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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 22 décembre 2005

110e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

dÉmission et remplacement
d’une vice-présidente

M. le président. Le président de l’Assemblée nationale a été informé par Mme Paulette Guinchard qu’elle se démettait de ses fonctions de vice-présidente de l’Assemblée nationale à compter du 1er janvier 2006.

M. le président du groupe socialiste a fait savoir qu’elle serait remplacée, à compter de cette même date, par Mme Hélène Mignon.

lutte contre le terrorisme

Transmission et discussion
du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre, la lettre suivante :

« Paris, le 22 décembre 2005.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2763).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, messieurs et chers collègues – les dames ne sont pas présentes dans cet hémicycle, ce matin ; la parité est loin d’être atteinte ! – la commission mixte paritaire s'est réunie avant-hier et elle a facilement permis d'obtenir un texte commun sur les dispositions restant en discussion. En effet, après une lecture dans chaque chambre, quinze articles avaient été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, treize articles faisaient l'objet de divergences et sept articles additionnels avaient été ajoutés par le Sénat.

Si la CMP s'est déroulée dans d'excellentes conditions, c'est aussi parce que les deux assemblées partagent à peu près la même philosophie en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Aucune divergence fondamentale ne ressort des débats sur la nécessité de combattre efficacement le terrorisme sans, bien évidemment, remettre en cause l’exercice des libertés publiques dans notre pays. Les apports de l'Assemblée nationale comme du Sénat ont donc principalement visé à accroître encore l'efficacité du dispositif français de lutte contre le terrorisme et à encadrer plus strictement les nouveaux pouvoirs donnés aux différents services intervenants, de police, de gendarmerie ou de renseignement.

Ainsi le Sénat avait-il retenu les principales dispositions introduites à l'initiative de votre assemblée, comme l'identification par leur numéro de matricule des enquêteurs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; la prolongation possible et encadrée, sous des conditions très strictes, de la garde à vue ; les mesures concernant les victimes ; le déconventionnement des chaînes extracommunautaires ou encore l'interdiction administrative de stade.

À partir de là, les travaux du Sénat ont surtout permis d'apporter d'utiles précisions et clarifications aux dispositifs de police administrative prévus par le projet de loi. La CMP les a examinées avec la plus grande attention, comme vous pouvez vous en douter, mes chers collègues. Elle en a retenu certaines, comme l'extension aux délits douaniers des cas de mise en œuvre de dispositifs automatisés de plaques d'immatriculation ou l'autorisation donnée aux agents des services de renseignement du ministère de la défense – principalement la DGSE – de consulter certains fichiers administratifs. En revanche, d'autres modifications n'ont pas été retenues par la CMP, par exemple la limitation souhaitée par le Sénat de la procédure de réquisition administrative aux seuls services de prévention du terrorisme. La CMP a en effet rétabli cette possibilité pour des services qui peuvent être aussi considérés comme des services de répression, tels la division nationale antiterroriste ou le bureau de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale. De même, la commission mixte paritaire a réintégré, parmi les finalités permettant la mise en œuvre de dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, la lutte contre le terrorisme, qui en avait été malencontreusement retirée.

La CMP s'est également penchée sur les dispositions entièrement nouvelles introduites par le Sénat. Elle a ainsi accepté l'article 3 bis, qui harmonise les conditions dans lesquelles policiers et gendarmes peuvent utiliser des moyens appropriés pour immobiliser des véhicules. De même, elle a approuvé l'idée d'instituer une cour d'assises spéciale en matière terroriste pour les mineurs – dispositif qui, semble-t-il, manquait dans notre droit – ainsi que l'introduction d'une autre disposition pénale étendant le champ d'application du délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie à l’ensemble des infractions procurant un profit et punies d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement.

La CMP vous propose également d'approuver l'initiative prise par le Sénat d'introduire un nouveau chapitre relatif aux activités privées de sécurité et à la sûreté aéroportuaire, qui précise des dispositions utiles quant à l'habilitation des personnes travaillant dans les lieux sensibles et les conditions d'accès à ceux-ci.

Enfin, la CMP a eu un intéressant débat sur la question de l'exclusion de certaines informations communiquées à la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans le cadre des formalités préalables à la création de fichiers sensibles. L’Assemblée avait refusé un amendement allant dans ce sens que le Sénat a, lui, adopté. Sur ma proposition, la CMP a adopté une version de compromis qui restreint la dérogation aux seules demandes d'avis et prévoit qu'un décret fixera la liste des informations devant figurer au minimum dans ces demandes d'avis.

Les travaux parlementaires ont donc abouti à un texte vraiment équilibré donnant réellement aux services chargés de la lutte contre le terrorisme des moyens nouveaux pour mieux prévenir cette menace.

Pour conclure, monsieur le ministre, je me dois, au nom de mes collègues qui ont participé au débat, tant au sein de la commission des lois qu'en séance publique, et conformément aux engagements pris aussi devant les sénateurs, de vous rappeler que nous avons renoncé à la discussion de trois amendements relatifs à la constitution d'une commission parlementaire de contrôle des services de renseignement. Nous l'avons fait à l’initiative de Nicolas Sarkozy, parce qu’il a déclaré que les parlementaires et le Gouvernement allaient se mettre immédiatement à la tâche afin d'élaborer pour le 15 février un texte susceptible de recueillir l'accord de toutes les parties concernées. Vous savez combien nous sommes tous attachés à la création d'une telle commission et à sa mise en œuvre rapide. Elle est la contrepartie des moyens juridiques et financiers nouveaux que nous donnons aux services de renseignement. Il importe tout simplement que nous ressemblions aux autres démocraties occidentales qui ont, parfois depuis fort longtemps, introduit une telle commission dans leur droit positif. Nous serons très exigeants et avons pris les engagements du Gouvernement pour ce qu’ils doivent être : la mise en œuvre d'un fonctionnement harmonieux de notre démocratie dans le cadre de la mobilisation globale contre le terrorisme.

Sous réserve de ces réflexions, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous achevez ce matin l’examen d’un texte particulièrement important pour l’avenir de notre pays. Au nom de Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, je souhaite exprimer les remerciements du Gouvernement à l’égard de la représentation nationale.

Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, tel qu’il a été adopté par la commission mixte paritaire mardi et tel qu’il vous est soumis aujourd’hui, fait œuvre utile au service de nos compatriotes. En votant ce texte, le législateur donne à la France de nouveaux instruments juridiques, adaptés aux réalités de notre temps. Il renforce avec fermeté les moyens de dissuader et de combattre l’une des formes les plus barbares et les plus pernicieuses de la violence : celle du terrorisme.

Prévenir le terrorisme et non le subir, agir en amont des attentats potentiels, en gardant un temps d’avance et en permettant une meilleure collecte des renseignements, tel est l’esprit des principales dispositions de ce projet de loi.

Je ne reviendrai pas, à ce stade des débats, sur l’architecture du texte. Je veux seulement souligner qu’avec le développement ciblé et qualitatif de la vidéosurveillance et le renforcement des possibilités de contrôle des déplacements et des échanges téléphoniques et électroniques des personnes susceptibles de participer à une action terroriste, nous tirons le meilleur parti des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Nous modernisons nos instruments de lutte antiterroriste en les adaptant à la réalité : celle de terroristes extrêmement mobiles, organisés en réseaux, maîtres dans l’art d’utiliser les nouvelles technologies.

La menace est en effet trop grave pour que nous nous permettions le luxe d’avoir un temps de retard. Ce serait tout simplement irresponsable. Notre responsabilité, après les attentats de Madrid et de Londres, a précisément été de tirer les enseignements opérationnels de ces événements tragiques, afin de garder un temps d’avance. Le terrorisme, hélas, n’attend pas.

Une grande majorité d’entre vous, sur différents bancs, ont parfaitement compris les objectifs du Gouvernement et ont su lui apporter son entier soutien. Je veux saluer à nouveau l’esprit de responsabilité qui s’est exprimé dans chacune des deux assemblées.

Le Gouvernement s’est montré très ouvert aux amendements parlementaires : ceux présentés par les deux rapporteurs au nom des commissions des lois, comme ceux proposés par des parlementaires appartenant à différents groupes politiques.

Je ne citerai que quelques-uns de ces amendements : l’amélioration du régime de contrôle des installations de vidéosurveillance, la prolongation de la garde à vue dans les affaires de terrorisme, la consolidation du dispositif des assurances au bénéfice des victimes du terrorisme, ou le nouveau régime de contrôle des chaînes de télévision extra-européennes.

Je veux remercier les groupes de l’Union pour un mouvement populaire et Union pour la démocratie française de leur entier soutien et des nombreuses améliorations apportées au texte du Gouvernement. Je veux remercier aussi ceux des parlementaires de l’opposition socialiste qui, à l’Assemblée nationale et, plus rarement, au Sénat, ont eux aussi su prendre la mesure de l’enjeu auquel l’ensemble des partis de gouvernement doivent faire face.

Je suis très heureux en particulier que les conditions de la prolongation de la durée de garde à vue dans les affaires de terrorisme aient pu être définies, à partir d’un amendement parlementaire, dans des conditions très consensuelles à l’Assemblée nationale comme au Sénat, car la lutte contre le terrorisme n’est ni de droite ni de gauche, elle est l’affaire de tous les Français.

Je renouvelle d’ailleurs solennellement l’engagement du Gouvernement s’agissant du contrôle parlementaire des services de renseignement. Comme l’a annoncé Nicolas Sarkozy, et vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, un groupe de travail sera constitué et un projet ou une proposition de loi sera rédigé avant le 15 février pour apporter des réponses claires aux amendements qui ont été déposés par vous-même, par le groupe UMP mais aussi par le groupe socialiste. Cet engagement sera tenu.

Je vous le disais, la lutte contre le terrorisme ne doit pas être une affaire idéologique et partisane. C’est la raison pour laquelle l’opposition d’alors avait voté la loi sur la sécurité quotidienne que le gouvernement de Lionel Jospin avait proposée après les attentats du 11 septembre 2001. Nous avons su faire preuve hier de l’esprit d’unité nationale que nous attendons aujourd’hui des responsables de l’opposition. Il ne s’agit pas de prendre la pose et de se draper dans des positions de principe. Il s’agit, avec pragmatisme mais aussi avec modestie, de travailler au service des Français.

En proposant ce projet de loi, le Gouvernement ne prétend pas mettre les Français à l’abri de la menace terroriste. Il entend seulement, et c’est sa responsabilité première, améliorer les moyens de lutter contre la menace.

L’actualité la plus récente nous démontre que la menace est là. Il faudrait être aveugle pour ne pas la voir. La semaine dernière encore, chacun le sait, une cache d’armes et de munitions a été découverte en Seine-Saint-Denis grâce à l’excellent travail des services de renseignement, auxquels je rends hommage. Les Français comprendraient-ils que, sur tels où tels bancs de la gauche, le choix ait été fait de voter contre les nouveaux instruments de la lutte antiterroriste ? Chacun prendra ses responsabilités, et les Français, le moment venu, seront les seuls juges.

Le Gouvernement, pour sa part, dès la loi votée, entend bien la mettre en œuvre de manière efficace. Le ministre d’État a d’ores et déjà demandé aux services du ministère de l’intérieur de préparer la rédaction des décrets indispensables à l’application effective de ce texte, sans délai, car l’enjeu est d’importance : il y va de la protection de la démocratie contre la barbarie des terroristes. À travers cette loi, la République, fidèle à ses valeurs, leur répond fermement, en utilisant les armes du droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les parlementaires de cette assemblée, comme tous nos concitoyens, sont convaincus de la nécessité de lutter contre le terrorisme, à savoir de prévenir les attentats qui pourraient un jour survenir dans notre pays.

À ce titre, je tiens à saluer le travail remarquable qu’effectuent nos services secrets, je pense notamment à la DST, en matière de lutte contre le terrorisme. La semaine dernière, tout un réseau a ainsi été démantelé, un arsenal de guerre découvert dans diverses caves de Seine-Saint-Denis, vous venez de le rappeler, monsieur le ministre.

Cet exemple montre bien l’efficacité de notre dispositif de lutte antiterroriste. Il est évidemment toujours possible d’en améliorer le fonctionnement. On pourrait par exemple, par la lutte contre la délinquance financière, assécher un certain nombre de ses sources de financement, mais ce qui nous paraît fondamental aujourd’hui, c’est de concilier État de droit et lutte contre le terrorisme. Notre seul objectif doit être de donner aux services secrets et de sécurité intérieure les outils pour contrôler l’émergence potentielle de tout groupe terroriste, mais ce n’est pas d’organiser un contrôle par les services de police de toute la société.

C’est bien là le fond du problème, car que nous propose ce projet de loi tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire ?

Vous proposez d’abord d’étendre la vidéosurveillance. S’il s’agit d’une recette miracle pour lutter contre le terrorisme, vous conviendrez qu’elle est bien légère. La vidéosurveillance peut permettre de retrouver l’identité des terroristes après qu’ils ont tué, après qu’ils ont assassiné, une caméra ne pourra jamais éviter un attentat. Les terroristes de Londres n’avaient que faire des caméras qui les ont filmés jusqu’au dernier moment.

Vous proposez aussi d’élargir les pouvoirs de la police administrative, à des fins dites préventives, sans contrôle d’un juge. Des agents de police administrative auront désormais les mêmes prérogatives que celles qui accompagnent actuellement les actions de police judiciaire, ciblées et ponctuelles. Vous donnez donc à la police des pouvoirs exorbitants du droit commun. Là encore, imaginez-vous que des mesures d’ordre général, non ciblés comme le sont les actions de la DST, permettront d’arrêter un terroriste ? Lorsqu’on voit les ravages occasionnés dans nos banlieues par la multiplication de contrôles d’identité réalisés sur nos jeunes compatriotes, des contrôles au faciès, des contrôles humiliants, qu’espérez-vous avec de telles mesures, sinon exacerber la tension et légitimer les critiques contre nos policiers, contraints d’appliquer une politique discriminatoire de contrôles d’identité ?

Enfin, vous nous proposez d’étendre l’accès à des données relatives aux communications électroniques, à la constitution de fichiers concernant les étrangers qui voyagent, aux possibilités de contrôler et de photographier, en tout point du territoire, les occupants de véhicules, ou à la consultation de multiples fichiers par des agents de la police et de la gendarmerie nationales. Personne n’a pu démontrer que de telles mesures permettraient de renforcer effectivement la lutte contre le terrorisme. Quant à leur impact sur nos libertés publiques, il est patent : c’est l’État de droit que vous fragilisez en instaurant de telles mesures d’exception.

M. le ministre de l’intérieur est, dit-on, un grand admirateur des États-Unis. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, ce pays avait adopté le Patriot Act, une loi qui restreignait durement les libertés publiques au nom de la lutte antiterroriste. Quatre ans après, l’émotion consécutive à ces attentats est retombée. De nombreux Américains réalisent qu’en restreignant ces libertés publiques, ils ont affaibli le modèle démocratique qu’ils pensaient ainsi protéger, et le Sénat américain a montré ces derniers jours une forte réticence à prolonger la durée de vie de cette loi liberticide, car l’État de droit se protège avec les règles de l’État de droit.

En fait, avec ce projet de loi, vous ne renforcerez en rien la lutte antiterroriste, mais vous affaiblirez les règles de droit de notre démocratie que des fanatiques cherchent à détruire, leur donnant de ce fait une réelle victoire.

Vous encouragez enfin l’amalgame entre terrorisme et immigration, terrorisme et délinquance, terrorisme et jeunesse, à tel point que l’on peut sincèrement se demander si votre objectif central est vraiment de renforcer la lutte contre le terrorisme. Ces amalgames nous montrent plutôt que les drames vécus cet été par les Anglais sont aussi, voire surtout, des prétextes pour imposer des mesures sécuritaires à toute notre société et porter de nouvelles atteintes à nos libertés publiques.

Là réside notre inquiétude. C’est bien pourquoi les députés communistes, bien que très attachés à la lutte contre le terrorisme, voteront contre un texte avant tout liberticide.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Oh la la !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, nous examinons le texte de la commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi, moins d’un mois après que nous avons adopté ce projet en première lecture. Au terme de son examen, je pense une fois de plus aux victimes du terrorisme.

Je suis persuadé que cette réforme nous permettra de mieux faire face aux nouvelles formes du terrorisme. En effet, que ce soit avec les attentats du 11 septembre 2001, ceux de Madrid ou encore, plus près de nous, ceux de Londres du mois de juillet dernier, le terrorisme dont l’occident est menacé a désormais changé de nature.

La menace est aujourd’hui diffuse et multiforme, elle est le fait de groupes d’action sans réelle organisation hiérarchique, elle est le fait d’un islamisme radical qui n’a d’autre objectif que de déstabiliser l’occident. Nous ne pouvions plus continuer à agir avec des méthodes anciennes qui ont fait leur temps.

Face aux nouvelles menaces terroristes, le texte que nous allons adopter ce matin vise à mieux assurer la sécurité de nos concitoyens, dans le respect des libertés individuelles. En effet, les enseignements opérationnels recueillis après les attentats les plus récents prescrivent l’adoption de nouveaux instruments juridiques, dans le respect du nécessaire équilibre entre les exigences de la sécurité et celles des libertés.

Je citerai brièvement quelques-unes des avancées majeures du projet de loi que nous allons adopter.

Le développement de la vidéosurveillance, le contrôle des échanges téléphoniques et électroniques et l’exploitation des données permettront de mieux prévenir les actes de terrorisme.

Des systèmes de vidéosurveillance pourront être installés sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public, pour une finalité de prévention des actes de terrorisme.

Les libertés individuelles seront bien sûr garanties. En effet, seuls des enquêteurs spécialisés et individuellement habilités pourront être destinataires des images prises par les systèmes de vidéosurveillance dans des lieux comme les centres commerciaux, les stades ou les musées, indépendamment de la commission d’une infraction.

Par ailleurs, l’amélioration du dispositif pénal de lutte contre le terrorisme permettra de mieux sanctionner de tels actes. Le projet de loi va permettre à notre justice de réprimer plus fermement l’association de malfaiteurs à des fins terroristes, lorsque celle-ci a pour objet la préparation de crimes d’atteinte aux personnes. Ainsi, la peine encourue sera désormais de vingt ans de réclusion, et de trente ans lorsqu’il s’agit de dirigeants ou d’organisateurs.

Une meilleure efficacité de la machine judiciaire est aussi prévue. Désormais, le suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sera centralisé auprès des juridictions de l’application des peines de Paris.

Enfin, le texte porte de dix à quinze ans les délais permettant au ministre chargé des naturalisations d’engager la procédure de déchéance de la nationalité française.

S’agissant de notre travail dans cet hémicycle, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l’esprit d’ouverture et de dialogue qui a présidé à nos débats. Une fois de plus, le ministre d’État et vous-même avez su montrer votre capacité à donner aux parlementaires le droit de faire des lois, en acceptant de nombreux amendements. Ainsi, vous allez mettre en place, à notre initiative, un groupe de travail chargé de réfléchir aux modalités de création d’une commission parlementaire de contrôle des services de renseignement. Je sais que notre rapporteur, notre excellent collègue Alain Marsaud, tenait particulièrement à cette mesure qui est une petite révolution pour nos institutions.

De plus, toujours à notre initiative, la garde à vue pourra être prolongée de quarante-huit heures en cas de faits graves liés à un acte de terrorisme.

Ce délai supplémentaire, et fortement encadré, permettra aux services d’enquête de bénéficier d’un peu plus de temps dans la récolte de preuves, ce qui est parfois nécessaire en raison de la complexité des dossiers.

Ce projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme était nécessaire et urgent. En effet, notre pays est, comme ses voisins occidentaux, menacé par une forme de terrorisme que nous n’avons jamais connue.

C’est pourquoi nous devions rompre avec nos habitudes, et nous ne pouvons que nous féliciter des dispositifs novateurs que vous nous avez proposés et permis d’améliorer. En effet, les textes précédents issus des majorités successives, de gauche comme de droite, nous ont donné des instruments qui permettent de rechercher efficacement les auteurs d’actes terroristes. Mais, aujourd’hui, sanctionner les coupables ne suffit pas, ce qui nous importe désormais avant tout c’est de les empêcher de tuer.

Face à cette menace diffuse et multiforme, face à ces nébuleuses d’organisations sans chef commun ni hiérarchie, nous ne pouvions plus continuer à agir avec des méthodes mises en place à l’époque où nous connaissions nos ennemis et leurs revendications. En matière de lutte contre le terrorisme, comme dans d’autres domaines, la rupture s’imposait.

Parce que ce texte nous permettra de lutter plus efficacement contre ces assassins fous, parce qu’il nous aidera à mieux protéger nos concitoyens en garantissant leur liberté et leur sécurité, vous pourrez compter, monsieur le ministre, sur le soutien plein et entier du groupe UMP, qui adoptera avec conviction ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. En quelques mots en forme d’explication de vote, je confirme, à l’issue de la commission mixte paritaire, que le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte, comme en première lecture.

C’est notre sens des responsabilités qui nous conduit à agir ainsi, face à un phénomène extrêmement préoccupant qui menace les démocraties et autour duquel chacun d’entre nous doit pouvoir se rassembler pour défendre notre bien commun : la démocratie et la République.

Cette abstention du groupe socialiste est cohérente puisqu’il reprend la position qui avait été la sienne quand, en 1986, la droite a élaboré la première législation antiterrorisme, qui a d’ailleurs prouvé sa capacité à préserver et à défendre les libertés, au point de devenir un modèle de par le monde. Parce qu’il met le juge au centre du dispositif, ce système, tout à fait fondamental, permet de trouver le meilleur équilibre possible entre la sauvegarde des libertés et la nécessité de la répression.

Cette abstention est également motivée par le texte et son évolution. À l’issue de la CMP, notre groupe reste réservé sur plusieurs dispositions. Tout d’abord, nombre de mesures qui n’étaient pas directement liées au terrorisme ont été introduites dans ce texte. Je pense évidemment à la lutte contre l’immigration clandestine – vous en avez en quelque sorte profité pour transposer une directive européenne. Des dispositions périphériques sont également venues enrichir le texte, à l’initiative du Gouvernement ou par le biais d’amendements de l’Assemblée nationale et du Sénat. On peut le regretter, car on aurait pu souhaiter qu’un tel texte soit exclusivement consacré à la problématique antiterroriste.

Enfin, des interrogations subsistent – et nous verrons dans les mois et les années qui viennent la façon dont les dispositions se mettront en place –, notamment quant à l’encadrement de l’utilisation de fichiers, sur laquelle la CNIL avait émis d’importantes réserves. Malgré le travail réalisé ici et au Sénat, des interrogations subsistent.

C’est vrai que la discussion parlementaire a permis de progresser. Grâce à nos amendements notamment, la détention provisoire est mieux encadrée. Par ailleurs – et c’est un point très important –, les services de renseignement feront peut-être l’objet d’un contrôle parlementaire. Il faut avoir une approche très claire et très directe vis-à-vis de ces services et de la police en général. Car si l’on peut comprendre qu’ils souhaitent disposer de moyens supplémentaires afin de pouvoir légaliser certaines pratiques, ils doivent accepter en contrepartie un contrôle renforcé.

La création de cette commission est un élément tout à fait central. Nous avions, avec d’autres, déposé un amendement en ce sens et le ministre d’État s’était montré très ouvert dans sa réponse. S’il ne s’agissait que de lui, je pense même que nous aurions aujourd’hui un tel dispositif. Il lui faut donc poursuive son effort pour convaincre, afin que cette commission soit rapidement créée. Cela représenterait pour notre démocratie et pour le Parlement un précédent. Ce type de contrôle existe déjà dans bien des pays démocratiques. Pour la France, pays des droits de l’homme, connu pour son approche rigoureuse en matière de liberté, cette commission serait un élément important. Nous souhaitons avancer rapidement sur cette question et nous ne manquerons pas de vous le rappeler dans les semaines qui viennent.

D’autre part, le Sénat a alourdi le texte, l’a renforcé sur certains points, et – Jacques Floch l’a souligné devant la commission mixte paritaire – des réserves et des interrogations subsistent. C’est pourquoi nous maintenons notre position d’abstention ; nous aurions pu voter ce texte si quelques réserves avaient été levées – mais tel n’a pas été le cas –,…

M. Alain Marsaud, rapporteur. Allons, encore un effort !

M. Christophe Caresche. …soucieux que nous sommes, avec le sens de la responsabilité qui est le nôtre, de traduire l’unité de l’Assemblée nationale face à ce phénomène préoccupant qui doit être dénoncé.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous apporter en fin de parcours législatif, au nom du groupe UDF et par la grâce d’un coaching efficace, le témoignage d’un député qui est loin d’être un spécialiste de cette véritable guerre à la démocratie qu’est le terrorisme. Mais n’est-il pas finalement préférable que quelques-uns se rapprochent de ce que ressentent en profondeur nos concitoyens ?

La lutte contre le terrorisme constitue l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Pour cette raison, il était indispensable de faire évoluer la législation permettant de lutter comme il se doit contre ce fléau. Il faut avoir une lecture à la fois modeste et relativement satisfaite du travail législatif réalisé. Malheureusement, le terrorisme est là pour durer. Il s’adapte, se transforme.

Le projet de loi que nous examinons est un progrès. Il faut le lire sous l’angle d’une réponse dans la durée, un progrès permettant de mieux relever le défi imposé par le terrorisme en France et à travers le monde car il donne des moyens supplémentaires contre les menaces que le terrorisme fait peser sur nous tous. Ce texte contient en effet des mesures efficaces qui permettent la prévention des actes terroristes, et qui assurent mieux la sécurité des biens et des personnes. Ma conviction est que le terrorisme s’installe dans la durée et qu’il faut du souffle et une véritable colonne vertébrale pour mener cette guerre.

Cependant, il est utile de rappeler que ce combat doit se faire dans le strict respect des droits de l’homme et des libertés individuelles. Le recours à la vidéosurveillance ou le contrôle des déplacements et des échanges téléphoniques et électroniques, par exemple, auraient pu, s’ils n’avaient pas été bien encadrés, enfreindre ces droits. Tel n’est pas le cas. Le groupe UDF salue le juste équilibre qui a été trouvé entre ces deux nécessités absolues que sont la sûreté et la liberté. Et ce n’était pas une tâche aisée.

Le groupe UDF se félicite des engagements pris dans ce texte. Tout d’abord, nous approuvons la prolongation de la garde à vue à six jours en matière de terrorisme. Cet outil supplémentaire facilitera le travail des enquêteurs et des magistrats.

Nous avions souhaité pour notre part un encadrement plus strict de cette disposition, notamment en ce qui concerne les modalités d’intervention de l'avocat, et nous continuerons à plaider pour une telle évolution. Néanmoins, nous soutenons cette mesure de prolongation de la garde à vue.

Nous avons également apprécié les engagements du ministre d'État en ce qui concerne l'instauration d'un contrôle parlementaire des services de renseignement, qui était une des propositions émises par l'UDF, et notre collègue Chassaigne l’a évoquée lui aussi il y a un instant. Les élus de la nation ne sont pas assez naïfs pour contester l’existence de ces services et le rôle crucial qu’ils jouent dans la lutte contre le terrorisme. Cela n’implique cependant pas qu’ils doivent échapper à tout contrôle parlementaire.

Ce dispositif de contrôle parlementaire constituera un outil nécessaire de conciliation entre la sécurité, la prévention, et le respect des libertés individuelles. Nous espérons évidemment que cette promesse sera suivie d'effets. Le consensus qui s'est dégagé sur ce point vous oblige, monsieur le ministre, à tout mettre en œuvre pour la réalisation de cette entreprise. Pourriez-vous nous en dire plus quant à la forme que pourrait prendre ce contrôle et au calendrier de sa mise en œuvre ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Puis-je répondre dès à présent sur ce point, monsieur le président ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je souhaite en effet répondre à la question que vous venez de me poser, monsieur le député, après M. le rapporteur, M. Mariani et M. Caresche, et clarifier ce point une fois pour toutes.

Je renouvelle donc solennellement, au nom du ministre d’État, l’engagement pris devant vous au nom du Gouvernement s’agissant du contrôle parlementaire des services de renseignement. Le groupe de travail se mettra en place dès ce soir, après que le texte aura été voté par le Parlement.

La composition de cette commission respectera le principe de la représentation proportionnelle des groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat. À l’issue des travaux de ce groupe de travail, un projet ou une proposition de loi sera déposé au plus tard le 15 février 2006. Vous voyez qu’il s’agit de délais courts.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes, monsieur le ministre, très sensibles à une telle réactivité à une demande bien précise, ainsi qu’à la brièveté des délais : une telle attitude contraste avec les atermoiements qui suivent d’ordinaire de telles promesses.

L’UDF tient également à souligner, après beaucoup de nos collègues, que l’efficacité en matière de lutte contre le terrorisme suppose une véritable coopération au niveau européen et international. Le groupe UDF a ainsi suggéré une ratification rapide des conventions du Conseil de l'Europe et la transposition de la directive de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme et le blanchiment d'argent : ce signe envoyé aux autres États permettra une lutte plus efficace contre le terrorisme. C'est d'un véritable espace judiciaire européen et d'un espace de sécurité commun que nous avons besoin pour lutter véritablement contre le terrorisme.

Nous sommes enfin sensibles à l’inscription dans le projet de loi de l'amendement proposé par notre collègue Pierre-Christophe Baguet visant à lutter contre le hooliganisme dans les stades. Ce phénomène frappe principalement le football, mais il est en train d’atteindre d’autres sports. L'application de cette mesure constituera un outil supplémentaire de lutte contre les violences dans notre société.

Les élus du groupe UDF apporteront donc leurs voix au projet de loi visant à lutter contre le terrorisme, dont nous partageons les objectifs. Nous comptons également prendre toute notre part aux travaux qui viennent d’être annoncés.

Nous déplorons que ces dispositions n’aient pas suscité le consensus de la représentation nationale, même si j’ai senti que Christophe Caresche n’était pas loin de les approuver : il ne vous a manqué, monsieur Caresche, qu’une petite impulsion, un petit élan vital ! Je vous ai senti également hésitant, monsieur Chassaigne, car je commence à vous connaître ! (Rires.) L’UDF déplore cette occasion manquée : nous aurions envoyé un signal fort si nous avions su nous retrouver dans cette guerre pour la démocratie.

Le groupe UDF tient enfin à rappeler qu'au-delà de ce texte, au-delà du renforcement constant de notre arsenal judiciaire et policier, c'est aux racines profondes du terrorisme qu'il convient de s'attaquer sans relâche. Il faut reconnaître que ce fléau a des causes sociales, idéologiques et religieuses. Nous ne devrons pas négliger ces dimensions, et il nous faudra prendre des initiatives pédagogiques et diplomatiques afin d’encourager la tolérance, le respect et le dialogue interculturel. La fin du terrorisme passera par la victoire de tels idéaux.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, soyez donc certain du soutien du groupe UDF.

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

loi d’orientation agricole

Transmission et discussion
du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 22 décembre 2005.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation agricole.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2746).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission mixte paritaire. Mes chers collègues, il me revient de vous présenter le résultat des discussions de la commission mixte paritaire et il me semble important de décrire avec précision les dispositions, peut-être un peu « roboratives », qui en découlent.

La commission mixte paritaire a ainsi décidé de supprimer l'article 1er bis qui avait été introduit par notre assemblée à l'initiative de M. Yves Simon. Il s'agissait d'une disposition relative aux conditions d'adhésion d'un jeune agriculteur à un groupement agricole d’exploitation en commun, GAEC, qui est apparue satisfaite par le droit existant. Il semble toutefois, monsieur le ministre de l’agriculture, que l'application de ce droit pose parfois problème. Nous vous demandons donc de rappeler à vos services les conditions précises d’application de ces dispositions.

À l'article 2, la principale divergence entre les deux assemblées concernait la définition de l'indemnité éventuellement due au preneur en cas de non-renouvellement du bail cessible. Sur ce point, la commission mixte a retenu la rédaction de notre assemblée, alignée sur le droit en vigueur s'agissant des baux commerciaux et artisanaux et plus protectrice pour le preneur.

À l'article 2 quinquies, la commission mixte, retenant le texte du Sénat, a maintenu le droit existant s'agissant des possibilités de conversion automatique des baux de métayage en baux à ferme.

À l'article 5 bis, la commission mixte s'est ralliée à la position de notre assemblée, en rétablissant, dans une rédaction nouvelle, la limitation à un an à compter de la publicité de la déclaration de début d'exploitation du délai de recours des tiers contre les décisions d'autorisation des établissements d'élevage. Précision importante : le bénéfice de cette mesure a, en outre, été étendu aux installations classées liées à l'élevage, comme les stations d'épuration collective de déjections animales.

S'agissant du régime fiscal des transmissions à titre gratuit du fonds agricole, la commission mixte a retenu le texte du Sénat en maintenant l'article 6 ter A et en supprimant l'article 6 bis. En conséquence, les transmissions à titre gratuit de fonds à un salarié de l'exploitation seront exonérées de droits de mutation dans la limite de 300 000 euros.

À l'article 6 quater, la commission mixte a maintenu le principe adopté par notre assemblée d'une nouvelle possibilité de dérogation à la réciprocité de la règle des 100 mètres, dans une rédaction nouvelle proposée par notre collègue et « co rapporteur », Marc Le Fur.

Dans le chapitre II du titre Ier du projet de loi, consacré aux questions sociales, la commission mixte a supprimé les articles 7 A, 7 bis A et 10 bis D, qui avaient été ajoutés par le Sénat et qui étaient soit de nature réglementaire, soit dépourvus de lien avec le texte. Elle a également supprimé l'article 10 bis C, lui aussi introduit par le Sénat, et relatif aux conditions d'indemnisation des accidents du travail, en considérant qu'il était de nature, d'une part, à favoriser la fraude et, d'autre part, à générer des surcoûts importants.

La commission mixte a, en revanche, retenu les enrichissements significatifs proposés par le Sénat au volet social du projet de loi. Il s'agit de l'article 8 bis visant à améliorer les retraites des polypensionnés du régime agricole, notamment des femmes ayant interrompu leur activité, et de l'article 10 bis A, qui crée, selon des modalités spécifiques, un dispositif de « 1 % logement » pour les salariés agricoles. Sur ce point, et compte tenu des la complexité des adaptations techniques nécessaires à la mise en œuvre du dispositif, la commission a décidé de reporter d'un an, au 1er janvier 2007, l'entrée en vigueur de ce nouveau droit pour les salariés.

Pour les dispositions reprenant les propositions issues du rapport de notre collègue Jacques Le Guen, la commission mixte s'est ralliée à leur réorganisation formelle décidée par le Sénat au sein d'un article unique, l'article 9 ter. Elle a, en revanche, maintenu aux entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers le bénéfice du dispositif de réduction des taux de cotisations sociales pour l'embauche de travailleurs occasionnels ou de demandeurs d'emploi qui avait été décidé par notre assemblée et supprimé par le Sénat.

Enfin, pour conclure sur les dispositions du volet social du texte, la commission mixte a repris la modification proposée par le Sénat à l'article 10 sexies, relative aux conditions d'adhésion au régime de protection sociale agricole des salariés des centres de gestion agréés.

La commission mixte a également retenu la proposition du Sénat de créer un titre nouveau, le titre Ier bis, relatif au foncier. Dans ce titre, elle a notamment retenu l'article 10 octies, rendant possible le versement d'une soulte lorsqu'un remembrement fait perdre à un exploitant la jouissance de parcelles d'agriculture biologique – cette disposition satisfait une demande relativement ancienne des producteurs – et l'article 10 undecies, introduisant la possibilité pour les SAFER de préempter, en vue d'une rétrocession conjointe, des droits à paiement unique, DPU, cédés avec un terrain.

Quant au chapitre Ier du titre II, la commission mixte a adopté, sous réserve d'ajustements rédactionnels, l'article 11 bis A du texte du Sénat, relatif à la promotion des lubrifiants biodégradables.

S'agissant de l'article 11 bis, relatif à la promotion des plastiques biodégradables, un compromis a été élaboré, à l'initiative du président Ollier, entre la position prudente du Sénat, qui ne concernait que les sacs de caisse à usage unique,…

M. Jean Dionis du Séjour. Position trop prudente !

M. Antoine Herth, rapporteur. …et le texte adopté par notre assemblée, applicable à l'ensemble des emballages. Outre le maintien de l'interdiction, au plus tard le 1er janvier 2010, de la distribution de sacs de caisse non biodégradables, la commission mixte vous propose donc d'habiliter le Gouvernement à déterminer par décret les usages du plastique pour lesquels l'incorporation dans celui-ci, selon des taux progressifs, de matières d'origine végétale sera rendue obligatoire. Ce dispositif préserve donc une souplesse suffisante pour tenir compte des différentes contraintes économiques et juridiques, tout en fixant une orientation précise.

À l'article 12, qui concerne essentiellement les huiles végétales pures, chères à notre ami Dionis du Séjour, la commission mixte paritaire a retenu un dispositif proche de celui que nous avions voté, en ouvrant en outre aux navires de pêche la possibilité d'utiliser ces huiles comme carburant.

S'agissant de l'article 14, relatif aux organisations de producteurs, qui avait beaucoup ému notre collègue Jean Auclair, la commission mixte a maintenu le texte du Sénat quant au principe, hors dérogation sectorielle, de la cession aux organisations de producteurs par leurs membres de leur production.

Elle a, en outre, précisé plus clairement que ne le faisaient les textes adoptés par chacune des assemblées que les conditions de reconnaissance des organisations de producteurs seraient déterminées pour chaque secteur par un décret spécifique.

À l'article 15 bis, la commission mixte a décidé de maintenir la création d'un observatoire des distorsions, qui avait été votée par notre assemblée et supprimée par le Sénat.

Je signale également qu’à l’article 16 la commission mixte a validé les dispositions concernant la coopération agricole introduites à l’Assemblée nationale par notre collègue François Guillaume et confirmées par le Sénat.

À l’article 19, en revanche, la commission mixte a retenu le texte du Sénat, qui précise notamment les missions du Comité national de l’assurance en agriculture.

La commission mixte a également repris les dispositions ajoutées par le Sénat et relatives à la forêt, c’est-à-dire les articles 19 bis, 19 ter et 19 quater.

Elle a en revanche décidé de supprimer, compte tenu de son coût et de son caractère, contraire à tous nos principes comptables, l’article 20 bis introduit par le Sénat, qui créait une possibilité de constitution de provisions pour le paiement des cotisations sociales.

À l’article 21, relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques, la commission mixte a retenu le texte du Sénat et notamment le paragraphe V bis, créé par celui-ci et concernant un régime transitoire d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires. Le débat de la commission mixte a bien montré, en effet, que les craintes qu’a pu susciter cette disposition sont tout à fait infondées, puisque le texte prévoit explicitement que le bénéfice de la disposition est conditionné par un avis favorable de l’instance scientifique d’évaluation.

En ce qui concerne les signes de qualité, deux articles étaient en discussion.

À l’article 22 bis, tout d’abord, notre assemblée avait décidé de permettre, sur proposition du syndicat de défense de l’AOC, le cumul de la dénomination « montagne » et d’une AOC, tandis que le Sénat refusait ce cumul. La commission mixte, sur la proposition de notre collègue Michel Raison, a donc retenu un compromis autorisant le cumul, toujours sous réserve de l’initiative du syndicat d’AOC, pour les AOC dont l’intégralité de l’aire de production est située en zone de montagne.

À l’article 23, en second lieu, la commission mixte a rétabli le texte de l’Assemblée nationale à propos de l’articulation des différents modes de valorisation. La démarche de certification des produits a ainsi été distinguée des signes d’identification de la qualité et de l’origine. La commission mixte a, en revanche, retenu le texte du Sénat sur l’organisation de l’Institut national de l’origine et de la qualité. Nous attendons cependant, monsieur le ministre, des précisions quant à l’architecture de cet institut, comme l’ont fortement rappelé nos collègues Philippe Martin et Philippe Feneuil.

Pour ce qui concerne la promotion des pratiques respectueuses de l’environnement, la commission mixte n’a pas retenu l’article 25 bis A, adopté par le Sénat, qui soumet à une autorisation par décret en Conseil d’État toute activité de stockage de déchets dangereux dans l’aire de production d’une appellation d’origine contrôlée. Elle a, en revanche, maintenu l’article 25 bis, adopté par notre assemblée, qui dispense de la réalisation préalable d’une analyse de risques les demandes d’autorisation d’installations classées pour lesquelles cette analyse n’est pas nécessaire.

Comme cela a également été le cas pour les dispositions spécifiques à la forêt, la commission mixte a retenu les dispositions proposées par le Sénat spécifiques à l’agriculture de montagne.

La commission mixte a également adopté, dans le texte du Sénat, l’article 25 nonies relatif à la lutte contre les incendies de forêt, proposé par notre collègue Josette Pons et adopté par le Sénat.

À l’article 28, la commission mixte a retenu la nouvelle rédaction du Sénat du II de cet article, relatif à la certification du matériel génétique support de la voie mâle, initialement introduit par un amendement de notre collègue Yves Simon.

Enfin, compte tenu de l’existence, soulignée par le Sénat, d’une procédure administrative plus simple de mise en valeur des terres incultes, la commission mixte n’a finalement pas retenu l’article 28 ter, adopté initialement par notre assemblée.

Retenant un amendement présenté au Sénat par le rapporteur César, la commission mixte a introduit une disposition au sein de l’article 29 posant le principe de la gestion et du versement par un organisme unique, à l’horizon 2013, de l’ensemble des aides versées dans le cadre de la PAC, premier et deuxième piliers confondus.

La commission mixte a, en outre, validé les dispositions concernant les territoires d’outre-mer.

En conclusion, et sans reprendre l’essentiel du rapport que je viens de vous présenter, je soulignerai que le texte élaboré par la commission mixte fait l’objet d’un très large consensus entre les deux assemblées. La loi d’orientation que nous discutons depuis plusieurs mois me semble être un texte cohérent, qui prépare notre agriculture aux défis de l’avenir. Les discussions tenues à Bruxelles et à Hong-Kong dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce me semblent de nature à clarifier le paysage et à ouvrir de nouvelles perspectives.

Je tiens enfin à rendre hommage à nos collègues de l’opposition, et plus particulièrement à M. Chassaigne et à M. Gaubert, ici présents, qui, tout au long de ce débat, ont apporté leur pierre à la discussion. L’agriculture est un thème qui transcende les courants politiques et nous désirons tous servir ce socle essentiel de l’économie rurale.

Merci également à vous, monsieur le ministre, de l’attention et de l’écoute que vous-même et vos services avez témoignée à nos demandes au fil de toutes ces semaines.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce texte novateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après une nuit bruxelloise consacrée aux poissons, je suis heureux de vous retrouver pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire.

Je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous, comme vient de le faire Antoine Herth, pour le travail réalisé sur tous les bancs de cette assemblée. Je remercie d’abord pour son implication personnelle M. Herth lui-même, le rapporteur au fond, qui a apporté à cette mission sa connaissance du monde agricole, son talent et son engagement. Je remercie également les rapporteurs pour avis, Mme Brigitte Barèges et M. Marc Le Fur, qui ont beaucoup travaillé à enrichir ce texte. Le président Méhaignerie a suivi de près ce débat, et l’autorité et la sagesse du président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, ont été sollicitées en de nombreuses occasions.

J’associe bien sûr à ces remerciements les porte-parole de chaque groupe et les nombreux députés qui se sont impliqués dans ce débat. J’aurai le plaisir de vous proposer, après la période de repos parlementaire, de nous retrouver informellement pour reparler de ce texte d’une manière amicale.

L’actualité a été très agricole, comme vient de le rappeler Antoine Herth, avec le sommet de Bruxelles qui a permis d’assurer le financement de la politique agricole commune jusqu’en 2013, avec 293 milliards d’euros. La France disposera ainsi de l’argent nécessaire pour le premier pilier. Quant au deuxième pilier, même si la proposition retenue est un peu moins bonne que ce que nous aurions pu obtenir si le compromis luxembourgeois avait été adopté au mois de juin, nous serons en mesure de mener nos politiques d’accompagnement dans des conditions correctes.

À Hong-Kong, où a eu lieu, juste avant le conseil des ministres sur la pêche, un véritable marathon, les négociations ont été très difficiles, face à un mur constitué par le Brésil, tous les pays du groupe de Cairns, des États-Unis inflexibles et les demandes des pays du G-20 et du G-90. L’affaire était difficile. La délégation européenne a tenu fermement ses positions – le Conseil des ministres européens a eu six réunions au cours des derniers jours –, certainement confortée, les deux derniers jours, par la réussite du sommet de Bruxelles. Je dois reconnaître, après avoir beaucoup critiqué son attitude, que M. Mandelson, commissaire européen au commerce, a particulièrement bien joué le jeu et s’est révélé un négociateur inflexible. Le Premier ministre a d’ailleurs tenu à le remercier cette semaine, comme Christine Lagarde et moi-même l’avons fait à Hong-Kong.

Autre actualité agricole : la mise en place des DPU à partir du 1er janvier. Nous allons maintenant pouvoir programmer le développement rural, puisque nous connaissons l’enveloppe financière. Il nous faut également aborder d’une manière très réactive les problèmes qui touchent la société, en particulier la sécurité sanitaire et l’influenza aviaire. Nous avons toutefois de bonnes nouvelles, et j’indique aux parlementaires élus de départements abritant d’importantes filières avicoles que les prix sont remontés et que la consommation, si elle n’est pas encore revenue à la normale, s’en approche, ce qui signifie que les différentes campagnes de communication ont donné de bons résultats.

Dans ce contexte, la loi d’orientation agricole trace des perspectives pour notre agriculture. Sans reprendre le contenu du texte, que vient de rappeler Antoine Herth, j’en rappelle les trois principales orientations : l’adaptation du statut de l’exploitation agricole pour encourager la démarche d’entreprise au service de l’emploi, l’amélioration de la qualité de vie et le confortement du revenu des agriculteurs – avec les nouveaux débouchés et le développement de l’organisation économique et la maîtrise des risques – et les questions de sécurité sanitaire, de qualité et de respect de l’environnement.

Comme l’a rappelé le rapporteur, le débat parlementaire a été riche et constructif. Entre l’Assemblée et le Sénat, deux mille amendements ont été déposés et le débat s’est également nourri du volet « emploi » du rapport de M. Jacques Le Guen, qui a permis d’alléger le coût du travail salarié et de transformer les CDD en CDI.

L’Assemblée nationale a enrichi le texte sur les biocarburants. Elle est à l’origine de l’interdiction, d’ici 2010, des sacs de plastique non biodégradable et a prévu l’utilisation – pour laquelle a, entre autres, bataillé avec talent M. Dionis du Séjour –, après un an d’expérimentation, des huiles végétales pures comme carburant agricole.

Le Sénat est à l’initiative de mesures importantes améliorant la protection sociale, avec notamment la retraite des polypensionnés, qui s’ajoute aux précédentes avancées dans ce domaine. Comme le souhaitait le président Méhaignerie, nous allons demander à Daniel Garrigue et Yves Censi de continuer à travailler, dès le début du mois de janvier, sur le problème des retraites agricoles. Nous avons également engagé la généralisation de l’assurance récoltes.

Les deux assemblées ont participé conjointement à la définition des chapitres sur la protection de l’espace agricole, de la forêt et de la montagne, qui donne à ce projet de loi un volet « territoire » et illustre sa complémentarité avec la loi que vous avez votée en février sur le développement des territoires ruraux.

Enfin, sur la forme, votre implication a conduit – et le président Ollier y a été très attentif – à restreindre d’une façon très significative le nombre des ordonnances, qui se limiteront à des aspects techniques, l’orientation politique générale étant affirmée dans le cœur de la loi.

Si l’Assemblée veut bien voter ce texte, il restera à en assurer le « service après-vote », et je tiens à prendre devant vous des engagements quant à la concrétisation de ses dispositions. Rien n’est plus agaçant, en effet, pour un gouvernement ou pour le Parlement – et surtout pour le Parlement – que de voter des lois qui ne sont pas suivies des textes d’application. Sur les cent quatre articles qui composent le texte, cinquante-huit sont d’application directe. Quinze ordonnances, cinquante-six décrets – dont dix-neuf en Conseil d’État, un en conseil des ministres et trente-six décrets simples –, et quatre arrêtés permettront son application dans les plus brefs délais.

Mon objectif est que les ordonnances, les décrets importants – ceux qui touchent à la déclaration du fonds agricole, à l’organisation économique, aux signes de qualité et à l’élevage – soient transmis au Conseil d’État le plus rapidement possible, avant la fin du premier semestre. Je prends l’engagement d’une concertation sur ces textes, associant les professionnels et le Parlement. Je propose, si le président Ollier en est d’accord, de revenir dans quelques mois – en juin, par exemple – devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour faire le point, comme je le ferai également devant le Sénat, sur l’état d’avancement des textes. Je m’engage également à organiser un échange sur le contenu des textes réglementaires les plus importants tout au long de leur élaboration. Toutes les parties, et en particulier les rapporteurs, seront associées à ce travail, pour que nous puissions réduire les délais de présentation devant le Conseil d’État.

Antoine Herth a déjà souligné que ce texte important met à la disposition des agriculteurs, des entrepreneurs et des consommateurs des outils importants, qui concilient la recherche de la compétitivité et l’attention à nos équilibres territoriaux, environnementaux et sanitaires. Nous voulons, selon la belle formule du Président de la République, « une agriculture économiquement efficace et écologiquement responsable ».

Après la levée des incertitudes sur l’avenir de la PAC et les négociations multilatérales, ce texte doit contribuer à donner aux exploitants la fierté d’être agriculteurs, de nourrir leur pays, d’exporter et de respecter la qualité sanitaire. Voilà ce qu’est notre agriculture. Je vous remercie par avance de prendre en compte, si vous acceptez de voter cette loi, ce projet politique de rassemblement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes parvenus à l’ultime étape de l’examen d’un texte qui doit fixer, pour les années à venir, un cap, une direction pour notre agriculture.

Le contexte actuel, marqué par les difficiles négociations tant sur le budget européen qu’au sommet de Hong-Kong – monsieur le ministre, vous l’avez rappelé –, est inquiétant pour nos agriculteurs. Certes, tout semble à peu près calé jusqu’à 2013. C’est très bien, mais après ? Où ira notre agriculture ? Dès lors, il ne faut pas s’étonner que le moral de nos paysans soit bas. Nous devons, sans d’ailleurs la noircir outre mesure, garder en mémoire la réalité quotidienne de nos paysans : ils sont dans un contexte où les subventions sont en lent mais constant recul, tandis que l’exigence est croissante en matière d’écoconditionnalité et que la pression administrative s’alourdit. Il n’est donc pas étonnant que leur moral soit bas. Ce texte n’en était que plus attendu. Il devait décider de la place que nous souhaitions, en tant que nation, donner à notre agriculture.

Je dois rappeler qu’au début l’UDF était réservée sur ce projet de loi : l’urgence avait été déclarée alors qu’il aurait mérité une lente maturation, et un tiers des articles avaient recours à l’abominable système des ordonnances. Il nous apparaissait bien plus comme un regroupement de diverses dispositions en matière agricole que comme un texte fondateur.

Et puis, monsieur le ministre, il faut le reconnaître, vous avez fait preuve d’attention, d’écoute devant les propositions du Parlement ; certes, pas pour toutes – nous allons en parler –, mais le texte a pu évoluer dans le bon sens à l’Assemblée et au Sénat. Je vous remercie d’avoir gardé cette fibre parlementaire. Je remercie aussi tous ceux qui ont fait vivre ce débat, à commencer par notre rapporteur Antoine Herth, que je salue très chaleureusement.

Ce texte nous revient au stade final, avec un certain nombre d’avancées dont il faut rappeler l’intérêt.

D’abord, s’agissant du fonds agricole et du bail cessible, nous étions assez méfiants au début sur les conséquences de cet ensemble, qui auraient pu être davantage négatives que positives. Mais le cadre fiscal qui l’entoure a été précisé, son caractère optionnel retenu, et cela a apaisé les inquiétudes initiales, notamment dans les régions viticoles. Ce système sera donc un outil utile aux mains de ceux qui le souhaitent, et un dispositif gagnant-gagnant à la fois pour les propriétaires et pour les fermiers.

Autre débat passionnant et essentiel : celui des biocarburants. Le sujet est cher à l’UDF. Là aussi, la direction est bonne, même si on a mis du temps à la prendre. Il n’y a pas d’autre solution pour notre agriculture,…

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Absolument !

M. Jean Dionis du Séjour. …si elle veut avoir un avenir, que de sortir de l’activité exclusive de fournisseur de denrées alimentaires. Il faut qu’elle devienne également fournisseur de produits industriels. C’est à ce niveau qu’on doit placer le débat sur les biocarburants. Les discussions ont été longues, passionnées et, au final, nous avons des dispositions qui permettent d’avancer : interdiction des lubrifiants non biodégradables dans les zones sensibles, interdiction des sacs et emballages en plastique non biodégradables. Sur ce dernier point, les débats ont été épiques ! Les sénateurs, je ne dirai pas dans leur grande sagesse, mais dans leur grande frilosité, ont adouci la position quelque peu inspirée que nous, députés, avions adoptée. Et c’est vraiment dommage. S’agissant des sacs, nous avons pu arriver à quelque chose de raisonnable. Mais quand j’ai entendu Antoine Herth nous expliquer le point d’équilibre auquel nous étions parvenus en ce qui concerne les emballages plastiques, j’ai dit tout le mal que j’en pensais. Il faudra donc revenir sur ces dispositions.

M. Jean Gaubert. C’était pourtant bien emballé, monsieur le rapporteur !

M. Jean Dionis du Séjour. Certes, mais c’est même trop bien emballé et, à notre avis, on n’est pas arrivé à une solution intéressante. Les sacs et les emballages plastiques sont un véritable problème économique, écologique et esthétique. Pousser à l’utilisation de sacs en papier ou en nylon aurait été un grand pas, un changement bénéfique dans nos mentalités. Nous devrons donc y revenir. Le plus tôt sera le mieux.

Nous n’avons pas avancé comme il l’aurait fallu en matière de biocarburants et d’huiles végétales pures. Certes, il y a eu quelques petites avancées. En matière d’huiles végétales pures, nous avons, si je puis me permettre d’être un peu lyrique, perdu une bataille, mais nous gagnerons la guerre, monsieur le ministre ! Nous la gagnerons, et nous ne nous arrêterons que lorsque nos paysans et leurs outils coopératifs pourront vendre leurs huiles végétales pures aux particuliers. Je vous le demande encore une fois : rejoignez-nous dans ce combat légitime et laissez Bercy mener des combats archaïques et rétrogrades. Vous devez être notre avocat implacable à cet égard. Nous n’arrêterons pas de vous relancer.

Autre débat : les signes de qualité. Ils étaient cachés derrière des ordonnances, mais nous avons demandé à débattre de ce thème cher à tous les Français, et vous l’avez accepté. C’est un sujet vital pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs. Les précisions et les améliorations qui ont été apportées vont dans le bon sens : celui d’une plus grande transparence et donc d’une meilleure protection pour le consommateur, celui d’un système de qualité plus efficace pour nos agriculteurs. Néanmoins, je dois me faire le relais d’un certain nombre de nos concitoyens qui s’inquiètent de la création d’un comité horizontal baptisé « conseil agréments et contrôles » au sein de l’INAO. L’originalité de l’INAO reposait sur sa capacité à proposer des textes après un dialogue entre l’administration et les filières. Or celles-ci craignent de perdre leur autonomie au sein de ce nouveau comité. Il y a une solution de compromis à trouver, peut-être en créant au sein de chaque comité une section spécialisée dans les contrôles.

Permettez-moi, pour finir, d’exprimer deux regrets. Le premier, c’est l’absence de mesures pour apporter des solutions au déficit chronique du FFIPSA. Le second, c’est l’absence de dispositions destinées à soutenir plus vigoureusement l’enseignement agricole, qui globalement marche bien en France.

Quant à l’affiliation des centres d’économie rurale à la MSA sous condition d’appartenance de leurs administrateurs aux organisations syndicales ou professionnelles, je crois que c’est une véritable erreur. Cette affiliation a fait l’objet d’un débat très serré, jusqu’en CMP, et je veux vous alerter sur le fait qu’il y a un risque très sérieux que 13 000 des 15 000 salariés des centres d’économie rurale quittent la MSA, à un moment où elle n’a vraiment pas besoin de perdre sa base de cotisants. Je vous demande de remettre cette question en chantier de manière consensuelle, et j’aimerais que vous me répondiez précisément sur ce point.

Au final, et malgré les quelques réserves que je viens d’exprimer, l’UDF vous apportera son soutien sur ce texte parce qu’il donne à notre agriculture des outils intéressants et que, globalement, il répond à sa vocation qui est d’indiquer à nos paysans une direction. Celle-ci, dans un contexte difficile, nous semble la bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Merci, monsieur Dionis du Séjour !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette nouvelle lecture du projet de loi d’orientation agricole ne présente, on le sait, qu’un caractère formel. En déclarant l’urgence sur ce texte, le Gouvernement aura donc réussi à écourter nos débats mais ne sera pas parvenu à dissimuler sa précipitation à pousser notre agriculture sur une pente extrêmement dangereuse. Mais vous avez su, il est vrai, monsieur le ministre, faire un débat à l’image des baux ruraux, lesquels nous enseignent qu’il faut jouir de la terre en bon père de famille puisque, avec beaucoup d’habileté, vous êtes parvenu à faire croire que ce projet de loi était en fait plutôt secondaire ; d’où le silence des médias, qui vous a bien arrangé.

Et pourtant, en créant le fonds agricole, vous n’aboutirez qu’à valoriser les exploitations de façon très artificielle. Leur transmission sera donc plus chère et le renouvellement des générations plus difficile. En créant le bail cessible, vous ne parviendrez qu’à précariser le statut des fermiers : les pas-de-porte seront légalisés, le renchérissement des prix des loyers des fermes sera bientôt généralisé ; les charges nouvelles qui en découleront pour les fermiers ne pourront que les fragiliser davantage.

Avec le dynamitage, le mot n’est pas trop fort, du contrôle des structures, vous livrez le marché foncier aux spéculateurs : rien ne limitera plus la pression sur le prix des terres, leur prix continuera d’augmenter, l’accès au foncier sera bientôt réservé aux plus riches. Comment les jeunes pourront-ils désormais s’installer ? Mystère… Et heureusement que le Sénat fut plus clément à l’égard des SAFER que notre assemblée ! Plus encore que beaucoup d’autres, cette loi est une terrible illustration de ce bon mot de Balzac, dans La maison Nucingen – je sais que vous aimez les citations, monsieur le ministre – : « Les lois sont des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » Je vous demande de méditer cette phrase.

Avec les modifications apportées au statut des organisations professionnelles, vous décidez d’intensifier l’intégration des agriculteurs aux filières de transformation de l’industrie agroalimentaire. Au moment où la filière avicole traverse une grave crise, conséquence directe de sa forte intégration, vous cherchez à généraliser à toute l’agriculture un modèle qui démontre chaque jour son inefficacité.

Ainsi, toutes les conditions seront désormais réunies pour faciliter la concentration foncière et transformer les derniers paysans de France en agro-managers. Tout rachat d’exploitation, toute installation de jeune agriculteur deviendra progressivement impossible sans apport massif de capitaux externes. C’est bien la porte ouverte à la disparition de l’exploitation familiale, qui avait pourtant montré sa capacité à se moderniser et à répondre aux enjeux de notre époque, comme en témoigne la réussite des GAEC. J’ai eu l’occasion de citer durant notre débat un extrait d’un livre de Michel Debattisse, qui est assez édifiant quant à la possibilité pour l’agriculture familiale de résister aux grands enjeux de notre temps.

Mais répondez-vous ainsi aux problèmes qui sont posées aujourd’hui à notre agriculture ? C’est ce que vous pouvez affirmer en disant que, face à ces problèmes, il faut bien apporter des réponses. Or nous avons appris la semaine dernière que le revenu des paysans avait globalement baissé de 10 % cette année, après une baisse de plus de 7 % en 2004. Ce projet de loi répond-il à l’urgence sociale que constitue la chute du revenu des agriculteurs ? Je répondrai « non », car aucune disposition de ce projet ne va dans le sens d’une meilleure rémunération du travail paysan. Pour les paysans de France, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce projet de loi est simplement hors sujet !

L’orientation que vous souhaitez donner à notre agriculture est en outre, au regard du contexte européen et international, absolument suicidaire pour la « ferme France ». Que nous a-t-on dit la semaine dernière à propos de la réunion de l’OMC à Hong-Kong ? Que les riches pays du Nord subventionneraient leur agriculture pour accroître leurs marchés et donc pousser à la faillite les petits paysans du Sud.

Nous savons tous – je crois en effet que c’est un sentiment unanime dans cet hémicycle – que ce discours est mensonger, que les seuls vainqueurs de la libéralisation du commerce international seront les grands propriétaires du Brésil ou du Canada. Mais en décidant, comme vous le faites, d'encourager la constitution de grandes exploitations et de soumettre notre agriculture à des logiques de fonctionnement simplement capitalistes, vous ne pouvez que contribuer à justifier ce discours et donc à préparer de nouvelles reculades dans les instances internationales.

En transformant notre agriculture en agriculture d'entreprise, en faisant reposer son organisation sur les seules logiques du marché, vous contribuez à légitimer toutes les critiques de ceux qui, derrière la Grande-Bretagne, dénoncent les distorsions de marché créées par le soutien de l'Union européenne à notre agriculture. C'est bien pour cela que vous avez dû reculer, la semaine dernière, à Bruxelles comme à Hong Kong !

On voit bien là l'impasse dans laquelle les paysans seront placés après le vote de cette loi. Et même si vous avez en tête – car c’est là votre intention, à n’en pas douter – d'anticiper les mutations imposées par les nouveaux inquisiteurs de l'OMC, et de vous résigner à ce nouvel environnement économique, votre projet de loi reste hasardeux.

En effet, par le renchérissement du prix de l'accès à la terre, par la croissance du prix des baux à ferme, les charges financières des exploitations vont exploser ces prochaines années ; et jamais l'excédent d'exploitation des fermes concernées ne suffira à acquitter ces charges nouvelles.

Ainsi, vous prétendez préparer la ferme France à affronter la concurrence internationale. Au final – quelle contradiction ! – vous la lestez de charges nouvelles, qui se révéleront extrêmement handicapantes dans la concurrence internationale.

Pour toutes ces raisons, les députés communistes voteront contre ce projet de loi.

Je terminerai par un simple clin d’œil à L’Étranger d’Albert Camus. Vous y avez fait référence, monsieur le ministre, en commettant – cela peut arriver à chacun d’entre nous – une malencontreuse erreur dans votre citation.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est à cause du décalage horaire !

M. André Chassaigne. Aussi me permettrai-je à mon tour de modifier, volontairement cette fois, le si beau texte de Camus : « Aujourd’hui, l’agriculture familiale est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Petite agriculture familiale décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.” Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »

Ce dont nous pouvons en tout cas être sûrs, c’est qu’elle sera bien morte demain.

M. Jean Gaubert et M. Jean Dionis du Séjour. Hélas !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est moins beau que l’original !

M. le président. La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais simplement ajouter quelques mots, sans revenir sur le fond de cette épopée qu’a été la loi d’orientation agricole.

La date du vote de ce projet de loi, monsieur le ministre, est vraiment bien choisie.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Jean Gaubert. C’est Noël !

M. Michel Raison. Vous vous êtes en effet battu ces derniers jours sur la scène européenne et mondiale. Je tiens à vous rendre hommage, ainsi qu’à Mme Lagarde, pour la façon dont la délégation française a réussi, d’une part, à s’unir avec les autres pays européens – c’était là une première tâche – et de l’autre, à convaincre Peter Mandelson de tenir dans le mandat qui lui a été confié.

Ne séparons pas la France, l’Europe et le monde : tout est lié. Comme certains d’entre nous l’avaient souligné, cette loi d’orientation agricole va notamment de pair avec les négociations de l’OMC.

M. André Chassaigne. Elle les a anticipées !

M. Michel Raison. Notre débat a su, en dépit de ceux qui voudraient ringardiser l’agriculture française, tenir compte de ce contexte européen et mondial.

M. André Chassaigne. C’est une capitulation !

M. Michel Raison. N’opposons pas non plus agriculture et industrie : tout est lié, que ce soit par l’industrie agroalimentaire ou les autres secteurs industriels.

Il faut toujours retenir l’esprit d’une loi, notamment dans le cas d’une loi d’orientation. L’esprit de cette loi, en l’occurrence, est d’offrir de l’oxygène au métier d’agriculteur, afin d’assurer le renouvellement des générations. Comment voulez-vous en effet qu’un jeune désireux d’embrasser cette profession le fasse sans cet oxygène ?

Autre orientation importante : celle des marchés. Ce projet de loi donne un nouvel élan aux produits agricoles non alimentaires.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Michel Raison. Avec la concurrence internationale, nous aurons en effet besoin d’utiliser une partie de nos surfaces pour produire du non-alimentaire. C’est déjà le cas dans l’agriculture ; mais ce projet de loi donne un nouvel élan, que ce soit pour les carburants verts, ou l’amidon de maïs ou de pomme de terre.

M. André Chassaigne. Et l’on enterre la souveraineté alimentaire !

M. Michel Raison. Ce débat riche, jusqu’à la réunion de la CMP, a dépassé les clivages politiques.

Afin de laisser à M. Méhaignerie du temps pour s’exprimer, j’achèverai mon propos en remerciant M. le rapporteur.

M. Antoine Herth, rapporteur. Merci !

M. Michel Raison. Cela a déjà été fait ; mais trois fois valent mieux qu’une ! Je remercie aussi très sincèrement M. le ministre pour avoir été à l’écoute de l’ensemble des parlementaires tout au long des débats sur cette loi d’orientation agricole. C’était sans doute plus facile qu’à Hong Kong, mais votre ouverture et votre sincérité ont permis d’élaborer un texte lui-même sincère. J’espère que les agriculteurs en profiteront. La santé d’une exploitation agricole ne dépend pas de sa taille, mais – ne l’oublions pas, monsieur Chassaigne – de la qualité du chef d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. M. Raison m’a un peu pris de court en cédant une partie de son temps de parole à M. Méhaignerie. Celui-ci s’exprimera sans doute plus tard.

Je voudrais à mon tour faire quelques commentaires sur ce projet de loi. D’abord pour confirmer, comme d’autres, le bon esprit dans lequel nos travaux se sont déroulés ; l’affabilité de M. le rapporteur et la qualité de son travail – même si l’on ne partage pas toutes ses idées – ; votre écoute enfin, monsieur le ministre, même si nous aurions parfois souhaité qu’elle se traduise par des approbations. Néanmoins, cet esprit mérite d’être salué : on ne le retrouve pas forcément dans tous les débats parlementaires.

M. André Chassaigne. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Cette loi est attendue depuis longtemps. Le Président de la République l’avait en effet annoncée dès la campagne de 2002. Il a donc fallu trois ans. C’est une durée de gestation plutôt longue dans le règne animal ; les espèces qui la dépassent se trouvent généralement sur d’autres continents que le nôtre.

M. Antoine Herth, rapporteur. Et les éléphants du parti socialiste ? (Sourires.)

M. Jean Gaubert. Ils ne se reproduisent pas !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Heureusement pour vous !

M. Jean Gaubert. Je vous laisse la responsabilité de vos propos.

Mais que de tergiversations et de discussions pendant ces trois ans ! Au cours de la commission nationale d’orientation présidée par M. Sylvestre, on s’est demandé s’il fallait faire une, puis deux lois. La loi relative aux territoires ruraux est alors arrivée. Depuis la mise en œuvre de celle-ci, chacun voit bien que son application est difficile et qu’elle ne transforme pas les campagnes comme certains l’avaient espéré. On s’apercevra bientôt que le projet de loi dont nous discutons n’apportera rien de nouveau en la matière.

Par ailleurs, comme vous avez vous-même fini par le reconnaître – et c’est tout à votre honneur –, le Parlement ne peut pas se satisfaire des fameuses ordonnances, inadmissibles et scandaleuses, comme vous l’aviez un temps envisagé. Mais la déclaration d’urgence, elle, est bien restée. Même si le débat à l’Assemblée a duré un peu plus d’une semaine – et à peu près aussi longtemps au Sénat –, sur quelques dossiers plus techniques que politiques, nous n’avons pas eu le temps d’approfondir les sujets et je suis convaincu qu’il faudra y revenir. Je pense aux interprofessions, au rôle des offices – ne pas en parler était une manière délibérée de les enterrer –, au statut des coopératives agricoles – qui ne pourront affronter les nouveaux enjeux du XXIe siècle avec les quelques mesures adoptées dans ce projet –, aux questions sociales, où nous aurions pu aller plus loin.

En ce domaine, les mesures qui ont été votées vont à l’encontre de ce que nous souhaitons et versent parfois dans le clientélisme. Ainsi du nouveau statut conféré aux centres d’économie rurale, qui ne doivent leur présence dans ce texte qu’à la volonté de satisfaire un lobby. Cela va poser beaucoup de problèmes sur les territoires.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. Cette mesure a été évoquée au Sénat et en commission mixte paritaire, lors d’un débat bref mais vif. Elle aura pour effet de faire passer les agents du CER, jusqu’alors inscrits à la Mutualité sociale agricole, au régime général, et ce pour de simples raisons de préséance syndicale agricole. C’est là une coupure regrettable avec le monde agricole. Le Parlement ne s’honore pas en cédant aux intérêts particuliers !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Jean Gaubert. Pour ce qui concerne l’augmentation possible du temps de travail des salariés, c’est comme si l’on voulait perpétuer certains clichés sur l’agriculture : on y travaille dur, on est moins payé, etc. Comment voulez-vous que les jeunes ou les salariés se tournent vers l’agriculture si on leur promet le bagne ? C’était non seulement le discours ambiant, mais la seule mesure adoptée va dans ce sens.

Heureusement, ce projet comporte aussi quelques bonnes mesures. Vous les aviez curieusement refusées, monsieur le ministre, lorsque nous les avions présentées dans cette assemblée. Nos collègues du Sénat ont sans doute été plus persuasifs – ou ce sont les parlementaires de la majorité qui ont été plus à l’écoute. Que ce soit pour le 1 % logement, le statut des conjoints ou des aides familiaux, nous avions proposé les mêmes mesures que le Sénat : je me félicite que ce dernier les ait adoptées.

D’autres problèmes demeurent. Je n’en évoquerai qu’un ou deux. Là encore, les lobbies ont été présents. L’amendement « pesticide », relatif au Régent et au Gaucho est particulièrement dangereux : il prévoit qu’un produit ayant reçu une autorisation provisoire continue de courir tant qu’une autorisation définitive, ou une interdiction, n’a pas été prononcée. Ce statu quo équivaut à une autorisation de fait.

Quelques avancées toutefois : je pense, pour les zones de montagne, au compromis sur les signes de qualité qu’a évoqué M. le rapporteur tout à l’heure. Les organisations professionnelles l’utiliseront ou pas, mais il eût été dommage que le Parlement l’interdît.

Des avancées ont été obtenues en matière d’urbanisme agricole, de forêt ou de biocarburants. Dans ce dernier domaine, on n’est pas allé aussi loin qu’on aurait dû, mais on a avancé tout de même.

En revanche, ne nous réjouissons pas, ne vous réjouissez pas, monsieur le ministre, de ce qui a été décidé à propos des sacs en plastique. On sait bien qu’il n’y aura quasiment plus de sacs de caisse en 2010. L’enjeu ne se situait donc pas là, mais sur les emballages en plastique. Or, sur ce point, loin d’avancer, on aurait plutôt reculé ! On aurait pu progresser vers les bioplastiques et protéger d’autres emballages, aujourd’hui à la dérive ; je pense en particulier aux emballages en bois, qui sont en train de se faire bouffer par les emballages en plastique, alors que nous sommes en pleine crise du pétrole ! C’est le cas dans ma région pour les emballages à base de peuplier qui servaient aux légumes. C’est un non-sens de ne pas être allé plus loin.

Un de nos collègues nous a expliqué qu’il ne fallait pas attenter aux entreprises spécialisées dans le plastique. Mais est-on gêné de menacer celles qui produisent des emballages en bois ? Le texte, en l’état, condamne ces derniers alors qu’ils contribuent incontestablement à une démarche de développement durable.

On dit souvent que le lobby agricole est puissant. On s’est aperçu, à cette occasion, qu’il en est un plus puissant encore, c’est le lobby pétrolier !

Monsieur le ministre, nous avons bien noté que vous nous présenteriez un texte de loi sur l’agriculture et la ruralité dans les DOM-TOM. Nous insistons pour qu’il soit présenté rapidement car, dans les dix-huit mois qui nous séparent de la fin de la législature, nous savons bien que la compétition va s’ouvrir entre de nombreux textes. Si celui-ci n’était pas présenté dans le premier semestre de 2006, il est à craindre que cette promesse aussi soit à « recycler » pour les élections de 2007, parce qu’elle n’aurait pas été tenue !

Venons-en au corps du projet de loi d’orientation lui-même. Je ne m’étendrai pas longuement sur le sujet, mais je tiens à évoquer encore le fameux fonds agricole, que l’on nous a présenté comme « la » grande idée, et dont il faudrait adopter la création au motif qu’il faut légaliser des pratiques existant dans certaines régions et qu’on ne pourrait pas éradiquer. Est-ce là une bonne raison de voter une mesure ? Le Parlement ne s’honore pas en se contentant d’une telle ambition !

Au reste, que contiendra ce dispositif ? Et surtout, qu’y restera-t-il ? On y mettra un certain nombre d’actifs, qui sont palpables, mais aussi les fameux DPU. Or, même si l’on peut considérer aujourd’hui que ces droits sont assurés jusqu’en 2013, au mieux, les gens n’en bénéficieront que pendant six ou sept ans. Les jeunes, qui les ont achetés à l’occasion de l’achat du fond agricole, savent bien qu’ils auront beaucoup de mal à les revendre dans quinze ou vingt ans. Personne, en effet, ne se fait d’illusion : pour les agriculteurs, tout le monde le sait, les choses évolueront dans le mauvais sens.

Surtout, le coût de l’installation se trouve renchéri, bien que l’on prétende que cette disposition soit destinée à la favoriser. Comment cela se pourrait-il, puisque ce qui ne se payait pas auparavant se paiera désormais ? Il y aura donc un gagnant : celui qui vend, et un perdant : celui qui achète.

Comme on s’est rendu compte que cela ne pourrait pas fonctionner ainsi, on a proposé le bail cessible. Mais, pour qu’il y ait bail cessible, il faut 50 % maximum – cela pourra se négocier, mais peu – d’augmentation du bail pendant une période relativement longue avant la cession. On imagine mal un propriétaire accepter ces 50 % à deux ans de la fin de l’activité de son fermier. Quant au fermier, la solution pour lui consistera à mettre ça dans le « paquet » achat du fond et à le faire payer au jeune, lequel continuera de payer les 50 % supplémentaires après la cession, parce que ce sera la référence.

M. André Chassaigne. C’est suicidaire !

M. Jean Gaubert. Prétendre, dans ces conditions, faciliter l’installation des jeunes, c’est se mettre le doigt dans l’œil ! À moins que vous ne vous fichiez de ceux qui vous écoutent !

Enfin, il y a le contrôle des structures. Certes, on a évité le pire car, si on avait écouté les plus ultras des ultralibéraux, on aurait signé la mort des SAFER. Mais tout de même ! Avec le cousinage et l’agrandissement,…

M. Hervé Novelli. Excellente mesure !

M. Jean Gaubert. …peu de dossiers iront vers les commissions, sinon aucun. Dans ma commune, je ne vois pas lesquels, depuis dix ans, y seraient allés. Il y avait déjà de moins en moins de jeunes candidats ; l’augmentation du coût de l’installation les découragera encore un peu plus. Nous nous dirigeons par conséquent vers une agriculture avec des exploitations de plus en plus grandes, recourant de plus en plus au salariat, dans de mauvaises conditions. Peut-être même, demain, au lieu de craindre le « plombier polonais », rêvera-t-on d’embaucher des étrangers comme salariés agricoles ! Je n’y suis pas hostile, mais je voudrais qu’ils ne le soient pas à des salaires de dumping.

Avec ce projet, nous avons raté l’occasion de mieux adapter notre agriculture à ces enjeux que d’autres ont cités avant moi, des enjeux européens et mondiaux qui n’ont pas été assez présents dans ce débat.

La question a souvent été posée de savoir s’il s’agissait bien d’une loi d’orientation. Oui, c’en est une, d’orientation vers une agriculture complètement libérale, qui tout en prétendant se situer dans le concert mondial, entend percevoir d’importantes subventions, parfois injustement réparties entre les secteurs. Or on sait que ces subventions seront remises en cause dans le cadre des négociations internationales. Malheureusement, cette grande agriculture libérale ne vit que grâce à elles. Notre pays présente cette particularité que ce sont les plus gros exploitants qui perçoivent le plus de subventions, alors que les secteurs les plus en difficulté doivent se contenter de beaucoup moins.

Telles sont les remarques que je voulais faire, au nom de mon groupe. Non, nous ne voulons pas « ringardiser » l’agriculture. Mais si, être moderne, c’est abandonner un grand nombre d’agriculteurs en rase campagne, c’est ne pas permettre à des jeunes de s’installer, et c’est faire une loi pour les rentiers – je rappelle que les seules exonérations fiscales sont accordées non pas à ceux qui s’installent mais à ceux qui s’en vont –, nous ne sommes pas modernes ! Ce n’est pas cela que nous attendions d’une loi d’orientation.

Au cours de la discussion, notre collègue Jean Lassalle a dit que nous allions vers les 50 000 agriculteurs. Je ne sais s’il a raison ou tort. Mais c’est bien la direction que nous prenons, et je ne serais pas étonné qu’au lieu de 600 000, nous n’en comptions plus, dans quelques années, que quelques dizaines de milliers, surtout à cause, je le répète, des difficiles conditions d’installation qui leur sont faites.

Monsieur le ministre, vous comprendrez dès lors que nous ne voulons pas, que nous ne pouvons pas nous inscrire dans cette perspective. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie. Je remercie Michel Raison de m’avoir laissé quelques minutes de son temps de parole, les multiples arbitrages de la loi de finances m’ayant fait oublier le débat final sur cette loi d’orientation agricole.

Monsieur le ministre, cette loi fournit, cela a déjà été dit, des outils nouveaux à notre agriculture. Notre collègue a parlé d’« oxygène » apporté à l’agriculture française, et Antoine Herth de plus de responsabilités. Je la voterai donc, comme beaucoup, avec plaisir.

Elle n’éclaire cependant pas l’avenir pour les raisons que nous connaissons tous, à savoir les négociations de l’OMC et les critiques, trop nombreuses, à l’encontre de la politique agricole commune. Aussi, à peine l’agriculture a-t-elle commencé à assimiler la troisième mutation, avec la réforme de la PAC, qu’elle en voit déjà poindre une quatrième, humainement déstabilisante.

C’est la raison pour laquelle, plus que jamais, les agriculteurs méritent non seulement l’attention mais aussi le soutien le plus large des responsables politiques. Car on oublie trop souvent que, dans ces quarante dernières années, peu de secteurs ont consenti autant d’efforts de productivité pour la nation. Comme l’a rappelé Marc Le Fur, la commission des finances apportera sa contribution au débat futur sur l’agriculture.

Mais la première des contributions que nous devons tous apporter, c’est un immense effort de communication vis-à-vis de l’opinion publique, non seulement en France mais en Europe, ne serait-ce que pour rétablir la vérité des faits, d’abord quant aux formidables progrès réalisés en matière de qualité. Personne ne le conteste, scientifiquement, mais que n’entendons-nous pas, pourtant ! Il faut dire la vérité aussi sur les subventions. Il est de notre devoir à tous de rappeler à des agriculteurs qui n’aiment pas entendre dans les médias qu’ils seraient subventionnés en permanence que ces subventions ne sont que la compensation d’une baisse organisée des prix agricoles depuis plus de quinze ans. Si les prix alimentaires n’ont pas suivi la même courbe que les prix agricoles, rappelons aussi aux consommateurs qu’ils achètent de plus en plus, non pas de la matière première agricole mais du conditionnement et des produits préparés.

Enfin, le coût financier a fortement évolué dans les vingt dernières années. Selon l’OCDE, la moyenne de soutien global des pays à leur agriculture représente, dans le monde, 1,16 % du PIB et, en Europe, 1,20 % du PIB. Il faut transmettre ce message.

Quant aux pays pauvres, la plus récente étude de la Banque mondiale a démontré que la libération totale des marchés ferait beaucoup de perdants aussi bien en Inde qu’en Afrique.

M. André Chassaigne. Bien sûr !

M. Jean Gaubert. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie. C’est la raison pour laquelle notre premier devoir d’hommes politiques est de communiquer ces informations.

Jean Dionis du Séjour et d’autres ont parlé de l’article 10 sexies. Mais quand on aime bien, il faut dire quelques vérités. J’ai eu le même débat avec Michel Debatisse quand j’étais ministre de l’agriculture. Subordonner l’affiliation des centres de gestion agréés à la Mutualité sociale agricole à la condition que leur conseil d’administration soit composé non pas d’une majorité d’agriculteurs – c’est normal –, mais d’une majorité de membres désignés par les organisations professionnelles agricoles ou les chambres d’agriculture, ne me paraît pas aller dans le bon sens, pour deux raisons.

D’abord, cette disposition pose un problème de principe par rapport à la liberté d’association. Elle impose, sans motif d’intérêt général, que les centres de gestion comprennent des représentants d’organisations professionnelles. Il y a là un léger risque d’inconstitutionnalité.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie. En outre, il est logique que les centres de gestion comprennent majoritairement des représentants des agriculteurs. Mais faut-il qu’ils soient désignés par une organisation professionnelle ? C’est une question d’indépendance et de liberté.

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie. Pour ma part, je veux rendre hommage à ces centres qui ont constitué, pour moi, pendant les vingt dernières années, des références extrêmement solides.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie. Et nous avons besoin qu’ils restent indépendants des autres organisations professionnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Dionis du Séjour. Et la MSA aussi !

M. Pierre Méhaignerie. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il vous faut examiner cela avec les organisations professionnelles. À mon avis, nous avons manqué de temps pour mener pleinement cette négociation.

En conclusion, il n’y a rien de plus absurde, tant intellectuellement qu’économiquement et socialement, que de soutenir que l’agriculture serait un secteur archaïque qu’il faudrait abandonner aux pays pauvres.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie. Il nous faut combattre cette assertion contraire à l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Je voudrais tout d'abord louer l'initiative du Gouvernement d'avoir élaboré ce projet de loi alors que le monde agricole connaît d'importantes mutations. Il devenait par conséquent nécessaire de faire évoluer les exploitations afin qu’elles demeurent compétitives face aux impératifs économiques.

Un point particulier nous inquiète, M. Feneuil et moi-même. J’appelle votre attention sur un amendement adopté par le Sénat à l'article 23, relatif aux signes de qualité. Si l'amélioration de la qualité constitue une priorité de la politique agricole du Gouvernement, son principal instrument est l'Institut national des appellations d'origine. Or cette modification pourrait remettre en cause le mode de fonctionnement de l'INAO via ses comités nationaux et la capacité des filières à s'autogérer. S'il peut apparaître nécessaire de modifier certaines dispositions en matière d'AOC, il importe que ces modifications puissent être adoptées après consultation des professionnels concernés par la zone ou le terroir d'appellation,

Chacune des AOC présentant des spécificités, les producteurs et les instances en charge de leur gestion sont les mieux à même de se prononcer sur la définition des conditions de production, mais aussi des modes de contrôle. Les conditions de production et les modalités de contrôle des productions gérées par l'INAO, qu’il s’agisse du vin, du fromage, de l’huile ou des lentilles, sont très différentes et ne peuvent pas relever d'une procédure horizontale.

La création d'un comité horizontal, appelé « conseil agréments et contrôles », peut constituer une remise en cause des compétences de chaque comité national. Dans ce nouveau conseil, les représentants de tous les comités nationaux seront présents. De ce fait, plus aucune filière n'aura la majorité. Les accords ne se feront plus que sur des compromis proposés par l'administration, supprimant ainsi l'autonomie de décision des filières. Or la force de l'INAO tient dans sa capacité de décision. L'institut propose des textes réglementaires au Gouvernement, que celui-ci ne peut modifier, et dans le dialogue entre les deux parties, c'est à l'INAO que revient la décision finale.

Mais le mode de fonctionnement de l'INAO, qui a fêté ses soixante-dix ans cette année, n’est pas seul à être remis en cause par cet amendement sénatorial. Vous n'êtes pas sans savoir les difficultés financières de l'Institut national des appellations d'origine. La création de ce conseil d’agrément et de contrôle ne fera que les accroître en augmentant son coût de fonctionnement. Je tiens à vous rappeler que l'INAO se trouvera dans une situation délicate en 2006, en raison de la diminution des recettes professionnelles viticoles liées au gel des plantations et à la maîtrise des rendements.

Je souhaiterais aussi que le Gouvernement ne bouleverse pas le système des AOC, dans la mesure où les Français reconnaissent pleinement ce signe d'identification de la qualité et de l'origine des produits agricoles. Il convient de préserver cette spécificité française et de poursuivre une politique de soutien à l'originalité de nos produits.

Monsieur le ministre, la création d'un conseil d’agrément et de contrôle soulève de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de toutes les filières gérées au sein de l'institut. Il nous appartient de les rassurer en confirmant que les comités nationaux et eux seuls définiront les plans d’agrément et de contrôle des productions dont ils assurent la gestion.

Une déclaration forte de votre part et l’engagement que les prérogatives des comités nationaux en matière de définition des plans de contrôle ne seront pas remises en cause dans l’ordonnance prévue par l’article 23 seraient de nature à satisfaire tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, ce m’est un plaisir de vous dire la satisfaction que nous avons éprouvée à travailler avec vous. Je salue en particulier la méthode que vous avez employée, notamment à l’égard du droit d’amendement des parlementaires, dont certains de vos collègues feraient bien de s’inspirer… En effet, les ministres pratiquent soit le blocage et la fermeture, au risque de provoquer la grogne, y compris au sein leur majorité,…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est ce qui s’est passé hier soir ! Il y avait de la friture !

M. Marc Le Fur. …soit l’ouverture – que vous avez su montrer tout au long de nos débats – aux idées et aux engagements de chacun.

Ce texte comporte d’indéniables progrès de société. L’expression est sans doute ambitieuse, mais votre projet ne concerne pas que le monde agricole, il intéresse l’ensemble de nos concitoyens. L’Assemblée nationale a voté un amendement de Francis Delattre qui a eu l’immense mérite d’ouvrir le débat, très riche, que nous avons eu sur l’incorporation des matières végétales dans le plastique. Le Sénat a, quant à lui, adopté une attitude que d’aucuns ont qualifié de frileuse, et je partage ce sentiment.

Nous ne devons pas pour autant négliger les avancées de la CMP. Ainsi, à l’initiative du président Ollier, l’alinéa 3 de l’article 11 bis oblige le Gouvernement, dans le délai d’un an, à prévoir des modalités d’incorporation des matières végétales dans l’ensemble des produits plastiques. Contrairement à notre collègue Dionis du Séjour, j’estime que c’est un progrès et, avec Antoine Herth et Brigitte Barèges, nous ne manquerons pas, en tant que rapporteurs, d’exercer notre droit de suite sur ce texte.

Une autre avancée, qui intéresse l’ensemble de nos concitoyens, concerne les biocarburants et les huiles végétales. Tandis que nous légiférons, les initiatives se multiplient sur le terrain.

Ce texte marque aussi un progrès social. L’article 9 étant consensuel, on en a très peu parlé, mais il n’en constitue pas moins un immense progrès pour les éleveurs, qui ne pouvaient quasiment jamais s’octroyer quelques jours de liberté. Désormais, ils pourront avoir un remplaçant pendant quinze jours, financé pour moitié par un crédit d’impôt.

Contrairement à ce que disent nos collègues socialistes, nous avons également progressé sur la question des travaux agricoles, qui constituent un véritable gisement d’emplois. Les entrepreneurs de travaux agricoles pourront désormais bénéficier du travail saisonnier.

Les engagements que vous avez pris, monsieur le ministre, concernant les cotisations MSA et les prestations de retraite, en particulier celles des femmes, constituent une autre avancée. Certes, il ne s’agit pas d’un texte de loi, mais nous espérons progresser en 2006.

En revanche, nous regrettons, comme le président Méhaignerie l’a expliqué, que les salariés des centres de gestion ne puissent rester à la MSA, qui s’ampute ainsi elle-même, alors qu’elle tend la main, de leurs cotisations.

M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. Nous ne voyons pas où est la cohérence.

Progrès encore dans le domaine du droit car, s’agissant des contrôles, si l’agriculteur a bien évidemment des devoirs, il a aussi des droits.

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, à peine étiez-vous arrivé rue de Varenne que vous avez lancé une charte pour entrer dans une dimension législative. J’avais moi-même déposé un amendement en ce sens et je me félicite d’avoir été suivi. Désormais, c’est le principe du contradictoire qui s’applique, avec la possibilité de se faire assister et d’être averti avant le contrôle.

Toujours dans le domaine du droit, nous sommes satisfaits que le délai de recours visant certaines installations classées – véritable épée de Damoclès pour les agriculteurs – soit ramené de quatre ans à un an. Je remercie Antoine Herth pour son soutien.

Nous avons également progressé dans la voie du bon sens en ce qui concerne la réglementation sur l’éloignement. Si nous maintenons la règle des 100 mètres, très sensible dans un certain nombre de régions, des accords entre tiers permettent désormais d’y déroger, ce qui contribuera à résoudre bien des problèmes dans les secteurs ruraux denses.

Naguère, les lois d’orientation agricole imaginaient des modèles, que les agriculteurs suivaient peu ou prou. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, la tâche est plus complexe : il s’agit de définir un cadre permettant de réaliser des projets divers. De ce point de vue, cette loi d’orientation agricole, riche et nuancée, nous permet d’appréhender l’agriculture française dans sa diversité. Nous avons donc, tous ensemble, fait œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je remercie Jean Dionis du Séjour qui nous a assurés du soutien du groupe UDF, Michel Raison de celui du groupe UMP, et Pierre Méhaignerie qui a élargi à l’Europe notre réflexion sur l’avenir économique, social et politique de notre agriculture.

J’ai noté les critiques qu’ont rappelées « raisonnablement », pour reprendre un mot désormais célèbre (Sourires), André Chassaigne et Jean Gaubert – ce dernier était présent à Hong Kong, comme Hervé Novelli, pour suivre les travaux de l’OMC –, qui ont fait preuve d’une opposition légitime, mais toujours constructive.

J’ai bien entendu, monsieur le président de la commission des finances, les préoccupations qui se sont exprimées au sujet des centres d’économie rurale, et nous devrons en reparler.

Philippe-Armand Martin, Philippe Feneuil et Jean Dionis du Séjour ont bien compris que le conseil agréments et contrôles avait pour objet de renforcer la crédibilité du dispositif de qualité et d’apporter des assurances aux consommateurs. Mais il ne prive pas les comités existants de leurs prérogatives. Nous devons conforter l’INAO, en renforçant l’implication des professionnels. Nous associerons les différentes filières professionnelles à la rédaction de l’ordonnance. Quant au financement, la discussion budgétaire nous a permis d’avancer. Nous devons en effet veiller, au moment où nous transformons l’INAO en institut de la qualité, à mettre à sa disposition les moyens financiers nécessaires.

Je remercie les députés qui ont, sur tous les bancs, participé à ce débat. Si cette loi est votée, notre objectif prioritaire sera de la mettre en œuvre en faisant paraître au plus vite l’ensemble des textes d’application, décrets et ordonnances, à propos desquels je souhaite l’implication du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2005

Transmission et discussion
du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 22 décembre 2005.

« Monsieur le président,

« Conformément à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2772).

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, à l’issue de la première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2005, l’Assemblée et le Sénat s’étaient mis d’accord pour adopter dans les mêmes termes cinquante-six articles et en supprimer un. Il restait donc en discussion quatre-vingt-deux articles, dont quarante-deux ajoutés par nos collègues sénateurs, sur lesquels la commission mixte paritaire est parvenue hier soir à un accord. C’est ce texte que le Gouvernement nous demande d’approuver.

Cette loi de finances rectificative, je le rappelle, comporte une réforme essentielle, attendue depuis de nombreuses années : la modification de la fiscalité sur les plus-values. En confortant la situation de nos entreprises – en particulier les PME –, notamment à l’occasion de leur transmission, cette réforme s’inscrit clairement dans la priorité générale donnée à l’emploi par le gouvernement de Dominique de Villepin.

Le premier volet de la réforme vise à assurer la transmission des centaines de milliers d’entreprises dont les dirigeants sont en âge de partir à la retraite. Ces derniers vont bénéficier, dès le 1er janvier, d’une exonération totale de la taxe sur les plus-values de cession – qui normalement s’élève à 16 % –, qu’il s’agisse d’entreprises individuelles, de sociétés de personnes ou de sociétés de capitaux. Sur ce point, notre assemblée a apporté des améliorations majeures au dispositif proposé par le Gouvernement.

Le second volet vise à favoriser la détention longue d’actions, afin de stabiliser l’actionnariat, et donc les fonds propres, de nos entreprises – notamment, là aussi, des petites et moyennes entreprises. Conformément au souhait formulé par le Président de la République à l’occasion de ses vœux pour 2005, le dispositif proposé s’inspire de la réforme de la fiscalité sur les plus-values immobilières votée il y a deux ans. Alors que, pour ces dernières, l’exonération est totale au bout de quinze ans, elle le sera, s’agissant des plus-values de cession d’actions, au bout de huit ans. Ce délai commence à courir à partir du 1er janvier 2006.

Enfin, le dispositif des plus-values professionnelles est à la fois amélioré et inscrit dans la durée. Il fonctionne selon deux modalités. L’une dépend du chiffre d’affaires : c’est le « dispositif Dutreil », issu de l’adoption en 2003 de la loi pour l’initiative économique. L’autre concerne la cession de branches complètes d’activité : je pense notamment à la bonne transmission des commerces de centre-ville. Dans ce cas, la loi pour le soutien à la consommation et à l’investissement, adoptée en 2004, permet une exonération totale en deçà d’un plafond de 300 000 euros, porté aujourd’hui à 500 000 euros avec une dégressivité.

Par ailleurs, je tiens à souligner que la commission mixte paritaire a dû examiner hier de très nombreux amendements du Gouvernement, …

M. Michel Bouvard et M. Philippe Auberger. Trop nombreux !

M. Didier Migaud. Vous allez donc les repousser ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. …déposés au dernier moment et qui relèvent parfois d’une certaine improvisation.

Lorsque nous devons examiner avec nos collègues sénateurs des dispositions restant en discussion, nous pouvons connaître des désaccords, mais nous finissons, après un débat sur le fond, par les surmonter. Nous avions ainsi des approches différentes que nous avons su concilier sur la question des autorités indépendantes, de leur financement et de leur traitement dans la loi organique.

En revanche, un problème se pose lorsque le Gouvernement nous présente au dernier moment des amendements qui n’ont fait l’objet d’aucune expertise. C’est la difficulté que nous avons rencontrée hier soir en CMP. Je sais, monsieur le ministre, que nombre de ces amendements ne viennent pas de vous,…

M. Philippe Auberger. Mais le Gouvernement est solidaire !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …mais je souhaite que vous jouiez un rôle de prévention plus efficace en la matière. En effet, notre premier souci, à nous législateurs, c’est de faire du bon travail.

M. Michel Bouvard. Exactement !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Nous sommes donc très malheureux quand on nous propose au dernier moment des amendements qui n’ont pas été expertisés, car cela nuit à notre capacité de faire de bonnes lois de finances, ce qui est notre préoccupation essentielle.

M. Hervé Novelli et M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Je voulais vous faire passer ce message, monsieur le ministre, et vous remercier, vous et vos collaborateurs, pour la qualité du travail que nous avons effectué ensemble sur la loi de finances pour 2006 et sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2005. Je remercie aussi mes collègues, et tout particulièrement le président de la commission des finances, avec lequel j’ai un immense plaisir à travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Nous voilà donc, avec ce texte issu de la CMP, au bout du bout. C’est la dernière séance, comme dit la chanson ! Je veux vous dire le plaisir qui est le mien de me retrouver auprès de vous aujourd’hui.

M. Hervé Novelli. Plaisir partagé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons fait ensemble un travail passionnant. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, des mots aimables que vous avez eu la gentillesse de m’adresser, ainsi qu’à mes collaborateurs, et je tiens à vous dire à quel point j’ai apprécié de passer tout l’automne, quasiment nuit et jour, avec vous, ainsi qu’avec Pierre Méhaignerie. Le fait que nous soyons si près les uns des autres, que nous ayons l’occasion d’écouter les orateurs, de débattre avec eux, d’avoir des moments de flamme, d’émotion,…

M. Hervé Novelli. D’abattement parfois !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …de rire aussi – tout cela fait partie du charme de la vie parlementaire – crée une certaine intimité, et avoir eu l’honneur de présenter devant vous le budget du gouvernement français restera pour moi un grand souvenir.

Nous avons veillé à ce que ce collectif budgétaire ne soit pas le match retour du projet de loi de finances. Je veux le dire ici : ce n’était pas le cas du précédent.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nombre d’entre vous avaient reproché au collectif 2004 d’être allé au-delà de sa feuille de route en accroissant les dépenses publiques. J’ai reçu le message cinq sur cinq et vous reconnaîtrez que ce n’est pas le cas avec ce collectif, dont on ne peut dire qu’il contient des dépenses non maîtrisées, bien au contraire. Nous avons très attentivement respecté notre feuille de route. Toutes les ouvertures de crédits sont gagées pour 1 milliard et les reports sont en très forte baisse, à 5 milliards, alors qu’ils avaient atteint 14 milliards en 2002.

Sur la fiscalité, nous avons fait une belle réforme des plus-values qui facilite les transmissions d’entreprises et stabilise l’actionnariat des sociétés. Au titre de la solidarité, citons la taxe sur les billets d’avion,…

M. Charles de Courson. Hélas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …disposition que le Sénat a adoptée conforme, la prime de Noël ou encore la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat. S’agissant de la TACA, M. Novelli a bien voulu reconnaître, avec beaucoup de gentillesse et de fair-play, qu’il était très heureux, car il ne fait pas partie de ces gens qui, dès qu’ils obtiennent satisfaction sur un point, l’oublient aussitôt et passent au suivant. Il sait que j’ai été particulièrement attentif à ce que la disposition qu’il proposait soit adoptée au mot près par le Parlement,…

M. Hervé Novelli. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ce qui n’allait pas de soi. Il a bien voulu reconnaître que je tiens mes engagements, et j’y suis très sensible.

M. Hervé Novelli. Et vice-versa !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, pour le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, auquel M. Censi s’est particulièrement intéressé, nous avons retenu la moins mauvaise solution possible.

Vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur général, s’agissant de votre observation sur les amendements de dernière minute. C’est un sujet auquel je suis attentif, tout comme vous. Nul ne peut en effet se réjouir d’une telle pratique pour le travail parlementaire. Je partage votre souci en tant que ministre du budget veillant à ce que l’on travaille le mieux possible. D’ailleurs, aucun de ces amendements n’est de mon fait. Mais laissez-moi souligner que certains répondent à des situations d’urgence.

Il s’agit d’abord des viticulteurs, que le Premier ministre a reçus cette semaine. Je vous demande d’accepter les deux amendements spécifiques qui concernent deux régions, en précisant à M. Mariton et à M. Novelli que cela n’interdit pas de travailler sur d’autres secteurs départementaux ou régionaux si nécessaire.

M. Philippe Auberger. La Bourgogne !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela va de soi ! Je vous renvoie au ministre de l’agriculture, qui fera preuve d’esprit d’ouverture.

Quant à l’amendement concernant les industries électro-intensives , il répond à un engagement pris devant les instances européennes.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je demande donc à l’Assemblée de l’adopter.

En dehors de ces dispositifs d’urgence, je suis très attentif à votre propos, monsieur le rapporteur général, et je vous remercie encore du travail que nous avons accompli ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Les années budgétaires se suivent et se ressemblent. L’an dernier, le président de la commission des finances regrettait les allégements d’impôt ; cette année on en a encore fait pour 6 milliards. Cette fois, le rapporteur général a regretté que le déficit ait augmenté, mais cela ne l’empêche pas de se réjouir des mesures sur les plus-values que contient ce projet de loi de finances rectificative. A quoi bon faire un rapport sur la dette publique quand vous ne cessez de l’aggraver ?

Pour les collectivités locales, malgré une compensation de 456 millions d’euros inscrite dans ce collectif, le compte n’y est pas. La commission consultative d’évaluation des charges avait demandé que l’on modifie la référence. En effet, dans les Bouches-du-Rhône par exemple, le déficit lié aux dépenses pour le RMI a doublé, et il en va de même dans mon département. On nous dit qu’il faut mieux gérer les RMIstes, mais je voudrais bien que l’on me dise comment faire ! Faut-il les faire disparaître, au moment où vous en créez de nouveaux ? Nous faisons des contrats d’avenir, des RMA…

M. Hervé Novelli. Très bien ! Continuez !

M. Augustin Bonrepaux. A chaque fois, cela représente des dépenses supplémentaires pour les départements, mais cela permet d’alléger les charges de l’État et de la sécurité sociale, ce qui est une bonne chose. Il faudrait quand même en tenir compte dans la compensation. Vous avez bien ajouté 100 millions pour mieux gérer le RMI, mais une fois que l’on a fait tout ce que l’on peut pour l’insertion, on ne peut priver les allocataires de ressources. C’est un problème très grave pour les collectivités. Pourtant, vous ne cessez de dire que vous compensez les charges à l’euro près.

Pour les personnels contractuels, alors que les collectivités territoriales vont prendre en charge les TOS au 1er janvier, le compte n’y est pas non plus. Les situations sont différentes d’un département, d’un collège, d’un lycée à l’autre. Comment avez-vous pu retenir un coefficient de répartition nationale à l’article 27 ? Dans mon département, les crédits alloués couvrent la moitié des charges transférées. Cela risque de poser des problèmes pour le fonctionnement des collèges. Je demanderai donc au président de la commission d’évaluation des charges de se saisir de la question.

Par ailleurs, monsieur le ministre, avec ce collectif vous allez contre les décisions de justice prévoyant le remboursement aux transporteurs de la TVA sur les péages d’autoroute. Vous prétendez qu’ils ne l’ont pas payée, pourtant la taxe était bien incluse dans le tarif. Vous portez aussi préjudice aux personnels de l’équipement en faisant annuler une décision qui leur donnait satisfaction pour les indemnités de résidence. Ils vont saisir la Cour de justice européenne, mais il aurait mieux valu examiner un peu plus attentivement ces deux dispositifs et donner satisfaction à ces catégories de personnels.

En conclusion, vous l’avez compris, le groupe socialiste votera contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est plus un DDOEF qu’un véritable collectif budgétaire. En effet, seuls huit articles constituent la partie budgétaire contre soixante-quatorze – 90 % – pour la partie DDOEF.

Sur le plan budgétaire, le solde est, en apparence, amélioré de 883 millions, les pertes de recettes de 1,7 milliard étant plus que compensées par des réductions de dépenses pour 2,6 milliards. Mais le déficit – 47 milliards en 2005 – reste à un niveau aussi élevé qu’en 2004.

Comme c’est le cas depuis plus de quinze ans, les annulations de crédits nettes des ouvertures portent davantage sur les crédits d’investissement que sur les crédits de fonctionnement. En effet, la baisse nette des crédits de fonctionnement atteint 1,8 milliard, soit 0,8 % de l’ensemble des crédits de fonctionnement, alors que la baisse nette des crédits d’investissement atteint 1,6 milliard, soit 5,3 % des crédits d’investissement. Les annulations nettes sont presque sept fois plus lourdes sur les investissements que sur le fonctionnement. La dérive se poursuit : toujours plus de fonctionnement, toujours moins d’investissement.

Quant à la reprise de 2,5 milliards de dettes du FFIPSA, elle constitue une opération d’une constitutionnalité douteuse. En effet, lors de la suppression du BAPSA le 31 décembre 2004, son déficit atteignait déjà 3,2 milliards d’euros et il fut transféré au FFIPSA, établissement public autonome, ce qui a permis de soulager l’exécution 2004 de 3,2 milliards. Fin 2005, le déficit du FFIPSA atteindra 5,1 milliards d’euros du fait d’un déficit de l’exercice 2005 de l’ordre de 1,9 milliard.

La reprise de presque la moitié du déficit a été traitée comme une opération de trésorerie et figure donc non pas dans l’article d’équilibre, mais dans l’article concernant la dette, alors que la sincérité du budget aurait dû consister à subventionner le FFIPSA à hauteur de 3,2 milliards. La Cour des comptes, dans son rapport annexé au projet de loi de règlement pour 2005, a qualifié cette opération massive de débudgétisation d’« atteinte à la sincérité du budget ».

Je voudrais vous lire le rapport de la Cour des comptes, parce que sa critique est tout de même très dure :

« En décidant de ne pas procéder à une ouverture de crédits en loi de finances rectificative pour 2004 afin de financer cette insuffisance et en faisant en sorte que la charge correspondante soit couverte en gestion au moyen d’une avance de trésorerie consentie par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, l’État a choisi de laisser subsister dans les comptes du BAPSA à fin 2004 une dette de plus de 3,2 milliards à porter au passif du bilan d’ouverture du nouveau fonds.

« Le BAPSA a donc été délibérément maintenu en déficit en 2004, en contradiction avec la réglementation applicable aux budgets annexes, de façon à éviter de faire porter la charge en trésorerie correspondante sur le solde d’exécution du budget de l’État. »

Voilà ce que dit la Cour des comptes. Il s’agit d’une critique très sévère, que nous avons déjà évoquée hier en commission mixte paritaire.

Ma troisième observation porte sur la réforme des plus-values. J’y reviendrai tout à l’heure, mais vous savez qu’elle a des conséquences financières dès 2006, puisque les dirigeants qui vont prendre leur retraite pourront en bénéficier. Or les conséquences de cette réforme n’ont pas été évaluées pour 2006 et le projet de loi de finances n’en tient pas compte. Il en va de même d’un amendement adopté hier en commission mixte paritaire, qui porte sur l’extension du régime de rachat de cotisations ouvert aux seuls fonctionnaires ayant adhéré après le 31 décembre 2004 et dont le coût n’a pas été évalué.

En second lieu, j’en viens à quelques observations sur la partie DDOEF, qui représente 90 % de ce texte. De nombreuses remarques peuvent être faites à ce sujet.

La première concerne l’attribution exceptionnelle de TIPP aux départements, à hauteur de 457 millions, destinée à compenser des dépenses liées au RMI de 2004. Dans la mesure où cette compensation ne sera pas reconduite l’année prochaine, alors que l’écart entre les charges et les dépenses sera, en 2005, de l’ordre du milliard, on peut se demander comment les départements feront pour financer en 2006 l’accroissement continu du coût net du RMI.

M. Augustin Bonrepaux. Bonne question !

M. Charles de Courson. La réponse est simple : les départements – beaucoup de collègues conseillers généraux en conviennent – augmenteront massivement leur fiscalité l’an prochain. De combien ? On verra. Mais il serait étonnant que l’on n’observe pas à nouveau une augmentation de 5, voire 6 ou 7 %. Le Gouvernement pourra-t-il prétendre une nouvelle fois que ce sont de mauvais gestionnaires ? Il s’agit d’une prestation définie par l’État. Il faut donc bien y faire face, de même qu’à la PCH, qui, dans un département comme la Marne, coûtera entre 3 et 5 millions supplémentaires. À l’échelle nationale, on peut estimer son coût net à au moins 500 millions supplémentaires, et à 700 millions à l’échéance de trois ans.

Comment feront les conseils généraux ? Le Gouvernement commence à se rendre compte que la critique systématique de leur gestion est tout à fait inappropriée. Le Premier ministre a donc annoncé aux présidents de conseils généraux qu’il allait réunir à ce sujet une conférence, qui devait avoir lieu en décembre et qui a été repoussée au début de 2006. Cela signifie-t-il que nous serons amenés, dans la loi de finances rectificative pour 2006, à rouvrir des crédits pour essayer d’atténuer ce mouvement ? Je vois mal comment le Gouvernement peut continuer dans une telle logique, sachant que la réforme de la taxe professionnelle va encore sanctionner les départements. En tant que premier vice-président de celui qui a été géré avec le plus de rigueur pendant vingt ans, puisque nous avons les taux de pression fiscale les plus bas,…

M. Michel Bouvard. Non ! Pas en ce qui concerne l’impôt ménages !

M. Charles de Courson. Mais globalement, mon cher collègue, nous sommes encore en dessous de vous ! Quoi qu’il en soit, je vois mal comment le Gouvernement va définir une politique cohérente à l’égard des conseils généraux.

Ma deuxième remarque porte sur la mise en place d’une taxe de solidarité sur les billets d’avion. Mes chers collègues, vous m’avez désigné, depuis un peu plus de trois ans, comme rapporteur du budget des transports aériens. En commission, nous avons, à une voix près, failli repousser cette mesure, qui procède d’une mauvaise idée. L’UDF n’est pas du tout hostile à une augmentation de 200 millions des crédits de l’aide au développement, pourvu que ce soit par redéploiement. Mais que celle-ci se fasse sur le budget général, pas par le biais d’une taxe qui va créer 3 000 chômeurs et détruira en plus une centaine de millions d’euros de richesse en France. C’est le modèle même de ce qu’il ne faut pas faire ! Il fallait au moins négocier avec nos partenaires pour essayer d’instaurer une taxe sur les billets d’avion au niveau communautaire.

Troisièmement, l’UDF est favorable à l’exonération progressive des plus-values. Elle a seulement soulevé une objection, que le rapporteur général a d’ailleurs reprise à son compte, en soulignant qu’il n’est pas juste de ne pas prévoir un plafonnement des plus-values sur les sociétés de capitaux, comme il existe un pour les sociétés de personnes et les entreprises individuelles. Le rapporteur général avait d’ailleurs envisagé un amendement à ce sujet, comme j’avais pensé le faire moi-même. Le Gouvernement a fait une ouverture en proposant que l’on se concerte l’an prochain pour essayer de définir un plafond. Espérons que ce sera bien le cas et qu’il n’attendra pas qu’il soit trop tard pour fixer un plafonnement. Sinon, on répétera une fois encore que l’on a travaillé pour les riches, et non d’une façon équilibrée.

Quatrièmement, l’amendement du Gouvernement tendant à ne pas rembourser aux transporteurs routiers, conformément aux décisions de justice, le milliard de TVA acquitté sur les péages entre 1996 et 2000 constitue lui aussi, au sens juridique du terme, un déni de justice. Une nouvelle fois, l’affaire remontera en Cour européenne de justice et, une nouvelle fois, la France sera condamnée. Le dispositif que nous avions proposé permettait de constater la créance et de prévoir un étalement dans le temps afin de se donner trois à cinq ans pour rembourser. C’eût été la sagesse, et c’est d’ailleurs ce qu’imposera, dans deux ou trois ans, une nouvelle décision de justice.

Enfin, monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur l’adoption hier, en commission mixte paritaire, d’un amendement visant à réduire le produit affecté au Conservatoire du littoral, qui devait l’être à 80 % pour 2006 et à 100 % pour 2007, le Président de la République s’étant engagé à augmenter sensiblement les moyens de cet organisme. En tant que membre de la commission mixte paritaire, j’ai protesté contre cet amendement qui n’est même pas évalué, puisqu’on ignore le montant exact de la réduction, qui pourrait être de l’ordre de 10 %. Mais je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avons réduit les dotations budgétaires au Conservatoire du littoral en contrepartie de cette affectation. Là encore, la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative devraient être cohérentes entre elles. Il semblerait que la différence joue sur 3 millions, mais nous ne disposons d’aucune évaluation de l’amendement qui a été adopté. J’espérais que le Gouvernement déposerait un amendement après la commission mixte paritaire afin de revenir au texte soit de l’Assemblée nationale, soit du Sénat. Mais il semble que ce ne soit pas le cas, puisque le ministre a annoncé qu’il ne déposait que deux amendements de fond.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe UDF ne peut accepter la dégradation de nos finances publiques et leur non-redressement, ainsi que certains amendements gouvernementaux, dont j’ai montré qu’ils n’étaient pas adaptés. C’est pourquoi le groupe UDF s’abstiendra sur ce collectif budgétaire.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté cette année n’a rien, malheureusement, d’une simple loi de conclusion de la gestion budgétaire, comme on le prétend. En effet, il propose un nouveau train de mesures fiscales destinées – cela devient obsessionnel – à gonfler le portefeuille de catégories privilégiées de contribuables et à favoriser le capitalisme boursier au détriment d’une économie valorisant l’emploi stable et le travail correctement rémunéré.

Votre politique économique est un échec, monsieur le ministre, mais vous demeurez droit dans vos bottes, insensible à l’ensemble des signaux qui devraient vous alarmer.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur Chassaigne. Vous allez me faire de la peine !

M. André Chassaigne. Parmi eux, l’aggravation de la dette publique, évaluée à 2000 milliards d’euros par la commission Pébereau. Cette dette s’est considérablement aggravée depuis trois ans, malgré vos protestations de bonne gestion. Là, monsieur le ministre, c’est vous qui me faites de la peine !

M. Hervé Novelli. Sortez vos mouchoirs !

M. André Chassaigne. Mais j’en viens dès à présent aux mesures prévues dans le projet de loi, et tout d’abord, bien sûr, à la mesure clef de ce projet : la réforme des plus-values sur les actions.

Votre majorité s’est entendue, depuis quatre ans, à défendre une politique systématique de réorientation de l’épargne vers les placements en actions. C’est ce choix qui nous vaut encore la mesure d’exonération des plus-values réalisées sur les actions détenues depuis plus de huit ans. Cette mesure est l’exact pendant de celle qui veut que vous n’ayez eu de cesse de vous attaquer à l’épargne populaire, tant en abaissant de 3 à 2 % le taux du livret A qu’en décidant plus récemment de soumettre à l’impôt sur le revenu les PEL détenus depuis plus de douze ans.

Le Gouvernement et la plupart des parlementaires de la majorité n’ont jamais de mots assez forts pour se lamenter au sujet des effets néfastes de la globalisation financière sur notre économie, de la multiplication des plans sociaux et des restructurations. À propos de lamentations, je ne peux résister à l’envie de citer Bossuet.

M. Hervé Novelli. Un père abbé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà une attention qui me touche !

M. André Chassaigne. « Le Ciel se rit des prières qu’on lui fait pour éloigner de soi des maux dont on persiste à vouloir les causes. » Précisément, la seule justification des restructurations est aujourd’hui la fameuse création de valeur pour les actionnaires. Les fonds de placement opèrent une pression destructrice sur l’emploi, les salaires et les investissements productifs. Vous savez fort bien que les mesures que vous préconisez n’ont d’autre objet que d’alimenter cette logique. Vous êtes ainsi fidèles à la politique que vous poursuivez depuis quatre ans, qui ne vise qu’à favoriser le capital au détriment du travail, c’est-à-dire à favoriser une poignée de nantis au détriment de la majorité de nos concitoyens.

M. Frédéric Dutoit. C’est vrai !

M. André Chassaigne. À l’opposé, nous estimons que l’État devrait garantir des taux satisfaisants à l’épargne réglementée. Cette épargne, qui n’est pas liée au rendement du travail, pourrait en effet constituer un authentique levier du développement économique, en permettant de réorienter les masses financières disponibles vers des investissements utiles à la collectivité : le développement de l’emploi, de la formation ou de la recherche, la construction de logements ou le rééquilibrage de nos territoires.

Dans ce contexte, que pèse l’unique mesure de votre projet de loi qu’il faut bien qualifier de généreuse, celle qui met en place la fameuse taxe sur les billets d’avion ? Que pèse une telle mesure, quand on sait par exemple que cette taxe parafiscale devrait rapporter au mieux 200 millions d’euros alors que la seule mesure du « bouclier fiscal » représente un coût de 250 millions d’euros au profit exclusif des 14 000 ménages français les plus aisés ?

M. Frédéric Dutoit. C’est un scandale !

M. André Chassaigne. Quel poids pèse une telle mesure quand, par ailleurs, vous livrez les moindres parcelles de notre économie aux appétits destructeurs des marchés financiers ? Nous ne sommes pas dupes de cette hypocrisie, avec son cortège de contradictions. Les Français non plus ne sont pas dupes.

Quant aux mesures fiscales que vous nous présentez, elles ont, dites-vous, vocation à renforcer l’attractivité de notre territoire. Il s’agit là encore d’une supercherie, à moins qu’il ne faille parler d’aveuglement. Mais dans ce cas, monsieur le ministre, vous me feriez encore plus de peine.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous préfère quand vous citez Bossuet !

M. André Chassaigne. Vous n’avez de cesse de faire de la fiscalité et du niveau de prélèvement obligatoire le bouc émissaire des difficultés économiques. Vous n’avez jamais de mots assez forts pour fustiger le caractère prétendument confiscatoire de l’impôt, en particulier bien sûr celui des plus privilégiés, dont vous nous expliquez sans rougir qu’ils sont la force vive de notre pays, quand il s’agit en fait, pour l’essentiel, d’une poignée de rentiers !

Mais le plus grave, dans ce discours, est qu’il ignore sciemment que l’impôt n’est pas le facteur essentiel de l’attractivité de notre pays, loin de là.

De même, contrairement à vos affirmations justifiant toujours plus de cadeaux fiscaux, les PME indépendantes, celles qui ne relèvent pas de la déconcentration des grands groupes, ont surtout besoin de crédits à taux bonifiés pour financer durablement leur activité et l’emploi en limitant les frais financiers. Elles ont également besoin de crédits pour la recherche-développement, alors que le soutien public est aujourd’hui monopolisé par les grands groupes. Elles sont davantage étranglées par les donneurs d’ordres que par les charges fiscales.

Les mesures fiscales préconisées par le Gouvernement témoignent de l'étroitesse de ses grilles d'analyse et du peu de cas qu’il fait de la poursuite de l'intérêt général.

Vous n'avez pas l'ambition de répondre concrètement au souhait légitime de chacun de nos concitoyens, en particulier des plus fragilisés, de disposer de conditions de vie décentes, de se réaliser socialement et de s'épanouir personnellement.

Force est de constater que votre politique économique – et je ne parle pas de votre désastreuse politique sociale – est condamnée à l’échec, notamment parce que les pertes de recettes fiscales induites par les multiples mesures d'exonération affectent durablement les éléments de l'attractivité de la France – nos collectivités locales, nos services publics, notre protection sociale, notre tissu économique, nos petites entreprises – tout en contribuant à l'aggravation des inégalités sociales.

M. Frédéric Dutoit. Très juste !

M. André Chassaigne. Le Gouvernement ne modifie pas une ligne de sa politique budgétaire. Il continue d'ignorer les attentes de nos concitoyens, dans le seul but d'améliorer les profits des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des plus favorisés. La simple annulation des dispositions fiscales hasardeuses votées cette année aurait permis de dégager 6,2 milliards d'euros. Cette somme considérable aurait pu contribuer à lutter efficacement contre le développement de la grande pauvreté, les exclusions qui minent nos quartiers populaires ou la terrible fracture territoriale de notre pays.

Vous avez fait le choix d'ignorer ces priorités. Dès lors, vous comprendrez que nous votions contre votre projet.

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. En ce 22 décembre, au terme des débats budgétaires, on peut se demander ce qu’il reste à dire.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. Il convient néanmoins de souligner que ce collectif budgétaire marque une étape importante sur le chemin de la maîtrise des dépenses publiques, tout en constatant malheureusement qu’en raison de la conjoncture, les recettes sont moins importantes que celles qui étaient espérées. Cependant, le chemin est encore long, car la maîtrise de la dépense publique reste une exigence inégalement partagée, y compris sur les bancs de notre assemblée, et même – reconnaissons-le – au sein de notre groupe. Il reste que l’État parvient mieux à maîtriser ses dépenses, et c’est heureux : chacun doit en être convaincu.

Les collectivités locales doivent contribuer à cet effort. J’aurais voulu dire à M. Bonrepaux, qui vient de quitter l’hémicycle, que, dans ce collectif budgétaire, l’État tient son engagement en participant, au-delà des exigences de la loi de décentralisation, au financement du RMI, mais que les collectivités ne doivent pas pour autant s’abstraire de la nécessaire maîtrise de la dépense dans le cadre du plein exercice de leurs compétences.

M. Bonrepaux nous a annoncé des difficultés à venir liées au transfert des TOS des collèges et des lycées, qui relèveront bientôt de la responsabilité des conseils généraux et régionaux. Mais, qu’il s’agisse de l’emploi des personnels titulaires ou des emplois aidés, les financements sont établis par la loi et la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale a montré qu’ils étaient parfaitement adaptés, à condition que les collectivités locales ne commencent pas par procéder à de nouvelles embauches, source de dépenses supplémentaires, donc d’augmentation des impôts. Si elles assument pleinement leurs nouvelles compétences en s’efforçant de maîtriser la dépense, le transfert peut se faire dans des conditions raisonnables.

Il n’y a pas de chronique annoncée de l’augmentation de la fiscalité locale, sauf si les exécutifs le veulent.

Dans le cadre de leur débat budgétaire, qui a lieu actuellement, certains départements, en particulier ceux qui sont dirigés par des exécutifs socialistes, annoncent des augmentations d’impôt importantes,…

M. Didier Migaud. Pas seulement à gauche !

M. Hervé Mariton. …qu’ils mettent sur le dos des transferts de compétences.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Or nous avons eu l’occasion de démontrer qu’elles résultaient en réalité d’un exercice mal maîtrisé de ces nouvelles compétences.

M. Didier Migaud. Vous ne démontrez rien, vous affirmez !

M. Hervé Mariton. C’est dommage et c’est grave pour nos concitoyens. Il reste que l’État doit être exigeant avec lui-même et qu’il devra, dans les semaines qui viennent, être parfaitement transparent en ce qui concerne le transfert de la prestation compensatoire de handicap. L’exercice de compétences nouvelles n’est pas forcément aisé et, pour chacune d’entre elles, l’État doit faire la démonstration qu’il transfère les ressources correspondantes. Mais cette exigence ne doit pas se transformer en soupçon. À cet égard, la manière dont les socialistes justifient a priori l’augmentation de l’impôt n’est qu’une énième démonstration de leur incapacité de maîtriser la dépense.

M. Didier Migaud. N’importe quoi !

M. Hervé Mariton. Que ce soit à l’échelle des collectivités locales ou de l’État, il nous faut faire preuve de discipline dans la maîtrise de la dépense publique qui, cela a été rappelé ces derniers jours, est plus que jamais nécessaire. La Conférence des finances publiques qu’a annoncée le Premier ministre sera, à cet égard, bienvenue, et chacun devra en tirer les conséquences pour les responsabilités qu’il exerce.

Par ailleurs, je voudrais évoquer deux amendements que vous nous avez annoncés, monsieur le ministre. Je ne peux que me réjouir que le Gouvernement ait repris celui concernant les industries électro-intensives, que j’ai porté avec d’autres collègues.

En revanche, je suis moins favorable à l’amendement qui apporte une garantie de l’État pour des emprunts souscrits par des comités professionnels en vue d’arrachages dans deux bassins de production viticole. Hier, lors des questions d’actualité, j’ai interrogé le Gouvernement sur les réponses qu’il entend apporter à la crise viticole. Sans doute l’initiative que vous nous présentez est-elle l’une de ces réponses, mais vous me permettrez de dire, en tant qu’élu d’une région viticole qui n’a pas l’heur d’en bénéficier, qu’elle est peut-être bienvenue pour les deux bassins visés, mais qu’elle mériterait d’être étendue à d’autres régions. La méthode n’est pas très heureuse, monsieur le ministre, et vous n’êtes probablement pas loin d’en convenir. Les souffrances de la filière viticole sont, hélas ! largement partagées sur l’ensemble du territoire, et la réponse du Gouvernement et de notre assemblée ne peut donc être circonscrite à deux bassins de production. Cette précipitation est presque maladroite, car les vins de la vallée du Rhône méritent au moins autant que ceux de Bordeaux et du Beaujolais l’attention du Gouvernement.

En conclusion, ce collectif est une étape dans la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, une station.

M. Charles de Courson. Sur un chemin de croix ?

M. Hervé Mariton. Il appartiendra au Gouvernement de poursuivre dans cette voie tout au long de l’exécution du budget pour 2006. En ce qui concerne celui de 2007, il nous a parlé d’une maîtrise des dépenses à 0 % en valeur, ce qui serait encore plus vertueux qu’en 2005 et 2006. Nous voterons ce collectif budgétaire, qui est une bonne étape sur le chemin de cette vertu ô combien nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. J’essaierai de ne pas suivre l’exemple de M. Mariton, qui estime qu’il n’y a plus rien à dire mais dépasse son temps de parole. (Sourires.)

Monsieur le ministre, nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions de ce collectif. Il témoigne de l’ampleur du décalage entre les prévisions très optimistes de la loi de finances initiale, laquelle tablait sur une croissance de 2,5 % et un prix du baril de pétrole très sous-estimé, et les résultats économiques et sociaux de 2005. La consommation et le pouvoir d’achat s’en ressentent. Quant au chômage, il diminue malheureusement beaucoup moins que vous ne le dites. Nous souhaitons d’ailleurs que toute la vérité soit faite sur ce point et nous vous interpellerons à nouveau au début de l’année prochaine sur la réalité des statistiques du chômage. J’ajoute que le nombre des défaillances d’entreprises augmente très sensiblement, ce qui a évidemment des conséquences sur l’emploi.

Notre situation budgétaire ne s’améliore pas davantage : malgré les nombreuses annulations de crédits que vous avez été contraints de décider, le déficit ne baisse pas et la dépense publique n’est pas maîtrisée.

Votre politique constitue une vraie source d’étonnement : comment pouvez-vous augmenter les prélèvements obligatoires – même si vous diminuez l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune – et en même temps aggraver les déficits et l’endettement, en dépit d’une croissance, certes relativement faible, mais tout de même supérieure à zéro ? En 1995, 1996 et 1997, vous aviez fait subir à la France le même régime et, depuis que vous êtes revenus aux affaires en 2002, nous ne sommes plus dans les clous des critères européens. Nous risquons donc de voir la Commission européenne déclencher au début de l’année prochaine une nouvelle procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France.

Tout cela n’est pas glorieux pour notre pays et entraîne de lourdes conséquences pour nos concitoyens, avec une aggravation des inégalités. Certaines de vos mesures favorisent largement les ménages les plus aisés, tandis que d’autres pénalisent les petits épargnants et les Français les plus modestes, jusqu’aux classes moyennes. Votre politique fiscale et budgétaire est particulièrement injuste, chaque jour nous en apporte une nouvelle démonstration. Une enquête d’un grand journal du soir révélait récemment combien vos affirmations sont loin de la réalité que connaissent les contribuables.

L’incompréhension affecte aussi la relation entre l’État et les collectivités territoriales : le compte n’y est pas, contrairement à ce qu’affirme Hervé Mariton. La fameuse formule copéenne « à l’euro près » restera peut-être dans l’histoire, mais n’aura malheureusement connu aucune application dans les faits.

Par ailleurs, nous avons pu observer, tout au long de l’exécution de la loi de finances pour 2005, un certain nombre d’insincérités que la Cour des comptes elle-même a dénoncées. C’est d’autant plus regrettable qu’avec la LOLF, nous espérions une plus grande transparence.

L’examen du texte par le Sénat, puis par la commission mixte paritaire n’ayant pas vraiment amélioré le projet initial, nos critiques restent inchangées. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Avant de le mettre aux voix, je vais, conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements du Gouvernement.

À l’article 24 ter A, je suis saisi d’un amendement n° 5 qui tend à supprimer le gage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. À l’article 24 ter, je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je présenterai conjointement les amendements nos 1 et 9, qui portent tous deux sur l’article 24 ter. Il s’agit de rétablir le dispositif destiné à offrir aux industries électro-intensives une meilleure visibilité sur les conditions d’achat de l’énergie. Cette mesure correspond à un engagement pris devant les instances européennes.

Le Gouvernement est pleinement conscient de la difficulté, de la complexité et de l’urgence du problème. Le ministère de l’industrie aurait sans doute dû, il est vrai, associer le Parlement à cette réflexion plus en amont. Pour réparer cela, le Gouvernement s’engage à ce que les parlementaires participent pleinement au suivi de la mise en œuvre du consortium, et plus généralement à ce que les conditions d’application soient rendues publiques et transparentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. C’est à l’initiative de M. Mariton que l’Assemblée avait adopté, il y a quelques jours, une première version de ce dispositif. Il s’agit de permettre aux industries qui consomment beaucoup d’électricité – la métallurgie, la papeterie, la chimie – et qui sont donc concernées par la forte augmentation des prix de cette énergie, de se regrouper pour effectuer leurs achats dans le cadre de sociétés anonymes agréées.

La commission mixte paritaire a décidé hier soir de ne retenir que le volet fiscal du dispositif, au demeurant très limité et qui ne pose aucun problème. Ce volet fiscal sert en fait de point d’accroche à la loi de finances rectificative, puisque l’essentiel du montage se trouve dans les dispositions à caractère juridique et technique qui permettent la mise en œuvre des consortiums d’achats groupés et régissent leurs relations avec le marché de l’électricité, en voie de dérégulation,…

M. André Chassaigne. Malheureusement !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …ainsi qu’avec les sociétés actionnaires.

L’amendement de M. Mariton ayant été proposé hier soir en séance sans que nous ayons pu l’examiner en commission des finances – le Sénat a été confronté à la même situation –, nous avons considéré que nous n’avions pas été en mesure de procéder à une expertise suffisante et avons estimé plus sage de ne retenir que le dispositif fiscal.

Nous avons parmi nous des experts, notamment Hervé Mariton et Michel Bouvard, qui défendront mieux que moi cet amendement auquel ils sont très favorables. Pour ma part, n’étant pas familier des aspects juridiques du dispositif mais étant tout à fait favorable à ses aspects fiscaux, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je me félicite que le Gouvernement ait déposé cet amendement, dans une forme cette fois compatible avec la réglementation communautaire, et je remercie M. le rapporteur de s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

Nous nous trouvons dans une situation d’extrême urgence : en neuf mois, le prix du mégawatt-heure pour les industriels est passé de 30 à 45 euros, ce qui met en péril des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de l’électro-intensif.

M. André Chassaigne. Il faut bien servir les actionnaires !

M. Michel Bouvard. Je veux saluer l’action du Gouvernement, dont le Parlement avait attiré l’attention il y a un an et demi sur les problèmes du marché de gros de l’électricité. Traders et actions spéculatives, conjugués avec la fin des contrats à long terme dont bénéficiaient un certain nombre d’industriels, menaçaient de détruire – et avaient d’ailleurs commencé à le faire – des dizaines de milliers d’emplois.

M. André Chassaigne. Ce sont les contradictions du système !

M. Michel Bouvard. Ce dispositif permet de rééquilibrer le marché. Vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont accepté d’engager à notre demande un travail d’enquête, confié à l’inspection générale des finances et au conseil général des Mines, qui a permis de vérifier la réalité des activités spéculatives sur le marché de gros. Nous avons là une solution qui respecte le droit communautaire et est adaptée à un secteur où les investissements, à l’image des cycles économiques, sont à long terme et où les industriels ont besoin de visibilité dans la durée. De plus, cette solution est cohérente avec notre choix d’investir dans le nucléaire afin de garantir une électricité abordable pour les industriels, donc de permettre le maintien de leurs activités. On ne peut pas pleurer sur les délocalisations et ne pas prendre les mesures qui permettent de préserver notre grande industrie.

Je remercie le Gouvernement d’aller jusqu’au bout de sa démarche et de reconnaître que le Parlement doit conserver un rôle en matière de surveillance. Nous avons eu un autre débat afin de déterminer s’il fallait donner plus d’autonomie aux autorités indépendantes, voire leur accorder l’autonomie financière au moyen de ressources dédiées. Je crois que le rôle de la représentation nationale est de rester vigilante sur ces sujets.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. À l’article 30 sexies, je suis saisi d’un amendement n° 2, visant à supprimer le gage.

Je suppose que l’avis de la commission est favorable…

M. Gilles Carrez, rapporteur. Bien sûr.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Même vote sur les amendements nos 3 et 4, qui tendent à supprimer les gages des articles 30 septies et 32 bis A ?

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. À l’article 35 bis, je suis saisi d’un amendement n° 10.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous avais annoncé, par myopie sans doute, deux amendements de fond ; en voici un troisième, pour le même prix. (Sourires.)

L’amendement n° 10 prévoit un dégrèvement de taxe professionnelle pour les entreprises de transport sanitaire terrestre, mesure de cohérence avec celles prises pour les transporteurs routiers et les secteurs de navigation fluviale. Il s’agit d’aider les professions concernées à faire face aux conséquences dramatiques de l’augmentation brutale du prix de l’énergie, qui constitue un véritable choc structurel. Nous avons le devoir de dire la vérité aux Français : nous nous acheminons vers un monde où l’énergie sera rare et chère. Il faut donc accompagner l’adaptation des secteurs économiques les plus directement exposés, parmi lesquels on trouve les entreprises de transport sanitaire terrestre.

M. Hervé Novelli. Seulement elles ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui.

M. Hervé Novelli. C’est vous qui le dites !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui. (Rires.)

M. Hervé Novelli. On sent le ministre convaincu !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Profondément ! Je vous serais donc très reconnaissant de bien vouloir accepter cet amendement avec enthousiasme.

M. le président. Le rapporteur est-il aussi convaincu que le ministre ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. J’ai trouvé le ministre très prolixe. Pour ma part, je n’ai aucun commentaire à faire. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 35 bis est ainsi rétabli.

À l’article 42, je suis saisi d’un amendement, n° 6, de suppression du gage.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 8, tendant à rétablir les articles 55 bis et 55 ter.

Ces amendements peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je les ai déjà présentés, monsieur le président. M. Mariton s’est ému que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux secteurs du Bordelais et du Beaujolais, mais le ministre de l’agriculture m’a confirmé que sa porte était grande ouverte à quiconque souhaiter évoquer le cas d’autres régions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Mes chers collègues, nombre d’entre nous, qui sont maires, savent qu’on y réfléchit à deux fois avant de donner une garantie communale. L’État a multiplié les garanties par centaines dans le passé. Grâce à la loi organique, le Parlement a aujourd’hui la possibilité de les examiner.

L’État a garanti les sociétés de développement régional, et c’est lui qui paie, aujourd’hui encore, après les faillites de Nordex et de Picardex, par exemple. L’État a garanti des régimes de retraite, et nous payons, aujourd’hui encore, au titre des retraites de la Compagnie de chemins de fer française Ethiopie-Djibouti ! (Rires.) Plus récemment, l’État a garanti la concession du Stade de France, car à l’époque, une équipe de première division devait s’y installer en résidence. Elle n’y est jamais venue,…

M. Michel Bouvard. Elle est restée au Parc des Princes !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …mais l’État paie toujours la garantie.

M. Philippe Auberger. Et pour Eurodisney, ça va venir !

M. Michel Bouvard. C’est vrai : il y a aussi Mickey !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Pour des montants beaucoup plus importants, s’élevant à plusieurs milliards, l’État a garanti l’UNEDIC, il y a dix ans. Les prêts consentis n’ont jamais été remboursés – M. Migaud en sait quelque chose – et on les a définitivement abandonnés il y a deux ans. Mais, pendant cinq ans, au cours de la précédente législature, et pendant encore deux ans ensuite, on a inscrit la recette tout en sachant pertinemment qu’elle ne serait pas perçue.

Les garanties d’emprunt sont des choses sérieuses, que l’État devrait considérer avec la même sévérité que le font les exécutifs locaux. On nous propose ici une garantie – peut-être plus eurocompatible que d’autres montages – pour les offices interprofessionnels du Bordelais et du Beaujolais. Mais qu’en est-il des vins de Touraine, en particulier le Chinon, si cher à M. Novelli ? Et ne produit-on pas de vin, monsieur Mach, dans les Pyrénées orientales ? Même chez Jean-Marie Binetruy, dans le Doubs, on fait un blanc excellent. Et les vins d’Alsace de notre ami Antoine Herth ? Et ceux de la Drôme ?

M. Philippe Auberger. Et la Bourgogne, alors ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Et le champagne ? (M. de Courson fait de vigoureux signes de dénégation.) Non, bien sûr ! Mais connaissant sa générosité, je suis sûr que notre collègue Charles de Courson serait prêt à contribuer à un fonds de péréquation au bénéfice des vignobles en difficulté… (Sourires.)

Tout cela pour dire qu’il est dommage, monsieur le ministre, que ce type d’amendement débarque au dernier moment en commission mixte paritaire, sans aucune expertise. Quel mauvais travail ! Et pourtant, je vous invite à la sagesse, chers collègues, car, dans ce domaine, c’est la sagesse et la modération qui doivent toujours prévaloir. (Sourires.)

M. Philippe Auberger. Nous voilà enivrés par vos paroles ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons découvert hier soir en commission mixte paritaire ces amendements par lesquels l’État s’engage à garantir les emprunts contractés par les interprofessions du Beaujolais et du Bordelais afin de verser une prime complémentaire aux viticulteurs. Mais, jusqu’à preuve du contraire, un emprunt, cela se rembourse. Est-il prévu que ces interprofessions augmenteront la contribution volontaire obligatoire de leurs adhérents pour rembourser le prêt ? Si ce n’est pas le cas, les inquiétudes du rapporteur général seraient fondées. Nous avons besoin de quelques précisions avant de nous prononcer.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. M. le rapporteur général a souligné à juste titre les progrès accomplis avec la loi organique en matière de garanties de l’État. La transparence est plus grande et le Parlement est en effet mieux informé. Mais nous pourrions aller plus loin en prenant l’exemple des collectivités territoriales dont le volume de garanties est encadré par la loi Galland.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. L’État pourrait ainsi, à partir d’un certain nombre de ratios, définir des règles d’encadrement du volume des garanties. Il faudrait même peut-être retirer définitivement la possibilité à certains organismes de solliciter la garantie de l’État.

Avec ces deux amendements, nous ouvrons une brèche et les demandes vont se multiplier. Jusqu’où irons-nous ? On ne peut ignorer, alors que s’ouvre le débat sur l’endettement, que la garantie est potentiellement de la dette. Il faudra donc aller au-delà des progrès accomplis avec la loi organique. Définir des limites permettra d’ailleurs au Gouvernement de répondre plus fermement aux sollicitations des groupes de pression. Il faut mettre chacun devant ses responsabilités.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Au-delà des arguments du rapporteur général et du débat fort intéressant sur les garanties, je souhaite faire entendre le point de vue d’un membre de la commission des affaires économiques. J’ai entendu que certains étaient tentés de remettre en cause le choix des vignobles retenus. Je veux donc souligner que, malgré la diversité des productions, le marché vitivinicole est très poreux en France. Mettre l’accent sur le Bordelais ou le Beaujolais aura ainsi des effets positifs sur l’ensemble du vignoble français. Il faut avoir cet élément technique en tête. J’invite donc mes collègues à retenir surtout la conclusion du rapporteur général, et à adopter ces deux amendements.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix…

M. Charles de Courson. Il n’y a pas de réponse du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je crois savoir que M. Bussereau s’est déjà exprimé à ce sujet. Retenons simplement que les deux offices interprofessionnels ont la capacité de rembourser ces prêts et que la viticulture en crise a besoin aujourd’hui de ce geste. M. Carrez en a appelé à la sagesse. Moi, j’invite expressément l’Assemblée à voter ces amendements tout à fait justifiés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 55 bis est ainsi rétabli.

Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 55 ter est ainsi rétabli.

Nous avons achevé l’examen des amendements.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports :

Rapport, n° 2764, de M. Dominique Le Mèner.

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Éventuellement, à vingt et une heures trente :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)