PAR M. DIDIER QUENTIN,

Député.

--

INTRODUCTION 5

I. - LES FONDATIONS D'UN NOUVEAU DÉPART POUR LES RÉGIONS ET DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER AINSI QUE POUR SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON ET MAYOTTE ONT ÉTÉ POSÉES DEPUIS JUIN 2002 7

A. UN STATUT JURIDIQUE ADAPTÉ : LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE 7

B. LES OUTILS D'UNE CROISSANCE SAINE ET DURABLE : LA LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER 14

C. UN ACQUIS À SÉCURISER ET À CONSOLIDER : LE GRAND DÉFI EUROPÉEN DE L'OUTRE-MER 19

II. - LE PROJET DE BUDGET POUR 2004 S'INSCRIT DANS CETTE DYNAMIQUE DES RÉFORMES 23

A. DÉVELOPPER L'EMPLOI ET L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE OUTRE-MER 25

B. AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES POPULATIONS 29

C. VALORISER L'OUTRE-MER DANS L'ENSEMBLE NATIONAL, EUROPÉEN ET INTERNATIONAL 33

AUDITION DE MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DE L'OUTRE-MER 41

MESDAMES, MESSIEURS,

Lorsque, il y a un an, était présenté le premier projet de budget pour l'outre-mer de la nouvelle législature, une réforme constitutionnelle aux enjeux majeurs était alors en discussion au Parlement, de même que débutait la vaste concertation sur ce qui allait devenir la loi de programme pour l'outre-mer. Deux étapes fondamentales pour l'avenir des collectivités d'outre-mer qui sont aujourd'hui réalité, un peu plus de douze mois après l'entrée en fonction du Président de la République : en une année, le Gouvernement aura donné corps aux engagements pris, pour l'outre-mer, par le Chef de l'État lors de la campagne présidentielle du printemps 2002.

Ainsi, avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 portant organisation décentralisée de la République, c'est une étape historique pour l'outre-mer français qui a été franchie, dont la « portée pourrait être comparable à celle de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, qui avait accordé le statut de département à la Réunion, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique » (). Les collectivités d'outre-mer qui s'inscrivent dans le cadre de l'article 73 se voient ainsi reconnaître un pouvoir accru d'adaptation des lois et règlements, en cohérence avec la reconnaissance, par l'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne, de la spécificité des régions ultrapériphériques. Elles ont, en outre, la possibilité de choisir le statut sous lequel elles veulent exister dans la République, tout choix de passage de l'identité législative (article 73) à la spécialité juridique (article 74) étant soumis à l'acceptation des populations concernées.

En matière de progrès économique et social, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 instaure les conditions d'une croissance durable, dans le long terme. Fondée sur « une logique d'activité, de refus de l'assistanat », comme l'a souligné la ministre de l'outre-mer, elle parachève et approfondit le dispositif déjà existant d'exonérations sociales et de défiscalisation, en donnant aux territoires concernés une vision de leur action sur quinze ans.

*

Ainsi, si le budget de l'outre-mer pour 2003 fut avant tout un budget de rupture et de transition, le projet de loi de finances pour 2004 représente le premier acte d'une politique budgétaire destinée à ancrer l'outre-mer dans une croissance durable et à redéfinir les fondements d'une synthèse républicaine renouvelée.

Avec des crédits fixés à 1,121 milliard d'euros, le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2004 est en hausse de 3,4 % par rapport à 2003. Les quatre DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte - collectivités auxquelles le présent rapport est consacré - bénéficient sur ce budget global de 868,66 millions d'euros.

Cette progression, supérieure à celle du budget général de l'État, dans un contexte budgétaire difficile, témoigne de l'important effort financier que le Gouvernement entend poursuivre pour tenir compte des besoins spécifiques de l'outre-mer.

évolution du budget de l'outre-mer sur les cinq dernières années (en euros)

Un effort financier qui s'inscrit dans le long terme, comme le souligne la structure même de ce projet de budget : les investissements en représentent 23 %, contre 9 % l'an dernier. Cet accroissement est la marque d'une action cohérente et efficace, qui s'inscrit en droite ligne des réformes constitutionnelles, économiques et sociales déjà engagées.

*

* *

I. - LES FONDATIONS D'UN NOUVEAU DÉPART POUR LES RÉGIONS ET DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER AINSI QUE POUR SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON ET MAYOTTE ONT ÉTÉ POSÉES DEPUIS JUIN 2002

Il ne fait pas de doute que la logique d'intégration et d'assimilation qui a prévalu dans les départements d'outre-mer (DOM) de 1946 à 2003 doit être considérée, à maints égards, comme un succès. Les avancées qu'elle a permises sont incontestables : pour prendre un exemple particulièrement éclairant, l'espérance de vie dans les dom est aujourd'hui équivalente à celle de la métropole, alors qu'elle ne dépassait pas quarante ans aux Antilles en 1946. La comparaison entre le niveau de vie des collectivités concernées et celui de leur environnement régional est, de même, édifiante.

COMPARAISON DU NIVEAU DE VIE ENTRE LES ANTILLES FRANÇAISES, LA GUYANE, LA RÉUNION
ET LES PAYS VOISINS DE LA CARAÏBE, DE L'AMÉRIQUE LATINE ET DE L'OCÉAN INDIEN

(1) Année 2000

Nul ne peut nier, cependant, que le modèle assimilationniste a occulté l'enjeu du développement économique. Comme le soulignait M. Pascal Clément, rapporteur du projet de loi sur l'organisation décentralisée de la République, « en bref, le défi de l'assimilation institutionnelle et sociale a été relevé, mais pas celui du développement économique. À telle enseigne que c'est l'ensemble du modèle d'intégration qui est aujourd'hui menacé, le triptyque ne pouvant fonctionner de manière dissociée. (...) Les déséquilibres économiques structurels des dom, en mettant en question la capacité d'insertion sociale des économies domiennes, c'est-à-dire, in fine, l'égalité sociale au sein même des dom, font peser une menace, mortelle à terme, sur la cohésion sociale outre-mer » ().

Lors de la campagne présidentielle de 2002, le Président de la République s'est engagé à moderniser les institutions des collectivités d'outre-mer pour renforcer la démocratie de proximité en responsabilisant davantage les élus locaux. Comme il le soulignait, « une nouvelle répartition des pouvoirs est encore plus nécessaire pour les collectivités d'outre-mer en raison de leur grand éloignement géographique des centres de décisions nationaux - jusqu'à 20 000 kilomètres - et des problèmes spécifiques qu'elles rencontrent par rapport à ceux du reste du pays, et de l'environnement international particulier dans lequel elles évoluent (...) L'heure des statuts uniformes est passée. Il n'y a plus aujourd'hui de formule unique pour répondre efficacement aux attentes variées des différentes collectivités d'outre-mer. Chacune d'entre elles doit être libre de définir, au sein de la République, le régime le plus conforme à ses aspirations et à ses besoins, sans se voir opposer un cadre rigide et identique. » Cet objectif est aujourd'hui en voie d'être atteint.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a profondément rénové le cadre constitutionnel de l'outre-mer, en le solennisant, le clarifiant et en l'assouplissant.

· La réforme de la Constitution introduit une innovation majeure en inscrivant le nom de chacune des collectivités d'outre-mer dans un nouvel article 72-3 de la Constitution et en les répartissant entre deux catégories juridiques qu'il redéfinit. La désignation nominative des collectivités d'outre-mer dans la Constitution permet de consacrer solennellement leur appartenance à la République. Ainsi, ces collectivités ne pourront plus en sortir sans révision de notre texte fondamental, ce qui constitue une garantie importante contre une évolution non souhaitée.

· En deuxième lieu, elle définit deux catégories juridiques qui ont vocation à englober chacune des collectivités d'outre-mer. Ainsi, en réécrivant les articles 73 et 74 de la Constitution, la loi constitutionnelle, si elle perpétue une distinction entre deux catégories, la simplifie et l'assouplit.

L'article 73 définit le statut des collectivités d'outre-mer régies par le principe de l'assimilation législative, constitutif de la départementalisation et de la régionalisation outre-mer. L'adaptation demeure le mode principal d'intégration dans l'ordre juridique interne, sa définition étant calquée sur celle des régions ultrapériphériques (rup) introduite par le traité d'Amsterdam. La décentralisation de l'adaptation est autorisée, de même que, dans certaines matières, l'extension du pouvoir normatif par habilitation législative.

Ce nouvel article s'inscrit dans une démarche évolutive puisque quatre options sont désormais ouvertes en matière institutionnelle :

- le statu quo, qui implique le maintien des deux collectivités et des deux assemblées. Cette option est une obligation constitutionnelle pour la Réunion qui a souhaité que son refus de toute évolution institutionnelle soit explicitement inscrit dans la loi fondamentale ;

- le maintien des deux collectivités avec une seule assemblée délibérante ;

- l'instauration d'une nouvelle collectivité qui viendrait se substituer au département et à la région et serait dotée de compétences nouvelles ainsi que d'une organisation spéciale ;

- le changement de régime juridique, par la création d'une nouvelle collectivité qui entrerait dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.

L'article 74 institue, en effet, une nouvelle catégorie juridique dénommée « collectivité d'outre-mer », qui se substitue à celle des territoires d'outre-mer (TOM) et a vocation à englober toutes les collectivités régies entièrement ou partiellement soumises au principe de la spécialité législative Elle concernera ainsi les anciens tom, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, mais également les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Ces quatre collectivités ont également pour point commun d'exercer des compétences propres dans des matières qui relèvent du domaine de la loi et sont dans une même situation au regard du droit communautaire. Outre la Nouvelle-Calédonie, les terres australes et antarctiques françaises, dernier territoire d'outre-mer en vertu de sa loi statutaire du 6 août 1955, resteront en dehors de cette classification.

· En troisième lieu, la nouvelle rédaction de la Constitution prévoit le consentement préalable des électeurs de la collectivité concernée en cas de transfert d'une catégorie à l'autre. Aucun changement de régime ne pourra donc intervenir sans le consentement des populations intéressées.

Au total, comme l'a rappelé la ministre de l'outre-mer lors du conseil des ministres du 8 octobre 2003, la réforme constitutionnelle est avant tout un dispositif de sécurisation institutionnelle pour les collectivités territoriales concernées et leurs habitants. C'est désormais à ceux-ci qu'il revient de prendre leur avenir institutionnel en main. Certes, s'il est vrai que l'organisation d'éventuelles consultations de la population est décidée par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement ou du Parlement, il appartient cependant aux élus locaux de faire au Gouvernement les propositions d'évolution statutaire ou institutionnelle qu'ils souhaitent voir soumises au suffrage des électeurs. Ainsi que l'a rappelé récemment le Président de la République, dans un entretien donné à la Dépêche de Tahiti du 23 juillet 2003, ce n'est pas à l'État de proposer un projet institutionnel ou statutaire pour ces collectivités. C'est à elles, et à elles seules, qu'il revient de déterminer si elles souhaitent conserver leur statut actuel ou si, au contraire, elles souhaitent le voir évoluer. Ces propositions doivent naturellement faire, au préalable, l'objet d'un large accord politique local.

Le rôle du Gouvernement, une fois cette condition préalable remplie, consiste à vérifier qu'elles sont conformes à la Constitution : si le Gouvernement n'a pas, dans l'esprit de la réforme, à prendre position sur les évolutions envisagées, dans la mesure où elles émanent d'élus responsables, il lui appartient pleinement, en revanche, de souligner, voire de rappeler, le cas échéant, que les évolutions ainsi soumises au suffrage populaire s'inscrivent dans le cadre des principes de la République et de l'appartenance à la France. C'est une fois cette condition essentielle satisfaite que le chef de l'État, saisi par le Gouvernement, pourra décider de convoquer les électeurs. Ajoutons qu'une réponse négative de leur part empêchera de donner suite à la réforme ; en cas de réponse positive, il reviendra au Gouvernement et au Parlement de décider la suite du processus d'évolution approuvé par la population.

Au cours des années récentes, un débat institutionnel d'une grande richesse s'est développé outre-mer. C'est essentiellement la levée de l'hypothèque que faisait peser l'ambiguïté du statut des dom au regard du droit communautaire qui a permis cette éclosion des propositions d'évolution. En effet, l'ajournement d'un tel débat a longtemps été justifié par la place incertaine de ces collectivités dans l'édifice juridique européen : la crainte existait de voir les acquis communautaires obtenus par ces départements remis en cause par une évolution de leur statut. La reconnaissance officielle des dom français comme régions ultrapériphériques par l'article 299-2 du traité instituant la communauté européenne dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam permet, désormais, de dissocier la réflexion institutionnelle sur les dom de leur insertion dans l'édifice juridique de l'Union européenne.

Le second verrou, lié à l'ordre juridique national, ayant disparu, l'année 2003 s'est caractérisée par une accélération du processus, qui concerne aujourd'hui la Guadeloupe et la Martinique. Ainsi que nous l'avons expliqué, la Réunion a fait le choix du statu quo institutionnel, ce qui devrait en faire la seule région monodépartementale de France au cas où l'évolution souhaitée par les deux « départements-régions » des Antilles françaises est menée à son terme. Quant à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, auxquelles le présent avis est également consacré, elles restent sous le régime de l'article 74.

· C'est, à ce jour, la Martinique qui est la collectivité territoriale la plus en avance dans sa démarche d'évolution institutionnelle.

Comme le rapporteur l'avait expliqué dans l'avis qu'il avait présenté sur le projet de budget pour 2003, c'est au cours de l'année 2002 que les termes du débat institutionnel se sont noués en Martinique. Ainsi, deux sessions du Congrès des élus départementaux et régionaux de la Martinique se sont tenues, du 20 au 23 février 2002 et le 4 mars 2002, au terme desquelles un large consensus s'est dégagé sur un avant-projet de réforme institutionnelle, dans le prolongement de la « déclaration de Basse-Terre » du 1er décembre 1999.

Le 15 janvier 2003, les membres du Congrès ont formalisé leurs propositions dans un document relatif à la réforme du statut de la Martinique, reprenant les résolutions adoptées respectivement par le Congrès, en mars 2002, par le conseil général, le 4 avril 2002, et par le conseil régional, le 9 avril 2002. Ce document a été remis à la ministre de l'outre-mer lors de son déplacement en Martinique les 15 et 16 janvier 2003.

Dans une lettre du 18 mars 2003 adressée au président du conseil régional et au président du conseil général de la Martinique, la ministre de l'outre-mer a fait connaître ses observations sur certaines dispositions de ce projet. Le 10 avril 2003, les membres du Congrès se sont à nouveau réunis pour se prononcer sur les observations de la ministre et ont décidé de constituer une délégation de dix élus (« commission de suivi ») chargée d'élaborer avec le Gouvernement un accord qui serait contenu dans un  document à soumettre au suffrage des électeurs.

Le Conseil régional de la Martinique, réuni en assemblée plénière, a délibéré sur ces propositions du Congrès et les a adoptées le 12 mai 2003. Des réunions de travail tenues par visioconférences, en juin 2003, entre la ministre de l'outre-mer et les élus martiniquais ont permis d'aboutir d'un commun accord à la rédaction d'un document d'orientation sur l'avenir institutionnel de la Martinique, transmis au Gouvernement le 9 juillet 2003.

Ce document prévoit notamment que :

- la Martinique constituera, sur le fondement des articles 72 (alinéa premier) et 73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se substituant au département et à la région, dont elle exercera les compétences actuelles ;

- cette collectivité aura en outre vocation à exercer des compétences nouvelles, qu'il s'agisse de celles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de décentralisation, ou des compétences normatives prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution ;

- elle sera administrée par une assemblée délibérante de 75 membres, élus à la proportionnelle dans une circonscription électorale unique. L'organe exécutif de la collectivité sera élu par l'assemblée, parmi ses membres, et sera responsable devant elle. Trois conseils consultatifs - le conseil des communes, le conseil économique et social et le conseil pour l'éducation et la culture - bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition.

· Si la Guadeloupe s'engage dans la même voie, l'évolution de cette collectivité territoriale est plus complexe, du fait de l'existence de trois processus distincts.

S'agissant tout d'abord de la partie de la collectivité qui est généralement qualifiée de Guadeloupe « continentale », par opposition aux îles du nord, l'expression politique d'un régime institutionnel adapté à une région monodépartementale comme la Guadeloupe trouve son origine dans la « déclaration de Basse-Terre » du 1er décembre 1999 et dans les deux résolutions du congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe, adoptées à l'unanimité les 18 juin et 17 décembre 2001, qui servent de référence au débat actuel.

Si ce débat institutionnel a connu une pause au premier semestre 2002 avec les élections présidentielle et législatives, il s'est poursuivi, à partir du mois d'octobre 2002, à la faveur des assises des libertés locales et de la discussion au Parlement du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Pendant le débat constitutionnel au Parlement, deux résolutions ont, en effet, été adoptées par les assemblées délibérantes de la Guadeloupe :

- le 22 octobre 2002, le conseil régional a adopté une motion tendant à faire préciser que les régions d'outre-mer demeurant régies par les dispositions de l'article 73 restaient intégrées à l'Union européenne et bénéficiaient à ce titre des dispositions relatives aux politiques structurelles ;

- le 26 octobre 2002, le conseil général a adopté une résolution précisant que la substitution d'une autre collectivité à la région et au département actuels n'aboutirait pas à « basculer » vers le régime de l'article 74.

Le 22 février 2003, les commissions permanentes des conseils régional et général ont confirmé, par une délibération commune, leur volonté de faire évoluer les statuts actuels de région et de département de la Guadeloupe vers l'institution d'une nouvelle collectivité territoriale régie par une assemblée unique, placée dans le cadre de la République française et de l'Union européenne.

Le congrès des élus départementaux et régionaux, qui s'est tenu le 9 mai 2003, s'est clôturé sans avoir pu arrêter une position commune sur le mode de scrutin applicable à l'élection de la future assemblée unique et sur l'échéancier de la consultation des électeurs. L'ensemble des élus a cependant réaffirmé son souhait de voir érigée la Guadeloupe « continentale » en une collectivité nouvelle s'inscrivant dans le cadre de l'article 73 de la Constitution et dans celui de l'article 74 pour les communes insulaires de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Les élus se sont à nouveau réunis le 11 octobre 2003 et sont parvenus à un accord.

Parallèlement à ce processus propre à la Guadeloupe « continentale », les deux îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin s'orientent également vers des évolutions institutionnelles majeures, tout à fait différentes de celles souhaitées par les élus de la Martinique et du reste de ce qui est encore la région monodépartementale de la Guadeloupe.

S'agissant tout d'abord de Saint-Barthélemy, depuis plusieurs années, la reconnaissance des spécificités géographiques, historiques, économiques et humaines de l'île de Saint-Barthélemy constitue une demande récurrente des élus de cette commune du département de la Guadeloupe. De leur côté, les élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe ont, à plusieurs reprises, approuvé le principe d'une évolution statutaire séparée de l'île.

L'article 72-4 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, prévoit que le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale d'outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. En vertu du même article, la consultation peut également porter sur le passage du régime de l'article 73 de la Constitution (régime de l'identité législative adaptée) au régime de l'article 74 (régime de la spécialité législative modulée), « pour tout ou partie » d'une collectivité d'outre-mer.

Dans ce nouveau contexte, les élus de Saint-Barthélemy et le Gouvernement sont parvenus à un accord, consigné dans un document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Barthélemy.

Document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Barthélemy

1. Saint-Barthélemy constituera, sur le fondement de l'article 74 de Constitution, une collectivité d'outre-mer de la République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de Saint-Barthélemy et, sur le territoire concerné, au département et à la région de la Guadeloupe.

À Saint-Barthélemy, les lois et règlements s'appliqueront de plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l'État, sous réserve des mesures d'adaptation nécessitées par l'organisation particulière de la collectivité d'outre-mer.

La nouvelle collectivité d'outre-mer exercera les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions et celles qui pourront leur être transférées ultérieurement dans le cadre des futures lois de décentralisation. Elle exercera en outre les compétences dans les domaines suivants : fiscalité, sans préjudice de l'établissement d'une convention fiscale avec l'État qui déterminera la notion de résident ; régime douanier ; réglementation des prix ; urbanisme, aménagement, construction et logement ; cadastre ; domanialité publique ; circulation et sécurités routières ; voirie ; gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires ; droit de l'eau ; énergie ; tourisme ; environnement ; sport ; culture ; action sanitaire et sociale ; organisation et gestion des établissements de soins ; centre de secours ; des établissements hospitaliers ; des établissements d'enseignement primaire et secondaire ainsi que de la formation professionnelle ; transport scolaire ; postes et télécommunications ; accès au travail des étrangers.

Dans les matières qui relèveront de sa compétence, la collectivité pourra prendre des mesures dans le domaine de la loi ; en outre, dans certaines matières qui demeureront à titre principal de la compétence de l'État, la collectivité pourra être habilitée à adapter les lois et règlements.

3. La nouvelle collectivité d'outre-mer sera administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans selon les modalités actuellement prévues pour l'élection du conseil municipal.

4. Le président de l'assemblée délibérante, élu par cette dernière parmi ses membres pour la durée du mandat, sera l'organe exécutif de la collectivité d'outre-mer ; il sera assisté par une commission exécutive élue pour la même durée par l'assemblée délibérante, à la représentation proportionnelle de ses membres ; le président et la commission exécutive seront responsables devant l'assemblée délibérante.

5. Un conseil économique, social et culturel bénéficiera de compétence d'initiative et de proposition ; il sera obligatoirement consulté sur les projets d'actes et de délibérations de la collectivité d'outre-mer à caractère économique, social ou culturel.

Ces orientations ont été soumises au conseil municipal de Saint-Barthélemy qui, au cours de sa séance extraordinaire du 8 août 2003, les a approuvées à l'unanimité. En conséquence, le Gouvernement envisage de soumettre au Président de la République un projet de décret décidant de consulter les électeurs de Saint-Barthélemy, en application de l'article 72-4 de la Constitution, sur le document d'orientation susmentionné. Au préalable, le Gouvernement fera, devant chaque assemblée parlementaire, une déclaration sur cette évolution institutionnelle, qui sera suivie d'un débat. Si les électeurs de Saint-Barthélemy approuvent par leur vote le document d'orientation, le changement de régime constitutionnel de cette collectivité pourra être décidé par une loi organique.

L'île de Saint-Martin s'oriente vers une évolution similaire.

La ministre de l'outre-mer devrait saisir prochainement le Premier ministre afin que soit engagée la procédure permettant de proposer au Président de la République de consulter les électeurs sur les divers projets d'évolution institutionnelle. Ainsi, le Gouvernement va être amené à soumettre au Président de la République la proposition d'organiser des consultations populaires :

- en Martinique, où un large accord s'est dégagé entre les forces politiques, pour recueillir l'avis des électeurs sur la création d'une collectivité unique se substituant au département et à la région dans le cadre de l'article 73 de la Constitution ;

- à Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour recueillir l'avis des électeurs, conformément aux v_ux des conseils municipaux, sur une évolution statutaire propre à chacune de ces îles, qui les verrait passer du régime de l'assimilation à celui de la spécialité législative. Avant l'organisation de ces dernières consultations, le Gouvernement fera une déclaration suivie d'un débat devant le Parlement, respectant ainsi l'obligation constitutionnelle qui lui est faite lorsqu'il est envisagé qu'une collectivité passe du régime de l'assimilation législative à celui de la spécialité législative.

- en Guadeloupe, la démarche de ces deux îles n'étant pas exclusive de celle que viennent de finaliser le conseil général et le conseil régional de Guadeloupe, en adoptant un document d'orientation sur une évolution institutionnelle transformant cette région monodépartementale en une collectivité unique dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.

La proposition du Gouvernement au Président de la République en vue d'organiser les consultations, dont il est envisagé qu'elles aient lieu le 7 décembre 2003, devrait intervenir avant la fin du mois d'octobre. Il convient, en effet, que la décision du Président de la République puisse intervenir suffisamment longtemps avant la date du scrutin, afin que les forces politiques locales soient en mesure d'expliquer leur position et de mener campagne en éclairant pleinement les électeurs sur l'alternative qui leur sera soumise : soit le statu quo soit la création d'une nouvelle collectivité territoriale.

Au-delà de visions différentes de leur avenir institutionnel, les dom partagent une conviction commune : le débat institutionnel ne doit plus focaliser l'attention et l'énergie de tous les responsables, mais doit rapidement servir l'enjeu du développement économique qui l'inspire. Là réside la portée de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 : de même que la loi de 1946 fut une révolution sereine, visant un objectif défini sans ambiguïté, celui de l'égalité sociale, de même, la révision constitutionnelle vise à permettre aux dom de prendre à bras-le-corps, mais dans la sérénité, le problème du développement économique. Sereinement, c'est-à-dire en ayant choisi les outils avec lesquels chacun d'entre eux compte entamer ce chantier majeur : c'est là l'un des enjeux du renforcement des possibilités d'adaptation de la loi par les dom. En effet, si l'égalité sociale avec la métropole signifiait la stricte assimilation, le développement économique durable signifie au contraire la mise en _uvre de politiques spécifiques à chaque dom. C'est aux acteurs locaux de terrain qu'il revient de décliner l'égalité dans la spécificité, l'objectif essentiel étant de libérer les énergies et de rétablir les voies de la cohésion et de l'intégration sociales.

Dans cette optique, la loi de programme pour l'outre-mer adoptée le 21 juillet 2003 (lopom) se présente comme le complément indissociable de la réforme constitutionnelle.

Ce texte, qui est la traduction au plan législatif des engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement, vise à promouvoir un développement économique de l'outre-mer, fondé sur une logique d'activité et de responsabilité. Ses dispositions s'inscrivent dans le long terme (15 ans) et s'articulent autour de quatre axes :

- encourager la création d'emplois, afin que les économies ultramarines soient en mesure d'offrir, notamment aux jeunes, des emplois durables (titre Ier). Dans la continuité de l'effort engagé depuis 1994, il est proposé un allégement renforcé des charges sociales pour les entreprises qui subissent plus particulièrement les contraintes liées à l'éloignement, à l'insularité et à un environnement régional où le coût du travail est particulièrement bas. Le budget de l'outre-mer pour 2003 en portait déjà la marque, la loi de programme l'a formalisé : c'est l'emploi durable dans le secteur marchand qui est au c_ur de la politique d'emploi outre-mer. À ce titre, la lopom se traduira par 55 millions d'euros d'exonérations de charges sociales supplémentaires.

Par ailleurs, le texte prévoit des incitations à l'embauche en entreprise des jeunes - notamment ceux dont les contrats emplois-jeunes arrivent à expiration - et des bénéficiaires du rmi. Pour ces derniers, il s'agit de promouvoir une logique d'insertion par l'emploi, ouvrant droit à un revenu d'activité se substituant à des revenus de remplacement de moindre montant.

- favoriser la relance de l'investissement privé, grâce à un dispositif de défiscalisation qui suscite véritablement l'initiative (titre II). Le projet de loi vise à apporter notamment aux secteurs de l'hôtellerie et du logement le soutien qui doit leur permettre de participer davantage au développement économique et social de l'outre-mer. Il introduit plus de transparence dans le traitement administratif des dossiers et une déconcentration accrue du processus d'octroi des agréments, lorsqu'ils sont nécessaires.

- améliorer l'accession sociale à la propriété des plus modestes et encourager la modernisation du parc locatif social (titre III).

- renforcer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole (titre V). Afin de créer les conditions du développement d'une meilleure offre de transport, tant en termes de capacité que de coûts, une mesure d'exonération de charges sociales est proposée pour les compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l'outre-mer. En outre, à l'instar de ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques, un dispositif d'abaissement du coût du transport aérien est proposé, prenant la forme d'une dotation annuelle accordée à chaque collectivité d'outre-mer.

Des relations financières clarifiées entre l'État et les collectivités territoriales d'outre-mer

Au-delà de ces dispositions de caractère économique et social, il convient également de souligner que la loi de programme pour l'outre-mer comporte un volet important de mesures en faveur des collectivités territoriales d'outre-mer.

À ce titre, le rapporteur souhaite mettre l'accent sur l'article 47, qui prévoit que « les dotations de l'État aux collectivités territoriales font l'objet de dispositions particulières qui tiennent comptent de leurs caractères spécifiques ».

S'il est vrai que cette disposition est dotée d'une valeur normative limitée, elle n'en représente pas moins un élément important et doit être mise en perspective avec la réforme constitutionnelle présentée ci-dessus. Cette disposition repose sur la conviction que la recherche de l'égalité économique de l'outre-mer passe par la reconnaissance de la diversité des situations de ses collectivités et par la nécessité de mettre en _uvre des dispositifs spécifiques qui tiennent compte de leurs caractères propres. Elle implique que les critères de calcul et de répartition des dotations de l'État, à savoir, essentiellement, la dgf (dotation globale de fonctionnement) et la dge (dotation globale d'équipement), soient adaptés à ces spécificités. De fait, les collectivités d'outre-mer sont confrontées à des besoins particuliers en raison de leur caractère insulaire, d'une croissance démographique particulièrement forte et d'un retard de développement des infrastructures lourdes des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (assainissement, réseaux, voirie et transports). Qui plus est, leurs ressources propres sont d'un niveau généralement plus faible qu'en métropole, certaines collectivités présentant même des handicaps structurels tels que ces ressources sont quasiment inexistantes.

Ces spécificités devront être prises en compte lors de la définition des règles objectives et équitables qui permettront une meilleure adaptation des dotations de l'État aux besoins des collectivités. Il s'agira de fixer des règles qui ne soient plus simplement définies à partir d'adaptations marginales des critères en vigueur pour les collectivités de métropole, mais qui soient élaborées en fonction des besoins propres des collectivités ultramarines. La mise en _uvre de l'article 47 de la loi du 21 juillet 2003 doit être réalisée dans le même calendrier que la réforme des dotations de l'État aux collectivités locales qui doit accompagner la réforme de la décentralisation. Elle fait l'objet d'études préparatoires approfondies qui impliqueront naturellement une phase de concertation avec les élus concernés ainsi que la consultation du comité des finances locales.

L'article 47 prévoit par conséquent un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi pour que le Gouvernement évalue précisément la situation financière des collectivités concernées et en tire les conséquences. De ce fait, compte tenu du calendrier prévu, les incidences financières de cette future réforme ne seront pas effectives avant l'exercice 2005. Il était important toutefois, après la réforme constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République et avant que soit examiné le projet de loi organisant les transferts de compétences effectifs à destination des collectivités territoriales de la République, de prendre, dès la loi de programme, ce qui s'apparente à une clause de rendez-vous.

Ajoutons que les collectivités territoriales d'outre-mer, à l'instar de leurs homologues métropolitaines, se sont vues transférer des charges non financées lors de la précédente législature, phénomène qui a été accentué par l'introduction de dispositions particulières liées à leur situation spécifique. La loi de programme elle-même en porte la trace puisqu'elle introduit, à l'article 48, un nouvel article L. 2563-2-2 dans le code général des collectivités territoriales, qui prévoit qu'une dotation de premier numérotage sera versée entre 2004 et 2008 aux communes des départements d'outre-mer. En effet, la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer avait mis à la charge des communes, de façon obligatoire, ce premier numérotage, sans prévoir de moyens spécifiques pour sa mise en _uvre. Or, les difficultés financières rencontrées par ces collectivités trouvent en partie leur origine dans une connaissance très insuffisante des bases de la fiscalité locale ne permettant de mobiliser qu'une faible part du potentiel fiscal. L'objectif recherché par cette opération exceptionnelle de premier numérotage est donc d'améliorer la connaissance de ces bases. En application de cette disposition, une dotation de 0,5 million d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004.

Ce seul exemple souligne la nécessité d'une évaluation complète des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales d'outre-mer. À l'aube d'une nouvelle avancée de la décentralisation et de réformes institutionnelles historiques dans l'outre-mer français, il serait incohérent de partir sur des bases incertaines. Ce constat justifie pleinement l'insertion de cette disposition à valeur essentiellement déclarative.

Le renforcement des droits des femmes mahoraises

Dans un tout autre domaine, la loi de programme pour l'outre-mer représente une étape historique, dont le rapporteur tient à saluer l'importance. En effet, dans son article 68, elle met fin à d'importantes discriminations à l'égard des femmes mahoraises, en précisant les relations entre le statut civil de droit local et le droit civil commun :

- ainsi, le champ d'application du statut personnel de droit local est-il borné à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l'exclusion de tout autre secteur de la vie sociale. En outre, ce statut personnel ne peut limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen ;

- par ailleurs, la polygamie est interdite pour les personnes qui accéderont à l'âge requis pour se marier (18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes), à compter du premier janvier 2005. Comme l'a rappelé M. Mansour Kamardine, député de Mayotte, par ailleurs coauteur avec M. Victor Brial de l'amendement introduisant ces dispositions, lors du débat en séance publique, « à Mayotte, un homme peut avoir plusieurs femmes, mais une femme ne peut avoir qu'un seul mari. Je crois que cette inégalité ne saurait subsister trop longtemps sur le territoire de la République » () ;

- le mariage ne peut être dissous que par le décès de l'un des conjoints ou le divorce ou la séparation judiciairement prononcée. La rupture unilatérale de la vie commune par l'un des époux est une cause de divorce. La loi précise par ailleurs que les époux sont égaux dans les conditions et les effets de la dissolution du mariage. Sont concernées les personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1er janvier 2005 ;

- enfin, les discriminations entre enfants devant l'héritage, fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance, sont prohibées pour les enfants nés après la promulgation de la loi de programme.

Il reviendra naturellement aux juges de donner aux principes énoncés ci-dessus leur pleine effectivité : ils devront, à cette fin, combiner ces nouvelles prescriptions légales avec les autres dispositions du statut personnel : c'est donc la jurisprudence qui fixera les modalités d'application de ces réformes, dans le respect de l'autonomie du droit local. Le rôle du juge de droit commun est d'ailleurs conforté, dans la mesure où les Mahorais soumis au statut personnel auront le droit de choisir devant quelle juridiction - celle de droit commun ou le cadi - ils entendent porter les litiges relatifs à ce statut : le recours à la justice cadiale devient donc optionnel. Ainsi sera garanti l'égal accès aux tribunaux de la République dont les Mahorais soumis au statut personnel étaient écartés.

« Je pense que c'est un très grand progrès qui est proposé ici. Les femmes le souhaitent, les enfants aussi. C'est toute la société mahoraise qui évolue » : cette phrase prononcée par le député de Mayotte, au cours du débat, le rapporteur ne peut que la reprendre à son compte. Avec cet amendement, il est acquis que la polygamie, la répudiation unilatérale, l'inégalité devant l'héritage, l'impossibilité de recourir au juge ordinaire quand on est soumis au statut personnel, c'est-à-dire autant de pratiques et règles juridiques souvent mal comprises en métropole, s'éteindront progressivement et irréversiblement.

C'est d'ailleurs dans le caractère progressif du processus que réside sa constitutionnalité, mise en cause par l'opposition. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, saisi le 3 juillet 2003, cette disposition « ne méconnaît pas l'existence du statut personnel, dont le maintien est prévu par l'article 75 de la Constitution, puisque l'alinéa précédent en définit les composantes (état et capacité des personnes, régimes matrimoniaux, successions et libéralités) sans nullement, comme le soutenaient les requérants, le "vider de son contenu". La combinaison des deux alinéas est claire : les droits attachés à la qualité de citoyen français sont inaffectés par le statut civil local dans toutes les matières qui sont étrangères à celui-ci (notamment en matière de droits civiques). Dans les matières relevant du « statut personnel » (successions, état des personnes, etc.), les droits du citoyen (on pense par exemple à la liberté de circulation, au droit d'exercer une profession, au droit à ne pas subir un traitement discriminatoire, etc.) ne sont affectés que dans la stricte mesure nécessaire à la préservation du droit civil local pour toutes les personnes qui ont fait le choix de le conserver. » ()

Par conséquent, si le législateur ne pouvait mettre fin au statut personnel, en raison de l'article 75 de la Constitution, il ne lui était pas interdit de modifier ce statut dans un sens conforme à des exigences constitutionnelles comme l'égalité des droits ou la dignité de la personne humaine. C'est ainsi que l'article 68 de la loi déférée a pu, sans méconnaître l'article 75 de la Constitution, abolir la polygamie et la répudiation pour tous les Mahorais de droit civil local atteignant l'âge requis pour se marier après le 1er janvier 2005. Ainsi que le soulignait Mme Brigitte Girardin lors du débat parlementaire, « l'identité culturelle de Mayotte n'en sera nullement affectée, son appartenance à la nation s'en trouvera en revanche pleinement confortée ».

La perspective d'évolutions majeures au plan communautaire, qu'il s'agisse de l'élargissement de l'Union européenne, de l'avenir des travaux de la Convention, des réformes à venir de la politique agricole commune, de la politique commune de pêche et de la politique de cohésion économique et sociale ou encore des nouvelles négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (omc), a mis en évidence la nécessité de renforcer la politique de l'« ultrapériphéricité » ().

l'enjeu de l'élargissement pour les dom :
le pib/habitant des pays de l'union européenne (ue) et des dix futurs membres

Moyenne des 10 : 4 492 euros

Moyenne UE : 20 248 euros

Moyenne des 10/moyenne UE : 22 %

Moyenne DOM/moyenne UE : 48 %

Moyenne régions ultrapériphériques : 53 %

Source : Jean-Paul Virapoullé, Les Départements d'Outre-Mer, Régions Ultra-périphériques et Traits d'Union de l'Europe, Rapport au Premier ministre, La Documentation française, mars 2003.

C'est pourquoi les trois États européens concernés par cette question - la France, l'Espagne et le Portugal - ont, dès 2002, jeté les bases d'une démarche visant à approfondir la mise en _uvre de l'article 299-2 du traité sur l'Union européenne, qui régit les régions ultrapériphériques (rup). Celle-ci les a conduits à élaborer puis à remettre à la Commission européenne un mémorandum commun signé le 2 juin 2003 à Paris. Pour la première fois, ils ont exprimé leurs demandes ensemble, en y adjoignant la voix des sept rup, et formulé des propositions sur l'avenir des rup dans l'Union européenne, plus précisément sur la politique de cohésion économique et sociale, l'agriculture, la pêche et les autres politiques. La réponse de la Commission est attendue d'ici à la fin de l'année 2003. D'ores et déjà, la réunion à la Martinique, à la fin du mois d'octobre 2003, entre les représentants des sept rup, des trois États concernés et le commissaire européen en charge du dossier devrait apporter des informations précises sur l'état des réflexions communautaires.

Cette période devrait voir arriver à son terme une seconde échéance capitale pour les dom, avec la parution du troisième rapport de la Commission européenne sur la politique de cohésion économique et sociale. Y figureront les grandes lignes de la future politique régionale à l'horizon post-2006.

Le moment est donc crucial, notamment pour la France qui est, en outre, actuellement en négociation avec la Commission européenne sur la reconduction et la consolidation du régime de l'octroi de mer, qui avait été prorogé pour un an à la fin de l'année 2002. Est, là encore, en jeu un acquis essentiel à la croissance durable des dom, un acquis qu'il reste à consolider.

Les politiques communautaires ont joué un rôle actif dans le rattrapage économique et social des DOM par rapport à la métropole : comme l'a rappelé le Président de la République aux Réunionnais, le 18 mai 2001, « l`Union européenne contribue pour une part importante au développement économique et social de vos régions. D`abord en soutenant les productions essentielles que sont le sucre, le rhum et la banane, qui tiennent une place centrale dans vos économies. Ensuite, en apportant une aide adaptée aux difficultés spécifiques qui sont celles de l`outre-mer. Enfin en encourageant la diversification et la modernisation de vos économies ». Cet enseignement est également l'une des conclusions majeures tirées par le sénateur Jean-Paul Virapoullé chargé, en 2002, par le Premier ministre de formuler des propositions en vue de l'élaboration du mémorandum remis à la Commission européenne en 2003.

Pour prendre l'exemple des fonds structurels, au cours des deux périodes de programmation 1989-1993 et 1994-1999, les sept rup ont bénéficié d'un soutien financier à ce titre de l'ordre de 7,2 milliards d'euros, soit 2,5 % des sommes attribuées à l'ensemble des régions, pour 1 % de la population de l'Union européenne environ. Les programmes cofinancés par l'Union européenne ont, jusqu'en 1999, eu pour objectif prioritaire le renforcement en infrastructures, le développement des secteurs productifs créateurs d'emplois et l'amélioration des ressources humaines.

fonds structurels européens :
allocation par habitant de 1994 à 1999

Pour la période 2000-2006, les quatre DOM bénéficient de 3,4 milliards d'euros au titre des fonds structurels européens. S'agissant des politiques communes menées à leur profit, citons notamment les politiques européennes en matière d'agriculture ou de pêche : organisations communes de marché, volet agricole du POSEIDOM, régime spécifique d'approvisionnement, aides spécifiques aux productions agricoles locales, etc. Outre des dispositions spécifiques en matière fiscale et douanière, les DOM bénéficient également de dérogations en matière d'aides de l'État, leur pib par habitant restant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. La loi de programme pour l'outre-mer en est un exemple.

Au total, avec les politiques communes, ce sont, pour la période 2000 - 2006, plus de 7 milliards d'euros en provenance de l'Union européenne qui devraient être versés aux quatre DOM, conformément aux documents uniques de programmation (DOCUP) approuvés par la Commission au dernier trimestre de l'année 2000.

LES DOTATIONS EUROPÉENNES EN FAVEUR DES DOM

Région

Date d'approbation du DOCUP

Dotation globale du DOCUP

Dont dotation au titre des fonds structurels

Guadeloupe

23/11/2000

1 986,388

808,545

Guyane

29/12/2000

730,448

370,582

Martinique

21/12/2000

1 681,224

673,783

Réunion

30/10/2000

2 878,203

1 516,003

TOTAL

7 276,263

3 368,913

Source : ministère de l'outre-mer.

Reste que cet acquis est fragile. Si l'on considère le niveau de PIB par habitant dans les DOM, qui représente, en moyenne, 50 % du PIB communautaire, « les DOM présentent encore à l'heure actuelle un retard de développement économique » (). Au-delà de cette approche globale, l'étude de cet indice par DOM révèle des disparités préoccupantes : ainsi, si la Martinique, à l'instar des Canaries, des Açores ou de Madère, a vu le PIB par habitant augmenter par rapport à la moyenne communautaire entre 1995 et 1999 (de 63 à 65 %), cet indice a stagné en Guadeloupe (56 %) et régressé à la Réunion (de 53 % à 48 %) et en Guyane (de 59 à 52 %).

C'est pourquoi, dans le mémorandum commun remis aux autorités européennes, la France a fait des propositions allant dans le sens d'une sécurisation et d'un renforcement de l'acquis européen. En premier lieu, elle se prononce en faveur du maintien des dispositions de l'article 299-2 dans la future Constitution européenne. Par ailleurs, des aménagements rendus nécessaires par les évolutions institutionnelles de certaines collectivités d'outre-mer françaises sont proposés, telles que l'énumération des DOM - en écho à la réforme constitutionnelle - et l'entrée de Mayotte dans les RUP.

S'agissant de la politique de cohésion économique et sociale, la demande principale concerne le changement des critères d'éligibilité aux fonds structurels : alors qu'aujourd'hui, l'éligibilité à l'objectif 1 de la politique de cohésion concerne les seules régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, la France souhaite y substituer un critère prenant en compte la permanence et la combinaison des handicaps que subissent les RUP, indépendamment du critère de PIB. Cette demande se fonde sur une analyse comparative de la situation des RUP et des nouveaux entrants dans l'Union européenne. S'il est vrai que, au regard d'un critère de PIB, les futurs membres de l'Union européenne ont un retard supérieur à rattraper, il n'en demeure pas moins que ces pays vont bénéficier de leur proximité avec le centre de gravité de la croissance en Europe, selon un phénomène de « boule de neige ». Au contraire, comme le note très justement le sénateur Virapoullé, l'éloignement des RUP demeure un facteur pérenne de blocage qu'il faut compenser de manière tout aussi pérenne.

C'est donc une stratégie d'action volontariste que la France a adoptée pour conforter l'acquis européen des DOM. Encore faut-il se donner toutes les chances de voir cette stratégie réussir. À cet égard, il est essentiel que la consommation des fonds européens s'améliore, sous peine de voir les efforts français en faveur d'une continuité des DOM à l'éligibilité aux fonds structurels européens sérieusement décrédibilisés.

Des réformes récentes ont été mises en _uvre à cette fin. Ainsi, pour répondre aux difficultés rencontrées par les collectivités d'outre-mer dans la mobilisation rapide des fonds européens destinés à la réalisation de leurs projets de développement, le ministère de l'outre-mer a demandé à l'Agence française de développement, en concertation avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, de mettre en place un système de préfinancement de cette aide européenne. En juin 2002, le conseil de surveillance de l'agence française de développement a, par conséquent, approuvé la mise en place d'un produit de prêt permettant aux communes à court de ressources d'assurer, en amont, leur part de financement des projets d'investissements éligibles aux subventions communautaires. Ces produits sont définis pour répondre au besoin de financement : leur durée (au maximum 36 mois) est calculée pour permettre à la collectivité bénéficiaire de rembourser l'essentiel du montant de l'emprunt lorsqu'elle reçoit la subvention communautaire. Un système de garantie et de sûreté complète l'offre de prêt, de façon à assurer la sécurité financière de l'opération. Ce procédé permet à ces communes de bénéficier plus tôt des subventions communautaires, voire de ne pas les perdre quand leurs difficultés financières les empêchent de mobiliser à temps les ressources nécessaires.

La mise en place du dispositif de préfinancement des fonds structurels européens par l'agence française de développement a commencé au deuxième semestre 2002. Le Gouvernement ne dispose pas encore d'un bilan chiffré car l'offre de prêts de l'agence a, jusqu'au printemps 2003, rencontré des difficultés techniques liées au mécanisme de garantie et de sûreté que les collectivités ont jugé excessivement rigoureux au regard des autres caractéristiques du prêt. En conséquence, un assouplissement de ce système a été décidé pour assurer davantage de succès à ce produit.

II. - LE PROJET DE BUDGET POUR 2004 S'INSCRIT DANS CETTE DYNAMIQUE DES RÉFORMES

L'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer porté par le ministère de l'outre-mer peut être présenté de trois manières :

-- Par titre et par chapitre. Telle est la présentation qui en est faite dans les documents budgétaires. Selon cette présentation, le budget du ministère de l'outre-mer progresse de 3,4 % pour s'élever à 1,121 milliard d'euros. Sur ce montant, 868,66 millions d'euros concernent les DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, soit 14 % du total des crédits consacrés par l'État à ces collectivités ().

Sur le budget total du ministère, le titre III (personnel et fonctionnement) s'établit à 181,8 millions d'euros, en hausse de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, et représente 16 % du budget total du ministère.

Le montant du titre IV, à 681,1 millions d'euros, est également en augmentation (+ 8 %) et confirme le caractère de budget d'intervention du budget du ministère de l'outre-mer. Il représente, en effet, 61 % du budget total.

Le titre V, qui regroupe les investissements effectués par l'État, s'élève à 6,87 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 10,45 %.

Enfin, les subventions d'investissement inscrites au titre VI représentent 251,55 millions d'euros de crédits de paiement, en baisse de 6,64 %. L'effort d'investissement financé par le ministère de l'outre-mer représente 23 % de son budget total.

Si elle fait ressortir la principale caractéristique du budget pour l'outre-mer, à savoir son statut de budget d'intervention, cette norme juridique et comptable ne permet pas cependant de prendre en compte l'extrême diversité des actions en faveur de l'outre-mer, pas plus qu'elle n'établit de distinction entre les différentes collectivités. L'outre-mer forme, certes, un tout d'un point de vue politique, mais les réalités économiques, institutionnelles et sociales, tout en présentant des caractéristiques communes dans certaines collectivités, sont suffisamment diverses pour justifier une analyse plus fine.

-- Par collectivité. Cette présentation a l'intérêt d'appréhender le poids démographique respectif des collectivités concernées : comme l'illustre le tableau suivant, la Réunion fait figure, à cet égard, de « poids lourd ». En aucun cas toutefois, cette grille de lecture ne saurait être interprétée comme dessinant une hiérarchisation des priorités entre les différentes collectivités. Il convient ensuite de noter, d'une part, qu'à ce stade, 126,04 millions d'euros en crédits de paiement et 7,98 millions d'euros en autorisations de programme ne sont pas encore répartis ; d'autre part, que 2,52 millions d'euros en crédits de paiement et 0,48 million d'euros en autorisations de programme sont dévolus au financement du coût de gestion des services métropolitains.

LE PROJET DE BUDGET DE L'OUTRE-MER POUR 2003 :
PRÉSENTATION PAR COLLECTIVITÉ

(En millions d'euros)

 

Guyane

Réunion

Martinique

Guadeloupe

Mayotte

St-Pierre-et-Miquelon

Crédits de paiement

           

2003

73,88

305,66

129,93

127,95

50,17

8,48

2004

72,5

319,06

140,51

135,10

62,88

9,63

Autorisations de programme

           

2003

27,84

95,54

59,14

71,07

37,98

5,25

2004

39,22

103,83

40,86

48,98

56,63

3,71

Source : ministère de l'outre-mer.

--  Par thème et secteur d'intervention. Cette grille de lecture du budget présente l'énorme avantage de faire apparaître tout à la fois les problèmes auxquels les différentes collectivités d'outre-mer ont à faire face et les moyens mis en _uvre pour y répondre. Cette approche dynamique n'est d'ailleurs pas exclusive de la précédente, dans la mesure où il est tout à fait possible, dans un second temps, de décliner, pour chaque département, territoire ou collectivité d'outre-mer, les interventions mises en _uvre dans chaque secteur.

Selon cette grille d'analyse, outre le renforcement des moyens traditionnels en faveur de l'emploi, du logement social ou du soutien aux collectivités locales, ce projet de budget prend en compte la partie des mesures nouvelles prévues dans la loi-programme qui relève du budget du ministère de l'outre-mer ainsi qu'une mesure destinée à aider les personnes les plus démunies. Il convient en effet de rappeler que la loi de programme est financée pour l'essentiel par le ministère de l'économie et des finances pour la défiscalisation, par le ministère de l'équipement, des transports et du tourisme pour la continuité territoriale et que le ministère des affaires sociales continue de financer les exonérations de charges sociales.

Dans la perspective de la mise en _uvre des nouvelles dispositions introduites par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui prévoit, à compter de 2006, une organisation par mission et par action, cette présentation thématique devrait évoluer : à ce stade, les travaux interministériels en cours visant à préparer l'entrée en vigueur de la loi précitée tendraient à identifier trois programmes distincts pour conduire l'action de l'État outre-mer dans le cadre de politiques publiques appropriées :

- développer l'emploi et l'activité économique outre-mer ;

- améliorer les conditions de vie des populations ultramarines ;

- consolider l'intégration et valoriser l'outre-mer dans l'ensemble national, européen et international.

Tels sont d'ailleurs les trois axes que le rapporteur a retenus dans la présentation du présent projet de budget.

La baisse significative du chômage dans les DOM sur les douze derniers mois conforte le choix adopté dans le budget pour 2003, qui fait de l'emploi durable dans le secteur marchand le moteur de l'amélioration de la situation de l'emploi dans les DOM.

ÉVOLUTION DES INDICATEURS DE CHÔMAGE

(en %)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Total DOM

Métropole

Décembre 1998

29,4

29,4

22,2

35,6

31,2

11,5

Décembre 1999

30,4

28,6

21,8

36,0

31,4

10,6

Décembre 2000

26,8

25,6

19,9

34,9

29,0

9,2

Décembre 2001

23,6

24,0

19,1

28,6

25,5

9,0

Décembre 2002

23,4

23,6

20,1

26,4

24,5

9,1

Mars 2003

23,4

23,3

20,3

25,7

24,1

9,3

Source : INSEE.

Ainsi, en dépit d'un niveau toujours élevé (24 %), le chômage a marqué le pas dans ces zones, à l'encontre du mouvement observé en métropole.

Par conséquent, le projet de loi de finances pour 2004 confirme l'accent porté depuis 2003 sur le développement de l'emploi durable dans le secteur marchand. Ainsi, les crédits de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon s'élèvent à 466,4 millions d'euros, soit une très légère augmentation par rapport au précédent budget. L'emploi reste donc au c_ur des priorités du ministère de l'outre-mer, dont il représente 41,6 % des crédits.

Le fonds pour l'emploi dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) est plus que jamais l'instrument de la politique de l'emploi outre-mer, avec un budget de 389 millions d'euros dans le projet de budget pour 2004. Ce « bras armé » du Gouvernement dans son combat pour l'emploi dans les six collectivités mentionnées ci-dessus est aujourd'hui au c_ur de l'ensemble des dispositifs existants en la matière, dont il assure le financement :

- contrats emploi-solidarité ;

- versement aux agences d'insertion d'une participation financière aux contrats d'insertion par l'activité ;

- exonération des charges sociales des contrats d'accès à l'emploi ;

- exonération des charges sociales pour les contrats de retour à l'emploi encore en cours ;

- prime à la création d'emploi ;

- dispositif nouveaux services - emplois-jeunes ;

- contrats emploi-consolidé (cec), contrats emploi-solidarité (ces) ;

- projet initiative jeune (pij), congé de solidarité, prime à la création d'emplois et allocation de retour à l'activité (ara).

Dans le rapport qu'il avait présenté l'an dernier, le rapporteur s'était félicité de « l'exercice de réalisme et de vérité » engagé par le ministère de l'outre-mer dans le budget 2003, qui rompait en cela avec la logique d'affichage adoptée par le précédent Gouvernement. Il citait à ce titre les 23 000 mesures prévues dans le budget 2002 au titre de la loi d'orientation pour l'outre-mer (LOOM), soit 10 000 projets initiative jeune, 10 000 bénéficiaires de l'allocation de retour à l'activité et 3 000 personnes éligibles au congé solidarité. Comme il l'annonçait l'an dernier, ce ne sont effectivement que 7 550 mesures qui ont pu être financées.

Si elle a permis de renouer avec une approche réaliste de la politique de l'emploi outre-mer, l'année 2003 aura également été marquée, en la matière, par le retour de l'efficacité. Le bilan des différents dispositifs confirme en effet la montée en puissance des dispositifs orientés vers le secteur marchand : ce sont ainsi 5 004 contrats d'accès à l'emploi (cae) qui seront financés en 2003, contre seulement 4 478 en 2002.

D'après les informations fournies par la ministre de l'outre-mer lors de son audition par la Commission des lois, le nombre de cae devrait progresser de 20 % en 2004. Au total, la part des emplois aidés au financement desquels le fedom est associé s'établira à 67 %, contre 76 % en 2003.

Ce mouvement vers l'emploi durable dans le secteur marchand sera poursuivi et accentué en 2004, sans qu'il soit possible pour autant, sur la base des documents budgétaires, de fournir des données chiffrées sur le nombre de mesures prévues pour chaque type de contrat. En effet, du fait d'une modification dans la nomenclature budgétaire, il n'est plus possible de voir, dans les documents budgétaires, le détail des mesures financées par le FEDOM. Jusqu'alors en effet, différents articles permettaient de suivre l'évolution des crédits budgétaires alloués au financement des différents types de contrats. Désormais, un seul article supporte l'ensemble des crédits alloués au FEDOM, à l'exception toutefois d'un article relatif à l'action de ce fonds en Martinique. Dans l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, cette évolution de la nomenclature budgétaire traduit une volonté de moderniser et de dynamiser la gestion des crédits en faveur de l'emploi dans les DOM, selon une méthode qui sera expérimentée en Martinique dès 2004. Menée dans le cadre de la modernisation de la gestion financière de l'État, cette expérimentation, qui a vocation par la suite à être étendue aux autres DOM, consiste à globaliser les crédits et les mesures pour l'emploi alloués à ce département, afin d'y mener une politique de l'emploi dynamique avec, pour objectif, la diminution du taux de chômage et l'amélioration de l'insertion des publics prioritaires (jeunes, chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RMI). 70,39 millions d'euros sont donc alloués à cette expérimentation dans le projet de loi de finances pour 2004.

Au-delà de l'approche transversale de la question de l'emploi, il peut être intéressant d'illustrer le volontarisme de la politique d'emploi menée par le Gouvernement outre-mer en la complétant par une vision sectorielle. À cet égard, la question du développement de l'industrie touristique représente un enjeu majeur en termes d'emplois durables.

Le retournement de tendance dans ce secteur depuis 2000 est, en effet, préoccupant. Ainsi, après avoir bénéficié, de 1993 à 1998, des retombées bénéfiques d'une part, de l'ouverture de la desserte aérienne à de nouveaux transporteurs et d'autre part, du report sur d'autres destinations de la clientèle des pays du pourtour méditerranéen ayant connu des troubles politiques importants (Égypte, Turquie, Israël, Maghreb), les DOM sont, depuis 1999, confrontés à une crise touristique, qui a culminé en 2002. S'ils souffrent de la vive concurrence des destinations voisines de la Caraïbe, celle-ci a été aggravée par le ralentissement des activités du tourisme consécutif aux attentats du 11 septembre 2001.

À cette donnée générale, s'est ajouté un problème spécifique aux DOM, avec l'annonce du groupe ACCOR de se retirer des départements français de la Caraïbe, à la fin de l'année 2002. Ainsi, à la Guadeloupe, la capacité d'hébergement touristique a régressé pour la première fois en 2002, de l'ordre de 300 unités par rapport à 2001, soit 11 800 unités d'hébergement. Le nombre des touristes de séjour non plaisanciers en 2002 a reculé (pour la deuxième année consécutive) par rapport à 2001, passant ainsi du maximum de 790 000 atteint en 2000 à 740 000 en 2001 puis à 680 000 en 2002, soit une baisse de 8,10 %.

En réaction à cette crise de la fréquentation touristique de l'outre-mer, le Gouvernement, grâce à l'action concertée du ministère de l'outre-mer et du secrétariat d'État au tourisme, a arrêté, à la fin de l'année 2002, une série de mesures regroupées dans un plan d'action destiné à manifester la contribution de l'État à la relance de l'activité touristique outre-mer. Il s'agissait, par cette intervention dans un secteur économique pour lequel la définition et la mise en _uvre de la stratégie touristique relèvent, en premier lieu, de l'initiative d'opérateurs privés et où l'essentiel des compétences publiques est exercé par les collectivités territoriales (promotion, formation des personnels, aménagements touristiques notamment), de manifester l'importance que l'État attache au développement d'un secteur d'activités particulièrement important pour l'activité économique et l'emploi au sein des diverses collectivités de l'outre-mer. Cet ensemble d'actions doit être replacé dans le cadre plus large de l'application au secteur du tourisme des mesures prévues par les titres Ier et II de la loi de programme pour l'outre-mer n°2003-660 du 21 juillet 2003, pour une période de 15 ans.

l'action gouvernementale en faveur du tourisme dans les dom

Le plan du Gouvernement visant à relancer l'industrie du tourisme dans les DOM s'articule autour de huit axes principaux.

· Soutien financier accru à la filière touristique

Octroi d'avances remboursables par l'agence française de développement et la banque européenne d'investissement, bonification d'intérêts accordés par l'État, simplification des procédures relatives à l'utilisation des fonds structurels européens, renforcement du régime des aides en faveur de l'hébergement touristique indépendant et familial, information des professionnels du tourisme sur les aides qui peuvent leur être allouées par l'agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV).

· Assistance technique aux collectivités pour les aider à définir et à mettre en _uvre leur stratégie touristique, par le biais d'études et d'assistance au montage des produits

· Promotion de l'outre-mer

Installation d'un « club produit outre-mers » au sein du groupement d'intérêt économique Maison de la France, campagne de communication en métropole sur le thème « La France des trois océans », campagne de sensibilisation de la population dans le cadre de l'opération « Bonjour », insertion, dans les bulletins météorologiques des chaînes publiques nationales de radiodiffusion et de télévision, des données sur le climat et les températures de l'outre-mer.

· Renforcement du dialogue social et de la formation

Accent sur le secteur touristique dans les actions de prévention des conflits sociaux et de promotion du dialogue social, renforcement de l'accès à la formation aux métiers du tourisme, notamment à destination des jeunes.

· Soutien à des projets d'urbanisme, visant notamment à des travaux d'embellissement urbain des centres villes et fronts de mer

· Incitation des compagnies aériennes nationales desservant les Antilles à faciliter le transit à Paris des passagers en provenance de pays européens et se rendant en Guadeloupe et/ou en Martinique

· Renforcement des effectifs de sécurité outre-mer notamment dans les lieux particulièrement fréquentés par les touristes

· Amélioration de la connaissance statistique de la fréquentation touristique des DOM antillais, en liaison avec l'INSEE

Si, sur le long terme, l'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes de la Réunion, de Guadeloupe, de Martinique ou de Mayotte est spectaculaire, de nombreux progrès restent à accomplir, ne serait-ce qu'en raison des spécificités climatiques de ces territoires.

Le Gouvernement a pleinement pris la mesure de l'importance du chemin restant à parcourir. En témoigne une mesure qui, en termes budgétaires, ne semple pas, a priori, avoir un impact majeur, mais qui, en termes symboliques, est lourde de signification quant à la réalité de la solidarité nationale qui s'exerce entre la métropole et l'outre-mer. Ainsi, une mesure nouvelle est introduite dans le projet de budget pour 2004, destinée à aider les plus démunis : le plafond d'éligibilité à la couverture médicale universelle (CMU) est relevé, de façon à couvrir une frange de population plus large. 50 millions d'euros de crédits sont prévus à ce titre. Le Gouvernement prend en compte la spécificité de l'outre-mer dans la mise en _uvre du dispositif de la CMU : il s'agit de permettre aux personnes les plus démunies parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés ne disposant pas d'autres ressources que leur allocation, d'avoir droit à la protection complémentaire en matière de santé

Au-delà de cette mesure nouvelle, les politiques d'amélioration du cadre de vie, à commencer par l'effort en faveur de l'amélioration des conditions de logement, bénéficient d'un effort budgétaire soutenu dans le projet de loi de finances pour 2004.

Le logement reste, avec le développement économique, la priorité dans les départements d'outre-mer. La politique du logement outre-mer s'inscrit dans un contexte de contraintes spécifiques où dominent :

- des besoins très importants liés au rattrapage des retards actuels et à une croissance démographique très forte (1,6 % par an), quatre fois supérieure en moyenne à celle de la métropole ;

- un revenu moyen peu élevé reflétant une forte proportion de bas salaires et un taux de chômage élevé de 25 % en moyenne ;

- des disponibilités foncières limitées liées à l'environnement naturel (risques, morphologie) et au sous-équipement des villes et des quartiers ;

- des collectivités locales en situation financière difficile ;

- un parc de logements insalubres ou sous-équipés qui, bien qu'en diminution, reste très important.

S'il est vrai que le nombre moyen de personnes par pièces décroît particulièrement aux Antilles et à la Réunion, malgré une croissance démographique dynamique, l'effort doit être poursuivi : comme le montre le tableau suivant, les indices d'occupation des logements restent nettement supérieurs dans les DOM par rapport à la métropole, particulièrement à Mayotte et en Guyane.

évolution du nombre de personnes par pièces

Source : INSEE.

D'autre part, le parc de logements en situation précaire représente toujours environ un quart de l'ensemble du parc total de logements, proportion qui atteint 50 % à Mayotte. L'insalubrité concerne environ 15% des résidences principales (35 % à Mayotte).

Enfin, si, comme l'indique le tableau ci-dessous, les programmations annuelles de logements neufs et d'amélioration de l'habitat demeurent à un niveau important, on assiste depuis la fin de la décennie 1990 à un essoufflement du taux de réalisation des programmes engagés : ainsi, chaque année, 9 076 logements en moyenne ont été mis en chantier et 7 945 logements seulement ont été livrés.

résultats de la politique de logement dans les dom et à mayotte (1994-2003)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1199

2000

2001

2002

2003 (prév.)

Guadeloupe

2 671

2 898

2 765

2 406

3 037

4 020

4 737

3 529

2 468

3 200

Martinique

2 140

2 344

2 082

2 346

2 688

2 259

2 615

3 058

2 680

2 800

Guyane

865

815

875

1 119

1 170

1 091

841

838

1 031

1 600

Réunion

5 229

4 532

4 670

4 065

3 850

5 441

4 109

3 570

5 111

4 500

Mayotte

1 006

993

908

1 020

1 064

1 843

1 395

622

850

900

TOTAL

11 911

11 582

11 300

10 956

11 809

14 654

13 697

11 617

12 140

13 000

Au vu de ce constat, l'effort budgétaire en faveur du logement se poursuit : avec 287,5 millions d'euros d'autorisations de programme et 173 millions d'euros de crédits de paiement, l'effort consacré à la construction de logements sociaux dans les DOM et à Mayotte s'inscrit dans l'exacte continuité du budget précédent. Ces ressources représentent 73 % de l'ensemble des autorisations de programme et près de 69 % des crédits d'investissement du ministère, soit, globalement, le deuxième poste de dépenses du ministère. Les mesures fiscales ciblées inscrites dans la LOPOM devraient contribuer à amplifier cet effort.

L'objectif reste celui d'optimiser l'offre de logements, afin de mieux répondre aux besoins liés à la croissance démographique et de lutter contre l'exclusion sociale grâce à un effort soutenu de résorption de l'habitat insalubre. À cette fin, une palette diversifiée d'instruments est utilisée : derrière les trois grands domaines d'intervention de l'État - aide à la construction de logements neufs, aide à l'amélioration de l'habitat, aide à la résorption de l'habitat insalubre -, ce ne sont en effet pas moins de treize dispositifs différents qui sont proposés, couvrant toute la gamme des besoins, aussi bien à destination des locataires (logement locatif social ou très social, logement locatif intermédiaire, réhabilitation du parc locatif social, réduction du taux de TVA...) qu'à celles des propriétaires (accession sociale, accession intermédiaire, prêts construction - démolition...).

Reste qu'en la matière, l'inscription de crédits budgétaires ne suffit pas : encore faut-il que le circuit de la dépense soit fluide afin que des réalisations concrètes ne soient pas pénalisées par des problèmes administratifs, comme c'était le cas encore récemment. Dès 2003, des efforts ont été faits en vue d'améliorer la consommation des crédits en la matière : d'ores et déjà, les résultats obtenus sont très encourageants et ils montrent bien que, face à des besoins qui restent importants, il est possible de mieux consommer les crédits. Ainsi, l'année 2003 devrait se caractériser par une consommation de plus de 280 millions d'euros d'autorisations de programme soit 20 millions d'euros de plus que la moyenne de ces cinq dernières années. Les résultats sur le terrain sont aussi en nette amélioration et les réalisations supérieures à celles de l'an dernier. Ainsi, à la date du 30 septembre 2003, la consommation des crédits de paiement a augmenté de 20 % par rapport au 30 septembre 2002. De même, le nombre de logements financés a progressé de 36 % sur la même période, soit 1 400 logements supplémentaires. Par ailleurs, un tableau de bord devrait être mis en place pour permettre de suivre régulièrement les résultats de chaque département d'outre-mer. Les directeurs départementaux de l'équipement sont désormais régulièrement invités au ministère pour faire le point de leurs éventuelles difficultés et des résultats qu'ils obtiennent.

Pour consolider et amplifier la portée de ces premières réformes, une réflexion a également été engagée avec les acteurs locaux sur les points de blocage de la production et sur les moyens d'y remédier. Cette démarche, qui s'est accompagnée d'une remise à plat des dotations budgétaires qui ont été redimensionnées au regard de prévisions plus réalistes, a permis d'identifier plusieurs pistes d'action qui seront mises en _uvre au cours de l'exercice 2004. Ainsi, une meilleure fluidité des opérations engagées devrait être permise, notamment par une intervention accrue en amont de la construction de logements (accompagnement des opérateurs dans le montage des projets, mesures expérimentales, pour favoriser la production de foncier aménagé destiné à accueillir du logement, simplification des procédures administratives, accélération des permis de construire, ...). Par ailleurs, le coût du foncier équipé constituant un des points de blocage majeur à un accroissement de la construction de logements sociaux dans les DOM, les modalités de fonctionnement des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, qui ont connu une mise en place difficile, sont en cours d'aménagement. Enfin, les modalités d'instruction des opérations de résorption de l'habitat insalubre, qui demeurent prioritaires outre-mer, seront déconcentrées et assouplies, pour permettre l'accélération nécessaire de ces opérations.

L'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer implique également une prise de conscience des contraintes liées à l'éloignement géographique. Cette question revêt certes des enjeux économiques majeurs, ainsi que nous l'avons expliqué, mais sa dimension humaine est trop souvent occultée. Être un Français de la Réunion, de Saint-Pierre-et-Miquelon, cela signifie bien souvent être séparé de sa famille et obligé de prévoir ses déplacements outre-mer des semaines, voire des mois à l'avance. La question de la continuité territoriale doit donc être placée au c_ur de toute politique d'amélioration des conditions de vie des habitants de l'outre-mer français.

C'est à ce titre que, confrontés à la détérioration de la desserte aérienne entre la métropole et leurs collectivités, différents responsables élus de l'outre-mer ont souhaité que les pouvoirs publics prennent en compte le handicap au développement que constitue l'éloignement de leurs collectivités de la métropole et accordent à la desserte aérienne de ces dernières le bénéfice du dispositif financier mis en place au nom de la continuité territoriale pour la desserte aérienne de la Corse. Dès sa prise de fonction, la ministre de l'outre-mer a par conséquent arrêté, au mois de juin 2002, un plan d'aide aux déplacements et à la mobilité des résidents des collectivités d'outre-mer vers la métropole.

La création, en septembre 2002, du « passeport-mobilité », destiné à permettre le déplacement des jeunes d'outre-mer de moins de 30 ans devant venir poursuivre leurs études ou une formation professionnelle en métropole, a représenté la première phase de ce plan. 11 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2004, la baisse de crédits par rapport à 2003 traduisant un ajustement plus fin de la dotation aux besoins observés.

Dans un deuxième temps, à l'instar de ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal pour leurs régions ultrapériphériques et de ce qui existait déjà pour les liaisons aériennes entre la Corse et la France continentale, un concours de l'État au financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion a été mis en place, sur le fondement de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003. Il se traduira par le versement d'une dotation annuelle de l'État à chaque collectivité de l'outre-mer, qui, avec le concours des collectivités locales et de l'Europe, permettra d'accorder aux résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage annuel aller et retour entre la collectivité et la métropole. Cette dotation de l'État, dite dotation de continuité territoriale, pourrait concerner 100 000 passagers résidents outre-mer en 2004. Son montant prévu pour cette même année est de 30 millions d'euros, inscrits au budget du ministère des transports, plus particulièrement sur les crédits du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (fiata). La question de la constitutionnalité de cette disposition, soulevée par la commission des Finances, n'est pas encore tranchée à ce jour ; d'après la ministre de l'outre-mer, quelle que soit la solution technique qui sera finalement retenue, cette mesure, inscrite dans la loi de programme, entrera bel et bien en vigueur dès 2004. Précisons que cette dotation de l'État pourra être complétée par les collectivités qui géreront ce dispositif, selon des modalités à définir par un décret en Conseil d'État, en cours de finalisation.

Si ces avancées doivent être saluées, il n'en reste pas moins que ces mesures ne peuvent être efficaces que si une véritable concurrence se développe sur les différentes liaisons. Or, tel n'est le cas ni des Antilles ni de la Guyane. Aussi le Gouvernement cherche-t-il à favoriser une plus grande pluralité de l'offre, comme en témoignent les avis favorables émis par le conseil supérieur de l'aviation marchande sur les projets de nouvelles dessertes ou de nouvelles compagnies qui y ont été récemment présentées, notamment Air Caraïbes (Antilles-Paris) ou Air Mayotte International (desserte régionale au départ de Mayotte) De plus, deux nouvelles compagnies - Air Austral et Air Bourbon - ont d'ores et déjà ouvert des liaisons supplémentaires entre la Réunion et Paris. Le Gouvernement étudie également de nouvelles dispositions pour adapter les obligations de service public qui doivent être mises en cohérence avec l'ensemble du dispositif.

Il convient de rappeler par ailleurs que deux mesures de la loi de programme pour l'outre-mer devraient contribuer à soutenir l'activité du transport aérien vers les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Tout d'abord, l'allégement des charges sociales pour les compagnies aériennes desservant l'outre-mer est de nature à permettre l'équilibre de leur exploitation ; en second lieu, la simplification et l'élargissement du dispositif de la défiscalisation pour les entreprises de transport devraient permettre le développement de la concurrence. Précisons enfin que la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d'une dotation de 1,676 million d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004.

La dynamique institutionnelle actuellement à l'_uvre dans les DOM et à Mayotte devrait conduire à une plus grande responsabilisation des échelons locaux et au renforcement de la démocratie de proximité. Le corollaire nécessaire de la responsabilisation accrue des collectivités d'outre-mer, c'est le recentrage de l'État sur ses missions régaliennes, voire, dans certains cas, leur réaffirmation. Cette évidence a été trop souvent occultée au cours des années récentes, ainsi que le rapporteur l'avait montré l'an dernier en évoquant l'explosion de la délinquance dans les DOM à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Amorcé dès le mois de juin 2002, le retour de l'État dans les DOM est aujourd'hui devenu réalité. L'année 2003 a été, là encore, riche de progrès : parallèlement à la mise en place d'une structure institutionnelle plus respectueuse des spécificités et besoins propres à chaque DOM ou à Mayotte, elle restera comme celle d'une reprise en main par l'État de ses missions de souveraineté.

Un effort soutenu en faveur de la démocratie locale

À l'instar de toutes les collectivités territoriales françaises, les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient de subventions de l'État, versées par le budget du ministère de l'intérieur :

- au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les communes des quatre collectivités citées auront reçu, en 2003, 349,6 millions d'euros, soit une augmentation de 2,61 % par rapport à 2002. Cette dotation représente un montant de 194 euros par habitant. Quant à la DGF des départements, elle progresse également, de 3,29 %, pour atteindre un montant global de 232,6 millions d'euros en 2003, soit 129 euros par habitant ;

- la dotation globale d'équipement des communes (DGE) augmente légèrement, passant de 10,2 millions d'euros en 2003 à 10,5 millions d'euros en 2003. Pour les départements, la DGE étant fixée à partir des investissements réalisés dans l'année et en raison du mécanisme d'attribution différé sur un an de cette dotation, le montant effectivement perçu par chaque département ne sera connu qu'à la fin du premier semestre 2004, en fonction des investissements financés en 2004. En 2002, elle s'est établie à 15,3 millions d'euros ;

- enfin, au titre de la dotation globale de décentralisation (DGD) - une collectivité locale ne perçoit la DGD que lorsque les transferts de fiscalité ne compensent pas les transferts de charges -, les départements d'outre-mer ont reçu, en 2003, 438,2 millions d'euros, montant en forte augmentation par rapport à 2002 (404,2 millions d'euros), du fait, d'une part, de l'application du taux d'évolution de la DGF et, d'autre part, des compensations relatives à la vignette automobile.

Les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient également de subventions spécifiques de la part du ministère de l'outre-mer, justifiées par leur statut particulier. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales, il est fait obligation à l'État de verser une subvention aux communes des DOM, en compensation des pertes de ressources fiscales consécutives aux exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties. Inscrits au chapitre 41 - 51, ces crédits, qui représentaient 4,1 millions d'euros dans la loi de finances pour 2003, augmentent fortement, passant à 4,4 millions d'euros. L'accroissement de ces subventions correspond au versement aux communes de Mayotte de la dotation exceptionnelle pour contribuer aux charges liées à la réforme de l'état civil prévue par l'ordonnance n° 2002-1450 du 12 décembre 2002 relative à la modernisation du régime communal, intercommunal, aux conditions d'exercice des mandats locaux à Mayotte et modifiant le code général des collectivités territoriales. L'article L. 2574-14 du code général des collectivités territoriales, introduit par l'article 6 de l'ordonnance du 12 décembre 2002 précitée, prévoit en effet le versement de cette dotation exceptionnelle entre 2003 et 2007, fixée à un montant annuel de 300 000 euros.

Mayotte devient en fait la première collectivité destinataire des subventions obligatoires, une dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires à Mayotte, d'un montant de 3,675 millions d'euros étant également créée dans ce même chapitre 41-51.

À cette subvention obligatoire, il convient d'ajouter des subventions facultatives, qui concernent essentiellement Mayotte, hormis une subvention de 1,676 million d'euros en faveur de la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon et une subvention globale de 414 000 euros à destination des offices de l'eau des DOM. Outre la dotation de rattrapage et de premier équipement pour les communes mahoraises, reconduite à hauteur de 1,49 million d'euros en 2004, l'État verse environ 0,5 million d'euros à Mayotte au titre du fonds mahorais de développement et 2,13 millions d'euros, dans le cadre de la convention de développement de cette même collectivité. S'ajoute la dotation de premier numérotage, déjà évoquée.

À ces subventions de caractère administratif (titre IV du projet de loi de finances), s'ajoutent enfin des subventions d'investissement. Celles qui concernent le logement (173 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004) ont été évoquées. Elles sont complétées par diverses subventions d'investissement en faveur du développement des DOM, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, inscrites au chapitre 68-01, qui représentent un montant global de 28,3 millions d'euros dans le projet de budget pour 2004 en crédits de paiement. Les autorisations de programme s'établissent à 52,87 millions d'euros en 2003.

Les subventions à destination de la section générale du fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) représentent 82 % des crédits de paiement - 55 % des autorisations de programme - inscrits à ce chapitre.

Les missions de souveraineté : un État présent pour assumer son rôle

Comme le soulignait le rapporteur à l'occasion de l'examen du projet de lois de finances pour 2003, la dégradation de la situation de la délinquance outre-mer n'avait, comme en métropole, rien d'inéluctable : la reprise en main par l'État de sa mission de sécurité outre-mer résidait, par conséquent, avant tout dans l'affirmation d'une réelle volonté politique.

Celle-ci a, d'ores et déjà, produit ses effets. La mobilisation des forces de police et de gendarmerie, l'accroissement des moyens humains et matériels, la réorganisation des services et des zones de compétence ont apporté des résultats tangibles dans la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine dans les collectivités d'outre-mer. Au cours des huit premiers mois de 2003, la délinquance de voie publique a, en effet, diminué de 9,64 % dans les DOM et de 10,85 % pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer. En Guyane, le nombre d'étrangers reconduits à la frontière s'est accru de 14 % au cours des huit premiers mois de 2003, l'augmentation atteignant 30 % à Mayotte. Des progrès qui méritent d'être salués dans deux collectivités qui attendaient non seulement le rétablissement de l'autorité de l'État mais où est également en jeu la lutte contre le travail informel.

· Cette évolution a d'abord été permise par la mise en place d'un dispositif juridique renforcé et rénové. Pour citer le principal d'entre eux, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a permis de répondre à des problématiques particulières de l'outre-mer. C'est sur ce fondement qu'a pu être renforcée la surveillance de certaines frontières sensibles, comme en Guyane, en adéquation avec l'importance de l'immigration clandestine. Le département de la Guyane possède, en effet, les plus longues frontières terrestres et est confronté, compte tenu du niveau de développement socio-économique, à un phénomène d'attractivité importante en provenance des états voisins, Brésil, Surinam et Guyana.

Cet outil de droit national devrait être prochainement complété par la conclusion d'un accord de réadmission avec le Surinam, actuellement en cours de négociation. Il aurait pour objet principal de permettre aux ressortissants du Guyana d'être reconduits à la frontière de leur pays par les autorités du Surinam, qui reprendraient ainsi leur coopération avec les autorités françaises, interrompue en janvier 2001. Le projet d'accord comprend donc non seulement des dispositions permettant la réadmission des Surinamiens en situation irrégulière en Guyane, mais aussi des clauses précisant les conditions de la réadmission de ressortissants d'États tiers ainsi que les modalités de transit pour l'éloignement vers un État tiers. Le projet d'accord devrait être signé très prochainement, la condition posée par notre partenaire, de l'ouverture préalable d'une antenne consulaire à Saint-Laurent du Maroni, ayant été levée : en effet, la mairie ayant mis un local à disposition des autorités surinamaises, l'antenne consulaire est ouverte depuis février 2003.

· Au-delà de l'amélioration de notre arsenal juridique, le Gouvernement a souhaité déployer outre-mer, dès le mois de juin 2002, des moyens humains et matériels supplémentaires, afin de tenir compte de la réalité de la pression délictueuse, en axant les priorités sur les unités d'intervention et au contact du public. Par ailleurs, la mise en _uvre des mesures logistiques prévues par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure à compter du second trimestre 2003 permettra tant d'adapter, que de renforcer le dispositif de l'ensemble des forces de police et de gendarmerie dans les collectivités concernées.

quelques exemples du renforcement des moyens de lutte contre la délinquance
dans les dom et à mayotte

Création de sections d'intervention supplémentaires à la Réunion, en Guadeloupe et en Guyane

Renforcement des effectifs des DDSP afin de permettre le règlement de la question des zones de compétence police/gendarmerie

Création (à partir de 2004) d'un commissariat de la police de l'air et des frontières (PAF) à St Georges de l'Oyapock pour tenir compte de l'ouverture de la desserte routière franco-brésilienne

Renforcement des effectifs de la PAF à St Laurent du Maroni et à Mayotte dans le cadre de la mise en place du plan Lagon

Redéploiement de plus de 150 gendarmes en Martinique et à la Réunion dans le cadre du règlement de la question des zones de compétence

Création de 230 postes environ de sous-officiers de gendarmerie dans les collectivités d'outre-mer pour assurer le service public de la sécurité

Intégration au sein de la police nationale des 149 agents de la collectivité départementale de Mayotte employés au sein des services actifs de la police

Renforcement des effectifs et des moyens de la PAF à Mayotte (30 fonctionnaires supplémentaires et dotation de deux vedettes)

Pérennisation du 4ème escadron de gendarmerie mobile déployé en Guyane au titre de la sécurité publique et de la lutte contre l'orpaillage clandestin

Renforcement des effectifs de la PAF en Guyane (60 fonctionnaires supplémentaires pour le poste de Saint Georges de l'Oyapock)

En outre, la rationalisation du cadre géographique d'emploi des forces de sécurité intérieure, trop longtemps reportée, est en cours. En effet, fondée sur un schéma établi en 1951, la répartition géographique des forces de police et de gendarmerie reposait, outre-mer, sur une imbrication particulièrement importante des dispositifs opérationnels et était à l'origine de complexités susceptibles de nuire à l'efficacité de l'action quotidienne de ces services et de ceux de l'autorité judiciaire. Le règlement de cette question est acquis et une nouvelle répartition spatiale a été arrêtée entre les deux forces. Elle se traduit par notamment par la régularisation juridique de la situation des dix communes placées depuis 1951 sous la responsabilité théorique de la police nationale mais surveillées de fait par la gendarmerie. La procédure de saisine des conseils municipaux concernés a été engagée au mois de février 2003. À la fin de l'année 2003, deux décrets en Conseil d'État et huit arrêtés interministériels devront avoir été pris pour remédier à cette incohérence juridique. Ainsi, les deux chefs-lieux de département de la Martinique et de la Réunion seront repris en totalité par les forces de police à partir du second semestre 2003, opération qui sera achevée à la fin de l'année 2004. En outre, les communes de Saint-Paul et Saint-Louis à la Réunion seront placées sous la responsabilité exclusive de la gendarmerie nationale, tandis que passeront sous responsabilité de la police nationale les communes de Saint-Pierre à la Réunion et du Lamentin en Martinique.

· Enfin, le renforcement du dispositif de répression de la délinquance et de l'immigration clandestine a été rendu possible par la mise en place de nouveaux outils opérationnels et de coopération en matière de sécurité.

À l'instar du dispositif adopté en métropole, l'ensemble des préfets des collectivités d'outre-mer, en liaison étroite avec les autorités judiciaires concernées, ont mis en place, dès la fin du mois de juin 2002, des groupes d'intervention régionaux (GIR). Ces structures opérationnelles ont été adaptées aux réalités et aux enjeux locaux de la sécurité. Reposant sur des cellules permanentes ou temporaires selon les territoires et la nature de la délinquance, les GIR ont conduit et organisé de nombreuses opérations à l'encontre des filières d'immigration clandestine, de trafic de stupéfiants et ont obtenu comme en Guyane des résultats particulièrement significatifs. Les deux forces de police se sont vues confier, selon une répartition opérationnelle objective, la direction des GIR.

Les dispositifs de coopération et de coproduction de la sécurité créés à partir du mois de juillet 2002 ont également été mis en place dans l'ensemble des départements d'outre mer et à Mayotte.

En matière d'action de l'État en mer, l'année 2002 et le début de l'année 2003 ont vu les moyens déployés par les services de l'État engagés dans ces missions notoirement améliorés pour répondre aux principales préoccupations dans ce domaine particulier.

Ainsi, en Guyane par exemple, le dispositif de la zone aérienne de la zone économique exclusive a été accru ; par ailleurs, le remplacement de l'avion de type « Guardian » basé en Martinique par un appareil plus moderne permettra d'augmenter la disponibilité et les capacités de patrouille de plus de 60 %. De même, le remplacement des patrouilleurs de la gendarmerie dans ce département sera effectif au début de l'année 2004. Le récent arraisonnement au début du mois de février 2003 d'un crevettier et de deux « ligneurs » vénézuéliens en action de pêche illicite au large de la Guyane illustre pleinement la nouvelle efficacité du dispositif mis en place dans cette zone géographique.

Par ailleurs, devant le maintien de la pression migratoire à Mayotte, le Gouvernement a décidé en septembre 2002 d'accroître de manière substantielle les moyens dévolus à la lutte contre l'immigration clandestine. Une nouvelle version du « plan lagon » a été arrêtée et est actuellement en cours de mise en _uvre, qui repose notamment sur la réorganisation de la direction opérationnelle de la lutte contre l'immigration clandestine, qui a été confiée en totalité à la PAF, y compris en mer ainsi que sur l'accroissement des moyens de la PAF au cours de l'année 2003. Trente fonctionnaires supplémentaires ont été affectés à cette mission et deux vedettes spécialement conçues pour la lutte contre l'immigration clandestine dans le lagon seront livrées, l'une à la fin de l'été 2003, et l'autre à la fin de l'été 2004, portant à trois le nombre de moyens de haute mer de ce service. Ajoutons qu'une brigade de gendarmerie maritime sera créée en 2004. Enfin, au titre du projet de loi de finances pour 2004, le ministère de l'outre-mer procédera à l'acquisition, pour un montant de 2 millions d'euros, de moyens de détections permettant de surveiller la partie maritime comprise entre Mayotte et Anjouan. Ces radars seront servis par des militaires de la marine nationale.

Les évolutions institutionnelles en cours reposent sur un pacte de confiance et de respect entre l'État et les collectivités locales. Or, comme l'a rappelé le Président de la République le 6 avril 2002, lors d'un déplacement à la Guadeloupe, cette confiance ne doit pas seulement s'exercer dans le dialogue bilatéral entre la métropole et les collectivités d'outre-mer, mais a également vocation à trouver son champ d'application dans les relations avec les tiers. Ce sont actuellement les conditions d'une intégration redéfinie des DOM dans leur environnement européen () et international qui se dessine. Qu'il y ait une communauté de destin entre la métropole et les collectivités d'outre-mer ne saurait, en effet, gommer cette autre évidence : l'existence d'une communauté d'intérêts entre ces mêmes collectivités et leurs voisins étrangers. Nous y avons tout intérêt, tant les enjeux d'une véritable insertion des collectivités d'outre-mer dans leur environnement régional sont importants.

Dans cette optique, un effort soutenu est porté sur le développement de la coopération régionale dans le projet de loi de finances pour 2004, afin de faciliter l'insertion des collectivités concernées dans leur environnement géographique. Une enveloppe de 3,5 millions d'euros est, en effet, inscrite sur le budget du ministère de l'outre-mer pour poursuivre le financement des opérations des fonds de coopération régionale des quatre DOM et de Mayotte. Créés, pour les DOM, par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 et, pour Mayotte, par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, ces fonds, dont les crédits figurent à l'article 35 du chapitre 46-94, sont alimentés par des crédits de l'État et peuvent recevoir des dotations du département, de la région ou de toute autre collectivité ou organisme public.

Les crédits consacrés à la coopération régionale visent à promouvoir l'exercice déconcentré de la coopération régionale, l'échange d'informations entre les DOM, Mayotte et leurs voisins et la cohérence des actions menées par les différentes instances compétentes dans les régions concernées (État et collectivités locales). Chaque projet doit présenter une véritable dimension régionale et doit donc associer un ou plusieurs État(s) étranger(s) de la zone et un ou plusieurs département(s) d'outre-mer. Les projets que ces fonds ont vocation à soutenir sont ceux qui comportent, dans tous les secteurs d'activité, des implications pour les économies en cause ou qui facilitent les échanges économiques et humains entre les collectivités d'outre-mer et leurs voisins. L'effet multiplicateur étant recherché, les fonds de coopération régionale sont en principe destinés à n'intervenir qu'en cofinancement. Par exemple, au titre de l'année 2003, des projets de coopérations aussi variés qu'un échange de stagiaires en entreprise avec le Brésil, organisé par le fonds de coopération régionale de la Guyane, ou qu'une action de coopération entre la Martinique et les services vénézuéliens et colombiens contre les trafics de drogue auront été financés sur cette base.

Ce dernier exemple souligne, s'il en était besoin, combien la coopération régionale ne doit plus être considérée comme un outil certes intéressant, mais secondaire, voire facultatif, mais bien comme un outil d'action à part entière. En matière de lutte contre le trafic de drogue ou contre l'immigration clandestine, la coopération régionale ne cesse d'ailleurs de se renforcer. Dans ce dernier domaine, les développements qui précèdent ont mis en avant l'importance d'une bonne coopération entre la Guyane et le Surinam.

En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants dans la zone Caraïbe, les deux dernières années ont également été riches d'initiatives en la matière, symbolisant par là même la préoccupation constante d'améliorer le dispositif répressif dans une région de première importance. Nul besoin, en effet, de souligner combien, dans cette région, le grand nombre d'acteurs, au plan français mais surtout au plan international, rend complexes, voire opaques, les réseaux par lesquels transite l'information. Pour les administrations présentes dans la zone, la rationalisation et la simplification permanentes des circuits de l'information représentent des priorités de tous les instants, seules à même d'éviter les doublons et de garantir l'efficacité de l'action répressive qui suivra le recueil du renseignement.

En l'occurrence, le partenaire majeur de la France dans la lutte contre le narcotrafic dans la Caraïbe étant les États-Unis, il importait de mettre en place des structures assurant aussi bien la synthèse de l'information recueillie au niveau national que faisant l'interface avec leurs homologues américaines. Tel est le rôle de l'officier de liaison interministériel (OLI), représentant unique de l'ensemble des services français auprès des autorités américaines. Dans le même esprit, mais dans une perspective plus opérationnelle, est envisagée la création d'une cellule de renseignements d'intérêt maritime qui serait le correspondant du JIATF-S (Joint InterAgencies Task-Force) américain. Dans le cadre de sa réunion du 29 avril 2003, le Comité Interministériel de la Mer a décidé la mise en place d'un groupe de travail pour étudier la possibilité de créer cette cellule à Fort de France, auprès du Préfet délégué de l'État pour l'action de l'État en mer.

En complément de ce dispositif, le ministre de l'intérieur a annoncé, lors de son récent déplacement en Colombie, la création d'une plate-forme composée d'une vingtaine de policiers, gendarmes et douanier et d'officiers de liaison sud-américains. Cette plate-forme se veut - toutes proportions gardées - l'équivalent français de la JIATF et aura pour mission de lutter contre le trafic de stupéfiants dans la zone.

*

* *

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé, le 15 octobre 2003, au cours d'une audition conjointe avec la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2004.

M. Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques, a remercié Mme Brigitte Girardin d'être venue présenter son budget et dresser un premier bilan de sa politique outre-mer. Il s'est félicité du vote de la loi de programme, qui propose des solutions concrètes pour surmonter le handicap de l'enclavement en affirmant le principe de continuité territoriale, rendant ainsi possible la réduction du coût de la desserte aérienne qui est un des facteurs qui affaiblissent le dynamisme du tourisme. Il a indiqué que la loi de programme permettrait de relancer l'investissement productif avec un nouveau mécanisme de défiscalisation qui sera géré de manière déconcentrée par des décisionnaires qui connaissent les spécificités de l'outre-mer.

Il a souhaité obtenir des précisions sur les nouvelles compétences des collectivités locales et leur droit à l'expérimentation. Il a évoqué les inquiétudes suscitées par le financement des transferts de compétences, inquiétudes d'autant plus sensibles que les collectivités sont fortement endettées et disposent d'un faible potentiel fiscal. Il a demandé si les particularismes fiscaux de l'outre-mer seraient maintenus et quels seraient les outils de compensation financière prévus pour tenir compte de handicaps spécifiques tels que la pression démographique et les retards d'équipement structurants. Il a également interrogé la ministre sur les projets de modification des règles d'attribution des dotations aux collectivités locales afin de ne pas tenir compte uniquement du facteur démographique.

Il a enfin annoncé la création d'une mission d'information sur le coût de la desserte aérienne en outre-mer, dont sera chargé M. Joël Beaugendre et qui se situe dans le droit fil du travail déjà effectué par la mission qui a étudié en décembre dernier la crise du tourisme aux Antilles.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des Lois, a souligné que les préoccupations de celle-ci rejoignaient celles exprimées par le président de la commission des Affaires économiques. Il a insisté sur l'importance de la politique fiscale entreprise en faveur de l'outre-mer et a rappelé l'ampleur des évolutions institutionnelles engagées.

Avant de présenter le projet de budget pour 2004 de son ministère, qui s'élève à 1,121 milliard d'euros, en augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, et de donner les axes prioritaires de son action pour l'an prochain, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a insisté sur deux points.

Tout d'abord, ce projet de budget résulte d'un équilibre entre deux nécessités, celle de maîtriser la dépense publique et celle d'assurer le financement des besoins spécifiques de l'outre-mer, dont les engagements figurent dans la loi de programme promulguée le 21 juillet 2003. La maîtrise de la dépense publique se traduit de trois façons : la première réside dans un souci d'être réaliste dans les demandes et de ne pas afficher de fortes hausses de crédits dont on sait par avance qu'une partie ne sera pas dépensée. À titre d'exemple, dans le projet de budget pour 2004, la dotation destinée à financer le passeport mobilité, qui diminue de 30 %, correspondra aux besoins réels de financement. La deuxième consiste à faire des économies de structures : déjà, l'an dernier, dans la loi de finances pour 2003, une économie de 31 millions d'euros avait été réalisée grâce à la non-reconduction de la créance de proratisation. Pour 2004, un effort a été demandé à l'Association nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ant) et une économie structurelle de 7 % sur sa subvention de fonctionnement sera réalisée ; il s'agit de maîtriser ses coûts d'intervention pour une dépense publique plus efficace. La troisième manière réside dans le financement des mesures nouvelles par redéploiement des crédits ; c'est le cas des mesures nouvelles pour l'emploi prévues par la loi de programme et inscrites au sein du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte (fedom) et qui seront financées principalement par les économies structurelles réalisées par les sorties du dispositif des emplois jeunes. En effet, malgré le maintien outre-mer en 2004 d'un dispositif dérogatoire, une économie de 35 millions d'euros sera redéployée au profit de mesures en faveur du secteur marchand. Cette orientation claire permettra de financer, à enveloppe constante, une politique tournée vers l'emploi dans l'entreprise et non vers l'emploi aidé.

L'outre-mer contribue donc à l'effort de maîtrise de la dépense publique ; il le fait à la hauteur de ses moyens et en tenant compte de sa structure budgétaire. En effet, le budget de l'outre-mer est essentiellement consacré à des dépenses sociales, qui représentent plus des deux tiers des crédits inscrits. Or, pour le Gouvernement, ainsi que l'a rappelé le Premier ministre lors de son déplacement à La Réunion en janvier 2003, aucune économie ne doit être réalisée sur les dépenses sociales.

La seconde nécessité à laquelle répond ce projet de budget est d'assurer le financement des besoins spécifiques de l'outre-mer, qu'il s'agisse des besoins qui existent dans le domaine de l'emploi, du logement, du soutien aux collectivités locales, du passeport mobilité et des contrats de développement ou de certains dispositifs de la loi de programme et de la mesure nouvelle prise au titre de la couverture maladie universelle (cmu). La loi de programme est financée principalement par le biais de « la dépense fiscale », qui est évaluée par le ministère de l'économie à 171 millions d'euros en année pleine, et, s'agissant de la continuité territoriale, par le budget des transports et de la mer à hauteur de 30 millions d'euros. Le ministère chargé des affaires sociales finance une large part des exonérations de charges sociales et verra sa dotation pour l'outre-mer augmenter de 145 millions d'euros. Le projet de budget tient compte, pour un montant de 50 millions d'euros, d'une mesure nouvelle très attendue par nos compatriotes d'outre-mer, celle concernant la cmu : le Premier ministre a annoncé à la Réunion le relèvement du plafond d'éligibilité de la cmu afin de permettre aux personnes les plus démunies d'avoir un droit à la protection complémentaire en matière de santé.

Le second point concerne les résultats obtenus en 2003 : ce bilan est en cohérence avec ce que souhaitent les deux commissions, à savoir examiner les prévisions et connaître les réalisations. À cet égard, les annulations de crédits qui sont intervenues cette année à hauteur de 44 millions d'euros n'ont nullement affecté les crédits votés, puisqu'elles ont été inférieures de 17 millions d'euros aux reports de crédits de 2002 sur 2003. La dotation du fedom est équivalente à celle de 2003 et les crédits de la LBU augmentent de 17 millions d'euros.

En matière d'emploi, la baisse régulière du taux de chômage outre-mer doit être soulignée. En effet, entre août 2002 et août 2003, elle a atteint 8,2 % et a touché tout particulièrement les jeunes (- 10 %) et les chômeurs de longue durée (- 10 %). Si cette amélioration significative ne doit pas masquer la persistance d'un taux de chômage beaucoup plus élevé qu'en métropole (25 %), trois enseignements peuvent en être tirés : le premier est celui du bien-fondé de la politique pour l'emploi que mène le Gouvernement outre-mer et qui donne des résultats concrets, dans la droite ligne des dispositions de la loi « Perben » de 1994 ; le deuxième est celui de la nécessité de maintenir l'effort budgétaire en faveur de l'emploi, y compris de l'emploi aidé, compte tenu du dynamisme démographique et du fait que la loi de programme pour l'outre-mer ne produira que progressivement ses effets dans le courant 2004 ; le troisième enseignement est que les crédits pour l'emploi concourent à faire diminuer le chômage et que, si celui-ci n'avait pas diminué outre-mer dans les proportions indiquées, 70 millions de dépenses supplémentaires auraient été supportés par l'unedic et par l'État.

Dans cette perspective, la réorientation du fedom vers la création de vrais emplois dans le secteur marchand sera accentuée. Cette réorientation se concrétisera essentiellement par la mise en _uvre du nouveau dispositif d'exonérations de charges sociales des contrats d'accès à l'emploi (cae), inscrit dans la loi de programme, dont le nombre augmentera de 20 % en 2004. Cette loi a prévu également un dispositif nouveau en faveur des jeunes diplômés et des jeunes Mahorais pour un montant d'environ 2 millions d'euros. Ces nouveaux dispositifs devraient permettre de favoriser l'accès de la jeunesse ultramarine à des emplois durables dans les entreprises.

Pour autant, la politique pour l'emploi demeure réaliste et s'efforce d'assurer cette réorientation du fedom de manière progressive sans rupture brutale avec les moyens consacrés aux emplois aidés. Le dynamisme démographique outre-mer, comme la montée en puissance progressive des dispositions de la loi de programme, conduisent à maintenir pour 2004 un volume d'emplois aidés identique à celui qui a été réalisé cette année. C'est pourquoi le nombre de contrats emploi solidarité (ces), de contrats emplois consolidés (cec) et de contrats d'insertion par l'activité (cia) réalisé en 2003 sera reconduit pour 2004, de même que le dispositif spécifique en faveur des emplois jeunes. Cet ensemble de mesures permet de bien prendre en compte la spécificité du marché du travail outre-mer et constitue une réponse adaptée aux besoins à satisfaire.

Enfin, parce qu'ils sont au c_ur des priorités budgétaires du ministère, les crédits pour l'emploi feront l'objet d'une première expérimentation en Martinique que conduira le ministère dans le cadre des travaux de mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (lolf). Cette expérimentation, qui a vocation par la suite à être étendue aux autres départements d'outre-mer, consiste, au travers d'un contrat d'objectifs, à globaliser les mesures et les crédits pour l'emploi alloués à ce département pour y mener une politique de l'emploi dynamique au plus près du terrain et améliorer l'insertion des publics prioritaires que sont les jeunes, les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires du rmi. Enfin, comme l'an dernier, le ministère adressera, conjointement avec celui des affaires sociales, une directive à chacun des préfets sur l'utilisation des crédits pour l'emploi.

Ce réalisme ne conduit pas à oublier la part non négligeable du travail informel dans les économies outre-mer. C'est pourquoi cet effort soutenu en faveur de l'emploi s'accompagne d'une action particulière et déterminée du Gouvernement pour lutter contre l'immigration clandestine. À Mayotte, le ministère de l'outre-mer financera en 2004 la mise en place d'un radar, en coopération étroite avec les ministères de l'intérieur et de la défense, afin d'assurer une surveillance efficace du lagon mahorais et lutter contre l'immigration clandestine par voie maritime. Il s'agit d'intensifier des efforts qui commencent à donner des résultats, puisque, au cours du premier semestre 2003, les reconduites à la frontière ont augmenté de plus de 30 %.

L'objectif prioritaire du Gouvernement est donc de faire baisser significativement le niveau du chômage et, en particulier, celui des jeunes et de faciliter leur formation et leur insertion. Le passeport mobilité, mis en place l'an dernier, s'inscrit parfaitement dans cette logique en permettant aux bénéficiaires d'élargir leurs perspectives de formation et de postuler plus facilement à des emplois notamment en métropole. Un effort particulier sera réalisé en faveur des sportifs ultramarins.

Deuxième poste de dépenses du budget du ministère, le logement constitue toujours un volet essentiel de l'action du Gouvernement outre-mer. Avec 287,5 millions d'euros d'autorisations de programme et 173 millions d'euros de crédits de paiement, les dotations de l'an dernier sont reconduites afin de répondre aux besoins liés à la forte croissance démographique et à l'insuffisance manifeste du parc. Deux dispositions permettront en outre d'augmenter les moyens en faveur du logement pour 2004 : la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée inscrite dans la loi de programme, qui permettra de dégager environ 3 millions d'euros et la baisse des taux des prêts délivrés par la Caisse des dépôts et consignations, qui correspond à une aide supplémentaire de 7 %.

Les résultats de l'année 2003 sont très encourageants car ils montrent bien que, face à des besoins qui restent importants, il est possible de mieux consommer les crédits. L'année 2003 devrait se caractériser par une consommation de plus de 280 millions d'euros d'autorisations de programme soit 20 millions d'euros de plus que la moyenne de ces cinq dernières années. Les résultats sur le terrain sont aussi en nette amélioration et les réalisations supérieures à celles de l'an dernier. Ainsi, à la date du 30 septembre 2003, la consommation des crédits de paiement a augmenté de 20 % par rapport au 30 septembre 2002. De même, le nombre de logements financés a progressé de 36 % sur la même période, soit 1 400 logements supplémentaires. La situation devrait s'améliorer encore.

Un tableau de bord devrait être mis en place pour permettre de suivre régulièrement les résultats de chaque département d'outre-mer. Les directeurs départementaux de l'équipement sont désormais régulièrement invités au ministère pour faire le point de leurs éventuelles difficultés et des résultats qu'ils obtiennent.

Pour 2004, l'effort sera principalement centré sur la simplification des procédures et sur la prise en compte des problèmes fonciers. Cette année a été lancée la chasse aux procédures et aux documents inutiles et des expérimentations dans ce sens ont été conduites ; ainsi, un guichet unique a été mis en place en Guadeloupe, afin de faciliter les démarches des opérateurs et les dossiers ont été allégés en Martinique par suppression de pièces redondantes.

Enfin, l'amélioration de l'offre de logements ne saurait être effective si elle n'était pas accompagnée d'un travail complémentaire sur le foncier : pour accroître le nombre de logements sociaux construits, il est indispensable que les opérateurs du logement social puissent disposer de terrains aménagés en nombre suffisant ; dans cet esprit, seront simplifiées les procédures du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (frafu), pour redéfinir un partenariat entre l'État et les collectivités et faire en sorte que ce fonds devienne un véritable outil d'aménagement du territoire.

Cet effort budgétaire est complété par d'autres mesures visant à faciliter les actions entreprises en faveur de la construction de logements sociaux et de l'accession sociale et très sociale outre-mer, comme par exemple la relance de la défiscalisation des logements ou le dispositif d'exonération de la taxe foncière dans les opérations de réhabilitation. Les engagements et les efforts de l'État en faveur du logement et de la lutte contre l'habitat insalubre sont donc respectés et plus que jamais poursuivis.

Le projet de budget pour 2004 traduit aussi une accentuation du soutien financier aux collectivités d'outre-mer pour un montant total de 116 millions d'euros, en progression de 7 % par rapport à 2003. C'est une responsabilité de l'État de compenser des déséquilibres structurels que subissent certaines collectivités d'outre-mer ou de financer le transfert de compétences. Les crédits pour 2004 permettront de participer au financement des dessertes maritimes à Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon, d'augmenter les dotations globales en faveur de la Nouvelle-Calédonie et de financer des besoins nouveaux à Mayotte. Dans ces deux derniers cas, le budget 2004 accompagne les évolutions des collectivités concernées.

Le soutien aux collectivités d'outre-mer ne se limite pas aux seuls crédits inscrits sur le budget de l'outre-mer. La plupart des dotations sont intégrées dans le budget du ministère de l'intérieur et des libertés locales. C'est dans cet esprit qu'a été demandée la définition de critères spécifiques à l'outre-mer pour déterminer le montant des différentes dotations de l'État.

En conclusion, Mme Brigitte Girardin a insisté sur deux points. En premier lieu, le Gouvernement aura concrétisé, en une année, les engagements du Président de la République. Les décrets d'application de la loi de programme sont en cours de préparation et devraient être publiés d'ici la fin de l'année, de façon à ce que tout le dispositif législatif soit opérationnel le plus rapidement possible, au plus tard le 1er janvier 2004.

En second lieu, l'action du ministère de l'outre-mer revêt un caractère fortement interministériel. Parce que les moyens du ministère ne représentent qu'une petite part de l'action de l'État outre-mer, environ 14 %, les autres ministères sont incités à mettre en place les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer qui relèvent de leur compétence ; le ministère de l'outre-mer veille à la cohérence de l'action de l'État pour garantir un développement économique et social durable de l'outre-mer. Cette forte particularité sera inscrite dans les travaux en cours de la lolf et dans l'action réformatrice conduite pour centrer l'action du ministère sur sa valeur ajoutée et asseoir sa vocation interministérielle.

La ministre a salué l'initiative de la commission des Affaires économiques de créer en son sein, sous la conduite de M. Joël Beaugendre, une mission d'information sur la question du financement de la continuité territoriale et sur les coûts des transports entre l'outre-mer et la métropole. Elle a également remercié la Commission pour le soutien qu'elle a apporté à sa politique de remise à niveau des infrastructures touristiques outre-mer.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis, a souligné que ce budget pour 2004 poursuivait l'action entamée en 2003 et se traduisait par un effort de vérité et de transparence. Il a souligné que les précédents ministres de l'outre-mer se complaisaient à annoncer des taux record d'augmentation de crédits qui restaient sous-consommés, alors que Mme Girardin avait choisi de bâtir son budget sur des réalités solides pour soutenir le développement économique de l'outre-mer et trouver des réponses à ses handicaps structurels. Il a demandé à la ministre quelle serait la traduction budgétaire de la loi de programme et quelles seraient les principales mesures en matière d'incitation à l'emploi productif.

S'agissant de la défiscalisation, il a souhaité connaître le rôle du ministère de l'outre-mer par rapport au ministère des Finances, et savoir si des mesures de déconcentration seraient décidées pour que les dossiers de défiscalisation soient instruits par des professionnels connaissant les spécificités locales.

Observant qu'une des mesures centrales portait sur la continuité territoriale et prévoyait des allégements de charges pour les compagnies aériennes locales, il s'est inquiété du désaccord de la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur l'intervention du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (fiata) pour un montant de 30 millions d'euros pour financer ces mesures d'allégement du coût du transport aérien. Il a demandé comment le ministère financerait la continuité territoriale.

Abordant le thème de l'évolution des institutions, il a interrogé la ministre sur les principales compétences transférées aux collectivités locales par la prochaine loi de décentralisation. Il a demandé des précisions sur la manière dont les collectivités locales financeraient ces nouvelles attributions, ainsi que sur les nouveaux critères de calcul des dotations financières aux collectivités locales (dgf, dgd, dge). Il a souhaité savoir comment les collectivités locales pourraient être aidées pour parvenir à une meilleure connaissance des bases imposables afin d'améliorer le rendement des impôts locaux.

Abordant la question de la fiscalité en outre-mer, il s'est interrogé sur le devenir de l'octroi de mer et sur les statuts dérogatoires comme celui de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Il a rappelé qu'un contentieux ancien opposait certaines collectivités locales à l'État au sujet du contingent d'aide sociale et il a questionné la ministre sur la manière dont elle entendait traiter ce litige pour les années passées.

Plusieurs départements d'outre-mer rencontrant des difficultés pour obtenir une eau potable à un prix convenable, il a demandé comment pourrait être assurée une surveillance efficace de la qualité de l'eau et comment aider les collectivités locales à fournir un service de qualité. Constatant que certaines communes d'outre-mer confrontées à une progression démographique importante n'étaient pas en mesure de fournir un réseau d'assainissement de qualité et n'avaient pas de station d'épuration, il a demandé au ministère comment aider ces communes à améliorer leur situation en matière d'hygiène et d'environnement.

Abordant les questions agricoles, il a souhaité connaître l'état d'avancée de la réforme de l'ocm sur le sucre et a demandé à la ministre ce qu'elle entendait faire pour améliorer le sort des producteurs de bananes.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis des crédits des territoires d'outre-mer, et suppléant M. Didier Quentin, rapporteur pour avis des crédits des dom, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, a demandé des informations sur le calendrier de la mise en _uvre de la réforme de l'organisation institutionnelle en Martinique, à la Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Abordant les relations entre l'Union européenne et les dom, il a souhaité savoir si une évolution de la position de la Commission européenne sur les critères d'éligibilité à l'objectif 1 de la politique régionale était envisageable. Après avoir rappelé que l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer prévoyait la prise en considération des spécificités des dom dans la détermination des montants des concours de l'État aux collectivités locales, il a interrogé la ministre sur les éventuelles pistes envisagées par le Gouvernement en cette matière. Observant que le projet de budget pour 2004 présentait les crédits affectés au fedom de façon globalisée, il s'est interrogé sur les raisons de ce choix qui synthétise les moyens alloués aux différents contrats.

M. Serge Poignant, après avoir salué la force de conviction et l'engagement de la ministre, s'est réjoui de la présentation d'un budget en augmentation de 3,4%. Il a ensuite constaté que ces crédits ne représentaient qu'une fraction, de l'ordre de 11%, de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer. En conséquence, il a demandé à la ministre quelques précisions sur les orientations du Gouvernement concernant les crédits n'apparaissant pas au budget du ministère de l'outre-mer. Il a souligné, dans le cadre de la mise en _uvre de la loi de programme de 2003, les mesures mises au service de la priorité à l'emploi, la hausse du plafond des indemnités d'expatriation, ainsi que l'effort consenti pour les subventions en faveur des collectivités locales. En conclusion, il a indiqué que le groupe de l'ump voterait ces crédits.

M. Jérôme Lambert a formulé trois séries d'observations :

-  L'année dernière, la ministre avait présenté son budget avec conviction aux yeux de certains, voire avec une forme d'arrogance, en affichant de hautes ambitions en rupture avec les politiques de ses prédécesseurs. Or, force est de constater que le budget de 2003 a fait l'objet d'annulations de crédits à hauteur d'environ 90 millions d'euros. La ministre a tiré argument de ce que le montant des crédits réellement annulé était plus faible en raison du volume élevé des reports de crédits. Le niveau des reports est-il exceptionnel et particulier à l'année 2003 ? Sinon, pourquoi s'en prévaloir ? De deux choses l'une : soit l'outre-mer n'est pas réellement un ministère prioritaire, soit tous les besoins sont satisfaits, hypothèse que dément à l'évidence la situation de l'emploi outre-mer, du logement, du fedom ou de la lbu.

-  Le budget est-il présenté à périmètre constant ? Il apparaît en particulier qu'y figurent nouvellement cette année des crédits sociaux. Si on les exclut, les crédits du ministère ne connaissent plus une augmentation, mais une baisse.

-  Le recul du chômage outre-mer, dont chacun se réjouit, même si son niveau demeure élevé, a été mis par la ministre sur le compte des effets bénéfiques de la « loi Perben », qui date de cinq ans. Il convient de rappeler que la loi d'orientation pour l'outre-mer, adoptée sous la précédente législature, est loin d'avoir épuisé ses effets.

M. Michel Vaxès a présenté les remarques suivantes :

-  Le budget du ministère ne représentant que 11% des crédits de l'État en faveur de l'outre-mer, il est difficile de se forger une opinion sur l'ensemble des engagements financiers de l'État ; cela pose la question de la date de dépôt de l'annexe budgétaire jaune.

-  Sur la question de l'emploi, la ministre ayant indiqué que les crédits relatifs à l'emploi, à l'insertion et à la formation professionnelle à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie seraient, en 2004, rattachés au fedom, il serait nécessaire de préciser le montant du fedom à périmètre constant.

-  La commission des Finances a adopté des amendements tendant à dégager des économies, à la fois sur des dispositifs d'incitation fiscale et sur des crédits ; or, un calcul rapide montre que plus d'un tiers des économies proposées pèsent sur l'outre-mer. En particulier, un amendement tend à supprimer 30 millions d'euros au titre de la dotation de continuité territoriale. Si cet amendement est définitivement adopté, comment cette dotation sera-t-elle financée en 2004 ?

-  On constate que la plupart des dotations budgétaires sont simplement reconduites, ce qui, compte tenu du niveau élevé de l'inflation outre-mer, correspond plutôt à une baisse ; il en va ainsi en matière de logement ou de jeunesse.

Tout en approuvant les orientations budgétaires présentées par la ministre, M. Mansour Kamardine l'a interrogée sur le maintien, qu'il estime injustifié, de disparités entre la métropole et l'outre-mer en matière de politique sociale ; évoquant notamment le régime des allocations familiales qui ne sont servies à Mayotte que jusqu'au troisième enfant, il a souhaité connaître les projets du Gouvernement en matière d'alignement des régimes sociaux. Abordant ensuite la question de l'immigration clandestine, il a fait état des déséquilibres qu'elle entraîne sur le territoire mahorais, notamment en matière de scolarisation des enfants, et plaidé pour une intensification des actions en ce domaine. Il a souhaité savoir s'il était envisagé de créer à Mayotte, à l'instar de ce qui avait été fait dans les départements d'outre-mer, un fonds régional d'aménagement foncier urbain (frafu), susceptible de coordonner avec la Société immobilière mahoraise (sim) les actions d'aménagement foncier afin de répondre au lancinant problème du logement dans l'archipel. Plaidant ensuite pour une intégration de Mayotte dans la définition communautaire des régions ultrapériphériques, il a demandé si des négociations sur ce point seraient menées à Bruxelles.

Évoquant la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, il a regretté le choix d'un alignement du régime fiscal sur celui de la métropole. Insistant sur les spécificités fiscales de la collectivité départementale, il a déploré que celles-ci puissent lui être retirées au moment où l'on s'apprête à les accorder de façon officielle aux départements d'outre-mer. Plus généralement, il a souhaité que Mayotte puisse faire l'objet d'une loi organique donnant une vue d'ensemble des difficultés rencontrées sur ce territoire. Il a enfin abordé la question du traitement des eaux usées dans l'archipel mahorais en insistant sur l'urgence qui s'attachait à la mise en _uvre des programmes de rénovation.

M. Eric Jalton a évoqué en préambule le contexte difficile dans lequel évoluent les départements d'outre-mer. Tout en souhaitant qu'une attention particulière soit portée sur l'exécution des budgets afin de mieux évaluer ce qui relève du simple effet d'annonce, il s'est félicité des mesures annoncées d'amélioration de la couverture maladie universelle. Il a contesté ensuite les chiffres avancés par la ministre sur la réduction du taux de chômage en indiquant qu'ils ne prenaient pas en compte l'exode massif des jeunes en quête de travail vers la métropole. Il a fait état à ce sujet des inquiétudes du milieu associatif relatives à la suppression progressive dans ce secteur des différentes formes d'emplois aidés. Évoquant ensuite le passeport mobilité-jeunes, il a déploré qu'une telle mesure, bonne dans son principe, ait été mal expliquée et suscite la suspicion auprès des familles, qui doivent fournir l'avance des frais. Il a enfin demandé à la ministre quelles étaient les intentions du Gouvernement en matière de politique d'accession sociale à la propriété.

Rappelant qu'il n'existe pas de liaison aérienne directe entre la métropole et Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Gérard Grignon a souhaité savoir en fonction de quels critères serait affectée la dotation de continuité territoriale.

S'agissant des départements d'outre-mer, la ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

-  La réorientation des crédits du fedom vers le secteur marchand productif est poursuivie dans le projet de budget pour 2004, les emplois aidés absorbant 67 % de ses ressources, contre 76 % en 2003. Ce fonds finance en effet, au titre des mesures introduites par la loi de programmation pour l'outre-mer, le dispositif d'exonérations de charges sociales des contrats d'accès à l'emploi (cae), dont le nombre augmentera de 20 %, les mesures en faveur des jeunes diplômés et des jeunes Mahorais ; le financement de ces dispositions est assuré, à hauteur de 35 millions d'euros, par les marges budgétaires dégagées par les sorties du dispositif emplois-jeunes.

-  Avant même l'intervention de la loi de programme pour l'outre-mer, le ministère de l'outre-mer a toujours été consulté pour avis dans le cadre de la procédure d'agrément des dossiers de défiscalisation, qui sont examinés tant au regard de l'intérêt économique de l'opération que de son impact en termes de création d'emplois. La nouveauté du dispositif d'octroi de l'agrément réside dans la possibilité ouverte au contribuable, en cas de refus d'agrément par l'administration, de saisir une commission consultative interministérielle, présidée par le ministère de l'outre-mer, par là-même davantage impliqué dans ce dossier ; la loi de programme ayant posé le principe d'une dispense d'agrément pour les opérations d'investissement inférieures à un certain seuil, le ministère de l'économie et des finances devrait prendre un arrêté déterminant les conditions d'application de cette disposition.

-  La loi de programme pour l'outre-mer a effectivement prévu un financement de 30 millions d'euros de la dotation nouvelle de continuité territoriale. Afin de satisfaire à cette obligation législative, le projet de budget de l'outre-mer pour 2004 prévoit de faire supporter le coût de cette mesure d'allégement du transport aérien au fiata, disposition dont la commission des finances de l'Assemblée Nationale conteste la constitutionnalité. S'il est trop tôt pour se prononcer sur ce point et, le cas échéant, sur le dispositif budgétaire qui permettra de financer cette mesure, il n'en reste pas moins que l'obligation législative posée par la loi de programme sera respectée.

-  La répartition de la dotation de continuité territoriale entre les neuf collectivités concernées va faire l'objet d'un décret, sur lequel un accord interministériel a été trouvé et qui devrait être soumis prochainement pour avis aux assemblées locales des collectivités concernées ; cette répartition s'effectuera sur la base de critères objectifs, tels que l'éloignement, le caractère archipélagique de la collectivité concernée et le nombre de ses habitants.

-  Les transferts de compétence prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales s'appliqueront sans distinction aux collectivités territoriales d'outre-mer et de métropole, de même que le principe, désormais constitutionnel, de l'équivalence entre transfert de compétence et transfert de ressources, que ce soit par la fiscalité ou par une hausse afférente de la dotation globale de décentralisation. Il n'en reste pas moins qu'en vertu de l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer, qui met en avant la nécessité de prendre en compte les spécificités des dom dans la fixation des montants des concours de l'État aux collectivités d'outre-mer, un travail a été engagé avec le ministère délégué aux libertés locales, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la réforme des dotations de l'État. Pour sa part, le ministère de l'outre-mer souhaite une approche pragmatique dans la fixation de ces dotations, qui se traduise, d'une part, par la définition de critères spécifiques à l'outre-mer (insularité, éloignement, isolement, retard d'équipements structurants), et non par l'application automatique des critères métropolitains, et d'autre part, par la prise en compte des différences existant entre les collectivités d'outre-mer. Par exemple, si le critère de population est particulièrement pertinent pour Mayotte, il l'est beaucoup moins pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

-  L'amélioration du rendement des impôts locaux dans les collectivités d'outre-mer devrait être facilitée par la mise en _uvre des dispositions de l'article 48 de la loi de programme pour l'outre mer. Il prévoit, en effet, la création, en faveur des communes, d'une dotation exceptionnelle de premier numérotage, qui mènera à une clarification des connaissances en matière de base imposable.

-  Le dossier de l'octroi de mer fait partie des héritages particulièrement délicats dont le Gouvernement a à connaître depuis sa prise de fonctions. Si l'échéance initiale, fixée au 31 décembre 2002, a pu être repoussée, c'est grâce à la démarche vigoureuse du ministère de l'outre-mer qui, loin de se borner à demander la reconduction à l'identique de ce régime à la Commission européenne, comme cela avait été le cas avant juin 2002, a présenté aux autorités européennes une demande argumentée et circonstanciée. Les négociations, toujours en cours, évoluent de manière satisfaisante et laissent espérer une reconduction du système : le principe même d'un écart de taxation en vue de soutenir les productions locales et de tenir compte des handicaps reconnus par l'article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne est reconnu par les autorités européennes. S'agissant du détail des demandes, il n'y a pas lieu d'être pessimiste quant à l'acceptation, par la Commission, des principaux points mis en avant par la France. De même, les statuts dérogatoires de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ne devraient pas être remis en cause. Il est probable que ces dossiers aboutiront prochainement, les sept régions ultrapériphériques européennes - les quatre DOM, les Canaries, les Açores et Madère - et les trois pays concernés (Espagne, France, Portugal) devant se réunir à la fin du mois d'octobre 2003 à la Martinique, en présence du commissaire européen en charge de ces dossiers.

-  Le contentieux opposant certaines collectivités locales et l'État sur le contingent d'aide sociale fait, là encore, partie d'un héritage difficile et résulte des erreurs de la précédente majorité dans la mise en _uvre de la couverture maladie universelle ; une remise à niveau de la dotation globale de fonctionnement des communes devrait permettre d'apurer le passé.

-  En matière de sécurité sanitaire, et notamment de réseaux d'assainissement, les mêmes moyens sont mis en _uvre en métropole et outre-mer, par les directions départementales de l'action sanitaire et sociale et les services de police de l'eau ; le financement est inscrit dans les contrats de plan. Il est vrai, toutefois, que des moyens supérieurs doivent être alloués dans les dom pour permettre la construction d'un réseau d'assainissement de qualité. C'est pourquoi les collectivités d'outre-mer bénéficient, en la matière, du triple concours du fonds d'investissement dans les dom, géré par le ministère de l'outre-mer, du fonds national de solidarité pour l'eau, qui dépend du ministère de l'environnement, et du fonds européen de développement régional (feder). Depuis 2002, La Réunion et la Martinique se sont dotées d'offices de l'eau, qu'il serait souhaitable de voir créés également en Guadeloupe et en Guyane. La loi de programme pour l'outre-mer y incite, d'une part en offrant à ces offices la possibilité de créer des redevances leur permettant de bénéficier de moyens d'intervention supplémentaires, d'autre part en rendant éligibles à la défiscalisation les opérations d'investissement relatives à l'assainissement de l'eau.

-  L'objectif du ministère est de récupérer sur le budget de l'outre-mer l'ensemble des crédits des autres ministères concernant l'outre-mer, notamment les crédits relatifs à l'emploi.

-  À périmètre constant, le fedom disposera pour 2004 des mêmes dotations que l'année précédente.

-  Depuis le 1er octobre dernier, les étudiants n'ont plus besoin de faire l'avance de leur billet d'avion dans le cadre du « passeport mobilité ». Cette mesure pourrait prochainement être étendue aux sportifs.

-  La critique formulée l'année dernière à propos des reports de crédit de 2002 ne portait pas sur le principe du report, mais sur le volume de celui-ci, témoignant du caractère artificiel du budget présenté. Les crédits prévus pour 2003 n'ont pas été affectés par les annulations en raison des reports et le taux de consommation s'élève à près de 80 % en moyenne, et atteint même 100 % pour certaines lignes.

-  Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (igas) devrait se rendre à Mayotte pour faire le point sur le système des allocations familiales.

-  Si le Gouvernement suit avec attention l'évolution du secteur sucrier et a pris note du souhait de la Commission de disposer d'un rapport sur cette question, il n'est, en revanche, pas favorable à une modification anticipée de l'ocm du sucre et n'envisage nullement une reconversion des personnes travaillant dans ce secteur.

-  Conscient de l'importance économique de la culture bananière, qui représente trente mille emplois dans les départements d'outre-mer, le Gouvernement est particulièrement attentif à l'évolution des dispositifs communautaires, notamment dans la perspective de la renégociation de la politique agricole commune en 2006 ; des efforts ont été consentis pour ce secteur, notamment grâce à l'octroi par l'Agence française de développement de prêts à taux zéro pour un montant de 13 millions d'euros ; le Gouvernement a également rencontré les professionnels et s'est félicité de leur unité.

-  S'agissant de l'évolution institutionnelle des collectivités d'outre-mer, le Gouvernement a eu pour seule ambition d'offrir un cadre constitutionnel rénové aux collectivités d'outre-mer ; à la suite de l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, les élus de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont présenté des documents sur les évolutions institutionnelles envisagées pour leurs collectivités ; celles-ci semblent conformes à la Constitution ; dès que le Conseil d'État, consulté sur ce point, aura rendu son avis, il soumettra à la signature du Président de la République un décret convoquant les électeurs ; en Martinique, Guadeloupe ainsi que dans les îles du nord, la campagne devrait débuter le 24 novembre et la population serait consultée le 7 décembre prochain. S'il n'appartient pas au Gouvernement de prendre position sur le fond des évolutions proposées, il invitera en revanche la population à participer à cette consultation et s'attachera à souligner le caractère fallacieux de tout argument tendant à faire accroire que ces consultations organiseraient la « sortie de la République », les modifications proposées étant conformes à la Constitution ; en tout état de cause, que les populations se prononcent en faveur du statu quo ou d'une évolution de l'organisation de leur collectivité, il s'agira d'une victoire de la démocratie.

-  Les régions ultrapériphériques, ainsi que l'Espagne, la France et le Portugal, ont remis le 2 juin dernier un mémorandum demandant l'intégration dans la Constitution européenne de l'article 299-2 du Traité instituant la Communauté européenne ; l'organisation, à la Martinique à la fin du mois d'octobre, d'une réunion des régions ultrapériphériques en présence du commissaire Michel Barnier, devrait permettre à la Commission de préciser ses orientations sur cette question.

-  L'éligibilité des régions ultrapériphériques aux fonds structurels ne saurait être remise en cause ; la France est totalement opposée à la mise en place d'enveloppes nationales, et donc à la remise en cause de la politique régionale communautaire, position partagée par le commissaire Michel Barnier.

-  Conforme à la logique de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la globalisation des crédits du fedom contribue à la réforme de l'État, en permettant une meilleure prise en compte des situations concrètes et une plus grande réactivité ; ces crédits seront affectés de façon transparente par le directeur du travail et sous le contrôle du préfet.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'outre-mer pour 2004.

N°1115 tome VII : Avis de M. Didier Quentin sur le projet de loi de finances pour 2004 : Départements et régions d'outre-mer


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale

() Jacques Paquier, Christiane Wanaverbecq, « Réforme de la Constitution : un tournant pour l'outre-mer », La gazette des communes, n° 1683, 3 mars 2003.

() Rapport n° 376 au nom de la commission des Lois, 13 novembre 2002.

() JO Débats, Assemblée nationale, 3e séance du 6 juin 2003, p. 4882.

() Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15, DC 2003-474, 17 juillet 2003.

() Sept régions ultrapériphériques sont concernées : les quatre dom, les Canaries, les Açores et Madère.

() Jean-Paul Virapoullé, rap. cit.

() Quinze autres budgets sont dotés de crédits à destination des six collectivités concernées, dont les principaux sont ceux de l'éducation nationale, des affaires sociales, de la défense et de l'intérieur.

() Les enjeux européens ont été traités dans le I.