DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 20

Mercredi 16 juillet 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Alexandre COLIN, de M. René-François BIZEC et de Mme Sophie LIGER-TESSIER, membres du MEDEF, sur la gestion des déchets et de l'eau

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M. Emile Blessig, président, a rappelé que Mme la ministre de l'écologie avait indiqué à la Délégation que le gouvernement déposerait au premier semestre de 2004 deux projets de loi sur les déchets et l'eau. Le travail de la Délégation consiste à évaluer les politiques des déchets et de l'eau au regard de l'aménagement du territoire. Il a pour objectif d'éclairer le débat qui se tiendra en 2004. Il a ensuite interrogé la délégation du MEDEF sur quatre thèmes : le poids de l'industrie des déchets dans l'économie française, l'intégration du coût du recyclage dans les coûts de production, la prise en charge par les collectivités locales des déchets industriels et commerciaux émis en milieu urbain et les effets en France de l'instauration éventuelle d'une taxe sur les sacs en plastique, similaire à celle qui a été mise en place en Irlande.

Mme Sophie Ligier-Tessier a souligné que le MEDEF avait constitué deux groupes de travail sur les déchets et l'eau qui se réunissaient fréquemment.

M. René-François Bizec a indiqué qu'il représentait la fédération française de l'acier. 600 000 tonnes d'acier sont produits annuellement à destination du secteur de l'emballage. L'industrie française de l'emballage a un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros et rassemble 1 800 entreprises employant 120 000 collaborateurs. Ce secteur est très dynamique et a conquis de nombreuses parts de marché à l'export. Il se caractérise également par le recours à de hautes technologies et les industriels souhaitent actuellement développer des solutions qui favorisent le recyclage. 80 % de la population française a pour l'heure accès à la collecte sélective et 50 % des emballages sont recyclés. L'objectif est d'améliorer ce taux. Il faut rappeler que les industriels de l'emballage ont accompli de nombreux efforts pour réduire l'impact de leurs produits sur l'environnement. Ainsi une bouteille d'eau minérale d'un litre et demi pesait 45 grammes en 1992 et ne pèse plus que 36 grammes en 2003.

M. Emile Blessig, président, a demandé s'il existait de nouvelles marges de progression pour réduire le poids des emballages. Il a ensuite relevé que l'emballage était un élément indispensable du marketing et que de ce fait les techniques de conquête des marchés étaient contradictoires avec les objectifs du développement durable.

M. René-François Bizec a admis la remarque du président mais a rappelé que l'industrie de l'emballage dépendait des producteurs et du comportement des consommateurs. Les évolutions sociales sont aussi en cause. La part croissante du célibat dans la société française conduit ainsi les industriels de l'agro-alimentaire à proposer dans leur gamme des portions individuelles qui multiplient les types d'emballage. L'industrie du film plastique subit de nombreuses critiques dans la mesure où l'on considère que de tels films ne sont pas recyclables mais il est à noter que si l'on recourt à des sacs papier pour transporter les fruits, le traitement de ces sacs par la collectivité est plus coûteux car le papier est plus lourd.

M. Emile Blessig, président, a souligné l'élasticité entre la croissance économique et la production de déchets.

M. René-François Bizec a confirmé que l'amélioration du niveau de vie entraînait l'augmentation de la consommation et par voie de conséquence celle de la production de déchets.

En réponse à la seconde question, Mme Sophie Ligier-Tessier a indiqué que le MEDEF souhaitait internaliser le coût du recyclage des produits dans le prix de vente.

M. Emile Blessig, président, a jugé qu'il s'agissait d'une prise de position extrêmement claire.

M. René-François Bizec s'est toutefois opposé à l'identification précise des éléments récupérables au sein d'un produit. Il a considéré que ce type de contrôle pouvait constituer des barrières protectionnistes déguisées.

M. Emile Blessig, président, a souhaité connaître l'opinion de la délégation du MEDEF sur la prise en charge financière des filières de recyclage.

M. René-François Bizec a rappelé qu'Eco-emballage était un système efficace qui aboutissait à mettre à la charge des collectivités locales le ramassage des ordures tandis que les consommateurs payent le tri.

Mme Sophie Liger-Tessier, abordant la question des déchets industriels et commerciaux produits en milieu urbain a considéré qu'une des solutions serait d'élargir le périmètre des sociétés agréées. Le secteur de la restauration accomplit déjà des efforts notables de recyclage. Il faut approfondir le dialogue entre les industriels et les collectivités locales. Par ailleurs, le MEDEF rappelle que de nombreuses entreprises conduisent des politiques de recherche et de développement en liaison avec Eco-emballage.

M. René-François Bizec a souligné que les collectivités territoriales avaient le droit de lever des taxes sur le commerce et l'artisanat. Elles n'utilisent pas systématiquement ce droit. Le MEDEF estime que la mise en place éventuelle d'une taxe spécifique sur les déchets industriels en milieu urbain devrait s'accompagner d'une application uniforme sur l'ensemble du territoire français. Abordant le thème d'une taxe sur les sacs en plastique il a jugé qu'une telle taxe présentait d'abord un caractère symbolique dans la mesure où le plastique n'est pas bio-dégradable. L'instauration d'une taxe ne fait pas forcément évoluer les comportements et le MEDEF est plutôt partisan d'actions pédagogiques comme le font les supermarchés Leclerc. Le papier est bio-dégradable et pourtant aucune campagne n'est lancée pour favoriser son utilisation. Les pays dans lesquels on lutte mieux contre la pollution sont ceux qui laissent la liberté de choix aux consommateurs.

Mme Sophie Liger-Tessier a admis que le plastique constituait une pollution visuelle mais le MEDEF est contre la discrimination d'un matériau dans la mesure où cela peut conduire à des effets pervers. Favoriser le papier peut ainsi conduire à la destruction de forêts.

M. René-François Bizec a en outre rappelé que l'Irlande n'était pas productrice de sacs en plastique. Cette taxe n'est pas gênante pour son industrie. D'autres pratiques peuvent avoir une apparence écologique et être en fait une barrière protectionniste. Il en est ainsi de la politique de récupération de bouteilles mise en place par les brasseurs allemands.

M. Alexandre Colin a rappelé qu'il avait travaillé dans l'industrie du polyéthilène et que l'opposition aux sacs en plastique cachait en réalité une guerre de lobbies. Il importe de rappeler que les sacs en plastique ont constitué un progrès pour les collecteurs d'ordures ménagères et que l'on met actuellement au point des techniques permettant la dégradation des films plastique en six mois. En tout état de cause, l'instauration en France d'une taxe similaire à celle que connaît l'Irlande serait ravageuse pour l'emploi.

M. René-François Bizec a approuvé toute politique permettant de gérer une filière de manière optimale, le recyclage des matières premières étant une priorité. Mais il faut se garder d'utiliser la discrimination à l'encontre de matériaux comme méthode de protectionnisme.

Abordant le thème de l'eau M. Emile Blessig, président, a souhaité connaître le poids des industries de l'eau dans l'économie française. Il s'est ensuite interrogé sur la croissance continue des usages industriels de l'eau, sur l'appréciation du MEDEF quant à l'organisation administrative de l'eau en France et sur les conséquences pour les entreprises des directives européennes relatives aux modalités d'usage de l'eau.

M. Alexandre Colin a rappelé que le système français avait permis le développement d'entreprises spécialisées dans le traitement, la distribution et l'assainissement. L'économie française dispose de deux groupes qui sont des leaders mondiaux ainsi que de grandes entreprises. Ces sociétés sont dynamiques à l'export ce qui accroît les possibilités d'emplois pour les Français. Une régie municipale ne peut offrir de tels débouchés. Seuls la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne disposent d'entreprises capables de conquérir les marchés mondiaux.

L'industrie de l'eau émet un montant de 12,19 milliards d'euros au titre des facturations à raison de 70 % par les sociétés concessionnaires et 30 % par les régies municipales. Contrairement à une idée répandue les usages industriels de l'eau sont en diminution, même si cette tendance n'est pas uniforme selon les secteurs. Si l'industrie du papier a diminué de 15 % ses prélèvements sur l'eau, les fabricants de composants imprimés sont de grands consommateurs. Mais on ne peut les taxer sauf à casser leur compétitivité.

Le MEDEF a une vision positive de l'organisation territoriale par bassin. Ce système a fait ses preuves et s'est d'ailleurs appliqué en premier aux industriels. En fait, le MEDEF relève que l'industrie ne constitue pas le principal pollueur de l'eau et que les agriculteurs, qui ne sont pas soumis à la logique d'organisation en bassin constituent désormais les principaux pollueurs. Il convient de conserver un modèle administratif qui fonctionne bien, tout en résolvant le problème agricole, mais le principe selon lequel l'eau paye l'eau doit être réaffirmé.

M. René-François Bizec a précisé que le MEDEF souhaitait que le produit de la redevance sur l'eau soit utilisé pour l'investissement.

M. Emile Blessig, président, a fait part de son inquiétude sur les coûts croissants des investissements dans les domaines des déchets et de l'eau. Il est de plus en plus difficile de déterminer les parts qui doivent revenir aux usagers et aux contribuables dans cet effort. Cette inquiétude s'accroît dans la mesure où l'ADEME diminuera à l'avenir son aide dans ces domaines.

M. Alexandre Colin a mis en cause certaines normes sanitaires que l'Union européenne impose graduellement. Si certaines sont judicieuses, d'autres n'ont aucun effet sur la santé publique mais elles augmentent la charge des investissements.

M. René-François Bizec a estimé que l'on arrivait à une période charnière. La directive-cadre sur l'eau devra être déclinée en objectifs qui se traduiront ensuite en normes sanitaires.

M. Alexandre Colin s'est également interrogé sur la définition du bon état écologique tel que prôné par l'Union européenne. Comment le déterminer par rapport à des masses d'eau qui sont mouvantes. Devra-t-on le considérer comme un absolu ? Une telle notion peut être dangereuse pour les coûts d'investissement.

M. Emile Blessig, président, a conclu que ce débat était incontournable en raison du principe de précaution. Ce principe nous écarte parfois de la rationalité alors qu'il conviendrait plutôt de conduire une réflexion sur le risque.


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