DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 15

Mercredi 9 avril 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Baudart, Vice-Président de l'Association des petites villes de France, sur la gestion des déchets ménagers et de l'eau

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M. Emile Blessig, président, a rappelé que la Délégation s'occupait du développement durable du territoire et que c'était à ce titre qu'elle s'était saisie du problème de la gestion des déchets et de l'eau sur l'ensemble du territoire français. Abordant d'emblée le thème des déchets, il a posé les questions suivantes :

la loi du 13 juillet 1992 a connu une application incomplète. Dans quel sens faudrait-il la réformer ?

- 20 % des déchets ménagers sont en réalité produits par les artisans et les commerçants qui ont une activité en ville. Or, le financement du traitement de ces déchets est assuré par les impôts locaux acquittés par les personnes physiques. Faut-il réformer ce système ?

- la majorité des déchets est produite en ville alors que la plupart des décharges se trouve en zone rurale. Il en est de même pour les unités de traitement. Comme il s'agit de nuisances, constate-t-on des réactions de rejet à l'encontre des décharges et des unités de traitement de la part des habitants des zones rurales ?

- vaut-il mieux financer le traitement des ordures ménagères par la fiscalité locale ou par un système de redevance ?

M. Philippe Baudart, vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF), a estimé que le bilan de la loi de 1992 précitée était mitigé. Certes il subsiste peu de décharges sauvages mais de nombreux départements n'ont pas encore de plan départemental des déchets. De ce fait, l'enfouissement reste la solution la plus usitée alors qu'il y a de sérieuses limites physiques, dans un avenir proche, à ce type de traitement. Il s'agit d'un véritable problème d'aménagement du territoire, car on ne peut faire perdurer un système consistant à produire des déchets dans des collectivités locales et à les envoyer, pour traitement, dans d'autres collectivités locales. Il serait nécessaire de responsabiliser les départements afin qu'ils organisent et soutiennent les initiatives des structures intercommunales, qui supportent des investissements colossaux. Actuellement, de nombreuses unités d'incinération ne sont plus viables, soit par manque de rentabilité, soit par non conformité à la réglementation européenne. Il faudrait également réfléchir à d'autres modes de traitement comme la stabilisation. Il est donc effectivement urgent de mettre en place une politique d'aménagement du territoire pour le traitement des déchets.

Il n'est pas assuré que nos concitoyens aient pris la pleine mesure des enjeux liés au traitement des déchets. C'est un problème qui touche la santé publique et l'environnement et qui dépasse par nature les frontières des départements. Ainsi le Maine-et-Loire traite une partie des déchets de la Mayenne. Les investissements sont d'une telle ampleur qu'ils ne peuvent être seulement financés par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ou par des redevances, et la question de l'aide de l'Etat se pose en ce cas. Nos concitoyens expriment de nombreuses réticences à l'encontre de la taxe d'enlèvement précitée, dans la mesure où elle est fondée sur les taxes foncières. En outre, l'augmentation rapide, ces dernières années, des taxes foncières dissuade nos concitoyens de faire des efforts en matière de tri puisque leur facture augmente chaque année. Par ailleurs, les entreprises qui traitent directement leurs déchets acquittent néanmoins la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Certaines d'entre elles exigent des exonérations. Si jamais de telles exonérations étaient généralisées, le budget annexe des communes consacré au traitement des déchets subirait de sévères pertes de recettes. La redevance spéciale est pour sa part plus ou moins bien appliquée. Elle donne lieu à des négociations mais les communes hésitent souvent à alourdir la fiscalité des entreprises. Les communes font également l'effort de distinguer les déchets ménagers des déchets artisanaux. La contrainte qu'elles exercent sur les entreprises provient de la volonté du ministère de l'environnement de clarifier la situation en la matière.

M  Emile Blessig, président, a demandé si l'APVF était favorable à une taxation sur la base de la propriété foncière ou à une redevance fondée sur le service rendu.

M. Philippe Baudart a jugé que la différence résidait en ce que le taux de récupération de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères était supérieur à celui des redevances.

M. Philippe Folliot a souhaité connaître les résultats des expériences conduites avec des puces électroniques pour aboutir à une taxation au poids des déchets.

M. Philippe Baudart a cité des exemples en Belgique et a indiqué qu'en France, de telles expériences aboutissaient à des échecs dans la mesure où certains citoyens mettaient leurs ordures dans la poubelle de leurs voisins. La plupart des personnes estiment qu'elles acquittent des taxes trop élevées en matière de déchets. Or il est difficile aux élus de convaincre leurs administrés du bien-fondé de cette politique dans le cas où les bases des impôts fonciers ne sont pas les mêmes au sein d'une même structure intercommunale. Ainsi, nos concitoyens, à quelques kilomètres de distance, n'acquittent pas les mêmes taxes alors que le service rendu est identique.

M. Emile Blessig, président, a considéré que la redevance semblait dans ce cas un système plus juste.

M. Serge Poignant a fait part des réactions des commerçants dans sa circonscription. Celles-ci ont été très fortes quand il y a eu des expériences de taxation en fonction de la production de déchets, notamment chez les restaurateurs.

M. Philippe Baudart a estimé qu'il fallait lier la taxation à la production des déchets, mais en l'assortissant d'un système d'écrètement. En effet, les familles nombreuses produisent le plus de déchets, mais il est rare qu'elles vivent dans l'aisance financière.

M. Serge Poignant a rappelé qu'il était difficile de traiter les déchets artisanaux. Mais il existe des alternatives : le tri fermentiscible, le compostage, la thermolyse. Par ailleurs, il s'est interrogé sur le traitement des boues d'épuration.

M. Philippe Baudart a jugé qu'à terme, les boues devraient être traitées en compost. Pour l'heure, on ne sait pas les éliminer et la plupart des communes s'en tiennent à l'épandage, avec une faible part consacrée à la combustion pour le chauffage.

Il est nécessaire de traiter la question des déchets sous l'angle de la répartition des efforts. En effet, les pouvoirs publics demandent aux citoyens de faire acte de civisme en triant leurs ordures mais dans le même temps, les industriels fabriquent des pots de yaourt qui dégagent du chlore à la combustion. L'APVF serait favorable à une loi obligeant les industriels, sur une période de 10 ans, à mettre en place des emballages recyclables.

M. Philippe Folliot a demandé quelle était la part des déchets recyclés.

M. Philippe Baudart a estimé que 10 à 20 % des déchets faisaient l'objet d'une valorisation.

Abordant le thème de l'eau, M. Emile Blessig, président, a demandé quelle appréciation l'APVF faisait des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. Il a également interrogé M. Baudart sur la répartition des compétences en matière de gestion des eaux. Est-elle satisfaisante ou nécessite-t-elle une nouvelle réforme ?

M. Philippe Baudart a considéré que cette question était complexe car dans la plupart des régions françaises la gestion des eaux concernait plusieurs syndicats de rivières et plusieurs collectivités locales. En outre, les schémas directeurs définissent un certain nombre d'orientations, mais elles sont souvent difficiles à mettre en application. Sans doute faudrait-il inventer une compétence nouvelle, vraisemblablement à l'échelle du département, pour donner une véritable impulsion à la politique de l'eau.

Les pouvoirs publics sont en face de problèmes dus au respect de la propriété privée. Les propriétaires ne s'occupent en effet que de l'étiage des cours, et non de la qualité de l'eau. Or, les pouvoirs publics ne peuvent de nos jours apporter des financements à une rivière privée sans s'occuper de la qualité de l'eau, qui constitue un bien commun. L'une des solutions consisterait à garantir un droit d'accès à la puissance publique sur les berges du domaine privé, afin de vérifier la qualité de l'eau.

Les pollutions agricoles atteignent par ailleurs un niveau alarmant, principalement en raison des nitrates et des produits phytosanitaires. La taxation de ces derniers constitue une piste, mais elle n'est pas la seule. Sans doute faut-il rétablir les haies et les fossés dans les méthodes de culture car ils jouent un rôle de filtrage de l'eau.

M. Jacques Le Nay a confirmé qu'une des solutions consistait à ne pas placer les cultures au contact direct des cours d'eau.

M. Philippe Baudart a jugé que cette idée rejoignait son souhait d'ériger les berges en espace public.

M. Serge Poignant a demandé si l'APVF préférait la taxation des pollueurs ou plutôt des mesures incitatives.

M. Philippe Baudart a marqué sa préférence pour la seconde solution. Il a jugé que stigmatiser une profession résolvait rarement les problèmes. Il faut surtout aider les agriculteurs à mettre leurs cultures et leurs installations aux normes et leur rappeler que l'eau est un bien commun. Il a ensuite rappelé que l'APVF n'avait aucun moyen de pression sur les agriculteurs ou sur des entreprises de produits chimiques comme Bayer. Il est certain que la question des produits phytosanitaires est lourde à gérer mais au-delà d'une éventuelle législation contraignante, la pédagogie est mieux à même de résoudre la question de la pollution des eaux.

M. Patrick Lemasle a rappelé que le précédent gouvernement avait abouti en 2001 à un accord avec les agriculteurs.

M. Serge Poignant a estimé que cette question devait être traitée dans le cadre de la concertation la plus étroite entre les élus et les agriculteurs. Il faut raisonner en fonction des bassins et des versants. La taxation des pollueurs n'est pas toujours la meilleure solution car acquitter une taxe a souvent pour effet d'exonérer les payeurs de tout effort de maîtrise de leur pollution.

M. Philippe Baudart a admis la limite du principe payeur-pollueur. Il a constaté que certaines semences comportaient déjà un traitement chimique intégré. Or de nombreux agriculteurs sont liés soit à des coopératives, soit à des semenciers. La seule solution en ce cas est que le législateur interdise certains produits.

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