DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENTDURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 10

Mercredi 11 mai 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. Jean Launay sur la modernisation de la gestion de l'eau

2

- Information relative à la Délégation

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu une communication de M. Jean Launay sur la modernisation de la gestion de l'eau.

Le président Emile Blessig a rappelé que, conformément aux propositions de son Bureau, la Délégation avait décidé de procéder jusqu'à la fin de la présente session à des travaux de suivi des investigations et des propositions faites par elle depuis le début de la législature.

Ainsi, la présente réunion est-elle consacrée au suivi des propositions formulées par M. Jean Launay lors de la présentation de son rapport sur la modernisation de la gestion de l'eau, et plus particulièrement à leur prise en compte par le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, après son examen en première lecture par le Sénat.

Les prochaines réunions seront consacrées successivement au suivi des propositions de la Délégation relatives à la réforme des contrats de plan Etat-régions, au dispositif d'élimination des déchets, et enfin au déploiement de l'internet haut débit sur le territoire.

M. Jean Launay, rapporteur, a rappelé les conclusions du rapport sur la modernisation de la gestion de l'eau, qu'il avait présenté à la Délégation le 29 octobre 2003. Celui-ci mettait en avant quatre enjeux : la qualité de l'eau, le prix de l'eau, le renouvellement et l'interconnexion des installations et enfin les dispositifs de gestion de l'eau. Il soulignait le rôle pivot du département, qui accompagne les communes et les syndicats d'adduction d'eau dans leurs investissements pour l'alimentation en eau et l'amélioration de la qualité de celle-ci. L'intervention des départements a ainsi un effet de péréquation sur les tarifs de l'eau.

Anticipant un accroissement des demandes des communes envers les départements, le rapporteur proposait que le rôle des départements soit mieux reconnu et conforté par l'affectation à leur profit d'une partie de la fiscalité assise sur l'eau, notamment la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques concédés. Insistant sur le rôle structurant du bassin-versant pour la gestion de l'eau sur le territoire, il prônait aussi une meilleure reconnaissance du rôle des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), groupements spontanément organisés par les collectivités locales pour la gestion de l'eau, notamment comme maîtres d'ouvrage des opérations sur un bassin ou un sous-bassin ; il ne s'agit pas d'en faire des contre-pouvoirs, mais de donner aux élus des instruments pour travailler avec les agences de l'eau et les usagers, industriels ou consommateurs.

M. Jean Launay a alors analysé la situation des propositions du rapport d'information au regard des dispositions du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, à la lumière non seulement des débats devant le Sénat, mais aussi de rencontres au ministère de l'écologie et notamment d'un entretien, extrêmement ouvert, avec le directeur de l'eau.

En ce qui concerne le financement de la politique d'adduction d'eau, le projet de loi sur l'eau entérine la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Le ministère de l'écologie et du développement durable justifie la disparition du FNDAE par l'évolution de sa gestion. En 2002, il représentait 150 millions d'euros, provenant pour 75 millions d'euros de taxes assises sur la consommation d'eau et pour 75 millions d'euros d'affectations de recettes du PMU. Cependant, 110 millions d'euros seulement avaient été redistribués aux départements pour des actions relatives à l'eau ; 40 millions d'euros avaient été conservés pour d'autres actions par le ministère de l'agriculture, qui gérait le dispositif. En 2003, l'Etat a supprimé le prélèvement effectué sur les recettes du PMU au profit du FNDAE. Enfin, les crédits du FNDAE n'auraient pas été très bien consommés par les départements. Le risque est alors apparu au ministère que les fonds collectés cessent progressivement de retourner à la politique de l'eau. Or les sommes reversées aux départements avaient un effet démultiplicateur : en 2002, les 110 millions d'euros reversés avaient servi de base à des interventions globales de 400 millions d'euros de ceux-ci auprès des communes rurales.

Pour améliorer la situation, un autre mécanisme a été mis en place : faire redistribuer les ressources anciennement prélevées au titre du FNDAE par les agences de l'eau. A elles de percevoir les ressources, et de veiller à leur redistribution auprès des communes rurales par les départements, via des conventions entre les agences et les conseils généraux. C'est l'un des objets de l'article 35 du projet de loi. Au ministère, on expose en outre que l'objectif est de revenir, malgré la fin du prélèvement sur les recettes du PMU, aux 150 millions d'euros initiaux. Ainsi, le ministère de l'écologie considère que le projet de loi aboutit à un dispositif cohérent où les départements trouveront leur compte.

M. Jean Launay a considéré qu'il fallait en accepter l'augure. Si l'on revient au financement initial, le nouveau dispositif sauvegarde la redistribution mise en place par la création du FNDAE ; seuls les canaux de redistribution changent. Cependant, plusieurs remarques peuvent être faites. D'abord, certains départements consommaient leurs crédits ; c'est le cas notamment du département du Lot. On peut aussi se demander si la sous-consommation des crédits n'est pas à mettre en relation avec les prélèvements opérés par le Gouvernement il y a deux ans sur les ressources des agences de l'eau, d'autant que les agences n'ont pas été ponctionnées de façon égale. Enfin, les départements ne trouvent dans le projet de loi aucune garantie que le volume initial des fonds collectés via le FNDAE sera retrouvé. Les calculs de certains services départementaux font apparaître au contraire que la diminution des ressources allouées aux départements par rapport à l'année 2002 pourrait être de la moitié, voire des deux tiers. Cette question devra donc être abordée de façon centrale et très claire dans le débat sur le projet de loi à l'Assemblée nationale.

M. Jean Launay a alors abordé la question de la péréquation. Alors que le rapport d'information proposait de faire des départements l'instance pivot de la péréquation du financement de la politique d'adduction d'eau, le ministère de l'écologie s'avère assez réservé sur ce point. Il considère qu'on court le risque de cantonner la solidarité au sein de départements ruraux ou pauvres. L'échelon de l'agence de bassin lui semble garantir un meilleur exercice de la solidarité, pourvu que des échanges s'organisent, entre départements urbains et ruraux, entre départements riches et pauvres.

De plus, deux mécanismes complémentaires sont institués. Le premier est la création, par l'article 41 du projet de loi, d'un office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) par transformation du conseil national de la pêche. L'ONEMA aura pour fonction de mener une politique de solidarité au niveau national, à partir de ressources versées par les agences de l'eau. Par son article 28 bis, introduit par le Sénat, le projet de loi prévoit aussi que les départements puissent créer chacun un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement (FDAE). Le financement de ce fonds est constitué par une taxe sur la consommation d'eau, au taux maximum de cinq centimes d'euro par mètre cube. Le ministère de l'écologie et du développement durable insiste sur le fait qu'il s'agit là d'un outil nouveau d'intervention donné aux départements, et non pas d'un outil de compensation des charges autrefois financées par le FNDAE.

M. Jean Launay a souligné que l'efficacité prévisible de ce dispositif devrait faire l'objet d'un examen attentif lors du débat du projet de loi à l'Assemblée nationale. Les contributions des agences de l'eau à l'ONEMA sont plafonnées par l'article 36 du projet de loi à 108 millions d'euros par an. Ce chiffre doit être comparé avec un total annuel de ressources des agences de 2 milliards d'euros par an. La création des FDAE n'est pas obligatoire, mais laissée à la discrétion de chaque département. Enfin, le projet de loi n'apporte aucune garantie sur le volume des prélèvements qui seront effectués par les agences de l'eau en remplacement de l'ancien FNDAE, et guère de lumières sur les modalités de leur redistribution.

M. Jean Launay a alors abordé la question du pilotage et du contrôle du dispositif. Les départements sont inquiets des répercussions du nouveau dispositif sur le respect des priorités d'intervention. Les collectivités ont souvent dû faire face dans le passé à des variations, allant jusqu'à des ruptures de logiques, dans les orientations de la programmation des agences de l'eau. Ainsi, les agences ont conduit des politiques d'accompagnement financier de l'assainissement, dans la perspective de la mise en œuvre de la directive-cadre européenne n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 sur l'eau. Puis, brusquement, elles ont décidé de ne plus contribuer aux travaux dès lors que 80 % d'un réseau était assaini. Elles ont ainsi laissé les syndicats d'adduction d'eau face à l'obligation de financer la totalité des travaux sur la part du réseau restant à assainir, quel qu'en soit l'état.

Le ministère admet ces inquiétudes. Cependant, il considère que les risques ne sont pas plus grands qu'avec l'ancien dispositif. Il considère que le remède est l'organisation d'une meilleure capacité d'action des élus sur la politique des agences de l'eau : les agences de l'eau sont des outils, il faut simplement savoir s'en servir. L'augmentation de la proportion des élus au sein des comités de bassin à 50 %, décidée par le Sénat, est, dit-il, un élément pour l'amélioration de ce contrôle.

Il faut cependant souligner, et le ministère partage ce point de vue, que l'accroissement de la proportion des élus dans les comités de bassin ne suffira pas à assurer une meilleure emprise des collectivités sur les agences de l'eau. Il faudra que les élus y prennent complètement leur place, sachant que, les agences de l'eau étant des établissements de l'Etat, celui-ci continuera d'en assurer la tutelle, et que les usagers de l'eau, notamment les industriels, sont attentifs à être présents et à maîtriser les dossiers. Il reste que le projet de loi comporte désormais un outil pour faire évoluer la gestion de l'eau dans le sens préconisé par la Délégation ; l'effort devra désormais porter sur sa mise en œuvre.

M. Jean Launay a alors abordé la question des établissements territoriaux de bassin. Il a rappelé qu'à titre personnel il y voyait une structure essentielle pour fournir un soutien technique et un cadre d'action pour l'implication des élus dans la gestion de l'eau. Pour une meilleure efficacité, la présidence de l'association française des EPTB est tournante entre élus de la majorité et de l'opposition.

Il a alors exposé que l'Etat était favorable au développement du rôle des établissements publics territoriaux de bassin. Cette position se traduit désormais dans la législation ; les EPTB ont été institutionnalisés dans la loi sur les risques ; le projet de loi sur l'eau rappelle la possibilité pour les EPTB d'établir des redevances sur les bénéficiaires de leurs actions et organise, à l'article 35, la perception de ces redevances pour le compte des EPTB par les agences de l'eau (par exemple, la redevance pour soutien d'étiage, si un EPTB en fait). Ainsi il reconnaît l'importance des EPTB et prévoit pour eux des ressources. En revanche, le souci de l'Etat n'est pas de normalisation. Il sait que les EPTB sont de taille et de compétences diverses : certains sont maîtres d'ouvrages, d'autres pas, certains recouvrent tout un bassin-versant, d'autres seulement un sous-bassin : il y a des EPTB dont le périmètre s'inscrit dans celui d'autres EPTB (pour la lutte contre les inondations notamment). L'objectif de l'Etat est de faire émerger, à partir d'expériences, des maîtres d'ouvrages, et d'étendre ensuite les modes d'organisation qui se seront avérés efficaces : l'Etat dit être preneur d'outils. Les dispositions du projet de loi relatives aux EPTB vont ainsi dans le sens des préoccupations de la Délégation.

Enfin, M. Jean Launay a abordé la question de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés. Instituée par la loi de finances pour 1995, elle contribuait à alimenter un compte spécial du trésor, intitulé « Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables » (FITTVN), censé financer de nouvelles infrastructures de transport, notamment fluviales. Le FITTVN a été supprimé en 2001, après que la Commission des finances de l'Assemblée nationale ait constaté qu'il servait simplement à alimenter le budget du ministère des transports, lequel était au préalable amputé à due concurrence des dotations inscrites au FITTV.

Cependant, si le fonds a été supprimé, les taxes demeurent. Elles sont désormais versées au budget de l'Etat. Or, la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés, qui est en pratique payée par EDF, est une taxe assise sur l'eau. En application du principe aux termes duquel les ressources prélevées sur l'eau doivent aller à la gestion de l'eau, il serait raisonnable de l'affecter à la gestion de l'eau. Sa transformation en recette au profit des départements, afin qu'ils renforcent leurs capacités opérationnelles dans le domaine de l'eau, lui rendrait ainsi toute sa cohérence : le rendement de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés est évalué à 170 millions d'euros environ, soit approximativement le montant originel du FNDAE.

M. Jean Launay a donc proposé que la Délégation travaille sur cette piste, qui permettrait de donner des moyens supplémentaires à la politique de l'eau, à l'heure où la directive-cadre européenne implique de nouveaux travaux pour la qualité de celle-ci, notamment pour la sécurité des captages. Le ministère de l'écologie et du développement durable voit avec bienveillance cette action, mais ce n'est pas lui, bien sûr, qu'il faudra convaincre.

M. Jean Launay a alors fait part des réflexions du ministère sur le financement de la politique de l'eau et sur la politique en matière d'hydroélectricité. Le ministère fait valoir que si les collectivités locales représentent 86 % des recettes pour le financement de la politique de l'eau, et qu'après le vote de loi, elles représenteront environ 82 % de celles-ci, elles représentent aussi 70 % des dépenses. L'écart très favorable pour les agriculteurs entre contributions et redistribution va fortement diminuer, et sans doute s'accompagner de plus fortes contraintes. Enfin, en matière d'hydroélectricité, le projet de loi a voulu permettre le turbinage du débit réservé, le suréquipement des ouvrages, et la simplification de l'équipement des ouvrages existants, de façon notamment à rendre financièrement intéressantes, pour des prises d'eau anciennes, des remises en état plus fonctionnelles du point de vue écologique.

M. Jean Launay a conclu que, concernant le contrôle de l'action des agences de l'eau et la présence des élus au seins des comités de bassin, concernant aussi le statut et le rôle des EPTB, l'action de l'Etat allait dans le sens préconisé par la Délégation.

Le financement des adductions d'eau et la solidarité dans ce financement justifieront en revanche une attention très soutenue lors de l'examen du projet de loi sur l'eau ; des descriptions précises du nouveau mécanisme de financement proposé et des engagements sur les montants globaux collectés et redistribués par les agences de l'eau et l'ONEMA devront être obtenus du ministre. La création des FDAE n'est un élément positif que si les FDAE n'ont pas pour seule mission la compensation des baisses de recettes consécutives à la suppression du FNDAE.

La Délégation devra aussi réfléchir désormais à de meilleures garanties de financement de la politique de l'eau. L'affectation à cette politique de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés, par attribution de son produit soit aux départements, soit aux agences, soit aux uns et aux autres, effacerait tout risque lié à la disparition du FNDAE.

M. Max Roustan s'est inquiété des dispositions du projet de loi en matière de qualité de l'eau ; les normes deviennent si exigeantes qu'elles obligent à construire des installations de traitement pour de l'eau consommée depuis toujours, et dont les caractéristiques sont stables.

M. Jean Launay, rapporteur, a répondu que dans la mesure où il relevait de la transposition de la directive-cadre, ce point n'avait pas été abordé dans les entretiens, qui ont porté sur le financement de la politique de l'eau. Bien que le ministère s'efforce d'apporter des réponses rassurantes, une action plus volontariste aurait pu être conduite pour peser, à travers les redevances, sur les causes de pollution de l'eau, et ainsi se doter d'un meilleur outil pour satisfaire aux prescriptions de la directive : la recherche de financements spécifiques, comme la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés, semble intéressante aussi pour l'amélioration de la qualité de l'eau.

M. Jacques Le Nay a demandé si l'organisation de la solidarité financière au niveau des agences de l'eau permettrait de remédier aux disparités au sein d'un même département, le coût de la distribution de l'eau en milieu rural étant nettement supérieur à celui du milieu urbain, eu égard à la dispersion beaucoup plus grande des habitations.

M. Jean Launay, rapporteur, a répondu que l'organisation de la solidarité au sein des départements dépendait uniquement de ceux-ci, d'où la création des FDAE.

Cependant, l'outil des FDAE est simplement mis à la disposition des départements qui voudraient s'engager dans une politique de péréquation. L'activation des FDAE n'est pas obligatoire. Or, il n'est pas sûr que tous les départements voudront s'engager dans une telle politique. Cette démarche paraît indispensable dans les départements ruraux. Cependant l'organisation sur le terrain est souvent complexe : certains réseaux de distribution sont en régie directe, d'autres en concession ; les intervenants pour les interconnexions de troisième génération ne sont pas toujours identifiés, les départements ne sont pas toujours maîtres d'ouvrage ; dans certains cas, c'est peut-être l'échelon des EPTB qui sera le plus cohérent pour conduire cette politique.

M. Louis Giscard d'Estaing a confirmé la fréquente complexité de l'articulation géographique entre départements et syndicats d'adduction d'eau.

Le président Emile Blessig a demandé des précisions sur l'impact du projet de loi.

M. Jean Launay, rapporteur, a répondu que la politique de l'eau souffrait de la très grande fragilité constitutionnelle de son financement, puisque, alors que le Conseil constitutionnel avait décidé, dans une décision du 23 juin 1982, que les redevances perçues par les agences de l'eau faisaient partie des « impositions de toute nature » dont la Constitution confie au seul législateur la fixation des règles d'assiette, de taux et de recouvrement, ces règles n'étaient pas fixées par la loi. Leur inscription aux articles 27, 37 et 38 du projet de loi lève une hypothèque très lourde.

L'élaboration d'un projet de loi était également indispensable pour donner à l'Etat les instruments de la réalisation des objectifs fixés par la directive-cadre n° 2000/60/CE.

En revanche, le projet de loi laisse en suspens la question des moyens qui seront donnés par l'Etat aux gestionnaires de l'eau pour réaliser ces objectifs : comment l'Etat va-t-il garantir que les collectivités locales retrouveront, via les agences de l'eau, les montants collectés par le FNDAE avant la suppression du prélèvement sur les recettes du PMU ?

M. Max Roustan a abordé la question de la lutte contre les inondations. A la suite des importantes inondations survenues en France depuis 1988, des travaux de prévention ont été lancés, en application de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Cependant, lorsque les plans de prévention des risques naturels prévisibles ainsi élaborés concernent les risques d'inondation, ils se limitent à l'établissement autoritaire par l'Etat, sans aucune concertation avec les élus, de restrictions drastiques à l'usage des sols.

Une réponse unique à une recherche de meilleures conditions de prévention des inondations, de sécurisation des populations et d'organisation de l'alerte et des secours, fondée sur le classement définitif en zone inconstructible des zones un jour inondées, n'est pas admissible. Une telle réponse est extraordinairement déstabilisante pour les communes : non seulement, alors que la population ne cesse de croître, celles-ci voient leurs projets d'extension bloqués, mais c'est parfois leur cœur de ville, habité le cas échéant depuis le Moyen-Age, qui est ainsi stérilisé. De plus, il n'est pas raisonnable que les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) ne soient pas susceptibles de révision, alors qu'on sait qu'un cours d'eau s'aménage sur toute sa longueur et que des travaux hydrauliques en amont peuvent permettre de sécuriser de larges zones supplémentaires en aval.

C'est pourquoi, à la suite des travaux du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur les inondations, une proposition de loi a été déposée par MM. Max Roustan et Olivier Jardé, sous le numéro 2189. Cette proposition de loi, qui devrait comporter près de 100 signataires, a trois objets principaux. Le premier est de rendre obligatoire, comme la loi Barnier le prévoyait, la concertation entre les services de l'Etat et les collectivités locales concernées par les PPRI, et d'organiser les modalités de cette concertation. Il n'est pas admissible que des communes se trouvent placées inopinément devant des projets aussi contraignants. Le deuxième est de prévoir une obligation de proportionnalité, dans les PPRI, entre la gravité des risques et les mesures prises. Enfin, la proposition de loi prévoit que les PPRI devront comporter des clauses de révision ; ils doivent pouvoir être modifiés en fonction des travaux de prévention ou de limitation des crues effectués sur le cours d'eau ou le bassin-versant.

Le président Emile Blessig a souligné que, par leur objet, ces propositions s'inscrivaient tout à fait dans le cadre d'un débat sur la modernisation de la gestion de l'eau.

M. Max Roustan a ajouté que les signataires de la proposition de loi avaient l'intention d'en présenter également le dispositif à l'Assemblée nationale sous forme d'un amendement portant article additionnel au projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

M. Jean Launay, rapporteur, a observé qu'en effet, pour ce qu'il avait pu en voir, la concertation pour l'établissement des PPRI n'avait pas été optimale. Les PPRI peuvent être en contradiction avec les plans d'urbanisme des communes. A l'occasion de la transformation de leurs plans d'occupation des sols (POS) en plans locaux d'urbanisme (PLU), celles-ci voient des terrains, dont le caractère urbanisable avait été validé par les services de l'Etat lors de l'élaboration du POS, déclarés brutalement inconstructibles au PLU par les mêmes services de l'Etat, pour des motifs d'aléas d'inondation, en application du PPRI en cours d'élaboration. Il apparaît bien que les PPRI émanant de l'Etat comportent une surévaluation du risque qui ne protège l'administration de tout manquement au principe de précaution qu'au prix d'une désarticulation du tissu urbain.

M.  Jean Launay a alors exposé que dans le département du Lot, sur le bassin de la Dordogne amont, les élus, après avoir réussi à faire valider par le commissaire-enquêteur leurs critiques envers la procédure suivie par l'Etat, avait entrepris de construire une approche raisonnable du risque et de traduire cette approche dans un plan d'actions de prévention des inondations (PAPI), émanant des élus eux-mêmes. Ce PAPI concerne 62 communes et 35 000 habitants. L'élaboration d'un tel document permet aux élus et aux collectivités locales d'être désormais en situation de négociation et non plus de confrontation vis-à-vis de l'Etat.

Remerciant le rapporteur, le président Emile Blessig a conclu sur l'intérêt de la présente réunion pour une meilleure prise en compte des préoccupations de la Délégation et de ses membres en matière de gestion de l'eau lors de la lecture prochaine à l'Assemblée nationale du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

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Information relative à la Délégation

La Délégation a confié à MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay une communication sur la réforme des contrats de plan Etat-régions.


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