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Première séance du mercredi 26 mai 2004

231e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Pablo Lorenzini Basso, président de la Chambre des Députés de la République du Chili. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

STATUT D'EDF ET DE GDF

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre d'État ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mercredi dernier, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi sur le changement de statut des établissements publics EDF et GDF.

Prenant appui sur cette décision, la direction d'EDF mène depuis plusieurs jours, à grand renfort d'encarts publicitaires, une campagne visant à la fois à présenter comme acquis le changement de statut des deux entreprises et à rassurer les usagers sur la continuité du service public.

N'y aurait-il pas là une sorte de complicité pour peser, au moyen de la presse et aux frais d'EDF, sur l'opinion publique ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes indignés d'une telle assurance et d'un tel empressement à ouvrir les portes du capital aux actionnaires, dont on a vu que l'unique souci est le taux de rentabilité et non le service rendu au public, la réponse aux besoins et l'égalité d'accès.

La concertation que vous entretenez avec les organisations syndicales en est alors réduite à ce qu'elle est : un trompe-l'œil. N'en est-il pas de même pour les orientations inscrites dans le projet de loi sur l'énergie en cours de discussion ? Que restera-t-il, dans quelque temps, du service public, dont la mission est de les mettre en œuvre ?

Alors que les salariés des deux entreprises seront, demain midi, fortement mobilisés dans l'action contre votre projet, alors que la représentation nationale n'a pas encore débattu du texte, cette politique du fait accompli est inacceptable.

C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de retirer ce projet de l'ordre du jour du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi faut-il une réforme ? Parce le 1er juillet de cette année, le marché de l'énergie sera ouvert à la concurrence pour 70 %.

On ne peut pas garder, chacun peut le comprendre, la même organisation pour un monopole et pour un marché ouvert à la concurrence.

D'ailleurs, si l'on ne voulait pas de ce changement, il fallait le dire au sommet de Barcelone, et nous n'aurions pas à en débattre. Ceux qui se trouvaient alors à la table des négociations ont pris leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes un menteur !

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La décision a été prise. Les autorités européennes exigent que nous abandonnions l'EPIC au profit d'une organisation en société.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Premièrement, grâce à cette forme d'organisation, nos deux champions nationaux, EDF et EDF, vont pouvoir gagner en Europe des parts de marché que l'ouverture à la concurrence leur fera perdre en France.

Deuxièmement - et je sais les communistes attachés, comme les gaullistes au lendemain de la Guerre, à la constitution d'un grand service public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -, cela permettra à EDF et à GDF de faire, comme leurs concurrents, une offre groupée « gaz et électricité ».

En revanche, EDF restera publique : il n'y aura aucune privatisation ; les agents, électriciens comme gaziers, le savent. Le personnel gardera son statut. Les missions de service public, qu'il s'agisse de la péréquation tarifaire, des obligations sociales ou de la qualité de l'électricité, seront défendues et inscrites dans la loi.

Enfin, EDF verra son projet industriel conforté par le choix qu'a annoncé le Premier ministre du nucléaire et de l'EPR.

Notre conviction, c'est que la seule menace pour EDF et GDF, comme pour le service public, serait l'immobilisme, et nous ne pouvons l'accepter.

Ces champions nationaux, grâce à cette réforme, deviendront des champions européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ALSTOM

M. le président. La parole est à M. Gérard Voisin, pour le groupe UMP.

M. Gérard Voisin. Monsieur le ministre d'État ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, après des moments difficiles, Alstom est aujourd'hui en voie d'être sauvée et, en tant qu'élu d'une circonscription qui s'est battue pour le maintien d'un site Alstom à Mâcon, je sais l'importance économique de cette entreprise pour notre pays.

Vous venez de finaliser l'accord entre le gouvernement français et la Commission européenne sur ce dossier stratégique. Il semblerait que le commissaire européen soit en mesure, sur la base de cet accord, de proposer à la Commission européenne d'approuver le plan de restructuration d'Alstom auquel l'État français a apporté son soutien en 2003.

C'est une très belle négociation qui est en train d'aboutir, et une excellente nouvelle pour l'industrie française et ses salariés. Le Premier ministre, vous-même, et le Gouvernement vous êtes battus avec détermination pour préserver la capacité industrielle de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quatre ans sont accordés à l'entreprise pour trouver des partenariats et réussir la construction d'un géant européen. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, en quoi cet accord permet le redressement de l'entreprise ? Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire plus sur les partenariats industriels que devrait nouer l'entreprise dans les quatre ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cet accord est un bon accord pour trois raisons.

D'abord parce qu'Alstom ne sera pas démantelée, et c'était essentiel. Aucun site industriel en France ne fermera. En échange de l'accord de la Commission, nous avons accepté de céder l'équivalent de 10 % du chiffre d'affaires d'Alstom, mais aucun actif stratégique ne s'y trouve.

Ensuite parce que la Commission nous a autorisés à doter Alstom des moyens financiers nécessaires par une augmentation de capital. A ce titre, l'État détiendra 18,5 % du capital, ce qui démontre, monsieur Voisin, que ce gouvernement ne fait pas d'idéologie en matière l'industrie. (« Très bien ! » les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand il faut privatiser parce que c'est l'intérêt de l'entreprise, nous privatisons. Et lorsqu'il faut investir des fonds publics pour sauver des entreprises, nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas de l'idéologie, c'est du pragmatisme : la France ne peut pas vivre sans une industrie puissante.

Il y a, cet après-midi même, un tour de table avec les banques afin de trouver les 10 milliards d'euros nécessaires pour cautionner, non pas Alstom, comme je l'ai entendu dire, mais les clients d'Alstom. J'espère que, avec le Premier ministre, nous pourrons annoncer ce soir l'accord finalisé avec les banques.

Enfin, quatre années sont données à Alstom pour nouer des partenariats industriels. En quatre ans, les femmes et les hommes d'Alstom qui construisent le TGV et le Queen Mary pourront affronter la concurrence, car l'entreprise sera redressée. Bien sûr, pour nouer un partenariat, il faut des partenaires qui soient tous deux debout, à armes égales.

Nous n'avons pas accepté un dépeçage qui aurait permis à certains de prendre les morceaux qui les arrangeaient, laissant les autres à l'État. Cela s'appelle du volontarisme industriel et c'est un message pour tous les salariés d'Alstom. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, face à la nouvelle offensive d'un certain nombre de pays pour introduire les termes « l'héritage chrétien de l'Europe » dans le préambule de la future Constitution, vos propos et ceux du ministre des affaires étrangères ont semé le doute et jeté le trouble jusque dans vos propres rangs.

À Dublin, vous avez déclaré que « la France n'était pas hostile à cette question ». À Bruxelles, Michel Barnier a refusé de rependre expressément la formule du chef de l'État, qualifiant de « déraisonnable » l'idée de changer un mot du préambule. Il a ajouté : « C'est la position de la France aujourd'hui. » Mais, alors, monsieur le Premier ministre, quelle sera la position de la France demain et après-demain ?

Il est évident que l'Europe est ancrée dans une culture judéo-chrétienne, mais elle est tout autant l'héritière des civilisations grecque et romaine, de nos échanges avec le monde arabe, de la philosophie des lumières... Elle doit aussi, monsieur le Premier ministre, aux idées socialistes qui ont conduit à la protection sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et vous qui vous référez si souvent à Gerhard Schröder, pourquoi ne proposez-vous pas d'inscrire le mot « socialisme » dans la Constitution européenne ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne le demandons pas ! Ce que nous demandons, c'est que la Constitution européenne affirme nos valeurs communes, et non pas qu'elle impose les références des uns contre celles des autres. Notre Europe doit dire ce qui nous unit, et non raviver ce qui nous divise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, accepter une remise en cause du préambule de la Constitution, au moment même où nous cherchons, ensemble, à réaffirmer l'importance du principe de laïcité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Augustin Bonrepaux. Le Premier ministre !

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Voilà en effet une question très grave et très importante puisqu'elle concerne le patrimoine commun que, le moment venu, les Européens vont se reconnaître dans la Constitution européenne.

Nous avons beaucoup travaillé à la rédaction de ce projet de Constitution, notamment sur ce point. Nous y avons travaillé avec passion quelquefois - nous ne sommes pas les seuls. Nous y avons travaillé avec le souci de la vérité et de la tolérance. J'ai la conviction, sur ce sujet en particulier, que ce souci de tolérance et de vérité est partagé par tous les Français quelles que soient leurs convictions, leurs croyances ou leur philosophie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. La réponse !

M. le ministre des affaires étrangères. Voilà ce que cela nous a amenés à écrire dans le deuxième paragraphe du préambule du projet de Constitution.

Les Européens, « s'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine, de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que le respect du droit... »

J'ai la conviction que ce texte est à la fois équilibré et juste.

M. Augustin Bonrepaux. Quelle est l'appréciation du Premier ministre ?

M. le ministre des affaires étrangères. Voilà pourquoi la France, puisque vous m'interrogez, continue de penser qu'il faut s'en tenir là (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), parce que chacun peut se reconnaître dans ce texte, quelles que soient sa croyance, ses convictions ou sa philosophie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. À bas la calotte !

M. le président. Monsieur Bataille, je vous en prie !

NÉGOCIATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE
ET LE MERCOSUR DANS LE DOMAINE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe UDF.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Monsieur le ministre, les agriculteurs sont choqués, et même scandalisés, par les initiatives intempestives prises récemment par les commissaires européens Pascal Lamy et Franz Fischler, et je les comprends.

Tout d'abord, nous avons appris avec stupéfaction les grandes lignes des négociations entre l'Union européenne et les pays d'Amérique latine membres du MERCOSUR, dont la perspective n'est rien de moins que d'offrir à ces derniers la possibilité d'inonder l'Europe de nouveaux et massifs contingents de viande bovine, de volaille ou d'éthanol.

Ensuite, nous avons découvert avec incrédulité les propositions des deux commissaires à l'égard de l'OMC, suggérant tout simplement de supprimer sous condition les subventions à l'exportation pour relancer les négociations.

Un député du groupe socialiste. Voilà du libéralisme !

M. Stéphane Demilly. Si elles devaient se concrétiser, ces initiatives auraient des conséquences dévastatrices pour notre agriculture.

Pour prendre le seul exemple de l'éthanol agricole, un tel troc signerait l'arrêt de mort de la filière européenne de production d'éthanol, à l'heure même où l'Union européenne fait du développement des biocarburants une priorité et où la France s'engage clairement sur cette voie dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Monsieur le ministre, nos agriculteurs ne peuvent accepter un tel marché de dupes, qui s'apparente à une capitulation en rase campagne. Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ? Nos agriculteurs attendent de nous - et de vous - une détermination sans faille. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, la France a dit, par la voix du ministre d'État, ministre de l'économie et des finances, par celle du ministre délégué au commerce extérieur, par celle du ministre des affaires étrangères et par la mienne, son désaccord avec la « tactique » du commissaire européen chargé des négociations commerciales internationales, M. Pascal Lamy,...

M. Henri Emmanuelli. Voilà !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, il n'y a aucune tyrannie du calendrier pour l'OMC. Aucune raison ne nous force à conclure avant l'été. Les négociations dureront ce qu'elles dureront et la bonne date sera celle d'un accord équilibré. Il n'y a aucune raison de nous limiter dans le temps.

Ensuite, l'Europe a beaucoup réformé sa politique agricole depuis dix ans, tandis que les Américains n'ont rien fait. La part des subventions aux exportations dans le budget de l'Union est passée de 30 % à 5 % en quelques années : nous n'avons donc de leçons à recevoir de personne, et surtout pas des Américains, dont le système sophistiqué de marketing loans et de fausses aides alimentaires est bien plus perturbant pour les pays en développement.

Enfin, dans cette négociation, la priorité doit aller aux pays pauvres, aux pays en développement, et en particulier à l'Afrique. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à la conclusion d'un accord avec le MERCOSUR avant celle de l'accord avec l'Organisation mondiale du commerce. En effet, je le rappelle, la richesse des quatre pays membres du Mercosur représente cinq fois celle des trente-deux pays de l'Afrique subsaharienne.

Pour toutes ces raisons, nous tenons ferme à nos convictions, comme nous l'avons répété. Il n'y a aucune raison pour que nous payions deux ou trois fois pour la réforme de la politique agricole commune ou pour les négociations devant l'OMC.

Ne doutez pas, monsieur le député, de notre résolution sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉVELOPPEMENT DES DÉPARTEMENTS
ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER
DANS L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

L'élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq pays forts d'une communauté de plus de 450 millions de personnes constitue, dit-on, une chance. Nos départements et territoires d'outre-mer, classés parmi les régions ultrapériphériques de l'Europe, bénéficient aujourd'hui d'une attention particulière des instances européennes, comme vous nous l'avez rappelé, monsieur le ministre, lors de votre dernier déplacement à la Réunion.

L'aide de l'Europe à l'outre-mer a, en effet, pour objectif de permettre à nos territoires de combler progressivement leur retard structurel de développement. Qu'en sera-t-il demain ? Nos concitoyens ultramarins s'inquiètent de leur avenir dans cette nouvelle Europe. Pouvez-vous nous donner des assurances à cet égard ?

Par ailleurs, afin que chaque Français vive intensément sa citoyenneté européenne, ne pourrait-on pas créer, dans chaque région de France et d'outre-mer, un centre de la citoyenneté européenne, qui serait un véritable centre de ressources et de pédagogie ? Si le Gouvernement agrée cette initiative, je propose que Saint-Denis de la Réunion, plus grande ville de l'outre-mer français et européen, accueille le premier de ces centres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, avec vos collègues et tous les citoyens de nos départements d'outre-mer, ayez confiance dans l'Union européenne ! Même si vous n'êtes pas en Europe, vous êtes dans cette Union qui a prouvé, au-delà des mots, sa solidarité.

Il arrive assez souvent que la Commission européenne fasse du bon travail ! C'était encore le cas ce matin même : le collège des commissaires a adopté, à Bruxelles, une stratégie en faveur des sept régions ultrapériphériques - dont la Réunion, que vous représentez.

Cette stratégie, à laquelle j'avais beaucoup travaillé ces derniers mois, lorsque j'étais membre de la Commission, prévoit des aides destinées à compenser les handicaps et permet l'utilisation des fonds structurels au bénéfice du « grand voisinage », pour vous aider à rayonner autour de vous, dans l'Océan indien qui vous entoure et dans les pays qui vous sont proches. Nous vous apporterons - car les gouvernements vont participer à ce processus - une plus grande flexibilité dans l'attribution des aides d'État, en vue de faciliter la continuité territoriale.

Pour le ministre des affaires étrangères que je suis et pour Claudie Haigneré, ministre délégué aux affaires européennes, ce rayonnement est important. Je suis convaincu que l'Europe en général, et la France en particulier, doivent s'appuyer davantage sur ces régions situées au cœur de l'Océan indien, en Amérique du Sud - avec la Guyane - ou dans les Caraïbes, proches de l'Amérique, pour augmenter leur influence.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Ce texte nous donne les moyens de le faire.

Il faut, naturellement, rester vigilants. Mme Girardin, M. Gaymard et moi-même le sommes et le resterons, notamment sur les questions importantes relatives productions traditionnelles telles que le sucre ou la banane.

Enfin, je suis ouvert à votre proposition de centres de ressources destinés aux citoyens, et étudierai cette question avec la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MÉDECINS SPÉCIALISTES DU CANCER

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe UMP.

M. Alain Marsaud. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

Monsieur le ministre, un an après le lancement du plan cancer initié par le Président de la République, un premier bilan a été tiré, le 17 mai, lors d'un colloque auquel M. le Premier ministre et vous-même participiez.

S'il est clairement apparu que des caps significatifs ont été franchis en matière de prévention, de dépistage et de recherche, il est apparu tout aussi clairement qu'il reste beaucoup à faire dans le domaine des soins et de la prise en charge des malades.

La demande est considérable. On compte, en France, 278 000 cas nouveaux chaque année, 395 000 personnes qui suivent un traitement anti-tumoral dans des centres hospitaliers publics ou privés et 150 000 décès. Cette demande augmentera encore, car la fréquence des cancers, qui a déjà progressé de 60 % en vingt ans, ne cesse de croître.

Face à cette demande, l'offre médicale représente aujourd'hui environ 500 oncologues, médecins spécialistes du cancer, 587 radiothérapeutes et environ 1 800 médecins de diverses spécialités possédant une compétence en cancérologie. Cette situation démographique déjà précaire va s'aggraver dans les dix années à venir, du fait des départs à la retraite et du non-renouvellement des effectifs.

Pour maintenir ceux-ci à leur niveau actuel, il faudrait former trente-cinq internes en oncologie et trente en radiothérapie aujourd'hui, et le double dans les dix ans pour s'adapter à l'évolution de la demande. Or, la filière oncologie médicale ne connaît aujourd'hui que douze entrées par an, et la filière radiothérapie quinze. Il nous faut donc nous préparer à une longue période de grave pénurie de spécialistes de cancérologie, et prendre des mesures palliatives ou de substitution.

Nos collègues Dubernard et Rolland ont fait voter, lors de l'examen du projet de loi sur la politique de santé publique, un amendement ouvrant à tous les médecins hospitaliers l'accès au consultanat de soixante-cinq à soixante-huit ans. (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Marsaud, veuillez poser votre question, je vous prie.

M. Alain Marsaud. Ne pourrait-on envisager, toujours sur la base du volontariat, de renouveler leur consultanat pour une nouvelle période de trois ans ? (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Une telle mesure ne pourrait-elle être mise en place à titre provisoire, par exemple pour une dizaine d'années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, avec 278 000 cas nouveaux et 155 000 décès chaque année, le nombre de cancers dans notre pays augmente, et cela pour deux raisons : l'amélioration du dépistage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et l'amélioration des traitements, qui a pour effet d'allonger l'espérance de vie.

M. Maxime Gremetz. Et l'environnement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous avez raison de souligner la nécessité d'améliorer la démographie médicale. Il faut, d'abord, augmenter le nombre de places ouvertes au concours de première année de médecine. François Fillon et moi-même allons présenter un dispositif visant à parvenir à 7 000 places d'ici à 2006. Il faut, ensuite, augmenter le nombre d'internes, de chefs de clinique et de praticiens hospitaliers dans la filière oncologie. Il faut, en troisième lieu, des passerelles entre les autres spécialités médicales ou chirurgicales et la cancérologie. Il faut enfin, dans le cadre de la formation médicale continue, permettre d'acquérir, avec des diplômes universitaires ou interuniversitaires, une compétence dans le domaine de la cancérologie.

Votre proposition de renouveler pour trois ans le consultanat devra être étudiée. À titre personnel, je n'y suis pas opposé, à la double condition que ce renouvellement réponde à un réel besoin local et que le président de la commission médicale d'établissement en soit d'accord.

J'ajouterai qu'en matière de cancer, il faut encore s'intéresser, au-delà des spécialistes du cancer, aux psychologues et psychothérapeutes, ainsi qu'aux pédopsychiatres qui permettent de faire face aux aspects psychologiques des cancers de l'enfant.

Il faut, enfin, augmenter le nombre de lits d'hospitalisation de jour, car mieux vaut, pour les malades, une journée de chimiothérapie qu'une hospitalisation, toujours traumatisante. Les malades atteints de cancers ne doivent pas se sentir exclus socialement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Au cours de la campagne présidentielle de 2002, le candidat Jacques Chirac n'a pas été avare de promesses à l'intention du monde agricole, devant qui devait s'ouvrir un nouvel horizon ! Or, qu'avons-nous vu depuis deux ans ? Derrière un affichage volontariste, vous avez, en réalité, conduit le démantèlement des politiques d'incitation et d'orientation de notre agriculture.

Il y a eu d'abord une baisse de votre budget, qui s'accompagne cette année d'un gel supplémentaire de 5 %, récemment annoncé.

Certes, vous nous avez dit que ce n'était pas parce que le budget baissait qu'il était forcément mauvais. Mais vous savez bien que les agriculteurs n'en sont pas convaincus.

La suppression des CTE a été un geste fort en direction des plus libéraux de votre majorité.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela ne marche pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Gaubert. Mais c'est un mauvais coup pour l'agriculture du terroir et de qualité.

M. Philippe Auberger. N'importe quoi !

M. Jean Gaubert. La diminution du budget des offices n'a fait que confirmer votre orientation libérale.

Si je rappelle en plus certaines lenteurs dans les indemnisations sécheresse, nous sommes encore plus loin des espoirs que vous aviez suscités.

Il est vrai que vous nous avez présenté une loi dite de « développement des territoires ruraux », mais, devant ses insuffisances, vous nous avez vite renvoyés à une loi de modernisation agricole dont les axes devaient êtres dévoilés ce printemps.

Aujourd'hui, le monde agricole est dans l'attente.

Des rumeurs de réorganisation des offices agricoles circulent, et loin de nous l'idée de penser qu'une adaptation n'est pas nécessaire. Pourtant, nous avons toutes les raisons de craindre que cette réforme ne masque l'abandon des politiques de qualité des produits et d'organisation des marchés, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elles représentent un atout particulièrement porteur pour notre agriculture. De plus, cette réorganisation suscite l'inquiétude des 2 000 agents concernés.

Mais quelle que soit en définitive la réorganisation des offices, celle-ci ne pourra constituer à elle seule une politique pour le monde agricole.

Monsieur le ministre, il y aura bientôt un an que l'accord de Bruxelles a été signé. Il implique pour notre agriculture des adaptations fortes. Quelles sont donc vos orientations ? Où en est le fameux projet de loi de modernisation agricole ?

Vous ne pouvez pas laisser les paysans français partagés entre l'inquiétude et le doute. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Gaubert, je crois que vous devriez, pour des raisons budgétaires, me décorer de l'ordre du CTE. En effet, j'ai trouvé 76 millions d'euros à mon arrivée ; en 2002, nous avons investi dans ce dispositif 200 millions et, en 2003, 300 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je considère donc que c'est le gouvernement auquel j'appartiens qui a honoré les promesses qui n'avaient pas été tenues !

Nous n'avons pas seulement financé les CTE et les CAD puisque nous avons depuis deux ans augmenté la prime herbagère agro-environnementale de 70 % et accru les indemnités compensatoires du handicap naturel de 25 %. Nous avons su également faire face aux dépenses supplémentaires liées à la sécheresse. Tout le monde s'accorde à dire que la situation a été bien gérée. Certes, ce n'est pas toujours parfait - chacun sait bien que la perfection n'est pas de ce monde -, mais soyez beau joueur, monsieur le député. Convenez que, pour une sécheresse cinquantenale, les difficultés n'ont pas été si mal maîtrisées.

M. Maxime Gremetz. Un peu de modestie, monsieur Gaymard ! Allez dans les campagnes !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Quant à l'Europe, je vous rappelle que c'est un sujet important puisque les deux tiers de notre budget sont arbitrés à Bruxelles.

Jusqu'à notre arrivée, il y a deux ans, la France était isolée au sein du Conseil des ministres européens de l'agriculture. On nous expliquait à l'époque que l'élargissement devrait être financé sur le budget de la PAC. Mais, grâce à l'accord entre le Président de la République et le Chancelier Schröder, nous avons consolidé le budget de la politique agricole commune jusqu'en 2013. Ceci ne s'était jamais produit depuis la création de la PAC, au milieu des années soixante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Etant avec Nicolas Forrisier chaque semaine sur le terrain, je suis bien placé pour savoir qu'il y a de nombreuses crises de filières, dues à des causes diverses. Ainsi, la crise de la filière lait est liée aux décisions prises par votre gouvernement (« Par M. Chirac ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) à Berlin en 1999. Une fois encore, nous devons réparer les dégâts !

J'ajoute que la réforme de la politique agricole commune est désormais adoptée. J'en ai annoncé, la semaine dernière, les modalités d'application au Conseil supérieur d'orientation. Elles visent à éviter les spéculations pour permettre aux jeunes de s'installer.

Cet automne, monsieur le député, nous aurons un beau débat sur la loi de modernisation de l'agriculture. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INONDATIONS EN GUADELOUPE

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe UMP.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ma question, à laquelle j'associe mes collègues Joël Beaugendre et Éric Jalton, s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer.

Madame la ministre, depuis plus de dix jours l'arc antillais est touché de plein fouet par d'incessantes pluies torrentielles. Contrairement à la Martinique, à Haïti et à Saint-Domingue, nous n'avons pas en Guadeloupe à déplorer de pertes humaines. Mais ces fortes et persistantes précipitations sont à l'origine de dégâts matériels conséquents : maisons inondées, réseaux routiers endommagés, blocage des grands axes de circulation, terres inondées. Les communes de Baie-Mahault, Goyave, Petit-Bourg, Lamentin, Sainte-Rosé et Capesterre-Belle-Eau sont particulièrement touchées. J'en profite pour adresser un message de soutien à toutes les victimes de ces intempéries.

Ces inondations ont aussi des conséquences sur une agriculture déjà en crise. Ces pluies viennent anéantir les efforts des planteurs qui tentent de sauvegarder ce secteur. Les agriculteurs sont confrontés à de telles difficultés qu'ils ne peuvent plus assurer le suivi de leur récolte. Les planteurs de bananes n'ont plus accès à leurs exploitations, ce qui retarde la récolte des fruits et par conséquent leur chargement.

Dans ma circonscription, la seule unité sucrière de la Guadeloupe continentale a dû fermer par manque d'approvisionnement en cannes à sucre, car l'inondation des terres rend impossible la coupe et le transport. Il en est de même pour l'usine de Marie-Galante. En raison des pluies, la richesse en sucre de la canne sera moindre. La récolte qui semblait démarrer sous de bons auspices, risque d'être compromise. Sachez que les revenus des planteurs seront revus à la baisse puisqu'ils sont déterminés en fonction de la richesse saccharine.

De plus, près de cinquante tonnes de melons sont perdues, alors que nous nous situons dans une période encore favorable à la vente du melon guadeloupéen.

Les dommages causés aux familles et tout particulièrement aux agriculteurs m'amènent à vous demander, madame la ministre, de me préciser, dans la mesure du possible, quelles seront les mesures arrêtées par l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

M. Julien Dray. Et Gaston Flosse, que devient-il, madame la ministre ?

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame Louis-Carabin, permettez-moi tout d'abord d'exprimer au nom du Gouvernement...

M. François Hollande. Parlez-nous de Gaston Flosse !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...nos sentiments de compassion, de solidarité et de soutien à l'égard de l'ensemble des populations de l'arc de la Caraïbe. Celles-ci souffrent, depuis une dizaine de jours, d'intempéries tout à fait exceptionnelles pour la saison.

Madame la députée, vous avez rappelé que le bilan humain est particulièrement lourd à Haïti et à Saint-Domingue. Fort heureusement, dans les Antilles françaises, même si nous avons à déplorer un mort et deux disparus en Martinique, les conséquences sont un peu moins catastrophiques.

Nous avons mis en place, dès le début des précipitations, des cellules de crise similaires à celles que nous installons en cas de crise cyclonique, si bien que le pire a sans doute été évité. Les services de l'État ont été immédiatement mobilisés, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers, de la gendarmerie, de la police, des services techniques de l'équipement, des services des ministères de la santé et de l'agriculture.

Vous avez souligné l'importance des dégâts agricoles. Je vous informe que j'ai demandé au préfet d'engager immédiatement les procédures d'évaluation des dégâts. Dès que les premiers chiffres d'évaluation me seront transmis, l'État engagera sans tarder les procédures d'indemnisation, tant les procédures nationales classiques - arrêtés de catastrophe naturelle - que les procédures spécifiques à l'outre-mer, notamment le fonds de secours qui est géré par mon ministère. Je peux vous assurer, car j'y veille personnellement (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...

M. Jean Glavany. Ça promet !

M. François Hollande. Voilà qui n'est guère rassurant !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...que nous mettrons en place tous les dispositifs d'indemnisation dès que les évaluations seront terminées. Ces dispositifs seront évidemment mis en œuvre par les préfets, mais en relation très étroite avec l'ensemble des maires de Guadeloupe et de Martinique.

Je tiens à vous assurer que tout le Gouvernement est mobilisé après ces événements vraiment exceptionnels et tragiques : il est non seulement actif, mais aussi très réactif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DIFFICULTÉS DES ÉLEVEURS DE PORCS

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UMP.

M. Yannick Favennec. Ma question, à laquelle j'associe mes collègues bretons, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, la crise porcine entre dans sa troisième année. Le marché européen souffre toujours de surproduction. Le repli de la production et des abattages en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas est largement contrebalancé par la poussée de l'Espagne et de l'Allemagne, les deux principaux producteurs.

Par conséquent, l'aiguille du marché, au cadran de Plérin, reste désespérément coincée à un euro, largement au-dessous du prix de revient estimé à un 1,33 euro le kilo.

La situation est très grave, notamment dans mon département de la Mayenne, car 60 % des éleveurs sont sur le point de déposer le bilan. Au-delà de la conjoncture économique catastrophique, ce sont des drames humains qui se préparent.

Entre autres difficultés majeures, les éleveurs de porcs doivent supporter le poids de la taxe d'équarrissage, car les abattoirs la répercutent en leur prélevant 1,30 euro par porc. De plus, les entreprises de salaisonnerie qui importent de la viande, en provenance d'Espagne par exemple, ne sont pas soumises à cette taxe. C'est un facteur supplémentaire de concurrence déloyale.

Les éleveurs ont manifesté la semaine dernière. L'interprofession, à l'exception des artisans charcutiers, propose que chacun paie une cotisation volontaire obligatoire. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m'informiez des résultats de votre rencontre, le 18 mai dernier, avec les producteurs.

Par ailleurs, pouvez-vous faire part à la représentation nationale de l'état d'avancement de la mise en œuvre du plan d'action en faveur de la filière porcine que vous avez présenté au mois de janvier dernier ? Les éleveurs ne pourront plus attendre longtemps des mesures concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Favennec, je m'adresse bien sûr, à travers vous, à tous les députés de Bretagne et du Grand Ouest, particulièrement concernés par cette question.

La filière porcine est en crise. Comme vous le savez, elle ne fait pas l'objet d'une organisation commune de marché européenne. C'est une filière dite « libérale ».

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Elle est confrontée à des difficultés qui ne datent pas d'aujourd'hui.

Depuis deux ans, nous avons pris le taureau par les cornes, si je puis dire. (Sourires et exclamations sur divers bancs.)

M. Jean Glavany. Occupez-vous plutôt du porc !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous avons obtenu la réouverture des marchés à l'exportation, qui avaient été fermés. De plus, nous avons investi 12 millions d'euros pour soulager les exploitations en grande difficulté depuis janvier 2003. Suite au rapport Pory, nous mettons actuellement en place le plan structurel pour la filière porcine que vous avez mentionné. Je puis vous assurer que les cessations volontaires d'activité et les plans de cessation ont d'ores et déjà été transmis à Bruxelles.

J'ajoute que la filière a été soulagée cet hiver grâce à l'utilisation des subventions à l'exportation, ces fameuses restitutions que nous avons obtenues. Sur le plan européen, nous continuons à nous battre pour établir un mécanisme communautaire de gestion de crise.

Quant à l'équarrissage, le système de 1996, qui ne concerne d'ailleurs pas que le porc, a dû être réformé pour que soit mis en place le principe « pollueur-payeur ».

S'agissant de cette « cotisation volontaire obligatoire », dont l'intitulé peut surprendre, j'ai reçu, la semaine dernière, les professionnels et je leur ai donné mon accord de principe. Le dispositif a été transmis à Bruxelles. Je souhaite que soient trouvés les voies et moyens de le mettre en place le plus rapidement possible ; sachant que, comme l'a dit à plusieurs reprises le commissaire au commerce, il est hors de question que les producteurs payent cette taxe d'équarrissage. Il faut une répercussion sur l'aval de la filière. Je le réaffirme aujourd'hui très clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

OGM

M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Forgues. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. (« Encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vingt régions sur vingt-deux, une majorité de départements et un très grand nombre de municipalités ont exprimé leurs inquiétudes et émis le vœu que le Gouvernement cesse d'autoriser les expérimentations d'OGM plein champ. Malgré ces prises de position des élus, vous venez d'autoriser soixante-six nouveaux sites d'expérimentation, dont quarante-quatre dans la seule région Midi-Pyrénées.

Ces expérimentations sont inquiétantes pour trois raisons.

Premièrement, elles risquent de remettre en cause la démarche des agriculteurs et de leurs organisations syndicales en faveur des filières agro-alimentaires de qualité garantissant des produits sans OGM.

Deuxièmement, elles sont réalisées dans des conditions qui ne satisfont pas aux critères d'une recherche scientifique rigoureuse, souhaitable par ailleurs.

Troisièmement, les scientifiques et les médecins ne peuvent pas garantir l'absence d'effet nocif sur l'environnement et la santé à moyen et long terme. Ceci explique l'opposition résolue des consommateurs.

Ma question, monsieur le ministre, est double : comment conciliez-vous le principe de précaution que le Gouvernement s'apprête à faire inscrire dans la Constitution avec ces nouvelles autorisations accordées à la légère ? Allez-vous enfin respecter ce nouveau principe de précaution en suspendant les expérimentations plein champ ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, c'est parce qu'il ne faut pas prendre la question des OGM à la légère que je m'étonne de la tonalité de votre question, et ce pour au moins trois raisons.

La première, c'est que les autorisations d'essais en plein champ sont réglementées notamment depuis une directive européenne approuvée par le gouvernement français en février 2001, par la voix de Mme Voynet, alors ministre de l'environnement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette directive est d'ailleurs tout à fait remarquable, car elle prévoit une évaluation scientifique indépendante et l'intervention de la commission du génie biomoléculaire. Les procédures sont ainsi strictement encadrées. C'est la majorité à laquelle vous apparteniez à l'époque qui les a mises en œuvre, et je trouve cela très bien - vous voyez que je ne suis pas sectaire.

Deuxième motif d'étonnement : vos chiffres. Je ne sais pas où vous êtes allé les chercher, mais moi, j'ai les vrais chiffres. En 1999, le gouvernement que vous souteniez, monsieur le député, a autorisé soixante-sept essais. En 2002, nous en avons autorisé onze, et en 2003 quinze.

M. Henri Emmanuelli et M. Jean Glavany. Et en 2000 ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Si l'on considère les superficies, les autorisations concernaient en 1999 quatre-vingt-un hectares, contre huit en 2002 et dix-sept en 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Et en 2000 ?

M. Jean Glavany. Cela s'appelle un mensonge par omission !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous comprenez donc, monsieur Forgues, que je m'étonne que vous posiez cette question.

Mon troisième motif d'étonnement concerne la transparence et les moyens mis en œuvre pour permettre à l'opinion publique et aux décideurs de faire des choix éclairés. Quand Roselyne Bachelot et moi-même sommes arrivés au Gouvernement en 2002 - et nous faisons de même avec Serge Lepeltier -, nous avons mis en place une procédure d'information préalable des maires et des conseils municipaux. C'est bien le moins. Nous avons mis en place une enquête préalable qui n'existait pas. Et nous avons ouvert un site Internet, ogm. gouv. fr, sur lequel toutes les informations sont disponibles.

Alors, de grâce, monsieur Forgues, assez de démagogie ! La question des OGM est très délicate, très importante. C'est un sujet sur lequel on doit éviter et la démagogie et le confusionnisme. Pour notre part, nous avons cette démarche de prudence, de précaution et de transparence vis-à-vis de l'opinion publique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVANTAGES ÉCONOMIQUES DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'EUROPE

M. le président. La parole est à M. Pascal Ménage, pour le groupe UMP.

M. Pascal Ménage. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au commerce extérieur.

Monsieur le ministre, le 1er mai dernier, l'élargissement de l'Europe a constitué un événement majeur de la construction européenne aux plans historique, politique et culturel. Cet élargissement est aussi porteur de défis majeurs pour nos économies. Celles-ci devraient pleinement tirer profit de la complémentarité entre les différents pays de l'Union élargie. C'est assurément une chance pour l'ensemble de notre économie et pour notre croissance. Mais c'est également un atout majeur pour nos entreprises, qui peuvent désormais trouver de nouveaux débouchés et de nouveaux partenaires. Ces débouchés vont ainsi utilement prolonger la politique du Gouvernement pour assurer la vitalité de nos entreprises. Les opportunités sont donc réelles pour notre pays. Il apparaît donc essentiel d'en faire part aux Français, qui doivent être pleinement conscients des avantages économiques de cet élargissement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les multiples avantages que va procurer l'élargissement de l'Europe pour le commerce extérieur français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le député, vous avez raison de dire que l'élargissement offre à nos entreprises de nombreuses opportunités. Actuellement, nous exportons vers les dix pays qui viennent de nous rejoindre 12 milliards d'euros, et avons avec eux un excédent commercial de 2,5 milliards d'euros. Nous exportons vers ces pays, par exemple, pour 2 milliards de voitures et de pièces automobiles, en même temps que nous en importons pour 600 millions de pièces automobiles. Vous voyez donc que la balance est favorable, aussi bien du point de vue du chiffre d'affaires que du point de vue des emplois créés.

À l'occasion de l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne, nous avons multiplié par dix nos exportations. Aujourd'hui, nous avons multiplié par quatre nos exportations vers les dix nouveaux pays de l'Union. Nous pouvons aller beaucoup plus loin, d'autant que notre part de marché dans ces pays - 5,2 % - est encore inférieure à ce qu'elle est en moyenne dans l'Union européenne, soit 9,9 %. Dans quels domaines pouvons-nous renforcer notre présence, et comment ?

Le rattrapage économique que connaissent ces nouveaux pays peut d'abord profiter à nos entreprises dans le domaine des biens de consommation. Aujourd'hui, 34 000 entreprises exportent vers ces pays - elles étaient 17 000 il y a cinq ans. Nous pouvons facilement progresser, et surtout dans le secteur des biens de consommation. C'est pourquoi le Gouvernement comme les chambres de commerce et d'industrie offrent des places dans des salons, organisent des missions, font ce qu'il faut pour que les gens se connaissent. Et nous invitons toutes les collectivités locales à faire le même travail.

Nous pouvons également profiter des biens d'équipement qui sont nécessaires aux services publics qui sont en construction. L'Union européenne va être de ce point de vue une manne financière pour ces pays. Et c'est là qu'il faut que nous fassions preuve de vigilance, voire d'exigence, vis-à-vis de ces nouveaux pays.

Nous devons être vigilants, et nous devrons probablement le rester pendant bien des années, quant au respect des règles du jeu, par exemple sur la contrefaçon, sur la manière dont les tribunaux abordent les affaires qui leur sont soumises - ils ne doivent pas être nationalistes -, ou encore sur l'octroi des marchés publics.

Nous devons être exigeants sur les contreparties nationales que ces pays demanderont, en attendant d'eux qu'ils fassent des efforts qui soient à la hauteur de ce que nous faisons pour les aider dans le développement de leurs équipements publics, dont ils ont grandement besoin. Notre vigilance et notre exigence vont de pair avec le soutien que nous apportons aux entreprises pour qu'elles puissent bénéficier de ces nouveaux marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PROTECTION DES ENFANTS SUR INTERNET

M. le président. La parole est à M. Jacques Houssin, pour le groupe UMP.

M. Jacques Houssin. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.

Madame la secrétaire d'État, vous avez récemment montré tout l'intérêt que vous portez à la protection des enfants quand ils sont connectés sur Internet. Il s'agit effectivement d'un sujet dont l'actualité nous rappelle le caractère très préoccupant. Il apparaît que bon nombre d'enfants, lorsqu'ils sont connectés sur Internet, sont exposés au risque d'être identifiés par des personnes mal intentionnées. En effet, les enfants communiquent parfois directement leur identité et entrent directement en contact avec des inconnus sur des forums de discussion. Cette possibilité peut être la source d'un danger réel pour leur intégrité, d'autant plus que la plupart des ordinateurs familiaux ne sont pas dotés de protections ou de filtres assez élaborés pour sécuriser l'usage d'Internet par des mineurs.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire part de vos projets pour apporter une réponse qui soit à la hauteur des risques nouveaux en matière de protection de l'identité des enfants les plus jeunes sur Internet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l'occasion de rappeler que si Internet est un très bel espace de liberté et de communication, il est aussi le lieu de tous les dangers pour certains enfants. Certains individus, profitant de l'anonymat, les approchent et leur extorquent leurs coordonnées en vue de les rencontrer par la suite.

J'ai décidé, d'une part, de soutenir toutes les actions préventives permettant de lutter contre la pédocriminalité, et, d'autre part, de le faire en responsabilisant les parents.

C'est ainsi que j'ai décidé de parrainer et de promouvoir un logiciel gratuit et très simple d'usage, LogProtect, qui a des vertus essentielles : grâce à lui, les parents pourront empêcher leurs enfants de communiquer sur Internet, à l'occasion de discussions sur des forums ou des chats, des informations personnelles - nom, adresse, numéro de téléphone - qui permettent de les localiser.

D'autre part, sans bien sûr interdire l'usage d'Internet, ce logiciel permet de sensibiliser les enfants au bon usage de cet outil.

Je veux saluer ici les concepteurs bénévoles de ce logiciel, ainsi que l'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet, qui s'est associée à mon secrétariat d'État pour faire la promotion de ce logiciel.

Il est du devoir des pouvoirs publics de relayer toutes les bonnes initiatives qui permettent de lutter contre la pire forme de cybercriminalité, celle qui vise les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

    3

CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT

Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement (nos 992, 1595).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, mes chers collègues, lorsque le Président de la République déclarait à Johannesburg : « La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer (...). Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. », il donnait alors un avertissement fort qui ne pouvait laisser personne indifférent. Il est vrai qu'il est difficile de rester insensible aux catastrophes naturelles, aux crises sanitaires et au réchauffement climatique qui frappent trop souvent notre planète. Un constat s'impose : notre environnement se dégrade à un rythme accéléré - exploitation excessive des ressources naturelles, atteinte à la biodiversité, dégradation de la couche d'ozone, pollution des milieux aquatiques, terrestres et maritimes. Je ne citerai qu'un seul exemple : en 2003, on consomme en sept semaines autant de pétrole qu'en un an en 1950.

De nombreux résultats scientifiques, au cours de ces dernières années, ont démontré la situation préoccupante de la planète. Nous devons éviter que notre écosystème ne subisse des dommages irréversibles. En tant qu'élus de la nation, il est de notre responsabilité de créer une nouvelle relation entre l'homme et la nature, de trouver un nouvel équilibre entre la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Proposer aux Français une Charte de l'environnement adossée à la Constitution est une étape importante de notre pacte républicain. Cette idée a recueilli un très large consensus, car, aujourd'hui, aucune disposition de valeur constitutionnelle ne soutient nos préoccupations environnementales.

Ce texte constitutionnel, disposant de la légitimité et de la stabilité, permettra à la France de faire prévaloir ses conceptions face au droit européen. S'il existe, dans certains textes européens ou internationaux, des normes en matière d'environnement, elles sont moins précises que celles de la Charte. Comme l'a justement souligné le président de la commission des lois lors de l'examen de ce texte en commission, la constitutionnalisation du droit de l'environnement rayonnera au-delà de nos frontières. Cette Charte irriguera tout notre droit. De valeur constitutionnelle, elle s'imposera à toutes nos lois, qui devront lui être conformes, au prix d'une modification pour les lois antérieures, codes de l'environnement et de l'urbanisme en particulier. Lorsque le législateur ou le juge devront comparer plusieurs éléments d'intérêt général, l'environnement pèsera beaucoup plus lourd dans la balance et conduira à des arbitrages différents de ceux rendus aujourd'hui.

La commission Coppens a livré une synthèse loin des querelles idéologiques et des thèses extrémistes. Elle a donné lieu à un exercice de démocratie participative exemplaire. Ainsi, une véritable responsabilité environnementale est-elle instituée. Pour la première fois l'obligation claire et sans faille de réparer les dommages causés à l'environnement est affirmée.

Le nécessaire examen de ce texte a donné lieu à un vaste débat au Parlement. Devait-on appliquer le principe du « pollueur-payeur » ? La santé et la recherche étaient-elles exclues du champ d'application de la Charte ? Quelle était la limite du principe de précaution ? N'allait-on pas multiplier les sources de contentieux ? Exclure le principe de précaution viderait la Charte de sa substance. Ce principe figure déjà dans les traités de l'Union européenne ainsi que dans plusieurs conventions internationales. Ces dernières années, le Conseil d'État et les tribunaux administratifs ont rendu plusieurs dizaines de décisions en appliquant ce principe de précaution. L'OMC y a eu notamment recours dans le domaine de l'amiante.

L'article 5 a été controversé et a donné lieu à de rudes batailles quant à l'inscription du principe de précaution dans la Constitution. Certains ont reproché l'absence de définition, alors que ce principe est clairement affirmé et précisément défini. Ce principe a pour vocation de permettre aux autorités publiques de réagir pour éviter que l'irréparable ne se produise et d'engager des travaux de recherche et d'évaluation afin de sortir de l'incertitude. Il oblige à prendre en compte les risques potentiels, alors que, différence fondamentale, le principe de prévention s'applique en cas de risque connu. Il ne saurait être en aucun cas un obstacle à la recherche scientifique ou au développement économique. Il incarne une logique de veille des pouvoirs publics face aux risques de dommages graves et irréversibles.

Le texte définit aussi le champ d'application du principe : l'environnement, et non la santé. Afin de mettre un terme à toute polémique, la commission des lois a déposé un amendement pour que toutes ces questions relèvent de la compétence du législateur.

Cette Charte, qui deviendra très importante, nous incite tout d'abord à rester humbles - nous ne sommes que de passage sur cette planète - et nous exhorte à oublier un instant les considérations électorales à très court terme. Il est cependant dommage que certains groupes de pression affichent ouvertement leur hostilité à la Charte et, donc, leur refus de prendre en charge les conséquences de leurs choix technologiques.

Enfin, cette Charte n'est pas, comme on a pu l'entendre, une habileté politique permettant d'être dans « l'air du temps ». Elle est l'engagement de préserver durablement l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.

Élu d'une des circonscriptions les plus polluées de France, je suis fier de voir notre pays apparaître comme un fer de lance dans ce combat, conciliant développement économique et préservation de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. A l'heure où nous en débattons, et malgré les nombreuses discussions qui ont entouré sa préparation, la Charte de l'environnement continue de soulever de nombreuses questions d'ordre scientifique, philosophique, juridique et politique. Portant sur une interrogation non seulement française mais planétaire : « comment concilier, à terme, la protection de l'environnement avec le développement économique et social qui seul peut permettre la réduction des tensions que créent les inégalités géographiques et l'évolution démographique ? », elle propose une réponse qui ne semble pas totalement satisfaisante, suscitant même de sérieuses réserves de la part des académies des sciences, de médecine, des sciences morales et politiques.

Sur le plan juridique et politique, l'inscription du principe de précaution dans la Constitution ouvre la voie à de nombreux recours.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Michel Piron. C'est dire l'importance de sa définition. En confiant directement au juge l'application de ce principe, le législateur renonce - au moins partiellement - au pouvoir de définir par la loi les conditions d'exercice des droits et des devoirs des citoyens en matière de protection de l'environnement.

M. Jean Lassalle. Hélas !

M. Michel Piron. Ainsi, avec l'article 5 de la Charte, le juge saisi, au nom du principe de précaution, pourra décider des mesures à prendre selon des procédures pouvant échapper totalement au contrôle du Parlement, ce qui constitue un affaiblissement considérable, s'il est consenti, de la démocratie représentative. Inscrire dans l'article 34 de la Constitution que 1'environnement peut relever de la loi n'enlève rien au nouveau pouvoir que la Charte accorde au juge, pouvoir dont s'est émue le 10 mai dernier 1'Académie des sciences morales et politiques.

Que dit précisément l'article 5 - le plus controversé -, censé définir le principe de précaution ? « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d'éviter la réalisation du dommage ainsi qu'à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques encourus. »

Certains ont cru pouvoir affirmer que la portée environnementale de cet article serait limitée parce qu'il viserait uniquement des risques de dommage « grave et irréversible ». N'est-ce pas oublier un peu vite que l'important n'est pas là mais dans l'expression « la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques » ?

Dès lors, et puisqu'il ne s'agit que d'examiner des possibilités - « pourrait affecter » -, nous devons nous poser les questions suivantes : qu'est-ce que la « réalisation » scientifiquement « incertaine » d'un « dommage » ? qu'est-ce alors que la gravité et l'irréversibilité d'un dommage incertain ? que peuvent être des « mesures proportionnées » à une valeur qui a pour principale qualité d'être une possibilité « incertaine » ?

Sur ces bases, les « autorités publiques », désignées comme responsables, ne pourront prendre que des « mesures » reposant sur des hypothèses invérifiables et donc attaquables par tous. Tel est, nous semble-t-il, le problème majeur posé par le principe de précaution, que l'article 5, en l'état, transforme en principe d'incertitude.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Michel Piron. Le juge pourra être saisi et devra alors se prononcer en toute méconnaissance de cause, si j'ose dire. (Sourires.) En effet, faute de certitudes scientifiques, la simple possibilité de dommage « grave et irréversible » pourra être invoquée à tout propos, notamment contre les innovations, chacune d'entre elles, par définition, comportant des risques hypothétiques. Cela pourrait conduire, comme l'ont rappelé les académies déjà citées, à renoncer à toute mesure pouvant avoir des effets négatifs, quand bien même elle présenterait des avantages plus grands, c'est-à-dire à condamner la plupart des progrès scientifiques. Dans de telles conditions, comment ne pas être inquiet ?

M. Jacques Remiller. Il a raison !

M. Michel Piron. Plutôt que d'en arriver là, ne vaudrait-il pas mieux se demander si 1'absence de définition du principe de précaution à l'article 5, loin d'apporter une protection nouvelle, n'ouvre pas, au contraire, un champ quasi illimité au contentieux juridique ?

Il n'est pas simple, convenons-en, de s'entendre sur une approche commune du principe de précaution. Ainsi, en dépit de nombreuses déclarations internationales y faisant référence - en particulier celles de Londres, en 1987, et de Rio, en 1992 -, aucune définition stable n'en a été donnée, pas même par le droit communautaire.

Certes, s'agissant de la recherche et de l'innovation, tous s'accordent sur la nécessité de prendre des précautions, notamment en évaluant, avant d'engager toute action, ses conséquences négatives et positives sur l'environnement, dans le cadre de ce que l'on appelle fort justement la gestion des risques. Mais l'accord cesse rapidement dès lors que certains veulent ériger ces précautions en un principe général contraignant à renoncer à tout risque, ce qui est évidemment inacceptable pour les chercheurs, les inventeurs et, nous semble-t-il, quelques autres...

Cependant, une grande partie des difficultés d'interprétation ne pourraient-elles pas être levées si l'on consentait à revenir sur deux postulats douteux, quoique fort répandus ?

Mme la présidente. Monsieur Piron, vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti.

M. Michel Piron. Pardonnez-moi, madame la présidente. Je vais abréger en me contentant de présenter l'un de ces postulats.

Il consiste à vouloir faire de la précaution un principe d'action, au même titre que la prévention. Or, si le principe de prévention porte sur des risques connus et identifiés, et nécessite par conséquent la mise en place de procédures pour les maîtriser, le principe de précaution renvoie, lui, à des risques de dommages éventuels, qui, en l'absence de certitudes scientifiques, n'autorisent pas les mêmes conclusions. Autant la prévention justifie des normes précises et des actions anticipatrices, autant la précaution ne peut qu'inviter, nous semble-t-il, à une approche probabiliste. On n'est donc là en présence d'un principe de présomption et non plus d'action, ce que confirme une résolution du Conseil européen de Nice de décembre 2000 soulignant la nécessité d'en préciser les lignes directrices d'application.

Voilà pourquoi, au lieu de confondre ou de séparer ces deux notions complémentaires, il nous semble plus éclairant de constater que la précaution n'a de sens et de portée, en pratique et en droit, qu'exprimée et traduite en termes de prévention. C'est d'ailleurs très exactement ce que le législateur a fait avec les lois sur l'eau ou sur l'air.

Pour ces raisons, parce que nous craignons notamment que, dans le principe de précaution, l'article 5 de la Charte ne consacre un principe d'incertitude, fondant un savoir juridique sur un non-savoir scientifique, il nous semble que deux voies méritent encore d'être explorées : remettre au législateur le soin de définir le degré de risque acceptable, comme le propose l'amendement de notre collègue Daniel Garrigue ; donner au principe de précaution un contenu probabiliste évaluable, en substituant aux mots « bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques » les mots « probable en l'état des connaissances scientifiques ».

Les deux démarches s'appuient sur des arguments et elles ont surtout un objectif commun : entre un rousseauisme compassé et un saint-simonisme exacerbé, saura-t-on avoir la prudence - ô ! choc des mots ! - de baliser, dans le champ de l'environnement, un chemin de rationalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que les temps de parole ne sont pas répartis par la présidence mais par les groupes politiques. Si tout le monde double son temps de parole, les débats ne pourront pas être sereins. Je vous demande de respecter les durées qui vous sont imparties.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis traduit dans les faits l'objectif, que s'est fixé l'État, de faire du développement durable non plus un discours moral ou une représentation mais une volonté imprégnant toute politique. La Charte de l'environnement conditionne, à bien des égards, le développement durable, dont la finalité est de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures ; nous ne pouvons que nous en féliciter.

Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, j'axerai ma réflexion sur deux thèmes.

Premièrement, la Charte est animée par une conception humaniste et universaliste. Elle pointe en effet du doigt avec évidence et brio l'interdépendance entre l'homme et son milieu.

Protéger la nature, à travers la faune, la flore et la biodiversité, c'est en même temps protéger l'homme ; détruire la nature ou épuiser ses ressources prive l'homme d'un développement durable. La Déclaration de Rio de Janeiro de 1992 sur l'environnement et le développement énonce que « la terre [...] constitue un tout marqué par l'interdépendance » et que les êtres humains sont « au centre des préoccupations relatives au développement durable » et ont droit à une vie « en harmonie avec la nature ». Il est donc évident que l'on ne peut dissocier l'homme de son milieu de vie et des éléments physiques et biologiques qui composent celui-ci. Exiger la protection de l'environnement impose que l'homme se soumette à des obligations envers la nature, ce qui ne donne pas pour autant des droits à la nature.

Cette philosophie, nous la retrouvons au cœur du préambule de la Charte, expression d'une prise de conscience véritable des enjeux à la fois planétaires et environnementaux des activités humaines. L'impact universel et humaniste imprègne la Charte, signifiant dès lors, aux yeux du monde, l'importance politique que la France, dans le futur, souhaite donner à l'environnement. Ainsi, la Charte de l'environnement ancre à nouveau l'homme au cœur de l'action politique.

Deuxièmement, je me réjouis que le pouvoir d'apprécier l'application du principe de précaution soit confié au Parlement, au travers de sa fonction de législateur.

Dès lors que la Charte consacre des droits fondamentaux, il était indispensable, au regard des principes démocratiques, que le législateur fût reconnu seul compétent pour fixer les règles concernant la préservation et la mise en valeur de l'environnement et des ressources naturelles. Ne pas modifier l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 signifierait que l'on méprise non seulement l'environnement mais aussi le Parlement. Sera ainsi pleinement reconnue la souveraineté parlementaire, inhérente à notre démocratie représentative.

Néanmoins, permettez-moi d'exprimer des interrogations à propos de la rédaction de l'article 5 du projet de Charte, qui consacre le principe de précaution.

D'une part, en cas de carence des autorités publiques, la responsabilité de l'État pourrait très bien être mise en cause a posteriori. L'expression « autorités publiques » est-elle bien définie ? N'est-elle pas d'implication trop large ?

D'autre part, le risque visé se caractérisant par son imprévisibilité, il convient de s'interroger sur la manière d'apprécier des « mesures provisoires et proportionnées ». Les autorités ou pouvoirs publics pourraient prendre des mesures visant à restreindre la liberté d'entreprendre, la liberté de circulation ou encore le droit de propriété. On le discerne clairement : le droit de l'homme à l'environnement et son corollaire, le principe de précaution, risquent d'être confrontés à leur nécessaire conciliation avec d'autres droits et libertés constitutionnellement reconnus. De plus, si le risque, in fine, n'est pas avéré, n'y aura-t-il pas matière à mettre en cause la responsabilité même de l'État, qui aura cherché à appliquer la Charte de l'environnement ?

Il n'en demeure pas moins que, pour la première fois, sera inscrite dans notre corpus juridique, et, mieux encore, dans notre loi fondamentale, la protection des générations futures et pas seulement celle des générations présentes.

La Charte de l'environnement, qui constitue une véritable révolution culturelle, s'inscrit dans une perspective historique en trois étapes : droits de l'homme citoyen avec la Déclaration de 1789, droits de l'homme dans son milieu économique et social avec le préambule de 1946, puis, aujourd'hui, droits de l'homme dans son environnement. Les deux premiers textes rattachent la Constitution de 1958 au passé. La Charte l'entraîne, quant à elle, vers l'avenir ; elle marque clairement un pacte conclu avec nous-mêmes et au profit des générations futures.

« C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas », écrivait Victor Hugo. Aujourd'hui, grâce au projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement, il nous est possible de démentir le poète. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que la discussion générale s'achève, le spectateur ou l'auditeur pourrait avoir le sentiment que le mot « environnement », une fois de plus, suscite des passions, des craintes et de nombreuses incompréhensions, mais aussi - c'est plus heureux - qu'il porte beaucoup d'espoirs.

Personne n'est indifférent, nos débats l'ont montré, et, s'il ne m'appartient ni de synthétiser les différents points de vue ni, encore moins, de répondre à celles et ceux qui, souvent avec talent, ont apporté leur contribution au débat, je voudrais tenter, en quelques minutes, de souligner les deux points justifiant, à mon sens, une adhésion raisonnée à cette avancée déterminante dans notre droit positif.

Mon adhésion raisonnée est d'abord celle du juriste et du législateur.

Le juriste, l'avocat que je suis sait trop combien le droit de l'environnement était souvent abandonné à la création prétorienne, les principes généraux, de caractère souvent déclaratoires, ayant peu de force normative et laissant les coudées franches au juge. Ainsi l'inscription d'une séquence supplémentaire dans le droit contemporain - « nouvelle génération des droits de l'homme », comme l'écrit très justement notre rapporteur -, sciemment adjointe au bloc de constitutionnalité, permettra-t-elle au Conseil constitutionnel d'élaborer, en se fondant sur les articles de la Charte mais aussi sur nos travaux préparatoires, une jurisprudence solide garantissant à tous une sécurité juridique véritable.

Le législateur ne peut, quant à lui, que se réjouir du complément apporté à l'article 34 de la Constitution. Quoique 1958 ne soit pas si loin, nul n'aurait alors pu penser à inscrire l'environnement dans la Constitution, tant ce concept était éloigné des préoccupations publiques ; l'évolution, très récente, a été vive et rapide.

Aujourd'hui, elle s'impose comme une évidence, et même si les normes supralégislatives - directives ou traités - sont légion en matière d'environnement, même si - nous sommes nombreux à l'avoir signalé - le Parlement est intervenu souvent en matière environnementale, et spécialement depuis les années soixante-dix, cette compétence, clairement affirmée dorénavant dans l'article 34 à l'occasion d'une révision constitutionnelle, donnera au Parlement les coudées plus franches pour intervenir avec détermination dans ce domaine et préciser ainsi la portée de la Charte.

Adhésion raisonnée, donc, du juriste et du législateur, mais aussi du praticien de l'environnement et du citoyen.

Nous sommes nombreux à avoir évoqué les grandes catastrophes, de Tchernobyl à l'Erika, ou à avoir mis sur la table les grands dossiers tels que les OGM, la couche d'ozone ou les évolutions climatiques. Il est vrai que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à être des praticiens de ces matières. L'eau, les déchets, les paysages, les transports sont le lot quotidien de nos collectivités. Chacun de nous, quand il a en charge ces dossiers, en mesure l'urgence et devient progressivement un acteur inconditionnel du développement durable.

Et l'on voit bien le pas qui se fait du discours parfois dogmatique à la réalité praticienne de la vie quotidienne !

Ayant pour ma part la chance de gérer plusieurs milliers d'hectares de milieux naturels remarquables en Baie de Somme, de participer, avec notre collègue Didier Quentin, aux travaux du Conservatoire du littoral et de fédérer, avec Rivages de France, les gestionnaires de ces terrains, ayant en outre la chance de mettre en place un agenda 21 local dans mon département, je suis un de ces praticiens de l'environnement au quotidien qui vous dit avec conviction : n'ayons pas peur, ayons le courage pour nos enfants, pour les générations qui viennent, d'être, comme nous y invite le Président de la République, des « conservateurs du futur », selon la belle expression de Robert Mallet, qui est un amoureux de la Baie de Somme.

Cette adhésion raisonnée à la Charte, qui sera aussi, je l'espère, la vôtre, n'aura de sens que si nous savons informer, former, éduquer chacun de nos concitoyens, comme nous y invitent d'ailleurs deux des articles de la Charte.

Ainsi, comme nous avons su progressivement nous approprier les droits de 1789 - et il a fallu du temps pour y arriver car il n'était pas plus facile pour les révolutionnaires de les écrire que pour les citoyens de les comprendre et de les appréhender -, comme nous avons su donner sens et contenu à ceux de 1946, droits sociaux dont certains sont encore en évolution et d'autres restent à consacrer, il faudra faire en sorte que les objectifs de la Charte soient le plus rapidement possible partagés et mis en pratique par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, cette discussion générale a montré toute la richesse de la réflexion de l'Assemblée et a traduit les débats fructueux qui se sont déroulés pour exposer et définir clairement les enjeux auxquels nous devons répondre.

Je remercie particulièrement, pour leurs travaux, les deux commissions, celle des lois et celle des affaires économiques, dont les présidents, M. Clément et M. Ollier, les rapporteurs, Mme Kosciusko-Morizet et M. Saddier, ont montré la cohérence et la portée de cette Charte de l'environnement que le Gouvernement vous propose d'intégrer au bloc de constitutionnalité.

Madame la rapporteure, vous avez évoqué l'action du Conseil constitutionnel au regard des objectifs à valeur constitutionnelle édictés par la Charte. Je partage votre appréciation sur le caractère prudent de ce futur contrôle. De tels objectifs instituent une obligation d'agir pour le législateur, mais ne créent pas en eux-mêmes des droits pour les citoyens. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel fait une application mesurée de ces objectifs dans son contrôle de constitutionnalité.

On ne peut pas, en revanche, comme a semblé le faire M. Blazy, regretter l'intervention future du Conseil constitutionnel sur les lois prévues par la Charte. C'est en effet la mission même de cette institution que d'interpréter et de concilier - j'insiste sur cette idée de conciliation - les différents principes et objectifs constitutionnels.

Le président Clément, mais aussi M. Deflesselles, dont je salue le rapport au nom de la délégation pour l'Union européenne, M. Chassaigne et M. Giran, ont souligné la nécessité de retenir une conception humaniste de l'environnement. C'est, en effet, pour l'homme que vont être proclamés ces nouveaux droits et ces nouveaux devoirs.

Ce sont aussi, comme l'a déclaré Mme Pecresse, en commençant son exposé, l'enfant à naître et les générations futures qui sont au cœur de ce texte constitutionnel, lequel l'affirme dans l'un de ses considérants.

C'est donc, monsieur Lassalle, une œuvre constructive, une invitation à aller de l'avant pour sauvegarder un patrimoine commun.

Il s'agit, comme l'ont démontré le président Ollier, M. Grosdidier, M. Gonnot, M. Rouault et M. André, d'ajouter aux droits fondamentaux de 1789 et de 1946, la prise en compte de nouvelles exigences. C'est en quelque sorte le troisième pilier, la troisième génération des droits de l'homme. Il s'agit de concilier l'ensemble de ces principes constitutionnels.

Vous avez eu raison, monsieur Decocq, de rappeler les grandes étapes de la construction du droit de l'environnement, qui est à mettre à l'actif en particulier de la majorité depuis plusieurs décennies. L'adoption de la Charte en est une nouvelle, essentielle et particulièrement solennelle.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le garde des sceaux. Un autre aspect de ce texte a été particulièrement souligné, et je veux m'y arrêter.

M. Delattre ainsi que M. Bignon, à l'instant, ont insisté avec justesse sur le rôle essentiel du Parlement dans les choix qui engagent le long terme. La Charte place le Parlement au cœur de cette intervention. Le renvoi de la Charte à la loi pour la mettre en œuvre dans les articles 3, 4 et 7, ou la préciser dans l'article 5, le complément de l'article 34 de la Constitution, objet de l'amendement que présente M. Delattre avec plusieurs de ses collègues, appelleront l'intervention du législateur pour définir la mise en œuvre de la Charte dans les conditions qu'elle prévoit et assurer ainsi la préservation de l'environnement.

Je voudrais rassurer M. Tourtelier et M. Braouezec : cette intervention du législateur n'affaiblit pas la portée de la Charte, qui est un texte constitutionnel, et, de ce fait, pose des principes et fixe des objectifs.

Quelques orateurs, notamment Mme Royal, Mme Gautier et M. Blazy, ont cru pouvoir affirmer que la Charte était un texte dépourvu de portée. C'est oublier ce dont nous avons beaucoup parlé depuis hier, à savoir l'effet direct de l'article 5 qui donne une portée immédiate et - j'insiste - mieux définie au principe de précaution et, surtout, la nature constitutionnelle de la Charte. Ce n'est pas à un texte constitutionnel d'entrer dans le détail des obligations de prévention, de réparation ou d'information, ni de décrire la sanction qui serait apportée à d'éventuels manquements. Ce sera l'œuvre du législateur, dans la durée. Ce n'est donc pas affaiblir un texte constitutionnel que de prévoir qu'il sera complété et précisé par la loi.

Monsieur Sauvadet, vous nous avez fait part de votre souci de situer notre débat dans un contexte européen. Certains États, je l'ai dit hier après-midi, ont déjà intégré la question de l'environnement dans leur Constitution. La France était en retard. Je crois qu'elle le comble largement.

Vous craignez, monsieur le député, la paralysie de l'action publique. Mais le principe de précaution est un principe d'action ! Il s'agit d'évaluer les risques, et d'agir avec un esprit de responsabilité et aussi, bien sûr, le souci de l'environnement.

En matière d'environnement, le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe reprend les principes consacrés par le traité instituant la Communauté européenne dans l'article 174, principes qui sont énoncés dans la Charte aux articles 1er à 5, mais il innove en introduisant le développement durable dans les objectifs de l'Union. Il apparaît ainsi que la Charte, qui énonce les objectifs de développement durable et d'intégration de l'environnement dans les politiques publiques - je pense en particulier à l'article 6 -, est parfaitement compatible avec le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.

La France va au-delà de ce que prévoit le projet de Constitution européenne, mais la cohérence avec ce texte est assurée.

Pour en venir à certains des articles qui ont plus spécialement retenu l'attention, je soulignerai combien le président Ollier a eu raison de rappeler que de nombreuses lois existaient en matière de prévention et que la Charte n'est pas une charte de santé publique.

Je vous remercie, monsieur Saddier et madame Ramonet, d'avoir bien distingué le principe de précaution du principe de prévention. Le deuxième couvre les risques connus, le premier les risques inconnus. Les activités humaines citées ont démontré que les enjeux relevaient de la prévention des risques. Merci d'avoir rappelé que l'article 5 ne visait que l'environnement, et non le domaine de la santé. Merci encore d'avoir rappelé la portée large de l'article 4, qui insiste sur la responsabilité de chacun. La Charte pose, en effet, dans cet article, l'obligation de réparation des dommages, qui incombe à celui qui les cause.

On ne peut donc pas dire, comme M. Chassaigne, que la Charte crée un « droit à polluer ». Mme Pecresse lui a d'ailleurs répondu sur ce point en soulignant le caractère réducteur de cette présentation : non seulement il n'y a pas de droit à polluer, mais la Charte affirme deux devoirs, la prévention et la réparation.

Madame Royal, j'ai noté que vous aviez abordé le débat de façon positive. Mais il n'est pas, comme vous le prétendez, un débat d'affichage. C'est une réforme constitutionnelle, dont chacun des articles s'intègre dans notre bloc de constitutionnalité.

S'agissant du principe de précaution, je rappelle que les autorités publiques ne peuvent agir que dans le cadre de leurs compétences, prévues par la loi. Il est important de le redire ici.

Je sais bien que la vie politique peut avoir des contraintes et qu'il peut être utile, dans une perspective d'action politique, de faire prendre des « délibérations » par des assemblées non compétentes, au sens juridique du terme, les membres de ces assemblées étant, par définition, bien sûr, compétents. Il n'est pas dans notre rôle, surtout à l'occasion d'un débat constitutionnel, d'entretenir la confusion sur les compétences des uns et des autres et sur la répartition des rôles entre les différentes autorités publiques.

Vous avez réclamé, madame la députée, « des effets contraignants ». Je rappelle que la Charte de l'environnement - et j'insiste - énonce des principes d'action, d'innovation, d'éducation et de promotion. Il ne s'agit pas seulement d'interdire certains comportements. Il s'agit aussi de favoriser des actions respectueuses de l'environnement.

De nombreux orateurs ont exprimé, avec vigueur et conviction, la portée essentielle de l'article 5 qui définit le principe de précaution. Il faut retenir deux idées principales.

D'abord, l'article 5 donne la primauté au politique, et en premier lieu au législateur, bien entendu. En effet, il encadre les interventions, jusqu'à présent peu coordonnées, des juridictions.

M. Geoffroy l'a expliqué, répondant à M. Garrigue et à M. Piron qui craignent des appréciations variables selon les juridictions, ces hésitations de la jurisprudence existent aujourd'hui mais la Charte viendra les réduire.

(M. Jean-Louis Debré remplace Mme Hélène Mignon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le garde des sceaux. Je veux répondre, avec conviction, à M. Myard que la Charte n'instaure pas le gouvernement des juges.

M. Jacques Myard. Oh que si ! Nous en reparlerons, mon cher ministre !

M. le garde des sceaux. Au contraire, ainsi que M. Diard l'a rappelé, elle définit le principe de précaution pour éviter au juge de le faire à la place du Parlement.

La deuxième idée qui me paraît importante est que le principe de précaution est un principe d'action et non un principe d'abstention. Il rend nécessaire l'évaluation des risques. Il donne donc un rôle fondamental à la recherche - MM. Deflesselles, Marty, Decocq et Grosdidier l'ont bien noté.

M. Quentin et, à l'instant, M. Bignon ont rappelé la place éminente de la recherche et de l'innovation dans la Charte. Elles devront être placées au cœur des actions des autorités publiques et elles seront favorisées. Le principe de précaution ne va pas sans évaluation des risques, donc sans recherche technologique et environnementale.

Vous avez été nombreux à souligner la nécessité de parvenir à un équilibre entre la préservation de l'environnement, l'activité économique, l'innovation et la recherche. Je vous en remercie. Je ferai simplement remarquer que la Charte assure ce nécessaire équilibre. Elle apporte des réponses ambitieuses aux défis que nous devons relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à la lumière du débat général, je constate qu'il existe une vision largement partagée, un consensus sur la nécessité d'une Charte de l'environnement.

Nous nous trouvons dans une situation qui n'est semblable à aucune autre que l'humanité ait connue. C'est également l'analyse qui s'est développée dans le rapport de la commission Coppens. C'est pourquoi nous devons apporter des solutions radicalement nouvelles.

Nous sommes face à des défis majeurs, sans commune mesure avec ce qui a pu précéder. C'est face à cette situation exceptionnelle que nous devons adopter un texte d'une portée nouvelle, sans commune mesure non plus avec ce que le Parlement a pu voter dans le passé.

L'une des réponses à apporter, c'est justement la solennité de la Charte constitutionnelle. Sur ce point, un large accord ressort également du débat général sur l'ensemble des bancs. Ce sont surtout la portée de la Charte, ses approches rédactionnelles et certains de ses articles qui donnent lieu à des différences d'opinion.

Je suis convaincu, à la lumière des soutiens et des critiques qui sont venus de différents bords, que le projet du Gouvernement est au point d'équilibre. Les principes affirmés sont aussi nets que la concision du texte le permet. Une part essentielle est laissée à la mise en œuvre par le législateur. Et nous avons évité les affirmations impérieuses et absolues.

L'axe essentiel est celui de la responsabilité à l'égard de chacun de nos actes. J'ai été frappé à la fois par la densité et par la hauteur de vue de tous les travaux qui ont eu lieu avant l'élaboration du projet du Gouvernement, en particulier au sein de la commission Coppens, et, ensuite, grâce au travail exceptionnel réalisé par la commission des lois, celle des affaires économiques et leurs rapporteurs.

Nombre d'interventions qui ont eu lieu pendant ce débat ont également montré que le point d'équilibre avait été atteint. Je songe en particulier à celles de Valérie Pecresse, de Guy Geoffroy, de François Grosdidier, d'Alain Marty, de René André, d'Éric Diard, de Bernard Deflesselles et de Jérôme Bignon.

Quant au caractère innovant de la Charte, le président Patrick Ollier en a remarquablement parlé, montrant combien était nouvelle la coexistence du droit et du devoir, base donnée du développement durable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Un certain nombre de députés de l'opposition ont abordé des sujets dépassant le simple cadre de la Charte. Je voudrais y revenir brièvement.

Comme je l'ai dit en répondant à la question préalable, en ce qui concerne les OGM, les conditions de traçabilité et les méthodes - ainsi que le pouvoir de décision de la Commission en cas d'absence de majorité - ont été décidées en 1999, Mme Voynet étant ministre de l'environnement, et confirmées en 2001.

Je rappelle, puisque la question des essais en plein champ a été posée, que le même gouvernement de Lionel Jospin avait autorisé une centaine d'essais OGM en plein champ...

M. Jean-Pierre Blazy. Combien en avez-vous fait en 2004 ?

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. ...alors qu'à ce jour, il n'y en a pas plus d'une quinzaine.

Quant aux positions différentes qui ont été soulignées par la France au sujet de l'importation de maïs transgénique, nous prenons nos décisions en fonction de l'impact écologique et des positions de l'Agence de sécurité alimentaire.

Les contrats territoriaux d'exploitation au niveau agricole ont également été évoqués. Le ministre de l'agriculture, en répondant cet après-midi à une question d'actualité, a bien montré que leur financement avait été assuré et que l'on avait pallié l'absence de financement précédent. Par la suite, un audit a révélé la faible efficacité environnementale de ces contrats territoriaux environnementaux qui ont été remplacés par des contrats d'agriculture durable, au fonctionnement beaucoup plus simple et recentrés sur de véritables enjeux environnementaux.

Je voudrais également répondre à une question qui a été posée sur la pollution des mers. Si, aujourd'hui, nous pouvons lutter contre la pollution due notamment aux déballastages, c'est grâce au texte sur la criminalité qui a été voté dans cette enceinte, la loi Perben,...

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. ...qui permet aujourd'hui d'arraisonner les bateaux, de prendre des cautions et d'infliger des amendes à hauteur de 1 million d'euros. C'est cette majorité qui l'a permis.

Pour revenir maintenant plus spécifiquement à la Charte, sur le plan des mots et des formulations qui compteront lorsque le moment sera venu d'appliquer la Charte, le Gouvernement est ouvert, comme l'a dit le garde des sceaux, à la discussion et aux amendements qui précisent et cadrent mieux le texte.

Il s'agit toutefois de conserver une Charte forte qui s'impose à l'action à venir tant du Parlement que du Gouvernement. L'objectif est que la Charte recueille pour finir une très large approbation, gage de sa promulgation finale, certes, mais aussi gage de la volonté de la mettre en œuvre.

L'examen du texte article par article permettra de revenir sur de nombreux sujets qui ont été abordés au cours de la discussion générale. Je voudrais seulement reprendre quelques points fondamentaux.

Tout d'abord, le rôle du Parlement, dans la mise en œuvre future des principes énoncés par la Charte, doit rester central. En tant que ministre de l'écologie, il m'appartient d'élaborer les projets de réforme du droit de l'environnement. Ce droit, aujourd'hui, est largement législatif, mais ses fondements juridiques ne sont pas toujours parfaitement clairs. Je souhaite que, demain, le rôle de la loi soit nettement affirmé, car il n'y aura pas d'innovations écologiques et technologiques sans un droit sûr et cohérent que le Parlement est seul en mesure d'élaborer.

Je sais que la commission des lois et sa rapporteure vous proposeront d'ouvrir de façon beaucoup plus nette le domaine de la loi au droit de l'environnement : en tant que ministre chargé de ce domaine, cette perspective me semble particulièrement utile et séduisante. Bien sûr - mais nous aurons l'occasion d'y revenir -, les articles de la Charte qui ne renvoient pas explicitement à la loi pour leur mise en œuvre doivent, eux aussi, être considérés comme des champs d'intervention pour le législateur, qu'il explorera dans la mesure où il en ressentira le besoin.

Plusieurs orateurs nous ont montré comment la résolution du problème capital posé par le rôle du Parlement, notamment grâce à une modification de l'article 34 de la Constitution, proposée par Francis Delattre et Valérie Pecresse, avait contribué à leur propre évolution par rapport à ce projet. Je pense aussi à Philippe Rouault ou à Antoine Herth. Toutes les précisions textuelles sur ce point seront les bienvenues.

La question du rôle du juge relève évidemment au premier chef des compétences du garde des sceaux. Mais, en tant que ministre chargé de la mise en œuvre pratique du droit de l'environnement, je tiens à insister sur le nombre déjà considérable de procédures relatives au droit de l'environnement. Martial Saddier nous l'avait dit : les dérives contentieuses sont déjà présentes. Il reste à mieux les encadrer.

La Charte de l'environnement ne fera pas naître le problème de ce que certains responsables ressentent comme du harcèlement judiciaire, ni celui de ce que l'on appelle l'insécurité juridique, qui se manifeste lorsque des normes n'ont pas encore été interprétées par le Conseil d'État ou la Cour de cassation. Au contraire - et l'étude attentive de l'article 5 de la Charte à laquelle nous nous livrerons certainement lors de son examen le montrera -, nous attendons de l'entrée en vigueur de la Charte plus de précision dans l'énoncé de certains principes et, par conséquent, plus de sécurité juridique.

Je voudrais répondre à Daniel Garrigue, qui estime que le principe de précaution de la loi Barnier serait mieux « bordé » - pour reprendre son expression - que celui de la Charte. Il est vrai que le principe posé par la loi Barnier - article L. 110-1 du code de l'environnement - a constitué une véritable avancée. A l'époque, nous n'en avions peut-être pas mesuré l'importance. Mais, pour ma part, je considère que l'article de la Charte est mieux « bordé ».

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Il faut une intervention des autorités publiques, ce qui protège les entreprises et les particuliers. Il faut accompagner les mesures d'une évaluation, celles-ci ayant dans la Charte un caractère provisoire. Ce dispositif borde l'application du principe de précaution.

Je n'entrerai pas dans le détail des principes et des objectifs que la Charte proclame et précise tout à la fois. Marcelle Ramonet, parmi d'autres, a relevé l'intérêt des choix qui avaient été faits concernant le principe de précaution.

Surtout, comme l'a souligné le président Pascal Clément, cette démarche consiste à concilier principes et objectifs de la Charte avec les autres principes contenus dans la Constitution.

Je voudrais clore ce débat sur une note résolument optimiste en répondant aux craintes qui se sont exprimées, en particulier sur l'opposition qu'il pourrait y avoir entre Charte de l'environnement et développement de la recherche et de l'innovation scientifique et technique.

M. François Sauvadet. C'est la vraie question !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Les capacités d'invention de l'homme, les forces d'innovation technologique qui ont marqué les révolutions industrielles du XIXe et du XXe siècle et causé des atteintes majeures à l'écologie, ces mêmes forces et ces mêmes capacités d'adaptation des sociétés humaines peuvent, si nous le voulons, être mises au service du développement de nouveaux modèles économiques, de nouvelles sources d'énergie, de nouveaux modes de consommation, bref, d'une organisation sociale post-industrielle respectueuse des équilibres fondamentaux.

En tant que ministre de l'écologie, et je rappelle que l'écologie est d'abord une science, je voudrais insister sur l'importance de la recherche scientifique. Il faut à ce sujet retenir trois idées simples : il n'y aura pas de progrès écologique sans progrès scientifique ; la Charte a vocation à stimuler la recherche, comme l'a si bien rappelé Didier Quentin ; plus largement, le développement durable suppose que l'innovation soit au cœur de nos préoccupations.

Il n'y aura pas de progrès écologique sans progrès scientifique : c'est bien à cause de l'énorme masse de connaissances accumulées depuis quelques décennies que nous avons compris l'ampleur des menaces. L'exemple du réchauffement climatique est, à cet égard, particulièrement significatif. Nous savons aussi que, sans de nouveaux progrès des connaissances, nous ne résoudrons pas les menaces écologiques. C'est par l'exploration de nouvelles solutions techniques, de nouvelles filières énergétiques, et pas seulement par une morale de l'abstention, que nous répondrons aux défis écologiques.

Or la Charte de l'environnement a justement vocation à stimuler la recherche. Elle comporte, vous le savez, un article 9, qui lui est spécialement dédié. Par ailleurs, l'article 5, relatif au principe de précaution, met en place une procédure très originale : les mesures de précaution doivent être transitoires, comme je le disais tout à l'heure, et s'accompagner d'un effort d'évaluation, c'est-à-dire d'un effort de progrès de la connaissance. La commission des lois s'est attachée à en améliorer la rédaction de façon à rendre manifeste la simultanéité de cet effort d'évaluation et de l'adoption des mesures de précaution. Autrement dit, chaque fois que l'on mettra en œuvre le principe de précaution, il y aura nécessairement une dynamisation de la recherche scientifique.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la Charte s'inscrit dans la perspective du développement durable, qui est visé à l'article 6. La commission des lois, cette fois encore, a cherché à rendre encore plus clair le fait que le développement durable repose sur trois piliers : l'environnement, le progrès économique et le progrès social. Ainsi - et plusieurs orateurs, notamment Christian Decocq, l'ont fort bien exprimé au cours des débats - ce n'est pas parce qu'on décide de protéger de façon beaucoup plus solennelle l'environnement que l'on renonce au progrès économique et au progrès social !

La recherche scientifique et l'innovation sont évidemment indispensables pour que ces progrès se poursuivent.

Ces observations montrent que, contrairement à certaines interprétations qui ont circulé au sujet de l'article 9 de la Charte, il n'est évidemment pas question que la recherche scientifique ne serve que l'environnement. Cela n'aurait d'ailleurs pas de sens.

Bref, comme Didier Quentin l'a fort bien exposé tout à l'heure, la Charte ne sera pas un frein à la recherche et à l'innovation, bien au contraire. J'espère avoir répondu ainsi aux inquiétudes exprimées par Jean-Pierre Giran. En effet, la précaution ne doit pas se confondre avec l'immobilisme.

M. François Sauvadet. Ah !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. À cet égard, M. Sauvadet a posé une question importante : l'avance que la France va prendre avec la charte ne va-t-elle pas mettre en danger sa compétitivité en Europe ? Un équilibre doit être trouvé entre ces deux objectifs : d'un côté, ne pas faire supporter à nos entreprises des contraintes excessivement plus lourdes que celles des autres pays européens ; de l'autre, chercher à se constituer en modèle international.

Je crois, monsieur Sauvadet, que nous sommes parvenus à trouver cet équilibre. Vous savez d'ailleurs que l'environnement est maintenant inscrit dans de nombreuses constitutions européennes. Et vous pouvez compter sur moi pour défendre à Bruxelles une conception exigeante de l'environnement, afin que la France ne soit pas seule à s'imposer des contraintes.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. En résumé, la Charte représente un point de départ pour l'avenir. Elle nous permettra de bâtir le droit de l'environnement. Comme l'a indiqué Jérôme Bignon, elle constitue une base sur laquelle une jurisprudence solide pourra se construire, et nous suivrons ainsi, selon l'expression de Michel Piron, un chemin de rationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. Francis Delattre. Plutôt que le renvoi du texte en commission, c'est plutôt une réunion du groupe qu'il devrait demander : il est tout seul !

M. le président. Laissez M. Chassaigne développer sa motion de procédure le temps qu'il voudra (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... à condition que cela reste assez court. (Sourires.)

M. Francis Delattre. De toute façon, il est biodégradable !

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais, avec cette motion, vous convaincre de la nécessité de renvoyer l'étude de ce texte en commission.

M. Charles Cova. Ça va être difficile !

M. André Chassaigne. Dans sa rédaction actuelle, l'article 5 de la Charte nourrit en effet trop d'incertitudes et d'incompréhensions que les différentes interventions ayant émaillé le premier jour d'examen de ce projet de loi constitutionnelle n'ont d'ailleurs pas levées, les orateurs de la majorité mêlant actes de foi et mauvaise foi (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), démonstrations laborieuses et envolées lyriques, certitudes juridiques et aveux de carence. (Mêmes mouvements.)

Le débat s'est en fait focalisé sur le principe de précaution et, surtout, sur ses modalités d'application concrète. C'est pourquoi je me limiterai à ce thème.

M. François Sauvadet. C'est le mot « limiterai » qui nous intéresse !

M. le président. Monsieur Sauvadet, limitez vos interventions !

M. André Chassaigne. Avant même l'examen de ce projet de loi, le principe de précaution avait pourtant déjà fait couler beaucoup d'encre. Au cours des années quatre-vingt-dix, il a traduit une volonté collective d'agir au niveau international dans le but d'éviter certaines évolutions dangereuses pour l'environnement. Les avancées réalisées en 1992 par le Sommet de la Terre de Rio en témoignent. Les textes issus de ce sommet ont en effet affirmé l'idée selon laquelle il ne fallait pas attendre le stade des certitudes scientifiques pour commencer à prévenir les risques menaçant l'environnement planétaire.

Tout cela ne prête guère à contestation sérieuse, et c'est bien pourquoi mon groupe parlementaire est favorable à l'inscription de ce principe dans notre constitution. Il peut en effet constituer une solide garantie contre les dérapages scientifiques que pourraient notamment commettre certains chercheurs inféodés à des multinationales avides de profits supplémentaires. Il peut aussi marquer la nécessaire reprise en main du politique, dont le silence, sur ce sujet, avait laissé les juges seuls, et bien souvent démunis, devant leurs obligations de dire le droit et de préciser la portée juridique d'un principe émergent en droit national comme en droit communautaire.

M. Francis Delattre. Qu'a fait la gauche plurielle ?

M. André Chassaigne. Je risque d'être beaucoup plus long si vous me coupez sans cesse la parole !

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Chassaigne. Je suis garant de votre temps de parole, et M. Delattre va comprendre l'intérêt de vous laisser parler tranquillement.

M. André Chassaigne. La suspension de la commercialisation du gaucho en est un exemple : face aux décisions des juges, le politique est parfois obligé de prendre ses responsabilités dans l'urgence. Mais encore eût-il fallu encadrer véritablement l'application du principe de précaution, et ne pas substituer à l'incertitude juridique actuelle une nouvelle incertitude, née de l'interprétation d'un texte constitutionnel qui reste, quoi que vous en dites, particulièrement équivoque.

M. François-Michel Gonnot. Oh !

M. André Chassaigne. Dans sa rédaction actuelle, l'article 5 de la Charte n'est pas satisfaisant, en particulier parce qu'il renvoie en définitive à la justice la responsabilité d'appliquer directement ce principe, sans pour autant l'encadrer clairement. En effet, contrairement à ce qui a été dit et répété, seule la justice sera à même de le mettre correctement en œuvre. L'article enlève donc à la représentation nationale la faculté d'en préciser, en toute transparence, les règles d'application. La justice n'est pourtant pas une institution démocratiquement élue, et ses compétences en matière scientifique sont pour le moins limitées et inégales d'une juridiction à une autre.

M. François Sauvadet. Certes !

M. André Chassaigne. Faut-il rappeler la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 relative à la taxe générale sur les activités polluantes, bel exemple d'une décision byzantine prise par des juges s'essayant à la connaissance scientifique ? La simple lecture des considérants est édifiante quant aux multiples manières dont ces derniers peuvent interpréter un texte. Je vous ferai grâce de leur lecture, mais je vous invite à vous y reporter : vous comprendrez à quelles extrémités peut conduire une tentative d'analyse scientifique menée par des gens ne disposant pas de la compétence nécessaire. Comment, dès lors, affirmer que les juges seront les mieux habilités à mettre en œuvre le principe de précaution tel qu'il est rédigé dans la Charte ?

Je le répète, ce serait une faute que de s'en remettre au juge en lieu et place du politique.

M. François-Michel Gonnot. Laissez donc les juges tranquilles !

M. André Chassaigne. Après avoir nié, lors des discussions au sein de la commission, la nécessité d'un renvoi à la loi, vous prétendez désormais que l'amendement « Pécresse-Delattre » suffira à limiter le risque de dérive vers un éventuel gouvernement des juges...

M. François-Michel Gonnot. Décidément, vous ne les aimez pas !

M. André Chassaigne. ...et redonnera, si nécessaire, la main au législateur.

Le président de la commission des affaires économiques le disait d'ailleurs hier : « J'ai moi aussi pensé qu'il fallait recourir à la loi, comme intermédiaire entre les citoyens et la Constitution. » Il ajoutait que l'amendement de la commission des lois résolvait en partie le problème.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est exact.

M. André Chassaigne. L'adoption de cet amendement permettra effectivement - et nous nous en félicitons - de faire entrer dans le domaine législatif les questions liées à l'environnement. Mais nous pouvons craindre que, simple affichage politique, il ne serve essentiellement à occulter le cœur du débat actuel, c'est-à-dire la question de savoir quelles seront précisément les modalités d'une application directe du principe de précaution.

En ne prévoyant pas le renvoi à la loi pour en définir la mise en œuvre, l'article 5 révèle en fait une méfiance, tout autant infondée qu'inacceptable, envers le Parlement, et plus généralement, la démocratie. Il suppose de facto l'incompétence, voire l'irresponsabilité, du Parlement, et donc la nécessité d'encadrer la démocratie par le simple énoncé d'un principe juridique à valeur constitutionnelle et d'application directe. Cet esprit, typique de certains intégrismes de l'écologie, ne peut nous satisfaire.

Le contenu même de cet article, surtout, mérite précision. Par exemple, la constatation d'une incertitude scientifique est un des préalables nécessaires avant qu'une autorité publique engage la mise en œuvre du principe de précaution. Cela va de soi. Mais qui aura alors compétence pour la constater ? Le juge administratif ? Le Gouvernement ? L'Académie des sciences ? Greenpeace ? Ou, pour vous faire plaisir, le MEDEF ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot. Ça suffit ! Ne sortez pas du sujet !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Provocateur !

M. André Chassaigne. Oh, nous recevons suffisamment de courrier de la part du MEDEF à l'occasion de ce projet de loi pour apprécier l'intérêt qu'il peut lui porter.

M. François-Michel Gonnot. Arrêtez avec le MEDEF !

M. André Chassaigne. Je constate que j'ai réussi mon effet !

M. François-Michel Gonnot. Vous n'avez rien réussi du tout !

M. André Chassaigne. Dans sa rédaction actuelle, l'article 5 ne permet pas de répondre à cette question, pourtant fondamentale. La nécessaire précision que devrait revêtir sa réponse l'empêcherait d'ailleurs de figurer en tant que telle dans la Constitution. C'est bien pourquoi il est essentiel de renvoyer à une loi ordinaire, voire à une loi organique, la détermination des règles de procédure préalables à la mise en œuvre du principe de précaution.

La question de l'évaluation des risques pose exactement le même type de problèmes. Je ne pense pas que la multinationale Monsanto ou la Confédération paysanne soient les plus à même d'évaluer les risques inhérents à la culture et à la consommation d'organismes transgéniques.

M. François-Michel Gonnot. Je ne vous le fais pas dire !

M. André Chassaigne. Et pourtant, nous avons un grand besoin, un besoin urgent d'évaluer réellement et objectivement ces risques. Mais qui aura compétence pour y procéder ? Le juge administratif ? Le Gouvernement ? L'Académie des sciences ? Greenpeace ? Le MEFEF ? (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est bien pourquoi il est inévitable de renvoyer à un code de procédure spécifique la détermination d'une éventuelle incertitude scientifique et l'évaluation des risques, comme ont pu le proposer le professeur Kourilsky, directeur général de l'Institut Pasteur, et Mme Viney, professeur de droit à la Sorbonne.

Mais la Constitution, nous le comprenons bien, ne peut pas, pour des raisons de forme, préciser ce que ces deux chercheurs, dans un rapport de 1999, ont appelé les « dix commandements » conditionnant un usage non abusif du principe de précaution.

M. François-Michel Gonnot. Après le MEDEF, c'est la Bible !

M. André Chassaigne. Il s'agit de dix principes de procédures susceptibles d'encadrer la réflexion et l'action.

Un : tout risque doit être défini, évalué et gradué.

Deux : l'analyse des risques doit comparer les différents scénarios d'action et d'inaction.

Trois : toute analyse de risque doit comporter une analyse économique qui doit déboucher sur une étude coût/bénéfices préalable à la prise de décision.

Quatre : les structures d'évaluation des risques doivent être indépendantes mais coordonnées.

Cinq : les décisions doivent, autant qu'il est possible, être révisables et les solutions adoptées réversibles et proportionnées.

Six : sortir de l'incertitude impose une obligation de recherche.

Sept : les circuits de décision et les dispositifs sécuritaires doivent être non seulement appropriés, mais cohérents et efficaces.

Huit : les circuits de décision et les dispositifs sécuritaires doivent être fiables.

Neuf : les évaluations, les décisions et leur suivi, ainsi que les dispositifs qui y contribuent, doivent être transparents, ce qui impose l'étiquetage et la traçabilité.

Dix : le public doit être informé au mieux et son degré de participation ajusté par le pouvoir politique.

Vous avez reconnu au cours de débats que la politique devait reprendre la main face à une justice contrainte aujourd'hui d'appliquer, sans cadre prédéterminé, ce principe de précaution. Voici d'ailleurs ce qu'a affirmé hier après-midi Pascal Clément, le président de la commission des lois, comme vous pouvez le lire à la page 27 du compte rendu analytique : « Enfin, si le législateur ne se saisit pas de la question, nous serons, pieds et poings liés, livrés aux experts. On le voit bien avec les OGM. Si nous ne fixons pas par le droit les règles du jeu, nous sommes obligés de nous en remettre aux experts. En constitutionnalisant le principe de précaution, nous prenons l'initiative de consulter l'expert et la décision, pour finir, nous appartient. » Tout à fait d'accord, il faut constitutionnaliser.

Pourtant, par une application directe d'une loi constitutionnelle imprécise, vous laisserez de fait la justice, démunie, interpréter ce principe et en fixer les procédures de mise en œuvre. Comment alors affirmer que la jurisprudence en la matière ne sera plus incertaine, que, pour reprendre les propos de la rapporteure, le principe de réduction réduira l'incompréhensible et l'inattendu ? Aussi est-il impératif que l'article 5 renvoie à la loi, ou, pourquoi pas, à une loi organique, la détermination des règles de procédure pour la mise en œuvre de ce principe.

Nous le savons tous, ce principe de précaution, mal défini, mal compris, mal apprécié, mal appliqué, pourrait favoriser la paralysie de toute recherche scientifique. Il semble même poindre, derrière la rédaction de l'article 5 de cette charte, une peur assez irrationnelle vis-à-vis de la science et du progrès. Comment n'assimiler le progrès technique que comme un risque, même potentiel, sans jamais faire référence aux avantages qu'il procure, pour l'homme comme pour notre environnement ?

Pour prendre un exemple, l'assèchement d'un marais constitue bel et bien un dommage qui affecte notre environnement, la nature, et qui détruit tout un écosystème, mais c'est surtout un moyen de sauver des milliers de vie en prévenant le développement du paludisme. N'oublions pas que les quatre cinquièmes de l'humanité sont potentiellement concernés par cette maladie qui provoque trois à quatre millions de morts chaque année.

M. François Sauvadet. Eh oui !

M. André Chassaigne. La seule référence aux dommages faits à l'environnement, dans cet article, traduit bien le déséquilibre de la rédaction qui nous est présentée.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. André Chassaigne. Nous savons bien que certaines organisations militantes attendent le vote de cette charte pour en faire une sorte de droit au risque zéro, pour bloquer les innovations qui leur déplaisent. Même si l'article 5 n'intègre pas les questions relatives à la santé, l'exemple donné par M. Tubiana, président honoraire de l'Académie nationale de médecine, sur les avatars de la vaccination de l'hépatite B en France, est tout à fait révélateur de l'absurdité de la quête vers le risque zéro. Sous prétexte d'éviter l'occurrence potentielle de scléroses en plaque, et sous la pression d'associations se prévalant du principe de précaution, le Gouvernement a dû prescrire la non-vaccination contre l'hépatite B dans les écoles. Aujourd'hui, eu égard à la méfiance des citoyens à l'égard de ce vaccin, et bien qu'il ait été prouvé que cette vaccination n'avait aucune responsabilité dans l'apparition de scléroses en plaque, la vaccination de l'hépatite B en France est, de fait, arrêtée, et l'on peut estimer que cette absence de vaccination conduit à 200 morts supplémentaires par génération.

De façon symétrique, différents cercles influents, notamment dans les milieux industriels, brandissent l'autorité de la science, qu'ils instrumentalisent volontiers d'ailleurs, pour donner à croire que ce principe serait foncièrement antagoniste avec tout progrès des connaissances ou toute innovation technologique.

Bien entendu, ces « amis » de la recherche scientifique, taisent leur conception du progrès technique qui fait plus souvent le choix du profit que celui de l'homme. La toute récente suspension du moratoire sur les organismes transgéniques en Europe traduit bien les dérives d'une science au seul service des intérêts des multinationales, au mépris de l'intérêt des peuples.

Nous avons tous ici, j'espère, une conception rationnelle du principe de précaution, qui interpelle la recherche scientifique plutôt qu'elle ne la paralyse. Comme a pu le résumer le Conseil économique et social, « le principe de précaution est donc un principe d'action, dans le cas de risques graves, irréversibles et coûteux pour notre société. On vit dans l'incertitude, et il faut bien décider. Il s'agit de sortir de l'incertitude par une décision. »

Seulement, force est de constater que la rédaction actuelle de l'article 5 est, sur ce point, équivoque. Elle laisse subsister trop de doutes et de divergences d'appréciation pour constituer le cadre politique et juridique clair d'application du principe de précaution, ce qui signifie que cette rédaction n'est pas satisfaisante en l'état. Aussi, il est nécessaire de la clarifier et donc de l'amender, notamment en prévoyant un renvoi à la loi. J'espère que nous en aurons le pouvoir, et que notre rôle, ici, ne se limitera pas à voter un texte écrit et finalisé en d'autres lieux. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est bien pourquoi, aussi, il me paraît important que nous puissions, en commission, discuter franchement de cet article, afin de chercher un compromis, qui prenne en compte les interventions faites dans la discussion générale. Ce n'est pas à l'Élysée, mais bien au Parlement, qu'il revient de voter cette charte. C'est bien le sens de ce renvoi en commission.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. En m'adressant à M. Chassaigne, je répondrai aussi par avance aux objections de ceux qui ne veulent pas une application directe du principe de précaution.

Cela dit, monsieur Chassaigne, demander le renvoi d'un texte en commission, c'est estimer que nous n'avons pas assez travaillé. D'après ce que me disent le président de la commission, Patrick Ollier, et le rapporteur, Martial Saddier, il y a eu plus de quatre heures de délibérations en commission des affaires économiques, auxquelles, je suppose, vous avez participé activement.

M. André Chassaigne. Oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La commission des lois, saisie au fond, chargée de préparer le travail de l'Assemblée nationale, s'est réunie un peu plus de quatre heures et demie. Nous vous avons reçu, avec quelle joie, et je salue votre participation active, ne serait-ce que ce matin, lorsque la commission s'est réunie au titre de l'article 88. Je dois dire d'ailleurs, puisque vous souhaitiez faire réagir l'hémicycle en parlant du MEDEF comme l'un des grands inspirateurs de cette majorité, que nous avons eu la surprise, Mme la rapporteure, Nathalie Kosciusko-Morizet, et moi, de découvrir l'un de vos amendements, qui était identique à celui du MEDEF. (Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Mimétisme !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bas les masques !

M. Charles Cova. MEDEF, PC, même combat !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. À force d'en parler, il y a comme une espèce de transmission de pensée entre le MEDEF et vous. Bref, balle au centre, et on n'en parle plus !

Venons-en au fond. Oui ou non, avons-nous raison de faire en sorte que l'article 5 de la charte soit d'application directe ?

M. François Sauvadet. C'est un vrai débat !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le débat. Comme des amendements de M. Garrigue et d'autres collègues portent sur ce point, je voudrais y revenir, ce qui me permettra d'être plus bref dans le débat, et j'aimerais que chacun fasse preuve d'honnêteté intellectuelle et essaie de comprendre.

M. André Chassaigne. Nous sommes de bonne foi !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'en suis sûr vous concernant !

M. Bernard Deflesselles. De part et d'autre !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tout à fait ! Il n'y a pas de raison que l'UMP ne soit pas de bonne foi, j'ai même tendance naturellement à penser qu'elle est de bonne foi.

Attention, disent ceux qui critiquent la Charte de l'environnement, si vous constitutionnalisez le principe de précaution, vous aurez une inflation du contentieux judiciaire et une grande liberté sera laissée au juge. Oui à la Constitution, disent M. Chassaigne et d'autres, mais surtout pas à l'application directe de l'article 5.

Prenons donc l'hypothèse que vous recommandez et renonçons à une application directe de l'article 5. L'article 174 du traité de Maastricht prévoit très clairement que le principe de précaution doit inspirer les politiques nationales en respectant les particularités des pays. Le Conseil de Nice a explicité cet article et va beaucoup plus loin. Il dit carrément qu'il faut suivre la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et que le principe de précaution doit s'appliquer non seulement à l'environnement, comme nous l'avons prévu dans l'article 5, mais aussi aux questions de santé et de protection des consommateurs.

Ceux qui ne veulent pas d'application de l'article 5 souhaitent donc, je le dis clairement, que nous étendions le principe de précaution, comme nous le demandent la Cour de justice des Communautés européennes et le Conseil de Nice, à partir de l'article 174 du traité de Maastricht, à la santé et à la protection des consommateurs. D'habitude, ils veulent moins d'obligations et ils en auront beaucoup plus. Croyez-nous, je vous en supplie.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est très convaincant !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous nous demandez de ne pas laisser la bride sur le cou au juge, mais, si on vous suit, ce sont précisément le juge européen et le juge national qui, de jurisprudence en jurisprudence, définiraient le principe de précaution. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il a raison !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Selon la loi Barnier, article L.110-1 du code de l'environnement, les actions de la politique de l'environnement doivent s'inspirer du principe de précaution. Dans l'article 5, nous le définissons précisément. Il doit s'agir d'un dommage dont la réalisation pourrait affecter l'environnement de manière grave et irréversible. Nous prévoyons des mesures provisoires et proportionnées ainsi que des procédures d'évaluation des risques, soit du bon sens et de la prudence. C'est ça, l'article 5, ce n'est pas autre chose.

Bref, monsieur Garrigue et tous ceux qui veulent soutenir un amendement supprimant l'application directe, si l'on vous suit, on accepte que le principe de précaution s'applique à la santé et à la protection du consommateur comme le recommande le Conseil de Nice.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce n'est pas possible !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Seule la Constitution pourra nous protéger contre une telle extension du principe de précaution, que l'on trouve déjà dans un certain nombre de décisions européennes qui, je le rappelle, renvoient la définition à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. C'est ça le débat.

Pour moi, monsieur Chassaigne, c'est un débat de société qui doit rassembler tous ceux d'entre nous qui ont conscience, en tant que parlementaires, de la responsabilité qu'ils ont de préserver notre belle planète pour eux-mêmes et leurs enfants, et je ne veux absolument pas être partisan. Je voudrais donc vous convaincre que ce serait une extraordinaire protection sur le plan juridique, et que cela permettrait au législateur de tenir tout son rôle, surtout si l'on tient compte de l'amendement de M. Delattre et de Mme Pecresse, qui est d'ailleurs strictement identique à un amendement de M. Caresche. Nous sommes donc rassemblés en cette affaire. Je demande sincèrement à ceux qui ne veulent pas d'application directe de l'article 5 de comprendre que ce serait une grande erreur juridique. C'est vraiment la sécurité que de donner au législateur et à la France les moyens de définir une vraie politique pour l'environnement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J'ai été choqué d'entendre parler d'un « amendement MEDEF ». Dois-je rappeler que le droit d'amendement est un droit qui appartient à tout député et au Gouvernement, et à aucun autre, institution, personne morale ou physique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. Voilà un excellent président !

M. le président. Mes propos n'appelaient pas de commentaire.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe UMP.

M. Francis Delattre. Je voudrais essayer, avec modestie, de compléter l'argumentation juridique du président de la commission des lois à propos de notre amendement, dont le texte fait l'objet d'un large accord.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt nos collègues de gauche - je veux parler de ceux qui débattent sincèrement, monsieur Chassaigne, ce qui n'était pas le cas de votre collègue Braouezec hier - parce qu'ils ont fait des remarques justes, et exprimé des interrogations que nous partageons largement sur ces bancs.

On nous dit que notre amendement ne réglera que partiellement le problème. Il n'en reste pas moins que si la préservation de l'environnement ne figure pas au nombre des compétences de l'article 34 de la Constitution, il ne sera pas possible de voter une loi organique en la matière. En effet, dans sa dernière phrase, l'article 34 prévoit le recours à une loi organique pour la mise en œuvre de ces compétences.

Je l'ai dit hier très clairement : les points qui suscitent vos interrogations ont été débattus aussi au sein de l'UMP. Il est hors de doute qu'on va voir fleurir un contentieux dans un premier temps : c'est la vie ! Mais il est tout aussi certain que les responsables auront ensuite le souci d'encadrer plus précisément le principe de précaution. Cette inscription de la préservation de l'environnement à l'article 34 vous permettra, monsieur le ministre, de nous soumettre dans peu de temps un projet de loi organique. Il sera temps alors d'examiner la situation et de remédier s'il y a lieu aux abus ou aux dérapages.

Et on sait bien qu'il y a des risques de dérapage. Vous avez raison de souligner que les juridictions, n'étant pas à même de se livrer elles-mêmes à une expertise scientifique, nommeront des experts, et que leur décision sera en réalité une « codécision ». Comment nier que cela pose un problème du point de vue démocratique ? On sait comment cela se passe parfois : une expertise devient en effet une « prédécision » de justice parfois fort contestable. Voilà le type de problèmes que nous aurons probablement à régler.

Vous nous parlez des risques de paralysie de la recherche et du progrès. À voir le débat qui divise aujourd'hui l'opinion en « anti » et « pro » OGM, je crois que la recherche scientifique a plus à perdre dans ce type de débat médiatique mal conduit, dans ces faux procès conduits dans des studios de télévision, où l'on n'instruit pas à charge et à décharge, si j'ose dire. Il n'y a qu'au Parlement qu'on peut mener un débat équilibré, où les thèses s'affrontent démocratiquement et qui mène éventuellement à un consensus en faveur de la meilleure solution.

Vous voyez, cher collègue, que nos positions ne s'opposent pas tant que cela. Dans la mesure où nous partageons largement sur les bancs de cette assemblée le diagnostic et le choix des remèdes, le renvoi en commission n'est pas nécessaire à mon avis.

M. François Brottes. Il s'impose au contraire !

M. Francis Delattre. Je donne donc, comme hier, rendez-vous au ministre dans un an ou deux, pour l'examen d'un projet de loi organique qui nous permettra de faire le point de la situation. Mais si vous refusez aujourd'hui de voter notre amendement, il ne sera plus possible ensuite de voter une loi organique sur les questions d'environnement.

Voilà pourquoi, mon cher collègue, même si nous partageons sur beaucoup de points votre analyse pertinente, nous voterons contre votre motion de renvoi en commission.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Avec cette motion de renvoi en commission, nous sommes finalement au cœur du sujet, qui est le principe de précaution. Je donnerai donc le sentiment du groupe socialiste à ce stade.

Ce débat a l'intérêt de faire apparaître des éléments nouveaux, apportés notamment par le Gouvernement, les rapporteurs ou les présidents de commission. On a le sentiment que plus on approfondit cette question du principe de précaution, plus les interrogations se renforcent.

Et voilà, monsieur Clément, que vous nous expliquez que l'introduction du principe de précaution dans la Constitution serait en fait un rempart contre le droit communautaire ou les traités internationaux. On peut admettre cette explication, mais je ne suis pas certain que cela corresponde à l'intention réelle du Président de la République quand il a voulu que ce principe soit introduit dans la Charte de l'environnement.

Mme Valérie Pecresse. C'est la nôtre !

M. Christophe Caresche. D'autant que, vous l'avez dit, il s'agit d'un principe d'action.

Les interrogations demeurent donc, et d'abord quant au champ d'application du principe. Sur ce point, les propos de M. Ollier ne manquaient pas d'intérêt : s'il nous a dit ce que n'était pas le champ d'application de ce principe, il ne nous a pas dit ce qu'il était.

Subsistent aussi les interrogations concernant les procédures. J'avais, dans le cadre de la question préalable, posé la question du statut de l'expertise. Il est vrai que des précisions assez intéressantes sont apportées à la formulation du principe de précaution, notamment quant aux conditions de sa mise en œuvre. Il n'y a pas cependant de définition suffisamment précise du statut de l'expertise.

M. Francis Delattre. Cela ne peut pas se trouver dans un texte constitutionnel !

M. Christophe Caresche. Je reconnais, monsieur Delattre, l'intérêt de votre proposition concernant l'article 34 de la Constitution, d'autant que c'est la même que la nôtre. Mais elle ne résout que très partiellement la question, puisqu'elle ne contraint pas le Gouvernement à présenter au législateur un projet de loi qui permettrait de clarifier ces points. Or j'ai l'impression que c'est quand même ce que nous souhaitons, les uns et les autres et, pour ma part, je considère que c'est au législateur d'apporter des définitions claires, et non au juge constitutionnel.

M. François Brottes. Très bien !

M. Christophe Caresche. L'amendement qui prévoit d'inscrire dans l'article 34 de la Constitution que l'environnement relève du domaine législatif est certes intéressant, mais il ne règle pas totalement la question.

Il y aurait une solution assez simple, qui serait que le Gouvernement nous présente assez rapidement - voire pendant la navette, puisque nous ne sommes qu'au stade de la première lecture - un projet de loi qui permette au législateur de se prononcer sur la définition et les conditions d'application du principe de précaution. Je crois que cela suffirait à lever nombre des interrogations et des préventions qui s'expriment aujourd'hui.

M. François Brottes. Il fallait même commencer par là !

M. Christophe Caresche. Je crois honnêtement qu'après que nous avons travaillé des mois sur ces questions, nous pouvons dégager des points d'accord entre nous et clarifier ainsi ce principe de précaution.

Dans l'attente de savoir si notre proposition est agréée, le groupe socialiste votera l'amendement n° 69 de nos collègues communistes, qui renvoie au législateur le soin de définir les conditions de mise en œuvre du principe de précaution, comme cela est explicitement prévu en ce qui concerne les autres principes contenus dans la Charte de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, l'UDF ne pense pas qu'il faille retourner en commission. Comme l'a rappelé le président de la commission des lois, le débat dure depuis plusieurs mois et il ne s'est pas limité à l'enceinte où nous nous sommes retrouvés pour évoquer les difficultés.

Je reconnais très clairement, monsieur Chassaigne, que les questions que vous soulevez ont été débattues à l'intérieur de chacun des groupes. Ce fut le cas notamment de la question de la stricte application du principe de précaution, avec les risques de dérives qu'elle comporte. Car c'est de cela qu'il s'agit, et personne ne remet en cause le principe de précaution en lui-même. C'est un élément majeur que nous devons prendre à compte dans le souci que nous avons tous, et que nous devons tous avoir, de concilier le progrès de la recherche et la préservation de notre patrimoine commun. Voilà un point qui nous rassemble aujourd'hui.

La vraie question est celle de la direction que nous devons suivre.

Je voudrais vous dire, monsieur Clément, que je ne souscris pas à toutes vos analyses, notamment lorsque vous présentez ce texte, que nous sommes appelés à voter, adossé à la Constitution comme un rempart face à des initiatives européennes. Je répète aujourd'hui ma conviction sur ce point : l'Europe ne pèsera pas sur l'évolution de l'ordre du monde si elle ne partage pas la même vision de la protection de l'environnement, et notamment de l'application d'un principe de précaution. Faute d'avoir harmonisé nos politiques dans ce domaine, nous avons à faire face à des situations insolubles, pour les producteurs eux-mêmes, pour les filières agricole et agroalimentaire. Cela nous interdit de surcroît la possibilité d'apporter des garanties suffisantes, notamment en matière de sécurité alimentaire. J'en veux pour preuve les préconisations de sécurité alimentaire et agricole imposées à nos producteurs face au risque de grippe aviaire, pour reprendre un exemple que j'ai déjà donné, n'étaient pas partagées par d'autres pays. Or les produits concernés sont importés librement en France sans que nous ayons des garanties sur les conditions de leur production ou sur la préservation de l'environnement. Voilà pourquoi, monsieur le président Clément, j'insiste beaucoup sur le fait que la France doit jouer un rôle moteur en Europe sur cette question.

Je ne suis pas certain d'autre part que l'application stricte et directe de l'article 5 de la Charte nous évitera le risque d'une judiciarisation au plan européen. J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le garde des sceaux nous donner des assurances quant à la méthode de travail, qui devra intégrer une réflexion sur la définition du principe de précaution au niveau européen. Le futur traité constitutionnel européen, dont la négociation entre dans sa dernière phase au mois de juin, comportera en effet des précisions en la matière. Une fois que cette Constitution sera adoptée - j'espère que ce sera par la voie du référendum - ces normes s'imposeront à nous. Il y a donc là aussi matière à s'interroger.

Je souhaite donc, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, que ce débat soit pour nous l'occasion d'aller très au fond sur cette question essentielle. Il ne faut pas le réduire au problème de savoir si les uns sont plus engagés dans la protection de l'environnement que les autres. Sur ces questions essentielles, puisqu'elles concernent l'avenir de nos enfants et la protection de la planète, c'est tous ensemble que nous devons rechercher les voies du consensus. Et si des interrogations continuent de s'exprimer, il faut qu'elles soient levées autant qu'il est possible. Sur un tel sujet nous devons nous éloigner des rives politiciennes, pour n'obéir qu'au souci de répondre aux attentes de nos compatriotes.

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, inscrit sur l'article 1er.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen du premier article du projet de loi me donne l'occasion de formuler une remarque qui porte sur la rédaction, mais surtout sur le fond de la Charte.

Loin de m'y opposer, je me réjouis au contraire de ce que le droit de l'environnement, ou le droit à l'environnement, devienne un droit constitutionnel. Mais la formulation retenue pour cette insertion dans la Constitution est pour le moins malheureuse, si elle n'est révélatrice d'une conception qui culpabilise le citoyen autant qu'elle oblige la puissance publique.

En effet il est ici question des droits et des devoirs. Toute notre tradition républicaine constitutionnelle vise à définir des droits fondamentaux pour les citoyens, qui obligent d'abord l'État, et la puissance publique en général, à son égard, et qui encadrent l'action du législateur. Si des charges en résultent pour les citoyens, elles découlent de la définition des droits, et ne sont jamais placées sur le même plan.

Sur la vingtaine de constitutions que la France a connues depuis 1789, une seule, la Constitution de l'an III, celle du Directoire, met sur le même plan les droits et les devoirs du citoyen. Historiens comme publicistes s'accordent à délivrer au texte de 1795 la palme de la médiocrité dans l'expression et de la confusion dans les principes. Et voilà que nous lui faisons aujourd'hui concurrence. Je veux citer à cet égard la formule célèbre : « Nul n'est bon citoyen, s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux. » Peut-être faudrait-il compléter cette formule brillante, en précisant « et s'il ne trie pas bien ses ordures ménagères » ou « s'il ne fait pas vérifier le bon fonctionnement du carburateur de son automobile ».

Parler ainsi de « droits et devoirs » n'est pas neutre : cela révèle une certaine conception du rôle de l'Etat et du citoyen.

Dans le cas de l'environnement, le recours à cette notion de droits et de devoirs me paraît particulièrement malheureux. La qualité de notre environnement dépend en effet beaucoup plus de l'action collective de l'État et des règles générales que du comportement individuel des citoyens. Même si, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le civisme est important, ce ne sont pas ses manifestations ponctuelles et individuelles qui peuvent améliorer durablement et sérieusement l'environnement : ce sont des lois et des politiques publiques.

Dans ces conditions, situer la Charte des droits et des devoirs − quel vocabulaire ! − au même niveau que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 me paraît à tout le moins une erreur manifeste d'appréciation.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 71.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à rattacher la Charte de l'environnement non pas au préambule, mais à l'article 1er de la Constitution. En effet, le préambule de la Constitution, qui n'a jamais été modifié depuis son adoption par voie de référendum, précise que c'est « le peuple français » qui est concerné. Or la représentation nationale n'est pas « le peuple français ». Elle le représente − ce qui, pour elle, est une grande fierté − mais n'a pas vocation à se substituer à lui.

L'article 3 de la Constitution établit une distinction claire et juste entre le peuple et ses représentants. Tous ont une égale légitimité, mais ils ne se confondent pas. Partant, le Parlement n'a pas qualité pour faire parler le peuple et ne l'a jamais fait. Or c'est bien le peuple qui s'exprime dans le préambule, et non ses représentants.

Du reste, chaque fois que la formule « le peuple français » a été employée dans un texte constitutionnel, c'est que le peuple français lui-même l'avait adopté par voie référendaire. Ainsi, la Déclaration de 1789, qui fait référence aux « représentants du peuple français » n'a pas été soumise à référendum, pas plus que la Constitution du 3 septembre 1791, qui commence par les mots « L'Assemblée nationale voulant établir la Constitution française » et ne cite pas le « peuple français ». En revanche, la Constitution du 24 juin 1793, adoptée par référendum en juillet de la même année, évoque le « peuple français ». Pour la IIe République, la Charte constitutionnelle du 4 novembre 1848 − qui s'ouvre sur la formule : « Au nom du peuple français, l'Assemblée nationale a adopté » − n'a pas été soumise à référendum, alors que, pour la IVe République, la Constitution du 27 octobre 1946 − qui a recours à la formule : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français » − a été adoptée par le référendum du 13 octobre 1946. Enfin, la Constitution du 4 octobre 1958, qui déclare que « Le peuple français proclame », fut adoptée par référendum, le 28 septembre 1958.

M. Jean Lassalle. C'est laborieux, mais c'est juste !

M. Christophe Caresche. On voit donc très clairement que, chaque fois que le peuple français est cité dans un texte constitutionnel, c'est parce que la voie référendaire a été privilégiée. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans ce cadre-là, mais dans celui d'une discussion parlementaire. Il me semble donc que le fait d'adosser la Charte de l'environnement à l'article 1er du préambule de la Constitution est une forme d'usurpation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Caresche. Je me contenterai de rappeler l'article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Cette phrase suffit, je crois, à prouver que l'amendement est superfétatoire.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 71.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission est défavorable à l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 48 et 44.

Ce sont deux amendements d'actualisation ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. En effet.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Oui, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement ne s'y oppose pas...

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 48 et 44.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, inscrit sur l'article 2.

M. Paul Giacobbi. Sans anticiper sur l'examen des amendements, je voudrais faire trois remarques générales sur l'article 2 du projet, et donc sur l'ensemble de la Charte.

Le texte mélange trois catégories de dispositions : celles qui n'ont aucune portée juridique, ne créant pas vraiment de droit, en tout cas pas d'obligations opposables − ce sont les articles 8, 9 et 10 − ; celles qui posent un principe et créent un droit d'application directe − les articles 1er, 2, 5 et 6 − ; et celles qui posent un principe et prévoient son encadrement par la loi. À tout le moins, ces dispositions de portées différentes auraient pu être classées dans ces trois catégories de manière relativement claire.

Je m'interroge d'autre part sur une incohérence née du rapprochement de deux articles. L'article 1er de la Charte proclame en effet le droit pour chacun de vivre dans « un environnement équilibré et favorable à sa santé » − formulation curieuse, qui semble préconiser que l'environnement ait systématiquement des vertus thérapeutiques. Mais, à l'article 5, l'introduction du fameux principe de précaution semble ne pas concerner la santé humaine, puisque, dans son avis, la commission des affaires économiques dresse un tableau dans lequel elle explique, à propos des « rejets polluants dans l'environnement, pouvant affecter la santé humaine », que « le champ de la santé humaine est exclu du champ de l'article 5 de la Charte ».

J'aimerais comprendre pourquoi l'article 1er proclame que chacun a droit à un environnement favorable à sa santé, alors que, dans l'article 5 − en tout cas dans l'exégèse qui en est faite −, on nous dit précisément l'inverse, à savoir que le principe de précaution ne s'applique pas pour les questions de santé publique. La santé paraît pourtant un motif fondamental dans notre intérêt pour l'environnement. Notre préoccupation première est bien de préserver la santé et d'assurer la survie de l'espèce.

Enfin, j'admire que, après avoir argué de l'importance du principe de précaution, de sa nature procédurale, le rapport explique pourquoi il est inutile, voire dangereux, de le définir. Pourquoi un principe procédural ne serait-il pas défini avec précision ? La comparaison avec le droit de propriété est évidemment absurde. Depuis deux mille ans, le droit de propriété est défini de manière universelle − l'usus, le fructus, l'abusus − et le constituant de 1789 n'avait nul besoin de définir ce qui était déjà fort connu, et depuis si longtemps. En revanche, il me paraît hasardeux de se dispenser de définir un droit qu'une partie importante de la communauté scientifique ne comprend pas et redoute, de même qu'une partie de l'opinion politique, et devant lequel les juristes restent généralement pantois.

Quand on examine l'article 5 d'un peu plus près, on a le sentiment que, en réalité, il est composé de deux parties. La première est assez bien rédigée, même si cette rédaction finit par limiter à pas grand-chose les cas d'application du principe, comme certains règlements tarifaires qui offrent des réductions spectaculaires à des conditions rarissimes : on réduit par exemple le tarif pour les veuves de guerre de moins de trente ans. (Sourires.) On peut en trouver, mais elles sont tout de même rares. Mais, ensuite, le simple fait de dire que cette procédure, qui est assez rigoureuse et même très limitative, découle d'une application du principe de précaution consiste, me semble-t-il, à donner à ce principe, indépendamment de toute autre considération relative à l'environnement, une consécration constitutionnelle générale. Cela revient donc, d'une manière ou d'une autre, à créer un principe constitutionnel général, même si l'on en précise et encadre très strictement l'application en ce qui concerne l'environnement, et il se pourrait que, demain, l'on commence à l'invoquer dans d'autres domaines, sans qu'on l'ait véritablement encadré.

Je peux me tromper, mais j'ai le sentiment que, sans la référence au « principe de précaution », l'article se comprendrait assez bien, même si, à mes yeux, il est excessivement limitatif. On a évoqué à ce propos « l'effet artichaut ». (Sourires.) On doit cette drôle de formule au professeur Favoreu.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est du Coluche !

M. Paul Giacobbi. Cet article serait donc le cœur de l'artichaut. L'image me paraît excellente : ne dit-on pas que le cœur de l'artichaut est tendre ? Et, en effet, ce cœur est un peu mou et presque insipide.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il y a aussi du foin dans les artichauts ! (Sourires.)

M. Paul Giacobbi. Il y en a même beaucoup, et, en effet, tout cela fait un certain foin. (Sourires.)

Avant de siéger à l'Assemblée, je croyais naïvement que les lois devaient être claires et précises, d'autant plus qu'elles étaient élevées dans la hiérarchie des normes. Je me demande si ce n'est pas le contraire. Le présent texte constitutionnel reste flou, parfois incohérent, de portée variable et souvent incertaine. L'environnement méritait mieux.

La formulation de l'article 6 de la Charte est très intéressante pour le député d'une île pour laquelle la qualité de l'environnement est un atout économique essentiel, pour ne pas dire unique. C'est personnellement avec une grande attention que je veillerai − avec d'autres, sans doute − à ce que l'affirmation constitutionnelle soit suivie, sur ce point, de développements législatifs qui pourraient concerner la Corse, et en particulier la protection de son littoral.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 49 et 45.

Ces amendements, qui visent à remplacer « 2003 » par « 2004 », sont défendus.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Permettez-moi de vous dire que je ne comprends pas très bien pourquoi il faut mettre une date. À l'origine, on ne parlait que de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et c'est après coup qu'on l'a dénommée « Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

Si, par extraordinaire, nous ne pouvions pas voter la Charte en 2004, cette mention nous créerait un problème.

Mais ce n'est pas grave. Même si la date n'apporte rien, vous avez eu raison, madame Kosciusko-Morizet, de déposer cet amendement proposant de la modifier.

Je suis saisi d'un amendement n° 87.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Je propose une nouvelle rédaction de plusieurs alinéas de l'article 2.

On a dit tout à l'heure que l'écologie était une science. C'en était une, en effet, avant qu'elle ne devienne un véritable dogme, très dangereux. Je ne comprends pas comment mes amis Patrick Ollier et Pascal Clément − ce dernier ayant démontré en l'occurrence tous ses talents d'orateur − ont pu sombrer dans un tel angélisme pour nous encourager à mettre cette Charte au point.

M. le président. Je serais surpris que M. Ollier tombe dans un angélisme. Ce n'est pas son genre. (Sourires.)

M. Jean Lassalle. Il s'agit pourtant bien d'angélisme, monsieur le président. J'ai été président du parc national des Pyrénées...

M. Franck Gilard. C'est lui, l'ours ! (Rires.)

M. Jean Lassalle. ...comme M. Ollier a été président du parc national des Écrins. Depuis vingt-sept ans que je suis élu, chaque fois que j'ai entendu parler d'écologie, c'était, chez nous, pour réduire l'activité des hommes. J'aurais préféré que nous parlions plutôt de patrimoine.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. On en parle !

M. Jean Lassalle. Le patrimoine, c'est ce qui nous vient du père et ce que nous léguons au fils. L'environnement est devenu l'enjeu d'un combat, et ce combat nous dépossède. C'est pourquoi je suis inquiet. Il faut lire longtemps la Charte avant d'y trouver l'homme, et je me méfie de toutes les idéologies qui placent l'homme au second plan : avec elles, ça s'est toujours très mal terminé.

Je propose donc une rédaction différente, pour apporter un peu plus d'humanisme à ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Les « considérants » ont fait l'objet de très longues discussions au sein de la commission Coppens et lors des auditions de la commission des lois. Elles ont donné lieu à des oppositions très vives, notamment au sein de la commission Coppens, en particulier entre tenants du créationnisme et tenants de la philosophie évolutionniste : l'homme a-t-il été créé ou est-il le fruit d'une évolution ?

Ces tensions très vives ont finalement débouché sur un texte, je crois, assez subtil et ayant le mérite d'être très équilibré. Et sans doute, en ces matières, faut-il éviter une certaine improvisation. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. L'amendement n'apporte pas d'idée résolument différente, mais plutôt de la complexité, notamment avec le terme de « biosphère », lequel pourrait poser des difficultés d'interprétation.

C'est pourquoi notre avis est défavorable.

J'ajoute à l'intention de M. Lassalle que, c'est vrai, pour nos concitoyens, l'environnement apparaît très souvent comme une source de contraintes et a une connotation négative. Mais l'écologie est une science et, M. Lassalle l'aura remarqué, aujourd'hui, mon ministère s'intitule « ministère de l'écologie et du développement durable » et est justement placé dans une perspective positive.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. Christophe Caresche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour un rappel au règlement.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, nous abordons l'examen des amendements, qui ne sont pas des amendements de forme. Or, à la reprise de la séance, nous avons constaté que beaucoup d'entre eux avaient été retirés.

Je vous demande donc une suspension de séance d'un quart d'heure afin que mon groupe puisse examiner la situation nouvelle qui en résulte.

M. le président. Monsieur Caresche, vous faites allusion aux amendements de M. Gonnot, c'est bien cela ?

M. Christophe Caresche. Absolument, monsieur le président.

M. le président. M. Gonnot étant souffrant, il a retiré ses amendements.

M. Christophe Caresche. Nous souhaiterions simplement avoir un peu de temps afin d'étudier les choses !

M. le président.. Soit ! Nous reprendrons la discussion à dix-huit heures vingt-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en revenons aux amendements à l'article 2.

Je suis saisi d'un amendement n° 73.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Il s'agit, au sixième alinéa de l'article 2, d'insérer, après le mot « patrimoine », les mots « naturel et culturel ».

En effet, notre débat d'aujourd'hui met en relation l'homme, qui est un être de culture, et la nature. Nous avons hérité de nos pères un patrimoine à la fois naturel « et » culturel. Ce sont donc les interactions qui nous intéressent.

Le développement durable se définit autour de trois piliers : économique, environnemental et social. Et s'agissant du « social », on entend dire qu'il faut y rajouter le culturel. Le culturel est donc exclu et implicite dans le développement durable.

Or, de nouveau, ici, dans une loi sur l'environnement, on parle du patrimoine et, implicitement, on exclut le culturel. Pourtant, un paysage, par exemple, c'est exactement l'interaction du naturel et du culturel.

Voilà pourquoi, puisque nous sommes dans les considérants et que la France soutient le projet de convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, nous proposons de rajouter « naturel et culturel ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Ce point a été soulevé lors des auditions, en particulier à propos des paysages, mais il est apparu que la précision était inutile puisque la question des paysages, comme d'autres, traversait l'ensemble des considérants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. François Brottes. Monsieur le président, puis-je répondre à la commission ?

M. le président. Comme je suis un libéral, je vous donne la parole, cher collègue. (Sourires.)

M. François Brottes. Vous êtes surtout président.

Madame la rapporteure, cela fait déjà deux fois que vous répondez de la même manière : la commission, très en amont, ayant réfléchi, elle a tranché, et puis circulez, il n'y a rien à voir !

M. Christophe Caresche. M. Brottes a raison !

M. François Brottes. Pardonnez-moi cette expression un peu triviale, mais ce qui serait intéressant, c'est d'avoir votre avis sur la question, et non pas celui qui aurait été émis dans une autre instance. Nous sommes là pour débattre et faire la loi. Il serait plus digne que l'explication ne consiste pas seulement à dire ce que d'autres ont pensé à votre place !

M. le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 61.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Il s'agit par cet amendement d'insister sur le grave problème de l'épuisement des ressources naturelles, préoccupation que nous partageons tous.

Le débat sur l'épuisement des ressources naturelles a toute sa place dans la Charte de l'environnement. Pourtant, aucune mention n'est faite de cette question qui aura pourtant des conséquences sur les générations futures.

Il s'agit donc de préparer l'avenir et d'inscrire dans la Constitution que les sociétés humaines sont affectées non seulement par l'exploitation excessive des ressources naturelles mais aussi par leur épuisement, ce qui nous obligera à agir et à prendre les mesures adéquates afin de prévenir cet épuisement.

Par cet amendement, nous voulons simplement faire prendre de conscience que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et qu'il faudra bien que les États, à commencer par la France, bien sûr, orientent leurs recherches vers d'autres sources d'énergies. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question des énergies alternatives lors de la discussion de nos prochains amendements.

En attendant, je souhaite que cette considération sur l'épuisement progressif des ressources naturelles soit prise en compte dans le texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Il s'agit d'une précision inutile et, surtout, un peu inexacte. En effet, si certaines ressources s'épuisent, ce n'est pas le cas de toutes les ressources naturelles. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J'en viens à un amendement n° 62.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. L'eau est malheureusement absente de ce débat. Or c'est un enjeu que l'on ne peut écarter des questions environnementales. Au xxie siècle, c'est même l'enjeu central.

Nous avons tort de considérer que l'eau, comme l'air, est un des éléments auxquels nous devons avoir libre accès et dont nous pouvons faire libre usage. Nos comportements doivent évoluer et nous devrions considérer l'eau comme une denrée rare.

Le problème n'est pas uniquement quantitatif mais aussi qualitatif. La possibilité de produire une eau potable économiquement accessible au robinet de chaque usager est un luxe auquel nos concitoyens ne sont pas prêts à renoncer.

Mais, sans même parler de normes, il est légitime de ne pas accepter une dégradation de la qualité de la ressource en eau. Or, est-ce que la France se donne les moyens de préserver cette richesse ?

Désormais, l'eau, loin de constituer un patrimoine commun, est devenue une marchandise soumise aux lois du marché. En effet, le système actuel de la gestion de l'eau est uniquement régi par la course au profit engagée par des sociétés quasi monopolistiques qui ont jeté leur dévolu sur l'exploitation de l'eau.

Dans ces conditions, comment occulter dans cette charte toute la problématique de l'eau, qui n'est d'ailleurs pas un enjeu seulement français mais universel ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. L'eau est sans aucun doute une condition de la vie, au même titre que l'air et un certain nombre de ressources naturelles. Tout le problème est qu'adopter cet amendement laisserait penser a contrario que les problématiques non liées à l'eau auraient moins de valeur.

C'est la raison pour laquelle le texte actuel paraît sage en ne dressant pas de liste, qui pourrait ne pas être exhaustive, de tout ce qu'il faut protéger. Il convient d'en rester à une formulation générale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier.

Mme Nathalie Gautier. Je trouve également regrettable que la problématique de l'eau soit absente de la Charte et je m'associe donc à cet amendement.

Un projet de loi sur l'eau a été annoncé, mais on ne voit toujours rien venir.

M. Francis Delattre. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

Mme Nathalie Gautier. Or l'analyse des résultats de la consultation nationale qui a été menée sur les questions liées à l'environnement montre très clairement que l'eau figure parmi les préoccupations premières de nos concitoyens.

La dégradation de la qualité de l'eau est continue et les alertes fréquentes. Même dans notre pays, où une politique de l'eau efficace est menée, les problèmes s'accroissent.

Il faut introduire la problématique de l'eau dans la Charte.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Il ne faut pas se tromper de débat. Il s'agit avec ce texte de débattre d'un projet de loi constitutionnelle, non d'énumérer les problèmes qui se posent à la société française ou à l'administration. Entrer dans la logique de l'énumération, c'est fragiliser tout l'édifice.

M. Francis Delattre. Absolument !

M. le garde des sceaux. Plutôt que vouloir tout énumérer, ce qui est un exercice difficile et, à mon avis, peu pertinent s'agissant d'un texte constitutionnel, mieux vaut, comme le disait très bien Mme la rapporteure, en rester au texte du projet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 63.

La parole est à M. André Chassaigne, pour continuer dans l'énumération... (Sourires.)

M. André Chassaigne. Je tiens surtout, monsieur le président, à faire observer à M. le garde des sceaux que, si l'on suivait ses propos, cela reviendrait à évacuer du préambule de la Constitution aussi bien la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que le préambule de la Constitution de 1946, qui procèdent à des énumérations !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous mélangez tout !

M. André Chassaigne. N'est-ce pas en quelque sorte une coquille vide que vous voulez nous faire voter ?

En tout cas, repousser de cette façon des propositions qui s'appuient pourtant sur des problématiques de société, est un peu facile...

M. le président. Monsieur Chassaigne, pouvez-vous défendre l'amendement n° 63 ?

M. André Chassaigne. Cet amendement, complémentaire de notre premier amendement, est relatif au problème de l'épuisement des ressources naturelles. Il tend à insister sur la prise en compte des énergies renouvelables dans les considérants du texte car l'on sait très bien que, si l'on n'inscrit pas dans le marbre de la Charte une telle priorité, la volonté politique ne suivra pas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je m'associe tout à fait à cet amendement.

Ce n'est pas nous qui avons choisi le calendrier, mais celui-ci nous conduit à débattre à la fois du projet de loi d'orientation sur l'énergie et de la Charte de l'environnement, ce qui nous entraîne, monsieur le garde des sceaux, au cœur de vos contradictions.

Dans le débat sur l'énergie, nous essayons de promouvoir les énergies renouvelables, mais sans arriver à faire passer des amendements. Vous avez souligné hier, monsieur le garde des sceaux, qu'il faudra la vérité des coûts. C'est exactement ce à quoi tendait un amendement que j'avais soutenu la veille mais qui a été refusé.

Aujourd'hui, c'est la même chose : alors que l'on entend de grandes déclarations sur la promotion des énergies renouvelables et que ce texte tend à assurer un développement durable - et s'il y a bien quelque chose de durable, c'est bien les énergies renouvelables - vous refusez un amendement allant dans le même sens. Soyez donc cohérent et acceptez le présent amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Cet amendement fait référence au développement non seulement « durable » mais « équitable ».

Je le soulignais hier soir dans la discussion générale, le seul élément positif que je trouve à ce texte, c'est qu'il tend à faire en sorte que la France reprenne la place qu'elle occupait naguère dans le monde. À cet égard, elle s'honorerait, puisque c'est d'un texte constitutionnel qu'il s'agit, à faire référence à l'équité.

En effet, promouvoir un développement équitable, c'est redonner un peu de chance à ceux qui n'en ont plus, alors que prôner un développement seulement durable, c'est accepter que l'on sera durablement pauvre ou durablement riche et que tel pays restera durablement sous-développé tandis que tel autre se développera de plus en plus.

Si je ne pouvais faire passer qu'un seul amendement, monsieur le président, je serais tellement heureux pour la France que ce soit celui-ci !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. L'équité et la solidarité sont au cœur du concept de développement durable. Ils sont donc déjà compris dans le texte.

En outre, la rédaction proposée pour le dixième alinéa de l'article revient à dire essentiellement la même chose en deux fois plus de mots, ce qui ne peut que poser un problème compte tenu de l'impératif de concision qui est celui d'un texte constitutionnel.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis désolé de vous savoir malheureux, monsieur Lassalle ! (Sourires.)

Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à Mme Nathalie Gautier, pour le soutenir.

Mme Nathalie Gautier. Cet amendement tend à mettre en cohérence le septième considérant du texte avec l'article L. 542-1 du code de l'environnement issu de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1991, dite loi Bataille, qui dispose : « La gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue doit être assurée dans le respect de la protection de la nature, de l'environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations futures. »

Il s'agit de reconnaître des droits aux générations futures et non pas seulement leur capacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75.

La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour le soutenir.

M. Philippe Tourtelier. Notre amendement tend à introduire l'adverbe « écologiquement », qui renvoie aux rapports entre l'homme, être de culture, et la nature. En effet, cet adverbe a, pour étymologie, l'origine, la maison - oïkos - l'habitat et ce qui est autour, l'environnement. Il est essentiel de rappeler cette interaction des espèces et la place de l'homme dans la sphère du vivant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j'assiste avec une certaine stupéfaction (« Incroyable ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Pierre-Louis Fagniez. Il vient d'arriver dans l'hémicycle !

M. Francis Delattre. Un peu de décence !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Jean-Marc Ayrault. J'étais là il y a encore quelques instants avant de m'absenter. Et permettez que je fasse mon travail de président de groupe !

Monsieur le président, j'observe avec une certaine stupéfaction, disais-je, le rythme auquel vous avancez : il n'y a pas de débat ! On n'entend répondre aux interventions que par « oui » ou par « non » avant que les amendements soient adoptés ou refusés.

Pourtant, si j'ai bien compris, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, c'est de la révision de la Constitution de la République française qu'il s'agit ! Voudriez-vous donc le faire à la hussarde ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Valérie Pecresse. Nous avons auparavant bien travaillé sur ce texte !

M. Jean-Marc Ayrault. J'avoue donc mon grand étonnement et je vous demande, monsieur le président, pour que nous puissions débattre avec un peu plus de sérieux, une suspension d'une heure pour réunir mon groupe.

M. le président. Monsieur Ayrault, je vais d'abord faire voter sur l'amendement en discussion.

Mais pensez-vous très sincèrement qu'il faille encore un long débat, alors que nous débattons depuis hier, pour savoir s'il faut ajouter le mot « écologiquement » à l'article 2 ?

M. Christophe Caresche. Oui !

M. le président. La commission et le Gouvernement s'y sont déclarés défavorables.

M. François Brottes. Pourquoi ?

M. le président. Un long débat n'était pas non plus nécessaire.

Je vais donner la parole au Gouvernement avant de passer au vote sur l'amendement et de faire droit à votre demande de suspension.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président Ayrault, je regrette la tonalité de votre intervention.

Tous les parlementaires qui participent à nos travaux depuis hier après-midi pourront vous le confirmer, le débat est d'une grande qualité,...

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Pierre-Louis Fagniez. En tout cas il l'était jusqu'à présent !

M. le garde des sceaux. ...et il se déroule dans le plus grand respect des positions des uns et des autres.

C'est dans un esprit constructif que nous cherchons à faire ce travail de modification constitutionnelle et je trouve dommage que vous donniez le sentiment que nous refusons de débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Ne perdons pas de vue l'essentiel !

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n'ai aucunement l'intention d'entamer une polémique avec M. le garde des sceaux, ni avec qui que ce soit d'ailleurs, sur un sujet aussi important. Il s'agit tout de même de la Constitution.

Que le débat ait lieu et qu'il soit de haute qualité, pour reprendre ses termes, je ne le conteste pas. Mais jusqu'à présent, nous n'avons entendu que les motions de procédure et la discussion générale. Nous ne faisons que commencer l'examen des articles et c'est sur celui-ci que portait mon appréciation.

Mme Valérie Pecresse. Que répondre si les amendements ne sont pas bons ?

M. Jean-Marc Ayrault. Alors que M. Caresche abordait, en défendant l'amendement n° 71, la question du référendum et de la distinction faite par la Constitution entre « le peuple français » et « les représentants du peuple français », M. le garde des sceaux lui a répondu très succinctement, se contentant de dire que l'amendement était sans intérêt. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Il n'a pas dit ça !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est la vérité.

M. le garde des sceaux. Non. J'ai cité l'article de la Constitution...

M. Jean-Marc Ayrault. Après avoir cité un article de la Constitution, vous avez conclu : « votre amendement est infondé » et l'affaire était pliée. Il me semble pourtant légitime que cette question, qui divise les constitutionnalistes, soit débattue ici à l'Assemblée nationale. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Guy Geoffroy. C'est Guy Carcassonne qui s'exprime ?

M. Francis Delattre. Il n'y avait qu'un seul député socialiste en commission des lois !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. M. Ayrault m'ayant demandé une suspension de séance pour réunir son groupe, je vais suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

L'amendement n° 6 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement no 46.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis. Cet amendement est cosigné par M. Ollier et M. Gonnot.

L'article 1er de la Charte prévoit que chacun a le droit de vivre dans un environnement « favorable à » sa santé. Cette formulation a paru extrêmement exigeante à la commission des affaires économiques, en conférant à l'environnement une qualité thérapeutique, voire médicamenteuse. Il lui semble préférable d'écrire que chacun a le droit de vivre dans un environnement « respectueux de » sa santé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

Rappel au règlement

M. Daniel Garrigue. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour un rappel au règlement sans doute fondé sur l'article 58 ...

M. Daniel Garrigue. Non, monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 3 de la Constitution.

Je voudrais rappeler à M. Ayrault qu'aux termes de cet article « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Lorsque les représentants exercent la souveraineté nationale, en délibérant ici, à l'Assemblée nationale, ils le font en tant que représentants du peuple français. Il n'y a aucune équivoque.

Quant à la procédure de révision, le choix appartient, aux termes de l'article 89 de la Constitution, au Président de la République, qui peut décider de ne pas recourir au référendum et de faire appel au Congrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Précision utile !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je remercie M. Garrigue d'avoir répété ce qu'avait dit M. le garde des sceaux.

M. Francis Delattre. Eh bien alors ?

M. Jean-Marc Ayrault. Malgré ces deux déclarations, je continue de considérer que cette question mérite que nous en débattions. C'est tout ce que je voulais dire. Restons-en là.

M. Guy Geoffroy. M. Guy Carcassonne n'est pas Dieu le père !

M. le président. L'incident est clos.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous poursuivons la discussion des amendements à l'article 2.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 50 et 76, qui visent à substituer au mot « sa » le mot « la ». Cette modification ne devrait sans doute pas nécessiter un long débat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si, monsieur le président. La commission des affaires économiques n'est pas d'accord.

M. le président. S'il faut expliquer pourquoi on propose de changer un « sa » en « la », on est parti pour la gloire. (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je suis désolé mais la commission des affaires économiques ayant rejeté cet amendement, je me sens fondé d'expliquer pourquoi.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L'expression « chacun a le droit » contenue dans l'article 1er de la Charte crée, monsieur le président de la commission des lois, un droit-créance. Nous ne pouvons pas changer cette expression si nous voulons introduire ce droit-créance.

L'article poursuit : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de » - c'est ce que nous venons de voter - « sa santé. »

Pourquoi ne sommes-nous pas favorables à la substitution du « la » au « sa » ? Parce que « chacun » est dans le contexte un pronom indéfini singulier qui exprime clairement l'individualité, et qui renvoie naturellement à l'adjectif possessif « sa ». Avec l'article « la », on donne un caractère général qui n'a plus rien à voir avec le caractère individuel de « chacun ». C'est donc un souci de cohérence, monsieur le président, qui a conduit la commission des affaires économiques à rejeter cet amendement. Je souhaite que l'Assemblée la suive. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non !

M. le président. J'ai bien fait de venir. (Sourires.)

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Si nous maintenions les termes « favorable à sa santé », il faudrait interdire le pollen. (Sourires.) En effet, le pollen provoque des allergies. Si j'étais allergique, ce qui n'est pas le cas - je suis allergique à beaucoup de choses mais pas au pollen - je pourrais revendiquer le fait que le pollen, qui fait incontestablement partie de l'environnement, nuit gravement à ma santé et je serais alors fondé à demander aux tribunaux une indemnisation.

M. le président. Vous craigniez qu'on n'aille trop vite, monsieur Ayrault ? (Sourires.)

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. M. Giacobbi met le doigt sur un point important. La rédaction de l'article fait bien référence à un droit individuel. Néanmoins, la dimension statistique doit être prise en compte dans les questions de santé publique. Des allergies extrêmement particulières se développent. Il ne s'agit pas d'ouvrir des droits aussi particuliers.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et subjectifs !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Nous parlons d'un droit de santé publique et l'argumentaire de M. Caresche, à l'origine de cette proposition avec les commissaires du groupe socialiste, a convaincu la commission des lois de transformer le « sa » en « la ».

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand on ouvre un débat, on va jusqu'au bout, mes chers collègues.

M. Philippe Tourtelier. Nous avons eu ce débat en commission. Mais je ne suis pas du tout convaincu par l'explication grammaticale de M. Ollier selon laquelle « chacun » imposerait le « sa ». On dit : chacun a le droit à la liberté, à la sécurité et non pas à sa liberté, à sa sécurité.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Puisque cela rend malade la commission des affaires économiques, je me sens obligé d'être un peu médecin.

Je lui recommande la lecture du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 - l'étude de ce texte n'est sans doute pas quotidienne chez vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On m'a provoqué, je réponds.

Il est écrit, dans le onzième alinéa, que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

Le langage constitutionnel, ce n'est pas un droit subjectif, c'est un droit général, et la Constitution évoque bien « la » santé. Nous sommes donc fidèles à l'esprit de la Constitution avec cet amendement. Voilà pourquoi je propose que l'Assemblée suive la position de la commission saisie au fond, c'est-à-dire la commission des lois. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La santé, c'est « sa propre » santé.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, j'entends bien les arguments du président Clément mais je ne suis pas d'accord.

Dans le préambule, qu'en effet je n'ai pas souvent l'occasion de lire, il s'agit de la nation : la nation « garantit la santé ». Ici, c'est chacun : « chacun a le droit de ». Je crois que l'accord avec « sa » santé s'impose pour une simple question d'harmonie.

En outre, la portée générale de l'article « la » introduirait d'autres interrogations : viserait-t-on une personne morale, une personne physique ? L'emploi du « sa » ne soulève pas ces questions.

M. le président. Peut-être aurait-il mieux valu parler de « la santé publique » !

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je voudrais faire remarquer à l'Assemblée que l'exposé des motifs de la Charte de l'environnement parle de « la » santé.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est faux !

M. Christophe Caresche. Je propose donc que l'on se réfère à l'exposé des motifs !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Contrevérité !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Les choses sont très claires.

L'amendement qui a été proposé par le groupe socialiste et retenu par la commission des lois améliore incontestablement le texte. En effet, « sa » renvoie à une appréciation subjective qui risque d'occasionner des contentieux complexes. Voilà pourquoi il est préférable de parler de « la » santé, ce qui est d'ailleurs conforme aux considérants.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendement nos 50 et 76.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60.

C'est un amendement rédactionnel, monsieur Chassaigne...

M. André Chassaigne. Monsieur le président,puisque je n'ai pas pu défendre tout à l'heure l'amendement sur les énergies renouvelables, car vous m'avez bousculé, permettez-moi donc de soutenir celui-ci !

M. le président. Mais je vous en prie !

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à remplacer, dans l'article 2 de la Charte, les mots : « prendre part » par le mot : « contribuer ».

D'une part, le mot « contribuer » me semble de nature à rendre la phrase plus harmonieuse. C'est une question de beauté de la langue française que l'on doit prendre en compte, particulièrement lorsqu'il s'agit de la Constitution.

D'autre part, selon le Petit Robert, contribuer signifie « aider à l'exécution d'une œuvre commune ». Or cela correspond tout à fait à l'esprit de cette charte qui est d'œuvrer en faveur de l'environnement. Tout le monde doit s'y employer, tant les institutions que nos concitoyens, sans oublier les forces économiques et sociales.

Le verbe « contribuer », dont le sens est plus profond, s'inscrira harmonieusement dans la Constitution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Il s'agit là de l'amendement auquel le président Clément faisait tout à l'heure référence, non sans humour, en disant qu'il avait été suggéré, soufflé, proposé à M. Chassaigne par un grand syndicat patronal. En fait, c'est essentiellement un problème stylistique. Nous avons eu une discussion ce matin en commission et la majorité d'entre nous a préféré l'expression « prendre part ». C'est la raison pour laquelle nous avons repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 85.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Nous vivons dans un monde qui se banalise, où l'on normalise tout, auquel on enlève toute fantaisie, où tout est planifié. Voilà pourquoi je propose de compléter le texte proposé pour l'article 2 de la Charte par les mots : « dans le respect des droits de la personne humaine, du bien d'autrui et des cultures et identités locales. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 77.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Il s'agit simplement de faire référence au principe de prévention, qui n'est qu'implicitement évoqué à l'article 3 de la Charte. Comme le principe pollueur-payeur et le principe de précaution, il fait partie des grands principes du droit à l'environnement et nous pensons qu'il doit être mentionné explicitement dans la Charte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement. En effet, la rédaction de l'article 3 n'est pas assez précise pour se passer de mesures législatives d'application.

Par ailleurs, la prévention vise des risques certains. Nous avons donc le temps d'élaborer des mesures législatives d'application.

Nous sommes là dans un domaine différent de celui qui concerne la précaution, dont nous parlerons à l'article 5, qui vise des risques incertains dont il faut se prémunir à l'avance, d'où la nécessité d'une sorte de règle générale de comportement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable. En effet, cet amendement introduirait une confusion entre le principe de précaution, dont nous disons depuis hier qu'il est directement applicable, et le principe de prévention, qui n'est pas directement applicable, qui porte sur des risques connus, comme vient de le dire Mme la rapporteure, et dont la mise en œuvre doit être précisée par des textes de loi.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cette discussion n'est pas facile à suivre. Le principe de précaution, avec toutes ses incertitudes, figure dans la Charte de l'environnement et sera d'application directe. A l'article 3 de cette charte, vous introduisez implicitement le principe de prévention et vous confiez à la loi le soin de le définir, mais vous refusez de le nommer ! Je ne comprends pas votre logique !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Ce sont vos propositions qui sont paradoxales, monsieur Caresche. Pour un risque connu, il est raisonnable de renvoyer à la loi. Pour un risque incertain, il faut une procédure d'ordre général. Or, vous inversez les deux. Vous nous proposez de renvoyer à la loi le principe de précaution et de faire du principe de prévention un principe constitutionnel. C'est une inversion par rapport à l'ordre naturel de l'intelligence, comme le dirait le président Clément.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8 n'est pas soutenu.

Je suis de deux amendements, nos 7 et 64, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 n'est pas soutenu.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 64.

M. André Chassaigne. Il ne s'agit pas d'aller jusqu'à soumettre à l'Académie française chaque terme du texte, mais nous pourrions faire en sorte que les phrases soient un peu plus fluides. C'est pourquoi je propose une rédaction de l'article 3 qui corresponde mieux à la richesse de notre langue et qui est la suivante : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. » En outre, cette rédaction introduit une notion de responsabilité qui va un peu plus loin et attire l'attention sur les conséquences des atteintes à l'environnement que l'article 3 vise à limiter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. C'est encore un amendement essentiellement stylistique. Toutefois, contrairement à ce qui s'est passé pour l'amendement n° 60, la majorité de la commission s'est prononcée en faveur de la formulation proposée par l'amendement n° 64, qui paraît plus claire, plus fluide et naturelle. Donc, avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. Toutes mes félicitations, monsieur Chassaigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je suis saisi de cinq amendements, nos 78, 66, 9, 65 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 78.

M. Jean-Pierre Blazy. Je souhaite que cet amendement, relatif à l'important principe pollueur-payeur, connaisse un sort aussi favorable que celui de M. Chassaigne.

La rédaction actuelle de l'article 4 de la Charte est en retrait par rapport à la définition du principe pollueur-payeur donnée par l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Aux termes de ce dernier, le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci « doivent être supportés par le pollueur ». Or, l'article 4 de la Charte ne parle que d'une contribution. Cela n'est pas la même chose. C'est la raison pour laquelle nous proposons de rédiger ainsi le début de cet article 4 : « En application du principe pollueur-payeur, toute personne doit réparer les dommages... » Voilà qui donnerait toute sa force au principe pollueur-payeur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. L'amendement pose deux problèmes.

D'une part, l'expression « pollueur-payeur » risque de n'être pas bien compris par la population. C'est du moins ce qu'ont révélé les travaux de la commission Coppens. Le caractère légèrement technique de l'expression pourrait accréditer l'idée que celui qui paie a le droit de polluer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'autre part, s'il était adopté, l'amendement donnerait une valeur constitutionnelle au principe pollueur-payeur, alors que, du fait de leur complexité, il vaudrait mieux que ces sujets soient traités dans la loi.

Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 66.

M. André Chassaigne. Mon amendement diffère légèrement du précédent, au sens où il ne propose pas l'introduction de l'expression « pollueur-payeur » dans l'article 4 de la Charte. En effet, à nos yeux, cette expression ne peut suffire à résumer l'article. C'est d'ailleurs, me semble-t-il, ce que les auteurs de la Charte et la commission des lois ont voulu éviter.

Pourtant, tel qu'il est rédigé, l'article 4 peut laisser croire qu'il serait suffisant de payer pour réparer un dommage causé à l'environnement et que, par extension, il existerait un droit à polluer. Nous sommes absolument opposés à cette interprétation.

Sans déborder sur le principe de prévention, il nous semble donc nécessaire d'élargir en amont la responsabilité des personnes dont l'activité présente des risques, afin qu'elles participent financièrement aux décisions qui permettraient d'éviter la pollution.

En revanche, une fois le dommage causé, la réparation ne doit pas être seulement pécuniaire, sans quoi nous retomberions sur le principe pollueur-payeur.

Nous nous sommes, en l'espèce, inspirés des conclusions de la commission Coppens, qui nous semblent moins réductrices que la rédaction proposée dans la Charte. Notre amendement prévoit ainsi que l'aspect strictement financier ne concerne que la prévention et que la réparation puisse prendre toutes les formes possibles.

Dernier point, qui n'est pas mineur : il nous semble injuste que seul le pollueur contribue aux réparations. Il ne faut pas oublier - je m'en suis expliqué plus longuement hier - que ce sont souvent des décisions politiques prises en amont qui sont à l'origine de dommages causés à l'environnement. Ainsi, quand les agriculteurs, contraints de produire toujours plus, utilisent des engrais, qui doit payer ? Seulement ceux qui sont au bout de la chaîne ? Ou faut-il impliquer aussi ceux qui leur fournissent les engrais et ceux qui les obligent, en plaidant au niveau européen pour une agriculture intensive, à en utiliser toujours davantage ?

Il est nécessaire de remonter toute la chaîne des responsabilités pour que les personnes qui sont, par leurs décisions, à l'origine d'un dommage soient considérées comme responsables, au même titre que le pollueur direct. Elles doivent, comme lui, contribuer à la réparation.

M. le président. Monsieur Chassaigne, souhaitez-vous reprendre la parole pour défendre l'amendement n° 65 ?

M. André Chassaigne. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 66 et 65 ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La préoccupation qui est à l'origine des amendements est louable. Cependant, la formulation proposée présente l'inconvénient de mélanger prévention et réparation. Or le texte proposé par le Gouvernement traite, de manière séparée, ce qui relève de la prévention à l'article 3 de la Charte et ce qui concerne la réparation à l'article 4. Il est donc plus précis que les amendements.

Par ailleurs, je confirme que, dans l'esprit de la commission, le verbe « contribuer » ne recouvre pas exclusivement des réalités financières. Il existe en effet différentes formes de réparation.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 78, 66 et 65 ?

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Avis défavorable. Les amendements posent deux problèmes : celui du principe pollueur-payeur et celui de la contribution à la réparation.

Au cours de la discussion générale, plusieurs orateurs, dont Valérie Pecresse et Marcelle Ramonet, l'ont fort bien expliqué : le fait qu'un amendement emploie l'expression « pollueur-payeur » revient naturellement à l'introduire dans la Charte. Or nous avons renoncé à employer des termes dont les travaux de la commission Coppens ont souligné l'ambiguïté. Les termes « pollueur-payeur » accréditent en effet l'idée que l'on pourrait acheter le droit de polluer.

M. Jean-Pierre Blazy. Certains le pensent ! C'est la conception anglo-saxonne.

M. Christophe Caresche. En effet !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Cette ambiguïté pose un vrai problème. Mais le texte de la Charte n'est pas quant à lui ambigu. Mme la rapporteure vient de le rappeler : il affirme à la fois la nécessité de la prévention, dans l'article 3, et celle de la réparation, dans l'article 4. Sa formulation, plus explicite que celle des amendements, paraît donc préférable.

Quant à la question de la contribution, il arrive que les dommages causés soient sans commune mesure avec les moyens de leur auteur. Dans ce cas, il faut éviter un double écueil, auquel on se heurte souvent aujourd'hui : l'absence de réparation du fait soit de la défaillance du responsable, soit de son insolvabilité totale ou partielle. Car, dans ce cas, même si le principe pollueur-payeur doit être appliqué, il ne peut pas l'être.

Le Gouvernement a donc retenu le verbe « contribuer » qui permet de résoudre la difficulté. À nos yeux, le principe est très clair. Dans la mesure où la situation le permet, il convient que la réparation s'effectue à 100 %. Mais la formulation retenue laisse au législateur la marge de manœuvre nécessaire pour couvrir de manière réaliste les différents cas de figure possibles. Car on doit les envisager tous pour éviter la situation, trop fréquente aujourd'hui, dans laquelle aucune contribution aux réparations ne peut intervenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne vous cacherai pas mon étonnement devant tant de timidité. N'y a-t-il pas contradiction entre la volonté du Gouvernement d'inscrire, grâce à la Charte, le principe de précaution dans la Constitution, son désir de mettre la question de l'environnement ou du développement durable au cœur des politiques publiques - ce qui est judicieux - et ses hésitations, voire son refus, lorsqu'il s'agit de passer à l'acte ?

Hier, monsieur le ministre de l'écologie, vous rappeliez le refus par le Conseil constitutionnel de la TGAP, souhaitée par le gouvernement Jospin, au motif qu'une référence au principe pollueur-payeur était contraire à la Constitution. Il serait vraiment dommage que nous ne profitions pas de l'occasion qui s'offre à nous pour affirmer pleinement sa validité.

M. Bernard Accoyer. Tout cela a déjà été dit !

M. Jean-Marc Ayrault. Au reste, j'ai été extrêmement surpris d'entendre Mme la rapporteure affirmer que l'expression était difficile à comprendre ou pouvait paraître abstraite à l'opinion. Si elle venait comme moi d'une région touchée par la marée noire, elle saurait que les citoyens affirment d'eux-mêmes que les pollueurs doivent être les payeurs.

M. François Brottes. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Il y a toutefois un problème de fond. La commission Coppens n'a pas retenu cette expression, au motif qu'elle donnerait l'impression qu'il existe un droit de polluer. Il ne s'agit évidemment pas de reconnaître un tel droit, mais d'exiger des pollueurs éventuels qu'ils réparent les dommages qu'ils ont causés.

J'évoquais à l'instant les marées noires. Il y a quelques mois, nous avons été confrontés à un autre drame économique et social : celui de Metaleurop. Le Gouvernement s'était alors engagé à traiter la question des réparations lors de l'intégration de la Charte de l'environnement à la Constitution. N'est-ce pas la preuve qu'alors, face à la colère d'une opinion inquiète des effets d'une pollution durable sur la santé publique, il avait bien senti la nécessité d'établir l'obligation de la réparation ?

M. François Brottes. Exactement !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous nous objectez que la Constitution ne peut pas tout dire. Cela va de soi ! C'est la raison pour laquelle ce principe pollueur-payeur, s'il était affirmé ici, renverrait à la loi. Car c'est évidemment à elle d'en définir les modalités d'application. M. le ministre de l'écologie a souligné à juste titre la complexité d'une telle mise en œuvre. Mais c'est précisément parce que la difficulté ne nous échappe pas que nous pensons qu'il faut, pour la résoudre, s'appuyer sur un principe.

Monsieur le ministre de l'écologie, vous avez lancé un appel pour que toutes les sensibilités politiques contribuent à enrichir le texte. Nous l'avons entendu. Mais nous attendons ici une réponse claire et je constate que vous n'êtes pas prêts à nous la donner.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Les pollueurs doivent payer : c'est là l'objet de l'article 4.

J'ai rappelé que l'expression « pollueur-payeur » pose manifestement problème. Tous les travaux de la commission Coppens l'ont souligné. Le compte rendu des assises territoriales et les 11 000 questionnaires recueillis sont là pour le montrer. L'expression n'est pas toujours bien comprise. Elle véhicule parfois une image négative. Mais il reste évident que les pollueurs doivent payer. Et l'article 4 ne dit pas autre chose.

Mme Nathalie Gautier. Non ! Il ne parle que de « contribuer ».

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Cet article va même plus loin : il traite, par exemple, ce qui est plus riche, du dommage écologique pur.

Actuellement, dans le cas d'une marée noire, un dommage écologique qui a des incidences économiques, par exemple sur le tourisme ou la pêche, donne lieu à réparation. En revanche, le dommage écologique pur - par exemple, le fait que des cormorans soient mazoutés - ne peut pas être pris en compte, tout simplement parce qu'il n'a ni coût ni prix. C'est pourtant un dommage réel.

La formulation de l'article 4 résout la difficulté. Non seulement elle explicite le principe pollueur-payeur en supprimant la réaction négative que suscite parfois l'expression, mais elle inclut aussi la notion de dommage écologique pur, qui n'est pas couvert actuellement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'intervention des auteurs des amendements, ainsi que celle du président Ayrault, témoignent de l'importance d'un tel débat. On pourrait évidemment aller dans leur direction. Mais je suggère une autre attitude.

Mme la rapporteure a justement souligné que nous étions, sur le plan juridique, tous d'accord. Sans doute, si le principe pollueur-payeur n'était pas intégré à la Charte, il faudrait se précipiter de voter les amendements et se récrier devant ce lamentable oubli. Mais la Charte prévoit le principe dans l'article 4, le renvoie à la loi, plus précisément à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, qui précise que celui qui pollue doit payer. Le problème est donc parfaitement traité.

Le problème est seulement de savoir - ce qui n'est d'ailleurs pas un mince problème - si, pour l'opinion publique, il y a lieu de rajouter une expression dans le texte, de façon à expliciter ce qui est implicite. Pour ma part, je suggère que nous nous en tenions au texte actuel. Celui-ci va être discuté au Sénat, puis il reviendra devant l'Assemblée. Si beaucoup de parlementaires considèrent qu'il y a lieu d'être plus explicite, il sera toujours temps d'intervenir.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Puisque certains semblent avoir du mal à comprendre l'article 4 de la Charte, je voudrais le relire, car il faut que chacun entende ce que propose le Gouvernement : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi. » Le texte me semble assez clair. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il prévoit que, lorsque quelqu'un cause un dommage, il contribue à sa réparation. De quoi parle-t-on ici, sinon de la responsabilité du pollueur ?

M. Bernard Deflesselles. C'est clair, en effet.

M. le garde des sceaux. J'ajoute que faire référence à un principe par ailleurs mal défini me paraît dangereusement réducteur, ainsi que Mme la rapporteure l'a rappelé à juste titre.

M. François Sauvadet. Bien sûr !

M. le garde des sceaux. Je confirme enfin ses propos : la rédaction proposée dans la Charte permettra que soient pris en compte des dégâts qui ne peuvent pas l'être aujourd'hui en termes de responsabilité.

Bien entendu, elle nécessitera, comme tout texte juridique, un effort pédagogique auprès de l'opinion publique, mais je ne peux pas laisser dire que l'article 4 de la Charte ne prévoit pas que le pollueur doit payer.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est ambigu !

M. le garde des sceaux. Je crois avoir été assez clair en expliquant les raisons pour lesquelles la référence à ce principe, par ailleurs mal défini, serait susceptible de faire l'objet d'interprétations dangereuses. Encore une fois, l'article 4 tel qu'il est rédigé me paraît beaucoup plus solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. En réalité, il s'agit d'étendre au domaine environnemental l'application de l'article 1382 du code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à Mme Nathalie Gautier.

Mme Nathalie Gautier. Permettez-moi d'insister. Il nous semble que l'imprécision de l'expression « contribuer à la réparation des dommages causés à l'environnement » peut être source de contentieux. C'est pourquoi nous souhaitons revenir à l'obligation de réparer intégralement les dommages causés, qui nous paraît fois claire et plus simple.

Par ailleurs, si les Français commencent à connaître et à apprécier une notion, c'est bien celle de pollueur-payeur. Dès lors, ils ne comprendraient pas que ce principe ne figure pas dans la Charte.

M. le président. Si je comprends bien, madame, vous souhaiteriez substituer, dans l'article 4 de la Charte, aux mots : « doit contribuer », les mots « répare intégralement ». (« C'est exact ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer. C'est utopique, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Merci, monsieur le président, d'avoir explicité l'intervention de Mme Gautier.

M. le président. Je cherche à comprendre.

M. Jean-Marc Ayrault. Cela permet d'éclairer notre débat et vous êtes tout à fait dans votre rôle. Toutefois, je dois dire qu'en citant l'article 1382 du code civil, vous êtes allé un peu plus loin. En effet, si l'on vous suivait, il ne serait pas nécessaire de réformer la Constitution : conserver le code civil en l'état suffirait.

Ce n'est pas très convaincant.

M. le président. Ce n'est pas tout à fait exact, car l'article 1382 du Code civil pose le principe d'une responsabilité individuelle. Or, en l'espèce, il ne s'agit plus d'une responsabilité de ce type. Il est donc bien nécessaire de modifier la Constitution.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est exact ! Bravo, monsieur le président !

M. Jean-Marc Ayrault. Merci de cette précision, monsieur le président, car je commençais à m'interroger sur votre détermination à défendre cette réforme constitutionnelle.

M. Jean-Luc Warsmann. Debré : 1 - Ayrault : 0 !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Warsmann, je sais que vous êtes là pour faire votre travail de bon fantassin de l'UMP (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Francis Delattre. Ne nous donnez pas de leçons !

M. Jean-Marc Ayrault. ...mais permettez-moi d'aller au bout de mon propos sans essuyer vos insultes.

M. le président. Ne faites pas baisser le niveau du débat. Revenons au droit.

M. Jean-Marc Ayrault. J'imagine que cela vous a échappé, monsieur Warsmann. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Jacques Descamps. Quelle arrogance !

M. le président. La récréation est finie. Veuillez poursuivre, monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le garde des sceaux, vous n'avez pas été convaincant. Vous avez tourné autour du pot, et si les députés du groupe UMP vous ont applaudi avec une telle force, c'est parce que l'introduction dans la Constitution du principe pollueur-payeur gêne un certain nombre de personnes.

Je ne vous fais pas de procès d'intention, monsieur le ministre de l'environnement : vous vous êtes souvent exprimé en ce sens. Mais alors, pourquoi ne pas accepter d'inscrire dans la Constitution ce qui figure déjà dans le code de l'environnement ? Je rappelle en effet que celui-ci contient, outre le principe de précaution - auquel vous souhaitez donner une valeur constitutionnelle -, le principe d'action préventive et de correction, le principe pollueur-payeur - selon lequel doit être supporté par le pollueur l'ensemble des réparations, alors que vous n'évoquez qu'une contribution - et le principe de participation, qui garantit aux citoyens l'accès aux informations relatives à l'environnement. Encore une fois, pourquoi refuser d'écrire dans la Constitution ce qui figure déjà dans le code de l'environnement ?

Mme Claude Greff. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous, nous souhaitons un vrai engagement de la nation. J'ai évoqué les habitants de l'Ouest de la France, mais vous savez ce qui s'est passé en Espagne : M. Aznar tenait un discours identique à propos du principe pollueur-payeur. Vous auriez donc tout à gagner à être clair, à dire les choses sans ambiguïté et sans tourner autour du pot.

Monsieur le président de la commission des lois, vous nous demandez de nous en remettre à la sagesse du Sénat. Nous, nous vous demandons de prendre un engagement clair aujourd'hui. C'est un élément très important, dont nous tiendrons compte lorsque nous aurons à nous prononcer sur ce texte, la semaine prochaine.

Je demande une réponse claire sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques, qui est particulièrement concernée par cette question, a également conclu que l'expression pollueur-payeur créerait une ambiguïté, dans la mesure où elle pourrait laisser penser que celui qui peut payer peut polluer.

Or l'article 10 de la Charte dispose : « La présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France ». Notre pays a, en effet, comme l'a dit M. Lassalle, un rôle fondamental à jouer auprès de certains pays amis, à qui elle doit expliquer qu'une contribution financière ne donne pas le droit de polluer.

Enfin, il y a eu, au sein de la commission des affaires économiques, un long débat de fond sur la notion de pollution environnementale et de réparation. Il existe deux types de pollution : celle que l'on crée à l'instant T et celle qui résulte de nombreuses années d'activité, notamment économique. Or il serait injuste que la réparation d'une pollution diffuse incombe à celui qui a provoqué une pollution immédiate.

Pour ces différentes raisons, la commission des affaires économiques a rejeté cet amendement.

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà l'explication !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. M. Ayrault a fait référence au code de l'environnement. Or une lecture comparée de ce texte et de la Charte est très instructive. En effet, selon le principe pollueur-payeur inscrit dans le code, « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur », alors que l'article 4 de la Charte dispose : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi. » Il est évident que le texte qui vous est proposé dans la Charte est beaucoup moins restrictif que celui du code de l'environnement.

Quant au mot « contribuer », il est très important, car nous savons bien, les uns et les autres, que, dans certains cas, il ne sera pas possible de couvrir la totalité du coût financier de la pollution et qu'il sera nécessaire de trouver d'autres formules - ce sera le rôle de la loi - en recourant, par exemple, à une forme de solidarité, qu'elle soit professionnelle - je pense au FIPOL - ou nationale.

M. Francis Delattre. Ayrault est dogmatique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je souhaite éviter tout malentendu avec M. le garde des sceaux.

Je ne demande pas d'introduire purement et simplement le code de l'environnement dans la Constitution, car il va moins loin que ce que nous souhaitons. Mais comme le principe pollueur-payeur fait déjà partie de notre droit - et vous n'avez pas contesté son introduction dans le code de l'environnement, madame la rapporteure -, il me paraît souhaitable, par souci de clarté et de sincérité, qu'il figure dans la Charte.

Le rapporteur pour avis a bien montré que des réticences se sont manifestées. Des interventions ont eu lieu, des pressions ont été exercées, notamment par le MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. C'est une obsession !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous vous gardez d'inscrire le principe pollueur-payeur dans la Constitution parce qu'il a le mérite de la simplicité et de la clarté - tout le monde peut le comprendre - et cela vous fait peur.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Un problème, qui me semble pourtant important, n'a pas été abordé directement au cours de notre discussion : qu'entend-on précisément par « pollueur » ? À cet égard, l'amendement n° 65 vise à préciser que la pollution peut résulter non seulement d'une activité, mais aussi d'une décision prise en amont. Je voulais donc attirer votre attention sur le fait qu'il existe des responsables directs et indirects.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. La position du groupe socialiste me paraît paradoxale. En effet, autant nous sommes tous d'accord pour dire que celui qui pollue doit payer - c'est l'objet de l'article 4, qui va au-delà du code civil en incluant, comme l'a très bien dit la rapporteure, le risque écologique, c'est-à-dire un risque sans véritable victime d'un préjudice matériel -, autant il est évident que le principe pollueur-payeur est ambigu, dans la mesure où il laisse entendre que celui qui paie a le droit de polluer. Or cette ambiguïté fondamentale peut se retourner contre les territoires ou les pays les plus pauvres : les riches pourront acheter le droit de polluer.

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann. C'est la conception de Bush !

Mme Valérie Pecresse. Certaines collectivités tentent déjà de monnayer le transfert de certains de leurs déchets vers le territoire d'autres communes moins riches, qui pourraient les accepter moyennant finances.

Aussi, je suis surprise que le parti socialiste, dont je pensais qu'il défendait l'égalité, soutienne cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Autrefois, ils défendaient les pauvres ! Plus maintenant !

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Nous examinons un projet de loi constitutionnelle, dont on sait quelle sera sa portée juridique. Nous sommes tous d'accord pour dire que ceux qui polluent doivent payer, mais je souhaiterais attirer l'attention de M. Ayrault sur un point.

Inscrire dans la Constitution le principe pollueur-payeur au sens strict, plutôt qu'une contribution à la réparation - qui doit relever par certains aspects de la solidarité nationale - serait extrêmement dangereux pour l'avenir.

Je ne citerai qu'un exemple, celui du projet de loi sur l'eau, dont nous poursuivrons prochainement l'examen, entamé sous la législature précédente.

Aujourd'hui, sur le plan international, il suffit à ceux qui souhaitent s'exonérer de la règle commune d'acheter le droit de polluer, en payant la réparation. Indiquer, comme le prévoit l'article 4, que toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement laisse une marge interprétative à la loi en fonction des circonstances.

En tout état de cause, je ne peux vous laisser insinuer, monsieur Ayrault, qu'en cette matière essentielle - il s'agit tout de même, comme l'a dit M. Lassalle, de la transmission d'un patrimoine préservé à nos enfants - des membres de notre assemblée consentiraient à se faire les instruments de tel ou tel lobby.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous donnez l'impression de vous sentir visé !

M. François Sauvadet. Pas du tout. Mais lorsque vous dites que, parmi nous, certains se laisseraient influencer par des lobbies...

M. Pierre-Louis Fagniez. Jugement téméraire !

M. François Sauvadet. ...sur un sujet aussi fondamental que celui de la préservation de notre environnement, je crois que tout parlementaire peut se sentir quelque peu blessé.

M. Christophe Caresche. Nous avons juste parlé du MEDEF !

M. François Sauvadet. Je vous le répète, en tant que parlementaire, je ne vais chercher mon inspiration auprès de personne lorsque je rédige un amendement.

Je souhaite simplement que l'on s'en tienne à la rédaction du projet de loi, qui me paraît traduire fidèlement notre intention commune, tout en renvoyant à la loi les conditions précises de son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Le groupe socialiste n'a pas été convaincu du tout par l'argument développé par M. Perben et encore moins par celui, très fallacieux, de Mme Pecresse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. C'était un très bon argument !

M. le président. Allons, mes chers collègues, évitons la polémique !

M. Jean-Pierre Blazy. Notre groupe se contente de réaffirmer le principe pollueur-payeur, mais il ne saurait être soupçonné d'en défendre une conception anglo-saxonne, c'est-à-dire libérale.

J'aimerais que Mme la rapporteure, dont on ne peut mettre en doute la volonté d'aboutir à une charte véritablement utile, nous explique en quoi notre amendement est gênant. Celui-ci prévoit tout simplement qu'en application du principe pollueur-payeur, le pollueur doit réparer les dommages, et non pas contribuer à leur réparation, car le mot « contribuer » recèle bel et bien une ambiguïté. Ou le pollueur au sens large est responsable pour le tout, ou il ne l'est pas, mais il ne peut être responsable pour une partie des dommages seulement. Cela impliquerait en effet que des non-pollueurs soient amenés à payer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous parlons d'un point important, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault. Je sais que vous défendez les droits de tout parlementaire à s'exprimer, y compris ceux de l'opposition, et je vous en remercie, monsieur le président.

Vous avez dit, monsieur Sauvadet, qu'il revenait à la loi de préciser le champ d'application du principe pollueur-payeur.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est dans le texte !

M. Jean-Marc Ayrault. Je suis d'accord avec vous, et c'est exactement ce que nous proposons.

M. Jean-Jacques Descamps. C'est l'article 4 ! Vous n'avez pas lu le texte ?

M. Jean-Marc Ayrault. Notre amendement conserve le renvoi à la loi prévu par l'article 4, mais vise à introduire la notion même de pollueur-payeur. M. le président de la commission des lois l'a parfaitement compris, et a consenti à une ouverture. Je l'en remercie, mais celle-ci ne nous suffit pas.

Il ne faut pas caricaturer nos positions : nous sommes pour le renvoi à la loi, mais nous souhaitons également que l'expression « pollueur-payeur », qui existe dans le code de l'environnement, soit reprise dans la Charte...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pas nous !

M. Jean-Marc Ayrault. ...parce qu'elle a le mérite de la clarté, et celui d'exprimer une volonté.

Quant aux propos de Mme Pecresse selon lesquels la position du groupe socialiste irait à l'encontre de sa vocation à défendre l'égalité, ils ne méritent pas que l'on s'y attarde. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Lorsque le Président de la République s'est rendu au Croisic à la suite de la catastrophe de l'Erika, il a lui-même évoqué le principe pollueur-payeur. On peut s'interroger sur la sincérité de l'intention que vous affichez de faire reculer les atteintes à l'environnement dans notre pays...

M. Jean-Luc Warsmann. C'est nous qui avons durci les sanctions en ce domaine, pas vous !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et d'inscrire durablement dans les politiques publiques la protection de l'environnement et le développement durable. En effet, alors que l'occasion s'offre à vous de prouver l'authenticité de vos convictions en acceptant notre amendement, vous campez sur vos positions en arguant de prétextes dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont peu convaincants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Nous sommes au cœur du débat quand nous traitons de la question essentielle, et éminemment délicate, de ce que nous voulons voir figurer ou non dans la Constitution.

Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Ayrault, en faisant référence à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, résultant de la loi Barnier, que le principe pollueur-payeur impliquait la prise en charge de l'ensemble des réparations. Or ce n'est pas le cas.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Selon l'expression que vous avez employée, la réparation était prévue. Pour dissiper tout malentendu sur ce point important, il me paraît nécessaire de rappeler les termes de l'article L. 110-1 : « Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution » - notez qu'il ne s'agit pas de la supprimer, il n'est question que de la réduire - « et de lutte contre celle-ci » ...

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, « de lutte contre celle-ci » !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. ...« doivent être supportés par le pollueur ».

Contrairement au texte de la Charte, celui de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne fait pas mention d'une obligation de réparation.

La commission Coppens avait déjà relevé l'ambiguïté du principe pollueur-payeur. Nous ne pouvons pas intégrer, dans un même article, deux principes qui pourraient se révéler contradictoires du fait de cette ambiguïté.

Le principe pollueur-payeur, tel qu'il figure dans l'article L. 110-1 du code de l'environnement, est susceptible d'être détourné pour signifier que le droit de polluer peut être acheté. En revanche, la notion de réparation, outre qu'elle échappe à cette ambiguïté, va beaucoup plus loin, car elle implique l'idée d'une remise en l'état antérieur à la pollution.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est ce que dit notre amendement !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. J'espère avoir apporté un éclairage utile à la compréhension de chacun, avant que nous ne prenions position sur les amendements dont nous débattons.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Je voudrais répondre à M. Blazy car j'ai eu l'impression qu'il me mettait personnellement en cause.

M. Jean-Pierre Blazy. Allons, quelle idée ! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Il y avait deux façons d'envisager la rédaction de l'article 4 de la Charte. L'une consistait à reprendre le principe pollueur-payeur tel qu'il figure dans le code de l'environnement. L'autre, plus ambitieuse, privilégiait la réparation du dommage écologique pur, et elle nous a paru s'imposer, s'agissant non pas d'une charte quelconque, mais de la Charte de l'environnement.

Les dommages résultant d'une marée noire, pour reprendre l'exemple cité par M. Ayrault, sont constitués aux deux tiers ou aux trois quarts - personne ne peut le dire précisément - d'un dommage écologique pur, c'est-à-dire n'ayant pas d'impact économique directement chiffrable. Sa proposition d'appliquer intégralement le principe pollueur-payeur part d'une intention louable, celle d'indemniser totalement les pêcheurs ou les hôteliers, mais elle n'aura jamais pour résultat que de rembourser un quart du dommage. En revanche, le texte proposé par le Gouvernement vise à prendre en compte les trois autres quarts, qui correspondent au dommage écologique pur.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est très pertinent !

M. Bernard Accoyer. Nous pouvons voter maintenant !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Nous avons opté pour ce texte parce que son contenu, plus large et plus ambitieux du fait de la prise en compte du dommage écologique pur, lui donne vocation à s'intégrer à ce texte très particulier qu'est la Charte de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Vous semblez perdre de vue le fait que le principe pollueur-payeur est reconnu comme un principe général du droit international de l'environnement. À un moment ou à un autre, le droit international contraindra la France à l'introduire dans sa législation.

Puisque nous nous apprêtons à introduire le droit de l'environnement dans la Constitution, faisons-le en harmonie et en cohérence avec les règles internationales.

De ce point de vue, ce que vous nous proposez est en décalage avec le droit international, notamment européen.

M. Bernard Accoyer. Argutie !

M. Christophe Caresche. Ce n'est pas une argutie, mais un fait très important.

Par ailleurs, tous les échanges que nous avons actuellement sont parfaitement légitimes et ils trouveront leur place dans la discussion sur la loi qui devra préciser le principe pollueur-payeur. Aucune contradiction n'est à craindre, puisque la loi modifiera le code de l'environnement sur ce point.

On ne s'explique donc pas pourquoi vous refusez de nommer ce principe dans la charte de l'environnement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, n° 992, relatif à la Charte de l'environnement :

Rapport, n° 1595, de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 1593, de M. Martial Saddier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot