Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session extraordinaire 2004-2005)
Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
(HTML) - (PDF)

 

Deuxième séance du lundi 4 juillet 2005

2e séance de la session extraordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un vice-président de l'Assemblée nationale.

Je n'ai reçu qu'une candidature, qui a été affichée, celle de M. Jean-Luc Warsmann.

En conséquence je proclame M. Jean-Luc Warsmann vice-président de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)

    2

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence,

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, en faveur des petites et moyennes entreprises (nos 2381, 2429).

Nous abordons la discussion générale.

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié, premier orateur inscrit.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le président, monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, chers collègues, je limiterai mon propos, au nom de l'UMP, à l'exposé du contexte très préoccupant dont souffrent les PME françaises et les conséquences à en tirer.

Par souci de concision, je dirigerai le projecteur sur la question des grandes surfaces à dominante alimentaire, qui concentre les dérives qu'il est de notre devoir de traiter. En effet, les relations commerciales y sont totalement différentes de ce qu'elles sont partout ailleurs - bricolage, jardinerie, sport, électroménager, disques et livres, meubles, confection, automobile. Ce préalable est fondamental : quelle que soit, mesdames et messieurs, la réalité que je vais rappeler, nous devons prendre garde à ne pas céder à la tentation de changer, à cause d'un seul secteur d'activités, des règles du jeu qui, partout ailleurs, sont respectées et donnent totale satisfaction.

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !

M. Jean-Paul Charié. Ce que je vais décrire appelle moins un changement de loi qu'une juste application de la loi.

La grande distribution à dominante alimentaire est sujette à des dérives spécifiques. Elle facture aux fournisseurs des services fictifs. Elle facture des services purement contradictoires. Elle facture des services identiques sous des dénominations différentes. Il arrive même qu'elle facture aux fournisseurs des services rendus par les fournisseurs eux-mêmes.

Comme l'a dit M. Gaubert, le même service est facturé plusieurs fois : à l'étranger, au niveau de la centrale nationale, au niveau de la plate-forme régionale, et au niveau des magasins. Il arrive qu'un service soit facturé alors même qu'il n'a pas été rendu : ainsi des enseignes facturent plus de têtes de gondole qu'il n'est possible d'en offrir. Une tête de gondole, qui était réservée hier à un seul produit, est partagée aujourd'hui entre plusieurs produits, tout en étant facturée cinq fois plus cher. Voilà une conception bien particulière de la baisse des prix.

Tout est bon pour racketter le fournisseur. J'ai, monsieur le ministre, dénoncé de multiples dérives : « je vous facture le fait de vous passer une commande ; je vous facture le fait que la vente de vos produits a empêché de vendre ceux de vos concurrents ; je vous facture le fait qu'avec nous vous êtes sûr d'être payé » Et ça continue, puisque depuis le 12 avril dernier, une grande enseigne facture 0,20 euro minimum par colis le déchargement des camions.

Le coût du service a augmenté de 2 à 5 %, même quand le chiffre d'affaires réalisé avec le fournisseur a diminué dans des proportions bien supérieures.

Alors qu'elle règle son fournisseur à 120 jours, la grande surface exige que ses factures de service soient réglées comptant et avant la réalisation du chiffre d'affaires. La rémunération payée d'avance n'est jamais remboursée, même si le chiffre d'affaires n'est pas atteint.

Autre dérive propre au secteur agroalimentaire : toutes les centrales d'achat imposent de 10 % à 60 % de pénalités de livraison, directement déduites du règlement de la facture, pour quelques minutes de retard, alors même que le fournisseur n'y est pour rien. Ce retard est parfois même provoqué par le distributeur pour interdire au fournisseur de livrer dans les délais convenus.

Je n'ai nul besoin, mesdames, messieurs, de poursuivre ma description de pratiques commerciales que vous connaissez déjà. Ces pratiques, strictement interdites par nos lois républicaines, on les appelle pudiquement les « marges arrière ».

Rétablissons une fois encore la vérité : ce n'est pas la loi Galland qui est responsable de ces dérives et des effets pervers de son application. Elle n'a jamais imposé de facturer des pénalités de 60 % aux fournisseurs. Si la loi Galland était à l'origine de la pratique des marges arrière, celles-ci se seraient développées dans tous les secteurs, et ne se seraient pas cantonnées au secteur agroalimentaire.

Deuxième vérité, baisser les prix acquittés par les consommateurs, c'est possible : il suffirait, comme l'a proposé la commission des affaires économiques - j'en profite, monsieur le président, pour saluer la qualité de son travail - d'interdire le racket des fournisseurs par le biais des fausses factures pour que les prix des fournisseurs, et donc les prix grand public, baissent.

Qui a dit aux fournisseurs : « Pour me payer ce que j'exige, augmentez vos prix, le consommateur n'y verra rien, surtout avec l'euro ! » ?

Troisième vérité, que ceux - ou celui... - qui réalisent trop de marges baissent les prix sur tout ce qui n'est pas au seuil de revente à perte, c'est-à-dire 96 % des produits.

Chers collègues, ne nous laissons pas influencer par ceux qui ne cherchent que l'effet médiatique et le prix d'appel. Sachez la réalité : pourquoi ces distributeurs ont-ils fait signer aux fournisseurs la clause suivante : « en cas de contentieux pénal, obligation de paiement des condamnations par les fournisseurs » ?

Sachez toute la réalité : ces dernières années, le montant des factures, de ces « marges arrière », est passé de 10 % à plus de 30 % du chiffre d'affaires, soit des centaines de millions d'euros de factures illicites. Pendant ce temps, sur le total des années 2001, 2002 et 2003, les tribunaux français n'ont prononcé que 280 352 euros d'amendes, soit moins de 100 000 euros par an. La majorité des amendes se situe entre 1 500 et 10 000 euros.

Une première toutefois, le 10 février dernier, le tribunal correctionnel de Moulins a condamné à 100 000 euros d'amende une grande surface : c'est beaucoup. Mais c'était pour 600 000 euros de fausses factures. Vous avez bien entendu : 100 000 euros d'amende pour 600 000 euros de vols, restent 500 000 euros de profits. Ce n'est plus une amende, c'est une incitation au délit. Et aucun des 512 fournisseurs « arnaqués » n'a été remboursé. Ils ont peut-être même dû payer l'amende.

Voilà, chers collègues, le contexte dans lequel évoluent des milliers de PME, de commerçants et d'artisans. Une telle réalité dépasse l'entendement de beaucoup. Qu'ils sachent que tous les exemples que je viens de citer sont extraits des rapports de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.

Quand on mesure la gravité des conséquences, économiques et sociales, humaines et politiques, d'une telle situation, une question se pose : que pouvons nous faire ?

Il faut d'abord refuser de nous taire ou d'être indulgents. Il faut ensuite exiger que les lois de la République soient appliquées, sans faiblesse, à tout le monde de la même façon.

Mettons-nous à la place de ces dirigeants de PME, ravalés à l'état de serfs. Il leur est dit : « ou tu payes ce qu'on te demande, ou tu vires et tu fermes ton usine », comme l'a rappelé M. le président de la commission des affaires économiques.

Mettons-nous à la place des dirigeants et salariés des grands magasins de centre ville, des supérettes, des commerces de proximité de nos villes et de nos campagnes. Personne ne peut nier le véritable service au public et à la personne qu'ils rendent quotidiennement. Pourtant ils sont aujourd'hui bafoués par des concurrents sans vertu, et ils ne sont pas suffisamment défendus par leur environnement.

Mes propos dérangeront. On n'embrasse jamais celui qui vous ouvre les yeux sur une vérité douloureuse à entendre.

Des amis m'opposeront le libéralisme.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Quel gros mot !

M. Jean-Paul Charié. Or il ne s'agit pas de libérer celui qui détourne les lois, mais de préserver la PME pour qu'elle retrouve la liberté.

Des amis m'opposeront la libre négociation. Or il ne s'agit pas d'entraver la liberté, mais de combattre le racket. Est-il acceptable que le même qui nous demande moins de loi et plus de liberté, impose sans raison 60 % de pénalités à ses partenaires ?

Que les choses soient claires à ce sujet. Il ne s'agit pas pour nous, à l'UMP, de combattre les grandes surfaces mais seulement les pratiques de certaines d'entre elles. C'est l'objet de l'encadrement des coopérations commerciales et de nos accords sur l'article 28.

Deuxième vérité : tous les dirigeants des grandes surfaces ne sont pas condamnables. Face à des pratiques déloyales et des délits jamais sanctionnés, ils sont bien obligés de suivre.

Le premier responsable, c'est le politique.

C'est au politique de faire respecter les lois. C'est au politique d'avoir le courage de la fermeté. C'est à nous d'assumer l'autorité politique.

J'ai toujours, du haut de cette tribune, salué le libre service et le « tout sous le même toit » : ce sont deux spécificités françaises, sources d'une véritable valeur ajoutée pour les consommateurs. J'ai connu, et je connais dans le monde de la grande distribution, des entrepreneurs vertueux et visionnaires, loyaux et soucieux des consommateurs.

M. Jean-Marie Le Guen. Des noms !

M. Jean-Paul Charié. Je veux ici citer en particulier Gérard Seul d'Euromarché, Paul-Louis Halley de Promodès et les membres de sa famille. Je cite également la famille Mulliez d'Auchan, ou encore M. Jaunaït et M. Papin de Système U. Tous ces responsables, et bien d'autres, nous ont compris, respectés, et m'ont approuvé dans mes engagements. Mais que peuvent-ils faire, monsieur le ministre, face à celui qui pratique le délit sans jamais être sanctionné, qui en est fier et qui se montre à la une des journaux avec les ministres ? (« Des noms ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ces accusations sont graves !

M. Daniel Paul. Il en a trop dit ou pas assez !

M. Jean-Paul Charié. Chers collègues, ne nous laissons pas influencer. Sur tous les bancs, nous savons peu ou prou qu'elle est la réalité vraie des relations commerciales. Ne mollissons pas. Au nom du groupe UMP, je vous invite à ne pas fléchir.

Quand nous mesurons l'exaspération légitime des Français - à chaque consultation électorale nationale, elle s'exprime avec de plus en plus de force -, quand nous comparons nos performances à celles de nos voisins, quand nous mesurons les gâchis de la société française en délitement, il est de notre devoir d'être implacables. Bienveillants, mais implacables. Comme vous, j'entends l'exaspération légitime des Français et, en particulier, celle des dirigeants et des salariés des PME. Ce projet de loi est l'occasion de nous ressaisir, de nous rassembler sur l'essentiel : l'intérêt des consommateurs, qui passe aujourd'hui par le développement de la sauvegarde et de la capacité concurrentielle des PME. Réduire les fausses coopérations commerciales ? Oui, monsieur le ministre. Mais remettre en cause le SRP, ce serait substituer à la loi Galland la loi de la jungle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Quel succès ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saluons d'abord les efforts consentis ces dernières années par le Gouvernement en direction des entreprises. Saluons ensuite le retour d'un ministre dans des fonctions qu'il a occupées avec bonheur.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Ça, c'est la vraie UDF, celle qu'on aime !

M. Jean Dionis du Séjour. Saluons enfin le travail parlementaire de la commission des affaires économiques, monsieur le président Ollier, et de la mission d'information parlementaire. Je veux attester ici du sérieux et de la profondeur de son travail. Je salue également mes collègues Luc-Marie Chatel, Jean-Paul Charié et Michel Raison.

La loi Dutreil a été un succès : 220 000 entreprises ont été créées depuis deux ans, avec une augmentation notable de 11,9 % en 2003 et de 12,7 % en 2004. Pourquoi cacher notre bonheur ? Même si Hervé Novelli, avec raison, a justement éclairé le chemin qui reste à parcourir en matière de financement des PME : démarrage laborieux des FIP, fiscalité restant prédatrice pour les PME, et puisqu'il a évoqué 2007, l'UDF compte bien remettre les charges - encore les charges... - et plus fondamentalement la refondation du financement de notre sécurité sociale - c'est la fameuse TVA sociale, chère au président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis - au centre du débat national de l'élection présidentielle. Il faut aussi procéder à la réécriture du droit du travail pour les PME.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes sûr que ça suffira, la TVA sociale ? Et à combien ?

M. Jean Dionis du Séjour. On se calme. On aura le temps d'en parler.

Mais les entrepreneurs ont répondu présents à la loi Dutreil, et c'est tant mieux. Les perspectives démographiques laissent en effet présager, dans les années à venir, des départs massifs à la retraite de chefs d'entreprise. Selon le Conseil économique et social, ils seront près de 500 000 d'ici à 2010 à quitter leurs fonctions et, en l'absence de mesures destinées à compenser ces départs, ce serait tout le dynamisme de notre économie et la croissance de nos emplois qui pourraient être atteints.

Il faut également concevoir les conditions de la pérennisation des entreprises. L'assureur crédit SFAC, dans son dernier rapport, enregistre en effet une très forte augmentation des faillites - 11,7 %, en 2003. Une entreprise sur deux ferme au bout de cinq ans et, dans 90 % des cas, il s'agit d'une petite entreprise de moins de cinq salariés.

Il faut voir les deux vérités. C'est donc bien l'ambition de cette loi d'agir non seulement sur la création, mais aussi sur le développement et la transmission des entreprises, afin de les renforcer et de consolider le tissu des PME.

Les dispositions des titres I, II, III et IV relatives à ces différentes étapes vont pour nous dans le bon sens, comme celles concernant notamment le conjoint de l'entrepreneur. Enfin, le titre VII organise une modernisation du financement et du fonctionnement des chambres de commerce et d'industrie. Les mesures proposées, fruit d'une vraie concertation avec l'ACFCI - quel sigle affreux - sont, à notre avis, pertinentes et utiles.

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Tout est-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes des PME ? Eh bien, l'UDF n'est pas dans l'état d'esprit de Candide.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Ah !

M. Jean Dionis du Séjour. C'est le titre VI qui nous rend offensifs ce soir. Commençons d'abord par regretter vivement que le problème des relations commerciales n'ait pas été traité dans son ensemble, c'est-à-dire à la fois les relations distributeurs-producteurs et les règles d'urbanisme commercial.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Ça viendra !

M. Jean Dionis du Séjour. Les règles d'urbanisme commercial sont en effet clairement identifiées par le rapport Canivet comme l'une des principales causes du processus de concentration qu'a connu la grande distribution. Et c'est cette concentration qui est aujourd'hui au cœur du problème des relations commerciales et de la hausse des prix.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est de la loi Raffarin que vous parlez ?

M. Jean Dionis du Séjour. Exactement, monsieur Le Guen. L'analyse de la concurrence ne doit pas se faire pour nous que d'un point de vue sectoriel comme elle se pratique au niveau national et européen, elle doit absolument être menée géographiquement, par bassin de vie. Les grands distributeurs français ont une implantation géographique très spécifique les uns par rapport aux autres, créant de véritables situations de monopole dans nos régions. Ces situations sont l'une des causes de l'inflation à la française. Cela dit, vous avez choisi de traiter le problème de l'urbanisme commercial par la proposition de loi Fouché, déjà examinée au Sénat. Vous nous l'annoncez pour l'automne prochain à l'Assemblée nationale. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour tenir ces délais, et ce, d'autant plus que l'ambition du Gouvernement en rédigeant ce projet de loi était bien, à côté d'un soutien aux PME, de lutter contre la vie chère. Il est clair, en effet, que dans un pays où les marges de manœuvre budgétaires sont réduites et les hausses salariales forcément modérées, seule la baisse des prix à la consommation peut relancer la croissance de notre pays.

Venons-en maintenant au titre VI. Le diagnostic nous est commun à tous : à côté d'effets positifs - suppression de prix prédateurs, équilibre distributeurs-producteurs -, la loi Galland a permis des dérives aux effets ravageurs.

M. Jean-Paul Charié. C'est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. D'abord, l'inflation à la française : la fixation des prix s'est progressivement transformée en une opération d'entente entre les grands industriels et les grands distributeurs, et tout ça au détriment des consommateurs. La coopération commerciale a ainsi été progressivement réduite à la négociation des marges arrière, et est devenue un système malsain où le prix du produit n'a plus grande place dans la négociation. En outre, les services facturés dans ce cadre sont la plupart du temps fictifs et n'ont aucune réelle contrepartie de la part du distributeur. Le rapport Canivet a bien mis en évidence l'effet pervers d'un tel fonctionnement : la dérive inflationniste des prix dans la grande distribution. C'est un fait : les prix à la consommation - cela a été dit par Jean-Paul Charié - ont évolué plus vite en France qu'en Europe. C'est le cas pour les produits alimentaires et les boissons non alcoolisées dont l'indice a augmenté plus vite en France que dans l'ensemble de l'Europe.

Forts de leur pouvoir d'entreprises oligopolistiques, les distributeurs ont pu augmenter leurs marges arrière jusqu'à 35 % en moyenne. Rendez-vous compte de la dérive : 22 % en 1998, 27 % en 2000, 30 % en 2002, 32 % en 2003. Je le disais tout à l'heure à Jean-Marie Le Guen, cela doit nous amener, et les uns et les autres, à pas mal de modestie sur ce chapitre. Jusqu'où irons-nous dans ce système fou ?

Ensuite, osons le dire sans diabolisation. J'ai apprécié ce qu'a dit Jean-Paul Charié sur le secteur de la grande distribution : oui, c'est un secteur majeur de notre économie française ; oui, c'est un secteur où la France a été particulièrement innovante ; oui, nous devons nous garder de tout amalgame, nous et ceux qui ont la responsabilité, notamment judiciaire, de faire le tri.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais une fois qu'on a dit ça, osons dire que ces marges arrière sont un des nids de la corruption à la française.

M. Jean-Paul Charié. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. Or cette double pratique de la coopération commerciale et des marges arrière est une particularité franco-française qui n'existe nulle part ailleurs. Elle a un perdant clair : le consommateur français, sommé de payer avec son pouvoir d'achat le développement à l'international des grands groupes français. Elle a ses gagnants : les distributeurs, les grands industriels et, peut-être, les petits commerçants - même si, comme l'a dit Jean Gaubert, ce point précis se discute. Enfin, elle terrorise de très nombreux acteurs de l'économie : les PME, les artisans, les agriculteurs. Quand je lis aujourd'hui certains appels au statu quo signés par la FNSEA, par la CGPME ou par l'UPA, et que je garde en mémoire les témoignages bouleversants de patrons de PME, d'artisans ou de paysans devant notre commission...

M. Pierre Ducout. Il s'est passé quelque chose, là !

M. Jean Dionis du Séjour. ...venant nous dire comment ils ont été broyés par le système, j'ai envie, soit, pour faire rire leurs responsables syndicaux, de leur repasser les meilleurs moments du film La Vérité si je mens, soit, plus sérieusement, de leur dire que le moment est venu d'oser un système nouveau.

Alors que nous propose le gouvernement ?

Un certain nombre de choses utiles, que nous soutiendrons, notamment l'inversion de la charge de la preuve. Mais, pour l'essentiel, il nous propose une solution qui, dans les faits, n'en est pas vraiment une : fixer un taux maximum de marges arrière de 20 %. Pourquoi 20 % ? Tous autant que nous sommes, nous avons bien compris qu'une telle mesure aura pour effet, non seulement de donner un fondement législatif à une pratique objectivement malsaine, mais également d'entraîner un alignement de tous les distributeurs sur ce taux, quelles qu'aient été leurs pratiques antérieures. Ce compromis, mi-chèvre, mi-chou, ne satisfait pas grand monde : ni la commission des affaires économiques, qui a adopté un amendement visant à réduire progressivement ce taux sur les années à venir pour le ramener à 10 %, ni les distributeurs, conscients que le défi du hard discount les oblige maintenant à revenir à leur modèle économique initial, celui des prix bon marché, ni les consommateurs, plumés ces dernières années et qui espèrent enfin une vraie réforme.

L'UDF proposera donc une série d'amendements de suppression des marges arrière et de la coopération commerciale.

D'abord parce qu'au sein de la mission nous n'avons trouvé aucune raison de fond qui justifie les marges arrière. Que ce soit les catalogues, la formation du personnel, la place dans les gondoles, tous ces éléments de négociation doivent et peuvent trouver leur place dans la négociation du prix d'achat. C'est pour cela que nous sommes intimement convaincus que la solution la plus efficace pour lutter contre la hausse des prix et aussi, disons-le, contre certaines pratiques commerciales, est la suppression pure et simple de la coopération commerciale. Nous proposerons donc un amendement de suppression de la coopération commerciale. En cela nous suivons la Cour de cassation qui, dès 1990, avait affirmé qu'il s'agissait d'« obligations particulières exorbitantes des relations contractuelles habituelles ». Nous suivons également l'exemple américain qui, dans ses lois fédérales anti-trust, interdit les  reciprocal dealings,...

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. ...accords de vente réciproque, lorsqu'ils résultent d'un abus de puissance de l'une des deux parties, et, éventuellement, nous suivons Jean-Paul Charié - ce qui n'est pas rien -, qui a déposé un amendement de la même teneur, et que je salue.

Restent les marges arrière. En toute rigueur, elles sont composées de ristournes conditionnelles, de services spécifiques prévues aux conditions générales de vente, et de coopération commerciale. Nous avons exprimé nos convictions sur la coopération commerciale. Ce sont les mêmes pour les ristournes conditionnelles et pour les services spéciaux. Cette pratique est la racine d'un double mal : l'inflation franco-française et des pratiques de corruption condamnables. Nous devons donc les supprimer. Si j'osais, je dirais, avec mes restes de latin : « Delenda sunt ! » - « Il faut les supprimer !». Je m'adresse à vous, monsieur le ministre, qui avez des lettres, et le plus tôt sera le mieux. Pour plagier un homme politique à la mode, je pense qu'il faut les nettoyer...

M. Daniel Paul. Au Kärcher !

M. Jean Dionis du Séjour. ...au Kärcher. (Sourires.)

Certains nous prédisent la guerre, voire l'apocalypse des prix. À l'UDF, nous n'y croyons pas une seconde. L'analyse des résultats nets des distributeurs montre une marge de manœuvre limitée par rapport à des actionnaires qui tiendront, assurément, à ce que ces résultats restent positifs. L'idée, chère à notre rapporteur, Luc-Marie Chatel, d'une suppression progressive de ces marges arrière peut retenir notre attention, à condition qu'elle aille à son terme, à savoir la suppression. L'autre idée, toujours chère à Luc-Marie Chatel, d'un aménagement spécifique pour les commerçants de détail indépendants, peut aussi retenir notre attention, à condition qu'elle ne soit pas un alibi à l'immobilisme.

M. André Chassaigne. Cela fait beaucoup de conditions !

M. Jean Dionis du Séjour. En ce qui concerne le seuil de revente à perte, nous réaffirmons son utilité sociale et nous avons donc choisi de privilégier la première des deux solutions proposées par la mission d'information sur les relations commerciales et rappelées par Luc-Marie Chatel en commission : il s'agit d'une modification du calcul du seuil de revente à perte par l'application du prix dit « triple net », c'est-à-dire net de rabais, de ristourne et de coopération commerciale, auquel serait appliqué un coefficient de «distribution » englobant les frais incompressibles du distributeur. Selon les experts les plus sérieux, ce coefficient devrait être fixé à 1,15. Nous proposerons un amendement dans ce sens. Il est de bon sens. Quand un distributeur va-t-il commencer à perdre de l'argent ? Quand il vendra en dessous du prix triple net augmenté de ses frais de distributeur. J'attends le débat de fond sur ce point précis.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette loi sera utile. Elle constituera un progrès, au moins dans sa partie consacrée aux PME. Il reste au Parlement à avoir le souffle et la liberté de ne pas manquer le rendez-vous de la modernisation et de l'assainissement des relations commerciales dans ce pays.

Le Gouvernement, dont le métier est bien difficile, a besoin d'être poussé et encouragé. Il a besoin d'audace. Alors, mes chers collègues, paraphrasant un de nos illustres ancêtres, je vous propose, au nom de l'UDF, d'avoir de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace. Dans sa grande sagesse, l'UDF attendra de voir souffler cet esprit d'audace avant de se prononcer sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Monsieur le ministre, que ce soit dans les manifestations de l'été 2003 et du 10 mars dernier ou dans le double camouflet électoral du printemps 2004 et le vote du 29 mai dernier, les Français ont désavoué les politiques européennes et nationales du Gouvernement et ont témoigné leur défiance à l'égard des orientations de sa politique.

Les Français vous ont adressé un message. Ils vous demandent de rompre aujourd'hui avec la logique qui est la vôtre et de mettre la richesse produite au service de la création d'emploi, de l'investissement, de la formation et de la recherche.

Mais décidément aveugles et sourds à ces attentes, vous répondez ordonnances et procédure d'urgence, poursuivant dans la voie que vous vous êtes tracée, préférant la fuite en avant dans les logiques libérales plutôt que la recherche de solutions et de réponses viables.

Alors que les Français attendent aujourd'hui des politiques qu'ils aient le courage de s'opposer à la pression qu'exerce le capitalisme financier, de refuser des logiques qui fragilisent le système productif, et alors qu'ils souhaitent que leurs dirigeants prennent des mesures fortes de relance de notre économie, vous nous présentez ce soir un texte qui, une fois de plus, ne propose aucune mesure ambitieuse, susceptible de relancer l'emploi et l'économie.

Le sujet est pourtant d'importance. Les PME de notre pays emploient près de 60 % de la population active. Elles représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée de l'ensemble des secteurs de l'industrie, du commerce et des services. Le tissu des PME, et particulièrement des TPE, est un atout majeur pour notre pays mais nous savons qu'il est aussi l'un des plus exposés aux conséquences de la dérégulation et de la concurrence que se livrent les grands groupes, comme à la pénétration sans cesse croissante des marchés financiers dans l'ensemble du tissu économique.

Dans ce contexte de risques, il ne sert à rien de mettre en avant des chiffres de créations d'entreprises. En effet, les créations d'entreprises ne font aujourd'hui que retrouver leur moyenne historique, sans faire du tout barrage à la montée du chômage. De surcroît, elles restent un indicateur assez peu fiable. Les statistiques nous apprennent, en effet, que trois ans après avoir créé ou repris une activité, près de quatre PME et TPE sur dix ferment leurs portes.

Même si certains voudraient nous le faire croire, ce n'est pas, loin s'en faut, le manque de flexibilité du droit du travail qui est le principal problème auquel sont confrontées les PME. La question pour elles, c'est bien évidemment la croissance. Si les chefs d'entreprise embauchent, c'est parce qu'ils ont besoin de salariés dès que la croissance est là. Or, pour le premier trimestre 2005, notre taux de croissance a stagné autour de 0,2 %, un résultat qui prédit un taux de croissance, pour cette année, de seulement 1,5 %.

Dans ce contexte, comment croire que ce seul projet de loi soit à même de répondre aux difficultés des PME, et tout particulièrement des TPE ? Et cela, alors même que vous n'envisagez aucune mesure propre à encourager l'activité économique, en particulier aucune mesure visant le comportement des banques, qui portent pourtant une lourde responsabilité dans la difficulté que rencontrent les entreprises dans le financement de leurs projets. Rappelons que la moyenne des taux d'intérêt exigés par les banques des plus petites entreprises est de 6 à 8 %, alors que, les grands groupes, eux, bénéficient de taux d'intérêt de 2 % pour mener à bien leurs opérations financières.

Rien n'est fait non plus, ou si peu, pour desserrer l'étau que constitue l'emprise croissante des grands groupes et lutter contre les conduites fortement prédatrices de certains d'entre eux.

Pourtant essentielle à la pérennité des entreprises, la formation ne fait non plus l'objet d'aucune attention, ni de disposition de quelque ampleur. Un investissement massif dans la formation serait pourtant indispensable pour répondre aux défis actuels. Cela suppose la mise en œuvre d'une politique volontariste de la formation accompagnée d'une revalorisation des métiers de l'artisanat auprès des jeunes.

Au contraire, si vous affichez une politique visant à encourager la formation dans la transmission des entreprises, vous ne vous en donnez pas les moyens. Ainsi, les dépenses nécessaires à la formation, dans le cadre des créations ou reprises d'entreprises, sont imputées sur le fonds d'assurance formation des travailleurs, alors même que le Gouvernement avait réduit, en 2003, le taux de cotisation à ce fonds qui est alors passé de 0,29 % à 0,24 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

C'est, une fois de plus, la pratique des vases communicants : on donne aux uns pour retirer aux autres ! Ces dispositions remettent en cause le principe même du droit à la formation professionnelle et risquent de réduire les possibilités de formation des chefs d'entreprise.

Enfin, soutenir les PME et les accompagner dans leur développement, ce n'est pas légaliser les pratiques commerciales honteuses de la grande distribution et casser notre droit du travail. C'est pourtant la voie que vous avez choisie en consacrant le titre VI de votre projet à des mesures dont les seules vraies innovations consistent en la légalisation, fût-elle partielle, de pratiques abusives. La réforme - annoncée - de la loi Galland ne permettra nullement de protéger les petites entreprises, qu'elles soient producteurs ou fournisseurs. Surtout, il s'agit, aujourd'hui, moins d'élaborer un nouvel arsenal législatif que de faire appliquer la loi. Or, vous ne proposez aucune mesure nouvelle visant à mieux contrôler et mieux sanctionner les comportements punis par la loi. Cela supposerait des moyens budgétaires nouveaux, un renforcement des compétences et des moyens de contrôle de la DGCCRF, en particulier ; en somme, l'embauche de nouveaux fonctionnaires, ce à quoi, bien sûr, vous vous refusez obstinément.

Alors vous préférez légiférer. Plutôt que d'interdire les accords de gammes, vous prétendez les encadrer. Plutôt que d'interdire la pratique des marges arrière, vous la légalisez, offrant le gage de votre bonne foi aux grands distributeurs. Vous prétendez, en somme, mieux encadrer la coopération commerciale, feignant d'ignorer que cette fameuse coopération n'a précisément rien d'une «coopération ». De fait, les dispositions du projet resteront inopérantes pour lutter contre les effets pervers de cette pratique. Vous améliorez, certes, le dispositif juridictionnel mais on sait combien il est rare qu'un fournisseur ose s'en prendre à un distributeur, le risque de représailles imposant une loi du silence que ne briseront qu'une vigoureuse action publique de terrain et la mise en œuvre de sanctions pécuniaires réellement dissuasives.

Cerise sur le gâteau, vous nous proposez, sans rougir, d'assouplir le seuil de revente à perte ! Vous prétendez ainsi ouvrir des possibilités de baisses de prix. Malheureusement, il s'agit seulement d'une possibilité pour le consommateur. Quant à la situation du fournisseur, elle reste identique. Croyez-vous sincèrement que les actionnaires de ces grands groupes vont renoncer à une partie de leurs gains au profit du consommateur ? Vous usez des mêmes recettes qu'en matière d'emploi : les allégements de charges devaient, selon vous, créer de l'emploi mais, depuis vingt ans que vous appliquez cette recette, il n'en est rien ! Pourquoi en irait-il différemment dans la matière qui nous occupe ce soir ?

En vérité, il n'est pas acceptable que les prix soient décidés unilatéralement par les grands groupes, au détriment des fournisseurs et du consommateur ! On ne peut pas tolérer que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits ! Cette situation conduit inévitablement à l'asphyxie nombre de PME et de TPE.

En outre, en braquant le projecteur sur la baisse des prix, vous faites preuve de démagogie, déplaçant insidieusement le problème. En effet, à long terme, la baisse des prix ne bénéficie jamais aux milieux les plus modestes ni aux salariés. Au contraire, elle menace leurs salaires et leurs emplois, comme le bon fonctionnement de notre économie.

La baisse des prix n'est pas l'alpha et l'oméga du pouvoir d'achat des salariés, elle n'est pas un levier de relance de la consommation et de l'économie. Le véritable enjeu, c'est la rémunération du travail. Voilà le véritable levier, mais vous ne voulez pas l'actionner, pour préserver les intérêts de quelques-uns au détriment de ceux qui n'ont d'autres ressources que le fruit de leur travail.

Depuis 2002, le pouvoir d'achat du salaire mensuel par tête n'a progressé que de 0,4 % par an en moyenne. De plus en plus de salariés n'arrivent plus à vivre de leur travail et la pauvreté s'accroît tandis que les revenus financiers augmentent, que les profits explosent et que les revenus de certains chefs d'entreprise atteignent des montants indécents et scandaleux - l'équivalent de 2 815 années de SMIC pour l'ex-PDG de Carrefour !

Faut-il vous rappeler que l'objectif d'un gouvernement de la République doit être de lutter constamment contre ces abus et de veiller à une meilleure répartition des richesses ? La revalorisation des salaires est non seulement une exigence de justice, mais une nécessité économique. C'est par ce moyen que nous relèverons le pouvoir d'achat des ménages. La baisse des prix n'est qu'une fuite en avant. La juste rémunération du travail doit être le moteur de l'économie.

Les 7 millions de Français privés d'emploi ou en situation précaire, les millions de travailleurs sous-payés et tous ceux qu'angoissent l'avenir et l'insertion des jeunes en ont assez de vos pratiques, de vos mensonges, de l'administration forcée de prétendus remèdes qui se révèlent plus graves que le mal parce qu'ils aggravent la pauvreté et la précarité.

Votre politique ultra-libérale d'allégement des charges sociales des entreprises, de casse du code du travail, de précarisation des emplois, d'exploitation des travailleurs les plus faibles n'est pas la réponse qu'attendent les Français. Elle est même aux antipodes de leurs attentes !

C'est la raison pour laquelle les amendements déposés par le groupe des députés communistes et républicains ont vocation à prendre le contre-pied de certaines de vos propositions comme celles censées moraliser la coopération commerciale, et qui ne mettent nullement un terme aux pratiques prédatrices de la grande distribution ; ou celles supposées lutter contre le travail illégal, et qui nous paraissent nettement insuffisantes.

Compte tenu de vos orientations, de votre refus opiniâtre de changer d'orientation et de faire de votre texte un outil qui puisse répondre non seulement aux préoccupations des Français mais aussi au défi de la relance économique, nous voterons bien évidemment contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Franco.

Mme Arlette Franco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici quelques remarques et questions issues du monde des PME et relayées par un député de « transmission »...

La première des priorités du Gouvernement est l'emploi. Il va sans dire que la création d'emplois réels dépend des entreprises, de leur dynamisme et de leur capacité à s'adapter aux mutations de notre société. La loi doit donc être faite pour sauvegarder et soutenir les entreprises, ainsi que pour accroître leur nombre et les rendre pérennes. Plus de 224 000 entreprises ont été créées au cours de l'année 2004, soit une hausse de 30 % en un an, un des premiers effets de la loi pour l'initiative économique votée en 2003. Le projet de loi que nous examinons ce soir va incontestablement permettre d'amplifier ce mouvement en donnant un cadre juridique et financier ayant pour conséquence l'augmentation du nombre des salariés, car la rentabilité des PME incite à l'embauche et la provoque.

L'enracinement des PME dans un territoire leur donne toute leur dimension. Le savoir-faire et la qualité sont les plus beaux fleurons des produits français.

L'entreprise est par excellence un lieu où s'exerce l'apprentissage, aux côtés de ceux qui maîtrisent leur savoir-faire et sont à même de le transmettre. L'entreprise qui crée l'emploi part à la conquête de parts de marché ; c'est le marché qui dicte le profil des produits, et l'entreprise doit, en permanence, rechercher à satisfaire le client dont les goûts varient inlassablement. Bref, il s'agit d'adapter la loi à la réalité du marché.

Nos entreprises ont de plus en plus de mal à attirer des jeunes qui assureront demain leur continuité. Valoriser le travail manuel ou de services, inciter des jeunes à prendre une orientation valorisante en leur montrant les nombreux débouchés qu'offrent les petites et moyennes entreprises, ne peut fonctionner que si l'apprenti perçoit, durant sa formation, le même accompagnement qu'un jeune étudiant, en matière de logement, de transports, pour ne citer que quelques exemples. Nous devons assurer une équité entre toutes les formations quelles qu'elles soient, et il est important qu'un apprenti ait les mêmes droits.

C'est dans cet esprit que nous pourrons montrer aussi l'importance de ces filières qui offrent un emploi aux jeunes qui choisissent de s'y engager. Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur ce point et dans quel texte, ce problème interministériel pourra-t-il être discuté ?

Je voudrais insister sur l'importance des PME pour la cohésion de nos territoires. Les PME implantées au cœur des territoires ruraux offrent des services au quotidien et assurent le maintien d'une activité économique. C'est un gisement de première importance puisqu'il permet aussi aux populations de se stabiliser et de réduire l'exode dans certaines zones.

Même s'il est silencieux, même s'il ne s'exprime pas dans la rue, le monde des PME est l'âme même de notre pays. Il faudra peut-être réfléchir à des aides spécifiques pour le créateur ou le repreneur d'entreprise installé au cœur de ces territoires difficiles.

Nous devrons, dans le cadre de loi d'orientation agricole, réfléchir aussi au statut de l'entreprise de tourisme rural, qui regroupe plusieurs activités liées ; une complémentarité qui débouche sur le plein-emploi et l'emploi stable varié, valorisé, nécessaire pour maintenir l'activité dans ces territoires toute l'année.

Nous allons débattre et voter un texte cohérent, positif et qui comprend des mesures attendues depuis déjà longtemps par les artisans, commerçants et gérants de PME. C'est un texte ambitieux, qui traite aussi bien de l'appui à la création d'entreprise que de la reprise ou de la transmission d'une entreprise.

Le volet consacré au tutorat me paraît très important dans le cadre de la transmission. Bien souvent, l'entreprise artisanale est à l'image de son créateur, sa clientèle lui est personnellement attachée et la transmission n'est, dans ces conditions, pas toujours une réussite. Le tutorat sur une période donnée va incontestablement permettre une passation en douceur, facilitant la recherche d'une nouvelle clientèle avec l'ancien entrepreneur et le nouveau.

Je voudrais que nous puissions réfléchir au volet financier. Créer ou reprendre une entreprise sans fonds propres n'est ni souhaitable, ni opportun sur le plan tant économique que financier. L'apport en fonds propres confirme l'implication du porteur de projet et conforte l'analyse des organismes prêteurs. Un plan de financement cohérent comporte fonds propres et fonds d'emprunt, plus, le cas échéant, des aides familiales ou des subventions. C'est dans cet esprit que je voudrais proposer le prêt à taux zéro créateur-repreneur - projet issu des banques qui participent au CIEL. C'est une offre incitative, valorisante et économiquement saine. Il s'agirait d'un prêt d'un montant équivalent à l'apport en fonds propres du porteur de projet, dans la limite de 30 % du montant de l'investissement total. Il n'y aurait pas de garantie demandée à l'emprunteur et nous pourrions réfléchir à la mise en place d'un fonds de garantie. Ce prêt à taux zéro créateur-repreneur doit permettre à un porteur de projet d'accroître son potentiel d'investissement à coût zéro, valoriser son apport en fonds propres et renforcer la structure financière du dossier, donc de donner des chances plus fortes à sa réussite

Votre texte, monsieur le ministre, va également permettre de dégager de nouvelles conditions pour aider le développement, l'artisanat et le commerce.

Après avoir voté sur la loi sur le développement des territoires ruraux, il est nécessaire de poursuivre notre action dans ce sens.

Mais parler du développement des petites et moyennes entreprises, c'est aussi parler du pouvoir d'achat des ménages et de la hausse des prix.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Tout à fait.

Mme Arlette Franco. Le Gouvernement a fait de la lutte contre la vie chère une de ses priorités.

Certaines dépenses sont aujourd'hui non essentielles mais considérées comme prioritaires par nos concitoyens - portables, matériel audiovisuel. À cet égard, l'accord Sarkozy du 17 juin 2004 me semble encore plus d'actualité un an après. Il est important qu'une commission d'évaluation étudie régulièrement l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages. Il faut suivre également avec attention le niveau des marges et des prix, notamment dans le secteur de la grande distribution. Il n'est pas dans mon propos de jeter l'anathème sur un quelconque secteur d'activité, mais s'il est nécessaire que l'entreprise dégage des bénéfices qui vont lui permettre d'investir et de se développer, il faut aussi garantir le pouvoir d'achat des ménages en affichant avec détermination notre volonté de stabiliser les prix. Votre texte, monsieur le ministre, vise aussi à engager la lutte contre les marges arrière. Il ne faut pas oublier qu'elles sont plus élevées d'environ 30 % que chez nos voisins européens.

M. Jean-Paul Charié. En effet !

Mme Arlette Franco. Par ailleurs, dans les départements limitrophes du sud, les producteurs, en particulier dans le domaine agricole, ont du mal à faire face à la concurrence des produits espagnols - fruits, légumes, meubles - qui n'ont pas à subir les 35 heures et autres taxes ou charges franco-françaises, parfois inégalitaires dans le domaine de la TVA.

J'ai retenu dans ce texte le statut du conjoint collaborateur à propos duquel j'avais rédigé une proposition de loi, il y a deux ans, en étroite collaboration avec les représentants de la CAPEB, de l'UPA et de la chambre de métiers de mon département.

Si la loi du 10 juillet 1982 relative au conjoint de l'entreprise artisanale ou commerciale a constitué une avancée significative, l'évolution des conjoints qui ont, majoritairement renoncé aux bénéfices de ces statuts n'a pas répondu aux attentes de ses acteurs. Pour que l'entreprise puisse fonctionner sur des bases parfaitement claires et équitables ; pour qu'elle puisse se développer avec la participation active de chaque conjoint ; pour qu'elle donne à celui-ci l'envie de se former, il est absolument indispensable qu'il y ait une vraie reconnaissance de sa situation.

La reconnaissance légale de l'activité du conjoint ne peut aboutir que dans la mesure où le statut de collaborateur ne présente plus un caractère facultatif. Votre projet, monsieur le ministre, permet de sortir d'un cadre flou et peu sécurisant.

Ce statut sera rendu plus attractif par une meilleure protection du patrimoine du conjoint, l'acquisition de nouveaux droits sociaux, une meilleure représentation dans diverses instances socioprofessionnelles.

Ce statut offre de nombreux avantages, comme une reconnaissance professionnelle permettant de faire valider les acquis, d'accéder à des formations qualifiantes, d'être en mesure de suppléer le chef d'entreprise en cas d'incapacité et de poursuivre l'activité de l'entreprise en cas de disparition.

Je voudrais également souligner l'intérêt du contrat de collaborateur libéral. Un jeune professionnel a bien souvent des difficultés pour monter son cabinet autonome, sans expérience, sans moyens financiers et, de fait, sans de clientèle. Les professionnels libéraux souhaitent la mise en place d'une forme d'exercice distincte du salariat pour permettre aux jeunes de se préparer à l'exercice libéral et pour offrir aux professionnels réglementés la possibilité de commencer en qualité de collaborateur libéral d'un praticien ou d'un groupement de praticiens plus expérimentés.

Un autre point important est de réduire, de faciliter les démarches, parfois les contraintes des chefs d'entreprise. Les acteurs de la vie économique doivent être compris et encouragés, mais sûrement pas suspectés, contrôlés sans cesse. Ils ont toujours peur d'être à la limite de la légalité du fait d'une réglementation trop complexe et trop lourde.

Enfin, je souhaiterais connaître votre avis, monsieur le ministre, sur la possibilité de créer des structures de type « interface » pour des entreprises dont l'activité principale est liée au commerce international. Il ne s'agit pas de créer des structures lourdes et compliquées mais de mettre en réseau des entreprises appartenant à un secteur déterminé en vue de dégager des complémentarités et de développer des projets communs, voire de créer de nouvelles possibilités d'affaires à partir d'une démarche conjointe.

Ayant organisé sur ce texte de nombreuses réunions avec des représentants des syndicats professionnels et des chambres économiques, des chefs d'entreprise, des responsables de plates-formes économiques, des banques et des experts comptables dans le cadre du CIEL, créé dans mon département, je peux vous dire, monsieur le ministre, combien il est apprécié et attendu.

C'est pourquoi, je me prononce résolument et avec conviction pour l'adoption de ce projet de loi qui devrait recueillir un vote majoritairement favorable sur toutes les travées de notre hémicycle : c'est du moins ce que je souhaite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gilbert Biessy. C'est beaucoup nous demander !

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le ministre, votre loi du 1er août 2003 avait déjà fait faire aux petites et aux moyennes entreprises un pas vers la simplification, au plan fiscal ou administratif. Le présent projet de loi est un nouveau pas en matière de simplification, qu'il s'agisse de la transmission ou du développement des entreprises.

Cependant, une loi ne parvient jamais à elle seule à régler tous les problèmes. Je fais donc appel à vous afin que vous donniez des consignes aux services départementaux : les lois que nous votons ne sont pas toujours parfaites certes, mais elles doivent être appliquées avec le plus d'intelligence et de bon sens possible, en particulier s'agissant des PME, qui n'ont pas la puissance administrative suffisante pour décortiquer les textes en amont et supporter les pressions de certaines administrations comme la DRIRE, l'inspection du travail, les services fiscaux et douaniers.

M. Luc-Marie Chatel. Sans oublier les DDTE !

M. Michel Raison. Si nous faisions ce troisième pas en avant, nous donnerions l'oxygène nécessaire aux PME pour retrouver le moral. Pour en visiter chaque semaine, nous savons tous que cela est important.

S'agissant du domaine agricole, certains dossiers ont été reportés à l'examen de la loi d'orientation agricole. La question des groupements d'employeurs, qui concerne principalement l'agriculture, pose encore quelques questions. Et avant de m'endormir hier soir, je me disais qu'il ne serait pas idiot d'en reporter la partie agricole à la loi d'orientation, que les rapporteurs ne m'en veuillent pas !

La mission d'information a procédé à beaucoup d'auditions d'où il ressort qu'au moins, nous sommes tous d'accord sur l'objectif recherché. Reste qu'il n'est pas facile de trouver les moyens de l'atteindre, d'autant qu'alors que nous examinons ce projet, certains acteurs pensent déjà aux façons de contourner les dispositifs que nous mettons en place.

Le point d'accord qui nous rassemble, c'est qu'il faut ramener de la morale dans les transactions commerciales entre fournisseurs et distributeurs. La situation ne peut plus durer. Il est beaucoup question des marges arrière...

M. Luc-Marie Chatel. Delenda sunt !

M. Michel Raison. ...dont très peu de nos concitoyens ont compris le fonctionnement. Mais il faudrait aussi parler de tous les autres méfaits commis tout au long de l'année. À cet égard, je compte beaucoup sur le fameux article 28 et le contrat de coopération commerciale qu'il instaure. Contrairement à ce que certains pensent, les pratiques du hard discount devraient être étendues aux autres secteurs de la distribution.

M. Jean Dionis du Séjour. Bravo !

M. Michel Raison. Tous les fournisseurs que nous avons auditionnés nous ont confirmé que les négociations qu'ils menaient avec ces distributeurs étaient respectées tout au long de l'année, qu'il s'agisse du prix, des conditions, du tonnage.

M. Michel Vergnier. C'est vrai, mais parlez-nous du personnel aussi !

M. Michel Raison. Quels que soient les moyens employés, notre objectif est donc de parvenir à établir davantage d'honnêteté dans les relations commerciales.

S'agissant des marges arrière, je ne détaillerai pas ce qu'est une fausse facture ou une vraie coopération commerciale. Je reviendrai seulement à l'amendement que j'ai co-signé avec le président de la commission et celui de la mission d'information car il m'a paru devoir être complété. J'ai ainsi déposé un autre amendement qui vise à ce que les marges arrière soient ramenées à 0 % en 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Dionis du Séjour. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jacques Briat.

M. Jacques Briat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre système économique européen et mondial, ce sont les entreprises qui créent les richesses, ce sont les entreprises qui créent les emplois. Le monde de l'entreprise ne se résume pas aux multinationales, aux dirigeants ou aux patrons, mais sans entrepreneurs, sans esprit d'entreprendre, sans prise de risques personnels et financiers, il n'y a ni entreprise, ni emploi. C'est pour avoir oublié ces vérités que la précédente majorité, qui avait pourtant bénéficié d'une croissance européenne exceptionnelle, a laissé notre pays en panne de créations d'entreprises. Pour y remédier, monsieur le ministre, vous avez fait adopter en 2003 la loi sur l'initiative économique qui nous a permis de renouer avec la création d'entreprises : elle n'a jamais atteint de tels niveaux dans notre pays, les chiffres sont là.

M. Daniel Paul. Lesquels ?

M. Gilbert Biessy. Trois cent mille chômeurs en moins, c'est ça ?

M. Jacques Briat. Aujourd'hui, c'est un nouveau texte de loi au service de nos PME qui nous réunit.

Ce projet de loi, même s'il peut être techniquement discuté sur tel ou tel point, a l'immense mérite de revisiter de façon pragmatique l'ensemble de l'environnement des PME. Qu'il s'agisse de la transmission, de la pérennité, du développement des sociétés, du contexte juridique et social dans lequel évoluent les dirigeants ou leurs conjoints, des relations commerciales, des incitations fiscales, de l'évolution des CCI, il forme un ensemble divers et cohérent.

Les commerçants, les artisans, les professions libérales, les agriculteurs, les PME, forces vives de nos territoires en proie à une conjoncture européenne difficile, attendaient un signe fort de soutien et d'espoir. Le voici.

Mais je voudrais plus précisément attirer votre attention sur l'évolution des sociétés d'exercice libéral et sur l'importante question des pratiques commerciales, en particulier des marges arrière.

L'article 45 encadre et améliore les critères d'investissements financiers dans les SEL. La possibilité de déterminer par décret les professions susceptibles de bénéficier ou non d'une majorité du capital social détenu par des personnes morales extérieures est une bonne chose. Mais il convient d'apporter des limitations sur quelques points susceptibles d'aller à l'encontre des exigences déontologiques et du respect de l'indépendance des professionnels.

Tout d'abord, l'intégration des actions de préférence dans les SEL peut poser problème malgré les conditions qui les encadrent. Le risque existe, en effet, de voir des associés, personnes physiques ou morales, trop influer sur les dividendes, quelle que soit leur part dans le capital.

II convient aussi de réfléchir aux démembrements de propriété des parts ou actions qui conféreraient aux professionnels en exercice dans telle ou telle société le statut de nus-propriétaires, alors que des personnes extérieures en deviendraient les usufruitiers.

Enfin, dans le même esprit, une limitation du nombre de participations directes ou indirectes devrait être instituée dans certaines professions réglementées afin de préserver l'indépendance des SEL par rapport aux groupes plus ou moins diffus constitués au moyen de participations croisées ou en cascade. J'ai déposé des amendements sur ces points.

S'agissant des pratiques commerciales, je peux témoigner, en tant qu'élu d'une circonscription arboricole, des difficultés de commercialisation des fruits et de la baisse constante des prix à la production dans ce secteur, baisse qui ne profite d'ailleurs pas forcément aux consommateurs.

M. Michel Vergnier. C'est vrai !

M. Jacques Briat. La concentration des centrales d'achat fausse le rapport de force commercial, étant donné l'atomisation des producteurs ou des fournisseurs. Bien sûr, une telle situation n'est pas nouvelle mais elle fragilise tout le secteur des PME.

Sur ce sujet sensible, compte tenu des comportements des agents économiques, il est difficile d'estimer les conséquences de telle ou telle réforme. Mais le pire serait de ne rien faire, monsieur le ministre.

Limitation des marges arrière aux coopérations commerciales réelles et réduction des excès des accords de gammes, tels sont les objectifs à rechercher, dans le souci principal de la sincérité des prix et de la transparence. Cela doit se faire sans précipitation, en prenant soin de vérifier, étape par étape, les effets sur le terrain d'une telle réforme.

Enfin, il a été question d'une réforme de la plus-value des entreprises. Celle-ci n'est pas intégrée à ce projet de loi : a-t-elle été abandonnée ? A-t-elle été repoussée ? Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ?

Je conclurai en insistant sur la nécessité que cette loi fasse l'objet d'une bonne communication en direction des PME. Il ne suffit pas de voter de bons textes, encore faut-il que le message parvienne aux intéressés.

M. Jean-Paul Charié. Très juste !

M. Jacques Briat. C'est essentiel : nos PME attendent un signe, et ce signe nous sommes en train de le leur donner.

Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance. Sachez que nous serons les premiers, du moins dans la majorité, à transmettre ce message. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois ans, le Gouvernement s'est attaché à aider les entreprises, spécialement les très petites entreprises et c'est une très bonne chose car c'est là que réside notre principal gisement d'emplois pour les années à venir. La création d'emplois ne peut, en effet, venir que des petites et moyennes entreprises et tout doit être fait pour les sauvegarder et accroître leur nombre.

Je me réjouis, d'ailleurs, des bons résultats obtenus en matière de créations d'entreprises, en particulier dans mon département de la Mayenne où 520 nouvelles entreprises ont été créées en 2004, grâce à la mise en œuvre de votre loi, monsieur le ministre, la loi pour l'initiative économique.

Le projet de loi que vous nous présentez comprend des mesures très importantes pour les entrepreneurs puisqu'il améliore leur statut et celui de leur conjoint, assure la pérennité de leur entreprise et facilite sa transmission.

Ce texte contient, en particulier, des mesures très attendues, parmi lesquelles un vrai statut pour le conjoint du chef d'entreprise. Les conjoints, mais je devrais dire plutôt les conjointes puisque la majorité des conjoints collaborateurs sont des femmes, apportent une contribution décisive à la bonne marche de l'entreprise. Or, avec le système facultatif actuel, dans un grand nombre de cas, aucun choix statutaire n'était effectué par le conjoint du chef d'entreprise. Bien qu'effectuant un véritable travail, il ne lui était reconnu aucun droit propre, notamment en matière d'assurance vieillesse et décès-invalidité, faute d'avoir adhéré aux assurances sociales volontaires, en l'absence de statut défini. Par conséquent, lorsque la situation de l'entreprise évoluait défavorablement, en cas de divorce ou bien encore de décès du chef d'entreprise, le conjoint se trouvait placé dans un état d'insécurité déplorable

Avec le nouveau dispositif, le conjoint collaborateur du chef d'entreprise bénéficiera donc d'un réel statut lui ouvrant des droits professionnels et sociaux : dès lors que le conjoint participera à l'activité de l'entreprise de façon régulière, il lui faudra se déclarer en tant que conjoint collaborateur non rémunéré.

L'article 10 limitait toutefois cette obligation à la notion traditionnelle de conjoint, sans envisager les difficultés susceptibles de se poser lorsque le collaborateur est le concubin du chef d'entreprise ou qu'il est lié à ce dernier par un pacte civil de solidarité. Mais l'examen du texte en commission a permis d'améliorer ce dispositif grâce à l'adoption d'un amendement visant à étendre le statut de conjoint collaborateur aux personnes liées au chef d'entreprise par un PACS.

Un amendement visant à transposer dans le code rural les dispositions prévues à l'article 10 va également permettre aux conjoints des chefs d'entreprises agricoles de bénéficier de l'obligation de choix d'un statut. D'autres améliorations sont attendues en la matière et je souhaite que la loi d'orientation agricole donne l'occasion de les examiner à l'automne prochain.

Enfin, l'amendement adopté précisant que les cotisations d'assurance vieillesse ouvrent droit à la prise en compte, pour le paiement des droits, à un nombre de trimestre égal au nombre de trimestres travaillés, va mettre fin à l'inégalité de traitement qui existait sur ce point entre salariés et travailleurs indépendants pour le calcul des droits à la retraite.

Le texte améliore le statut des travailleurs indépendants, artisans, commerçants, qui jouent, vous le savez, un rôle particulièrement important dans les territoires ruraux. En tant qu'élu d'une circonscription rurale, je constate que les travailleurs indépendants se sentent parfois défavorisés par rapport aux salariés, notamment en ce qui concerne la retraite ou le chômage.

Votre projet de loi est le fruit d'une concertation approfondie avec les acteurs de terrain. Il reprend et améliore nombre de propositions faites par des chefs d'entreprise, dans le cadre du groupe de travail mis en place par votre prédécesseur et auquel j'ai participé, qui a formulé des propositions pour améliorer le statut de l'entrepreneur et de son conjoint, et je m'en réjouis.

Ce texte est destiné, bien sûr, à l'ensemble des PME de notre pays, et tout particulièrement aux plus petites d'entre elles, qui jouent un rôle majeur dans le développement et la pérennité de l'emploi, contribuant ainsi au développement rural et à l'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, je soutiens votre projet de loi, parce qu'il est important de donner une nouvelle impulsion au développement des petites entreprises et surtout parce qu'il est primordial dans notre bataille pour l'emploi de redonner confiance aux petits entrepreneurs et à leurs collaborateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez comporte un volet important sur des pratiques, qui de fil en aiguille, se sont révélées particulièrement dangereuses et discriminatoires, orchestrées par les ogres capitalistiques de la grande distribution. Je n'ai rien contre les grandes et moyennes surfaces, sinon que, dans notre économie de marché libérale, la course au chiffre d'affaires pour rémunérer au mieux le capital provoque inéluctablement la mort des petites entreprises commerciales et artisanales.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Et on peut le constater tous les jours dans les villes et villages de nos circonscriptions.

Les conséquences directes et indirectes de la mainmise de la grande distribution sur les petits commerçants et artisans sont dramatiques pour eux d'abord, pour une grande partie de la population ensuite - je pense aux personnes âgées mais aussi à ceux qui n'ont pas la chance de pouvoir se déplacer facilement. Dramatiques pour l'aménagement du territoire, qui voit des territoires entiers se vider de leurs forces vives. Dramatiques pour les employés des grandes surfaces, souvent des femmes, qui ont un travail partiel non choisi et qui de surcroît sont obligées de travailler le dimanche, car il faut « faire du chiffre » et être plus fort que le voisin. Dramatiques aussi pour les collectivités qui, pour maintenir la vie dans les communes ou les cantons, sont obligées de mettre la main au portefeuille. Dramatiques enfin pour l'environnement et le cadre de vie de tous nos concitoyens.

Si encore les consommateurs y gagnaient en qualité et en prix ! Mais ce n'est même pas le cas. On les pousse souvent à acheter tous azimuts des produits dont ils n'ont pas forcément besoin et à prendre des crédits à la consommation qui, s'ils soutiennent la croissance, sont tels qu'ils les conduisent parfois devant une commission de surendettement. Nous connaissons tous de telles situations dont je crains qu'elles ne perdurent encore longtemps. Car on est bien dans une course aux profits gigantesques dont l'une des conséquences est le détournement de la morale commerciale par de grands groupes multinationaux. Le problème des marges arrière que nous tenterons de traiter en est un, de même que les accords de gammes.

Au-delà des propositions contenues dans ce texte, je veux dire combien je suis choquée qu'on n'y traite pas de l'économie sociale et solidaire et des entreprises qui la composent.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Michel Vergnier. Cela ne les intéresse pas !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cette forme d'économie, dont l'objectif n'est pas le profit pour la rémunération d'un capital, dont on a vu combien il pouvait être choquant en raison des sommes inimaginables atteintes, est à nouveau considérée par votre gouvernement comme marginale et gadgétisée. Si la délégation à l'économie sociale et solidaire a été maintenue, avec des financements réduits comme peau de chagrin, le secrétariat d'État a été supprimé dès votre arrivée au pouvoir, et finalement on n'en entend plus parler, sauf peut-être dans la loi Borloo pour une part, car elle reste cantonnée à la gestion des problèmes humains liés aux ravages du capitalisme.

Pourtant, même si certaines banques mutualistes ou coopératives agricoles, sous la contrainte du marché, se conduisent comme des entreprises privées et s'éloignent du « social et solidaire », ce secteur reste productif et très présent sur nos territoires. Il répond aux nouvelles exigences des consommateurs-citoyens et de ce fait mériterait un regard plus sérieux des pouvoirs publics. Les coopératives, les sociétés coopératives d'intérêt commercial, les associations doivent tenir toute leur place dans le paysage économique de notre pays, dans une organisation plurielle, aux côtés de petites entreprises privées performantes, devenues enfin soucieuses du bon exercice de leurs responsabilités sociales et environnementales. Il eût été bon de le rappeler et de parfaire, à l'occasion de ce texte, les règles qui régissent leur existence. C'est pourquoi je présenterai, avec Jean-Louis Dumont, des amendements relatifs aux coopératives.

Enfin, je ne peux m'empêcher d'évoquer une autre forme de commerce, qui entre dans le champ de l'économie sociale et solidaire, le commerce équitable. Cette forme de commerce, de plus en plus connu et apprécié de nos concitoyens, répond à des objectifs très précis que je ne rappellerai pas ici, car vous avez sûrement tous lu le rapport précis, complet et riche d'Antoine Herth sur le sujet. Au-delà de sa dimension internationale, nous devrions peut-être nous interroger sur les raisons de son succès ainsi que sur la façon de développer chez nous un commerce répondant aux désirs de nos concitoyens appelés aujourd'hui « alterconsommateurs ». Car si nos choix sont faits en fonction d'un rapport qualité-prix, mais de plus en plus pour certains en fonction du prix tout simplement, nous sommes aussi de plus en plus nombreux à être sensibles aux conditions de travail de ceux qui produisent, aux conditions de fabrication, d'évolution, de destruction et de recyclage des produits. Cette catégorie sociale d'alterconsommateurs doit nous amener progressivement à proposer à tous nos concitoyens des choix jusqu'à présent réservés à une catégorie sociale plutôt aisée. Si nous avons la volonté politique forte de répondre à ces enjeux que l'on qualifie souvent de développement durable, alors il faut prendre le taureau par les cornes, monsieur le ministre, et inscrire d'ores et déjà cet objectif dans de futures négociations européennes et internationales. En attendant, car j'ose imaginer que vous le ferez, il est temps de donner au commerce équitable un vrai label, qui ne tire pas les règles de production et de qualité vers le bas.

M. Jean Gaubert. Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est pourquoi, je présenterai un amendement sur le sujet, espérant qu'il sera discuté...

M. Jean Gaubert. Et adopté !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...avec le même intérêt que celui présenté par M. Herth.

Enfin, revenant cet après-midi de l'assemblée générale des chambres de métiers et de l'artisanat, je veux me faire l'écho de leurs demandes. Elles souhaitent que les financements des programmes d'action pour le développement économique cessent de décroître...

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Ils augmentent !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...car cela met en péril l'équilibre financier de leurs services et par conséquent l'emploi à l'intérieur de ces services.

Elles demandent aussi que la mesure relative à la responsabilité personnelle du conjoint collaborateur agissant pour les besoins de l'entreprise soit plus explicite ; elles demandent enfin que la disposition relative à la qualification professionnelle des conjoints pour pouvoir continuer l'activité du mari soit revue et complétée pour être applicable.

M. Michel Vergnier. Très bien !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, j'espère que ces demandes recevront de votre part un écho favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vient compléter la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique dont les objectifs étaient de rendre la création d'entreprise accessible à tous, simplement et rapidement, de faciliter la transition de statut entre le salarié et l'entreprise, de proposer de nouvelles sources de financement, d'accompagner socialement les nouveaux entrepreneurs et de faciliter le développement de la transmission des entreprises.

Dans la continuité du travail législatif sur ce texte, j'ai pu mettre en place, dans ma circonscription, avec la participation active de mon suppléant Jean-Pierre Bataille, un comité d'initiative économique local regroupant les acteurs du développement économique. Trois groupes de travail ont ainsi réalisé des auditions et soumis leurs observations et propositions. Le projet actuel répond à certaines de leurs attentes.

L'une des premières pistes de travail a été de connaître les besoins d'un territoire. En l'occurrence, le périmètre du comité d'initiative économique local de Flandre est constitué de petites communes où les commerces dits de première nécessité constituent les services de proximité. Ils maintiennent la vie des quartiers et des villages et retiennent les foyers. La moitié des chefs d'entreprise exploitant ces commerces a plus de cinquante-cinq ans. Se posent donc des questions quant à la reprise de ces structures.

Pour garder nos quartiers et nos villages dynamiques et attractifs et encourager les porteurs de projets à reprendre ces affaires, il est nécessaire d'accorder à ces derniers un délai de mise aux normes de leur outil d'exploitation et de leur octroyer des financements nécessaires. Le projet de loi semble répondre à ces préoccupations par des dispositifs qui améliorent et encouragent financièrement la transmission-reprise.

Ce territoire est également le berceau de grandes entreprises dont certains des salariés sont en mesure de créer leur propre entreprise. La loi pour l'initiative économique a instauré le double statut employé créateur. Mais, la création ou la reprise d'entreprise ne sont un succès que si, et seulement si, il y a pérennisation de l'entreprise. La formation en amont de la création de l'entreprise fait partie des fondamentaux. Pour mieux appréhender le métier de chef d'entreprise et le mode de fonctionnement d'une entreprise tant dans la gestion qu'au niveau des aspects fiscaux et sociaux, la formation doit être un réflexe durant toute la vie du chef d'entreprise et de l'entreprise, d'autant que les réglementations changent régulièrement. Ce projet de loi, monsieur le ministre, apporte des réponses à ces préoccupations par un dispositif d'actions d'accompagnement pour les artisans, commerçants et autres prestataires de services.

Un deuxième groupe de travail a souhaité identifier les obstacles rencontrés par les créateurs. Parmi ceux-ci, je souhaiterais vous faire part de difficultés d'application du dispositif EDEN, encouragement au développement d'entreprises nouvelles,...

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Decool. ...qui permet à certains bénéficiaires d'obtenir des fonds spécifiques en complément des prêts bancaires. L'aide financière prend la forme d'une avance remboursable d'une durée maximale de cinq ans. Le décret d'application de cette mesure a été pris en septembre 2004, mais rien n'est précisé quant au montant de l'aide, aux partenaires associés à sa mise en œuvre, ni sur les délais de versement. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'apporter des précisions quant aux modalités de mise en œuvre de cette mesure. Pour accompagner les jeunes repreneurs, il faut associer aux conseils des instruments financiers.

Enfin, pour adapter la formation aux potentiels et aux besoins, il est nécessaire de prévoir des modules d'enseignement à la création d'entreprise dans les cursus scolaires. Cela permettrait d'insuffler un « esprit entrepreneurial », pour reprendre les termes des acteurs du comité d'initiative économique local de Flandre.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous porterez à ces diverses réflexions qui ne sont que l'émanation des attentes du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur la fiscalité patrimoniale qui pèse sur l'entreprise, en particulier sur les petites et moyennes entreprises.

C'est un sujet essentiel, alors que des dizaines de milliers d'entreprises, souvent fondées après la guerre, sont actuellement transmises.

M. Michel Vergnier. Voilà l'ISF !

M. Gilles Carrez. Depuis 2002, beaucoup a été fait par le Gouvernement et sa majorité sur la fiscalité des plus-values, la succession, les donations, un peu moins sur la détention.

S'agissant tout d'abord des plus-values, dans le cadre de la première loi Dutreil, vous avez pris, monsieur le ministre, une excellente mesure qui consiste à supprimer les plus-values professionnelles pour les travailleurs indépendants assujettis à l'impôt sur le revenu - selon les modalités du régime des BIC, des BNC ou des bénéfices agricoles - en deçà d'un chiffre d'affaires de 250 000 euros. Plus récemment, une mesure du même ordre a été prise, mais ciblée sur la valeur de l'entreprise - 300 000 euros - et non plus sur le chiffre d'affaires.

Le dispositif, qui vient à expiration le 31 décembre prochain, supprime de fait l'imposition de la plus-value sur pratiquement 85 % des ventes de petits commerces. C'est une excellente mesure qu'il faut absolument unifier autour de la valeur de l'entreprise - plutôt que du chiffre d'affaires - et probablement étendre.

L'année dernière, la suppression progressive de la taxation des plus-values sur cessions de titres de participation a été décidée pour les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés. Excellent dispositif là aussi, qui avait été adopté dans la plupart des autres pays européens, et grâce auquel nous sommes devenus à peu près compétitifs fiscalement parlant.

J'en viens maintenant à la fiscalité des plus-values réalisées sur les valeurs mobilières d'entreprise. Il y a deux cas de figure : d'abord, l'actionnaire ordinaire qui, dès lors qu'il détient des actions pendant une durée longue - plus de cinq ans - dans le cadre d'un plan d'épargne en actions, bénéficie, quand il les vend, d'une exonération d'impôt sur les plus-values. Mais il y a aussi le problème des entreprises familiales, dites patrimoniales, dont la cession d'une fraction du capital donne lieu à des plus-values très importantes.

C'est la raison pour laquelle j'ai présenté la semaine dernière, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la confiance et à la modernisation de l'économie, un amendement fondé sur une idée simple. À partir du moment où une transmission doit intervenir au sein d'une entreprise familiale, c'est-à-dire dont 25 % au moins sont détenus par la famille, l'impôt sur la plus-value serait dégressif en fonction de la durée de détention. On pourrait ainsi s'aligner sur l'excellente réforme que nous avons votée il y a deux ans concernant la fiscalité des plus-values immobilières et qui fait disparaître la taxation au fil du temps. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le ministre des finances nous a fait part ici même de son intérêt et nous a donné rendez-vous lors de la loi de finances pour 2006.

Par ailleurs, en matière de succession et de donation, nous avons fait ensemble - vous avez bien voulu accepter, monsieur le ministre, des amendements que j'avais proposés - un travail qui a permis de dégager la notion d'engagement de conservation pour une durée d'au moins six ans et de pacte d'actionnaires. Je dois à la vérité de rappeler que le mécanisme avait déjà été mis en place en 2001 - on l'appelle d'ailleurs le dispositif Migaud-Gattaz - pour les droits de succession. Nous l'avons parachevé en l'étendant aux donations et je constate avec un grand plaisir que l'abattement, qui était limité à 50 % en cas d'engagement, va passer à 75 %.

Malgré ce bilan extrêmement positif, un problème essentiel subsiste car, s'il n'est pas résolu, il rendra, à mon avis, vains tous les efforts que j'ai évoqués. Il s'agit de l'ISF et de ses conséquences sur la pérennité de l'actionnariat de nos entreprises et de la stabilité des emplois en France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Biessy. Nous y voilà ! Il a fallu du temps, mais nous y sommes !

M. Gilles Carrez. Je ne vais pas en parler en termes idéologiques, cela ne nous intéresse pas.

M. Gilbert Biessy. C'est technique, sans doute !

M. Richard Mallié. Ouvrez donc les yeux !

M. Gilles Carrez. La seule chose qui compte, c'est la bataille pour l'emploi que nous devons mener par tous les moyens pour éviter des délocalisations qui auraient pour seule cause une fiscalité qui n'existe que dans notre pays !

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Gilles Carrez. Pour que vous compreniez, je vais prendre un exemple. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est la réalité du terrain !

M. Gilbert Biessy. C'est ça ! Surtout dans votre bouche !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est du réalisme !

M. Gilles Carrez. Il s'agit d'une entreprise créée en 1952 par deux frères et qui compte aujourd'hui 2 000 salariés. L'un était président du conseil de surveillance, l'autre directeur général, et ils détenaient chacun 40 % du capital, les 20 % restants étant cotés en bourse. L'un des frères est décédé l'année dernière et ses deux enfants ont hérité 20 % chacun. Ni l'un ni l'autre n'ont jamais été intéressés par l'entreprise : le fils est médecin et la fille est commerçante. Ils se retrouvent aujourd'hui à devoir payer chaque année un ISF qui représente pour le premier cinq fois et pour l'autre sept fois leur revenu annuel respectif. Ils ont donc le choix entre vendre leur résidence principale ou leur maison de campagne, ou - et c'est très certainement ce qui va se passer - vendre aux concurrents étrangers. Ils n'ont pas d'autre choix !

M. Michel Vergnier. Si : s'intéresser à l'entreprise !

M. Gilles Carrez. Cet exemple illustre la mécanique infernale qui est à l'œuvre : des groupes étrangers mettent la main sur nos entreprises et, une fois l'opération faite, ils s'empressent de les délocaliser.

J'ai dressé une liste exhaustive des 350 entreprises qui, depuis 1995, se sont délocalisées uniquement à cause de l'ISF. On y trouve 60 leaders nationaux, dont je ne donnerai pas les noms à cette tribune, mais je les tiens à la disposition de mes collègues de l'opposition - ils en ont certainement dans leur circonscription.

Le processus est très simple, mes chers collègues. Quand un grand groupe étranger met la main sur notre principale marque d'hameçons, de jus de fruits, sur un de nos plus gros laboratoires pharmaceutiques ou une entreprise de métallurgie, dans les six mois, les centres de décision partent à l'étranger, puis dans l'année, le centre de recherches, suivi par les techniques marketing et, dans les trois ans, c'est la production elle-même qui est délocalisée. Mes chers collègues, nous avons perdu des dizaines de milliers d'emplois de cette façon, et l'hémorragie continue !

Nous nous plaignons de Bruxelles, de l'OMC, de la Chine ! Avant de nous plaindre de ce qui ne dépend pas de nous, essayons de comprendre pourquoi, chez nous, nous subissons les délocalisations. Et quand nous pouvons réformer, chers collègues, il faut réformer. La situation est grave et les solutions s'imposent d'urgence, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre, la mission de tout gouvernement, quel qu'il soit, est de répondre aux attentes prioritaires de ses concitoyens.

Souvenez-vous : en avril 2002, à la veille de l'élection présidentielle, pour plus de 60 % des Français, la lutte contre la violence et la criminalité constituait la première priorité, la lutte contre le chômage n'étant essentielle que pour 25 % d'entre eux. Aujourd'hui, les mesures prises par les gouvernements Raffarin et l'action conduite par Nicolas Sarkozy ont porté leurs fruits et, même s'il ne faut pas baisser la garde, la lutte contre l'insécurité ne constitue plus une priorité essentielle que pour 12 % de nos compatriotes tandis que 58 % d'entre eux placent la lutte contre le chômage comme une priorité absolue. C'est d'ailleurs la direction retenue par la Président de la République dans la feuille de route qu'il a donnée au Premier ministre, Dominique de Villepin.

Le présent projet de loi apportera une contribution durable à la création d'emplois, afin de permettre à nombre de nos compatriotes de choisir leur avenir d'une manière claire et transparente. Il constitue le troisième pilier d'un dispositif en faveur des entreprises. Dans une conjoncture internationale en recul, qui pénalise notre croissance, il est plus que jamais nécessaire de permettre aux entreprises, notamment aux PME et aux très petites entreprises, de produire des richesses, et, par voie de conséquence, de créer de l'emploi. Chacun le sait maintenant, l'augmentation de l'emploi public ne peut être qu'un palliatif ponctuel.

La loi en faveur de l'initiative économique que vous avez portée, monsieur le ministre, a largement contribué au renouveau de la création d'entreprises : plus de 200 000 entreprises nouvelles en 2004, chiffre jamais atteint jusqu'alors. La loi relative à la sauvegarde des entreprises, proposée par Dominique Perben, limitera la casse parmi les 40 000 entreprises qui disparaissent chaque année après liquidation judiciaire.

Le texte que nous examinons complète ce dispositif. Il traduit la volonté du Gouvernement de favoriser la pérennité des entreprises nouvellement créées ou des entreprises existantes, notamment les PME, qui sont au cœur de l'emploi de proximité, là où se jouent le développement harmonieux de nos territoires, la transmission des savoir-faire et, par là même, la fidélisation de la clientèle.

Assurer la pérennité des entreprises alors que 500 000 chefs d'entreprise vont partir à la retraite dans un délai de dix ans - ils représentent 2,5 millions d'emplois -, c'est d'abord favoriser la transmission de leur entreprise tant sur le plan des formalités que sur le plan financier.

À cet effet, le dispositif de tutorat du repreneur par le cédant est une proposition novatrice particulièrement intéressante. Elle ouvre une fenêtre sur l'avenir en évitant la perte de clientèle et en garantissant la transmission du savoir-faire.

Le conjoint collaborateur qui, par le passé, a pu se trouver en situation très précaire, fait l'objet d'une série de mesures de nature à permettre à l'entreprise de perdurer et de se développer. Avec ce texte, ce sont 300 000 conjoints qui pourront enfin bénéficier d'une couverture sociale et de droits à la retraite.

Dans le domaine financier, la franchise de droits de mutation pour les dons familiaux destinés à financer la création ou la reprise d'une entreprise constitue elle aussi une disposition intéressante. Tandis que les droits de transmission représentent aujourd'hui à peu près 10 % de la valeur du bien, ils n'en représenteront plus que 2,5 %, soit une division par quatre !

Concernant les formalités administratives, les PME-TPE aspirent légitimement à les voir grandement simplifiées, et la création du chèque-emploi pour les très petites entreprises, quelle que soit la façon dont il sera mis en œuvre, répond à ce souhait. Il concernera près de 1,9 million d'entreprises employant au plus trois salariés, soit 80 % de ces entreprises. En matière de simplification, monsieur le ministre, il reste du chemin à parcourir...

Je salue également la volonté de mieux organiser la grande distribution en clarifiant les dispositifs abscons des marges arrière de manière à accroître le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Ce projet de loi est bien centré sur l'intérêt général, la lutte contre le chômage et l'augmentation du pouvoir d'achat, priorités absolues d'une large majorité de nos concitoyens. Dans ces domaines, le miracle n'existe pas. L'amélioration de l'emploi passe par la conjonction d'actions centrées sur l'entreprise, car il n'y a pas de politique sociale pérenne sans socle économique fort.

Il s'agit d'avoir confiance en nous, en notre économie, et je me prends à rêver que, après avoir été enrichi par le débat parlementaire, ce texte fasse l'objet d'une véritable concorde nationale pour un véritable devoir national. Monsieur le ministre, vous avez toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Qu'il est agréable, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'entendre parler dans notre assemblée d'entreprise, non seulement des PME - c'est l'intitulé du projet de loi - mais aussi, et c'est bien rare, des très petites entreprises et des entreprises individuelles.

L'Assemblée nationale n'est certes pas élue pour légiférer uniquement sur les entreprises et l'emploi. Heureusement ! Mais il faut avouer qu'elles représentent un secteur qui, au-delà des ministres et des parlementaires, préoccupe aussi tous les Françaises et les Français.

Je souhaite intervenir en tant que témoin, en acteur même modeste de la vie économique française. Cela fait en effet trente-trois ans que j'exerce une activité libérale. Mais pour libéral que je sois, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas encore choisi de rejoindre l'UMP.

M. Richard Mallié. C'est facile !

M. Daniel Boisserie. Je ne retiendrai de ce projet que la partie consacrée aux entreprises, en regrettant qu'elle soit trop limitée.

Votre projet comporte des points très positifs, monsieur le ministre. Je les cite par honnêteté : l'aide à la création, l'accompagnement et les conseils, si nécessaires.

Lorsque je me suis installé - j'étais auparavant salarié d'un cabinet -, je reconnais volontiers que j'ai été un peu perdu entre les inscriptions au registre du commerce, à la caisse de retraite et à la caisse d'assurance maladie. Je me suis évidemment trompé. Le maquis des démarches administratives est propre à décourager tout créateur d'entreprise. La simplification des démarches et le conseil au créateur d'entreprise sont des mesures qui me réjouissent, mais l'instauration d'un guichet unique confié, peu importe, à l'État, à la région ou au département, reste l'objectif à atteindre.

Je salue également la mobilisation des fonds d'assurance formation pour aider à la formation préalable des artisans et des membres d'autres professions. Des inquiétudes se sont manifestées au sein des chambres de métiers, quant aux caisses mobilisées : elles préféreraient que les artisans soient formés sur leur propre fonds d'assurance formation. Il en est sans aucun doute de même des professions libérales et des commerçants.

La facilitation des dons familiaux me parait aussi une bonne mesure, insuffisante cependant car ceux qui n'ont pas la chance d'avoir des parents susceptibles de les aider financièrement sont laissés pour compte.

M. Michel Vergnier. Eh oui !

M. Daniel Boisserie. Pourquoi à cet égard ne pas se diriger vers le système, beaucoup plus ambitieux et innovant, du prêt participatif, qui repose sur l'épargne populaire garantie par l'État ? La mobilisation de l'épargne populaire au profit de la création d'entreprise se pratique à l'étranger et, en dépit de sa complexité apparente, monsieur le ministre, ce système pourrait fort bien être adopté en France. Un rendement garanti de l'ordre de 4 à 5 % l'an inciterait les petits épargnants à investir dans les petites entreprises, ce qui permettrait à un nombre considérable de créateurs de s'installer. En dépit d'échecs inévitables, le solde, j'en suis convaincu, se révélerait largement positif.

De plus, pourquoi persistez-vous à refuser d'expérimenter le prêt à taux zéro pour aider les créateurs d'entreprises ? Un tel prêt permettrait lui aussi à un grand nombre de jeunes de se lancer dans l'aventure de la création d'entreprise.

Quant à l'ISF, je ne partage évidemment pas l'analyse de M. Carrez sur la nécessité de l'alléger, alors que, dans quelques semaines, le Gouvernement réduira de nouveau le taux de rémunération de l'épargne des plus modestes.

Chacun sait, par ailleurs, qu'un des problèmes majeurs auxquels le développement des très petites entreprises et des professions libérales est confronté est celui de l'irrégularité des revenus : une mauvaise année succède à une bonne. Le problème est aggravé du fait que de bons résultats entraînent l'alourdissement des charges - impôts, URSSAF, cotisations sociales -, si bien que de mauvais résultats, l'année suivante, conduisent trop souvent à la disparition de l'entreprise. Ce problème doit être résolu. La provision pour investissement permettrait un meilleur lissage des résultats selon les années et éviterait aux entreprises concernées les conséquences toujours préjudiciables à leur équilibre financier d'une comptabilité en dents de scie. II serait souhaitable de porter sa durée à cinq ans au lieu des trois que vous avez proposés, monsieur le ministre, afin de conforter la gestion de l'entreprise.

Le statut de conjoint collaborateur, quant à lui, me paraît adapté à de nombreuses professions, mais il n'offre pas les garanties suffisantes aux professions réglementées, notamment celles relevant d'un ordre : médecins, pharmaciens, architectes ou experts comptables. Dans leur cas, seul le statut de conjoint salarié peut apporter une garantie véritable en cas de décès ou de cessation d'activité, car le conjoint peut alors bénéficier des ASSEDIC.

De plus que l'on soit conjoint collaborateur ou conjoint associé, aucune possibilité de continuer l'activité ni aucune aide ne sont prévues. En la matière aussi, beaucoup reste à faire, monsieur le ministre.

Le tutorat, les possibilités de cumul avec les pensions de retraite modestes ou la prime de transmission sous condition paraissent également de bonnes mesures. Je regrette que le Sénat n'ait pas validé la création de la société artisanale à responsabilité limitée, laquelle permettait de séparer les patrimoines personnel et professionnel.

L'Assemblée aurait aimé pouvoir débattre du chèque emploi TPE : le recours aux ordonnances nous l'interdit. Il s'agit néanmoins d'une bonne mesure. J'ai, personnellement, à l'exemple de beaucoup d'autres, trop souffert de la complexité des bulletins de salaire - avant de confier leur établissement à un expert-comptable - pour ne pas saluer une telle simplification. Devant remplir les bulletins de mes deux collaborateurs, j'avais l'impression qu'une épée de Damoclès était en permanence suspendue au-dessus de ma tête, car je ne savais jamais si j'avais appliqué toutes les retenues et si j'avais intégré les fréquents changements de taux de cotisations. Je défie du reste ceux de mes collègues parlementaires qui ne sont pas initiés, quelles que soient par ailleurs leurs qualités, de remplir sans erreur un bulletin de salaire.

M. Jean Dionis du Séjour. Il existe d'excellents logiciels !

M. Daniel Boisserie. Certes, mais lorsqu'on débute, on pense moins aux logiciels qu'à son travail. Les jeunes qui commencent ont du mal à se repérer dans les arcanes du bulletin de salaire. Il n'est pas acceptable que sa complexité constitue aujourd'hui encore l'une des raisons pour lesquelles certaines professions n'embauchent pas. J'appelle de mes vœux cette arrivée du chèque emploi TPE.

Un autre aspect de la question n'est malheureusement pas traité dans ce projet de loi. Permettez-moi néanmoins de l'évoquer, monsieur le ministre, et de citer ma région, le Limousin. Exception faite, en effet, des pôles d'activité des agglomérations de Limoges et de Brive, les entreprises des zones rurales de la Creuse - chez M. Vergnier -, de la Corrèze - chez le Président de la République et chez d'autres, M. Hollande par exemple (Sourires) -, de la Haute-Vienne, voire du Périgord tout proche, ne trouvent pas de repreneurs.

Il convient de prendre rapidement des mesures suffisamment incitatives pour prévenir l'anéantissement de l'emploi dans ces zones très défavorisées. Je vous demande, monsieur le ministre, - et vous pouvez le faire - de traiter avec bienveillance et en priorité, notamment grâce au FISAC, les zones qui proposent des ORAC, des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, pertinentes dans leur contrat de pays.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Daniel Boisserie. Cela constituerait un encouragement à la création d'emplois.

Enfin, monsieur le ministre, comment ne pas évoquer les pôles de compétitivité, qui font naître tant d'espoir pour l'emploi ?

Le 12 juillet prochain, le CIADT arrêtera la liste des pôles retenus. La région Limousin en propose deux : le pôle céramique, dont chacun connaît le bien-fondé, et le pôle Elopsys, qui regroupe le potentiel de recherche et de transfert de technologie et les grandes entreprises de la région présentes sur l'optronique, le micro-ondes et les systèmes sécurisés.

L'État, en lançant cet appel à projet, a fait naître bien des attentes. Le Limousin, par sa mobilisation, a su prouver sa vitalité et mettre en valeur son potentiel. Puissent ses attentes ne pas être déçues ! De plus, l'État ne devra pas se désengager des projets que sa démarche aura suscités mais qui n'auront pas été retenus au titre des pôles de compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui se situe au cœur des préoccupations du Gouvernement, puisqu'il propose diverses mesures destinées à développer les entreprises, dont la création et la pérennité concourent à la croissance et au dynamisme de l'économie.

Ce texte est au centre de la bataille pour l'emploi, puisqu'il vise à renforcer de façon effective le potentiel de croissance de l'économie française, en vue d'augmenter durablement le taux d'emploi et de réduire, par voie de conséquence, le chômage qui mine notre pays.

Les enjeux du projet de loi sont donc multiples : assurer la pérennité des entreprises nouvellement créées ou existantes, améliorer les conditions de transmission afin de préserver les savoir-faire et l'emploi, conforter la croissance des PME et affirmer le rôle des chambres de commerce et d'industrie comme acteurs du développement économique.

Ces mesures doivent être saluées, tant pour leur ambition que pour la richesse de leur contenu. Je regrette néanmoins que le dispositif prévu par le texte ne vise pas les professions libérales. En effet nous aurions tort de les négliger : elles sont plus de 600 000 et représentent plus de 1 250 000 emplois.

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. Marc Bernier. Je reste persuadé que, compte tenu de l'ampleur de la bataille engagée, il serait préjudiciable, d'un point de vue tactique, de cantonner de telles structures créatrices d'emplois au rôle de simples unités supplétives, auxquelles l'engagement en première ligne dans la vie économique nationale ou locale serait refusé. L'actuel projet de loi ne peut avoir la double ambition de renforcer la croissance et d'augmenter le taux de l'emploi dans notre pays s'il exclut d'emblée de son dispositif 25 % des entreprises françaises. Or tel est malheureusement le cas.

Les représentants de ces entreprises, qui ont été entendus par mes collègues du groupe d'études sur les professions libérales et par moi-même, demandent simplement qu'elles soient reconnues comme de véritables acteurs de la vie économique, tant nationale que locale. Trop souvent délaissées dans les actions en faveur du développement économique, les entreprises libérales souffrent d'un déficit de représentativité. C'est pourquoi elles demandent l'instauration d'offices régionaux des entreprises libérales, les OREL. Ces structures spécifiques seraient dédiées à leur encadrement, à leur installation - 50 000 entreprises libérales sont créées chaque année - et à leur représentativité en tant que secteur socio-économique.

Monsieur le ministre, connaissant l'intérêt que vous portez aux professions libérales, je ne doute pas que vous saurez répondre à leur désir de participer à l'impulsion que nous devons impérativement donner à l'économie française.

L'idée de créer des OREL reste néanmoins encore à préciser : des incertitudes subsistent, qui attendent d'être levées, relatives notamment à leur rôle, à leur composition, à leur domaine de compétence, à leurs relations avec les ordres professionnels, à leurs modalités de fonctionnement et à leur financement : tous ces aspects doivent faire l'objet d'une réflexion approfondie. Aborder un tel projet à la petite semaine, en le raccrochant au présent projet de loi, aurait très certainement eu un effet contre productif, en raison de la précipitation ou de la confusion que le débat n'aurait pas manqué de susciter.

M. Serge Poignant, rapporteur. Effectivement !

M. Marc Bernier. Lors des débats au Sénat, vos réserves, toutes relatives, sur l'amendement relatif aux OREL avaient trait uniquement à la création d'une taxe supplémentaire pour en assurer le fonctionnement, laquelle aurait pesé sur les professions libérales.

C'est pourquoi, convaincu par la nécessité d'engager une véritable réforme des professions libérales dans un autre cadre que celui du présent projet de loi, je déposerai, avec le soutien de Richard Mallié et de mes collègues du groupe d'études sur les professions libérales, une proposition de loi en ce sens. Elle visera à introduire enfin dans notre corpus juridique une véritable définition normative de la profession libérale, laquelle fait aujourd'hui cruellement défaut.

Par ailleurs, nous proposerons la création d'un nouveau statut, celui de l'entreprise libérale, qui devra coller aux besoins économiques du XXIe siècle.

Enfin, plusieurs articles seront consacrés aux offices régionaux des entreprises libérales, nouvel acteur de l'économie locale au même titre que les chambres de commerces et d'industrie, les chambres des métiers ou les chambres d'agriculture, dont l'utilité n'est plus à démontrer.

Je compte sur la bienveillance du groupe UMP pour qu'une niche parlementaire soit réservée à cette proposition de loi, afin qu'elle puisse être débattue dans l'hémicycle.

Monsieur le ministre, les professions libérales et moi-même savons que vous abonderez dans notre sens et que nous pourrons compter sur votre soutien, comme vous pourrez compter sur le mien pour défendre le présent projet de loi.

La bataille pour l'emploi ne sera gagnée que si toutes les forces économiques sont mobilisées. N'oublions pas le quart d'entre elles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transmission des entreprises patrimoniales en France conduit au cimetière nombre d'entre elles en raison de la lourdeur de la fiscalité des successions : selon l'évaluation la plus couramment acceptée, 60 000 à 80 000 emplois disparaissent ainsi chaque année, avec leur cortège de délocalisations d'emplois, de capitaux et de technologies.

C'est précisément dans le souci d'éviter ces « ventes à la découpe » d'entreprises - de véritables ventes forcées - que j'ai présenté deux amendements que la commission des finances a acceptés à l'unanimité.

Le premier tend à autoriser la reprise d'une entreprise par une fondation reconnue d'utilité publique. Le second vise à exonérer cette opération de droits de mutation dès lors que les parts ou les actions feraient l'objet d'un engagement de conservation d'une durée minimale de six ans.

Notez, mes chers collègues, que ce dispositif est habituel dans de nombreux pays occidentaux : aux États-Unis, des milliers d'entreprises sont gérées par des fondations ; en Allemagne, c'est le capital de quelques-uns des plus grands groupes, comme Volkswagen ou Bertelsmann, qui est détenu par des fondations ; en Suède enfin, les fondations gèrent 9 % de la capitalisation boursière.

L'introduction d'un tel système en France présenterait de nombreux avantages.

D'abord les fondations pourraient disposer d'une nouvelle forme de revenu et verraient ainsi encouragé, au bénéfice de l'intérêt général, leur développement, lequel reste trop faible en France, où existent, tous statuts confondus, environ 2 000 fondations, contre 12 000 aux États-Unis et 3 000 au Royaume-Uni. En outre, partout, les fondations étrangères disposent d'une assise financière sans commune mesure avec celle des fondations françaises.

Ensuite, dans les entreprises, la mesure pourrait résoudre les fréquents problèmes de transmission du capital, verrouiller, si je puis dire, le capital de certaines sociétés, empêcher sa dilution excessive, et, surtout, ancrer nos entreprises dans nos territoires et préserver emplois, industries et laboratoires.

Il s'agit en somme de réconcilier l'intérêt général et l'intérêt particulier, dans le respect des convictions, philosophiques ou humanitaires, du chef d'entreprise, mais aussi de ses objectifs industriels et scientifiques.

Or, pour l'instant, le régime juridique des fondations semble incompatible avec la détention d'une entreprise. En effet le Conseil d'État a souligné qu'une fondation ne peut détenir une part prépondérante du capital social d'une entreprise, et que la dotation initiale d'une fondation ne peut être majoritairement constituée d'actions ou de parts sociales d'une même société. L'obstacle est donc plus juridique que fiscal. Il s'agit bien d'une question de principe, puisqu'il est déjà possible à une fondation d'effectuer certaines activités lucratives, qui sont imposées selon le droit commun, seules les activités non lucratives bénéficiant d'exonérations.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d'adopter, par voie d'amendement, une modification de la loi du 23 juillet 1987 relative au mécénat ainsi que, par coordination, une modification du code général des impôts afin de tirer les conséquences de ce choix en se fondant sur le principe d'une taxation de droit commun des activités commerciales contrôlées ou effectuées par les fondations. L'enjeu, dont on ne saurait trop souligner l'importance, est double : donner un élan à nos fondations, qui ne sont pas associées assez étroitement à la vitalité économique, sociale et scientifique de notre pays, mais aussi assurer la pérennité et l'ancrage territorial de nos entreprises, c'est-à-dire de nos emplois et de nos talents scientifiques et technologiques.

Sans doute certaines administrations objecteront-elles le coût de cette proposition. Néanmoins celui-ci est mineur au regard de sa contrepartie : des dizaines de milliers d'emplois sauvegardés et la préservation de notre tissu industriel. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui plus que jamais, je suis fier d'appartenir à cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Qu'est-ce que ça doit être d'habitude ! (Rires.)

M. Richard Mallié. J'en suis fier, n'en déplaise à certains, parce qu'avec 220 000 entreprises créées en 2004 nous avons su montrer aux Français que, lorsqu'il est question d'agir en faveur de notre économie, nous savons prendre les mesures qui s'imposent.

À l'heure où la mondialisation fait rage, où nous n'entendons plus parler que de la stratégie des grands groupes, de la force de frappe de toutes ces multinationales aux ambitions planétaires, nous ne devons pourtant pas oublier que si ces entreprises font travailler des millions de personnes et présentent un chiffre d'affaires qui laisse rêveur, ce ne sont pas elles qui constituent le vivier entrepreneurial de toutes nos petites communes. L'économie française, c'est Danone, Accor, L'Oréal ou Eurocopter, certes, mais c'est aussi et surtout les établissements Raïola à Bouc Bel Air, les laboratoires Laphal ou encore Conformelec à Allauch, toutes ces petites et moyennes entreprises qui animent nos circonscriptions et qui, dirigées par des hommes et des femmes forts de courage et d'audace, luttent quotidiennement pour garder la tête hors de l'eau.

Les temps ne sont pas faciles pour toutes ces petites structures. C'est pourquoi je ne peux que me féliciter de cette nouvelle initiative par laquelle vous nous montrez, monsieur le ministre, que, s'il était important d'encourager la création d'entreprise, il est tout aussi essentiel d'accompagner ces PME dans leur développement et leur pérennisation.

Je retiendrai également, dans ce projet, les différentes mesures de lutte contre la vie chère, dont le Gouvernement a fait une priorité. Là encore, cessons de nous lamenter et agissons. Cessons de rejeter la faute sur les uns ou les autres, producteurs, distributeurs ou intermédiaires, et prenons les mesures qui s'imposent pour enrayer la flambée des prix.

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur, et M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Richard Mallié. Il n'est pas normal que les prix des produits de marque aient augmenté sur notre territoire plus fortement que partout ailleurs en Europe.

Je ne peux que saluer l'esprit général du projet, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite vous faire part d'une crainte et d'un regret.

Ma crainte, d'abord, porte sur l'article 25 quater introduit lors de la discussion au Sénat, qui m'a inspiré, en ma qualité de président du groupe d'études sur les professions de santé, de vives inquiétudes. Tel qu'il nous est présenté, en effet, cet article permettra aux esthéticiennes de procéder à des modelages esthétiques amincissants ou de confort. Or, s'il n'est pas assorti de précisions supplémentaires, ce dispositif pourrait avoir des conséquences particulièrement néfastes en termes de santé publique, car un modelage, même s'il n'a qu'une visée esthétique, doit être entouré de toutes les précautions. Lorsqu'il est à visée amincissante, par exemple, il ne peut se passer d'un bilan préalable qui permettra au praticien de trouver la technique requise. Or il va de soi qu'un tel bilan ne peut être dressé que par un professionnel de santé, en l'occurrence un kinésithérapeute formé à cet effet.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement de précision, visant à rappeler qu'en matière de santé publique la précaution ne peut qu'être la règle et que, de ce fait, les actes tels que définis par l'article L. 4321-1 du code de santé publique doivent rester l'apanage des professionnels de santé.

Ensuite je regrette que ce projet ait complètement écarté un dispositif pourtant attendu depuis des mois par les professions libérales : les offices régionaux des entreprises libérales, les OREL. Nous savons tous, que l'on ait été entrepreneur ou pas, combien la création d'une entreprise peut se révéler une tâche ardue et lourde à porter. Et lorsque cette création concerne une profession libérale, elle n'en est que plus difficile.

Œuvrant dans un domaine d'activité bien particulier, le professionnel qui s'installe doit pouvoir accéder aux informations spécifiques qui le concernent et bénéficier d'un accompagnement tout aussi spécifique. C'est cet accompagnement propre qui est attendu des OREL : points de contact régionaux ouverts à tous les professionnels désireux de créer une entreprise dans le secteur de la santé, du droit, des techniques ou du cadre de vie, ces offices seront les structures techniques complémentaires des organisations syndicales et des ordres professionnels.

Vous savez combien cette mesure est attendue par nombre de professionnels, monsieur le ministre, et je sais aussi que vous vous êtes montré sensible aux sollicitations de certains de mes collègues sur le sujet, notamment à celles de Marc Bernier, président du groupe d'études sur les professions libérales, qui m'a précédé à cette tribune. Celui-ci vient de confirmer qu'il envisage de déposer une proposition de loi sur le sujet. Je m'associe pleinement à cette initiative. Un tel texte permettra non seulement de donner une définition des professions libérales et de créer un statut propre à l'entreprise libérale, mais aussi de donner vie aux OREL.

Cette proposition de loi, je veux être le premier à la cosigner, mon cher Marc. Vous savez combien ce dispositif m'est cher et je souhaite que l'ensemble du groupe UMP en mesure l'importance afin que, au plus vite, nous puissions l'inscrire dans une niche parlementaire.

Ces réserves posées, monsieur le ministre, j'ose espérer que, pour une fois, l'opposition saura accueillir avec intelligence (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Jean-Marie Le Guen. Merci ! On fera ce qu'on pourra !

M. Richard Mallié. ...un texte susceptible de redonner véritablement confiance aux entrepreneurs de notre pays. Nous savons combien la gauche sait déployer d'énergie, lors des sessions extraordinaires, pour faire obstruction à notre travail.(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Gaubert. Pour l'instant, nous n'avons pas fait d'obstruction !

M. Richard Mallié. Plus que jamais, mes chers collègues, il est essentiel que nous nous rassemblions autour d'un projet qui saura relancer le dynamisme économique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que nous allons faire preuve d'intelligence, monsieur Mallié. (Sourires.)

M. Richard Mallié. Le contraire m'aurait étonné !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout au plus essaierons-nous de faire avancer la discussion.

Avant d'aborder un sujet qui m'est cher, je souhaite interpeller M. Carrez, car je n'ai pas vraiment compris sa démonstration « a-idéologique ».

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. C'était pourtant lumineux !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans l'anecdote qu'il nous a rapportée, quel est le rapport entre l'ISF et la vente de l'entreprise ? Je crois, comme lui, que le chef d'entreprise a un rôle important. Or il semble que les deux héritiers n'avaient ni la compétence ni la volonté de s'investir dans l'entreprise en question. N'ayant pas vocation à la diriger, ils ont été amenés à la vendre.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Vous n'avez pas compris : ils étaient minoritaires !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est donc pas l'ISF en tant que tel qui les a poussés à vendre, mais tout simplement le fait qu'une succession les a mis en possession de la majorité du capital d'une entreprise dont, selon toute apparence, ils n'avaient pas l'usage social. En d'autres termes, notre société, qui valorise si fort l'idée de succession, confie une entreprise, c'est-à-dire un patrimoine non seulement privé, mais aussi collectif et social, à deux personnes qui n'ont pas l'intention - et ce choix relève de leur pleine et entière liberté - d'exploiter, au sens social, cette entreprise. L'ISF n'est pour rien dans l'affaire !

Je serais par ailleurs curieux de connaître la liste des entreprises délocalisées que vous avez mentionnée, monsieur Carrez.

M. Jean-Paul Charié. Moi aussi !

M. Jean-Marie Le Guen. Néanmoins je vous rejoins sur un point : l'ISF est en effet très présent. Il est particulièrement choquant de constater que certaines fortunes qui se sont construites, non sur la création d'un produit que l'on aurait ensuite vendu au monde entier, mais, pour l'essentiel, sur un prélèvement sur la consommation des Français, aient trouvé utile de quitter notre pays pour se soustraire à l'ISF. Faut-il que de tels comportements nous fassent renoncer à cet impôt ?

M. Luc-Marie Chatel, rapporteur. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Carrez !

M. Jean-Paul Charrié. Non, ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Richard Mallié. Ne vous faites pas plus bête que vous n'êtes, monsieur Le Guen ! Vous avez très bien compris !

M. Jean-Marie Le Guen. J'en serais extrêmement choqué. Par-delà l'intérêt économique de l'ISF, il est des comportements qui pèsent lourdement sur la moralité publique.

M. Gilles Carrez. Il va falloir qu'on vous explique, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Merci ! Je suis demandeur !

J'en viens à un sujet moins polémique, mais tout aussi important, sur lequel j'ai souhaité intervenir aujourd'hui, parce que je me mobilise sur les questions de santé publique, notamment celles qui touchent à l'alimentation. Or la structure de la consommation dans notre pays est en train de connaître de profonds bouleversements.

Alors que toutes les autorités sanitaires recommandent de consommer beaucoup de fruits et de légumes - cinq par jour au minimum, selon le PNNS -, cette consommation connaît une véritable marginalisation. Ces produits si nécessaires sont très coûteux et il est de plus en plus difficile d'y accéder. Comment, dans ces conditions, faire de leur consommation une habitude ? L'information est peu diffusée. Les fruits et légumes ne représentent que 1,5 % de la publicité faite pour les produits agroalimentaires et, au même moment, le contribuable finance des programmes publics d'information pour louer leurs bienfaits.

Chacun voit bien que le système économique actuel tend à marginaliser ces produits qui ne participent pas, que ce soit au plan commercial ou industriel, de la construction d'une valeur ajoutée susceptible de leur donner une force de frappe économique, commerciale et publicitaire. En conséquence, ils ne sont pas réellement présents en termes de consommation.

Nous sommes amenés à nous interroger sur les conséquences de telles évolutions, notamment au niveau des prix et sur la façon de réagir : comment faire en sorte que les fruits et légumes, produits stratégiques en matière de consommation, ne se trouvent pas marginalisés ? En effet les Français les plus défavorisés et les moins informés, moins mobilisés par les questions de santé, risquent de ne plus y avoir accès.

Avec le groupe sur l'obésité de l'Assemblée nationale, nous avons proposé plusieurs amendements. En la matière nous ne pouvons pas jouer la loi du marché, si tant est qu'elle existe dans ce secteur, fortement désavantagé. Il convient d'intervenir pour assurer des conditions plus justes et contribuer au développement de la santé publique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, dernier orateur inscrit.

M. Léonce Deprez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai jugé nécessaire d'intervenir dans ce débat parce que j'ai vécu et continue à vivre, par générations interposées, l'expérience de plusieurs décennies d'une entreprise familiale industrielle du Pas-de-Calais. Cet atelier d'arts graphiques, de quarante personnes, est devenu une entreprise moderne de 165 salariés.

La stratégie de croissance des entreprises, qui inspire l'action du ministre des finances, répond à notre attente. Cela étant je veux parler un langage de vérité.

Monsieur le ministre, vous avez tenu, après M. Jacob, à proposer des mesures nouvelles pour favoriser le développement et la modernisation des entreprises, objet du titre II de votre projet de loi. Nous ne pouvons que soutenir votre volonté politique, mais il faut avoir le courage de dire que ce titre II nous donne le devoir de mettre en lumière les solutions permettant de lever les obstacles au développement des entreprises, car ce dernier relève, en France, du parcours du combattant.

Pourquoi ? Parce que l'État ne s'est pas encore modernisé lui-même et que les pratiques administratives, de plus en plus complexes, se heurtent à l'impérieuse nécessité de ne plus accroître les difficultés des entreprises dans le cadre de la compétition économique de ce nouveau siècle.

Ainsi que Michel Raison l'a relevé précédemment, ce texte ne portera ses fruits, monsieur le ministre, que si vous exprimez fortement la volonté politique de faire en sorte que les administrations deviennent des partenaires des entreprises pour assurer le développement économique, au lieu d'être des freins ou des causes de retard.

Le temps est venu, où la France doit se donner une ambition d'économie partenariale. Force professionnelle privée et force publique doivent tirer dans le même sens pour assurer la croissance et la création d'emplois dans toutes nos régions.

Le développement des PME passe aussi par la prise de conscience de deux autres vérités. Comme M. Thierry Breton a eu le mérite et le courage de le souligner : pour créer la croissance et mettre fin à la panne de croissance économique dont souffrent les Français, il faut être plus nombreux à travailler dans notre pays.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

M. Léonce Deprez. Pour permettre à de nombreux demandeurs d'emplois d'accéder à l'emploi, il faut développer nos exportations, produire plus pour produire moins cher et rendre nos PME plus compétitives. Pour cela, il est indispensable d'alléger la charge fiscale, trop lourde, qui pèse sur la production en France, plus qu'ailleurs en Europe.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Léonce Deprez. Pour sortir de la panne de croissance économique dont souffrent les Français, il faut les convaincre de travailler plus. L'objectif, dans les entreprises de moins de 50 salariés, devrait être d'adopter une semaine horaire de 37 heures.

Pourquoi appliquer la même législation aux entreprises de moins et de plus de 50 salariés ? C'est une erreur. Alors que les entreprises de plus de 50 salariés adaptent leurs horaires en établissant plusieurs postes sur vingt-quatre heures de production et peuvent ainsi maintenir les 35 heures comme base horaire, les entreprises de moins de 50 salariés n'ont pas la possibilité d'établir des rotations de plusieurs postes par journée de travail. Elles se trouvent donc handicapées dans la compétition économique.

Monsieur le ministre, nous apprécions votre volonté de favoriser la création de petites entreprises et même de très petites entreprises, tant notre économie a besoin d'être stimulée par des efforts de créativité, à la base de la croissance. Cependant, je suis venu vous dire ce soir, le 4 juillet 2005, que votre mission est de susciter un nouvel esprit partenarial : entreprises et administrations ont un objectif commun à atteindre, celui d'assurer la mise en valeur, économique et environnementale, de notre territoire.

Nous devons provoquer la mobilisation générale des forces vives de notre pays. Votre projet de loi n'aura de suite positive que s'il marque la volonté politique d'entraîner les administrations de l'État de participer, aux côtés des deux millions et demi de PME, à la compétition économique et sociale qui va s'accentuer en ce début de siècle.

Monsieur le ministre, ces jours derniers, vous avez rassemblé de jeunes chefs d'entreprises issus de tous milieux sociaux et de toutes régions. Ces jeunes ne veulent plus voir s'opposer les entreprises et les Français. Ils savent que notre avenir passe par la création et le développement d'entreprises performantes. Nous devons donc, tous ensemble, aider les jeunes générations à voir que le chômage n'est pas une fatalité et que la vie, c'est l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre des petites entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je remercie l'ensemble des orateurs qui ont éclairé ce débat et auxquels je vais tenter de répondre brièvement mais précisément.

À tout seigneur tout honneur, je veux dire en premier lieu à Jean-Paul Charié (Rires et exclamations) que son combat de longue date porte aujourd'hui ses fruits. En effet la loi Galland et son éventuelle réforme ont été l'objet de tous ses soins et, aujourd'hui, des solutions sont proposées, mêmes si elles ne sont pas tout à fait celles qu'il aurait souhaitées. Il fut de ceux qui, le plus tôt, ont dénoncé la dérive des marges arrière et leurs effets négatifs : inflation sur les produits de grande consommation dans la grande distribution et, surtout, sur les PME qui en furent les grandes victimes.

Monsieur Dionis du Séjour, le sujet que nous traitons comporte deux volets, dont l'urbanisme commercial, qui ne nous a pas échappé. La discussion de la proposition de loi Foucher qui a été examinée en première lecture au Sénat sera poursuivie ici même à l'Assemblée nationale ; elle nous permettra de mettre notre droit en conformité avec le droit communautaire et de trouver des solutions inédites à un problème tout aussi essentiel que la réforme de la loi Galland.

M. Jean Dionis du Séjour. Pas trop tard !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. En effet !

Vous avez cité les chiffres illustrant cette dérive très rapide a fait passé les marges arrière de 22 % en 1998 à environ 35 % aujourd'hui. Leur accroissement a donc été assez fort depuis 1997, avec une période de relative indifférence, sur laquelle je passerai rapidement. (Sourires.) Ce texte vise à les ramener au point de départ, c'est-à-dire aux alentours de 20 %. Toutefois j'ai bien conscience que ce seuil ne suffit pas à convaincre certains députés, et que c'est un mouvement général, progressif et cohérent, qu'il faut amorcer.

Ce mouvement doit être progressif, pour ne pas déstabiliser le marché par une baisse trop rapide de la hausse des prix. Nous avons déjà connu ces périodes délicates et nous en avons beaucoup souffert en termes d'emplois.

L'important, c'est d'affirmer le cap. C'est ce que nous faisons, comme l'ont souhaité Luc-Marie Chatel et la commission Canivet, mais à un rythme adapté à la capacité des acteurs économiques. Nous y reviendrons dans le cours du débat. Personnellement, je ne suis pas partisan des solutions mi-chèvre mi-chou. Il faut aller progressivement, mais de façon assez déterminée, vers un prix « économique » répondant aux attentes des acteurs du marché.

Arlette Franco a insisté sur plusieurs sujets, notamment sur les succès remportés par le Gouvernement et par les Français en matière de création d'entreprises, lequel reste une priorité. Il ne faut pas occulter la dimension sociale de cette réussite, qui est due à des Français de toutes origines.

Sur les marges et l'évolution des prix, il serait bon de faire un bilan annuel et un rapport d'étape. Nous y reviendrons également dans le courant de la discussion.

Enfin, je suis sensible à cette notion de structures d'interface pour le commerce extérieur. C'est une suggestion très intéressante, que j'examinerai avec ma collègue en charge de ce domaine.

Michel Raison s'est soucié également du prix « économique ». Les travaux réalisés par la commission Chatel et auparavant, le rapport Canivet, ont permis d'éclaircir un sujet sur lequel beaucoup parlent sans toujours savoir de quoi il s'agit, mais qui recouvre des enjeux macro-économiques majeurs. Il est donc important de ne prendre que des décisions frappées au coin du bon sens, sans doute après des évaluations successives. Nous y reviendrons.

Jacques Briat a évoqué les sociétés d'exercice libéral et la réforme des plus-values des entreprises. Cette réforme, d'ailleurs promise par le Président de la République, aura lieu. Le ministre de l'économie et des finances l'a incluse dans le projet de loi de finances pour 2006.

Yannick Favennec a insisté sur l'un des éléments-clé de ce texte : le statut du conjoint, qui lui donne une dimension sociale. Il correspond à une très grande attente pour ceux, hommes et femmes, qui travaillent à deux dans une entreprise.

Geneviève Perrin-Gaillard a évoqué le commerce équitable, de même que Christian Herth, dont je sais combien il est attentif au sujet. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours de la discussion des amendements.

Jean-Pierre Decool a insisté sur le décret EDEN : il y a effectivement des efforts à consentir en la matière.

Gilles Carrez a traité d'un sujet ô combien rebattu mais toujours d'actualité : l'ISF. Je rappelle que nous en avions modifié certaines dispositions dans le cadre de la loi sur l'initiative économique, au cours d'un débat et dans un climat de grande qualité.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. On peut donc parler de l'ISF tout en restant raisonnable et convaincu que la fiscalité ne doit pas être punitive mais contributive, l'impôt n'ayant pas de but idéologique.

Cela dit, le présent texte sur les PME a été conçu en fonction d'objectifs depuis longtemps connus. Il a fait l'objet d'un travail approfondi des parlementaires, en particulier des députés. À de nombreuses reprises, la commission des finances m'a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas que des dispositions fiscales y figurent. Sans vouloir botter en touche, il ne serait pas cohérent d'apporter ici, pour ainsi dire à la sauvette, une modification supplémentaire sur l'un des aspects de l'ISF. Le Gouvernement, conscient des difficultés que peut poser tel ou tel impôt, considère que le sujet est suffisamment important pour être appréhendé dans son ensemble. Le Premier ministre ou le ministre de l'économie et des finances devraient préciser le cadre dans lequel ils entendent y procéder.

Jean-Pierre Nicolas a insisté avec raison sur la simplification. Le texte comporte en effet de nombreuses dispositions qui simplifient le droit des entreprises. Il a également mis l'accent sur l'augmentation du pouvoir d'achat, qui est également l'un des objectifs poursuivis.

Daniel Boisserie, outre les très bonnes mesures relatives au conjoint collaborateur, a aussi évoqué le FISAC. Ce fonds, destiné à l'ensemble du territoire, s'adresse plus particulièrement aux territoires ruraux, donc, a fortiori, au Limousin. Bien entendu, tous les dossiers qui nous seront présentés seront examinés avec objectivité et le plus rapidement possible.

Marc Bernier a fait part au Gouvernement des attentes des professions libérales et a indiqué quels outils pourraient être mis à leur disposition pour faciliter les créations ou les mutations d'entreprises. Les sondages révèlent que 80 % des professionnels libéraux sont favorables à un meilleur accompagnement et que 80 % sont hostiles à tout nouveau prélèvement obligatoire. Équation difficile, que nous pourrons peut-être résoudre dans le cadre de la proposition de loi dont il a parlé et que j'examinerai avec beaucoup d'intérêt. Elle pourrait couvrir non seulement le problème des OREL, mais beaucoup d'autres encore.

Bernard Carayon a évoqué les fondations et le régime des trusties, qui connaît un grand succès dans les économies anglo-saxonnes et qui peut parfois régler des problèmes délicats de succession, de transmission d'entreprises par des familles. C'est un sujet passionnant mais complexe, qui nécessite une réflexion plus approfondie.

Richard Mallié a parlé de la lutte contre la vie chère. L'un des objectifs de ce projet de loi est évidemment de restituer au consommateur la part de valeur qui peut lui revenir. Il a également évoqué le sujet ô combien délicat des esthéticiennes et des esthéticiens. Ce problème parfois cornélien,...

M. Jean-Marie Le Guen. Racinien, plutôt ! (Sourires.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. ...nous allons tenter de le résoudre avec tact...

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. Et doigté ! (Sourires.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. ...mais détermination, en autorisant ces artisans et artisanes...

M. Jean Dionis du Séjour. Ces artistes même !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. ...à pratiquer des « modelages esthétiques de confort sans finalité médicale », désignation qui pourrait ramener la paix dans les cabinets.

M. Yannick Favennec. Mais pas forcément dans les ménages ! (Sourires.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Enfin, Jean-Marie Le Guen, s'est livré à un exercice obligé sur l'ISF avant de nous parler avec bon sens d'un tout autre sujet : les fruits et légumes. Je suis prêt à me pencher sur cette question, que le groupe obésité, dont je n'ignore pas le poids (Sourires) à l'Assemblée nationale, a soulevée à de nombreuses reprises.

Pour terminer, je remercie Léonce Déprez d'avoir conclu ce débat passionnant par un coup de projecteur sur la simplification. Dans ce domaine, l'administration a beaucoup progressé et l'on oublie trop souvent les efforts des fonctionnaires pour se mettre à la place des chefs d'entreprise. Sans distribuer de bons ou de mauvais points, je salue l'administration fiscale en particulier, qui a accompli de réels efforts pour instaurer avec les entreprises une relation partenariale plutôt que de fort à faible, qui était très mal vécue. Il est important que l'administration concoure à la compétitivité des petites et moyennes entreprises. Nous discuterons plus avant de tous ces sujets mercredi et jeudi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, n° 2381, en faveur des petites et moyennes entreprises :

Rapport, n° 2429, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 2422, de Mme Arlette Grosskost, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 2431, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion et vote sur la motion de censure, déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution par :

MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Eric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira et M. Emile Zuccarelli.

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, n° 2403.

Déclaration du Gouvernement et débat d'orientation budgétaire pour 2006.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 5 juillet 2005, à zéro heure cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot