DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 6

Mercredi 13 novembre 2002
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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I - Rapport d'information sur la couverture du territoire en téléphonie mobile et internet haut débit (M. Nicolas Forissier, Rapporteur) :

- Audition de M. Jean-Michel Hubert, Président de l'Autorité de régulation des télécommunications, et de M. Christian Bècle, membre du collège

II - Nomination d'un rapporteur

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I. Audition de M. Jean-Michel Hubert, Président de l'Autorité de régulation des télécommunications et de M. Christian Bècle, membre du collège

M. Emile Blessig, président, a indiqué que les précédentes auditions avaient permis à la Délégation de mieux cerner les questions liées aux nouvelles technologies au regard de l'aménagement du territoire et qu'elles avaient mis en lumière certains problèmes comme la quantification des zones non couvertes par le téléphone mobile, l'accès au réseau de France Télécom ou le poids du service universel dans la tarification des services internet. Abordant la question de la téléphonie mobile, il a ensuite posé les questions suivantes :

Qui est à l'initiative de l'étude de l'ART qui a infirmé les conclusions de l'étude Sagatel ?

En ce qui concerne les zones mal couvertes, le chiffre est-il de 5000 à 6000 communes, ou plus?

L'accord du 23 septembre conduit les collectivités locales à participer au financement du nouveau dispositif de couverture. Est-ce normal pour l'ART ? La philosophie de l'aménagement du territoire ne devrait-elle pas conduire à une prise en charge intégrale par l'Etat ?

La liste des 200 ou 300 premiers sites qui seront équipés est-elle établie ? Est-elle publique ?

M. Jean-Michel Hubert, président de l'autorité de régulation des télécommunications (ART) a rappelé que l'ART était une institution de l'Etat dont la mission était de mettre en œuvre les politiques publiques définies par la loi de 1996 sur les télécommunications. Ces missions sont de quatre ordres : l'ouverture du marché à la concurrence au bénéfice des consommateurs, la mise en œuvre des règles du service universel, le développement de l'innovation de l'emploi et de l'investissement ; enfin, l'équipement des territoires.

L'ART veille également au respect du cahier des charges des trois opérateurs. Dans le domaine du mobile GSM, ces derniers ont respecté et même parfois dépassé leurs obligations, en général par anticipation sur le calendrier établi. Ils ont rempli leurs obligations bien au-delà de ce qui leur était demandé. Le succès technologique du téléphone mobile a toutefois engendré de nouvelles attentes. Le rapport du Gouvernement publié en 2001 s'appuyait sur une étude du cabinet Sagatel dont l'approche a été strictement théorique. L'ART qui, de son côté, disposait des enquêtes annuelles sur la qualité de service et recueillait les observations de nombreux responsables locaux, a estimé nécessaire de compléter l'approche gouvernementale par des mesures effectives de couverture sur le terrain. Elle a donc établi une méthodologie particulière qu'elle a directement appliquée sur 100 cantons représentatifs de la situation nationale, puis mis à la disposition, par voie de convention, de l'Assemblée des Départements de France. Vingt cinq départements ont à ce jour réalisé une campagne de mesures de leur territoire selon cette méthodologie qui a permis de constater que les zones non couvertes sont plus importantes que ne l'affirmait le cabinet Sagatel. Le chiffre exact des zones non couvertes ne pourra néanmoins être connu qu'après une analyse complète sur tout le territoire français. Les études actuelles tendent à indiquer que les zones non couvertes concerneraient 2 800 communes. Mais il n'est pas exclu que l'extrapolation des données aujourd'hui recensées puisse conduire à une estimation supérieure.

Après avoir rappelé la genèse de l'accord du 23 septembre dernier, M. Jean-Michel Hubert a indiqué que les propositions d'engagement immédiat des travaux des trois opérateurs portaient sur une première proposition de 392 sites, mais que la liste desdits sites n'était pas encore publique. Le Gouvernement devrait prochainement engager une concertation avec les collectivités locales.

M. Philippe Folliot a critiqué les modalités par lesquelles les opérateurs s'étaient implantés sur le territoire pour le téléphone mobile de deuxième génération, sans que le Gouvernement puisse leur imposer la couverture des zones les plus reculées. Il a fait part de son souhait que la couverture par l'UMTS soit plus équitable.

M. Jacques Le Nay a marqué son accord avec les propos de M. Philippe Folliot. Il a jugé que le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de Limoges avait en fait constitué un frein au développement du téléphone mobile dans la mesure où les opérateurs avaient gelé leurs investissements dans l'attente des fonds publics.

M. Joël Beaugendre a demandé si l'étude de l'ART avait également pris en compte les départements et territoires d'outre-mer. Il a souhaité également connaître le nombre et le coût des pylônes à bâtir pour achever la couverture des territoires.

M. Jean-Michel Hubert a indiqué que l'étude de l'ART n'avait pas porté sur les départements d'outre-mer, mais que l'autorité de régulation avait tenu à ce que la concurrence s'y exerce comme en métropole, rappelant donc que jusqu'à récemment il n'y avait qu'un opérateur par île. Actuellement, le taux de pénétration du téléphone mobile dans les départements et territoires d'outre-mer est supérieur à celui de la métropole et les consommateurs peuvent choisir entre plusieurs opérateurs.

M. Christian Bècle a confirmé qu'aucun département d'outre-mer n'avait pour l'heure passé de convention avec l'Assemblée des départements de France pour conduire une étude selon la méthodologie mise en place par l'ART.

M. Jean-Michel Hubert a ensuite souligné que chaque opérateur était au-delà de ses obligations, libre d'étendre sa couverture comme il le souhaitait, considérant qu'il s'agissait d'un élément majeur de concurrence entre opérateurs. L'accord du 23 septembre a retenu le principe de l'itinérance locale, ce qui permet de minorer le montant des investissements dans des zones considérées à juste titre comme peu rentables.

M. Christian Bècle a ajouté que le Gouvernement envisagerait la construction de 1500 pylônes de coût unitaire environ de 150.000 €. Pour achever la couverture du territoire il en faudra davantage.

M. Jean-Michel Hubert a rappelé qu'il n'était pas facile d'anticiper, dans les cahiers des charges, les évolutions et les réactions du marché. C'est ainsi qu'en 1991, au lancement du GSM, les opérateurs se fondaient sur une perspective d'un million d'abonnés, alors qu'on a aujourd'hui dépassé le cap de 37 millions. Les difficultés posées par la non-couverture de quelques pourcentages de la population française n'étaient, il est sans doute vrai, pas présentes dans les esprits à ce moment-là. Le même problème peut se poser à nouveau pour l'UMTS, même s'il est d'une nature différente. Dans ce cas en effet, les obligations de couverture ont été clairement appréciées par le régulateur qui en a fait le critère majeur de la procédure de sélection comparative ; mais là, ce sont les difficultés industrielles et financières pesant sur le démarrage de ce marché, qui devront sans doute conduire à réviser le calendrier établi.

M. Philippe Folliot a souhaité qu'il y ait au moins un opérateur par zone reculée. Il a ensuite interrogé le président de l'ART sur l'éventuelle dangerosité des relais de téléphonie mobile pour la santé.

M. Jean-Michel Hubert a répondu que l'itinérance locale était une réponse aux préoccupations de M. Folliot, pour ce qui concernait la technologie GSM.

M. Christian Bècle a ensuite déclaré que l'ART rendrait prochainement publique une étude faisant le point des connaissances sur l'effet des ondes sur les consommateurs. Il a brièvement indiqué que la seule antenne de la Tour Eiffel avait une puissance plus importante que les relais de téléphonie mobile existant actuellement et que l'étude ne constatait aucun danger pour la santé publique.

M. Joël Beaugendre s'est interrogé sur la qualité technique de la réception du téléphone mobile.

M. Jean-Michel Hubert a indiqué qu'il n'y avait pas de problème notable sur cette question.

M. Emile Blessig, président, a ensuite interrogé le président de l'ART sur les thèmes suivants :

Faut-il modifier l'article L. 1511-6 du CGCT afin de permettre aux collectivités locales d'être opératrices en internet, à l'instar de ce qui se passe dans 11 pays de l'Union européenne ?

Que penser d'une séparation des fonctions d'opérateur et de gestionnaire des lignes au sein de France Telecom ?

Que penser de la position du Conseil économique et social, qui soutient cette option pour éviter une duplication des réseaux et pour désendetter partiellement France Telecom ?

L'ART a-t-elle connaissance du produit et de la répartition des prélèvements au profit du service universel ?

A part France Telecom, l'ensemble des fournisseurs d'accès à internet avouent un déficit d'exploitation dû, d'après eux au coût du service universel et aux entraves de fait que France Telecom dresserait pour empêcher le libre jeu de la concurrence. Quelle analyse l'ART fait-elle du fonctionnement du marché des télécommunications ?

M. Jean-Michel Hubert a précisé que c'était le CIADT de juillet 2001 et non l'accord du 23 septembre dernier qui avait fixé le principe et les modalités de la participation de la puissance publique, donc des collectivités locales, à l'achèvement de la couverture du territoire français. L'ART souhaite pour sa part lever une éventuelle ambiguïté, en considérant que le développement du marché, des ses infrastructures et de ses services, est de la responsabilité des opérateurs. Mais il est vrai que, dans sa rapidité ou son champ géographique, le marché peut ne pas aller assez vite. L'intervention à cet égard souhaitable de la puissance publique, nationale ou territoriale, ne doit pas faire disparaître la mission des opérateurs d'assurer l'achèvement de leur réseau.

Abordant l'éventuelle réforme de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, il a indiqué que la question portait sur la possibilité pour lesdites collectivités de ne plus se contenter d'établir des infrastructures passives mais d'être également opérateurs. L'ART suggère d'étendre leurs possibilités d'intervention dans la création des infrastructures, en ne se limitant plus aux seuls équipements passifs. Elle ne préconise toutefois pas l'hypothèse d'autoriser les collectivités à devenir opérateurs d'exploitation, considérant que les risques commerciaux et financiers qui s'y attachent relèvent des opérateurs et non pas d'acteurs publics.

M. Emile Blessig, président, a rétorqué que l'Espagne et l'Italie avaient autorisé leurs collectivités locales à être opérateurs.

M. Jean-Michel Hubert a souligné que ce droit s'exerçait dans le cadre d'un partenariat entre communes et opérateurs privés. Il suggère qu'en tout état de cause, les collectivités locales demeurent en France libres de choisir d'intervenir ou pas.

M. Emile Blessig, président, a estimé que le système des sociétés d'économie mixtes à l'étranger était plus souple qu'en France et permettait aux collectivités locales de nouer des partenariats tout en étant minoritaires dans ces sociétés.

M. Christian Bècle a ajouté qu'il ne suffisait pas à une collectivité locale de financer des réseaux mais qu'il lui fallait ensuite trouver un exploitant.

M. Philippe Folliot a craint qu'un manque de compétence et de capacité d'expertise freine le développement de l'internet en France.

M. Jean-Michel Hubert, a confirmé que les collectivités locales auraient effectivement besoin de capacité d'expertise.

M. Joël Beaugendre a interrogé le président de l'ART sur les coûts que France Télécom avançait pour la pose de ses fourreaux et de ses fibres.

M. Jean-Michel Hubert, abordant la question de la séparation de France Télécom en deux entités, l'une opératrice, l'autre gérant le réseau, a affirmé que l'ART était défavorable à une telle scission. La gestion d'un réseau de télécommunications n'est pas analogue à celle d'un réseau ferroviaire. L'ART doit veiller à ce que l'accès aux réseaux locaux soit au prix les plus bas. Si l'on recherche une méthode visant à éviter des investissements inutiles, il suffit de développer le dégroupage. France Télécom, sous la pression de l'ART, a enfin accepté de diminuer ses prix. Cette solution devrait permettre de développer le marché sans affaiblir pour autant France Télécom.

M. Christian Bècle a confirmé que lorsqu'il y a obstruction de la part de France Télécom l'ART s'efforce de régler chaque question au cas par cas.

M. Jean-Michel Hubert a ensuite rappelé le dispositif du service universel et a fourni à la Délégation les chiffres suivants : le produit du service universel devrait s'élever à 415 millions d'euros pour 2001 et 297 millions d'euros pour 2002, compte tenu d'une récente décision de la Cour de justice des communautés européennes. La répartition des contributions est à hauteur de 65 % pour les opérateurs de téléphonie fixe, 20 % pour les opérateurs de téléphonie mobile et 15 % pour les fournisseurs d'accès à internet. Ces derniers se plaignent que leur contribution est trop élevée dans la mesure où l'évolution des technologies rend injuste une base de calcul qui s'effectue sur le seul volume de trafic et non pas sur le chiffre d'affaires. L'ART est d'accord avec l'analyse des fournisseurs d'accès mais une modification du système ne peut être effectuée que par la loi.

M. Emile Blessig, président, a demandé si le bas ou le haut débit supportaient des charges différentes au regard du service universel.

M. Jean-Michel Hubert a répondu par la négative. Il a ensuite indiqué que la charge du service universel pouvait parfois dépasser 10 % du coût d'exploitation d'un opérateur internet.

M. Emile Blessig, président, a demandé quelle analyse faisait l'ART du marché des télécommunications en France.

M. Jean-Michel Hubert a souligné que le marché français ne pouvait s'isoler de la conjoncture européenne, voire mondiale. Le ralentissement de la croissance de l'ensemble du secteur est réel même si le téléphone mobile et le haut débit sont porteurs. Le marché souffre d'une réduction des investissements en raison de l'endettement des opérateurs. Cela explique la demande croissante d'intervention des collectivités locales. L'ART constate que le téléphone mobile tire encore la croissance et a agi pour que l'accès au haut débit s'effectue à des tarifs plus intéressants. Une récente négociation entre l'ART et les opérateurs a permis une substantielle réduction des prix sur le haut débit, de l'ordre de 30 à 40 %. Les offres actuelles sont en moyenne de 30 € par mois pour un usage illimité alors que le tarif du bas débit était de 100 F pour vingt heures de connexion en 1999. Les observateurs ont ainsi souligné que le système français de régulation avait permis à notre pays de disposer de tarifs parmi les plus attractifs en Europe.

M. Emile Blessig, président, a remercié MM Jean-Michel Hubert et Christian Bècle pour la précision de leurs réponses.

II. Nomination d'un rapporteur

La Délégation a nommé M. Jacques Le Nay rapporteur sur l'application des dispositions qui concernent l'aménagement du territoire dans les lois n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain et n° 2002-76 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.


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