PAR MME VALÉRIE PECRESSE,

Députée.

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INTRODUCTION 5

I. - L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 7

A. FACE À UNE POPULATION CARCÉRALE EN AUGMENTATION, DES MOYENS CONSIDÉRABLES SONT DÉGAGÉS 7

B. UN DÉFI POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE : LUTTER CONTRE LA RÉCIDIVE ET PRÉPARER À LA SORTIE ... 24

C. ... EN DÉVELOPPANT LES ACTIONS D'INSERTION 34

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 38

A. UNE ACTIVITÉ DES SERVICES EN AUGMENTATION DONT TIENT COMPTE LE BUDGET 2004 38

B. UNE ÉVALUATION DÉFAILLANTE 44

C. L'IMPÉRIEUSE MODERNISATION DES MÉTHODES DE GESTION 53

AUDITION DE DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, ET DE M. PIERRE BÉDIER, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PROGRAMMES IMMOBILIERS DE LA JUSTICE, SUR LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE POUR 2004 60

PERSONNES ET ORGANISATIONS SYNDICALES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 69

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS 71

MESDAMES, MESSIEURS,

An II de la mise en _uvre de la loi d'orientation et de programmation pour la Justice du 9 septembre 2002 (LOPJ), le budget 2004 de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse en respecte scrupuleusement les prescriptions.

En effet, avec plus de 1 608 millions d'euros en crédits de paiement, dont 55 millions de moyens nouveaux, et 688 millions en autorisations de programme, dont 441 au titre de la LOPJ, le budget de l'administration pénitentiaire est en hausse de 7,75 %. Pour sa part, la protection judiciaire de la jeunesse voit sa dotation progresser de 3,8 % pour atteindre 587 millions d'euros en crédits de paiement, dont 18,67 millions au titre de la LOPJ, et 26 millions d'autorisations de programme, dont 5,5 millions en application des dispositions de la LOPJ.

S'agissant des créations d'emplois, le budget 2004 poursuit également l'effort entrepris dès 2003. Ainsi, l'administration pénitentiaire bénéficie de 1 111 créations d'emplois dont 707 de personnels de surveillance tandis que la protection judiciaire de la jeunesse recrutera 234 agents dont 178 éducateurs.

Au-delà de ces seules données financières, le budget pour 2004 consacre ces moyens nouveaux à des priorités clairement définies par la LOPJ. En ce qui concerne l'administration pénitentiaire, il s'agit :

- d'augmenter la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires et d'améliorer les conditions de détention tout en diversifiant les structures carcérales ;

- de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation pour mieux préparer la sortie des détenus ;

- de créer des places en détention pour mineurs tout en initiant la mise en _uvre des futurs établissements pénitentiaires pour mineurs ;

- de poursuivre le programme d'ouverture des unités hospitalières sécurisées inter-régionales (UHSI) tout en abordant la programmation de la construction des unités hospitalières spécialement aménagées (uhsa) prévues par la LOPJ et qui ont pour objet de permettre l'hospitalisation des détenus souffrant de troubles mentaux, avec ou sans leur consentement.

Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, elle affectera les moyens nouveaux inscrits par le budget 2004 : au renforcement du dispositif de prise en charge des mineurs récidivistes ou violents dans des structures spécialement conçues à cet effet, à l'instar des centres éducatifs fermés ; au développement de la prévention de la récidive ; à l'amélioration du fonctionnement de ses services de formation et d'administration.

Cette progression des moyens au profit de ces deux administrations est remarquable à un double titre. Parce qu'elle prolonge les efforts budgétaires entrepris dans le cadre de la loi de finances initiale précédente d'abord. Il convient en effet de rappeler que le budget 2003 avait d'ores et déjà procédé à une substantielle augmentation des moyens alloués à l'administration pénitentiaire, puisque ses dotations en dépenses ordinaires et crédits de paiement ont crû de 7,7 %, alors même que le montant de ses autorisations de programme progressait de 44,31 %. La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiait d'un effort du même ordre, ses dépenses ordinaires croissant de 4,8 %. Parce qu'elle s'inscrit dans un contexte macroéconomique et budgétaire difficile ensuite. Indiquons simplement ici que le budget civil de l'État ne s'accroît que de 1,1 % et que nombre de départements ministériels sont confrontés à une réduction de leurs dotations.

Ce faisant, le Gouvernement réaffirme clairement que la lutte contre l'insécurité demeure sa priorité et démontre sa détermination à _uvrer en ce sens en dépit des aléas conjoncturels.

Toutefois, l'augmentation des crédits ainsi accordée ne saurait demeurer inconditionnelle et doit s'accompagner d'une amélioration concomitante de l'efficacité et de la qualité du fonctionnement de ces services publics. Comme l'indique l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « la société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Dotées de moyens croissants, il importe donc aux yeux de votre rapporteure que ces deux administrations soient en mesure de rendre compte des améliorations de leur gestion, ce qui suppose qu'elles s'évaluent.

Or, force est de constater que, bien souvent, l'outil méthodologique et statistique à cet effet leur fait défaut. Ainsi, comme l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2003 « la direction de la PJJ souffre d'une absence d'outils statistiques lui permettant de distinguer la capacité de ses établissements : combien de jeunes sont inscrits ? Combien de jeunes sont présents ? Quels sont quantitativement, les publics auxquels ses établissements s'adressent ? [...] Le pilotage, l'évaluation et la programmation des actions d'insertion par les différents échelons hiérarchiques de la PJJ ne sont pas assis sur des objectifs clairs, des indicateurs d'activité fiables et des critères homogènes d'appréciation des résultats obtenus. En particulier, on ne dispose d'aucune statistique relative aux qualifications et diplômes obtenus par les jeunes grâce au dispositif d'insertion ».

Certes, le constat sévère dressé par la juridiction financière porte sur les années 1996 à 2002, mais nombre des difficultés structurelles de cette administration demeurent en dépit des réels efforts de modernisation entrepris depuis plus d'un an. Votre rapporteure appuie donc sans réserves les réformes de la PJJ en cours mais souhaite, plus particulièrement, que celle-ci, tout comme l'administration pénitentiaire, s'attelle à la construction d'un outil performant d'évaluation car, dans une démocratie moderne, seule l'évaluation permet d'asseoir sa légitimité d'action sur d'incontestables fondements.

I. - L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Entre le 1er janvier 2002 et le 1er novembre 2003, la population carcérale a augmenté de 20,7 % passant de 48 594 personnes détenues à 58 661. Cet accroissement se répartit inégalement entre les prévenus et les condamnés puisque le nombre des premiers a augmenté de près de 36 % tandis que l'effectif des seconds progressait de 13 %. Ainsi que l'illustre le tableau suivant, l'année 2002 marque un retournement de la tendance à la diminution du nombre de prévenus observée depuis 1997 alors même que l'effectif des condamnés entrant en détention demeure relativement stable.

ÉVOLUTION DE LA POPULATION DÉTENUE EN MÉTROPOLE ET DANS LES DOM
SELON LA CATÉGORIE PÉNALE DEPUIS 1991
- AU 1ER JANVIER DE CHAQUE ANNÉE
ET POPULATION PRÉSENTE AU 1ER JUILLET 2003

ANNÉE

PRÉVENUS

CONDAMNÉS*

ENSEMBLE

TAUX DE PRÉVENUS (%)

 

métropole

19 047

28 113

47 160

40,4

1991

outre-mer

817

1 106

1 923

42,5

 

ensemble

19 864

29 219

49 083

40,5

 

métropole

19 550

28 563

48 113

40,6

1992

outre-mer

860

1 142

2 002

43,0

 

ensemble

20 410

29 705

50 115

40,7

 

métropole

20 101

28 063

48 164

41,7

1993

outre-mer

1 042

1 136

2 178

47,8

 

ensemble

21 143

29 199

50 342

42,0

 

métropole

20 026

30 214

50 240

39,9

1994

outre-mer

933

1 378

2 311

40,4

 

ensemble

20 959

31 592

52 551

39,9

 

métropole

22 159

29 464

51 623

42,9

1995

outre-mer

917

1 395

2 312

39,7

 

ensemble

23 076

30 859

53 935

42,8

 

métropole

20 899

31 759

52 658

39,7

1996

outre-mer

1 018

1 386

2 404

42,3

 

ensemble

21 917

33 145

55 062

39,8

 

métropole

21 366

30 274

51 640

41,4

1997

outre-mer

1 155

1 474

2 629

43,9

 

ensemble

22 521

31 748

54 269

41,5

 

métropole

20 301

30 443

50 744

40,0

1998

outre-mer

1 290

1 811

3 101

41,6

 

ensemble

21 591

32 254

53 845

40,1

 

métropole

19 212

30 460

49 672

38,7

1999

outre-mer

1 240

2 049

3 289

37,7

 

ensemble

20 452

32 509

52 961

38,6

 

métropole

16 990

31 059

48 049

35,4

2000

outre-mer

1 110

2 282

3 392

32,7

 

ensemble

18 100

33 341

51 441

35,2

 

métropole

15 080

29 538

44 618

33,8

2001

outre-mer

1 027

2 192

3 219

31,9

 

ensemble

16 107

31 730

47 837

33,7

 

métropole

15 246

30 073

45 319

33,6

2002

outre-mer

878

2 397

3 275

26,8

 

ensemble

16 124

32 470

48 594

33,2

 

métropole

19 783

32 044

51 827

38,2

au 1er juillet 2003

outre-mer

1 069

2 511

3 580

29,9

 

ensemble

20 852

34 555

55 407

37,6

 

métropole

20 813

33 948

54 761

38

au 1er novembre 2003

outre-mer

1 208

2 692

3 900

30,9

 

ensemble

22 021

36 640

58 661

37,5

Source : Statistiques mensuelles et trimestrielles

* y compris les contraintes par corps

Au-delà de ce constat, le nombre de détenus à une date donnée dépend de la conjonction de deux variables : le flux des entrées en détention d'une part et la durée de celle-ci d'autre part. S'agissant des entrées en détention, la priorité donnée par le Gouvernement à la lutte contre l'insécurité et au renforcement de l'efficacité de l'action des services de la police et de la gendarmerie nationales et des juridictions fait progresser leur nombre de 67 308 en 2001 à 81 533 en 2002. En revanche, la durée moyenne d'incarcération décroît, puisqu'elle est passée de 8,6 mois en 2001 à 7,7 mois en 2002.

Ces évolutions ont un impact sur le taux d'occupation des établissements pénitentiaires, qui possèdent une capacité théorique maximale de 47 987 places. Dès lors, le taux d'occupation est supérieur à 100 % : 115,5 % au 1er janvier 2003 contre 101,2 % au 1er janvier 2002. Toutefois, cette surpopulation est inégalement répartie selon la nature des établissements pénitentiaires : les maisons d'arrêt sont les plus peuplées (131 %), davantage que les maisons centrales (92 %), et les centres de détention (88 %).

S'agissant des infractions fondant le placement en détention, l'année 2003 s'inscrit dans la continuité des évolutions passées. En effet, avec 8 109 condamnés en 2003, les infractions sexuelles demeurent la première cause d'incarcération, devant les coups et blessures volontaires (5 217) et les infractions à la législation sur les stupéfiants qui ont, rappelons-le, représenté la première cause d'incarcération jusqu'en 1998. Ainsi, au cours des huit dernières années, le nombre des condamnés « sexuels » incarcérés a crû de 105,6 % tandis que celui des auteurs de coups et blessures volontaires augmentait de 161,2 %. A l'inverse, les condamnés incarcérés pour vol simple ont diminué de 38 % et ceux pour infraction à la législation sur les stupéfiants de 35 %. Le tableau suivant récapitule ces évolutions.

EFFECTIFS DE LA POPULATION CARCÉRALE
PAR TYPE D'INFRACTION PRINCIPALE AU 1er JANVIER
(Champ : métropole et outre-mer)

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution en %
entre 1995 et 2003

Vol simple

6 208

6 541

5 678

5 062

4 675

4 040

3 470

3 737

3 850

- 38,0

Vol qualifié

2 886

3 089

3 367

3 887

4 107

4 198

3 765

3 894

3 481

20,6

Recel, escroquerie, abus de confiance

1 317

1 372

1 108

1 246

1 472

1 280

1 374

1 645

2 009

52,5

Homicide volontaire : meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement

3 120

3 230

3 221

3 268

3 382

3 492

3 357

3325

3 293

5,5

Coups et blessures volontaires (y compris sur mineur)

1 997

2 124

2 082

2 366

2 636

2 953

3 368

4 059

5 217

161,2

Infraction à la législation sur les stupéfiants

6 361

6 772

6 377

5 875

5 412

4 910

4 373

3 936

4 127

- 35,1

Viol, attentat aux m_urs

3 945

4 759

5 218

6 044

6 760

7 499

7 895

7 779

8 109

105,6

Police des étrangers

1 329

1 487

1 515

1 056

965

878

778

896

870

- 34,5

Autres

3 396

3 518

2 940

3 180

2 852

3 876

3 251

3 173

3 573

5,2

Ensemble

30 559

32 892

31 506

31 984

32 261

33 126

31 631

32 444

34 529

13,0

Source : statistique trimestrielle.

La surpopulation carcérale soumet l'administration pénitentiaire à de fortes contraintes de différentes natures. Pression sur les agents tout d'abord, puisque l'organigramme des personnels de surveillance est prévu en fonction de la capacité d'accueil théorique de l'établissement pénitentiaire et non en fonction de son occupation effective. Pression sur les équipements ensuite, puisqu'une utilisation intensive des infrastructures se traduit par leur usure accélérée ce qui induit des dépenses d'entretien accrues ou une obsolescence plus rapide de l'établissement. Pression humanitaire enfin, puisque les conditions de détention en sont d'autant plus difficiles et dégradées pour les personnes incarcérées. À ce titre, le projet de loi de finances pour 2004 (PLF) prévoit une dotation de 30 millions d'euros de crédits de fonctionnement afin d'améliorer les conditions de détention et de compenser la hausse de la population carcérale.

Sur les 187 établissements pénitentiaires en fonction, 92 d'entre eux sont installés dans des immeubles construits depuis plus d'un siècle. Cette vétusté du parc immobilier a été aggravée par l'absence de tout programme de maintien à niveau des immeubles pendant près de 25 ans, de 1940 à 1964, ainsi que par la surpopulation constante des maisons d'arrêt depuis le début des années 90. Confronté à cette situation, le Gouvernement a pris l'initiative d'engager un programme de construction ambitieux tout en assurant le financement des programmes en cours et en poursuivant la rénovation du parc pénitentiaire.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (LOPJ) prévoit la réalisation d'un programme sans précédent de modernisation du parc immobilier affecté à l'administration pénitentiaire, au travers de la construction de 13 200 places nouvelles de détention, dont 4 000 en remplacement de structures obsolètes. À ce titre, elle alloue à l'État des moyens financiers considérables, à hauteur de 1,220 milliard d'euros d'autorisations de programme supplémentaires, qui complètent ainsi les 180 millions d'euros, votés lors des exercices budgétaires précédents, correspondant au financement de trois établissements dont la construction a été intégrée dans le dispositif prévu par la LOPJ. Cette programmation immobilière est répartie en deux volets :

- 10 800 places sont réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires, dont 9 200 en métropole et 1 600 en outre-mer. À cet égard, votre rapporteure tient à se faire l'écho de l'émotion suscitée par les conditions de détention en Nouvelle-Calédonie qu'a constatées une délégation de la Commission des Lois conduite par son Président, lors de son déplacement au mois de septembre dernier. En effet, doté d'une capacité de 192 places, le centre pénitentiaire de Nouméa, datant de l'époque du bagne, accueille plus de 320 détenus avec des températures atteignant parfois plus de 50°. À cette aune, il semble impérieux que la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire soit accélérée et devienne une véritable priorité.

Le tableau suivant récapitule les sites d'implantation retenus pour la construction des 10 800 places en établissement pénitentiaire pour adultes.

LOCALISATION ET NATURE DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
EN COURS DE CONSTRUCTION OU PRÉVUS

       

Direction régionale

Type d'établissement

Ville retenue

Nombre de
places prévues

Bordeaux

Centre pénitentiaire

Mont-de-Marsan

400

Centre pénitentiaire

Poitiers

400

Lille

Centre pénitentiaire

Dunkerque

400

Centre pénitentiaire

Lille

400

Maison centrale

Vendin-le-Vieil

150

Centre pénitentiaire

Beauvais

400

Centre pénitentiaire

Le Havre

400

Lyon

Maison d'arrêt

Lyon

600

Centre pénitentiaire

Bourg-en-Bresse

600

Centre pénitentiaire

Roanne

600

Marseille

Maison d'arrêt

Nice

600

Centre pénitentiaire

Ajaccio

300

Paris

Centre pénitentiaire

Orléans

600

Centre de détention

Ile-de-France

600

Rennes

Centre pénitentiaire

Le Mans (Coulaines)

400

Centre pénitentiaire

Rennes

600

Maison centrale

Alençon

150

Strasbourg

Centre pénitentiaire

Nancy

500

Centre pénitentiaire

Colmar

500

Toulouse

Centre pénitentiaire

Béziers

600

Outre-mer

Maison d'arrêt

Saint-Denis (la Réunion)

600

Maison d'arrêt

Basse-Terre (Guadeloupe)

400

Indéterminé

Indéterminé

600

- 2 400 places sont consacrées aux nouveaux établissements pénitentiaires ayant pour objet de diversifier la réponse carcérale afin d'adapter les structures aux évolutions de la population pénale. Parmi ces 2 400 places, 2 000 sont destinées aux détenus adultes et 400 sont réservées à l'accueil des mineurs.

S'agissant précisément des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), le garde des Sceaux a décidé la construction de 7 établissements d'une capacité de 40 à 60 places chacun. Leurs lieux d'implantation privilégient les grandes agglomérations urbaines puisque, pour ne citer que ces quelques exemples, deux EPM devraient être implantés en Île-de-France, un dans chacune des agglomérations nantaise, lyonnaise et marseillaise. Selon le calendrier de réalisation communiqué à votre rapporteure, le programme des EPM est lancé puisque la notification du marché devrait intervenir au début du troisième trimestre 2004. Dès lors, les travaux devraient débuter en 2005 pour permettre une livraison des premiers établissements en 2006.

En termes budgétaires, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 539,4 millions d'euros d'autorisations de programme sur un total de 688 millions pour mettre en _uvre la deuxième tranche annuelle de la programmation 2003-2007. Ces crédits se répartissent, à titre principal, de la façon suivante :

- 467 millions d'euros d'autorisations de programme sont affectés à la construction de 11 000 places. S'agissant des crédits de paiement, leur montant s'élève à 173 millions d'euros pour 2004 (+ 44 millions) mais leur répartition entre les différents programmes n'apparaît pas dans les documents communiqués à votre rapporteure ;

- 7 millions d'euros sont alloués à l'extension de la capacité des quartiers mineurs.

Créée par le décret du 31 août 2001 et opérationnelle depuis le 1er janvier 2002, l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux de la justice (AMOTJ) a pour mission, à la demande et pour le compte de l'État, d'assurer la maîtrise d'ouvrage des opérations de construction, d'aménagement, de maintenance, de réhabilitation et de restauration des immeubles lui appartenant. Or, ces missions ne permettent pas à l'AMOTJ de participer aux procédures innovantes prévues par l'article 2 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI).

En effet, afin de faciliter et d'accélérer les constructions pour les besoins de la police et de la justice, cet article permet aux collectivités territoriales et aux personnes privées de construire des bâtiments destinés à ces administrations tout en autorisant la réalisation, par des maîtres d'ouvrage privés ayant bénéficié d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public (AOT), des constructions projetées qui seront prises à bail par le ministère pour lequel l'opération est réalisée. Cependant, les missions actuelles de l'AMOTJ ne lui permettent pas d'assister les services du ministère dans la préparation, l'organisation et le suivi des procédures de sélection des opérateurs ni même dans le cadre de la délivrance de l'AOT ou lors de la conclusion des baux. Une modification du décret du 31 août 2001 est donc nécessaire et, selon les informations communiquées à votre rapporteure, elle serait en voie d'achèvement.

· La construction de 4 000 places résulte des dispositions de la loi de programme pour la justice du 6 janvier 1995 qui allouent 457,34 millions d'euros en autorisations de programme sur 5 ans (1995-1999) aux équipements pénitentiaires dont 289,65 millions d'euros destinée à résorber le déficit de places de maison d'arrêt. Ce programme prévoit la réalisation de 6 nouveaux établissements pénitentiaires à Sequedin (59), Le Pontet (84), Seysses (31), Chauconin-Neufmontiers (77), La Farlède (83) et Liancourt (60) en deux tranches dont la première (tranche A) a été lancée à l'automne 2000 et la seconde (tranche B) à l'automne 2001. À ce jour, l'état d'avancement financier de la tranche A, qui concerne les établissements de Seysses, Sequedin et du Pontet, était de 41 % contre seulement 11 % pour les prisons de la tranche B.

Selon les informations communiquées par les services, le coût final de l'ensemble du programme s'établirait à 355,2 millions d'euros, la consommation effective en crédits de paiement s'élevant pour sa part à 226,40 millions d'euros. Deux établissements seulement (Le Pontet et Seysses) ont d'ores et déjà été réceptionnés et mis en service, ce qui témoigne de la lenteur de la conduite des opérations et justifie pleinement le choix du Gouvernement de recourir à des procédures juridiques innovantes et rapides, faisant pour partie appel au secteur privé.

Votre rapporteure a tenu à se rendre sur place et à visiter le chantier de Liancourt dont la livraison devrait avoir lieu au mois de février 2004. Près de 32 millions d'euros ont été consacrés à la construction de cet établissement qui a connu quelques modifications en cours de construction, comme la pose de filin anti-hélicoptères à la suite des recommandations du rapport de M. Chauvet. L'édification de ce centre pénitentiaire répond à un besoin identifié en Picardie, région au taux de délinquance légèrement supérieur à la moyenne nationale et devrait conduire à désencombrer les maisons d'arrêt de Compiègne et de Beauvais qui connaissent, respectivement, des taux d'occupation de 153 % et 139 %. Disposant de 616 places, ce nouvel établissement comprendra 348 places en quartier de centre de détention, 202 places en quartier de maison d'arrêt, 20 places réservées aux mineurs et 10 places dédiées à l'accueil des détenus. Corrélativement à l'ouverture de cette nouvelle prison, le centre de détention de Liancourt, construit en 1935 à usage de sanatorium et d'une capacité actuelle de 202 places, devrait cesser de fonctionner.

· S'agissant de la rénovation du parc existant, les programmes de rénovation décidés en 1998 se poursuivent. Ils concernent en priorité les cinq plus grands établissements (maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et Paris-La Santé, centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, établissements de Loos-lès-Lille).

Initialement orientés vers la remise à niveau des bâtiments et installations avec quelques aménagements fonctionnels minimum, ces programmes ont progressivement été réorientés vers une remise aux normes fonctionnelles dont les principaux éléments sont l'encellulement individuel, l'installation d'une douche en cellule et la création d'espaces communs nécessaires à la mise en _uvre des actions de réinsertion.

L'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice (AMOTMJ) est le mandataire de cette opération dont l'état d'avancement est variable. Sans prétendre à l'exhaustivité, on indiquera que, s'agissant de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, les travaux devraient commencer au début de l'année 2004 et représenter une dépense de 304,6 millions d'euros. La construction de trois bâtiments destinés à l'accueil des familles et la rénovation du mess sont prévues et devraient s'achever début 2005, l'ensemble de la rénovation s'étalant sur 8 ans, soit une fin de chantier en 2012 ou 2013. À l'issue de ces opérations, la capacité de Fleury Mérogis devrait être de l'ordre de 3 460 places selon les projets de restructuration actuels, dont 500 places en centre de détention pour hommes.

En ce qui concerne le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, le marché de maîtrise d'_uvre a été notifié en novembre 2001, les travaux devrant débuter au début de l'année 2004 et durer pendant près de 8 ans. Après rénovation, la capacité du centre pénitentiaire (hors CPA) atteindrait 1 287 places pour un coût total de 134 millions d'euros.

Au total, près de 144 millions d'euros sont inscrits au PLF 2004 au titre de la rénovation du parc pénitentiaire, dont 76 millions concernent les cinq grands établissements cités plus hauts, les 68 millions restant étant dévolus à l'entretien et à la rénovation du reste du parc.

Qu'il s'agisse de la construction de nouveaux établissements ou de la rénovation du parc existant, le renforcement de la sécurité constitue un des axes majeurs d'emploi des crédits d'équipement. Si 1,4 million d'euros ont été consacrés à des opérations de renforcement de la sécurité en 1998, ce montant a atteint 2,3 millions en 1999, 2,1 millions en 2000 et 4,8 millions en 2001.

La LOPJ entend amplifier ce mouvement et comprend un important dispositif tendant au renforcement de la sécurité des prisons qui prévoit : l'équipement en moyens de communication et d'alarmes, le renforcement du contrôle des entrants (tunnels d'inspection à rayons X), la mise en place de dispositifs de brouillage des téléphones portables, la sécurisation renforcée des maisons centrales, la mise en place de filins anti-hélicoptères ainsi que la mise aux normes de miradors.

À ce titre, 6,5 millions d'euros ont été programmés en 2002 et ont concerné aussi bien la création d'une zone anti-hélicoptères à la maison centrale d'Arles (1,02 millions d'euros), la pose d'un câblage anti-hélicoptères à la maison d'arrêt de Borgo (2,24 millions d'euros) que le renforcement des filins anti-hélicoptères de la maison d'arrêt de Bois d'Arcy (1,75 millions d'euros). Ce programme s'est poursuivi au titre de la loi de finances initiale pour 2003 dans le cadre de laquelle deux enveloppes ont été inscrites. La première, d'un montant de 9 millions d'euros d'autorisations de programme, prévoyant la mise aux normes des miradors, l'installation des filins anti-hélicoptères et des systèmes de brouillage de téléphones portables. Les opérations menées ont concerné près d'une quinzaine d'établissements dont les maisons centrales de Ensisheim et de Saint-Maur (pose de filins anti-hélicoptères pour un coût de 1,8 million d'euros). La seconde enveloppe, d'un montant de 2,86 millions d'euros, ayant pour objet de doter certains établissements de tunnels d'inspection à rayon X et d'un système de téléphonie mobile et de radio communication pour les gardiens surveillants travaillant dans des postes isolés.

Au titre de la loi de finances 2004, deux dotations ont été prévues en matière de sécurité :

- 16,39 millions d'euros seront consacrés à la poursuite du plan d'adaptation des établissements pénitentiaires ;

- 2,8 millions d'euros seront destinés à doter certains établissements de tunnels d'inspection à rayon X et de système de téléphonie mobile ou de radio communication pour les personnels en postes isolés.

S'agissant de la sécurité, il convient également de faire mention du travail mené, à la demande du garde des Sceaux, par M. Gérard Lemonnier, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées : il prône le passage d'une notion de sécurité à celle, plus large, de sûreté qui, au-delà des seules améliorations techniques et de l'équipement, intègre également les ressources humaines ainsi que la nécessaire évolution des pratiques professionnelles. Là encore, le budget 2004 dote l'administration des ressources humaines nécessaires à la mise en _uvre de ces évolutions.

L'administration pénitentiaire bénéficie en 2004 de 1 111 créations d'emplois qui se répartissent de la façon suivante :

- 707 emplois de personnels de surveillance dont 207 au profit des équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) et 300 emplois dédiés au renforcement des effectifs en établissement et au développement des alternatives à l'incarcération ;

- 202 emplois de personnel administratif. Ce renforcement des capacités de gestion s'inscrit dans le cadre de la mise en _uvre de la LOLF qui tend à moderniser le fonctionnement du service public pénitentiaire en accroissant l'autonomie de gestion de services déconcentrés ;

- 161 emplois de travailleurs sociaux qui témoignent de la volonté du Gouvernement de développer le recours aux alternatives à l'incarcération et les actions en faveur de l'insertion des détenus ;

- 41 emplois destinés à l'ouverture des Unités hospitalières de soins intensifs (UHSI) ;

Le budget 2004 poursuit et amplifie l'augmentation continue des personnels de l'administration pénitentiaire dont le nombre est passé de 23 071 en 1993 à 28 804 dix ans plus tard, soit une hausse de 23,92 % (ENAP incluse). Cet effectif se repartit de la manière suivante :

- 394 personnels de direction (dont 14 pour l'ENAP) ;

- 22 435 personnels de surveillance (dont 77 pour l'ENAP). À cet égard, la France se situe dans la moyenne des autres grands pays européens puisque, selon les informations communiquées à votre rapporteure, le nombre des gardiens surveillants en Espagne atteindrait 13 576 contre 33 458 au Royaume-Uni mais 42 781 en Italie ;

- 2 565 personnels administratifs (dont 63 pour l'ENAP) ;

- 731 personnels techniques (dont 6 pour l'ENAP) ;

- 2 473 personnels socio-éducatifs (dont 21 pour l'ENAP) ;

- 206 agents contractuels (dont 33 pour l'ENAP).

Toutefois, l'augmentation constante des créations d'emplois ne garantit pas l'arrivée à due concurrence des effectifs au sein des établissements pénitentiaires. En effet, l'administration pénitentiaire demeure confrontée à un nombre élevé de postes vacants qui est révélateur de ses difficultés de recrutement dont les effets sont d'ailleurs aggravés par l'ampleur des départs à la retraite auxquels elle doit faire face. Ainsi, 2 281 vacances de postes étaient constatées au 1er janvier 2003, mais seulement 1 491 au 1er juillet. Le tableau suivant récapitule la répartition des vacances de poste et souligne l'importance relative de celles concernant le corps des gardiens surveillants (1 534 emplois vacants).

SITUATION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES ET RÉELS AU 1ER JANVIER 2003

   

EFFECTIFS AU RÉEL
au 1er janvier 2003
(dont ENAP)

 
 

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES 2003
(dont ENAP)

MILIEU FERMÉ

MILIEU OUVERT

VACANCES (BUDGÉTAIRE MOINS RÉEL)

Personnel de direction

394

370

 

24

Personnel administratif

2 565

2 103

194

268

Personnel technique

731

617

 

114

Personnel socio-éducatif (personnel d'insertion et de probation, y compris les directeurs de SPIP et assistants sociaux)

2 473

2 156

317

Personnel de surveillance

22 435

20 888

13

1 534

Contractuels (y compris professeurs)

206

175

7

24

TOTAL

28 804

24 153

2 370

2 281

   

26 523

 

(*) Les personnels socio-éducatifs ont été comptabilisés par convention dans les effectifs du milieu ouvert dans la mesure où la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) a notamment pour mission de mutualiser les ressources entre le milieu ouvert et le milieu fermé.

S'agissant du rythme des départs en retraite, celui prévu pour 2003 (596) devrait être du même ordre que celui observé l'année précédente (603) qui marquait une nette décélération par rapport aux deux années précédentes puisque ce nombre avait atteint 1 070 en 2000 et 700 en 2001. Si l'on souhaite connaître la répartition de ces départs à la retraite selon les différents corps de l'administration pénitentiaire, on indiquera que, compte tenu de la moyenne d'âge des gardiens surveillants, qui est relativement basse (37,7 ans) en raison des forts recrutements de ces dernières années, le nombre les départs en retraite devrait se stabiliser jusqu'en 2007 mais concerner plus de 600 agents après 2009 en raison de l'arrivée à l'âge de la retraite des personnels issus de la génération du « baby boom ». A ce propos, il convient de rappeler ici que l'âge moyen de départ à la retraite des personnels de surveillance n'était que de 53 ans en 2003, contre 57 ans pour les autres personnels.

En ce qui concerne les personnels de direction, dont la moyenne d'âge est de 41,4 ans, une trentaine de directeurs devraient quitter leurs fonctions d'ici à 2007 (9 % du corps en 2003). Une accélération de ce rythme devrait se produire dès 2007 et ce jusqu'en 2010 : au total, 75 directeurs pourraient faire valoir leurs droits à la retraite dans les 7 ans qui viennent. Pour leur part, les attachés d'administration et d'intendance (catégorie A), dont la moyenne d'âge est de 43,5 ans, devraient connaître 9 départs en retraite entre 2003 et 2007 (7,5 % du corps en 2003) mais ce rythme devrait s'accélérer à partir de 2008, jusqu'en 2012, pour concerner au total près de 25 agents.

Quant aux secrétaires administratifs (catégorie B), dont la moyenne d'âge est de 43,5 ans et dont le départ à la retraite est généralement assez précoce (60-61 ans), 42 agents devraient prendre leur retraite entre 2003 et 2007, et plus de 140 dans les 10 années suivantes (respectivement 7 % et 23 % du corps en 2003). Les adjoints et agents administratifs (catégorie C), dont les moyennes d'âge sont respectivement de 42,8 et 42,4 ans devraient connaître le même type de situation : 107 départs entre 2003 et 2007 (6 % des corps considérés en 2003) et plus de 320 dans les 10 ans (19% des corps).

Au sein du personnel d'insertion et de probation, dont la moyenne d'âge est de 42,5 ans, une forte disparité existe entre le corps des chefs des services d'insertion et de probation et celui des conseillers d'insertion et de probation. En effet, les premiers, dont la moyenne d'âge est de 46,8 ans, devraient connaître d'importants départs à la retraite entre 2003 et 2007 (19 agents, soit 9,5% du corps en 2003) s'accélérant par la suite (60 agents, soit 32 % du corps) jusqu'en 2020. En revanche, le corps des conseillers d'insertion et de probation, avec une moyenne d'âge de 38,1 ans, n'est pas concerné par la perspective de nombreux départs puisque 66 agents seulement devraient faire valoir leurs droits entre 2003 et 2007 (4 % du corps) puis 206 dans les 10 ans (13 % du corps), les forts départs devant avoir lieu à partir de 2028.

Au total, la conjonction du nombre élevé des départs à la retraite et des substantiels recrutements prévus par la LOPJ aboutit à un besoin de près de 8 000 personnels de surveillance entre 2003 et 2007. Pour les autres filières, ce besoin est évalué à 2 300 agents dont 1 000 travailleurs sociaux et 950 personnels administratifs.

Face à ce véritable défi, l'administration pénitentiaire a développé trois initiatives majeures : le lancement de campagnes de communication et de recrutement, la revalorisation indemnitaire et statutaire des personnels, la mise à niveau des capacités de formation.

L'administration pénitentiaire est, de longue date, confrontée à de réelles difficultés de recrutement. C'est pourquoi, afin de susciter davantage de candidatures aux concours de surveillants, une campagne de communication a été lancée à la fin de l'année 2002 et s'est poursuivie au cours de l'année 2003. « La prison change, changez avec elle », chacun connaît désormais le slogan et cette initiative, une première dans l'histoire de cette administration, a porté ses fruits.

En effet, le nombre de personnes inscrites et présentes au concours de surveillants des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, dont les épreuves se sont déroulées le 8 janvier 2003 a crû de près de 100 %. Ainsi, 20 338 candidats se sont inscrits et 13 847 ont été déclarés admissibles alors qu'ils n'étaient que 10 422 inscrits et 7 631 admissibles au concours précédent. La deuxième phase de la campagne de communication a été lancée aux mois de mars et avril 2003 dans le cadre de laquelle, outre l'insertion de placards dans la presse écrite, des messages publicitaires télévisés d'une durée de 30 secondes ont été diffusés 130 fois. Là aussi, le résultat est sensible puisque 28 114 personnes se sont inscrites à la deuxième session 2003 du concours de gardiens surveillants, organisé le 18 juin 2003 (18 526 admissibles). Au-delà de cette amélioration de l'image de l'administration pénitentiaire, le renforcement de l'attractivité de ses métiers passe par une revalorisation indemnitaire et statutaire des personnels. Poursuivant l'_uvre engagée en 2003, le budget 2004 s'y emploie.

En effet, le projet de loi de finances 2004 dote l'administration pénitentiaire d'une enveloppe de 12,65 millions d'euros, dont 3,27 millions au titre des réformes statutaires, 8,92 millions au titre des mesures indemnitaires et indiciaires, et 466 230 euros au titre des transformations d'emplois. Trois filières sont plus particulièrement concernées :

· Les personnels d'insertion et de probation : La réforme statutaire en cours doit permettre, après la création des SPIP en 1999, de reconnaître l'accroissement des responsabilités qui leur incombent.

En effet, si la réforme des services d'insertion et de probation a unifié les milieux ouverts (anciennement comité de probation et d'assistance aux libérés) et fermés (services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires), elle n'a pas été accompagnée de dispositions statutaires prenant en compte l'inflation des mesures de prise en charge et le développement des demandes en matière d'insertion des condamnés. Cette situation n'est pas demeurée sans conséquence, notamment en matière de recrutement : le statut peu attractif des chefs des services d'insertion et de probation (CSIP), au regard de la responsabilité qui leur échoit, rend leur recrutement très difficile à telle enseigne que le nombre de candidats n'atteint pas, depuis trois concours, celui des emplois offerts. Quant au statut d'emploi de directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (DSPIP), s'il bénéficie d'une bonification indiciaire, il ne comporte aucun débouché ni perspective d'évolution de carrière.

Le projet de réforme a précisément pour objet de créer un corps de catégorie A, ce qui devrait permettre de conforter le DSPIP dans son rôle de représentant départemental du service. De surcroît, afin de répondre aux problèmes liés à l'absence d'un véritable corps intermédiaire de direction et en vue de mieux répartir leur charge de travail, chaque DSPIP devrait pouvoir s'appuyer sur un adjoint, également fonctionnaire de catégorie A. Cette réforme se traduira par une modification du pyramidage de l'ensemble de la filière en améliorant les perspectives de carrière pour tous les agents. Quant aux conseillers des services pénitentiaires d'insertion et de probation (CSPIP), le projet de réforme prévoit une réévaluation statutaire du corps afin de lui rendre une certaine attractivité.

Ainsi articulés, sur une architecture statutaire reconnaissant les places de chacun dans la chaîne hiérarchique, les services pénitentiaires d'insertion et de probation devraient trouver, début 2004, la structure réglementaire et fonctionnelle qui leur fait défaut depuis l'unification du service et, ce faisant, leur permettra d'exercer pleinement leurs missions dans le cadre du développement des alternatives à l'incarcération et de l'exécution des courtes peines que le Gouvernement souhaite encourager.

· Les gardiens surveillants font l'objet de mesures indemnitaires favorables. Celles-ci comprennent, d'une part, la revalorisation de l'indemnité de sujétions spéciales correspondant à la mise en _uvre d'un protocole, signé le 11 juillet 2003 faisant passer son montant de 22 % à 23% du traitement brut, afin de tenir compte des incidences de l'aménagement et de la réduction du temps de travail.

D'autre part, la création des équipes régionales d'interventions de sécurité (ERIS) a, fort légitimement, conduit le Gouvernement à leur accorder un régime indemnitaire favorable, compte tenu de la spécificité de leurs missions d'intervention dans des situations de crise, susceptible de provoquer une mobilité géographique plus importante. Ces fonctionnaires, qui ont pris leurs fonctions en octobre 2003, ont bénéficié d'une formation adaptée leur permettant d'agir sur des lieux où la tension est vive grâce à leurs connaissances des techniques d'intervention des unités spécialisées de la gendarmerie et à l'utilisation de matériel spécifique. Spécialement choisis par un jury de sélection, ces 207 fonctionnaires devraient bénéficier du taux majoré de l'ICP.

Par ailleurs, la mise en _uvre des différents programmes immobiliers entraînant la fermeture de nombreux établissements, certains agents vont être contraints à déménager. Dans cette hypothèse, le décret n° 2002-1119 du 2 septembre 2002 prévoit le versement d'une indemnité compensatrice.

Enfin, il convient de faire état du relevé de décision entre la direction de l'administration pénitentiaire et le syndicat national pénitentiaire force ouvrière qui a été signé le 11 juillet 2003. Parmi les nombreuses mesures envisagées, ce relevé tend à initier une réflexion sur l'évolution des missions et des métiers et les conséquences statutaires qui en découlent, à l'instar de la démarche engagée par la police nationale.

· Le projet de réforme statutaire de la filière de direction des services pénitentiaires (DSP). La réforme issue des deux décrets du 30 avril 2002 en a substantiellement amélioré leur statut, notamment grâce à des durées de carrière plus courtes, un pyramidage et un volet indemnitaire plus avantageux. Cependant, les personnels de direction restent fortement sollicités notamment en raison de la restructuration des établissements en cours et des contraintes induites par l'augmentation du nombre des détenus.

Face à l'alourdissement des missions, le statut des DSP demeure insatisfaisant puisqu'il les place dans une position inférieure à celle de leurs homologues institutionnels, les commissaires de police par exemple. Afin de développer des passerelles entre des corps comparables, l'administration pénitentiaire prévoit une revalorisation indiciaire des directeurs de service pénitentiaire hors classe et de 2e classe, proche précisément de celle obtenue par la police nationale.

Enfin, votre rapporteure tient à mettre en relief la revalorisation de l'indemnité de responsabilité des personnels de direction prévue par le budget 2004 qui devrait s'accompagner d'une modernisation des modalités de son versement, afin de prévoir une modulation au mérite de son montant. Ce faisant, il s'agit d'introduire davantage d'équité et d'incitation dans les rémunérations du secteur public en permettant de récompenser les plus méritants, ce qui n'a que trop tardé.

c) La montée en puissance de la formation

L'ampleur des recrutements en cours ou prévus a un impact direct et immédiat sur l'offre de formation qui doit s'adapter tant en termes quantitatifs que qualitatifs. S'agissant de la formation initiale aux métiers de l'administration pénitentiaire, c'est l'ENAP qui a été confrontée, de la façon la plus spectaculaire, au défi consistant à prendre en charge l'augmentation continue des effectifs.

· La croissance des effectifs d'élèves de l'enap s'est amplifiée en 2003. Ce sont les promotions de surveillants qui ont été les plus massivement concernées. Ceci vaut tant pour la taille des promotions que pour leur rythme d'arrivée à l'école. De la 139e à la 141e, les promotions comptent entre 100 et 200 élèves. Elles en comptent 300 en moyenne entre la 142e et la 147e pour atteindre 500 à partir de la 148e et 700 à la 157e promotion d'avril 2003. De surcroît, alors que les entrées en formation étaient limitées à trois par an, l'école a reçu quatre promotions de surveillants au cours des années 2000, 2002 et 2003.

Ainsi, le nombre des élèves et des stagiaires qui ont été accueilli à l'enap a plus que doublé en cinq ans, passant de 2 548 en 1998 à 4 781 en 2001 pour atteindre 6 828 en 2003. Le tableau suivant illustre clairement cette augmentation de l'activité de l'enap.

EFFECTIFS DES D'ÉLÈVES DE L'ENAP

 

1999

2000

2001

2002

2003

1. Personnels de surveillance :

1 948

2 723

1 719

1 962

3 136

      Surveillants

1 588

2 280

1 479

1 570

2 590

      Premiers surveillants

103

118

110

392

322

      Chefs de service pénitentiaire

257

325

130

0

224

2. Personnels d'insertion et de probation :

496

375

294

359

441

      C.I.P.

327

345

279

327

411

      C.S.I.P.

69

30

15

32

30

      D.S.P.I.P

100

0

0

0

0

3. Personnels de direction

34

63

62

84

59

4. Personnels administratifs et techniques

456

0

134

137

95

5. Personnels spécialisés

121

64

86

74

309

          Total général sans FC

3 055

3 225

2 295

2 616

4 040

6. Formation continue

550

1 232

2 471

2 486

2 500

          Total général avec FC

3 605

4 457

4 766

5 102

6 540

L'une des conséquences négatives de cette montée en charge du dispositif de formation a été la réduction de la durée de la scolarité des élèves surveillants, qui est passée de 26 à 18 semaines. Toutefois, l'organisation de cette formation et son contenu ont été revus et intensifiés de manière à concilier les impératifs de recrutement et la qualité de la formation, garante du bon fonctionnement du service public pénitentiaire.

S'agissant de l'encadrement intermédiaire, l'effort le plus important a été consenti en faveur du recrutement et de la formation des chefs de service pénitentiaire (CSP). L'enap a ainsi formé 582 csp au cours des années 1999 et 2000, 135 en 2001 puis 240 en 2003 sur un effectif budgétaire initial de 917. L'absence de recrutement en 2002 est due à la mise en _uvre du nouveau statut (décret n_2001-730 du 31 juillet 2001) pour ce corps de cadres qui a connu un doublement de ses effectifs en quatre ans. Les personnels d'insertion et de probation ont également été très présents puisque 411 agents ont été formés en 2003 contre 359 en 2002 et 294 en 2001.

Les conséquences concrètes de cette croissance des effectifs méritent d'être soulignées : augmentation des groupes d'élèves surveillants (de 15 à 20/25 élèves par groupe) ; féminisation des effectifs ; difficulté à trouver des lieux de stage, en particulier pour les élèves conseillers d'insertion et de probation. À cet égard, il convient de rappeler que l'enap a été conçue pour accueillir 850 personnes. Or, l'évolution des différentes formations, la croissance des effectifs de l'administration pénitentiaire et le rythme des départs en retraite nécessitent que cette capacité soit portée à 1 100 places dès septembre 2003. Des structures légères pour des locaux d'enseignement sont installées à cet effet et le doublement de la capacité de certains bâtiments d'hébergement est également prévu, en l'attente des travaux d'extension du site.

Les chiffres prévisionnels du nombre d'élèves pour 2004 s'inscrivant dans la même perspective, le budget 2004 en tire toutes les conséquences :

- un ajustement des crédits de fonctionnement de 1,9 million d'euros est prévu en raison de l'augmentation du nombre des élèves ;

- 5 millions d'euros sont consacrés à l'extension des locaux de l'enap ;

- 17 emplois sont créés au profit de l'enap afin de renforcer ses effectifs de formation et sa capacité de gestion.

La formation continue développée à l'enap a pour objet d'adapter les compétences des personnels de surveillance, techniques et administratifs aux évolutions de leurs missions. En effet, les changements de la population carcérale pour les uns, la technicité accrue des fonctions pour les autres, requièrent un substantiel accompagnement en matière de formation. Aussi, L'ENAP a-t-elle développé des actions dans les domaines suivants :

- au titre de l'accompagnement des politiques, on relèvera la mise en place d'une formation à destination des personnels affectés en quartier mineurs en collaboration avec la protection judiciaire de la jeunesse et son centre national de formation ;

- au titre de la formation des cadres, ont été mis en place des modules ayant trait aux relations syndicales et au management ; à la communication avec la presse ; à la notation et l'évaluation des personnels ou encore au contrôle des établissements pénitentiaires en Europe.

Au total, 2 471 stagiaires en 2001 et 2 486 en 2002 (contre 602 en 1999) ont suivi une action de formation continue par l'intermédiaire de l'enap. Cette offre devrait être maintenue en 2004 en dépit des contraintes que représente l'augmentation du nombre d'agents à prendre en charge dans le cadre de la formation initiale sur la même période.

La situation dans les prisons françaises n'est pas sans paradoxe. En effet, alors même que le nombre des condamnés à une peine inférieure à un an d'emprisonnement s'accroît et concerne 9 875 personnes au 1er janvier 2003 (contre 9 301 personnes en 2002) dont 75,8 % sont détenues en maison d'arrêt toutes surpeuplées, le nombre des mesures d'aménagement de peine et alternatives à l'incarcération ne cesse de diminuer. Pourtant, il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article D. 49-1 du code de procédure pénale, le juge de l'application des peines (JAP) peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou sur réquisitions du procureur, ordonner le placement à l'extérieur, la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique ou bien l'exécution de la peine sous le régime de la libération conditionnelle.

Or, force est de constater que le nombre des libérations conditionnelles est en diminution de 14 % entre 2001 (5 680 mesures) et 2002 (4 876 mesures). Pourtant, sur les 5 680 personnes bénéficiant du régime de la liberté conditionnelle, 203 (3,5 %) ont fait l'objet d'une révocation dont seulement 93 en raison d'une nouvelle condamnation, 48 en raison d'une nouvelle condamnation associée à l'inobservation des obligations de la libération conditionnelle et 3 pour inconduite notoire. On le voit, le régime de la libération conditionnelle donne des résultats satisfaisants mais, comme il a été souvent expliqué à votre rapporteure, cette mesure constitue une prise de risque de la part du juge compétent qui dissuade nombre d'entre eux d'y avoir recours.

De même, les permissions de sortir ont diminué de 4 % entre 2002 et 2001, alors que le taux de non intégration des condamnés en ayant bénéficié n'est que de 0,8 %. S'agissant des ordonnances de placement à l'extérieur prises par les juges de l'application des peines, elles ont également baissé de 5 % en 2002.

S'agissant des mesures de semi-liberté, le contraste est saisissant entre la surpopulation des maisons d'arrêt et la situation des centres de semi-liberté (CSL) dont le taux d'occupation est structurellement inférieur à 100 %. Ainsi, au 13 octobre 2003, sur les 365 places théoriques offertes en csl en Ile-de-France, 262 étaient réellement utilisées, ce qui n'est pas satisfaisant. Votre rapporteure s'est d'ailleurs rendue au centre de semi-liberté de Villejuif et a pu constater tout l'intérêt qu'il y aurait à recourir plus largement à ce type de structure. Outre le fait que les csl sont des structures peu coûteuses, celui de Villejuif fonctionne avec une équipe de 10 gardiens surveillants pour 80 places de détenus, leur implantation en centre ville ou à proximité permet au spip de développer de réelles initiatives en matière d'insertion en partenariat avec les organismes locaux _uvrant en la matière, qu'il s'agisse des services sociaux municipaux ou des associations d'insertion. C'est pourquoi, si l'on ne peut que se réjouir de l'affectation, dans le budget 2004, de 30 millions d'euros à la construction de 600 places supplémentaires en centre de semi-liberté d'ici à la fin de l'année 2004, il apparaît néanmoins tout autant nécessaire de lancer une campagne de sensibilisation auprès des magistrats susceptibles de recourir à cette mesure.

Le développement des alternatives à l'incarcération, comme la semi-liberté, suppose l'existence d'un parc immobilier disponible et adapté à ces missions. L'inévitable lenteur de la construction de bâtiments neufs plaide pour la réutilisation d'infrastructures publiques ou privées existantes et offertes à la vente, à l'instar de certaines casernes de l'armée. Interrogée par vote rapporteure sur l'éventualité de procéder à l'achat de bâtiments de cette nature, l'administration pénitentiaire a indiqué que les infrastructures militaires que le ministère de la Défense souhaite céder sont généralement implantées loin des villes et des centres d'activités, ce qui ne convient pas aux centres de semi-liberté qui privilégient l'insertion professionnelle des condamnés et qui doivent, en conséquence, être sis à proximité ou au sein des centres urbains. En revanche, cette administration ne semble pas exclure l'acquisition des locaux d'anciennes cliniques ou hôpitaux en centre ville.

En ce qui concerne le placement sous surveillance électronique, votre rapporteure appuie sans réserve la volonté du Gouvernement de parvenir à l'exploitation de 2 000 bracelets à la fin 2004, puis de 3 000 en 2007. Cet objectif est ambitieux sachant qu'au 31 décembre 2003, 760 bracelets devraient être disponibles alors même que 254 seulement sont actuellement utilisés. Le bilan de la mise en _uvre du bracelet électronique est pourtant largement positif et se présente comme suit :

- 922 mesures ont été prononcées depuis le début de l'expérimentation ;

- 663 mesures sont terminées et 254 sont en cours ou suspendues ;

- 51 ont été retirées dont 6 seulement pour évasion.

Au 30 juin 2003, 76 tribunaux de grande instance répartis dans 25 cours d'appel sont couverts par le dispositif. Afin de contribuer au développement du placement sous surveillance électronique, votre rapporteure approuve sans réserves les propositions faites par son collègue M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport au garde des Sceaux sur « les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison » tendant à généraliser l'emploi du bracelet électronique en prévoyant l'exécution systématique de la fin de la peine selon cette modalité. En effet, le recours au bracelet électronique possède de nombreux avantages puisque, d'une part, il permet de ne pas incarcérer des personnes condamnées à de courtes peines pour de petits délits et d'autre part, il oblige le condamné à prendre en charge la gestion de son emploi du temps, ce qui possède une vertu pédagogique indéniable.

En octobre 2002, le garde des Sceaux a confié à M. René Eladari, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées, une mission de réflexion et de proposition portant sur la nouvelle conception d'établissements pénitentiaires et notamment sur la définition de structures immobilières légères permettant la mise en _uvre de nouvelles modalités d'incarcération.

Cette étude a débuté par l'analyse du nombre et de la nature des mesures d'aménagement de peine accordées, en cours d'incarcération ou ab initio, par l'autorité judiciaire. Or, le constat, unanimement partagé, de l'essoufflement de l'octroi de la semi-liberté et du placement extérieur conjugué à l'augmentation de la proportion de condamnés dans les maisons d'arrêt, a conduit l'auteur du rapport à préconiser un nouveau type de structure pénitentiaire, les « centres de détention à régime allégé ».

Ces établissements constitueraient le support institutionnel d'une politique de réinsertion adaptée au cas des détenus condamnés à de courtes peines ou présentant un reliquat de peine inférieur à un an d'emprisonnement. Ils seraient, par conséquent, destinés à l'hébergement de la population pénale qui est principalement hébergée en maison d'arrêt, et représentent, à ce titre, la synthèse entre l'extension des dispositifs de prise en charge offerts par les actuels centres de semi-liberté et l'expérience des centres pour peines aménagées.

Présentant une sûreté périmétrique minimale, ces établissements pour peine offriraient un régime de détention fondé sur l'organisation d'une vie collective dans la journée et bénéficieraient d'un encadrement renforcé en personnels socio-éducatifs. Ce faisant, l'économie architecturale ainsi que les modalités de fonctionnement de cette nouvelle catégorie de structures pénitentiaires favoriseraient la responsabilisation de la population pénale dans la mesure où la capacité d'hébergement de ces établissements n'excéderait pas 200 places. Ces centres de détention pourraient disposer d'un quartier spécifiquement dédié à l'accueil des détenus admis au bénéfice de la semi-liberté, et devraient donc être implantés en milieu urbain à proximité des bassins d'activités économiques offrant un réseau suffisant de transports collectifs et d'infrastructures routières.

L'étude menée par la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère des affaires sociales (drees) et citée par le rapport des Inspections générales des services judiciaires (igsj) et des affaires sociales (igas) de juin 2001, fait clairement apparaître l'état de très grande précarité sanitaire dans lequel se trouvent les personnes détenues. En effet,

- 15 % d'entre elles déclarent avoir un domicile précaire ou être sans abri ;

- 17,2 % des entrants en détention déclarent ne disposer d'aucune protection sociale ;

- 40 % des nouveaux détenus n'ont eu aucun contact avec le système de soins dans les 12 mois précédant leur incarcération.

Par ailleurs, un tiers des entrants en prison cumule des consommations à risque (alcool - drogue - tabac - psychotrope).

En ce qui concerne la proportion des détenus atteints par le vih, l'enquête précitée l'évalue à hauteur de 2,32 % en 1995 et de 1,2 % en 2000. Selon le rapport de l'igsj et de l'igas « la prévalence du vih en détention enregistre une baisse constante au cours de la dernière décennie. Cependant, le taux de détenus atteints demeure supérieur à celui de la population générale ». En ce qui concerne le virus de l'hépatite C, 4,8 % de la population incarcérée serait contaminée. Mais, comme pour le vih, ces chiffres doivent être utilisés avec une grande prudence, car ils reposent sur les seules déclarations des personnes.

S'agissant de la situation psychiatrique des détenus, un faisceau d'indices atteste de sa dégradation. Au-delà du fait que les infractions sexuelles représentent désormais la première cause d'incarcération, il convient de relever la très forte augmentation des hospitalisations d'office (de 1 191 en 2001 à 1 621 en 2002), sachant que 8,8 % des entrants en prison en 1997 avaient reçu des soins psychiatriques l'année précédente. De même, la proportion de personnes suivant un traitement psychiatrique est supérieure à la moyenne nationale, tandis que le nombre de suicides en détention s'accroît (59 en 1990, 107 en 1995, 104 en 2001, 122 en 2002). Une étude récente sur les arrivants en prison examinés par les smpr (services médico-psychologiques régionaux) démontre que 55 % d'entre eux présentent des troubles de la santé mentale. Parmi les principaux symptômes rencontrés figurent l'anxiété, mais aussi les addictions ou les troubles psychosomatiques. L'augmentation des agressions subies par les personnels pénitentiaires (de 127 en 1996 à 413 en 2001 puis 580 en 2002) n'est d'ailleurs pas sans lien avec les troubles mentaux dont souffrent nombre de détenus.

Au-delà de ces présomptions, l'administration pénitentiaire a souhaité approfondir sa connaissance de la santé mentale des détenus afin d'améliorer l'accès à l'offre de soins psychiatriques. À cette fin, une convention a été conclue le 18 juin 2003 avec le ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées tendant à la mise en _uvre d'une étude épidémiologique sur la santé mentale des personnes détenues. Financé à hauteur de 45 % par le ministère de la Justice, ce projet sera mis en _uvre pendant deux années et demi et portera sur un échantillon de 1 400 détenus répartis dans 23 établissements pénitentiaires représentatifs. Les investigations ont débuté au mois de juillet 2003 et sont réalisées par des psychiatres et psychologues dans le respect des dispositions de la loi du 25 juillet 1994 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

De surcroît, une mission sur la prévention du suicide en prison a été confiée par le garde des Sceaux au professeur Terra, spécialiste de ces questions. Ce travail, dont les conclusions devraient être prochainement connues, a pour objet d'évaluer les actions actuelles et de proposer un programme de formation sur les mécanismes suicidaires auprès des personnels de surveillance et des autres intervenants. Dans son rapport, il devrait également proposer des solutions pour permettre le développement des pratiques internes de liaison entre les professionnels sanitaires et pénitentiaires ainsi que la mise en place de procédures améliorant l'identification des personnes détenues présentant un risque de suicide.

Conjuguées avec l'augmentation de la population carcérale, ces difficultés d'ordre sanitaire des détenus possèdent un impact budgétaire en termes de dépenses de santé des détenus qui sont prises en charge par l'administration pénitentiaire. A ce titre, le budget 2004 prévoit une mesure d'ajustement de 11 millions d'euros.

La mesure de la récidive des personnes placées sous main de justice constitue un enjeu important pour l'institution judiciaire puisqu'elle évalue, entre autres critères, l'efficacité de la sanction pénale. Une étude réalisée par la sous-direction de la statistique, des études et de la documentation du ministère de la Justice et portant sur la cohorte des condamnés de l'année 1996 permet d'établir un constat précis en la matière.

Ainsi, près d'un condamné de 1996 sur trois (31,6 %) a été recondamné au moins une fois entre 1996 et 2000. Parmi les 79 431 recondamnés de l'année 1996 (hors délit de conduite en état alcoolique), 55 % l'ont été plus d'une fois. Un millier l'a été au moins 10 fois. Il convient néanmoins de préciser à ce stade que la notion de recondamnation est plus large que celle de récidive définie aux articles 132-8 à 132-11 du code pénal, qui suppose que la personne condamnée la première fois commette de nouveau un crime ou un délit passible des même peines.

En outre, 53% des recondamnés de la cohorte de 1996 avaient été initialement condamnés pour une infraction de vol ou de recel. Lors de la condamnation suivante, deux personnes sur trois sont sanctionnées à nouveau pour une infraction du même type. En ce qui concerne le délai moyen entre le prononcé d'une condamnation et la commission d'une nouvelle infraction sanctionnée par une deuxième condamnation, il s'établit à 15 mois au terme de 5 ans d'observation. Un quart des recondamnés ont déjà commis une nouvelle infraction au bout de 5 mois, la moitié au bout d'un an.

Le taux de retour devant la justice des seuls condamnés à une peine d'emprisonnement ferme s'établit à 45 % au terme de 5 ans d'observation. Il est de 40 % au bout de 4 ans, et de 34 % au bout de 3 ans. Ces taux élevés s'expliquent en partie par la plus grande dangerosité de ces condamnés. En effet, soit l'infraction sanctionnée est particulièrement grave, soit le juge a déjà épuisé toute la palette des sanctions prévues par la loi avant de décider de l'incarcération. En revanche, et la comparaison est édifiante, le taux de retour devant la justice des condamnés à des peines alternatives à l'incarcération (sursis, amende, etc.) n'est que de 26 %.

Si l'on examine la recondamnation selon la nature de la première infraction, il en ressort que près d'un condamné pour vol ou recel sur deux l'est de nouveau au bout de 5 ans, quelle que soit la nature de l'infraction suivante. Ce taux est en légère diminution (34 %) si la seconde infraction relève également de la catégorie du vol ou du recel. S'agissant du taux de recondamnation des auteurs de coups et violences volontaires, il est de 41 % au bout de 5 ans, quelle que soit l'infraction suivante, mais n'atteint que 12 % si l'on se limite à la recondamnation pour une nouvelle infraction du même type.

Pour sa part, le taux de recondamnation des condamnés en matière de m_urs (quelle que soit la nature de l'infraction suivante) est de 23 % mais ne s'élève qu'à 6 % si l'on prend en considération les condamnations fondées sur des faits identiques. Observées sur une période plus longue (17 ans), les informations communiquées à votre rapporteure font état d'un taux de réitération d'une infraction de viol de l'ordre de 1,3 % à 1,8 %, ce qui représente 17 à 28 individus condamnés en état de récidive chaque année.

Les délits routiers constituent un domaine à part dans la délinquance compte tenu du nombre élevé des condamnés. Ainsi, le taux de recondamnation, toutes infractions confondues, est élevé, de l'ordre de 26 %, mais atteint 17,6 % si l'on se limite aux recondamnations au sein du même domaine d'infraction.

Le tableau suivant, concernant la cohorte des condamnés en 1996, récapitule ces données.

DÉLAIS DE RÉCIDIVE PAR NATURE D'INFRACTION

Nature d'infraction
sanctionnée en 2001

Nombre de
récidivistes

Durée moyenne

10 % des
récidives
ont lieu en moins de

25 % des
récidives
ont lieu en moins de

75 % des
récidives
ont lieu en moins de

    Tous crimes

137

7,2 ans

 

 

9 ans

    Tous délits

102 127

15,7 mois

1,7 mois

4,8 mois

23,8 mois

    Dont :

 

(en mois)

(en mois)

(en mois)

(en mois)

    Conduite en état alcoolique

22 696

22,0

3,7

9,5

33,5

    Autres délits routiers

8 443

15,4

1,8

4,8

23,5

    M_urs

1 013

16,1

2,4

6,4

23,7

    Port d'arme

1 553

15,6

1,9

5,0

23,8

    Violences volontaires

10 594

15,4

1,7

4,1

20,6

    Outrages

6 992

14,1

1,3

4,1

20,8

    Stupéfiants

5 304

13,9

1,7

4,4

19,9

    Destruction

4 122

13,8

1,4

4,0

20,7

    Escroqueries

2 310

13,0

1,3

3,7

18,7

    Vols et recels

31 355

12,8

1,3

3,6

18,7

    Tous délits hors conduite en état alcoolique

79 431

13,9

1,5

4,1

20,6

Compte tenu du constat sanitaire et psychiatrique qui précède, il semble essentiel d'engager une véritable politique de prévention et d'éducation pour la santé en faveur de la population carcérale afin de favoriser sa réinsertion ultérieure.

L'éducation pour la santé relève de la mission confiée aux équipes médicales intervenant en milieu pénitentiaire, mais elle n'atteint sa pleine efficacité que si elle est appuyée par une démarche conjointe avec les services pénitentiaires. À cet égard, des formations au sein même des établissements en direction des professionnels sanitaires et pénitentiaires ont été mises en place afin d'aider à l'élaboration de véritables programmes annuels d'éducation pour la santé. Une certaine mobilisation des établissements semble se dessiner puisque 85 % d'entre eux ont mis en place au moins une action d'éducation pour la santé. Dans certaines régions, ces initiatives ont été incluses au sein des programmes régionaux d'actions pour la santé prévus par la loi du 24 juillet 1998 relative à la lutte contre l'exclusion. L'administration pénitentiaire participe financièrement à cette politique d'éducation pour la santé à hauteur de 1,52 million d'euros par an.

En outre, l'administration pénitentiaire, en partenariat avec la Croix rouge française, a mis en place un système d'écoute social anonyme et gratuit, destiné au soutien psychologique des personnes détenues dans huit établissements pénitentiaires. Une dotation de 22 867 euros a été allouée à la cette association afin de permettre le fonctionnement de ce dispositif et 15 133 euros ont été accordés pour l'étendre à d'autres sites par la loi de finances initiale pour 2003.

Les modalités d'hospitalisation somatiques des détenus diffèrent selon qu'il s'agit d'une hospitalisation d'urgence et de courte durée ou bien d'une opération programmée susceptible de durer.

· Les hospitalisations somatiques de courte durée ont lieu dans les hôpitaux signataires d'un protocole avec l'établissement pénitentiaire dont certaines chambres doivent, en conséquence, être sécurisées. Une enquête nationale destinée à dresser l'état des lieux et des besoins a été confiée aux préfets et à la direction générale de la police nationale dont les résultats, transmis à la direction de l'administration pénitentiaire en mars 2002, sont les suivants :

- 52 chambres sont aux normes dans 28 sites hospitaliers ;

- 180 chambres sont à rénover ou à créer dans 53 sites hospitaliers. Parmi celles-ci, 51 chambres ont été classées comme prioritaires au titre de 2002.

Dans ce cadre, l'administration pénitentiaire a disposé en 2002 d'un crédit de 762 245 euros qui a été porté à hauteur de 1 million d'euros en 2003 en vue de réaliser les travaux de sécurisation d'une première tranche de chambres pour un coût unitaire d'environ 15 245 euros. La poursuite de ce programme est financée puisqu'un crédit supplémentaire de 1,07 million d'euros est demandé au titre du plf 2004.

· Les hospitalisations somatiques programmées. Les ministères de la Justice et de la Santé ont confié en 1995 une mission conjointe à l'inspection générale des affaires sociales (igas) et à l'inspection générale des services judiciaires (igsj), afin d'évaluer les besoins prévisionnels en matière d'hospitalisation des détenus, y compris en ce qui concerne l'établissement public de santé national de Fresnes (epsnf).

Cette mission a proposé un schéma national d'hospitalisation des détenus reposant sur la création de huit unités inter régionales d'hospitalisation sécurisées (uhsi) implantées en chu, destinées à concentrer l'ensemble des hospitalisations de détenus, en dehors des situations d'urgences. L'arrêté du 24 août 2000 met en _uvre cette proposition. Ainsi, huit uhsi (182 lits) seront créées au sein des chu de : Bordeaux (16 lits), Lille (21 lits), Lyon (23 lits), Marseille (45 lits), Nancy (17 lits), Rennes (19 lits), Toulouse (16 lits), Assistance-Publique-Hopitaux de Paris (AP-HP) groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière (25 lits).

Les modalités de fonctionnement d'une uhsi sont les suivantes :

- il s'agit d'une unité de soins classique, lieu d'hébergement des détenus et de réalisation des soins, mais dont tous les mouvements sont sous contrôle visuel permanent direct. À défaut, un système de caméras est installé ;

- un accès unique est prévu dont le contrôle est assuré par un poste central protégé, situé dans l'unité ;

- un périmètre extérieur de sécurité doit être réalisé afin de prévenir toute évasion ou intrusion.

La sécurisation des unités d'hospitalisation représente donc une opération coûteuse qui est à la charge de l'administration pénitentiaire, les personnels et les infrastructures nécessaires relevant, pour leur part, de la direction des hôpitaux. Ainsi, une première enveloppe nécessaire à la sécurisation a été versée en 2002 (5,11 millions d'euros), la seconde, concernant plus particulièrement la construction de l'uhsi du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, a été allouée en 2003 (980 250 euros).

Les travaux sont pilotés par les services techniques des chu et le calendrier de construction des uhsi, tel qu'arrêté par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, est le suivant :

En 2003 :

- l'UHSI de Nancy d'une capacité de 17 lits devrait ouvrir au mois de novembre.

En 2004, sont prévus les ouvertures de :

- l'uhsi de Lyon, d'une capacité de 23 lits (juin 2004) ;

- l'uhsi de Lille, d'une capacité 21 lits (septembre 2004) ;

- l'uhsi de Toulouse (16 lits en novembre 2004) ;

- l'uhsi de Paris (Pitié-Salpêtrière), d'une capacité 25 lits et devant ouvrir à la fin 2004.

Le développement des uhsi, souhaitable pour les détenus dont la santé est défaillante, n'en constitue pas moins une charge nouvelle pour l'administration pénitentiaire. En effet, le Conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 a précisé qu'il appartenait à l'administration pénitentiaire de prendre à sa charge le transport, l'escorte et la garde des détenus se rendant en consultation spécialisée dans un hôpital externe. De surcroît, elle devra également assumer la charge de la garde interne des détenus malades et de la sécurité périphérique des uhsi.

À cet effet, 50 créations d'emplois ont été obtenues en loi de finances pour 2002 et 53 créations d'emplois figuraient à celle pour 2003.

En matière d'équipement, le plf 2004 accorde 2 millions d'euros au financement, d'une part, de la construction de l'unité hospitalière sécurisée inter-régionale de Paris, et d'autre part la sécurisation de chambres au sein des hôpitaux proches des établissements pénitentiaires.

Tandis que les principales données confirment l'augmentation du nombre des personnes détenues souffrant de troubles mentaux, le dispositif d'offre de soins à leur endroit est considérablement modifié par l'article 48 de la lopj du 9 septembre 2002. Votre rapporteure, qui a présenté en détail ces dispositions dans son précédent rapport, ne s'y reviendra donc pas cette année.

On rappellera simplement que le dispositif actuel de prise en charge des pathologies et des troubles mentaux par les smpr (service médico-psychologique régional) est insuffisant du fait de l'ampleur des besoins en prison. Les principales difficultés sont les suivantes :

- les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre ;

- l'insuffisance globale de moyens ;

- l'évolution des méthodes en psychiatrie ayant privilégié les services ouverts au détriment des services fermés, elle a rendu plus difficile l'accueil des personnes détenues en raison des risques d'évasion. Cette situation a souvent conduit à des séjours plus courts en chambre d'isolement, ce qui n'est pas sans affecter la qualité des soins dispensés.

· Désireux de remédier à cette situation, la LOPJ a modifié les conditions d'hospitalisation pour troubles mentaux des personnes détenues en créant des unités hospitalières spécialement aménagées (uhsa). Ces unités permettent l'hospitalisation complète des détenus, avec ou sans leur consentement, mettant ainsi un terme à l'hospitalisation complète en smpr. À cet égard, il convient de souligner l'élargissement des critères conduisant à l'hospitalisation non consentie, puisque la loi prévoit l'application aux personnes détenues des dispositions relatives à l'hospitalisation à la demande d'un tiers applicable au milieu libre.

Cette disposition novatrice devrait favoriser l'offre de soins aux détenus qui ne remplissent pas les conditions permettant leur hospitalisation d'office, dans la mesure où ils ne compromettent pas la sûreté des personnes ni l'ordre public, mais qui nécessitent pourtant une hospitalisation complète qu'ils refusent. Il est notamment escompté de ces dispositions une amélioration de l'offre de soins en direction de détenus que leur discrétion, ou leur effacement, écarte de la prise en charge idoine.

Afin d'évaluer les besoins en lits d'hospitalisation psychiatrique, de définir la configuration du schéma national d'hospitalisation psychiatrique et les conditions de fonctionnement des unités, un groupe de travail interministériel Santé - Justice a été mis en place. La conclusion de ses travaux est prévue à la fin de l'année 2003 et l'ouverture des premières uhsa devrait avoir lieu en 2006. En l'attente de la mise en service des uhsa, le dispositif antérieur demeure en fonctionnement.

La création des uhsa, et la disparition corrélative des possibilités d'hospitalisation complète en milieu pénitentiaire (smpr), accentuent d'autant la nécessité de progresser dans l'accompagnement en détention des personnes détenues souffrant de troubles mentaux, mais pour autant n'étant pas hospitalisées. Ainsi les smpr recentreront, à terme, leur mission sur les soins ambulatoires.

Parce que la prison prive de liberté, elle a également pour effet d'anémier la capacité du détenu à se prendre en charge. Préparer la sortie c'est donc, avant tout, réapprendre les gestes de l'autonomie. Comme l'a écrit M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport au garde des Sceaux sur « les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison », « la sortie de prison, quelle que soit la durée de la peine purgée, est un moment difficile à vivre. La personne libérée sans préparation ni accompagnement risque de se retrouver à nouveau dans un environnement familial ou social néfaste, voire criminogène, ou bien au contraire dans un isolement total, alors qu'elle aurait besoin de soutien pour se réadapter à la vie libre. Tout ceci peut l'amener à la récidive ».

La nocivité des sorties sèches est désormais clairement établie mais, ainsi que votre rapporteure l'a décrit précédemment, force est de constater, pour le déplorer, le faible recours aux dispositifs progressifs de préparation à la sortie.

Par ailleurs, la préparation à la sortie doit également embrasser l'ensemble des problématiques auxquelles va être confronté le détenu, notamment en termes sanitaires. En effet, ainsi que l'ont déclaré un grand nombre de professionnels de la détention rencontrés par votre rapporteure, la plupart des détenus n'ont de cesse, dès leur sortie, d'oublier la détention, y compris ce qu'ils ont pu y apprendre, par exemple en matière d'enseignement professionnel ou d'éducation sanitaire. À telle enseigne que dans le rapport de juin 2001, l'igsj et l'igas appelaient de leurs v_ux l'amélioration de l'articulation entre services pénitentiaires et services sanitaires pour parvenir à une prise en charge globale de la personne tout en soulignant la nécessité d'assurer la continuité des soins pour les personnes qui sortent de prison, notamment par une concrétisation de l'ouverture de leurs droits sociaux. Ce même rapport appelait à la meilleure organisation de l'accès aux soins des personnes écrouées bénéficiant d'aménagement de peines, de permission de sortir ou de la semi-liberté. Au-delà de la prévention de la récidive, la préparation à la sortie des détenus est donc également un enjeu en terme de santé publique qu'il ne faut pas négliger.

Les centres pour peines aménagées (cpa) constituent un nouveau type d'établissement pénitentiaire. Implantés en centre ville, ils diffèrent des maisons d'arrêt, inadaptées à des traitements personnalisés, et tendent à améliorer la prise en charge des courtes et moyennes peines, à moins d'un an de la libération de l'intéressé. Orientés vers la réinsertion et le retour rapide des personnes en milieu libre, ces établissements offrent un régime de vie progressif, basé sur un apprentissage de l'autonomie et une responsabilisation des condamnés, afin d'élaborer un projet de sortie favorisant l'accès à des mesures d'aménagement de peine. Ils sont également susceptibles d'accueillir des détenus bénéficiant d'une mesure de semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur.

Toutefois, à la différence des centres de semi-liberté qui accueillent des personnes sur le fondement d'une décision du juge de l'application des peines, l'affectation en cpa relève quant à elle d'une décision de l'administration pénitentiaire. Cette situation a deux conséquences majeures : en premier lieu, la plus grande latitude dans la répartition des condamnés dans ses différents établissements a pour corollaire la nécessité d'affiner l'analyse des profils des détenus réalisée par les services de l'administration pénitentiaire. En second lieu, un effort de communication en direction des jap est nécessaire. En effet, et votre rapporteure a pu s'en apercevoir lors de sa visite du centre de semi-liberté de Villejuif, également futur cpa, certains magistrats ne sont pas sans analyser la mise en place des cpa comme constituant une tentative tendant à limiter leurs prérogatives en matière d'aménagement des peines. Bien évidemment, tel n'est pas l'esprit du projet de l'administration pénitentiaire mais un important travail d'explication du dispositif devrait être envisagé.

Les caractéristiques des cpa sont adaptées à leur mission : peu de dispositifs de sécurité passive mais un encadrement en personnel adapté, notamment au travers de la présence des travailleurs sociaux, des partenaires extérieurs associés, en matière de logement, de formation, de travail ou de santé par exemple, ainsi que des personnels de surveillance exerçant une mission d'animation et de tutorat comparable à celle qu'ils remplissent dans les quartiers mineurs.

Les cpa, outre le secteur dédié à la gestion, à la logistique et à l'hébergement, comprennent deux structures : l'antenne du service pénitentiaire d'insertion et de probation et le secteur éducatif composé de salles d'activités. Selon les implantations et les besoins, la capacité de chaque centre peut varier de 60 à 80 places.

Le programme de réalisation des centres pour peines aménagées prévoit l'expérimentation de ce nouveau type d'établissement sur trois sites existants, à savoir l'ancien centre pénitentiaire de Metz-Barrès, l'ancienne prison hôpital de Marseille-Baumettes et l'actuel centre de semi-liberté de Villejuif.

Ensemble immobilier indépendant de la maison d'arrêt des hommes et du centre pénitentiaire des femmes, le cpa de Marseille-Baumettes s'est appuyé sur les espaces disponibles existants en intégrant la partie hébergement et le secteur éducatif dans les deux anciennes ailes de détention. Pour leur part, les bureaux administratifs du centre et le spip sont localisés dans le bâtiment central. D'une capacité d'hébergement de 87 places, le CPA a été mis en service en mars 2002 pour un coût de 3,15 millions d'euros. Le cpa de Metz-Barrès est entré en fonction, plus tardivement, au début de l'année 2003 et le coût de l'opération, qui s'est déroulée de septembre 2001 à novembre 2002, s'élève à 3,35 millions d'euros. Enfin, le futur csl-cpa de Villejuif, d'une capacité de 120 places, nécessitera, d'une part, l'extension de l'ensemble immobilier existant et, d'autre part, l'aménagement du bâtiment actuel. L'opération est aujourd'hui estimée à 3,55 millions d'euros. Le permis de construire a été accordé courant 2002. La consultation des entreprises est en cours. D'une durée de 12 mois, les travaux pourraient démarrer au quatrième trimestre 2003 pour une mise en service à la fin de l'année 2004.

Au total, qu'il s'agisse du placement sous surveillance électronique, du développement des centres de semi-liberté, de la libération conditionnelle ou de l'expérience des cpa, toutes ces initiatives attestent de la nécessité, et de la volonté du présent gouvernement, de mettre en place des dispositifs individualisés et progressifs d'exécution des peines.

En effet, la situation actuelle, où l'écrasante majorité des condamnés à de courtes peines exécutent leur sanction dans les maisons d'arrêt surpeuplées aux côtés de dangereux criminels placés en détention provisoire, n'est satisfaisante ni pour l'intéressé ni pour la société, qui ne se protège pas durablement en favorisant indirectement la récidive. De surcroît, comme l'a clairement établi le rapport précité de M. Jean-Luc Warsmann, l'effet des remises de peines automatiques et des décrets de grâce conduit au résultat, paradoxal, que « plus la peine est courte, plus la proportion de temps passé en détention est longue et plus le quantum de la peine effectuée dans le cadre d'un aménagement de peine est faible ». À titre d'illustration, une peine criminelle de cinq ans et plus sera effectuée en détention à hauteur de 65 %, sera érodée par les réductions de peines et les grâces à hauteur de 29 % et sera exécutée en milieu ouvert pour 6 %. En revanche, dans l'hypothèse d'une peine d'emprisonnement inférieure à 9 mois, celle-ci sera exécutée en détention à hauteur de 74 %, 24 % de la peine n'étant pas exécutée en raison des réductions automatiques de peines, tandis que l'aménagement de peine ne vaut que pour 2 % du quantum.

Ce constat conduit votre rapporteure à plaider pour que l'exécution progressive de la peine devienne la règle et qu'elle concerne tous les condamnés, en priorité ceux condamnés à de courtes peines. Cette proposition ne pourra être effective que si les actions de réinsertion des détenus deviennent une réelle priorité. À cet égard, on ne peut que se féliciter des créations d'emplois et des projets de réforme statutaire en faveur des spip prévus par le budget 2004 tant leur mobilisation est l'une des conditions de la réussite de cet important chantier.

L'article 720 du code de procédure pénale prévoit un droit au travail pour la population carcérale en fixant à l'administration une obligation de moyens en vue de procurer une activité professionnelle aux personnes détenues qui en font la demande. Ces activités contribuent à l'équilibre personnel du détenu tout en favorisant le maintien d'un lien avec la société civile. En outre, le travail pénitentiaire, au-delà des rémunérations qui améliorent l'ordinaire du détenu, favorise sa future réinsertion par l'exercice d'une activité professionnelle permettant, le cas échéant, l'acquisition d'une expérience ou d'une formation. Le condamné n'est donc pas le seul à être incité à travailler, la société dans son ensemble, et plus encore la victime qui sera plus aisément indemnisée, y ont également intérêt. À cet égard, la situation actuelle ne semble pas pleinement satisfaisante.

En effet, il apparaît clairement à la lecture du bleu budgétaire que l'objectif tendant à procurer davantage de travail aux détenus n'a pas été atteint puisque de 35 % en 2001, le nombre des personnes incarcérées travaillant est passé à 29  % en 2002. Cette diminution est d'autant plus regrettable qu'elle dissimule une grande disparité entre les établissements. En cette matière, comme dans bien d'autres, la situation dans les maisons d'arrêt est en effet plus défavorable que celle prévalant dans les établissements pour peine. En effet, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises avait estimé que le taux d'occupation des détenus en maison d'arrêt était inférieur de moitié à celui des établissements pour peine, 14 d'entre elles n'offrant aucune autre activité que le service général. En revanche, le programme tendant à faire progresser l'emploi en production dans les établissements pénitentiaires a permis d'augmenter de 25 % le montant des rémunérations versées entre 1997 et 1999 (43 millions d'euros pour 2,25 millions de journées de journées travaillées).

Le Plan d'amélioration des conditions du travail et de l'emploi (pacte 2) s'efforce d'apporter des correctifs à cette situation, principalement par la mobilisation et la formation des responsables de la fonction travail en établissement. Ce plan, qui a débuté en 2001 et se déroule jusqu'à la fin de l'année 2003, comporte 3 objectifs :

- procurer une activité rémunérée à tout détenu qui en fait la demande ;

- améliorer la cohérence des dispositifs d'insertion professionnelle ;

- rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun.

S'agissant des modalités du travail des détenus, elles sont variables. En premier lieu, les travaux liés au fonctionnement des établissements (hôtellerie, cuisine, buanderie, maintenance...) sont effectués sous le régime du service général. Les détenus y participant sont rémunérés sur des crédits budgétaires et leur salaire varie entre 6,25 euros et 11,25 euros par jour en fonction de la technicité des travaux qu'ils effectuent et du temps qu'ils y consacrent. Une revalorisation de 25 % de la rémunération des détenus classés au service général a été obtenue au titre des mesures nouvelles dans la loi de finances pour 2001 et dans la loi de finances initiale pour 2002. En 2003, la revalorisation obtenue a été identique à celle du smic, soit une hausse de 2,4 %. Au total, 6 700 détenus ont été affectés à ces emplois en 2002.

En second lieu, les détenus qui le souhaitent sont susceptibles d'exercer une activité de production qui peut être réalisée soit dans le cadre de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (riep), soit dans le cadre d'une concession ou d'un groupement privé si l'établissement est à gestion mixte.

Pour sa part, la riep est un compte de commerce géré par le Service de l'emploi pénitentiaire (sep) sis à Tulle. Elle a pour mission de vendre aux administrations et organismes de droit public les produits qu'elle fabrique avec le concours de détenus. Elle a cependant élargi sa clientèle en proposant une production référencée dans un catalogue et des services de sous-traitance au profit des secteurs de la menuiserie, de la métallerie, de la confection ou du travail à façon. Aussi, plus de 50 % de son chiffre d'affaires est-il désormais réalisé avec le secteur privé. En 2002, la riep employait en moyenne 1 280 détenus dans ses ateliers répartis dans 26 établissements, la plupart étant des établissements pour peine. La rémunération journalière moyenne quant à elle est nettement supérieure à celle du service général et atteint 24,30 euros.

S'agissant de la concession, elle tend à mettre des personnes détenues à la disposition d'une entreprise privée pour réaliser des travaux de production dans des locaux situés à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Les conditions d'organisation du travail font l'objet d'un contrat de concession entre l'entreprise et l'établissement. En 2002, 6 720 détenus travaillaient sous ce régime dans les établissements à gestion publique, avec une rémunération journalière moyenne de 19,20 euros pour environ 6 heures travaillées. Concernant les établissements à gestion mixte, l'organisation d'activités de production est une des fonctions auxquelles les prestataires titulaires des marchés de fonctionnement sont associés. Les groupements ont généralement fait le choix de gérer en sous-traitance des activités de main-d'_uvre (conditionnements, assemblages, petits travaux techniques...). Près de 2 240 détenus travaillaient dans ces conditions au sein des établissements pénitentiaires à gestion mixte en 2002.

Enfin, le travail à l'extérieur, par l'intermédiaire d'une mesure de placement extérieur ou de semi-liberté, est également une des modalités, certes moins développée, du travail des détenus. Ces mesures d'aménagement de peine visent à préparer la réinsertion professionnelle et sociale des condamnés en leur permettant de travailler, au moyen d'un contrat de travail au profit des collectivités publiques, des associations ou des entreprises. Leur nombre est malheureusement assez faible, puisque 1 230 détenus seulement travaillaient à l'extérieur des établissements pénitentiaires en 2002.

Comme l'indique l'article L. 900-1 du code du travail, la formation professionnelle a pour objet de permettre l'adaptation des travailleurs aux changements des techniques et des conditions de travail tout en favorisant leur promotion sociale grâce à l'accès à d'autres niveaux de culture et de qualification professionnelle.

S'agissant de la formation professionnelle des détenus, elle est définie conjointement par l'administration pénitentiaire et les services du ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'objectif poursuivi tend à améliorer la formation des personnes incarcérées et se traduit par la signature d'accords s'inscrivant dans le cadre de l'action menée par le Fonds social européen, notamment en matière de prévention du chômage de longue durée et de lutte contre l'exclusion. Il appartient néanmoins à l'administration pénitentiaire d'analyser les besoins en cette matière puis de concevoir et de mettre en _uvre les programmes de formation idoines, sachant que les objectifs de la formation des détenus sont actuellement définis dans une circulaire interministérielle d'avril 1995, qui privilégie la mise en _uvre d'un parcours de formation.

Le financement de ces actions est assuré par l'État et, plus particulièrement, par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (dgefp) à hauteur de 51 % du coût total. Celle-ci mobilise deux instruments à cet effet :

- le Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale (ffpps) à hauteur de 6,53 millions d'euros à travers le programme « insertion, réinsertion et lutte contre l'illettrisme » (irill) et le programme des ateliers de pédagogie personnalisée. Ces actions sont cofinancées par le Fonds social européen (fse) qui verse 6,09 millions d'euros pour irill et 445 343 euros en faveur des ateliers précités ;

- le Fonds national pour l'emploi (fne) réserve des places aux détenus dans le cadre des stages d'insertion et de formation à l'emploi pour un coût de 1,03 million d'euros. Ces places sont négociées par les directions régionales de l'administration pénitentiaire des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Les autres moyens financiers dédiés aux actions de formation professionnelle représentent une dépense de 7,29 millions d'euros qui est financée par différents intervenants, parmi lesquels figurent l'administration pénitentiaire elle-même ainsi que le fasild (Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations), le fse, les conseils généraux et régionaux, les directions départementales de l'emploi et la délégation aux droits des femmes.

Le bilan de ces actions est le suivant : 25 400 détenus ont bénéficié d'une formation en 2002, dont 95 % d'hommes et 5% de femmes. Parmi eux, 50 % ont entre 26 et 49 ans. Les détenus jeunes (18-25 ans) et les détenus mineurs représentent respectivement 32 % et 2,5 % du total des personnes entrées en formation. Le niveau des personnes détenues, évalué à leur entrée en formation, est le suivant : 9 % sont illettrées, 80 % d'entre elles ont un niveau inférieur ou égal au niveau V (cap), 7 % possèdent un niveau IV et seulement 3 % ont un niveau supérieur ou égal.

Compte tenu de ce faible niveau, on observe un infléchissement des actions de formation qualifiantes au bénéfice d'actions de remise à niveau, de lutte contre l'illettrisme et de préparation à la sortie. Pour leur part, les formations professionnelles privilégient les actions concourant à la préparation à la sortie au travers de formations préqualifiantes et qualifiantes.

Des moyens importants sont donc consacrés à la formation professionnelle des détenus mais l'évaluation de leur efficacité demeure embryonnaire et parcellaire, ce que votre rapporteure regrette.

La sortie progressive de la détention à laquelle votre rapporteure est attachée milite également pour le décloisonnement des spip et le renforcement de la coordination des différents services en charge de la réinsertion. En effet, parce que la réinsertion d'un condamné est une opération qui doit s'inscrire dans la durée et nécessiter un suivi, il n'est pas souhaitable que les actions entreprises par les spip cessent dès lors que la peine vient à expirer.

Si votre rapporteure veut bien entendre les arguments selon lesquels les spip n'ont pas pour vocation de suivre durablement les personnes qui ne sont plus sous main de justice, il n'en demeure pas moins qu'une amélioration des partenariats afin de garantir le suivi individualisé du détenu doit être réalisée. À cet égard, les modalités de fonctionnement du csl de Villejuif sont intéressantes, puisque les services municipaux, départementaux et associatifs compétents assurent une permanence au sein même du centre, ce qui facilite l'élaboration d'un projet d'insertion et sa mise en _uvre. Une telle démarche mériterait d'être généralisée ou, à tout le moins, encouragée.

À ce propos, il convient d'indiquer que le budget pour 2004 prévoit une dotation de 400 000 euros pour financer le secteur associatif partenaire de l'administration pénitentiaire dans la mise en _uvre des actions concourant à la prise en charge et à l'insertion des détenus sortant de prison ou au maintien des liens familiaux par le développement des structures d'accueil des familles.

*

* *

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a pour mission d'exécuter des décisions de justice prises par les magistrats de la jeunesse à l'endroit des mineurs en danger ou délinquants. Dès lors, toute croissance de son activité signifie une dégradation de la situation de l'enfance et, plus particulièrement de nos jours, une augmentation de la délinquance juvénile. L'année 2002, poursuivant une tendance amorcée sous la précédente législature, ne fait malheureusement pas exception.

Plus de 180 000 mineurs ont été mis en cause en 2002 par la police et la gendarmerie nationales, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2001. Sur une période plus longue, entre 1997 et 2001, le nombre de mineurs mis en cause s'est accrû de près de 15 %. En revanche, la proportion de mineurs mis en cause au regard de l'ensemble des mineurs en France est stable : 1,36 % en 2001 contre 1,34 % en 2002.

L'analyse la répartition des mineurs délinquants en fonction de la nature de l'infraction commise révèle qu'il s'agit principalement d'une délinquance contre les biens dont le modus operandi n'exclut pas l'usage de la violence. Ainsi, les mineurs représentent 31,6 % des personnes mises en cause pour vols (y compris recels), 16,7 % des personnes mises en cause dans la catégorie « autres infractions » (dont les stupéfiants), 15,1 % des auteurs de crimes et de délits contre les personnes et seulement 5,7 % des mis en cause dans le cadre des infractions économiques et financières.

Plus précisément, la part des mineurs auteurs d'infractions est la plus significative en matière de vols avec violence sans arme à feu (43,7 % de mineurs), vols d'automobiles ou de deux roues à moteur (35,7 %), vols simples au préjudice de particuliers (33,7 %), cambriolages (34,3 %) et destructions et dégradations de biens (33,6 %). Le tableau suivant synthétise ce constat.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE MINEURS MIS EN CAUSE
PAR CATÉGORIE D'INFRACTION ENTRE 2001 ET 2002

Catégories d'infractions constatées
par la police et la gendarmerie nationales

Année 2001

Année 2002

Variation 2001/2002

1 - Vols (y compris recels)

87 856

85 394

- 2,8 %

2 - Infractions économiques et financières

5 220

4 274

- 18,1 %

3 - Crimes et délits contre les personnes

27 224

29 536

+ 8,5 %

4 - Autres infractions (dont stupéfiants)

56 717

61 178

+ 7,9 %

Total des crimes et délits constatés par la police et la gendarmerie nationale

177 017

180 382

+ 1,9 %

Réaffirmé avec force par la LOPJ qui a introduit la notion de sanctions éducatives dans l'ordonnance du 2 février 1945, le traitement de la délinquance des mineurs privilégie l'action éducative et considère l'incarcération comme l'ultime recours. Dès lors, l'augmentation de la délinquance juvénile a pour inévitable corollaire celle du nombre des mesures de milieu ouvert prononcées ainsi que celle du nombre de mineurs incarcérés.

Les services de la protection judiciaire de la jeunesse ont eu la charge de l'exécution de 152 667 mesures judiciaires en 2002 contre 151 602 en 2001. En terme de flux annuels, les mêmes services prennent en charge près de 200 000 mesures nouvelles tandis que les magistrats procèdent à la clôture d'un nombre quasi équivalent à ces dernières. Par ailleurs, l'activité des services de la PJJ est quantitativement marquée, en premier lieu, par la prédominance des mesures civiles de milieu ouvert (97 850 mesures) prises en charge par le secteur habilité et, en second lieu, par la spécialisation du secteur public en matière pénale (90 % des mesures de ce type lui sont confiées). Au-delà de cette présentation globale, les évolutions observées au cours de l'année 2002 font apparaître des évolutions contrastées.

· Une relative stabilité de l'activité civile

Si l'activité globale progresse et se répartit en volume à égalité entre secteurs public et associatif, le taux de croissance de chaque secteur varie cependant : les entrées en secteur public progressent de 3,7 % contre 1,1 % en secteur associatif. Ceci résulte de la plus forte progression des mesures pénales, dont il est traditionnellement l'acteur essentiel (+ 6,2 % de mesures nouvelles), tandis que les mesures civiles demeurent à leur étiage (+ 0,3 %). C'est ainsi que 3 000 des 4 500 mesures supplémentaires entre 2001 et 2002 ont été confiées au secteur public.

Toutefois, il est intéressant de relever que cette augmentation de l'activité pénale conduit le secteur associatif à s'y investir davantage. Il en résulte un taux de croissance des mesures pénales traitées par le secteur associatif plus élevé (+ 17,2 % de mesures nouvelles) qu'en secteur public. Cet investissement du secteur associatif dans le champ pénal est permis grâce à la stabilité de l'activité civile. En effet, si les mesures nouvelles civiles des deux secteurs progressent peu, elles diminuent même de 0,6 % (soit 500 mesures) en secteur associatif, acteur pourtant majeur en cette matière. Cette stabilité en volume de l'activité civile se retrouve par catégorie de mesure.

Les placements ne progressent que de 0,1 % (+ 30 unités pour les deux secteurs), tandis que les mesures de milieu ouvert s'accroissent de 3 %. Enfin, les investigations augmentent de 2,2 %.

Au regard de cette augmentation modérée de l'activité civile, la croissance des mesures pénales n'apparaît que plus marquante. En effet, placement et milieu ouvert connaissent tous deux un taux de croissance à deux chiffres.

· Une vigoureuse croissance de l'activité pénale

Les flux des placements pénaux, qui progressent globalement de 13,7 % (+ 500 mesures nouvelles), s'accroissent de 14,7 % dans le secteur public (+ 300 mesures) et de 12,4 % dans le secteur associatif (+ 200 mesures). Parmi ces 500 mesures nouvelles, 350 concernent l'hébergement collectif (réparties en deux moitiés à peu près égales pour chaque secteur), ce qui a pour conséquence d'augmenter de 27,6 % le taux d'utilisation des foyers.

Le milieu ouvert pénal connaît également une évolution comparable : les mesures nouvelles progressent de 9,8 % pour les deux secteurs (+ 4 000 mesures) mais concernent davantage le secteur associatif (+ 15,6 %) que le secteur public (+ 8,4 %). S'agissant des investigations pénales, leur progression est moindre (+ 1,7 %) tout en étant inférieure à la croissance générale des investigations tous fondements confondus (+ 2,2 %).

Plusieurs explications peuvent être avancées : les investigations pénales étant massivement traitées par le secteur public (28 500 mesures nouvelles chaque année), il semblerait que celui-ci arrive à saturation ce qui expliquerait la faible augmentation de ses mesures nouvelles (+ 0,4 %). Le secteur associatif, qui investit le champ des investigations pénales, n'a, pour sa part, recours qu'aux seules enquêtes sociales et aux IOE qui progressent respectivement de 32 % et 27 %. Dès lors, si la montée en charge des investigations pénales est principalement le fait du secteur associatif (1 500 mesures nouvelles), elle demeure largement inférieure au flux d'investigations traité par le secteur public.

L'augmentation du nombre des mineurs délinquants entraîne, mécaniquement, la progression des incarcérations les concernant bien que celles-ci demeurent l'ultime recours.

Entre janvier 2001 et 2002, le nombre d'incarcérations de mineurs croît de 18 %, passant de 3 283 incarcérations à 3 873. Au 1er janvier de chaque année, le nombre de mineurs détenus atteignait 808 en 2003, contre 826 en 2002, 616 en 2001 et 718 en 2000.

Toutefois, les dernières informations communiquées à votre rapporteure font état d'une soudaine diminution du nombre des mineurs incarcérés qui atteindrait, au 1er octobre 2003, 680 personnes. Cette évolution est difficilement explicable en l'état actuel des informations et ne peut être révélatrice d'une tendance plus durable tant les flux d'incarcérations des mineurs sont sujets à d'amples et irrégulières variations ().

NOMBRE DE MINEURS DÉTENUS AU 1er JANVIER

 

2000

2001

2002

2003

 

Nombre

en %

Nombre

en %

Nombre

en %

Nombre

en %

- de 16 ans

62

8,6%

64

10,4%

96

11,6%

81

10,0%

+ de 16 ans

656

91,4%

552

89,6%

730

88,4%

727

90,0%

Prévenus

560

78,0%

454

73,7%

630

76,3%

592

73,3%

Condamnés

158

22,0%

162

26,3%

196

23,7%

216

26,7%

Ensemble

718

100,0%

616

100,0%

826

100,0%

808

100,0%

Les mineurs incarcérés sont majoritairement âgés de plus de 16 ans (90 % au 1er janvier 2003) et placés en détention provisoire dans le cadre d'une procédure criminelle. A l'instar de la structure de l'ensemble de la population carcérale, les jeunes filles sont très peu représentées (2,1 % de l'ensemble). Quant à la part des mineurs détenus parmi l'ensemble de la population du même âge, elle est de 6 pour 100 000 (808 pour 13,45 millions d'individus). Enfin, leur durée moyenne de détention connaît une légère baisse, passant de 2 mois et 19 jours en 2001 à 2 mois et 16 jours en 2002.

Cette augmentation du nombre des mineurs incarcérés et les modalités actuelles de leur incarcération, dans les quartiers pour mineurs des maisons d'arrêt, justifient pleinement la mise en place de structures adaptées dans le cadre desquelles des actions éducatives et sanitaires intensives seront menées : tel est l'objet des établissements pour mineurs (EPM), que votre rapporteure présentera en détail plus loin.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse s'élève à 587,13 millions d'euros, en progression de 3,80 % par rapport à 2003.

Le secteur public est destinataire de 58 % de ces sommes, 246,44 millions d'euros, soit 42 %, étant allouées au secteur habilité.

 

2003

2004

Variation

 

en millions d'euros

répartition

en millions d'euros

répartition

en millions d'euros

%

Secteur public

325,18

57,5%

340,69

58,0%

15,51

4,8%

Secteur habilité

240,44

42,5%

246,44

42,0%

6,00

2,5%

TOTAL

565,62

100,0%

587,13

100,0%

21,51

3,8%

Près de 75 % de ces crédits sont consacrés aux frais de personnels : rémunérations, indemnités et charges sociales.

· Les créations d'emplois sont au nombre de 234 pour 2004 et se répartissent en fonction des objectifs inscrits dans la LOPJ. Ainsi, afin d'offrir une prise en charge adaptée et renforcée de mineurs récidivistes ou violents, 69 emplois sont créés en faveur de l'ouverture de trois centres éducatifs fermés, et 50 emplois sont dédiés au suivi des jeunes incarcérés dans les quartiers mineurs.

De même, 46 emplois sont affectés à la prévention de la récidive au travers de l'amélioration de la prise en charge en milieu ouvert. Par ailleurs, 69 emplois sont consacrés à la mise à niveau des services de formation et d'administration et au renforcement des capacités d'encadrement.

· L'amélioration de la situation des personnels

L'enveloppe dédiée aux mesures catégorielles s'élève à 2,30 millions d'euros et traduit la poursuite de l'effort pour améliorer la situation des personnels. Ce montant permet de poursuivre simultanément l'amélioration de la carrière des agents et de leur régime indemnitaire.

Ainsi, les projets de réforme du statut des personnels de direction et du statut des agents techniques d'éducation bénéficient de deux nouvelles provisions d'un montant de 0,33 million d'euros. Il convient de relever qu'à l'instar de l'administration pénitentiaire, l'évolution du régime indemnitaire des directeurs territoriaux et de services prévoit la mise en place d'une modulation individualisée des taux indemnitaires pour un montant de 330 542 euros, ce qu'approuve de nouveau sans réserves votre rapporteure.

S'agissant des mesures indemnitaires (+ 1,01 million d'euros), un aménagement est réalisé au bénéfice de certains agents soumis à des contraintes spécifiques ou exerçant des fonctions particulières : personnels affectés en centre éducatif fermé (0,12 million d'euros) ; éducateurs et agents techniques d'éducation affectés en établissements d'hébergement et éducateurs affectés en quartiers mineurs (0,55 million d'euros) ; directeurs de services et territoriaux (0,33 million d'euros).

· La progression sensible des moyens de fonctionnement

Les crédits de fonctionnement du secteur public, hors charge de rémunération, progressent de 5,3 % (+ 3,61 millions d'euros). Ces moyens nouveaux sont accordés afin de :

- mettre en oeuvre la LOPJ (1,81 million d'euros). Ces crédits sont destinés, notamment, à l'ouverture de trois nouveaux centres éducatifs fermés et prennent en considération l'impact financier des créations d'emplois et la mise en oeuvre d'une action éducative renforcée dans les quartiers mineurs ;

- améliorer le fonctionnement de l'administration de la PJJ (1,13 million d'euros) en termes de prise en charge des dépenses immobilières et de communication.

· Les crédits d'équipement

Le projet de loi de finances pour 2004 met à la disposition de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse 28 millions d'euros d'autorisations de programme qui se répartissent de la façon suivante :

- 10 millions d'euros en application de la LOPJ permettant : la création des centres éducatifs fermés (5,5 millions d'euros), le renforcement du milieu ouvert (2,1 millions d'euros) et de l'administration territoriale (2,4 millions d'euros) ;

- 8 millions d'euros en faveur de l'amélioration de l'état du patrimoine et de la sécurité ;

- 2 millions d'euros au profit de la délocalisation du centre national d'études et de formation à Roubaix ;

- 8 millions d'euros dédiés à la poursuite des programmes antérieurs.

Pour sa part, le montant des crédits de paiement atteint 11 millions d'euros.

Débuté sous la précédente législature, l'accroissement des moyens alloués à la PJJ est amplifié par le Gouvernement actuel, qui a fait de la lutte contre la délinquance des mineurs sa priorité. Toutefois, cette augmentation, dans le délicat contexte budgétaire actuel, ne peut être sans condition ni évaluation de l'efficacité des actions entreprises et des moyens engagés. Or, votre rapporteure, à l'unisson du rapport de la Cour des comptes de juillet 2003, ne peut que constater que la PJJ n'est pas en mesure d'évaluer de façon satisfaisante ses propres actions.

Pour évaluer une action, il faut préalablement disposer d'un outil statistique approprié et cohérent. Or, comme l'a clairement souligné la Cour des comptes, il n'existe pas aujourd'hui de bases de données sur la protection de l'enfance commune à l'État et aux départements. En effet, la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère des Affaires sociales reçoit, des départements, deux questionnaires portant d'une part, sur les bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance et, d'autre part, sur les dépenses d'aide sociale. Par ailleurs, le ministère de la Justice dispose du bilan des actions éducatives confiées par les tribunaux.

A ce jour, la simple addition des données disponibles par les deux ministères induit des doubles comptes puisqu'il n'est pas rare qu'un mineur fasse l'objet de plusieurs mesures prises en application de fondements juridiques distincts. Dès lors, le nombre de mesures prises en charge par la PJJ n'est pas un indicateur fiable de la population concernée, bien que nombre d'observateurs s'y réfèrent. Selon les informations communiquées à votre rapporteure, une réforme des méthodes de comptabilisation des mesures prises en charge serait néanmoins en cours et devrait enfin permettre de connaître, courant 2004, le nombre des mineurs auxquelles elles s'appliquent.

Ce défaut de connaissance quantitative du public pris en charge n'a d'égal que l'incertitude de la PJJ quant au nombre précis de ses propres structures et à la répartition fonctionnelle de ses agents. Il ressort en effet des déplacements et auditions réalisées par votre rapporteure que la faiblesse des capacités de gestion de l'administration centrale de la PJJ, fruit du cumul des négligences passées, a eu pour résultat une relative méconnaissance de la situation précise de son parc immobilier ainsi que du nombre réel des agents disponibles sur le terrain par fonction. Fort heureusement, le Gouvernement a dégagé, dès 2003, les moyens nécessaires afin de renforcer la capacité de pilotage de l'administration centrale et déconcentrée de la PJJ. L'arrêté du 7 juillet 2003 portant réforme de l'organisation de la direction de la PJJ en est l'illustration.

Au-delà de cette absence de mesure fiable de la population prise en charge à un instant donné, la PJJ ne connaît pas le devenir de ces mêmes mineurs. Il en résulte une incapacité à évaluer l'efficacité de l'action éducative entreprise, notamment en termes de récidive. Certes, quelques études sont menées localement, notamment par des juges pour enfants, mais il ne serait pas rigoureux d'extrapoler leurs résultats au niveau national. Votre rapporteure souhaite donc vivement que la PJJ, à l'instar de l'administration pénitentiaire, se dote d'un instrument statistique lui permettant de suivre dans le temps le devenir d'une cohorte de mineurs afin d'avoir le recul nécessaire pour conduire une véritable évaluation de son action. L'article L 312-8 du code de l'action sociale lui en fait d'ailleurs obligation, puisqu'il dispose que les services et les établissements sociaux et médico-sociaux doivent « procéder à l'évaluation de leurs activités et de la qualité des prestations qu'ils délivrent au regard de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées (...) par un conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale ».

A cet égard, votre rapporteure se félicite de la mise en place, quelque peu tardive puisque la décision a été prise en 1996, d'un « panel des mineurs ». Il s'agit d'un nouveau dispositif statistique consistant à observer à plusieurs dates, de façon quasi continue, un échantillon permanent de jeunes individus inscrits dans l'activité des juridictions, afin de définir leur parcours judiciaire tout en appréhendant mieux leur environnement familial. Les événements dont la connaissance est utile sont d'abord d'ordre judiciaire (mesures civiles ou pénales successivement décidées), mais également d'ordre social, à l'instar d'un changement de la situation familiale ou scolaire.

L'échantillon retenu est constitué de l'ensemble des mineurs nés entre le 1er et le 15 octobre, quelle que soit leur année de naissance, dont l'institution judiciaire a eu à connaître. Cet échantillon représenterait environ 4 % de tous les mineurs suivis par la justice, soit 12 000 personnes.

Depuis le mois d'octobre 2002, le panel est entré dans sa phase d'expérimentation : six juridictions pilotes ont été désignées : Paris, Nanterre, Meaux, Nancy, Dijon et Pau. Les premières extractions ont été réalisées au mois de janvier 2003 et permettent, non pas d'obtenir des données chiffrées exploitables, mais bien de vérifier la faisabilité technique du recueil de renseignement et de construire la base de données qui sera gérée par le centre d'exploitation statistique de Nantes. La généralisation du panel est programmée pour l'année 2005 seulement, soit neuf ans après la décision de le créer !

Outre cette mesure statistique objective, qui devrait enfin permettre de connaître le taux de récidive des mineurs pris en charge par la PJJ, seul critère incontestable, l'évaluation de l'action de ce service public doit également comporter une dimension qualitative. A l'issue des nombreuses auditions et déplacements qu'a réalisés votre rapporteure, il apparaît que plusieurs autres critères pourraient être judicieusement pris en compte. Ainsi, pourquoi ne pas mesurer la nature et le degré d'association des parents à la mesure éducative ? Pourquoi ne pas interroger les mineurs eux-mêmes sur le sens de la mesure dont ils font l'objet ? De même, ne conviendrait-il pas de s'intéresser aux analyses des élus locaux, ou des enseignants qui ont également à connaître de ces jeunes ? On le voit, le champ de l'évaluation est vaste, peut-être trop, mais il est impérieux car il constitue l'unique moyen, dans une démocratie moderne, de justifier son action sur d'incontestables fondements.

Au-delà de la question globale de l'évaluation, votre rapporteure souhaite - en suivant le cours chronologique qui peut conduire de la commission d'une première infraction par un mineur à son incarcération - dresser un état des lieux des pratiques pour tenter d'identifier les éventuelles voies permettant d'améliorer les modalités du traitement et du suivi de la délinquance des mineurs.

Nombreuses sont les personnes qui, lors de déplacements ou d'auditions, ont déclaré à votre rapporteure que la trop fréquente absence de réponse judiciaire à la première infraction commise par un mineur constituait un puissant facteur de récidive. Bien évidemment, il ne saurait être question ici de prôner la mise en _uvre d'une politique aveuglément répressive, ni de requérir l'incarcération de tous les primo-délinquants, mais bien davantage de souligner l'intérêt, pour l'ensemble de la société et accessoirement pour la dépense publique, d'être en mesure de développer une réponse systématique à la première infraction. A ce propos, les profils des mineurs pris en charge par les centres éducatifs fermés sont représentatifs de cette tendance à trop laisser tarder le moment de la sanction. Que penser en effet de ces mineurs, âgés de moins de 16 ans, que votre rapporteure a rencontrés à Beauvais, et dont certains cumulent déjà plusieurs dizaines de délits ? N'est-ce pas la preuve que la réponse a été tardive ou inadaptée ?

Plus que l'absence de réponse à la délinquance des mineurs qui n'est pas avérée puisque le taux de réponse pénale aux affaires impliquant des mineurs est de 10 points supérieur à celui des majeurs (78,6 % contre 68,2 %), c'est donc bien la nature de cette réponse qui semble inadaptée. Or, la première réponse pénale à la délinquance des mineurs est le recours aux mesures éducatives en milieu ouvert.

Il n'existe pas de « guide » de bonne pratique professionnelle applicable à l'ensemble du secteur de la PJJ et décliné par mesures. Certes, les éducateurs bénéficient d'une formation professionnelle, initiale et continue, mais l'élaboration d'un référentiel méthodologique par catégorie de mesures serait souhaitable afin, d'une part, de disposer d'un cadre de référence commun et, d'autre part, d'être capable d'en évaluer l'efficacité. De surcroît, en l'absence de statistiques sur le taux de récidive des mineurs ayant fait l'objet d'une mesure, l'analyse de l'efficacité de l'action de la PJJ en cette matière ne peut se faire qu'au travers du nombre des mesures en attente et des délais de prise en charge.

· Le nombre des mesures en attente diminue

Une mesure est considérée en attente d'exécution lorsqu'elle n'a pas pu être prise en charge dans un délai de deux semaines après la notification de la décision du juge au service. L'évolution de la situation du stock des mesures en attente pour l'ensemble du secteur public et associatif présente une diminution sensible depuis 1999 et une réduction significative de celui-ci à hauteur de 6 541 mesures en 2002, soit une baisse de 13,3 % entre 1998 et 2002. En conséquence, le taux de mesures en attente ne cesse de diminuer passant de 5,4 % en 1999 à 4,6 % en 2002, alors même que l'activité d'ensemble progresse.

 

Secteur public

Secteur associatif habilité


Total général

 

Milieu
ouvert

Mesures
d'investigation

Total

Milieu
ouvert

Mesures
d'investigation

Total

1996

1 574

non recensé

1 574

2 119

non recensé

    2 119

3 693

1997

2 545

483

3 028

2 852

1 371

4 223

7 251

1998

2 570

887

3 457

2 834

1 250

4 084

7 541

1999

2 953

673

3 626

2 483

1 395

3 878

7 504

2000

2 795

531

3 326

2 542

1 234

3 776

7 102

2001

2 541

573

3 114

2 557

1 183

3 740

6 854

2002

2 060

556

2 616

2 448

1 477

3 925

6 541

S'agissant de la répartition entre les deux secteurs de la PJJ, il convient de remarquer que le secteur public, en dépit de la hausse sensible de son activité générale, parvient à réduire le nombre de mesures en attente depuis l'année 2000. L'essentiel de cette amélioration résulte donc d'une meilleure productivité du milieu ouvert. La situation du secteur associatif habilité connaît également une amélioration puisque, toutes mesures confondues, le nombre des mesures en attente y diminue de 7 % entre 1997 et 2002, alors même que les mesures prises en charge ont augmenté de 11 %.

· Les délais de prise en charge des mesures se dégradent

Les délais de prise en charge des mesures nouvelles sont calculés par différence entre la date de décision du magistrat et la date de prise en charge effective par le service PJJ. Ils sont exprimés en nombre de jours. Tous fondements confondus, ces délais se dégradent et passent de 24,1 jours à 25,6. Cet allongement intervient pour chacune des mesures (placement, milieu ouvert et investigations), ainsi que l'illustre le tableau suivant.

 

Mesures pénales

Mesures civiles

Ensemble

 

2001

2002

2001

2002

2001

2002

    Investigations

4,8

4,8

16,6

17,3

9,8

10,2

Enquêtes sociales

22,5

19,8

34,7

33,3

32,8

30,8

Investigations d'orientation éducative

41,1

37,9

32,7

36,6

34,3

36,9

Recueils de renseignements socio-éducatifs

2,8

3,1

7,1

9,5

4,3

5,4

    Placement judiciaire

2,6

1,6

2,4

3,7

2,5

2,8

Hébergement collectif

1,2

0,8

1,3

1,6

1,2

1,2

Hébergement individualisé

9,2

5,3

2,5

7,7

3,7

7,2

Hébergent en famille d'accueil

9,1

4,5

5,7

6,2

6,6

5,7

    Milieu ouvert

55,1

55,5

21,8

26,2

44,9

47,1

Mise sous protection judiciaire

57,7

65,5

   

57,7

65,5

Action éducative en milieu ouvert

   

22,6

27,4

22,6

27,4

Contrôle judiciaire

23,4

27,3

   

23,4

27,3

Libération conditionnelle

17,4

21,7

   

17,4

21,7

Liberté surveillée

59,9

60,5

   

59,9

60,5

Liberté surveillée préjudicielle

36,7

43,0

   

36,7

43,0

Mesure de réparation

38,2

40,1

   

38,2

40,1

Suivi jeune majeur

   

13,7

14,7

13,7

14,7

Sursis mise à l'épreuve

97,8

93,5

   

97,8

93,5

Suivi socio judiciaire

32,0

65,0

   

32,0

65,0

Ensemble des mesures

28,4

29,5

17,2

19,2

24,1

25,6

Les mesures de placement judiciaire sont mises en _uvre en moyenne 2,8 jours après la décision du magistrat. Ce délai est même réduit à une journée, soit le lendemain de la décision, pour les mesures en hébergement collectif. Cette réactivité s'explique par la nécessité de trouver une solution en urgence pour des mineurs en situation de danger ou nécessitant un éloignement de leur milieu naturel.

En revanche, les délais de prise en charge des mesures pénales de milieu ouvert sont d'autant plus longs que ces dernières sont ordonnées après jugement. Ainsi, le contrôle judiciaire, mesure pré-sentencielle, est-il mis en _uvre 27,3 jours après la décision du juge tandis que le sursis avec mise à l'épreuve, mesure sentencielle, l'est 93,5 jours après le jugement. Par ailleurs, le délai exceptionnel de plus de trois mois observé pour la prise en charge des travaux d'intérêt général n'est pas satisfaisant alors qu'il s'agit d'une mesure souvent adaptée à la nature du dommage.

Ces délais élevés retirent tout sens à la peine et ne sont pas sans lien, c'est le sentiment de votre rapporteure, avec l'augmentation de la délinquance juvénile. En effet, l'absence de réponse de l'institution judiciaire dans un délai raisonnable est fondamentalement incomprise par des mineurs qui vivent, c'est le propre des adolescents, dans l'instantanéité et sont incapables de se projeter dans le temps.

· La réparation est-elle dans une impasse ?

La mesure de réparation est une mesure intelligente et fortement éducative. Elle consiste à faire effectuer au mineur auteur d'une infraction la prestation la plus adaptée, soit au profit de la victime (réparation directe), soit au profit de la société (réparation indirecte). Ce faisant, elle permet aux mineurs concernés d'appréhender leur propre responsabilité et de comprendre la portée de leurs actes pour eux-mêmes, pour les victimes et pour la société tout entière.

La réparation peut être prononcée à l'égard de tout mineur, sans limite d'âge, pourvu que celui-ci soit doté d'un discernement suffisant pour que sa responsabilité pénale puisse être retenue. Elle peut également être requise à l'égard de mineurs récidivistes et à titre pré-sentenciel. Cette mesure peut être prononcée par le Procureur de la République avant l'engagement des poursuites (sous réserve de l'accord préalable du mineur, des titulaires de l'autorité parentale et de la victime) s'il s'agit d'une mesure de réparation directe puis, à chaque phase de la procédure, par le magistrat chargé de l'instruction, suivant les mêmes modalités ou, enfin, par la juridiction de jugement (auquel cas le mineur et les titulaires de l'autorité parentale sont seulement appelés à formuler leurs observations). Dans tous les cas, la mesure de réparation sera mise en _uvre par un service de la PJJ ou une association habilitée par la Justice.

Ainsi, en 2002, sur les 13 734 mesures de réparation pénale exécutées par les services de la PJJ, une majorité d'entre elles (57,9 %) avaient été prescrites par les parquets. Près d'un tiers (32,5 %) provenaient des cabinets de juges des enfants, soit à titre pré-sentenciel (22,8 %), soit à titre de sentence (9,7 %). Les tribunaux pour enfants, quant à eux, étaient à l'origine de 8,5 % des réparations, les autres mesures (1,1 %) étant ordonnées par les juges d'instruction ou les juges des libertés et de la détention.

Comme l'illustre le tableau suivant, le nombre des mesures de réparation est en constante augmentation depuis 1994, mais son rythme de progression s'est brutalement réduit depuis 1999.

Années

Secteur public

Secteur associatif habilité

Ensemble

Évolutions

en volume

en %

1994

3740

/// (1)

3740

-

-

1995

4021

422

4443

+ 703

+ 18,8%

1996

4251

778

5029

+ 586

+ 13,2%

1997

5049

1093

6142

+ 1 113

+ 22,1%

1998

6026

1543

7569

+ 1 427

+ 23,2%

1999

7842

2751

10593

+ 3 024

+ 40,0%

2000

7073

4510

11583

+ 990

+ 9,3%

2001

6819

5753

12572

+ 989

+ 8,5%

2002

7305

6429

13734

+ 1 162

+ 9,2%

(1) le secteur associatif n'a été habilité à exercer des mesures de réparation qu'à compter de 1995

Plusieurs explications sont avancées par les services de la Chancellerie qui évoquent, notamment, une prescription très hétérogène sur le territoire national et au sein même des ressorts des cours d'appel. A cela s'ajoute le manque de lisibilité de cette mesure qui, lorsqu'elle est ordonnée par le parquet, est insuffisamment différenciée d'autres alternatives aux poursuites.

Pour sa part, votre rapporteure craint que le moindre recours à la réparation soit le résultat des délais excessifs de sa mise en _uvre. En effet, avec un délai moyen de prise en charge de l'ordre de quarante jours, la réparation perd de sa signification. Plusieurs magistrats, ainsi que des professionnels de la PJJ, ont d'ailleurs indiqué à votre rapporteure que certains juges renonçaient désormais à prononcer une mesure de réparation tant son exécution était difficile et lointaine. A cet égard, la création de 46 emplois pour le milieu ouvert prévue par le PLF 2004 est la bienvenue.

Comme le décrit fort justement la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2003 au sujet de l'hébergement collectif traditionnel, « la prise en charge des mineurs se révèle fréquemment insuffisante : le respect des plages horaires des éducateurs n'est guère contrôlé et les tâches qu'ils effectuent sont souvent imprécises ; l'organisation classique d'une structure d'accueil entraîne une forte déperdition des moyens dont elle dispose et un temps de contact des éducateurs avec les mineurs très inférieur à la durée théorique du travail ; l'absence de continuité dans les horaires d'activité des foyers peut conduire les jeunes à être désoeuvrés dans la journée ; enfin, ce sont généralement les personnels les moins qualifiés qui assurent le service de nuit dans les structures, au moment où les plus nombreux incidents sont susceptibles de survenir ».

A cette aune il semble impérieux de prévoir, au-delà de la seule fonction d'hébergement, une amélioration des modalités de l'organisation de l'emploi du temps des mineurs, notamment en accentuant le contenu des actions menées pendant la journée en termes de formation et d'éducation. Ce flottement dans l'organisation des foyers, certes trop général pour rendre compte de la diversité de la réalité, se retrouve au niveau des personnels y travaillant. En effet, il résulte des auditions et du déplacement au centre national de formation de la PJJ de Vaucresson effectués par votre rapporteure, que 70 % des postes proposés aux sortants de formation sont offerts dans les structures d'hébergement collectif. Il semble donc établi que le foyer est désormais considéré par un certain nombre des personnels comme un passage obligé du début de carrière qu'il faut s'empresser de quitter pour de meilleurs horizons professionnels. A telle enseigne que, pour la première fois de son histoire, le directeur de la PJJ a dû s'opposer aux demandes de mutation de certains personnels, qui auraient eu pour conséquence de provoquer le renouvellement intégral de plusieurs équipes en foyer. Cette absence de motivation est regrettable, alors même que les mineurs qui sont en foyer connaissent de réelles difficultés.

Afin de remédier à cette situation, le Gouvernement a entrepris d'accroître la modulation du régime indemnitaire des personnels _uvrant dans les structures d'hébergement pour tenir compte de la pénibilité de leur travail : 550 000 euros supplémentaires sont prévus par le PLF 2004 au profit, notamment, des éducateurs et des agents techniques d'éducation affectés dans les établissements d'hébergement. Toutefois, au-delà du seul aspect indemnitaire, le faible nombre de candidats aux postes disponibles dans les structures d'hébergement, notamment parmi les jeunes éducateurs, doit conduire la PJJ à s'interroger sur l'adéquation entre les profils des recrues et les besoins des services.

Le temps a fait taire les critiques les plus virulentes et démontré l'utilité des centres éducatifs fermés (CEF). Ultime étape avant l'incarcération, les CEF constituent le chaînon, longtemps manquant, entre les structures d'hébergement à vocation temporaire comme les centres éducatifs renforcés (CER) et les foyers traditionnels. Certes, leur « fermeture » n'est pas ou peu matériellement visible, mais il faut garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas d'établissements pénitentiaires pour mineurs que le Gouvernement a par ailleurs l'intention de construire. C'est pourquoi, les quelques fugues des CEF, largement relatées par la presse, ne sauraient être l'aune à laquelle leur efficacité doit être mesurée.

En effet, s'agissant de mineurs multirécidivistes, ancrés dans la délinquance et dans la transgression, leur fugue d'un lieu qui représente l'institution est quasiment inévitable, sachant qu'elle peut entraîner la révocation de la mesure et donc l'incarcération des intéressés. L'inspection des services de la PJJ l'a clairement affirmé dans son rapport consacré au CEF de Valence, qui a été confronté à des fugues à répétition au début de sa mise en place. Ce rapport indique que : « comme l'a rappelé le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002, le caractère fermé des centres est de nature juridique et réside uniquement dans la sanction du non-respect des obligations auxquelles est astreint le mineur. La possibilité que le mineur puisse s'absenter irrégulièrement résulte donc de la notion de fermeture exclusivement juridique. Le législateur a volontairement laissé au mineur un espace pour une liberté : celle de se soumettre ou non à ses obligations. Ce n'est qu'en cas de non-respect de ses obligations que la contrainte physique et la privation de liberté peuvent, sur décision du juge, s'appliquer. Un centre éducatif fermé ne peut donc pas mettre en _uvre des formes de contraintes matérielle ou physique de nature à transformer illégalement le centre en établissement privant les mineurs de liberté ».

C'est pourquoi l'inspection estime que les éducateurs ne sont pas autorisés à recourir à la contrainte physique pour empêcher la fugue mais qu'ils doivent, en revanche, exercer une vigilance constante de jour comme de nuit. L'organigramme type des CEF, qui prévoit 25 personnels pour 10 mineurs pris en charge, fournit les moyens aux équipes d'assurer ce devoir de vigilance.

Plutôt qu'à ces quelques fugues au retentissement national, votre rapporteure préfère faire état des mineurs entrés en apprentissage ou des importants changements comportementaux observés depuis leur entrée en CEF. En effet, il faut savoir à quel point ces mineurs sont déstructurés, difficiles, mettant à rude épreuve les équipes éducatives. Ces dernières, encore jeunes, font un travail remarquable que votre rapporteure a pu constater lors de son déplacement au CEF de Beauvais.

Mais surtout, et il s'agit de l'une des innovations les plus prometteuses introduite par la PJJ, la mise en place des CEF s'est accompagnée de celle concomitante d'un outil d'évaluation prescrit par leur cahier des charges. Ainsi, un comité technique national d'évaluation a été instauré, composé de membres de la cellule de contrôle de gestion, de membres de l'inspection, d'un agent du bureau de la statistique, de professionnels du secteur associatif habilité. Ce comité technique définira, sous le contrôle du comité de pilotage du programme CEF, le référentiel des centres, les indicateurs de conformité et de qualité, les modalités de recueil et d'exploitation des données et les outils de compte-rendu des opérateurs. Dès que ce travail d'ordre méthodologique sera achevé, le comité de pilotage pourra s'appuyer sur les comptes rendus mensuels des activités de chaque centre, qui sont adressés aux directeurs départementaux et régionaux de la PJJ.

En outre, à l'issue d'une période d'une année suivant la mise en place des centres, une évaluation de leur activité sera présentée au comité de pilotage national afin d'examiner, d'une part, la conformité du fonctionnement des centres aux prescriptions de l'instruction de service et, d'autre part, les effets de la prise en charge des mineurs dont un tableau de suivi devra être mis en place dans le cadre de la préparation à la sortie.

Votre rapporteure ne peut donc que se féliciter de la mise en place de ce dispositif, qui permettra d'avoir un débat serein et objectif sur les résultats des CEF, au-delà des caricatures et des seules questions budgétaires. A ce propos, s'il est vrai que le coût d'une journée en CEF peut paraître relativement élevé, de l'ordre de 570 euros, contre 350 euros pour les CER, dont la prise en charge se fait par session de trois mois rappelons-le, cette somme doit être mise en parallèle avec le coût social de la délinquance.

La loi du 9 septembre 2002 prévoit la création de 400 places dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) dans le cadre desquels les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse seront amenés à intervenir. Ce faisant, il s'agit de garantir aux mineurs des conditions dignes de détention, à la différence de la situation actuelle prévalant au sein des quartiers mineurs des maisons d'arrêt. A cette fin, les EPM sont conçus pour accueillir un nombre restreint de mineurs, de l'ordre d'une soixantaine, tout en leur offrant des activités et un encadrement renforcés.

Si les mineurs en détention dans ces établissements seront placés dans un lieu physiquement clos par un mur d'enceinte et soumis à la surveillance de personnels de l'administration pénitentiaire, leur emploi du temps sera, en revanche, adapté. A ce titre, il comportera des temps de formation, d'activités dirigées mais aussi des temps collectifs de promenades, de repas et de détente. Les mineurs, accompagnés et soutenus dans leurs différentes activités, seront donc pris en charge de façon continue et cohérente.

Ainsi, la mise à disposition d'enseignants en nombre suffisant et la présence de plusieurs salles de cours pour couvrir la diversité des niveaux scolaires devrait permettre à chaque mineur de bénéficier soit de 4 heures d'enseignement général par jour, soit de 2 heures d'enseignement général et de 2 heures de formation professionnelle, ce qui est très supérieur à l'offre actuelle. L'emploi du temps de chaque mineur pourra donc être réellement individualisé, conformément à ses aptitudes, ce qui est un gage de réussite de sa future insertion.

La place des activités sportives sera également importante grâce à l'existence de salles de sport, d'un stade et d'une salle polyvalente. Compte tenu de la nécessité pour les adolescents de dépenser leur énergie et le caractère éducatif des règles sportives, il est projeté que les mineurs bénéficient d'environ 20 heures d'activités sportives par semaine, y compris pendant les fins de semaine qui sont, bien souvent, des périodes de dés_uvrement. De même, les activités socio-éducatives, telles que la musique ou le théâtre, pourront être développées grâce à des équipements appropriés et plus particulièrement pendant les fins de semaine et les vacances scolaires. Au total, l'objectif est de ne pas laisser les mineurs inoccupés et de varier les activités organisées en lien avec les structures extérieures, afin que chacun d'eux se mobilise et s'achemine vers un projet de sortie construit.

La conception architecturale des EPM prévoit la présence de secteurs d'hébergement comprenant des cellules, des salles à manger et des lieux de détente, ainsi que des aires de plein air séparées des secteurs dévolus aux activités et aux services administratifs. Ce mode d'organisation a pour objet de distinguer les différentes périodes de la journée ou de la semaine, comme c'est le cas à l'extérieur des établissements pénitentiaires.

Ces mineurs étant souvent prompts à se fédérer derrière des meneurs, la taille des groupes est une question essentielle. Afin de prévenir la constitution de ces phénomènes de bande, il paraît nécessaire de limiter le nombre de mineurs pouvant être présents ensembles. C'est pourquoi, en ce qui concerne les activités dirigées comme la formation ou le sport, l'effectif raisonnable du groupe ne devrait pas excéder six mineurs pour un adulte. En ce qui concerne les temps collectifs, à l'instar de la promenade, des repas ou des temps de détente qui se dérouleront dans les secteurs d'hébergement, la présence simultanée des éducateurs de la PJJ et des surveillants permet d'envisager la constitution de groupes de 10 mineurs qui composeraient ainsi une unité de vie.

Sept sites ont d'ores et déjà été retenus qui se situent dans de grandes agglomérations comme Paris (Meaux et l'Ouest de la région parisienne), Valenciennes, Lyon, Toulouse et Nantes. Le marché d'étude de sites a été attribué le 26 mars 2003. Le choix des candidats devrait être arrêté prochainement, le jury devant se réunir pour choisir les projets à compter de la mi-janvier 2004. Puis, la notification des marchés devrait avoir lieu au début du mois de mai 2004, ce qui conduit à envisager la mise en service des premiers EPM en mai 2006.

A l'instar de la démarche adoptée pour les CEF, votre rapporteure souhaite vivement qu'un outil d'évaluation intégré soit mis en _uvre au sein des EPM afin d'être en mesure de connaître les résultats des actions entreprises, notamment en termes de formation et de scolarisation, ainsi que le devenir des mineurs incarcérés.

Votre rapporteure avait souligné dans son précédent rapport la nécessité de renforcer les capacités de gestion de l'administration centrale de la PJJ et elle n'y reviendra pas cette année. En effet, grâce à la création par la loi de finances initiale pour 2003 de 13 emplois nouveaux, la direction de la PJJ a pu se doter d'une sous-direction des ressources humaines distincte de celle qui avait en charge jusqu'alors la gestion des 7 800 personnels. L'arrêté du 7 juillet 2003 portant création de cette nouvelle sous-direction précise son nouvel organigramme. Celui-ci comprend quatre bureaux et une mission :

- le bureau du recrutement et de la formation ;

- le bureau de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;

- le bureau des relations sociales et des statuts ;

- le bureau des carrières et du développement professionnel ;

- la mission du suivi personnalisé des carrières de l'encadrement.

Cette nouvelle organisation devrait permettre d'assurer un pilotage plus ferme et mieux coordonné de la gestion des ressources humaines, tout en garantissant un meilleur contrôle de l'utilisation des moyens humains de la PJJ, à un moment où cette administration connaît un fort développement de ses recrutements. Il est d'ailleurs intéressant de relever que, faisant suite aux remarques de la Cour des comptes et grâce à ses nouvelles capacités de gestion, la direction de la PJJ a procédé à la dissolution de plusieurs dizaines d'association para-administratives, qui se traduit, dans le projet de budget 2004, par une diminution de 590 000 euros des subventions versées (titre VI).

Cette sous-direction aura également pour mission de mettre en _uvre un programme de déconcentration. En effet, pour que la déconcentration atteigne son objectif, il est nécessaire que l'échelon central ainsi que les échelons déconcentrés disposent d'une lisibilité suffisante de leur activité leur permettant de mieux anticiper. A cette fin, la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences doit être développée.

· Vers la déconcentration de la gestion des ressources humaines ? Réalisée en matière budgétaire pour les crédits de fonctionnement et en matière d'habilitation et de tarification du secteur habilité, la déconcentration doit se poursuivre désormais dans le domaine de la gestion des ressources humaines, restée, pour sa plus grande part, concentrée à l'échelon central, comme l'avait déploré votre rapporteure dans son précédent rapport.

Toutefois, selon les informations communiquées par les services de la PJJ, la poursuite de la déconcentration en matière de ressources humaines nécessite un certain nombre de mesures préalables. Il s'agit, notamment, de l'élaboration d'un programme de déconcentration, de la mise en _uvre d'une formation au profit des personnels concernés et de l'élaboration d'instruments de contrôle et d'évaluation. De surcroît, ce projet de programme établi, il devra être soumis à la réflexion des services déconcentrés et présenté aux organisations syndicales représentatives des personnels qui doivent être consultées.

La mise en _uvre dudit programme devrait se faire en deux grandes étapes : la première consistant à déconcentrer les actes de gestion ne nécessitant pas l'avis d'une commission administrative paritaire (CAP), en matière d'accidents de travail, d'avancement d'échelons par exemple, la seconde portant précisément création de CAP déconcentrées. La mise en _uvre de la première étape devrait être facilitée par le fait que les directions régionales ont été invitées, depuis plusieurs années, à préparer un certain nombre d'actes de gestion qu'elles adressent ensuite à l'administration centrale pour simple vérification et signature.

· La réorganisation départementale des services de la PJJ. La direction de la PJJ a demandé à l'ensemble des départements, sous le contrôle des directeurs régionaux, de produire un projet départemental, qui rende compte de la mise en oeuvre des orientations nationales et fixe un cadre commun à l'ensemble des services du département.

Ces projets départementaux doivent, à partir de l'état des lieux des services, décliner dans chaque département, par fonction éducative, une organisation en unités et services, qui réponde aux directives. Bien évidemment, ces projets doivent être élaborés en concertation avec les personnels et les partenaires, notamment les juridictions. Au 30 avril 2003, quasiment tous les départements avaient présenté des projets départementaux en cohérence avec les schémas conjoints de protection de l'enfance lorsqu'ils existent.

Cette organisation renforce le pilotage départemental, puisqu'elle doit se traduire par la mise en place, dans chaque département, de dispositifs répartis par fonction éducative mettant en relation l'ensemble des moyens disponibles concourant à l'exercice de cette fonction quel que soit le secteur la mettant en _uvre (secteur public, associatif et autres partenaires). Ce faisant, il s'agit de créer un cadre permanent d'échanges sur les questions d'intérêt commun. A titre d'exemple, ces projets traitent des modalités de l'organisation de l'accueil d'urgence ou du suivi du parcours des mineurs les plus difficiles.

Dans ce cadre, chaque département doit nommer un responsable de dispositif par fonction éducative qui, au sein des équipes départementales, aura pour tâches de créer les conditions d'une coordination. Au 30 juin 2003, 75 % des départements avaient désigné leurs responsables.

A l'occasion de ses déplacements sur le terrain, votre rapporteure a parfois été surprise par le cloisonnement dont fait preuve chacune des administrations oeuvrant en matière de protection de l'enfance. En effet, qu'il s'agisse des départements ou des administrations d'État, dont la PJJ, la coordination entre ces entités est parfois défaillante et peut se traduire par une déperdition de l'efficacité de l'action publique puisqu'un service, amené à s'occuper d'un mineur, ne sait pas toujours si ce dernier a déjà fait l'objet d'une prise en charge par un autre service. Bien souvent, ce sont les relations entre les personnes qui pallient les carences de l'échange d'informations entre les institutions. Les instruments de coordination actuels ne semblent donc pas pleinement remplir leurs missions.

Les schémas départementaux de la protection de l'enfance tendent à définir, en concertation avec l'autorité judiciaire, les réponses à mettre en _uvre pour satisfaire les besoins en matière de prise en charge éducative pour les enfants en difficulté. La participation des magistrats de la jeunesse à leur évaluation est appréciable car devant permettre leur sensibilisation à la nécessaire régulation du dispositif de prise en charge des mineurs. Au 1er juillet 2003, la situation est la suivante :

- 47 schémas conjoints ont été signés contre 40 en 2002 ;

- 37 schémas conjoints sont en cours d'élaboration contre 29 en 2002 ;

- 16 départements n'ont pas encore entrepris leur élaboration contre 29 en 2002.

Ce travail devrait permettre l'élaboration d'un tableau de bord de la protection de l'enfance commun à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et à l'assemblée des départements de France, qui favorisera l'évaluation régulière du dispositif de protection de l'enfance.

Par ailleurs, votre rapporteure se doit de faire état des dispositions du projet de loi de décentralisation étendant, à titre expérimental, les compétences des départements à l'ensemble des mesures civiles prononcées par le juge des enfants en application des articles 375 à 375-8 du code civil, à l'exception des mesures d'investigation, de placement auprès de personnes physiques ou en hôpital psychiatrique. Toutefois, la continuité de l'intervention éducative sera préservée par la possibilité, lorsque l'intérêt du mineur l'exige, de maintenir une mesure à un service de la protection judiciaire de la jeunesse au moment de son renouvellement. Cette expérimentation fera l'objet d'un rapport du Gouvernement au Parlement.

· La coopération avec les forces de l'ordre. Parce que la prise en charge des enfants en difficulté et, a fortiori des mineurs délinquants, peut être abordée de différentes manières et par plusieurs administrations simultanément, il importe pour l'efficacité de ces services publics que leur coordination se développe. A cet effet, la PJJ doit veiller à renforcer ses relations avec la police et la gendarmerie nationales, qui sont les premières à connaître des mineurs délinquants, sans pour autant négliger d'autres administrations, à l'instar de l'éducation nationale.

Depuis plusieurs années, les politiques publiques tendent à développer des stratégies de prévention et de traitement de la délinquance urbaine. C'est dans ce cadre que la protection judiciaire de la jeunesse construit ses relations avec les forces de sécurité. Ainsi, les directeurs territoriaux de la protection judiciaire de la jeunesse rencontrent désormais leurs homologues de la police ou de la gendarmerie à l'occasion des réunions : des conseils communaux ou départementaux de prévention de la délinquance ; des instances d'élaboration et de suivi des contrats locaux de sécurité ; des groupes locaux de traitement de la délinquance ; des cellules de veille mises en oeuvre dans le cadre des conseils locaux de sécurité (CLS).

Ces dispositifs ont été réformés par le décret du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la lutte et la prévention contre la délinquance. Ce texte a réorganisé l'architecture des politiques locales de prévention et de sécurité en plaçant le maire au c_ur du dispositif et en créant de nouvelles instances, dont le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, au sein duquel la PJJ a toute sa place.

Par ailleurs, les responsables des structures d'hébergement de la PJJ établissent souvent des protocoles avec les unités de police ou de gendarmerie de leur ressort, en vue de définir des procédures de gestion des fugues ou même d'intervention des forces de l'ordre dans les établissements lorsque des violences, des vols ou l'usage de stupéfiants se produisent.

· Le développement d'actions communes avec d'autres administrations. Au-delà du renforcement de ses relations avec les services de la police ou de la gendarmerie nationales, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est engagée dans des politiques ayant pour objet de favoriser l'insertion sociale et la lutte contre la rupture scolaire des mineurs en difficulté. A ce titre, elle est partie prenante, aux côtés de l'éducation nationale, des « classes relais », qui sont destinées à des élèves de collège. Dans la moitié des cas, ces jeunes font l'objet d'une mesure judiciaire ou administrative, et sont entrés dans un processus de rejet de l'institution scolaire. Certains élèves ont abandonné toute fréquentation scolaire, parfois depuis plusieurs mois, voire une année et plus. D'autres collaborations, comme les programmes « nouvelles chances », qui tendent à lutter contre l'absentéisme, sont également engagées.

S'agissant de la santé des mineurs, les collaborations entre la PJJ et le ministère de la Santé consistent, à titre principal, à mener des actions d'information et de sensibilisation, notamment dans le cadre des grandes campagnes nationales telles que celles concernant l'alcool, le tabac, la prévention du VIH et des hépatites. Ce travail prend la forme de mise à disposition d'affiches, de dépliants et de tous supports pédagogiques, mais également de collaborations avec des structures extérieures notamment le réseau des comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé. Là encore, l'évaluation de l'efficacité des actions entreprises, toutes fort légitimes, est parcellaire et peu lisible et devrait être substantiellement améliorée.

La LOPJ prévoit la création, sur 5 ans, de 1 250 emplois auxquels il convient d'y ajouter 1 300 recrutements induits par les départs en retraite. Ainsi, selon les informations communiquées à votre rapporteure lors de son déplacement au centre de formation de Vaucresson, c'est près du tiers de l'effectif global de la PJJ qu'il va falloir recruter ou remplacer en un laps de temps assez bref. Une attention toute particulière doit donc être apportée à la qualité du recrutement. Or les enseignements issus des campagnes de recrutement passées incitent à la prudence.

Les recrutements des éducateurs au cours de ces cinq dernières années ont plus que doublé : ainsi 1 381 éducateurs ont été recrutés, formés et nommés de 1998 à 2002. Ces recrutements massifs ont été possibles grâce à l'organisation de concours exceptionnels. Autorisés une première fois pour une période de trois années consécutives, et une deuxième fois pour deux années supplémentaires, ces concours permettent le recrutement d'éducateurs stagiaires ayant non seulement un niveau bac + 2, mais également une expérience professionnelle dans le domaine éducatif, social, et médico-social. Ils bénéficient d'une formation en alternance plus courte, un an au lieu de deux ans pour les concours externes et internes, et effectuent leur stage dans le service auquel ils seront affectés au moment de leur titularisation. 584 éducateurs ont été recrutés selon cette modalité depuis 1999, ce qui représente plus de la moitié du total des éducateurs recrutés. On indiquera que le concours exceptionnel, dont les épreuves ont eu lieu en septembre 2003, a été ouvert pour 151 postes. La moitié des éducateurs issus des ces concours sont âgés de 25-29 ans et possèdent un diplôme supérieur ou égal à la licence.

Quel que soit le concours, les hommes restent minoritaires au sein des promotions d'éducateurs. Ils demeurent toutefois légèrement plus nombreux dans les promotions issues du concours exceptionnel que dans celles issues des concours classiques externes et internes : 55 à 68 % des lauréats du concours exceptionnel sont des femmes contre 70 % à 80 % dans le cadre des concours classiques. Comme l'avait souligné votre rapporteure dans son précédent rapport, cette féminisation croissante des effectifs n'est pas sans soulever de réelles difficultés dans le fonctionnement de certaines structures de la PJJ, notamment dans le domaine de l'hébergement, puisqu'elle tend à mettre en face de mineurs délinquants majoritairement masculins et parfois violents, des femmes jeunes et inexpérimentées.

Outre la question de la féminisation croissante des effectifs, la diminution du nombre des candidats constitue un autre sujet d'inquiétude. En effet, le nombre de candidats inscrits aux concours classiques est en forte diminution ces deux dernières années : moins de 2 000 en 2002 contre plus de 4 000 en 1999. Cette tendance s'observe également pour les concours exceptionnels : 700 candidats étaient inscrits en 2003 contre plus de 1 000 en 1999 et 2000.

Cette réduction des candidatures est à rapprocher des constats effectués de façon générale quant à l'appauvrissement du vivier des métiers du travail social. Afin de remédier à cette situation qui risque d'abaisser les niveaux de recrutement, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse envisage, d'une part, de développer une communication plus importante afin de valoriser ses métiers, à l'instar des actions menées par l'administration pénitentiaire et, d'autre part, de diversifier les modes de recrutement des éducateurs.

La crise des vocations en matière d'hébergement, conjuguée avec les difficultés de recrutement auxquelles est confrontée la PJJ, plaide pour un renouveau des modalités de recrutement. En effet, il n'est nullement démontré que savoir rédiger une dissertation est une nécessité absolue pour devenir un bon éducateur en foyer d'hébergement. De nombreuses personnes motivées par le travail social, oeuvrant parfois dans des quartiers difficiles, seraient disposer à devenir éducateur de la PJJ mais sont recalées aux épreuves concours.

A titre d'exemple, lors de son déplacement au CEF de Beauvais, votre rapporteure a eu vent de la situation d'une personne, médiateur dans un quartier difficile d'une grande ville proche et qui, désireuse de travailler au sein dudit centre, n'a pu être recrutée en tant qu'éducateur faute de disposer des diplômes et du statut idoines. De telles rigidités ne sont plus acceptables et entravent la participation au service public des personnes expérimentées et motivées au seul profit des candidats surdiplômés. Dès lors, la diversification des modes de recrutement devient une nécessité pour la PJJ et votre rapporteure se félicite de sa prochaine mise en _uvre. En effet, un projet de décret statutaire ayant cet objet est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État et devrait entrer en application au cours de l'année 2004.

Selon les informations communiquées par les services, la diversification envisagée se réaliserait selon les trois axes suivants :

- la mise en _uvre d'une troisième voie. Pour l'accès à certains corps, des concours réservés aux candidats justifiant d'une activité professionnelle, d'un mandat électif ou d'un engagement de responsable associatif, de militaire ou d'agent public seraient prévus. Cette formule présenterait également l'avantage de consolider la pyramide des âges tout en offrant une possibilité de promotion à des personnels très impliqués dans la prise en charge éducative des jeunes, à l'instar des agents techniques d'éducation et des ouvriers professionnels. Toutefois, afin de ne pas mettre en cause l'équilibre interne de la profession, le pourcentage d'éducateurs susceptibles d'être recrutés par cette voie serait limité à 25 % ;

- la validation des acquis de l'expérience (VAE). Le ministère de la Justice étant cosignataire avec le ministère de l'Emploi et de la solidarité des textes régissant la formation de plusieurs catégories de travailleurs sociaux, la DPJJ a participé à la réflexion lancée en 2003 par la DGAS pour la mise en _uvre des textes organisant la VAE. Les premiers bénéficiaires de cette nouvelle disposition pourront se présenter aux concours organisés en 2004 ;

- le recrutement de contractuels. La PJJ bénéficie actuellement d'une autorisation de gager 301 emplois pour le recrutement d'agents contractuels sur des postes de titulaires. Ceci permet à la PJJ de pallier les carences du recrutement par voie de concours, ainsi que les difficultés d'affectation spécifiques rencontrées dans certaines zones géographiques, comme l'Île-de-France, la Picardie ou le Nord.

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Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé, le 4 novembre 2003, à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, sur les crédits du ministère de la Justice pour 2004.

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a rappelé l'adoption, il y a un peu plus d'un an, au terme de débats approfondis, de la loi d'orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002, mobilisant, pour la période 2003-2007, des moyens nouveaux importants afin d'améliorer l'efficacité de la justice, de traiter efficacement la délinquance des mineurs et d'améliorer l'accès des citoyens à la justice. Il a indiqué que le projet de budget pour 2004 était rigoureusement conforme aux engagements pris alors devant les Français. Il a considéré que ce traitement budgétaire favorable au regard des contraintes de maîtrise de la dépense publique ne faisait que renforcer son souci d'une bonne utilisation des moyens de l'État, afin de répondre aux attentes des Français. Il a ajouté que ce projet de budget s'inspirait également d'une volonté de modernisation et d'innovation dans le cadre de la réforme de l'État, tout en admettant que les traditions du ministère de la Justice étaient plutôt étrangères aux contraintes strictes de la gestion et de l'évaluation des résultats. Il a mis à la disposition de la Commission un document présentant sa stratégie ministérielle de réforme, arrêtée à la demande du Premier ministre, et qui repose sur une trentaine de réformes assorties d'un calendrier, dont certaines seront mises en _uvre dès 2004.

Il a ensuite développé plusieurs aspects du budget de la justice. Le projet de budget s'inscrit en cohérence avec la loi organique relative aux lois de finances, laquelle se traduira dès 2004 par des expérimentations dans chacune des composantes du ministère, portant sur un volume total de crédits de 180 millions d'euros. Dans le même esprit, les contrats d'objectifs et de moyens seront progressivement étendus à l'ensemble des cours d'appel. Dès 2004, les cours d'appel de Lyon et de Bastia ainsi que l'École nationale de la magistrature souscriront un tel contrat, dont le dispositif sera généralisé au 1er janvier 2006. Les engagements pris dans le cadre de ces contrats portent sur la réduction des stocks de dossiers en instance, sur la maîtrise des frais de justice, mais aussi sur des progrès qualitatifs et quantitatifs : amélioration du traitement des affaires civiles et pénales, efficacité de la mise en _uvre des politiques judiciaires. Plus qu'une technique, ces contrats d'objectifs sont un moyen d'administrer autrement. Afin de parvenir à ces résultats, le ministère passera à l'heure de l'administration électronique. Son budget informatique s'établira globalement à 84,1 millions d'euros en 2004, en progression de près de 3 % par rapport à 2003.

En 2004, avec un volume de crédits de 5,28 milliards d'euros et une progression de presque 5 %, la justice reste un secteur prioritaire. Les montants de crédits sont en ligne avec la loi d'orientation et de programmation, de même que les créations d'emplois, qui s'élèveront à 2 229 postes, soit une augmentation d'environ 10 % par rapport à 2003. Les services judiciaires disposeront de 715 emplois supplémentaires dont 150 magistrats, la protection judiciaire de la jeunesse de 234 emplois, les juridictions administratives de 97 emplois et l'administration centrale de 46 emplois. Les créations de postes commencent à donner leurs pleins effets sur le terrain : le nombre d'arrivées de magistrats, ou « localisations », dépassera ainsi le seuil de 300 en 2004. Le potentiel des juridictions et la rapidité de traitement des dossiers en seront significativement améliorés. En particulier, les sept juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance économique et financière bénéficieront de l'affectation de 86 postes de magistrats et 112 postes de fonctionnaires, notamment de greffe.

Un effort particulier est consenti pour les créations de postes dans l'administration pénitentiaire, qui bénéficiera de 1 128 emplois afin de répondre à l'augmentation récente de la population carcérale, de renforcer la capacité de maintien de l'ordre, de créer des établissements adaptés pour les mineurs et de poursuivre le programme d'ouverture d'unités hospitalières sécurisées interrégionales.

En vue d'améliorer la gestion du ministère, la filière administrative y sera renforcée, notamment par la création de 60 postes de secrétaires administratifs dans les juridictions, qui permettront aux greffiers de se recentrer sur leurs fonctions juridictionnelles. Pour assurer l'équilibre du système, ces créations d'emplois s'accompagnent d'une progression de 7 % des crédits de fonctionnement pour l'ensemble du ministère.

Les crédits de fonctionnement des services judiciaires augmentent de 5,4 % afin d'accompagner les recrutements de magistrats et de fonctionnaires, de mettre en service de nouveaux bâtiments judiciaires, de renforcer la sécurité des juridictions, de poursuivre le développement de l'informatique déconcentrée et de développer la visioconférence, laquelle fait l'objet d'un groupe de travail interne en vue d'expérimentations dès 2004. Le recrutement d'au moins 600 juges de proximité en 2004, conforme à l'objectif de 3 300 à la fin de 2007, sera rendu possible par l'augmentation de 5,8 % des crédits de vacation.

La progression de 5 % des crédits de fonctionnement de la protection judiciaire de la jeunesse permettra de prendre en compte l'évolution des dépenses immobilières et de communication, d'ouvrir trois nouveaux centres éducatifs fermés et de mettre en place une action éducative dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires.

Les crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire croissent de 10 %, afin de prendre en compte l'évolution du nombre des détenus et d'assurer la sécurité dans les prisons grâce à l'installation de tunnels à rayons X, à la mise en place de systèmes de téléphonie sans fil et à l'acquisition de gilets pare-balles pour les surveillants les plus exposés.

En matière de crédits d'intervention, les crédits d'aide juridictionnelle bénéficieront d'une mesure nouvelle de 15,8 millions d'euros, représentant 5 % de la dotation, afin d'améliorer la rétribution des avocats. Le budget de l'aide aux victimes augmentera de 17,5 %, soit un supplément de 1,1 million d'euros, afin d'aider davantage le réseau associatif et d'abonder le fonds de réserve pour la prise en charge des accidents collectifs. Pour justifier le caractère prioritaire de cette action, le garde des Sceaux a fait valoir qu'il n'y a pas de crédibilité de la justice sans une attention portée aux victimes.

Présentant les moyens consacrés à l'immobilier, M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, a souligné qu'ils connaîtraient en 2004 une forte croissance pour la deuxième année consécutive, les autorisations de programme dépassant un milliard d'euros, en augmentation de 50 % environ, et les crédits de paiement atteignant pour la première fois 300 millions d'euros, soit une progression de 5 %. Les autorisations de programme consacrées aux programmes judiciaires s'élèvent à 309 millions d'euros et les crédits de paiement à 119 millions d'euros pour 2004. Neuf chantiers importants de construction ou de rénovation de palais de justice doivent être lancés.

Quant aux constructions pénitentiaires, elles font l'objet de 688 millions d'euros d'autorisations de programme et de 173 millions d'euros de crédits de paiement. Ces dotations permettront de livrer les quatre derniers établissements prévus dans le cadre du « programme 4000 », augmentant ainsi de 2 000 places environ la capacité nette du système carcéral français. En outre, le quart du budget d'investissement pénitentiaire est consacré à la rénovation des établissements existants, qu'il s'agisse de projets majeurs portant sur de grands établissements du type Fleury-Mérogis ou d'opérations plus limitées. Un effort tout particulier est consenti en direction des mineurs : dès 2004, l'intégralité des projets pénitentiaires prévus par la loi de programme en direction des mineurs aura été lancée, qu'il s'agisse de la construction de nouveaux établissements ou de la rénovation des quartiers pour mineurs dans les établissements classiques.

Les premières procédures de partenariat entre public et privé pour la réalisation d'établissements pénitentiaires, prévues par la loi d'orientation et de programmation, seront lancées en 2004. Elles auront vocation à s'appliquer à une large proportion du programme de constructions, soit environ 9 000 places sur 13 200. Le budget pour 2004 prévoit à cet effet une autorisation de programme d'un montant de 335 millions d'euros ainsi que 60 millions d'euros de crédits de paiement destinés à l'achat des terrains. Il s'agira de la première mise en _uvre à une telle échelle d'un outil important de modernisation de la gestion publique.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits des services judiciaires et de l'administration centrale, a salué le fait que l'augmentation significative des moyens alloués à la justice en 2004 s'accompagne, contrairement à ce que l'on pouvait traditionnellement constater, de réformes de procédures et de structures, de telle sorte que les délais de traitement des dossiers pourraient être effectivement réduits. Il a fait observer que les auditions qu'il avait conduites dans le cadre de la préparation de son rapport avaient fait ressortir les difficultés de fonctionnement quotidien éprouvées par certaines juridictions, à l'exemple du tribunal de grande instance (tgi) de Paris, dont 72 des 136 photocopieurs ne faisaient plus l'objet d'opérations de maintenance. Après avoir indiqué que les dépenses de loyer représentent en 2003 61,27 % de la dotation de l'arrondissement judiciaire de Paris, il s'est interrogé sur l'adaptation des crédits de fonctionnement à l'augmentation continue des emplois. Puis il a appelé l'attention du garde des Sceaux sur la nécessité de moderniser les indicateurs statistiques, afin de suivre au plus près et de manière plus rapide l'évolution de l'activité des juridictions.

Exprimant sa satisfaction à l'égard de la mise en place d'une prime modulable attribuée aux magistrats de l'ordre judiciaire, il a demandé au garde des Sceaux selon quelle périodicité et selon quels critères elle serait distribuée. Il a souligné que l'actuelle majorité avait d'ores et déjà revalorisé régulièrement les indemnités de fonctions des magistrats de l'ordre judiciaire, indemnités qui étaient passées à 37 % en 1996, à 41 % en 2003 et à 45 % du traitement pour 2004, permettant un rapprochement de la situation des magistrats judiciaires avec celle des magistrats administratifs et financiers.

Il a demandé quelles perspectives de carrière seraient offertes, au-delà du 1 % d'augmentation salariale prévue pour 2004, aux agents de catégorie C, dont la participation au service public de la justice s'avère primordiale. Il a interrogé le garde des Sceaux sur les suites qu'il comptait donner au rapport présenté par M. Anicet Le Pors sur le personnel des greffes des juridictions administratives. Il a également demandé si des mesures étaient envisagées pour rationaliser les modes de recrutement des magistrats et actualiser le programme du concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature. Enfin, il s'est dit favorable à la transformation de l'École nationale des greffes en établissement public, afin qu'elle puisse faire face de la manière la plus satisfaisante possible à l'augmentation des effectifs d'élèves.

Mme Valérie Pécresse, rapporteure pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, après s'être félicitée du respect des objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, a souhaité savoir, à l'heure où le projet de budget prévoyait l'acquisition de 2 000 bracelets électroniques, quelles mesures seraient prises pour inciter les magistrats à recourir plus fréquemment à la surveillance électronique. Elle a demandé selon quelles modalités les « centres de détention à régime allégé », dont la création avait été proposée dans le rapport présenté récemment par M. René Eladari, s'articuleraient avec les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées. Puis elle a sollicité l'avis du garde des Sceaux sur le rapport de l'Observatoire international des prisons, qui avait dénoncé la surpopulation carcérale. Enfin, elle l'a interrogé sur les mécanismes d'évaluation qui seraient mis en _uvre pour suivre l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse, dont le fonctionnement avait été sévèrement critiqué par la Cour des comptes dans un rapport particulier de juillet 2003.

M. André Vallini a indiqué qu'il n'était pas convaincu par la mise en place de primes au rendement, qu'il a jugées contraires à l'indépendance des magistrats et dont les critères sont difficiles à déterminer, rappelant par ailleurs que les chefs de cour ignoraient souvent l'activité réelle des magistrats dont ils ont la responsabilité. Tout en indiquant que l'Observatoire international des prisons avait également publié des rapports très sévères sur la gestion carcérale du précédent gouvernement, il a observé que la surpopulation des prisons avait atteint cet été un record historique, expliquant les prises de position de cette association. Après avoir indiqué qu'il souscrivait aux propositions de M. Jean-Luc Warsmann relatives au développement des mesures alternatives à l'incarcération et qu'il était favorable au développement des établissements pour mineurs, il a regretté que l'état de grâce observé lors du vote de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et du rapport de la commission d'enquête sur les prisons ait pris fin en 2001. Évoquant enfin le rapport Terra sur le suicide en prison, il a souhaité connaître les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène.

M. Gérard Léonard a déclaré partager la satisfaction des rapporteurs pour avis sur la bonne exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, observant que la deuxième année était souvent décisive. Il s'est notamment félicité de voir que les créations d'emplois sont accompagnées des moyens de fonctionnement correspondants. Évoquant l'évaluation en cours des maisons de justice et du droit, il a souhaité savoir s'il existait une synthèse des conclusions de cette évaluation. Après avoir rappelé que trois maisons de justice et du droit avaient été créées dans la communauté urbaine du grand Nancy, et qu'elles fonctionnaient de manière satisfaisante, il a souhaité connaître la politique de la Chancellerie en matière de financement, observant que ces structures bénéficiaient souvent des services d'un greffier et d'agents de justice.

Après avoir évoqué le rapport de la Cour des comptes remettant en cause de manière relativement sévère le fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, M. Jean Leonetti a jugé nécessaire d'évaluer les moyens mis en _uvre pour lutter contre la délinquance des mineurs. Après avoir cité l'augmentation des mesures de réparation, le raccourcissement des délais d'exécution des mesures éducatives et la construction de quartiers pour mineurs, il a insisté sur l'importance des classes-relais, fondamentales pour l'insertion des jeunes délinquants. Au-delà du partenariat État-conseils généraux, il a souhaité savoir s'il était possible d'associer plus étroitement les municipalités à la politique de prévention de la délinquance.

Évoquant la difficulté que pouvait éprouver le Conseil supérieur de la magistrature à s'assurer de la pertinence et du bien-fondé des notations de magistrats, notamment au regard de la pratique des surnotations utilisée pour faciliter le transfert d'un magistrat vers une nouvelle affectation, le Président Pascal Clément s'est demandé s'il ne serait pas judicieux de mettre l'inspection générale des services judiciaires non seulement à la disposition du garde des Sceaux, mais également des chefs de cours et de juridictions.

M. Robert Pandraud a souhaité connaître l'état du dossier relatif à la salle d'audience de l'aéroport de Roissy. M. André Vallini ayant suggéré, à cet égard, de créer un tribunal à Roissy, d'autant plus justifié que, dans cette zone économique en plein essor, la mise en place d'une juridiction prud'homale, commerciale et civile était incontestablement légitime, M. Robert Pandraud a ajouté qu'il demandait une telle création depuis deux décennies.

Évoquant le placement en foyer de mineurs délinquants, M. Xavier de Roux a jugé indispensable de développer la coopération entre les conseils généraux et le ministère de la Justice afin de trouver des solutions alternatives à celles qui consistent à placer des jeunes délinquants dans des foyers de protection de l'enfance. Il a déploré que, du fait d'un manque patent de places dans des structures adaptées, des jeunes soient placés, pour des raisons familiales et sociales, dans des foyers avec des jeunes délinquants. Interrogeant ensuite le ministre sur le taux de progression des incarcérations par rapport aux capacités d'accueil dans les établissements pénitentiaires, il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur le développement des alternatives à l'incarcération. Il a enfin demandé au ministre de fournir un bilan de la mise en place des juridictions de proximité dont la création a été décidée par le législateur en 2002.

Tout en faisant état des divergences de fond qui subsistent entre l'actuelle majorité et l'opposition sur les problèmes de la justice, M. Bernard Roman a salué la qualité d'écoute dont témoigne le garde des Sceaux à l'égard des parlementaires. Déclarant partager la satisfaction du ministre sur le taux de progression du budget du ministère de la Justice, il a néanmoins émis des réserves sur la façon dont les crédits pouvaient être utilisés : citant le cas de personnes placées en garde à vue pendant toute une nuit dans un commissariat de Lille, à la suite d'un léger dépassement du taux d'alcoolémie autorisé au volant, il a souhaité que les procédures soient améliorées afin que ces dérives ne puissent se reproduire.

M. Robert Pandraud a interrogé le ministre sur le nombre d'étrangers en prison ; il a plaidé pour une politique de coopération avec leur pays d'origine, dans lesquels ces détenus devraient effectuer ou achever leur détention.

En réponse aux intervenants, les ministres ont apporté les précisions suivantes :

-  La location des bureaux grevant lourdement les budgets de certaines juridictions, et pas seulement celle de Paris, une réflexion est conduite par la Chancellerie et le secrétariat d'État aux programmes immobiliers de la justice sur les investissements nécessaires pour remédier à cette situation.

-  Des efforts doivent être consentis afin de limiter le grand nombre de vacances de postes au tribunal de grande instance de Paris qui fait figure d'exception en la matière : cette juridiction semble en effet peu attractive pour les magistrats comme pour les personnels des greffes, dont les effectifs connaissent un renouvellement rapide, les personnels y ayant souvent leur première affectation mais retournant en province dès que possible.

-  Une enveloppe de 150 000 euros a été affectée au tribunal de grande instance de Paris, afin d'assurer l'entretien des photocopieurs, fortement sollicités depuis que les avocats peuvent se faire délivrer copie de tout ou partie des actes et pièces des dossiers.

-  Les statistiques sur l'activité des services judiciaires élaborées par le ministère de la Justice pêchent par perfectionnisme et ne sont, du fait d'un décalage de deux ans, guère opérationnelles ; un travail est donc engagé pour disposer de statistiques portant sur des périodes d'activité plus rapprochées, nécessaires pour une bonne mise en _uvre des contrats d'objectifs ; si un gros travail reste à faire en matière pénale, les statistiques disponibles en 2004 en matière civile devraient porter sur l'année 2003.

-  Les magistrats de l'ordre judiciaire ont bénéficié en 2003 et bénéficieront en 2004 de revalorisations indemnitaires qui rapprocheront leur régime de celui des magistrats administratifs et financiers, 2,5 points seulement les séparant d'un alignement complet avec ces derniers ; cette revalorisation doit cependant être assortie d'un effort budgétaire à travers la mise en place d'une modulation des primes ; l'inconstitutionnalité de cette dernière ne paraît pas avérée, des mécanismes analogues ayant été mis en place au Conseil d'État, à la Cour de cassation, dans le juridictions administratives et financières ; l'attribution de cette prime ne relèvera pas de la compétence du ministre mais de celles des chefs de cour, sur proposition des chefs de juridiction ; cette prime sera versée mensuellement et sa révision, semestrielle, sera l'occasion d'un entretien entre l'intéressé et le chef de cour ; les critères d'appréciation qui seront retenus ne sauraient être des critères de moyens, tels que le nombre de placements en garde à vue ordonnés, mais des critères de résultat.

-  Essentiels au bon fonctionnement des juridictions, les agents de catégorie C ne doivent pas être oubliés ; à cette fin, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une revalorisation d'un point de leur indemnité, l'accès pour 80 agents de catégorie C au corps des greffiers, la création de postes de secrétaire administratif et la transformation des emplois d'agents de services techniques en emplois d'agents administratifs.

-  S'agissant des recrutements de magistrats, l'augmentation des effectifs ne nuit pas à la qualité des recrutements de magistrats, dont la diversification - étudiants, personnes disposant d'une expérience professionnelle - est satisfaisante.

-  Le rapport de l'inspection générale des services judiciaires sur les maisons de justice et du droit ne les remet pas en cause et ne demande pas non plus leur généralisation ; mais elles doivent s'insérer dans un schéma départemental et disposer de moyens pérennes ; l'augmentation des dotations aux associations permettra à la Chancellerie de leur apporter son soutien financier, qui prend le relais de crédits du ministère de la Ville ; en outre, il est impératif que les personnels des greffes affectés à ces maisons de justice et du droit soient de bonne qualité et des efforts sont consentis pour intégrer les agents de justice dans les métiers de la justice ; en tout état de cause, le bon fonctionnement de ces structures suppose une concertation entre les collectivités locales et le ministère de la Justice.

-  Il est indispensable que les chefs de cour exercent de la façon la plus complète et effective les compétences qui leur sont attribuées en matière disciplinaire ; le rapport que remettra la commission sur l'éthique des magistrats devrait comporter des propositions sur l'exercice du pouvoir disciplinaire.

-  32 juges de proximité sont d'ores et déjà nommés et une liste de 150 candidats a été transmise au Conseil supérieur de la magistrature ; des propositions portant sur un nombre équivalent de candidatures devraient ensuite être présentées au Conseil supérieur de la magistrature tous les trois mois environ ; l'examen des dossiers montre que les différents viviers de recrutement pointés par le législateur sont exploités et on dénombre beaucoup de candidatures de qualité ; le fonctionnement concret de ces nouvelles juridictions devra être examiné sur le terrain, mais, d'ores et déjà, les premiers échos sont encourageants.

-  La chancellerie et le ministère de l'Intérieur ont confié à une mission commune le soin d'expertiser le site de la salle d'audience de Roissy afin de s'assurer qu'il est adapté au fonctionnement d'une juridiction et d'évaluer les travaux nécessaires à son utilisation ; il est vrai que la plan de cette salle, conçue à l'époque par le ministère de l'Intérieur, ne correspond pas aux us et coutumes des palais de justice ; en tout état de cause, il est préférable, pour des raisons humanitaires, de juger sur place plutôt qu'au tribunal de grande instance de Bobigny confronté à une charge de travail considérable en matière correctionnelle.

-  Le rapport rendu par MM. Anicet Le Pors et Frédéric Aladjidi sur l'amélioration de la situation statutaire et des modalités de gestion des personnels des greffes des juridictions administratives a été transmis aux partenaires sociaux.

- La surpopulation carcérale reste préoccupante : le nombre des détenus est aujourd'hui de 58 500, après avoir atteint près de 61 000 au 1er juillet, près de 25 % d'entre eux sont des étrangers. Il faut garder présent à l'esprit le fait que l'augmentation de la population carcérale résulte d'une multitude de décisions juridictionnelles sur lesquelles l'administration pénitentiaire n'a aucune prise et qui s'imposent à elle.

-  L'observatoire international des prisons est une simple association de la loi de 1901 ; ses rapports ne reflètent que sa position et ne sont d'ailleurs pas toujours fondés sur une analyse rigoureuse de la situation carcérale. Toutefois, il est notoire que le parc pénitentiaire français est vétuste, près d'un établissement sur deux ayant été construit au 19e siècle. L'amélioration des conditions de détention est d'ailleurs l'une des priorités du Gouvernement, qui a initié un ambitieux programme de construction, tout en prévoyant un important recrutement de personnels : 2 000 gardiens surveillants seront recrutés annuellement pendant les cinq années à venir afin de tenir compte des importants besoins de l'administration pénitentiaire en personnels et des nombreux départs à la retraite prévus. C'est d'ailleurs grâce au renforcement des effectifs de gardiens surveillants, à leur professionnalisme et aux initiatives qu'ils ont prises que l'été 2003 s'est déroulé sans heurts majeurs, en dépit de la forte chaleur et de la surpopulation carcérale.

-  Compte tenu de cette surpopulation, les peines alternatives à l'incarcération doivent impérativement être développées ; la diminution du nombre des travaux d'intérêt général observée au cours des dernières années n'est pas acceptable, d'autant moins que nombre de collectivités locales sont désireuses d'en bénéficier. Par ailleurs, grâce à la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, l'administration pénitentiaire peut mettre en _uvre et assurer le suivi de près de 500 mesures de placement sous surveillance électronique, bien que les magistrats y recourent trop peu, puisque 250 personnes seulement sont placées sous ce régime. C'est pourquoi, dans le cadre de l'examen du projet de loi adaptant la justice aux évolutions de la criminalité, et conformément aux recommandations élaborées par M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport sur les peines alternatives à l'incarcération et les modalités d'exécution des courtes peines, il est proposé de permettre aux juridictions de jugement, et non au seul juge de l'application des peines, de prononcer ab initio un placement sous surveillance électronique. Le développement du bracelet électronique ne doit cependant pas être considéré comme l'unique solution à l'ensemble des problèmes liés à la surpopulation carcérale et à l'exécution des peines. En effet, cette mesure, difficile à supporter physiquement et exigeant une forte autodiscipline de la part des intéressés, s'adresse plus particulièrement aux personnes condamnées insérées socialement et équilibrées. Le développement du recours à la surveillance électronique passe également par une amélioration de l'organisation de l'exécution des peines, notamment grâce au renforcement des effectifs et des moyens alloués aux services pénitentiaires d'insertion et de probation. En tout état de cause, il importe qu'à l'avenir aucune libération sèche de prison ne puisse plus intervenir afin de mieux lutter contre la récidive et favoriser la réinsertion des condamnés.

-  L'essoufflement du recours aux mesures de semi-liberté et des placements à l'extérieur a conduit M. René Eladari à préconiser la mise en place de « centres de détention allégés ». Ces centres, moins sécurisés que les établissements pénitentiaires traditionnels et donc moins coûteux pour les finances publiques tout en offrant de meilleures conditions de détention aux condamnés, bénéficieraient, en revanche, de la présence renforcée de personnels socio-éducatifs et d'insertion. Cependant, l'administration pénitentiaire mène une réflexion sur la faisabilité technique de cette proposition.

-  Le rapport du professeur Terra sur les suicides en prison n'est pas encore achevé ; il a pour objectif de déterminer les moyens permettant d'obtenir une diminution du nombre de ces actes grâce à la mise en place de véritables indicateurs d'alerte au service de personnels chargés de la surveillance des détenus. A cet effet, ces personnels devraient bénéficier d'une formation spécifique rendant possible la détection anticipée des détenus présentant un risque suicidaire.

-  La mixité des détenus majeurs et des mineurs au sein des établissements pénitentiaires doit être évitée et c'est pourquoi le Gouvernement, tout en poursuivant un ambitieux programme de rénovation des quartiers mineurs prévoit, par ailleurs, la construction d'établissement pénitentiaires pour mineurs. Ces établissements devraient permettre d'adapter le rythme de la détention aux mineurs afin de tenir compte des contraintes spécifiques dues à leur âge, notamment grâce à la mise en place d'action de scolarisation et de formation soutenues.

-  Si la garde à vue tend à devenir la règle, au lieu de rester l'exception, c'est aussi parce qu'elle revêt un caractère protecteur pour les personnes avec l'intervention de l'avocat, comme pour la justice. Toutefois, la procédure de remise en liberté demeure trop complexe ; cette situation requiert non une modification de la loi, mais des instructions aux parquets.

-  La nécessaire réforme de la protection judiciaire de la jeunesse doit s'inscrire dans un projet global tendant à l'amélioration de la justice des mineurs. A cet égard, il importe de renforcer les liens institutionnels entre cette administration et celle relevant des départements en permettant le développement de véritables partenariats.

-  Les actions de prévention de la délinquance des mineurs doivent, en priorité, être menées conjointement par les administrations d'État et celles du département, ce qui n'exclut pas la participation d'autres services relevant des collectivités locales à l'instar des administrations municipales.

- Le recours aux classes relais constitue indéniablement une solution intéressante à destination des mineurs en rupture scolaire mais capables de suivre un enseignement et doit, à ce titre, être encouragé.

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Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la Justice pour 2004 : services pénitentiaires et protection judiciaires de la jeunesse.

PERSONNES ET ORGANISATIONS SYNDICALES
ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Ministère de la justice

Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse SPJJ-FEN-FAJ-UNSA

Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée SNPES-PJJ-FSU

Syndicat national FO de la protection de la jeunesse SN-FO-PJJ

Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes

Mme Dominique Ciavatti, ancienne directrice des établissements pénitentiaires de Fresnes

Mme Cécile Petit, avocat général à la Cour de cassation

M. Michel Négrel, ancien directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse en Aquitaine

M. Jean-Marie Petitclerc, éducateur



DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Avis n° 1115 tome VI de Mme Valérie Pécresse au nom de la commission des lois sur les crédits des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse du projet de loi de finances pour 2004


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() À telle enseigne que le nombre de mineurs incarcérés atteindrait désormais 728 au 1er novembre 2003.