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Première séance du mercredi 6 octobre 2004

5e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Pavol Hrusovsky, Président du Conseil national de la République slovaque. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

UNION EUROPÉENNE ET TURQUIE

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Floch. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, en 1959, le général de Gaulle et Michel Debré donnent leur accord pour l'élaboration d'un traité d'association entre l'Europe et la Turquie.

En 1963, le général de Gaulle et Georges Pompidou donnent leur accord à la signature de la convention d'association entre l'Europe et la Turquie, dont l'article 28 prévoit la possibilité d'accession de la Turquie à l'Europe, convention d'ailleurs soutenue par les États-Unis d'Amérique.

En 1973, Georges Pompidou et Pierre Messmer donnent leur accord à l'intégration des marchés européens et de la Turquie.

En 1987 est effectué le dépôt de la candidature de la Turquie.

En 1996, Jacques Chirac et Alain Juppé donnent leur accord à l'entrée en vigueur de l'union douanière entre l'Europe et la Turquie.

En 1999, au Conseil européen d'Helsinki, Jacques Chirac et Lionel Jospin donnent leur accord à la reconnaissance de la candidature de la Turquie à l'Europe.

En 2000, Jacques Chirac, Président de l'Union européenne, en accord avec Lionel Jospin, conclut à un partenariat pour l'adhésion de la Turquie à l'Europe. Cette conclusion sera signée en mars 2001 avec l'accord de Lionel Jospin et révisée en 2003 avec l'aval de Jean-Pierre Raffarin.

En décembre 2002, Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin acceptent la clause de rendez-vous avec la Turquie pour décembre 2004.

En 2002, la Convention pour l'avenir de l'Europe accueille en son sein la Turquie au même titre que les vingt-sept autres États pour élaborer le projet de traité constitutionnel.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Jacques Floch. Aujourd'hui, mercredi 6 octobre 2004, la Commission de l'Union européenne recommande d'ouvrir les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union.

Jamais, au long de ce parcours, aucune voix ne s'est élevée pour en interrompre le déroulement. Vendredi 17 décembre 2004, le Conseil européen décidera de la suite à donner à la recommandation de la Commission.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur le député.

M. Jacques Floch. L'unanimité étant la règle, quelle sera la position du représentant de la France, le Président Jacques Chirac ? Cette position sera-t-elle préparée par un débat à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, la question posée par le rapport remis par la Commission ce matin n'est pas celle de l'adhésion de la Turquie. Michel Barnier, qui se trouve aujourd'hui en Libye, l'a également confirmé. Ce qui est en question, c'est l'ouverture éventuelle de négociations. La Commission a fait des propositions, des analyses, des recommandations. Nous allons bien sûr les examiner attentivement, et, le 17 décembre prochain, ce sont les chefs d'État et de Gouvernement qui auront à se prononcer. Ils se prononceront sur le principe d'ouverture des négociations ainsi que, le cas échéant, sur leur date d'ouverture et leurs modalités.

M. Jean Dionis du Séjour. Et le Parlement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le rapport de la Commission comprend plusieurs éléments très importants.

En premier lieu, il indique que la Turquie a fait des progrès suffisants pour respecter les critères politiques d'ouverture de négociations.

Ce rapport fixe également trois principes.

Premièrement, il est indiqué que l'on ne peut préjuger de l'issue des négociations, qui seront nécessairement longues.

Deuxièmement, il est proposé de renforcer la méthodologie des négociations.

Troisièmement, il est prévu la possibilité de suspendre les discussions dans l'hypothèse où la Turquie ne remplirait pas ses obligations.

La décision que prendront le Président et le Premier ministre le 17 décembre prochain tiendra compte de l'ensemble de ces éléments.

Quant au Parlement, il sera naturellement tenu informé.

M. Alain Néri. Ah, tout de même !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Michel Barnier et moi-même nous engageons à être présents devant les commissions et devant les délégations à l'Union européenne pour expliquer avant la tenue du Conseil européen les enjeux de cette décision.

Mme Martine David. Il faut en débattre à l'Assemblée !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je rappelle par ailleurs qu'à l'initiative du Président de la République, vous serez consultés pour donner votre avis sur cette modification de la Constitution qui sera soumise à votre approbation, visant à ce que les Français puissent, si la question se pose un jour, se prononcer directement sur l'adhésion de la Turquie. J'insiste sur le fait qu'il n'y a rien d'irréversible, rien d'automatique. C'est un processus sur lequel nous sommes en train de nous déterminer, et Michel Barnier et moi-même sommes prêts à répondre à toutes vos questions à ce sujet, devant les commissions et les délégations à l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

UNION EUROPÉENNE ET TURQUIE

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Hervé Morin. Monsieur le Premier ministre, par la voix de François Bayrou, l'UDF a demandé hier que soit organisé un débat suivi d'un vote sur la question de l'intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) avant que les chefs d'État et de Gouvernement ne se prononcent le 17 décembre sur le début des discussions en vue de cette intégration. Le Gouvernement ne nous a pas répondu. Il a seulement indiqué qu'il y aurait éventuellement un référendum à l'issue de ces discussions, c'est-à-dire dans une dizaine d'années.

Nous contestons cette position, pour deux raisons.

La première, c'est que si nous tardons à engager cette discussion devant le peuple français, la question de l'intégration de la Turquie troublera le débat sur la Constitution européenne, et risque de nuire à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

La deuxième raison, qui est pour nous primordiale, c'est que si nous décidons le 17 décembre que nous pouvons engager les discussions dans la perspective de l'intégration de la Turquie, cela veut dire que, sur le principe, nous sommes favorables à l'idée que la Turquie entrera un jour au sein de l'Union européenne. Or, si nous considérons que la Turquie doit faire l'objet d'un partenariat privilégié, elle ne doit en aucun cas entrer dans l'Union européenne, car ce serait contraire à l'idée que nous nous faisons de l'Europe. L'Europe, pour nous, c'est un projet politique, un projet qui doit nous permettre un jour de rivaliser avec les grands pays d'aujourd'hui et de demain que sont les États-Unis ou la Chine. Pour nous, l'Europe doit devenir une puissance, et non une zone de libre-échange qui pourrait s'ouvrir, si l'on accepte l'idée de la Turquie, demain au Maghreb, à la Russie ou à l'Ukraine.

Monsieur le Premier ministre, il faut que ce débat ait lieu devant les Français. Je rappelle d'ailleurs qu'il y a quelques semaines, vous avez vous-même fait part de vos doutes, dans le Wall Street Journal, quant à l'éventualité de l'intégration de la Turquie à l'Europe.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Morin.

M. Hervé Morin. Nous demandons qu'un débat suivi d'un vote soit organisé au Parlement...

M. le président. Je crois que nous avons compris...

M. Hervé Morin. ...afin que chacun puisse prendre ses responsabilités devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, en répondant à la question de M. Floch, je viens d'indiquer les éléments qui vont nous permettre d'affiner notre position à partir du rapport de la commission.

Vous avez compris que l'intention du Gouvernement n'est évidemment pas de laisser le Parlement à l'écart. Je répète que nous serons là pour nous expliquer devant les commissions et les délégations...

M. Jean Dionis du Séjour. Un vote !

M. le président. Je vous en prie, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...et exposer les enjeux du débat.

Je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de dissocier les différents aspects de cette question. Nous aurons à faire face à des enjeux importants, dans le courant de l'année 2005, en ce qui concerne la construction de l'Union européenne. Pour le moment, concentrons-nous sur les éléments que contient le rapport de la Commission. Donnons-nous le temps de les analyser, afin de déterminer notre position en fonction de l'histoire, mais aussi de ce que nous voulons construire ensemble. Je crois que chacun sera convaincu que nous devons faire un chemin commun avec la Turquie, qui constitue un partenaire important dans l'environnement géostratégique, dans la stabilité,...

M. Jacques Desallangre. Venez-en au fait !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...et qu'il est de notre responsabilité de la guider vers ces valeurs qui sont les nôtres. Cette réflexion, nous l'avons déjà entamée avec vous, notamment par la mise en place de délégations et de missions, et nous restons à votre disposition pour vous tenir informés.

En résumé, dissocions les différents débats, et concentrons-nous sur la question qui se pose à nous aujourd'hui, qui n'est pas celle de l'adhésion de la Turquie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Baratin !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La question de l'adhésion de la Turquie ne se pose pas aujourd'hui, et ne se posera pas non plus demain, ni après-demain (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le Premier ministre, la situation dans les territoires occupés de Palestine est particulièrement alarmante. Le Nord de la bande de Gaza vit depuis plusieurs jours coupé du monde, pris sous le feu des chars de l'armée israélienne. Le Sud a déjà été victime de ce type d'intervention, sans parler de ce qui se passe dans différentes villes de Cisjordanie, de la détresse des milliers de Palestiniens qui se heurtent quotidiennement au mur entravant leur moindre mouvement, et du sort des quelque 7 000 prisonniers.

Nous sommes tous informés de ce qui se passe. Nous constatons que les nombreuses résolutions émanant du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale de l'ONU ne sont toujours pas respectées et mises en œuvre.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et en face ?

Mme Muguette Jacquaint. Aujourd'hui, alors que la situation au Proche-Orient est entrée dans une phase d'une telle urgence, nous devons dire au peuple palestinien, qui a le droit à son autodétermination, que nous sommes à ses côtés, tout comme nous sommes aux côtés du peuple israélien...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah, tout de même !

Mme Muguette Jacquaint. ...qui a, lui aussi, besoin de vivre en sécurité et en paix.

Face à cette situation alarmante, l'Europe et la France doivent prendre leurs responsabilités et assumer leur rôle, d'autant que notre pays est engagé par l'avis consultatif qu'a rendu en juillet dernier la Cour internationale de justice, celle-ci ayant déclaré illégal le mur d'annexion édifié par Israël. Le peuple palestinien sous occupation doit bénéficier de l'application de la quatrième convention de Genève.

M. le président. Madame Jacquaint, n'avez-vous pas une question à poser ?

Mme Muguette Jacquaint. La France et les autres pays de l'Union européenne doivent donc exiger de la communauté internationale qu'elle envoie une force d'interposition, ou plutôt de protection du peuple palestinien, sous l'égide de l'ONU. Monsieur le Premier ministre, qu'entendez-vous faire pour appuyer cette demande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la députée, le Gouvernement est évidemment très préoccupé par l'escalade de la violence qui se manifeste dans le Nord de la bande de Gaza, pour plusieurs raisons.

D'une part, nous condamnons les opérations israéliennes à Gaza, qui s'intensifient et qui ont encore fait, récemment, soixante-dix morts du côté palestinien, ces actions n'étant pas conformes au droit international. Même si nous comprenons qu'Israël prenne des mesures pour assurer sa sécurité, les opérations qu'elle entreprend doivent respecter le droit international.

D'autre part, il est évident que de telles actions fragilisent le processus de paix.

Mais nous condamnons aussi les tirs de roquettes palestiniens. Ceux du 29 septembre dernier ont encore causé la mort de deux enfants israéliens.

Tous ces événements sont de nature à alimenter sans fin la spirale de la violence.

Alors, que fait la France ? Elle agit d'abord dans le cadre de ses partenariats internationaux. Elle reste aussi mobilisée et appuie la condamnation de ces actes par Kofi Annan, Javier Solana et la présidence néerlandaise de l'Union européenne. Nous demandons tous que cessent ces exactions, ces opérations menées aussi bien du côté israélien que du côté palestinien.

Enfin, la France a soutenu la résolution proposée par le groupe arabe, hier, au Conseil de sécurité. Le texte nous paraissait équilibré et adapté à la gravité de la situation. Mais le veto américain n'a pas permis à cette résolution d'être adoptée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous restons donc mobilisés et nous allons étudier avec nos partenaires européens les moyens d'action propres à favoriser la cessation de ces violences et, surtout, pour mettre en oeuvre la feuille de route, c'est-à-dire le plan de paix qui a été élaboré par le quartet États-Unis, Union européenne, ONU et Russie. Nous soutenons également le principe de la mise en place d'une mission internationale qui s'interposerait et qui, sans aucun doute, éviterait la confrontation directe entre Israéliens et Palestiniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

CORPS DE GENDARMERIE EUROPÉEN

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Madame la ministre de la défense, vous avez évoqué ici même, il y a quelques mois, le projet de création d'un corps de gendarmerie européen. Chacun a compris qu'il s'agit d'une initiative pertinente et, surtout, emblématique de la volonté des Européens de se doter de l'ensemble des moyens propres à assurer leur sécurité et celle de leurs concitoyens.

J'en profite d'ailleurs pour rappeler que la France, grâce au Président de la République et à vous-même, madame la ministre, est à l'avant-garde de la création de cette Europe de la défense qui est aujourd'hui une grande ambition de nature à rassembler tous les pays de l'Union. J'en veux pour preuve la création récente de l'Agence de l'armement, la création et l'installation de l'état-major de planification et de suivi des crises et, surtout, les grands programmes d'armement, déjà engagés et qui permettront à nos forces armées d'être dotées des moyens qui leur sont nécessaires.

On constate donc des progrès très rapides. Mais, madame la ministre, l'expérience des crises acquise par l'Europe, sur son territoire ou en Afrique, démontre que, lors des conflits, il y a d'abord une période extrêmement violente pendant laquelle seuls les militaires sont aptes à intervenir. Vient ensuite la phase dite du retour à la paix - soyons optimistes ! - et, là, seules les forces de gendarmerie sont capables d'intervenir avec toute l'efficacité souhaitable.

Le 17 septembre dernier, les ministres de la défense de l'Union européenne avaient inscrit ce projet de corps de gendarmerie européen à l'ordre du jour de leur réunion. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Fromion, l'Union européenne a effectivement décidé, sur initiative française, de se doter d'une force européenne de gendarmerie destinée, comme vous l'avez rappelé, à assurer cette transition très particulière entre les opérations militaires et une situation purement civile.

Le 17 septembre, les cinq pays qui ont des gendarmeries et qui sont à l'origine de ce premier noyau - la France, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et les Pays-Bas - ont donc signé ensemble leur engagement. La structure est à présent mise en œuvre et pourra être élargie.

L'état-major, d'ores et déjà installé à Vicenza, sera permanent et léger, puisqu'il comprendra quinze à vingt personnes, et aura à sa tête un général de gendarmerie français. Il y aura ensuite 800 hommes susceptibles d'intervenir. Ce corps sera opérationnel à partir du début de l'année 2005. C'est une preuve de plus que l'Europe de la défense existe et qu'elle est à même de mener des opérations au service de la paix, de la stabilité et de nos concitoyens, ici, mais aussi à l'extérieur de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marc Roubaud. Ma question s'adresse à M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre d'État, je me félicite que la croissance soit revenue en France, en cette fin d'année 2004. Cela est dû aux efforts entrepris par le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) puisqu'on a enfin traité le problème de la réforme des retraites et de l'assurance maladie, qu'on a favorisé la création d'entreprises et qu'on a revalorisé le travail.

Cependant, du fait des délocalisations et de la désindustrialisation, nos concitoyens restent inquiets. Mais, face à cette situation, vous avez décidé de ne pas vous résigner. Dans le cadre du comité interministériel d'aménagement du territoire du 14 septembre dernier, vous avez donc proposé, pour lutter contre les délocalisations, de créer des pôles de compétitivité sur l'ensemble du territoire national.

Monsieur le ministre, vous le savez, le Gard rhodanien est candidat à l'accueil d'un pôle de compétitivité. Pouvez-vous nous indiquer aujourd'hui où en est la mise en place de ces pôles de compétitivité et quelle est l'échéance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Trois précisions, monsieur le député. Votre question me donne d'abord l'occasion de rappeler que la croissance française est supérieure en 2004 à celle de la zone euro. J'ignore si c'est grâce à l'action du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais je sais que, si l'on avait fait moins bien que les autres, certains ne manqueraient pas de nous le rappeler tous les mardis et tous les mercredis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas parce que vous êtes discrets sur le sujet, mesdames, messieurs de l'opposition, qu'on doit l'être nous aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Parlez-nous de l'emploi !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne comprends pas ensuite l'attitude de prétendus spécialistes qui reprochent aux élus de toutes tendances d'évoquer le risque des délocalisations.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On peut relayer l'inquiétude de nos concitoyens sans être démagogue ou populiste. Or, une partie des élites intellectuelles est en train de faire avec les délocalisations et la désindustrialisation la même erreur qu'avec l'insécurité, il y a quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On disait alors aux Français : « Vous n'avez rien compris ! Vous n'avez pas peur : vous avez l'impression d'avoir peur ! » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, c'est parce que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est convaincu de cette réalité que nous avons attaché tant d'importance au très remarquable rapport du député UDF Christian Blanc sur les pôles de compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ainsi, et la situation est originale, le rapport de M. Blanc a été remis au Gouvernement au mois de mai, le Premier ministre a tenu une réunion interministérielle au mois de juin, les pôles de compétitivité ont été mis en place au mois de septembre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), l'appel à projet sera lancé début janvier et les premiers pôles de compétitivité seront désignés avant la fin 2005. (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)

Vous le voyez, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. Et ce sont toujours les mêmes ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

M. le président. La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe UMP.

M. Georges Mothron. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Rassurez-vous, monsieur le ministre, je ne reparlerai pas du commissariat d'Argenteuil ! La sécurité quotidienne des Français était une demande forte du début de notre mandat. La lutte contre la délinquance est une priorité constante du Gouvernement. À cet égard, celui-ci fait la démonstration, et l'évaluation statistique régulière le confirme, qu'une volonté politique affichée et déterminée à agir contre la délinquance en réaffirmant l'autorité de l'État conduit à des résultats probants.

La presse vient d'annoncer que la délinquance a diminué de près de 4 % le mois dernier par rapport à septembre 2003. Pour le neuvième mois consécutif, elle baisse.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer et présenter de façon plus détaillée ces chiffres ? Que comptez-vous faire pour que cette situation perdure et que la chute de la délinquance se poursuive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous l'avez dit, nous assistons à une baisse continue de la délinquance dans notre pays depuis le début de l'année. Une baisse de la délinquance générale de 4 % et une baisse de la délinquance de la voie publique de 9 %, ce sont 120 000 victimes en moins depuis 2003. Ce sont 60 000 faits élucidés en plus sur la même période. Cela traduit bien la mobilisation de l'ensemble de nos forces de sécurité.

Mais je ne peux pas me contenter de ces succès. Il faut aller plus loin. Il faut une action plus adaptée et, pour cela, une meilleure répartition géographique des effectifs. Il faut aussi davantage de réactivité de la part de nos forces, c'est-à-dire une présence supplémentaire la nuit et les fins de semaine. Il faut enfin une police et une gendarmerie mieux formée et mieux informée. C'est tout le sens de la réforme des corps et carrières que nous avons engagée avec Michèle Alliot-Marie.

Il importe encore d'engager une action mieux ciblée sur les atteintes intrafamiliales et sur les violences scolaires, qui nous préoccupent particulièrement. C'est le sens du protocole d'accord que j'ai signé avec François Fillon à Dreux pour désigner des correspondants pour chaque établissement, pour avoir un diagnostic sécurité dans chaque établissement et pour mener aussi des actions de formation et d'éducation pour lutter contre le racket, la toxicomanie, les injures et les incivilités.

Il faut enfin aller plus loin et s'attaquer à la croûte de l'insécurité, au noyau dur. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé plusieurs chantiers pour lutter contre le terrorisme, les trafics de drogue et la cyber-criminalité.

Vous le voyez, la lutte contre l'insécurité reste bien au cœur des préoccupations et des priorités de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PENSION DE RÉVERSION DU CONJOINT SURVIVANT

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

En toute discrétion, le 25 août dernier, le Gouvernement a modifié par décret les conditions d'attribution des pensions de réversion attribuées au conjoint survivant. (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Cela représente aujourd'hui 2,3 millions de bénéficiaires. Vous avez abaissé le plafond à 1 240 euros par mois, ce qui signifie que lorsque toutes les ressources du conjoint survivant - y compris la pension - dépassent ce montant, cette pension se trouve réduite, voire supprimée.

Vous avez ainsi transformé un droit obtenu par les cotisations du conjoint défunt en une allocation différentielle, sorte d'aide sociale révisable chaque année. Or cela est très durement ressenti par les veufs et les veuves.

Au cours du débat sur la loi portant réforme des retraites, les députés socialistes avaient manifesté leurs vives inquiétudes et dénoncé le risque de régression face aux intentions du Gouvernement, qui s'était alors voulu rassurant. Mais ce n'était que tromperie. Avec vos mesures votées contre notre gré, la pension de réversion ne sera plus un droit et de très nombreux veufs et veuves vont se trouver pénalisés ou exclus du dispositif. En outre, nous ne savons toujours pas quelles garanties de ressources vous réservez aux jeunes veufs et veuves de moins de quarante-six ans.

Devant l'inquiétude et la très forte mobilisation des associations de retraités et des conjoints survivants, des syndicats et des élus de gauche, vous avez reculé et demandé une étude complémentaire au Conseil d'orientation des retraites pour expertiser les conséquences de votre décret.

Il aurait été préférable de réaliser cette étude et de réfléchir à ses conséquences avant de voter le texte de loi et de publier ce mauvais décret, qui est inacceptable !

Aujourd'hui, c'est un vrai débat de fond que nous réclamons.

M. le président. Veuillez poser votre question, s'il vous plaît !

Mme Marie-Françoise Clergeau. La voici, monsieur le président : nous demandons le retrait pur et simple, et non une suspension provisoire, de l'application du décret du 24 août 2004 ainsi qu'une révision de la loi portant réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame la députée, il aurait été plus simple...

M. Alain Néri. De retirer le décret !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...de prendre vos responsabilités quand vous étiez au pouvoir que de donner des leçons aujourd'hui ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous aviez voté en son temps la réforme des retraites au lieu de vous contenter de rapports, vous pourriez aujourd'hui nous donner les leçons !

M. Jean-Louis Idiart. Retirez le décret !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Mais quoi qu'il en soit, je vous remercie, madame la députée, de me donner l'occasion de redire ici que la réforme des retraites, votée en août 2003 à l'initiative du Premier ministre et conduite par François Fillon et Jean-Paul Delevoye, est une réforme d'équité et de justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. le président. Monsieur Roman !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Et si vous n'êtes pas d'accord avec mes propos, demandez aux 130 000 Français qui sont partis ou s'apprêtent à partir en retraite avant soixante ans, au titre des carrières longues, parce qu'ils ont commencé à travailler très jeunes, ce qu'ils en pensent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Demandez également aux exploitants agricoles, qui bénéficient aujourd'hui de la mensualisation, ce qu'ils en pensent ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Nous leur avons demandé !

M. le président. Monsieur Bataille !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Demandez également à celles et ceux qui bénéficient de la garantie du pouvoir d'achat ce qu'ils en pensent !

De nombreux députés du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Concernant les pensions de réversion, madame la députée, pourquoi n'avez-vous pas parlé de ces deux mesures importantes contenues dans le dispositif des pensions de réversion ? L'une d'entre elles est la suppression de la condition d'âge : la pension de réversion peut désormais être versée avant l'âge de cinquante-cinq ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'autre mesure est la suivante : une personne qui perçoit une pension de réversion peut se remarier et continuer à la percevoir. Pourquoi ne le dites-vous pas ?

M. Bernard Roman. Ce n'est pas le plus important !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ces mesures, en réalité, vont permettre à 300 000 Français de bénéficier du dispositif des pensions de réversion.

M. François Hollande. Et les autres ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ceci étant dit, un décret a été publié au mois d'août 2004. Suite à sa parution, nous avons entendu les inquiétudes et les craintes d'un certain nombre de Françaises et de Français (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et M. le Premier ministre a demandé qu'il soit procédé immédiatement et intégralement à la suspension de ce décret. (« Alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bruno Le Roux. Vous ne répondez pas à la question !

M. le président. Monsieur Le Roux !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame la députée, je vous pose une question : faites-vous confiance au Conseil d'orientation des retraites ?

M. Bruno Le Roux. C'est une réponse ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous, nous lui faisons confiance et attendons de lui qu'il nous dise clairement quels sont les bons choix en la matière.

Vous n'avez pas le droit, madame la députée, de chercher ainsi à faire peur aux Françaises et aux Français sur la question des retraites.

Les Françaises et les Français qui perçoivent une pension de réversion continueront à la percevoir dans les mêmes conditions, aujourd'hui, demain et après-demain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Bertrand...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Quant aux personnes qui, aujourd'hui, ne la perçoivent pas, nous sommes en train d'étudier attentivement, à la lumière des travaux du Conseil d'orientation des retraites, la possibilité de leur offrir la tranquillité d'esprit, le pouvoir d'achat et la bonne visibilité du dispositif.

Mme Martine David. C'est raté !

M. Bernard Roman. Il fallait le faire avant !

M. le président. Nous allons nous arrêter là...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La réforme des retraites est une réforme de justice sociale : elle restera une réforme de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MESURES EN FAVEUR DES MARINS-PÊCHEURS

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Levy. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, lundi dernier le trafic des marchandises, dont le trafic pétrolier, a été paralysé dans plusieurs ports de la Méditerranée par des marins-pêcheurs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Au total, près de 150 bateaux ont pris position pour interdire l'accès aux ports de Marseille et de Toulon ainsi qu'aux terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer et de Port-de-Bouc.

Les marins-pêcheurs réclamaient une compensation financière pour faire face à la flambée du prix du gazole. À New York, le prix du baril de pétrole a atteint lundi un peu plus de 49 dollars, le record de 50 dollars ayant été enregistré le 2 octobre.

Hier, dans un souci d'apaisement, vous avez rencontré les représentants de cette profession. Bien que votre marge de manœuvre soit étroite, vous avez fait des propositions afin de les aider à supporter cette hausse du gazole. Pourriez-vous nous donner des informations à ce sujet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. C'est la brosse à reluire !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, comme vous l'avez dit, depuis le début de l'année, le gazole utilisé par les pêcheurs a augmenté de 50 %. Or le carburant entre pour 25 % dans le coût d'exploitation des entreprises de pêche.

Dès le mois de juin, nous avons pris des mesures pour soutenir la trésorerie des organisations de producteurs et pour accroître les crédits destinés à la promotion et la vente du poisson.

Le 26 août, j'ai organisé une table ronde avec les professionnels de la pêche pour faire le point sur leurs difficultés. Depuis cette date, sous l'autorité du Premier ministre, avec Nicolas Sarkozy et Dominique Bussereau, nous travaillons à l'élaboration d'un certain nombre de mesures pour aider la pêche, dans la conjoncture difficile qu'elle connaît actuellement.

La première de ces mesures est la plus importante : il s'agit de la création d'un fonds d'assurance et de garantie pour acheter du carburant sur les marchés à terme. Ainsi, à partir du 1er novembre prochain, les pêcheurs pourront acheter du carburant à 27 centimes d'euro. L'État, pour sa part, consent une avance remboursable de 15 millions d'euros pour amorcer ce nouveau système assuranciel auquel adhéreront les pêcheurs. Ce dispositif est un outil de gestion de crise, mais également un outil pérenne pour la pêche française.

M. René Couanau. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La deuxième mesure consiste à étendre aux pêcheurs ce qui existe déjà pour les agriculteurs, à savoir la mise en place d'une aide au cas par cas pour aider les entreprises en difficulté à passer ce mauvais cap, notamment sur le plan de leur trésorerie, qu'il s'agisse des cotisations sociales ou des relations avec l'administration fiscale.

Enfin, nous avons décidé de mettre en place un dispositif d'attractivité fiscale. C'est une mesure d'équité, qui va bien au-delà de la seule gestion de crise et qui tient compte de la pénibilité du travail des marins-pêcheurs.

Voilà, madame la députée, ce qui a été décidé hier et qui, je crois, satisfait les marins-pêcheurs de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PARUTION DES DÉCRETS DE LA LOI
RÉFORMANT L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe UMP.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons voté en juillet dernier, après une longue et sérieuse discussion au Parlement, la loi portant réforme de l'assurance maladie. Cette réforme - faut-il le rappeler ? - était devenue indispensable après les années d'inaction socialiste (« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour sauver notre système d'assurance maladie, auquel tous les Français sont profondément attachés.

La loi prévoit des mesures importantes, comme l'instauration du médecin traitant ou la nouvelle organisation des instances de l'assurance maladie, qui devraient nous permettre d'atteindre la rationalisation nécessaire des dépenses.

Mais les principales dispositions de cette réforme nécessitent la publication de décrets pour s'appliquer concrètement et rapidement sur le terrain. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous donner le calendrier de publication de ces décrets, sachant que le Président de la République a souhaité hier devant le Conseil des ministres que la réforme de l'assurance maladie soit mise en œuvre sans délai ? Pouvez-vous dès lors nous indiquer où vous en êtes par rapport à l'objectif de publier 80 % des décrets avant la fin de l'année ? Cet objectif sera-t-il atteint ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, quelles actions menez-vous concrètement pour que nos concitoyens prennent conscience de l'importance de cette réforme ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le député, je vous remercie de m'avoir posé cette question qui va me permettre de faire le point sur la situation. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je le ferai au nom de Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, qui est aujourd'hui en déplacement.

Monsieur le député, il y a trois phases dans la vie d'une loi, dans la vie d'une réforme. Il y a le temps du dialogue social, de la concertation. Il y a le temps du débat parlementaire. Nous avons pris le temps pour tout cela : nous avons écrit une loi, nous l'avons enrichie. Mais lorsque le Parlement a terminé l'examen d'un texte, le travail n'est pas terminé et il est de la responsabilité du Gouvernement de produire en temps et en heure l'ensemble des textes réglementaires, car, comme l'a dit hier le Président de la République, la priorité réside dans la mise en œuvre de la loi.

M. Jean-Marie Le Guen. Vraiment ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous avons décidé, encore une fois, de jouer la carte de la concertation, avec l'ensemble des acteurs de notre système de santé comme avec les parlementaires. C'est ainsi que nous avons souhaité, dans l'esprit de la résolution Debré-Warsmann, associer les rapporteurs de ce texte à la concertation nécessaire à la publication de ces décrets.

Tous les parlementaires, quel que soit leur banc dans cet hémicycle, ont reçu la présentation et la date de parution de l'ensemble de ces décrets, dans un souci de parfaite visibilité. Ce sont 69 décrets et 9 arrêtés ministériels qui seront pris avant le début de l'année prochaine et rendront cette loi opérationnelle.

Trois décrets ont déjà été publiés, hier, au Journal officiel. Ce « service après-vote » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) constitue pour nous le temps du travail avec l'assurance maladie. Dans un mois sera installée la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, avec le nouveau conseil d'administration de la CNAM et de l'UNCAM. Nous travaillons également à la mise en place des dispositifs du médecin traitant et de la contribution forfaitaire d'un euro.

Il s'agit aussi pour nous d'aller sur le terrain pour présenter cette réforme à tous les acteurs, en expliquer les enjeux et les modalités. Monsieur le député, je rencontre régulièrement, avec Philippe Douste-Blazy, l'ensemble de ces acteurs, et je sais que les Français sont prêts à s'engager dans la voie de la réforme, prêts à s'engager pour sauver l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CATASTROPHES NATURELLES DANS LA CARAÏBE

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les ouragans Ivan, Frances et Jeanne sont passés sur les Antilles avec leur cortège de désolation. Mais à l'heure des bilans naît une double inquiétude dans les Antilles-Caraïbe.

S'il est vrai que la France est intervenue en accordant une aide de première urgence à Haïti, ma première inquiétude vient de l'insuffisance de ce premier secours et de ces aides.

Des milliers de morts - plus de 2 500 - des centaines de milliers de sans-abri, une situation alarmante, et surtout ces visages livides au regard insoutenable et ces bouches affamées, provoquant ces trois derniers jours des émeutes d'une rare violence. Tel est le spectacle qu'offre aujourd'hui Haïti.

Monsieur le Premier ministre, face à l'ampleur de cette catastrophe humanitaire, l'aide accordée par votre gouvernement à ce jour ne répond, me semble-t-il, ni aux attentes des populations en détresse, ni aux liens historiques et culturels si forts qui unissent la France à Haïti.

Aussi faut-il saluer l'aide apportée par les collectivités de Guadeloupe et de Martinique, mais également la mobilisation des ONG et des associations, à l'image du réseau « Urgences-Caraïbe » qui a collecté des centaines de tonnes d'eau, de nourriture et de vêtements.

L'urgence est là et fait naître dans les populations des Antilles une seconde inquiétude. En effet, la saison des cyclones n'est pas terminée et la situation empire, particulièrement dans la Caraïbe, avec les changements climatiques et l'effet de serre.

Gardons tous à l'esprit le passage dévastateur de l'ouragan Hugo sur la Guadeloupe, qui, en 1989, fit 20 000 sans-abri, 35 000 sinistrés et des centaines de millions d'euros de dégâts. La France doit garantir à ses départements d'outre-mer les moyens suffisants pour préserver leur économie déjà si fragile, des départements qui ont du mal à répondre aux attentes légitimes de leurs populations en matière de développement.

Monsieur le Premier ministre, mes deux questions traduisent cette double inquiétude : la France va-t-elle déployer en Haïti une aide humanitaire plus conséquente, digne de son rayonnement international ? Le Gouvernement compte-t-il donner les moyens nécessaires aux DOM pour faire face aux risques sismiques, volcaniques et cycloniques dont l'actualité nous rappelle malheureusement les terribles conséquences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Monsieur le député, vous nous interpellez sur la situation dramatique d'Haïti. Vous avez souligné le caractère gravissime des dégâts causés par le dernier cyclone, qui a fait des milliers de morts et a plongé plus de 300 000 personnes dans une situation épouvantable.

Je tiens à rappeler l'engagement des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ce dont je vous remercie. Leur action a été d'une très grande efficacité. Mais vous ne pouvez pas nier les efforts consentis par notre Gouvernement pour remédier à cette tragédie. En ce qui concerne l'ensemble des Caraïbes, que ce soit la Grenade, la Jamaïque ou la République dominicaine, plus de 600 000 euros ont été investis en faveur des populations touchées.

M. Christian Bataille. C'est misérable !

M. Patrick Lemasle. C'est minable ! C'est une aide départementale !

M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. En ce qui concerne Haïti, où nous sommes intervenus sur le terrain, il est clair que l'effort consenti dépasse les 600 000 euros.

M. Christian Bataille. Mais encore ?

M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. D'après l'OMS et les médecins ayant en charge les victimes de cette catastrophe, il n'y a plus aujourd'hui de risque d'épidémie.

Par ailleurs la France participe, sous l'égide de l'ONU, à la reconstruction du pays, dans le cadre de la résolution 1542, puisqu'elle a abondé à hauteur de 70 millions d'euros le fonds d'1,5 milliard mis à la disposition du gouvernement de M. Latortue pour assurer la reconstruction de ce pays.

Aujourd'hui, où la situation politique d'Haïti est très précaire, notre rôle est d'appuyer les efforts de M. Valdès, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, en faveur de la reconstruction de ce pays. Comme vous le savez, je me suis rendu sur place il y a peu. J'ai pu mesurer à cette occasion combien il est difficile de vivre en paix dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est nul !

SUPPRESSION D'EMPLOIS À CHALON-SUR-SAÔNE

M. le président. La parole est à M. Dominique Juillot, pour le groupe UMP.

M. Dominique Juillot. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, les médias se font depuis hier l'écho d'un plan de restructuration sur trois ans du groupe Eastman Kodak, géant américain de la photographie. En effet, ce groupe a annoncé mardi la suppression de 870 emplois en Europe d'ici à septembre 2005, dont 270 en France, plus précisément sur le site de Chalon-sur-Saône.

En vingt ans, ce site a vu ses effectifs passer d'un plus de 4 000 emplois dans les années quatre-vingt, à environ 2 000 emplois aujourd'hui. Vous imaginez les conséquences d'une telle annonce pour un bassin économique tel que celui de Chalon-sur-Saône, qui compte également nombre de sous-traitants de Kodak, dont le carnet de commandes dépend de l'avenir de l'entreprise.

Monsieur le ministre, je partage avec vous depuis longtemps la conviction que la France et l'Europe ne peuvent se satisfaire d'être seulement des sociétés de services, et que nous ne pouvons pas compter sur les seules créations d'emplois dans le secteur tertiaire pour compenser l'hémorragie des emplois industriels. Le Gouvernement a montré sa volonté de défendre, en France et en Europe, une politique industrielle volontariste et créatrice d'emplois.

La mobilisation se manifeste également sur le terrain, où, en partenariat avec les chefs d'entreprise et tous les responsables du développement économique, nous travaillons à anticiper les mutations et encourageons l'accueil d'entreprises nouvelles, notamment dans les secteurs innovants. C'est le cas à Chalon-sur-Saône, où nous mettons en place un projet ambitieux autour des nouvelles technologies de l'image et du son.

Pouvez-vous répondre, monsieur le ministre, à l'inquiétude des salariés de Chalon-sur-Saône et nous dire comment ces pôles de compétitivité, très attendus, viendront en appui des efforts locaux, afin de créer un environnement favorable à une nouvelle dynamique du secteur industriel français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Vous avez raison, monsieur le député : bien que le groupe américain Eastman Kodak ait produit le premier appareil photographique numérique, on s'aperçoit aujourd'hui qu'il n'a pas su prévoir la croissance exponentielle de cette technologie et la disparition de marchés qu'elle a entraînée, notamment celui des pellicules traditionnelles. C'est ce qui explique le plan de suppression de 870 emplois, dont 270 en France, à Chalon-sur-Saône. Je note cependant que le site de Chalon-sur-Saône résiste mieux que d'autres sites européens, et ceci grâce à sa production de radiographie médicale et de films de projection cinématographique.

Le plan de suppression d'emplois ne prévoit pas des licenciements, mais des mesures d'âge, c'est-à-dire des mises en préretraite. Loin de s'en satisfaire, le Gouvernement a fait le choix du volontarisme dans ce domaine, comme vous l'avez souligné. Le préfet de Saône-et-Loire a prévu la réunion d'une table ronde, le 11 octobre prochain, afin d'envisager des mesures de réindustrialisation.

Ces mesures seront de trois ordres. Il s'agira d'abord de développer la filière de l'image à travers des appels à projet autour de pôles de compétitivité, telle Nicéphore Cité, que vous avez évoqué. La deuxième mesure vise l'intégration au sein du groupe Kodak d'une société spécialisée dans le numérique dentaire. Est envisagée enfin la création d'un centre de recherche, en lien étroit avec Grenoble et Cambridge.

Ces projets s'inscrivent dans le cadre plus large des pôles de compétitivité, définis lors du CIADT du 14 septembre. Des crédits spécifiquement destinés à ces pôles seront inscrits dans la loi de finances pour 2005 qui sera défendue par Nicolas Sarkozy, et qui sera examinée prochainement par votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SITUATION EN HAÏTI

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain, pour le groupe UMP.

M. Édouard Landrain. Avec le groupe d'amitié France-Haïti, nous nous inquiétons du sort de ce malheureux pays.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Eh oui !

M. Édouard Landrain. Monsieur le secrétaire d'État aux affaires étrangères, après les événements politiques qui ont ensanglanté le début de l'année, Haïti a été victime, comme cela vient d'être rappelé, d'un terrible ouragan qui a fait plusieurs milliers de morts et de disparus. Cette île, très proche de la France par son histoire, sa culture, sa langue, vit une situation humaine, économique et sociale, épouvantable.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer avec précision les actions que mène actuellement la France pour ce malheureux pays ? Pouvez-vous également faire le point sur la situation politique quelques mois après la fuite du président Aristide ? Quels espoirs autorise l'installation du nouveau Gouvernement, dirigé par M. Latortue ? Qu'en est-il de la dette de ce pays vis-à-vis de la France ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Comme vous le savez, monsieur le député, ce pays se trouve dans une situation politique dramatique : il n'y a plus d'administration, plus de police, plus de justice. Il n'y a plus d'eau, il n'y a plus d'électricité.

Aujourd'hui, le Premier ministre, M. Latortue, et son gouvernement ont en charge la reconstruction du pays, avec le soutien de la communauté internationale. La France, avec les États-Unis et le Canada, a œuvré pour qu'il y ait une mobilisation importante au sein du Conseil de sécurité, qui s'est traduite par le vote de la résolution 1542. Des sommes considérables ont été débloquées, et la France est un des plus gros contributeurs.

Il est incontestable que des gangs armés, manipulés depuis l'Afrique du Sud par l'ex-président Aristide, s'efforcent de déstabiliser le pays, ce qui rend la situation encore plus difficile. Nous sommes face à la nécessité de mettre en place un système électoral dans le courant de l'année 2005. Nous devons également soutenir et renforcer les forces de la MINUSTAH, qui se sont déployées sur le terrain.

C'est l'avenir de ce pays qui est en jeu. Il faut très clairement, par la mobilisation de la communauté internationale et en partenariat avec les pays voisins, appuyer le combat courageux de M. Latortue, afin d'assurer le redressement et le développement de ce pays, et d'y assurer la transition démocratique. De l'heureuse issue de ce combat dépend l'avenir d'Haïti. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FERMETURE DE L'USINE SEDIVER À SAINT-YORRE

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, député non-inscrit.

M. Gérard Charasse. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je vous remercie d'avoir reçu la semaine dernière une délégation d'élus auvergnats afin d'examiner le sujet que je vais aborder.

Comme vous le savez, la direction du groupe SEDIVER, qui produits des isolateurs en verre, a décidé il y a quelques mois de fermer son usine de Saint-Yorre. Non que celle-ci ne soit pas performante, puisqu'elle a fait du groupe le leader mondial de ce marché depuis plus de trente ans. Non qu'elle ne soit pas rentable, puisqu'elle est responsable à elle seule de plus de la moitié du résultat du groupe. Cette décision trouve en fait son origine dans des acquisitions aventureuses du groupe qu'il faut désormais payer, et ce par tous les moyens, y compris en renvoyant chez elle 286 personnes.

Je vous rappelle que ce projet vient après la décision de l'État de fermer les filiales du GIAT de Cusset et de Bellerive-sur-Allier, contre toute logique industrielle et financière - cela a été dit et redit dans notre hémicycle.

Je voudrais vous poser trois questions, monsieur le ministre d'État.

Le Gouvernement soutient-il la proposition de l'entreprise de conserver la moitié du personnel en échange d'une baisse des salaires et d'une véritable rançon de six millions d'euros payée par les contribuables ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Scandaleux !

M. Gérard Charasse. A-t-on diligenté une enquête sur l'existence d'une garantie donnée par la COFACE à des commandes à l'étranger d'EDF et d'AREVA, les produits une fois fabriqués étant envoyés à Saint-Yorre pour y recevoir l'estampille made in France, avant d'être exportés ? Autrement dit, il s'agit de savoir si l'argent public a été utilisé pour garantir la délocalisation de la production.

Enfin, monsieur le ministre d'État, le Gouvernement soutient-il la transformation du bassin économique de Vichy, frappé de plein fouet par des plans sociaux successifs, mais qui regorge d'énergie et d'idées nouvelles, en un pôle de compétitivité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, la situation de SEDIVER est très grave pour l'Allier, et pour l'ensemble de l'Auvergne. Je voudrais dire d'ailleurs que, face à ce problème difficile, l'alliance, au meilleur sens du terme, entre le président du conseil général, celui du conseil régional et l'État est un atout et doit nous aider à trouver une solution.

Je me suis rendu sur place à trois reprises, je vous ai reçu en septembre. Avant de voir où on en est, il faut savoir d'où on vient : au mois de juin, le groupe italien propriétaire de SEDIVER voulait tout fermer et tout déménager. Nous avons, avec vous, travaillé sur toutes les hypothèses, y compris sur celle du rachat. Vous reconnaîtrez, mesdames et messieurs les députés, qu'il est compliqué de trouver un repreneur pour une entreprise dont le propriétaire n'est pas vendeur ! Il a donc fallu entamer des discussions avec le PDG du groupe, M. Zottola. Celui-ci a accepté de me rencontrer, alors que rien ne l'y obligeait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous prie de croire que ce n'est pas si simple ! Il a accepté de recréer les conditions d'un dialogue interrompu depuis neuf mois, comme vous l'avez reconnu très honnêtement, monsieur le député. Qu'on me dise comment on peut trouver une solution dans une entreprise où on ne se parle plus depuis neuf mois !

M. Christian Paul. La faute à qui ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La question n'est pas de savoir à qui la faute, la question est de ne pas perdre des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.). Ceux qui ont besoin de leur paie n'attendent pas de nous une discussion pour savoir qui est le plus ou qui est le moins responsable moralement, mais une action efficace.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? M. Zottola a assisté hier à une réunion à la préfecture de l'Allier. Si elle n'a pas levé toutes les inquiétudes, elle a été plutôt positive, puisque 90 % des salariés sont intéressés par le plan alternatif. Ce plan prévoit la possibilité de sauver 160 emplois sur les 294 : ce n'est pas rien, et mon devoir est de favoriser ce type de solution.

S'agissant des salaires, je l'ai déjà dit et je le confirme devant vous : je n'accepte pas le chantage, et telle n'est pas l'intention du Gouvernement. On ne fait pas baisser les salaires par la contrainte. Je juge aussi ridicule, et c'est de notoriété publique, une loi du passé qui empêchait les salariés de travailler plus pour gagner davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Laissez-moi vous répondre, c'est une affaire sérieuse !

Quant à la COFACE et à AREVA, sachez que le Gouvernement mettra tout en œuvre, non seulement pour éviter qu'on ne subventionne des délocalisations, mais surtout pour soutenir toute possibilité de commande dans le respect des règles juridiques européennes - vous savez très bien de quoi je parle.

Sachez que l'espoir renaît et que nous ne vous laisserons pas tomber, non seulement parce que SEDIVER est une grande entreprise, une grande marque, mais aussi parce que ce bassin économique ne peut pas se permettre de la perdre.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà l'engagement qui est le nôtre. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, mais, de grâce, que personne ne pense que c'est facile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard-Kunstler.)

PRÉSIDENCE DE MME PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

    3

HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE
CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (nos 1732, 1827).

Hier soir, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion des articles

Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 27, portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir cet amendement.

Mme Martine Billard. La Haute autorité de lutte contre les discriminations sera compétente pour traiter des discriminations « prohibées par la loi » : cette précision apparaît dès l'article 1er du texte dont nous sommes saisis. Or nous attendons toujours le fameux projet loi relatif aux propos homophobes et sexistes, que le Parlement devait examiner en urgence. Par conséquent, en l'état, la Haute autorité ne pourra pas être saisie de tels propos, ces derniers n'étant pas actuellement visés par la loi.

Ce fameux texte de loi devait être examiné au mois de juillet ; or, aujourd'hui, il ne figure toujours pas sur l'agenda de l'Assemblée. Par conséquent, arrêtons d'attendre et ajoutons tout de suite les dispositions de ce fameux texte au présent projet, de telle sorte que les associations régulièrement déclarées puissent se porter parties civiles pour défendre des personnes victimes de propos discriminatoires et puissent exercer le droit de réponse par voie de presse. Tel est le sens de cet amendement.

En effet, s'il est nécessaire de lutter contre les discriminations - il faut bien sûr les faire connaître, les dénoncer et les réparer -, il faut également pouvoir sanctionner des propos discriminatoires. Or, de ce point de vue, la Haute autorité ne pourra rien faire si elle reste en l'état. Nous nous retrouvons donc devant une contradiction : une Haute autorité de lutte contre les discriminations est créée, mais elle ne peut pas intervenir sur des propos discriminatoires tenus publiquement.

Personnellement et au nom des Verts, je regrette que les deux textes ne nous soient pas soumis en même temps, nous permettant d'avoir un grand débat sur les discriminations. Aujourd'hui, nous discutons de la Haute autorité ; un autre jour, nous discuterons des propos homophobes et sexistes... Je tiens d'ailleurs à signaler que, dans le projet de loi sur les propos homophobes et sexistes, figure une limitation de la répression des propos sexistes, comme si, en tant que femme, on devait être moins protégée. Cela pose, selon moi, un problème.

J'espère que l'amendement n° 27 sera adopté pour sortir d'une situation qui n'a que trop duré.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 27.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Mme Billard vient de s'exprimer très clairement. Elle aurait souhaité, et on ne peut pas la contredire, que le texte de loi contre l'homophobie fût voté, comme nous l'espérions tous, au mois de juillet. Elle souhaite donc amender le présent projet pour y raccrocher le fameux texte.

Cette question, je dois le dire, nous a aussi traversé l'esprit : pouvait-on amender le présent projet et y adjoindre le deuxième texte ? Très honnêtement, je suis sans aucun doute l'auteur de la situation actuelle.

La commission des lois a nommé un rapporteur sur l'homophobie, Mme Brigitte Barèges. Nous arrivons au bout des auditions, commencées depuis la mi-juillet.

Nous constatons que, sur le plan juridique, cela n'est pas si simple. Le texte sur l'homophobie est, aujourd'hui, pratiquement prêt. Nous avons demandé au Gouvernement qu'il soit inscrit à l'ordre du jour le plus rapidement possible. Il semble qu'il pourrait l'être au début du mois de décembre. N'oubliez pas que nous serons en pleine session budgétaire ; l'examen du budget est une priorité, il est prévu par la Constitution. Mais si nous arrivons à intercaler ce texte début décembre, l'amendement n'aura plus lieu d'être, madame Billard.

Aujourd'hui, nous transposons la directive européenne du 29 juin 2000 et nous nous contentons des discriminations prohibées à ce jour par la loi. Et il y a du travail ! Vous avez l'air de dire que la Haute autorité n'aura rien à faire...

Mme Martine Billard. Je n'ai pas dit ça !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous vous êtes demandé ce que cette Haute autorité allait pouvoir faire si le texte sur l'homophobie n'était pas voté ! Je vous rassure, elle aura beaucoup de travail ; elle sera même, à mon avis, inondée de demandes les premiers mois. Par conséquent, le temps d'instruire ces réclamations, et le second projet devrait être examiné et voté, à quelques mois près.

Compte tenu des explications que je viens de vous donner, madame, je souhaite que vous retiriez cet amendement car il n'y a pas de désaccord entre nous. Vous le verrez : l'autre texte vous donnera satisfaction.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 27.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Le rapporteur vient d'expliquer le contexte que nous connaissons tous : l'engagement du Gouvernement de présenter le texte sur l'homophobie a été rappelé par le Président de la République. Il y a effectivement une question de calendrier, et le président Clément vient de redire combien il est important que nous trouvions, au cours de cette session, un moment pour faire passer ce texte.

Aujourd'hui, nous sommes là pour installer une Haute autorité, mettre en place un outil, en définir les missions. Parallèlement, notre objectif est d'avancer sur ce sujet et de rester sur la notion de discriminations légalement reconnues, sans préjudice de la volonté du Gouvernement de faire passer le texte sur l'homophobie.

Par conséquent, je pense également que l'amendement n'est pas l'objet du texte d'aujourd'hui.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, madame Billard ?

Mme Martine Billard. Je réfléchis.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L'amendement proposé par Mme Billard reprend la proposition de loi que le groupe socialiste avait déposée et défendue dans cet hémicycle le 27 novembre dernier, et que j'avais eu l'honneur et le plaisir de rapporter devant vous, avant que la majorité de cette assemblée ne la rejette.

Depuis, le Gouvernement a adopté en conseil des ministres un projet de loi faisant l'objet de la préparation d'un rapport. Comme M. Clément vient de le rappeler, une rapporteure a été désignée. Mais il est pour le moins paradoxal, en matière de calendrier, que le projet de loi visant à sanctionner les propos discriminatoires en raison du sexe et de l'orientation sexuelle - puisque le projet de loi du Gouvernement ne se limite qu'à ces deux discriminations, alors que la démarche de Mme Billard, qui rejoint celle du groupe socialiste, vise aussi les discriminations fondées sur le handicap, l'état de santé ou l'identité de genre - ait été adopté en conseil des ministres au mois de juin, soit avant celui dont nous débattons aujourd'hui, qui l'a été le 15 juillet.

Puisqu'il est question de discriminations dans ces deux textes, il eût été logique, de notre point de vue, d'examiner aujourd'hui le projet de loi adopté en conseil des ministres au mois de juin et dont le Président de la République, lors de la campagne présidentielle, avait fait une priorité, il y a maintenant plus de deux ans et demi.

M. le président de la commission des lois évoque des difficultés juridiques. Pour ma part, je ne vois pas quelles difficultés juridiques nous pourrions rencontrer à effectuer ce qui n'est qu'une mise à niveau. Quel est l'objectif du projet de loi du Gouvernement ? Il comporte quelques insuffisances, mais j'en reparlerai le jour où il viendra en débat.

Il opère une mise à niveau et prévoit que les propos discriminatoires en raison du sexe, de l'orientation sexuelle et d'autres discriminations seront sanctionnés de la même manière que sont sanctionnés les propos à caractère raciste, antisémite et xénophobe, tels qu'ils le sont dans la loi de 1881, loi emblématique sur la liberté de la presse.

Par conséquent, je ne voudrais pas que les difficultés juridiques évoquées servent d'excuses, ou de mauvaises raisons,...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Non, ce n'est pas ça !

M. Patrick Bloche. ...pour retarder l'examen du projet de loi. J'ai l'espoir que Mme Vautrin, au nom du Gouvernement, sera plus précise sur le calendrier de nos travaux. Nous sommes début octobre ; il est évoqué le mois de décembre. Je souhaite au moins que le Gouvernement s'engage aujourd'hui à ce que ce projet de loi soit examiné dans les trois mois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Après réflexion, je maintiens mon amendement. Lorsque, en juillet, le Gouvernement a promis de faire passer le projet de loi en urgence...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Pas au sens juridique du terme !

Mme Martine Billard. Ce n'était certes pas l'urgence au sens juridique, mais c'était − comme par hasard − quelques jours avant la Marche des fiertés. Après quoi nous n'en avons plus entendu parler. Nous pensions naïvement qu'il serait soumis à notre assemblée à la rentrée, et voilà qu'on nous présente ce projet de loi sur la Haute autorité : on peut discuter des moyens dont elle disposera, mais elle aura à lutter contre toutes les discriminations, et tout ce que l'on sait, pour l'instant, du projet de loi sur les propos homophobes et sexistes, c'est qu'il sera moins répressif que la législation sur les propos racistes et antisémites.

Certains ont expliqué qu'il fallait veiller à garantir la liberté d'expression. Je la défends, moi aussi, mais elle s'arrête là où commencent les insultes liées à la couleur de la peau, à la religion, au sexe, au handicap des personnes. Comme nous ne savons toujours pas ce que contient ce fameux texte, qui paraît, de toute manière, assez limité, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Madame Billard, vous êtes libre de maintenir votre amendement : je souhaite simplement que la majorité ne le vote pas, pour les raisons que j'ai exposées. Vous disiez que, depuis le mois de juillet, vous n'aviez entendu parler de rien. Pourtant, non seulement le rapporteur a commencé ses auditions, mais il a communiqué la liste des personnes et des associations entendues. On ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé.

Je vous rappelle que, au mois de juillet, le Gouvernement a décidé de faire voter les lois de décentralisation. Cela nous a amenés jusqu'à la fin du même mois. Ce n'est pas de la mauvaise volonté : il était totalement exclu qu'on puisse examiner ce texte avant la fin de la session extraordinaire.

Mme Martine Billard. Mais le Premier ministre le savait quand il a fait sa promesse !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. À l'époque, il n'avait pas été décidé de faire voter les lois de décentralisation. Ceci explique cela. Je n'essaie pas de botter en touche : le Gouvernement a la ferme volonté de faire passer ce texte.

Sur le fond, la Haute autorité va s'occuper de ce qui est déjà incriminé. Vous semblez considérer que, lorsqu'on aura également visé les propos homophobes et les propos sexistes, on n'aura rien de plus à incriminer. Je ne le crois pas. L'évolution des mœurs fait que ce qui apparaît tolérable aujourd'hui ne le sera sans doute plus demain. D'autres discriminations vont apparaître. Faut-il compléter ce dispositif avec la question des handicapés ? Faut-il aller jusque-là ? Why not ? Pourquoi pas ? Je n'y vois, quant à moi, aucune espèce d'inconvénient. Cette matière est évolutive. La société exige de plus en plus le respect de l'autre. Aujourd'hui, on ne tolère plus des choses qu'on tolérait hier. Restons-en là.

La Haute autorité s'appuie sur des textes qu'ont renforcés la loi de sécurité intérieure, laquelle a ajouté des circonstances aggravantes pour les violences contre les homosexuels, et les lois Perben II. C'est à nous que l'on doit ces textes − je me permets de le dire à M. Bloche, qui, comme Mme Billard, suit ces questions depuis longtemps −, pas au précédent gouvernement. C'est donc avec raison que nous vous demandons de nous faire confiance : on nous doit déjà de grandes avancées en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Pour que la Haute autorité soit opérationnelle dès le début de 2005, il fallait que les assemblées puissent discuter sans tarder du projet de loi. Il a donc été inscrit à l'ordre du jour au tout début de la session. Je crois que personne ne s'en plaindra.

D'autre part, chacun connaît − certains en ont beaucoup parlé − le problème de l'encombrement du calendrier parlementaire. Le Gouvernement s'est engagé à faire adopter ce texte rapidement. Je réitère cet engagement, mais, par refus de la démagogie, je ne peux m'avancer davantage. Vous savez bien que la fixation du calendrier ne relève pas de ma responsabilité. En revanche, je ferai part de la discussion que nous avons.

Sur le fond, il est clair que, par les avis qu'elle rendra, la Haute autorité contribuera à l'avancée du droit positif. Sans doute, au cours de cet après-midi, reviendrons-nous longuement sur ce sujet.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 16.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Nous prenons acte des propos du président de la commission des lois et de Mme la secrétaire d'État. Je ferai remarquer à M. Clément que l'aggravation des sanctions pour les actes homophobes et sexistes, adoptée par notre assemblée en 2003, a fait l'objet d'un large consensus : je ne suis pas certain que, sans les voix des députés de gauche, ce vote aurait été acquis.

Je ne veux pas interpeller directement Mme la secrétaire d'État − elle représente le Gouvernement −, mais M. Copé aurait sans doute été mieux placé pour nous communiquer un calendrier de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Lorsque le garde des sceaux a reçu la famille et les amis de Sébastien Nouchet, il a annoncé que ce serait la « loi Nouchet », marquant ainsi l'émotion du pays à l'égard du drame qui s'était déroulé au début de l'année. Il serait temps que ce qui s'appellera la « loi Nouchet » soit enfin débattu par notre assemblée.

L'amendement n° 16 vise à prendre en compte ce que le Président de la République a déclaré dans son discours de Troyes en octobre 2002. Nous l'avons relu : comme nous n'avons pas retrouvé dans le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui toute l'ambition exprimée par un discours que certains, à l'époque, avaient qualifié de « fondateur », nous estimons que la création de cette Haute autorité doit s'inscrire dans le cadre plus large d'une politique globale de lutte contre les discriminations, afin que les pouvoirs publics traduisent une volonté politique particulière, notamment dans le domaine de l'éducation et de la prévention, mais aussi de la répression et de la sanction.

Cet amendement vise donc à donner à la politique du Gouvernement dans ce domaine une ambition qu'elle n'a pas eue − c'est le moins qu'on puisse dire − depuis deux ans et demi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Bloche, de vouloir ainsi respecter le discours et la pensée du Président de la République. Je crois cependant que vous sous-estimez la Haute autorité, qui, au-delà de son action, aura une charge symbolique extraordinairement forte. Elle publiera des rapports, fera des recommandations, sera saisie pour avis par le Gouvernement. Le discours du Président de la République a fixé la marche à suivre. Vous instruisez un mauvais procès en reprochant à la Haute autorité de ne pas tenir tout le rôle qu'il a défini. Le texte vous donne pourtant entière satisfaction.

Vous le savez, le président de l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi, à laquelle j'ai été fort sensible, puisqu'elle reprend une de mes propositions, et qui vise à confier au président de la commission des lois le soin de déclarer irrecevable tout amendement qui ne relèverait pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire ou du bavardage législatif...

M. Bernard Derosier. Il faudra aussi que cela s'applique aux projets de loi du Gouvernement !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cela vaudra aussi pour eux. Sans vouloir anticiper sur le débat, je dirai qu'on ne pourra malheureusement pas « retoquer » une loi bavarde du Gouvernement, mais que rien ne nous empêchera de lui dire qu'elle l'est.

M. Bernard Derosier. Laissez les députés déposer des amendements !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Mais, si les députés votent cette proposition de loi, le Gouvernement sera obligé de suivre. C'est le législateur qui prendra la responsabilité d'avoir une loi correspondant à l'article 34 et à la volonté des constituants.

Ce n'est donc pas à l'esprit de la proposition de M. Bloche que je suis défavorable, mais à son côté un peu bavard.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Par ce texte, le Gouvernement a simplement voulu créer la Haute autorité : il ne s'agissait donc pas de définir une politique publique en matière de discrimination. On voit bien, à l'article 14, que, par ses recommandations ou ses avis, la Haute autorité peut parfaitement faire évoluer les textes.

Il s'agit donc de voter un texte concis, d'autant plus bref qu'il concerne une autorité indépendante, dont on doit précisément respecter l'indépendance. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. M. le président de la commission des lois dit vouloir proscrire, à l'instar du président de l'Assemblée nationale, les lois bavardes. Nous pourrions aisément faire nôtre cet objectif, d'autant que les textes que vote l'Assemblée sont avant tout des projets de loi du Gouvernement que soutient la majorité. Mais je crois qu'il y a pire qu'une loi bavarde : c'est une loi qui ne sert à rien. La démarche constructive de l'opposition en ce domaine est, à travers les amendements que nous allons défendre cet après-midi, de donner du sens et du contenu à ce projet de loi et de faire de la Haute autorité une institution utile.

J'ai évoqué le discours du Président de la République : en effet, nous sommes au regret de devoir régulièrement rappeler des intentions exprimées par le chef de l'État qui, de notre point de vue, ressemblent trop souvent à des effets d'annonce.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La preuve que non !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. Sur l'article 1er, deux orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Certes, ce texte est indispensable, et qui pourrait s'en plaindre ? Mais, madame la secrétaire d'État, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer très précisément ce qu'est une autorité administrative indépendante, surtout quand elle est « haute ».

Si nous voulons nous doter d'un outil qui permette vraiment de lutter contre la montée des communautarismes, il faut que nous ayons tous bien conscience que c'est la devise de notre République qui est atteinte. Nous répétons à l'envi : « Liberté, égalité, fraternité. » Mais de quelle liberté s'agit-il quand on reste enfermé dans le conformisme, dans ses certitudes, quand on se laisse guider par l'idée que ce qui se ressemble s'assemble, et que, quelquefois, on s'arc-boute sur un voile de laïcité ? De quelle fraternité s'agit-il quand un soir de coupe du monde fait chavirer une France « black, blanc, beur » mais que, très vite, sous les millions de roses déversées sur les Champs-Élysées et ailleurs, on s'aperçoit qu'il ne reste que des épines qui nous blessent et font dangereusement saigner nos identités ? Et de quelle égalité s'agit-il quand tant de barrières sont dressées sur la voie que doit tracer la discrimination positive ?

Madame la secrétaire d'État, j'aurais souhaité que l'alinéa 2 de l'article 1er donne une portée universelle au texte. Or, son champ d'application est restreint, et ne concerne, d'un côté, que la prohibition légale, et, de l'autre, les engagements internationaux de la France.

Je prendrai deux textes, marqués d'humanisme, pour illustrer mon propos. Le premier, c'est la charte des langues régionales signée en 1992, dont ont été exclus le créole, le breton et le corse. Le second, c'est la convention européenne de protection des minorités de 1994, qui a été signée par une vingtaine de pays européens mais toujours pas par la France.

Votre réponse à mes interrogations, madame la secrétaire d'État, nous permettra de savoir clairement si nous empruntons la voie royale pour que cette Haute autorité puisse véritablement aider et soutenir toutes les victimes de discrimination ou si, au contraire, nous allons mettre en place une haute autorité dont on sait d'avance qu'elle ne résoudra pas 90 % des problèmes discriminatoires qui se posent sur le sol de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des lois a débattu longuement hier de ce projet de loi de création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations. Il semble qu'un accord assez général se dégage entre la majorité et l'opposition sur les objectifs du texte, mais des questions restent posées quant aux modalités, notamment d'organisation - et je suis heureux que M. Bernard Stasi soit présent dans les tribunes.

Premièrement, nous nous sommes demandé s'il fallait s'en tenir au collège de onze membres prévu par le projet de loi ou bien s'il fallait élargir ce collège à des représentants des organisations syndicales ou professionnelles et à des associations ? Au terme de plus d'une demi-heure de débat, nous avons conclu qu'il était préférable de laisser le texte dans sa forme actuelle, étant entendu - je parle sous le contrôle du président de la commission des lois, rapporteur du projet - que la commission consultative prévue auprès de la Haute autorité devra, elle, largement s'ouvrir aux représentants des diverses associations que nous souhaitons, les uns et les autres, voir participer à cet enjeu national de lutte contre les discriminations. Bref, si nous avons considéré qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir le collège, nous voulons avoir l'assurance, madame la secrétaire d'État, que toutes les associations auront la possibilité de s'exprimer par l'intermédiaire du comité consultatif prévu à l'article 1er. Nous avons par ailleurs considéré que dès l'instant que la Haute autorité doit jouer un rôle de médiation, elle ne peut pas non plus être partie prenante dans une instance, et donc qu'il vaut mieux qu'elle puisse garder son rôle de médiation en restant indépendante des parties en présence.

Le deuxième débat concernait les parlementaires. Nous étions nombreux à penser, avec M. Pandraud, que les parlementaires pourraient, comme c'est déjà le cas pour le Médiateur de la République, servir de médiateurs entre les citoyens et la Haute autorité. Finalement, nous nous sommes rangés à l'avis du président de la commission des lois, et nous avons considéré que le texte offrait une possibilité de médiation puisque les parlementaires peuvent saisir la Haute autorité, qui tiendra compte ou non de leur position dans ses décisions. Nous attendons du Gouvernement qu'il confirme ce point, qui est essentiel pour de nombreux députés de la majorité.

Le deuxième alinéa de l'article 3 précise en effet que « la Haute autorité peut aussi se saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous la réserve » - essentielle pour le rapporteur et pour nous - « que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et qu'elle n'y soit pas opposée ».

Sur ces deux problèmes qui ont retenu longuement la commission des lois hier, qui concernent la place des associations et le rôle des parlementaires, j'attends la réponse du Gouvernement.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 35.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. L'amendement n° 35 porte sur le deuxième alinéa de l'article 1er, aux termes duquel « la Haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi. » Je propose d'écrire : « notamment celles prohibées par la loi ».

Je prends un exemple. Aujourd'hui, un célibataire peut adopter un enfant. Une réforme votée il y a quelques années l'autorise. Dans la réalité, si un célibataire précise qu'il est homosexuel ou lesbienne, il y a à peu près 99 chances sur 100 pour qu'on lui refuse l'adoption d'un enfant. Pourtant, nulle part dans notre code il est écrit qu'une personne homosexuelle n'a pas le droit d'adopter un enfant. Il s'agit bien d'une discrimination qui est faite par rapport à notre code.

Si la Haute autorité n'est compétente que pour les discriminations prohibées par la loi, on risque de passer à côté de nombreuses discriminations car la loi ne les stipule pas toutes précisément. On risque ainsi d'avoir le même problème avec les discriminations liées au quartier d'origine ou à l'aspect physique. Les situations peuvent être très floues et la Haute autorité sera amenée soit à interpréter soit à proposer des modifications législatives, qui prendront beaucoup de temps. Les victimes de discriminations ne comprendront pas forcément les raisons de cette attente.

L'adoption de cet amendement permettrait en tout état de cause à la Haute autorité de se saisir de toutes les demandes qui pourraient lui être transmises. À elle ensuite de prendre en charge et de décider si la discrimination est avérée, en s'appuyant sur la loi ou sur une réalité. Comme vous le disiez, monsieur le président de la commission des lois, l'éventail des discriminations dans notre pays a malheureusement plutôt tendance à s'élargir. On ne peut que le regretter, mais on ne peut pas courir derrière toutes les nouvelles discriminations et légiférer aussi vite qu'il le faudrait. Il vaudrait mieux disposer d'un texte qui permette à la Haute autorité de se saisir de l'ensemble des discriminations vécues.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Une fois de plus, on ne peut qu'être sensible, philosophiquement, aux propos de Mme Billard, mais ce qu'elle propose, ce n'est pas du droit.

Mme Martine Billard. C'est la réalité vécue !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. L'adverbe « notamment » nous ferait entrer dans l'incertitude juridique. Or vous savez très bien que, dans le droit pénal, tout est incriminé et qu'on ne peut pas écrire « etc. ». Ce n'est pas du droit, madame Billard.

Et l'exemple que vous donnez montre bien la difficulté qu'aura demain la Haute autorité. Nous savons que si la loi permet à un célibataire d'adopter, ce droit leur est en général refusé s'il est homosexuel. Mais jamais cela n'est dit clairement parce que, évidemment, un tel propos serait condamnable.

Mme Martine Billard. Si, justement, parfois c'est dit !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Alors, vous avez raison, ça tombe sous le coup de la loi. Mais les choses ne se passent jamais comme ça.

Quand je vois - j'ai un peu d'expérience dans ce domaine puisque ce sont les conseils généraux qui sont chargés de l'adoption - le nombre de ménages qui, au bout de très nombreuses années, n'ont toujours pas obtenu satisfaction, j'imagine que les célibataires sont servis après les ménages. A-t-on raison - mais c'est un autre débat - de servir d'abord les ménages avant les célibataires ? C'est en tout cas la doctrine des administrations qui sont chargées d'instruire les dossiers d'adoptant. Peut-être cela évoluera-t-il ? Mais, aujourd'hui, c'est comme ça, je le constate. Je ne porte aucun jugement de valeur.

Il faut bien être clair : vous ne pouvez pas, en droit pénal, créer des incriminations à géométrie variable. Ce n'est pas possible. Votre amendement n'est pas un amendement juridique, et je ne peux donc que m'y opposer.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je répondrai tout d'abord à M. Edmond-Mariette que la définition, pour nous, d'une autorité indépendante, c'est une autorité qui est indépendante par ses pouvoirs et ses moyens. C'est cette conception qui nous a guidés dans la mise en place de cet outil.

En ce qui concerne les textes internationaux, vous l'avez rappelé, ils n'engagent pas la France en effet. Cela étant, rien n'empêchera demain la Haute autorité de se saisir de ces textes et de faire des recommandations pour que justement ces textes puissent faire évoluer notre droit. Une telle évolution est tout à fait envisageable avec ce projet de loi.

En ce qui concerne les interrogations de M. Soisson sur la place qui devrait être laissée à tous ceux qui sont intéressés par ce sujet, il est tout à fait clair - nous le verrons avec les amendements - que ce texte fera, auprès du collège, une place aux associations. Il reviendra bien sûr à cette autorité indépendante d'organiser les choses et de mettre en place les structures qui permettront d'accueillir tous ceux dont le travail quotidien et l'ambition est de faire évoluer nos textes.

M. Jean-Pierre Soisson. M. Stasi vous a entendue, madame la secrétaire d'État !

Mme la présidente. Monsieur Soisson, je vous en prie, n'interrompez pas Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. En ce qui concerne la saisine, c'est la notion de saisine directe qui a été retenue, et non la saisine par les parlementaires. Nous sommes parvenus à la conviction, au terme des conversations que nous avons pu avoir avec Bernard Stasi, que le mieux était de faciliter l'approche, en essayant de mettre en avant la notion de proximité. C'est la raison pour laquelle il a semblé intéressant de retenir la saisine par lettre simple. Cela dit, personne n'empêche la victime d'une discrimination d'aller voir un parlementaire avec lequel elle pourra rédiger sa saisine.

J'en viens enfin à l'amendement de Mme Billard. Sur le fond, je comprends son objectif. Nous sommes, tous les jours, témoins de discriminations indirectes. Mais je rappelle que l'article 14 accorde à la Haute autorité les moyens de faire évoluer la législation. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 35.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je voudrais, rapidement, madame la présidente, réagir aux propos du président de la commission des lois sur l'amendement de Mme Billard et manifester mon désaccord.

On nous dit que cette Haute autorité doit avoir une portée universelle, mais l'article 225-1 du code pénal est déjà copieux et il s'est enrichi régulièrement de par notre action de législateur au fil de ces dernières années, et on voit très bien qu'on ne peut pas faire de choix entre les discriminations - on le verra encore plus lorsque la directive du 29 juin 2000 devra être transposée -, et encore moins les hiérarchiser entre elles.

C'est cet universalisme que Mme Billard a voulu traduire par son amendement, en prenant en compte les discriminations indirectes, les discriminations induites. Elle a cité le cas de personnes célibataires âgées de plus de vingt-huit ans qui sont en capacité d'adopter comme le permet le code civil aujourd'hui mais qui n'y arrivent pas compte tenu de leur orientation sexuelle.

M. le président de la commission des lois rétorque qu'il s'agit d'écrire en droit, en prenant en compte la précision du code pénal. Mais nous créons une Haute autorité qui n'aura pas de pouvoir de régulation, qui n'aura pas de pouvoir de sanction, qui n'aura qu'un pouvoir de médiation, d'interpellation. Limiter son pouvoir d'interpellation et de médiation à l'égard de personnes privées ou de la puissance publique, de l'État ou des collectivités territoriales, ne paraît pas correspondre à l'objet du texte tel qu'il nous l'a présenté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 5.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. L'article 1er institue la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, et précise sa compétence dans son second alinéa, d'où la promotion de l'égalité a déjà disparu.

Certes, la Haute autorité aura pour mission essentielle de lutter contre les discriminations, et celles résultant d'une rupture d'égalité en feront partie. Néanmoins, nous souhaitons donner dès l'article 1er à cette autorité un champ de compétences beaucoup plus large que celui prévu par le projet de loi.

N'oublions pas que la dénomination de l'autorité fait référence non seulement à la notion de discriminations, mais aussi à celle d'égalité. Selon le rapporteur, « la première est couramment utilisée en droit français, la seconde est souvent retenue à l'étranger et présente une charge symbolique forte ».

Notre amendement a donc pour objet de donner un contenu à cette charge symbolique forte en commençant par l'article 1er, puisque nous proposons d'y insérer les deux dimensions qui nous apparaissent absentes de cet article, à savoir que la Haute autorité a également pour missions de promouvoir l'égalité des chances et de veiller à la bonne application de la loi.

En effet, le combat mené contre les discriminations va dans le sens de l'égalité de traitement. Et c'est en parvenant à une égalité de traitement que la société sera en mesure d'assurer l'égalité des chances. C'est pourquoi nous souhaiterions que la Haute autorité, en promouvant l'égalité de traitement et le principe de non-discrimination, voie son champ d'action étendu et favorise l'égalité des chances.

Sur quoi repose « l'égalité des chances » ? Ce concept est fondé sur un ensemble de principes d'intervention visant à éliminer entre les individus les écarts sociaux engendrés par l'activité humaine. Il se situe dans la continuation de l'égalité de traitement et de l'élimination de toute forme de discrimination. Il ne semble donc pas incohérent que ce combat pour l'égalité des chances soit également mené par la Haute autorité.

Enfin, il semble nécessaire d'inscrire dès l'article 1er que la Haute autorité a également pour mission de veiller à la bonne application de la loi. En effet, elle devrait effectuer une sorte de veille en s'assurant que la loi est non seulement bien appliquée, mais également adaptée aux diverses situations susceptibles d'être rencontrées par nos concitoyens. C'est d'ailleurs l'une des missions de la commission pour l'égalité raciale mise en place par le Royaume-Uni, qui a pour mission non seulement de lutter contre les discriminations, mais aussi de veiller à la bonne application de la loi.

Si cette « surveillance » n'a pas lieu, il sera difficile à la Haute autorité de proposer des améliorations aux textes existants, des initiatives cohérentes ou des informations pertinentes. Il convient donc d'inscrire cette mission essentielle dans l'article 1er du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. L'article 14 précise que la « Haute autorité mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion de l'égalité ». Cela dit, il faut s'entendre sur le sens du mot « égalité » ! Je ne l'entends pas comme vous, et j'irai même jusqu'à dire que je n'ai pas envie de l'entendre comme vous.

Dans le titre de la loi, le mot « égalité » a un sens philosophique, c'est-à-dire qu'il signifie « égalité de dignité ». C'est le rôle de la Haute autorité de faire en sorte que soit reconnue la dignité des êtres humains quels qu'ils soient.

Quant à l'expression « égalité des chances », elle n'a pas du tout le même sens. C'est un tout autre domaine, qui ne relève absolument pas de cette autorité indépendante, bien heureusement ! Il y a donc homonymie, mais ces mots n'ont pas du tout le même sens.

L'égalité des chances dont vous nous parlez, monsieur Dutoit, relève du secrétariat d'État de Mme Vautrin, alors que la Haute autorité relève du ministère de la justice. C'est une autorité indépendante, mais elle est financée par le ministère de M. Borloo. L'égalité qui est inscrite dans le texte, c'est l'égalité de dignité, pas l'égalité des chances ! La commission est donc défavorable à cet amendement, qui n'a rien à voir avec le projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Étant en charge de l'égalité des chances, je ne vais pas vous parler maintenant des quartiers et du travail des équipes éducatives, bien que j'aie beaucoup de choses à vous dire sur le sujet ! Ce texte contient une notion d'égalité de traitement, comme le précise l'article 14.

Quant à la suggestion consistant à préciser que la Haute autorité devra veiller à la bonne application des lois, c'est l'essence même de sa mission, du moins en ce qui concerne la lutte contre les discriminations. Non seulement elle y veillera, mais elle sera une force de proposition pour faire évoluer notre droit positif. Telle est la raison pour laquelle, bien qu'étant en charge de l'égalité des chances, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Dans son amendement, M. Dutoit évoque deux notions essentielles : l'égalité des chances et la bonne application de la loi. Mais je profite de l'occasion pour signaler l'absence, dans l'article 1er, de la dimension que constitue la prévention. Pourquoi ne pas avoir créé une Haute autorité de prévention et de lutte contre les discriminations ?

M. Pierre Cardo. Il fallait le faire avant !

M. Philippe Vuilque. C'est dommage ! En effet, la Haute autorité aurait un rôle particulièrement important en la matière. Je prendrai un exemple. Aujourd'hui, certaines entreprises signent des chartes ou des conventions de bonne conduite justement pour lutter contre les discriminations. On pourrait imaginer que la Haute autorité soit chargée d'une politique de prévention et qu'elle incite les entreprises à agir de la sorte. Or, ce n'est absolument pas prévu par le texte, même pas à l'article 14 auquel M. le président de la commission vient de faire référence. C'est bien dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. L'amendement qui nous est proposé ne présenterait un intérêt que s'il se rapportait strictement au texte lui-même, c'est-à-dire à la fois au titre et à l'article 14 dont a parlé M. le président de la commission. En effet, l'article 14 détaille la seconde partie du titre de la Haute autorité, c'est-à-dire l'égalité, mais, comme l'a bien dit le président Clément, il ne fait référence à aucune forme particulière d'égalité. Il s'agit de l'égalité dans sa substance fondamentale. Parler exclusivement d'« égalité des chances » dans ce texte serait réducteur par rapport à l'esprit, à l'ambition de la loi.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Bien sûr !

M. Guy Geoffroy. Ce serait vous rendre un mauvais service, monsieur Dutoit, que d'adopter un amendement qui aurait pour conséquence de réduire la portée d'un texte dont vous dites par ailleurs qu'il manque d'ambition.

Cet amendement ne pourrait, par simple volonté de parallélisme des formes, avoir de valeur que si nous inscrivions à l'article 1er que l'objectif est de lutter contre toutes les discriminations et de concourir à la promotion de l'égalité, puisque c'est ce qui figure expressément à l'article 14. Vous pourriez modifier votre amendement dans ce sens, monsieur Dutoit. Cela ferait peut-être tautologie, encore que le dire dès l'article 1er ne serait sans doute pas inutile. Si vous ne vous ralliez pas à cette rédaction que je me permets de vous suggérer, le groupe majoritaire, bien que comprenant parfaitement votre souci, ne pourra pas voter cet amendement, qui, je le répète, aurait pour effet de réduire l'ambition de la loi, ce que vous ne souhaitez pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. M. Dutoit propose que la future Haute autorité veille à la bonne application de la loi. Mais connaît-il en France une autorité administrative dont la mission ne soit pas d'abord de veiller à l'application de la loi ? Cet amendement, s'il était adopté, serait l'exemple même de la « loi bavarde » !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est M. Philippe Edmond-Mariette, inscrit sur l'article 2.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je souhaite simplement signaler , madame la présidente, que les amendements nos 29 et 57 sont relatifs à la parité, alors que les autres amendements à cet article concernent la composition de la Haute autorité. Peut-être pourrait-on procéder à un regroupement ?

Mme la présidente. Je vous remercie, mais je me propose de suivre l'ordre d'examen des amendements tel qu'il a été élaboré par les services de la séance.

Je suis saisie de deux amendements, nos 6 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement no 6.

M. Frédéric Dutoit. Comme je l'ai dit hier soir dans mon intervention, la composition de la Haute autorité telle qu'elle est prévue dans le projet de loi ne garantit ni son indépendance ni le pluralisme de ses membres. Cela nous pose évidemment un problème.

Nous pensons que sa composition devrait s'inspirer de celle de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas mises en doute. Cette commission est également le seul organisme consultatif à vocation généraliste, ce qui nous semble particulièrement intéressant en l'espèce, puisque nous appelons de nos vœux que la Haute autorité soit de la même manière un organisme généraliste.

Or, c'est grâce à sa composition que la CNCDH se caractérise comme étant généraliste. Représentants d'ONG et de syndicats, personnalités qualifiées, parlementaires et experts siégeant dans les organisations internationales, Médiateur de la République et représentants du Gouvernement, tous ont pour mission de se prononcer sur toutes les questions de portée générale qui concernent les droits de l'homme.

C'est exactement le sens que nous aimerions donner à l'action de la Haute autorité. Il est indispensable qu'elle dispose de personnes qualifiées pour chaque critère de discrimination. C'est uniquement comme cela que la Haute autorité sera véritablement généraliste et pluridisciplinaire. Une telle composition nous apparaît comme étant la seule susceptible d'offrir non seulement des garanties d'indépendance indispensable, mais aussi une qualité de travail digne des victimes qui se tourneront vers la Haute autorité.

Seules des personnes qualifiées pourront apporter des réponses adaptées aux pratiques discriminatoires. Elles pourront aussi développer des projets plus pertinents en faveur de l'égalité et du principe de non-discrimination. Nous sommes intimement persuadés que cette composition pluraliste constitue une des clés de l'efficacité de cette Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Mme la présidente. A la réflexion, il me paraît en effet préférable de mettre en discussion commune l'ensemble des amendements concernant la composition de la Haute autorité.

Sont donc joints à la discussion commune les amendements nos 29, 30, 18, 50 et 57.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement no 17.

M. Patrick Bloche. Comme celui de M. Dutoit, cet amendement traite du collège composant la Haute autorité. Hier soir, dans la discussion générale, les intervenants du groupe socialiste ont rappelé toute l'importance du rôle joué par les associations qui se sont mobilisées, bien avant que nous ne discutions de la création de cette Haute autorité, pour lutter contre les discriminations sur le terrain, en grande proximité avec les victimes. L'on ne peut traiter de cette instance comme d'autres autorités déjà existantes. Elle a une spécificité, un objet particulier et, en ce domaine de la lutte contre les discriminations, les associations, ainsi que les syndicats dans le monde du travail, jouent depuis longtemps un rôle essentiel, nous l'avons tous reconnu hier soir.

De ce fait, il faut placer ces associations et ces syndicats au cœur du dispositif. Notre étonnement fut donc grand de constater que le projet de loi les oubliait dans la composition du collège de la Haute autorité. L'on nous dit qu'il y aura un organisme consultatif, qu'il sera très important et que les associations y seront représentées. Oui, mais il n'y aura aucun représentant des associations et des syndicats dans ce collège de onze membres qui sera le cœur décisionnel de la Haute autorité ! Voilà pourquoi le groupe socialiste vous propose cet amendement, qui, de plus, constitue une garantie démocratique.

Quand il nous a présenté son rapport, le président de la commission des lois nous a dit qu'il ne fallait pas une « Haute autorité militante ». Certes !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je n'ai pas tout à fait dit cela !

M. Patrick Bloche. Mais l'on risque surtout, si l'on s'en tient à la rédaction actuelle, d'en faire une instance très politique et in fine - vous m'accusiez hier soir de faire un procès d'intention, mais je persiste ici - très partisane.

Quand on voit la composition des Hautes autorités existantes ou ce que sera celle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'année prochaine, lorsque ses neuf membres auront été nommés au fil des années par l'actuelle majorité, on mesure que les garanties de pluralisme qui existent dans tous les autres pays démocratiques de l'Union européenne ou du reste du monde pourraient être mieux prises en compte dans notre pays.

En ce qui concerne les onze représentants des institutions que mentionne le texte, l'amendement n° 17 apporte une précision qui n'est pas secondaire. J'appelle l'attention de nos collègues de la majorité sur ce point : nous souhaiterions que les deux membres proposés par le président du Sénat et les deux membres proposés par le président de l'Assemblée nationale soient des parlementaires, ce que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ne garantit pas. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'indiquer que le collège comprendrait « deux membres désignés par le président du Sénat en son sein » et « deux membres désignés par le président de l'Assemblée nationale en son sein ».

Mais surtout, l'amendement vise à ce que ce collège de onze membres prévu par le projet de loi soit élargi à huit membres supplémentaires, pour un total de dix-neuf, quatre membres étant désignés par la Haute autorité et choisis parmi les organisations syndicales représentatives et quatre autres membres étant désignés par la Haute autorité et choisis parmi les associations dont l'objet est la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vuilque. Très bien !

Mme Christiane Taubira. C'est capital !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir les amendements nos 29 et 30.

Mme Martine Billard. Il me semble plus logique de commencer par l'amendement n° 30.

Celui-ci vise à ouvrir le collège de la Haute autorité à des représentants des associations, ce qui va dans le même sens que l'amendement n° 6 qui vient d'être défendu par M. Dutoit, bien que notre proposition soit légèrement différente de la sienne.

Hier soir, lors de la discussion générale, le président de la commission des lois nous a dit que les associations sont militantes et qu'il ne faut pas mélanger leur rôle avec celui d'une Haute autorité indépendante. Mais les personnalités qui vont être nommées au collège de la Haute autorité auront, j'ose l'espérer, un point de vue sur les discriminations. N'est-ce pas la moindre des choses ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Nous sommes bien d'accord !

Mme Martine Billard. Même si l'on peut s'interroger, au vu des dernières nominations intervenues au CSA, on peut penser que ceux qui seront nommés au sein de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité le seront parce qu'on considère qu'ils ont quelques compétences dans ce domaine. Le principe général, pour une Haute autorité, c'est que les personnes qui y participent sont des experts ou des « personnalités qualifiées ». Or qui pourrait être plus qualifié que ceux qui se battent au quotidien contre les discriminations ?

Il va de soi que la Haute autorité ne peut pas être composée uniquement de militants, mais le fait que ceux-ci en soient totalement exclus pose problème. On nous répond qu'ils seront associés à ses travaux. Ce n'est pas la même chose. En dernier ressort, les décisions seront prises par les onze personnalités mentionnées dans le projet de loi, ce qui signifie que les représentants des associations, des syndicats ou les experts indépendants auront le droit d'être écoutés, mais que le collège de la Haute autorité décidera seul, ce que je trouve regrettable.

Si l'on veut que cette Haute autorité soit reconnue et que les personnes victimes de discriminations, quelles qu'elles soient, fassent la démarche de la saisir, l'ouverture du collège aux représentants des associations et des syndicats travaillant dans le champ de la lutte contre les discriminations apparaîtra comme un signe extrêmement positif.

Telles sont les raisons qui justifient l'amendement n° 30.

L'amendement n° 29 propose, quant à lui, d'imposer le respect du principe de parité au sein de la Haute autorité. On m'objectera peut-être que ce principe pose problème du fait que les membres du collège doivent être nommés par plusieurs instances, ou encore que la parité pourrait relever soit de la pratique soit du règlement, pour éviter que ce texte ne devienne une « loi bavarde ». Malheureusement, je considère en tant que femme qu'il est bon que notre Parlement ait accepté un jour de voter une loi sur la parité. L'Assemblée nationale ne comporte même pas 12 % de femmes et il y en a à peine plus au Sénat. Combien y en aurait-il si la loi sur la parité n'avait pas été votée ? Et combien y aurait-il d'élues dans les conseils municipaux et dans les conseils régionaux ?

À un moment donné, il faut prendre acte du fait que la société n'est pas capable d'avancer toute seule, du moins en ce qui concerne sa représentation politique et institutionnelle, et qu'elle est obligée d'en passer par une loi.

M. Philippe Vuilque. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Certes, j'aurais préféré, comme beaucoup de femmes, que nous ne soyons pas réduits à cette nécessité. Mais l'expérience est là pour nous instruire. Pour les élections législatives et sénatoriales, la loi sur la parité s'applique en principe. Mais les élections sénatoriales ont montré que, dès qu'il s'agit de mettre des femmes sur les listes, on voit se constituer des listes dissidentes menées par les hommes. Nous verrons bien si, dans les mois à venir, on ne constate pas, par le plus grand des hasards, que certaines femmes ont démissionné.

C'est pourquoi je préférerais que l'on prenne des assurances pour que la Haute autorité ne soit pas composée exclusivement d'hommes,...

M. Guy Geoffroy et M. Pierre-Louis Fagniez. ...ou de femmes !

Mme Martine Billard. ...ce qui, pour une instance de lutte contre les discriminations, ferait assurément mauvais effet !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 18.

M. Patrick Bloche. Étant donné qu'il s'agit d'un amendement de repli, il aurait été souhaitable d'avoir d'ores et déjà une réponse de la commission ou du Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, compte tenu de ce qui a été dit en commission, cet amendement offre quelques garanties au Gouvernement et à la majorité, puisque, par rapport à l'amendement n° 17, il réduit de huit à quatre le nombre de membres de la Haute autorité choisis parmi les organisations syndicales et les associations, et qu'il prévoit que leur désignation soit effectuée non par la Haute autorité mais par le Premier ministre. À mes yeux, même si l'amendement ne me satisfait pas entièrement - je préférerais de beaucoup l'amendement n° 17 -, le vote de l'amendement n° 18 serait un moindre mal.

Si la majorité ne l'adoptait pas, ce serait sans doute qu'elle considère que la représentation des associations et des syndicats au sein de la Haute autorité pose un problème fondamental.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour soutenir l'amendement n° 50.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je commence par vous remercier, madame la présidente, d'avoir choisi de soumettre ces amendements à une discussion commune, ce qui, vous le constaterez, va faciliter notre discussion.

Nous faisons tous la même constatation : la composition de la Haute autorité est délicate et nous butons sur la difficulté de trouver l'amendement qui concilierait le principe de parité - mais nous étions convenus en commission de nous en remettre aux autorités mentionnées dans le projet de loi, chacune responsable de deux nominations - et celui de la représentation des associations. À cet égard, il convient que la Haute autorité soit composée de personnes qualifiées. Ne leur accorder qu'un rôle consultatif, ce serait discriminer leur expertise et leur autorité même. Cela signifierait en effet qu'elles n'ont pas suffisamment de charisme pour être directement nommées dans le premier collège.

J'ai bien entendu l'argument selon lequel la Haute autorité ne doit pas être composée de militants. Comparaison n'est pas raison, mais essayons de faire un peu de droit comparé. Au Royaume-Uni, la nomination des quinze membres qui composent l'instance correspondant à notre Haute autorité - instance qui existe depuis 1973 et dont le budget représente 30 millions d'euros - est effectuée précisément en raison du militantisme et de l'appartenance associative et syndicale de ces personnes. Quel problème cela pose-t-il ? Au Canada, la démarche est la même.

M. le rapporteur et Mme la secrétaire d'État l'ont rappelé : nous souhaitons tous que ce texte bénéficie d'une démarche unitaire. Je propose par conséquent une courte suspension pour que nous puissions nous mettre d'accord sur la meilleure rédaction possible de cet article 2, en ce qui concerne la composition du collège.

À côté des onze membres déjà prévus par le projet de loi, nous pouvons, pour enrichir le texte, ajouter des personnalités, non parce qu'elles seraient revêtues de l'habit institutionnel, mais parce qu'elles ont de la sensibilité et du cœur, et - croyez-moi, madame la présidente - il en faut pour lutter contre toutes les discriminations.

M. Philippe Vuilque et M. Patrick Bloche. Très bien !

Mme Martine Billard. Excellente proposition !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 57.

M. Philippe Vuilque. Nous ne comprenons pas bien ce blocage face à nos propositions sur la composition de la Haute autorité. M. Edmond-Mariette a eu raison d'insister. Pourquoi le Gouvernement ne fait-il pas un geste ? N'est-il pas naturel que les organismes qui luttent contre les discriminations et qui connaissent par conséquent le terrain - qu'il s'agisse d'associations ou d'organisations syndicales - soient officiellement représentés dans le collège ? Le refuser me semble une grave erreur.

L'amendement n° 57 est lui aussi un amendement de repli. Je ne reprendrai pas l'excellente analyse de Mme Billard sur la nécessité d'établir une parité dans les nominations. Les quatre premiers nominants désignent chacun deux personnes, et, parmi les huit personnes ainsi désignées, il nous semblerait normal que figurent au moins quatre femmes. La Haute autorité ne devrait-elle pas donner l'exemple ?

C'est certes un pis-aller si l'on songe à nos propositions concrètes pour améliorer la composition du collège. Si vous adoptez cet amendement, comme je le souhaite, nous nous en contenterons ; mais nous n'en resterons pas moins sur notre faim.

Enfin, madame la secrétaire d'État, je vous ai posé tout à l'heure une question sur la prévention. J'aimerais que vous y répondiez.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Nous sommes saisis de deux catégories d'amendements, qui portent, les uns sur la composition de la Haute autorité, les autres sur la parité.

Je rappelle d'abord qu'il ne saurait exister de procédure de nomination idéale. Quelle que soit la direction dans laquelle on s'engage, il existera toujours de bonnes raisons de contester les solutions retenues par une loi qui propose des autorités de nomination.

En France, depuis le début de la Ve République, nous avons pris l'habitude, faute d'autre solution, de confier certaines nominations au Président de la République, au Premier ministre, au président du Sénat, au président de l'Assemblée nationale, au premier président de la Cour des comptes, au premier président de la Cour de cassation ou au vice-président du Conseil d'État. C'est la solution que nous avons retenue parce que l'on n'en trouvait pas de meilleure.

Si l'on adoptait le système américain, dans lequel le Parlement désigne les membres à une majorité qualifiée, nous n'aurions pas fini d'auditionner des candidats pour en trouver qui, par définition, ne soient ni de gauche, ni de droite, ni d'ailleurs, et qui bénéficient d'une majorité qualifiée allant au-delà d'une majorité politique dans l'une ou l'autre assemblée. Une telle procédure n'est pas la tradition française et, le deviendrait-elle, que je me demande combien de temps elle prendrait. J'ai d'ailleurs pu lire que, au sein de la Cour suprême des États-Unis, elle était toujours extrêmement longue.

Il faut être clair : le processus de nomination par des autorités reconnues de la République est celui que nous avons choisi et il donne d'assez bons résultats. Certes, quand la gauche est au pouvoir, j'entends dire par la droite que les nominations sont partiales, et la gauche dit exactement la même chose quand c'est elle qui est dans l'opposition...

M. Philippe Vuilque. Question de dosage !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Ce dosage est le plus souvent ressenti comme une overdose par la partie qui n'est pas au pouvoir. (Sourires.) C'est un argument que nous nous renvoyons régulièrement les uns aux autres tous les cinq ans, puisque, depuis vingt ans, notre pays connaît systématiquement l'alternance. Mais, sincèrement, je n'ai jamais vu la gauche faire de cadeau à la droite, ni la droite à la gauche, quoique... Il n'y a donc pas lieu de se lancer dans des comptes ni de s'engager un débat qui serait symétrique et par conséquent stérile.

Notre République a adopté traditionnellement la solution qui consiste à confier aux autorités principales de l'État le soin d'effectuer certaines nominations.

Fallait-il, comme vous le proposez, obliger ces autorités à nommer des représentants des associations ? Si l'on souhaite que celles-ci jouent tout leur rôle, il convient de préserver leur vitalité et l'attitude militante, au sens positif du terme - que l'on ne prenne pas ce mot en mauvaise part -, de leurs membres. Mieux vaut donc retenir la solution présentée dans le texte du projet de loi qui nous est soumis. Son article 2 accorde en effet une place importante aux associations, puisqu'il dispose que « la Haute autorité peut décider » - je propose même que l'on amende cet alinéa pour remplacer ces termes par « décide » - « la création auprès d'elle de tout organisme consultatif permettant d'associer à ses travaux des personnalités qualifiées ». Dans de tels organismes, les associations pourront, si vous me permettez l'expression, y aller de tout leur cœur. Quant à la Haute autorité, elle pourra comprendre un certain nombre de personnalités issues du monde associatif, mais dès lors qu'elles seront membres de cette instance, dont la valeur morale est forte, elles devront quitter l'association.

J'aimerais vous convaincre sur ce point, car, si nous sommes d'accord sur le fait que l'on ne peut à la fois siéger au sein de la Haute autorité et rester membre d'une association, nous sommes d'accord sur l'essentiel. Les autorités de nomination doivent avoir, non pas l'obligation, mais la possibilité de nommer des représentants d'associations, compétents et passionnés par ce type de sujets. Je rappelle, par ailleurs, que contrairement à ce qu'a dit M. Dutoit, à la différence de la Commission consultative des droits de l'Homme, la Haute autorité a des pouvoirs d'instruction et peut déférer devant le juge. Ces deux instances ne sont donc pas comparables.

Les associations doivent être voisines - au sens géographique, politique, psychologique - de la Haute autorité et les autorités de nomination doivent pouvoir nommer des personnes capables de remplir avec indépendance, sérénité et distance les missions confiées par la loi à la Haute autorité.

S'agissant de la parité, j'ai envie de vous décevoir, tout en vous donnant satisfaction. Il me semble que la commission a adopté un amendement inconstitutionnel, car, dans la Constitution, la parité n'est prévue que pour les mandats électifs. Cela en gêne certains. Moi, je serais tenté de retenir l'amendement de M. Vuilque, mais, si le Conseil constitutionnel est saisi et annule cette disposition, je vous aurai prévenus. S'il n'est pas saisi, ce qui semble probable, et que cela permet d'aboutir à un vote unanime qui conférerait une force symbolique à la Haute autorité - j'aimerais, à cet égard, que vous nous disiez si vous admettez, comme j'ai tenté de vous en convaincre, qu'il ne faut pas nommer systématiquement des représentants des associations, mais les associer aux travaux de la Haute autorité -, oublions que c'est inconstitutionnel. J'attends donc votre réponse, monsieur Vuilque. Quoi qu'il en soit, il convient de rectifier votre amendement en ajoutant, après le mot : « désignent », le mot : « chacun ».

En conclusion, je suis donc fondamentalement d'accord avec vous, mais j'aimerais que vous me donniez raison sur la question de la nomination des représentants associatifs au sein de la Haute autorité. Quant au principe de la parité, on peut envisager qu'il soit appliqué par les personnes chargées de désigner deux membres de la Haute autorité, même si cette disposition est inconstitutionnelle.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 61 de M. Clément, tendant à remplacer, au douzième alinéa de l'article 2, les mots : « peut décider » par le mot : « décide ».

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements en discussion ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Les associations et les syndicats jouent un rôle fondamental. Ils ont une démarche d'intérêt général, dans la mesure où leurs actions dépassent bien souvent la cause qu'ils défendent. Il nous semble donc tout à fait important qu'un organisme consultatif permette d'associer leurs représentants, qui démontrent quotidiennement leur expérience et leur savoir-faire aux travaux de la Haute autorité. Pour autant, je tiens à préciser que rien, dans le texte, n'interdit aux autorités de l'État de désigner le représentant d'une association.

M. Frédéric Dutoit. Et inversement !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Certes, mais reconnaissez que le texte ne pose aucune interdiction...

M. Guy Geoffroy. Tout est ouvert !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. ...et que le choix est ouvert. Dans cette hypothèse, il semble logique que, comme l'a dit le président Clément, la personnalité désignée prenne quelque recul par rapport à son activité antérieure. C'est, du reste, le cas dans les autres instances de ce type.

S'agissant de la parité, je vous rejoins évidemment, madame Billard. Cependant, vous m'accorderez qu'instaurer la parité dans un collège de onze membres n'est pas simple. C'est pourquoi il convient de préciser que ce principe s'applique aux quatre personnes qui nomment chacune deux membres.

Les notions de diversité et de parité me semblent devoir caractériser ce collège si nous souhaitons que sa composition réponde à nos vœux. Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que la Haute autorité nous remettra chaque année un rapport qui nous permettra d'étudier l'évolution de ses travaux et d'apprécier la réalité de cette diversité.

S'agissant de la prévention, je vous renvoie, monsieur Vuilque, à l'article 14 du projet de loi qui dispose que « la Haute autorité mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion de l'égalité », ce qui recouvre la prévention.

M. Philippe Vuilque. Cela irait mieux en le disant !

M. Guy Geoffroy. Ces actions concourent évidemment à la prévention !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. La formule retenue me semble suffisamment vaste pour comprendre cette notion.

Enfin, sur les propositions du rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. S'agissant de notre amendement relatif à la parité, rectifié par vos soins, allons-y, monsieur le président de la commission, et nous verrons bien ! Il s'agit d'une mesure symbolique et il n'est pas anodin d'inscrire dans la loi que le Président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale doivent désigner chacun deux membres de la Haute autorité en respectant le principe de la parité.

Par ailleurs, lorsque vous refusez d'intégrer les représentants des associations de lutte contre les discriminations ou les syndicats à la Haute autorité, vous leur faites - même si le mot est peut-être un peu fort - un procès d'intention. J'ai bien entendu que les autorités nommeront peut-être des personnalités issues des associations, mais ce n'est pas certain. Cela irait donc mieux en le disant. Du reste, lorsque le représentant d'une association est nommé membre d'une instance comparable à la Haute autorité, il quitte cette association et endosse le rôle pour lequel il a été désigné. Il n'y a donc pas de raison que la Haute autorité devienne militante du jour au lendemain. Il faut faire confiance au sens des responsabilités des personnalités désignées. J'ajoute que toutes les hautes autorités de notre pays fonctionnent ainsi. Je ne comprends donc pas pourquoi cela vous gêne. Encore une fois, mieux vaut prévoir que les membres de la Haute autorité seront issus du monde associatif et syndical, car on ne sait pas ce qui peut advenir de ces nominations au fil du temps.

Vous nous dites, monsieur le président de la commission, que le texte prévoit la création par la Haute autorité d'organismes consultatifs, mais, justement, ils ne sont que consultatifs, alors que les membres de la Haute autorité sont décisionnaires.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Bien sûr ! C'est le fond de l'affaire !

M. Philippe Vuilque. Vous apportez de l'eau à mon moulin, car, si les autorités chargées de désigner les membres de la Haute autorité oublient les responsables d'associations et d'organisations syndicales, ces derniers seront peut-être membres d'un organisme consultatif, mais ils n'auront pas de pouvoir de décision dans la politique mise en place par la Haute autorité. C'est d'autant plus dommage que rien, dans l'article 2, n'indique que les associations de lutte contre les discriminations et les syndicats seront parties prenantes dans les organismes consultatifs.

Mme la présidente. Monsieur Vuilque, nous y reviendrons lorsque nous examinerons les deux amendements, nos 58 et 31, relatifs aux organes consultatifs.

M. Philippe Vuilque. M. le président de la commission des lois considère peut-être que ce problème n'est pas important, mais il mérite d'être posé.

Mme Christiane Taubira. C'est un désaccord de fond !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je serai bref, madame la présidente, car M. Vuilque a développé d'excellents arguments. Cela dit, je crains que, loin de nous éclairer, le débat n'accentue la confusion. Ainsi, vous suggérez, madame la secrétaire d'État, que les membres nommés par le président de l'Assemblée nationale ou par le président du Sénat soient des responsables associatifs, afin de permettre une ouverture. Or, dans l'esprit de notre amendement, il s'agissait de prévoir que ces deux autorités nommeraient des parlementaires.

Nous avions l'occasion, au moment où nous nous interrogeons, les uns et les autres, sur les fondements de notre démocratie, sur la crise de la représentation politique et sociale qui secoue notre pays et dont nous constatons les ravages à chaque élection, de faire de la Haute autorité une institution extrêmement dynamique, composée de quatre parlementaires et de responsables syndicaux et associatifs - c'est-à-dire de personnes motivées et compétentes qui nous auraient fait profiter de toute leur expérience -, moins institutionnelle et plus proche du terrain.

Du reste, les associations, qui avaient été largement associées à l'élaboration du rapport de M. Stasi, ont été totalement oubliées depuis le mois de février dernier.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Pas du tout !

M. Patrick Bloche. Vous avez déclaré en avoir rencontré la semaine dernière, madame la secrétaire d'État ; je n'oserai vous demander lesquelles...

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je donnerai les noms !

M. Patrick Bloche. ...dans la mesure où les principales, qui ont exprimé hier leur désaccord dans un communiqué, n'ont pas eu cette chance : ainsi - je cite au hasard - l'Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans, que vous n'avez pas rencontrée, ou encore la Ligue des droits de l'homme, le MRAP, SOS-Homophobie, Sida info service, etc.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. J'en ai vu d'autres !

M. Patrick Bloche. Je peux vous en communiquer la liste ; cela vous permettra de les contacter après le débat.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je l'ai !

M. Patrick Bloche. De fait, monsieur le président de la commission, nous avons là un point de désaccord fondamental. Nous aurions voulu, nous le répétons, que les associations et les syndicats soient présents dans le collège de la Haute autorité. Cela éviterait de surcroît que la couleur politique de cette institution ne varie par trop fortement au gré des alternances...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'idée, c'est qu'elle reste toujours à gauche ! Quel aveu !

M. Patrick Bloche. Mais non !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le voilà, l'aveu ! Et dire que je n'y avais pas pensé !

Mme Martine Billard. Ce n'est pas possible, puisqu'ils ne sont pas révocables !

M. Patrick Bloche. Il y a un seul petit problème dans vos propos, monsieur le président de la commission : d'alternance en alternance, aucune haute autorité ne s'est retrouvée...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ils sont merveilleux ! C'est toujours la même chose ! Tout est dit ! C'est l'aveu !

Mme la présidente. Je vous en prie, avançons. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Monsieur le président Clément, je propose que M. Bloche termine...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est énorme ! Il a fini par craquer... J'avoue que je n'y avais pas pensé ! il a fini par avouer : c'est bien, si c'est à gauche ! C'est dit, c'est parfait !

Mme la présidente. Écoutons M. Bloche. Concluez, mon cher collègue.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président de la commission des lois, sachant que vous aurez sans doute à traiter d'une initiative du groupe socialiste tendant à revoir la composition de la Haute autorité et que, je vous l'ai dit, le CSA verra l'année prochaine ses neuf membres désignés par l'actuelle majorité, notre seule revendication, oui, c'est l'indépendance : l'indépendance à l'égard du pouvoir politique. Or, du fait de la composition que vous nous proposez, du fait de ce que vous en ferez, cette haute autorité risque fort de devenir une instance partisane. Et cela, nous n'en voulons pas, car la démocratie, c'est le pluralisme, c'est la diversité : c'est donc aussi des associations et des syndicats.

M. Philippe Vuilque. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur Bloche, vous désespérez de la République...

M. Patrick Bloche. J'en espère trop !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Prenez le CSA, prenez le Conseil constitutionnel : dans ces institutions, on ne peut être nommé qu'une fois. Pourquoi une seule ? La République ne s'y est pas trompée : pour éviter que leurs membres ne cherchent à s'y faire renommer en faisant preuve de complaisance à l'égard du pouvoir ou de l'autorité qui les ont désignés. S'ils ne sont pas renommables, c'est justement parce que l'on tient à ce qu'ils restent totalement indépendants.

À l'inverse, je ne citerai pas dans cet hémicycle un organisme important, prévu par la Constitution, dont un membre, syndicaliste, a dit récemment, ce qui m'a scandalisé : « Je vote comme me dit mon syndicat ». Ce n'est pas cela, la République. Quelle que soit votre appartenance d'origine, syndicale, associative, politique, partisane, sitôt que vous êtes nommé dans une haute autorité, conseil ou commission indépendante, vous devez totalement l'oublier. Certes, on garde ses convictions et son bulletin de vote, qui est ce qu'il est ; mais on se doit d'aller dans le sens de la mission impartie à cette instance et, par le fait même que l'on ne peut y être redésigné, on garantit l'indépendance de son esprit.

Prétendre que les neuf membres du CSA de demain, au motif qu'ils seront nommés par la droite, seront tous de droite, c'est d'abord un procès d'intention - ils ne le seront peut-être pas tous -, et c'est ensuite méconnaître l'indépendance de l'être humain qui, pendant tout le temps que durera sa mission, doit se garder de toute dépendance.

Il en est de même, mon cher collègue, pour les juges qui appartiennent à des syndicats. On peut le contester, mais cela existe, c'est le moins que l'on puisse dire : c'est même une banalité. Lorsque vous vous retrouvez, en tant que justiciable, devant un juge dont, par hypothèse, vous savez qu'il appartient à tel syndicat, ne faites-vous pas pour autant confiance à son jugement ? Évidemment si. Vous ne vous posez pas la question de savoir si le syndicat de ce juge est politiquement proche ou éloigné de vous. Il est donc bien un moment où l'être humain, et il faut lui faire confiance, peut s'extraire de son appartenance politique, syndicale ou associative pour parler en conscience. À condition évidemment de ne plus exercer de fonctions à ce titre : on ne peut rester président de SOS homophobie et devenir membre de la Haute autorité. Ce ne serait pas cohérent, et je trouverais même cela plutôt inquiétant - ancien président, d'accord, mais plus en situation responsabilité.

Vous ne sauriez faire le procès d'un individu nommé dans quelque haute autorité que ce soit en soutenant qu'il est fatalement partisan alors qu'il a été désigné pour un seul mandat afin précisément de garantir son indépendance.

Faites confiance aux hommes au lieu d'entretenir une suspicion généralisée. Exiger, comme vous l'avez fait tout à l'heure, que l'on nomme obligatoirement des syndicalistes afin d'être sûr d'avoir, en cas d'alternance, des gens qui ne penseront pas comme la droite, c'est un aveu affreux !

M. Patrick Bloche. Vous déformez mes propos.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je n'ai pas déformé vos propos, mais cela revient à cela ! On n'a pas le droit de penser que les personnalités nommées dans ce genre d'instance puissent, ne serait-ce qu'une seconde, être dépendantes des autorités qui les auront désignées. Elles deviennent immédiatement indépendantes et c'est pour ce faire qu'elles ne seront jamais redésignées. Ne pas poser ce postulat, c'est tout simplement douter de la République.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président de la commission des lois, c'est justement parce que je ne doute pas de la République que je suis persuadée qu'un juge décide en son âme et conscience et non en fonction de son affiliation syndicale. Ce qui montre bien que l'on peut appartenir - ou ne pas appartenir - à un syndicat et avoir un jugement indépendant, et il en est de même pour l'adhérent d'une association. Nous pouvons donc parfaitement retourner votre démonstration.

Mme la secrétaire d'État a rappelé que rien n'empêchait de nommer des membres d'associations ou de syndicats ; mais vous, vous exigez qu'ils en démissionnent immédiatement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Bien sûr !

Mme Martine Billard. Pourquoi ? Exige-t-on des élus politiques qu'ils démissionnent de leur parti ou qu'ils rompent avec toutes leurs appartenances ? Vous allez un peu trop loin ! Que ces gens ne soient plus présidents de leurs associations, peut-être,...

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Voilà !

Mme Martine Billard. ...encore que cela puisse se discuter. Mais de là à les obliger à démissionner de leurs associations, je trouve cela abusif. Ce serait même aller à l'encontre du droit de tout citoyen d'appartenir à une association ou un syndicat de son choix.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. En effet. Je ne parlais que des délégués.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il vaut mieux !

Mme Martine Billard. Je conclus.

Lorsque nous avons examiné la réforme de l'assurance maladie, où nous avions discuté de la création d'une haute autorité de santé, nous avons eu le même débat : ainsi, on y trouve un représentant du conseil de l'Ordre des médecins, mais les associations d'usagers et de malades, elles, restent cantonnées dans un rôle seulement consultatif. Situation identique aujourd'hui, qui témoigne d'une réelle méfiance, du côté du Gouvernement comme dans les rangs de l'UMP, vis-à-vis de l'ensemble des « corps constitués », associations et syndicats, quant à leur capacité à défendre l'intérêt général et à participer à des instances qui œuvrent en son nom. C'est une attitude constante chez vous depuis deux ans ; on la retrouve à chaque fois que la question se pose. Cela a de quoi inquiéter et ne me paraît pas de nature à redonner à nos concitoyens l'envie de participer, s'ils le souhaitent, à ce type d'instance et par le fait à la construction de la vie citoyenne dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président de la commission des lois, j'avoue être bien moins compétent que vous dans le domaine du droit. Mais les propos que vous venez de tenir m'inquiètent bien plus encore que tout ce que j'ai pu en dire hier, lors de la discussion générale, voire tout à l'heure, lorsque j'ai défendu un de nos amendements.

À croire Clemenceau, la meilleure façon de se débarrasser d'un problème est de créer une commission. J'ai vraiment peur, à vous entendre, que vous nous fassiez le même coup avec cette haute autorité, de même qu'avec toutes les autres ! Vous nous parlez de droit. J'entends bien, mais de quel droit devrait-on exclure des citoyens exerçant des responsabilités de terrain, précisément dans les domaines liés aux discriminations et aux inégalités, donc très au fait de ces problèmes ? Et pourquoi devraient-ils s'abstenir de toute dimension politique dans leurs interventions ? Je ne parle pas de « partisanisme »,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. De partisanerie !

M. Frédéric Dutoit. ...de volonté partisane, mais de démarche de terrain concrète et de connaissance du sujet. Vous-même avez parlé tout à l'heure d'une certaine difficulté à identifier les nouvelles formes de discrimination. Je suis persuadé que les acteurs de terrain, particulièrement intéressés à ces questions, qu'ils en soient victimes ou qu'ils s'y consacrent par engagement citoyen, seront autrement plus compétents que toutes les personnalités nommées par les institutionnels pour connaître de ces sujets et faire avancer les débats de la Haute autorité.

Mes connaissances en droit sont, je le répète, bien modestes au regard des vôtres. Mais à qui ferez-vous croire que les membres de cette haute autorité seront indépendants au point de faire abstraction de toute conscience politique, philosophique, religieuse ou autre ? De telles personnes n'existent pas. Vous nous présentez une société de rêve - ou plutôt, me semble-t-il, de cauchemar ! Assumons nos responsabilités, assumons le fait que chaque individu puisse avoir des opinions ou des conceptions fondamentalement différentes.

Si nous avons confiance dans le juge, ce n'est pas tant parce qu'il est socialement ou politiquement indépendant que parce qu'il applique tout simplement le droit.

On dit parfois que trop de droit éloigne de la justice,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Summum jus, summa injuria !

M. Frédéric Dutoit. ...mais reconnaissons qu'un petit peu de droit peut nous y amener. Si nous « loupons » l'objectif affiché, que nous partageons tous, avec la création de cette haute autorité contre les discriminations et pour l'égalité, si nous loupons l'occasion d'y faire entrer les personnes - hommes et femmes, car s'y pose la question de la parité - les plus à même de nous apporter les éléments de connaissance et de proposition de nature à nous faire avancer, nous aurons laissé passer l'occasion de faire un pas en avant ; cela me posera un problème lorsque viendra le moment du vote.

Mme la présidente. Je vais d'abord donner la parole à M. Guy Geoffroy.

Je donnerai ensuite la parole à Mme la secrétaire d'État ; l'Assemblée sera alors suffisamment éclairée, selon la formule consacrée, et nous passerons au vote sur les amendements en discussion.

Vous avez la parole, monsieur Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je vous remercie, madame la présidente, d'autant que je ne l'aurais pas demandée si je n'avais, comme mes collègues de l'UMP, senti que Mme Billard, dans son acharnement à obtenir gain de cause, dépassait les limites. Nous avons été tout simplement accusés, et de manière systématique, de chercher à créer des institutions dans tous les domaines possibles en nous ingéniant à en écarter celles et ceux que nous jugerions susceptibles de venir perturber nos présupposés politiques ! Voilà ce que j'ai compris, voilà ce que je regrette. Car l'enjeu n'est aucunement là.

Y a-t-il dans cette affaire un enjeu de pouvoir ? Pour vous, peut-être que oui ; mais pas pour nous. Il y en aurait un si, à l'instar d'autres institutions de notre République, la Haute autorité avait à prendre des décisions ; or la seule qu'elle sera habilitée à prendre, et c'est déjà très important, ce sera celle d'aller chercher les informations, avec des moyens assez conséquents : questionnement, déplacements, mises en demeure, appel au juge des référés, autant de prérogatives non négligeables. Mais, au-delà, le rôle de la Haute autorité, au cœur de son activité de lutte contre les discriminations - je ne parle pas du deuxième volet, celui de la promotion de l'égalité -, consistera, le plus souvent possible, à permettre que des solutions soient trouvées là où il n'y en a pas aujourd'hui, et par le biais de la médiation. Or, à ma connaissance, la médiation n'est pas une décision : elle consiste à aider deux parties qui ne se comprennent pas, qui ne communiquent pas, qui se suspectent ou, pire, éprouvent de très fortes réticences mutuelles, à se rapprocher, à trouver un terrain d'entente et à purger une mauvaise querelle.

L'objectif est d'empêcher les mauvaises querelles. Aussi, l'amendement du président Clément est-il opportun. La Haute autorité doit pouvoir décider la création d'instances consultatives afin de l'aider dans son travail. Il faut que toutes celles et tous ceux qui sont représentatifs de ce monde riche, divers, combattant que vous soutenez mais que nous soutenons aussi, puissent s'exprimer avec force là où il le faut, c'est-à-dire à l'interface entre le terrain, les gens discriminés, et ceux qui prendront ensuite leurs responsabilités, c'est-à-dire les membres de la Haute autorité.

Là est la place éminente et irremplaçable de ceux que vous voulez installer de façon hybride et inconfortable, parmi les membres même de la Haute autorité.

Nous ne souhaitons donc nullement ignorer ce que vous proposez, et nous sommes en accord sur le fond. Peut-être faut-il simplement hiérarchiser les choses, et mettre chacun à sa place exacte.

En outre, rien ne contraint le choix des autorités qui désigneront les onze membres. Nous n'avons aucune suspicion envers quiconque. Mais je crains que vous n'en ayez à notre égard, et c'est dommage, car les Français attendent de nous un engagement de tout le Parlement dans la même direction, pour une lutte efficace contre toutes les discriminations.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Nous connaissons tous le rôle majeur des associations dans notre pays.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Mais elles sont très nombreuses, et nous ne devons pas nous-mêmes faire de la discrimination en privilégiant les unes au détriment des autres.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Quant à celles qui sont ou non satisfaites...

M. Patrick Bloche. Lesquelles ? Il n'y en a qu'une !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. ...nous n'allons pas nous battre à coups de dépêches ; nous pourrions tous en citer. Nous avons, les uns et les autres, rencontré des associations, et Bernard Stasi en a auditionné plus de cent quarante, ce qui, à l'évidence, montre qu'un travail important a été réalisé.

Ce qui est le plus important, c'est que deux principes président au choix des membres : d'une part, la diversité et, d'autre part, la parité, et sur ces deux éléments, nous devons pouvoir nous rassembler. Le Gouvernement redit son accord sur l'amendement de M. Vuilque et sur la rectification proposée par le président Clément.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je rappelle que M. Clément propose de rectifier l'amendement n° 57 en ajoutant après le mot « chacun » après le mot « désignent ».

Je mets aux voix l'amendement n° 57, tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 58 et 31, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 58. J'invite notre collègue à être bref, car tout a été dit sur le sujet.

M. Philippe Vuilque. Certes, madame la présidente, mais je réaffirme notre dépit de n'avoir pu faire adopter nos amendements sur la composition de la Haute autorité.

Notre amendement n° 58 est un pis-aller, visant à s'assurer que le comité consultatif comportera des membres des associations, syndicats et organisations professionnelles concernées.

M. le président de la commission des lois nous demande quelle sera notre position, qu'il souhaite œcuménique, s'il nous fait l'aumône de quelques amendements. Je lui réponds que cette aumône ne suffit pas pour que nous lui donnions l'absolution !...

M. Guy Geoffroy. C'est le credo socialiste ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 31.

Mme Martine Billard. Le douzième alinéa de l'article 2 permet d'associer des personnalités qualifiées aux travaux du comité consultatif. Mais il n'est pas fait mention de représentants des associations et des syndicats.

Les personnalités qualifiées peuvent être, par exemple, des chercheurs qui travaillent sur ces questions, mais aussi - et c'est ce que nous proposons dans cet amendement - des représentants des associations, des syndicats et des institutions régulièrement déclarées et ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.

Il est important de mentionner qu'il peut y avoir deux types d'intervenants, des personnalités qualifiées et des représentants des associations et des syndicats qui participent à l'organisme consultatif.

On peut bien sûr m'objecter que c'est d'ordre réglementaire, mais cette objection viserait aussi la présence de personnalités qualifiées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, suppléant M. Pascal Clément, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 58, qui précise la composition de l'organisme consultatif placé auprès de la Haute autorité, mais défavorable à l'amendement n° 31.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 31 n'a plus d'objet.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Sur l'article 3, je suis saisie de deux amendements, nos 19 et 33, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrice Bloche, pour soutenir l'amendement n° 19.

M. Patrick Bloche. Je suis absolument désolé pour nos collègues de la majorité, car je vais encore prononcer deux gros mots : associations et syndicats...

M. Guy Geoffroy. Vous êtes pardonné ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. Non que je veuille insister lourdement, mais l'article 3 nous offre à nouveau l'occasion de reconnaître le rôle des associations dans la lutte contre les discriminations. Et il n'y a pas, madame la secrétaire d'État, « nos » associations ou « vos » associations : il y a « les » associations, dans l'esprit de la loi de 1901.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. En effet.

M. Patrick Bloche. De fait, les associations de lutte contre les discriminations ont, et c'est une excellente chose, la possibilité de saisir le juge et de se porter partie civile, et donc de faire en sorte qu'une discrimination visant un individu puisse être sanctionnée par le juge. Elles disposent donc déjà de la possibilité de saisine directe du juge.

Mais curieusement, elles ne peuvent saisir directement la Haute autorité. Cela est paradoxal, car la saisine du juge est une étape ultérieure ou supérieure par rapport à celle de la Haute autorité. Par cohérence, nous avons voulu que le premier alinéa de l'article 3 soit ainsi rédigé : « Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la Haute autorité, soit directement par écrit, » - on a eu un débat en commission sur la question de savoir s'il faut que cela soit par écrit - « soit par l'intermédiaire d'un syndicat ou d'une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans et se proposant par ses statuts de lutter contre les discriminations ».

Il serait paradoxal que les associations puissent se porter partie civile et ne puissent pas saisir la Haute autorité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 33.

Mme Martine Billard. Toute association se proposant par ses statuts de combattre au moins un des motifs de discrimination énoncés à l'article 225-1 du code pénal peut saisir la Haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État. Patrice Bloche vient de nous exposer ses arguments. Pour ma part, j'ajoute que souvent les victimes de discrimination ont peur, ce qui est légitime, ou cèdent au découragement, préférant tourner la page plutôt que de se battre.

Par ailleurs, il y a, dans notre pays, une perte de crédibilité du politique et une perte de confiance dans les institutions. Parmi nos concitoyens, nombreux sont ceux qui pensent qu'il ne sert à rien de se battre soi-même. Tous les jours, nous entendons de tels propos.

En revanche, les personnes victimes de discrimination accepteraient qu'une association - ou un parlementaire, et c'est l'objet de l'amendement suivant - se battent à leur place et saisissent la Haute autorité, car elles n'ont pas la force de le faire elles-mêmes. L'énergie qui leur reste, elles la déploient pour survivre. C'est la raison pour laquelle il est important, à condition que la victime soit d'accord, qu'une association ou un parlementaire puissent servir de relais.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. J'estime que, sur ce point, le texte du projet me semble équilibré.

Vous avez dit, madame Billard, et vous n'avez pas tort, que les victimes peuvent céder au découragement et préfèrent tourner la page. Mais le texte évite un autre risque, celui qu'une association pousse systématiquement la victime à engager une procédure, quelles qu'en soient les conséquences qui pourraient en découler pour elle, même négatives. Prenons l'exemple d'une personne qui a la conviction d'avoir été victime de discrimination dans le déroulement de sa carrière. A-t-elle intérêt à se lancer dans une procédure ? Elle peut risquer de gâcher définitivement ses chances dans son entreprise. Or ce qui est prévu est plus habile que votre proposition : la Haute autorité peut en effet se saisir elle-même quand on lui signale un cas. Et qui le fera ? Souvent une association. Mais la grande différence est qu'ensuite s'ouvrira un dialogue entre la Haute autorité et la victime, sans que celle-ci subisse la pression de l'association.

En fait, le libre arbitre de la victime est ainsi mieux respecté. Que la Haute autorité puisse se saisir elle-même est une bonne chose, même si c'est une association qui l'aura alertée. Elle pourra entrer en relation avec la victime et juger avec elle où est son intérêt.

Je voudrais vous convaincre, madame Billard, même si jusqu'à présent je n'ai pas rencontré le succès, et je le déplore...

M. Patrick Bloche. Et réciproquement !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Et réciproquement, en effet. (Sourires.)

Je voudrais, madame Billard, vous faire comprendre la chose suivante. Le rôle de la Haute autorité est évidemment de lutter contre les discriminations, mais elle a aussi pour mission, ce que personne n'a souligné, de défendre les victimes.

M. Philippe Vuilque. Évidemment !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Son action ne doit pas se retourner contre elles. Or de cela, il n'est pas sûr que l'association soit le meilleur juge. Je pense, au contraire, que c'est la Haute autorité qui est la plus apte à jouer ce rôle.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je m'associe évidemment à la démonstration qui vient d'être faite par M. le rapporteur.

Je le répète, nous voulons permettre à la victime de saisir elle-même et le plus facilement possible la Haute autorité. Mais rien ne lui interdit pour autant de se retourner vers une association ou un parlementaire. Par ailleurs, la Haute autorité, informée d'une pratique discriminatoire, peut se saisir elle-même, et contacter la victime. Il s'agit d'une démarche globale. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. En ce domaine, il est absolument essentiel d'aller toujours dans l'optique de la plus grande efficacité possible.

Vos amendements, chers collègues, qui prétendent accroître la capacité de la victime à être écoutée, prise en compte et à trouver une solution, sont finalement réducteurs par rapport au texte. Selon le premier alinéa de l'article 3, la victime peut saisir la Haute autorité et aux termes du deuxième alinéa, « la Haute autorité peut aussi se saisir d'office ». D'après vous, en dehors de la saisine par l'intéressé, par les personnes figurant dans la liste fixée par la loi et par les parlementaires - puisque des amendements ultérieurs vont en ce sens -, il n'y aurait point de salut.

Or il faut laisser la possibilité à toute personne qui, à un moment ou à un autre, accompagne une victime dans sa réflexion et sa démarche, de porter son cas à la connaissance de la Haute autorité afin que celle-ci s'en saisisse si elle l'estime nécessaire. En l'absence d'association immédiatement présente, en l'absence de syndicat représentatif dans une entreprise trop petite, un collègue de travail, un voisin, un ami doit pouvoir prendre la responsabilité, avec l'accord de la victime, d'écrire solennellement à la Haute autorité pour lui faire part d'une discrimination.

Alors, chers collègues, ne feignez pas d'ignorer la grande portée du deuxième alinéa qui répond, au-delà même de vos espérances, à vos attentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Le but de toute lutte contre les discriminations, nous en sommes tous d'accord ici, est l'efficacité au service des victimes.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Très juste !

M. Philippe Vuilque. La loi de novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations en matière d'emploi, dont j'étais le rapporteur, prévoit que les associations et les organisations syndicales puissent ester en justice à la place de la victime à condition que celle-ci soit d'accord.

Si l'on veut être efficace jusqu'au bout, pourquoi empêcher la saisine de la Haute autorité par ces mêmes organismes ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Nous n'empêchons rien !

M. Philippe Vuilque. Ce serait un filet supplémentaire pour une personne victime de discrimination. Je ne vois vraiment pas en quoi cela vous dérange !

M. Clément dit que des associations ou des organisations syndicales pourraient forcer le trait et transmettre de manière systématique à la Haute autorité des cas litigieux. Mais, depuis 2001, a-t-on assisté à un engorgement ? Non car les associations et les organisations syndicales ne s'amusent pas, pour ces affaires délicates, à ester en justice si elles n'ont pas la preuve d'une discrimination réelle. Et je ne vois pas pourquoi ce qui est vrai pour la loi de 2001 serait faux pour la Haute autorité.

Accordez donc cette possibilité supplémentaire aux victimes ! Soyez cohérents !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. En relisant le texte du projet, j'ai l'impression que la Haute autorité en est réduite à faire de la médiation ou à saisir la justice. Or le dispositif existant, qui certes peut être jugé insuffisant, comporte une mission de veille. Il faudrait que la Haute autorité joue aussi ce rôle et puisse publier un rapport sur les discriminations observées dans notre pays. Dans cette perspective, il serait intéressant de permettre aux associations de la saisir, non pas pour aboutir forcément à un procès ou demander une action de médiation, mais pour porter à sa connaissance un large éventail de cas.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Vous oubliez l'article 14 !

Mme Martine Billard. Quant aux pressions exercées sur les victimes, je veux bien que vous les évoquiez pour les associations ou les organisations syndicales, mais pas pour les parlementaires ou alors il y aurait de quoi s'inquiéter.

La saisine par les parlementaires - objet de l'amendement n° 34 - évite le problème des éventuelles pressions puisque l'accord de la victime est nécessaire et permet l'information. Certes, la Haute autorité peut se saisir d'office mais il faut bien qu'elle ait connaissance des cas pour s'en saisir. Et cette connaissance, elle l'a par la presse ou alors par des amis, des voisins, des collègues de travail de la victime, comme le disait M. Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Pas uniquement !

Mme Martine Billard. En la matière, le rôle des associations et des syndicats n'est pas reconnu et il serait préférable de l'officialiser dans la loi ou par décret.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 34 et 51, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 34 a déjà été défendu.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour soutenir l'amendement n° 51.

M. Philippe Edmond-Mariette. Le deuxième alinéa pose une difficulté. S'agit-il, pour la saisine, de faculté ou d'automaticité ? Pour moi, le mot « peut » renvoie à une faculté. Et si, demain, il n'y a que quatre-vingts ou cent personnes mises à la disposition de la Haute autorité et qu'elles sont confrontées à un engorgement, on risque d'aboutir à une hiérarchisation des cas pris en compte pour la médiation.

Mon amendement prévoit que la Haute autorité puisse « être saisie par tout parlementaire soit à la demande d'une personne qui s'estime victime de discrimination, soit à la demande expresse et motivée des associations et d'organisations de lutte contre les discriminations ». Cela permettrait une vraie saisine, comme celle qui est prévue au premier alinéa de l'article 3.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je ne comprends pas ce « rétro-progrès ». Nous avons la chance d'avoir une Haute autorité qui donne à tout citoyen la possibilité de la saisir directement et vous, vous compliquez les choses en instaurant un filtre, soit par le biais des associations, soit par le biais des parlementaires. C'est extraordinaire !

Le Gouvernement, d'après ce que j'ai cru comprendre, présentera un amendement instaurant une saisine directe du médiateur et vous voulez revenir à une saisine indirecte !

Mme Martine Billard. Mais non : nous proposons une possibilité de plus ! Vous ne parlez pas de mon amendement !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il est vraiment drôle de voir comment vous refusez de faire confiance au citoyen. Un citoyen, qui n'est pas encadré par son député, qui n'est encadré par son syndicat, qui n'est pas encadré par une association, est-il un citoyen infirme ?

Mme Martine Billard. Donnez donc votre avis sur l'amendement !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Mais laissez vivre les citoyens : ils sont capables sans vous ! Ne trouvez-vous pas excessif que ce soit toujours à travers quelqu'un d'autre qu'ils fassent une réclamation ?

Mme Martine Billard. Cela n'a rien à voir avec l'amendement !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous proposez que les parlementaires puissent aussi saisir la Haute autorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose de laisser parler M. le président de la commission. Vous interviendrez ensuite pour répondre à la commission, conformément à notre règlement.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. L'esprit de la loi, c'est que c'est le citoyen victime qui saisit l'autorité sans qu'un tiers ne vienne se substituer à lui. Il n'y a pas de personnes, plus savantes, plus informées, qui serviraient de tuteurs aux autres. C'est sans doute l'esprit de vos propositions et je le trouve beaucoup moins progressiste que celui dont s'inspire le projet de loi. Nous, nous faisons une confiance totale aux citoyens. Derrière vos amendements se profile l'incapacité du citoyen à se défendre lui-même. C'est une vision tellement pessimiste de la nature humaine que cela en devient désespérant. Je suis fondamentalement défavorable à l'amendement n° 34.

M. Edmond-Mariette a évoqué la rédaction du deuxième alinéa. Mais en fait, le verbe « pouvoir » est l'expression, en français, d'une réalité différente, située entre l'auto-saisine et la saisine par un tiers. C'est autre chose que ce que vous imaginez.

M. Philippe Edmond-Mariette. Merci de me dire que je parle une autre langue !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Donc, avis défavorable également sur l'amendement n° 51 car il est satisfait par le texte de l'article 3.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Après de très nombreuses discussions tant avec le président Stasi qu'avec différentes associations, ce qui a prévalu dans le choix des modalités de saisine a été la possibilité de saisir la Haute autorité directement : autrement dit, nous avons fait le choix de l'ouverture et de la proximité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il me semble invraisemblable que le président de la commission des lois invente un amendement qui n'existe pas.

Nous sommes tous d'accord sur le fait que tout citoyen puisse saisir la Haute autorité.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Arrêtons-nous là !

Mme Martine Billard. J'ai le droit de parler, conformément au règlement de notre assemblée.

Par ailleurs, il est prévu que la Haute autorité puisse se saisir elle-même. Soit, même si on ne sait pas comment elle est mise au courant.

Mais nous faisons des propositions complémentaires. Elles prennent en compte le cas des personnes qui se disent que leur démarche ne va rien donner mais qui veulent bien que quelqu'un d'autre s'en charge. Dans ce cas-là, il s'agit de prévoir les modalités de la saisine. M. Geoffroy nous a expliqué que cela pourrait être fait par des voisins ou des collègues de travail : aucun problème !

M. Guy Geoffroy. Mais tout le monde aurait cette possibilité ! Ne rétrécissez pas le texte !

Mme Martine Billard. Moi, je propose qu'un parlementaire puisse aussi le faire. Vous savez bien que certaines personnes viennent nous voir dans nos permanences pour nous dire que, même si elles n'y croient pas trop, elles veulent bien nous donner leur autorisation pour que nous agissions pour elles. Et ce serait instaurer un filtre et ne pas avoir confiance dans les citoyens ? Un peu de sérieux, tout de même !

Il s'agit simplement d'ouvrir la possibilité à l'ensemble des citoyens de choisir le mode de saisine, qu'ils veuillent saisir directement la Haute autorité ou qu'ils préfèrent procéder autrement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Madame la présidente, notre rappel de tout à l'heure...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Madame la présidente, nous n'avançons pas : ils parlent tout le temps et nous intervenons très peu !

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, je suis d'une grande vigilance : je respecte les uns et les autres et j'interdis même parfois certaines prises de parole.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Madame la présidente, quand on s'énerve et qu'on veut aller très vite, c'est parce qu'on est gêné ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Edmond-Mariette, répondez, ce sera plus simple.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je n'admets pas la remarque qu'a faite tout à l'heure M. Clément. Mais j'ai trop de respect pour lui et je suis finalement persuadé que le propos lui a échappé.

Il ne faut pas qu'il y ait de confusion, et Mme Billard l'a bien dit. Nous sommes tous d'accord sur le fait que le premier alinéa de l'article 3 prévoit la saisine directe de la Haute autorité par les victimes. Le deuxième alinéa donne une faculté de saisine. En effet, il est écrit que « la Haute autorité peut se saisir d'office des cas dont elle a connaissance ». Or, avec onze membres, il est bien évident que la Haute autorité ne pourra pas être partout sur le terrain. Les victimes ne pourront pas saisir directement la Haute autorité, tout simplement parce qu'elles ont peur et qu'elles sont en situation de vulnérabilité.

M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. Philippe Edmond-Mariette. Il faut donc que la Haute autorité puisse avoir connaissance des cas autres que ceux dont elle est saisie au premier alinéa.

En outre, dire que nos concitoyens n'ont pas besoin de tuteurs, c'est ne pas reconnaître que les représentants de la nation que nous sommes sont informés des discriminations qui existent au sein de l'administration française, notamment à l'encontre des domiens.

Mme Christiane Taubira. Absolument !

M. Philippe Edmond-Mariette. J'en profite d'ailleurs pour demander s'il est vrai qu'une directive précise qu'il ne faut pas embaucher d'Antillo-Guyanais dans le milieu hospitalier parce qu'il faut leur verser des congés bonifiés. Si c'est vrai, alors on a affaire à une discrimination.

M. Philippe Vuilque. Absolument !

M. Philippe Edmond-Mariette. Voilà des éléments qui prouvent, monsieur Clément, que nous avons besoin d'une autorité suffisamment vigilante qui pourra offrir sa médiation, aider à rechercher la charge de la preuve et qui assistera la victime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Sur l'article 4, je suis saisie d'un amendement n° 52.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour défendre cet amendement.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je souhaite élargir le champ d'application. Le second alinéa de l'article 4 précise que « à cet effet, elle peut demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle ». Si l'on s'en tient à la définition juridique des personnes privées, on risque alors de ne pas englober aux côtés des personnes physiques les personnes morales de droit privé ainsi qu'un certain nombre de personnes publiques, même si, c'est vrai, l'article 5, répondra à ce souci, s'agissant d'une catégorie de personnes publiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. J'essaie de comprendre cet amendement.

M. Patrick Bloche. Prenez votre temps !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je crois qu'il est satisfait. En fait, je n'ai pas d'avis.

M. Philippe Vuilque. C'est donc que l'amendement est bon !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. L'article 5 précise bien que les autorités publiques et les organismes chargés d'une mission de service public sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à toute demande de la Haute autorité. D'autre part, on voit bien que la Haute autorité peut convoquer.

Il semble donc que cet amendement soit satisfait par l'article 5.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Et c'est pourquoi j'y suis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. L'amendement de M. Edmond-Mariette jette le trouble dans l'esprit du président de la commission des lois.

On parle de personne privée, pas de personne morale, le président de la commission des lois estimant que c'est inclus. Prenons le cas des organismes à caractère sectaire. Ce sont des organismes, pas des personnes privées. Si on ne le précise pas, ils seront hors champ.

M. Philippe Edmond-Mariette. Tout à fait !

M. Philippe Vuilque. L'amendement de M. Edmond-Mariette est donc tout à fait pertinent, y compris dans ce cas très particulier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Philippe Vuilque. Quelle erreur !

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 36.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à préciser que la Haute autorité a aussi pour mission d'assister les personnes victimes de discriminations dans des conditions définies par décret. L'aide aux victimes fait partie des objectifs visés par la directive européenne de juin 2000.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. C'est le texte !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je suis défavorable à cet amendement, M. Bloche ayant déposé, à l'article 6, un amendement dont la rédaction nous paraît mieux correspondre aux cas évoqués.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. L'article 5 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. Sur l'article 6, je suis saisie de plusieurs amendements.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 20.

M. Patrick Bloche. Merci, madame la secrétaire d'État, d'avoir donné votre avis avant que je ne présente l'amendement ! (Sourires.) Pendant que je le défends, essayez de convaincre M. le président de la commission des lois !

Nous vous proposons de compléter les missions confiées à la Haute autorité. On a beaucoup parlé de sa fonction de médiation qui est évidemment centrale, mais nous souhaiterions que ses missions soient renforcées dans le domaine de l'assistance aux victimes. Cela nous paraît essentiel. La Haute autorité peut jouer pleinement son rôle d'assistance aux personnes qui n'ont pas les moyens financiers, linguistiques ou culturels pour engager une action en justice. Cela rejoint d'ailleurs les préconisations du rapport Stasi et les objectifs visés à l'article 13 de la directive communautaire du 29 juin 2000.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 6 : « La Haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier et le rassemblement des éléments permettant le règlement du litige. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas : recours devant une juridiction ou bien médiation. »

On voit bien là le rôle d'aiguillage de la Haute autorité, tel que le rapporteur nous l'avait présenté en commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je ne peux pas être en désaccord avec cet amendement puisque c'est l'esprit même du texte et la définition de la mission de la Haute autorité ! Cela dit, M. Bloche réécrit cela à sa manière, pas mal d'ailleurs. Mais quel bavardage ! Franchement, je ne peux pas être d'accord !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je me suis déjà exprimée sur cet amendement. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ce que je craignais est, hélas ! arrivé : la parole du président de la commission a été fatale à cet amendement puisque l'avis favorable du Gouvernement s'est transformé en appel à la sagesse de l'Assemblée. (Sourires.)

Le président de l'Assemblée nationale et d'autres ici estiment qu'il ne faut pas que les lois soient bavardes, qu'elles écrivent les règlements ou qu'elles se substituent au travail d'écriture des décrets. Le président de la commission des lois nous dit que ce que nous proposons est déjà écrit dans le texte. Mais où ? Je ne le sais pas. Peut-être dans l'exposé des motifs. Je vérifierai plus tard.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. C'est l'esprit du texte !

M. Patrick Bloche. Alors, écrivons-le ! Nos concitoyens doivent savoir que la Haute autorité peut non seulement jouer un rôle de médiation mais aussi leur apporter une assistance, les aider dans leurs démarches et surtout qu'ils seront bien orientés, ce qui est souvent d'ailleurs le principal problème qui se pose à eux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 53, 15, deuxième rectification, et 47, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 15, deuxième rectification, et 47 sont identiques.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour soutenir l'amendement n° 53.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je crois savoir que la commission est d'accord pour ne pas employer le terme « favorise ». Si le président peut me le confirmer, alors je retire bien volontiers mon amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 53 est retiré.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 15, deuxième rectification.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement de M. Dray va dans le même sens. Le mot « favorise » pourrait donner à penser que dans certains cas de discrimination on ferait prévaloir éventuellement la médiation avant toute poursuite sur des faits très graves. Nous pensons que les termes « peut procéder » ou « faire procéder » garantissent cette éventuelle possible dérive.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait ! L'amendement n° 47 est identique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La commission a accepté l'amendement n° 15, deuxième rectification, de M. Dray. Par conséquent, celui de M. Edmond-Mariette est satisfait.

J'avoue que M. Dray a pensé à une chose très intéressante, à savoir que dès lors que la Haute autorité s'oblige à la médiation, cela peut quelquefois empêcher la poursuite judiciaire.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il faut donc lui laisser la faculté de faire ou de ne pas faire. C'est d'ailleurs ce que je souhaite d'une manière générale, à savoir la liberté totale de manœuvre.

Vous le voyez, monsieur Vuilque, quand il s'agit d'apporter quelque chose, on se rallie avec bonheur à un amendement issu de vos rangs !

M. Philippe Vuilque. On aimerait que vous le fassiez plus souvent !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Quand cela en vaut la peine, mon cher collègue !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Voilà une précision très utile. C'est pourquoi le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement de M. Dray.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 15, deuxième rectification, et 47.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 54.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour le soutenir.

M. Philippe Edmond-Mariette. La Haute autorité n'a pas de pouvoir de sanction. Sanctionner ce n'est d'ailleurs pas son rôle. Elle doit tout faire pour que sa médiation puisse porter.

Hier soir, M. le président de la commission, je crois, a indiqué que très peu de contentieux aboutissaient, que ce soit devant les juridictions civiles, administratives ou pénales. Mon amendement vise à permettre que la médiation de la Haute autorité donne naissance à un véritable procès-verbal de transaction. Ainsi, la confidentialité sera garantie dans les procédures civiles ou commerciales. J'y vois un intérêt, sauf pour les procédures pénales qui sont les procédures les plus graves où il faut pouvoir, malgré une médiation de la Haute autorité, aller au terme de ce qui est prévu par le législateur.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. L'amendement de M. Edmond-Mariette est sans doute intéressant mais il va beaucoup trop loin : alors que le texte confie à la Haute autorité un rôle de médiation, il prévoit de lui faire faire de l'arbitrage en rendant ses décisions obligatoires et en empêchant d'aller ensuite devant le juge. Eh bien, c'est non ! Car ce serait aller très au-delà de la vocation de la Haute autorité.

De plus, une telle disposition impliquerait d'aboutir impérativement à une transaction acceptée par les deux parties. Or ce n'est pas sûr du tout !

La commission n'a pas examiné l'amendement n° 54, mais, à titre personnel, j'y suis très défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Le Gouvernement est également très défavorable à cet amendement. Il nous semble important de laisser toutes ses chances à la médiation, sans introduire une transaction obligatoire qui contribuerait à rigidifier la procédure.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 7 à 10

Mme la présidente. Les articles 7, 8, 9 et 10 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 7, 8, 9 et 10, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 11

Mme la présidente. Sur l'article 11, je suis saisie d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il s'agit de rectifier une faute matérielle : l'accord préalable du juge pour enquêter sur des faits donnant lieu à une procédure judiciaire ne joue qu'en matière pénale. Il n'y a donc pas lieu de viser des faits faisant l'objet de poursuites administratives. La commission propose donc de supprimer cette référence.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 1.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. L'article 12 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13

Mme la présidente. Sur l'article 13, je suis saisie d'un amendement n° 32.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre cet amendement.

Mme Martine Billard. En l'état actuel du texte, il n'est pas prévu de relais de la Haute autorité sur le territoire national, même s'il nous a été dit qu'il y en aurait un. Jusqu'à présent, il existait au niveau du département les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC, et un numéro de téléphone, plus commode pour les personnes qui ont du mal à s'exprimer par écrit.

M. Philippe Vuilque. D'où l'intérêt de permettre la saisine par les parlementaires !

Mme Martine Billard. Peut-être Mme la secrétaire d'État aura-t-elle des propositions à nous faire, mais il ne faut pas oublier que, dans notre pays, bien des gens ont des difficultés à écrire.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. J'en suis consciente, rassurez-vous !

Mme Martine Billard. Avec la suppression du numéro de téléphone gratuit et des CODAC,...

M. Guy Geoffroy. Les CODAC ne sont pas supprimées !

Mme Martine Billard. ...l'organisation sera très centralisée et elle risque d'apparaître bien lointaine aux personnes victimes de discriminations. C'est pourquoi je propose de mettre en place dans les départements, naturellement en liaison avec la Haute autorité, un dispositif qui permettra de recueillir les cas signalés et d'avoir un premier contact avec les victimes, sachant que le mode de fonctionnement sera déterminé par décret en Conseil d'État ainsi que les conditions de mise en place.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, suppléant M. Pascal Clément, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable parce que ce dispositif territorial relève d'un texte réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Je précise que la Haute autorité s'organise selon son règlement intérieur, ce qui est une des conditions de son indépendance.

Par ailleurs, je réaffirme que le Gouvernement souhaite que la Haute autorité soit représentée dans les régions, et bien évidemment dans les DOM. Il semble en effet indispensable qu'elle établisse des liens avec les réseaux qui existent déjà. J'en profite pour répéter que les CODAC ne sont pas supprimées. En vertu même de son indépendance, la Haute autorité ne peut être représentée au niveau local, comme le prévoyait l'amendement.

Le Gouvernement y est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Cet amendement traduit une vraie interrogation de notre part, sur la nature de la Haute autorité. Il ne faudrait pas qu'elle soit trop « haute », c'est-à-dire trop éloignée de la réalité des discriminations ! Telle qu'elle nous est présentée, son rôle apparaît très national et très centralisé.

Vous répondez à Mme Billard, madame la secrétaire d'État, que son amendement relève du domaine réglementaire ou qu'il appartient à la Haute autorité de décider en toute indépendance de son organisation. Encore faudrait-il que vous donniez à celle-ci les moyens de sa territorialisation ! Vous avez annoncé qu'elle disposerait d'un budget de 10 millions d'euros environ, et de quatre-vingts personnes, ce qui correspond effectivement aux moyens d'un service de traitement des demandes dans un lieu sans doute unique. Un maillage au niveau des régions - encore que, dans le cas de la région que je représente et qui compte 11 millions d'habitants, la proximité soit toute relative - ou mieux, des départements, nécessiterait d'autres moyens.

Vous avez cité la Belgique qui consacre 8 millions d'euros à la lutte contre les discriminations. Certes, mais ce sont 100 personnes qui y travaillent pour un pays dont la population est sans doute quatre ou cinq fois inférieure à la nôtre. Notre collègue Edmond-Mariette a fait référence à la Grande-Bretagne où les moyens sont beaucoup plus importants.

Si rien ne devait figurer dans la loi, nous voudrions au moins que le Gouvernement s'engage sur les moyens réels donnés à la Haute autorité ! Sinon, nous en resterions au stade du verbe (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Vous nous faites un procès d'intention !

M. Guy Geoffroy. C'est très excessif !

M. Patrick Bloche. Mais non, mes chers collègues !

M. Guy Geoffroy. Votre critique est dérisoire !

M. Patrick Bloche. En la matière, monsieur Geoffroy, vous vous êtes distingué sur le plan du dérisoire avant que je n'intervienne !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Le risque existe, en créant cette Haute autorité, de susciter une attente. Le président de la commission des lois, notre rapporteur, a d'ailleurs dit lui-même qu'elle risquait d'être saisie de très nombreuses demandes dès sa mise en place. Il ne faudrait pas qu'elle ne soit pas en mesure de prendre en charge les demandes de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. J'approuve totalement l'initiative de Mme Billard. Il s'agit de savoir ce qu'on veut en mettant en place la Haute autorité.

Nous venons de débattre des conditions de saisine de la Haute autorité. M. le président de la commission des lois a confirmé que seuls les individus auront le droit de la saisir et la majorité a refusé tout accompagnement. Cet amendement élargit les possibilités offertes à chaque individu pour saisir la Haute autorité et pour qu'elle soit efficace, comme l'a déclaré Mme la secrétaire d'État tout à l'heure.

À regarder de près cet amendement, je me demande s'il ne faudrait pas aller plus loin et doter la Haute autorité d'un corps d'inspecteurs, pour lui permettre d'aller au plus près du terrain, de connaître et d'aider les citoyens à la saisir.

Tout le discours de M. Clément relevait du libéralisme le plus radical. Tout individu est libre, mais chacun sait aussi que cette liberté est limitée par les actes d'autres individus qui peuvent aller jusqu'à la discrimination. Dans ce cas, c'est précisément la vocation de la Haute autorité d'intervenir. Pour ce faire, il lui faut connaître la réalité du terrain.

Nous savons bien que, dans les entreprises, à l'école, dans le domaine de la santé, dans les quartiers, les villes et les villages, les discriminations sont légion. Il faudrait donc aller au-delà de l'amendement de Mme Billard, que je soutiens et - je pense aux inspecteurs du travail - mettre des intervenants à la disposition de la Haute autorité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. J'ai déposé un amendement dont la philosophie ne s'éloigne pas de celle de Mme Billard et j'aimerais une clarification. J'ai l'impression que nous serions tous d'accord pour peu que nous nous exprimions clairement.

Hier soir, Mme la secrétaire d'État nous a répondu sur le service d'accueil téléphonique et elle a évoqué les autres instances qui s'occupent des personnes en détresse en précisant que la Haute autorité passerait des accords avec la « médiation enfance ». Je ne me souviens plus du second exemple cité.

Les CODAC sont maintenues, dites-vous, madame la secrétaire d'État. Cela implique-t-il qu'elles auront un lien contractuel avec la Haute autorité et que ce seront elles qui, dans le département, orienteront les personnes qui n'auraient pas compris que leur cas relevait de la Haute autorité et non pas du médiateur, par exemple ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Les CODAC feront bien partie, le cas échéant, de ceux qui pourront orienter les victimes vers la Haute autorité. Je réaffirme solennellement la volonté du Gouvernement de voir la Haute autorité implantée en région, avec un objectif de cinq régions, dont au moins un DOM au second semestre 2005. Quant au budget de 10,7 millions d'euros, c'est celui qui figure dans le projet de loi de finances, tout comme le nombre de collaborateurs. Ils peuvent, par définition, être amenés à évoluer en fonction des saisines dont la Haute autorité fera l'objet.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14

Mme la présidente. Sur l'article 14, je suis saisie d'un amendement n° 7.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir cet amendement.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 8.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement, qui traduit notre volonté de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, vise à introduire dans la loi une obligation qui, malheureusement, en est aujourd'hui totalement absente, celle d'éditer des statistiques sexuées. Il est en effet inimaginable qu'un projet de loi qui entend créer une autorité de promotion de l'égalité ne prévoie pas les outils de base indispensables au combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Comment voulez-vous, madame la secrétaire d'État que, dans ce domaine, les études soient pertinentes si elles ne distinguent pas le sexe des victimes ? Certes, ponctuellement, des statistiques sexuées sont déjà éditées, concernant, notamment, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Mais il nous apparaît essentiel que de telles statistiques deviennent systématiques dès lors qu'il s'agit de lutter contre les inégalités. Ainsi, les violences spécifiques faites aux femmes passeraient totalement inaperçues parmi le lot des autres crimes et délits si les associations n'alertaient l'opinion et les pouvoirs publics sur le sujet. Comment se fait-il que le ministère de l'intérieur n'édite pas de statistiques en la matière ? C'est dans ce type de cas que l'action de la Haute autorité doit être déterminante. Elle a à assurer le pointage des insuffisances existant en matière de lutte contre les inégalités et les discriminations. Une lutte efficace contre toutes les formes de discriminations implique, nous semble-t-il, que l'on soit d'abord en mesure de les détecter. Les statistiques sexuées permettront, pour leur part, de repérer les diverses inégalités entre les hommes et les femmes, ce qui ne pourra que contribuer à leur disparition.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Il s'agit en effet d'un amendement relevant du domaine réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Même position.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 9.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Le projet de loi prévoit que la Haute autorité identifie et reconnaît les bonnes pratiques professionnelles en matière d'égalité de traitement. Or cela nous semble insuffisant. En effet, la lutte en faveur de l'égalité ne concerne pas uniquement le monde du travail ou de l'entreprise. Tous les secteurs sont concernés, à commencer par l'école.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Tout à fait.

M. Frédéric Dutoit. Il convient d'encourager toutes les démarches qui vont dans le sens d'une plus grande égalité de traitement et d'une plus grande égalité des chances. Les bonnes pratiques en la matière concernent également l'accès aux services publics, aux loisirs, à l'emploi, au logement ou encore aux soins. L'action d'une association qui donne les mêmes chances aux enfants de partir en vacances mérite d'être autant reconnue et encouragée que celle d'une entreprise qui laisserait les femmes accéder à l'encadrement.

Chacun est susceptible à tout moment d'être victime de pratiques discriminatoires non sanctionnées lors d'une recherche d'emploi ou d'un logement, ou encore lorsqu'il s'agit d'accéder aux soins ou aux loisirs, en raison de son sexe, de son origine ethnique, de ses convictions politiques ou religieuses, de son appartenance syndicale, de son handicap, de son état de santé, de son âge ou de son orientation sexuelle.

La lutte contre les discriminations ne se borne pas au seul secteur professionnel. Pourquoi, dès lors, devrait-on se contenter de reconnaître les bonnes pratiques uniquement dans ce secteur ? La Haute autorité doit pouvoir reconnaître toute initiative visant à promouvoir le principe d'égalité et celui de non-discrimination.

Tel est le sens de l'amendement no 9.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Si j'étais cohérent avec moi-même, j'émettrais un avis totalement défavorable, puisque j'ai expliqué précédemment que l'égalité était une chose et que l'égalité des chances en était une autre.

Mais si, faisant preuve d'esprit d'ouverture, je considère votre amendement sous l'angle de la seule certification des bonnes pratiques, qui peuvent, en effet, être entendues au sens large, monsieur Dutoit, à seule fin de vous faire plaisir et contrairement - je le répète - à la philosophie du texte, dans lequel le mot égalité n'a pas le sens que vous lui prêtez, eh bien, bavardons et adoptons ensemble cet amendement ! Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je n'ai cessé d'insister sur l'importance de l'article 14, en matière de prévention et de promotion des bonnes pratiques : je ne peux qu'émettre un avis très favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je m'attendais à votre prise de position, madame la secrétaire d'État. Je n'aurais d'ailleurs pas manqué de souligner la contradiction, si elle avait été différente. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 10.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement - telle est sa logique - n'a de sens que si la Haute autorité dispose d'une légitimité telle que son avis est obligatoirement sollicité sur toutes les questions et tous les projets de loi gouvernementaux relatifs à la lutte contre la discrimination. Cet amendement présuppose donc que la nouvelle autorité soit effectivement composée de femmes et d'hommes qualifiés à reconnaître les divers critères de discriminations, que son action sera la plus large possible, tant en matière de lutte contre les discriminations qu'en matière de promotion de l'égalité de traitements et des chances, et que ses moyens seront adoptés à son action. Il est alors évident que le Gouvernement devrait impérativement saisir la Haute autorité sur tout texte ou question relatif à son objet.

Cet amendement est la suite logique des amendements de proposition que j'ai déposés et défendus précédemment et que j'espérais, madame la secrétaire d'État et monsieur le président de la commission, voir mieux accueillis - exception faite du dernier, il est vrai.

La consultation systématique de la Haute autorité n'a de sens que si cette Haute autorité dispose d'une légitimité suffisante à cet effet.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Sur le fond, je comprends très bien l'objet de l'amendement déposé par notre collègue. Mais il ne peut être question d'obliger le Gouvernement à consulter la Haute autorité. Le Gouvernement le fera de lui-même.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Même avis, car il nous semble inopportun de créer des procédures rigides.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement n° 9.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 15 et 16

Mme la présidente. Les articles 15 et 16 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 15 et 16, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l'article 16.

Après l'article 16

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements, nos 40 à 46, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 40.

M. Patrick Bloche. Mme Billard, qui est plus délicate que moi, a découpé ses propositions en six amendements comme en autant de rondelles, là où je présente les miennes en un seul bloc. Mais si l'on rajoute les petits bouts que forment les amendements de Mme Billard, on en arrive à l'amendement que je présente au nom de mon groupe. (Sourires.)

Dès lors que nous sommes dans une démarche qui nous réunit, ou devrait le faire, en vue de donner une portée réellement universelle aux interventions de la Haute autorité, nous estimons que ces dernières doivent couvrir tous les domaines de discrimination, la référence étant ici l'article 225-1 du code pénal.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste propose à l'Assemblée de profiter de l'actuel débat parlementaire pour faire ensemble un pas supplémentaire dans la lutte contres les discriminations, en ajoutant une discrimination qui ne figure pas encore à l'article 225-1 du code pénal, celle concernant l'identité de genre.

Nous souhaitons que la discrimination pour identité de genre soit inscrite dans les différents textes : le code pénal, évidemment, mais également la loi du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, le code du travail et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Chers collègues, chacun connaît l'isolement et la fragilité des personnes transsexuelles ou transgenres, qui, pour des raisons identitaires, se retrouvent, de fait, victimes de discriminations. Nous pourrions, ensemble et en toute cohérence avec le projet de loi, prendre en compte pour la première fois de telles discriminations sur le plan juridique, en nous donnant la possibilité de les sanctionner.

Tel est le pas, important, que nous vous proposons de franchir ensemble, dans la lutte contre les discriminations.

Mme la présidente. Puis-je vous demander, madame Billard, de soutenir en même temps vos amendements nos 41 à 46 ?

Mme Martine Billard. Volontiers, madame la présidente, puisqu'ils ont le même objet.

L'adoption ou le rejet de l'amendement de mon collègue Patrick Bloche, ou des miens peut changer la vie d'un grand nombre de personnes...

Personne n'écoute, madame la présidente, ni M. le rapporteur, ni Mme la secrétaire d'État.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, madame Billard : vos collègues vous écoutent.

M. Philippe Vuilque. Les principaux intéressés n'écoutent pas !

Mme la présidente. Si, ils écoutent.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Tout à fait.

Mme Martine Billard. Ce vote peut en effet, je le répète, changer la vie d'un grand nombre de personnes !

L'article 1er du projet de loi prévoit que la Haute autorité ne peut se saisir que des discriminations prohibées par la loi, ce qui exclut, en l'état actuel des textes, la discrimination liée à l'identité de genre vraie ou supposée, qui n'est pas prévue par la loi. Or, nous le savons, ces discriminations existent et des personnes en sont les victimes. Si nous n'adoptons pas ces amendements, ces personnes continueront à être les victimes de ces discriminations sans pouvoir saisir la Haute autorité. Il serait logique qu'à ce moment-ci de la discussion nous adoptions ces amendements qui permettront à ces personnes de se voir reconnues et de saisir la Haute autorité, en vue d'être aidées dans leur lutte contre les discriminations dont elles sont les victimes, notamment pour l'accès au logement, qui fait l'objet de l'amendement no 42, et les questions liées au travail, qui font l'objet des amendements nos 43 à 46, l'amendement no 41 renvoyant quant à lui au code pénal.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mon avis est en effet strictement identique à celui que j'ai formulé au nom de la commission en début de séance, lorsque Mme Billard a proposé de créer une nouvelle incrimination en faveur des handicapés et d'autres catégories.

Il s'agit en l'occurrence des transsexuels. Je fais la même réponse que précédemment : ces dispositions ne sont pas l'objet du texte que nous discutons aujourd'hui. Elles entreront dans le cadre du texte sur l'homophobie qui viendra prochainement en discussion devant le Parlement, et que l'Assemblée nationale, si elle le souhaite, pourra amender en faveur de telle ou telle catégorie de personnes.

Je le répète : je ne suis pas défavorable sur le fond à ces amendements, mais les dispositions qu'ils prévoient n'ont rien à voir avec le présent projet de loi. Elles entreront dans le cadre du prochain texte, si l'Assemblée le veut.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Même avis.

À l'ouverture de la discussion, j'ai rappelé que le présent projet de loi avait pour objet d'installer une Haute autorité à droit constant. Il appartiendra à cette autorité, au travers de ses recommandations, de faire évoluer le droit positif.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ce n'est jamais le moment, voilà qui est désolant ! Je fais le pari devant l'Assemblée - je viendrai alors avec le Journal officiel - que lorsque nous discuterons au mois de décembre, à Pâques, à la Pentecôte ou à La Trinité, du projet de loi visant à pénaliser les propos homophobes et sexistes et que nous serons, Mme Billard, d'autres collègues et moi-même amenés à vous demander de prendre en compte l'identité de genre, vous nous répondrez alors qu'il s'agit de réformer la loi de 1881 sur la liberté de la presse et non le code pénal, le code du travail ou les lois concernant l'accès au logement ou celles régissant la fonction publique.

La création d'une Haute autorité...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La discussion sur le projet de loi ne va pas se poursuivre durant encore vingt minutes après le repas !

Mme la présidente. Monsieur Bloche, vous seul avez la parole.

M. Patrick Bloche. Je continue, en effet, madame la présidente !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Madame la présidente, vous ne pouvez pas quitter l'hémicycle tout en laissant la discussion se poursuivre indéfiniment !

Mme la présidente. M. Bloche, et lui seul, a la parole, monsieur Clément.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Ce n'est pas normal que vous laissiez la parole à qui la désire et que vous ne restiez pas jusqu'à la fin de la discussion du projet de loi. Lorsque l'on est au perchoir, on ne peut pas faire tout ce que l'on veut.

Mme la présidente. Je ne fais pas tout ce que je veux, monsieur Clément. Je fais respecter le règlement.

Monsieur Bloche, poursuivez, je vous prie.

M. Patrick Bloche. J'ai fini, madame la présidente et je vous remercie pour la qualité de votre présidence.

En l'occurrence, profiter de la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations pour élargir le champ des discriminations, c'est une occasion qu'il convient de saisir.

Je le répète : je reviendrai avec le Journal officiel lorsque nous discuterons de la réforme de la loi sur la presse de 1881 !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je serai très brève pour rappeler que, parfois, les modifications qui s'imposent concernent plusieurs textes de lois. Or, lorsque nous discutons d'une loi concernant un texte, il nous est chaque fois répondu qu'il n'est pas possible de toucher aux autres textes ! Ce n'est effectivement jamais le moment ! La prochaine fois, en effet, il s'agira ni du code pénal, ni du code du travail ni de la loi régissant les rapports locatifs. Madame la secrétaire d'État, des personnes sont tout de même victimes de telles discriminations !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je n'ai jamais dit le contraire, madame Billard, mais ce n'est pas l'objet du projet de loi.

Mme Martine Billard. La prochaine loi ne concernera pas non plus la modification du code pénal ni la modification des autres textes concernés ! Faut-il que nous déposions une proposition de loi ? Nous l'avons déjà fait. Elle ne passera pas.

Quand donc fera-t-on cette modification ? Ces personnes victimes de discriminations devront-elle attendre encore des années ? Ce serait dommage : l'occasion nous est donnée dès à présent sans que cela pose de problème juridique...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Rappel au règlement !

Mme la présidente. Je vous ai entendu, monsieur Clément. Vous aurez la parole quand Mme Billard aura terminé.

Mme Martine Billard. M. le rapporteur ne nous a pas répondu sur ce point, mais si ni les aspects juridiques, ni la rédaction ne posent problème, pourquoi renvoyer la décision à une date ultérieure, c'est-à-dire, comme c'est parti, à dans plusieurs années ?

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Clément, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Madame la présidente, que vous donniez la parole à nos collègues de l'opposition pour qu'ils disent rigoureusement la même chose qu'en début de séance sur un amendement similaire, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais l'on m'assure que vous avez un train à prendre et que vous devez partir à dix-neuf heures quarante-cinq. Pourrons-nous finir l'examen du texte en vingt minutes, ou faudra-t-il reprendre la discussion au début de la troisième séance, à vingt et une heures trente ?

Si vous voulez permettre à l'Assemblée d'achever le débat sur ce texte à dix-neuf heures quarante-cinq, évitez de donner ainsi la parole : ces propos sont strictement identiques à que nous avons déjà entendus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Philippe Vuilque. Ce rappel au règlement est scandaleux !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Pas du tout !

Vous engagez-vous à finir la séance, madame la présidente ? Vous ne pouvez donner la parole pour la quatrième fois à l'opposition, qui répète exactement la même chose !

M. Philippe Vuilque. Nous ne sommes pas là pour le confort de M. Clément !

Mme la présidente. Là n'est pas l'objet de la discussion, monsieur Clément ! Comme je m'y suis engagée, je serai remplacée et l'Assemblée pourra achever l'examen du texte au cours de cette séance. Je ne vois pas l'intérêt de votre rappel au règlement : j'ai pris des dispositions.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Parfait !

Mme Christiane Taubira. Une verveine pour M. Clément !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je vais mettre successivement aux voix les amendements nos 40 à 46.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je le répète, monsieur Clément, nous terminerons l'examen du texte au cours de cette séance, afin de ne pas avoir à revenir ce soir : nous en sommes tous d'accord et j'avais pris mes dispositions en ce sens.

M. Pascal Clément. La conférence des présidents a prévu que l'Assemblée commencera ce soir l'examen d'un autre texte, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 28.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à préciser la signification des termes « discrimination indirecte ». On pourra bien m'objecter que c'est là du bavardage : il n'empêche que l'expression figure dans le code du travail sans y être définie. Il faut s'en remettre à la jurisprudence pour en interpréter le sens.

Or une telle définition nous est fournie par une directive européenne que la France n'a pas intégralement transposée. L'adoption de cet amendement permettrait de compléter cette transposition.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 48.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement, je le confesse, relève totalement du domaine réglementaire, et j'autorise mes collègues à ne pas l'adopter. (Sourires.) Il vise à affirmer clairement que les personnels du Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations - le GELD - se verront offrir la possibilité d'être transférés à la Haute autorité. Cette mesure est proposée par sympathie pour ces personnels, et afin de les rassurer : il n'y aura pas rupture de contrat avec le GELD en cas de transfert.

M. Philippe Edmond-Mariette. Le Gouvernement en prend-il l'engagement ?

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

Avant l'article 17

Mme la présidente. Sur le titre II du projet de loi, je suis saisie de trois amendements, nos 11 rectifié, 24 et 2.

Les amendements nos 11 rectifié et 24 sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement n° 11 rectifié.

M. Frédéric Dutoit. J'ai moi aussi un train à prendre, madame la présidente, mais tant pis : je resterai ! (Sourires.) Je tiens en effet à dire quelques mots sur cet amendement.

Ici même, nous avons déjà débattu - si l'on peut dire, car ce n'était qu'une « niche » parlementaire - d'une proposition de loi tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, déposée par mon ami Michel Vaxès et par le groupe communiste.

Je ne reviendrai pas sur le contexte historique, colonialiste et fasciste dans lequel est apparu le mot « race ». À partir de 1945, les textes adoptés pour proscrire les discriminations fondées sur la « race » intervenaient en réaction contre le nazisme et le régime de Vichy.

Le problème est que, dans les lois postérieures à 1945 où apparaît le mot « race », celui-ci est suivi ou précédé des mots « religion », « nation », « ethnie » ou « origine », ce qui signifie que, pour le législateur, la « race » est une donnée objective, de même qu'est objective l'appartenance à une religion, à une ethnie ou à une nation, et qu'un tel concept renvoie à une réalité différente de la religion, de l'ethnie ou de la nation.

Pourtant, dans chacun des articles de loi où figure le mot « race », force est de constater que sa suppression ne permettra jamais, même à un juge peu scrupuleux, de se réfugier derrière cette absence pour ne pas condamner des comportements xénophobes. L'adjectif « xénophobe », au demeurant, s'utilise de manière appropriée en lieu et place de « raciste ». Voilà donc un argument supplémentaire à opposer à tous ceux qui défendent encore l'idée que la lutte contre le racisme implique que l'on conserve le mot « race » dans notre législation.

Enfin, il n'est pas inutile de répéter que le concept de « race » n'a plus la moindre légitimité scientifique. Depuis plus de trente ans, nombreux sont les scientifiques qui ont montré que, dans l'espèce humaine, les « races » n'existent pas et que, par conséquent, ce concept doit être définitivement réfuté et supprimé de notre législation.

Si je me rappelle bien l'amorce de discussion qui avait eu lieu lors de l'examen de la proposition de loi, tous nos collègues avaient reconnu la validité de notre argumentation. Il serait pour le moins surprenant que nous continuions à élaborer des textes de loi où est employé le terme de « race » !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. M. Lurel m'a demandé de défendre son amendement n° 24.

M. Dutoit n'a fait que répéter ce que M. Lurel, M. Vaxès et lui-même ont affirmé à plusieurs reprises. Régulièrement, nous demandons que l'on en arrive un jour à la suppression du mot « race », mais ce n'est jamais le moment ! Ce serait pourtant un symbole fort pour la lutte contre les discriminations. Le mot figure dans le préambule de la Constitution de 1946 et il est repris dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. C'est bien là le problème !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La commission des lois a déjà longuement débattu de cette question avec le groupe communiste. Le problème ne concerne pas le fond : tous vos arguments sont parfaitement fondés, mes chers collègues. Mais l'article 1er de la Constitution de la République française comprend le mot « race ». Il faudrait donc une modification de la Constitution et tout ce qui s'ensuit.

M. Frédéric Dutoit. Bien sûr !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cela suppose une proposition de résolution constitutionnelle, et non pas un amendement déposé au détour d'un projet. La procédure n'est pas juridiquement recevable, même si, sur le fond, je suis d'accord et si tout le monde vous donne raison sur le plan philosophique.

Commencez donc par déposer une proposition de résolution constitutionnelle visant à amender l'article 1er de la Constitution : nous irons à Versailles la voter et nous la déclinerons ensuite dans tous les textes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je partage l'avis du président Clément, d'autant que nous transposons une directive dans laquelle le mot figure et que cette transposition doit être complète. Mais nous pourrions faire un pas en supprimant le mot « race » dans le titre II du projet de loi.

Avis favorable, donc, pour cette suppression.

Mme la présidente. Notez bien que les amendements ne concernent que le titre...

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je peux rejoindre l'avis du Gouvernement, car effectivement le titre n'a aucune valeur juridique.

M. Philippe Vuilque. Ce sera un symbole.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Sur le symbole, je n'ai pas d'objection.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11 rectifié et 24.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 2.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement tend à rectifier une date.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 12, portant article additionnel avant l'article 17.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir cet amendement.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement ne concerne pas directement la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Néanmoins, il traduit parfaitement notre volonté de ne pas laisser à cette instance le monopole de l'information et de la sensibilisation à ce combat.

Nous considérons que l'éducation nationale est un acteur primordial dans la lutte contre les discriminations : c'est dès le plus jeune âge que les enfants doivent être sensibilisés au respect entre les personnes.

C'est pourquoi il conviendrait de dispenser un enseignement à l'école primaire sur ces questions de xénophobie, d'antisémitisme, d'homophobie, et, de manière générale, sur toutes les discriminations. Il faut permettre aux enseignants de répondre à toutes les interrogations que les enfants auront sur ces sujets. Ceux-ci seront alors capables d'appréhender ces phénomènes de rejet et à en mesurer les conséquences, ce qui leur permettra de mieux les combattre.

Il convient de poursuivre cet enseignement au collège en l'intégrant aux cours d'éducation civique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Sur la forme, je suis réticente, car l'amendement ne concerne pas le texte en discussion...

M. Frédéric Dutoit. Oui : c'est un cavalier !

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. ...mais sur le fond, je vous rejoins volontiers, monsieur Dutoit : il s'agit aussi d'égalité des chances.

Avis défavorable, cependant.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 17

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, inscrit sur l'article 17.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je renonce à m'exprimer, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 49.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement tend à insérer dans le premier alinéa de l'article 17 les mots « d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris des avantages procurés par elle, » après les mots « de biens et services, ». On transpose ainsi le principe de non-discrimination en matière d'affiliation à une organisation syndicale, explicitement visé par la directive du 29 juin 2000.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 21 rectifié et 38, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 21 rectifié.

M. Patrick Bloche. Je reprends la critique que nous avions formulée lors de la discussion générale, et qui était fondée sur le caractère trop restreint, à notre point de vue, de la transposition de la directive du 29 juin 2000.

Nous aurions beaucoup aimé que le Gouvernement prenne l'initiative, dans ce projet de loi, d'élargir l'aménagement de la charge de la preuve. La directive ne le prévoit pas, mais elle offre la possibilité d'aller plus loin dans la transposition.

Dans ce cadre européen, où se sont développées des législations contre les discriminations, nous pourrions donner un signe en adoptant une démarche universaliste. Nous pourrions faire en sorte d'élargir l'aménagement la charge de la preuve à tous les motifs de discrimination visés par l'article 225-1 du code pénal - dont le sexe, les orientations sexuelles, le handicap, notamment.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 38.

Mme Martine Billard. Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Par ailleurs, il prévoit de faire explicitement référence à l'article 225-1 du code pénal.

De cette manière, toutes les discriminations concernées seront également prises en compte dans l'article 17. Et l'on évitera qu'il y ait des différences de contenu entre les articles des différents codes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 13 et 25.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 13.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement n° 25.

M. Frédéric Dutoit. J'ai bien entendu que l'on avait supprimé le mot « race » dans le titre mais que, pour des raisons juridiques, il n'était pas possible de le supprimer dans le corps du texte.

Je tiens néanmoins à insister, dans la mesure où, à l'Assemblée nationale, nous recherchons l'unanimité s'agissant de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Nous nous honorerions en déposant une proposition de résolution en vue de modifier la Constitution. En effet, dans notre pays, comme d'ailleurs dans cette Europe que nous voulons fraternelle et solidaire, il convient de ne pas conserver ce terme de « race » dans les textes officiels. Nous aurions tous intérêt à agir dans ce sens.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 13 et 25.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 55.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour le soutenir.

M. Philippe Edmond-Mariette. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La commission n'a pas examiné l'amendement, mais à titre personnel, j'émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 22, 37 et 56.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Patrick Bloche. Nous avons discuté de cette question en commission et nous pensons que nos amendements, malgré leur brièveté, méritent quelque attention.

La directive du 29 juin 2000 prévoit d'aménager la charge de la preuve devant les juridictions civiles. En effet, dans la plupart des pays de l'Union européenne, la juridiction administrative n'est pas aussi élaborée et présente que chez nous.

Nous proposons par cet amendement que le renversement de la charge de la preuve, qui bénéficie à la personne discriminée dans un contexte privé, concerne aussi bien les juridictions civiles que les juridictions administratives. Il serait extraordinaire que, si la discrimination est commise par une personne publique, la transposition de la directive ne s'applique pas et que le renversement de la charge de la preuve ne bénéficie pas à la personne discriminée.

Cet amendement répond à un besoin d'égalité. La France possède une juridiction administrative ancienne et bien établie et nous souhaitons que la puissance publique ne déroge pas à ce renversement de la charge de la preuve.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 37.

Mme Martine Billard. Je considère que cet amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour soutenir l'amendement n° 56.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je tiens à souligner que le Haut conseil à l'intégration, dans ses rapports de 2000 et de 2001, a rappelé que c'était dans l'administration française qu'il avait eu le plus de mal à obtenir des précisions et des éclaircissements.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. En effet !

M. Philippe Edmond-Mariette. Il ne faut pas exonérer celle-ci. Appliquons-lui donc l'article 8 de la directive de 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je rends hommage à mes collègues, qui m'ont fait réfléchir. On m'avait répondu une ânerie, à savoir que ce n'était pas possible, dans la mesure où le juge administratif était un juge inquisitorial. Mais n'est-ce pas aussi le cas du juge judiciaire ?

Il n'y a aucune raison pour que l'inversion de la charge de la preuve, qui est recommandée dans les relations privées, ne s'applique pas de manière symétrique dans les relations entre les citoyens et l'administration publique. Or l'administration a pris l'habitude de se protéger.

En l'occurrence, un chef d'entreprise - j'ose un « gros mot » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - pourra se voir opposer l'inversion de la charge de la preuve. Le citoyen qui s'estimera lésé amènera son récit sans avoir à fournir de preuves, et ce sera au chef d'entreprise de se défendre. Alors que l'administration n'aurait pas à se défendre, le citoyen victime devrait fournir la preuve de la discrimination ?

Vous avez raison. Il doit y avoir symétrie complète entre le public et le privé. Avis très favorable, donc. (« Merci ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Je partage complètement cette approche. Il me semblait important d'affirmer clairement les choses. Avis favorable du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 22, 37 et 56.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. Maurice Leroy. C'est la nuit du 4 août ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 17

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 39, portant article additionnel après l'article 17.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir cet amendement.

Mme Martine Billard. J'insiste sur cet amendement. Si l'on veut que la haute administration soit connue de nos concitoyens, il faut que ceux-ci disposent des informations nécessaires, que les médias ne leur fournissent pas forcément.

Le monde du travail est, par ailleurs, l'un des lieux où les discriminations sont très fortes. Il me semble donc important que l'on fasse connaître aux salariés l'existence de la Haute autorité. Je pense plus particulièrement aux salariés des petites entreprises qui ne disposent pas de panneaux syndicaux pour diffuser l'information.

Voilà pourquoi nous proposons que la notice d'information que le code du travail oblige à donner au salarié au moment de son embauche renvoie à l'article du code pénal relatif aux discriminations, informe sur l'existence de la Haute autorité et la manière de la saisir. On donne bien au salarié les coordonnées de l'inspection du travail ; autant lui donner aussi celles de la Haute autorité.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Défavorable.

Mme Martine Billard. Mais pourquoi ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 18

Mme la présidente. L'article 18 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 4 et 23, tendant à supprimer l'article 19.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l'amendement n° 4.

Mme Anne-Marie Comparini. Je retire cet amendement. En effet, le Gouvernement a déposé un amendement n° 59, qui répond à la vive préoccupation qui était la mienne, celle de la mise à disposition de la Haute autorité d'un service téléphonique gratuit.

Mme la présidente. L'amendement n° 4 est donc retiré.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 23.

M. Philippe Vuilque. Nous avions indiqué en commission que la manière dont l'article 19 était rédigé était une ânerie puisqu'il aurait abouti à supprimer purement et simplement un service téléphonique connu de tout le monde, le 114.

Nous sommes satisfaits que le Gouvernement le reconnaisse et qu'il ait déposé l'amendement n° 59 où il reconnaît l'utilité du 114 et où il précise que la Haute autorité pourra l'utiliser.

Il n'a donc pas été inutile que nous « montions au créneau » en commission.

(M. Maurice Leroy remplace Mme Paulette Guinchard-Kunstler au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 23 ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Nous sommes tous d'accord pour considérer que le 114 commence à être populaire, que le GELD avait commencé ce travail et qu'il serait dommage de le laisser disparaître.

Cela dit, nous considérions en commission que c'était dans la mission de la Haute autorité de trouver les voies et moyens de son fonctionnement, et donc que cela relevait du règlement.

Voilà pourquoi nous avons rejeté cet amendement, pour des raisons de forme plus que de fond.

La préfiguration laissait entendre que le 114 n'avait pas donné pleinement satisfaction. La commission n'a pas d'élément pour en juger elle-même. Mais autant garder un système très voisin, sinon identique - dans la mesure où cela est techniquement possible -, comme cela ressort d'ailleurs des amendements qui ont été déposés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Pendant tout ce débat, nous avons évoqué la notion de proximité, qui passe bien évidemment aujourd'hui par l'accueil téléphonique. Nous avions laissé entendre qu'il était important que la Haute autorité puisse accueillir. Cela étant, vous avez pu constater, par son amendement, que le Gouvernement s'engage et je souhaite bien évidemment que cet amendement soit adopté.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Tous les commissaires, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, ont insisté sur l'importance qu'il y avait à clarifier le devenir du 114. Nous étions tous d'accord pour qu'au cours du débat en séance publique le Gouvernement se positionne sur cette question, ce qu'il a fait. Lors de mon intervention au nom du groupe UMP, j'avais exprimé le souhait que Mme la secrétaire d'État nous donne des informations et des garanties. Nous constatons avec beaucoup de satisfaction que certaines garanties orales ont été apportées hier et que le Gouvernement, par le biais de son amendement, va même beaucoup plus loin. En effet, il y précise de manière très efficace le devenir du 114. Il répond ainsi tout à fait à notre attente Je tenais à le relever et à indiquer que le groupe UMP votera l'amendement gouvernemental.

Je terminerai en faisant une suggestion à mes collègues de l'opposition.

Nous étions d'accord sur l'analyse, nous sommes d'accord sur le résultat. Que nos collègues retirent l'ensemble de leurs amendements, afin que nous ne soyons pas amenés à voter contre, ce qui serait stupide et constituerait, là encore, une ânerie. Nous pouvons tous nous retrouver sur l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Pour participer à cette réflexion commune - avec de la bonne volonté, on y arrive ! -, je pense que cet amendement va dans le bon sens. D'ailleurs, j'avais déposé un amendement similaire. Il faut conserver l'esprit du « 114 » dans la Haute autorité et permettre aux citoyens de la saisir, pour répondre au souci de proximité que j'ai pu évoquer par ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Pour les mêmes raisons, nous retirons l'amendement n° 23 et nous voterons l'amendement proposé par le Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 59, 14 et 26 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 14 et 26 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 59 du Gouvernement a déjà été défendu.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé.

Après l'article 19

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60, portant article additionnel après l'article 19.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir cet amendement.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Le Médiateur de la République est impliqué de façon extrêmement importante dans le processus d'accès aux droits. Chacun connaît sa contribution à l'amélioration des relations entre les administrations et le public.

Au fil des années, les modes de saisine ont évolué, notamment en raison du développement des technologies. En 1973, le législateur avait prévu une saisine par l'intermédiaire d'un parlementaire. L'amendement n° 60 a pour objet d'ouvrir un autre type de saisine, là encore pour faciliter la proximité.

En 2003, le Médiateur a été saisi de plus de 55 635 affaires : 60 % des réclamations provenaient de députés et de sénateurs, 40 % étaient passées par l'Internet ou par le courrier. Il s'agit donc de suivre l'évolution des technologies.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement, qui nous arrive tout à trac,...

M. Philippe Vuilque. Comme vous dites !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. ...est très intéressant.

M. Jacques Remiller. C'est la cerise sur le gâteau !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La question est de savoir si le Médiateur, qui, jusqu'à présent, ne peut être saisi qu'à travers le filtre parlementaire, pourrait aujourd'hui se dispenser de ce filtre.

Le Médiateur m'a expliqué au téléphone que de plus en plus de Français le saisissent directement et qu'il est obligé de demander à des parlementaires de bien vouloir estampiller leur demande. Il trouve cela très dommage. Je reconnais que sa position se défend. D'un autre côté, je vois la Cour de cassation rêver d'avoir un filtre parce qu'elle est submergée de pourvois. Depuis des années, le procureur général et le premier président me pressent de trouver un filtre. Je trouve cette dissymétrie amusante.

Par ailleurs, beaucoup de parlementaires, et statistiquement plus de députés que de sénateurs, travaillent sur les problèmes que leur soumettent les citoyens qui viennent les rencontrer et exercent leur fonction de filtre en leur expliquant pourquoi leur affaire ne relève pas, le cas échéant, du Médiateur. Les gens rentrent chez eux, pas forcément contents, mais en tout cas avec une explication. D'autres parlementaires, me dit-on, se contentent de jouer les « boîtes aux lettres », ne donnent aucun avis et, de peur de dire non, envoient la réclamation, qui vient encombrer le Médiateur.

Quand j'ai informé mes collègues de la commission des lois de l'arrivée de cet amendement, leur réaction fut extrêmement mauvaise. Pour ma part, je ne l'ai pas dit au Médiateur. Je lui ai seulement dit que, s'il souhaitait être littéralement inondé de demandes, il n'avait qu'à proposer cette mesure. Ce fut ma seule réaction.

Ce texte aura un effet indirect sur le Médiateur, car toutes les affaires opposant l'administration et les victimes de discrimination et de sexisme n'iront plus vers lui mais vers la Haute autorité. En ce sens, cet amendement n'est pas un cavalier absolu. Mais ce n'est pas le contraire non plus. (Sourires.)

Je ne sais trop que dire. J'ai du mal à dire non, puisque je ne l'ai pas dit au Médiateur. Mais je ne peux pas ne pas constater le grand scepticisme des commissaires aux lois. J'en appelle donc à la sagesse de l'Assemblée. (Rires.)

M. le président. Qui va sans doute être éclairée !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Après ce que j'ai dit, c'est sûr !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann. J'abonde dans le sens du président de la commission des lois et j'approuve ses sages paroles. Je prononcerai le mot qu'il n'a pas dit ce soir : le mot « non ». (Sourires.)

Je relève d'abord un problème de forme. Au moment où chacun accorde tant d'attention à la qualité des travaux parlementaires, un amendement, qui ressemble à s'y méprendre à un cavalier, présenté au dernier moment sans être passé par la commission, ne me semble pas être un gage de respect de ce travail.

Sur le fond, ensuite, la question mérite débat. Après discussion avec plusieurs de nos collègues, je dois dire que l'expérience que l'on a du fonctionnement du Médiateur n'est pas mauvaise.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est une bonne expérience !

M. Jean-Luc Warsmann. Je ne suis pas choqué que certains de nos concitoyens aillent voir directement un délégué du Médiateur. Celui-ci analyse la situation et, s'il pense qu'il faut poursuivre, renvoie vers un parlementaire.

Mme Anne-Marie Comparini. Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann. Beaucoup de nos concitoyens s'adressent directement aux parlementaires, qui font leur travail, même si celui-ci n'apparaît pas dans les statistiques du Médiateur lorsqu'il aboutit à renvoyer vers un autre organisme. Par ailleurs, le fait que les personnes désireuses de saisir le Médiateur passent dans nos permanences nous éclaire sur les dysfonctionnements du droit positif en France.

Pour toutes ces raisons, de forme et de fond, j'appelle l'Assemblée à refuser cet amendement.

M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Vous ne serez pas surpris que le groupe socialiste - comme sans doute l'opposition -, proteste avec véhémence contre la manière dont la représentation nationale est traitée.

Nous avons fait un travail, le 22 septembre, en commission des lois et dans le cadre de la procédure dite de l'article 88 du règlement, mardi matin. Cet amendement n'existait alors pas. On nous demande de légiférer dans un domaine sensible pour nos concitoyens, puisqu'il s'agit de limiter ce qu'on appelle communément les abus de l'administration, sans avoir aucune évaluation des conséquences de ce que nous votons. Nous avons pris l'habitude, au fil des années, de travailler avec des études d'impact, des bilans. On nous dit que cela ne changera rien. Je voudrais en être sûr.

Je pense que le filtre parlementaire contribue à une moindre saisine du Médiateur. Autoriser dès demain la possibilité de saisine directe du Médiateur aboutira à l'engorgement de ses services par des demandes non triées, alors que nous assumions jusqu'à présent cette tâche de tri.

M. Jacques Remiller. Tout à fait !

M. Patrick Bloche. À ma connaissance, ses moyens ne sont pas substantiellement augmentés dans le projet de loi de finances et, alors qu'il n'arrive déjà pas à traiter les demandes dans des délais raisonnables du fait de la lenteur de l'administration à répondre à ses interpellations, je crains qu'on ne porte un mauvais coup à l'institution du Médiateur de la République plus de trente ans après sa création.

On nous demande donc de voter un cavalier parlementaire, déposé au dernier moment sans que nous en ayons été avertis, l'opposition l'ayant même découvert dans la liasse des amendements,...

M. Jacques Remiller. Tout comme nous !

M. Patrick Bloche. ...sans évaluation et sans bilan.

Mais il y a plus grave. Le Gouvernement nous place dans une situation délicate : si nous refusons ce soir la saisine directe, l'image, déjà dégradée, de la représentation nationale...

M. Jean-Luc Warsmann. Mais non !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous me faites peine !

M. Patrick Bloche. ...risque d'être encore ternie, car nous donnerons à nos concitoyens l'impression d'avoir voulu garder je ne sais quel privilège ou pouvoir de filtrage.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il ne s'agit pas de cela !

M. Patrick Bloche. Certes non. Je voudrais seulement vous alerter : je crains que nous ne nous rendions extrêmement impopulaires en refusant collectivement, comme nous y invitent M. Warsmann et la sagesse très orientée du président de la commission, cette saisine directe.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il ne faut pas craindre l'impopularité !

M. Patrick Bloche. Le Gouvernement nous joue un bien mauvais tour. Le groupe socialiste ne participera pas au vote.

Mme Martine Billard. La sagesse voudrait que le Gouvernement retire l'amendement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Il faut parfois prendre le risque de l'impopularité. Au moins ne serons-nous pas taxés de clientélisme ! Si l'unanimité s'exprime sur l'ensemble des bancs, le Gouvernement devra revenir sur ce cavalier à la monte mal assurée, le cheval ayant de bien mauvais sabots. La rédaction aurait dû mentionner, d'abord, une saisine directe, ensuite, la saisine éventuelle par les parlementaires.

Pour les mêmes raisons que celles exprimées par les uns et les autres, de notre côté nous voterons contre.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, souhaitez-vous, au galop, retirer l'amendement ? (Rires.)

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Le Gouvernement entend, bien entendu, laisser tout leur rôle aux parlementaires. Nous savons combien ils ont à cœur d'accueillir, de conseiller, d'orienter. Il s'agissait simplement d'ouvrir à ceux qui le souhaitent la possibilité de saisir directement le Médiateur.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Philippe Vuilque. Vous serez battue !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Une évolution sera sans doute nécessaire.

M. Philippe Vuilque. Mais ce n'est pas le moment !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Il vaudrait mieux, à mon avis, retirer cet amendement plutôt que le laisser battre.

Mme Anne-Marie Comparini. Cela demande une séance de travail !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Si on laisse battre l'amendement,...

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est embêtant !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. ...c'est ennuyeux pour la réflexion, qui risque d'être retardée de plusieurs années. Mieux vaudrait en reparler le moment venu, en suivant la procédure.

M. Philippe Vuilque. Comme si elle n'avait pas existé !

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je conseille au Gouvernement de retirer l'amendement. Ce serait moins grave pour le Médiateur. Sinon, je crains que le pli ne soit pris.

M. Philippe Vuilque. Nous venons à votre secours, madame la secrétaire d'État !

M. Jean-Luc Warsmann. C'est une sage proposition !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. La discussion parlementaire est un long fleuve, plus ou moins tranquille, avec différentes étapes. Je vous propose de retirer l'amendement ce soir, ce qui vous laissera le temps d'y travailler. Je ne doute pas que nous pourrons y revenir dans un autre contexte.

M. Jean-Luc Warsmann et M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 60 est retiré et l'Assemblée nationale, unanime, remercie Mme la secrétaire d'État.

M. Pierre-Louis Fagniez. On a failli être impopulaires !

Article 20

M. le président. L'article 20 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 20 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche. Après l'épisode de l'amendement gouvernemental qui avait peu de rapport avec l'objet du projet de loi mais qui s'inscrivait dans la logique de la saisine directe déjà à l'œuvre pour le Médiateur européen et vingt-trois des vingt-cinq médiateurs des États de l'Union européenne, je tiens à préciser, tout d'abord, pour que les choses soient claires, que le groupe socialiste ne peut qu'être favorable à la saisine directe. Mais, comme toute chose, cela se prépare et je me félicite que le Gouvernement ait retiré son amendement. Nous reverrons cette question ultérieurement.

Dans le cadre des explications de vote, je souhaite revenir sur le débat qui, après avoir été amorcé en commission, s'est déroulé dans cet hémicycle. Il a permis des échanges constructifs et la confrontation des arguments des uns et des autres mais, en grande partie parce que la quasi-totalité de nos amendements ont été rejetés, nous restons globalement insatisfaits.

Nous considérons que l'institution que vous nous proposez de créer reste très en deçà à la fois du discours prononcé par le Président de la République à Troyes le 14 octobre 2002, des préconisations du rapport Stasi et des attentes des associations de lutte contre les discriminations, que nous avons essayé en vain de placer au cœur du dispositif.

La Haute autorité ne sera qu'un observatoire, chargé d'une mission d'expertise. Son rapport annuel nous informera de l'état des discriminations dans notre pays. Elle pourra certes saisir le juge, mais nous regrettons qu'elle n'associe pas les acteurs de terrain de la lutte contre les discriminations et qu'elle n'ait pas, en plus du rôle de médiation qui lui est reconnu dans le projet de loi, un rôle d'assistance aux victimes. C'est pourquoi notre demande de territorialisation nous paraissait aussi importante.

De la même façon, nous regrettons que vous ayez transposé a minima la directive communautaire du 29 juin 2000.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, auquel s'associe Mme Billard, se trouve malheureusement contraint de s'abstenir sur ce qui apparaissait au départ comme une bonne idée.

M. le président. Mes chers collègues, un petit point d'ordre.

Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 54 de notre règlement, le président ne peut autoriser des explications de vote qu'à raison d'un orateur par groupe. Cela étant, dans la mesure où le débat se déroule dans de bonnes conditions et que nos collègues non inscrits ont demandé à s'exprimer,...

M. Jacques Remiller. Soyez généreux, monsieur le président !

M. le président. ...je prends sur moi, compte tenu de l'importance de ce texte, de les y autoriser.

M. Guy Geoffroy. Quelle ouverture ! Bravo, monsieur le président !

M. le président. Je leur demande cependant d'être brefs afin de permettre à nos débats de se terminer dans de bonnes conditions. Enfin, mon geste ne saurait faire jurisprudence. N'oublions pas qu'il existe un règlement que je suis chargé d'appliquer dans cette assemblée.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Je ne peux que répéter que je ne m'opposerai pas à la création de la Haute autorité. Les discriminations s'aggravent et s'étendent. La responsabilité de l'État tout comme celle des forces politiques sont décisives.

Il s'agit de questions centrales et déterminantes pour l'avenir. C'est pour une bonne part en fonction des réponses qui y seront apportées et de la lutte contre toutes les discriminations que se dessinera le type de société que nous léguerons aux générations futures.

Notre société est à la croisée des chemins. Les valeurs fondatrices de la République - la liberté, l'égalité et la fraternité - resteront-elles l'horizon ? L'égalité de droit sera-t-elle ou non la règle ?

Je n'oublie pas les résultats des élections du 21 avril 2002 et je veux comprendre la nature de ce recul de la conscience sociale et républicaine. Tout démontre que la situation n'est malheureusement pas conjoncturelle. Elle est aujourd'hui aggravée par les politiques sécuritaires et discriminantes, qui mettent en cause les droits sociaux, les services publics et stigmatisent les migrants.

Comme le démontrent les rapports de la commission consultative des droits de l'homme, mise en place par la loi Gayssot, trop de résidents, jeunes et moins jeunes, salariés ou non, citoyens français, migrants ou non, sont victimes de discriminations et trop d'hommes et de femmes finissent par s'en accommoder et par y chercher des réponses à leurs propres souffrances. D'actes quotidiens en paroles publiques, les discriminations, les exclusions, les rejets de l'autre propagent des dérives sexistes, des formes de racisme, de xénophobie et d'homophobie.

La question des discriminations est récurrente. Le constat n'est pas nouveau. Il est donc nécessaire d'agir. C'est pourquoi je soutiens, bien évidemment, tout ce qui va dans le sens de cette lutte. Mon engagement politique trouve sa raison d'être d'ailleurs dans la lutte contre toutes les discriminations, toutes les dominations, toutes les exploitations et toutes les aliénations. Je veux faire le pari d'une société en rupture avec l'état actuel caractérisé par la marchandisation généralisée et mondialisée. Autrement dit, je veux faire le pari d'une société dans laquelle l'égalité et la réciprocité des droits, ainsi que la justice garantissent à tous de s'épanouir dans la sécurité. L'éradication des discriminations est l'une des principales raisons de notre action pour une démocratisation permanente de la République et pour le projet d'une autre Europe, celle de la justice.

La lutte contre toutes les discriminations est un devoir civique auquel nul ne doit déroger. L'égalité de droit, inscrite dans la Constitution, les lois antiracistes, la loi du 5 novembre 2001 contre les discriminations, la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, les textes européens contre les discriminations sont pour moi les bases définissant le cadre des missions de la Haute autorité. Nous devons d'ailleurs tous faire de la lutte contre toutes les discriminations une grande cause nationale.

Malheureusement, le Gouvernement n'a pas suivi toutes nos propositions. C'est pour cette raison que, sans m'opposer à la création de la Haute autorité, je m'abstiendrai sur l'ensemble du texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Je vous remercie, monsieur le président. J'apprécie votre jurisprudence...

M. Guy Geoffroy. Ce n'en est pas une !

M. Philippe Edmond-Mariette. ...et vous promets d'être bref. (Sourires.)

M. Jacques Remiller. La méthode ne vaut que pour ce soir !

M. Philippe Edmond-Mariette. Je retiens de la démarche que nous avons adoptée ce soir la grande idée qui la porte, à savoir celle à la fois de transposer une directive européenne et de mettre en place un outil permettant d'en mesurer les effets sur le terrain pour l'ensemble des minorités et des personnes discriminées. Vous comprendrez, madame la secrétaire d'État, que le parlementaire « trop visible » que je suis, même si, sur un certain nombre d'amendements, il n'a pas été totalement satisfait, vote pour la création de la Haute autorité.

Sa hauteur, je souhaite qu'aucune toise ne vienne la bloquer car il est des postures morales qui, de tout temps, forcent le respect. Le combat que nous devons mener est celui pour une République une et indivisible. Veillons à ce que le décret à venir ne soit pas abandonné à l'encre trop sèche d'un manque de sensibilité et que ceux qui auront la charge de nommer les dix membres qui siégeront aux côtés du président pressenti ne désignent pas cinq Maghrébins et cinq « blacks » !

M. Jacques Remiller. Très bien !

M. le président. Merci, monsieur Edmond-Mariette. Je ne regrette pas d'avoir ce soir dérogé à la lettre de notre règlement.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe Union pour la démocratie française.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est des jours où l'on se doit de dire les choses telles qu'elles sont. Il n'aura échappé à personne que la France figurait parmi les derniers pays européens à ne pas avoir d'instance indépendante permettant de lutter contre les discriminations et pour l'égalité. Mesurons donc le chemin parcouru et le travail accompli : la France va être dotée d'une Haute autorité qui se veut proche de nos concitoyens et accessible. Aujourd'hui est pour moi un beau jour et j'en remercie le Gouvernement.

Comme vous l'avez remarqué, madame la secrétaire d'État, depuis hier soir, nous avons tous, dans nos interventions comme dans nos amendements, fait référence à plusieurs mots clés, tel celui de symbole, afin de bien montrer aux femmes et aux hommes victimes de discriminations que nous entendions leur apporter un outil d'appui, de soutien et d'accompagnement. Je tiens à rendre hommage au travail qui a été accompli en commun depuis vingt-quatre heures et qui était déjà en germe dans les travaux de la commission.

C'est donc avec joie que je voterai pour cette Haute autorité.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Le groupe UMP était soucieux, tout le monde le sait, de voir se traduire dans les faits, le plus rapidement et le plus efficacement possible, l'engagement pris par le chef de l'État il y a deux ans lors de son discours à Troyes. C'est la raison pour laquelle nous étions très satisfaits de la mission de préfiguration qui a été rapidement confiée au président Stasi et qui l'a conduit, par le rapport et les propositions qu'il a remis au Gouvernement en début d'année, à préparer le travail qui nous réunit depuis hier en séance publique.

C'est un bon texte. Contrairement à ce qu'ont dit nos collègues socialistes, l'instance qui va être créée ne sera pas un observatoire de plus dont l'intérêt n'aurait d'égal que la fadeur. C'est bien plus. C'est une Haute autorité, chargée d'un certain nombre de missions et mue par un certain nombre d'ambitions et qui disposera - cela n'a été contesté par personne - de moyens d'agir.

La commission des lois a fait un bon travail, dans une bonne ambiance et, si le texte qui nous a été soumis était, certes, perfectible, il était proche de notre ambition de donner à nos concitoyens victimes de discriminations, grâce à la création de cette Haute autorité, la possibilité, qui jusqu'à présent ne leur était offerte que de manière éparse et insatisfaisante, de voir leurs préoccupations, leurs interrogations, leurs demandes être véritablement prises en compte.

Au sein de cet hémicycle, la disponibilité du Gouvernement - du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale hier, de Mme la secrétaire d'État hier et aujourd'hui - et le travail effectué en séance publique ont permis d'améliorer substantiellement le texte...

M. Patrick Bloche. Marginalement !

M. Guy Geoffroy. ...et les quelques pas en direction de nos collègues de l'opposition n'étaient pas, contrairement à ce qu'ils ont pu dire, motivés par la recherche d'un vote unanime mais découlaient directement de notre propre réflexion sur la manière d'améliorer le texte.

Je tiens également, au nom du groupe UMP, à remercier le Gouvernement d'avoir fait preuve de sagesse à propos de son amendement de dernière minute. Nous pouvons comprendre que le Médiateur de la République s'interroge sur la nécessaire convention qu'il faudrait créer entre les deux instances - nous en avons pris acte - et sur les conditions de sa saisine puisque la Haute autorité permettra - et c'est là ce qui fait son originalité - la saisine directe. L'hypothèse n'est en aucun cas écartée mais tout cela nécessite la poursuite de la réflexion.

Pour l'heure, tant sur le texte que sur le travail accompli dans cet hémicycle, le groupe UMP est très satisfait et c'est avec un enthousiasme serein qu'il votera le projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la secrétaire d'État, les députés Verts n'avaient, au début de l'examen de ce texte, qu'une seule conviction : ils savaient qu'ils ne voteraient pas contre. Mais ils s'interrogeaient. J'aurais bien aimé voter pour, mais certains aspects du texte m'en empêchent.

L'avancée obtenue à propos du 114 est positive. Mais un désaccord subsiste quant à la place des associations. La Haute autorité permettra à de nombreuses personnes victimes de discriminations de savoir où s'adresser. C'est un élément appréciable. Je regrette cependant que le Gouvernement ait refusé l'amendement qui visait toutes les discriminations, au-delà de celles prohibées par la loi, ainsi que l'amendement visant les personnes transgenres, laissant ces dernières ainsi que d'autres catégories de personnes en dehors du dispositif.

Cela m'amènera - et je m'exprime au nom des trois députés Verts - à m'abstenir dans le vote sur le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Je souhaite remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, avec conviction et compétence, tant en commission qu'en séance publique.

Je voudrais interpréter l'abstention de l'opposition comme une « abstention positive », non pas pour le Gouvernement ou pour la majorité qui défend ce texte.

Le texte précise que la Haute autorité devrait présenter chaque année les « bonnes pratiques ». C'est le côté exemplaire qui est l'une des deux missions de cette Haute autorité.

Si, dans cette affaire, le Parlement restait sur un désaccord, soit idéologique, soit d'une autre nature, il se trouverait en situation de faiblesse par rapport au message de tolérance et de respect de l'autre qu'il souhaite faire passer. Ce message doit être unanime sur nos bancs. Il ne s'agit pas du tout d'une affaire idéologique.

Ainsi que cela a été rappelé, le Président de la République a longuement insisté dans son discours sur sa volonté de mettre en place cette Haute autorité.

Le traité d'Amsterdam de 1997 exigeait que les pays de l'Union y participent. A cet égard, je voudrais apporter une petite rectification : sur les vingt-cinq États membres de l'Union, cinq ont constitué un organisme indépendant chargé de lutter contre les discriminations. Nous sommes donc le sixième pays à nous conformer aux directives européennes. Sans doute ne sommes-nous pas les premiers à le faire mais, franchement, on ne saurait prétendre que nous soyons les derniers. Nous aurions pu légiférer depuis 1997 ; nous le faisons en 2004.

J'espère, madame la secrétaire d'État, que le texte sera adopté conforme par le Sénat. Il serait, en effet, souhaitable que nous aboutissions à une sorte d'unanimité du Parlement.

Je tiens enfin à remercier une nouvelle fois le Gouvernement, les membres de la commission des lois et l'ensemble de notre assemblée.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Patrick Bloche. Le groupe socialiste s'abstient.

Mme Martine Billard. Abstention !

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État à l'intégration et à l'égalité des chances. Si vous le permettez, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je retiendrai encore votre attention quelques minutes.

La mise en place de la Haute autorité était effectivement pour notre pays un moment très important. Le Président de la République l'a rappelé.

Le travail accompli par M. Bernard Stasi nous a permis d'ébaucher ce texte.

Je voudrais remercier la commission, dont le travail considérable nous a permis de progresser. Je me réjouis également que ce texte ait été enrichi durant ces deux jours de séance publique.

La Haute autorité sera dotée de moyens financiers : 10,7 millions d'euros dès 2005. Elle sera présente sur l'ensemble du territoire, car nous avons voulu privilégier la proximité. En effet, la lutte contre la discrimination est l'affaire de l'ensemble de nos concitoyens.

Les discussions nous ont permis d'avancer. Nous avons accepté les amendements visant à appliquer le principe de parité dans la mise en place du collège, mais aussi à assurer la représentativité des personnalités qualifiées.

Nous avons également entendu votre message concernant l'accueil téléphonique, car c'est également un élément fondamental de proximité.

Vos amendements nous ont également permis de préciser la procédure - élément ô combien important -, de rappeler que toute personne, tant publique que privée, devra répondre à toute sollicitation de l'autorité pour faciliter l'établissement de la preuve. Poser le principe que, dans notre pays, chacun, quel qu'il soit, devra désormais se justifier s'il adopte une attitude discriminatoire, et donc inacceptable, constitue un signe très fort et a valeur de symbole.

Nous avons également précisé le rôle de médiation.

Nous ne devons pas négliger la mission de l'identification, de la reconnaissance, mais aussi de la promotion des « bonnes pratiques ».

L'ensemble de ces éléments nous permet aujourd'hui d'aboutir à un texte fixant les missions, expliquant l'organisation et rappelant que cette « autorité » accompagnera les victimes. Cela se fera sans se substituer à la justice - le président Pascal Clément le rappelait hier soir.

Le projet de loi, ainsi amendé, est une réponse forte de la représentation nationale à ceux qui peuvent être tentés de reprocher à l'État de laisser faire en matière de discrimination.

Le Président de la République l'a dit et Jean-Louis Borloo l'a rappelé hier soir : nous sommes tous concernés. C'est effectivement le sens de notre combat pour une République une et indivisible.

Je souhaite que le travail parlementaire se poursuive pour aboutir à la mise en place de la Haute autorité dès le mois de janvier 2005.

Nous serons très vigilants sur l'accompagnement, sur les rapports présentés chaque année à la représentation nationale. C'est cela aussi l'évolution de notre démocratie et les piliers sur lesquels reposent les valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1614, relatif au développement des territoires ruraux :

Rapport, n° 1828, de MM. Yves Coussain, Jean-Claude Lemoine et Francis Saint-Léger, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot