N° 1113
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),
TOME IV
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
FRANCOPHONIE ET
RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES
PAR M. FRANÇOIS ROCHEBLOINE,
Député
--
Voir le numéro 1110 (annexe n° 1)
Relations internationales
SOMMAIRE
___
INTRODUCTION 5
I - COMPTE-RENDU DE LA MISSION EN ISRAËL
ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS 7
II - L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
À L'ETRANGER 11
III - L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR 15
CONCLUSION 21
AUDITION DES MINISTRES 23
EXAMEN EN COMMISSION 33
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 35
Mesdames, Messieurs,
Le montant des crédits du Ministère des Affaires étrangères pour 2004 s'élève à 4,2 milliards d'euros, soit une progression de 2,6 % par rapport au précédent exercice. Mais cette augmentation est principalement due à l'effort en faveur de l'aide publique au développement, puisqu'en dehors de ces crédits, le budget du Ministère est en baisse de 1,6 %. Dans ce contexte difficile, les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger et ceux participant au développement de la langue française et de la francophonie sont en stagnation.
Les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger (tous ministères confondus) s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2004 à 1,37 milliard d'euros contre 1,3 milliard en 2003. Quant aux dépenses ordinaires et aux crédits de paiement relevant du Ministère des Affaires étrangères pour ce secteur, ils s'élèvent à 1,10 milliard d'euros pour 2004, contre 1,11 milliard dans le projet de loi de finances pour 2003.
S'agissant des crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie (tous ministères confondus), leur montant est de 0,88 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004, soit la même somme que l'an passé. Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement intéressant le Ministère des Affaires étrangères en la matière s'élèvent pour leur part à 0,80 milliard d'euros pour 2004, soit la même somme qu'en loi de finances initiale pour 2003. Seul motif de satisfaction après une année caractérisée par la régulation budgétaire : le plan de relance de la Francophonie annoncé par le chef de l'Etat à Beyrouth devrait pouvoir être réactivé par l'allocation de 20 millions d'euros de crédits issus du titre IV et du fonds multilatéral unique.
Plus largement, la régulation budgétaire a durement affecté les crédits de l'action culturelle extérieure au cours de l'exercice 2003. Elle a ainsi touché 4 % des crédits de la direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication, de 2,23 % les crédits de la direction de la coopération culturelle et du français et de 5,2 % les crédits de la direction de la coopération scientifique universitaire et de recherche. Il est à craindre qu'un tel scénario ne se reproduise l'année prochaine, ce qui pose le problème de la sincérité des lois de finances et du sens de la procédure budgétaire devant les assemblées parlementaires, comme l'a rappelé le groupe UDF lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.
Le présent avis rend compte de la mission effectuée par votre Rapporteur en Israël et dans les territoires palestiniens du 15 au 19 septembre dernier. Il aborde ensuite deux thèmes : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et l'action audiovisuelle extérieure, sujet d'actualité s'il en est, en raison du projet de chaîne d'information continue à vocation internationale.
I - COMPTE-RENDU DE LA MISSION EN ISRAËL
ET DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS
Cette année votre Rapporteur s'est rendu en Israël et dans les Territoires palestiniens dans le but d'évaluer le réseau culturel, scientifique et d'enseignement dans la région. Ce réseau frappe avant tout par sa densité. Du côté israélien, on compte trois établissements rattachés au réseau AEFE ; le nombre de centres culturels est de quatre, implantés à Tel Aviv, Ber Sheeva, Haïfa et Nazareth. A Jérusalem, sont implantés un lycée français et deux centres culturels (l'un à l'est, l'autre à l'ouest de la ville), ainsi qu'un centre de recherche, dépendant du CNRS et du Ministère des Affaires étrangères. Dans les territoires palestiniens, enfin, on dénombre trois centres culturels, à Ramallah, Naplouse et Gaza.
Il convient tout d'abord d'insister sur la grande motivation des agents du réseau culturel rencontrés et de souligner la difficulté de leur tâche dans un contexte ô combien difficile. Ensuite, il apparaît clairement que notre réseau souffre d'un manque de moyens au regard de sa densité. A titre d'exemple, le centre culturel français d'Haïfa-Nazareth dispose d'un budget de fonctionnement annuel de 244 000 euros, dont 20 % sert à financer le loyer. L'antenne de Nazareth ne compte pour sa part qu'un seul agent permanent. A Tel-Aviv, le centre, dont l'implantation est provisoire, dispose d'un budget de 1,6 million d'euros, dont 40 % proviennent des recettes propres tirées des cours de langues. Le loyer qu'il doit acquitter est pour sa part de 270 000 dollars par an contre 370 000 dollars dans la précédente implantation ! D'après les responsables du centre, ceux-ci n'ont pas la capacité financière de monter une pièce de théâtre ou d'organiser un concert.
Cette situation financière s'explique notamment par une politique immobilière contestable : la France n'ayant pas ou peu fait d'acquisitions foncières pour ses centres culturels dans la région, le montant des loyers acquittés année après année grève très lourdement leur budget de fonctionnement. Cela implique entre autres que le prix des cours de français dispensés par les centres soit relativement élevé. Ainsi, selon le responsable du centre de Beer Sheva, le prix des cours de français (environ 400 euros pour 72 heures) est dissuasif pour la population locale, alors même qu'une demande forte existe dans la population bédouine. Quant à Tel-Aviv, le nombre de personnes inscrites aux cours varie en fonction de la conjoncture économique... Fort heureusement, les prix pratiqués dans les centres destinés à accueillir la population palestinienne tiennent compte de la différence de niveau de vie et sont plus abordables : les tarifs du centre de Jérusalem-est sont ainsi trois fois moins élevés que ceux de Jérusalem-ouest et cinq fois moins élevés que ceux de Tel-Aviv.
Pour améliorer l'efficacité de la dépense et pour remédier à l'actuelle dilution des moyens, l'une des voies pourrait être d'engager une politique immobilière qui rompe avec la logique de court terme. A titre d'exemple, compte tenu du montant des loyers versés par le centre culturel de Tel-Aviv, l'acquisition éventuelle d'un immeuble de bureaux pourrait être intégralement financée en onze années. Une autre voie serait de diminuer le nombre de centres. Le réseau scientifique et culturel comporte à l'heure actuelle 26 établissements de recherche, 151 établissements culturels, 296 alliances françaises. Or, de nombreux centres n'atteignent pas la taille critique nécessaire pour être de véritables vitrines de la culture française et pour mettre en _uvre une politique de coopération culturelle cohérente et visible. Mais votre Rapporteur a pu constater au cours de sa mission qu'il était difficile de réduire le nombre de centres culturels. Outre l'impact symbolique qu'aurait leur fermeture, par exemple dans la ville de Nazareth, où la population palestinienne est très attachée à la présence française, il serait dommage de se priver de têtes de pont dans les lieux de formation des élites, comme à l'Université Ben Gourion du côté israélien ou à l'Université de Bir Zeit du côté palestinien.
Par ailleurs, par les thèmes de leur programmation et leur action auprès des populations, les centres culturels français jouent un rôle important en faveur du rapprochement des communautés et du dialogue entre les cultures. Ainsi à Gaza, le centre culturel français constitue une fenêtre sur l'extérieur et un lieu de pluralisme et de débat d'autant plus important que les mouvements islamistes hostiles à toutes les formes de liberté d'expression prospèrent dans ce territoire.
La rationalisation du réseau doit donc s'opérer au cas par cas en tenant compte de tous les paramètres locaux et des priorités de notre politique extérieure. Il serait en tout état de cause dommage de remettre en cause le rayonnement de notre pays au nom d'une logique strictement budgétaire, d'autant que le budget de fonctionnement de la totalité des instituts culturels n'est que de 70 millions d'euros, ce qui représente les deux tiers de la subvention attribuée chaque année par l'Etat à l'Opéra national de Paris.
Le ministère des Affaires étrangères, dans la mesure de ses moyens, entend pour sa part maintenir son réseau culturel dans la région et souhaite même le moderniser. Le ministre a ainsi annoncé lors de son allocution du 25 mai dernier à Jérusalem, que la France entendait bâtir un nouvel institut à Tel-Aviv. Cette décision, justifiée notamment par la vitalité des milieux artistiques israéliens et par la présence en Israël d'une communauté francophone estimée entre 400 000 et 700 000 personnes, nécessite un investissement de 5 millions d'euros. Le centre devrait être réalisé en 2006, mais à ce jour l'arbitrage budgétaire n'a pas été rendu. Il conviendra donc que notre Commission veille à ce que les moyens nécessaires à la réalisation de ce projet soient dégagés au cours des deux prochains exercices.
Autre projet d'importance, le regroupement prévu pour 2004 des centres culturels français et allemands de Ramallah dans un même bâtiment. Cette opération devrait permettre de donner une meilleure visibilité à notre centre, lui conférer une dimension plus européenne, tout en économisant une part importante des frais de fonctionnement, qui seront partagés avec l'Allemagne. D'après les informations de votre Rapporteur, ce projet devrait effectivement voir le jour l'an prochain. A ce jour des centres de ce type existent d'ores et déjà en Bolivie (Goethe Institut et Alliance française) et à Palerme (Goethe Institut et centre culturel français). Un autre est à l'étude à Moscou. Enfin, un centre culturel franco-allemand implanté à Luxembourg devrait être prochainement inauguré. Une telle évolution du réseau est tout à fait intéressante et doit être encouragée.
Votre Rapporteur a par ailleurs été informé du projet d'ouverture d'une nouvelle Alliance française à Bethléem, motivé par l'existence d'une forte demande d'enseignement en français, qui ne peut plus être assurée par le centre culturel de Jérusalem-est du fait du bouclage quasi permanent des axes de communication par l'armée israélienne. Ce projet, soutenu par le Consulat général de France à Jérusalem, vient d'être avalisé par le conseil d'administration de l'Alliance française. Le Ministère des Affaires étrangères devrait pour sa part débloquer une part des crédits nécessaires à cette ouverture. Il convient de soutenir pleinement ce projet, car il devrait permettre d'assurer une présence française dans une ville emblématique et dont les liens avec notre pays sont particulièrement forts.
Par ailleurs, votre Rapporteur voudrait rendre un hommage tout particulier au personnel et au comité de gestion du lycée français de Jérusalem. Cet établissement laïc dont le corps enseignant est principalement composé de franco-israéliens accueille une majorité d'élèves palestiniens. Grâce à la volonté de l'équipe pédagogique et des parents, le lycée organise des ramassages scolaires pour permettre aux élèves palestiniens de passer les check points chaque jour. La visite de cet établissement du réseau de l'Agence française pour l'enseignement du français à l'étranger est particulièrement émouvante, car il constitue un lieu de paix et de partage du savoir tout à fait précieux dans une ville traversée par les tensions et les affrontements.
Enfin, votre Rapporteur a pu constater à quel point la pratique de la régulation budgétaire entraînait d'importants effets pervers sur le terrain. Tout d'abord, elle ne facilite pas la conduite de réformes de structures au sein du réseau culturel, car les efforts de rationalisation opérés dans un tel cadre ne seraient pas restitués. Ensuite, elle peut nuire à la crédibilité de notre action extérieure.
A titre d'exemple, la situation de cessation de paiement du fonds de solidarité prioritaire (FSP) a eu pour conséquence de suspendre l'engagement contractuel de notre poste à l'égard des enseignants de français dans les écoles pilotes de Gaza, Naplouse, Bethléem et Bir Zeit, dont les salaires ne pourront être honorés au-delà de la fin de l'année en cas de maintien du gel des crédits. Dans le secteur social (actions en faveur des handicapés, programmes de santé mentale, actions en faveur des réfugiés), plusieurs opérations ont dû être interrompues : sur les 22 projets pour lesquels des conventions de subvention avaient été signées, seuls 12 d'entre eux ont pu être financés à 100 %, 5 projets ont reçu la moitié des fonds et les 5 restants sont en attente de financement. Cette pratique est tout à fait néfaste pour la continuité de notre politique étrangère, d'autant qu'elle est mise en _uvre sans que l'on tienne compte de son impact sur le terrain. Il convient donc que notre Assemblée soit particulièrement vigilante sur ce point et qu'elle condamne toute remise en cause des actions de coopération déjà engagées pour des raisons d'ordre strictement budgétaires.
La mission conduite par votre Rapporteur débouche donc sur le constat d'une situation critique de notre réseau de coopération culturelle et scientifique. En définitive, dans la région visitée, l'essentiel des moyens de fonctionnement est absorbé par les charges locatives et la rémunération des agents. Faute de moyens suffisants, ces derniers n'ont qu'une marge de man_uvre extrêmement limitée et leur rôle relève davantage de l'accompagnement que de l'impulsion. Il convient donc d'agir simultanément dans deux directions : le renforcement des moyens consacrés à la coopération culturelle et scientifique et la rationalisation du réseau, par une appréciation au cas par cas des situations.
II - L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT
FRANÇAIS À L'ETRANGER
Avec un budget 2003 de 431 millions d'euros en dépenses, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) accueille dans son réseau près de 160 000 élèves, soit une progression de plus de 10 % en dix ans. Les élèves français représentent 43 % de l'effectif total. La subvention de l'Etat pour 2003 s'est élevée à 340 millions d'euros, ce qui représente plus de 80 % des recettes de l'agence. Cette dotation augmente de 1,05 % dans le projet de loi de finances pour 2004, ce qui représente moins que le montant de l'inflation. Elle permet de financer la quasi-totalité de la masse salariale à la charge de l'Agence, qui regroupe le traitement des personnels expatriés et résidents.
L'an passé notre Commission avait adopté un amendement en vue d'obtenir le retrait d'une mesure d'annulation de crédits de l'ordre de 6 millions d'euros affectant l'AEFE. Cette mesure négative a finalement été ramenée à 2 millions d'euros en loi de finances rectificative. Malgré cette diminution de crédits motivée par le souci de « rationaliser le réseau de l'AEFE », l'Agence a pu fonctionner sans fermer d'établissements pour deux raisons totalement conjoncturelles : le cours élevé de l'euro, qui a réduit le coût des salaires en raison du taux de change favorable ; la fermeture des établissements en Côte d'Ivoire due aux événements et qui a permis d'effectuer des économies imprévues.
Il n'empêche que la situation de l'Agence demeure très précaire : son fonds de roulement est inférieur à sept jours et la participation des familles augmente de manière continue, puisque après une hausse de 10 % pour le dernier exercice, elle augmentera de 30 % pour le prochain. Cette participation des familles représente désormais un peu plus de 60 % du budget de l'enseignement français à l'étranger. En outre, la baisse des indemnités d'expatriation des agents du Ministère des Affaires étrangères, qui s'applique également aux agents expatriés de l'AEFE, entraîne la suppression de 6 millions d'euros de crédits.
La période récente a été marquée par la réforme du statut des personnels résidents prévue par le décret n° 22-2002 du 4 janvier 2002 entré en vigueur le 1er septembre 2002. Cette mesure améliore le régime indemnitaire des résidents en instaurant une indemnité de résidence spécifique et un avantage familial calculé au taux de 40 % des prestations servies aux expatriés. Cette réforme, qui contribue à réduire l'écart de rémunération entre les personnels expatriés et les personnels résidents, n'est toutefois pas financée par l'Etat, mais par un prélèvement sur le fonds de réserve de l'Agence et par la transformation de postes d'expatriés en postes de résidents sur une période de quatre ans : 117 postes d'expatriés ont ainsi été transformés à la rentrée 2002 et 128 postes à la rentrée 2003.
Le tableau suivant rend compte de l'évolution des effectifs depuis l'année scolaire 1997/1998 :
1997/1998 |
1998/1999 |
1999/2000 |
2000/2001 |
2001/2002 |
2002/2003 | |
expatriés |
1859 |
1809 |
1754 |
1796 |
1722 |
1587 |
résidents |
3665 |
3804 |
3979 |
4105 |
4094 |
4582 |
coopérants |
443 |
437 |
358 |
249 |
106 |
0 |
Source : Ministère des Affaires étrangères
Il est à noter que cette réforme n'a pas affecté le nombre de recrutés locaux qui demeure considérable, puisqu'il représente plus de la moitié du corps enseignant.
Si l'amélioration du régime indemnitaire des résidents va dans le bon sens, elle se fait toutefois au prix de véritables acrobaties juridiques. En effet, la réglementation en vigueur réserve ce statut aux seules personnes résidant depuis au moins trois mois dans le pays siège de l'établissement qui les emploie, ce qui justifie leur différence de traitement par rapport aux expatriés. Dans le même temps, la réforme est financée par la suppression des postes d'expatriés, qui sont désormais réservés aux seuls chefs d'établissements et aux personnels administratifs. Pour ces raisons, les enseignants recrutés en France ne peuvent plus prétendre au statut d'expatrié. En conséquence, ils doivent désormais payer leurs frais de déplacement, puis travailler trois mois en étant rémunérés par les établissements, qui pour faire face à cette charge supplémentaire doivent augmenter les frais de scolarité pesant sur les familles.
Par ailleurs, les organisations syndicales auditionnées ont indiqué qu'à la rentrée 2003, environ 200 enseignants titulaires de l'Éducation nationale disposaient d'un statut de recruté local, ce qui les pénalise dans leur carrière, puisqu'ils perdent le bénéfice de leur ancienneté en enseignant dans les établissements de l'AEFE. D'après la direction de l'Agence, une soixantaine de personnes demeuraient dans cette situation en fin d'année scolaire. Il serait souhaitable que l'Agence et le Ministère de l'Éducation nationale puissent trouver une solution pour remédier à cette difficulté statutaire.
Il est regrettable que l'Etat s'en tienne à une logique de gestion à court terme et qu'il ne restitue pas à l'Agence une part des efforts importants qu'elle consent pour diminuer ses coûts de fonctionnement. Une telle attitude n'est pas de nature à favoriser le développement de rapports contractuels et responsables entre l'Etat et l'Agence, qui ne peut adopter dans ce contexte qu'une attitude défensive. Cette situation va par ailleurs à l'encontre des objectifs affichés de défense de la francophonie et du rayonnement de notre pays. Votre Rapporteur ne peut que regretter cette attitude des pouvoirs publics, qui a d'ailleurs été fortement critiquée dans le rapport de M. Bernard Cadiot, membre de la section extérieure du Conseil économique et social, présenté le 28 octobre dernier en présence du Ministre des Affaires étrangères.
L'une des pistes évoquée à cette occasion par les organisations syndicales et par le Conseil économique et social pour dégager les moyens nécessaires au fonctionnement et au développement de l'Agence est celui de l'instauration d'une double tutelle exercée conjointement par le Ministère des Affaires étrangères et par le Ministère de l'Éducation nationale. Cette proposition s'explique sans aucun doute par le souci de desserrer l'étau budgétaire dans lequel se trouve l'Agence en faisant appel au soutien financier du Ministère doté du premier budget de l'Etat. Mais il est pour le moins contestable de réviser la loi du 5 juillet 1990 portant création de l'Agence uniquement pour des raisons budgétaires : l'instauration d'une tutelle de l'Éducation nationale sur l'AEFE ne doit en effet pas être motivée par la seule nécessité de trouver des financements complémentaires, d'autant que ce ministère est d'ores et déjà compétent à l'égard du réseau de l'Agence dans le domaine pédagogique (homologation des établissements, missions d'inspection...).
En définitive, plutôt que de modifier la tutelle de l'Agence, il importe avant tout de mettre en place un cadre d'action stable pour cet établissement public. Un mécanisme contractuel pluriannuel pourrait ainsi être instauré sur le modèle des contrats d'objectifs et de moyens liant l'Etat aux établissements publics de l'audiovisuel. Un tel dispositif permettrait ainsi à l'Agence d'agir dans la durée et de développer une véritable politique de gestion de son réseau, alors même qu'elle est aujourd'hui condamnée à une gestion au jour le jour. Une telle proposition est d'ailleurs complémentaire de celle retenue par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 29 octobre dernier, qui proposait de mettre en place des mécanismes contractuels entre l'Agence et les établissements d'enseignement dont elle a la charge. Le débat doit donc s'engager rapidement sur cette base, afin de sortir l'AEFE d'une situation pour le moins fragile.
Les crédits du ministère consacrés à l'audiovisuel sont en baisse, puisqu'ils sont reconduits à l'identique à hauteur de 165 millions d'euros, soit la même somme qu'en loi de finances initiale pour 2003, ce qui ne tient pas compte du montant prévisionnel de l'inflation retenu par le projet de loi de finances (+ 1,5 %). Dans ce contexte budgétaire défavorable, le Ministère des Affaires étrangères maintient les dotations de RFI et de TV 5 en francs constants en redéployant 3,55 millions d'euros précédemment consacrés au bouquet satellitaire Portinvest, dont les activités de diffusion de programmes en Afrique sont reprises par le secteur privé.
· Les opérateurs télévisuels extérieurs :
Le tableau suivant récapitule le montant des dotations publiques aux opérateurs télévisuels extérieurs depuis 1999 :
(en millions d'euros)
BENEFICIAIRE |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 LFI exécution |
PLF 2004 |
Part MAE 2004 | |
TV5 |
53,27 |
58,03 |
60,40 |
64,15 |
64,89 |
65,09 |
65,74 |
93,9% |
CFI |
23,32 |
23,07 |
22,52 |
22,03 |
22,50 |
21,85 |
22,50 |
100% |
France Télévisions |
2,036 |
2,036 |
1,11 |
0,91 |
2,023 |
0,95 |
1,82 |
100% |
Bouquets satellitaires |
9,30 |
8,65 |
6,78 |
5,70 |
6,563 |
4,01 |
3,68 |
0% |
Portinvest (Le Sat) |
3,094 |
1,95 |
1,65 |
0,70 |
1,00 |
- |
- |
- |
Euronews5 |
3,26 |
3,26 |
3,26 |
3,816 |
2,59 |
2,59 |
2,59 |
0% |
Soutiens à l'exportation |
2,43 |
2,43 |
2,82 |
2,90 |
2,88 |
2,90 |
2,95 |
35,6% |
TOTAL |
96,97 |
99,34 |
98,54 |
100,20 |
102,44 |
97,39 |
99,28 |
87,8% |
Source : Ministère des Affaires étrangères
TV 5, qui aura 20 ans l'an prochain, dispose pour 2003 d'un budget de 84 millions d'euros. La chaîne poursuit son effort de modernisation et d'amélioration de l'information. Elle a ainsi assuré une excellente couverture du conflit irakien, malgré des moyens somme toute modestes. Dans les années à venir la chaîne sera confrontée à un triple défi : la recherche de nouveaux moyens de financement (recettes d'abonnement, spots et parrainage), la mise en place d'une véritable politique de sous-titrage (notamment en russe et en chinois, condition indispensable au développement du potentiel de la chaîne dans ces aires linguistiques) et la poursuite du travail d'amélioration des programmes (production d'émissions propres, enseignement du français à l'antenne).
Le Ministère des Affaires étrangères a prévu de verser à TV 5 une subvention de 61,75 millions d'euros en 2004, soit une hausse de 1,5 % par rapport à la loi de finances pour 2003. La prochaine conférence des ministres responsables de TV 5 qui doit se tenir à Québec le 27 novembre prochain, fixera la contribution des autres Etats au budget de la chaîne, qui espère bénéficier d'une hausse globale de 2,5 % de ses moyens. Toutefois, les recettes de l'opérateur demeurent aujourd'hui insuffisantes pour financer l'ambitieuse politique qu'elle met en _uvre au profit de la francophonie.
CFI a connu une année charnière en 2003 : le Ministère des Affaires étrangères, qui exerce la tutelle de l'opérateur, a en effet pris la décision de le recentrer sur son activité de banque de programmes, actuellement assurée par CFI-Pro, et d'abandonner la diffusion de programmes en Afrique, assurée par CFI-TV pour un coût annuel de 800 000 euros. En raison de l'arrêt de cette activité de diffusion directe de programmes, l'opérateur a cédé à un opérateur privé le bouquet satellitaire le Sat géré par Portinvest. La subvention annuelle du ministère, qui s'élève depuis 1998 à 22,5 millions d'euros est inchangée pour l'an prochain, les économies escomptées du fait de l'arrêt des activités de CFI-TV ne devant produire d'effet qu'à compter de 2005.
Les délégués du personnel de CFI ont adressé à votre Rapporteur un courrier dans lequel ils regrettent « les récents développements autour du projet de chaîne française d'information continue à vocation internationale - auquel CFI n'est désormais plus associé - et les incertitudes budgétaires actuelles » qui leur « font craindre à terme la fermeture pure et simple de [leur] société » alors même que « CFI gère un dispositif qui lui permet de distribuer directement par satellite des programmes et des journaux d'information des chaînes partenaires, en langue locale, donc immédiatement accessible pour tous les publics. » Ils déplorent en outre « l'arrêt prématuré de la chaîne qui laissera vacantes les positions stratégiques négociées par CFI-TV sur les réseaux câblés et MMDS des capitales africaines au bénéfice de projets concurrents non francophones ». Il est en effet tout à fait regrettable que les positions et les savoir-faire de CFI ne soient pas mis au service de la future chaîne d'information continue et il conviendra d'interroger les autorités de tutelle de la future chaîne en séance publique sur ce point.
En tout état de cause, l'activité de banque de programmes de l'opérateur, qui constitue l'élément central de notre coopération audiovisuelle dans les pays en voie de développement et les pays émergents, n'est à l'heure actuelle pas remise en cause. Le Ministère des Affaires étrangères a sur ce point fait part de sa volonté de conforter cette activité actuellement conduite par CFI-Pro.
Le tableau ci-après indique le nombre d'heures de programmes proposés par CFI-Pro, le nombre de pays et de télévisions concernés sur l'ensemble des quatre régions ainsi que les bassins de population desservis.
Par zone géographique |
Afrique franco-phone |
Afrique anglophone & lusophone |
Europe Centrale |
Proche & Moyen-Orient |
Asie |
Total |
Nb. d'heures proposées |
1324 |
619 |
772 |
390 |
2638 |
5743 |
Nombre d'accords avec les Etats |
20 |
15+5 |
24 |
7 |
10 |
81 |
Nombre de télévisions partenaires |
23 |
19+5 |
44 |
11 |
17 |
119 |
Bassin de population desservi par voie hertzienne (en millions de téléspectateurs 15 ans et +) |
27 |
74 |
135 |
76 |
34 |
346 |
Source : Ministère des Affaires étrangères
· Les opérateurs radiophoniques extérieurs :
RFI a entrepris une modernisation considérable de ses programmes et de ses moyens de diffusion qui l'a confortée dans sa position de troisième radiodiffuseur international, après la BBC et la Voice of America, à égalité avec la Deutsche Welle. On estime généralement qu'avec sa filiale RMC Moyen-Orient, RFI compte ainsi plus de 45 millions d'auditeurs réguliers dans le monde.
L'exercice 2002 s'est soldé par une perte de plus de 8,8 millions d'euros. Le budget de 2003, adopté le 30 juin dernier, prévoit un prélèvement sur la trésorerie à hauteur de 3,4 millions d'euros, malgré une augmentation des dotations publiques de 0,4% (dont celle du ministère des Affaires étrangères, qui augmente de 0,8%, avant le gel provisoire de 170 000 €). Mais l'entreprise s'est engagée formellement à faire des économies structurelles et pérennes, dans le courant 2003 et pour 2004, afin de présenter un budget en équilibre pour l'exercice 2004. En outre, il convient de souligner que les tutelles ont finalement donné leur accord à ce prélèvement sur la trésorerie alors qu'elles y étaient opposées à l'origine, parce que l'entreprise a affirmé qu'elle n'avait pas d'autre possibilité en 2003. Pour leur part, les tutelles continuent de s'inquiéter de la progression des charges de personnel de l'entreprise, qui sont de 4,2% en 2003.
Le tableau suivant retrace les informations budgétaires disponibles relatives à cet opérateur :
Recettes |
2002(M€) |
2003(M€) |
2004(M€) |
Redevance |
51,23 |
52,30 |
53 (1) |
Subvention MAE |
69,67 |
70,37+0,41 |
71,42 |
Publicité |
1,06 |
1,06 |
1,07 |
Recettes diverses |
3,07 |
3,28 |
3,07 |
Report/Prélèv |
1,84 |
3,37 |
- |
Loi de Finance Rectif. |
1,52 |
- |
- |
TOTAL |
128,39 |
130,79 |
128,56 |
(1) après adoption le 21 octobre dernier de l'amendement n° 63 rectifié de la Commission des Finances
Source : Ministère des Affaires étrangères et jaune relatif au secteur public de la communication audiovisuelle
Le prochain exercice devrait être crucial pour RFI. Alors qu'elle s'était associée à France Télévisions pour remettre aux pouvoirs publics un projet concernant la future chaîne d'information continue à vocation internationale, elle ne figure aujourd'hui plus dans le montage retenu par le Premier ministre, alors même que cette radio dispose d'une grande expérience du travail journalistique en plusieurs langues, d'un remarquable réseau de correspondants à l'étranger et d'une connaissance reconnue du public international. En outre, l'hypothèse de l'intégration de RFI au sein du groupe Radio France a été avancée récemment. Si une telle intégration est sans aucun doute de nature à favoriser des économies d'échelle, elle pose la question du maintien de la tutelle du Ministère des Affaires étrangères sur cet opérateur, alors même que la part de la dotation du Quai d'Orsay ne cesse de baisser depuis plusieurs années et que la redevance représente d'ores et déjà plus de 42 % de ses ressources. Quoi qu'il en soit une telle intégration nécessitera une modification préalable de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et elle devra donner lieu à un débat parlementaire.
· La future chaîne d'information continue à vocation internationale :
Les crédits de l'audiovisuel extérieur pour 2004 ne comportent aucune ligne budgétaire consacrée au projet de future chaîne d'information continue à vocation internationale, alors même que le Premier ministre a annoncé qu'elle devrait voir le jour en 2004, sous la forme d'une société détenue à 50 % par le groupe TF 1 et à 50 % par le groupe France Télévisions, dont le financement serait assuré à hauteur de 70 millions d'euros par l'Etat. A l'heure actuelle, ce financement n'est donc assuré ni par le biais du budget du Ministère des Affaires étrangères, ni par celui de la redevance, dont la totalité du montant a été affectée aux opérateurs audiovisuels lors de la séance publique consacrée au budget de la communication le 23 octobre dernier.
Il est vrai que le Gouvernement travaille sur des hypothèses de redéploiement du secteur audiovisuel, destinées à dégager de nouvelles marges de financement. Ces hypothèses, rendues publiques par M. Bernard Brochand le 29 septembre dernier, sont les suivantes : la fusion de TV 5 et de RFO, l'intégration de RFI au sein de Radio France et l'abandon de la production d'information par Arte, qui serait par ailleurs transformée en chaîne européenne. Ces différentes hypothèses ont fait l'objet d'abondantes critiques.
La fusion de TV 5 et de RFO, tout d'abord, a suscité l'émotion la plus vive des pays actionnaires de la chaîne francophone (Suisse, Québec et Belgique), qui ne comprennent pas qu'on puisse les assimiler aux DOM-TOM. Ce projet de création d'un nouveau pôle francophone est par ailleurs en contradiction complète avec les annonces du ministre de la Culture et de la communication, qui a fait part de son intention d'intégrer prochainement RFO au sein du groupe France Télévisions. Ensuite, l'intégration de RFI au sein de Radio France, évoquée précédemment, mérite d'être étudiée sérieusement. Elle pose toutefois la question du maintien de la tutelle du Quai d'Orsay sur cet opérateur, du fait de son intégration au sein d'un groupe audiovisuel entièrement financé par la redevance, soumis au contrôle du CSA et relevant de la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication. Enfin, la suppression de l'information sur la chaîne Arte fait fi du traité franco-allemand fondant l'existence de cette chaîne de qualité, emblématique de la relation entre nos deux pays.
Ces différentes hypothèses de redéploiement n'apparaissent donc pas réalistes et elles ne sont pas de nature à dégager les moyens nouveaux nécessaires à la mise en place de la future chaîne, qui devrait fin 2004 selon les annonces des pouvoirs publics.
Force est de constater que l'élaboration du projet de future chaîne d'information continue, appelée de ses v_ux par le chef de l'Etat, a souffert d'un manque de transparence et de coordination de l'exécutif. Tout d'abord, le Ministère des Affaires étrangères, qui souhaitait être pilote sur cette question et qui avait chargé M. Philippe Baudillon d'un rapport sur ce sujet, a été mis à l'écart de la définition du projet. Le Ministère de la culture et de la communication se trouve dans la même situation, bien que le groupe France Télévisions soit en première ligne dans les tractations en cours. Quant à la mission d'information parlementaire créée à l'initiative de notre Commission et de celle des Affaires culturelles, aucune suite n'a été donnée aux recommandations qu'elle avait adoptées à l'unanimité de ses membres en mai dernier et elle a décidé pour cette raison de cesser ses travaux le 14 octobre 2003.
Les réponses transmises fort tardivement par le Ministère des Affaires étrangères à votre Rapporteur sur cette question sont pour le moins laconiques. Ainsi aux questions suivantes : « Présenter l'état du projet de télévision française d'information internationale : quel serait son coût budgétaire ? Comment est-il prévu de le financer ? Quel est le calendrier envisagé pour sa réalisation ? », il a été répondu : « Le Premier ministre a confié à M. Bernard Brochand, député, une mission relative à la création par la France d'une chaîne d'information internationale. M. Brochand a remis son rapport au Premier ministre le 29 septembre 2003. Ce dernier a décidé de prolonger de trois mois la mission de M. Brochand en lui demandant de travailler avec TF1 et France Télévisions à engager un travail de préfiguration, dans la perspective d'assurer le lancement de la nouvelle chaîne d'ici la fin de l'année 2004. »
De telles réponses traduisent sans doute plus d'embarras que de mépris pour le travail parlementaire. Il n'empêche qu'en l'état actuel du projet de chaîne d'information continue à vocation internationale, le choix de confier une mission d'intérêt général à un groupe qui, en définitive, ne serait ni public, ni privé, tout en étant totalement financé par le contribuable, est tout à fait critiquable au regard de nos propres règles juridiques et du droit communautaire de la concurrence. De même, la décision de ne pas diffuser la future chaîne en France et de la soustraire au contrôle du CSA ne peut que nuire à son indépendance et à sa crédibilité. Il conviendra donc d'être particulièrement vigilant sur ces différents points.
Dans un contexte budgétaire maussade, les crédits de l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger et les crédits concourant au développement de la langue française sont en stagnation par rapport à l'an dernier. Notre Commission doit donc être particulièrement vigilante, afin que le rayonnement extérieur de notre pays et la défense de la francophonie ne soient pas remis en cause. Il importe en effet de conforter le réseau scolaire français à l'étranger, d'améliorer les moyens de fonctionnement des centres culturels et des centres de coopération scientifique. Enfin, dans l'attente de la future chaîne d'information internationale, le soutien renforcé du ministère des Affaires étrangères aux opérateurs audiovisuels extérieurs existants est indispensable. Aussi, votre Rapporteur, tout en regrettant de ne pouvoir proposer une augmentation des crédits en raison des règles de recevabilité financière imposées par l'article 40 de la Constitution, émet un avis malgré tout favorable à leur adoption.
Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères
et de M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, devant la Commission des Affaires étrangères,
le mardi 28 octobre 2003
M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, a insisté sur la cohérence du budget face à la nécessité de réduire la dépense publique, de réformer l'Etat, de moderniser le ministère et de respecter les grands objectifs du Président de la République et du Gouvernement.
Il a d'abord souligné la contribution de ce budget à l'effort de réduction de la dépense publique en rappelant que l'année 2003 s'était traduite par une régulation budgétaire sans précédent, amputant le budget de 247 millions d'euros, soit près de 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. L'exécution du budget 2003 fut donc très difficile, remettant en cause la programmation budgétaire, en matière de coopération internationale et d'aide publique au développement (APD).
Le projet de budget pour 2004 s'élève à 4,2 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 2,6 % par rapport à 2003 mais, si l'on exclut les crédits consacrés à l'aide publique au développement (APD), ce budget est en baisse de 1,6 %. Le Ministre des Affaires étrangères a détaillé les mesures sur lesquelles porterait cette baisse : suppression de 116 emplois en 2004, économie de 20 millions d'euros sur les indemnités de résidence, réduction de 2% des frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau à l'étranger par rapport à 2003, diminution des crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programmes ce qui conduira à réexaminer le financement des campus diplomatiques de Pékin et de Tokyo et le déménagement des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve.
En revanche, il a fait valoir que certaines dotations, même si elles demeurent insuffisantes, avaient été reconduites : les contributions volontaires aux organismes internationaux, les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, la coopération militaire et de défense, les dépenses diverses au titre de l'aide alimentaire et l'enseignement français à l'étranger.
M. Dominique de Villepin a ensuite détaillé les innovations préfigurant la réforme de l'action extérieure de l'Etat, en cohérence avec le projet de plan d'action stratégique, « Affaires étrangères 2007 », en cours de validation. Ce plan propose de changer les mentalités plus que les structures en affirmant le rôle interministériel du Quai d'Orsay, en renforçant sa capacité stratégique, en consolidant le budget de l'action extérieure de l'Etat, et en instaurant dans le cadre de la loi organique sur la loi de finances (LOLF) une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat » qui pourra être complétée d'un ou de plusieurs programmes coordonnés de politique interministérielle.
La création d'un Conseil d'orientation stratégique, ouvert aux autres ministères et à la société civile, voire à des personnalités étrangères, la mise en place d'une direction collégiale, composée du Secrétaire général et de trois ou quatre secrétaires généraux adjoints veillant à la coordination des programmes identifiés en application de la LOLF font également partie des propositions avancées dans ce plan.
De même, la cohérence interministérielle devra se traduire par la rédaction d'un « plan d'action de l'ambassade » associant tous les services de l'Etat présents dans le pays ; l'animation du réseau des postes diplomatiques sera confiée aux directions géographiques.
Le Ministre des Affaires étrangères a souhaité que le ministère soit plus opérationnel en adoptant des méthodes de travail plus souples et un système de déconcentration maximale des crédits, en se concentrant sur les tâches qui relèvent directement de l'Etat, en insufflant la culture de l'évaluation, en rendant les nominations plus transparentes à tous les niveaux, grâce à la création d'un comité diplomatique et consulaire, et en développant la formation, une priorité pour le ministère dans le cadre d'une charte de la formation.
De plus, il a annoncé le réaménagement des réseaux diplomatiques, consulaire et culturel d'ici 2007, pour dégager les marges de financement de la réforme, en jouant sur toutes les variables (polyvalence des sites et des hommes, transfert d'attributions à des postes voisins mieux dotés, coopération renforcée avec nos partenaires de l'Union européenne, l'Allemagne et le Royaume-Uni en particulier, etc.). Selon le Ministre des Affaires étrangères, il faudra également procéder à une analyse coût-efficacité de la présence française en terme d'immobilier ou de personnel.
En outre le plan d'action propose d'accentuer la modernisation de la gestion en la dynamisant par la déconcentration et la globalisation des moyens de fonctionnement, le regroupement des fonctions de soutien en services administratifs et financiers uniques, l'instauration de « budgets-pays » et de conférences d'orientation budgétaire, la création d'une direction du contrôle de gestion composée de professionnels issus du secteur privé.
Le Ministre des Affaires étrangères a évoqué un mécanisme d'intéressement à la productivité avec une restitution partielle des gains obtenus dans le traitement des dossiers consulaires. L'économie de 20 millions d'euros effectuée sur les indemnités de résidence sera en partie redéployée pour permettre la revalorisation des rémunérations des recrutés locaux (4,2 millions d'euros) et l'abondement des primes de l'administration centrale (3,8 millions d'euros), une expérimentation de la LOLF dès 2004 dans cinq pays (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et Chine) sera mise en place. Cette procédure de « budget-pays LOLF » permettra aux ambassadeurs concernés d'appliquer la fongibilité des crédits du titre III.
M. Dominique de Villepin a jugé le budget 2004 conforme aux priorités du Président de la République et du Gouvernement en insistant sur le respect de l'objectif de progression de l'APD, qui atteindra 0,43 % du PIB pour un objectif de 0,5 % du PIB en 2007.
Avec 141 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2003, soit une hausse de près de 10 %, l'APD est la première priorité du ministère. Cette progression concerne pour près de 14 % le Fonds européen de développement (FED), pour près de 25% les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaires (FSP), pour 15,3 % ceux de l'Agence française de développement et pour 29 % le concours financier comprenant les contrats dits de désendettement développement.
La baisse des autorisations de programmes (AP) pour le FSP permettra de réduire le décalage chronique sur ces chapitres entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Le Ministre des Affaires étrangères a estimé que ce budget reflétait le rôle privilégié de la francophonie dans le rayonnement culturel et intellectuel de la France car les crédits alloués au Fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros.
De même, la qualité des services rendus aux Français est également prise en compte car les moyens consacrés au Français de l'étranger seront renforcés, en particulier en faveur de la sécurité et de la solidarité à l'égard des plus démunis. Les crédits liés à la sécurité sur les chapitres de fonctionnement sont maintenus et ceux consacrés aux actions de prévention au service des communautés françaises augmentent de 36 %, par redéploiement. Au sein du budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, qui poursuit sa modernisation et adapte la carte de ses implantations, la dotation destinée aux bourses pour les enfants français devrait à nouveau progresser.
Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'OFPRA et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de presque 10 millions d'euros, soit une croissance de 34,4 % par rapport à la LFI pour 2003. Cela permettra de pérenniser les renforts mis à la disposition de ces deux organismes par la loi de finances rectificative de la fin 2002 et de créer 100 nouveaux emplois.
M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a déclaré que le projet de budget pour 2004 s'inscrivait dans la perspective de l'objectif fixé par le chef de l'Etat d'une aide publique au développement (APD) représentant 0,50 % de notre PIB en 2007. Le montant de cette dernière est passé de 0,32 % en 2001 à 0,41 % cette année et devrait atteindre 0,43 % l'an prochain. La part de notre aide bilatérale poursuit sa progression en 2004 puisque de 62 % du total de l'aide en 2001, elle en représentera 72 % en 2004, malgré l'augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement (FED). Au-delà du soutien apporté à l'Afrique dans les enceintes multilatérales, notre aide bilatérale lui a été destinée à hauteur de 72 % l'an dernier et cette proportion devrait augmenter au cours des prochains exercices. Une part importante de l'APD va aux opérations d'allégement de la dette : 2 milliards d'euros y seront consacrés en 2004 contre seulement 470 millions d'euros en 2001. Notre aide est aussi prioritairement utilisée dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés et les contrats de désendettement développement qui permettent de conjuguer un effort exceptionnel des créanciers avec la mise en _uvre par les pays bénéficiaires d'une stratégie de lutte contre la pauvreté.
Les crédits de coopération du ministère des Affaires étrangères progressent de 141 millions d'euros en 2004, ce qui traduit une priorité politique claire. Il est vrai que l'exercice 2003 a été marqué par des régulations qui ont entraîné un report de charges d'environ 90 millions d'euros. Notre contribution au FED augmente de près de 14 %, les crédits de paiement alloués à l'Agence française de développement progressent de plus de 15 %, ceux du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) de 25 % et les concours financiers de 29 %. Des opérations de développement plus immédiates et plus visibles que les annulations de dettes pourront ainsi être menées par notre pays. Enfin, les autorisations de programmes du titre VI ont diminué de 10 % dans un souci de clarté budgétaire dû au décalage croissant avec les crédits de paiement alloués chaque année.
Les régulations budgétaires ont par ailleurs entravé la mise en _uvre du plan de relance de la Francophonie annoncé par le Président de la République lors du Sommet de Beyrouth. La situation pour 2004 devrait être meilleure en raison de l'allocation de crédits du titre IV et du Fonds multilatéral unique à hauteur de 20 millions d'euros. L'importance qu'attache notre pays à son rayonnement culturel est ainsi clairement exprimée.
Avant de répondre aux questions relatives à ce projet de budget 2004, le Ministre des Affaires étrangères, à la demande du Président Edouard Balladur, a donné à la Commission les précisions suivantes sur la Conférence des donateurs pour l'Irak qui s'est tenue à Madrid. Le montant total des promesses pour la période 2004 - 2007 s'élève à 33 milliards de dollars dont 20 milliards proviennent des Etats Unis. La communauté internationale contribuera pour environ 13 milliards de dollars, dont les deux tiers seront constitués par des prêts et un tiers par des dons. La Banque mondiale sur ce dernier total apportera un montant de 3 à 5 milliards de prêts et le FMI 2,5 à 4 milliards en prêts également. Nous sommes donc encore loin des 56 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction du pays, selon la Banque mondiale. Néanmoins le montant est significatif en comparaison d'autres conférences de donateurs, et il devrait saturer la capacité d'absorption de ces sommes par l'Irak pour 2004.
La plupart des délégations ont exprimé des inquiétudes quant à la sécurité de l'Irak et insisté sur la nécessité politique de donner plus de pouvoir et de responsabilités aux Irakiens, ainsi que sur la sécurité juridique et technique indispensable pour pouvoir mettre en _uvre les prêts qui ont été annoncés. Les donateurs ont souhaité la transparence et la coordination de la gestion de l'aide. Face à ces interrogations, Washington comme les Irakiens ont encore peu de réponses.
La France a appuyé l'effort fait par l'Union européenne (200 millions d'euros), elle a rappelé les aides déjà engagées en faveur de l'Irak et annoncé qu'elle était disposée à étudier, dans le cadre du Club de Paris, un traitement de la dette de l'Irak plus adapté à sa capacité actuelle de remboursement.
Répondant au Président Edouard Balladur sur l'apport des autres pays européens, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que l'Espagne et la Grande-Bretagne avaient, au sein de l'Union européenne, apporté les contributions les plus importantes. Le Japon est le deuxième contributeur après les Etats-Unis, avec l'annonce d'une aide de 5 milliards de dollars, dont 3,5 de prêts. La France ne s'est pas engagée pour le moment à réduire la dette de l'Irak, mais a seulement proposé d'examiner cette question dans le cadre des procédures habituelles au sein du Club de Paris.
Après avoir déclaré soutenir l'action du Gouvernement sur la scène internationale visant à défendre les conceptions françaises, M. Jacques Myard s'est dit préoccupé par les annonces de suppressions d'emplois contenues dans le projet de budget du ministère des Affaires étrangères pour 2004. Depuis dix ans, la perte d'emplois a atteint 10 %, ce qui est disproportionné par rapport à ce que doit être l'action de la France dans le monde. Pour cette raison, il a indiqué son intention de déposer des amendements visant à annuler ces suppressions d'emplois.
M. François Rochebloine a tout d'abord demandé à quelle date devait être prise la décision définitive de transférer l'Institut de France de Tel-Aviv dans de nouveaux locaux. Puis il a demandé des précisions quant aux difficultés que paraissent rencontrer actuellement les étudiants étrangers pour obtenir des visas. S'agissant de la proposition de M. Bernard Brochand de créer une chaîne généraliste francophone regroupant les missions de RFO et TV5, il a souhaité connaître le sentiment du Ministre des Affaires étrangères en la matière. Enfin, il a posé la question de la réalisation de la Maison de la Francophonie.
M. Guy Lengagne a estimé que les étudiants étrangers n'étaient pas suffisamment incités à venir en France. Par exemple, sur 25 étudiants turcs qui se rendent en Europe pour étudier, un seul vient en France. Selon lui, l'attribution de bourses aux étudiants étrangers souffre sans doute d'un manque de moyens financiers, mais le problème est également lié à la question de l'attribution des visas. Par ailleurs, il s'est intéressé à la part des autres partenaires dans le financement de l'Institut du monde arabe.
M. Jacques Godfrain a demandé si l'inventaire des projets lancés et risquant de ne pas aboutir du fait des gels de crédits avait été fait. Puis il a souhaité savoir si le ministère des Affaires étrangères envisageait de soutenir la réalisation d'un plan développement.
M. Dominique de Villepin a répondu aux intervenants.
Concernant la politique des emplois, il a admis que la baisse constatée depuis dix ans était importante (9,5 %). L'effort fourni en 2004 relève de la contribution du ministère de Affaires étrangères à l'effort global revendiqué par le Gouvernement, visant à ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Grâce à une gestion adéquate, notamment en réduisant le taux de vacances de postes, ces réductions n'ont pas pénalisé le fonctionnement du ministère. Mais il est certain qu'il ne sera plus possible de continuer dans cette voie. A l'avenir, les futures rationalisations devront concerner l'ensemble des réseaux de l'Etat à l'étranger : il faudra pouvoir apprécier dans chaque pays le nombre d'agents nécessaires par ministère selon une vision d'ensemble de l'action extérieure de l'Etat. La mise en place d'une polyvalence des agents est nécessaire afin de mettre fin aux cloisonnements entre ministères possédant un réseau à l'étranger. De plus, afin de prendre en compte les évolutions du monde, par exemple celles liés à l'élargissement de l'Europe, la présence française à l'étranger doit pouvoir s'adapter.
L'Institut français de Tel-Aviv est un projet résultant d'une décision conjointe franco-israélienne prise à la suite des conclusions rendues par un groupe de travail de haut niveau. Cette décision étant définitive, elle sera mise en _uvre dans un délai maximum de trois ans. Les études sont en cours ; le coût devrait être de 5 millions d'euros.
Le nombre des étudiants étrangers en France ne dépend pas seulement du niveau des bourses, mais aussi de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur par rapport à celui de pays comme les Etats-Unis ou le Canada. En dépit du faible coût des études, le système français attire moins que le système américain où existent de grandes facilités de financement des études universitaire proposées par les banques. Il faut donc réfléchir pour améliorer l'attractivité de notre système dans un cadre européen qui doit être mieux coordonné et prendre en compte la question délicate de la mise en place de filières anglophones. Quant à notre politique de visas étudiants, elle s'est délibérément orientée vers une augmentation importante du nombre de visas délivrés.
En ce qui concerne l'Institut du monde arabe, il est vrai que certains Etats sont en retard dans le versement de leurs cotisations ; leur attention a été attirée sur ce problème, et les arriérés ont été versés sur un fonds de réserve dont le produit des placements financiers compensera les aléas des versements de cotisations.
Au sujet de la politique télévisuelle, il faut rappeler que TV5 est une chaîne francophone multilatérale et que toute modification la concernant doit tenir compte de nos partenaires et de nos obligations vis-à-vis de cette chaîne.
M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a répondu qu'en trois ans le nombre d'étudiants étrangers accueillis dans notre pays avait augmenté de 48 %, renouant ainsi avec l'effectif le plus élevé jamais atteint. Si notre pays, avec plus de 221 000 étudiants, se place derrière le Royaume-Uni qui accueille plus de 242 000 étudiants, il se place nettement devant l'Allemagne avec environ 187 000 étudiants. Le nombre de bourses accordées est de 23 438, dont plus de la moitié au profit d'étudiants africains.
La création d'une Maison de la francophonie regroupant l'ensemble des opérateurs sur un même site est une initiative du Président de la République, rendue publique lors du Sommet de Beyrouth. Une mission a été confiée à un membre de la Cour des Comptes pour la mise en _uvre de ce projet qui doit être réalisé en 2006. Les conclusions de cette mission ont retenu cinq localisations à Paris intra-muros qui viennent d'être soumises aux instances de la Francophonie.
Le gel des crédits a entraîné le report de plusieurs opérations de coopération sur le prochain exercice. Le renforcement des crédits de paiement au titre du FSP et de l'AFD devrait permettre de réaliser ces projets l'an prochain. Enfin, le projet de plan épargne investissement au profit des ressortissants des pays africains est actuellement à l'étude à l'AFD et dans plusieurs réseaux bancaires. Le Mali et le Maroc font partie des pays partenaires privilégiés pour la mise en _uvre de ce programme, qui devrait rapidement déboucher sur la définition de nouveaux produits financiers facilitant l'investissement.
Observant une nouvelle répartition des crédits inscrits au titre IV chapitre 42-31, relatifs à notre contribution aux opérations de maintien de la paix (OMP), M. Gilbert Gantier en a demandé la justification. Sur la réforme de l'ONU, il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux.
M. Richard Cazenave a questionné le Ministre des Affaires étrangères sur la part des programmes de 2003 qui seront imputés sur 2004, ainsi que sur les crédits disponibles pour de nouvelles actions. Par ailleurs, il s'est inquiété de savoir si des enseignements avaient été tirés de 2003 permettant d'élaborer une stratégie de réplique à la régulation budgétaire afin de n'engager qu'à coup sûr certains programmes. Enfin, le calendrier de la LOLF se rapprochant, il a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur les résultats de la réflexion portant sur l'organisation des programmes dans le cadre d'une action interministérielle de l'Etat, espérant que les rapporteurs budgétaires puissent être associés à ces travaux.
M. Jean-Paul Bacquet a souhaité connaître exactement l'évolution sur les vingt ou trente dernières années du nombre d'étudiants africains venant en France, ayant l'impression que ceux-ci étaient beaucoup plus nombreux par le passé.
Soulignant l'importance des efforts de rationalisation budgétaire engagés, M. Loïc Bouvard a demandé comment le ministère des Affaires étrangères comptait agir. Un appel à des cabinets spécialisés en organisation est-il envisagé ? Si oui, quels sont ces cabinets et dispose-t-on d'un budget pour cela ?
M. Dominique de Villepin a répondu que la diminution de crédits observée en matière d'OMP était liée au taux de change, c'est-à-dire à l'effet dollar/euro. La contribution est en fait la même en euros constants.
La réforme des Nations unies est un grand projet évoqué depuis de nombreuses années. M. Kofi Annan l'a mise à l'ordre du jour de la nouvelle session : elle a un caractère ambitieux, puisque qu'elle devrait notamment modifier la représentativité des groupes régionaux au sein du Conseil de sécurité. Plusieurs pays sont candidats au Conseil de sécurité, et chacune de ces candidatures suscite des contre-candidatures. Aussi, le travail d'un Comité des Sages sera-t-il nécessaire pour y voir plus clair. S'ajoute à cela le projet de réforme du Conseil économique et social, pour le transformer en un Conseil de sécurité économique et sociale susceptible de faire des propositions et d'apporter des rationalisations de l'action des Nations unies dans ce domaine. Pourraient aussi être évoquées certaines idées proposées par notre pays, telles que la création d'un corps d'inspection dans le domaine de la non-prolifération ou d'un corps d'inspection dans le domaine des droits de l'Homme. Ces derniers permettraient de disposer de plus d'information pour mieux ajuster la politique de l'organisation internationale et de l'appuyer par des inspections plus intrusives.
Ces projets constituent un grand chantier, et la France est à l'origine du plus grand nombre de propositions pour ces réformes, en concertation étroite avec nos partenaires européens, notamment les Britanniques très soucieux aussi d'avancer dans ce domaine. Le Secrétaire général des Nations unies présentera, le moment venu, ses conclusions et propositions et il faut espérer que celles-ci feront l'objet de toute l'attention nécessaire, eu égard aux menaces qui pèsent sur le monde et exigent l'efficacité de l'organisation.
En ce qui concerne la régulation budgétaire, le report de charges pour 2004 devrait être de l'ordre de 90 millions d'euros dont 20 pour le FSP ; c'est pourquoi il a été demandé que soient dégelés en priorité les crédits de l'aide publique au développement. Le budget pour 2004 prévoit des hausses substantielles pour cette APD (FSP, AFD, aide budgétaire, FED) pour un total de plus de 150 millions d'euros. La programmation pour 2004 a été conçue en intégrant une diminution a priori des enveloppes de chaque pays, ce qui permettra d'adapter nos projets aux disponibilités finales en crédits.
A ce stade, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il proposait pour la LOLF la construction suivante en trois programmes dotés chacun de 1,3 milliard d'euros.
Le premier programme serait intitulé « rayonnement et influence de la France » ; il comporterait les crédits de l'action diplomatique de la France, des directions géographiques, des contributions aux organisations internationales, l'action humanitaire et de maintien de la paix, la coopération en matière de défense.
Le deuxième programme serait celui de la coopération et de l'action culturelle qui regrouperait une grande partie des crédits de la DGCID. Une logique plus thématique « aide au développement » aurait été possible, regroupant les seuls crédits de l'aide au développement, mais cela supposerait en parallèle la création de la mission « action extérieure de l'Etat ». Le Ministre a dit souhaiter la création de cette mission, la jugeant incontournable, mais a souligné qu'il s'agissait d'un choix politique lourd de conséquences pour l'ensemble des autres administrations.
Le troisième programme intitulé « réseaux et services publics à l'étranger » regroupe essentiellement les crédits de la direction des Français à l'étranger, de la direction générale de l'administration, du Cabinet, du Secrétariat général et dans un premier temps des réseaux à l'étranger.
M. Pierre-André Wiltzer a ajouté que son premier objectif était de revenir sur la forte décroissance des années précédentes : la France doit faire face à une très forte demande d'accueil d'étudiants étrangers, en particulier de l'Afrique du Nord (qui constitue la moitié de l'effectif des étudiants africains en France). Pour ces étudiants, beaucoup plus répartis qu'avant sur tout le territoire, la France reste une destination privilégiée. Une question mériterait un débat en profondeur : faut-il continuer à proposer toujours davantage de places pour former les élites de ces pays, sachant qu'une grande partie de ces étudiants ne retourne pas dans son pays, ou bien faut- il compléter notre action par la mise en place de pôles de formation de haut niveau pour faire face à ces besoins ? Cette solution éviterait l'aspiration des étudiants formés vers l'Europe au détriment du pays d'origine.
M. Dominique de Villepin a ajouté que le ministère n'avait pas fait appel à des consultants privés pour la réforme ; un comité de pilotage a été mis en place, réunissant des personnes venant pour certaines de l'entreprise. Un contrôleur de gestion issu du privé a été sélectionné et nommé au sein du ministère, une consultation des postes et des agents du réseau a eu lieu. Un plan d'action stratégique, étalé sur quatre ans, va être définitivement adopté dans les prochains jours.
Le Président Edouard Balladur a rappelé qu'il y a une dizaine d'années, alors qu'il était Premier Ministre, la question du coût de l'installation des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve était déjà une préoccupation. Il s'est étonné que depuis dix ans rien ne se soit passé et a demandé si des crédits étaient disponibles pour cette action, qui, semble-t-il, doit prendre la forme d'une construction nouvelle.
Le Ministre des Affaires étrangères a répondu qu'en effet rien n'avait eu lieu car le choix du lieu avait fait l'objet de nombreuses discussions interministérielles depuis dix ans ; en outre, le ministère n'avait pas eu les moyens financiers permettant de réaliser ce projet et a espéré que ces moyens seraient à présent disponibles. Le problème est le même pour différents projets d'ambassades toujours dans les tiroirs (Tokyo ou Pékin par exemple), programmes qui ont fait les frais du manque de crédits de paiement disponibles ces dernières années.
Au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Rochebloine, les crédits des Relations culturelles et de la Francophonie pour 2004.
Après l'exposé du Rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.
M. Serge Janquin a demandé au Rapporteur de bien vouloir préciser s'il privilégiait l'obtention de moyens financiers nouveaux pour le réseau des centres culturels ou s'il insistait plus sur la nécessité d'en réduire la densité. Quels doivent être les principes directeurs d'une réforme de ce réseau ?
M. Guy Lengagne a rappelé que le cri d'alarme lancé par M. François Rochebloine avec la présentation de ce rapport n'était pas nouveau. Régulièrement, il y a unanimité au sein de la Commission des Affaires étrangères pour dénoncer le manque de crédits consacrés à l'action de la France à l'étranger. Ainsi, il s'est demandé si les 500 millions d'euros que l'amendement de M. Paul Quilès proposait de supprimer des crédits de la défense ne seraient pas fort utiles au réseau des centres culturels. Ne serait-il pas plus rentable d'investir dans des centres culturels plutôt que dans l'armement ?
Déclarant partager l'analyse faite par M. François Rochebloine, il a indiqué cependant qu'il n'en tirait pas la même conclusion puisqu'il se prononçait contre l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie.
Notant que la réalisation de la chaîne à vocation internationale semblait poser problème, dans la mesure où un groupe privé ne doit pas fonctionner avec un financement public, M. Roland Blum a demandé s'il n'était pas envisageable, dans un premier temps, d'assurer une plus grande diffusion de TV5, notamment aux Etats-Unis.
M. Jean-Paul Bacquet a souligné son embarras en raison de la très grande qualité de ce rapport, dont le cri d'alarme traduit le désarroi des personnels des centres culturels. Toutefois, il a regretté que le Rapporteur n'ait pas proposé en conséquence le rejet des crédits. Si l'on cherche à revaloriser le Parlement, il ne faut pas se contenter de v_ux pieux et l'on ne peut accepter de voter des crédits sans que les réalisations correspondantes ne soient effectuées.
En réponse aux différents intervenants, M. François Rochebloine a déclaré qu'il fallait à la fois conforter les moyens de notre réseau culturel et le rationaliser au cas par cas avec précaution, par exemple en évitant la coexistence dans une même ville d'un institut culturel et d'une Alliance française. Il est vrai que le constat est alarmant et que les moyens consacrés à l'action culturelle extérieure et à l'enseignement français à l'étranger sont insuffisants. Il y a d'ailleurs lieu de s'inquiéter sur la réalisation dans les temps du nouvel institut de Tel-Aviv.
Le travail de la mission d'information commune sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale n'a donné lieu à aucune réaction officielle de l'exécutif, ce qui laisse songeur quant à sa volonté de revaloriser le rôle du Parlement. Les propositions contenues dans le rapport de M. Bernard Brochand sont pour le moins irréalistes et les annonces faites suscitent les craintes les plus grandes quant aux chances de la future chaîne de voir effectivement le jour. Dans ce contexte, il convient de saluer les progrès considérables accomplis par TV 5, notamment dans le domaine de l'information. Sa couverture des événements irakiens a été de bonne tenue, malgré des moyens modestes. Le Ministre des Affaires étrangères ayant souligné en Commission que le département maintenait son effort en faveur de TV 5, il convient désormais d'en améliorer la diffusion.
Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission des Affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie pour 2004.
Personnes entendues par le Rapporteur
· Ministère des Affaires étrangères
M. Yves Saint Geours, Conseiller du ministre
M. Xavier North, Directeur de la coopération culturelle et du français
· Ministère de l'Éducation nationale
M. Thierry Vielle, Conseiller du ministre
Mme Anne-Marie Bardi, adjointe au doyen de l'Inspection générale
M. Je an-Paul de Gaudemar, Directeur de l'enseignement scolaire
· TV 5 Monde
M. Serge Adda, Président-Directeur général
Mme Marie-Christine Saragosse, Vice Présidente, Directrice générale
· RFI
M. Jean-Paul Cluzel, Président directeur général
· Agence pour l'enseignement du français à l'étranger
Mme Maryse Bossière, Directrice
· Syndicats enseignants
M. Philippe Donadieu (SNUipp)
M. Philippe Esnault (SE-UNSA)
M. Roger Ferrari (SNES)
M. Michel Jarraud (FAEN)
M. Constantin Kaiteris (SGEN-CFDT Etranger)
· Fédération de parents d'élèves
Mme Michèle Bloch, Fédération des associations de parents d'élèves des établissements français à l'étranger (FAPEE)
N° 1113 tome IV - Avis de M. François Rochebloine sur le projet de looi de finances pour 2004 : Francophonie et relations culturelles internationales
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dont 0,10 M€ réserve parlementaire pour le Japon
dont 2,3 M€ versés à la SOFIRAD pour la recapitalisation de sa filiale.
3 dont crédits de report 2002 : France Télévisions 1,27 M€ ; bouquets 0,33 M€.
4 dont 0,76 M€ versés à CFI pour recapitalisation de sa future filiale.
5 dont 2,59 M€ versés par les actionnaires France 2 et France 3.
6 subvention exceptionnelle du MAE de 0,61 M€ .