payés au même niveau que les internes, alors qu’ils sont une denrée rare et précieuse.
Je ne sais pas si ceux de votre circonscription en font autant, mais les hôpitaux de mon secteur ont dû tricher avec la loi pour accorder à ces médecins des primes qu’ils ont d’ailleurs finalement dû rembourser – certains avaient reçu jusqu’à 100 000 euros !
Je ne comprends pas votre manière de procéder : plutôt que de recourir aux méthodes qui fonctionnent, vous préférez distribuer de l’argent et attendre de voir ce que cela va donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je suis très surpris de votre propos, qui n’a rien à voir avec l’exposé sommaire de l’amendement. Vous évoquez des cas de triche et des primes de 100 000 euros versées par des hôpitaux, alors que l’amendement no 809 tend à supprimer une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale adoptée en février 2025, qui permettait de simplifier grandement les démarches administratives des médecins en retraite qui reprennent du service et dont nos territoires ont besoin.
En matière de cumul emploi-retraite des médecins, l’Assemblée avait adopté une mesure qui, selon la Caisse autonome de retraite des médecins de France, allait trop loin. En CMP, un équilibre avait été trouvé, pour éviter les effets d’aubaine et permettre une transition vers un régime simplifié.
Celui-ci permet surtout d’alléger significativement la charge administrative des médecins quand ils doivent retravailler : les obligations administratives sont simplifiées, l’Urssaf est l’interlocuteur unique des praticiens et gère pour leur compte les formalités nécessaires à la création ou à la reprise d’une activité. Ces aides sont décisives pour les médecins volontaires souhaitant sortir de leur retraite.
Vous affirmez dans l’exposé des motifs que le dispositif a pour seul effet de priver la sécurité sociale de recettes, mais je ne suis pas d’accord. Un médecin affilié au régime simplifié paiera 3 200 euros de cotisations, contre 3 300 euros pour le médecin au régime de droit commun : cette perte est très faible en comparaison des bénéfices que procure la simplification.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement qui a été rejeté par la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
On a besoin de médecins dans nos territoires, pour soigner les Françaises et les Français. Toutes les mesures qui permettent que leur nombre progresse me semblent donc aller dans le bon sens et l’esprit des mesures de cumul emploi-retraite des médecins est le bon.
Votre amendement tend à abroger l’article 5 de la loi du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale, qui est relatif à l’extension du régime simplifié des professions médicales, aux médecins en cumul emploi-retraite ainsi qu’aux médecins participant aux campagnes de vaccination, au motif de son inefficacité à améliorer l’accès aux soins.
Les médecins en cumul emploi-retraite bénéficiaient déjà de ce dispositif lorsqu’ils faisaient des remplacements ou de la régulation. L’article que vous souhaitez abroger assouplit seulement les conditions de leur reprise de service et contribue ainsi au meilleur accès aux soins de nos concitoyens.
En facilitant leurs démarches et en adaptant les prélèvements à la réalité de leur activité, cet article favorise l’engagement de praticiens expérimentés dans des zones où les besoins sont les plus forts. Ce dispositif a déjà permis à plusieurs centaines de médecins de renforcer temporairement les équipes locales ou de participer à la régulation et aux campagnes de prévention.
Le régime simplifié des professions médicales (RSPM) n’institue pas une exonération de cotisations sociales, mais une simplification administrative, particulièrement adaptée aux médecins exerçant une activité réduite. Il s’agit donc d’un dispositif équilibré, incitatif et responsable du point de vue des finances sociales.
La lutte contre les déserts médicaux est loin d’être terminée, mais les premiers résultats observés sont plutôt encourageants. La participation des médecins retraités progresse et les retours du terrain sont positifs.
Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Je suis désolé, monsieur Boyard, mais, à gauche, vous souffrez bel et bien de taxomanie. Vous imposez des surcotisations parce que vous refusez que la TVA finance le système de protection sociale – c’est ce que vous m’avez répondu – mais, dans les deux cas, cela revient à taxer les Français, encore et toujours ! Or ils en ont assez et veulent que la pression fiscale baisse, pas qu’elle augmente.
Le Rassemblement national l’a compris : nous sommes les seuls à proposer une baisse massive des dépenses pour soulager nos concitoyens et les entreprises.
En outre, nous sommes opposés au principe même de cet amendement. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le manque de médecins vient du fait qu’il n’y en a pas assez de formés. Mais, en attendant qu’ils le soient, nous refusons de dire aux Français que, pour des raisons purement démagogiques, ils vont être privés de médecins.
Nous préférons inciter les médecins retraités à poursuivre leur activité, et contribuer ainsi à soutenir l’offre de soins, en les exonérant de charges, voire d’impôt sur le revenu. (M. Louis Boyard s’exclame.) Quel est notre objectif ? Maintenir les médecins en activité le plus longtemps possible, en attendant que les nouveaux prennent le relais.
Nous refusons de punir les Français en leur retirant des médecins ; nous refusons de nous enfermer dans une logique où l’on taxe, où l’on charge, où l’on fait cotiser en permanence. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Nous avons eu de nombreux débats en commission des affaires sociales sur le cumul emploi-retraite des médecins. Tout le monde partage l’idée qu’il faut mobiliser tous les moyens pour lutter contre la désertification médicale.
Permettre à des médecins retraités de revenir exercer quelques heures constitue évidemment l’un de ces moyens. L’amendement déposé par M. Clouet poursuit un objectif simple – harmoniser les modalités de cotisation et de financement avec celles du régime salarié. Ce n’est donc pas révolutionnaire ; il s’agit simplement d’éviter un traitement spécifique.
(L’amendement no 809 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 812.
Mme Ségolène Amiot
Nous proposons de revenir sur l’exonération complète de cotisations vieillesse pour les médecins en cumul emploi-retraite, mise en place pour inciter les médecins à prolonger leur activité, notamment dans les zones sous-dotées – 87 % du territoire, soit sa quasi-totalité.
Les études montrent que cette incitation n’a pas été concluante : la démographie médicale continue de baisser, y compris parmi les médecins retraités. Surtout, ce n’est pas cette exonération qui les motive à poursuivre leur activité, mais avant tout le contact humain, la solidarité avec leurs collègues et l’engagement envers leurs patients.
À aucun moment les médecins ne déménagent pour exercer dans une zone sous-dotée simplement en raison de cette incitation. C’est pourquoi il convient que leur cotisation contribue réellement au financement de leur retraite plutôt que de maintenir une exonération inefficace. Supprimons cette disposition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
C’est moi qui ai soutenu cette exonération à l’automne dernier – mea culpa. J’y croyais sincèrement. Cependant, la disposition adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 se voulait exceptionnelle – c’était une mesure limitée à 2025, afin d’accompagner la transition vers le régime simplifié.
Or votre amendement propose de la supprimer en 2026 ; ce n’est donc pas pertinent. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je tiens à m’élever contre les allégations de certains de mes collègues : il est faux de dire que la présence de médecins retraités ne facilite pas le travail des médecins en activité. De nombreux centres médicaux fonctionnent grâce à eux.
En outre, je peux en témoigner, la charge administrative et les cotisations sont malheureusement très lourdes : beaucoup de médecins souhaitent reprendre une activité, mais sont dissuadés par les plafonds de cotisation trop bas – c’est pourquoi je voulais les augmenter.
Les médecins retraités qui assurent des remplacements sont essentiels : ils permettent de soulager les médecins en activité, de les remplacer ponctuellement, de leur offrir des moments de répit alors que, dans de nombreuses zones sous-dotées, les médecins sont en surcharge de travail. Certains finissent même par dévisser leur plaque.
Mme Ségolène Amiot
C’est vrai !
M. Michel Lauzzana
J’y insiste, nous avons besoin des médecins retraités remplaçants !
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Les exonérations de cotisations sociales font l’objet d’une littérature abondante : plusieurs rapports ont été publiés, et beaucoup soulignent que ces exonérations ne permettent pas de remplir les caisses.
Cela dit, elles nous offrent tout de même l’occasion d’un débat de fond avec le Rassemblement national, afin qu’il nous explique ses positions à l’occasion de ce vote. Je suis très curieux de les connaître car j’ai consulté votre contre-budget, et je n’y trouve pas certains mots – « médecin » ou « hôpital », par exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous parlez de démographie médicale, mais vous proposez de baisser de 500 millions d’euros le budget de l’enseignement supérieur !
Mme Marie Mesmeur
Exactement !
M. Louis Boyard
La vérité, c’est que vous n’avez pas de programme pour la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous êtes contre l’augmentation des cotisations sur les revenus supérieurs à 4 000 ou à 8 000 euros. Vous dénoncez les baisses de moyens de la sécurité sociale sans avoir de programme, je le répète !
Vous n’avez pas plus d’idéologie, si ce n’est celle du patronat, qui vous chuchote à l’oreille et vous pousse à défendre uniquement ses intérêts – au détriment de ceux des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
On perd du temps !
(L’amendement no 812 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 15, 115, 443, 619, 1152 et 1564, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 15, 115, 443, 619 et 1152 sont identiques.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 15.
Mme Sylvie Bonnet
Le 31 janvier 2025, sans concertation, le gouvernement Bayrou a décidé d’augmenter de 3 points par an le taux de cotisation vieillesse des employeurs territoriaux, et ce jusqu’en 2028. Cette mesure représente une dépense supplémentaire non compensée d’environ 4,2 milliards d’euros par an pour les collectivités.
Il est incohérent de vouloir réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales tout en leur imposant un tel choc contributif. C’est pourquoi notre amendement vise à revenir sur cette hausse, qui pèserait dès 2026 sur la masse salariale des collectivités et des établissements hospitaliers, en ramenant le taux de cotisation à son niveau actuel de 34,65 %.
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 115.
Mme Karine Lebon
Parlons un peu de décentralisation : les collectivités territoriales doivent toujours faire plus, mais avec moins. En parallèle, leurs dépenses contraintes, notamment celles liées à leur masse salariale, ne cessent d’augmenter.
Or les collectivités locales n’ont aucun but lucratif ; ce ne sont pas des structures qui cherchent à maximiser un chiffre d’affaires, mais des organisations publiques, qui dépendent en grande partie des dotations que l’État décide de leur attribuer.
Pourtant, la hausse de leurs dépenses contraintes n’est pas compensée, réduisant d’autant leur capacité à assumer leurs missions. Vous refusez d’augmenter leurs dotations – dont acte ; faites au moins en sorte de ne pas augmenter leur taux de cotisation en tant qu’employeur.
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 443.
M. Thierry Benoit
Comme mes deux collègues, issus de groupes différents, j’ai cosigné un amendement similaire. L’ancien premier ministre – celui qui a préparé le budget pour 2025 – a eu la main lourde, il faut le reconnaître.
Nous savons dans quelle situation se trouvent les collectivités locales, mais aussi les établissements de santé. C’est pourquoi nous proposons de revenir au taux de cotisation antérieur, celui de 2025, soit 34,65 %, ce qui semble raisonnable.
Bien souvent, les élus locaux – communaux ou départementaux – nous reprochent des propositions trop généreuses votées ici, à Paris, à l’Assemblée nationale, qui sont parfois très coûteuses pour les collectivités territoriales.
Il s’agit donc de réintroduire un peu de raison et de corriger la main, lourde, du premier ministre de l’époque.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 619.
M. Vincent Descoeur
À mon tour de soutenir un amendement similaire, qui vise à appeler l’attention de notre assemblée, mais aussi du gouvernement, sur l’impact budgétaire pour les collectivités territoriales de la décision non concertée d’augmenter la cotisation vieillesse des agents territoriaux.
Comme l’a fort justement rappelé ma collègue Sylvie Bonnet, cette hausse de 3 points par an jusqu’en 2028 représente une charge supplémentaire de plus de 4 milliards d’euros par an pour les collectivités locales, ce qui équivaut à une augmentation de 2 points de leur masse salariale à effectif constant.
M. Ian Boucard
C’est dingue !
M. Vincent Descoeur
Cette mesure va pénaliser lourdement les collectivités – en particulier les plus fragiles d’entre elles, à savoir les communes les plus petites ou les départements les moins dotés, comme celui du Cantal, où je suis élu –, les plaçant dans une situation très délicate.
Nous partageons le souci de redresser les comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) mais, par le passé, ce régime a contribué au mécanisme de compensation démographique à hauteur de plus de 100 milliards d’euros. Il n’est donc pas seul responsable de sa situation actuelle. Notre amendement vise également à alerter contre les conséquences d’une telle hausse pour les budgets des collectivités territoriales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez, pour soutenir l’amendement no 1152.
Mme Céline Thiébault-Martinez
Je m’associe aux inquiétudes exprimées. Notre amendement vise à revenir sur la décision unilatérale prise par le gouvernement en janvier dernier. Si nous ne le faisons pas, la masse salariale des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers va augmenter de 3 points de chaque année – soit 4,2 milliards d’euros supplémentaires, non compensés.
Quel est l’avenir de la CNRACL ? Derrière une caisse de retraite se cache toujours un enjeu de solidarité. Et, en la matière, la CNRACL a largement fait sa part : depuis sa création, elle a permis de renflouer les autres caisses de retraite à hauteur de 100 milliards d’euros.
Concrètement, si nous ne modifions pas cela, les employeurs territoriaux et hospitaliers paieront deux fois : une première fois lorsqu’on leur a prélevé des fonds pour compenser le déficit des autres régimes, et une seconde fois avec cette hausse de cotisations. En matière de solidarité, on peut faire mieux…
Enfin, avec le temps, en raison du coût de la masse salariale, il devient moins coûteux pour une collectivité d’embaucher un contractuel plutôt qu’un agent titulaire. Cela doit nous interpeller sur notre ambition pour la fonction publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 1564.
Mme Élisa Martin
Sur l’injonction autoritaire du gouvernement, il a été décidé que le taux de cotisation patronale de la CNRACL augmenterait de 12 points sur une période de quatre ans à compter de 2025.
Nous parlons pour l’essentiel des hôpitaux et des collectivités locales. Je rappelle que, si le texte dont nous discutons devait être voté, le budget de ces dernières pourrait se voir amputé de 8 milliards d’euros, qui manqueraient au développement des services publics et des politiques publiques locales.
Bref : cet effort imposé aux collectivités locales et aux hôpitaux se conjugue à une baisse des effectifs, soit par le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, s’agissant des hôpitaux, soit du fait de l’incapacité financière d’embaucher de nouveaux agents, non-recrutement qui accentuera encore, bien évidemment, le déséquilibre que connaît la CNRACL.
C’est pourquoi nous demandons le retrait de cette mesure – et vous voyez que cette demande est largement partagée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ce sujet n’est pas évident à traiter pour un rapporteur général qui, pour avoir été maire pendant plus de neuf ans, aime, comme tous ceux qui sont intervenus, les collectivités locales et qui est également sensible à la situation des hôpitaux et des établissements médico-sociaux, aux conseils d’administration desquels je siège comme vous et comme un certain nombre de conseillers départementaux.
Cette discussion a trait à la CNRACL mais aussi, s’il y a une trajectoire de hausse des cotisations, à l’accompagnement des établissements et des collectivités locales. D’une certaine manière, il s’agit d’intégrer dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) – qu’il s’agisse des hôpitaux, des établissements d’accueil des personnes âgées ou des établissements d’accueil des personnes handicapées – la prise en compte de l’impact sur la CNRACL.
Nous avons eu ce débat en commission et il occupera sans doute les membres de cette assemblée jusqu’en 2028 puisque, dans son état actuel, la trajectoire de hausse des cotisations trouvera son point final dans trois ans.
Mais la situation financière de la CNRACL est catastrophique. En effet, son déficit atteindra 1,5 milliard d’euros en 2026 et les projections ne sont pas bonnes. Ce résultat connaît tout de même une nette amélioration, avec une baisse de ce déficit de 0,8 milliard, qui résulte notamment de la hausse des cotisations, dont on estime le rendement à 1,8 milliard d’euros – 700 millions pour les hôpitaux et 1,1 milliard pour les collectivités territoriales.
Malgré tout, la dette cumulée de la CNRACL atteint 10,1 milliards en 2024 et nous ne pouvons pas la laisser filer sans rien faire. J’ai eu des échanges avec ceux qui ont mené la mission flash relative à la CNRACL et j’en ai conclu que la trajectoire de hausse des cotisations ne suffira pas.
Cela étant, je partage votre avis : il faut que les réponses que nous devrons apporter à l’avenir soient structurelles, sans qu’elles oublient pour autant l’historique de solidarité de la CNRACL que notre collègue Vincent Descoeur évoquait à raison. Le rapport publié il y a un peu plus d’un an par les inspections générales sur la situation de la CNRACL propose des pistes, dont les exposés des motifs de vos amendements évoquent certaines. Je pense à la réforme des transferts démographiques entre les régimes de retraite – c’est un beau sujet, monsieur le ministre, qui s’ajoute à ceux que vous commencez à accumuler depuis quelques heures ! – et à la réflexion sur la prise en charge de certaines dépenses aujourd’hui financées par d’autres branches dans les autres régimes de retraite – c’est une question de cohérence et cela donnerait une bouffée d’oxygène à la CNRACL.
M. Philippe Vigier
Absolument !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Par honnêteté, je dois vous dire que la commission a adopté des amendements dont le texte est le même que celui des amendements identiques de cette discussion commune – étant entendu que les dispositions contenues dans le dernier amendement de la discussion sont semblables à celles que prévoient les amendements identiques.
Cependant, vous comprendrez qu’en tant que rapporteur général soucieux de l’équilibre des finances sociales, je ne peux pas donner à l’ensemble de ces amendements un avis favorable à titre personnel. J’appelle toutefois le gouvernement à établir des trajectoires de compensation des établissements concernés et des collectivités locales.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je crois que vous avez déjà largement débattu de la CNRACL l’an dernier. Je résume la situation : l’accord trouvé l’année dernière a stoppé l’hémorragie, mais il n’a pas soigné le malade.
Il faut avoir quelques éléments en tête. Quarante-deux ans après la promulgation des premières lois de décentralisation, les agents publics territoriaux, qui sont nombreux, partent à la retraite. Nous vivons de ce fait un choc démographique très clair : il n’y a que 1,5 cotisant pour 1 retraité. Si rien ne change, ce régime en subira l’impact de façon particulièrement significative : la Cour des comptes a montré qu’en 2030, sur 14 milliards de déficit du régime général, 10 seront liés à la CNRACL. Nous sommes au cœur de l’enjeu démographique et des difficultés du système de retraites.
L’année dernière, une hausse de 3 points sur quatre ans a été actée. Je suis d’accord avec le rapporteur général : je suis prête, et le gouvernement avec moi, à envisager la compensation par l’État des acteurs qui auront à payer ces surcotisations plutôt que l’arrêt de la montée en charge des cotisations.
Je m’explique. Vous avez entendu le premier ministre, la ministre Stéphanie Rist et moi-même confirmer que nous étions prêts à rehausser l’Ondam hospitalier et, s’agissant des collectivités locales, à augmenter les dépenses de fonctionnement de 2,4 milliards, notamment pour mieux couvrir cette hausse importante qui pèse sur la masse salariale, donc sur les dépenses.
Je dois également vous dire que cette hausse mécanique ne résoudra pas les problèmes structurels. M. le rapporteur indiquait que nous discuterions de ce sujet jusqu’en 2028. Non : nous stopperons l’hémorragie jusqu’en 2028 mais, si nous en restons là, le problème reviendra après 2028. C’est pourquoi une deuxième mission est en cours, dont l’objectif est de déterminer ce que nous pouvons faire d’un point de vue plus structurel. Certains ont parlé des enjeux d’égalité et de recrutement, donc de la comparaison du coût des titulaires avec celui des contractuels. D’autres ont évoqué la prise en charge d’un certain nombre de dépenses par d’autres branches. Tout cela peut évidemment être étudié. Mais, en 2026, essayons s’il vous plaît de rester cohérents : vous avez pris une décision l’année dernière pour plusieurs années. Il serait étrange que nous la remettions en question.
Je le redis néanmoins : ce n’est pas parce que ce dispositif est voté qu’il ne faudra pas s’intéresser à l’Ondam hospitalier pour obtenir la compensation et aux dépenses de fonctionnement des collectivités. Quand le premier ministre annonce une augmentation de 1 milliard d’euros de l’Ondam, c’est notamment pour accompagner cette hausse. Il y a là une voie de passage qui me semble plus équilibrée.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
M. Yannick Monnet
Il est où, le milliard ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’entends la question de M. Monnet : il arrivera dans le tableau d’équilibre de l’article 45. Quand le premier ministre, la ministre des comptes publics et la ministre de la santé vous assurent que l’Ondam sera rehaussé de 1 milliard, qui a vocation à être réparti entre l’hôpital, les établissements médico-sociaux et un certain nombre de dépenses – à ce stade, je ne peux évidemment pas vous détailler cette répartition à l’euro près –, il s’agit d’un engagement ferme. Vous savez que, s’il appartient au gouvernement de s’engager à modifier sa copie, il vous appartient, mesdames et messieurs les députés, de nous contrôler et de nous sanctionner si nous ne tenons pas nos engagements.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Je suis défavorable à ces amendements. Certes, tout le monde aime les collectivités et a envie de protéger son hôpital, mais deux problèmes se posent. D’abord, je suis très surpris qu’on veuille s’assurer de la progression des retraites sans penser que ce sont les employeurs qui devront la financer.
Ensuite, voit-on la limite et la stérilité de l’organisation en caisses ? Quand la démographie d’une caisse progresse, elle ne rencontre pas de problème de financement ; à l’inverse, dans la situation actuelle, énormément de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers partent à la retraite sans que le nombre de ceux qui sont actifs augmente, ce qui entraîne une situation de non-financement, alors même que d’autres caisses progressent – on observe même qu’un certain nombre de fonctionnaires territoriaux et parfois de contractuels de la fonction publique territoriale cotisent dans une autre caisse ! Cette organisation est un non-sens total, alors que les démographies professionnelles changent au gré de l’apparition et de la disparition des métiers – et c’est tant mieux. Il faut s’attaquer à l’organisation générale des organismes de retraite.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Nous parlons d’un transfert, pour la seule année 2026, de plus de 1 milliard vers les collectivités locales. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une économie, mais d’un mouvement entre différentes caisses, et que ce sont les collectivités locales qui paieront l’addition du fait d’une décision que vous dites « actée », madame la ministre, mais qui, en vérité, a été prise l’année passée sans concertation.
Rappelons qu’au cours des quatre dernières années, c’est une hausse de 40 % qui a été imposée aux collectivités locales. On ne peut pas leur demander à la fois de faire des économies et de supporter un transfert de caisse. C’est une somme de 1 milliard d’euros qui est en jeu ! Il faut être raisonnable, d’autant que le budget des collectivités locales prévoit déjà une baisse des dotations.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il n’y a pas de baisse des dotations !
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Je veux réagir au mot « accord » qu’a prononcé Mme la ministre. Il n’y a eu aucun accord ! Le gouvernement a pris une décision autoritaire et arbitraire : parce que vous ne voulez pas réorganiser les recettes pour aller chercher l’argent là où il est, vous bricolez un certain nombre de dispositifs, dont celui que nous examinons ici, un dispositif injuste et injustifié et qui a un impact immédiat sur la vie de chacun d’entre nous, en particulier pour ce qui concerne le développement des services publics locaux, qui sont absolument indispensables à tous.
Les départements, par exemple, voient leurs dépenses subir une augmentation contrainte, notamment en raison de l’augmentation de la pauvreté dont vous êtes responsables. Ils passent à la caisse parce qu’ils n’ont pas d’autre solution ! Incontestablement, il n’y a pas eu d’accord ; il y a en revanche des décisions que vous ne prenez pas.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ça a été voté au Sénat !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Au nom du groupe Écologiste et social, je soutiens ces amendements. Les deux projets budgétaires que nous examinons font une bien mauvaise manière à nos communes, nos départements, nos régions, qui sont souvent de vrais soutiens par les politiques publiques locales qu’elles mènent auprès des citoyens et citoyennes. La décision unilatérale d’augmenter les cotisations de la CNRACL grève à nouveau leur capacité d’action alors même que d’autres décisions prises dans le cadre du projet de loi de finances (PLF), notamment la multiplication par deux du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, le Dilico, les mettent en grande difficulté.
Madame la ministre, vous avez indiqué que nous avions pris une décision l’année dernière. C’est faux : l’année dernière, il y a eu un 49.3 !
Mme Alma Dufour
Eh oui !
Mme Sophie Taillé-Polian
Nous n’avons pas pris cette décision, nous ne la soutenons pas, nous ne l’avons jamais soutenue mais au contraire toujours combattue, pour toutes sortes de raisons. La défense de nos collectivités constitue aujourd’hui une nécessité sociale très importante. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Alma Dufour applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Pour soutenir ces amendements, j’aborderai la libre administration des collectivités locales. C’est un principe constitutionnel qui est en train de se réduire comme peau de chagrin car, sans autonomie financière, cette liberté en vient à ne plus rien signifier. Or les collectivités dépendent de plus en plus des dotations de l’État et de moins en moins des recettes qu’elles votent elles-mêmes.
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Philippe Gosselin
La suppression de la taxe d’habitation,…
M. Pierre Cordier
Une catastrophe !
M. Vincent Descoeur
Un désastre !
M. Philippe Gosselin
…leur a ôté un levier, certes en échange d’une compensation par l’État, mais pas à due proportion.
On demande aux collectivités des efforts budgétaires contraignants – 2,7 milliards l’an dernier et sans doute autant, voire plus, cette année – et elles subissent par ailleurs des augmentations de point d’indice ou encore le Ségur. Cela n’a pas été le cas en 2025 – bravo ! – mais il faut digérer tout cela depuis quelques années. Je me réjouis que les personnels qui ont des compétences et se donnent du mal bénéficient du Ségur, mais tout cela ne se traduit pas moins par des dépenses supplémentaires pour les collectivités. Et voilà qu’on en prévoit davantage ! On nous fait les poches ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Je renvoie Mme la ministre au rapport que nous avons produit, à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur le sujet, ô combien important, de la CNRACL. Dans ce rapport, qui s’appuie sur celui rendu conjointement par l’Igas– l’inspection générale des affaires sociales –, l’IGA – l’inspection générale de l’administration – et l’IGF – l’inspection générale des finances –, nous reprenons un certain nombre de propositions qui montrent qu’un autre chemin est possible pour assurer l’équilibre de la CNRACL sans recourir, dans la proportion que vous évoquez, à la cotisation des employeurs.
Parmi les mesures proposées, je citerai l’affiliation de l’ensemble des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet au régime CNRACL, qui permettrait d’abonder ses recettes à hauteur de 290 millions d’euros ; la prise en charge de la majoration de la pension au-delà du troisième enfant par la Cnaf, la caisse nationale des allocations familiales, comme c’est le cas pour d’autres régimes, ce qui représenterait 1 milliard d’euros ; enfin, la prise en charge des pensions d’invalidité par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la Cnav, comme pour d’autres régimes, pour 280 millions d’euros. Au total, plus de 1,5 milliard pourrait ainsi être apporté à la CNRACL sans avoir recours à la cotisation des employeurs territoriaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
On peut remettre en cause la ponction opérée sur les finances des collectivités pour renflouer la CNRACL, mais en tout état de cause je relève une certaine incohérence avec le Dilico, qui prévoit que la restitution – si tant est qu’il y en ait une un jour, mais c’est un autre sujet – ne peut avoir lieu que si les dépenses de fonctionnement et d’investissement n’augmentent pas de plus de 1 point au-dessus de l’inflation ; or, sachant qu’au sein des collectivités, qui par nature ont un fort coefficient de main-d’œuvre, la masse salariale représente souvent 50 % des dépenses de fonctionnement, l’augmentation de la cotisation CNRACL rendrait très difficile de rester dans l’épure fixée par les règles du Dilico.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce débat est important, parce qu’il touche à la définition même d’un système par répartition : ce sont les actifs d’aujourd’hui, y compris donc les employeurs, qui financent les retraites d’aujourd’hui.
M. Philippe Gosselin
Ça va être un choc démographique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les retraités d’aujourd’hui sont les fonctionnaires qui ont commencé à travailler avec la décentralisation, soit il y a quarante-deux ans pile, et cela tombe bien puisque c’est la durée qui permet aujourd’hui de bénéficier d’une retraite à taux plein dans notre pays.
M. Philippe Gosselin
Il y avait déjà des agents territoriaux avant la décentralisation !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout à fait, monsieur Gosselin, mais à l’époque, le ratio était tel que la démographie nous rattrape aujourd’hui.
J’ai répondu à une question d’actualité de Mme Coggia il y a quelques jours, pour rappeler que l’État s’impose la même contrainte que celle qu’il propose pour les collectivités territoriales. Je vous rappelle que dans le compte d’affection spéciale Pensions, il y a 11 milliards de cotisations normalisées et 42 milliards de cotisations d’équilibre, et que cette année aussi, l’État s’impose une hausse de son taux de cotisation de 4 points, pour la même raison : notre démographie est telle aujourd’hui qu’il faut bien en tenir compte, sachant que c’est encore pire pour la fonction publique de l’État où le ratio cotisant-retraité est encore plus dégradé.
J’en viens à la manière dont cette mesure a été élaborée l’année dernière. Je n’étais pas ministre à ce moment-là, et il se trouve que j’ai pris le train budgétaire en marche au Sénat – où, je le rappelle, cette disposition a été modifiée : on est passé de 4 points supplémentaires de cotisation employeur chaque année pendant trois ans à 3 points supplémentaires pendant quatre ans. Évidemment, c’était déjà un compromis, puisque la proposition initiale consistait en une hausse de 10 points sur la seule année 2025. Je pense que, là aussi, un rappel des faits était nécessaire.
Je veux évoquer deux éléments, peut-être plus techniques, sur les dispositions prévues dans le projet du gouvernement pour les collectivités. À ce stade, les dépenses de fonctionnement des collectivités augmenteraient de 2,4 milliards et leurs recettes totales de 4,2 milliards. Nous ne sommes donc pas en train d’imposer aux collectivités ce que nous imposons à l’État, puisque je vous rappelle que, hors ministère de la défense, l’ensemble des ministères ont des crédits qui n’augmentent pas en valeur, voire qui baissent. Je le redis : les collectivités, c’est + 2,4 milliards pour les dépenses de fonctionnement et + 4,2 milliards pour l’ensemble des recettes.
Enfin, s’agissant du Dilico, vous avez raison d’en faire un sujet de débat, monsieur le député. Je sais que le président de la délégation aux collectivités territoriales y sera très sensible, car il s’agit de savoir comment prendre en compte les dépenses réellement contraintes dans le calcul de la restitution. En vous le disant, je montre déjà le chemin que pourraient emprunter les parlementaires et les délégations respectives de l’Assemblée et du Sénat.
Je conclus en soulignant que le système par répartition est ainsi fait que, quand il y a un déficit, il faut une hausse du taux de cotisations – ou des travailleurs en plus.
Mme Sophie Taillé-Polian
Faites-le alors dans le régime général !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Dans le régime général, les taux de cotisation ont été relevés systématiquement, et c’est dans le régime des collectivités le seul outil dont nous disposons qui puisse stopper l’hémorragie. Mais les propositions structurelles que fait M. Delautrette, en tant que président de la délégation aux collectivités territoriales, sont tout à fait justifiées – je pense à la mobilisation des branches famille et vieillesse. Ce sont de bonnes idées, c’est pourquoi d’ailleurs un autre rapport est en cours, avec pour objectif de nous aider à traverser le moyen terme. Je confirme l’avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente
À titre exceptionnel, monsieur Pradié, puisque j’ai donné la parole au représentant de chaque groupe, vous avez la parole pour une minute en tant que non-inscrit.
M. Aurélien Pradié
Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, vous avez tous deux lucidement évoqué le problème structurel de la CNRACL, et vous avez dit très justement, monsieur le rapporteur général, que même l’augmentation des cotisations aura des conséquences lourdes sur beaucoup de nos services publics sans régler pour autant le problème de fond. Mais tous les sujets que nous traitons depuis plusieurs jours sont d’ordre structurel et cette discussion relève à mon sens de l’irresponsabilité la plus totale : jusqu’à quand allons-nous essayer de régler avec du bricolage les problèmes structurels que nous avons sous les yeux ? À quel moment peut-on parler d’irresponsabilité ? Jusqu’à quand peut-on éviter de traiter le fond de ces sujets-là ?
Madame la ministre, le moyen terme, nous y sommes, c’est aujourd’hui ! Vous nous demandez d’augmenter les cotisations pour les collectivités, avec les conséquences parfois définitives que cela aura sur la conduite de certains services publics et alors même que nous savons que cela ne règle rien. Et il en va de même pour à peu près tous les sujets de pilotage de ce pays. C’est comme si vous nous demandiez de régler le problème que pose une fuite gigantesque en remplissant un peu plus le seau.
Je pense qu’à ce stade, ce n’est plus seulement du bricolage, mais bel et bien de l’irresponsabilité.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 115, 443, 619 et 1152.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 94
Contre 129
(Les amendements identiques nos 15, 115, 443, 619 et 1152 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 1564 n’est pas adopté.)
Article 6
Mme la présidente
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc
Le Rassemblement national s’oppose à l’article 6 pour une raison simple : cette mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale s’apparente à une hausse déguisée de la CSG – la contribution sociale généralisée – pour les retraités modestes et pour les travailleurs précaires. En effet, par son refus de revaloriser les seuils du revenu fiscal de référence de la CSG, le gouvernement met en place une hausse de l’imposition réelle pour une partie des Français : je parle de ceux dont le revenu fiscal aurait dû leur permettre de rester en dessous de certains seuils si ces derniers avaient été indexés sur l’inflation. Par cet article, ils dépasseront automatiquement les limites de tranche et basculeront vers un taux supérieur de CSG, voire vers une imposition nouvelle, alors que leurs revenus n’ont pas augmenté. Bref, il s’agit d’un impôt supplémentaire qui va toucher les plus fragiles de nos concitoyens.
Que les choses soient claires : les Français n’attendent pas du gouvernement qu’il comble le déficit du budget de la sécurité sociale par des hausses d’impôt déguisées ou par des contributions sociales supplémentaires. Ils souhaitent qu’il s’attaque en priorité aux dépenses nuisibles et que contribuent au redressement des finances ceux à qui l’on ne demande jamais rien et qui profitent impunément des fruits du travail des autres, ceux qui tirent parti d’un système social ouvert à tous, en particulier les étrangers en situation irrégulière, mais aussi les grandes multinationales et les géants du numérique dont les stratégies d’optimisation fiscale et sociale privent notre pays d’emplois et, par ricochet, affaiblissent le financement de notre sécurité sociale. Ceux-là sont toujours épargnés par notre gouvernement.
Cette énième mesure est emblématique de la méthode brutale d’Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir : fort avec les faibles, faible avec les forts. À ce projet fiscaliste et hypocrite, le Rassemblement national oppose des mesures de justice sociale qui passent par la protection du revenu net des Français qui travaillent et par le soutien à leur pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
L’article 6, c’est l’entrée dans le musée des horreurs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Le gouvernement a annoncé une année blanche, c’est-à-dire qu’aucune prestation sociale ne sera indexée sur l’inflation, y compris les seuils pour l’accès à la CSG à taux réduit. Alors que la pauvreté atteint des niveaux records dans notre pays, notamment chez les retraités, chez les jeunes, chez les chômeurs et chez les personnes en situation de handicap, vous allez encore ponctionner leurs allocations et leurs pensions. Alors que 2 millions de retraités vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 288 euros par mois, vous allez encore leur retirer du pouvoir d’achat : un retraité qui touchait 1 070 euros par mois, jusque-là exonérés de CSG, devra en payer près de 550 euros par an avec cette mesure.
M. Bastien Lachaud
Quelle honte !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Voilà la conséquence de votre politique ! Cette mesure est injuste, elle fait payer ceux qui souffrent déjà, ceux qui ont le moins, et pendant ce temps-là, les hauts revenus continuent de se cacher dans des niches fiscales ou sociales. Quand allez-vous comprendre que votre politique fait souffrir les gens ? La CSG frappe dès le premier euro, sans tenir compte de la réalité du pouvoir d’achat. C’est une fiscalité déguisée, aveugle, qui va à l’encontre de la justice sociale. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Cet article s’attaque directement au pouvoir d’achat des Françaises et des Français. En gelant les seuils d’entrée et les plafonds de sortie des taux réduits de CSG, le gouvernement augmente de manière ciblée la CSG des retraités et des demandeurs d’emploi, et réduit donc d’autant leurs revenus. Certains ménages, et le gouvernement le sait, basculeront pour quelques euros de plus dans le taux supérieur à cause de cette non-réévaluation des seuils. C’est une mesure profondément régressive, comme tout votre budget d’ailleurs, car elle repose uniquement sur les personnes aux revenus modestes. Concrètement, pour un retraité franchissant tout juste le seuil, sa contribution passerait à 45 euros par mois. Et tout ça sans jamais demander aux plus riches de contribuer à l’effort de rétablissement des comptes sociaux. C’est typique de la Macronie, qui demande toujours un effort partagé mais, « en même temps », un effort collectif qui ne passe par l’austérité que pour les classes moyennes et les classes populaires.
Nous demandons évidemment la suppression de cet article, comme nous demanderons la suppression de son pendant, l’article 44, qui est l’une des plus belles pièces du musée des horreurs, puisqu’il prévoit une année blanche pour l’ensemble des prestations et des pensions. Nous, nous entendons le mal-être des Français, nous partageons leurs craintes sur l’inflation et sur le pouvoir d’achat, nous les entendons et agissons en conséquence.
Et puisqu’il me reste un peu de temps, pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, à quel moment nous débattrons de l’amendement gouvernemental sur la suspension de la réforme des retraites ? (M. Jérôme Guedj et M. Arnaud Simion applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
En gelant les seuils de CSG, vous diminuez les revenus annuels de certains retraités des classes moyennes et des classes populaires, de près de 1 000 euros par an pour ceux qui vont passer un seuil. Il y avait pourtant d’autres solutions que de s’en prendre à eux. Pour vous en convaincre, madame la ministre, je vais vous faire la liste exhaustive de toutes les propositions que nous vous faisons pour ce projet de loi de finances de la sécurité sociale.
M. Pierre Cordier
C’est percutant !
M. Hendrik Davi
Premier axe : limiter les exonérations de cotisations sociales. Nous vous proposons de supprimer les exonérations de cotisations patronales au-delà de deux smics, soit 7 milliards d’euros, de geler les seuils d’exonération de cotisations sociales – entre 4 et 9 milliards d’euros –, de soumettre à cotisation les revenus non salariaux comme l’intéressement ou la participation – 3 milliards d’euros – et de supprimer l’exonération sur les heures supplémentaires – 2,3 milliards d’euros.
Une autre possibilité est de taxer davantage les revenus du capital. Nous suggérons une augmentation du taux de la CSG qui leur est appliquée de 9 à 12 %, ce qui rapporterait 5,44 milliards d’euros ; un prélèvement de 1 % sur les donations ; une contribution exceptionnelle sur les retraites chapeaux, les fonds de pension et les bénéfices des établissements privés lucratifs ; ou encore une taxe exceptionnelle de 10 % sur les dividendes des sociétés financières.
Nous proposons de faire contribuer les plus riches et les entreprises. Vous, au contraire, proposez de réduire le pouvoir d’achat des retraités. Le plus terrible, dans l’article 6, est que vous ne vous en prenez pas à tous les retraités de manière égale. Même parmi eux, vous visez les plus pauvres. En effet, les plus riches seront moins touchés, voire ne le seront pas du tout, car il est plus rare pour eux de franchir un seuil d’imposition. Nous sommes face à un choix de société : soit on fait contribuer les plus riches et les entreprises, soit on fait contribuer les malades et les retraités.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je trouve cet article très intéressant, tout compte fait, car il permet de révéler nos conceptions très divergentes de la justice fiscale et de la justice sociale. Au cours de la discussion de l’article précédent, nous avons proposé plusieurs amendements visant à mettre à contribution les hauts revenus. Vous avez refusé et, maintenant, vous proposez de taxer davantage les petites retraites. Vous comprenez bien qu’on ne peut pas l’accepter. Notre débat va avoir le mérite de mettre en lumière nos divergences sur l’introduction d’un peu plus d’égalité en matière de contribution au financement de la sécurité sociale. (Mme Karine Lebon applaudit.)
Par ailleurs, j’ai entendu le Rassemblement national amalgamer dans toutes ses interventions les cotisations, les impôts et les taxes. C’est fort dommage, car ce ne sont pas des prélèvements de même niveau, mais cela ne me surprend pas beaucoup puisque ce parti ne défend pas vraiment la sécurité sociale. D’ailleurs, à l’époque de la création de la sécurité sociale, le camp politique auquel il appartient y était opposé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 122, 128, 310, 853, 873, 1350, 1814, 1892 et 2280, tendant à supprimer l’article 6.
Sur ces amendements, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Droite républicaine et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 122 .
M. Jérôme Guedj
Tout a été dit et on peut déduire du nombre d’amendements de suppression venus de multiples bancs que l’espérance de vie de cet article sera très brève ! La mesure proposée est massive et injuste. L’étude d’impact estime qu’environ 300 000 personnes seraient concernées par un changement de tranche, pour un rendement de 320 millions d’euros. On parle d’une augmentation annuelle de la fiscalité de 1 000 euros en moyenne pour les chômeurs et pour les deux tiers des retraités, ceux qui bénéficient du taux réduit. La mesure de gel proposée ne peut pas être consensuelle. Comme l’a dit ma collègue Sandrine Runel, elle est le pendant de l’année blanche sur l’indexation des prestations. J’ai entendu le premier ministre dire qu’il n’y aurait pas de gel des prestations. Par parallélisme, supprimons le gel du barème de l’impôt ! (M. Arnaud Simion applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 128.
M. Stéphane Peu
Cet article est un archétype. Il représente la théorie du ruissellement, mais à l’envers : plus vous êtes modeste, plus vous payez ; plus vous êtes fortuné, moins vous êtes concerné. Quand on lit bien l’étude d’impact, on voit même que certains retraités aisés pourraient faire des économies. Ceux qui se situent au-delà du neuvième décile paieraient jusqu’à 100 euros de CSG de moins par an. C’est tout le contraire pour les plus modestes. Je prends un exemple très concret, qui correspond au cas de milliers de personnes, dans ma circonscription et ailleurs : un retraité qui touche 17 500 euros par an, soit 80 % d’un smic, perdrait 750 euros sur un an du fait du relèvement du seuil. Cet article instaure une mesure profondément injuste et doit être supprimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Clémentine Autain applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 310.
M. Hendrik Davi
Avec ce PLFSS, on retrouve la lutte des classes dans toute sa splendeur ! Son article 6 prévoit de geler pour 2026 les seuils conditionnant l’application du taux réduit ou de l’exonération de la CSG et d’autres contributions sociales sur les revenus de remplacement comme les pensions de retraite, les pensions d’invalidité et les allocations chômage. Ceux qui nous écoutent doivent comprendre qu’avec le blocage des seuils au niveau de 2025, certains foyers vont changer de tranche, et donc basculer vers un taux supérieur ; d’autres encore vont devenir imposables. Ce gel revient donc à augmenter la CSG pour les ménages les plus modestes et les plus fragiles : les retraités avec de petites pensions, les personnes en situation d’invalidité et les demandeurs d’emploi indemnisés.
Les personnes ayant de hauts revenus sont moins touchées car, pour elles, la probabilité de changer de tranche est plus faible. En pratique, un couple de retraités touchant 23 700 euros par an verra ses prélèvements augmenter de 1 000 euros. Un couple touchant 30 000 euros de retraite annuelle paiera 850 euros de plus. Ce gel constitue donc une hausse déguisée d’impôt pénalisant les plus modestes. Pour toutes ces raisons, mon groupe propose la suppression de l’article 6.
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour soutenir l’amendement no 853.
Mme Joëlle Mélin
Nous demandons également la suppression de cet article qui prévoit le gel des seuils de revenus conditionnant l’application du taux réduit ou de l’exonération de CSG. Sous couvert de rigueur budgétaire, il constitue en réalité une hausse déguisée d’impôt pour les ménages modestes. En France, le salaire médian s’établit à 2 147 euros net par mois, soit à peine quelques centaines d’euros au-dessus du seuil de pauvreté. Cela signifie que 50 % des Français sont concernés, dont un grand nombre de retraités, d’invalides et de demandeurs d’emploi. Pour toutes ces raisons, cet article, qui s’ajoute à celui prévoyant le gel des prestations sociales et des pensions, doit être supprimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 873.
M. Ian Boucard
Le budget présenté par le gouvernement concentre beaucoup de mesures ciblant les retraités, ceux qui ont travaillé toute leur vie : gel de la revalorisation des pensions en 2026, remise en cause de l’abattement de 10 % pour l’impôt sur le revenu et, comme si cela ne suffisait pas, limitation à 0,9 % de la hausse des retraites en 2027.
M. Thomas Ménagé
C’est aussi ce que prévoyait le budget Barnier !
M. Ian Boucard
De plus, l’article 6 gèle le barème qui, pour les pensions et les allocations chômage, détermine entre autres l’application du taux réduit ou du taux normal de CSG et l’assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). L’effort demandé aux Français se répercuterait mécaniquement sur le pouvoir d’achat de certains ménages déjà concernés par d’autres mesures. Le gel ferait passer environ 40 000 foyers de l’exonération au taux réduit. Le groupe de La Droite républicaine propose de supprimer cet article injuste pour que le barème soit indexé sur l’inflation et pour éviter toute hausse de taxes – notre priorité depuis le début des discussions budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 1350.
M. Stéphane Viry
Le budget dont nous parlons est celui de la protection sociale, c’est-à-dire de la mutualisation, de la solidarité et de la préoccupation des plus vulnérables. Or, avec le PLFSS qui nous est proposé, vous nous invitez à faire les poches de ces derniers, à demander encore plus à ceux qui sont le plus en difficulté. C’est contraire à l’esprit même de la sécurité sociale. Nous sommes là pour protéger et rechercher la justice sociale. Nous ne pouvons donc que nous opposer à cet article, quand bien même il faut redresser les comptes. C’est pourquoi le groupe LIOT défend lui aussi un amendement de suppression de l’article 6. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 1814.
M. Bastien Lachaud
Si nous devions résumer le macronisme en un article, ce serait celui-ci ! Les inégalités sont poussées à l’extrême : les plus pauvres vont payer plus et les plus riches vont payer moins. Cet article totalement injuste doit être supprimé. S’il ne l’était pas, un retraité touchant une pension mensuelle de 1 070 euros paierait 46 euros de CSG en plus chaque mois, soit plus de 550 euros en un an.
Mme Annie Vidal
C’est faux ! Ce sont les chiffres pour 2 500 euros de retraite !
M. Bastien Lachaud
Soit un vol caractérisé qui frappe les plus pauvres et les plus faibles alors que les plus riches se gorgent d’argent public offert par les macronistes. Vous devriez avoir honte de présenter un tel article et notre assemblée se grandira en le rejetant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat, pour soutenir l’amendement no 1892.
M. Olivier Fayssat
Les taux réduits de CSG ne sont pas des cadeaux, mais une nécessité pour que la pression fiscale reste au-dessous de la limite de l’insoutenable, y compris pour les moins fortunés. Nous nous opposons donc au gel des seuils des revenus retenus pour le calcul de la CSG et demandons la suppression de cet article, qui revient à augmenter cette contribution. Nous maintenons que l’équilibre des comptes doit passer non par l’augmentation des recettes, mais par la maîtrise des dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger, pour soutenir l’amendement no 2280.
M. Jean-Didier Berger
Le groupe de la Droite républicaine considère que l’article 6 est particulièrement injuste pour les Françaises et les Français qui ont travaillé toute leur vie. De plus, sa rédaction comporte une subtilité sur laquelle je veux appeler l’attention de nos collègues : la désindexation qui nous est proposée ne serait pas exceptionnelle, mais pérenne. Si l’article était adopté, il en faudrait donc un autre, l’année prochaine, pour revenir à l’indexation que nous connaissions auparavant. Nous ne pouvons pas prendre le risque de désindexer de façon pérenne l’ensemble des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je vais commencer en précisant à Mme Belouassa-Cherifi que ce n’est pas moi qui ai écrit cet article.
Mme Élise Leboucher
Nous le savons bien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous n’avez cessé de dire « vous » alors qu’il faut penser « nous » : qu’allons-nous décider ?
M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ces amendements, nombreux, proposent de supprimer l’article 6, comme la commission en a elle-même décidé.
Un député du groupe RN
Elle a bien fait !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cet article prévoit de geler les seuils de barème de CSG portant sur certains revenus de remplacement. J’ai entendu quelques inexactitudes à ce sujet. La mesure fait partie de l’année blanche imaginée par le gouvernement de François Bayrou et reprise par celui de Sébastien Lecornu. Par conséquent, en débattre conduit inévitablement à évoquer l’ensemble des gels envisagés, qu’ils concernent la fiscalité ou les prestations sociales. Nombre d’entre vous ont d’ailleurs parlé de sujets qui débordent l’article 6.
Je crois que nous pouvons nous retrouver autour de l’affirmation qu’il faut protéger les Français de l’inflation. Fort heureusement, elle a diminué et elle baisse encore, avec des taux de 1,8 % en 2024 et de 1 % en 2025. Par ailleurs, les effets de l’article 6 sont beaucoup plus limités que ceux de l’article 44, dont nous débattrons plus tard. Le gel des seuils ne concernerait que les retraités ou les chômeurs pour lesquels il entraînerait un changement de tranche.
M. Jérôme Guedj
C’est-à-dire quand même 300 000 personnes !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Exactement ! Nous parlons de seulement 3 % des foyers fiscaux qui comptent au moins un redevable de la CSG sur des revenus de remplacement. Un tiers passeraient de l’exonération au taux réduit,…
M. Ian Boucard
Il s’agit de 56 000 personnes !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…un tiers du taux réduit au taux intermédiaire, un dernier tiers du taux intermédiaire au taux supérieur. Cela s’explique notamment par le mécanisme de lissage des taux de CSG sur les pensions de retraite et les allocations de chômage, qui permet à une personne dont le revenu fiscal a augmenté de manière ponctuelle de ne pas être assujetti aux deux taux les plus élevés du barème.
Par conséquent, quand vous dites qu’une personne dont les revenus n’ont pas augmenté pourrait être concernée, ce n’est pas vrai, puisque les revenus dont nous parlons ont été revalorisés en 2024.
M. Stéphane Peu
Ce qui est vrai, c’est que les plus pauvres vont payer !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Concrètement, cet article devrait rapporter 300 millions d’euros. Il existe ici une majorité pour éviter une année blanche, car personne ne souhaite ce qui serait une année noire pour les Français. La préoccupation pour le pouvoir d’achat ne doit pourtant pas nous faire oublier qu’il nous faut trouver les solutions les plus consensuelles permettant de ne pas aggraver nos déficits, afin de ne pas les faire peser sur les générations futures.
M. Stéphane Peu
Les solutions les plus justes, surtout !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Oui, les plus justes. Certains veulent augmenter les cotisations et les impôts. D’autres veulent réduire les dépenses indues et les dépenses inutiles. Il nous appartiendra, comme membres de la représentation nationale, de nous prononcer à la fois sur ce qui figure dans le PLFSS et sur ce qui n’y figure pas, car notre cadre organique nous empêche de tout inclure dans ce texte.
Je comprends et je partage le souci de nos collègues de protéger les bénéficiaires des revenus de remplacement, seuls concernés par l’article – madame Mélin, vous avez mentionné le salaire médian tout à l’heure, je tiens donc à préciser que l’article ne concerne pas les salariés. En tant que rapporteur général, il m’arrive de me singulariser au sein de mon groupe, puisque j’essaie de trouver des voies de passage afin de conjuguer le redressement de nos comptes sociaux et la préservation de pouvoir d’achat des Français.
Un député du groupe Dem
Bravo, monsieur le rapporteur général !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Plutôt que de supprimer l’article 6, je vous proposerai, au travers de mon amendement no 2275, de ne geler que le seuil le plus élevé du barème applicable aux pensions de retraite. Cette solution de compromis permettrait de garder une partie du rendement : partiel, le gel ne rapporterait plus que 90 millions d’euros, contre 300 millions en l’état actuel du texte.
M. Stéphane Peu
C’est bien la preuve que ce sont les petits qui paient !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mon amendement permettrait en outre de ne pas supprimer le mécanisme d’indexation automatique du barème sur l’inflation, élément important, dont je pense que vous le soutiendrez, monsieur le président Peu. En effet, une année blanche – même si elle n’est blanche qu’à moitié ou au tiers – n’a de sens qu’à la condition d’être exceptionnelle. Ce qui me gêne profondément dans la rédaction actuelle de l’article 6, c’est qu’il revient sur le mécanisme d’indexation.
Tel est donc l’esprit, chers collègues, dans lequel je vous invite à retirer vos amendements de suppression, au profit d’un gel très ciblé du barème, afin de contribuer au redressement de nos comptes sociaux, tout en rendant l’effort plus acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Pierre Cordier
Un vrai Modem, ce Thibault Bazin ! (Sourires.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Un mot, d’abord, pour dire au député Insoumis qui s’est exprimé que sa leçon sur les pauvres et les riches a une certaine saveur quand on sait que son groupe a voté pour le dégel du barème de l’impôt sur le revenu, y compris pour le 1,1 % des Français les plus aisés du pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Matthias Tavel
On a des principes !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça fait huit ans que vous êtes là et vous nous donnez des leçons !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le PLF et le PLFSS étant deux exercices liés, je voulais juste le rappeler en préambule ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Cela étant dit, j’en viens à quelques éléments factuels. Geler un barème quand les revenus n’augmentent pas permet d’obtenir une certaine stabilité. Quand ils augmentent, le gel aboutit à ce que vous avez décrit les uns et les autres et que j’entends. La proposition d’année blanche du gouvernement consistait initialement à figer et les prestations et les barèmes des contributions. Cela présentait une certaine logique, qui disparaît dès lors que l’on revalorise les prestations, en particulier les minima sociaux et les plus petites retraites.
Deuxièmement, pourquoi introduire une disposition pluriannuelle ? Il est assez étrange que le barème de l’impôt sur le revenu ne soit pas traité du tout comme celui de la contribution sociale généralisée. Alors que le Parlement décide chaque année de la revalorisation du premier, celle du second n’est plus en votre pouvoir, puisqu’il a été décidé que, par défaut, il serait revalorisé. Le gouvernement entendait vous accorder chaque année, à vous parlementaires, un même droit d’indexation, voire de surindexation, des deux barèmes.
M. Ian Boucard
On y croit moyennement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il me semblait – je vous le dis sans malice, monsieur le député – qu’il fallait remettre entre les mains des parlementaires tous les paramètres de la fiscalité : les taux, les ménages, les modalités et les seuils. Cette proposition n’est guidée par aucune intention cachée : elle vise simplement à donner aux parlementaires le droit de décider souverainement chaque année de l’ensemble des dispositions.
Troisième élément à porter à votre connaissance : je rappelle que la CSG sur les revenus de remplacement est déjà inférieure à celle portant sur les revenus d’activité. C’est l’expression d’une forme de solidarité des actifs envers ceux qui ne sont pas au travail, qu’ils souffrent d’une maladie ou qu’ils soient retraités. Ainsi, la CSG pesant sur les retraites, même les plus élevées, est inférieure à celle touchant les revenus de ceux qui travaillent. Cela peut d’ailleurs prêter à discussion : pourquoi le taux maximum de la CSG sur les revenus de remplacement est-il aujourd’hui inférieur à celui de la CSG sur les revenus d’activité ? Il me semble important de soulever toutes les questions.
Enfin, le gouvernement prend acte de vos votes. La proposition de M. Bazin n’est pas inintéressante. Elle fait écho à la très ferme volonté du gouvernement de réintroduire dans le débat sur le barème de l’impôt sur le revenu la question du gel ou du dégel des tranches applicables aux Français les plus aisés. À ceux dont le revenu fiscal de référence s’élève à 200 000 euros, nous pouvons, me semble-t-il, demander 230 euros de contribution supplémentaire en vue du redressement des comptes de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Jean-Paul Mattei
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
L’approche de Thibault Bazin me paraît équilibrée. Depuis le début de nos débats sur le PLF et le PLFSS, nous ne cessons de dire – Jean-Paul Mattei et les autres collègues peuvent en témoigner – que nous voulons protéger les plus modestes et que ceux qui ont la chance d’avoir des revenus importants doivent contribuer davantage. La difficulté venait à nos yeux de ce qui était initialement annoncé : au non-dégel de la CSG s’ajoutait l’année blanche pour les retraités et pour les minima sociaux. L’indexation différentielle que propose Thibault Bazin a le mérite de protéger les plus modestes.
Mais à cette étape du débat, il serait bon que le gouvernement nous éclaire sur ce fameux dégel des pensions et des minima sociaux. En quoi consiste-t-il ? S’agit-il d’un dégel complet ou d’un alignement sur l’inflation ? Nous sommes sensibles au sort des retraités, en particulier des plus petits, et à celui des allocataires de minima sociaux, et cela nous importe ! La représentation nationale doit être informée afin que les parlementaires puissent adopter une approche équilibrée : l’endettement de ce pays est devenu insupportable, mais l’effort doit être réparti entre tous, de façon proportionnée et équilibrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye
Voilà un bien mauvais article, qui tend à augmenter la CSG pesant sur les plus précaires – les petites retraites, les demandeurs d’emploi et les personnes en situation d’invalidité. Il procède tout simplement d’un réflexe macroniste : à défaut de pouvoir mener les réformes nécessaires, on fait passer à la caisse l’intégralité des Français les plus fragiles.
Au communiste M. Monnet, je voudrais dire que c’est précisément parce que le Rassemblement national, Marine Le Pen et Jordan Bardella sont très attachés à la sécurité sociale que nous mettons tout en œuvre pour garantir que tous les Français pourront continuer d’en bénéficier, et ce sur des centaines de générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Et c’est bien pour préserver son financement et sa durabilité que nous refusons, contrairement au Parti communiste, de l’ouvrir au monde entier, ce qui reviendrait, à long terme, à en priver les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Élise Leboucher
N’importe quoi !
Mme la présidente
Sur un sujet aussi important, je donnerai la parole à un orateur par groupe.
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Je voudrais revenir sur les propos du rapporteur général : sur ces bancs, plutôt à gauche, nous cherchons bien à dégager des recettes supplémentaires, notamment en supprimant des exonérations. En l’occurrence, pour gagner 300 millions d’euros, somme énorme pour un ménage mais ridicule pour un pays, vous allez faire les poches des plus pauvres, alors que nous vous proposons de taxer les superprofits, les superdividendes, bref, de prendre l’argent là où il est.
Tout à l’heure, mon collègue vous a présenté l’exemple d’un retraité dont la pension, pourtant inférieure au seuil de pauvreté, risquerait d’être taxée à hauteur de 46 euros par mois, soit plus de 500 euros par an. Cela illustre combien votre mesure est déplacée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Madame la ministre, je comprends vos arguments, mais vous connaissez la position de mon groupe : pas de nouvelle taxe, pas de hausse d’impôt, ni affichée ni déguisée, pas de hausse de cotisation, rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Notre position est toujours la même :…
M. René Pilato
Oui, on la connaît ! Mais est-ce la même quand il s’agit de vos tickets-restaurant ?
M. Laurent Wauquiez
…nous sommes convaincus qu’il faut restaurer l’équilibre budgétaire, mais pas en augmentant les cotisations, les taxes ou les impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) À la différence des députés du RN, du PS et de la gauche qui adoptent les unes et les autres en toute incohérence – pour un total de 34 milliards d’euros en une semaine –, notre ligne est très simple : nous défendons les entreprises, les actifs et les retraités. Un contrat social doit être passé entre la représentation nationale et les Français : nous sommes déterminés à ce que l’État fasse des économies, mais en contrepartie nous protégeons le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Il y a quand même une forme de perversité – j’emploie le mot à dessein – à vouloir faire payer le décalage de la réforme des retraites par les retraités eux-mêmes, d’autant que nous vous avons proposé de multiples solutions pour ne pas faire peser sur les membres les plus précaires, les plus vulnérables, de la société le coût de ce décalage ! Après avoir rejeté tous les amendements que nous vous avions proposés, la seule mesure que vous mettez sur la table est l’instauration d’un impôt régressif, inversement proportionnel au revenu des retraités, visant à ce que ceux qui sont déjà à la retraite paient pour ceux qui vont partir à la retraite. C’est vraiment le dernier degré de la perversité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Après vous avoir toutes et tous écoutés, je ferai deux remarques générales. D’abord, si on regarde bien les annexes, les projections ne sont pas tout à fait celles qui ont été alléguées. Elles sont nettement inférieures – je n’invente pas, c’est ce qui figure dans les annexes.
Je vous entends ensuite affirmer que vous voulez trouver collectivement des réponses et des mesures. Mais comment y parvenir ? Nous examinons l’article 6 et vous avez supprimé tous les autres articles à part l’article 5. Comment pouvons-nous trouver des points d’accord en supprimant tous les articles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Pour vous répondre, madame Vidal, monsieur Dussausaye, nous avons toutes sortes de propositions à faire en matière de recettes, mais oui, ce qui n’est pas bon, nous le supprimons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Et cette mesure, nous considérons qu’elle n’est pas bonne !
M. Ian Boucard
Encore une petite taxe ?
M. Yannick Monnet
Au Rassemblement national, vous prétendez aimer la sécurité sociale, mais votre principale mesure la concernant consiste à réduire la différence entre le salaire brut et le salaire net. Savez-vous quelle en serait la conséquence ? L’assèchement des finances de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 122, 128, 310, 853, 873, 1350, 1814, 1892 et 2280.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue 148
Pour l’adoption 234
Contre 61
(Les amendements identiques nos 122, 128, 310, 853, 873, 1350, 1814, 1892 et 2280 sont adoptés ; en conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements nos 1009, 820, 2275, 824, 825 et 2046 tombent.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Après l’article 6
Mme la présidente
Nous en venons à une série d’amendements portant article additionnel après l’article 6.
Je suis saisie de deux amendements, nos 690 et 1398, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 690 de Mme Nicole Sanquer est défendu.
La parole est à Mme Anne Genetet, pour soutenir l’amendement no 1398.
Mme Anne Genetet
Il vise à remédier à une injustice fiscale : la distinction qui est faite entre les contribuables non-résidents vivant dans l’Union européenne et ceux vivant hors de l’Union européenne s’agissant du paiement de la CSG assise sur les revenus du patrimoine. En effet, les premiers en sont exonérés tandis que les seconds doivent s’en acquitter. Je rappelle que le Conseil d’État avait condamné la France pour une incohérence du même type concernant les revenus du patrimoine, en 2015 ; il s’agissait alors des plus-values immobilières. Il apparaît que depuis de nombreuses années, le gouvernement ne souhaite pas répondre à cette demande ; l’affaire ne semble donc devoir se régler, hélas, que devant les tribunaux. Je tenais malgré tout à présenter cet amendement pour rappeler l’existence de cette incohérence fiscale, technique et juridique, qui mérite d’être corrigée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je suis soucieux de faire œuvre de justice sociale, bien entendu, mais mon analyse est un peu différente de la vôtre. Vous proposez de supprimer l’assujettissement des non-résidents installés hors de l’Espace économique européen (EEE) à la CSG et à la CRDS dont ils s’acquittent sur leurs revenus du patrimoine de source française.
Mme Anne Genetet
En effet !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Indépendamment des questions de principe que vous soulevez – j’essaie à chaque fois de donner des chiffres à l’appui de mon propos, qu’il s’agisse d’amendements des Insoumis ou du groupe Ensemble pour la République –, votre amendement priverait la sécurité sociale d’environ 300 millions d’euros de recettes. Si vous allez au tribunal, ça risque de coûter cher ! Je n’ai pas besoin de rappeler la situation de nos finances sociales, qui laisse peu de marges de manœuvre.
Sur le fond, si la CSG finance notre système de protection sociale, il ne s’agit pas d’une cotisation ouvrant des droits – comme l’est par exemple la cotisation vieillesse : c’est une « imposition de toute nature », comme l’indique le Conseil constitutionnel. Dès lors, si nous commençons à en exonérer les Français vivant hors de l’Union européenne, où nous arrêterons-nous ? Une imposition de toute nature n’est pas équivalente à une cotisation de nature contributive !
Je rappelle aussi – c’est un point essentiel, madame Genetet, mais je ne sais pas si je vais parvenir à vous convaincre – que les non-résidents non communautaires, qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale française, bénéficient d’une exonération de CSG sur leurs éventuels revenus d’activité et de remplacement. Cela signifie donc, eu égard à la justice sociale que vous invoquez, qu’ils bénéficient déjà d’une exonération de CSG. Pour toutes ces raisons, à la fois de principe et d’opportunité, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je crois que les arguments présentés par le rapporteur général explicitent bien les enjeux du débat. Le seul critère permettant à quelqu’un d’être exonéré de CSG et de CRDS sur les revenus du capital, c’est son affiliation à un régime de sécurité sociale d’un pays membre de l’Union européenne. Ce critère est issu d’un principe de coordination entre les différents régimes de l’Union. Tous les autres revenus du capital de source française sont donc assujettis aux prélèvements sociaux, quelle que soit la source de revenu. Cela me semble logique en l’absence de coordination des systèmes de sécurité sociale.
Je sais que chaque année, les Français de l’étranger défendent cette idée ; chaque année, on leur répond la même chose.
Mme Anne Genetet
Tout à fait !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cette réponse n’est pas liée à un quelconque désamour à l’égard des Français de l’étranger, ni à une quelconque volonté de les surtaxer : ce sont le droit collectif, les conventions fiscales et la coordination intracommunautaire qui la justifient. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(Les amendements nos 690 et 1398, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 1274.
Mme Caroline Yadan
Dans la continuité de ce qui vient d’être dit, cet amendement repose sur une ambition simple mais essentielle : celle de mettre un terme à une situation d’injustice fiscale qui touche un grand nombre de compatriotes vivant à l’étranger. Une inégalité flagrante, quoi qu’on en dise, persiste entre nos compatriotes établis au sein de l’Union européenne et ceux installés au-delà de ses frontières. Depuis une décision prise en 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les Français vivant dans un autre État membre sont exonérés du paiement de la CSG et de la CRDS sur leurs revenus du patrimoine. La France s’est logiquement alignée sur cette jurisprudence ; or le législateur n’a toujours pas étendu cette exonération aux non-résidents établis hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, qui, eux, continuent de s’acquitter de ces contributions sans pour autant être affiliés à la sécurité sociale française.
Le présent amendement vise donc à mettre fin à cette rupture d’égalité en accordant à tous les Français de l’étranger, où qu’ils soient et sans distinction géographique, la même exonération sur leurs revenus du patrimoine. C’est une question de cohérence au sein de notre système fiscal, de justice et, au fond, de respect à l’égard de nos compatriotes établis hors de France.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Tout d’abord, madame Yadan, j’ai un profond respect pour nos compatriotes établis à l’étranger et le fait que j’émette un avis défavorable sur votre amendement n’y change rien. Votre amendement suit la même logique que le précédent, à cette différence qu’il vise à exonérer les seuls revenus fonciers et non plus les revenus du patrimoine dans leur ensemble. Il y a donc une différence entre les deux, mais on en revient à une même question de principe. Pour toutes ces raisons, je vous invite au retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Le gouvernement a déjà répondu à plusieurs reprises, les années précédentes, à des amendements visant à exonérer les personnes résidant à l’étranger et percevant des revenus de source française. Il existe un seul critère d’exonération de CSG et de CRDS sur les revenus du capital : celui fondé sur l’affiliation à un régime de sécurité sociale d’un pays membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, mais aussi de la Suisse. Ce critère est issu d’un principe de coordination entre les régimes de sécurité sociale de l’Union européenne, issu du règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2004, dont il découle naturellement qu’il n’est pas question de financer deux fois sa propre sécurité sociale. Tous les autres revenus du capital de source française sont assujettis aux prélèvements sociaux – CSG, CRDS et prélèvement de solidarité –, quelle que soit la source du revenu.
Votre amendement, en excluant de cet assujettissement les plus-values et les cessions, créerait une rupture d’égalité entre les personnes bénéficiant de revenus du capital d’origine française. C’est pourquoi à défaut de retrait, j’y serai défavorable.
(L’amendement no 1274 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1008, 1007, 1006 et 523, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir les amendements nos 1008, 1007 et 1006, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Ludovic Mendes
Ils proposent la même chose, mais à des taux différents. L’idée, c’est de faire un peu diminuer le taux de CSG sur les revenus du travail, en le faisant passer de 9,2 % à 8,3 %, et de compenser cette baisse par trois augmentations du taux de CSG qui toucheraient d’une part le produit brut des jeux d’argent – mesure qui ne devrait toucher aucun d’entre nous (Sourires) –, d’autre part les revenus du patrimoine, enfin les allocations de chômage. À revenu équivalent, on ne paie pas le même taux de CSG si on est au chômage, travailleur ou retraité, ce qui n’est pas en adéquation avec la justice fiscale que nous défendons.
Nous souhaitons donc améliorer le système et surtout redonner un peu de pouvoir d’achat aux salariés. Je trouve d’ailleurs dommage que l’article précédent ait été supprimé car j’avais proposé de rehausser de 1 point le taux de CSG pour les personnes qui gagnent trois fois le smic. Le débat aurait pu être intéressant ! En l’occurrence, ces trois amendements sont des amendements d’appel, qui partent du principe que si nous voulons améliorer le pouvoir d’achat, nous pouvons utiliser le levier de la CSG pour récupérer de l’argent sur les jeux d’argent ou le patrimoine, donc la rente, ce qui aurait un impact négligeable sur la majorité des Français.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 523.
M. Michel Castellani
Je ne répéterai pas ce que notre collègue vient de dire excellemment. Notre amendement vise, comme les siens, à soutenir les revenus du travail en modulant à la hausse ou à la baisse différents taux de CSG. Je souscris entièrement à ses propos.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je vous entends, monsieur Mendes, cher collègue de Lorraine, même si vous êtes tout en haut du sillon lorrain ! (Sourires.)
J’ai étudié vos amendements avec attention, comme tous les autres, et je souhaitais d’abord relever un paradoxe. J’ai compris, à l’occasion du vote de l’article 6 sur le gel du barème de la CSG, qu’une majorité d’entre nous ne souhaitaient pas pénaliser ceux qui bénéficient de revenus de remplacement. Or vos amendements touchent non seulement à la CSG sur les revenus du capital, mais aussi – vous l’avez dit – à celle qui s’applique aux revenus de remplacement. Et qui perçoit ces revenus ? Les retraités et les demandeurs d’emploi !
Nous avons eu ce débat tout à l’heure : pourquoi bénéficient-ils de taux inférieurs ? Ce sont des taux réduits ou intermédiaires qui se justifient parce qu’ils concernent souvent des retraités modestes, qui touchent des pensions très faibles ! Ce que vous voulez faire affecterait donc les allocations chômage, les indemnités journalières pour maladie ou des allocations telles que l’allocation journalière du proche aidant (AJPA). Je ne pense pas que ce soit acceptable et je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je dois dire, monsieur le député – et avec le sourire, parce que nous nous connaissons un peu –, que j’adorerais voir ces amendements adoptés, même si je doute que ce soit le cas ! Le premier, en net, rapporterait 13 milliards d’euros ; le deuxième, 6 milliards et le troisième, 3 milliards. (Sourires.)
M. Erwan Balanant
Bah voilà !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je dois cependant leur donner un avis défavorable car cela constituerait un choc massif sur les revenus du capital et sur l’épargne des Français. Le premier amendement augmente la fiscalité affectant cette épargne de 16 milliards d’euros !
M. Pierre Cordier
La vache !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est sans commune mesure avec ce dont nous allons discuter dans les prochaines minutes. Je prends donc ces propositions pour ce qu’elles sont, des propositions d’appel qui nous disent une chose : c’est que l’assiette de toutes les richesses, dans notre pays, se voit appliquer des taux de prélèvements sociaux différenciés. L’intention est louable, car il y a là, en effet, un vrai sujet de réforme qui mériterait d’être débattu dans le cadre d’une présidentielle. Mais si nous votions pour vos amendements, nous réglerions une grosse partie de notre problème tout en en créant beaucoup d’autres. Je pense donc qu’il vaut mieux que vous les retiriez, car le bouleversement qu’ils entraîneraient dans l’équilibre entre travail et capital irait certainement bien plus loin que ce que vous imaginiez en les déposant.
Mme la présidente
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
Vos propos confirment que mon équipe et moi-même avons fait du bon travail ! Je vais retirer les deux premiers, qui vont peut-être un peu trop loin, tout en gardant le dernier, très proche de celui de mon collègue Castellani et qui rapporterait donc 3 milliards d’euros, d’après ce que vous dites, madame la ministre.
Je veux tout de même revenir sur l’augmentation du taux affectant les revenus de remplacement, que l’on ferait passer à 8,3 %. Ce taux est le plus haut pouvant s’appliquer aux pensions de retraite, étant entendu que nombre d’entre elles sont assujetties à des taux inférieurs, le taux médian et le taux réduit. À 2 000 euros net par mois, le travailleur, la personne au chômage et le retraité ne paient pas le même taux de CSG. Il y a là une injustice ! Les Français, d’ailleurs, nous le disent. Instituer un taux à 15 % sur les revenus issus des jeux d’argent et sur une partie des revenus du patrimoine tout en modifiant marginalement le taux s’appliquant aux revenus de remplacement – de 6,2 % à 8,3 %, l’impact est très faible – ne me paraît pas déraisonnable…
Mme Ségolène Amiot
Demandez plutôt aux milliardaires !
M. Ludovic Mendes
…si, dans le même temps, on fait baisser ce taux pour les travailleurs, donc pour la majorité des Français, qui, eux, contribuent en permanence, grâce à leur travail, aux impôts et à la CSG.
Je garde donc mon amendement no 1006. Envoyons un message ! Il y a 3 milliards à récupérer.
(Les amendements nos 1008 et 1007 sont retirés.)
(Les amendements nos 1006 et 523, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 751.
M. Stéphane Viry
Mme la ministre a salué l’intention louable de notre collègue Mendes, qui n’a malgré tout pas réussi à embarquer l’Assemblée dans un vote favorable. Je sais qu’un peu plus tard, d’autres amendements viseront à faire augmenter le taux de CSG. Pour ma part, je rejoins les arguments avancés par Ludovic Mendes, car ils s’appuient sur un fait évident : les salaires, en France, sont trop taxés ! Notre modèle de sécurité sociale repose certes sur le travail, mais il fait exploser les compteurs et le salaire net est devenu insuffisant.
Nous proposons simplement, suivant d’ailleurs une suggestion du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), de demander un effort aux retraités qui perçoivent de très hauts revenus et, dans le même temps, de réduire la CSG sur les salaires de manière que les deux taux se retrouvent à un niveau équivalent. Il s’agit globalement de ne rien faire perdre au financement de notre modèle de sécurité sociale tout en introduisant de l’équité. Nous réduirions ainsi la charge portant sur le salaire, ce qui ferait augmenter le net : ce serait adresser un message très positif à la France qui travaille.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cher Stéphane Viry, vous intervenez après Ludovic Mendes : c’est la série des collègues lorrains !
Pour reprendre les termes de Mme la ministre, je rêverais de voter votre amendement ! En disant cela, je pense au pouvoir d’achat : tout ce qui peut améliorer le salaire net de ceux qui travaillent va dans le bon sens. Mais – car il y a un mais –, 1 point de CSG sur les revenus d’activité représente environ 12 milliards d’euros de recettes. Votre amendement, qui tend à baisser de 0,9 point le taux en question, coûterait environ 10,8 milliards. En l’état de nos finances sociales, je ne suis pas sûr que nous puissions nous le permettre. Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous n’ayons pas à voter contre.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
À vous aussi, monsieur Viry, je réponds avec un grand sourire. C’est un amendement à 11 milliards, mais dans l’autre sens – celui d’une baisse des ressources de la sécurité sociale. Certes, cela donnerait du pouvoir d’achat aux Français.
M. Ian Boucard
Ce qui aurait un effet positif sur les recettes de TVA !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’adresse à celles et ceux qui ont l’intention de voter cet amendement : qu’ils n’hésitent pas, pour le gager, à déposer des amendements qui permettent de réaliser 11 milliards d’euros d’économies ! À ce stade, n’ayant pas vu d’amendements de cette nature, je vous invite les uns et les autres à la prudence, et j’invite M. Viry à retirer son amendement d’appel. S’il était voté, cela nous mettrait dans de très graves difficultés.
(L’amendement no 751 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie d’une série d’amendements, nos 1020, 214, 2170, 228, 826, 125, 129, 130 rectifié, 127, 131, 1817 et 126, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 228 et 826 sont identiques, ainsi que les amendements nos 125 et 129, d’une part, et les amendements nos 127, 131 et 1817, d’autre part.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 1020.
M. Jérôme Guedj
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai, pour la cohérence de mon propos, tous les amendements que j’ai déposés dans cette discussion commune : outre le no 1020, les nos 214, 125, 130 rectifié, 127 et 126.
Mme la présidente
Je vous en prie.
Mme Justine Gruet
Il ne faudrait pas que ce soit pour brouiller les pistes, monsieur Guedj !
M. Ian Boucard
Dans tous les cas, il s’agit d’augmenter les taxes !
M. Jérôme Guedj
Ces amendements procèdent tous d’une même logique : dégager des ressources pour le financement de la sécurité sociale en utilisant le levier de la CSG sur les revenus du capital, c’est-à-dire sur les revenus des placements et sur ceux du patrimoine.
Pourquoi mobiliser ce levier ? Nous nous appuyons sur le très bon rapport commandé par François Bayrou et remis à la fin du mois de juin : il relève que les revenus du capital représentent 12 % des revenus des ménages, alors que les recettes de la CSG sur les revenus du capital ne représentent que 10 % des recettes totales de la CSG. Autrement dit, la part de la CSG sur les revenus du capital dans le rendement de la CSG est désormais inférieure à la part des revenus du capital dans les revenus des ménages. Nos amendements tendent donc à rétablir une adéquation.
L’amendement no 1020 vise à augmenter de 1 point, de manière pérenne, le taux de la CSG sur les revenus du capital, au nom de ce nécessaire rééquilibrage. Précisons que, pendant près de quinze ans, de 2004 à 2018, le taux de la CSG sur les revenus du capital a été supérieur, de 1 point, à celui de la CSG sur les revenus d’activité. Il s’agit donc de renouer avec une situation que nous avons connue dans le passé.
Nous serons amenés à discuter, dans quelques heures ou quelques jours, de la suspension de la réforme des retraites, proposée par le gouvernement, et du financement de cette suspension. Des pistes ont été mises sur la table par le premier ministre. Par cet amendement, nous vous proposons une solution alternative : affecter à ce financement, à titre temporaire – puisque la suspension est temporaire –, 0,4 point supplémentaire de CSG sur les revenus du capital en 2026, et 1 point supplémentaire en 2027.
Les autres amendements prévoient différentes modulations du taux. Je vous invite à les lire. Par exemple, l’amendement no 214 prévoit 0,3 point supplémentaire de CSG sur les revenus du capital en 2026, et 1 point supplémentaire en 2027.
Dans tous les cas, la philosophie est la même : une augmentation mesurée du rendement de la CSG sur les revenus du capital, afin de dégager des ressources. La CSG fait désormais partie du patrimoine, si j’ose dire, de la sécurité sociale. Les mesures que nous proposons permettraient un rééquilibrage dans le sens de la justice et de l’efficacité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 214 vient d’être défendu par M. Guedj.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 2170.
M. Yannick Monnet
Il n’a pas tout à fait le même objet que le n° 1020 : il vise à redonner directement du pouvoir d’achat aux salariés.
Rappelons que nous avons toujours été contre la CSG : c’est une contribution injuste qui pèse directement sur les salaires, alors que la cotisation est un élément du salaire qui pèse sur la valeur ajoutée – ce n’est pas la même chose.
Nous proposons ici de diviser par deux le taux de la CSG sur les bas salaires – tous ceux qui sont inférieurs à 2 000 euros – et de compenser cette mesure par une augmentation de 10 points de la CSG sur les revenus du capital. Je tiens à rassurer M. le rapporteur général : une telle augmentation sur les revenus du capital rapporterait grosso modo 15 milliards d’euros. Ce serait un juste retour pour les revenus liés au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 228.
M. Hendrik Davi
Dans la copie du gouvernement, le déficit de la sécurité sociale atteint 17,5 milliards d’euros – je l’ai déjà dit, c’est trop ! Le déficit des hôpitaux s’établit, quant à lui, à 2,7 milliards, sachant que leur dette cumulée s’élève à 30 milliards. Cette situation est dangereuse pour nos hôpitaux.
Surtout, le gouvernement propose d’augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, de seulement 1,6 %, ce qui est nettement insuffisant, alors que les personnels de santé ne sont pas assez nombreux, qu’un Français sur trois vit dans un désert médical et que tout notre système de santé est au bord de l’effondrement.
Il est donc absolument urgent de dégager de nouvelles recettes. C’est l’objet de cet amendement, qui prévoit de relever de 9,2 % à 12 % le taux de la CSG sur les revenus du capital. En 2018, la CSG avait déjà été augmentée de 1 point pour les revenus du capital, contre 1,7 point pour les revenus d’activité. Il est donc normal et équitable de mettre davantage le capital à contribution, d’autant que les entreprises du CAC40 ont versé en 2024 près de 73 milliards d’euros de dividendes, ce qui correspond à plus de la moitié de leurs bénéfices. Ces revenus doivent participer davantage au financement de la solidarité nationale.
Je tiens à le dire assez solennellement au rapporteur général – qui le sait pertinemment – et aux ministres : cette mesure ne concerne pas le livret A, qui est exempté de CSG ; elle ne coûterait que 35 euros par an pour les détenteurs d’un plan d’épargne logement (PEL) atteignant le plafond.
Précisons que cette augmentation de la CSG sur les revenus du capital rapporterait 5,44 milliards d’euros à la sécurité sociale. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 826.
Mme Élise Leboucher
Comme à notre habitude, nous souhaitons aider le gouvernement à combler le trou de la sécu grâce à de nouvelles recettes. Nous vous proposons ici d’augmenter de 2,8 points le taux de la CSG sur les revenus du capital.
En réalité, il existe un besoin de financement de la sécurité sociale, délibérément maquillé en déficit par des politiques d’assèchement de ses recettes. Notre modèle social est fragilisé par les politiques néolibérales qui, depuis des décennies, servent le capital et ont permis un gigantesque détournement de la valeur ajoutée produite. Les profits s’accumulent et atteignent, année après année, des montants records. En 2025, les actionnaires du CAC40 ont perçu près de 100 milliards d’euros. Or, pendant que 1 % des ménages accaparent 96 % des dividendes, le reste du pays voit ses droits sociaux attaqués et doit se contenter de survivre.
Cette hausse de la CSG sur les revenus du capital ferait entrer 5,3 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de la sécurité sociale. Preuve que cette mesure est réaliste, elle avait été adoptée l’année dernière en première lecture du PLFSS, avant d’être balayée lors du recours au 49.3 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
Mme la présidente
L’amendement no 125 a été défendu par M. Guedj.
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 129.
Mme Karine Lebon
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 2170 de Yannick Monnet. C’est une simple piqûre de rappel sur la nécessité de mettre à contribution les revenus du capital.
Le financement de notre sécurité sociale repose principalement sur les revenus du travail. Pour que le travail paie plus, il faut parvenir à un meilleur équilibre du financement entre travailleurs et rentiers. Nous proposons donc d’augmenter de 2 points – 2 petits points ! – le taux de la CSG appliqué aux produits du patrimoine et à ceux des placements. Tout le monde doit contribuer au redressement des comptes publics.
Madame la ministre, lorsque vous avez donné votre avis sur l’amendement de M. Viry, vous avez semblé chercher de nouvelles recettes. J’imagine donc que vous ne verrez aucun inconvénient à la mesure que nous proposons ici !
Mme la présidente
Les amendements nos 130 rectifié et 127 ont été défendus par M. Guedj.
L’amendement no 131 de M. Yannick Monnet est défendu.
La parole est à M. Louis Boyard, pour soutenir l’amendement no 1817.
M. Louis Boyard
Une fois n’est pas coutume, je vais vous demander de traverser la rue ! Traversez la rue, voyez les gens qui dorment dehors et demandez-vous si le montant des APL est à la hauteur de la crise du logement ! Traversez la rue, allez à l’hôpital et constatez par vous-même comme le personnel se barre ! Traversez la rue, rendez-vous dans une crèche et observez si les financements de la sécurité sociale en faveur des tout-petits sont à la hauteur ! (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) J’entends que vous vous indignez, mais, contrairement à vous, je ne suis pas souvent invité dans les réunions organisées par les entreprises du CAC40 – le grand capital, lui, se porte très bien !
Comment comptez régler tous ces problèmes ? Pour le moment, vous proposez une hausse de la taxation sur les apprentis. Pour notre part, nous vous proposons d’augmenter de 1,4 point la CSG sur les revenus du capital. Même ça, c’est trop pour vous ? Quelle autre solution avez-vous à nous proposer ? Depuis des années, vous aggravez les problèmes : vous gavez le capital au détriment des travailleurs et de la sécurité sociale. Je regarde les macronistes, mais je n’en attends plus rien. Je me tourne à présent vers les députés du groupe Rassemblement national (Plusieurs députés du groupe RN saluent de la main) et je leur dis : en votant constamment avec les macronistes sur ces questions, vous prouvez que vous êtes le macronisme en pire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Théo Bernhardt
Nous, nous n’avons pas voté pour Macron !
Mme la présidente
L’amendement no 126 de M. Jérôme Guedj a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Les amendements de cette discussion commune prévoient tous une augmentation de la CSG sur les revenus du capital, mais n’ont pas le même rendement. Certains laissent entendre que les revenus du capital ne seraient pas mis à contribution pour financer la protection sociale ; ce n’est pas vrai. La CSG s’applique aux revenus du capital, au taux de 9,2 %. Elle frappe d’ailleurs l’ensemble des épargnants dès le premier euro d’intérêt versé, quels que soient les revenus de l’épargnant.
M. Jean-François Coulomme
Combien rapporte-t-elle ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Le taux de la CSG sur les revenus du capital n’est pas inférieur à celui de la CSG sur les revenus du travail, celle-ci étant pour une bonne partie déductible de l’impôt sur le revenu – ce n’est pas le cas pour la CSG sur les revenus du capital. Sur les revenus du capital s’appliquent, outre la CSG, la CRDS – au taux de 0,5 % – et le prélèvement de solidarité – au taux de 7,5 %. Au total, le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital s’établit à 17,2 %, contre 11 % en 2008.
La CSG sur les revenus du capital rapporte déjà près de 18 milliards d’euros – 7 milliards sur les revenus du patrimoine et 11 milliards sur les revenus des placements. Il est vrai que c’est un outil intéressant : dès que l’on fait varier le taux de 1 point, cela rapporte beaucoup – 2 milliards d’euros, dont 0,8 milliard sur les revenus du patrimoine et 1,2 milliard sur les revenus des placements –, pour une raison simple : l’assiette est très large. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) C’est un élément important à prendre en considération. Précisons néanmoins que le rendement de la CSG ne va pas en totalité à la sécurité sociale : 84 % sont affectés au régime général ; 5 %, à la Cades – la Caisse d’amortissement de la dette sociale ; 11 %, à l’Unedic.
J’en viens aux différents amendements. L’amendement no 1020 de Jérôme Guedj, qui vise à porter de 9,2 % à 10,6 % le taux de la CSG sur les revenus du capital, rapporterait environ 2,8 milliards d’euros.
L’amendement no 2170, défendu par Yannick Monnet,…
Mme Karine Lebon
Excellent amendement !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…repose sur une idée intéressante : des taux différenciés. J’encourage plutôt les travaux dans cette direction, et nous pourrions nous rejoindre sur certains points – étant entendu que nous n’étions pas là lorsque la CSG a été imaginée par Michel Rocard. Le problème est que ces taux, qui varient en fonction du revenu annuel de la personne, ne tiennent pas compte des capacités contributives du foyer, ce qui risque de poser un problème de constitutionnalité. L’amendement pourrait être retravaillé à la faveur de la navette parlementaire.
Les amendements identiques nos 228 de M. Davi et 826 de M. Clouet visent à relever le taux jusqu’à 12 %, ce qui procurerait 5,6 milliards – certes, on peut voir cela comme une solution.
Les amendements identiques nos 125 de M. Guedj et 129 de Mme Lebon prévoient une augmentation un peu moindre, à 11,2 %, qui fournirait 4 milliards.
Mme Karine Lebon
Donc vous y êtes favorable ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Attendez, je donnerai mon avis à la fin de mon intervention !
L’amendement no 130 rectifié de M. Guedj représente 2,8 milliards, et son amendement no 126, environ 2 milliards. Vous disposez ainsi d’un chiffrage de l’ensemble des coûts. À votre bon cœur, messieurs dames ! Si nous avons parfois débattu de sujets à 100 millions, nous abordons les enjeux financiers ici sont autrement importants…
M. Guedj a commencé par nous dire que l’augmentation qu’il propose du taux de CSG applicable aux revenus du capital ne représentait pas beaucoup par rapport à l’ensemble de la CSG collectée. Il demeure que les prélèvements obligatoires sur le capital s’élèvent en France à 10,4 % du PIB, alors qu’ils représentent 8,7 % du PIB en moyenne dans la zone euro : nous sommes un des pays où les revenus du capital sont les plus taxés.
D’ailleurs, vous parlez souvent des revenus du capital, mais il s’agit en réalité des revenus générés par le patrimoine épargné. Je le dis donc aux ministres présents aux bancs – en regrettant l’absence de M. le ministre de l’économie : à l’heure où nous cherchons à orienter l’épargne des Français vers les entreprises pour financer l’innovation et plus largement les investissements dont nous avons besoin, il n’est pas opportun d’alourdir la fiscalité des produits de placement.
Autre remarque importante : en taxant davantage les produits de placement, on envoie un signal extrêmement négatif aux Français qui mettent de côté une partie du fruit de leur travail. En effet, l’assiette envisagée ne concerne pas uniquement les très hauts revenus ou les personnes très fortunées ; elle est très large et inclut les PEL, les plans d’épargne populaire (PEP), les plus-values immobilières, les plans d’épargne en actions (PEA), les assurances vie et les intérêts des livrets au sens large. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Ainsi que M. Davi l’a souligné, cette assiette ne comprend ni les livrets A, ni les livrets de développement durable et solidaire, mais je doute que les grandes fortunes détiennent un PEL ou un PEP. Or, avec votre amendement, les détenteurs de ces livrets seront taxés dès le premier euro.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.– M. Sébastien Huyghe applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher
Madame la présidente, je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Quel est l’avis du gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Permettez-moi de prendre un peu de temps pour dresser le bilan des mesures proposées jusqu’ici dans le cadre de l’examen du PLFSS. Le premier ministre l’a souligné vendredi dernier dans cet hémicycle : c’est un fait, il n’existe pas de majorité pour soutenir l’intégralité des mesures d’économies qui vous ont été présentées par le gouvernement. Il faut également reconnaître, de manière factuelle, qu’il n’y a pas, à ce stade, de proposition alternative de même ampleur obtenant une majorité.
M. Jérôme Guedj
Voilà !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous devons regarder la réalité en face et assumer notre responsabilité, qui est d’assurer la pérennité de notre système social. Il est très important de nous fixer collectivement l’objectif de ne pas dépasser un déficit de la sécurité sociale de 20 milliards d’euros en 2026, alors qu’il était déjà de 23 milliards en 2025. Je le rappelle, un déficit supérieur à 20 milliards en 2026 signifierait porter le plafond d’endettement de l’Acoss à plus de 85 milliards, ce qui mettrait notre système en danger.
Vous avez fait une série de propositions auxquelles le gouvernement n’était pas initialement favorable. Nous sommes en première lecture et nous entrons, vous le savez, dans un processus d’entonnoir : dans le cadre de la navette, il y aura des discussions. Compte tenu des équilibres politiques que nous connaissons au Sénat, affirmer ce soir que je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements en discussion commune signifierait faire disparaître la CSG dite patrimoine de l’ensemble du processus budgétaire.
M. Erwan Balanant
Ce serait dommage !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Aussi, je donne un avis de responsabilité et de méthode sur l’amendement no 1020 de M. Jérôme Guedj, ce qui signifie que je suis favorable à ce que, dans le cadre de ce débat, nous contribuions à équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Je le dis avec beaucoup de solennité : le gouvernement se mobilise pour trouver des économies et accompagnera les nombreux députés qui y travaillent, mais il ne souhaite pas prendre le risque de mettre la sécurité sociale en difficulté en se privant, dans la navette, de l’outil que constitue la CSG patrimoine. Je formule donc un avis de responsabilité et de méthode, je le répète, pour que nous puissions revenir sur le sujet dans la navette, en deuxième lecture, au vu des économies qui, je l’espère, seront proposées d’ici là et qui nous éviteraient d’utiliser cet outil outre mesure.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je l’affirme haut et fort : par principe, notre groupe n’est pas favorable à la taxation et à l’augmentation des prélèvements. J’entends toutefois ce que dit notre ministre et je crois qu’il y a peut-être une méthode à trouver. Nous sommes responsables du déficit de la sécurité sociale ; nous devons trouver un chemin et peut-être discuter de la proposition de M. Guedj – à titre personnel, je soutiendrai l’amendement no 1020. M. le rapporteur l’a démontré, nous aurons du mal à nous mettre d’accord sur le périmètre de la mesure envisagée. Pour ma part, j’estime que nous devons être prudents s’agissant des revenus locatifs, compte tenu de la crise du logement.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 228 et 826, je suis saisie par les groupes Écologiste et social et Les Républicains de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Disons-le clairement, si nous sommes arrivés à ce stade de la discussion, c’est parce qu’un geste politique fort a été accompli : la mise entre parenthèses de la réforme des retraites,…
Mme Danielle Simonnet
Seulement un décalage !
M. Philippe Vigier
…une décision qui représente un coût pour les finances publiques et pour la sécurité sociale. Mme la ministre a parlé à l’instant de responsabilité. Or si nous avons défendu la réforme des retraites – nous n’allons pas refaire le débat ici –, c’était justement pour poser un acte de responsabilité. Croyez bien que, comme tous les groupes ici présents, nous ne sommes pas particulièrement favorables à une augmentation de la fiscalité pour les retraités ou pour d’autres catégories de personnes. Cependant, la mesure prévue par l’amendement no 1020 de Jérôme Guedj a le mérite d’être encadrée dans le temps, puisque le taux de CSG augmenterait de 2 points la deuxième année, c’est-à-dire en 2027, mais diminuerait la troisième année.
Nous tenons à rediscuter de la réforme des retraites le moment venu. D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi sur cette réforme, mon groupe avait déposé un amendement visant à intégrer une clause de revoyure en 2027 – c’est à croire que nous avions anticipé les débats que nous avons aujourd’hui !
Je le dis à l’intention de nos collègues socialistes : si nous sommes encore tous là, c’est parce que le gouvernement a accepté de revenir sur une réforme que mon groupe avait défendue – nous étions même alors en première ligne. Vous pouvez donc imaginer ce qu’une telle décision représente.
Je précise toutefois qu’il ne saurait y avoir de billet aller sans billet retour. Il faut aboutir à une solution équilibrée qui convienne aux uns et aux autres. C’est dans cet esprit que nous sommes favorables à l’adoption de l’amendement de Jérôme Guedj, sachant que 2 points d’augmentation sont prévus en 2027 mais que le taux redescendra ensuite.
Enfin, s’agissant de la navette parlementaire, madame la ministre, nous ne devons pas totalement laisser la main aux sénateurs. On ne peut pas, d’un côté, regretter que tout soit décidé par la Chambre haute et, de l’autre, refuser de jouer un rôle dans l’écriture d’un projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Joséphine Missoffe applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Nous venons de comprendre pourquoi la séance a été suspendue ! Ce soir, encore une fois, le gouvernement Lecornu s’est vendu aux socialistes (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC),…
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas nous qui avons demandé la suspension ! Il faut suivre !
M. Thomas Ménagé
…sur le dos des Français et de leur épargne. Main dans la main, macronistes et socialistes tapent sur l’épargne salariale, sur les PEL, sur les PEA, sur la France qui travaille. Au Rassemblement national, nous nous opposerons bien sûr à l’ensemble de ces amendements !
Je me tourne à présent vers les députés DR. Vous qui prétendez refuser toutes les hausses d’impôt, allez-vous, le moment venu, censurer ce gouvernement Lecornu qui fait les poches des Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) Allez-vous avaliser ce budget socialiste ?
De notre côté, nous refusons de valider un gouvernement vendu à la gauche et à l’extrême gauche (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) et qui fait les poches des Français alors que nos compatriotes souffrent déjà énormément. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Il est toujours sympa d’entendre les députés RN donner des leçons alors que, la semaine dernière, ils ont voté plus de 34 milliards de taxes avec LFI ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Monsieur Lauzzana, le meilleur moyen de résister à la tentation est d’y céder. Cette discussion illustre parfaitement votre hypocrisie ! Vous faites croire aux Français que vous taxez le capital des hauts revenus alors que vous vous attaquez à ceux qui ont bossé et mis un peu d’argent de côté, par exemple les petits épargnants qui ont un PEL, un PER – un plan d’épargne retraite –, une assurance vie ou des revenus locatifs. Je suis sûr que ceux qui suivent nos débats pensent que ce sont encore eux qui devront payer votre folie fiscale. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) Vous vous attaquez aux familles et à une classe moyenne qui en a marre de payer toujours plus.
Alors oui, nous, députés de la Droite républicaine, assumons et refusons de céder à la facilité qui consiste à taxer toujours plus. Cessons de remplir un tonneau percé. Diminuons nos dépenses. Ne gaspillons plus l’argent des Français et arrêtons de leur faire les poches. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je l’ai dit, nous n’en sommes qu’à la première lecture du PLFSS et nous devons prendre en considération la règle de l’entonnoir. Il n’est pas question de définir ici et maintenant le taux de CSG patrimoine qui s’appliquera en 2026. Nous devons simplement déterminer si la CSG patrimoine peut représenter un outil dans le cadre du budget de la sécurité sociale pour 2026.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Encore une fois, nous devons être conscients que de multiples mesures d’économies sont proposées, mais qu’il n’y a pas, à ce stade, de majorité pour voter ces mesures. Dès lors, nous ne pouvons pas, collectivement, prendre la responsabilité de laisser la sécurité sociale dans la situation actuelle, c’est-à-dire avec un déficit supérieur à 20 milliards, sauf à courir le risque – majeur – d’un accident de financement, avec un plafond d’endettement des caisses de sécurité sociale qui dépasserait 85 milliards.
Dans un tel contexte, je ne vous demande pas de voter pour un amendement en raison de son contenu (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR), mais parce qu’il est utile en tant que véhicule législatif et nous permet d’ouvrir un débat. C’est donc une question de méthode, avant d’être une question de fond.
J’entends l’opposition du RN à ces amendements, mais, mesdames et messieurs les députés, j’attends de connaître votre position concernant les mesures d’économies proposées. Comment comptez-vous financer la sécurité sociale et éviter le déséquilibre ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Monsieur Ménagé, si vous voulez que nous exonérions les PEL, les comptes épargne logement (CEL) et les autres contrats d’épargne des ménages les plus modestes, je vous invite à en discuter au cours de la navette. Or, sans véhicule, aucun débat n’est possible.
Je le répète, c’est une simple question de méthode : si aucun amendement relatif à la CSG patrimoine n’est adopté aujourd’hui, nous pourrons considérer que cet outil ne figurera pas dans le budget, quel que soit le niveau – il existe un débat pour savoir si l’augmentation du taux doit être forte ou limitée. C’est très simple : si l’amendement no 1020 n’est pas voté, il n’y aura pas de débat – ou alors purement théorique.
Mme Clémentine Autain
Il y a d’autres amendements !
Mme la présidente
Avant de donner la parole à M. Bernhardt pour un rappel au règlement (Exclamations sur divers bancs), je vous informe, chers collègues,…
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Madame la présidente, une question m’est posée par deux députées et je voudrais leur répondre !
M. Pierre Cordier
Et le vote des amendements ?
Mme la présidente
Chers collègues, il est 20h, mais nous allons prolonger la séance pour voter ces amendements en discussion commune avant le dîner. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NFP, DR et UDR.)
Madame la ministre, vous avez la parole. Nous entendrons ensuite le rappel au règlement de M. Bernhardt.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les députées Rousseau et Autain me demandent pourquoi les amendements de cette discussion commune sont examinés dans cet ordre. Sachez que je me pose également la question et que le gouvernement n’est pour rien dans l’organisation de cette discussion. Il revient au service de la séance de classer les amendements : dans certains cas, l’ordre suit la structure du code général des impôts ; dans d’autres, les amendements sont examinés selon leurs conséquences sur le texte, du plus important aux amendements de repli – l’ordre est parfois inverse selon qu’il s’agit d’une hausse d’impôt ou d’une dépense.
Mme Danielle Simonnet
Qu’est-ce que c’est que cette méthode ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement n’a demandé aucun classement particulier. Le processus budgétaire est ainsi fait et nous a d’ailleurs déjà joué des tours.
Mme la présidente
Je confirme que c’est bien le service de la séance qui classe les amendements, et non le gouvernement.
M. Erwan Balanant
Applaudissons la séance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt, pour un rappel au règlement.
M. Théo Bernhardt
Il porte sur la bonne tenue des débats ou, oserais-je dire, sur les magouilles que l’on voit s’opérer entre les socialistes et les macronistes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Quel article ?
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le député !
M. Théo Bernhardt
Si, attendez, laissez-moi terminer !
Mme la présidente
Sur quel article vous fondez-vous ?
M. Théo Bernhardt
Je vous l’ai dit, sur l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – Plusieurs députés socialistes font signe à l’orateur de partir.)
Mme la présidente
L’article 100 n’est pas pertinent, monsieur le député.
M. Théo Bernhardt
Alors sur l’article 58, relatif aux rappels au règlement. Nous voyons…
Mme la présidente
Monsieur le député, vous ne pouvez pas, à ce stade, invoquer l’article 58. (La présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Après l’article 6 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié.
Plusieurs députés du groupe DR
De quel groupe ?
M. Aurélien Pradié
Madame la ministre, j’ai un peu de mal à suivre vos explications.
M. Pierre Cordier
M. Pradié comprenait plus vite, avant !
M. Aurélien Pradié
D’abord, un point de détail qui n’en est pas un : le gouvernement ne peut donner que deux avis – favorable ou défavorable – ou bien s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. En revanche, l’avis de « méthode » et l’avis de « responsabilité » n’existent que dans votre monde – ils n’ont pas cours dans la vie parlementaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Sur ces amendements, nous voulons savoir si vous donnez un avis favorable, défavorable ou si vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée. Tout le reste, c’est du baratin !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Favorable !
M. Aurélien Pradié
Par ailleurs, vous essayez de nous faire endosser un problème qui n’est pas le nôtre. Cette affaire, dans laquelle vous vous débattez depuis plusieurs minutes, est la suivante : vous avez besoin de faire régler la facture d’un deal politique qui n’a pas été passé ici, dans cette assemblée, mais ailleurs, entre le gouvernement et le Parti socialiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Il a raison !
M. Aurélien Pradié
Vous devez faire payer cette facture et donc vous essayez, comme vous le pouvez, de nous expliquer qu’il faudra bien que quelqu’un paye.
Quant au dernier argument que vous employez, il est absolument invraisemblable : vous nous dites qu’il faut faire confiance à la navette parlementaire et qu’ici nous ne votons pas le taux – ce qui est pourtant notre responsabilité –, mais un droit à la négociation et à la facturation du deal politique que vous avez passé. Tout cela est une moquerie non seulement à l’égard des parlementaires que nous sommes, mais également à l’égard des Français, qui devront payer la facture de vos négociations de couloir ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Madame la ministre, nous avons un désaccord : l’amendement no 1020 de M. Guedj n’est pas un amendement de forme. ; au contraire, il soulève un enjeu fondamental, rappelé dans l’exposé sommaire, celui du financement de la suspension de la réforme des retraites. MM. Guedj et Boyard défendent ensemble, avec beaucoup de dynamisme, le fait qu’il faille, pour financer cette suspension, taxer l’épargne des Français par une hausse de la CSG. Or cela concernerait 15 millions d’entre eux, non pas les plus riches, mais, parmi eux, plus de 1 million de jeunes : ceux qui veulent accéder à la propriété et ceux qui épargnent un petit peu chaque jour.
M. Ian Boucard
Il a raison ! Et ce en pleine crise du logement !
M. Sylvain Berrios
Vous allez taxer le PEL qui finance le logement social que vous défendez par ailleurs ! Vous faites financer la suspension de la réforme des retraites par les jeunes. Ce n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Madame la ministre, nous n’aurions pas ce débat si, il y a quelques jours, vous aviez soutenu l’instauration de la taxe Zucman ou la restauration de l’impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Olivier Faure applaudit également.)
M. Fabien Di Filippo
Cela ne finance pas la sécurité sociale, la taxe Zucman !
M. Matthias Tavel
Si c’était le cas, nous ne serions pas obligés de faire jouer à la CSG un rôle de redistribution et de lutte contre l’injustice fiscale qui n’est pas celui pour lequel elle a été pensée.
Nous sommes favorables à la hausse de la fiscalité sur les revenus du capital, car ceux qui se sont beaucoup enrichis sous vos gouvernements doivent payer et la sécurité sociale a besoin de recettes supplémentaires – notamment en faveur de l’hôpital ou pour mieux rembourser les soins, à rebours des franchises que vous entendez instaurer.
Puisque vous voulez qu’il soit possible de discuter, au cours de la navette parlementaire, de la CSG et de ses taux, il vaut mieux voter les amendements no 2170 et suivants, qui rapporteraient davantage de recettes fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Émilie Bonnivard
Vous n’êtes pas majoritaires !
M. Matthias Tavel
Ils engendreraient par ailleurs des recettes pérennes, et pas seulement pour les mois qui viennent – car personne ne croit que le déficit atteindra 3 % du PIB en 2028. La seule chose que les amendements nos 1020 et 214 tendent à faire, comme le précisent d’ailleurs leurs exposés sommaires, c’est financer le décalage de la retraite à 64 ans. Or nous ne voulons pas le décalage de cette réforme, mais son abrogation ! Il nous faut donc des recettes pérennes pour financer cette dernière. L’injustice fiscale ne se décale pas, elle s’abolit : c’est pourquoi nous voterons en faveur des amendements no 2170 et suivants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Sur le fondement de l’article 98-1, alinéa 3 : « [Un amendement fait l’objet d’une évaluation préalable] à la demande de l’auteur de l’amendement et avec l’accord du président de la commission saisie au fond, s’agissant d’un amendement déposé par un député ». Compte tenu de l’importance que revêt l’amendement en cause pour le financement des magouilles entre le Parti socialiste et le gouvernement,…
M. Inaki Echaniz
Oh ça va ! Et vous, au Parlement européen ?
M. Jean-Philippe Tanguy
…je mets au défi M. Guedj de demander une évaluation de son amendement, puisque son exposé sommaire ne précise pas ses conséquences sur les classes moyennes et populaires.
Collègue Guedj, vous prétendez, dans votre exposé sommaire, que cette hausse d’impôt ne touchera que « les plus aisés » ; or c’est totalement faux ! (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) En effet, il existe aussi une épargne des classes populaires et moyennes, qui n’est pas protégée. Je vous mets donc au défi de demander une évaluation des conséquences de votre amendement sur ces dernières – remarquez, madame la présidente, que je ne suis pas sorti du cadre du rappel au règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Après l’article 6 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Peut-être parce que je suis un élu rural, je ne suis pas adepte de la politique-fiction. On nous parle d’une suspension de la réforme des retraites alors que rien dans le PLFSS ne l’indique. Nous votons seulement une recette supplémentaire pour la sécurité sociale.
M. Sylvain Berrios
C’est l’exposé sommaire de l’amendement qui fait ce lien !
M. Yannick Monnet
Je comprends que certains éprouvent des difficultés à la voter, puisqu’elle consiste à prendre un peu plus d’argent sur les revenus du capital. Au fond, c’est cela qui vous pose problème ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
Les communistes ne soutiennent pas le PEL !
M. Yannick Monnet
Selon moi, ces amendements n’auraient pas dû faire l’objet d’une discussion commune car ils ne disent pas tous la même chose. Ainsi, le nôtre – le no 2170 – comporte une mesure directe en faveur du pouvoir d’achat. Néanmoins, le groupe communiste et ultramarin considère que le tout ou rien est souvent la politique des bien portants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Erwan Balanant applaudit également.) Nous ne renoncerons donc jamais à récupérer un peu d’argent sur le capital pour financer la sécurité sociale et nous soutiendrons l’ensemble de ces amendements quel que soit leur ordre !
M. Philippe Gosselin
Vous taxez les petits épargnants ! Ce n’est pas glorieux !
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Cette série d’amendements porte sur le taux de la CSG appliquée aux revenus du patrimoine.
M. Pierre Cordier
Du petit patrimoine !
Mme Cyrielle Chatelain
Le groupe Écologiste et social défend plusieurs amendements afin d’atteindre un objectif global concernant ce budget : obtenir 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Dans cette perspective, les recettes que nous pourrons lever par cette hausse de la CSG sont significatives. C’est pourquoi il importe que les amendements placés après les nos 1020 et 214, qui vont plus loin qu’eux, soient débattus. Nous nous abstiendrons donc sur l’amendement no 1020 de Jérôme Guedj afin que l’Assemblée puisse discuter des autres. Madame la ministre l’a dit elle-même : l’important n’est pas le taux, mais l’accroche. Vous pouvez donc voter n’importe lequel de ces amendements, chers collègues ;…
Plusieurs députés des groupes EPR et Dem
Non !
Mme Cyrielle Chatelain
…vous aurez ensuite la possibilité de les sous-amender. Pour notre part, nous le ferons après que l’Assemblée se sera prononcée sur l’ensemble des taux proposés. Le débat sur les recettes de la CSG sur le patrimoine doit se dérouler de façon transparente. Les sous-amendements nous permettront ensuite de trouver un taux de compromis sur lequel se sera accordée cette assemblée. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
M. Laurent Wauquiez
La question n’est pas le taux, mais l’assiette !
Mme Cyrielle Chatelain
Nous voulons deux choses : une discussion transparente dans l’hémicycle et une trajectoire de recettes permettant de ne pas amoindrir les prestations de santé des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Manifestement, nous touchons à une question essentielle. Je souhaite qu’elle puisse être discutée le plus longuement possible au cours de l’examen de ce PLFSS.
M. Thomas Ménagé
Vous touchez à l’épargne des Français !
M. Jérôme Guedj
Oui, il faut rééquilibrer la structure de financement de la sécurité sociale en mobilisant davantage les revenus du capital, mais je veux tordre le cou à l’argument selon lequel cette hausse d’impôt sur les revenus du patrimoine et du capital toucherait les classes moyennes et populaires.
M. Laurent Wauquiez
Le PEL !
M. Jérôme Guedj
Pour l’essentiel, ces revenus sont ceux des dividendes, des plus-values immobilières et des contrats de capitalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Sont exonérés le livret A, le livret jeune, le livret d’épargne populaire et le livret de développement durable et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
Vous citez l’exemple du plan d’épargne logement. En France, un PEL contient en moyenne 25 000 euros ; au taux de rémunération de 1,75 %, il engendre 437 euros par an. L’augmentation de la CSG prévue par l’amendement no 1020 serait de 6 euros par an, soit 50 centimes par mois. Les classes moyennes qui disposent d’un PEL ne seront donc pas pénalisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Au moment où cette assemblée doit établir le financement de la sécurité sociale, ne faisons pas la fine bouche. Nous avons la possibilité d’ouvrir un débat sur des recettes à prélever sur le capital. Je le dis à mes amis situés sur les bancs de la gauche : quand nous pouvons réintroduire de la justice fiscale en dégageant des recettes sur les revenus du capital, ne nous privons pas de cette avancée ! Elle pourra être précisée au cours de la navette, mais, en cet instant, nous devons faire ce premier pas ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Pascal Lecamp applaudit également.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Ménagé
Sur le fondement de l’article 99 de notre règlement.
Le groupe Rassemblement national a déposé un certain nombre de sous-amendements visant à exclure de l’augmentation de la CSG tous les produits que nous avons cités et qui, monsieur Guedj, s’y trouvent actuellement inclus (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC) : CEL, PEL, assurance vie, etc.
Mme Béatrice Bellay
Menteur !
M. Thomas Ménagé
Le Rassemblement national refuse de taper dans l’épargne des Français. Madame la présidente, nous demandons que nos sous-amendements soient traités par le service de la séance afin que nous puissions en débattre et voter sur l’ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Cher collègue, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre : il n’est pas possible d’accepter de nouveaux sous-amendements lorsqu’une discussion commune a déjà largement commencé et même touche à sa fin.
M. Philippe Vigier
Allez, on vote !
Après l’article 6 (suite)
Mme la présidente
Sur le vote l’amendement no 1020, je vais procéder à un scrutin public.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 273
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 103
Contre 148
(L’amendement no 1020 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et DR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SOC?et Dem, dont les députés font mine d’applaudir les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
Bravo LFI !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je demande une suspension de séance, madame la présidente !
Mme la présidente
Une suspension de séance est demandée par Mme la ministre… (« Non, le vote a commencé ! » sur les bancs du groupe DR. – Vives exclamations sur divers bancs.)
Chers collègues, un peu de calme ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. (Protestations sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et GDR.)
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra