DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 15

Mardi 18 mars 2003
(Séance de 17 h 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mmes Chantal Kreise-Coutaud, secrétaire générale et directrice associée du groupe AXCESS, Simone Vaidy, déléguée nationale auprès du pôle protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et Marie-Françoise Leflon, déléguée nationale chargée de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes de la CFE-CGC

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mmes Chantal Kreise-Coutaud, secrétaire générale et directrice associée du groupe AXCESS, Simone Vaidy, déléguée nationale auprès du pôle protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et Marie-Françoise Leflon, déléguée nationale chargée de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes de la CFE-CGC.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Dans le cadre de nos travaux sur l'égalité professionnelle, nous recevons aujourd'hui Mme Chantal Kreise-Coutaud que certaines d'entre nous avaient rencontrée lors d'un colloque organisé par l'UMP, où elle avait fait un très brillant exposé. J'ai donc souhaité que cette ancienne DRH et spécialiste de la reconversion des personnes revienne nous dire, aujourd'hui, ce qu'il est possible de faire pour les femmes dans le cadre des restructurations et des plans sociaux.

Vous avez une approche, dynamique et pragmatique du sujet qui nous préoccupe : celui de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Vous considérez par ailleurs qu'il ne faut pas surestimer le problème des femmes cadres supérieurs et que c'est au niveau moyen d'encadrement que se rencontrent les difficultés. Nous avons pu le vérifier, la semaine dernière, avec Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, lors d'une visite de l'unité PSA de Trémery, à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu en Lorraine.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Lors de notre dernière rencontre, je vous avais dit que j'avais beaucoup plus promu de femmes, dans le cadre de restructurations et de plans sociaux, depuis cinq ans que je travaille dans le conseil, qu'en tant que DRH chez Perrier, où j'avais 15 000 personnes à gérer.

Je me suis aperçue qu'à partir du moment où, suite à un plan social, une femme a un accident de carrière, elle peut atteindre des résultats formidables si elle bénéficie de moyens de formation, de moyens de coaching et de mesures d'accompagnement social permettant de procéder à un bon bilan de compétences et de définir un projet professionnel réaliste.

C'est une constatation qui se vérifie moins pour les hommes, d'une part parce que la femme a beaucoup moins le "sens de la carte de visite", d'autre part parce qu'elle est beaucoup plus adaptable, plus disposée à se remettre en cause. En réalité, comme vous le savez, une femme a plusieurs vies : sa vie de mère, d'épouse, de salariée et j'en passe, ce qui lui donne un pouvoir d'adaptation nettement supérieur.

Suite à la fermeture de l'atelier haute couture de Nina Ricci dont j'ai été chargée d'élaborer le plan social, il m'a fallu repositionner des ouvrières sur un marché du travail totalement fermé, puisque les maisons de haute couture arrêtent la haute couture en tant que telle. J'ai réussi à reclasser une première main qualifiée comme puéricultrice en lui faisant reprendre des études et une femme de 47 ans, dont j'ai découvert qu'elle avait de réels dons pour la pédagogie, comme enseignante dans une école américaine de stylisme à Paris, ce qui lui a demandé d'apprendre l'anglais mais lui a permis de poursuivre sa carrière à Chicago, où elle enseigne aujourd'hui. De tels exemples, j'en connais beaucoup et ils touchent aussi bien des ouvrières que des cadres. Ainsi, j'ai accompagné une secrétaire, qui se trouvait complètement bloquée dans son statut d'assistante, pour créer une entreprise de livraison de sushi sashimis à Bruxelles, où elle gagne très bien sa vie. Ces femmes ont une puissance de réactivité absolument étonnante, mais je précise que, pour pouvoir les accompagner, il faut vraiment des mesures sociales qui "tiennent la route".

J'ai constaté que les femmes qui rencontraient de gros problèmes étaient celles qui, dans l'encadrement moyen, étaient surdiplômées - licenciées en histoire ou en sociologie - ou qui, bien que diplômées, acceptaient des petits boulots, notamment des postes d'assistante, et finissaient par s'en contenter. Ces jeunes femmes, au bout de trois ans, ne peuvent plus progresser. Je n'ai pas d'explications à vous fournir : c'est un terrible constat que celui de ce cycle infernal, étant précisé que celles qui s'en sortent sont celles qui se trouvent licenciées dans le cadre d'un plan social et qui peuvent, par le biais de formations spécialisées et de stages, se repositionner sur le marché du travail.

La réintégration des femmes après un congé parental ou un congé maternité pose également des difficultés.

Pour ce qui me concerne, je suis extrêmement dure avec les femmes revenant de congé maternité parce que, très fréquemment, elles ne sont plus vraiment opérationnelles. Certaines le sont et peuvent parfaitement reprendre leur travail, d'autres, en revanche, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie, ne sont plus disponibles intellectuellement. Or, après quinze jours, on s'aperçoit que les hommes se montrent impitoyables à leur égard : elles sont étiquetées et cela pour des mois, voire des années, quand elles restent dans la même entreprise. C'est un problème qui, selon moi, tient beaucoup aux femmes : elles doivent comprendre qu'elles ne peuvent réintégrer le travail en restant concentrées sur leur bébé.

A ce niveau, il faudrait presque que les DRH, au sein des entreprises, leur fassent passer un sas d'une semaine de réintégration dans la vie professionnelle, pour discuter avec elles, leur réapprendre à travailler, quitte à les mettre en rapport avec un psychologue pour leur permettre de surmonter leur problème.

Mme Hélène Mignon : N'est-ce pas la culpabilité de laisser leur enfant ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Naturellement, mais si elles culpabilisent, elles ne doivent pas le montrer. Les femmes qui le montrent ruinent leur carrière : c'est une réalité que j'ai constatée durant vingt ans, tout au long de ma carrière de DRH. Je me demande donc s'il n'est pas possible de trouver une solution qui permettrait à ces femmes de se remettre au travail sans culpabiliser vis-à-vis de leurs enfants, en leur offrant "un accompagnement psychologique à la réintégration".

Mme Claude Greff : Ne serait-il pas préférable de prendre le problème à l'envers ? La femme qui culpabilise n'est manifestement pas prête à retravailler et il conviendrait peut-être de lui donner les moyens de rester chez elle.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Encore faut-il avoir les moyens financiers de prendre un congé parental ce qui n'est pas à la portée de tout le monde.

Mme Claude Greff : Je n'ai pas parlé de congé parental, j'ai parlé de rester à la maison en changeant de manière de vivre.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Quantité de femmes ne peuvent pas se permettre de rester à la maison sans travailler.

Quoi qu'il en soit, il faut faire quelque chose pour celles qui souhaitent retravailler.

Mme Claude Greff : Si des femmes ne se sentent pas bien dans le travail, après une maternité, c'est peut-être qu'elles n'y trouvent pas leur épanouissement. L'épanouissement ne passe pas obligatoirement par le travail. Une femme peut s'épanouir à travers une autre mission, qui est celle d'être mère. Certaines femmes peuvent faire un choix de vie différent avec des moyens financiers plus restreints.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : J'en suis bien d'accord, mais mon souci est la réintégration de celles qui choisissent de continuer à travailler, qui souhaitent y parvenir, mais qui n'arrivent pas à se réintégrer dans le monde du travail.

Il y a plusieurs cas de figure : la femme qui va opter pour le congé parental pendant un temps et qui va ensuite se réintégrer, celle qui découvre qu'elle trouve son épanouissement personnel dans la vie familiale, les activités bénévoles ou autres, et celle qui, après son congé maternité, a choisi de retravailler, mais qui peine à se déconnecter de son bébé. Ce sont les femmes appartenant à cette dernière catégorie qu'il convient d'accompagner, parce que ce sont elles, qu'il s'agisse de femmes cadres ou d'ouvrières, qui se font rabrouer par la hiérarchie masculine, comme j'ai pu le constater tout au long de ma carrière. C'est pourquoi je me pose la question de savoir s'il ne faudrait pas envisager une formule pour les aider.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il faudrait prévoir un soutien psychologique au sein de l'entreprise ; mais qui s'en chargerait ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Soit les membres de la direction des ressources humaines, soit une assistante sociale, des psychologues ou des consultants extérieurs.

Il se trouve que, dans le cadre de mon cabinet, deux femmes souffrent de ce problème, notamment une jeune femme chinoise, diplômée de l'école des mines, qui culpabilisait terriblement d'être enceinte, puis de retravailler et qui, après six heures entretiens, va beaucoup mieux. Il est vrai que, notre cabinet étant une petite structure, j'ai pu lui proposer un aménagement de son temps de travail, pour se réadapter progressivement au rythme.

J'ai également une autre préoccupation par rapport à la situation des femmes dans le monde du travail : je souhaite qu'il y ait une réelle parité dans les comités d'entreprise et chez les délégués du personnel. Il m'est très fréquemment arrivé, alors que je présidais des comités d'entreprises employant 80 % de femmes, de me retrouver devant 80 % d'hommes. C'est un vrai problème.

J'ai entendu parler ce matin, dans le cadre de la Délégation du Sénat, de mixité dans les organisations syndicales : c'est bien beau, mais si l'on veut faire avancer la situation des femmes dans les entreprises, il faut instaurer la parité dans les comités d'entreprise.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Oui, mais les comités d'entreprise sont élus. Comment expliquez-vous, dans ces conditions, que des femmes élisent des hommes ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Parce que les femmes ne se présentent pas.

Mme Marie-Françoise Leflon : Il est extrêmement difficile de demander à une femme de figurer sur une liste, car elle oppose toujours des objections. Elle craint que le fait d'appartenir à un syndicat ne soit déjà une image de marque accolée à sa carrière et elle doute de pouvoir faire assez bien et de pouvoir s'investir suffisamment.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Alors qu'elles ont le temps puisque ces activités comptent dans le temps de travail.

Mme Marie-Françoise Leflon : Elles craignent le jugement de leur employeur et elles gardent à l'esprit la réaction de beaucoup de responsables qui, à tous les échelons, laissent à l'écart les syndicalistes.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : On peut se présenter sans étiquette syndicale. Par ailleurs, on pourrait s'inspirer de l'exemple des municipalités et partir du principe que, s'il y a 80 % de femmes dans une entreprise, il faut que les délégations soient composées de 80 % de femmes.

Si l'on veut faire évoluer les mentalités des chefs d'entreprise, qui sont souvent des hommes, il faut qu'ils sachent quel regard les femmes portent sur l'entreprise. Or, j'ai souvent constaté que les préoccupations des femmes, notamment dans les populations ouvrières, étaient totalement occultées par les délégués syndicaux que j'avais en face de moi.

Il faudrait que les chefs d'entreprise puissent se retrouver devant les femmes qui font la vie de leur entreprise, car elles ont des revendications totalement différentes de celles des hommes. Elles sont beaucoup plus pragmatiques, imaginatives, et elles sortent des discours syndicaux classiques, alors que, lorsque la CGT lance une revendication, tous les hommes la suivent en bloc.

Mme Hélène Mignon : Il faudrait une démocratisation.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Assurément. De nombreuses personnes assumeraient volontiers des responsabilités, mais se refusent à devenir des petits soldats. Il faut que les femmes sachent qu'elles peuvent se présenter sans être "encartées".

On parle beaucoup de parité pour les élections nationales, donc elle rentre bien dans les esprits et, puisque chaque femme salariée d'entreprise est aussi un électeur potentiel, je pense que le moment est venu de faire avancer le débat. Je suis convaincue que cela permettrait aux chefs d'entreprise, et souvent à leurs DRH ou directeurs financiers qui animent les comités d'entreprise, de prendre conscience des vrais problèmes des femmes et notamment des problèmes d'inégalité salariale. Si la négociation annuelle sur les salaires se fait, non pas uniquement avec des hommes, mais avec des femmes directement concernées, celles-ci vont, à l'évidence, demander des chiffres et expliquer pourquoi il faut combler le différentiel. Elles le feront, de plus, sans agressivité, car très souvent ces femmes - je ne parle pas des déléguées syndicales professionnelles - établissent un dialogue extrêmement constructif avec les chefs d'entreprise.

Mme Claude Greff : Vous envisageriez donc une représentation proportionnelle à la composition du personnel ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Exactement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela me paraîtrait d'ailleurs plus logique que de fixer, d'emblée, un pourcentage. Que le nombre des déléguées soit proportionnel à la population des femmes travaillant dans l'entreprise, j'en suis totalement d'accord.

Mme Claude Greff : Moi aussi.

Mme Marie-Françoise Leflon : Il est procédé, chaque année, à une présentation du bilan social aux organisations syndicales. Ce bilan peut donc servir de support à la démarche.

Mme Simone Vaidy : La parité dans la représentation correspond à ce qui serait souhaitable. Mais, il n'y a pas autant de personnes syndiquées que de salariés dans les entreprises.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Je répète que l'on peut parfaitement se présenter aux élections du comité d'entreprise ou des délégués du personnel sans appartenir à un syndicat.

Mme Simone Vaidy : Personnellement, pour avoir été déléguée centrale, comme l'est aujourd'hui Marie-Françoise Leflon, je peux vous dire que les personnes qui se présentent sans avoir un lien syndical, finissent le plus souvent par ne plus représenter qu'elles-mêmes. C'est le cœur du problème.

Dans les petites entreprises, d'une cinquantaine de personnes, il est possible de se présenter à titre personnel, mais, au-delà, cela devient beaucoup plus difficile.

Quand tout le monde se connaît au sein de l'entreprise, il n'y a pas de problème : vous pouvez faire élire une personne qui représente l'ensemble du personnel et qui est à l'écoute des autres. Mais, dans les entreprises qui emploient 4 000 personnes éclatées sur 70 sites, comment une personne qui n'a pas reçu de formation particulière en la matière, qui n'a pas d'informations spécialisées pourrait-elle adopter une ligne de conduite pour représenter l'ensemble du personnel ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. J'ai présidé pendant vingt ans dans le secteur agro-alimentaire des comités centraux d'entreprise et des comités de groupes. J'ai travaillé chez Perrier, à la société centrale de restauration ainsi que dans trois autres grandes entreprises. J'ai donc une grande expérience.

Pour ce qui me concerne, je pars du principe que tout individu peut, à titre personnel, avoir une vue globale et une stratégie pour son entreprise sans adhérer à l'une des grandes centrales syndicales. Tout salarié peut porter une vision pour son entreprise et défendre les intérêts des salariés.

Je prétends que c'est seulement si le chef d'entreprise, souvent masculin, de même que les DRH et les directeurs financiers, a une bonne représentation de la population de son entreprise, si les revendications qui lui sont présentées correspondent à la problématique de la grande masse des salariés, que la place de la femme dans l'entreprise pourra s'améliorer.

J'ai toujours constaté que les hommes que j'avais en face de moi ne me parlaient que des revendications retenues par leur centrale syndicale, sans s'occuper de la problématique des femmes de leur entreprise, y compris quand la population féminine y était conséquente. C'est un constat que j'ai pu vérifier pendant vingt ans.

Mme Simone Vaidy : J'ai vécu l'expérience inverse pendant aussi longtemps, sinon plus.

A l'échelle de notre Confédération, nous avons combattu une loi concernant les élections prud'homales, pour lesquelles on prétendait instaurer la parité. Nous avons demandé la juste représentation des salariés du lieu où ils votaient et nous avons eu du mal à faire valoir notre position. Comment voulez-vous imposer une parité absolue dans les zones de l'industrie métallurgique qui n'emploie que des hommes, ou dans des zones où le principal employeur est un grand hôpital qui emploie essentiellement des femmes ? Nous ne sommes donc nullement hostiles à votre proposition, mais il faut bien voir quelles en seront les répercussions et la crédibilité des personnes.

Voyez ce qui s'est passé à EDF où des syndicats ont signé et où l'entreprise a accepté que soit organisé un référendum : quelle crédibilité voulez-vous qu'aient les signataires, si ensuite on procède à un référendum ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Vous parlez de la crédibilité des personnes qui se présentent, mais j'ai rencontré une quantité de délégués syndicaux qui n'en avaient aucune. Je négocie en ce moment le plan social d'une entreprise - que je ne nommerai pas plus que je ne nommerai la centrale syndicale concernée qui est pourtant l'une des plus importantes de notre pays - et je peux vous dire que les délégués n'ont aucune crédibilité et que les salariés sont en train de se révolter.

Mon souhait c'est que les chefs d'entreprise aient en face d'eux des représentants de la majorité des salariés de l'entreprise : si les femmes y sont majoritaires, les représentants doivent être majoritairement des femmes.

Mme Simone Vaidy : Il faut aussi que la proportion des différentes catégories professionnelles soit également respectée, parce que les revendications des cadres ne sont pas celles des ouvriers.

Mme Claude Greff : J'en suis bien d'accord, mais une entreprise ne pouvant pas fonctionner avec une seule catégorie professionnelle, il est bien évident que l'intérêt des uns doit rejoindre celui des autres.

Mme Marie-Françoise Leflon : Nous voulons simplement dire que cette parité devra, de toute façon, se retrouver par collège.

Mme Simone Vaidy : Je connais des cas où tous les syndicats s'arrangent pour ne faire qu'un seul collège.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Est-ce légal ?

Mme Simone Vaidy : Oui, à partir du moment où tous les syndicats l'ont signé. Que se passe-t-il alors ? A supposer que vous discutiez d'augmentations de salaire, vous aurez des augmentations de salaire qui seront plafonnées, par exemple, à 3 % pour les salaires jusqu'à un certain niveau, à 1 % au-dessus et rien pour la dernière tranche.

Mme Marie-Françoise Leflon : C'est une pratique de plus en plus fréquente dans les négociations salariales, notamment depuis deux ou trois ans.

Mme Simone Vaidy : C'est ainsi que certains syndicats - je négocie actuellement les retraites - demandent que, pour les retraites, au-dessous d'un certain niveau, on ait 100 % du dernier salaire, au-dessus d'un certain niveau que l'on passe à 70 % et qu'au-delà chacun se débrouille.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est extrêmement grave.

Mme Simone Vaidy : Vous vous doutez bien que nous nous opposons à une telle évolution. Il ne faudrait pas oublier qu'en plus, les cadres cotisent à hauteur de 1,6 % sur la tranche B qui ne donne rien, mais qui sert la solidarité, dont nous admettons qu'elle est nécessaire.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Outre la représentation des femmes qui est un problème qui me tient à cœur, parce que j'y suis confrontée pratiquement tous les jours, j'aimerais que l'on parvienne aussi à la généralisation des bilans de compétences. En effet, l'expérience de toutes les restructurations et plans sociaux qui m'ont été confiés m'a appris qu'avec un bon bilan de compétences de la personne pour définir son projet professionnel, on pouvait obtenir des résultats formidables de reclassement.

Depuis cinq ans que je m'occupe de reclassement, je me dis que l'on devrait donner l'opportunité à des femmes, qui, soit à la suite d'un congé maternité, soit à la suite d'un congé parental, soit à la suite d'une erreur d'orientation, se trouvent englouties dans leur vie professionnelle et ne parviennent plus à progresser, de faire un bilan de compétences.

Je suis tout à fait favorable aux bilans de compétences auxquels, je dois l'avouer, je ne croyais pas quand j'étais DRH.

Mme Marie-Françoise Leflon : Ils relèvent maintenant d'un grand professionnalisme.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Effectivement. Ce n'était pas le cas auparavant, mais c'est vrai depuis quelques années.

Mme Marie-Françoise Leflon : De plus, toutes les opérations de "fusions/acquisitions" se traduisent, au sein des entreprises rachetées, par des disparitions de métiers, ce qui fait évoluer les carrières.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Cette évolution passe par ces bilans qui devraient se généraliser pour les femmes en situation précaire ou difficile. Je pense notamment à celles qui, élevant seules des enfants, acceptent n'importe quel emploi sans même avoir le temps, ni l'argent pour se repositionner. Il faudrait pouvoir leur proposer des bilans de compétences gratuits, comme cela se fait dans le cadre de l'APEC, étant précisé que, pour avoir accès à ceux de l'APEC, il faut être cadre.

Mme Simone Vaidy : Dans le même esprit, nous demandons que, de retour d'un congé parental, la femme puisse bénéficier d'une formation, avant de reprendre son travail.

Nous souhaiterions que, dans le cadre de la formation mutualisée, une partie de la formation puisse servir à ces femmes, étant précisé que, leur contrat ayant été suspendu, elles ne peuvent pas avoir accès aux congés individuels de formation du FONGECIF. Certaines femmes sont inquiètes à la perspective de retourner au travail et auraient besoin de quinze jours de formation pour se remettre à niveau et reprendre leur activité. Elles seraient beaucoup plus tranquilles et pourraient progressivement se séparer de leur enfant.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Personnellement, j'envisageais plutôt un accompagnement psychologique. En effet, si les femmes passent mal le cap des premiers jours de leur réinsertion, cela les poursuit durant toute leur carrière, si elle se passe au sein de la même entreprise.

Mme Simone Vaidy : Nous voudrions que la maternité ne soit pas un handicap dans la carrière professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Tout à fait d'accord. D'ailleurs, c'était une des propositions que j'avais soumises à Jean-Louis Debré lorsque, en 1998, j'ai été élue parlementaire. Que la maternité soit un handicap n'est pas tolérable. Il faut ajouter qu'en gérant la démographie, en élevant nos enfants, nous travaillons pour la France. C'est quelque chose qu'il est difficile de faire comprendre ; or c'est une donnée essentielle par rapport à la reconnaissance de la femme.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Je voudrais vous faire part d'une autre préoccupation : dans les "antennes emploi", je rencontre des problèmes avec les femmes, qui, au chômage, perçoivent un tout petit salaire et qui ont des enfants en bas âge. Ces femmes qui, lorsqu'elles travaillaient, confiaient leurs enfants à une nourrice, n'ont plus les moyens de le faire, de sorte qu'elles se trouvent dans l'incapacité de suivre une formation pour accompagner leur projet.

Mme Simone Vaidy : Quand vous percevez un tout petit salaire, les places en crèche sont pratiquement gratuites.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Encore faut-il qu'il y en ait de libres.

Mme Hélène Mignon : Dans certaines municipalités, on répond aux femmes au chômage qu'elles n'ont qu'à garder leurs enfants. Je me suis battue pour que les crèches aient toujours la possibilité de prendre en urgence ces enfants.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Puisque nous devons leur présenter des offres valables d'emploi, ne pourrait-on pas prévoir des modes de garde permettant à ces femmes de se rendre aux entretiens de recrutement ? Il devrait être possible de doter certaines grandes villes de crèches d'accueil temporaire. Autrement, ces femmes courent le risque de se désociabiliser et de se retrouver très rapidement en dehors du marché du travail. Elles ne représentent pas un pourcentage considérable, mais leur situation est réellement critique.

Mme Marie-Françoise Leflon : Ne pourrait-on pas développer les systèmes de halte-garderie, qui sont précisément adaptés à l'accueil temporaire ?

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Certes, mais les formations qualifiantes durent parfois quatre mois.

Mme Simone Vaidy : Il faut prendre les problèmes les uns après les autres. On peut imaginer que, pour les entretiens de recrutement, ces femmes bénéficient d'une priorité dans les haltes-garderies : c'est une mesure que doit pouvoir prendre toute municipalité dans le cadre de sa politique sociale. Il serait plus difficile de leur accorder une place prioritaire en crèche, alors qu'il n'y en a déjà pas suffisamment pour les femmes qui travaillent.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je souhaite savoir comment est appliquée la "loi Génisson" dans les entreprises. Autant la "loi Roudy" a été décriée parce qu'elle n'était pas contraignante, autant la "loi Génisson" a marqué une avancée. Je souhaite donc, deux ans après le vote de la loi et la parution des ses décrets d'application, savoir quelle appréciation les syndicats portent sur son application.

Au moment des premiers bilans d'égalité, je souhaiterais savoir quels sont les améliorations éventuelles à apporter à la "loi Génisson". Mon souci est celui d'éviter l'élaboration d'un nouveau texte, car je pars du principe que l'on ne peut que se grandir en faisant appliquer les lois plutôt qu'en en sollicitant de nouvelles.

Mme Simone Vaidy : Nous commençons à avoir des remontées sur l'application de cette loi, par l'intermédiaire de nos délégués syndicaux qui ont fait beaucoup de communication à son propos. C'est une bonne loi, mais il faudra un certain temps avant que les comités syndicaux et les personnes qui font partie de nos commissions se l'approprient. Il faut qu'ils aient le temps d'analyser les choses.

La première année, l'entreprise, plus ou moins consciencieusement, remplit tous les indicateurs. Mais une fois que vous avez ces indicateurs, qu'en faites-vous ? C'est là que les choses se corsent, parce que vous n'avez pas de références pour juger de l'évolution de la situation, ni de connaissances sur ce qu'il conviendrait d'exiger en plus.

Pour l'instant, trois rapports me sont parvenus de trois grandes entreprises nationales. La question, pour nos représentants des salariés, est maintenant de savoir ce qu'il faut en faire et comment les utiliser.

A nous donc de les examiner, de les décrypter, de dire ce qui est utile ou non et quel nouvel indicateur il convient de créer au niveau de chaque entreprise. Ce dernier point est absolument essentiel, parce que c'est à partir des indicateurs spécifiques à l'entreprise qu'il sera possible de juger si l'entreprise évolue ou pas et de mettre en exergue ce qui va bien ou ce qui ne va pas.

Ce que nous souhaiterions, par ailleurs, c'est que la commission sur l'égalité professionnelle soit mixte.

Mme Catherine Génisson : Cela n'a pas été demandé, parce que nous n'avions pas suffisamment avancé dans nos travaux.

Mme Simone Vaidy : Je n'ai pas réussi à l'obtenir, mais j'ai toujours dit que, si l'on voulait que cette commission sur l'égalité professionnelle soit efficace, elle devait être mixte.

Mme Catherine Génisson : Cette loi avait bénéficié d'une très large négociation en amont. Nous avions travaillé avec les partenaires sociaux, avec le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle etc. Or, par rapport à ce sujet, tout à fait capital, de la représentativité des femmes dans les divers lieux de décision et de pouvoir, les partenaires sociaux n'étaient pas prêts. Dans ces conditions, j'ai préféré m'abstenir plutôt que d'intégrer des dispositions qui auraient entraîné un tollé.

Cela étant, s'il y a une chose importante qui reste à faire, c'est de traiter de la représentativité des femmes dans les différents lieux de décision, notamment au niveau des délégués syndicaux. C'est d'autant plus important que l'on sait parfaitement que, lorsqu'elles négocient, elles se montrent très attentives à tout ce qui touche à l'organisation du travail, à la qualité de l'organisation du travail, toutes choses qu'elles ne défendent d'ailleurs pas pour elles-mêmes, mais pour l'ensemble des travailleurs.

C'est un sujet qui reste à traiter et c'est sciemment que nous ne l'avons pas englobé dans la loi, si ce n'est par petites touches à travers les conseils de prud'hommes et la représentation équilibrée dans les différentes élections, mais à titre purement incitatif.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'était déjà une avancée.

Mme Catherine Génisson : Les paragraphes relatifs aux élections relèvent de la pétition de principe plus que de l'application pratique. Je pense que les organisations syndicales en sont d'accord, que c'est vraiment sur ce sujet qu'il faut travailler.

Mme Marie-Françoise Leflon : Quel que soit le texte - c'est notamment le cas de la "loi Roudy" et du rôle qu'elle joue pour les DRH et les partenaires sociaux - il faut compter des années avant qu'il ne devienne un outil réflexe.

S'agissant de la "loi Génisson" ce n'est pas tant l'aspect contraignant du texte qui pose problème que son appropriation : il faut savoir utiliser cet outil. Il n'est pas facile à manipuler et, la première fois qu'il est présenté par les directions des ressources humaines aux partenaires sociaux, qui sont bien disposés par rapport à cette loi et pleins de bonne volonté, ils se demandent comment créer la commission, quel sera le métier repère, etc. Il faut donc apprendre à travailler et éventuellement remonter à la fédération pour savoir comment procéder.

Mme Catherine Génisson : Cela confirme que le sujet n'avait pas été abordé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Précisément et c'est pourquoi aujourd'hui, dans les entreprises, quand on commence à évoquer les bilans et la "loi Génisson", on sent une prise de conscience.

Mme Geneviève Levy : Une sorte de dynamique s'est créée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lors du colloque qui s'est tenu à Metz, le sujet a été évoqué, parce que j'avais demandé que la première partie de la réunion porte sur la "loi Génisson". Or, j'ai ressenti, ce qui n'était pas le cas avec la "loi Roudy", que cette loi avait donné une impulsion. La "loi Roudy" avait peut-être déclenché une dynamique, mais elle n'a pas eu le même impact.

Mme Simone Vaidy : Les mentalités ne sont plus les mêmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Oui, on se situe dans un contexte différent, dans une dynamique différente. C'est pourquoi, à mon sens, il faut, aujourd'hui, bien accompagner ce mouvement.

Mme Simone Vaidy : C'est difficile, car nos délégués syndicaux hommes et cadres, dans un certain nombre d'entreprises, ont d'autres soucis. Puisque vous vous occupez de plans sociaux, vous êtes bien placée pour savoir qu'au moment où une entreprise souffre de graves problèmes économiques, les délégués ont d'autres soucis que de s'occuper de l'égalité hommes/femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Elle s'inscrit pourtant bien dans le contexte, et il faut faire preuve de vigilance sur ce point. Il ne faudrait pas que cela soit un prétexte.

Mme Simone Vaidy : Je ne dis pas que c'est un prétexte, car je peux vous assurer qu'il y a une réelle volonté de voir les délégués s'approprier cette loi et veiller à son application.

Je ne suis plus au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle
- c'est Marie-Françoise Leflon qui y siège maintenant - mais pendant les huit ans que j'y ai passés, j'ai suivi toutes les tergiversations, les atermoiements, etc. C'était à vous donner envie de claquer la porte. Il existe des tonnes de rapports sur toutes les inégalités, toutes les discriminations dans tous les domaines, mais tout le monde s'en moque.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mais on ne se moque pas de la "loi Génisson" et c'est en quoi la dynamique est différente. La "loi Génisson" est accompagnée, tant par votre travail que par celui que nous poursuivons de façon volontaire, les unes et les autres.

Mme Catherine Génisson : La "loi Roudy" avait été précédée par un rapport préalable que j'avais présenté au Premier ministre et qui mettait l'accent sur une certaine attente. L'élaboration de la loi avait été l'aboutissement d'un très long travail ; donc les gens y étaient préparés.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous continuons à accompagner la loi pour obtenir ce courant transversal que je souhaite. Il ne sert à rien d'innover : il faut juste améliorer la loi, si le besoin s'en fait sentir.

Mme Catherine Génisson : Il faut la compléter. Je crois qu'il faut aussi veiller à ce que les déléguées régionales aux droits des femmes s'occupent de ce sujet.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Malheureusement, ces déléguées bloquent souvent nos initiatives et nous empêchent d'avancer. Elles refusent même parfois de recevoir des parlementaires.

Mme Geneviève Levy : Il a fallu que le préfet intervienne pour qu'elles me reçoivent.

Mme Simone Vaidy : Elles ne veulent pas recevoir la CFE-CGC. Mais j'ai des collègues d'autres syndicats qui ne rencontrent aucun problème.

Mme Catherine Génisson : Ce sont pourtant des personnels représentant l'Etat et elles doivent recevoir tout le monde.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Leur attitude est très grave, car les déléguées régionales doivent être les missi dominici en la matière.

Mme Catherine Génisson : Si un certain nombre d'entre elles sont tout à fait militantes sur le sujet de l'égalité professionnelle, beaucoup sont beaucoup plus axées sur la défense des droits propres des femmes.

En outre - et ce n'est nullement une critique à l'encontre de ce Gouvernement, parce que le problème est d'ordre structurel et vient de loin -, elles n'ont pas suffisamment de moyens, s'agissant notamment des chargées de mission départementales.

Je précise qu'il est une autre structure sur laquelle il faut s'appuyer, ce sont les Centres d'information sur les droits des femmes, même s'ils ont, eux aussi, tendance à s'occuper plus des droits propres que de l'égalité professionnelle. Il n'empêche qu'ils sont un bon vecteur pour aborder le sujet.

Mme Simone Vaidy : Il est vrai, qu'ils ont été un bon relais concernant notre initiative d'une bande dessinée sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Souhaitez-vous aborder d'autres sujets ?

Mme Simone Vaidy : Oui, je comptais vous parler des femmes et de la politique. Dans le secteur privé, une femme - mais c'est également vrai pour un homme et il faut le spécifier puisque nous défendons l'égalité - hésite à se lancer en politique dans la mesure où, arrivée en fin de mandat, elle ne retrouve pas d'emploi. La situation est totalement différente dans le secteur public.

Si l'on veut qu'il y ait plus de femmes en politique, ne convient-il pas de prévoir une incitation ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lors de la présentation au Premier ministre du rapport de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, et lors de l'audition la semaine dernière de MM. Alain Juppé et François Bayrou, j'ai évoqué la nécessite de traiter concrètement du statut de l'élu. J'aimerais que cela soit fait dans les cinq années à venir. Cela doit être une de nos priorités parce quelqu'un qui travaille dans le privé et qui fait de la politique prend d'énormes risques.

Mme Catherine Génisson : M. Alain Juppé avait indiqué qu'il avait tenté de négocier des contrats avec le MEDEF, mais que ce dernier était resté parfaitement imperméable à ses arguments.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est un objectif que je vais essayer de poursuivre au niveau de l'Observatoire de la parité.

Mme Simone Vaidy : Nous y voyons un double avantage : d'abord, cela encouragerait certaines personnes à entrer dans la vie politique, ensuite cela encouragerait d'autres à en sortir.

Nous connaissons la même difficulté avec les syndicalistes. Nous sommes deux syndicalistes élues au niveau confédéral, et nous travaillons l'une et l'autre. Il n'y a pas d'autre solution. Je vais mettre fin à mes mandats au mois de novembre, sans avoir l'âge de la retraite : comment aurais-je fait pour retourner dans la vie professionnelle si je m'étais entièrement consacrée au syndicalisme ?

L'engagement politique et l'engagement syndical sont comparables.

Par ailleurs, si ce statut est reconnu, il faut aussi qu'il soit valorisé. Dans la mesure où cet engagement, qu'il soit politique ou syndical, a enrichi l'expérience de l'intéressé, lui a apporté des compétences nouvelles, une ouverture d'esprit, une maturité, une façon de s'exprimer, pourquoi ne pas imaginer de valoriser ces acquis à travers un bilan de compétences ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : On en revient à la validation des acquis de l'expérience, sur laquelle Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, met l'accent en permanence.

Mme Catherine Génisson : La validation des acquis existe dans la loi de modernisation sociale.

Mme Simone Vaidy : La validation des acquis réalisée au sein de l'entreprise n'a aucune valeur. Aucune entreprise ne validera vos acquis sur place. Pour cela, il faut changer d'entreprise.

Mme Chantal Kreise-Coutaud : Absolument : la validation doit être réalisée à l'extérieur de l'entreprise.

Mme Simone Vaidy : Pour autant, il va de soi qu'il ne faut pas que les mandats se prolongent top longtemps. On pourrait limiter la mesure à deux mandats, disons dix ans. Je pense que lorsqu'on travaille trop longtemps dans le même domaine, on finit par ne plus avoir suffisamment de recul.

Mme Marie-Françoise Leflon : Pour revenir à la validation des acquis, j'ajouterai qu'elle peut aussi permettre de toucher des gens jeunes, car quand vous demandez à des gens en pleine ascension de carrière de s'investir à des postes syndicaux un peu élevés, ils refusent, parce qu'ils doivent faire des choix de carrière et ne veulent pas risquer de compromettre leur avenir. Leur expliquer que cette expérience sera valorisée permettrait de descendre la moyenne d'âge du tissu syndical, qui s'appauvrit car il devient de plus en plus difficile à pratiquer.

Mme Simone Vaidy : Je vais maintenant vous parler d'un autre sujet qui concerne les femmes : les pensions de réversion. J'ai été auditionnée par l'UMP, ce matin, sur les retraites. Nous parlions donc d'égalité, d'équité quand s'est posée la question des pensions de réversion. Cela a été la surprise de ma vie que d'entendre dire - si j'ai bien compris - qu'il fallait revoir ce problème au motif qu'aujourd'hui, les femmes travaillent.

J'ai répondu que les femmes en étaient encore à toucher des salaires qui accusaient un différentiel de 20 % ou 30 % avec celui des hommes et que, pour ce qui est de l'équité, la loi prévoyait déjà qu'une femme qui travaille ne bénéficie pas de la réversion de la retraite de base de son mari.

Je tenais à vous mettre en garde contre certains changements qui pourraient survenir à la faveur du vote de la loi sur les retraites. J'assistais pour la première fois à une réunion du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle quand il a été annoncé qu'au nom de l'égalité, les pensions de réversion en faveur des femmes seraient versées non plus à 50 ans, mais à 60 ans, alors que celles en faveur des hommes pourraient intervenir, non plus à partir de 65 ans, mais dès 60 ans. Je me suis demandé si je n'allais pas sortir.

Un problème reste posé pour les femmes : celui du cumul des validations, des bonifications, des majorations.

Mme Catherine Génisson : J'ai reçu un certain nombre de courriers qui m'étaient adressés par des hommes, désireux de prendre leur retraite après quinze ans d'activité.

Mme Simone Vaidy : Je suis contre la retraite au bout de quinze ans d'activité quand on a trois enfants, et cela aussi bien pour les femmes que pour les hommes.

Mme Catherine Génisson : Surtout à l'heure actuelle avec les problèmes que pose la démographie.

Mme Simone Vaidy : D'autant que je peux vous assurer qu'un certain nombre de mères de trois enfants, retraitées, travaillent.

Mme Catherine Génisson : C'est d'ailleurs une mesure très discriminante, puisque les infirmières peuvent en bénéficier, mais pas les aides-soignantes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : J'ai, dans ma circonscription, le cas d'un père qui a assuré, seul, l'éducation de ses enfants et qui réclame les mêmes droits qu'une femme. Cela se défend, mais ce n'est pas une raison pour que cela soit généralisé.

Après avoir travaillé sur l'égalité professionnelle au sein de la Délégation, je compte m'occuper du problème des retraites des femmes.

Mon deuxième grand souci est le temps partiel. C'est un sujet à propos duquel j'ai demandé à Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, qu'un travail soit engagé en Lorraine, dans la mesure où le Conseil économique et social de Lorraine est disposé à le réaliser.

Mme Simone Vaidy : Nous demandons que le temps partiel à 80 %, quand il concerne des salariés engagés à temps plein, réponde à un choix, parce que la personne n'est payée qu'à 80 %, mais effectue 100 % de son travail.

Mme Simone Vaidy : La situation est différente si une personne est embauchée à 80 %.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mme Margaret Maruani, a, la semaine dernière, devant la Délégation, mis l'accent sur un certain nombre de difficultés en ce domaine.

Mme Simone Vaidy : Il y a des abus honteux, notamment dans la grande distribution.

Mme Catherine Génisson : En la matière, la loi n'est pas appliquée, car la deuxième loi sur les trente-cinq heures comprenait des dispositions très précises sur l'organisation du temps partiel.

Mme Marie-Françoise Leflon : Elles sont tombées dans les oubliettes. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre d'entreprises équipées d'un logiciel susceptible de gérer le temps partiel.

Mme Catherine Génisson : Le fait d'avoir établi des exonérations de charges spécifiques au temps partiel n'a pas été une bonne chose et c'est pourquoi nous les avons supprimées.

Mme Simone Vaidy : De toute façon, nous sommes défavorables aux exonérations de charges, car elles n'ont jamais créé d'emplois : les chiffres de 1991 à 2001 le prouvent.

Mme Catherine Génissson : Les exonérations de charges sans contrepartie ne servent à rien et c'est bien pourquoi, dans la modification de la loi sur les 35 heures, nous avons supprimé le lien entre l'allégement des charges sociales et l'application des 35 heures. Tous les économistes s'accordent à reconnaître que les exonérations de charges ne créent pas d'emplois.

Mme Simone Vaidy : C'est le dynamisme économique qui crée l'emploi.

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