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le 7 novembre 2003
N° 1110
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR
LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),
PAR M. GILLES CARREZ,
Rapporteur Général,
Député.
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ANNEXE N° 3
AFFAIRES ÉTRANGÈRES :
COOPÉRATION et DÉVELOPPEMENT
Rapporteur spécial : M. Henri EMMANUELLI
Député
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Relations internationales.
INTRODUCTION 5
I.- UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE TRÈS INSATISFAISANTE 7
A.- UNE INQUIÉTUDE APPARUE DÈS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003... 7
B.- ... ET CONFIRMÉE PAR L'EXÉCUTION 2003... 7
C.- ... AVEC DES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES 8
II.- TRANSPARENCE ET LISIBILITÉ DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 13
A.- UNE APD FRANÇAISE ENCORE OPAQUE 13
B.- LA RÉNOVATION DU « JAUNE » N'A TOUJOURS PAS EU LIEU 14
C.- LOLF ET APD : UNE OCCASION MANQUÉE ? 15
1. La nécessité d'une mission interministérielle APD 15
2.- Une APD disséminée au sein de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des Affaires étrangères 16
3.- Un programme APD spécifique au ministère de l'Économie et des finances 20
III.- LE NIVEAU D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 21
A.- L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT EST INDISPENSABLE À LA CROISSANCE DES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT 21
B.- ÉVOLUTION RÉCENTE ET STRUCTURE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT MONDIALE. 22
IV.- UN EFFORT FRANÇAIS EN FAVEUR DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT TRÈS INCERTAIN 29
A.- UNE ÉVOLUTION GLOBALE ENCOURAGEANTE MAIS TROMPEUSE 30
1.- Une chute de l'APD bilatérale ininterrompue jusqu'en 2000 30
2.- Une aide multilatérale dominée par l'Union européenne 31
3.- Structure de l'APD française en 2002 32
4.- Une remontée essentiellement due à la montée en charge de l'initiative PPTE 34
B.- LE PROCESSUS D'ANNULATION DE LA DETTE 37
1.- Le dispositif pays pauvres très endettés (PPTE) 37
2.- Le volet bilatéral français sur la dette : les contrats de désendettement et de développement (C2D) 42
3.- Une inscription budgétaire particulièrement complexe 47
C.- DES CRÉDITS D'INTERVENTIONS QUI STAGNENT 50
1.- La coopération culturelle, scientifique et technique 50
2. - La coopération décentralisée 51
3.- Le soutien aux organisations de solidarité internationale (OSI) 51
D.- DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT EN HAUSSE 56
1.- Le Fonds européen de développement (FED) 56
2.- L'Agence française de développement (AFD) 64
3.- Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) 68
EXAMEN EN COMMISSION 75
OBSERVATION 80
Comme l'an dernier, votre Rapporteur a souhaité élargir son analyse à l'ensemble des crédits concourant à l'aide publique au développement. Il s'agit d'un champ à la fois plus restreint que les crédits de la coopération (de nombreuses actions de coopération n'ont pas pour destinataires des pays en voie de développement) et beaucoup plus larges : les crédits de coopération ne représentent même pas la moitié de l'aide publique au développement au sens du Comité d'aide au développement de l'OCDE, enceinte faisant autorité en ce domaine.
La communauté internationale s'est fixée des objectifs ambitieux en termes de réduction de la pauvreté à Monterey. Pour cela un développement de l'aide publique au développement est indispensable. Celle-ci a fortement régressé depuis le début des années quatre-vingt dix, la confiance aveugle dans le marché qui animait alors les principales organisations internationales les empêchant d'intégrer cette dimension, comme les théories économiques, qui les inspiraient, étaient incapables de penser le rôle de l'État, et sa spécificité en tant qu'acteur économique, dans leur modèles économiques.
Or, aujourd'hui, il est évident que la seule intégration au marché international, la globalisation financière ne sauraient suffire à assurer le développement des pays les plus pauvres. Au contraire, elles semblent freiner ce développement. L'aide publique au développement est donc indispensable pour accompagner, corriger et diriger ce développement de même que l'État est indispensable pour réguler et dynamiser l'activité économique d'un pays.
La France, forte d'une puissante expérience en ce domaine, a décidé de prendre part à ce renouveau de l'aide publique au développement, après presque dix ans de chute de l'effort d'APD exprimé en pourcentage du PIB. Le président de la République a annoncé un objectif de 0,5 % du PIB (contre 0,32 % en 2000) consacré à l'APD d'ici la fin de la législature.
Cet objectif semble en bonne voie aujourd'hui puisque le taux devrait atteindre 0,41 % en 2003 et 0,43 % en 2004. Votre Rapporteur aimerait se réjouir de cette progression mais une analyse plus fine en révèle les faiblesses. En effet, l'essentiel de cette progression est imputable à le montée en puissance des annulations de dette accordées par la France au titre de l'initiative Pays pauvres très endettées (PPTE) : 1,1 milliards d'euros d'annulations en 2002, 1,9 milliard d'euros en 2003 et 2,05 milliards d'euros en 2004.
Or, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005 quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, entraînant dans leur chute la montant global de l'APD si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais.
Quels sont ces autres supports ? Il s'agit des outils classiques de l'aide publique au développement que sont le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), l'Agence française de développement (AFD) ou bien les crédits d'intervention gérés par la DGCID.
Malheureusement, ces supports ne bénéficient pas de crédits leur permettant de faire face. Ils ont d'abord été très durement touchés par la régulation budgétaire, ce malgré leur caractère « prioritaire ». Les gels ont aussi bien touchés les crédits initiaux que les crédits reportés de 2002 sur 2003, rendant la gestion 2003 catastrophique.
La DGCID a été obligé de revoir à la baisse l'ensemble de ses opérations : les bourses de longue durée, l'assistance technique ou encore les subventions et commandes aux opérateurs. Le FSP est lui passé à deux doigts de la cessation de paiement cet été et l'AFD connaît aujourd'hui une situation de trésorerie difficile. Pour ces deux supports, une ouverture de crédits de paiement en loi de finances rectificative est indispensable.
Qu'en est-il de ce projet de loi de finances ? Les crédits d'intervention au mieux stagnent et parfois régressent. Quant aux subventions d'investissement, elles augmentent ce dont se félicite votre Rapporteur : le ministère des affaires étrangères semble avoir abandonné la politique d'affichage consistant à ouvrir des autorisations de programme en masse sans que les crédits de paiement ne suivent.
Les crédits de paiement augmentent donc de 118 millions d'euros (28 pour le FSP, 21 pour l'AFD et 69 pour le FED). En particulier, les crédits du FSP passent de 112 à 140 millions d'euros, soit une progression de 25 %. C'est la progression la plus forte enregistrée depuis très longtemps et on ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance, même si l'on est encore loin des niveaux de 1995 (200 millions d'euros !)
Reste deux écueils à éviter qui expliquent le scepticisme de votre Rapporteur :
- un report de charges trop important de 2003 sur 2004, les crédits de paiement supplémentaires ne servant alors qu'à apurer la mauvaise gestion de 2003 ;
- un nouveau gel des crédits pour cause de régulation budgétaire, l'année 2003 ayant montré que, malgré son statut de « priorité du Gouvernement », l'aide publique au développement n'était nullement à l'abri des gels et annulations de crédits.
I.- UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE TRÈS INSATISFAISANTE
L'an dernier, le Gouvernement avait affiché avec moult publicité le caractère prioritaire de l'aide publique au développement, suivant en cela les recommandations d'un Président venant de découvrir la « fracture sociale mondiale » et désireux de se positionner sur le thème de la mondialisation.
Votre Rapporteur spécial s'était félicité de cette nouvelle priorité, plus juste à ses yeux que celle accordée à la sécurité ou à la défense, tout en restant extrêmement prudent et attendant de juger sur les actes. En effet, la hausse annoncée dans le projet de loi de finances pour 2003 résultait pour l'essentiel du financement d'un dispositif mis en place par le gouvernement précédent (les C2D) et par la montée en charge du Fonds européen de développement (FED).
Pour le reste, le seul geste significatif concernait les autorisations de programme ouvertes pour le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et pour l'Agence française de développement (AFD). Il s'agissait là d'un premier pas utile mais qui était condamné à rester lettre morte faute de crédits de paiement suffisants. En effet les autorisations de programme progressaient jusqu'à 190 millions d'euros sans que les crédits de paiement ne suivent cette progression. En outre, le ministère des Affaires étrangères subissait déjà l'an dernier un gel important de ses crédits, particulièrement ceux de l'APD. Il était à craindre que, de nouveau, l'APD serve de variable d'ajustement budgétaire en cas de difficultés.
Malheureusement, malgré les engagements du Gouvernement et le caractère prétendument prioritaire de l'APD, l'exercice 2003 a plus que confirmé ces craintes. L'APD n'a en rien été sanctuarisé et a subi de plein fouet la régulation budgétaire, tant au niveau des crédits votés en loi de finances initiale qu'au niveau des reports de 2002 sur 2003.
Les crédits de l'APD sont soumis depuis le mois de février à un gel, appelé « réserve de précaution », à hauteur de 97,58 millions d'euros dont 22,64 millions sur le titre IV (fonctionnement) et 74,94 millions sur le titre VI (subventions d'investissement). Ces crédits ne sont censés pouvoir être mobilisés que pour couvrir des dépenses non prévues au titre de l'APD, et non pour couvrir des dépenses autres, sauf si, en fin d'exercice, il subsiste un reliquat.
Cette distinction avec les gels subis par les autres ministères, qui annoncent, eux, très clairement des annulations, est largement artificielle et rencontre un certain scepticisme chez les ministères dépensiers concernés. Il s'agit manifestement d'une formule de la direction du Budget permettant de conserver les apparences (sanctuarisation de certains ministères : Justice, Intérieur, APD, Défense) tout en gardant la possibilité de procéder à des annulations de crédits si nécessaires.
À ce gel des crédits ouverts en loi de finances initiale s'ajoute le gel quasi-intégral des crédits reportés de 2002 sur 2003. Ici, aucune distinction n'est faite au sein du ministère des Affaires étrangères entre les crédits consacrés à l'APD et les autres, signe supplémentaire du caractère factice de cette distinction.
Si l'on ne retient que les chapitres budgétaires participant à l'APD, le gel des reports atteint 26,481 millions d'euros () pour le titre IV et 9,259 millions d'euros pour le titre VI.
Au total, ce sont donc près de 124 millions d'euros de crédits qui sont gelés à un titre ou à un autre sur l'aide publique au développement.
À ce gel s'ajoute enfin des annulations :
- à hauteur de 11,27 millions d'euros sur le chapitre 42-15 « Coopération et développement ». Certes une partie de ce chapitre n'est pas pris en compte dans l'aide publique au développement, mais il conviendrait de savoir quelles sont les actions menacées par cette annulation et si elles concernent ou non l'APD ;
- à hauteur de 15 millions d'euros sur le chapitre 41-43 « concours financiers » qui finance, entre autres choses, les C2D (contrats de désendettement-développement).
Ces gels ou annulations ont imposé à la Direction générale de la coopération culturelle internationale et du développement (DGCID) de revoir l'ensemble de la programmation de l'administration centrale et des postes. Elle a ainsi procédé à un abattement de 18 % sur les crédits programmés en titre IV hors assistance technique, hors bourses et hors rémunération des personnels des Alliances françaises. La réduction de 18 % s'applique notamment aux :
- stages de courte durée ;
- subventions et commandes aux opérateurs et autres organismes ;
- subventions aux établissements à autonomie financière (centres culturels, instituts...) et alliances françaises ;
- crédits délégués et déconcentrés.
En outre, le gel des crédits de reports ouverts en 2003 au titre de la gestion 2002, par arrêté du 12 mars pour les dépenses en capital et du 17 avril pour les dépenses ordinaires, a conduit à un report de charges sur cette année de près de 22 millions d'euros sur le chapitre 42-15. Ceci a obligé la DGCID à chercher des économies sur des actions jusqu'ici épargnées. Il en est ainsi des bourses de longue durée et surtout de l'assistance technique, pour laquelle l'économie a été obtenue sans rupture de contrats. Le ministère n'a pas pourvu à la rentrée de septembre 2003 plus de 400 postes dont la création venait d'être décidée ou qui faisaient l'objet d'un renouvellement.
S'agissant du titre VI, ces gels sont venus compliquer la gestion des actions de coopération, ce d'autant plus que le niveau des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme sur les chapitres 68-91 « Fonds de solidarité prioritaire » et 68-93 « Dons destinés à financer des projets mis en _uvre par l'Agence française de développement » était déjà insuffisant en loi de finances initiale.
Le Fonds européen de développement (FED) risque d'être très rapidement confronté à une situation difficile : comme l'indiquait la Cour des comptes dans son rapport relatif à l'exécution de la loi de finances pour 2002, la participation de la France au FED (chapitre 68-02) est caractéristique de la pratique de sous-dotation systématique pratiquée au ministère des Affaires étrangères. En 2002, avec une dotation très insuffisante en loi de finances initiale (218, millions d'euros) et malgré des reports records, supérieurs à la dotation initiale (285,7 millions d'euros), les crédits disponibles n'ont permis de répondre entièrement qu'aux trois premiers appels de fonds. Ils n'ont pas permis d'honorer la totalité de la troisième tranche du FED, appelée début juillet, générant ainsi des intérêts de retard. Si la dotation de 13 millions d'euros en loi de finances rectificative () a permis par la suite d'honorer les engagements, l'erreur grossière de prévision sur le volume des appels de fonds pour 2002 a contraint d'annuler 44,9 millions d'euros en fin d'exercice. De tels mouvements erratiques, qui portent sur des montants considérables, et qui sont sources de dépenses supplémentaires, laissent perplexes sur la gestion de ce chapitre.
Cette perplexité est encore accentuée par l'exercice 2003 : 496 millions d'euros ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2003 sur lesquels 49,6 millions d'euros ont été gelés au printemps. Au 25 septembre 2002, la consommation sur ce chapitre représentait 95% des crédits disponibles. Or le quatrième appel de fonds n'a pas encore été notifié par la Commission européenne. Il pourrait atteindre, au mieux, 450 millions d'euros pour l'ensemble des États-membres, soit bien plus que les 300 millions d'euros prévus par le ministère des Affaires étrangères. Ainsi même en cas de dégel des 49 millions d'euros « mis en réserve », la dotation sera insuffisante pour honorer la totalité de la quatrième tranche, générant encore une fois des intérêts de retard.
De même, l'Agence française de développement a vu ses crédits gelés à hauteur de 19 millions d'euros en autorisations de programme et de 13,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit 10 % des dotations initiales. Ceci risque de créer de réels problèmes pour la fin de l'exécution 2003. Rappelons que lorsque les crédits de paiement de l'AFD sont épuisés, celle-ci est tenue, aux termes de la convention de 1994 qui la lie à l'État, de suspendre ses décaissements. Cette contrainte est notamment apparue en novembre 2001. Même si l'annonce de l'inscription d'une dotation complémentaire en loi de finances rectificative pour 2001 a permis de débloquer la situation, l'AFD a dû avancer la trésorerie nécessaire au préfinancement de cette opération, dont la couverture n'est intervenue que quatre mois plus tard.
Ces suspensions de décaissement créent de graves perturbations dans la mise en _uvre des projets. Elles mettent, de surcroît, l'AFD en risque juridique pour non-respect des conventions de financement signées auprès des bénéficiaires des concours. Enfin, la suspension des décaissements a des effets désastreux au niveau politique en termes d'image auprès des opinions publiques.
Le niveau de crédits de paiement disponibles (123 millions d'euros alors que les décaissements prévisibles s'établissent à 160 millions d'euros), pourrait conduire l'AFD à vivre un nouvel incident de paiement dans le courant de l'automne 2003. Au 25 septembre, l'AFD avait déjà consommé 85 % de ses crédits et les crédits « réservés » n'étaient toujours pas dégelés. Une ouverture de crédits de paiement supplémentaires en loi de finances rectificative est indispensable.
La même analyse vaut exactement pour le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) directement géré par la DGCID. Lors de son conseil d'orientation stratégique du 25 mars 2003, le FSP constatait, avant même une quelconque régulation, un manque à gagner en crédits de paiement de 40 millions d'euros en 2003 et évoquait que dès la fin du premier semestre 2003, le FSP pourrait se trouver en cessation de paiements, ce qui s'est produit fin 2002, pour la première fois de l'histoire quarantenaire de cet outil.
Malgré cela, un gel de 10 % des dotations initiales en autorisations de programme et en crédits de paiement avait été décidé et les reports de crédits de 8,2 millions d'euros acceptés ont été immédiatement gelés, plongeant le FSP dans une situation budgétaire qu'il n'est pas exagéré de qualifier de catastrophique.
Heureusement, les crédits initiaux et les reports ont été dégelés en septembre, le Gouvernement se rendant peut-être compte des dangers politiques et diplomatiques d'une cessation de paiement d'un des principaux outils de notre aide publique au développement.
Toutefois, l'analyse de mars dernier sur l'insuffisance des crédits de paiement reste valable et une ouverture en loi de finances rectificative est inévitable. Sans quoi, un report de crédits sur 2004 sera nécessaire, amputant d'autant les crédits de paiement supplémentaires inscrits au projet de loi de finances pour 2004.
Au total, votre Rapporteur spécial ne peut que constater le double langage du Gouvernement : d'un côté, l'aide publique au développement est qualifiée de priorité gouvernementale ; de l'autre, on continue de s'en servir de variable d'ajustement budgétaire, en comptant sur la mécanique des annulations de dette pour atteindre les objectifs de pourcentage du PIB, en flagrante rupture avec le principe d'additionnalité des annulations de dette.
Il conviendra en tous cas d'être particulièrement attentif à loi de finances rectificative pour 2003 dont débattra le Parlement juste après la loi de finances initiale. Votre Rapporteur spécial craint en tout cas que les crédits ouverts en loi de finances rectificative ne soient gagés sur des annulations de crédits APD, en particulier au niveau des crédits des C2D.
II.- TRANSPARENCE ET LISIBILITÉ DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
Il est aujourd'hui très difficile pour un parlementaire, et a fortiori pour un citoyen, d'avoir une vision claire de l'effort de la Nation en faveur des pays en voie de développement. L'aide au développement mise en _uvre par la France souffre toujours d'un manque de lisibilité et de transparence, souligné par le comité d'aide au développement de l'OCDE (CAD) dans le cadre de ses « examens pays ».
Le dispositif de l'aide publique au développement en France est unique, de par sa complexité, parmi les pays membres du CAD. Plus d'une dizaine de ministères disposent de crédits d'APD qui impliquent dans leur mise en oeuvre toute une série d'organismes publics. De plus, la nomenclature budgétaire nationale ne permet pas de distinguer clairement les crédits d'APD des autres crédits de coopération internationale. Une partie de ces fonds n'est d'ailleurs même pas inscrite au budget de l'État. Cette complexité du dispositif français nuit donc à la transparence et à la cohérence de la contribution de la France à l'aide publique au développement.
Ce manque de lisibilité est encore accentué par l'importance du programme d'annulation de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces annulations représentent une part de plus en plus importante de l'effort total d'APD et pourtant il est très difficile de retracer leur parcours au sein du budget de l'État et des comptes spéciaux du Trésor qui leur servent de support.
Pourtant, ce travail de clarification et de répartition des crédits budgétaires entre ce qui est de l'APD et ce qui n'en est pas est fait à un moment ou à un autre, puisque, tous les ans, la France doit fournir au CAD le montant de son APD, en respectant les critères de sélection posés par cet organisme.
Rappelons que l'APD correspond à toutes les ressources :
- fournies aux pays d'une liste établie par le CAD regroupant les pays les plus pauvres, ou à des institution multilatérales pour être ensuite acheminées vers des pays de la liste ;
- émanant d'organismes publics, y compris les États et les collectivités locales ou d'organismes agissant pour le compte d'organismes publics ;
- ayant pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires de l'aide, et comportant un élément de libéralité au moins égal à 25 %.
Les instruments existent pourtant qui pourraient permettre une plus grande lisibilité de l'APD, le premier d'entre eux étant l'annexe « jaune » au projet de loi de finances intitulé « État récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les États en voie de développement ».
Malheureusement, cette annexe au projet de loi de finances ne remplit que très imparfaitement son rôle. En effet, l'architecture du budget français ne permet de retracer directement que l'ensemble des crédits dits de coopération. Cet agrégat « coopération » diffère sensiblement de l'agrégat « APD » pour ce qui est notamment :
- du champ géographique (certains États bénéficient de crédits de coopération mais ne figurent pas sur la liste des récipiendaires du CAD),
- du périmètre de crédits alloués (le CAD exclut, par exemple, les dépenses relatives à l'assistance militaire),
- du mode de comptabilisation des dépenses.
Des voies de réforme possibles avaient été dessinées lors du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 14 février 2002, mais elles n'ont toujours pas été explorées.
La logique de la proposition faite par le CICID du 14 février 2002 concernant le « jaune » budgétaire était de fournir une double présentation de la coopération de la France au développement et de permettre aux parlementaires de comprendre les principes qui permettent de passer de l'une à l'autre.
Le « jaune » rénové comprendrait donc une présentation conforme à la nomenclature budgétaire nationale (ventilation par section budgétaire et par chapitres) et une présentation conforme à la nomenclature du CAD.
Le « jaune » budgétaire, dans sa forme actuelle, présente d'ores et déjà, sous la forme d'un tableau synthétique, l'effort d'APD de la France au sens du CAD. Mais cette présentation peut être considérablement améliorée. L'innovation principale à ce titre consisterait en l'adjonction de tableaux et de graphiques déclinant l'aide par aire géographique, par secteur et par ministère.
La seconde innovation consisterait à fournir les clés de passage entre les deux nomenclatures. Le « jaune » présenterait donc aussi, sous forme de tableaux, en regard de chaque chapitre budgétaire concerné, la règle ou le principe qui préside à sa comptabilisation - totale ou partielle - au titre de l'APD au sens du CAD, ainsi que la traduction chiffrée de l'application de cette règle sur les trois dernières années. La dernière colonne du tableau appliquerait, à titre illustratif, à chaque chapitre du projet de loi de finances, le pourcentage moyen sur les trois dernières années des crédits comptabilisés en APD.
Malheureusement, cette refonte d'ampleur du « jaune » n'a toujours pas eu lieu après deux projets de loi de finances. Certes, deux graphiques y ont été insérés relatifs à la répartition de l'APD par grandes régions du monde et par groupes de revenus, ainsi qu'un tableau mentionnant la moyenne de l'aide versée en 2001 et 2002 en faveur des dix principaux bénéficiaires.
Cela reste très insuffisant au regard du retard : la fourniture des clés de passage de la nomenclature budgétaire à la nomenclature APD du CAD est aux yeux de votre Rapporteur spécial absolument essentielle. Cette exigence est encore accrue par la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances.
La réorganisation du budget de l'État en missions et en programmes, conformément à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), est une occasion unique d'établir un cadre budgétaire approprié à une politique de coopération ambitieuse et cohérente, assortie d'objectifs globaux. La LOLF propose en effet un nouveau support budgétaire tout à fait approprié à l'APD : la mission interministérielle.
La gestion interministérielle est en effet un des enjeux de la réforme : l'État doit être capable de mieux coordonner les politiques relevant de ministères différents, aussi bien dans leur conception au niveau central que dans leur mise en _uvre au niveau déconcentré. En donnant au Gouvernement la faculté de créer des missions regroupant des programmes relevant de ministères différents (), la loi organique a prévu la possibilité de gérer l'interministérialité dès le stade de l'autorisation parlementaire. Ce nouvel outil participe du souci d'améliorer la lisibilité des lois de finances : c'est un moyen de s'affranchir des découpages administratifs en mettant dans une même unité de vote des programmes qui concourent à une même politique, et de présenter non seulement le coût complet d'un volet de l'action de l'État, mais les crédits des ministères concernés selon une nomenclature, des objectifs et des indicateurs harmonisés.
Ainsi une mission interministérielle « coopération au développement » regroupant l'ensemble des crédits d'APD disséminés entre les différents ministères constituerait-elle un cadre pour le vote global des crédits APD par le Parlement, la mission étant l'unité de vote dans le cadre de la LOLF.
Cela suppose cependant que la participation de chaque ministère à une politique publique donnée soit identifiable dès le projet de loi de finances, au sein d'un programme ou d'une action. Malheureusement, la nouvelle nomenclature vers laquelle semble se diriger le ministère des Affaires étrangères ne permet pas du tout cette identification, bien au contraire. Elle traduit même un important recul en termes de lisibilité de l'APD.
Aujourd'hui, le ministère des Affaires étrangères prévoit de structurer son budget en trois programmes :
- un programme « rayonnement et influence de la France », réunissant les crédits de l'action diplomatique (directions géographiques, contributions internationales, fonds européen de développement, action humanitaire et de maintien de la paix, coopération de défense) ;
- un programme « coopération et action culturelle » (DGCID), qui regroupera la majorité des crédits de coopération (APD), d'action culturelle et d'action audiovisuelle extérieure.
- un programme « réseaux et services publics à l'étranger » où sont regroupés les crédits des activités de direction et de gestion du ministère, les crédits consulaires et l'ensemble des crédits des postes et des services extérieurs.
Ces trois programmes sont censés être le reflet des principaux métiers (diplomatie, coopération culturelle et de développement, affaires consulaires) et correspondre aux trois grandes politiques du ministère.
Il n'appartient pas à votre Rapporteur spécial, dont la compétence se limite aux crédits de la coopération et de l'aide publique au développement, de se prononcer sur l'architecture globale du ministre, même si celle-ci lui semble très imparfaite. En particulier, l'action 20 (« une organisation performante pour une diplomatie en action ») du troisième programme, regroupant la gestion des ressources humaines, la formation professionnelle, les affaires budgétaires et financières, l'immobilier, les archives, le réseau de communication et le service intérieur, ressemble très fortement à un programme support et on comprend mal son inclusion dans un programme « Réseau et services publics à l'étranger ».
STRUCTURE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ENVISAGEE AUJOURD4HUI (en millions d'euros) | |||||||||
Programme 1 1.325 |
Programme 2 1.351 |
Programme 3 reseau et services publics a l'etranger: 1.396 | |||||||
dont APD : 605 |
dont APD : 1.054 |
dont APD : 214 | |||||||
Action 1 28,62 |
Action 6 15,86 |
Action 9 52,30 |
Action 15 36,21 | ||||||
dont APD : 52,30 |
dont APD : 4,11 | ||||||||
Action 2 9,23 |
Action 7 Promouvoir l'usage du français et la diversité culturelle (OCDE) 226,50 |
Action 10 Permettre l'accès des PED à la diversité culturelle 213,34 |
Action 16 561,46 | ||||||
dont APD : 213,34 |
dont APD : 108,47 | ||||||||
Action 3 Réguler la mondialisation à travers les instances multilatérales 953,64 |
Action 8 Renforcer les échanges scientifiques et universitaires (OCDE) 53,89 |
Action 11 Favoriser le développement par la coopération universitaire et scientifique 140,71 |
Action 17 Garantir aux Français de l'étranger un service public de qualité 141,52 | ||||||
dont APD : 598,94 |
dont APD : 140,71 |
||||||||
Action 4 Veiller à la sécurité internationale 231,92 |
Action 12 Lutter pour le développement et l'éradication de la pauvreté 525,44 |
Action 18 Service public d'enseignement scolaire à l'étranger 351,63 | |||||||
dont APD : 5,13 |
dont APD : 525,44 |
dont APD : 101,97 | |||||||
Action 5 Développer la coopération militaire et de défense 101,39 |
Action 13 Participer aux débats sur les enjeux globaux et participer aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement 7,76 |
Action 19 Maîtriser les flux migratoires 72,81 | |||||||
dont APD : 77,76 |
|||||||||
Action 14 Protéger les populations touchées par les crises : 44,89 |
Action 20 Une organisation performante pour une diplomatie en action : 232,28 | ||||||||
dont APD : 44,89 |
Du strict point de vue de l'APD, cette nomenclature est en tous cas très mauvaise et rend quasi impossible la constitution d'une mission interministérielle, à un point tel que votre Rapporteur spécial se demande si ce n'est pas délibéré. Les crédits de l'APD sont en effet répartis entre les trois programmes.
Le FED se trouve ainsi au sein du premier programme « rayonnement et influence de la France » ; le troisième programme « réseau et services publics à l'étranger » rassemble 214 millions d'euros d'APD (le cabinet du ministre de la coopération, une partie du service public d'enseignement scolaire à l'étranger). Enfin, le deuxième programme « coopération et action culturelle » rassemble l'essentiel des crédits APD : six des neuf actions intégrées à ce programme sont composées à 100 % de crédits APD () mais les trois autres actions ne contiennent aucun crédits APD. Il s'agit pour deux d'entre elles d'actions identiques à celles concourant à l'APD mais destinées aux pays de l'OCDE ().
Il suffirait donc d'exclure ces trois actions de ce programme pour en faire un programme exclusivement APD auquel il serait ensuite possible de rajouter les crédits APD des autres programmes dans la mesure où ils peuvent être identifiés.
Ce qui est particulièrement étonnant est que le ministère des Affaires étrangères avait précisément envisagé une telle nomenclature dans son plan d'action stratégique « Affaires étrangères 2007 » (cf. schéma ci-dessus). Trois programmes étaient alors envisagés :
- action de la France en Europe et dans le monde ;
- solidarité à l'égard des pays en développement ;
- un réseau au service de l'État et des citoyens.
Cette architecture semble beaucoup plus rationnelle à votre Rapporteur spécial et surtout permet une identification claire des crédits consacrés à l'APD au sein du ministère. Il est très regrettable qu'elle ait été abandonnée.
STRUCTURE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES FIGURANT AU PLAN « AFFAIRES ETRANGERES 2007 » | ||||||
Programme 1 |
Programme 2 |
Programme 3 | ||||
Action 1 |
Action 6 Protéger les populations touchées par les crises |
Action 9 |
Action 14 | |||
Action 2 |
Action 7 Veiller à la sécurité internationale |
Action 10 Améliorer l'accès à l'éducation et à la culture |
Action 15 | |||
Action 3 Promouvoir l'usage de la langue française et la diversité culturelle |
Action 8 Développer la coopération militaire et de défense |
Action 11 Enseignement supérieur et recherche au service du développement |
Action 16 Garantir aux Français de l'étranger un service public de qualité | |||
Action 4 Renforcer les échanges scientifiques et universitaires |
Action 12 Lutter pour le développement et l'éradication de la pauvreté |
Action 17 Maîtriser les flux migratoires | ||||
Action 5 Réguler la mondialisation à travers les instances multilatérales |
Action 13 Participer aux débats sur les enjeux globaux et participer aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement |
Action 18 Optimiser la gestion des ressources humaines et budgétaires |
Contrairement au ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie et des finances qui gère une part très importante des crédits APD, prévoit la constitution d'un programme d'aide économique et financière au développement, qui pourrait figurer dans une mission interministérielle.
Ce programme rassemblerait des crédits aujourd'hui dispersés au sein de plusieurs agrégats :
- une partie du chapitre 37-01 retraçant les remboursements à NATEXIS Banque et à l'AFD ;
- l'article 82 du chapitre 37-75 consacré à l'évaluation des opérations d'exportation relevant de l'aide au développement ;
- l'article 30 du chapitre 41-10 finançant le groupement d'intérêt public « Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières » ;
- les articles du chapitre 44-97 retraçant les bonifications de prêts accordées à l'AFD ;
- le chapitre 58-00 « Participation de la France au capital d'organismes internationaux » ;
- le chapitre 68-00 « Aide extérieure » ;
- et le chapitre 68-04 « Participation de la France à divers fonds ».
Votre Rapporteur spécial se félicite de cette initiative mais celle-ci n'aura vraiment de sens que si elle s'intègre à une dynamique interministérielle que les choix du ministère des Affaires étrangères rendent aujourd'hui difficile.
Ce positionnement est d'autant plus malheureux que le ministère des affaires étrangères aurait tout intérêt à l'instauration de cette mission interministérielle : cela renforcerait son rôle de pivot, sous l'impulsion du ministre délégué à la Coopération, dans la définition de la politique française d'aide au développement afin d'éviter la fragmentation de l'aide.
III.- LE NIVEAU D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE
En baisse rapide depuis le début des années 1990 sous l'influence des théories néo-libérales, pour lesquelles le marché, l'ouverture aux flux financiers et l'intégration au commerce international étaient les seuls moteurs de la croissance, l'aide publique au développement connaît depuis quelques années un certain regain d'intérêt et les pays développés semblent disposer à faire un effort supplémentaire.
A.- L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT EST INDISPENSABLE À LA CROISSANCE DES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT
La mondialisation économique a, de par son origine intellectuelle, beaucoup de mal à intégrer l'aide publique au développement dans sa réflexion. D'inspiration fondamentalement néo-libérale, le consensus de Washington, qui semble renaître de ses cendres après chaque échec, est incapable de penser l'intervention publique, c'est-à-dire qui ne réponde pas aux purs critères du marché, au niveau mondial comme au niveau national. Ce modèle économique est aussi perméable intellectuellement à la notion d'État qu'à celle d'aide publique au développement.
Or, face à la globalisation économique et financière, l'APD est indispensable pour au moins quatre raisons comme l'expliquait récemment Jean-Michel Severino, directeur de l'AFD () :
- premièrement, nombre de pays ne disposent pas des infrastructures physiques et institutionnelles nécessaires pour bénéficier de l'ouverture des marchés. L'accès aux marchés ne se résume pas à une signature en bas d'un traité : ce sont aussi des routes, des ports, des lignes aériennes, un réseau bancaire, des mécanismes d'assurance, des systèmes de communication, des services juridiques. L'APD est le seul instrument apte à mener cette « mise à niveau » et à stimuler l'investissement privé ;
- deuxièmement, l'ouverture commerciale s'accompagne de transformations sociales douloureuses : chaque pays connaît des gagnants et des perdants ; peu disposent d'un mécanisme de redistribution. L'APD est le soutien indispensable à la reconversion des populations fragilisée ;
- troisièmement, la prise en compte par les pays pauvres des normes environnementales et sociales suppose un grand effort d'aide publique. Le réchauffement climatique, la biodiversité, le travail des enfants, les droits syndicaux, les garanties sanitaires sont autant de préoccupations qui réclament un travail institutionnel et des investissements hors de portée des pays laissés à eux-même ;
- enfin, certaines nations particulièrement faibles courent le risque de ne pas profiter du jeu des échanges durant de très longues années. L'enclavement, les catastrophes naturelles et un environnement trop rigoureux peuvent durablement les isoler de la mondialisation. L'identification d'avantages comparatifs peut se révéler infructueuse. La communauté internationale doit à ces pays une aide à long terme : une part de la prospérité mondiale doit financer un filet de sécurité sociale planétaire.
On peut ainsi reprendre intégralement le point n° 39 du consensus de Monterey : « L'aide publique au développement (APD) joue un rôle vital en venant en complément d'autres sources de financement du développement, en particulier dans les pays qui sont le moins en mesure d'attirer des investissements directs privés. Elle peut aider un pays à parvenir à une mobilisation adéquate des ressources intérieures dans un laps de temps approprié, pendant que se développent le capital humain, les capacités de production et les exportations.
L'APD peut être un facteur majeur d'amélioration des conditions dans lesquelles se déroulent les opérations du secteur privé et ouvrir ainsi la voie à une croissance vigoureuse. Elle est également un instrument indispensable pour appuyer l'éducation, la santé, le développement des infrastructures publiques, l'agriculture et le développement rural, et pour améliorer la sécurité alimentaire. Pour un grand nombre de pays d'Afrique, de pays les moins avancés, de petits États insulaires en développement et de pays en développement sans littoral, l'APD continue de constituer l'essentiel du financement extérieur qu'ils reçoivent et revêt une importance critique pour ce qui est de la réalisation des objectifs de développement fixés dans la Déclaration du Millénaire et d'autres objectifs de développement convenus au niveau international. »
Les pays membres du CAD de l'OCDE ont accru leur aide publique au développement en faveur des pays en développement de 4,9 % en termes réels, compte tenu de l'inflation, entre 2001 et 2002. Celle-ci s'est chiffrée à 57 milliards de dollars, soit 0,23 % de leurs ressources globales, telles qu'elles ressortent de leur revenu national brut (RNB), affichant ainsi un début de reprise par rapport au point bas sans précédent de 0,22 % du RNB auquel elle stagnait depuis trois ans.
A la Conférence internationale sur le financement du développement, tenue à Monterrey en mars 2002, les pays donneurs se sont engagés à augmenter leur APD en faveur des pays en développement afin d'assurer la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement et l'éradication de la pauvreté.
APD NETTE EN 2001 - EN POURCENTAGE DU RNB
(en pourcentage du RNB)
Les objectifs du millénaire
- Réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim : 1,2 milliard de personnes vivent encore avec moins d'un dollar par jour. Mais 43 pays, représentant plus de 60 % de la population mondiale, ont déjà atteint ou sont sur le point d'atteindre l'objectif consistant à réduire de moitié la faim d'ici à 2015.
- Réduire de trois quarts la mortalité maternelle : dans les pays en développement, le risque de mourir en couches est de 1 sur 48. Mais quasiment tous les pays disposent désormais de programmes de maternité sans risques et devraient progresser dans ce domaine.
- Assurer l'éducation primaire pour tous : cent treize millions d'enfants ne vont pas à l'école, mais cet objectif est possible à atteindre; par exemple, l'Inde devrait parvenir à un taux de scolarisation de 95 % en 2005.
- Combattre les maladies, en particulier le VIH/sida et le paludisme : des maladies meurtrières ont annulé les progrès de développement d'une génération. Des pays comme le Brésil, l'Ouganda, le Sénégal et la Thaïlande montrent que nous pouvons stopper le VIH.
- Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes : deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes, et 80 % des réfugiés sont des femmes et des enfants. Depuis le Sommet sur le microcrédit de 1997, des progrès ont été réalisés pour aider et émanciper les femmes pauvres, près de 19 millions rien qu'en 2000.
- Assurer un environnement durable : plus d'un milliard de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau potable. Toutefois, pendant les années 90, près d'un milliard de personnes ont obtenu l'accès à de l'eau potable, et le même nombre à des installations d'assainissement.
- Réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans : onze millions de jeunes enfants meurent chaque année, mais ce chiffre était de 15 millions en 1980.
- Mettre en place un partenariat mondial pour le développement, en fixant des objectifs relatifs à l'aide, aux échanges commerciaux et à l'atténuation de la dette : trop de pays en développement dépensent davantage pour le service de la dette que pour les services sociaux. De nouveaux engagements d'aide pris au cours de la première moitié de 2002 devraient toutefois représenter 12 milliards de dollars supplémentaires par an en 2006.
D'après les estimations de l'OCDE, si ces promesses se concrétisent, il devrait en résulter une progression de 31 % de l'APD en termes réels (soit environ 16 milliards de dollars) qui porterait le rapport APD/RNB à 0,26 % d'ici 2006 - niveau encore largement inférieur aux 0,33 % régulièrement enregistrés jusqu'en 1992.
Les pays membres du CAD sont à l'origine d'au moins 95 % des versements mondiaux d'APD. Les États-Unis demeurent le donneur le plus important au monde par le volume de son aide; viennent ensuite le Japon, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Sur les vingt-deux pays membres du CAD, douze ont fait état d'un accroissement de leur APD en termes réels, et pour neuf d'entre eux d'un accroissement supérieur à 10 %. Le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède sont néanmoins toujours les seuls pays à atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB préconisé par les Nations Unies pour l'APD. Trois autres pays se sont fixés une date précise pour atteindre cet objectif: la Belgique en 2010, l'Irlande en 2007 et la France en 2012 en passant par un objectif intermédiaire de 0,5 % en 2007.
Le Fonds mondial pour la vaccination
L'Alliance Mondiale pour les Vaccins de l'Enfance (Global Alliance for Vaccines and Immunization ou GAVI) est un modèle innovant de partenariat entre le privé et le public qui réunit l'Organisation Mondiale de la Santé, l'UNICEF, la Banque Mondiale, l'Industrie du vaccin représentée par sa Fédération Mondiale, les Fondations Bill & Melinda Gates et Rockefeller, les pays industriels et les pays du tiers-monde, tous représentés au sein du Conseil de l'Alliance présidée par Mme Brundtland, Directeur Général de l'OMS.
Afin de faciliter l'utilisation de ces vaccins par les pays les plus pauvres, un Fonds Mondial pour les Vaccins de l'Enfance (The Vaccine Fund ou Fonds Mondial pour les Vaccins) a été créé. Ce Fonds Mondial pour les Vaccins est une fondation dont le but est d'aider les pays les plus pauvres à financer l'accès de leurs enfants aux vaccinations de base, moyen eficace pour atteindre le quatrième objectif du millénaire qui est de réduire de deux tiers la mortalité infantile en 2015.
Aujourd'hui, l'Union européenne et des pays importants comme la Belgique, l'Allemagne ou l'Italie, sont absents du Fonds. Par contre, la France vient d'y adhérer et s'est engagée à verser 15 millions d'euros sur les trois prochaines années, ce qui semble la moindre des choses pour une organisation dont le siège est à Lyon.
La France a prévu de consacrer 5 millions d'euros à ce fonds dès l'exercice 2003. La loi de finances rectificative pour 2003 devrait prévoir l'inscription de 5 millions d'euros sur la chapitre 42-32 « Participation de la France à des dépenses internationales (contributions volontaires) ».
Pour 2004, rien n'est encore inscrit au projet de loi de finances mais le financement devrait se faire par redéploiement au sein du ministère des affaires étrangères. Votre Rapporteur spécial y veillera.
Les États-unis ont augmenté leur APD de 11,6 % en termes réels en 2002, la portant à 12,9 milliards de dollars, soit 0,12 % de leur RNB. Cette progression résulte principalement des ressources complémentaires et des crédits d'urgence débloqués en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 ainsi que de nouvelles initiatives, surtout dans les domaines de la santé et de l'aide humanitaire.
L'APD du Japon a pour sa part fléchi de 1,8% en termes réels en 2002, où elle est tombée à 9,2 milliards de dollars, contre 9,8 milliards de dollars en 2001. Ce recul s'explique pour l'essentiel par la dépréciation du yen par rapport au dollar des États-Unis.
L'APD des États membres de l'UE s'est accrue de 2,8 % en termes réels en 2002, représentant 0,34 % de leur RNB collectif. Déjà avant la Conférence de Monterrey, les membres de l'UE s'étaient engagés à porter leur APD globale à 0,39 % de leur RNB pour 2006. A l'intérieur de l'UE, on a pu observer les évolutions suivantes :
- une augmentation de l'APD en Belgique, à 0,42 % du RNB; en Finlande, à 0,35 % du RNB; en France, à 0,36 % du RNB; et en Irlande, à 0,41 % du RNB, témoignant d'une avancée de ces pays dans la concrétisation des promesses qu'ils ont faites à titre individuel en plus des engagements souscrits dans le cadre collectif de l'UE ;
- un net accroissement de l'APD en Grèce (plus 34,2 % en termes réels), sous l'effet principalement de l'augmentation des contributions aux organismes multilatéraux, à commencer par la communauté européenne, et en Italie (plus 31,5% en termes réels), en raison d'une sensible progression de l'aide bilatérale, notamment sous forme d'allégements de dette dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, ainsi que des contributions à la communauté européenne et aux Fonds Globaux ;
- peu de changements à noter concernant l'APD des pays de l'UE suivants : légère hausse en Allemagne (plus 0,4 %); et diminutions au Danemark (moins 6,4 %), au Luxembourg (moins 3,5 %), aux Pays-Bas (moins 2,2 %), au Portugal (moins 4,6 %), en Suède (moins 2,3 %), et au Royaume-Uni (moins 3,5 % en raison d'un retard dans la finalisation de la reconstitution des ressources de l'Association internationale de développement (IDA), contribution qui interviendra de ce fait en 2003 au lieu de 2002).
Un net fléchissement de l'APD en Autriche (moins 16,5 %) et en Espagne (moins 15,7 %) par rapport au niveau de 2001, lequel s'était envolé sous l'effet d'opérations exceptionnelles d'allégement de la dette.
Dans les autres pays du CAD, les évolutions observées ont été les suivantes:
- en Australie, une augmentation de 2,1 % conformément à l'intention affichée par ce pays d'accroître son APD de 3 % en termes réels pour 2002-2003 ;
- au Canada, qui compte multiplier par deux son APD d'ici 2010, une progression de 31,6 % sous l'effet, entre autres, d'un renforcement du programme d'APD et d'une intensification des remises de dette ;
- en Norvège, qui vise à porter son APD à 1 % de son RNB pour 2005, un accroissement de 16 %.
Parmi les donneurs non membres du CAD, la Corée a accru son APD, laquelle est passée, en dollars courants, de 265 millions de dollars en 2001 à 286 millions de dollars en 2002.
APD NETTE DES MEMBRES DU CAD EN 2001
IV.- UN EFFORT FRANÇAIS EN FAVEUR DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT TRÈS INCERTAIN
Le Gouvernement a de la chance : alors que l'aide publique au développement est une priorité affichée du Président de la République, le pourcentage du PIB consacrée à l'APD est en hausse depuis l'année dernière. S'agit-il là du signe d'une volonté politique forte et d'arbitrages budgétaires courageux ? Malheureusement, ce n'est pas le cas, du moins pas totalement.
L'essentiel de la remontée actuelle de l'aide publique au développement est due à la montée en charge du processus d'annulation de dette des pays pauvres très endettés (PPTE). Or ce phénomène est condamné à être limité dans le temps et ne traduit donc pas une augmentation de l'effort structurel en faveur de l'APD.
Certes, les crédits de paiement des subventions d'investissement sont en hausse dans le projet de loi de finances pour 2004 :118 millions d'euros dont 28 millions pour le Fonds de solidarité prioritaire, 21 millions pour l'Agence française de développement et 69 millions pour le Fonds européen de développement. Mais cette hausse fait suite à une année 2003 où ces trois instruments ont été très largement sous-dotés et ont frôlé, et frôlent encore aujourd'hui, la cessation de paiement. Quant aux crédits d'intervention, dans le meilleur des cas, ils stagnent.
On voit donc clairement que le principe d'additionalité n'est aujourd'hui pas respecté : les mesures d'annulations et de consolidations de dettes sont le moteur essentiel de l'accroissement de l'aide publique au développement, ce alors que les outils traditionnels stagnent et parfois régressent.
La question à laquelle le Gouvernement doit aujourd'hui répondre : que se passera-t-il une fois l'initiative PPTE achevée ? Comment compte-t-il atteindre l'objectif de 0,5 % fixé par le Président de la République une fois cette parenthèse refermée ?
Après six années de baisse et deux années de stabilisation, la France voit son effort en faveur de l'aide publique au développement, exprimé en pourcentage du PIB, remonter depuis l'an dernier.
La contribution de la France à l'aide publique au développement n'avait cessé de se réduire au cours de la dernière décennie. Ainsi, de 1993 à 1999, l'APD avait perdu 1,98 milliard d'euros en prix courant, soit une réduction de 40 % en prix constants. Après avoir représenté à son point le plus élevé 0,57 % du PIB (il s'agissait, il est vrai, d'un pic exceptionnel, correspondant aux mesures financières apportées en contrepartie de la dévaluation du franc CFA), l'aide avait atteint son point le plus bas en 2000 à 0,32 % du PIB.
La France s'était donc considérablement éloignée de l'objectif idéal souvent réitéré dans les enceintes internationales de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide publique au développement.
La baisse de l'aide publique au développement résultait uniquement de la chute considérable de l'aide bilatérale qui a perdu entre 1995 et 2000 plus d'un milliard d'euros, soit une chute de 25,8 %.
Cette diminution massive de l'aide bilatérale s'explique par trois principaux facteurs :
- une forte baisse des aides projets, de 62,7 %. Les projets financés sur les protocoles financiers du Trésor ont connu un véritable effondrement avec une chute de 112 %. Cette évolution est la conséquence de la réforme des protocoles, qui a substitué une logique de choix de projet à celle de l'abonnement par pays. Par ailleurs, les données étant fournies en décaissements nets, l'effet de réduction se trouve accentué par le niveau des remboursements de prêts, qui s'applique à un encours beaucoup plus important ;
- une forte baisse de l'aide programme, conséquence de la réduction des besoins d'accompagnement financier de la dévaluation du franc CFA, intervenue en janvier 1994 ;
- une baisse des efforts d'allègement de dettes, conséquence inattendue du lancement de l'initiative en faveur des PPTE. En effet, pour bénéficier des allègements de dettes prévus dans le cadre de cette initiative internationale, les pays en cause doivent être parvenus au « point d'achèvement » (deux seulement y étaient parvenus en 2000). La mise en _uvre des allègements de dettes se trouve différée et la ressource doit donc être conservée pour que les engagements puissent être honorés.
Parallèlement à la chute de l'aide bilatérale, le poids du « multilatéral » se confirme. L'aide française accordée par l'intermédiaire d'organismes ou de fonds multilatéraux progresse en effet de 1,31 milliard d'euros en 1996 à 1,985 milliard en 2002. Sa part dans l'aide totale de l'APD passe de 25,9 % 1996 à 35 % en 2002.
ÉVOLUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE
1996 |
2001 |
2002 |
2003(1) |
2004(2) |
|||
Aide européenne |
658 |
1.165 |
1.365 |
1.278 |
1.365 | ||
Dont FED |
226 |
442 |
595 |
496 |
565 | ||
Banques et Fonds de développement |
550 |
503 |
495 |
481 |
436 | ||
Institutions des Nations Unies |
110 |
121 |
126 |
130 |
136 | ||
Total |
1.319 |
1.789 |
1.985 |
1.888 |
1.937 | ||
(1) prévisions d'exécution à fin septembre 2003 (2) prévisions associées au projet de loi de finances Source : Jaunes budgétaires et Trésor |
L'essentiel de la progression de l'aide multilatérale résulte de celle de l'aide européenne, qui passe de 0,66 milliard d'euros en 1996 à 1,28 milliard en 2003 soit un quasi-doublement. La « contribution européenne » recouvre à la fois la contribution française au FED et la participation française au budget général de la Communauté européenne pour les actions relevant de l'aide au développement, financée par une partie du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes.
La contribution européenne représente donc en 2003 près de 20 % de notre aide publique au développement et 29 % de notre aide bilatérale. Or la capacité d'influence de la France sur les projets européens de développement est insuffisante et n'est en tout cas pas à la hauteur de la contribution de la France au FED.
Le graphique ci-dessous montre clairement que l'Afrique sub-saharienne reste la principale bénéficiaire de notre APD bilatérale. Sa prééminence avait reculé ces dernières années puisque le pourcentage était passé de 55 % 1988 à 48 % en 1998 et 38 % en 2001. On assiste en 2002 à une forte remontée de ce pourcentage puisqu'il atteint 59 % : les pays d'Afrique sub-saharienne sont en effet les principaux bénéficiaires du processus PPTE.
Les pays les moins avancés ne représentent que 28 % de notre APD. Cela est certes plus que la moyenne des pays membre du CAD. Reste que ce pourcentage a fortement baissé depuis 10 ans : l'évolution de la répartition de l'aide au cours des dix dernières années montre que ce sont les PMA qui ont fait les frais de la redistribution sous contrainte budgétaire : de 1989 à 1999, leur part dans une aide publique en forte baisse est passée de près du tiers (32,5 %) à peine plus d'un quart (28 %).
Déjà en 2002, on constate que les annulations de dette représentent plus du tiers de l'APD totale, contre seulement 26 % pour la coopération technique et culturelle et 20 % pour les aides-projets.
Quelles sont les perspectives pour 2003 et 2004 ? Elle sont plutôt bonnes puisque l'effort de la France en faveur de l'aide publique au développement serait de 0,41 % en 2003 et de 0,43 % en 2004. Signalons néanmoins que les chiffres 2003 sont calculés au vu des inscriptions au projet de loi de finances et nous avons vu que l'exécution avait été, au mieux, médiocre. Pour ce qui est des crédits budgétaires donc, les chiffres définitifs pour 2003 devraient être sensiblement inférieurs.
EFFORT D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
(en millions d'euros)
2002 (1) |
2003 (2) |
2004 (3) | |||
1.- Aide bilatérale |
3.648 |
4.421 |
4.757 | ||
Ministère des Affaires étrangères |
793 |
814 |
917 | ||
Ministère des Finances et AFD |
1.430 |
2.067 |
2.255 | ||
Autres ministères et frais administratifs |
1.426 |
1.540 |
1.585 | ||
Soit : |
|||||
- prêts |
-29 |
-112 |
-105 | ||
- dons |
2.537 |
2.630 |
2.806 | ||
- annulations et consolidations |
1.140 |
1.903 |
2.056 | ||
2.- Aide multilatérale |
1.985 |
1.888 |
1.937 | ||
Aide européenne |
1.365 |
1.278 |
1.365 | ||
dont FED |
595 |
496 |
565 | ||
Banque et fonds de développement (4) |
126 |
130 |
136 | ||
Institutions des Nations unies |
495 |
481 |
436 | ||
Total États étrangers |
5.634 |
6.309 |
6.694 | ||
RNB (en milliards d'euros) (5) |
1.527 |
1.565 |
1.619 | ||
APD (hors TOM) rapportée au RNB |
0,37% |
0,40% |
0,41% | ||
3.- Territoires d'outre-mer (Mayotte et Wallis-et-Futuna) |
188 |
185 |
188 | ||
Total APD (TOM inclus) |
5.821 |
6.494 |
6.882 | ||
APD (TOM inclus) rapportée au RNB |
0,38% |
0,41% |
0,43% | ||
(1) Chiffres définitifs (2) Prévision d'exécution à fin septembre 2002 (3) Prévision associée au projet de loi de finances (4) Y compris FRPC-FMI. (5) Évolution conforme aux hypothèses économiques du projet de loi de finances |
L'essentiel de la progression de l'APD en 2003, et en 2004 aussi d'ailleurs, sera due aux annulations et consolidations de dettes qui devraient atteindre 1,90 milliard d'euros en 2003 contre 1,14 milliard d'euros en 2002. En 2004, les annulations et consolidations de dettes devraient encore progresser et atteindre 2,05 milliards d'euros, soit près de 30 % du volume prévisionnel total de l'APD.
Le graphique ci-dessus démontre d'ailleurs très clairement que la remontée de l'aide publique au développement bilatérale, et en l'occurrence globale, est absolument parallèle à la montée des annulations de dette.
Or, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005 quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, entraînant dans leur chute la montant global de l'APD si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais. Étant donné les montants en jeu, cela impliquerait une montée en capacités très importante.
Le processus d'annulations et de consolidation de la dette joue donc un rôle essentiel dans la montée récente de l'effort français en termes d'aide publique au développement. Ce processus regroupe deux volets : un volet classique multilatéral et un volet propre à la France qu a mis en place un instrument original sous la forme des Contrats de désendettement-développement.
L'origine de l'initiative PPTE vient du sommet du G7 de Lyon en septembre 1996 où, sur l'impulsion de la France, le caractère « insoutenable » de la dette des pays pauvres a été mis en avant. L'initiative a été ensuite "renforcée" au sommet de Cologne en juin 1999, et les détails ont été affinés au sommet de Tokyo en janvier 2000. La spécificité de l'initiative PPTE renforcée tient à son ampleur (pour la première fois, les créanciers multilatéraux participent à l'effort d'annulation) et au fait qu'elle est liée aux efforts des pays concernés à réduire la pauvreté.
L'objectif est que l'endettement extérieur public des pays éligibles passe en deçà d'un certain seuil en proportion de leurs capacités exportatrices ou budgétaires.
La première phase concerne l'atteinte du point de décision, qui détermine l'éligibilité définitive du pays à l'initiative PPTE renforcée. Elle suppose :
- l'élaboration par le pays d'une version intérimaire du DSRP (Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté), établi avec la participation et en concertation avec la société civile. Ce DSRP doit être « endossé » par les institutions de Bretton Woods ;
- l'approbation par le FMI d'une FRPC (Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance, qui a remplacé l'ancienne facilité d'ajustement structurel renforcée). Cette FRPC suppose un accord sur le cadrage macroéconomique et budgétaire du pays pendant une durée de trois ans.
La deuxième phase est la période intérimaire entre le point de décision et le point d'achèvement, avec de premiers recyclages ou annulations de dette, en particulier de la part du Club de Paris et de certains créanciers multilatéraux (FMI, Banque Mondiale, BAFD). Pendant la période intérimaire, le pays doit préparer un DSRP complet, et parfois commencer à le mettre en _uvre pendant une année. La durée de la période intérimaire est flottante, pouvant aller d'une à trois années.
La troisième phase est la période commençant au point d'achèvement, qui entraîne à partir de cette date la mise en _uvre irrévocable des annulations de dette prévues dans le cadre de l'initiative PPTE renforcée.
L'atteinte du point d'achèvement suppose :
- l'endossement par le FMI et la Banque Mondiale d'un DSRP complet, et parfois sa mise en _uvre pendant une année ;
- aucun dérapage dans l'exécution de la FRPC.
La plupart des bailleurs de fonds bilatéraux membres du Club de Paris (dont la France) ont accepté d'aller plus loin dans la réduction de la dette fixée par les ratios cités ci-dessus. Ils ont en effet décidé l'annulation de la totalité de leurs créances d'APD et du reliquat de créances commerciales éligibles en Club de Paris, mais non annulées par le mécanisme multilatéral.
L'initiative PPTE concerne 42 pays éligibles, dont 34 pays africains. Cependant, la dette est considérée comme soutenable dans 4 pays (Angola, Kenya, Vietnam, Yémen), et un pays n'a pas souhaité être intégré (Laos), de sorte que 37 pays ont normalement vocation à bénéficier d'allègements de dette.
Le rythme d'avancement de l'initiative PPTE s'est ralenti. Au mois de juillet 2003, 27 pays ont atteint le point de décision parmi lesquels 8 pays ont atteint le point d'achèvement. Au cours de l'année calendaire, un seul pays a donc atteint le point de décision (RDC) et seuls 2 pays supplémentaires (Bénin, Mali) ont atteint le point d'achèvement alors qu'au cours de l'année précédente, 3 nouveaux pays avaient franchi le point de décision et quatre avaient atteint le point d'achèvement. Les perspectives permettent cependant d'envisager des progrès plus rapides dans les mois à venir.
Le G7 avait fixé en juin 2000 un objectif ambitieux de pays au point de décision de sorte qu'à la fin de l'année 2000, 22 pays avaient franchi le point de décision. Depuis lors, le rythme s'est fortement ralenti, seuls 2 pays ont franchi le point de décision en 2001, 2 autres en 2002 et un seul en 2003.
Cette évolution est logique car à mesure que l'initiative PPTE avance, elle se trouve confrontée au traitement de pays dont la situation est plus complexe. Les 12 pays à ne pas avoir atteint le point de décision sont pour la plupart marqués par des conflits internes ou externes et une forte instabilité politique ou un éloignement de la communauté financière internationale.
L'instabilité politique a compromis les progrès enregistrés dans plusieurs pays. La Côte d'Ivoire avait fait l'objet d'un document préliminaire et d'un traitement en Club de Paris au mois d'avril 2002 qui devaient ouvrir la voie vers le point de décision. Le conflit interne survenu en septembre 2002 a cependant interrompu cette dynamique. En République centrafricaine, un document préliminaire était en préparation lorsque la situation politique interne s'est dégradée en octobre 2002.
Le nombre de pays ayant atteint le point d'achèvement progresse à un rythme régulier avec un pays en 2000, 3 en 2001, 2 en 2002 et 2 en 2003. Les prévisions du FMI et de la Banque mondiale souligne que potentiellement 8 pays pourraient atteindre le point d'achèvement d'ici la fin de l'année 2003 (Ethiopie, Gambie, Honduras, Malawi, Niger, Rwanda, Guyana, Sénégal) mais que compte tenu des risques identifiés dans plusieurs pays, plus probablement, seuls 2 à 3 l'atteindront (dont probablement le Niger et le Rwanda).
Dans ce contexte, le nombre de pays atteignant le point d'achèvement apparaît limité au regard du nombre de ceux qui ont atteint le point de décision à la suite de l'accélération volontariste de l'initiative en 2000.
Dans les faits, les pays qui ont franchi le point de décision éprouvent des difficultés à atteindre le point d'achèvement pour deux raisons majeures. D'une part, les programmes conclus avec le FMI ont connu des périodes d'interruptions fréquentes (« off track ») dans la plupart des pays. A l'heure actuelle, 2 pays sont dans cette situation (Guinée, Guinée-Bissau). D'autre part, la finalisation des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté qui requiert la participation de la société civile est souvent plus longue que prévu. Sur les 18 pays qui sont en période intérimaire, 7 doivent encore finaliser leur cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (Cameroun, Ghana, Guinée-Bissau, Madagascar, São Tomé et Príncipe, Sierra Leone, Tchad).
La période intérimaire entre le point de décision et le point d'achèvement tend ainsi à s'allonger : 15 des 18 pays qui ont franchi le point de décision ont franchi ce point depuis plus de deux ans dont 2 depuis plus de trois ans. Les conséquences financières sont limitées pour les pays concernés qui bénéficient en tout état de cause des allègements de dette intérimaires qui réduisent substantiellement le service de leur dette. Mais pour autant, la question de la durée de la période intérimaire demeure posée dès lors que la notion de point d'achèvement est devenue « flottante » depuis le sommet de Cologne, contre une période fixe de trois ans auparavant, précisément afin de la réduire.
L'accélération de l'initiative au point d'achèvement supposerait d'assouplir encore davantage la conditionnalité actuelle. Cette conditionnalité, compte tenu des assouplissements qui ont déjà été apportées dans le passé, repose sur la mise en _uvre satisfaisante du programme FMI sur une durée ininterrompue d'au moins six mois et d'une application du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté pendant une durée d'un an, étant entendu que dans des cas exceptionnels cette durée peut être réduite si des progrès significatifs ont été accomplis.
Au-delà de l'impulsion de départ, la France est impliquée dans l'initiative PPTE à différents niveaux, pour un coût global estimatif de plus de 10 milliards d'euros en valeur nominale, dont 3,4 milliards au titre des traitements traditionnels en Club de Paris.
Sur un plan multilatéral, la France est partie prenante :
- en tant qu'État membre de différentes banques multilatérales de développement, elle participe au fonds fiduciaire PPTE, mis en place par la Banque Mondiale pour assurer le financement du coût de l'annulation de dette pour ces institutions multilatérales. Le coût de ces contributions se monte au total à 200 millions d'euros, dont près de 90 % passe par le canal européen ;
- en tant que créancier membre du Club de Paris, elle contribue financièrement à travers les nouveaux traitements mis en place par le Club de Paris dans le cadre de sa participation à l'initiative PPTE (termes de Lyon puis de Cologne). Le coût pour la France de ces engagements représente 2 milliards d'euros.
La France est le pays du G7 qui effectue l'effort le plus important : le double de celui de l'Allemagne et des États-Unis, plus du triple de celui du Royaume-Uni.
EFFORT POUR LA FRANCE ET LES AUTRES PAYS MEMBRES DU G7
(en milliards de dollars)
France |
Japon |
Allemagne |
Etats-Unis |
Italie |
Royaume-Uni |
Canada | |
Encours total sur les 35 PPTE dont encours annulable(1) |
10,4 10,3 |
8,6 8,6 |
5,1 5,05 |
5,2 5,2 |
4 4 |
2,1 2,1 |
0,7 0,7 |
Participation au fonds fiduciaire PPTE(2) |
0,181 |
0,2 |
0,226 |
0,6 |
0,153 |
0,306 |
0,102 |
(1)France, Allemagne, Japon : total APD + non-APD pré date butoir ; Italie, États-Unis, Russie, Canada : totalité de l'encours
(2) Ne tient pas compte des financements de la FRPC qui supportent les allègements effectués par le FMI, ni la part des États dans les ressources propres affectés par les bailleurs multilatéraux aux allègements.
Parité 1 euro à 0,9 $ (si parité 1 pour 1 : France = 200 M$).
Par rapport à ses partenaires du G7, elle se positionne de la manière suivante :
- comme l'Allemagne et le Japon, elle n'annule pas les créances commerciales post-date butoir (les créances en cause sont faibles : 140 millions de dollars pour la France et les pays qui annoncent l'annulation du post-date butoir n'en détiennent en réalité quasiment pas). Il s'agit d'une question de principe, à faible incidence financière, destinée à éviter l'aléa moral ;
- elle annule purement et simplement le solde des créances commerciales éligibles en Club de Paris (annonce de Yaoundé), et procède au refinancement par dons des créances d'aide publique au développement. Cette démarche est motivée par le double souci de garantir l'affectation des marges de man_uvre libérées par l'annulation de la dette à la lutte contre la pauvreté et d'impliquer la société civile, qui participe à la formulation de la stratégie de réduction de la pauvreté dans le cadre du Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) complet.
A l'horizon 2005, le service de la dette des 27 pays ayant atteint le point de décision sera réduit en moyenne de 1,5 point de PIB. Le paiement du service de la dette mobilisera 1 milliard de dollars US en moins par an sur la période 2001-2005, comparé aux paiements réalisés sur la période 1998-1999.
Le service de la dette passera de 17 à 8 % des exportations, et de 24 à 13 % des recettes publiques. Les recettes dégagées devront permettre d'accroître de manière significative les dépenses sociales : de 5,3 milliards de dollars US en 1999 à 7,3 milliards de dollars US en 2005, représentant une progression de 6 à 9 % du PIB, affectées à l'éducation (40 %), la santé (25 %) et des programmes spécifiques (développement rural, eau, infrastructures...35 %).
Par contre, l'initiative ne bénéficie que partiellement aux pays les moins avancés (PMA) : parmi les pays éligibles à l'initiative PPTE, 32 pays sont des PMA, 10 n'en sont pas. Par ailleurs 16 PMA ne bénéficient pas de l'initiative, parmi lesquels le Bangladesh.
A titre de comparaison, la dette totale des PMA (160 milliards de dollars US) est de taille comparable à celle des pays éligibles à l'initiative PPTE.
La dette extérieure publique totale des 42 pays est de 170 milliards de dollars US alors que la dette de l'ensemble des pays à bas revenus (63 pays dont le revenu par habitant est inférieur à 760 dollars US) atteint 570 milliards de dollars US.
Au total, la dette concernée par l'initiative ne représente que 7 % de la dette totale des pays en développement (2.560 milliards de dollars US), elle-même concentrée sur les pays à revenus intermédiaires. Enfin en termes de démographie 80 % de la population pauvre du Sud vit dans des pays non éligibles à l'initiative PPTE.
De plus, l'initiative PPTE ne permettra pas d'assurer la soutenabilité de la dette à moyen terme ni les conditions du développement des pays bénéficiaires, sauf à la transformer en mécanisme de restructuration permanente de la dette des pays concernés
Sauf à considérer l'initiative PPTE comme une procédure de restructuration permanente de la dette, le processus, tel qu'il a été défini, permet d'assurer la soutenabilité de la dette à court terme (au point d'achèvement), mais n'est pas en mesure de la garantir à moyen et long terme, compte tenu de l'évolution non maîtrisable des termes de l'échange et des choix opérés par les pays bénéficiaires de l'initiative, notamment en termes de nouvel endettement.
Enfin, si le processus d'allègement de dette lève un obstacle majeur à la réduction de la pauvreté et à la croissance, il ne peut seul jouer comme un catalyseur de flux financiers permettant le retour de la confiance et des investisseurs privés.
La situation économique des pays bénéficiaires de l'initiative PPTE les place actuellement en position de marginalisation. En 1998, les PMA n'avaient reçu que 4 % des apports de capitaux contre 15% à la fin de la décennie précédente, 2 milliards de dollars US de flux de capitaux privés contre 217 milliards de dollars US pour les pays à revenu intermédiaire. Aucune évolution des flux de capitaux privés vers les pays PPTE n'a été enregistrée depuis le lancement de l'initiative.
Au-delà des charges d'endettement que PPTE permet d'alléger, un certain nombre d'obstacles structurels obèrent le retour de la croissance dans les pays concernés : vulnérabilité des équilibres extérieurs et sensibilité à l'évolution des termes de l'échange, faiblesse des marchés intérieurs, insuffisance des infrastructures et des institutions, incertitudes politiques.
En cela, l'initiative PPTE offre une occasion de respiration, unique, mais non suffisante, pour faire entrer les pays dans une logique de développement durable.
Les contrats de désendettement et de développement s'inscrivent dans le cadre des annulations de dette consenties par la France aux PPTE (Pays pauvres très endettés). Dans le cadre de l'initiative PPTE, la dette commerciale pré-date butoir (contractée avant une certaine date fixée d'un commun accord entre les créanciers et le pays débiteur lors de son premier passage en Club de Paris) est annulée à au moins 90 % et la dette d'aide publique au développement est rééchelonnée sur très long terme mais n'est pas annulée.
La France va au-delà des exigences de l'initiative : elle annule, dès le point de décision, la totalité de la dette commerciale pré-date butoir (en revanche, contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l'Italie et au Canada, elle n'annule pas ses créances commerciales post-date butoir) et elle annule, comme tous les autres pays du G7, la totalité de la dette APD, à la fois pré- et post-date butoir, mais selon un mécanisme spécifique : le contrat de désendettement et de développement (C2D).
Le C2D est un mécanisme de refinancement par dons des échéances dues par les pays bénéficiaires à partir du point d'achèvement. C'est un instrument nouveau par ses caractéristiques, sa durée et son ampleur. Il doit être compris comme un instrument de financement des CSLP (Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté) élaborés par les pays. Il concerne 23 pays (). Pour les pays dont la dette d'aide publique française est la plus importante () c'est une opportunité historique de contribuer à réduire durablement la pauvreté. La remise de dette s'inscrit dans la durée puisque les échéances des prêts s'étalent sur une vingtaine d'années, sous la forme de plusieurs C2D successifs conclus chacun pour trois ans. Toutefois, les échéances les plus importantes se concentrent le plus souvent sur la première décennie. A ce jour, cinq C2D ont été conclus par la France (Mozambique en novembre 2001, Ouganda en mars 2002, Bolivie en mai 2003, Tanzanie en juin 2003 et Mauritanie en juillet 2003).
Pour les pays de la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP), l'Agence française de développement a un rôle de mise en _uvre des C2D (instruction et exécution des points d'affectation) sous le pilotage stratégique de la direction du Trésor et du Ministère des affaires étrangères. L'architecture actuelle du système de coordination et de suivi des C2D est la suivante : le comité de pilotage C2D se réunit tous les deux mois pour traiter des questions transversales touchant à la mise en _uvre des contrats et faire un point rapide sur l'avancement des pays. Des comités de pilotage par pays se réunissent aussi souvent que nécessaire, principalement lors de la préparation des missions d'orientation et de négociation des C2D. Ces missions dans les pays bénéficiaires sont conduites par le Conseiller financier pour l'Afrique de la direction du Trésor et par le Directeur du Développement et de la Coopération Technique de la DGCID, ou son représentant, avec l'appui technique de l'AFD.
Afin de permettre une appropriation optimale de l'aide par les pays bénéficiaires et d'assurer la rapidité des décaissements, le Ministère des affaires étrangères, le Trésor et l'Agence française de développement (AFD) ont définis conjointement un certain nombre de principes :
1. Les financements sur C2D sont concentrés sur un nombre restreint de points d'affectation dans les secteurs qui contribuent le plus directement à la réduction de la pauvreté (deux ou trois dans la plupart des cas). Cette concentration, outre qu'elle permet une plus grande efficacité et cohérence de notre aide, rend celle-ci plus visible.
2. Ces points d'application doivent prendre la forme, de façon privilégiée, de programmes sectoriels, financés sous la forme d'une aide budgétaire affectée à des lignes du budget de l'État partenaire, ou à des fonds. Cela signifie, lorsque le contexte local le permet (fiabilité de la chaîne de la dépense notamment), une certaine rupture avec la pratique habituelle de l'aide-projet consistant à assurer l'élaboration, la mise en _uvre et le contrôle détaillés, étape par étape, des projets réalisés. Le rôle de la coopération française consistera surtout à aider les autorités locales à définir les composantes détaillées des programmes, à vérifier la correcte affectation des fonds grâce à un contrôle essentiellement a posteriori, fondé sur des indicateurs de mise en _uvre et de résultats définis d'un commun accord et à renforcer les capacités administratives et techniques nationales.
C'est une approche programme qui est retenue en Tanzanie (participation au « Pooled Funding of the Government of Tanzania for Primary Education Development Program ») et en Mauritanie (Programme National de Développement du Secteur Éducatif).
3. Une forte coordination avec les autres bailleurs de fonds doit être recherchée. Les bénéfices en sont multiples : favoriser, une fois encore, l'appropriation de l'aide en évitant la multiplication des dispositifs et des procédures ; permettre à l'État récipiendaire d'assurer une plus grande cohérence de l'aide internationale qu'il reçoit ; permettre à la coopération française de s'intégrer, le cas échéant, dans les dispositifs de mise en _uvre et de suivi de l'aide déjà mis en place à l'initiative d'autres bailleurs ; enfin, s'appuyer sur la communauté des bailleurs pour faire respecter les conditionnalités nécessaires, le cas échéant, au succès des programmes.
Pour l'Ouganda, la Tanzanie et la Mauritanie, les programmes sur lesquels les C2D interviennent sont financés, suivis et évalués par de multiples bailleurs de fonds, la Banque mondiale ou l'Union européenne jouant souvent un rôle essentiel. En Mauritanie par exemple, les lignes budgétaires du programme décennal éducation (PNDSE) financées sur C2D ont été choisies en fonction des financements déjà octroyés par les autres bailleurs et les indicateurs de mise en _uvre et de résultat seront déterminés puis suivis conjointement avec ceux-ci et la partie mauritanienne.
4. Les sociétés civiles du Nord et du Sud doivent avoir également les moyens de s'approprier les programmes d'aide. Ceci signifie qu'outre la place consacrée à la société civile par la procédure C2D, d'importants efforts de sensibilisation des autorités nationales d'une part, et d'information / formation des acteurs de la société civile sont réalisés.
En conclusion, il apparaît que les principes que se sont donnés les acteurs de la coopération française ont été respectés. L'application de certains de ces principes est certes parfois difficile. La priorité donnée à l'aide-programme se heurte dans certains pays au manque de maturité, voire à l'inexistence de politiques sectorielles, dans des domaines aussi fondamentaux que la santé ou l'éducation.
Le défi est donc de mettre à profit le temps qui nous sépare encore du point d'achèvement pour aider nos partenaires à faire émerger des programmes sectoriels de qualité. A cet égard, une bonne complémentarité doit être recherchée avec les autres instruments de l'aide, qui devront être augmentés : assistance technique pour le renforcement des capacités, FSP d'appui à la mise en _uvre des DSRP, fonds d'étude et de préparation de programme de l'AFD.
Sur les vingt-trois pays qui bénéficieront d'un contrat de désendettement et de développement, cinq ont atteint le point d'achèvement et ont signé leur premier C2D avec la France.
- En novembre 2001, le Mozambique a signé un premier contrat de désendettement développement portant sur la période 2001-2004 et sur un engagement financier de 29,8 millions d'euros. Ce contrat permet d'appuyer un programme national de lutte contre le Sida, un programme intégré d'appui au système de santé primaire dans la province de Cabo Delgado, un programme d'appui à la filière cocotier, des pistes rurales et le micro-crédit. Il permet également de participer à un fonds multi-bailleurs (G11) d'aide budgétaire non affectée. Lors du CICID de décembre 2002, le Mozambique a d'ailleurs été choisi comme pays test de la Coopération française en matière d'harmonisation des modalités de l'aide et l'aide budgétaire constitue l'une des meilleures illustrations de la mise en _uvre concrète de ce concept.
- Le C2D allégé sur l'Ouganda a été signé le 28 mars 2002, avec une affectation aux soins de santé primaires.
- Le C2D allégé signé le 10 juin 2003 avec la Tanzanie (4,25 millions d'euros pour la période décembre 2001-mars 2006) est ciblé sur l'éducation primaire.
- Le C2D allégé signé avec la Bolivie le 30 mai 2003 (10,4 millions d'euros pour la période 2001-2006) apportera un appui dans le domaine de la santé (construction d'un laboratoire de parasitologie et construction d'un hôpital). En outre, une partie des fonds sera consacrée à une aide budgétaire globale.
- La Mauritanie a également signé son premier contrat de désendettement et de développement avec le gouvernement français le 17 juillet 2003. Les ressources seront affectées au développement local de deux régions (Guidimakha et Assaba) et au Programme national de développement du secteur éducation (PNDSE).
Des missions préparatoires ont été organisées dans plusieurs pays en amont des points d'achèvement.
Le Cameroun, qui sera le premier pays à bénéficier d'un C2D important (environ 1 milliard d'euros) a fait l'objet de deux missions d'orientation (avril 2002 et juin 2003).
Une mission de présentation des principes et des contraintes du C2D s'est rendue en Guinée en mars 2003. Compte tenu de la suspension du programme avec le FMI, la Guinée n'atteindra pas son point d'achèvement avant la fin de l'année 2004.
A Madagascar, le DSRP devrait être prochainement approuvé par les institutions de Bretton Woods. Le point d'achèvement pourrait donc être atteint au cours du deuxième ou du troisième trimestre 2004. Le processus de préparation du C2D sera engagé prochainement.
La Côte d'Ivoire n'a pas encore atteint le point de décision et les événements récents vont retarder le calendrier de l'initiative PPTE.
Enfin, il faut noter que la République démocratique du Congo a atteint le point de décision de l'initiative PPTE en juillet 2003.
Conformément à la décision du Comité interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID), une ligne budgétaire spécifique pour le financement des C2D a été créée en 2003. Il s'agit de la ligne 41-43-40 du budget des Affaires étrangères. Cette ligne avait été dotée de 91 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2003.
Étant donné le retard intervenu dans la montée en charge de certains C2D, ces 91 millions n'ont pas été totalement consommés et ils ont même fait l'objet d'une annulation à hauteur de 15 millions d'euros au profit de l'article 52 « Aide aux sorties de crise »du chapitre 42-37 (dont 10 millions d'euros pour l'Irak). Par ailleurs, une partie des crédits C2D a été redéployé au profit des articles 10 (8 millions d'euros) et 30 (23 millions d'euros) du chapitre 41-43.
Il est probable que les crédits non utilisés permettront de gager l'ouverture de crédits de paiement supplémentaires sur le titre VI (FSP, AFD et FED) en loi de finances rectificative ainsi que la dotation au Fonds mondial pour la Vaccination.
Le tableau ci-dessous indique les prévisions des montants à verser au titre des C2D pour les années 2003 et 2004. Pour certains pays (Ouganda, Bolivie, Tanzanie, Mauritanie), le C2D a été signé bien après le point d'achèvement. Les créances prises en compte dans le C2D étant les créances postérieures au point d'achèvement, les montants à verser en 2003 peuvent inclure le refinancement d'échéances réglées par les pays au cours d'années antérieures.
MONTANTS VERSÉS PAR LA FRANCE
AU TITRE DES C2D (PRÉVISIONS)
(en millions d'euros)
Pays |
Date point d'achèvement (effective /anticipée) |
Date signature C2D |
2003 |
2004 |
Commentaires |
Mozambique |
sept-2001 |
nov-2001 |
8,8 |
7,9 |
|
Ouganda |
mai-2000 |
mars-2002 |
2,3* |
0,8 |
* dont 1,5 au titre de 2002 |
Bolivie |
juin-2001 |
mai-2003 |
5,1* |
2,1 |
* dont 1,3 au titre de 2001 et 1,8 au titre de 2002 |
Tanzanie |
nov-2001 |
juin-2003 |
2,2* |
1,0 |
* dont 1,2 au titre de 2002 |
Mauritanie |
juin-2002 |
juil-2003 |
6,4* |
4,3 |
* dont 2,1 au titre de 2002 |
Rwanda |
T4 2003 |
2,7 |
|||
Malawi |
T4 2003 |
1,2 |
|||
Nicaragua |
T4 2003 |
_ |
0,1 |
||
Cameroun |
T1 2004 |
112,6 |
|||
Ghana |
T2 2004 |
1,4 |
|||
Madagascar |
T2 2004 |
3,5 |
|||
Honduras |
T2 2004 |
1,0 |
|||
Tous pays |
8,8 |
138,5 |
Source : Agence française de développement et Direction du Trésor.
En 2004, la nomenclature budgétaire perd en précision puisque les crédits affectés aux C2D sont fondus avec les concours financiers en faveur de l'ajustement structurel au sein d'un même article 50. Cet article est doté dans le projet de loi de finances de 144 millions d'euros sans qu'il soit malheureusement possible de distinguer la partie consacrée aux C2D. Votre Rapporteur regrette cette régression dans l'information apportée au Parlement. Cela permet certes une plus grande souplesse de gestion mais nuit à la lisibilité de l'action de la France en faveur des annulations de dettes.
Comme votre Rapporteur l'a déjà souligné, il est difficile pour un parlementaire ou pour un citoyen d'avoir une lecture claire et rapide de l'effort de la France en faveur de l'aide publique au développement. Cette difficulté est encore accentuée par l'importance grandissante des annulations de dette au sein de l'effort global d'APD.
Certes, le jaune « État récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les pays en voie de développement » indique un montant total d'annulation de dettes, montant qui est ensuite déclaré auprès du Comité d'aide au développement de l'OCDE au titre de l'APD. Mais ce document n'explique nulle part comment ce chiffre est calculé.
En effet, la lecture de l'imputation budgétaire des annulations de dettes est extrêmement complexe. Seule une petite partie est en effet imputée sur des chapitres budgétaires. La majeure partie est directement imputée sur les découverts du Trésor ou sur celui de la COFACE.
Le tableau ci-dessous précise l'imputation budgétaire prévisionnelle des annulations de dette en 2003 :
|
Chapitre 14-01 article 90 § 21 |
Chapitre 44-97 article 50 § 10 |
Chapitre 41-43 du ministère des affaires étrangères |
Transports aux découverts du Trésor |
COFACE |
TOTAL |
Montants déclarés en APD | |||
Annulations Club de Paris |
Annulations Club de Paris |
dont annulations bilatérale |
Total | |||||||
2003 |
24,69 |
261,95 |
23,25 |
961,13 |
679,31 |
1.950,33 |
1.503,47 |
338,43 |
60,95 |
1.902,85 |
En % |
1,2% |
13,4% |
1,2% |
49,3% |
34,8% |
100% |
79,1% |
17,7% |
3,2% |
100% |
Source : direction du Budget
- Les chapitres budgétaires 14-01 des charges communes et 44-90 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie prennent en charge les annulations supportées par respectivement Natexis (24,69 millions d'euros en 2003), ex-BFCE et l'Agence française de développement (262 millions d'euros en 2003).
- Le chapitre 41-43 du ministère des affaires étrangères supporte les annulations de dette opérées au titre des contrats de désendettement-développement. Il faut néanmoins préciser que le coût budgétaire des C2D inclut le principal et les intérêts des créances annulées (soit 23 millions d'euros en 2003) mais que seules les annulations en intérêts sont comptabilisées en APD (5,77 millions d'euros). Les C2D concernent en effet des dettes APD et non des dettes commerciales. Or une annulation de dette APD ne saurait être comptabilisée au titre de l'APD dans la mesure où elle a déjà été assimilée à un effort au moment de la délivrance du prêt à taux bonifié.
- Les annulations COFACE (679,31 millions d'euros) ne font pas l'objet d'une dépense budgétaire mais sont déclarées en APD. En revanche, elles ont un coût budgétaire indirect. Elles diminuent la capacité de prélèvement sur le compte État à la COFACE (les prélèvements viennent s'inscrire en recettes sur le budget général).
- Enfin, les annulations portant sur des prêts du Trésor (961,13 millions d'euros) ne sont pas refinancés mais sont directement imputés sur les découverts du Trésor et approuvés par le Parlement lors de la loi de règlement.
On constate une différence entre le montant total et le montant déclaré en APD : La différence entre ces deux montants tient à plusieurs facteurs :
- Les montants déclarés en APD doivent être distingués des montants exécutés sur le budget général. En effet, les périodes de référence sont différentes : dans la comptabilisation de l'effort APD, on raisonne en année civile tandis qu'en termes budgétaires, on prend en compte l'année civile et la période de gestion complémentaire.
- les annulations de créances au titre des mesures « Dakar » ne sont pas comptabilisées de la même manière budgétairement et en APD : le coût budgétaire comprend l'annulation du principal (soit 266,6 millions d'euros prévus en 2003) tandis que seule l'annulation des intérêts est comptabilisée en APD (soit 60,95 millions d'euros);
- les remises d'intérêts au titre des mesures « La Baule » (baisse d'intérêt sur des créances d'APD sur 4 pays de la ZSP (Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire et Gabon, soit 0,99 MEUR en 2003) ne sont comptabilisées qu'en APD sans engendrer de dépenses budgétaires, de même que les remises d'intérêts en faveur de l'Egypte (178,14 millions d'euros).
- enfin, le coût budgétaire des annulations de créances APD après le point d'achèvement de l'initiative PPTE (C2D) inclut le principal et les intérêts des créances annulées (soit 23 millions d'euros en 2003) tandis que seules les annulations en intérêts sont comptabilisées en APD (5,77 millions d'euros) .
15 % seulement des annulations de dettes sont donc imputées sur des chapitres budgétaires et donc portés à la connaissance du Parlement lors de la discussion des lois de finances.
Pour les découverts du Trésor, qui représentent presque 50 % des annulations de dette, le Parlement intervient à deux reprises, hors loi de finances initiale, et dans des conditions peu satisfaisantes.
En effet, la mise en _uvre des annulations de dettes décidées en Club de Paris nécessite une autorisation en Loi de finances qui fixe un plafond pour ces opérations. Chaque accord (Toronto, Dakar, Yaoundé) nécessite le vote d'un article en loi de finances, article qui fixe un plafond à ces annulations.
Ce plafond est ensuite régulièrement relevé pour faire face aux engagements de la France. Ainsi la loi de finances rectificative pour 2001 a relevé le plafond du dispositif de Toronto à 5,6 milliards d'euros. Le dernier relèvement date de l'an dernier : la loi de finances rectificative pour 2002 a autorisé le relèvement du plafond des dispositifs Dakar I et Dakar II de 300 millions d'euros pour atteindre 1,82 milliard d'euros.
Malheureusement, ces modifications des plafonds interviennent systématiquement en loi de finances rectificative, juste après le débat sur le projet de loi de finances et, la plupart du temps, par voie d'amendement gouvernemental, sans que le Parlement dispose du temps nécessaire à l'étude de ce dispositif.
Ceci empêche très clairement qu'ait lieu au Parlement un débat approfondi sur ces questions pourtant essentielles.
En outre, le Parlement n'est de nouveau impliqué dans cette procédure qu'au moment de la loi de règlement. Celle-ci entérine en effet le montant des découverts du Trésor résultant des annulations de dette. Ici encore, la transparence est faible et le caractère tardif du vote de la loi de règlement empêche tout débat.
Votre Rapporteur regrette cette excessive complexité et le manque de lisibilité de ces annulations de dettes, dont le rôle est pourtant désormais essentiel dans l'effort français en faveur de l'aide publique au développement.
Le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique du ministère des affaires étrangères, a été l'une des principales « victimes » de la régulation budgétaire de 2003. Sur les 531 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale (dotation déjà en baisse de 2 % hors transfert correspondant aux rémunérations des directeurs d'alliances françaises), 11,2 millions d'euros ont été annulés en mars et près de 19 millions d'euros ont été gelés. A cela s'est ajouté le gel de 21,9 millions d'euros de ports de crédits.
Ceci a obligé la DGCID à procéder à un abattement de 18 % sur les crédits programmés en titre IV hors assistance technique, hors bourses et hors rémunération des personnels des Alliances françaises.
Pour 2004, le chapitre 42-15 baisse de 2,92 %, pour s'établir à 514,59 millions d'euros. Les articles les plus affectés par cette baisse sont ceux relevant (en totalité ou en majeure partie) de l'APD :
- 10,6 millions d'euros pour l'appui aux organismes concourrant à des actions de coopération ;
- 7,3 millions d'euros d'appui local aux projets de coopération ;
- 6,5 millions d'euros de crédits de transfert de savoir-faire.
L'amalgame de différents crédits, d'APD ou non, au sein d'un même chapitre « fourre-tout » facilite le redéploiement fréquent de crédits d'APD vers d'autres formes de coopération, en cours d'exercice budgétaire, ce que regrette votre Rapporteur.
Par contre, votre Rapporteur spécial se félicite de l'augmentation de la dotation inscrite à l'article 20 « Bourses, échange et formation ». Elle passe de 114 à 120 millions d'euros soit une augmentation de 5 %. Comme l'a montré notre collègue Alain Claeys dans son rapport sur l'accueil des étudiants étrangers (), les bourses constituent un moyen particulièrement efficace de coopération. Un étudiant étranger qui bénéficie d'une bourse pour suivre ses études supérieures en France sera plus enclin, lorsqu'il retournera aux responsabilités dans son pays, à dialoguer avec notre pays et à recourir à son expertise. Les crédits destinés à les financer ont été progressivement accrus depuis 1997 jusqu'en 2003 le projet de loi de finances avait interrompu cette heureuse tendance.
Votre Rapporteur spécial estime pourtant particulièrement pertinent de poursuivre cette évolution et se félicite donc que l'année 2003 n'ait été qu'une parenthèse. Il faut assurer un continuum entre le réseau français d'enseignement à l'étranger et l'enseignement supérieur, c'est-à-dire multiplier les bourses de premier et deuxième cycle, sous peine de perdre tout le bénéfice des efforts consentis par la France en direction des élèves du secondaire à l'étranger.
Les collectivités locales, notamment depuis la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui les autorise à avoir des relations avec leurs équivalents étrangers, ont fait une entrée en force sur la scène internationale. Depuis lors, en effet, la coopération décentralisée n'a cessé de prendre de l'importance et les collectivités deviennent des partenaires incontournables de notre politique extérieure. La coopération décentralisée rassemble les actions décidées et conduites par les collectivités locales, ainsi que les subventions que celles-ci accordent à des ONG (dont le siège est en général sur leur territoire).
L'aide de l'État est inscrite au chapitre 42-13 du budget des affaires étrangères, articles 30 et 40. L'article 30 supporte les crédits déconcentrés relatifs au contrats de plan État-régions 2000/2006 et hors contrats de plan État/régions ; l'article 40 supporte lui les crédits non déconcentrés, essentiellement composés de subventions aux collectivités territoriales ou organismes porteurs de projets.
CRÉDITS DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE
Chapitre 42-13 Coopération décentralisée |
loi de finances initiale 2001 |
loi de finances initiale 2002 |
loi de finances initiale 2003 |
projet de loi de finances 2004 |
Crédits déconcentrés (article 30) |
5.597 |
5.519 |
5.266 |
5.190 |
Crédits non-déconcentrés (article 40) |
1.685 |
1.524 |
1.948 |
1.374 |
Total |
7.282 |
7.043 |
7.214 |
6.564 |
Source : projet de loi de finances
Le projet de loi de finances pour 2004 traduit un recul significatif puisque les crédits, essentiellement sur l'article 40 des crédits non déconcentrés, baissent de 9 %.
Alors que le relevé de conclusions du dernier CICID, en date du 11 décembre 2002, proclamait la nécessité d'« une participation plus large des acteurs de la coopération que sont la société civile et les collectivités locales », la réalité budgétaire est toute autre, signe supplémentaire du double langage que tient le gouvernement.
Pourtant les structures existent au sein du ministère des Affaires étrangères : la création au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement d'une mission pour la coopération non gouvernementale (MCNG), directement rattachée au directeur général et intégrant les moyens de la mission de liaison avec les ONG, témoigne de la place désormais accordée à ce type de coopération par les pouvoirs publics. Cette mission constitue le point de rencontres entre les services du ministère des affaires étrangères et des acteurs non gouvernementaux que sont les collectivités territoriales, les organisations de solidarité nationale, les syndicats et les entreprises. Elle dispose d'une compétence plus spécifique en matière de projets dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP). En effet, dans ce cadre, elle instruit les dossiers de projets de développement et d'actions d'éducation au développement avant la décision de cofinancement prise par le ministère des affaires étrangères.
Malgré cela, budgétairement, l'année 2003 aura été une année noire pour les organisations de solidarité internationale. Déjà, les crédits inscrits à l'article 10 du chapitre 42-15 étaient pour la première fois en baisse, de 2,6 %, pour atteindre 7,3 millions d'euros. De plus, 390.000 euros ont été immédiatement gelés ainsi que 319.000 euros de reports. Au total, c'est plus de 9 %de la dotation initiale qui aura été gelée. A cela se sont ajoutés des reports de charge (sans reports de crédits puisque 600.000 euros de reports de crédits 2002 ont été annulés) de 2002 d'un montant de 842.726 euros.
Par ailleurs, les OSI ont subi les conséquences du gel de 10 % des crédits du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et des 8 millions d'euros de crédits. En 2002, le montant des cofinancements présentés par la Mission pour la coopération non gouvernementale aux comités directeurs du FSP s'est élevé à 19,42 millions d'euros. En 2003, le montant des cofinancements mobilisés au profit des OSI sera sensiblement inférieur puisqu'il ne dépassera pas les 16,04 millions d'euros.
Les effets combinés du gel et de la suppression des crédits de report 2002 réduisent l'appui porté aux ONG de 25 à 30 %. A cela s'ajoute la fin annoncée des « emplois jeunes » qui représentent plus de 7 % des postes salariés des ONG. Les effets de ces gels sur les ONG et leurs partenaires du Sud ont de lourdes conséquences alors que de nombreuses ONG sont déjà en grande difficulté : certaines doivent licencier, d'autres sont même menacées de fermeture et certains de nos partenaires locaux doivent abandonner leurs projets.
Cette absence de mesure nouvelle, voire la continuation de restrictions budgétaires handicapent l'action des associations alors que, comme le rappelle le sénateur Serge Lepeltier, dans un rapport qui vient d'être remis début juillet 2003 au Premier ministre « la France est le 15ème pays sur 15 en Europe pour son aide au développement passant par les ONG () : 0,65 % de l'APD française, contre une moyenne de 5,1 % en Europe et même 30 % aux Etats-Unis ».
Plus précisément, un rapport d'étude du ministère des Affaires étrangères, publié par la DGCID détaille les chiffres :
COMPARAISON DU SOUTIEN PAR LES ETATS EUROPÉENS | |||
Soutien ONG (en euros) |
APD (en %) |
APD bilatérale (en %) | |
Allemagne |
403,0 |
8,03 |
2,80 |
Autriche |
15,9 |
3,89 |
6,08 |
Belgique |
65,0 |
8,17 |
13,39 |
CE |
143,0 |
3,11 |
- |
Danemark |
123,0 |
7,25 |
41,40 |
Espagne |
70,0 |
6 |
9,31 |
Finlande |
27,0 |
7,60 |
14,50 |
France |
33,1 |
0,65 |
0,87 |
Italie |
17,0 |
0,84 |
2,71 |
Luxembourg |
11,5 |
11,62 |
27,90 |
Pays-Bas |
268,6 |
9,80 |
14,10 |
Royaume-Uni |
102,0 |
3,15 |
5,62 |
Suède |
103,0 |
6,80 |
10,31 |
Suisse |
40,0 |
4,80 |
6,87 |
TOTAL (hors CE) |
1.279,1 |
5,12 |
Source : Étude « Organisations de solidarité internationale et pouvoirs publics en Europe » publiée en juin 2001 dans la série « Rapports d'études » de la DGCID, ministère des Affaires étrangères
Au niveau du FSP, ne serait-ce que pour compenser la très mauvaise année 2003, une enveloppe minimale comprise entre 20 et 25 millions d'euros (contre 16 millions d'euros en 2003...) sera nécessaire. Malgré l'augmentation des crédits de paiement affectés au FSP dans le projet de loi de finances, votre Rapporteur spécial est dubitatif quant à la probabilité d'une telle enveloppe.
En outre, le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit qu'une ridicule augmentation de 3.500 euros sur l'article 10 du chapitre 42-15, soit une dotation 7.306.193 euros. Avec les reports de charge prévisibles de 2003 sur 2004 et les gels encore plus prévisibles, les axes de cofinancement en faveur des OSI devraient être significativement réduits en 2004.
Le Programme Volontariat du ministère des affaires étrangères
Conformément au décret du 30 janvier 1995 relatif aux volontaires et aux associations de solidarité internationale, le Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) assure la gestion des aides de l'État au volontariat.
Son champ d'intervention concerne :
- La couverture sociale des volontaires : gestion des dossiers d'adhésions et de radiations auprès de la Caisse des Français à l'Étranger (CFE) ;
- La contribution aux dépenses des associations concernant la gestion de leurs volontaires ;
- La contribution aux dépenses des associations pour la formation des volontaires avant leur départ ;
- Le versement aux volontaires, sous certaines conditions, de primes de réinsertion, d'indemnités de fin de mission et d'aides au titre du fonds de solidarité ;
- La production de statistiques annuelles ;
- L'organisation et le suivi de la Commission du volontariat ;
- L'information aux associations
25 associations sont aujourd'hui agréées par le Ministère ce qui permet l'envoi en moyenne de 1.600 volontaires par an dans 107 pays, pour un coût inférieur à 6 millions d'euros.
Votre Rapporteur tient à souligner l'importance de ce dispositif qui, à ses yeux, est encore insuffisamment développé. La prochaine discussion du projet de loi relatif au volontariat de solidarité internationale doit être l'occasion pour le Parlement de réaffirmer son attachement à ce mécanisme de soutien aux organisations de solidarité internationale.
Le chapitre 42-13 du projet de loi de finances pour 2004 ne permettra donc aucune marge de man_uvre pour augmenter le soutien à de nouveaux programmes concertés multi-acteurs dans des pays hors ZSP qui donnent une plus grande visibilité à la coopération française non-gouvernementale, ni pour accroître les moyens accordés aux actions de plaidoyer ou de renforcement des plates-formes ou collectifs représentatifs de la société civile française et des pays du sud.
La présence sur le terrain des associations s'est en effet intensifiée, notamment dans des pays qui ne faisaient pas partie de leur champ d'intervention historique. Plusieurs dizaines de nouveaux projets de lutte contre la pauvreté, présentés par les organisations de solidarité internationale pour les pays d'Amérique Latine, du Moyen-Orient, d'Asie et d'Europe Centrale et Orientale n'ont pas trouvé de possibilité de cofinancement malgré la qualité incontestable de beaucoup d'entre eux. La MCNG n'a financé des projets que dans les 4 pays ou zones retenus comme prioritaires en 2003, à savoir le Brésil, la Colombie, les Balkans et la Roumanie et quelques actions récurrentes correspondant à des engagements pluriannuels dans d'autres pays.
Pourtant la dimension des projets augmente du fait de l'expérience acquise et de la concertation entre les Pouvoirs publics et les OSI. Les demandes de collaboration entre partenaires du Sud et associations françaises se multiplient. Les ONG françaises ont un rôle essentiel à jouer dans le renforcement des sociétés civiles du Sud et de l'Est très sollicitées aujourd'hui dans la définition et la mise en _uvre de programmes de lutte contre la pauvreté. Ce renforcement passe par des actions d'appui institutionnel à diverses organisations des sociétés civiles des pays concernés.
Enfin, l'engagement des associations est plus fort dans les actions de plaidoyer (solidarité internationale, commerce équitable, lutte contre la pauvreté, débat autour de la mondialisation...) auprès des instances internationales. Mais cet engagement des ONG françaises mériterait encore d'être renforcé pour contrebalancer l'influence des ONG anglo-saxonnes dans ces instances. Cela passerait par un soutien consolidé des pouvoirs publics à la structuration des acteurs associatifs y compris les associations issues de l'immigration (qui se sont fédérées depuis deux ans) et à la construction d'un acteur collectif de la solidarité internationale autour de Coordination SUD.
L'an dernier, le Gouvernement avait, concernant les crédits d'investissement, procédé à une politique de pur affichage que votre Rapporteur spécial avait dénoncé : des autorisations de programme avaient été ouvertes massivement sans que les crédits de paiement ne suivent. Le résultat en exécution pour 2003 vous a été décrit précédemment et il est très mauvais, voire catastrophique.
Cette année, le ministère des Affaires étrangères semble revenir à la raison : les autorisations de programme sont moins élevées et les crédits de paiement sont en hausse de 118 millions d'euros (28 pour le FSP, 21 pour l'AFD et 69 pour le FED). Reste que cette hausse des crédits de paiement ne sera significative que si les reports de charge de 2003 sur 2004 ne sont pas trop importants, c'est-à-dire si des crédits de paiement supplémentaires sont ouverts en loi de finances rectificative pour 2003. Sans cela, les crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances pour 2004 ne serviront qu'à « éponger » les arriérés de la gestion 2003.
L'Union européenne - États-membres et Communauté confondus - est de loin le premier bailleur de fonds aux pays en développement (PED). Plus de 60 % des flux d'APD reçus par les pays d'Afrique subsaharienne proviennent de l'Europe. L'aide communautaire représente une part croissante de l'effort de l'Union européenne en matière de coopération au développement: le montant de 1'APD gérée par la Commission européenne atteignait 9,7 milliards d'euros en engagements en 2001, et 7,7 milliards d'euros en décaissements, soit 10 % de I'APD mondiale.
Cet effort de solidarité ne date pas d'hier : la politique européenne de développement remonte au tout début de la construction européenne à la fin des années 1950, avec la mise en place du premier FED. Il reste cependant encore trop peu connu des citoyens : l'Union européenne n'a pas encore réussi à mettre pleinement en valeur sa contribution déterminante au développement, même si d'importants efforts sont engagés pour améliorer l'efficacité de l'action extérieure de l'UE.
L'aide communautaire au développement des PED n'a cessé de croître et de se diversifier au fil des ans. Cet effort passe principalement par trois canaux:
- le FED qui bénéficie aux 77 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP). Il fait l'objet d'un financement spécifique (hors budget) de 13,5 milliards dans le cadre du 9 FED (2001-2007).
- les programmes géographiques en faveur des pays de la Méditerranée (MEDA), de l'Asie et de l'Amérique latine (PVD-ALA), de l'Afrique du Sud (PERD), de certains des nouveaux États indépendants de l'ex-URSS et des Balkans (TACIS et CARDS), pour un montant total de 2,3 milliards d'euros. L'aide communautaire aux pays de l'Est en transition bénéficiant du programme PHARE n'est pas comptabilisée dans l'aide au développement au sens du CAD de l'OCDE, compte tenu du niveau de revenu par habitant dans ces États;
- les lignes budgétaires thématiques qui concernent le cofinancement des activités mises en oeuvre par les ONG, l'aide humanitaire gérée par l'office ECHO, l'aide alimentaire, les initiatives de promotion des droits de l'homme et de la démocratie (EIDHR), l'intégration de la dimension environnementale, ...., pour un total de 1,5 milliard d'euros.
Ces fonds et programmes offrent à l'UE une vaste panoplie d'instruments au service de stratégies adaptées à la situation particulière de chaque pays bénéficiaire, en vertu du principe de partenariat. L'Europe a ainsi progressivement forgé un modèle intégré de développement dont le meilleur exemple est l'accord ACP-UE de Cotonou, qui repose sur trois piliers indissociables: le dialogue politique, les échanges commerciaux, la coopération au développement.
Pourtant, l'action de l'Union européenne est souvent critiquée pour sa mauvaise gestion, la lenteur de ses décaissements et le manque de coordination entre ses différents instruments et avec ceux des États-membres. La Commission a réformé son dispositif de coopération afin de répondre à ces critiques.
En janvier 2001, l'Office EuropeAid a été créé, chargé du suivi de l'ensemble du cycle du projet (de l'identification à l'évaluation) pour tous les programmes communautaires, à l'exception de la programmation qui reste effectuée par les Directions générales Relations extérieures et Développement. La mise en place de l'Office EuropeAid, qui reste un service de la Commission, a entraîné d'importants mouvements de personnels, des Directions et des 49 Bureaux d'assistance technique (BAT, progressivement démantelés) vers l'Office, dont les effectifs s'élèvent à 1.200 personnes. Cette réforme représente un important défi pour la Commission. A brève échéance, elle devrait permettre d'améliorer très significativement la gestion de l'aide communautaire.
La mise en place d'EuropeAid s'accompagne d'une vaste déconcentration des pouvoirs de Bruxelles vers les délégations de la Commission sur le terrain. Cette réforme a débuté en 2001 et prendra fin en 2003. Elle concerne dans un premier temps les crédits des programmes régionaux (FED, mais aussi ALA, MEDA, TACIS, CARDS, PERD). Elle s'étendra, à terme, aux programmes « horizontaux » (aide alimentaire, droits de l'Homme, etc.). La déconcentration développera les capacités administratives, financières et techniques et le niveau de responsabilité des délégations. Elles seront mieux à même, par leur présence sur le terrain, de contribuer au renforcement de la pertinence et de l'efficacité de la coopération européenne. À terme, les délégations seront sensiblement étoffées (une quinzaine de personnes supplémentaires par délégation), tandis que les effectifs d'EuropeAid seront ramenés à 600 personnes.
Cette réorganisation institutionnelle autour d'un double mouvement d'unification des services centraux opérationnels et de déconcentration vers le bas se réalise à la faveur de multiples autres transformations. Des modifications importantes sont ainsi apportées aux systèmes de gestion financière (contrôle, responsabilisation financière) et du règlement financier général (datant de 1977), afin notamment de simplifier les procédures et d'éviter la constitution de réserves financières inemployées. Les comités de gestion, dans lesquels les États membres sont appelés à approuver les projets les plus importants préparés par la Commission, orientent davantage leurs débats sur les aspects stratégiques de la coopération, ce qui a pour effet de raccourcir le circuit administratif des projets.
Enfin, un nouveau système de programmation multi-annuelle est introduit pour associer les pays partenaires et les acteurs non étatiques tout en assurant un maximum de flexibilité. Un mécanisme d'évaluation régulier permettra de mettre continuellement à jour la stratégie de soutien par pays et le volume des ressources en fonction de l'évolution des besoins et des performances (système de programmation glissante).
La recherche d'une plus grande cohérence s'imposait afin que les objectifs de la politique communautaire de développement soient pris en compte dans la conception et la mise en oeuvre des autres politiques (sectorielles, commerciales) de la Communauté ayant un impact sur les PVD.
L'objectif de coordination s'applique aux positions et initiatives prises aux niveaux bilatéral et communautaire, notamment dans les organismes internationaux de développement ou les grandes conférences (e.g. Monterrey, Johannesburg). Sans uniformiser les cultures de développement de ses États membres, l'UE doit s'efforcer de parler d'une seule voix pour que son message soit plus audible et plus fort. Ceci implique une profonde évolution des méthodes de travail. En effet, la réforme des procédures de gestion de l'aide, la déconcentration et l'application du principe de partenariat avec les bénéficiaires confient aux responsables locaux de la gestion de l'aide (délégations de la Commission, ambassades) un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la politique de développement de la Communauté européenne. Des instructions destinées à renforcer la coordination au niveau opérationnel entre les services de la Commission et les ambassades ont ainsi été mises au point en janvier 2001. Parallèlement, les missions des services centraux, à Bruxelles pour la Commission et dans les États-membres, sont en pleine évolution.
Enfin, la complémentarité entre les actions des États-membres et de la Commission est impérative pour s'assurer de la visibilité et de l'impact de l'aide européenne au développement. Les stratégies nationales et communautaires doivent être correctement articulées pour éviter les doublons, les gaspillages ou la dispersion des initiatives. Afin d'obtenir une meilleure division du travail entre la Communauté et les États-membres, chacun devrait, au cas par cas, intervenir en fonction de ses avantages comparatifs. L'accord de Cotonou innove à cet égard en prévoyant explicitement qu'en cas de cofinancement, des fonds communautaires pourront être gérés par les États-membres ou leurs agences de développement. Ces nouvelles dispositions suscitent encore les réticences de ceux, notamment au sein de la Commission, qui y voient une entorse au principe de « neutralité » de la Commission, et/ou une renationalisation de l'aide communautaire, d'autant plus inquiétante selon eux qu'elle est couplée la multiplication des contributions de la CE à des fonds mondiaux sur la gestion desquels son emprise est encore à assurer.
Les contributions des États-membres ne sont appelées que lorsque le niveau de trésorerie du FED le requiert. On a vu précédemment que la gestion 2002 de ces appels à contribution avait été particulièrement mauvaise : dotation très insuffisante en loi de finances initiale pour 2002, ouverture de crédits supplémentaires excessive en loi de finances rectificative d'août 2002, puis annulation de crédits en collectif de fin d'année.
En 2003, la dotation inscrite en loi de finances initiale était bien supérieure à celle de 2002 mais elle sera probablement encore une fois insuffisante, même en cas de dégel des crédits gelés au printemps.
Pour 2004, la dotation du chapitre 68-02 « participation de la France au Fonds européen de développement » progresse de presque 14 % et atteint 565 millions d'euros. Cette progression de 69 millions d'euros représente 58 % de la hausse de crédits de paiement. Cela sera-t-il suffisant ? Cette dotation sera suffisante pour couvrir un appel de fonds global de 2,325 milliards d'euros. S'il est supérieur, une nouvelle ouverture de crédits de paiement en loi de finances rectificative sera nécessaire, avec les pénalités de retard afférentes à cette sous-évaluation.
En 2004, les appels à contribution ne concerneront que les 7ème et 8ème FED puisque les crédits du 9ème FED ne seront mis à disposition que lorsque l'ensemble des États membres aura ratifié l'accord de Cotonou et l'accord interne sur le 9ème FED. Ainsi, alors que le 9ème FED était censé couvrir la période 2000-2005, il ne sera effectivement mis en place que sur la période 2003-2007. Pour mémoire, grâce au maintien du niveau exceptionnel de la contribution française (24,3 %), le volume du 9ème FED a légèrement progressé en termes nominaux par rapport au Fonds précédent pour atteindre 13,8 milliards d'euros de dons (ce qui représente une contribution de 3,3534 milliards d'euros de la part de la France). S'y ajouteront 1,7 milliard au titre des ressources propres de la Banque européenne d'Investissement (BEI) et les quelque 10 milliards de reliquats sur les fonds précédents.
États membres |
Clé PNB |
Clé Budget 1999 |
Clé 7ème FED |
Clé 8ème FED et 9ème FED |
Belgique |
3,1 |
3,9 |
3,96 |
3,92 |
Danemark |
1,9 |
2,0 |
2,07 |
2,14 |
Allemagne |
26,0 |
25,5 |
25,96 |
23,36 |
Grèce |
1,5 |
1,6 |
1,22 |
1,25 |
Espagne |
6,6 |
7,6 |
5,90 |
5,84 |
France |
17,2 |
17,0 |
24,37 |
24,30 |
Irlande |
0,8 |
1,3 |
0,55 |
0,62 |
Italie |
14,2 |
13 |
12,96 |
12,54 |
Luxembourg |
0,2 |
0,2 |
0,19 |
0,29 |
Pays-Bas |
4,5 |
6,2 |
5,57 |
5,22 |
Autriche |
2,6 |
2,5 |
- |
2,65 |
Portugal |
1,2 |
1,5 |
0,88 |
0,97 |
Finlande |
1,4 |
1,5 |
- |
1,48 |
Suède |
2,7 |
2,8 |
- |
2,73 |
Royaume-Uni |
16,1 |
13,4 |
16,37 |
12,69 |
Total |
100% |
100% |
100% |
100% |
Source : Commission européenne
S'agissant des crédits non consommés, il convient de distinguer entre les crédits engagés mais non décaissés - de nombreux projets ont des durées d'exécution qui s'étalent sur plusieurs années (routes...) - des crédits qu peuvent être considérés comme des arriérés. Il faut par ailleurs rappeler que tous les retards de décaissements ne peuvent être imputés à la Commission européenne : aléas politiques dans les pays récipiendaires (conflits armés, application des mesures de suspension de l'aide décidées par le Conseil), carences humaines et matérielles des gouvernements bénéficiaires, problèmes d'absorption de l'aide internationale.
Les engagements non décaissés s'élevaient à 19,8 milliards d'euros, fin 2002 selon EuropeAid, composé de 11,4 milliards d'euros pour le budget et 8,4 pour le FED. Cela équivaut à 3,8 années de décaissements (4,7 fin 1999) globalement, dont 3,4 pour le budget. Selon la Commission, ces chiffres sont désormais analogues à ceux des États-membres.
L'accélération de l'engagement des crédits, qui résulte de la volonté de mettre plus rapidement l'aide à la disposition des pays bénéficiaires, entraîne une augmentation mécanique du reste à liquider, compte tenu des délais incompressibles de mise en oeuvre.
Seule une partie de ce montant revêt un caractère anormal et peut être considérée comme des arriérés. Il s'agit des engagements remontant à plus de cinq ans (« vieux engagements ») et des engagements « dormants » (pour lesquels il n'y a pas eu de décaissement dans les deux aimées écoulées - dix huit mois pour le FED -). La Commission a accordé une priorité à la réduction de ces arriérés : les « vieux engagements », anciens et dormants, datant d'avant 1995 ont été réduits de 76 %. Pour le FED, ces crédits sont passés de 901 millions d'euros en 1999 à 432 en novembre 2002.
En tout état de cause, il n'y a pas de « cagnotte » du FED, et aucune partie de la contribution de la France n'est immobilisée à Bruxelles puisque le montant des appels (trimestriels) à contribution est calculé en fonction des besoins de trésorerie du FED.
Même si des progrès importants ont été faits, le FED n'est pas un instrument optimal pour la gestion de l'aide publique au développement de l'Union européenne, en particulier au regard des règles budgétaires. Depuis sa naissance, en 1958, le Fonds européen de développement fonctionne selon un statut dérogatoire qui le place en dehors du budget communautaire et des procédures qui le régissent.
1. Une spécificité institutionnelle
À l'origine, deux éléments motivèrent le refus d'intégrer la coopération avec les pays ACP dans le moule institutionnel des politiques communes :
- le caractère pionnier de cette coopération, promue par la France avant même la décolonisation des pays concernés et dont le principe avait fait l'objet d'un compromis franco-allemand lors de la négociation même du traité de Rome ;
- sa très grande sensibilité politique ce à une époque où n'existaient ni la Politique étrangère et de sécurité commune, ni aucune procédure permettant d'organiser le dialogue Commission-Conseil sur les sujets comportant des implications de politique extérieure.
Avec le temps, ces deux motifs sont devenus caducs :
- De nombreuses actions extérieures ont vu le jour dans le cadre du budget communautaire. Certaines d'entre elles présentant une sensibilité politique au moins égale à celle de la coopération EJE-ACP (cf Moyen-Orient, Maghreb, Balkans).
- L'Union s'est par ailleurs dotée d'une Politique étrangère et de sécurité commune. Elle a ensuite élaboré des outils lui permettant d'articuler cette « PESC » d'inspiration intergouvernementale avec la gestion d'aides communautaires (cf. Conclusions du Conseil cela sans qu'il soit besoin de conférer à ces aides un statut à part.
Cette spécificité institutionnelle s'est traduite par l'exclusion totale du Parlement européen, privé de tout pouvoir dans l'adoption des crédits du FED puisque ces derniers sont apportés par les États membres. Le triangle institutionnel « Conseil-Parlement-Commission », tel qu'il s'est imposé dans les années 80 et 90, n'a pas cours ici : le FED vit encore à l'heure du « couple » Commission-Conseil des années 60. C'est à cette singularité-là que se ramène, en 2003, sa spécificité institutionnelle.
Notons que cette exclusion du Parlement n'est justifiée par aucune caractéristique propre à la coopération UE-ACP. Au contraire, la coopération avec ces pays souvent pauvres et isolés fait plutôt partie des causes qui peuvent profiter du travail de sensibilisation des parlementaires européens. Comme toute politique publique, cette coopération a en tout cas besoin d'être orientée, contrôlée et légitimée par une institution parlementaire.
2. Une spécificité budgétaire handicapante
Né dans le contexte politique que l'on vient d'évoquer, le Fonds européen de développement a également été marqué par des circonstances financières précises :
- L'absence de ressources propres limitait étroitement, dans les années 60, les possibilités du budget communautaire.
- La quasi-absence des programmes d'aide au développement dans le cadre du budget conduisait assez naturellement, au nom de la spécificité de gestion de ce type de dépenses, à financer la coopération avec les ACP par des mécanismes extra budgétaires.
Deux éléments ont empêché tout effacement de la frontière séparant la gestion « FED » de la gestion budgétaire ordinaire :
- D'abord, à la différence de la spécificité « institutionnelle », la spécificité budgétaire est en partie irréductible : elle se concrétise par une étanchéité quasi-absolue du FED par rapport au budget. Une évolution purement « coutumière » est impossible.
- Ensuite, la spécificité budgétaire s'est assortie de conséquences normatives amples et profondes et la non-application des règles budgétaires classiques a littéralement façonné le FED.
Ces deux éléments ont abouti à la création d'un ordre budgétaire relâché en complet déphasage par rapport aux finances publiques modernes. La manifestation la plus frappante en est l'absence d'annualité budgétaire, qui fait du FED un objet financier pour le moins original. Elle ne découle pas, comme on pourrait le croire en première approximation, du caractère quinquennal des protocoles financiers. La pluri-annualité des programmes est en effet parfaitement conciliable avec des systèmes budgétaires basés sur l'annualité. Il suffit, de les aménager à cette fin en distinguant les décisions d'engagements (à portée pluri-annuelle et correspondant aux programmes) de leur traduction ultérieure en opérations de paiements (qui restent gérées dans un cadre annuel).
Dans le cas du FED, la notion même d'annualité fait défaut. Il en résulte un manque d'ancrage dans le temps des décisions d'allocation de ressources et, plus encore, de leur exécution ultérieure. Cela se manifeste de deux manières :
- Par le jeu de la ratification, un décalage s'est institué entre la date théorique d'entrée en vigueur d'un «FED » et sa date effective. La ratification de chaque protocole financier quinquennal par l'ensemble des États membres conditionne en effet l'entrée en vigueur du « FED » correspondant. Le retard atteint environ trois ans pour le 9ème FED.
- Ensuite, une fois le protocole financier ratifié, le FED qu'il institue se trouve dépourvu d'échéance couperet. Il peut demeurer en vie aussi longtemps que les crédits prévus restent non consommés. En 2002, dix-sept ans après sa signature, en 1985, le 6ème FED a encore donné lieu à des paiements (ceci, certes, pour la dernière année puisqu'il a été clos cette année-là).
3. La nécessaire budgétisation
Une budgétisation du FED permettrait à l'Union européenne d'avoir une vision globale des actions extérieures et de la politique de coopération de l'Union, lui conférant ainsi une plus grande lisibilité. Elle permettrait en outre de réintégrer le Parlement dans le circuit institutionnel, en particulier au moment du vote des crédits de paiement lors du débat budgétaire.
Reste le problème de la consommation des crédits. Celle-ci peut être ralentie par deux facteurs : un manque d'incitation et une insuffisante capacité d'absorption des pays bénéficiaires. La budgétisation du FED peut être un remède pour le premier de ces deux facteurs mais il restera à s'attaquer au second. La question que l'on peut se poser est de savoir si, après intégration, les pays dont les capacités d'absorption sont trop faibles risquent d'être défavorisés, voire si le groupe ACP dans son ensemble risque de l'être. Cette question est effectivement essentielle et doit discutée au fond avec tous les acteurs du dossier, institutions européennes et pays ACP.
4. Les conséquences pour la France
Pour la France, quelles seraient les conséquences de cette budgétisation ? Il y aurait bien sur un gain budgétaire important, la France contribuant aujourd'hui au FED bien au-delà de sa clef budgétaire. En 2002, si l'on avait appliqué au FED, la clef de répartition budgétaire de droit, la France aurait économisé 193 millions d'euros.
IMPACT DE LA BUDGÉTISATION SUR LES TAUX DE CONTRIBUTION | |||
Clé applicable aux 8ème et 9ème FED |
Clé applicable après la budgétisation |
Impact de la budgétisation en part dans le financement | |
Belgique |
3,9 % |
3 % |
- 0,9 point |
Danemark |
2,1 % |
2 % |
- 0,1 point |
Allemagne |
23,4 % |
22,7 % |
- 0,7 point |
Grèce |
1,3 % |
1,6 % |
+ 0,3 point |
Espagne |
5,8 % |
7,5 % |
+ 1,7 point |
France |
24,3 % |
16,4 % |
- 7,9 points |
Irlande |
0,6 % |
1,2 % |
+ 0,6 point |
Italie |
12,5 % |
13,8 % |
+ 1,3 point |
Luxembourg |
0,3 % |
0,2 % |
- 0,1 point |
Pays-Bas |
5,2 % |
5 % |
- 0,2 point |
Autriche |
2,7 % |
2,3 % |
- 0,4 point |
Portugal |
1,0 % |
1,4 % |
+ 0,4 point |
Finlande |
1,5 % |
1,5 % |
0 |
Suède |
2,7 % |
2,7 % |
0 |
Royaume-Uni |
12,7 % |
18,8 % |
+ 6,1 points |
Total |
100 % |
100 % |
0 |
Il n'est donc pas étonnant que le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Irlande se soient opposés à cette opération le 24 octobre dernier puisque leur contribution au FED est proportionnellement inférieure à celle du budget européen. Une négociation doit pouvoir s'engager pour que le réalignement des clefs de répartition soit progressif.
Reste pour la France un point crucial : si sa contribution au FED diminue, le pourcentage du PIB affecté à l'aide publique au développement va diminuer d'autant ce qui serait tout à fait contradictoire avec les promesses du président. Il faut donc impérativement que les crédits ainsi économisés restent dans l'enveloppe APD, ce qui contribuerait à un rééquilibrage entre aide bilatérale et aide multilatérale. Le ministère des affaires étrangères, et le FSP en particulier, doit donc dès aujourd'hui augmenter ses capacités structurelles d'absorption afin que ces crédits supplémentaires, certes aujourd'hui virtuels, ne lui échappent pas sous le prétexte de son incapacité à les gérer correctement.
Qualifiée d'« opérateur-pivot » de l'aide bilatérale française au développement dans la réforme de 1998, l'Agence Française de Développement (AFD) a adopté en mars 2002 un Projet d'orientation stratégique (POS) qui s'articule autour de trois grands axes :
- faire de l'AFD une agence de développement de référence au service des pays du Sud et de l'action internationale de la France ;
- s'adapter, évoluer et innover dans les départements et territoires d'Outre-mer, tout en renforçant son rôle d'acteur de référence dans le financement de l'économie ;
- développer les synergies entre ces deux univers.
De ces orientations générales, l'AFD a retenu des objectifs opérationnels qui constituent le cadre général de Plan d'affaires 2003. Ces objectifs opérationnels ont entraîné des conséquences importantes sur l'organisation de l'établissement, sa gouvernance interne et ses moyens.
L'évolution organisationnelle de l'AFD s'est opérée conformément aux orientations du POS. Une nouvelle organisation a été mise en place au 1er juin 2002. Les évolutions les plus importantes sont les suivantes :
- La direction des Opérations dans les États étrangers a adopté une organisation matricielle comportant quatre départements géographiques, chargés principalement de la programmation stratégique et de l'allocation des moyens, et quatre départements techniques : Développement humain, Développement rural, Environnement et ressources naturelles, Infrastructures et développement urbain, Secteur financier, financements structurés et appui au secteur privé.
- L'extension de la zone de compétence de la direction des Opérations dans l'Outre-mer aux États étrangers limitrophes a milité en faveur de l'adoption par celle-ci d'une organisation comportant deux divisions : une division des Engagements, dont les activités sont élargies aux États étrangers proches au titre de la coopération régionale, et une division des Financements structurés, en charge des nouveaux produits.
La direction de la Stratégie, nouvellement créée, recouvre des missions de modernisation des outils de gestion du savoir et de communication, des outils de pilotage par la stratégie, des réflexions et travaux sectoriels et thématiques, la mise en place de réseaux d'experts internes, la formation interne et externe, des évaluations rétrospectives et des actions d'ouverture sur l'extérieur.
La direction de la Stratégie développe également une activité de recherche sur les thématiques de travail du Groupe. L'accent est notamment mis sur les liens entre commerce et développement, sur les conditions de l'investissement dans les pays d'intervention et sur la compétitivité des économies. De façon plus générale, et sur un certain nombre de thématiques (coton, migrations, eau, post-conflit, NEPAD), la direction de la Stratégie contribue à la mise en place et à l'animation de groupes et réseaux internes transversaux, dont les travaux débouchent sur des productions concrètes (rapports, tenue de séminaires, élaboration de propositions...).
D'une manière générale, les thématiques d'études retenues par l'AFD se prêtent particulièrement à cette ouverture, les questions de gouvernance mondiale et de biens publics mondiaux structurant en effet une partie de ses travaux. Le rapprochement de l'AFD avec les autres bailleurs de fonds se poursuit activement, notamment dans la thématique de l'harmonisation de l'aide et des approches sectorielles et budgétaires, contribuant ainsi à la réflexion internationale et au suivi de la conférence de Monterrey. L'AFD continue par ailleurs de s'insérer activement dans les réseaux européens, comme en témoigne la création en 2002 d'un bureau bruxellois. Elle resserre sa coopération avec les bailleurs de fonds du continent européen (EDFI) et approfondit son partenariat avec l'agence de coopération allemande (KfW). Dans la perspective de Kyoto, elle s'investit tout particulièrement dans l'Initiative européenne pour l'eau, se plaçant en première ligne pour porter au niveau européen, puis international la Charte sur l'eau, rebaptisée Guide des principes de bonne gouvernance.
Entrée au tour de table du PPIAF (Public-private Infrastucture Advisory Facility), l'AFD a par ailleurs développé avec la Banque mondiale des séminaires et des études conjoints. L'Agence a également co-organisé, avec la Banque mondiale, le Conseil d'analyse économique, le ministère de l'Économie et des Finances et la Direction générale de la coopération et du développement du ministère des Affaires étrangères (DGCID), la conférence européenne ABCDE (Annual Bank Conference on Development Economics) qui s'est tenue en mai 2003 à Paris.
Les relations avec la société civile française ont également connu une impulsion en 2003, après une année 2002 où elles furent pour l'essentiel centrées sur la participation aux activités du Haut Conseil de la coopération internationale (HCCI). En particulier, l'AFD a revitalisé le « Club des OSI » et renouvelé le contenu de son dialogue avec les Organisations Non Gouvernementales, notamment en les associant à l'élaboration de ses axes stratégiques et en intensifiant ses relations avec elles à l'occasion des Contrats de Désendettement et de Développement (C2D).
Le Secrétariat général poursuit ses actions de réorganisation afin de moderniser et dynamiser la gestion de l'établissement. Conformément aux engagements du POS, l'année 2003 a été celle de la généralisation du recours à l'outil de management interne que constituent les contrats d'objectifs. Ceux-ci mettent l'accent sur un nombre limité d'objectifs reflétant les priorités de l'année, assortis d'indicateurs de réalisation quantitatifs et qualitatifs, tant en matière de contribution stratégique qu'en matière opérationnelle. Ces contrats constituent en cela, tout autant qu'un outil de management, l'un des vecteurs du pilotage par la stratégie et de la recherche de résultats et de la performance.
En vue d'une bonne adéquation des moyens aux missions, l'AFD a fourni des efforts de productivité significatifs. Le budget 2003 a tenu compte du travail d'adaptation des moyens aux changements stratégiques du POS. L'adaptation du réseau à la stratégie de l'AFD s'est poursuivit dans une optique de stabilisation de la charge de celui-ci.
L'AFD cherche à optimiser sa présence sur le terrain, notamment par un accroissement de la dimension régionale de sa présence et par une maximisation des synergies entre le siège et les agences. Les frais de personnel sont également maîtrisés et leur hausse sera limitée, en 2003, aux augmentations courantes de salaires. La mise en _uvre du POS n'a pas de conséquences sur l'effectif moyen qui restera stable en 2003 par rapport à 2002.
De même, l'Agence a conduit un travail de maîtrise de ses coûts logistiques : stabilisation des dépenses de télécommunications hors transmission de données, ainsi que les frais de réception et de représentation ; réduction des indemnités journalières de mission pour compenser, en valeur, la hausse du nombre de missions nécessaires à la réalisation des objectifs.
Dans le relevé de conclusions du dernier CICID du 11 décembre 2002, on pouvait lire : « La zone de solidarité prioritaire (ZSP) apparaît aujourd'hui comme un champ d'intervention géographique trop restrictif pour répondre aux grandes priorités géographiques et sectorielles de la France et permettre à l'AFD d'utiliser de façon optimale le potentiel de concours octroyés sous forme de prêts dont elle dispose. Une ouverture maîtrisée du champ d'intervention de l'AFD à de nouvelles zones géographiques permettra, à coût budgétaire constant, d'augmenter le volume d'aide publique au développement, sans porter préjudice aux montants apportés à la ZSP ».
Ainsi, concernant les dons, trois groupes de pays sont définis, le premier rassemblant 13 pays « de concentration », le deuxième 12 pays « de coopération renforcée », le troisième les 30 pays restants, baptisés « opportunistes ».
Les nations du premier groupe sont celles où l'Agence entend peser sur la définition des stratégies économiques en menant des programmes pluri-sectoriels ; la France figurera, dans ces pays, parmi les trois premiers bailleurs de fonds. Dans cette zone privilégiée on retrouve en grande partie l'Afrique francophone.
Concernant le deuxième groupe, celui de la « coopération renforcée », il s'agira de pays où l'Agence ne figurera qu'aux 4ème, 5ème ou 6ème rang des bailleurs". Elle n'interviendra que sur 1 ou 2 secteurs au maximum, essayant de maximiser les effets de levier, jouant sur l'exemplarité des interventions.
Dans le troisième groupe enfin, l'AFD n'aura pas d'agence installée et il n'y aura d'interventions que si une opportunité se présente, au coup par coup.
Une deuxième évolution majeure concerne l'activité prêts. Actuellement, 85 % des prêts de l'AFD sont concentrés sur 5 pays : le Maroc, la Tunisie, l'Afrique du Sud, Saint Domingue et le Vietnam. Cette surexposition à un nombre limité de clients fait peser un risque important sur l'Agence (50 % du montant des prêts concerne, qui plus est, 14 clients individuels). Il a donc été décidé de conquérir de nouveaux marchés, prioritairement ceux de la Méditerranée orientale (Turquie, Syrie, Liban...) et du Bassin du Mékong (Vietnam, Thaïlande, Chine du Sud). En particulier, une attention particulière sera portée au Vietnam.
L'objectif affiché de l'AFD est donc d'adapter les actions sur le terrain à la modestie des fonds disponibles. Outre la sélectivité géographique, une plus grande sélectivité sectorielle est annoncée. Le financement de routes, par exemple, coûte très cher, et l'Agence ne dispose pas d'avantage comparatif à y faire valoir. S'en désengager progressivement permettra de faire croître deux secteurs : le développement rural et celui des ressources naturelles d'une part, le secteur financier d'autre part. Ces deux activités devraient passer respectivement de 19 à 25 % et de 16 à 25 %des financements de l'Agence dans les années à venir.
Il est inutile de revenir sur l'exécution budgétaire 2003 concernant l'AFD, sauf pour rappeler que le dégel des crédits actuellement gelés et une ouverture de crédits de paiement en loi de finances rectificative pour 2003 est indispensable, sans quoi l'AFD risque de se retrouver en cessation de paiement.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, les crédits de paiement inscrits au chapitre 68-93 « Dons destinés à financer des projets mis en _uvre par l'Agence française de développement » sont en hausse de 15 % atteignent 158 millions d'euros.
Les autorisations de programme sont par contre en baisse de 11 % et passent de 190 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2003 à 169 dans le projet de loi de finances.
Votre Rapporteur spécial se félicite de cette double évolution : il était en effet à terme intenable de continuer d'ouvrir des autorisations de programme sans prévoir les crédits de paiement nécessaires à leur couverture. Cette augmentation des crédits de paiement serait néanmoins totalement hypothéquée par un transfert de charges de 2003 sur 2004, faute d'ouverture de crédits de paiement suffisants en 2003.
ÉVOLUTION COMPARÉE DES AP ET DES CP INSCRITS AU CHAPITRE 68-93
(en millions d'euros)
La création, à partir du Fonds d'aide et de coopération, du Fonds de solidarité prioritaire était rendue nécessaire par la mise en place d'un instrument adapté à la nouvelle zone de solidarité prioritaire. Ainsi, la loi de finances initiale pour 2000 a acté la transformation du Fonds d'aide en Fonds de solidarité.
Selon le décret du 11 septembre 2000 relatif au Fonds de solidarité prioritaire, ce dernier « inscrit au titre VI du budget du ministère des affaires étrangères, est chargé de contribuer au développement des pays figurant dans la zone de solidarité prioritaire définie par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, par le financement, sous forme de dons, de projets et programmes d'investissements matériels et immatériels, dans les domaines institutionnel, social, culturel et de recherche. Il peut financer, à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées le cas échéant hors de la zone de solidarité prioritaire. »
Le champ du Fonds de solidarité prioritaire a été élargi. Il doit financer des projets et des programmes consacrés principalement au renforcement de l'État de droit et des capacités nationales et locales, à l'intégration régionale, à l'aménagement de territoires et à la gestion des ressources naturelles, au développement communautaire, à la lutte contre les discriminations de toutes natures, à l'éducation et à la santé publique, à la jeunesse et aux sports, à la promotion de la langue française, à la culture et à la recherche. Pour ce faire, pourront être financés des études, des conseils, des expertises, des actions de formation, d'ingénierie, des appuis à la recherche, à l'initiation et à la création, avec tous les investissements matériels et immatériels d'accompagnement, les fournitures ou les équipements sous forme de dons qui peuvent concourir à leur mise en _uvre. Les dépenses connexes doivent être indispensables à la mise en _uvre du projet, à l'exclusion de dépenses de fonctionnement à caractère récurrent ou dépassant l'objet ou la durée du projet.
Les règles de gestion ont été modifiées. En vertu de la réforme comptable, à partir du 1er janvier 2002, les dépenses du Fonds de solidarité seront intégralement payées par les comptables du trésor public, tandis que l'Agence française de développement demeurera payeur pendant une période transitoire pour les projets en cours Désormais, le ministre dispose seul du pouvoir de décider de l'emploi des crédits du titre VI alors que, dans le régime du Fonds d'aide et de coopération, la décision était collégiale et le ministère des finances possédait un droit de veto. Par ailleurs, le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération est remplacé par deux instances, le comité d'orientation stratégique (COS) et le comité des projets, instance interministérielle d'examen des projets. Le premier, présidé par le ministre, regroupe les représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'économie, deux personnalités qualifiées et quatre parlementaires. Le comité des projets est présidé par le directeur général de la coopération internationale et du développement.
Trois types de projets et de programmes sont distingués. Les projets et programmes « pays » concernent des actions bilatérales contribuant au développement d'un pays partenaire ; les projets et programmes « inter-États » bénéficieront à un groupe déterminé d'États réunis dans une organisation intergouvernementale ; enfin, les projets et programmes « mobilisateurs », tels qu'ils ont pu exister au début des années quatre-vingt-dix, contribueront à l'élaboration de politiques sectorielles de développement (par exemple, lutte contre le sida, culture et patrimoine, sport, femmes et développement, etc.), notamment par le biais d'opérations pilotes.
RÉPARTITION RÉGIONALE DU FSP PAYS EN 2002
Le 14 février dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait décidé de faire évoluer le périmètre de la zone de solidarité prioritaire, conformément au principe de « respiration ». Neuf petits États, dont un certain nombre de paradis fiscaux, ont été exclus de la zone : les projets en cours y seront achevés et la coopération culturelle, scientifique et technique sur le titre IV leur reste ouverte, comme pour le reste du monde. Le Yémen et le Soudan ont fait leur entrée dans la zone, qui se compose depuis de 54 pays, le CICID du 11 décembre 2002 n'ayant pas modifié la composition de la ZSP.
ÉVOLUTION DE LA ZONE DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE EN 2003 (1) |
Proche-Orient : Liban, Palestine, Yémen |
Afrique et Océan indien : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, République démocratique du Congo, Côte-d'Ivoire, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, Rwanda, Sâo Tomé et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie, Zimbabwe. |
Asie du Sud-Est : Cambodge, Laos, Vietnam. |
Caraïbes et Amérique Latine : Antigua et Barbuda, Barbade, Cuba, Dominique, Grenade, Haïti, République dominicaine, Saint-Christophe-et-Nieves, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-Grenadines, Surinam. |
Pacifique : Vanuatu. |
(1) en gras, les pays intégrés en 2002 ; en italique, les pays exclus de la zone en 2002. Source : ministère des Affaires étrangères. |
RÉPARTITION RÉGIONALE DU FSP PAYS EN 2002
Les crédits de paiement du FSP inscrits en loi de finances initiale sont en chute constante de 1995 à 2001, passant de 202 millions d'euros à 114,9 millions d'euros. Ils se sont stabilisés en 2001, 2002 et 2003 à 112 millions d'euros. Soit un montant bien inférieur aux autorisations de programme ouvertes sur la même période comme le montre le graphique ci-dessous.
Cette divergence entre le niveau des crédits de paiement et celui des autorisations de programme a été encore accentué l'an dernier en loi de finances initiale pour 2003 : les crédits de paiement sont restés à 112 millions d'euros tandis que les autorisations de programme grimpaient à 190 millions d'euros.
ÉVOLUTION COMPARÉE DES AP ET DES CP DU FONDS DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE
(en millions d'euros)
Ce décalage a conduit dès 2002 à une insuffisance des crédits de paiement de 20 millions d'euros en 2002, phénomène encore accentué par le gel intervenu en milieu d'année. Les autorisations de programme ont été consommées à 100 % en 2002 et 80 projets ont été adoptés.
Pour le 1er semestre 2003, 72 projets ont déjà été adoptés pour 140 millions d'euros d'autorisations de programme. Étant donné le gel de 10 % des autorisations de programme intervenus au printemps 2003, il ne reste que 31 millions d'euros pour lancer de nouveau projets pour le second semestre 2003.
Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une augmentation significative des crédits de paiement du FSP. Ceux-ci passent de 112 à 140 millions d'euros, soit une progression de 25 %. C'est la progression la plus forte enregistrée depuis très longtemps et on ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance. On est malheureusement encore loin des niveaux de 1995 (200 millions d'euros !) mais c'est incontestablement un premier pas.
Restent deux écueils à éviter :
- un report de charges trop important de 2003 sur 2004, les crédits de paiement supplémentaires ne servant alors qu'à apurer la mauvaise gestion de 2003 ;
- un nouveau gel des crédits pour cause de régulation budgétaire, l'année 2003 ayant montré que, malgré son statut de « priorité du Gouvernement », l'aide publique au développement n'était nullement à l'abri des gels et annulations de crédits.
Lors de sa séance du 5 novembre 2003, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné les crédits de la Coopération et du développement.
M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, a d'abord souligné que la mise en _uvre de la loi organique s'apparentait à une occasion manquée pour l'aide publique au développement. Il est en effet aujourd'hui très difficile d'avoir une vision claire de l'effort de la Nation en faveur des pays en voie de développement. Le dispositif de l'aide publique au développement en France est unique, de par sa complexité, ce qui nuit donc à la transparence et à la cohérence de la contribution de la France au développement. Malheureusement, la refonte d'ampleur du « jaune », qui aurait permis plus de clarté, n'a toujours pas eu lieu, après deux projets de loi de finances.
S'agissant de transparence, la mise en _uvre de la loi organique est une occasion unique. Elle pourrait se prêter à la constitution d'une mission interministérielle, cadre idéal pour l'APD. Malheureusement, en l'état de l'architecture proposée par le ministère des affaires étrangères, cela est impossible. Du strict point de vue de l'APD, cette nomenclature est très mauvaise et rend quasi impossible la constitution d'une mission interministérielle. Les crédits de l'APD sont en effet répartis entres les trois programmes prévus par le MAE. Le Fonds européen de développement se trouve ainsi au sein du premier programme « rayonnement et influence de la France » tandis que le deuxième programme « coopération et action culturelle » rassemble l'essentiel des crédits APD : six des neuf actions intégrées à ce programme sont composées à 100% de crédits APD, mais les trois autres actions ne contiennent aucun crédit APD. Il s'agit pour deux d'entre elles d'actions identiques à celles concourant à l'APD mais destinées aux pays de l'OCDE. Il suffirait donc d'exclure ces trois actions de ce programme pour en faire un programme exclusivement APD auquel il serait ensuite possible de rajouter les crédits APD des autres programmes, dans la mesure où ils peuvent être identifiés.
Ce qui est particulièrement étonnant est que le ministère des affaires étrangères avait précisément envisagé une telle nomenclature dans son plan d'action stratégique « Affaires étrangères 2007 ». Trois programmes étaient alors envisagés :
- action de la France en Europe et dans le monde ;
- solidarité à l'égard des pays en développement ;
- un réseau au service de l'État et des citoyens.
Cette architecture semble beaucoup plus rationnelle et surtout permet une identification claire des crédits consacrés à l'APD au sein du ministère. Il est très regrettable qu'elle ait été abandonnée.
M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, a proposé en conséquence à la Commission l'adoption d'une observation constatant le caractère insuffisant de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des affaires étrangères, telle qu'elle est prévue aujourd'hui et souhaitant que soit mis en place un programme d'aide publique au développement.
M. Éric Woerth, s'est déclaré favorable, dans son principe, à cette observation. Pour autant, cela ne doit pas aboutir à la constitution d'une mission interministérielle « aide publique au développement », projet défendu par Bercy. Ceci rendrait impossible le projet, plus ambitieux, du ministère des affaires étrangères de constituer une mission interministérielle « Action extérieure de l'État » qui serait très utile pour assurer la cohérence de l'action extérieure de la France, que celle-ci soit diplomatique, militaire ou encore économique.
M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, s'est rallié à cette option, l'essentiel étant d'obtenir une plus grande clarté dans la présentation des crédits. La Commission a adopté, à l'unanimité, l'observation proposée.
M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, a ensuite précisé qu'il avait décidé d'élargir le champ de son analyse à l'ensemble des crédits concourant à l'aide publique au développement, extension d'autant plus utile que le Gouvernement, suivant en cela les v_ux du Président de la République, avait fait de l'augmentation de l'aide publique au développement une de ses priorités, l'objectif étant d'atteindre les 0,5 % du PIB, ce qui semble tout à fait possible.
Il faut pourtant aller au-delà des apparences et disséquer plus finement cette hausse de l'APD. On constate alors que cette hausse s'explique pour l'essentiel par une hausse de l'APD bilatérale, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, cette hausse de l'APD bilatérale est due à une très rapide augmentation du processus d'annulation de dettes des Pays pauvres très endettés (initiative PPTE) : l'essentiel de la progression de l'APD en 2003, et en 2004 aussi d'ailleurs, sera due aux annulations et consolidations de dettes qui devraient atteindre 1,9 milliard d'euros en 2003 contre 1,14 milliard d'euros en 2002. En 2004, les annulations et consolidations de dettes devraient encore progresser et atteindre 2,05 milliards d'euros, soit près de 30 % du volume prévisionnel total de l'APD.
Or, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005 quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, entraînant dans leur chute le montant global de l'APD, si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais.
S'agissant des crédits gérés par le ministère des affaires étrangères, l'exécution 2003 est désastreuse : le projet de loi de finances pour 2003 affichait de grandes ambitions en ce domaine mais seules les autorisations de programme étaient en hausse, sans que les crédits de paiement ne suivent et ce décalage s'est révélé fatal en exécution, d'autant que, contrairement à ce que laissait entendre le statut « prioritaire » des crédits APD, ceux-ci ont fait l'objet d'une régulation budgétaire importante : les gels ont concerné aussi bien les crédits de la loi de finances initiale que les crédits de reports sur lesquels comptaient les administrations.
Ces gels ou annulations ont imposé à la DGCID de revoir l'ensemble de la programmation de l'administration centrale et des postes. De même, le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), l'Agence française de développement (AFD) et le Fonds européen de développement (FED) ont été insuffisamment dotés en crédits de paiement en loi de finances initiale. Pour ces trois supports, une ouverture de crédits de paiement supplémentaires en loi de finances rectificative pour 2003 est indispensable.
L'affichage fait dans le projet de loi de finances pour 2004 laisse donc sceptique : d'une part les crédits d'intervention stagnent ; d'autre part, si les crédits d'investissement sont en hausse, le risque est grand qu'ils ne servent qu'à couvrir les reports de charges de 2003 sur 2004.
S'agissant des crédits d'intervention, le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique du ministère des affaires étrangères baisse de 2,92 %. Les articles les plus affectés par cette baisse sont ceux relevant (en totalité ou en majeure partie) de l'APD.
Par contre, la dotation inscrite à l'article 20 « Bourses, échange et formation » augmente. Elle passe de 114 à 120 millions d'euros, soit une augmentation de 5 %.
Les crédits de la coopération décentralisée inscrits au chapitre 42-13, articles 30 et 40, baissent de 9 %.
S'agissant du soutien aux organisations de solidarité internationale (OSI), le relevé de conclusions du dernier CICID, en date du 11 décembre 2002, proclamait la nécessité d'« une participation plus large des acteurs de la coopération que sont la société civile et les collectivités locales ». Or, la réalité budgétaire est tout autre. Après une année 2003 très difficile, le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit qu'une ridicule augmentation de 3.500 euros sur l'article 10 du chapitre 42-15. Avec les reports de charge prévisibles de 2003 sur 2004 et les gels encore plus prévisibles, les axes de cofinancement en faveur des OSI devraient être significativement réduits en 2004.
S'agissant des subventions d'investissement, elles sont en hausse. Les autorisations de programme sont moins élevées qu'en 2003, mais les crédits de paiement sont en hausse de 118 millions d'euros : 28 millions pour le FSP, 21 millions pour l'AFD et 69 millions pour le FED.
Pour 2004, la dotation du chapitre 68-02 « participation de la France au Fonds européen de développement » progresse de presque 14 % et atteint 565 millions d'euros. Il n'est pas certain que cela soit suffisant.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, les crédits de paiement inscrits au chapitre 68-93 « Dons destinés à financer des projets mis en _uvre par l'Agence française de développement » sont en hausse de 15 %, atteignant 158 millions d'euros. Les autorisations de programme sont par contre en baisse de 11 %.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une augmentation significative des crédits de paiement du FSP. Ceux-ci passent de 112 à 140 millions d'euros, soit une progression de 25 %. C'est la progression la plus forte enregistrée depuis très longtemps et on ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance. On est malheureusement encore loin des niveaux de 1995.
Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître les effectifs des jeunes qui se destinent à la coopération depuis la suppression du service national. Il est à craindre que le nombre de jeunes s'expatriant pour se mettre au service de la coopération, notamment au sein d'organisations non gouvernementales, soit insuffisant. Or, il s'agit d'expériences qui constituent autant un investissement pour les pays concernés, par exemple en Afrique , que pour la France. En effet, ces expériences sont un atout pour les jeunes et ne peuvent qu'accroître leur esprit d'ouverture.
M. Jean-Louis Dumont a observé que les annulations de dettes en faveur des pays d'Afrique noire les plus sinistrés s'effectuaient souvent par à-coups, à l'occasion de déplacements officiels, notamment du Chef de l'État. Cela est regrettable et traduit un manque d'ambition par rapport à l'objectif de l'annulation de la dette.
Le rapport qui a été fait est particulièrement sévère sur les conditions de financement de l'Agence française du développement (AFD). En effet, l'AFD se trouve dans une situation de trésorerie tout à fait préoccupante : les engagements effectués en 2003 ont été singulièrement inférieurs aux lignes budgétaires votées. Là encore, les annulations de crédits sont venues remettre en cause les budget votés.
D'une façon générale, il faut constater que si l'aide publique au développement a progressé ces dernières années par rapport au PIB, le taux était tombé très bas en 2000.
M. Pierre Hériaud a évoqué l'évolution du soutien aux organisations de solidarité internationale. La part du soutien de l'État à ces organisations en pourcentage de l'aide publique au développement est sans doute faible par rapport à l'étranger, mais il est plus pertinent de procéder à des comparaisons internationales plus globales et relatives au taux de l'aide publique au développement par rapport au PIB, et de ne pas se contenter de ce qui transite par les ONG.
M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, a indiqué que, bien évidemment, le rapport écrit présenterait des comparaisons internationales relatives à l'aide publique au développement, dans sa globalité. S'agissant du nombre de jeunes s'engageant au service de la coopération, des données quantitatives pourront être fournies. Du point de vue budgétaire, il est possible de souligner, d'ores et déjà, que les dotations via l'Association française des volontaires du progrès et le FONJEP, sont stables pour 2004, s'il n'y a pas de régulation. Pour éviter de voir l'écart entre les crédits de paiement et les autorisations de programme se creuser, il est souhaitable qu'une ouverture intervienne au collectif budgétaire.
Après que M. Augustin Bonrepaux, suppléant votre Rapporteur spécial, s'en est remis à sa sagesse, votre Commission a adopté les crédits de la Coopération et du développement et vous demande d'émettre un votre favorable à leur adoption.
La commission des Finances, de l'économie générale et du Plan, constatant le caractère insuffisant de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des affaires étrangères telle qu'elle est prévue aujourd'hui, souhaite que soit mis en place un programme « aide publique au développement ».
N° 1110 - 03 - Rapport spécial de M. Henri Emmanuelli sur le projet de loi de finances pour 2004 - Coopération et développement
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() 46,385 millions si l'on rajoute les crédits de la coopération militaire qui ne sont néanmoins pas pris en compte dans le montant de l'APD au sens du CAD.
() Loi n° 2002-1050 du 6 août 2002.
() L'article 7 de la loi organique stipule en effet qu' « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et qu'une mission relève « d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères ».
() « Coopération non gouvernementale (PED) », « Permettre l'accès des PED à la diversité culturelle », « Favoriser le développement par la coopération universitaire et scientifique », « Lutter pour le développement et l'éradication de la pauvreté », « Participer aux débats sur les enjeux globaux et participer aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement », « Protéger les populations touchées par les crises ».
() « Promouvoir l'usage du français et la diversité culturelle (OCDE) » et « Renforcer les échanges scientifiques et universitaires (OCDE) ».
() « De retour de Cancun » Jean-Michel Severino, Le Monde de l'économie daté du 30/09/03.
() Côte d'Ivoire, Cameroun, Congo, RDC, Guinée, Mozambique, Madagascar, Mauritanie, Burundi, Ghana, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Sao Tomé et Principe, Sierra Leone, Liberia et sept pays hors ZSP.
() Cameroun, Côte d'Ivoire (environ un milliard d'euros), Congo, République démocratique du Congo et Guinée (environ 190 millions d'euros), et, dans une moindre mesure, Mozambique, Mauritanie, Ghana et Madagascar.
() M. Alain Claeys, L'accueil des étudiants étrangers en France : enjeu commercial ou priorité éducative ?, XIème législature, doc.AN n° 1806, 22 septembre 1999. On peut également se reporter utilement au rapport de M. Élie Cohen au ministre de l'Éducation nationale et au ministre des Affaires étrangères, Un plan d'action pour améliorer l'accueil des étudiants étrangers en France, diagnostic et propositions, 19 juillet 2001.
() Serge Lepeltier « Réconcilier la France et la Mondialisation », rapport de « Dialogue & Initiatives », juin 2003, p.25.