DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 18

Mercredi 28 mai 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Claude Albecq, vice-président du Conseil général de la Manche et de M. Thierry Sibieude, vice-président du Conseil général du Val d'Oise, membres de l'Assemblée des départements de France, sur la gestion des déchets et de l'eau

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M. Emile Blessig, président, a souhaité la bienvenue à MM. Claude Albecq et Thierry Sibieude et a d'emblée abordé le thème des déchets ménagers. Il a souhaité des précisions sur les points suivants :

Quel est d'une part le bilan de la loi du 13 juillet 1992, d'autre part le bilan des plans départementaux de traitement des déchets ?

Dans le cadre de la préparation des lois de décentralisation, l'Assemblée des départements de France (ADF) souhaite-t-elle renforcer la compétence des départements en matière de déchets ? Dans quel sens ? Y-a-t-il identité ou divergence de vues avec l'Association des maires de France ?

L'ADF accepterait-elle que des syndicats intercommunaux de traitement des déchets aient des limites territoriales sur plusieurs départements ?

Enfin, quelle réforme faut-il apporter à la fiscalité sur les ordures ménagères ?

M. Thierry Sibieude, vice-président du Conseil général du Val d'Oise, membre de l'Assemblée des départements de France, a estimé que la loi du 13 juillet 1992 n'avait pas atteint l'ensemble de ses objectifs, notamment sur les déchets ultimes. La loi de 1992 précitée a posé des obligations mais n'a pas dégagé les moyens financiers pour les mettre en oeuvre. Elle a néanmoins permis une prise de conscience et a favorisé la mise en place de politiques plus imaginatives, faisant appel au développement de filières technologiques de traitement des déchets. Des progrès significatifs ont été enregistrés, comme l'agrément de groupements d'emballage ou la valorisation organique. Le débat porte actuellement sur les capacités d'incinération pour lesquelles les disparités régionales sont fortes.

M. Emile Blessig, président, a indiqué que le gouvernement avait annoncé en janvier 2003 la fermeture des incinérateurs qui ne respectaient pas les normes nationales et européennes. Combien de départements seront touchés ? Comment expliquer la défiance de l'opinion à l'égard desdits incinérateurs ?

M. Claude Albecq, vice-président du Conseil général de la Manche, membre de l'Assemblée des départements de France, a considéré que cette défiance, qui peut atteindre le stade de la psychose, constituait une exagération du principe de précaution.

M. Thierry Sibieude a ajouté que l'ADF avait bien constaté des retards dans la mise aux normes des incinérateurs mais qu'elle ne pouvait opérer un chiffrage par département. Il semblerait néanmoins que subsiste seulement une douzaine d'incinérateurs ne respectant pas les nouvelles normes.

M. Emile Blessig, président, a jugé que le problème résidait dans le ratio entre incinérateurs et centres techniques d'enfouissement. Comment limiter ces derniers ?

M. Claude Albecq a cité l'exemple du département de la Manche dans lequel les communes donnent en général un avis défavorable à l'implantation des centres techniques, ce qui contraint les départements à faire des acquisitions foncières.

M. Thierry Sibieude a pour sa part indiqué que le Val d'Oise accueillait les déchets de Paris et des communes de la petite couronne, ce qui nuisait à son image. Il conviendrait d'une part que les opérateurs respectent mieux les normes environnementales et que les communes qui font l'effort d'accueillir des installations de stockage ou de traitement des déchets reçoivent une compensation financière pour le service rendu à l'ensemble de la collectivité.

M. Emile Blessig, président, a marqué son accord avec les propos de M. Sibieude, considérant qu'il s'agissait d'un problème de solidarité.

M. Thierry Sibieude a souligné que les départements jouaient un rôle important en la matière car ils venaient en aide aux maires ou aux présidents de syndicats intercommunaux de traitement d'ordures ménagères quand ces derniers rencontraient l'hostilité de leur population.

M. Emile Blessig, président, s'est interrogé sur le contrôle par les élus locaux du fonctionnement des centres techniques d'enfouissement. Il a par ailleurs souhaité savoir si ce contrôle s'exerçait différemment selon le statut juridique de l'installation classée.

M. Thierry Sibieude a jugé que l'essentiel du problème résidait en ce que les élus et les associations de citoyens ne recevaient leurs informations que de l'administration. Il faudrait diversifier les sources d'information. La qualité du contrôle ne dépend pas, en revanche, du statut juridique de l'installation classée d'autant que les outils dudit contrôle existent. Il conviendrait plutôt de clarifier les responsabilités de chaque acteur. Les associations ont certes leur rôle à jouer mais en démocratie le pouvoir décisionnaire doit rester aux collectivités territoriales. Ces dernières ont en contrepartie un devoir d'explication à l'égard de leurs citoyens. Si on donne à ces derniers les moyens de conduire des études, ils sont mieux à même d'appréhender les réalités.

M. Emile Blessig, président, a souhaité des précisions sur les plans départementaux des traitements de déchets.

M. Thierry Sibieude a indiqué que seuls onze départements avaient pris cette compétence. En fait, peu de départements se sentent aptes à assumer une compétence dans un domaine si technique.

M. Emile Blessig, président, a demandé si l'ADF était favorable à un transfert de compétence généralisé dans ce domaine.

M. Thierry Sibieude a estimé que les départements, compte tenu du mode d'élection des conseillers généraux, constituaient le territoire le plus pertinent pour gérer les déchets ménagers. La mission du législateur consiste à éviter les blocages financiers, techniques ou psychologiques. Certains départements sont d'accord pour accueillir les déchets d'autres départements à la condition de bénéficier d'une compensation financière.

M. Emile Blessig, président, a relevé que le tonnage des déchets continuait d'augmenter, ce qui semble démontrer que les politiques de tri et de prévention se heurtent à des limites. Faut-il en ce cas recourir à la loi ou au règlement pour contraindre les collectivités locales et les citoyens à plus de recyclage ?

M. Thierry Sibieude s'est déclaré en faveur d'une politique plus volontariste mais la loi n'en est pas forcément le meilleur vecteur. Lorsque les entreprises sont placées face à des contraintes juridiques, elles internalisent dans leur coût de production les coûts habituellement supportés par l'ensemble de la société. La réduction des déchets à la source rencontre l'accord de tous les acteurs économiques et sociaux, dans son principe. Sa mise en oeuvre est en revanche bien plus difficile puisqu'il s'agit de mettre en place des processus techniques.

M. Emile Blessig, président, a souhaité connaître l'opinion de l'ADF sur d'éventuelles modifications des plans départementaux.

M. Thierry Sibieude a rappelé que la plupart des départements apportaient des aides financières sans réellement se préoccuper des résultats de celles-ci. Il conviendrait plutôt d'établir des plans qui soient des documents cadre et trouver de bons systèmes de gestion. Le ministère de l'Environnement travaille actuellement sur un éventuel transfert de la TGAP de l'Etat vers les départements, qui sont plus à même d'analyser leurs besoins. Le gouvernement envisage pour l'Ile de France une régionalisation du système mais les départements qui traitent la majorité des déchets devront veiller à recevoir également la majorité du produit de transfert de la TGAP.

M. Emile Blessig, président, a considéré qu'une éventuelle compensation financière en faveur des départements qui accueilleraient des installations de traitement de déchets devrait trouver sa source dans la loi.

M. Thierry Sibieude a en outre rappelé que l'ADEME avait apporté en 2000 137 millions d'euros pour le traitement des déchets tandis que les départements avaient avancé 107 millions d'euros. L'ADF estime toutefois qu'en cas de transfert de la TGAP aux départements, les aides de l'ADEME risquent de diminuer d'autant. Au-delà du volet financier, il est indispensable que les collectivités locales et les industriels travaillent ensemble pour optimiser les équipements existants.

M. Emile Blessig, président, a ensuite abordé les problèmes de l'eau et a demandé quelle était la position de l'ADF sur l'organisation générale de la gestion de l'eau en France. Il a également demandé des précisions sur le principe pollueur-payeur. Il a enfin souhaité savoir s'il y avait des risques sur la ressource en eau dans certains départements, en raison de sécheresses récurrentes, de la pression démographique, d'usages ménagers, agricoles, industriels, touristiques.

M. Claude Albecq a rappelé que les directives européennes s'inspiraient du modèle français de gestion de l'eau, ce qui en démontrait la cohérence. Le principal problème réside dans l'absence de compétence des départements en matière d'eau, bien que la plupart des départements apportent une aide financière aux investissements. Les départements souhaitent l'établissement d'une programmation pour l'alimentation et l'assainissement de l'eau. Il s'agit pour eux de définir une stratégie d'aménagement du territoire, visant entre autre à optimiser la ressource en eau potable, notamment en faveur des communes isolées.

M. Emile Blessig, président, a demandé si les départements souhaitaient également gérer les cours d'eau.

M. Claude Albecq a considéré que ce serait effectivement un élément de stratégie à long terme. Certains territoires disposent de plusieurs sources tandis que d'autres sont quasiment dépourvus de possibilité de captage. Il est parfois possible de mutualiser les ressources comme dans les départements de la Saône et de la Saône-et-Loire.

M. Emile Blessig, président, a rappelé que certains départements avaient des difficultés à capter les eaux sur leurs territoires. L'interconnexion des réseaux peut ensuite permettre la mutualisation des investissements.

M. Claude Albecq a admis que l'interconnexion des réseaux pouvait apporter une solution. Il a ajouté qu'il était impossible de gérer séparément l'eau et l'assainissement, bien que ce soit souvent le cas.

M. Emile Blessig, président, s'est interrogé sur les boues issues des stations d'épuration.

M. Claude Albecq a rappelé qu'il s'agissait d'un débat entre le gouvernement et les agriculteurs. Le souhait du gouvernement est de maintenir les épandages sur les terrains agricoles mais l'application du principe de précaution dissuade de plus en plus les agriculteurs d'accepter les boues sur leurs champs. Il faut donc accentuer les actions en amont car le coût d'incinération des boues serait extrêmement élevé. Quant au principe pollueur-payeur, il importe de ne pas le limiter à ses seuls aspects financiers dans la mesure où il permet de poursuivre les pollutions dès lors que l'on a les moyens de s'acquitter des taxes. La collectivité publique devrait plutôt aider les industriels et les agriculteurs qui agissent en faveur de l'environnement.

M. Emile Blessig, président, a souhaité savoir si l'ADF avait des inquiétudes sur la ressource en eau de certains départements.

M. Claude Albecq a indiqué qu'il n'y avait pas de problème global mais que l'on constatait sporadiquement des inadéquations entre les ressources et les taux de consommation. La montée en puissance de l'agriculture raisonnée permet de maintenir le niveau des nappes phréatiques. L'inquiétude concerne plus les sécheresses de surface qui favorisent l'apparition des incendies.


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