DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 2

Mercredi 23 octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- I.  Rapport d'information sur la couverture du territoire en téléphonie mobile et internet haut débit (M. Nicolas Forissier, Rapporteur) :

- Audition de M. Jean-Paul Delevoye, Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire

- II. Nomination de Rapporteurs

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M. Emile Blessig, président, a indiqué que l'audition de M. le Ministre avait été précédée de nombreux contacts, pendant l'été, entre la Délégation et le ministère chargé de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a rappelé que le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de juillet 2001 avait retenu le principe d'itinérance locale, ce qui induisait pour chacune des parties (Etat, collectivités locales, opérateurs, à savoir Orange, SFR et Bouygues) une dépense de 500 millions de francs. Après la révision du prix des licences UMTS, un nouvel accord a prévu que 50 % des zones blanches seraient couvertes par Orange et SFR, le reste de la desserte desdites zones n'étant assuré que par un seul opérateur. La part de l'Etat a été évaluée à 400 millions de francs, Orange et SFR devant chacune investir 500 millions de francs. La publication d'une liste de communes éligibles à l'itinérance locale a ensuite été, à juste titre, critiquée car elle reposait sur des critères mal définis. L'actuel gouvernement, avec l'appui de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) a souhaité au nom de l'égalité des citoyens que ces derniers puissent disposer des trois opérateurs sur le territoire français. Ce volontarisme politique coïncidait avec les exigences du droit communautaire de la concurrence. L'accord du 24 septembre 2002 a entériné le principe de l'itinérance locale à trois opérateurs, et a limité la mutualisation à certaines zones. Une liste de 300 sites, touchant 400 communes, doit maintenant être validée. Par ailleurs, la Commission européenne a accepté de rendre éligible les investissements en téléphonie mobile aux fonds communautaires et a admis la révision immédiate des documents de programmation.

Le ministre a annoncé qu'il restait au gouvernement à mettre en place un comité de pilotage qui expertisera environ 800 sites, et qui définira en concertation avec les élus une première tranche de travaux. Le gouvernement enverra bientôt une circulaire aux préfets de région pour hiérarchiser les priorités. Il précisera par ailleurs le régime d'intervention des collectivités locales en application de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Il négociera enfin avec la Commission européenne le type d'aide publique acceptable au regard du droit de la concurrence. Le financement du dispositif signé le 24 septembre dernier est assuré à hauteur de 44 millions d'euros par l'Etat, et de 44 millions d'euros par les collectivités locales et les fonds européens.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a ensuite abordé la question d'internet. Il a annoncé que 129 projets d'infrastructures et 135 projets de services étaient en cours d'étude ou de réalisation en septembre 2002. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) évalue la totalité des investissements à 2,4 milliards d'euros, à raison de 833 millions d'euros par les fonds européens. Les collectivités publiques interviennent selon plusieurs modalités. L'Etat a le devoir de préciser les règles d'application de l'article L. 1511-6 précité, dont la rédaction ne permet pas de définir correctement le rôle des collectivités locales. A ce titre, le gouvernement a saisi le Conseil d'Etat et a pris l'attache de la Commission européenne. Cette question devrait être résolue lors du CIAT de décembre 2002. Depuis quelques mois, est apparue une réflexion sur l'opportunité pour les collectivités locales d'être opératrices. Le gouvernement n'a pas à ce jour de position officielle. Mais il semblerait possible de laisser les collectivités locales libres d'investir sur les infrastructures passives et actives. La faculté pour elles de devenir opératrices risquerait en revanche de fausser les règles de la concurrence. En certains cas, la carence du marché et l'évolution des technologies obligent cependant à retenir, le cas échéant, cette possibilité. Il est néanmoins à noter que certains modes d'intervention de collectivité locale sont sujets à caution, quand ils aboutissent à redéployer des fonds publics sur l'opérateur historique.

Le ministre a précisé qu'il convenait plutôt de redéfinir le rôle de chaque collectivité locale et de réfléchir à l'échelle territoriale la plus optimale pour les investissements. La mise en place de schémas régionaux se heurterait ainsi au travail déjà accompli par plusieurs départements. Il faut être pragmatique et laisser aux départements et aux communautés urbaines le soin d'être maîtres d'ouvrage. Pour l'heure, l'Etat accepte de soutenir financièrement les collectivités locales, affirmant par là son souci de la solidarité nationale. Dans ce contexte, la renégociation à mi-parcours des contrats de plans prévoit leur extension aux investissements de liaisons internet à haut débit.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a souhaité que le ministre fasse part de la philosophie de l'Etat sur les technologies de l'information et de la télécommunication. Il a rappelé que la Délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement du territoire s'inquiétait du risque de fracture numérique alors que le volontarisme politique exige d'équilibrer le développement du territoire national. Il a souligné que le schéma du service collectif semblait irréaliste à l'échelle de 20 ans, tant les technologies évoluent rapidement. Il a jugé que la présentation par les ministres du rôle de l'Etat et des financements des politiques de télécommunication demeuraient dans la ligne des dernières années, avec un partage entre l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs. Or, c'est à l'Etat d'assumer la charge de l'aménagement du territoire alors que les collectivités locales sont financièrement fragiles et que les opérateurs sont limités par une contrainte financière colossale. Le débat sur l'UMTS apparaît désormais suranné. Au regard du prix des licences demandées aux opérateurs, l'achèvement de la couverture locale est d'un faible coût.

Le rapporteur a ensuite interrogé le ministre sur les prévisions quant à la date à laquelle la couverture du territoire sera réellement achevée, et sur l'évaluation du nombre de communes mal couvertes. Il s'est déclaré surpris par la relative réticence du gouvernement à l'égard de la faculté, pour les collectivités locales, de devenir opératrice dans la mesure où une législation similaire existe dans la plupart des pays européens. Il a enfin demandé si la facilité d'investissement ouverte par la Caisse des dépôts constituait le seul mode de financement des nouvelles technologies par l'Etat ou si l'on pouvait attendre le dégagement d'aides budgétaires supplémentaire à une période où il est urgent de soutenir les entreprises, quand elles font l'effort de s'installer en milieu rural.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a affirmé la forte implication de l'Etat dans la politique d'aménagement du territoire. Le mandat donné à la DATAR fixe trois objectifs : le développement des territoires, leur attractivité et le renforcement de la solidarité nationale. Si notre pays s'engage dans une économie de services, la gestion des flux d'intelligence sera déterminante pour son avenir économique. Les technologies de l'information présentent bien des avantages. Elles peuvent ainsi éviter le congestionnement des transports, comme on l'a constaté au centre de Los Angeles et elles peuvent également contribuer à la réforme des modes d'intervention de l'Etat.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a souhaité obtenir des détails sur le télétravail et sur les interventions de l'administration à distance (e-administration).

Le ministre a indiqué qu'une desserte adéquate renforçait l'attractivité d'un territoire, mais accentuait également la concurrence entre territoires. Ainsi des banques ont récemment délocalisé la gestion des salaires à Londres. Il ne s'agit pas d'un phénomène isolé car les nouvelles technologies permettent le partage de la valeur ajoutée à une échelle mondiale. Cela a des conséquences sur les activités logistiques et il semblerait que le développement des activités liées à internet entraîne une fragilisation du tissu industriel. L'internet modifie également l'échelle d'intervention des entreprises. Ainsi, un petit producteur de truffes a pu écouler l'ensemble de sa production sur le marché mondial, au lieu de se limiter au marché français grâce à de bonnes liaisons internet. Abordant la question des évolutions de l'administration, le ministre a estimé que le développement des technologies de l'information autoriserait de profondes évolutions, comme la déconnexion entre l'organisation politique et l'organisation administrative et devrait permettre de renforcer la place de l'usager, de développer les hiérarchies intermédiaires et de manière plus générale, d'accroître l'efficacité du service public pour renforcer sa légitimité. L'internet dans l'administration doit aboutir au raccourcissement des délais et à la simplification des démarches.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a jugé, à l'instar du rapporteur, que le schéma de service collectif était irréaliste à l'échelle de 20 ans, alors que les technologies sont si volatiles, mais qu'il ne fallait pas pour autant exonérer l'Etat de son rôle de prospective, notamment sur l'évolution des services rendus par les nouvelles technologies. L'extrême rapidité de l'évolution des technologies oblige simplement à se méfier des certitudes absolues.

En réponse au rapporteur sur le rôle de l'Etat dans le financement des investissements en télécommunications, le ministre a indiqué à titre personnel qu'il s'appuyait sur les principes dégagés par le CIAT. La couverture du territoire ne peut être assuré que par les tarifs qui s'appliquent aux usagers, ainsi que par la participation des collectivités locales. Le principe de péréquation tarifaire doit être maintenu afin d'éviter l'affaiblissement des budgets des collectivités publiques. La couverture du territoire est en effet réalisée au profit des usagers. Il importe donc de maintenir leur participation. Le développement de la concurrence doit être concomitant car les tarifs d'internet demeurent en France à un niveau élevé. Le renforcement de la concurrence est en outre conforme au droit européen. La Commission européenne est ainsi indifférente à la modification éventuelle du droit des collectivités locales mais elle est extrêmement sourcilleuse si une telle modification entraîne une atteinte au principe de la concurrence.

M. Jean Launay a jugé que l'accord du 24 septembre constituait un tournant et a demandé si l'itinérance locale était désormais la règle. Il a ensuite interrogé le ministre sur la manière dont les collectivités locales pourraient financer les DSLAM, qui sont des équipements complémentaires à l'ADSL.

Le ministre a confirmé que l'itinérance locale devenait le principe pour l'équipement du pays en téléphonie mobile. S'agissant du financement du DSLAM, il a indiqué que le Conseil d'Etat réfléchissait à la définition des infrastructures actives et passives et qu'une réponse serait rapportée au début du mois de décembre 2002.

M.  Philippe Folliot, a fait part de l'attente croissante des citoyens en matière de téléphonie mobile. Il a ensuite appelé à une vigoureuse politique de formation et proposé la création d'écoles d'ingénieurs dans des régions physiquement enclavées, mais disposant déjà de liaisons internet.

Le ministre a marqué son accord avec les propos de M. Folliot mais a estimé que la constitution de pôles de formation devait être envisagée dans le cadre de la réforme de l'Etat.

M. André Chassaigne, soulignant les attentes très fortes en zone rurale, a rappelé que les premières listes de communes bénéficiant de futurs investissements en téléphonie mobile, avaient déjà donné lieu à des délibérations de conseils municipaux. Les prochaines listes excluront forcément certaines communes et il faudra que le gouvernement justifie de tels refus.

Le ministre s'est déclaré d'accord pour hiérarchiser avec précision les priorités. Il a ensuite rappelé qu'il serait impossible de couvrir l'ensemble du territoire par le téléphone mobile et qu'il fallait essentiellement se concentrer sur les zones de flux d'échange et savoir prendre la mesure du temps. Les élus locaux veulent une couverture immédiate alors que les financements ne sont pas encore disponibles.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a insisté sur la nécessité d'assurer la qualité de l'écoute en sus de la quantité des zones à couvrir. Il a ensuite interrogé le ministre sur ses relations avec le ministre de l'Industrie et sur l'attitude de France Telecom envers les autres opérateurs.

Le ministre a précisé que son action était étroitement coordonnée à celle du ministre de l'Industrie, qui est membre du comité de pilotage et qu'il travaillait par ailleurs à la conciliation des intérêts de France Telecom avec ceux des autres opérateurs.

M. André Chassaigne a souhaité connaître l'instance qui décidera des zones à couvrir en priorité.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a répondu qu'il s'agissait du comité de pilotage et qu'il prendrait ses décisions après concertation avec les élus.

M. Emile Blesssig, président, a remercié le ministre d'avoir participé à cette audition.

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Nomination de rapporteurs :

La Délégation a nommé MM. Joël Beaugendre et Philippe Folliot rapporteurs sur les conséquences de la politique régionale de l'Union européenne sur l'aménagement du territoire.


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