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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 18 janvier 2006

116e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

priorités de la présidence autrichienne
de l’union européenne

M. le président. La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Cousin. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, l’Europe représente une chance et un atout pour l’avenir de notre pays et permet de mieux répondre aux défis du monde d’aujourd’hui. Au lendemain du référendum sur le traité constitutionnel, la dynamique européenne semblait s’être ralentie. Or, l’accord obtenu récemment sur le budget européen ouvre de nouvelles perspectives. Comme vous l’avez déclaré, « 2006 doit être une année d’action pour l’Union européenne ».

L’Autriche, qui depuis le début du mois assure la présidence de l’Union européenne, se place dans cette même optique. Le chancelier fédéral, M. Wolfgang Schüssel, a déclaré vouloir relancer l’Europe, qui devra notamment avoir pour ambition de rapprocher les citoyens de l’Union et de regagner la confiance des populations dans le projet européen.

Le 9 janvier dernier, lors de la rencontre inaugurale entre le gouvernement autrichien et la Commission européenne, le président de l’Union a présenté les deux priorités pour les six mois à venir : la croissance et l’emploi, d’une part ; l’avenir des institutions, d’autre part.

Aussi, madame le ministre, pouvez-vous nous dire comment la France accueille la feuille de route de la présidence autrichienne et quelles initiatives elle compte prendre pour permettre la réussite de l’Europe de l’emploi et de la croissance que nous appelons tous de nos vœux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député Cousin, la présidence autrichienne de l’Union s’est en effet fixé deux priorités essentielles : la croissance et l’emploi, et l’avenir de l’Union.

Ces priorités sont aussi les nôtres, et le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, est cet après-midi même à Berlin pour évoquer ces questions avec la chancelière fédérale, Mme Merkel.

La priorité absolue est de remettre l’Europe au travail sur des politiques concrètes, de lui faire faire des pas concrets sur des projets bien identifiés. Il s’agit en effet des premières attentes des Français et de tous les citoyens européens. Cette action est possible, puisque le Conseil européen de décembre a permis de trouver un accord sur le budget et de dégager ainsi la voie pour la réalisation d’autres progrès. Ce travail a déjà été engagé par le Conseil européen réuni en octobre à Hampton Court, qui a défini les grandes orientations à venir.

Tel sera l’objet du premier Conseil européen sous présidence autrichienne, qui se tiendra au mois de mars. Nous souhaitons qu’il traduise ces orientations en politiques concrètes, avec un programme de travail, qu’il s’agisse de politique économique, de développement économique, de recherche et d’innovation, de sécurité intérieure et extérieure, d’investissement dans l’éducation, mais aussi de démographie et de politique de l’énergie. Dans ces deux derniers domaines, cruciaux pour notre avenir, la France doit faire profiter ses partenaires de ses expériences et de ses idées.

Comme le porte-parole du Gouvernement l’a annoncé, le Président de la République réunira très prochainement un conseil restreint avec le Premier ministre et les ministres concernés, afin de préparer en amont ce Conseil européen de mars et d’affiner les propositions de la France.

L’avenir de l’Union, pour sa part, recouvre trois éléments : les politiques – je viens d’en parler –, les institutions et l’élargissement. La présidence autrichienne souhaite être active sur ces sujets et nous l’en remercions.

À propos des institutions, il est clair que le besoin d’institutions rénovées se fait toujours sentir dans une Union à vingt-cinq et bientôt à vingt-sept. Elles doivent en effet être mieux adaptées, les mécanismes de prise de décision devant se révéler plus efficaces. Commençons par observer, à partir des textes existants, quelles sont les améliorations possibles, de telle sorte que nous puissions prendre des décisions à cet égard dès le mois de juin.

C’est également dans ce cadre que les dirigeants européens auront à débattre de l’élargissement. La France l’a demandé, c’était nécessaire et cela nous permettra de réfléchir davantage sur l’identité européenne et sur notre avenir. Voilà le programme de ce semestre, au terme duquel, espérons-le, l’Europe aura trouvé un nouveau souffle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

directive bolkestein et directive portuaire

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste.

Mme Marylise Lebranchu. Ma question s’adresse également à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Le contexte reste extrêmement difficile en France où, de plus en plus, les salariés entendent que pour avoir un peu plus de croissance économique et sans doute un peu moins de chômage, il faut toucher au code du travail, peut-être augmenter la durée légale du temps de travail, ne bénéficier désormais que de contrats de deux ans.

M. Jean Leonetti. Il fallait voter « oui » à l’Europe !

Mme Marylise Lebranchu. C’est dans ce contexte difficile, madame la ministre, qu’une nouvelle directive européenne a fait beaucoup de bruit : il s’agit de celle concernant les dockers (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), alors qu’on ne peut pas dire qu’entre les ports européens existe une quelconque concurrence.

Le Parlement européen vient de repousser cette directive,…

M. Jean Leonetti. Ramenez Fabius !

Mme Marylise Lebranchu. …comme il avait repoussé la directive Bolkestein, à laquelle vous vous étiez opposée, avez-vous dit. Or, le seul commentaire que les travailleurs français et européens entendent est que cette directive va être reprise par la Commission.

Cet acharnement à faire croire qu’en Europe, pour obtenir de la croissance, pour favoriser le développement, pour améliorer l’emploi, il faut absolument toucher au droit du travail,…

M. Jean-Jacques Descamps. C’est vrai !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. À bas les 35 heures !

Mme Marylise Lebranchu. …toucher aux salaires, toucher au temps de travail, est démobilisateur pour tous ceux qui font beaucoup d’efforts pour que notre pays et l’Europe avancent.

M. Jean-Jacques Descamps. Amalgame !

Mme Marylise Lebranchu. Je pense que l’idée consistant à laisser penser que le seul choix consiste à baisser les salaires, baisser les rémunérations, baisser le niveau de protection, est démobilisatrice. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

On ne peut pas vouloir à la fois réconcilier les citoyens français et les citoyens européens avec l’Europe et toujours laisser filer ces directives, qui nous ont même conduits à réformer la façon dont vivent les marins à bord des bateaux, et cela en des termes encore plus durs que ce que prévoyait la directive.

Je crois qu’il est temps, madame la ministre, que vous disiez à la Commission qu’on ne réconciliera jamais les Européens avec l’Europe en demandant toujours plus de sacrifices à ceux qui travaillent, aux salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Jacques Descamps. Démagogie !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Madame Lebranchu, vous avez fait allusion au projet de directive sur l’organisation portuaire. Je souhaite tout d’abord informer l’Assemblée nationale que le Parlement européen a repoussé cette directive en fin de matinée.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Bien dit !

M. François Liberti. On le sait !

M. Michel Lefait. C’est grâce au vote des députés français !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Or, vous ne l’avez pas dit, madame Lebranchu !

J’affirme ensuite avec beaucoup de fermeté que je regrette très profondément les incidents qui se sont déroulés à Strasbourg ; ils n’ont pas donné une bonne image de l’action syndicale ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’est en effet pas normal qu’à l’occasion d’un tel débat, soixante-quatre policiers aient été blessés et que, cet après-midi, l’on présente douze comparutions immédiates devant le tribunal correctionnel de Strasbourg !

M. Yves Bur. C’est scandaleux ! Ce sont des voyous !

M. Maxime Gremetz. Il y a voyous et voyous !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Cela devait être dit afin que les choses soient claires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’en viens maintenant au fond. Vous avez regretté, madame Lebranchu, que la Commission ait présenté à nouveau devant le Parlement européen un texte quasiment identique à celui qui avait suscité des réserves. Je rappelle à l’Assemblée nationale que la France, en particulier par la voix de mon prédécesseur, avait clairement émis un certain nombre de réserves sur ce texte, en particulier sur l’absence d’études d’impact précises de ce projet de directive ainsi que sur « l’auto-assistance ».

Maintenant que ce projet a été repoussé par le Parlement européen, que faut-il faire ? Je voudrais attirer l’attention de l’Assemblée nationale sur la nécessité de mettre les ports européens en capacité de profiter de l’augmentation du trafic maritime. Telle est la grande question à laquelle il nous faut répondre.

M. Jean Le Garrec. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Aussi, rien ne pourra se faire sans un travail préalable de discussion avec l’ensemble des opérateurs, des organisations professionnelles et des organisations syndicales.

M. Maxime Gremetz. C’est laborieux !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Seule cette manière d’agir nous permettra d’apporter des réponses satisfaisantes et en particulier d’empêcher le dumping social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Politique énergétique de l’union européenne

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Les Français viennent de découvrir, à l’occasion du conflit sur le gaz entre la Russie et l’Ukraine, que l’Europe ne dispose pas d’une politique commune de l’énergie. L’Union européenne a laissé la Russie faire pression sur l’Ukraine car, en matière d’approvisionnements, les pays européens appliquent des politiques strictement nationales. Cela est d’autant plus paradoxal que l’Europe s’est d’abord construite sur l’énergie, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Or, cette crise révèle un nouveau type de menace : l’arme énergétique. Lundi encore, l’Iran a brandi l’arme pétrolière en menaçant de faire flamber le prix du pétrole en cas de sanction internationale – pourtant légitime – de sa politique nucléaire.

La question de l’énergie est stratégique, comme le général de Gaulle l’avait compris.

M. Henri Emmanuelli. Ah !

M. Philippe Folliot. Elle est à la fois l’instrument-clef de la croissance économique et le symbole de la souveraineté. Nos concitoyens, qui se désolent devant la hausse considérable du prix de l’essence, mesurent chaque jour cet enjeu.

Si l’UDF est très attachée à une meilleure maîtrise de l’énergie et à une politique plus ambitieuse du développement des énergies renouvelables, elle pense que c’est à l’échelle européenne que le sujet de l’énergie mérite d’être abordé.

En effet, l’Union doit mieux coordonner les politiques nationales, veiller à la diversification de nos sources d’approvisionnement…

M. Maxime Gremetz. Vive le nucléaire !

M. Philippe Folliot. …et sécuriser nos circuits d’acheminement, tout en veillant à privilégier une politique durable de l’énergie, plus respectueuse de l’environnement.

Monsieur le ministre, quelle initiative la France compte-t-elle prendre pour que, par une politique européenne plus solidaire, nous puissions assurer nos approvisionnements et notre indépendance énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Loos, ministre délégué à l’industrie.

M. Maxime Gremetz. Ah ! Un revenant !

M. le président. M. Santini, écoutons M. Loos !

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député Folliot, vous avez raison : la question énergétique est une question stratégique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs des député-e-s communistes et républicains.) Elle est stratégique parce qu’une politique énergétique doit viser à assurer la sécurité de l’approvisionnement à des prix corrects,…

M. Jacques Desallangre. Et, pour cela, on privatise !

M. le ministre délégué à l’industrie. …tout en évitant une émission excessive de gaz à effet de serre, la production énergétique y contribuant pour 70 %.

Dans tous ces domaines, la France a une politique efficace. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Et c’est elle qui a privatisé le plus !

M. le ministre délégué à l’industrie. Et, tout en étant moins dépendants de nos fournisseurs que les autres pays, nous le restons néanmoins pour une part. En effet, même si nous avons diversifié nos approvisionnements, et même si, à l’occasion de la crise entre l’Ukraine et la Russie, nos craintes étaient moindres que celles des Polonais ou des Autrichiens, nous n’en étions pas moins concernés. C’est la raison pour laquelle, avec mes homologues allemand, autrichien et italien, j’ai immédiatement demandé à la Russie et à l’Ukraine de faire en sorte que la crise dure le moins longtemps possible. Vous avez d’ailleurs pu constater qu’elle n’a duré que vingt-quatre heures. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Tous les producteurs de gaz ont en effet des contrats à long terme qu’ils doivent respecter, et, si nous dépendons d’eux, eux-mêmes, pour leur crédibilité, dépendent de nos achats. Notre rôle n’est donc pas négligeable sur ce sujet.

La question est évidemment de dimension européenne, comme l’attestent déjà certaines initiatives. Nous avons, par exemple, lors du cyclone Katrina, décidé d’ouvrir nos stocks d’essence stratégiques de façon que les États-Unis disposent de suffisamment d’essence à ce moment précis. Il s’agissait d’une initiative française, qui a été suivie par l’ensemble de l’Union européenne.

L’Union européenne entretient un dialogue avec l’OPEP, tout comme avec la Russie. Un travail réel est effectué sur le développement des réseaux d’interconnexion.

Vous avez toutefois raison de souligner que ce n’est pas suffisant, monsieur le député. Il faut aller plus loin : c’est pourquoi le Président de la République a décidé que nous allions déposer sur la table du Conseil européen un mémorandum sur l’énergie.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes bien magnanime sur le temps de parole de M. Loos, monsieur le président !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce mémorandum traitera bien entendu des questions d’approvisionnement, de sécurité et de recherche, mais aussi des infrastructures. Des moyens seront nécessaires pour donner suite à cette politique européenne ambitieuse dont nous avons besoin dans le domaine de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

directive bolkestein et directive portuaire

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Ma question s’adresse en principe à M. le Premier ministre ; en son absence, je suis sûr qu’il se trouvera quelqu’un pour y répondre…

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre d’État et ministre de tout y pourvoira !

M. Daniel Paul. Une fois n’est pas coutume, voici une très bonne nouvelle : le Parlement européen vient de repousser pour la deuxième fois le projet de directive portuaire qui avait fait contre lui l’unité de tous les salariés des ports européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.) C’est un fait unique, la preuve que l’unité des salariés paie et que les textes les plus malfaisants peuvent être battus par la mobilisation populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette grande victoire est à mettre à l’actif des salariés, qui, en rejetant l’« auto-assistance », c'est-à-dire le recours au personnel à bord pour les opérations de chargement et de déchargement, ont refusé la casse des protections sociales et les salaires tirés vers le bas au détriment de la sécurité des hommes et de l’environnement. En fait, ils ont refusé la loi de la jungle que prétendait imposer ce « Bolkestein » portuaire.

M. Maxime Gremetz. Voilà une vraie lutte de classe !

M. Daniel Paul. L’ordre du jour du Parlement européen a fixé au 14 février prochain l’examen de la fameuse directive Bolkestein, celle-là même dont vous prétendiez, avant le 29 mai, qu’elle était abandonnée ! Or, comme la directive portuaire, elle revient après qu’on lui a fait subir un vague ravalement de façade pour mieux tenter d’en faire passer l’essentiel : la concurrence « libre » et faussée, le dumping social dans le secteur des services. La même logique est à l’œuvre : la mise en concurrence généralisée des salariés et le laminage des droits sociaux pour toujours plus de rentabilité financière.

Il se dit que la directive portuaire, repoussée deux fois par le Parlement européen, pourrait voir ses propositions intégrées à la directive Bolkestein. Une telle décision serait scandaleuse et témoignerait d’un acharnement libéral antidémocratique et antisalariés inadmissible. Faut-il vous rappeler l’engagement, pris par vous au printemps 2005, d’obtenir l’abandon de la directive Bolkestein ? Faut-il, surtout, vous rappeler le vote du peuple français le 29 mai ?

Le gouvernement français va-t-il respecter notre peuple et intervenir pour que ces deux textes soient tout simplement retirés ? Allez-vous organiser ici même un débat avant le passage de la directive Bolkestein au Parlement européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. C’est nécessaire !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. En ce qui concerne la directive portuaire, les choses sont tout à fait claires : comme vous le savez certainement, monsieur le député, le commissaire européen chargé des transports a indiqué que la Commission tirerait toutes les conséquences du vote de ce matin et qu’elle ne ferait aucune proposition nouvelle avant d’avoir mené un travail de discussion, de concertation et de dialogue avec l’ensemble des intervenants sur ce dossier. Cette position est bien entendu conforme au souhait de la France.

M. Frédéric Dutoit. Non ! Il faut abandonner complètement la directive !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Si une nouvelle proposition devait être formulée demain, je maintiendrais notre position constante, à savoir notre réticence à l’intervention des personnels des armateurs dans les ports : nous avons toujours dit qu’il fallait que cela soit suffisamment encadré. La France a toujours fait part de ses réserves à l’égard de l’auto-assistance et elle n’est pas la seule, ce qui explique le vote du Parlement européen.

Par ailleurs, il est indispensable de réaliser une étude d’impact préalable.

Permettez-moi maintenant de revenir sur un argument que je faisais déjà valoir à Mme Lebranchu : si nous voulons protéger la situation des salariés français, il faut nous montrer capables d’être parfois offensifs sur le plan européen pour obtenir la mise en place de règles communes assurant à l’ensemble des salariés européens des conditions de travail satisfaisantes. En ce sens, une directive portuaire peut apporter des éléments positifs, notamment en permettant d’éviter des formes de concurrence déloyale.

Un autre exemple, déjà évoqué avec plusieurs parlementaires, est celui des personnels embarqués des ferries pour la navigation intracommunautaire : j’ai demandé à M. Jacques Barrot de faire des propositions pour que ces marins obtiennent un statut bien plus satisfaisant.

On le voit : l’Europe peut aussi se révéler protectrice de la situation de nos salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

reconduites aux frontières

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’UMP.

M. Michel Terrot. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, dès votre prise de fonctions, vous avez posé les bases d’une véritable politique de l’immigration et vous vous êtes attaqué avec détermination au problème de l’immigration clandestine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Cohen. Quatre ans !

M. Michel Terrot. L’immigration irrégulière est en effet inacceptable dans notre pays parce qu’elle est dangereuse tant sur le plan humain que sur le plan économique et social. La loi relative à la maîtrise de l’immigration votée par notre majorité vous a donné les moyens de mener efficacement la lutte contre les clandestins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Parallèlement, vous avez pris de nombreux contacts avec les autres gouvernements européens pour élaborer une politique commune et renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union, mais aussi avec les États d’origine des clandestins pour freiner les départs et organiser les retours.

Vous nous avez promis de dresser périodiquement un bilan de votre politique en la matière. Pouvez-vous donc, en ce début d’année, nous donner un bilan exact de votre action et nous dire combien de reconduites à la frontière ont été exécutées en 2005 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, le nombre de reconduites à la frontière a été de 20 000 en 2005, ce qui est certes deux fois plus qu’en 2002, mais ce qui est bien inférieur, reconnaissons-le, à ce que met par exemple en œuvre le gouvernement socialiste espagnol. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Entendez-vous par là que les socialistes sont meilleurs ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il n’y a aucune raison qu’une fois une décision d’expulsion prise, celle-ci ne soit pas exécutée.

En 2006, les expulsions seront plus nombreuses pour trois raisons. Tout d’abord, les visas biométrique seront généralisés, car aujourd'hui certains étrangers en situation irrégulière font disparaître leurs papiers et refusent de dire d’où ils viennent, si bien qu’on ne peut les renvoyer, aucun pays ne les acceptant dans ces conditions. Ensuite, le nombre de places en centre de rétention administrative sera augmenté. Enfin, en accord avec le ministre des affaires étrangères, nous allons conditionner le nombre de visas délivrés au nombre de laissez-passer consulaires accordés pour renvoyer chez eux les étrangers en situation irrégulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Vous renvoyez même les enfants ! C’est honteux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il est parfaitement inadmissible que des pays auxquels la France accorde des dizaines, voire des centaines de milliers de visas par an refusent quelques centaines de laissez-passer consulaires pour qu’y soient renvoyés leurs ressortissants qui sont en situation irrégulière chez nous !

Je présenterai en février un nouveau plan complétant le premier. Il comportera une réforme du regroupement familial – car celui-ci ne peut être un droit que si les conditions matérielles de son exercice sont prévues et respectées ; sinon, c’est un droit bafoué (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – et la suppression de la régularisation après dix ans de clandestinité. Si vous votez des lois, mesdames et messieurs les députés, c’est pour qu’elles soient exécutées.

M. Maxime Gremetz. Vous-même ne les exécutez pas ! Commencez par montrer l’exemple !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dire que la loi ne s’applique pas à quelqu’un qui l’a fraudée pendant dix ans est profondément antirépublicain. Cela sera réformé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La généralisation du contrat d’intégration, mise en œuvre avec Jean-Louis Borloo, complétera le dispositif : ceux qui ne respecteront pas les obligations posées par ce contrat ne resteront pas sur le sol national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

emploi des seniors

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe de l’UMP.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, la France s’illustre par son très faible taux d’emploi des seniors : 38 %, alors qu’il s’élève par exemple à 70 % en Suède. Cette particularité se révèle de plus en plus inacceptable au regard de deux tendances de fond : d’une part, le choc démographique qui a débuté doit nous incite à développer le taux d’emploi des plus de cinquante ans ; d’autre part, alors que l’équilibre des régimes de retraite suppose que l’on travaille plus longtemps, on ne peut continuer à ignorer la situation des seniors écartés du marché du travail.

Derrière les chiffres anonymes se cachent des situations douloureuses : pour un chômeur, avoir plus de cinquante ans revient trop souvent à être, de fait, exclu de l’emploi. Quelque active que soit sa recherche, les dispositifs d’accompagnement de l’ANPE ne sont pas conçus pour lui. Les employeurs, même pour des profils qui peuvent les intéresser, ne donnent pas suite. Il arrive que le secteur public lui-même exclue dans ses offres d’emploi tout candidat de plus de cinquante ans. Enfin, l’âge de la retraite tombe tel un couperet alors que des phases de transition profitables à tous pourraient être ménagées.

Notre bataille pour l’emploi ne peut concerner uniquement les jeunes. Des mesures fortes doivent aussi être prises en faveur des seniors.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé, en liaison avec les partenaires sociaux, un plan d’action pour l’emploi des seniors. Pourriez-vous expliquer concrètement quels sont les outils que vous comptez mettre en place ? À quel rythme et avec quel objectif ? Seul un effort d’ampleur pourra mettre à bas les préjugés et changer les mentalités, de façon que chacun comprenne que les seniors sont une chance dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (« J’en ai marre ! J’en ai marre ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Borloo n’est pas le seul à en avoir marre, mes chers collègues ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Très juste ! Écoutons le Harry Potter du Valenciennois !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Depuis vingt-cinq ans, la France a le triste privilège d’avoir un fort taux de chômage à la fois des jeunes et des seniors. J’observe par parenthèse que le Parlement est composé pour l’essentiel de seniors : vous êtes, de ce point de vue, une exception, monsieur Wauquiez ! (Sourires.)

La situation où nous en sommes arrivés est le fruit de préjugés qu’il faut en effet combattre, mais aussi de règles techniques qui, loin de protéger comme elles étaient censées le faire, excluent les seniors.

L’économie française est fondée pour l’essentiel sur son capital humain. Les grandes mutations exigent que l’expérience des seniors serve au plus grand nombre.

M. Jean-Pierre Brard. Comment faire s’ils sont en maison de retraite ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est d’ailleurs pourquoi Gérard Larcher travaille actuellement sur le tutorat des seniors auprès des jeunes en alternance ou en apprentissage. Diverses mesures techniques, dont un CDD senior, sont actuellement à l’étude avec les partenaires sociaux. Dans le cadre plus large du plan d’action que le Premier ministre nous a demandé de présenter, Gérard Larcher, qui assure le pilotage du projet, rencontrait hier encore les partenaires sociaux pour examiner trente et une mesures, parmi lesquelles l’assouplissement des conditions du cumul emploi-retraite et l’élaboration de programmes de soutien mis en œuvre par l’ANPE. Il les rencontrera de nouveau le 1er février, afin que ce plan soit validé par le Premier ministre au plus tard à la fin de mars et puisse être présenté à l’Assemblée nationale avant le 30 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fermeture de dispensaires de la Croix-Rouge
en région parisienne

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, le 2 janvier au matin, plusieurs dizaines d’habitants de la Seine-Saint-Denis ont trouvé portes closes au centre de santé de la Croix-Rouge où ils avaient l’habitude de se faire soigner. M. Mattei, président de la Croix-Rouge française, venait brutalement de décider la fermeture des dispensaires de Drancy, du Blanc-Mesnil et de celui de ma ville, le centre Blumenthal d’Épinay-sur-Seine. Nous avons reconnu là une méthode : absence de concertation, opacité totale dans la prise de décision, justifications fallacieuses. Aucune recherche de solution n’avait été entreprise par la Croix-Rouge, qui semble uniquement soucieuse de quitter au plus vite la Seine-Saint-Denis. La mobilisation exceptionnelle des salariés, des usagers et des citoyens de nos villes a permis une prise de conscience nationale. La réouverture des centres depuis quelques jours ne peut simplement relever du fait que M. Mattei n’a pas respecté les procédures légales.

Ce sont les voix des administrateurs représentant l’État qui l’ont porté à la présidence de la Croix-Rouge après le fiasco de la canicule. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avait-il un mandat du Gouvernement pour faire disparaître l’offre de soins dentaires pour les personnes les plus défavorisées de nos villes ? Avait-il un mandat du Gouvernement pour déséquilibrer la politique de prévention mise en place dans nos quartiers ? Avait-il un accord du Gouvernement pour quitter ces quartiers où il faudrait plutôt renforcer la lutte contre les inégalités, notamment en matière de santé ?

Les discours du Gouvernement sur les banlieues atteignent leurs limites quand de telles décisions, injustes pour nos habitants et scandaleuses d’un point de vue éthique, sont prises. Allez-vous, monsieur le ministre, agir pour assurer la pérennité de ces centres de soins à Épinay, en Seine-Saint-Denis et dans tous les quartiers populaires où l’on doit lutter contre les inégalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, je vous pose moi aussi une question. (« Non ! C’est à vous de répondre aux nôtres ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Avez-vous un mandat de la population de Seine-Saint-Denis pour soulever la polémique ou pour chercher des solutions ? (Protestations sur les mêmes bancs. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Où vous croyez-vous ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous. En ce qui me concerne, mon mandat, celui du Gouvernement, c’est de trouver des solutions pour préserver l’accès aux soins dans ce département.

Nous nous en sommes entretenus au début de l’année : vous le savez, dès la fin du mois de décembre, j’ai saisi le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales pour avoir un point précis de la situation. Je lui ai aussi demandé, dès la semaine dernière, de rencontrer l’ensemble des acteurs. J’ai fait la même demande au préfet, qui devra rencontrer, avant la fin du mois, l’ensemble des élus et des acteurs du système de santé pour trouver des solutions durables.

M. Henri Emmanuelli. Répondez à la question !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous ne pouvez pas dire que la Croix-Rouge se désengage de Seine-Saint-Denis. Je vous rappelle qu’elle dispose de 21 délégations sur 40 communes, de 350 secouristes, de plus de 600 bénévoles,…

M. François Lamy. Et des administrateurs d’État !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …qui se dévouent tous les jours dans ce département pour porter secours à celles et ceux qui en ont besoin. (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La polémique n’intéresse que vous. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce qui m’intéresse moi, c’est la recherche de solutions durables. En réalité, ces centres assurent 1 % à 1,5 % des examens médicaux. Il faut, certes, trouver une solution. Le problème est plus important pour les consultations dentaires, qui représentent près de 9 % des consultations. Ma responsabilité, celle de chacun, est de trouver des solutions durables au-delà du mois de mars. La polémique intéresse peut-être certains. Moi, je m’attache à trouver des solutions.

M. Christian Bataille. Lesquelles ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Rendez-vous fin mars pour constater si l’accès aux soins est préservé. Vous verrez que la réponse sera oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany et M. Henri Emmanuelli. Respectez le Parlement !

Note de vie scolaire

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’UMP.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, depuis trop longtemps la violence scolaire défraie la chronique. Les incivilités quotidiennes rongent l’école et la société tout entière. Parfois, ce sont des intrusions d’éléments extérieurs qui perturbent, voire entravent, la vie scolaire, mais les problèmes de discipline se posent malheureusement fréquemment à l’intérieur des établissements scolaires. Les enseignants, qui font un travail remarquable, ont besoin d’un climat de sérénité pour mener à bien leur mission d’enseignement et d’éducation. Il est plus que temps de restaurer l’autorité des maîtres dans les classes et les établissements.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la semaine dernière qu’une note de vie scolaire allait être attribuée dans les collèges, appliquant ainsi la loi sur l’avenir de l’école, loi dans laquelle l’Assemblée nationale avait introduit par voie d’amendement une note de vie scolaire pour le brevet. Quand cette note entrera-t-elle en vigueur ? Quels effets en attendez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, le socle commun des connaissances et des compétences forme un ensemble que tous les jeunes qui la fréquentent doivent acquérir à l’école de la République. Parmi les compétences, l’acquisition de la citoyenneté devra permettre à des jeunes de s’intégrer dans la société et d’être, à l’âge adulte, de vrais citoyens. Cela passe par le respect des autres, du règlement et des valeurs de la République. Si les familles doivent éduquer à la politesse et surveiller l’absentéisme, le passage obligé par l’école de la République inculque des valeurs de citoyenneté. J’ai donc décidé qu’à partir de la rentrée de 2006, dans tous les collèges de France et dès la sixième, une note de vie scolaire sera instituée. Elle comptera en troisième pour l’obtention du brevet, comme l’a voulu la représentation nationale.

Cette note récompensera les attitudes, notamment le respect qui est une valeur fondamentale, ainsi que les engagements de l’élève, au sein de l’établissement comme dans le milieu périscolaire, au service des handicapés, des personnes âgées ou de la vie associative. Cette note de vie scolaire sera un moyen de récompenser mais aussi de sanctionner les incivilités. Sans penser qu’elle permettra à elle seule de résoudre tous les problèmes de violence dans les écoles, elle contribuera à donner des repères aux jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour le groupe de l’UMP.

M. Marc Joulaud. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, l’Europe et la France suivent avec beaucoup de vigilance la progression de l’épizootie de grippe aviaire en Asie et, depuis 2003, en Europe centrale où sont apparus récemment les premiers cas humanisés, notamment en Turquie. Cette situation a créé un emballement médiatique, renforcé les inquiétudes et suscité de nombreuses interrogations. Nos filières avicoles et agroalimentaires souffrent alors qu’elles sont les plus sûres au monde.

Pour l’instant, les cas de contamination humaine ne sont accompagnés d’aucune mutation génétique du virus, bien que cette hypothèse ne puisse pas être totalement écartée. C’est en tout cas ce que disent certains experts. Le risque n’est pas de manger de la volaille en France, mais de voir un jour dans le monde une mutation du virus, qui permette sa transmission de l’homme à l’homme, c’est-à-dire de passer d’une épizootie à une pandémie.

Depuis 2004, le Gouvernement a mis en place un plan de prévention. Notre assemblée, dans le cadre de la mission d’information, travaille sur les mesures de précaution. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la situation et sur les moyens que vous mettez en place dans notre pays pour le préparer à une éventuelle pandémie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, vous l’avez dit mais je souhaite y insister, en matière de grippe aviaire, trois niveaux doivent être distingués. D’abord, l’épizootie, qui ne concerne que les volailles et les oiseaux. Ensuite, la transmission de l’oiseau à l’homme, qui a été constatée en Asie du Sud-Est et en Turquie. Enfin, la transmission de l’homme à l’homme, qui n’est intervenue aujourd’hui, nulle part sur la planète – il est important de le rappeler, car la mutation du virus qui a été observée en Turquie, après l’avoir été à Hong-Kong en 2003 et au Vietnam en 2005, ne le rend pas transmissible de l’homme à l’homme. Néanmoins, les experts disent depuis maintenant de nombreux mois que le risque existe. Nous avons donc la responsabilité de préparer au mieux notre pays.

Le plan de préparation de la France à la grippe aviaire nous permet d’agir dans plusieurs directions.

D’abord, en nous dotant des moyens de protection nécessaires : masques et médicaments antiviraux. La France est l’un des rares pays à disposer de deux types de médicaments – le Tamiflu et le Relenza – et à avoir réservé des vaccins en cas de mutation du virus.

Ensuite, s’il est bon d’avoir des moyens de protection, il est encore mieux de savoir qui doit les utiliser. Notre plan a donc une vocation pratique et entre dans le détail. Le Premier ministre a souhaité que nous en accélérions la finalisation pour présenter les annexes et fiches techniques dès la semaine prochaine. Voilà pourquoi, après les responsables nationaux il y a quelques mois, j’ai rencontré ce midi les professionnels de santé au niveau régional. Nous devons savoir très précisément comment les acteurs vont s’approprier ce plan et le mettre en œuvre en cas de pandémie.

Enfin, un troisième aspect important est celui de la solidarité internationale. Intervenir à l’extérieur de nos frontières, c’est aider les pays qui sont en première ligne, mais aussi un moyen de mieux connaître la situation et de se montrer plus efficace dans la recherche d’un vaccin contre la grippe aviaire.

Voilà comment la France se prépare. J’ajoute que ce plan n’a pas de caractère définitif : tant que nous pourrons l’améliorer, nous le ferons.

Nous avons une autre responsabilité : celle d’informer nos concitoyens, de leur communiquer ce que nous savons de la grippe aviaire, comment nous nous préparons et surtout comment nous allons continuer à nous y employer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

situation en côte-d'ivoire

M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.

M. Paul Quilès. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La situation en Côte-d’Ivoire est d’une extrême gravité. Depuis la décision de la communauté internationale de suspendre l’Assemblée nationale ivoirienne, les provocations et les violences se multiplient contre les casques bleus. Abidjan est totalement paralysée depuis trois jours, des manifestants ont tenté de pénétrer à l’intérieur du quartier général de l’ONU et des diplomates français et le représentant spécial de Kofi Annan ont même été mis en joue par des militaires ivoiriens non loin de notre ambassade.

Sur le plan politique, le Front populaire ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo, s’est retiré du processus de paix et du gouvernement de transition. Il estime que « la Côte-d’Ivoire est victime d’une recolonisation engagée sous l’égide de l’ONU » et demande à Laurent Gbagbo d’entreprendre des démarches pour débarrasser le pays de « l’occupant étranger ».

Le chef d’état-major de nos armées, probablement mandaté – en tout cas, je l’espère –, a déclaré ce matin que le moment était venu de sanctionner la Côte-d’Ivoire.

M. Henri Emmanuelli. C’est incroyable !

M. Paul Quilès. Personne, naturellement, ne peut imaginer que cela suffise à dénouer la crise.

Depuis les accords, discutables selon nous, de Marcoussis et Kléber,…

M. Richard Cazenave. Et d’Accra !

M. Paul Quilès. …négociés il y a trois ans sous parrainage français, nous avons dénoncé à de multiples reprises le grippage diplomatique et militaire du dispositif mis en place. Malheureusement, toutes les parties en présence – française, ivoirienne, africaine et onusienne – se renvoient la responsabilité.

Afin de mieux comprendre la situation, nous venons de proposer, pour la deuxième fois, la constitution d’une commission d’enquête. Or il semble bien, et nous le regrettons, monsieur le président, que notre demande va être à nouveau refusée.

M. Henri Emmanuelli. Scandaleux !

M. Paul Quilès. Face à l’aggravation de la situation et dans l’atmosphère de violence à peine contenue qui risque de dégénérer, mettant en danger nos ressortissants, nos militaires et l’image même de la France en Afrique, je demande solennellement à M. le Premier ministre de dire à l’Assemblée nationale quelle est l’analyse du Gouvernement et quelle attitude il compte adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les députés, les incidents et les provocations qui ont lieu depuis plusieurs jours en Côte-d’Ivoire ne détourneront certainement pas la communauté internationale de son but : rétablir la paix dans ce pays, garantir son unité et obtenir enfin des élections libres, transparentes et crédibles. Il y va de l’avenir de la Côte-d’Ivoire, du sous-continent africain et de l’Afrique tout entière. Nous savons très bien en effet que, par capillarité, la crise en Côte-d’Ivoire peut déborder les frontières de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Telle est la raison de la mobilisation générale.

Je tiens à préciser une chose, monsieur Quilès : il est faux de dire que le groupe de travail international a suspendu l’assemblée nationale ivoirienne. Cela fait partie de la désinformation à laquelle nous sommes habitués dans ce pays. La réalité, c’est que l’Assemblée nationale ivoirienne n’a plus de mandat depuis plus d’un mois…

M. Henri Emmanuelli. Ça, on le sait déjà !

Mme la ministre de la défense. …tout simplement parce qu’elle est arrivée au bout de celui qui lui avait été confié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le groupe de travail international n’a fait que constater une réalité juridique évidente aux yeux de tous.

En ce qui concerne d’éventuelles sanctions, je rappellerai simplement que le Secrétaire général des Nations unies a fait part, il y a quarante-huit heures, de son extrême préoccupation face aux événements qui se passaient en Côte d’Ivoire et, notamment, aux provocations dont j’ai parlé. Il a réuni le groupe du Conseil de sécurité des Nations unies pour examiner la situation dans le pays, et celui-ci a effectivement évoqué, dans le cadre du Conseil de sécurité, l’éventualité d’une application des sanctions déjà prévues dans une résolution de l’ONU.

Quant à la force Licorne, elle a pour mission de soutenir l’ONUCI : elle a effectivement contribué à protéger le quartier général de cette dernière lorsque celui-ci était assiégé par des jeunes et elle a aidé les forces de l’ONUCI à se dégager des lieux où elle était empêchée de circuler – dans l’Est de la Côte d’Ivoire.

Telle est notre mission, et nous continuerons à la remplir.

Dès lors, je pense, monsieur Quilès, que, dans une situation à propos de laquelle la communauté internationale est unanime, mieux vaut aller dans le sens de l’apaisement,…

Mme Martine David. C’est le cas !

Mme la ministre de la défense. …de l’appel à la raison et aux résolutions internationales plutôt que de critiquer sans arrêt ce qui est fait sans rien proposer d’autre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Politique de la famille

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe de l’UMP.

M. Patrick Delnatte. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, selon les tout derniers chiffres de l’INSEE, la natalité en France vient de connaître un important rebond, puisqu’ont été recensées en 2005 807 400 naissances. Ce chiffre est à rapprocher de celui de l’année 2000. Grâce à un taux de fécondité de 1,94 enfant par femme, la France se situe ainsi au deuxième rang des pays européens, après l’Irlande, la moyenne européenne étant de 1,5. La dynamique démographique de notre pays est confirmée.

Ce taux de fécondité est à mettre en regard du taux d’activité féminin, lequel est proche de 80 %. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une forte natalité est compatible avec la pérennité de deux salaires dans les ménages. Il est donc important de permettre aux parents de concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.

Le précédent baby boom a eu lieu en 2000. Le Gouvernement, à l’époque, n’avait d’autre explication que le passage à un nouveau siècle. Or, on constate, depuis 2003, une progression continue du nombre de naissances.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les raisons qui font aujourd’hui de la France un exemple parmi les pays européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, vous avez raison : avec plus de 800 000 naissances en 2005 et après les bons chiffres des années précédentes, il y a bel et bien une exception française en matière de natalité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Il y a une première cause toute simple à cela : les Françaises et les Français ont aujourd’hui confiance en leur avenir et en leur pays ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

La seconde raison est un modèle de politique familiale qui donne de bons résultats et ne cesse de s’améliorer d’année en année. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) Ce modèle repose sur des prestations très ambitieuses, la maternelle à partir de l’âge de trois ans et, enfin – vous avez eu raison de le souligner –, le fait que, dans notre pays, 80 % des femmes ont une activité professionnelle, ce qui prouve bien que la natalité n’est pas l’ennemie de l’emploi des femmes – bien au contraire ! L’exception française en matière de natalité repose sur cet engagement combiné dans la vie familiale et dans la vie professionnelle.

Nos jeunes filles, vous le savez, font désormais des études plus longues que les garçons et elles ne renonceront pas à ce double engagement dans la vie familiale et la vie professionnelle.

Dois-je rappeler, également, que, depuis 2002, a été mise en place la prestation d’accueil du jeune enfant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), …

M. le président. Je vous en prie ! C’est un sujet sérieux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …dont 260 000 personnes ont déjà bénéficié, et qu’a été récemment créé un congé d’un an, pour ne pas être trop longtemps éloigné du travail, pour lequel est prévu le versement de 750 euros par mois à partir du 1er juillet ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin et surtout, il y a tout ce que nous faisons pour les crèches. (Mêmes mouvements.)

Rappelez-vous, messieurs qui vociférez ! La dernière année que Ségolène Royal a été ministre de la famille, il n’a été construit que 264 nouvelles places de crèche. Cette année, nous prévoyons d’en réaliser 7 850 et, l’année prochaine, 11 000, soit une augmentation, grâce à la politique du Gouvernement, de 40 % des places de crèche. Tout cela est à mettre en regard de votre triste bilan ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Politique du logement

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l’UMP.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, à la suite du rapport Pommelet, vous avez annoncé un pacte pour le logement. Les dispositions de celui-ci, contenues dans le projet de loi portant engagement national pour le logement, nous sont soumises aujourd’hui, après examen par le Sénat.

Ces dispositions concernent essentiellement le financement du logement social, la libération des terrains de l’État, l’encouragement des maires à construire, l’accession sociale à la propriété ainsi que les réponses urgentes à apporter à la situation des mal logés.

Monsieur le ministre, combien de logements entendez-vous ainsi créer ? Ces mesures permettront-elles de diversifier l’offre de logements, notamment en Ile-de-France et à Paris où, comme vous le savez, la pénurie est extrêmement aiguë ? Enfin, quel est le calendrier prévu pour leur mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Aurillac, il est certain que, avec la construction de 270 000 logements et de près de 50 000 logements sociaux par an pendant une dizaine d’années, la France est entrée petit à petit dans une grave crise du logement. Le Gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En 2005, on a compté 402 000 mises en chantier, contre 277 000 auparavant, et 80 000 constructions de logements sociaux, contre 40 000, soit le double que précédemment. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ces résultats sont dus à la mobilisation de tous, des maires aux organismes HLM, au dynamisme économique et aux mesures prises en son temps par Gilles de Robien.

Une deuxième étape est prévue car il faut encore accentuer cet effort, notamment en Ile-de-France où la crise est encore plus grave que dans le reste de la France.

M. Maxime Gremetz. Surtout à Neuilly-sur-Seine !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est pourquoi les terrains d’État sur lesquels des constructions sont envisagées – pour 20 000 logements – sont situés pour les deux tiers en Ile-de-France.

Ce que je puis vous indiquer, c’est que l’ensemble des terrains ont été identifiés, que les procédures d’acquisition ont démarré et que, enfin, nous serons bientôt en état de présenter l’ensemble du dispositif aux élus d’Ile-de-France. Par ailleurs, une mission interministérielle, confiée à M. Besson, doit aider à la prise de décision et, en cas de difficulté, il sera fait appel à un arbitrage du Premier ministre. Enfin, trois opérations d’intérêt national ont été décidées : Massy-Saclay, Seine-amont et Seine-aval.

L’ensemble de ce processus devrait nous permettre d’atteindre le chiffre historique de 100 000 constructions de logements sociaux, tel que prévu dans le cadre du plan de cohésion sociale. J’espère pouvoir répéter les exploits historiques que nous avons réalisés cette année. Cela faisait vingt-sept ans que l’on n’avait pas autant construit en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions aux Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Engagement national
pour le logement

Discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour le logement (nos 2709 rectifié, 2771).

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je viens aujourd'hui, avec Dominique Perben, vous présenter le projet de loi portant engagement national pour le logement, après son examen et son enrichissement par le Sénat en première lecture.

Le logement – la « maison » – est un enjeu majeur de société, car, sans un logement de qualité, bien inséré dans la ville ou dans le village, personne ne peut trouver un véritable équilibre. Aujourd'hui, les Français, en particulier les plus modestes, accèdent difficilement à un logement. Au fil des années, la crise du logement s’est étendue sur le territoire national et a atteint toutes les couches de la population. Le Sénat a partagé ce diagnostic dans la mesure où il a réalisé un travail important et a fortement enrichi le texte initial.

Ce projet de loi était attendu. Il fait partie du plan d'action du Gouvernement sur le logement, dont il constitue le volet législatif, aux côtés de mesures financières, réglementaires ou conventionnelles déjà prises ou en cours. Il prolonge et amplifie le plan de cohésion sociale, ou pour le moins son volet logement.

Le Gouvernement conduit une action ambitieuse dans ce domaine et a déjà obtenu des résultats tangibles. Rappelons qu'il s'agit, par excellence, d'un domaine où les légitimités sont partagées, où l'action est le fruit d'un consensus fort, même si un élan et certaines mesures peuvent être prises ou impulsées par l'État. Mais sans la volonté et l'engagement des uns et des autres – collectivités territoriales, mairies, EPCI, départements, régions, et, pour le logement social l’ensemble des familles qui constituent le logement social –, il ne se passera pas grand-chose. Soyons donc ambitieux dans nos objectifs, mais humbles sur nos moyens réels.

M. Jean-Louis Dumont. Soyez assuré de leur mobilisation !

M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait commencer par donner aux collectivités les moyens d’agir !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La situation en matière de logements est – nous l'avons souligné à plusieurs reprises – paradoxale. La France connaît une crise du logement, dont les origines remontent aux années 1985-1990 en matière de logement social, à l’exception d’une pointe assez remarquable sous l’impulsion du plan de relance de M. Périssol, qui fut ministre du logement. Cette situation est caractérisée par un fort déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, en raison des retards de construction accumulés depuis une quinzaine d'années.

Il en résulte une indéniable crise du logement qui frappe plus particulièrement les ménages à revenus modestes ou moyens et qui concerne de nombreuses régions et la plupart des grandes agglomérations.

Avec 402 000 mises en chantier, entre le 1er décembre 2004 et le 1er décembre 2005, le rythme de construction globale de logements atteint un niveau jamais connu depuis vingt-sept ans. En comparaison, on ne comptait que 300 000 mises en chantier en 2000, soit un écart de 100 000 sur plusieurs années.

De même, le nombre de logements locatifs sociaux financés atteint son niveau le plus élevé depuis dix ans – date du départ de M. Pierre-André Périssol. J'en préciserai les chiffres dans un instant.

Un certain nombre de mesures et de mobilisations des partenaires ont indiscutablement fait leur preuve depuis trois ou quatre ans, confortées en cela par le plan de cohésion sociale, qui a permis de donner une meilleure visibilité aux mesures prises par M. Gilles de Robien ou le ministère de la ville.

Je rappelle rapidement les objectifs du plan de cohésion sociale et les garanties de programmation : une capacité permettant de monter sur cinq ans en régime à 100 000 logements sociaux, ainsi qu’un peu plus du doublement prévu de l’accession à la propriété, avec notamment la réforme du prêt à taux zéro. Le plan a également prévu de porter à 100 000 le nombre de places d'hébergement – ce qui se réalise en ce moment.

Ces actions viennent s'ajouter au mécanisme d'aide à l'investissement locatif privé qui a été créé antérieurement et qui contribue au développement de l'offre nouvelle.

Le Gouvernement a aussi engagé avec les partenaires sociaux un ambitieux programme de rénovation urbaine pour redonner un meilleur cadre de vie – dans les logements et à l’extérieur de ceux-ci – à tous les habitants des quartiers des zones urbaines sensibles, en prévoyant de résidentialiser ou de réhabiliter 400 000 logements pendant la durée du programme, de construire 150 000 logements en remplacement de logements obsolètes ou posant des problèmes d’urbanisme graves, et surtout de transformer en profondeur l’ensemble de ces quartiers.

Ce programme est d'ores et déjà un succès puisque l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui a été mise en place, a déjà approuvé 131 projets portant sur 112 000 réhabilitations et 58 700 constructions.

Il s'agissait initialement d'un plan de 15 à 20 milliards d'euros. Face aux demandes de plus en plus pressantes des élus, nous sommes passés des 200 quartiers prioritaires de départ à 200 supplémentaires, puis, peu à peu, à 200 autres, si bien que ce programme doit être porté à 30 milliards d'euros dans les jours qui viennent. Cela passe par une extension du programme et par la signature d’une convention avec les partenaires sociaux.

Les organismes de logement social, les propriétaires du parc privé, les partenaires sociaux du 1 % logement et les autres professionnels de l'immobilier se sont immédiatement mobilisés autour de ces objectifs en les traduisant par des engagements concrets dans le cadre d'accords nationaux avec l'État. Je pense notamment à l’accord signé en décembre dernier par Michel Delebarre qui tend à doubler la production des organismes HLM en contrepartie des engagements pris par l’État en matière financière et fiscale dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Par ailleurs, en 2005, seize agglomérations et départements ont signé avec l'État des conventions de délégation de compétences reprenant au minimum les objectifs du plan de cohésion sociale ; ils devraient être rejoints par soixante-dix autres délégataires en 2006. Ce qui veut dire que fin 2006, l’essentiel, en nombre d’habitants, du territoire national devrait être couvert.

L'ensemble des acteurs est donc impliqué dans la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Les résultats pour cette année 2005 sont éloquents.

Pour le parc social, 80 000 logements sociaux ont été financés – hors ANRU, Agence nationale de rénovation urbaine.

Pour le parc privé, 28 000 logements à loyers maîtrisés ont été financés par l'ANAH – Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat – contre 24 500 en 2004. En outre, 13 000 logements vacants ont été remis sur le marché, contre un peu moins de 11 000 en 2004.

Pour l'accession à la propriété, 200 000 prêts à taux zéro ont été distribués, soit près du double de l'année précédente.

M. Dominique de Villepin a souhaité renforcer cette action en lançant le Pacte national pour le logement.

Pour remédier plus rapidement à la situation d'insuffisance de l'offre de logements, il s'est avéré nécessaire de conforter les actions déjà entreprises sur le logement social en agissant sur l’ensemble de la chaîne.

Sur bien des points, ce pacte prolonge les actions déjà engagées et nous agissons dans plusieurs directions.

Premièrement, l'amélioration du financement des opérations de logement locatif et d'hébergement. S’agissant du logement social, j'ai annoncé plusieurs mesures en septembre, afin de mieux assurer l'équilibre des opérations locatives des organismes de logement social, notamment une baisse des taux des prêts de 0,15 %, aujourd’hui effective pour les PLAI, les PLUS et les PLS.

Ensuite, la durée des prêts a été allongée : quarante ans au lieu de trente-cinq pour la partie « construction » des PLUS et des PLAI, cinquante ans au lieu de trente pour la partie « foncière » des PLS comme c'est déjà le cas pour les PLUS et les PLAI. Ces deux mesures conjuguées sont équivalentes en trésorerie à une subvention de 8 % du coût des opérations.

De plus, nous avons mis en place des prêts de la Caisse des dépôts dédiés à l'acquisition de terrains pour faciliter le portage foncier par les bailleurs ainsi que des nouveaux prêts fonciers d’une durée de cinquante ans permettant aux communes d'acquérir des terrains pour les donner à bail à des organismes de logement social. Cette demande récurrente de l’ensemble des partenaires est désormais satisfaite.

Par ailleurs, en Île-de-France, le reclassement en zone 1 de 328 communes classées jusqu'ici en zone 2 permet d'améliorer notablement le financement des opérations qui y seront réalisées. Cette mesure qui a un impact sur le niveau de l’APL, et donc l’équilibre des opérations, était indispensable.

Enfin, pour accélérer le paiement des subventions de l'État aux organismes HLM, 250 millions d'euros supplémentaires seront versés dans les meilleurs délais.

Les bailleurs sociaux reconnaissent l'importance et la pertinence de ces mesures et considèrent qu'ils ont désormais les moyens financiers pour atteindre les objectifs de construction du plan de cohésion sociale, sous réserve toutefois de disposer de ressources foncières suffisantes. Mais il faut que les Français sachent qu'aujourd'hui le logement social ne manquera pas de crédits.

J’en viens au logement locatif à loyer maîtrisé. Pour permettre la relance du logement locatif intermédiaire, le taux des PLI est abaissé en 2006 grâce au financement de ces prêts sur les ressources du livret A.

La création d'un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif est proposée dans le cadre de la présente loi : il s’agit d’un amortissement accéléré et amplifié en échange d’un loyer cantonné à 30 % du loyer de référence du bassin.

Nous voulons aussi favoriser le parc locatif privé à loyers maîtrisés, et le projet de loi comporte une disposition importante dans ce sens, à savoir l'élargissement du rôle de l'ANAH.

Concernant l'offre d'hébergement d'urgence, j’indique que 5 000 logements d’urgence et d’insertion sont en cours de réalisation afin d’éviter les drames humains que nous avons connus en 2004 et en 2005.

Le Gouvernement souhaite en outre créer une offre hôtelière à vocation sociale et de qualité à hauteur de 5 000 places en deux ans. Les études juridiques et financières qui ont été réalisées avec les partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement et la Caisse des dépôts permettent de lancer les premières expérimentations.

Les centres d'hébergement d'urgence et les logements-foyers qui le nécessitent vont pouvoir rapidement réaliser des travaux de sécurité. Une enveloppe financière de 50 millions d’euros a été débloquée à cette fin et les premières opérations ont fait l'objet de décisions de subventions.

Deuxième direction : le développement de l'accession à la propriété. Outre un nouvel encouragement à l'accession à la propriété dans les opérations de rénovation urbaine, prévu dans le projet de loi – je pense à la TVA à 5,5 %,…

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …nous avons décidé de faire bénéficier des prêts à 0 % de nouveaux ménages dont les revenus moyens sont insuffisants pour faire face sans risque à une accession à la propriété dans les grandes agglomérations où les prix sont élevés. Cette mesure a été votée dans le cadre de la loi de finances pour 2006.

Par ailleurs, nous souhaitons relancer la location-accession sociale en ouvrant son bénéfice à davantage de ménages : l'alignement des plafonds de ressources sur les plafonds actuels des prêts à taux zéro, qui a été réalisé, devrait permettre d'atteindre en 2006 l'objectif de 10 000 prêts sociaux de location-accession – PSLA – alors que ce produit est sous-utilisé aujourd'hui.

Troisième direction : la mobilisation de la ressource foncière, laquelle est paradoxalement rare dans un pays qui connaît une densité de population assez faible. Chacun est convaincu qu'il s'agit là d'un point essentiel pour la réussite de notre pacte national. Il faut que les constructeurs se mobilisent, mais aussi qu'ils trouvent des terrains constructibles et, pour le logement social, à un prix compatible avec l'équilibre des opérations.

C’est pourquoi, après la création des établissements publics fonciers prévue par la loi de cohésion sociale, il est donc indispensable de relancer l'action foncière.

L'État va montrer l'exemple en mobilisant ses propres terrains ainsi que les terrains d'établissements publics pour permettre la mise en chantier d'au moins 20 000 logements en trois ans.

Il appliquera lors de la vente de ses terrains une décote pouvant aller dans les zones les plus tendues jusqu'à 35 % de leur valeur pour permettre la construction de logements sociaux.

Au moment où l'État montre l'exemple en mobilisant ses terrains, il est indispensable que les collectivités locales développent également de leur côté des politiques d'urbanisme et des outils fonciers beaucoup plus volontaristes.

À cette fin, de nombreuses mesures sont prévues dans le projet de loi pour donner aux communes des outils nouveaux ou plus efficaces. De même, le Gouvernement a engagé une réflexion, en concertation avec les élus locaux, sur une meilleure prise en compte de l'effort de construction dans les ressources des communes.

Pour mieux réussir la mise en œuvre de ce pacte national, nous avons enfin mis en place une organisation nouvelle. Il faut que l'État optimise l'action collective de ses services. Et c'est pourquoi un comité interministériel au développement de l'offre de logements a été créé. Il est présidé par le Premier ministre et composé des principaux ministres concernés. Des établissements publics qui ont des réserves foncières importantes et qui, pour des raisons diverses et variées, ne les ont pas mises à la disposition de l’offre de logements sont invités à le faire dans des délais extrêmement brefs. Très peu de villes ou d’agglomérations ne disposent pas de terrains « délaissés » – SNCF, RFF, terrains militaires, terrains de l’équipement, zones prévues pour des opérations qui ne verront pas le jour. Nous devons travailler dans cette direction, et l’équipe mise en place depuis trois mois est à pied d’œuvre.

Le projet de loi soumis à votre examen aujourd’hui comprend les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre du pacte national pour le logement. Il se compose de plusieurs volets, qui correspondent aux principaux thèmes du pacte national. Il a été fortement complété par le Sénat lors de l'examen du texte en première lecture. Ces enrichissements du texte initial portent principalement sur ces grands thèmes.

Je me contenterai de présenter les grandes lignes du volet concernant la mobilisation de la ressource foncière pour la production de logements et je laisserai à Dominique Perben le soin de présenter la partie concernant l’urbanisme et le foncier, qui relève de sa responsabilité.

Ce volet comporte trois grands objectifs : il vise à accélérer la mobilisation des terrains de l'État pour la réalisation de logements, à apporter des améliorations au régime des plans locaux d'urbanisme – PLU – pour permettre aux élus d'agir plus efficacement en faveur de la construction de logements et, enfin, à organiser des mesures fiscales en faveur des maires qui veulent construire.

Concernant la mobilisation des terrains de l'État, il s'agit de donner à l'État la capacité de mettre très rapidement son foncier à la disposition des collectivités locales ou de constructeurs pour réaliser des logements. Des procédures exceptionnelles en matière d’urbanisme sont prévues à cet effet dans le projet. L’objectif est d’au moins 20 000 logements en trois ans, ce qui nécessitera une accélération des cessions de terrains domaniaux.

Le travail d'inventaire est aujourd’hui quasiment achevé et laisse penser que nous doublerons ce chiffre de 20 000 logements.

L'État doit montrer l'exemple sur ses propres terrains et il le fera en concertation avec les collectivités concernées. Il est donc indispensable que celles-ci relancent vigoureusement leur action en matière de foncier et d'urbanisme en faveur du logement. Dans cette loi, plusieurs outils nouveaux et efficaces leur sont proposés.

Je souhaite insister sur deux amendements qui ont été adoptés au Sénat et qui vont aider les « maires bâtisseurs ». Les mairies auront la faculté de majorer, si elles le souhaitent, la taxe foncière sur les propriétés non bâties afin de lutter plus efficacement contre les phénomènes de rétention foncière. Par ailleurs, le Sénat a proposé une taxe sur les terrains devenus urbanisables et dont la valeur aurait été réévaluée du fait d’une décision administrative. Cela aura pour effet de partager la plus-value entre le propriétaire et la collectivité afin de lui permettre de réaliser les équipements nécessaires.

M. François Brottes. Il eût fallu être plus audacieux !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’en viens à l'accession à la propriété dans les quartiers sensibles. Très souvent, ces quartiers sont situés sur de très beaux terrains préemptés pour les besoins de l’équipement.

Le projet de loi prévoit l'application du taux réduit de TVA à 5,5 %, au titre de la politique sociale du logement, aux opérations d'accession sociale à la propriété situées dans les quartiers où intervient l’Agence nationale de rénovation urbaine.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il faudrait étendre ce taux à d’autres secteurs !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ces opérations recevront donc une aide complémentaire substantielle. Sera ainsi facilitée l'accession des habitants des quartiers en difficulté. Et ces opérations, profitant des terrains disponibles dans ces quartiers, donneront à ces derniers une plus grande diversité urbaine et sociale. Je sais que certains d'entre vous souhaitent élargir ce taux réduit de TVA.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais c'est un sujet financièrement très sensible, et il nous faudra être prudents.

M. René Couanau et M. Jacques Myard. En effet !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. S’agissant de l'offre de logements locatifs à loyers maîtrisés, nous voulons développer plus largement le parc privé locatif à loyers maîtrisés, en complément du parc social locatif.

À cette fin, l'ANAH pourra passer des conventions avec les bailleurs, indépendamment de la réalisation de travaux et des aides qu'il accorde à cette fin. Une aide fiscale est prévue pour inciter à ce conventionnement sans travaux. L'ANAH prendra le nom d'Agence nationale de l'habitat.

Par ailleurs, les sénateurs ont introduit une incitation supplémentaire à remettre sur le marché des logements qui sont actuellement vacants : une déduction pendant deux ans de 30 % des revenus des logements vacants remis en location avant le 31 décembre 2007. Cette incitation forte à durée limitée devrait inciter les propriétaires à remettre sur le marché les logements inutilisés.

Le projet de loi propose également un nouveau dispositif fiscal d'incitation à l'investissement locatif à loyers intermédiaires. Il visera des loyers inférieurs de 30 % à ceux du marché et des locataires dont les ressources n’excèdent pas les plafonds du prêt locatif intermédiaire. Il bénéficiera d'un amortissement fiscal sur quinze ans et d'une déduction forfaitaire sur les revenus locatifs.

Le produit actuel d'aide à l'investissement locatif sera maintenu mais ses avantages seront légèrement réduits. Sa rentabilité sera de ce fait sensiblement inférieure à celle du produit locatif intermédiaire, dont on peut attendre un fort développement.

Avec ces deux produits complémentaires, la production de logements locatifs dans le cadre de ces aides à l'investissement devrait rester extrêmement forte, comme aujourd'hui.

Pour ce qui est de la modernisation des organismes HLM, le texte prévoit l’unification du statut des offices HLM, dispositif qui a été longuement étudié en concertation avec le mouvement HLM. Il renforce la présence des représentants des collectivités locales dans les instances dirigeantes et retient le statut d'établissement public industriel et commercial.

Il est proposé au Parlement d'autoriser le Gouvernement à préciser le texte par ordonnance, tout en fixant les principes essentiels de cette réforme dans la loi, compte tenu de la complexité et du caractère technique du texte d'ensemble. Je précise que ce dernier a été communiqué à vos rapporteurs.

Nous prévoyons par ailleurs, par un amendement gouvernemental, de réformer une autre famille du logement social, celles des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI.

Spécialisées dans l'accession sociale, ces sociétés ont perdu ces dernières années leur caractère spécifique. À présent, elles ont principalement un rôle d'actionnaire de filiales bancaires et immobilières, qui n’ont pas de vocation sociale particulière. Les moyens financiers dont elles disposent sont donc consacrés à ces activités concurrentielles, alors qu'ils ont été en grande partie obtenus dans le cadre de l'activité sociale antérieure.

La situation que nous connaissons aujourd'hui en matière de logement social impose de faire appel à l'ensemble des acteurs compétents sur ce champ, avec tous les moyens dont ils disposent. C'est pourquoi nous prévoyons de demander à ces sociétés de se recentrer sur le logement social, en laissant à des acteurs du marché le soin de poursuivre les activités financières concurrentielles qu'elles ont développées. Nous veillerons toutefois lors de cette réforme à préserver les droits des actionnaires des SACI.

Enfin, le Sénat a élargi la compétence des organismes HLM d'outre-mer, afin qu'ils puissent réaliser tous les produits spécifiques qui y sont développés.

J’en viens au renforcement de l'accès de tous au logement.

Les mécanismes d'attribution doivent permettre un meilleur accès au logement. Le projet de loi n'institue pas de droit au logement directement opposable. En effet, on voit mal encore comment il pourrait être institué à court terme. Même si peu à peu l'idée s'impose dans les esprits, reste à examiner d’autres formes d’opposabilité, notamment avec l’extension des délégations à la pierre. Il propose en revanche des avancées fortes pour un droit au logement effectif.

Ce texte permet tout d’abord aux EPCI de signer avec les bailleurs sociaux des accords collectifs pour le logement des personnes défavorisées, indépendamment de ceux passés avec le préfet au niveau départemental. Dans de tels cas, le Sénat a prévu d'autoriser la délégation directe du contingent préfectoral à ces établissements. Il a aussi introduit une commission de coordination des attributions pour les personnes défavorisées, au niveau de l'agglomération.

Ensuite, le texte considère comme prioritaires pour les attributions les personnes qui sortent d'un hébergement d'urgence ou qui reprennent une activité après un chômage de longue durée.

Par ailleurs, il renforce le rôle de la commission de médiation qui pourra demander à des bailleurs de loger des personnes qui attendent un logement depuis un délai anormalement long.

En outre, le projet vise à renforcer le dispositif de supplément de loyer de solidarité dans le parc social afin d'y inciter à la mobilité. Les débats au Sénat ont conduit à prévoir que les programmes locaux de l'habitat, avec l'accord du préfet, formuleraient des orientations en matière de loyer de solidarité et pourraient préciser les secteurs où ce dernier ne s'applique pas.

Il a également prévu d’interdire les coupures d'eau, d'électricité et de gaz pour les ménages de bonne foi en grande difficulté, le Sénat ayant précisé le champ des ménages concernés.

Il faut enfin noter que le Sénat a adopté un certain nombre de dispositions sur d'autres thèmes de la politique du logement : la qualité technique du bâti, avec l'introduction d'un diagnostic sur la sécurité électrique lors des ventes ; la gestion des copropriétés, en prévoyant une incapacité à exercer pour les agents immobiliers condamnés pour discrimination et en reportant d'un an l'entrée en vigueur des nouvelles règles comptables ; enfin, la rénovation des immeubles, en introduisant un contrat de vente en l'état futur de rénovation, comparable à la vente en l'état futur d'achèvement dans le neuf.

Vous noterez enfin que le projet prévoit de ratifier l'ordonnance relative au logement et à la construction du 8 juin 2005. Il propose aussi d'avancer au 1er mars 2006 la date d'entrée en vigueur du nouvel indice des loyers, qui remplace l'ICC, mais comme la loi de finances rectificative a en définitive avancé cette date au 1er janvier, ce nouvel indice est d'ores et déjà en application. Cet élément du texte n'a donc plus de pertinence.

Ce projet de loi s’inscrit dans une suite de textes et d’améliorations touchant aux finances et à l’équilibre des opérations, dans le cadre d’une mobilisation générale des élus comme des organismes constructeurs, privés et publics. Il a vocation à apporter des réponses législatives indispensables. Il a pour ambition de nous permettre, au minimum, de maintenir les chiffres historiques de 2005, mais surtout de les amplifier et de prévoir une véritable détente de l’offre foncière pendant la décennie à venir. Il vise à faire en sorte que les acteurs – propriétaires, collectivités locales et autres – aient un intérêt rationnel à mettre à la disposition de chacun sur le territoire national une offre foncière pertinente, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant, eu égard au calcul des plus-values et à leur mode de partage, les plus-values administratives étant, par exemple, réservées aux propriétaires.

C’est un texte technique, compliqué, touchant à beaucoup de sujets différents.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais il est excellent.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il est clair que si, ces quinze dernières années, notre pays avait continué à construire autant de logements sociaux qu’à l’époque de M. Périssol – soit 90 000, je crois –, ….

M. Jean-Louis Dumont. Mais c’est n’importe quoi !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …nous ne connaîtrions pas de crise du logement.

M. Jacques Myard. Les logements sociaux ne sont pas la panacée !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais ce texte va nous permettre d’en sortir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Brottes. Ça, c’est de la déclaration !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, face à la crise, les objectifs fixés par le Premier Ministre en matière de logement sont ambitieux. Dans le domaine qui relève de mon département ministériel, c'est-à-dire l'urbanisme et le foncier, nous avons lancé de nombreux chantiers pour simplifier et clarifier la réglementation, pour renforcer les pouvoirs opérationnels des élus et pour faciliter l'obtention des autorisations de construire.

À cet égard, laissez-moi vous rappeler deux réformes stratégiques que vient compléter le présent projet de loi.

D'abord, en juillet dernier, avec le vote à l’unanimité de la réforme des concessions d'aménagement, vous avez remis le maire au cœur des décisions de « production de la ville » en libérant de ses contraintes l'aménagement opérationnel.

Ensuite, la très importante réforme du permis de construire va se concrétiser pendant cette année 2006 avec la publication des décrets d'application, la distribution de guides méthodologiques et la formation de 9 000 instructeurs qui, dans les mairies et dans les directions départementales de l’équipement, instruiront les actes. Il nous faut réussir cette formation pour que la mise en place de la réforme d’ici à un an soit une réussite. C’est dans l’intérêt de tous.

M. Rodolphe Thomas. C’est essentiel !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il convient également de traiter l'amont de l'acte de construire : le foncier, la planification, les finances. C'est l'objet du présent projet de loi, issu des travaux du Sénat qui a approfondi le projet initial en le complétant par plus de cinquante articles.

Le projet de loi va améliorer la production de logements à travers quatre grands axes : faciliter la mobilisation du foncier ; rendre plus opérationnels les documents d'urbanisme ; sécuriser les actes d'urbanisme ; mettre en place des moyens financiers nouveaux pour soutenir les maires bâtisseurs.

S’agissant de la mobilisation du foncier, je rappelle à mon tour que tous les opérateurs font le même constat : l'absence de foncier disponible, en particulier dans des régions très importantes de notre pays, est le principal frein à l'effort de construction. Pour y remédier, le Premier ministre a décidé la mise sur le marché d'emprises publiques très importantes afin de pouvoir y construire plus de 20 000 logements et il a souhaité accélérer les procédures foncières ou les procédures d'urbanisme préalables.

M. Jean-Louis Dumont. Pour quelle destination ? Le logement locatif social ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Avec les services du ministère de l’équipement, je me tiens à votre disposition pour faire en sorte qu’au-delà des principes fixés dans la loi, la mobilisation du foncier soit effective sur le terrain. Je sais qu’il existe une multitude de réticences, de réserves et de préalables bureaucratiques, mais il est important que nous puissions nous mobiliser pour que les règles inscrites dans ce texte deviennent réalité.

Par ailleurs, les sénateurs ont introduit deux modalités de transparence des marchés fonciers : d'une part, en obligeant l'administration fiscale à communiquer les éléments essentiels des transactions depuis cinq ans et, d'autre part, en invitant les préfets à communiquer l'état du patrimoine foncier public dans les départements. Ce sont deux bonnes mesures.

Le deuxième axe consiste à rendre plus opérationnels les documents d'urbanisme.

Vous le savez, on ne peut mobiliser utilement le foncier sans respecter les règles d'urbanisme. Pour faire face à la crise du logement, aggravée par la pression foncière, les élus, et au premier chef les maires, doivent disposer d'outils opérationnels efficaces pour traduire sur le terrain leur politique en actions concrètes. C'est le deuxième objectif du Gouvernement, à travers diverses mesures.

En premier lieu, je voudrais insister sur la dynamique que nous créons au sein des PLU, documents perçus souvent comme statiques, voire figés. Grâce à une innovation introduite par les sénateurs, les documents d'urbanisme pourront contenir un échéancier prévisionnel des réalisations inscrites. Ce document, purement indicatif, permettra alors à tous les acteurs de l'aménagement et de la construction de disposer d’une vision partagée du rythme du développement urbain d'une commune. Ainsi, le plan local d'urbanisme déterminera non seulement l'usage du sol, mais il pourra aussi renseigner sur l’évolution urbaine.

Cette innovation entre en résonance avec l'obligation triennale de délibérer sur l'adéquation entre le PLU et les besoins de la commune. Vous le voyez, ces dispositions permettront aux élus de disposer de moyens supplémentaires pour dynamiser leur urbanisme réglementaire.

Dans le même esprit, il est proposé que les maires puissent, à titre provisoire, apporter des dérogations limitées à leur document d'urbanisme lorsque celui-ci comprend des règles de densité trop faibles, afin de leur permettre de délivrer des permis de construire, sans attendre une future révision.

Je suis convaincu que ces mesures permettront aux élus locaux de mieux organiser l'usage du sol.

Le troisième axe vise à renforcer la sécurité juridique des actes d'urbanisme. Le présent projet de loi reprend quatre dispositions du rapport Pelletier. Elles sont particulièrement nécessaires et permettront aux constructeurs, aux aménageurs et aux maires de concentrer leurs efforts sur la construction des logements attendus sans craindre d'être bloqués par des artifices juridiques.

Enfin, le quatrième axe est la mise en place de moyens financiers nouveaux pour soutenir les maires bâtisseurs.

Il me faut ici évoquer le très important volet financier de cette loi. Prévoir un meilleur accompagnement financier des communes qui accueillent de nouveaux habitants est une nécessité. Le Gouvernement y travaille activement : il faut, je le répète, aider les maires bâtisseurs. Le Premier ministre a d'ailleurs décidé de consulter l'Association des maires de France pour envisager des dispositions spécifiques réformant la dotation globale de fonctionnement. Mais sans attendre la conclusion de cette concertation, le Gouvernement propose d'améliorer le rendement de la taxe locale d'équipement et de permettre aux communes qui le désirent de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains constructibles.

M. Rodolphe Thomas. Très bonne mesure !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Chaque commune pourra ainsi prendre les mesures qui lui paraissent utiles, en fonction de ses besoins en équipements. Je suis persuadé que, en ce domaine, elles seront animées du souci de modération fiscale que nous partageons tous.

Par ailleurs, le Sénat a introduit, avec l'accord du Gouvernement, une réforme profonde de notre fiscalité foncière. En effet, le texte propose un meilleur partage de la plus-value lorsque des terrains sont rendus constructibles. Les communes qui le souhaitent auront la possibilité de récupérer une fraction de cette plus-value afin de financer les équipements publics ou de préparer l'avenir.

Voilà une disposition novatrice et audacieuse, qui respecte le principe de subsidiarité. C'est en effet une ligne de force à laquelle tient le Gouvernement : mettre à la disposition des communes des outils complémentaires, qui seront adaptables à chaque contexte local, ce qui est le gage de leur efficacité.

Au terme de mon propos, je veux souligner que les volets urbanisme et foncier de ce texte sont particulièrement denses. La très grande richesse des débats qui se sont déroulés au Sénat témoigne de l'importance du sujet, et je sais que les différentes commissions ont déjà passé du temps à examiner les articles.

Ce présent projet de loi nous donne l'occasion, non seulement de moderniser notre pays en matière de logement, mais aussi de l'aider à surmonter la crise qu'il traverse en dotant les pouvoirs publics de nouveaux outils efficaces. L'État ne peut en effet agir seul dans une France décentralisée. Cette loi est l’illustration de la nécessaire mobilisation de l’ensemble des acteurs publics et privés au service d’une politique du logement plus dynamique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi portant engagement national pour le logement vise à répondre à la crise de l'offre de logement que traverse notre pays depuis de nombreuses années. Ce texte était très attendu de l'ensemble des parlementaires et des professionnels du secteur tant il a fait l'objet d'annonces de la part du Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont. Cela fait trois ans qu’on en parle !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Avant d'aborder le contenu du projet de loi proprement dit, je tiens à souligner que la commission se félicite que deux lectures aient été prévues dans chaque assemblée, tant le problème du logement est complexe et les avis partagés sur le sujet.

Une fois énoncées ces remarques préliminaires de forme, venons-en au fond du problème de la crise du logement et aux solutions législatives qui sont soumises à votre examen.

Depuis une vingtaine d'années, la France a accumulé un retard important en matière de constructions de logements sociaux comme de logements privés. Ce retard a été en outre aggravé par un phénomène de rétention foncière, par les freins existants à la mobilisation du foncier disponible et par la réticence de nombreux propriétaires à louer leurs logements vacants. En conséquence, l'offre insuffisante de logements, au regard d'une demande croissante et évolutive, a contribué à la flambée des prix sur le marché du logement.

Dans le contexte actuel marqué par un vrai boom de la construction, l'insuffisance de l'offre n'est pas seule en cause : les asymétries d'information sur le marché foncier ont aggravé la situation et la hausse du coût des terrains s'accompagne d'une flambée du prix des logements due à la forte hausse du nombre de demandeurs de logements, mais également aux évolutions sociodémographiques affectant le nombre et la taille des ménages, le premier augmentant tandis que la seconde diminue, notamment en raison du vieillissement démographique, des phénomènes de décohabitation et de la moindre durabilité des couples mariés.

En conséquence, l'ensemble de la chaîne du logement se trouve désormais engorgé, rendant plus difficile l'accès au logement des ménages modestes et des ménages aux revenus moyens, allongeant les délais d'attente des demandeurs de logements sociaux et rendant de plus en plus précaire l'hébergement des ménages les plus défavorisés. Enfin, la crise du logement a remis en cause la mobilité résidentielle et la mixité des quartiers.

Revenons quelques instants sur ces différents éléments.

L'engorgement de la chaîne du logement tout d'abord.

On constate que le parcours résidentiel qui permettait, dans les années 1960 et 1970, aux ménages de passer d'un logement HLM à un logement privé locatif puis à l'accession à la propriété, ne fonctionne plus. Les ménages sont contraints d'occuper un segment de marché immédiatement inférieur à leurs préférences de départ. La diminution du nombre de primo-accédants, notamment issus de logements sociaux, pèse sur les marchés locatifs privés ou publics, qui servent alors de solution de rechange définitive ou d’attente.

En outre, les ménages ont des difficultés croissantes à accéder au logement social, ce qui se traduit par l'allongement des files d'attente. De même, ceux qui sont déjà logés en HLM ne peuvent plus en partir.

La précarisation croissante des situations, ensuite.

Si les ménages les plus modestes sont contraints de recourir à des solutions toujours plus précaires, les classes moyennes ne sont plus épargnées par la crise.

La vulnérabilité croissante des ménages accueillis dans le parc social ainsi que les difficultés accrues rencontrées par les classes moyennes pour accéder à la propriété remettent en question la possibilité, pour ces ménages, de choisir le type et la localisation de leur logement et la perspective de pouvoir en changer un jour.

En conséquence, les populations modestes se concentrent dans le parc social et le parc locatif le moins cher, tandis que les populations les plus aisées se concentrent dans les zones de propriété ou de logement locatif privé.

Cela dit, la quantité de logements disponibles n'est pas seule en cause. De fait, l'amélioration de la qualité de l'offre de logements est également un enjeu majeur pour les pouvoirs publics, enjeu dont la lutte contre l'habitat indigne et indécent constitue la dimension prioritaire.

Si à Paris, par exemple, plus de 90 % des logements sont aujourd'hui dotés des éléments de confort de base, il y subsiste un parc insalubre dont profitent les marchands de sommeil qui y logent des ménages aux revenus les plus modestes dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité inacceptables.

De surcroît, la résorption de l'habitat indigne n'est pas la seule préoccupation à prendre en compte pour améliorer la qualité du logement. En effet, les exigences croissantes de la société en matière de confort et de développement durable, ainsi que le vieillissement démographique, supposent la définition de normes de construction prenant en compte des objectifs aussi différents que la maîtrise de la demande énergétique ou l'accessibilité aux personnes âgées ou à mobilité réduite.

Face à ces problèmes, le Gouvernement a engagé depuis 2002 une politique active.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est vrai !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Et s'il est vrai que le secteur du logement doit être envisagé comme une chaîne, de même il faut considérer que le présent projet de loi s’inscrit dans la continuité de l'action menée par le Gouvernement pour agir sur les différents maillons de cette chaîne.

Les pouvoirs publics ont été dotés de nombreux moyens d'action, qu'il s'agisse de la rénovation des quartiers, de la relance de la construction de logements sociaux, de la promotion d'un habitat économe en énergie et respectueux des objectifs nationaux définis en matière de développement durable, de l'instauration d'un nouvel indice de référence des loyers, de la lutte contre ce qu'il est convenu d'appeler les ventes à la découpe, de la simplification du droit de l'urbanisme ou encore de la résorption de l'habitat indigne.

Afin de compléter l'ensemble de ces mesures, le Gouvernement a défini un pacte national pour le logement, dont le présent projet de loi constitue le volet législatif. Ce texte, qui a fait l'objet de modifications importantes au Sénat, vise notamment à faciliter la mobilisation de terrains publics, à adapter le processus d’élaboration des documents d'urbanisme aux objectifs fixés en matière de construction de logements, à soutenir la construction de logements par les communes, à favoriser l'accession à la propriété, à relancer l'offre de logements privés à loyers modérés, à lutter contre l'insalubrité et la vacance des logements, à favoriser la mixité et à aider les personnes défavorisées à accéder à un logement décent.

Le projet de loi présente l'avantage d'être fondé sur une logique de régulation et d'incitation du marché. L'outil fiscal, qui tend à inciter les agents plutôt qu'à les contraindre et à les sanctionner, a ainsi été privilégié s'agissant aussi bien de la lutte contre la rétention foncière ou contre la vacance des logements que de la relance de l'offre de logements à loyers modérés et de la poursuite de l'action du Gouvernement en faveur de l'accession à la propriété, ou encore de l'amélioration de la transparence du marché foncier.

En outre, ce texte assouplit le droit de l'urbanisme, parfois trop contraignant pour les maires bâtisseurs, et s'inscrit dans le cadre de la relance de la décentralisation engagée en 2004, en confortant, d'une part, le rôle des groupements intercommunaux dans la définition de politiques cohérentes de l'habitat au niveau des bassins de vie, et, d'autre part, le rôle de l'État comme garant de l'intérêt général à l'échelon local.

La commission des affaires économiques se félicite de l'ensemble de ces mesures, qu'elle juge indispensables.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Elle a néanmoins enrichi le projet de loi suivant trois axes principaux : favoriser l'accession à la propriété, améliorer le versement de l'aide personnalisée au logement et adapter le dispositif du supplément de loyer de solidarité aux spécificités locales.

S'agissant de l'accession sociale à la propriété, la commission a adopté quatre amendements majeurs.

Le premier améliore le dispositif du bail à construction, qui permet de dissocier l'acquisition du bâti, acquis dans un premier temps, et du foncier, loué dans un premier temps puis éventuellement acquis par les accédants s'ils le souhaitent. La commission a amélioré les garanties hypothécaires dont le dispositif est assorti.

Le deuxième amendement étend, dans certaines conditions, le bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % aux communes dont les quartiers ont conclu des conventions avec l'Agence nationale de rénovation urbaine.

Un troisième amendement permet, dans le cadre des opérations d'accession sociale à la propriété, l'instauration, par les organismes vendeurs, d'une décote ou d'une surcote sur le prix du logement par rapport à l'estimation réalisée par les services des Domaines.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Enfin, le quatrième amendement incite les communes à réaliser des opérations d'accession sociale à la propriété, en prévoyant que celles-ci pourront être inclues, pendant cinq ans, dans le décompte des 20 % de logements sociaux rendus obligatoires au titre de l'article 55 de la loi SRU.

En ce qui concerne le versement de l’aide personnalisée, la commission a adopté deux amendements, le premier supprimant le délai de carence d'un mois pour le versement des APL, le second tendant à remettre en cause le seuil de vingt-quatre euros par mois pour le montant des APL en deçà duquel l'aide n'est pas versée aux allocataires.

M. Jean-Louis Dumont et M. Rodolphe Thomas. Très bien !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Malheureusement, ces deux amendements ont été déclarés irrecevables par la commission des finances.

M. Jean-Louis Dumont. C’eût été trop beau !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Cela étant, je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur le caractère inique du maintien de ce seuil, qui pénalise les ménages les plus modestes, et sur l'absolue nécessité de le supprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.) Sur ce point, vous venez d’entendre qu'un large consensus se dégage sur les bancs de cette assemblée.

S'agissant enfin des surloyers, la commission a souhaité adapter le dispositif aux réalités locales en permettant au programme local de l'habitat, le PLH, d'en prévoir l'application.

Outre l’accession à la propriété, les aides au logement et le supplément de loyer de solidarité, la commission des affaires économiques a également adopté des mesures en faveur de la mixité de l’habitat et de la lutte contre l’insalubrité des logements. Elle s’est également prononcée pour une adaptation aux petites copropriétés, le plus souvent gérées par des bénévoles avec un budget modeste, de nouvelles règles comptables applicables aux copropriétés.

Enfin, la commission a également accepté un amendement, auquel je suis particulièrement attaché, qui étend aux établissements d'hébergement d'urgence le bénéfice du taux réduit de TVA dont bénéficient déjà les bailleurs sociaux.

Moyennant l'adoption de ces amendements, messieurs les ministres, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Louis Dumont. La commission a assez bien travaillé. Il faut qu’elle continue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. François Scellier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que nous débattons aujourd’hui répond à une des préoccupations essentielles des Français.

En effet, malgré la relance récente de la construction, on constate aujourd’hui en France une véritable crise du logement, qui résulte d’un déséquilibre persistant entre l’offre et la demande, en raison notamment des retards de construction accumulés pendant de trop nombreuses années. Cette crise frappe principalement les ménages modestes dans toutes les régions de France, mais plus particulièrement dans les grandes agglomérations.

Face à cette crise, le Gouvernement a mis en place en 2004 le plan de cohésion sociale. La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu la construction de 500 000 logements sociaux sur cinq ans, le conventionnement de 200 000 logements à loyer maîtrisé et la remise sur le marché de 100 000 logements vacants. La réforme du prêt à taux zéro votée dans la loi de finances pour 2005 doit permettre chaque année l’accession à la propriété de 240 000 ménages.

Les premiers résultats peuvent d’ores et déjà être constatés : 75 000 logements locatifs sociaux ont été financés en 2004, soit le niveau le plus élevé depuis dix ans. Par ailleurs, grâce notamment à l’impulsion très forte donnée par le dispositif « Robien », plus de 400 000 logements ont été mis en chantier en 2005. Ces résultats encourageants rompent avec l’immobilisme que nous avons connu pendant des années, avec ce point bas historique en 2000 où 42 000 logements locatifs sociaux seulement avaient été financés.

M. Jean-Louis Dumont. Vous connaîtrez la même chose pour la réhabilitation dans deux ans !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Toutefois, malgré la relance, des obstacles freinent encore la politique volontariste menée par le Gouvernement, à commencer par la difficile mobilisation de la ressource foncière, notamment en Île-de-France. Aussi les réformes proposées sont-elles opportunes.

Le projet de loi portant engagement national pour le logement est une étape supplémentaire et constitue le volet législatif d'un ensemble plus vaste : le pacte national pour le logement. L'objectif est de conforter les actions entreprises et d'intervenir plus globalement sur l’ensemble de la chaîne de production d'un logement accessible au plus grand nombre.

Quatre priorités de ce projet, qui a été profondément enrichi par le Sénat, me semblent essentielles.

La première est la mobilisation de la ressource foncière. S'agissant des articles dont s'est saisie la commission des finances, la possibilité pour les maires de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains constructibles ainsi que la création d'un nouveau dispositif de partage, entre la commune et le propriétaire, des plus-values engendrées par le classement en zone constructible de terrains auparavant non constructibles encourageront les maires à agir. Cependant, mesurons bien l'impact de l’alourdissement des charges fiscales et gardons à l’esprit que, s’il faut impérativement favoriser la construction de logements, le système fiscal doit rester à la fois juste et efficace sur le plan économique et que les taxes ne doivent pas, à l’inverse du but recherché, aboutir au renchérissement des terrains.

La seconde priorité du projet de loi est d'encourager les communes à s'engager en faveur de la construction de logements sociaux.

M. Jacques Myard. Il n’y a pas que ça dans la vie !

M. Jean-Pierre Brard. Surtout à Maisons-Laffitte !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Il est proposé notamment de majorer la taxe locale d'équipement et de compenser intégralement la taxe foncière sur les propriétés bâties supportées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale au titre des logements PLUS et PLAI financés pendant la durée du plan de cohésion sociale. Nous tenons à saluer cette dernière mesure, réclamée depuis longtemps par les élus locaux, qui permettra enfin de ne plus pénaliser financièrement les maires bâtisseurs.

La commission des finances a adopté un amendement proposant d’exonérer d'impôt sur les sociétés les plus-values réalisées par les sociétés d'économie mixte lors de la cession d'immeubles si ces plus-values sont réemployées dans une opération de construction ou de réhabilitation de logements sociaux. Un tel dispositif, s'il était adopté par notre assemblée, serait de nature aussi à encourager la construction de logements sociaux et aiderait les sociétés d'économie mixte à mettre en œuvre les engagements qu'elles ont pris au titre du plan de cohésion sociale.

La troisième priorité du projet de loi, et pour beaucoup d’entre nous la plus importante car elle favorisera une meilleure mixité sociale, est de favoriser l'accession d'un plus grand nombre à la propriété. Celle-ci constitue, j’en suis convaincu, l'une des aspirations essentielles des Français. Or, pour les ménages modestes, elle requiert l’intervention publique. Il faudrait même faire davantage encore dans ce domaine.

L'instauration de la TVA à 5,5 % pour tous les projets d'accession à la propriété dans les quartiers faisant l'objet d'une convention de rénovation urbaine permettra de favoriser la mixité sociale. Il faudra voir à l'usage comment il serait possible d’en étendre le champ d'application.

Par ailleurs, la commission des finances a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à créer un « plan d'épargne retraite-logement ». Il s'agit d'autoriser le souscripteur d'un plan d'épargne retraite populaire – PERP – à bénéficier, à l'âge de la retraite, d'un versement en capital destiné à l'acquisition d'une première résidence principale. Aujourd’hui, il ne peut toucher qu’une rente, ce qui limite l’attractivité du produit. Bien sûr, dès lors que le PERP bénéficie d'une fiscalité favorable, il conviendrait d’en limiter les avantages pour éviter qu’ils soient excessifs – je dis cela pour rassurer Bercy que je devine inquiet. Cet amendement devrait permettre de renforcer l'attractivité du PERP, qui rencontre malheureusement un succès limité, et de garantir un meilleur niveau de vie à des retraités dont les revenus baissent.

M. Rodolphe Thomas. C’est vrai !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. La situation économique d'un retraité propriétaire de son logement n'est évidemment pas la même que celle de celui qui doit continuer de payer un loyer.

Le quatrième axe du projet de loi, sur lequel je souhaite revenir, est le développement de l'offre de logements locatifs à loyer maîtrisé.

L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est réformée et devient l'Agence nationale de l'habitat : elle pourra désormais passer des conventions avec des propriétaires, qu’ils fassent ou non des travaux d'amélioration. Ils pourront alors bénéficier d'une déduction de 30 % des revenus fonciers au titre de l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, le projet de loi instaure un nouveau produit d'investissement locatif intermédiaire, le « Borloo populaire »,...

M. Jean-Pierre Brard. C’est contradictoire dans les termes !

M. Michel Piron. Non, c’est un pléonasme, voire une tautologie !

M. François Scellier, rapporteur pour avis. Il serait assorti de contreparties sociales : des loyers 30 % en dessous des prix du marché et des plafonds de ressources égaux à ceux des logements PLI.

Toutefois, il faut se méfier, monsieur le ministre, des effets pervers des bonnes intentions. L'État ne pourra inciter à construire des logements neufs que si l’investissement locatif reste suffisamment intéressant. Or imposer des plafonds de loyers 30 % en deçà du niveau du marché pourrait obérer la rentabilité de ces opérations – peut-être même la qualité des constructions –, au point de compromettre l’attractivité de l’investissement locatif. C'est pourquoi je vous proposerai, par amendement, de relever le plafond de loyer et de le fixer à un niveau inférieur de 20 % aux prix du marché. L'objectif est de mettre en place un dispositif suffisamment incitatif pour permettre le développement d'un parc locatif privé à loyer maîtrisé.

Au total, ce projet de loi présente donc un ensemble de mesures cohérentes, ambitieuses et pragmatiques pour lutter contre la crise du logement. Il permettra à l'État de répondre aux aspirations de nos concitoyens en matière de logement.

Il reste cependant, j'y insiste, à veiller à ce que certaines mesures proposées, dont on comprend parfaitement l'esprit, n'aillent à l'encontre du but recherché par leurs concepteurs. Aussi faut-il, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, observer de façon continue l'évolution du marché, faire preuve de pragmatisme mais aussi, même si cela peut apparaître contradictoire, assurer la stabilité des règles. La discussion de ce projet permettra, j'en suis sûr, de débattre de ces questions.

Tout comme mon collègue, je tiens, monsieur le ministre, à saluer votre décision de ne pas faire déclarer l'urgence sur ce texte : elle montre la volonté du Gouvernement de donner pleinement la parole aux élus sur un sujet qui concerne chacun de nos concitoyens dans sa vie quotidienne.

La commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle était saisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Messieurs les ministres, bravo pour ce texte plein d’ambition ! Il est inutile de le détailler, puisque le rapporteur Gérard Hamel s’y est employé excellemment. Aussitôt que ce texte aura été voté par nos deux assemblées, il donnera au Gouvernement les moyens de construire plus de logements. Bravo donc, car le retard à rattraper est énorme. Le Gouvernement, qui avait déjà pris des décisions dans ce domaine, est aujourd’hui obligé d’accélérer le rythme compte tenu du retard accumulé.

Une comparaison seulement : en 2000, il y a eu 200 000 logements produits, dont 42 000 logements sociaux ; en 2005, nous en sommes à 402 000 logements, dont 75 000 logements sociaux. Dont acte, monsieur Borloo, pour cet effort remarquable que les Français doivent connaître. Telle est la vérité !

Le retard était particulièrement accentué dans un domaine essentiel – c’est pourquoi j’y consacrerai ma brève intervention –, celui de l’accession sociale à la propriété.

Oui, messieurs les ministres, les Français aspirent à devenir propriétaires ! Notre majorité doit se donner l’avantage de proposer aux Français, dans les conditions que nous allons déterminer, de devenir propriétaires de leur logement.

M. Philippe Pemezec. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Répondre à cette aspiration est une des ambitions de la majorité. Nos amendements visent à compléter les mesures que vous avez proposées.

La France compte 56 % de propriétaires, contre 83 % en Espagne, 74 % en Grèce, 68 % en Grande-Bretagne et 70 % en Italie. Ce retard, qui est propre à notre pays, est totalement insupportable !

M. Rodolphe Thomas. Très juste ! C’est la réalité !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il faut donc aller vite et loin ! Et, pour aller vite et loin, il faut mettre en place une véritable politique d’accession sociale à la propriété, qui comportera plusieurs éléments.

Tout d’abord, la mise en place d’une procédure unique, qu’il reste à définir, doit rendre plus lisible et plus simple aux yeux des Français la politique d’accession sociale à la propriété et leur éviter de se perdre au milieu des difficultés et d’errer d’un conseiller bancaire à un autre.

M. Michel Piron. Oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Installons des guichets uniques dans les mairies, à l’image de la procédure HLM pour l’accession sociale à la location.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Bravo !

M. Jean-Louis Dumont. Instituez aussi une procédure sécurisée.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ensuite, il convient de globaliser les moyens disponibles pour la mise en œuvre de l’accession sociale et de faciliter la construction.

De ce point de vue, le taux réduit de TVA à 5,5 % pour le logement est une excellente nouvelle, dont nous nous félicitons, car il permettra de favoriser l’accession sociale à la propriété. La commission a toutefois accepté un amendement que M. Hamel et moi-même avons déposé. Il qualifie les propositions du Gouvernement de « timides », dans la mesure où – nous le comprenons – vous avez souhaité limiter l’accession sociale à la propriété aux zones couvertes par l’ANRU. Or, en cas de contraintes foncières – surdensification interdisant toute nouvelle construction ou impératif de mixité, qui ne saurait consister dans la concentration au même endroit de logements d’un même type –,…

M. Jean-Pierre Brard. Ne mettons pas les riches ensemble !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …l’amendement vise à établir un équilibre intelligent en donnant au maire la possibilité d’étendre dans un rayon de quelques kilomètres autour de la zone d’intervention ANRU la zone d’implantation des bâtiments dédiés à l’accession sociale à la propriété.

M. Philippe Pemezec et M. Michel Piron. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Mais il faut aussi sécuriser l’accédant !

M. Patrick Ollier, président de la commission. En ce qui concerne les maisons dites « Borloo », le PSLA – prêt social de location-accession – constitue une bonne disposition – M. Méhaignerie, avec qui je viens d’évoquer la question, est d’accord avec moi. Il convient donc de la développer, notamment au travers de mesures fiscales intéressantes qui font l’objet d’amendements, monsieur le ministre. Il convient enfin de ne pas oublier le prêt à taux zéro – PTZ.

Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite la globalisation des moyens, car elle seule permettra de faire jouer ensemble toutes les possibilités d’enclenchement d’un processus de location-accession ou d’accession sociale à la propriété.

À ce titre, monsieur le ministre, l’augmentation, en 2006, de 38 690 à 51 900 euros du plafond du PTZ est une excellente mesure, car elle permettra à 240 000 ménages de bénéficier de la procédure d’accession sociale à la propriété.

Toutefois, si nos propositions visent généralement à structurer le dispositif, comme nous ne nous sentons pas capables, au travers de ce débat, d’en dessiner tous les contours, l’un de nos amendements prévoit de confier au Gouvernement le soin de fixer par décret les conditions pour en bénéficier. S’il s’agit réellement d’une accession sociale à la propriété, il convient de définir, comme pour la location, des critères de revenus : personne ne pourra alors nous accuser d’utiliser les fonds ainsi alloués à des fins autres que des fins sociales. Il est important pour la majorité de s’engager résolument dans une politique sociale de grande ampleur – il y va même de son honneur !

J’en viens enfin à la vente à l’occupant des logements sociaux actuellement loués, mesure dont la commission des affaires économiques souhaite le développement.

M. Jean-Louis Dumont. Elle existe déjà !

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est bien pour cette raison que je parle d’un développement !

Nous voulons que les bailleurs sociaux s’engagent résolument dans cette politique de façon volontariste et dynamique, c'est-à-dire à hauteur d’au moins 0,5 % de leur patrimoine par an. Cela permettra à la fois de dégager des moyens en vue de financer la construction de nouveaux logements sociaux et de satisfaire l’aspiration légitime des Français à devenir propriétaires. L’amendement prévoyant une surcote ou une décote de 35 % devrait sans aucun doute, M. Hamel, y contribuer efficacement.

Monsieur le ministre, je voudrais conclure par un vœu.

M. Jean-Pierre Brard. Qui n’engage à rien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ne jugez pas avant d’avoir entendu, monsieur Brard !

Si le Gouvernement accepte la mise en place, dans son ensemble, du dispositif de l’accession sociale à la propriété, celui-ci constituera à lui seul une véritable politique tout en répondant à une noble ambition. Il me paraîtrait alors normal que les logements achetés par ce biais ne soient pas retirés de la liste des 20 % de logements sociaux prévue par l’article 55 de la loi SRU. Lorsque le Gouvernement de l’époque a fait voter cet article, la procédure de l’accession sociale à la propriété n’existait pas. Il ne pouvait donc pas la prendre en compte. Aujourd'hui, nous créons un nouveau dispositif : qui pourra dès lors critiquer le fait que la liste des logements sociaux prévue à l’article 55 de la loi SRU comprenne les logements qui en relèvent, si l’accession sociale à la propriété répond, comme je l’ai souhaité, à de justes critères de revenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Pemezec. Bravo !

M. Jean-Louis Dumont. Les masques sont tombés !

M. Jean-Pierre Brard. Presque benoîtement !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il faut savoir ce que nous voulons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre intervention finit mal, monsieur le président Ollier !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Le Bouillonnec, si l’accession sociale à la propriété entre véritablement dans le cadre d’une politique sociale clairement définie avec des seuils de revenus aussi justes que ceux des allocations sociales, alors, qui pourra trouver injuste que les logements relevant de l’ASP figurent dans la liste de l’article 55 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est l’offre de logements qui est insuffisante !

M. François Brottes. Il faut procéder à une addition, pas à une soustraction !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Si au contraire, monsieur Le Bouillonnec, nous nous trompons sur le caractère social de ce dispositif, alors démontrez-le : et je serai le premier à renoncer à cette demande.

Monsieur le ministre, vous avez fixé des objectifs : nous y souscrivons. Vous avez une véritable politique : nous la soutenons. Aujourd'hui, grâce à ce projet, nous donnons au Gouvernement les moyens d’aller plus loin et plus vite dans sa politique du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée de l’intervention.

M. Jean-Louis Dumont. C’est de pire en pire ! On bâillonne le Parlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, est-il plus grande indignité pour une nation que de ne pas savoir offrir un toit à chacun de ses enfants ?

M. Philippe Pemezec. Il fallait faire votre boulot quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Pierre Brard. Qu’en savez-vous si le boulot n’a pas été fait ? Vous n’étiez pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-il plus grande injustice que des milliers de Français soient privés du droit élémentaire au logement ?

Nous avons tous en mémoire les victimes des incendies dans des taudis parisiens cet été. Nous avons tous à l'esprit la terrible errance des sans domicile fixe. Nous connaissons tous un grand nombre de ces 3 millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui vivent dans des logements considérés par l’administration comme dégradés ou vétustés. Il n’est qu’à demander aux maires ! Ce sont là autant d’images choquantes, inacceptables, qui nous renvoient un demi-siècle en arrière, à l’époque où l'abbé Pierre lançait son appel à « l'insurrection de la bonté ». Qu'avons-nous fait de son message ? Qu'avons-nous fait du préambule de la Constitution qui mentionne que la nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ?

Car la crise va désormais bien au-delà de ces situations d'urgence. Une grande majorité de familles est confrontée à la difficulté de trouver un logement à un prix ou à un loyer abordables.

Ces hommes et ces femmes ne sont pas des accidentés de la vie. Ils ont le plus souvent un emploi, un salaire, un statut. Leur malchance est d'avoir des ressources trop modestes pour faire face à l'envolée des loyers ou des statuts trop précaires pour remplir les conditions d'accès que la collectivité impose.

L’inflation immobilière est devenue l’une des principales inégalités de la République. Elle grève le pouvoir d’achat, elle interdit le choix de la résidence et elle paralyse la mobilité sociale.

Nous n'avons pas l’excuse des pénuries de l'après-guerre. Jamais le marché immobilier ne s'est si bien porté. Jamais, depuis vingt-cinq ans, la construction n'a atteint de tels sommets. Et pourtant, rarement les difficultés de logement ont été aussi grandes et rarement les fractures spatiales et urbaines ont été aussi béantes.

C'est le sociologue Éric Maurin qui dénonce la ghettoïsation à l'œuvre, sur notre territoire, du haut en bas de l'échelle sociale. C'est son collègue Jacques Donzelot qui évoque « la barrière invisible » du prix de l’immobilier qui sépare les catégories sociales : le centre des villes pour les plus favorisés, les quartiers périphériques pour les classes moyennes et des banlieues de plus en plus lointaines pour les catégories populaires.

Ghettos chics, ghettos chocs : la rupture du lien social s'inscrit désormais dans toute la géographie de nos villes.

La politique globale de votre gouvernement, qui consiste à défaire les sécurités et les solidarités sociales, a grandement contribué à cet état de fait. Les inégalités devant le logement en sont une des conséquences : c’est l’ensemble de cette politique que nous entendons changer.

Mais ayons l'honnêteté de reconnaître que, sur tous les bancs de cette assemblée, nous n'avons pas pris la complète mesure de la crise du logement. L'État, au travers de précédents recensements, a très mal évalué la progression de la population française. En 1996, il fondait sa politique de construction de logements sur une estimation ménages de 23 millions de ménages. Surprise : le recensement de 1999 en dénombrait 24,5 millions ! Cet écart considérable a conduit à une sous-estimation des besoins de logements de l'ordre de 80 000 unités chaque année.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est la faute aux statistiques.

M. Jean-Marc Ayrault. L'État n'a pas non plus pris en compte les conséquences sur le logement des transformations du modèle familial – divorce, décohabitation, vieillissement de la population et allongement de la durée de la vie – : ces erreurs de prévisions et d’appréciations ont creusé la pénurie de logements sociaux.

Mais nous avons aussi, à droite comme à gauche, trop souvent succombé à la tentation de défaire ce qu'avait fait le gouvernement précédent La politique du logement, comme la politique de la ville, a connu trop d'à-coups et de ruptures depuis trente ans, allant parfois jusqu’à servir de variable d'ajustement budgétaire. Au fil des alternances et des changements ministériels, des dispositifs et des lois se sont accumulés, ou même contredits, là où l'ampleur de la question appelait un effort massif et continu de la collectivité nationale.

Messieurs les ministres, l’action de votre gouvernement a illustré cette démarche en dents de scie. Durant les trois années du gouvernement de M. Raffarin, la crise du logement a été sous-estimée, voire niée.

M. Patrick Ollier, président de la commission. La construction de logements a doublé !

M. Jean-Marc Ayrault. On croyait alors que la stimulation du marché de la construction suffirait à répondre aux besoins. C’était une double erreur : l'évolution inflationniste s’est accrue sans mécanismes correcteurs et l'offre a servi ceux-là seuls qui pouvaient suivre l'inflation des prix, oubliant tous les autres. L'État s'est défaussé de ses missions sur le marché et sur les collectivités locales.

Les premières lois de finances de la législature ont été à cet égard dramatiques. Outre la baisse en volume des crédits alloués au logement, leur affectation a accentué tous les déséquilibres. La priorité – il faut le reconnaître – est allée à des avantages fiscaux exorbitants en faveur de la construction privée – notamment le dispositif de Robien –, ce qui, de l'aveu même du rapporteur au Sénat, a contribué à l'inflation des prix alors que, dans le même temps, les moyens nécessaires pour répondre à la demande sociale étaient amputés.

Comment admettre qu'au moment où l'augmentation des loyers atteint un rythme annuel de 5 %, les aides à la personne aient diminué de 8 %, faute de réactualisation ? Comment accepter que des modifications mesquines du calcul des plafonds et le relèvement du seuil de non-versement aient exclu 200 000 personnes du bénéfice de l’aide personnalisée au logement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faudrait la réhabiliter !

M. Jean-Marc Ayrault. Or, bien qu’il s’agisse d’une question essentielle, rien dans le texte que nous examinons ne permet de remédier à cette injustice.

Les allocations logement ne sont pas une aumône, une charité que l’on octroie pour se donner bonne conscience. Elles sont l’une des clés qui permettent aux familles les plus modestes d’accéder au logement.

Comment également comprendre qu’en pleine pénurie de constructions sociales, le Gouvernement ait pris la responsabilité de diminuer de façon continue le volume des aides à la pierre ? Vous invoquez la bonne santé du bâtiment, porté par une conjoncture exceptionnelle. C’est vrai : en 2005, la barre des 400 000 constructions de logements a été franchie,…

M. Gérard Hamel, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. …et on ne peut que s’en féliciter.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Grâce à qui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Mais vous avez oublié de dire, monsieur le ministre – je vous ai écouté attentivement, y compris ce matin et cet après-midi –, à qui profite cette embellie.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La construction de logements sociaux a doublé !

M. Jean-Marc Ayrault. Il ne faut pas jouer avec les chiffres : sur ces 400 000 constructions nouvelles, et vous ne pouvez pas démontrer le contraire, seules 40 % sont accessibles aux trois quarts des Français !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. François Brottes. Et voilà !

M. Jean-Marc Ayrault. En d’autres termes, l’offre est pléthorique pour ceux qui ont les moyens, les autres, c’est-à-dire les catégories populaires et intermédiaires, doivent se contenter de miettes ! En dépit de vos annonces flamboyantes, la production de logements sociaux locatifs est approximativement au même niveau qu’en 1998 : 42 000 cette année-là, 40 000 en 2002 et 54 000 l’an dernier. Ne dites pas qu’il y en a eu 80 000 puisque vous ne pouvez pas en faire la démonstration. Je répète le chiffre : il s’agit bien de 54 000 mises en chantier. Ne parlez pas non plus des enveloppes, etc., car c’est de la réalité dont il faut parler, pas d’autre chose. Cette stagnation est d’autant plus inquiétante que les listes d’attente pour l’attribution de logements sociaux atteignent le chiffre record d’1,3 million de personnes ! Au rythme actuel, il faudra trente ans pour résorber la demande.

Le secteur locatif privé est incapable d’offrir une alternative. Le niveau des loyers et les garanties exigées par les bailleurs sont devenus des obstacles infranchissables pour de plus en plus de familles. Votre politique de précarisation sociale n’a fait qu’accentuer leur chemin de croix. On ne compte plus les titulaires du contrat nouvelle embauche qui se voient refuser un bail ou un prêt immobilier, sans parler des contrats aidés, monsieur le ministre. Et il en ira de même avec les futurs contrats première embauche,…

M. Rodolphe Thomas. C’est mieux que le chômage !

M. Jean-Marc Ayrault. …trop précaires pour rendre leurs titulaires solvables ! Vous savez bien que c’est la réalité vécue par nos concitoyens. C’est là le cœur de notre débat : vous croyez que la dynamique du marché va d’elle-même corriger ses excès et l’adapter à la demande, y compris sociale, alors que nous sommes convaincus que l’État doit retrouver un rôle de régulateur et de correcteur des inégalités,…

M. Michel Piron. C’est ce qu’il fait !

M. Jean-Marc Ayrault. …pour aider en premier lieu ceux qui ne peuvent pas se loger par eux-mêmes. C’est ça l’exigence sociale d’aujourd’hui, mes chers collègues. Mais vos incitations fiscales sont sans contrepartie sociale, elles ont provoqué la spéculation et la flambée des prix – celle que nous connaissons actuellement – ; le patrimoine immobilier des plus fortunés s’en est accru, sans que les familles modestes soient plus aidées à se loger.

Pour illustrer la dérive du « de Robien », il faut rappeler – là encore, c’est difficile de démontrer le contraire – que son coût pour l’État en termes d’aides fiscales est équivalent au montant budgétaire des subventions versées aux bailleurs sociaux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Inimaginable ! Incroyable !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà la réalité de la politique du Gouvernement ! Monsieur le ministre, vous en convenez vous-même puisque vous proposez un nouveau produit, le « Borloo populaire », censé corriger les effets pervers du « de Robien » ! Je ne sais pas si ce produit vous rendra populaire, monsieur le ministre,…

Mme Annick Lepetit. Non !

M. Jean-Marc Ayrault. …parce que les plafonds de ressources que vous envisagez sont très élevés et que le dispositif sera donc pratiquement accessible à tout le monde, notamment à ceux qui n’en auront pas besoin. Quant au loyer de sortie, vous le prévoyez de 30 % inférieur au prix du marché parisien. Progrès tout à fait relatif puisque les grandes villes de province sont toutes en dessous de ce seuil.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Non, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous nous démontrerez peut-être le contraire tout à l’heure, mais en tout cas l'inflexion de votre projet sur le logement locatif social apparaît des plus ténues. Votre préférence – et c'est une constante de votre gouvernement que je reconnais – demeure l'accession à la propriété. Je crois d'ailleurs que, dans un premier temps, vous aviez appelé votre projet « Propriété pour tous » avant que de l'intituler « Engagement national pour le logement ». Vous avez changé en cours de route.

Je suis convaincu comme vous que la mixité urbaine impose de répondre à l'ambition pleinement légitime de beaucoup de nos compatriotes de devenir propriétaires,…

M. Michel Piron. Eh bien alors ?

M. Jean-Marc Ayrault. …mais à une double condition : que les dispositifs de soutien épaulent ceux qui en ont le plus besoin plutôt que les détenteurs de gros patrimoines, et qu'ils n'assèchent pas, comme c'est le cas actuellement, les aides locatives.

Or là aussi votre démarche apparaît claudicante. D'un côté, vous étendez le prêt à taux zéro à presque tous les ménages, sachant que cette décision va tarir l'accès du prêt aux familles les plus modestes ; de l'autre, vous supprimez tout à la fois la prime et le fond de garantie pour l'accession à la propriété, qui permettaient aux catégories populaires de devenir propriétaires sans tomber dans le surendettement. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je veux bien de l’accession sociale à la propriété, mais il ne faut pas simplement le proclamer, il faut agir en conséquence. Et ce n’est pas ce que vous faites.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais si, c’est ce que nous faisons !

M. Jean-Marc Ayrault. Alors c’est vrai que, dans ce contexte, vous avez eu une trouvaille médiatique : la « maison à 100 000 euros », qui ressemble, à y regarder d’un peu plus près, au palais des mirages. Auparavant, on faisait du vertical pas cher ; maintenant vous voulez faire de l'horizontal pas cher. Bien des constructeurs ont déjà tenté de bâtir ce genre de maisons. Souvenez-vous des « Chalandonnettes » ou des programmes des fameux pavillons Merlin. Mais la qualité médiocre des constructions, et surtout aujourd’hui le coût exorbitant de leur entretien, ont fait capoter tous les programmes de ce type. Si on continue dans votre voie, il faudra faire des grands programmes de rénovation et de réhabilitation urbaines de vos « maisons à 100 000 euros ». Mais, surtout, vous semez une illusion puisque vous pensez réussir à financer cette « maison à 100 000 euros » par la TVA à 5,5 %, le prêt remboursable et la mise à disposition gratuite des terrains, et par qui ? Par les collectivités locales, notamment les communes et les intercommunalités.

M. Michel Piron. Elles ont un rôle à jouer !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez été maire, monsieur Borloo, vous savez donc pertinemment que la plupart des communes sont confrontées à la cherté des terrains et que parfois leur coût est plus élevé que celui de la maison que l’on veut construire. Rares seront les communes qui pourront consentir cet effort parce qu’il y a des communes riches qui ne le feront pas et des communes pauvres qui voudraient le faire mais qui en seront bien incapables, compte tenu en plus de votre politique qui consiste à transférer aux collectivités locales des charges de plus en plus élevées. Ou alors, disons-le, ce sera au détriment du logement social.

La vente d'appartements HLM, que proposent certains amendements de votre majorité, relève de la même contradiction : la diversité des statuts d'occupation est un facteur réel de brassage des populations. Dominique Strauss-Kahn a ainsi proposé un système de prêt-bail qui permettrait à un locataire d'appartement HLM de devenir propriétaire au bout de quinze ans de résidence. C’est une bonne proposition qui peut faire consensus à condition de s’inscrire dans un programme ambitieux de constructions sociales, alors que pour votre majorité, elle est le cache-misère de la pénurie. J'en veux pour preuve l'annonce simpliste qui frise la démagogie : le renforcement du surloyer. Vous faites une nouvelle fois reposer l'engorgement du logement social, non sur l'insuffisance de constructions et sur les prix trop élevés du marché libre, mais sur la trop forte présence de personnes qui n'y seraient plus éligibles. En clair, les logements sociaux seraient pris d'assaut par des profiteurs.

M. Michel Piron. Ce sont vos propos !

M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est caricatural !

M. Jean-Marc Ayrault. La réalité, vous le savez bien, est toute différente. Aujourd’hui, les bailleurs sociaux vous le confirmeront, 3 % des locataires HLM dépassent les plafonds de ressources. Beaucoup sont déjà assujettis au surloyer. Son durcissement n'est qu'un effet d'annonce simpliste, démagogique et stigmatisant qui conduira à recréer des ghettos de pauvres. Et là je vous mets vraiment en garde, monsieur Borloo, parce que mon expérience de maire m’a montré que lorsque le surloyer était appliqué, les ménages dont les revenus étaient à la limite des plafonds partaient vers le logement privé aux loyers comparables. Que s’est-il alors passé ? Il y a une paupérisation de certains quartiers, qui a conduit à des ghettos.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Jean-Louis Dumont. C’est la négation de la mixité sociale !

M. Jean-Marc Ayrault. Et vous voulez accentuer cette réalité ! Vous n’avez pas pris la mesure de ce qui s’est passé en novembre dernier. Non, il ne faut pas accepter ce durcissement des surloyers que certains députés de votre majorité ont proposé et fait voter à la commission. Monsieur le rapporteur, je vous demande de réfléchir sur ce point précis et il faut en parler franchement. C’est un problème très grave et qui risque de mettre en cause la mixité sociale, laquelle est d’ailleurs absente de votre projet.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Et les loyers en ZUS, monsieur Ayrault ? Ce que vous dites est complètement faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous me répondrez tout à l’heure, monsieur le rapporteur. Vous avez entendu comme moi le Chef de l'État tonner justement contre les communes qui ne respectent pas la loi SRU sur les quotas de logements sociaux. Mais nous savons tous que la faiblesse des pénalités et leur application pour le moins tolérante portent en germe la non-application de cette loi. Rien dans votre projet ne prévoit d’ailleurs de la renforcer. Pis, un collectif de députés de l’UMP, dont certains sont maires, a appelé à son démantèlement ! L'amendement adopté en commission des finances l'atteste : il prévoit que la prise en compte des 20 % de logements sociaux ne se fera plus au niveau de la commune, mais de l'intercommunalité. C'est inacceptable ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais il a été repoussé, monsieur Ayrault !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. François Brottes. S’il a fait l’objet d’un vote, c’est qu’il a été proposé !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment peut-on exiger un comportement civique exemplaire de nos concitoyens quand ceux qui sont chargés d'appliquer la loi, c’est-à-dire les élus, la triturent en fonction de leurs intérêts électoraux locaux ? C’est inacceptable et c’est profondément choquant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je répète qu’il a été repoussé !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, j’ai l’expérience d’amendements, ou plutôt de sous-amendements, qui ressurgissent, déposés par des députés de votre majorité, et que vous votez. Vous avez tous en mémoire le sous-amendement Vanneste sur la colonisation. (Exclamations sur divers bancs.) Pour ma part, je préfère appliquer le principe de précaution.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et vous ne l’avez pas voté, le sous-amendement Vanneste ?

M. Jean-Marc Ayrault. Faire tomber les murs invisibles qui cloisonnent notre société, c'est réinventer un vouloir-vivre ensemble, c'est redonner un sens à nos principes républicains. Les amendements du groupe socialiste s'inscrivent dans cette volonté.

Mais je veux aussi être objectif et reconnaître les mesures intéressantes de votre texte.

M. Michel Piron. Ah !

M. Jean-Marc Ayrault. Les mesures relatives à l'outil foncier me paraissent aller dans la bonne direction. C'est notamment le cas de la décote des terrains cédés par l'État en vue de réaliser du logement social. Le coût du foncier entrave trop souvent les bailleurs sociaux. Nous voulons aller plus loin en permettant à l’État de leur céder gracieusement les terrains, comme le font déjà certaines communes. J'y reviendrai. L'autre proposition que je soutiens est la récupération d'une partie de la plus-value réalisée par la vente d'un terrain classé en zone constructible.

M. Michel Piron. Vous voilà raisonnable, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. La taxe forfaitaire que vous avez fixée est insuffisante, mais c'est un pas de plus vers la maîtrise foncière. Il peut y avoir sur ce chapitre, comme sur beaucoup d'autres, l'amorce, je l’espère, d'une confrontation constructive, dans tous les sens du terme. Mon regret est que vos intentions, souvent pertinentes, restent prisonnières des dogmes de votre majorité, des conservatismes de votre électorat, des pressions de vos lobbies. La crise urbaine qui s'est exprimée cet automne et dans laquelle la problématique du logement n’est évidemment pas absente appelle autre chose que l’accompagnement des inégalités du marché par votre texte. Elle impose de repenser en profondeur toute l'architecture de l'intervention publique. Elle nécessite de définir un nouveau partenariat entre l'État, les collectivités, les bailleurs et les citoyens.

C’est ce que nous voulons proposer. Nous ne nous contentons pas de critiquer : voici les clés des socialistes pour le logement, qui font défaut aujourd'hui.

Ce sont ces CLES que je veux proposer au pays : les « contrats logements équitables et solidaires ». Dans cette formulation coexistent les trois dimensions de notre projet : le contrat, l'équité, la solidarité.

Le contrat tout d'abord, car la dérégulation du marché immobilier requiert un nouvel équilibre des droits et des devoirs entre l'État, le secteur social et le secteur privé. Tout avantage consenti par la puissance publique en termes de fiscalité, d'aides à la pierre doit trouver sa contrepartie en termes de modération des loyers et de mixité du logement. C'est dans cet esprit que nous remplacerons le prêt « de Robien » par un nouveau dispositif reprenant ce principe : à un avantage fiscal, une contrepartie sociale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà ! C’est très simple !

M. Jean-Marc Ayrault. Une telle approche commence par une remise en ordre du marché immobilier en s'appuyant sur les trois grands secteurs qui existent déjà dans notre système de santé : un secteur social, dont l'État et les collectivités assurent le financement ; un système conventionnel, où les aides publiques sont liées à des engagements du bailleur ; un secteur libre, où la loi de l'offre et de la demande joue sans intervention publique directe autre que le respect des codes de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ainsi, bien sûr, que des plans locaux d'urbanisme.

L'équité ensuite : notre volonté de clarifier les droits et les devoirs de chacun en est le fondement. Nous avons une obligation de résultats dans la mise en œuvre d'une véritable stratégie de lutte contre les exclusions et d'accès de tous à un logement décent et abordable. L'égalité des chances doit devenir, dans tous les sens du terme, un lieu commun de la République.

La solidarité enfin, qui s'inscrit dans la continuité de la loi SRU : construire une société qui reconnaît et fédère ses diversités ; diversité des habitants sur tous les territoires, diversité des acteurs, publics et privés, diversité des statuts d'occupation entre location et propriété, diversité de types d'habitat et des formes architecturales. À cet égard, il faut parler clairement à nos concitoyens : le cloisonnement urbain, l'entre-soi, les stratégies d'évitement, sont les ferments de la destruction du sentiment national. Si l'on veut que la France reste une nation une et indivisible, si l’on veut que ses citoyens aient une conscience collective commune, alors il faut accepter que des règles favorisent le brassage de nos diversités.

M. Jean-Louis Bianco. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. Sans cette exigence, nous serons condamnés à la ghettoïsation et aux conflits communautaristes qu'elle génère.

M. Rodolphe Thomas. Mais non !

M. Jean-Marc Ayrault. Derrière ces principes et ces mots se dessine une politique nationale du logement qui sera l'un des cinq grands programmes d'un gouvernement de gauche. Ce que je propose aujourd'hui, au nom des députés socialistes, vaut engagement pour l'avenir.

M. Philippe Pemezec. Mais qui a construit les ghettos qui explosent aujourd’hui ? C’est vous !

M. Jean-Marc Ayrault. J’ai parlé de clés. La première d’entre elles est que le coût du loyer soit limité à 25 % du revenu des ménages. Il s’agit de rendre le marché locatif abordable pour toutes les familles. Le logement représente pour trop d'entre elles une charge excessive dépassant parfois le tiers de leurs ressources.

Voilà pourquoi nous proposons que le coût du loyer dans le secteur social et dans le secteur conventionnel soit limité à 25 % du revenu de chaque ménage. C'est une mesure d'équité qui bénéficiera en priorité aux familles à revenus modestes ou moyens.

J'entends déjà les critiques : « vous bloquez les loyers, vous spoliez les propriétaires, vous tuez la poule aux œufs d'or ! » Non, mes chers collègues ! Nous ne proposons pas une mesure administrative, mais un contrat négocié entre l'État, les bailleurs et les locataires. Le principal effort, il est vrai, viendra de la puissance publique, avec une revalorisation de 10 % des aides personnelles au logement et leur indexation sur le barème de révision des loyers. Trop de retards dans leur actualisation, trop de dispositions ont raboté depuis quatre ans cet instrument cardinal d'accès au logement et de maintien dans celui-ci : le couperet de 24 euros que vous avez instauré, le mois de carence, le mécanisme de l'évaluation forfaitaire. Tout cela, nous voulons le supprimer. Les allocations logement doivent redevenir un dispositif simple, efficace et équitable.

Deuxième clé : la sécurisation des bailleurs et des locataires. C'est la condition pour établir une véritable sécurité dans les rapports entre locataires et propriétaires. Nous connaissons tous les contours du problème : des locataires qui ont le sentiment d'être pressurés sans jamais pouvoir négocier les conditions d'accès et de maintien dans les lieux ; des bailleurs qui redoutent l'impayé ou la dégradation de leur bien sans pouvoir le récupérer facilement.

S'il n'existe pas de formule miracle, l'État peut et doit s'engager dans une négociation avec les associations de locataires et les représentants des bailleurs pour établir un système de sécurisation qui garantisse les deux parties contre les risques locatifs.

M. Jean-Louis Bianco. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Un fonds sera ainsi créé, qui permettra d'indemniser les propriétaires confrontés à des situations d'impayés tout en assurant le maintien du locataire dans les lieux dès lors qu'il est de bonne foi. Nous sortirons ainsi des dérives – vous le savez tous – de la caution solidaire qui, de fait, n'aura plus de raison d'être. Nous sommes là au cœur de la philosophie du contrat logement équitable et solidaire que nous proposons. Telle est la deuxième clé de notre programme.

La troisième est un programme annuel de construction de 120 000 logements sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. C’est vous qui proposez cela ? C’est ahurissant !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est moi, en effet. Je vous sais gré de le reconnaître ! Une stratégie de modération et de sécurisation du secteur locatif restera en effet partiellement inefficace si, dans le même temps, le niveau de l'offre de logements abordables reste insuffisant.

J'ai souligné il y a quelques instants qu'au rythme actuel de constructions sociales, le déficit ne serait pas résorbé avant trente ans.

M. Jean-Charles Taugourdeau. La faute à qui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Nous nous engageons à diviser ce délai par trois en établissant un programme de 120 000 logements sociaux pendant dix ans. (Monsieur le ministre de l’emploi s’exclame.) Oui, dix ans d’efforts !

Vous me rétorquerez, monsieur le ministre de l’emploi, que c'est l'esprit de votre loi de cohésion sociale. À cinq différences – de taille – près.

Premièrement, nous proposons de programmer effectivement les crédits que vous n'avez jamais pu obtenir – même si vous triturez un peu les chiffres – pour atteindre cet objectif ambitieux.

Deuxième différence : nous donnerons la priorité aux prêts locatifs à usage social et aux prêts locatifs d'aide à l'insertion qui bénéficient aux plus modestes…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault.… plutôt qu'au logement intermédiaire ouvert à tous, comme vous l'avez fait et continuez à vouloir le faire.

Troisièmement, nous souhaitons conditionner l’accroissement des subventions à une baisse de 10 % des loyers de sortie dans les nouvelles opérations. L’effort de la collectivité, qui engage l’argent des contribuables, ne peut en effet être envisagé sans contrepartie.

Quatrièmement, nous relancerons le programme PALULOS, qui est aujourd’hui le parent pauvre – à part les opérations ANRU, monsieur le ministre.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Ce n’est déjà pas mal !

M. Jean-Marc Ayrault. Pas mal ? Hormis les opérations ANRU, monsieur Hamel, il n’y a plus de financement PALULOS pour réhabiliter les logements ! Nous proposons d’augmenter les subventions de 40 % en échange du maintien du niveau de loyer dans les logements réhabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous imposerons aussi que les programmes de démolition et reconstruction respectent la règle du « un pour un » : un logement détruit pour un logement reconstruit. Trop souvent, les plans de rénovation urbaine sont en effet détournés et utilisées par certaines municipalités pour trier les familles : on garde celles qui ont des ressources ; on écarte les plus déshéritées.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Allons, tout cela n’est pas sérieux !

M. Jean-Marc Ayrault. Quatrième clé : 40 % de logements sociaux et intermédiaires dans les programmes immobiliers. La sélection est en effet aussi inacceptable que le non-respect de la loi SRU.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur Ayrault, il faut revoir vos chiffres : ils sont tous faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Aucune commune ne doit plus pouvoir déroger aux obligations de mixité sociale. Les sanctions financières seront relevées, le seuil de non versement sera abaissé et l'obligation sera étendue à de nouvelles communes.

J'entends souvent dire, messieurs les ministres : « la mixité ne se décrète pas ». Certes, mais la ghettoïsation, elle, ne s'arrête pas. Si nous continuons de construire des logements sociaux dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, nous ne ferons qu'entériner la ségrégation urbaine. Est-ce la République que nous voulons ? Bien sûr, l'obligation et la sanction ne suffiront jamais. Il faut aussi associer, aider nos compatriotes et, en premier lieu, les professionnels de l'immobilier, à assumer la diversité sociale.

C'est tout le sens de la proposition novatrice de cohabitation résidentielle que nous défendons aujourd'hui. Il s'agit de conditionner la délivrance de permis de construire à la présence de 20 % logements sociaux et de 20 % de logements intermédiaires dans tout programme d'aménagement public de plus de vingt logements. Les promoteurs bénéficieraient en retour de l'accès aux prêts PLS et PLUS ainsi qu'aux subventions pour surcharge foncière. Une telle mesure aurait un triple effet : porter l'offre locative intermédiaire à 110 000 unités, équilibrer les projets de promotion immobilière et retrouver une diversité sociale dans tous les quartiers d'une ville.

Bien évidemment, la mise en œuvre de ce dispositif se fera en négociation avec les professionnels.

Cinquième clé : un nouveau contrat pour le logement locatif privé. Là encore, il ne s'agit pas d'imposer, mais de promouvoir un régime conventionnel stable et durable. Son principe est que toute aide publique sera conditionnée à l’engagement du bailleur de loger un ménage sous plafond de ressources et d’appliquer une modération du lover pour une durée minimum de neuf ans. En retour, les opérations de réhabilitation de l’ANAH – Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat – seront doublées, avec comme priorité le soutien des propriétaires impécunieux.

Une telle approche favorisera la production de logements privés à loyers maîtrisés, mais aussi la remise sur le marché de logements vacants – plaie que nous connaissons dans toutes les grandes agglomérations, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre de l’emploi.

Reste bien sûr la question foncière, que j’ai déjà indirectement évoquée. En tant que maire d'une grande ville, je sais combien la pénurie et le coût des terrains ont aggravé la pression inflationniste, au risque de casser le marché. En ce domaine, le « tout libéral » a révélé ses dangers.

C’est la sixième clé que nous proposons : une clause de non spéculation pour le foncier. Cette clé repose sur un partenariat entre l'État, les collectivités locales et les bailleurs sociaux.

J'ai souligné combien la cession gratuite de terrains publics offrirait un ballon d'oxygène à la construction sociale. La création d'offices fonciers dans les agglomérations et les régions doit être fortement encouragée pour favoriser la constitution de réserves foncières sur le long terme.

Mais la redistribution du patrimoine public reste un pis-aller. Elle ne répond pas à l'une des causes principales de la crise : la spéculation immobilière. Là est le grand trou noir de votre projet, monsieur le ministre de l’emploi. Vous n'avez prévu aucun mécanisme qui permette en amont de réguler la formation des prix. Vous considérez que le marché va corriger de lui-même ses excès. Ce redoutable pari nous expose aux violentes oscillations qui caractérisent le marché de l'immobilier depuis quinze ans : soit une poursuite de la hausse, soit une brutale dépression comme celle que nous avons connue en 1993.

Je suis là encore convaincu que nos clés permettent d'introduire de véritables sécurités. C'est le sens de la clause de non spéculation que nous proposons d'introduire dans les contrats de vente de terrains par les communes à des opérateurs publics ou privés. D'une durée de trois à sept ans, cette clause fixerait un prix limite de revente des logements réalisés. À charge pour le propriétaire de reverser une part de la plus-value à la commune en cas de revente prématurée. Ce mécanisme de modération, visant à empêcher les effets d’aubaine, n'est pas seulement un souhait de beaucoup de professionnels qui mesurent les dangers du dérapage des prix pour leur activité, c’est un droit de regard légitime de la collectivité sur l'utilisation de son patrimoine et de ses deniers.

M. Philippe Pemezec. C’est l’URSS !

M. Jean-Marc Ayrault. Septième clé : un programme de résorption des taudis. Comment oublier le scandale de l'insalubrité ? Laurent Fabius a écrit des pages saisissantes sur « la vie avec les rats » dans laquelle sont plongées des milliers de familles dans notre pays. Y répondre par la seule procédure d'expulsion, comme l'a fait cet été le ministre de l'intérieur à Paris, est proprement indigne d'une démocratie. Entre le taudis et la rue, il doit y avoir le droit au logement.

En amont tout d'abord. Notre société ne peut plus admettre que des marchands de sommeil s'enrichissent grassement en entassant des déshérités dans des bouges infâmes. Il est indispensable d'appliquer et, le cas échéant, de renforcer les dispositions de la loi SRU sur le logement décent, en engageant par exemple davantage la responsabilité des bailleurs qui ne la respectent pas.

En retour, la collectivité a trois obligations majeures. La première est la mise en place d'un programme de logements d'urgence qui permette d'accueillir les familles en détresse. La deuxième est de doubler les actions de réhabilitation, selon le dispositif que j'ai évoqué pour l’ANAH. La troisième est d'augmenter les places dans le parc social pour les familles qui disposent de revenus.

En tant que maire, en tant que socialiste et élu de la nation, je n'accepterai plus la moindre tolérance devant ce retour insidieux de bidonvilles qui ne disent pas leur nom.

Je ne veux pas faire croire que ces mesures vont miraculeusement stopper la crise, faire éclore des immeubles et des maisons, ou réguler un marché devenu fou : tout cela demande du temps et des investissements considérables.

Le projet que je viens de vous présenter suppose il est vrai un effort considérable : une augmentation budgétaire annuelle de 1,7 milliard d’euros. La nation veut-elle consentir cet effort ? Est-elle prête à lui sacrifier d'autres demandes parfois légitimes mais moins urgentes et moins prioritaires ? C'est en ces termes de vérité que je m'adresse à nos compatriotes. La grandeur du politique est de tracer des voies ; sa servitude est d'accomplir des choix.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pourquoi tout cela n’a-t-il pas été réalisé alors que vous étiez aux affaires ?

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons évidemment prévu les financements. La refonte des avantages fiscaux, la hausse des droits de mutation, la réaffectation du prélèvement de l'État sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! La majorité a littéralement siphonné les fonds d’épargne !

M. Jean-Marc Ayrault. Responsabilité, équité, solidarité. Telles sont, mes chers collègues, les clés d'une politique du logement qui réponde aux enjeux de son temps. Limiter le loyer à 25 % des revenus des familles ; construire 120 000 logements sociaux par an ; sécuriser les propriétaires et les locataires ; fonder un partenariat entre l'État, les collectivités locales et les bailleurs sociaux sur la mixité résidentielle et le foncier ; résorber le logement indigne.

Ces clés sont novatrices et audacieuses parce qu'elles responsabilisent chacun des acteurs autour de droits et de devoirs clairement définis et qu'elles concilient la capacité productive du marché avec le rôle régulateur de la puissance publique.

Mais au-delà de ces principes, elles portent une vision de la France. La vision d'une nation qui transcende ses barrières de classes, de castes, de quartiers, et intègre ses différences dans une communauté de destin. Oui, le logement est une politique décisive, qui décide de l'exclusion ou de l'appartenance, de la ségrégation ou de la solidarité. Dans le mot urbain, il y a l'urbanité, cette ouverture que l'on doit aux autres.

C'est pourquoi, par delà ce débat que j’espère constructif, je veux m'adresser aux Français. Le contrat que les députés socialistes proposent est un contrat de pierre. Il engage notre parole et nos actes. Mais nous ne réussirons pas sans les Français. Ni le lien social, ni la diversité urbaine ne s'imposent par une loi, fût-elle la plus équitable : ils se forgent dans la volonté continue de chaque citoyen d'abattre les murs, de côtoyer des vies différentes, d'accepter des approches différenciées. Oui, des hommes et des femmes ont plus besoin de soutien que d'autres ; oui, des quartiers, des communes, des villes requièrent un effort particulier de la collectivité nationale, parce qu'ils ont plus de handicaps et de difficultés à vivre.

Il y a cinquante-deux ans, Pierre Mendès France avait tracé ce cercle de l’exigence : « Trop de familles vivent encore dans des logements honteux. Des logements honteux non pas du fait des familles qui les occupent, mais honteux parce que la nation les tolère et ne fait rien pour qu’il en soit autrement ! »

C’est ce refus de la résignation que j’essaie, à travers les propositions que je viens de présenter au nom des députés socialistes, de transmettre à notre nation. Pour aujourd’hui et pour demain car, je l’ai dit, notre parole engage nos actes pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un député du groupe socialiste. Ça, c’est un projet !

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. À plusieurs reprises depuis l’ouverture de la présente session, notamment pour la discussion d’aujourd’hui, la conférence des présidents a décidé de fixer la durée de présentation des procédures en retenant des temps de parole inférieurs à une heure trente. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le président.

Cette décision s’appuie sur une interprétation assez discutable, pensons-nous, des termes de l’article 91 alinéa 4 du règlement de notre assemblée, lequel dispose que, dans la discussion de chacune des procédures, « peuvent seuls intervenir l’un des signataires pour une durée qui ne peut excéder une heure trente sauf décision contraire de la conférence des présidents… ». Si l’on s’en tient à une interprétation stricte de cette rédaction, la conférence des présidents n’est fondée qu’à autoriser le dépassement de cette durée mais nullement à la restreindre.

En outre, les articles 49 et 132 du règlement ne donnent pas compétence à la conférence des présidents pour décider de fixer une durée de présentation des procédures inférieure à la limite fixée par l’article 91. La notion d’organisation des débats – à moins de revenir sur la résolution du 23 octobre 1969 – ne s’entend que de la seule discussion générale et, depuis la réforme de 1994, à la fixation de la durée maximale de présentation des rapports.

L’organisation des débats ne s’étend donc pas, monsieur le président, aux motions de procédure. En conséquence, et faute d’une modification du règlement, nous pouvons estimer que les décisions prises récemment en conférence des présidents, relativement à la durée de présentation des procédures, n’ont pas de fondement réglementaire. Aussi souhaiterions-nous être éclairés sur les motivations et la validité de ces décisions.

M. Jean-Louis Dumont. On empêche le Parlement de travailler !

M. Jean-Pierre Brard. Vous imaginez bien, en effet, que sur une question aussi importante que celle dont nous débattons, nous nous sentons bâillonnés, d’une certaine manière. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les propositions, que notre collègue Jean-Marc Ayrault a commencé de présenter, méritent de l’être de façon exhaustive. Trente minutes, c’est une misère ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elles ne permettent pas d’apporter une contribution convenable au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Brard, telle est votre interprétation…

M. Jean-Louis Dumont. Nous la partageons !

M. le président. …mais cela n’a pas été celle de la conférence des présidents, laquelle, à l’unanimité moins une voix, a décidé de fixer cette durée à trente minutes.

M. Jean-Louis Dumont. De quel droit ?

M. le président. Comme vous l’avez observé, le règlement prévoit que la durée ne peut excéder une heure et demie « sauf décision contraire de la conférence des présidents ». Or, il y a bien eu une « décision contraire ». Et il avait été précisé, à la demande du président Ayrault, que s’il désirait aller jusqu’à quarante minutes, il pourrait le faire. Vous remarquerez, du reste, que je ne l’ai pas arrêté, mais qu’il l’a fait de son propre chef. Nous en étions convenu et je lui avais donné ma parole.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en revenons à l’exception d’irrecevabilité.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec au nom du groupe socialiste, pour cinq minutes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, mes chers collègues, vous l’avez bien compris grâce à l’intervention de M. Jean-Marc Ayrault, nous sommes bien décidés à faire de ce débat sur l’engagement national pour le logement, le débat sur l’exigence pour notre pays de prendre véritablement en charge le problème du logement. Le fait que ce soit le président de notre groupe qui ait défendu lui-même la première motion de procédure montre bien l’importance que nous lui accordons.

Nous souhaitons que ce débat soit dense et qu’il respecte les droits de l’opposition. Mais nous voulons aussi qu’il fasse apparaître la vérité des chiffres. Aussi, monsieur le ministre, nous vous querellerons à chaque fois que vous la travestirez. Vous avez commencé à le faire dès hier, en entretenant la confusion entre financement et mise en chantier, entre le PLS et le PLUS, afin de dissimuler qu’au besoin de vrai logement social – 70 % de la population en demande –, vous n’apportez qu’une réponse de l’ordre de 50 000 logements, alors qu’elle devrait être de 100 000 par an ! Cela signifie que vous augmentez le stock de non-réponses…

M. Gilbert Meyer. Et à gauche, qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et qu’à la fin de la législature, il y aura beaucoup plus de demandeurs de logements sociaux qu’il n’y en avait lorsque vous êtes arrivés au gouvernement. (« Mensonge ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et si c’est bien le cas, alors, vous n’aurez pas résolu la crise du logement que connaît notre pays.

M. Gilbert Meyer. Et vous ? Vous n’avez construit que 35 000 logements !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La motion présentée par Jean-Marc Ayrault a montré, d’abord, que vos solutions sont insuffisantes parce qu’elles sont idéologiques.

M. Philippe Pemezec. C’est vous les idéologues, pas nous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Outre que vous prévoyez de nouveaux avantages fiscaux, vous développez le PLS, alors qu’il ne permet pas d’offrir des logements aux plus défavorisés. En concentrant l’ensemble de l’engagement financier de construction et de réhabilitation sur certains quartiers, vous laissez de côté tous les autres ! C’est un manquement aux obligations de l’État.

M. Philippe Pemezec. C’est vous qui êtes responsables de l’état de ces quartiers : vous en méprisez les habitants !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, mes chers collègues, vous refusez d’aborder la question de la solidarité territoriale, qui exigerait que l’on construise du logement pour tous les Français sur tous les territoires ! Il est inacceptable qu’aujourd’hui encore, des maires refusent de construire du logement social ! De même, il est inacceptable – on essaie de le dissimuler – que des membres de la majorité aient tenté, aujourd’hui encore, par un amendement, de remettre en cause l’article 55 de la loi SRU, pour y introduire une comptabilisation qui ne correspond pas à une augmentation de l’offre de logements, ou pour modifier le territoire sur lequel il s’applique, en l’étendant à l’agglomération ou à la communauté d’agglomération.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cet amendement a été repoussé en commission !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certes, monsieur le président de la commission, mais pour être rejeté, il fallait bien qu’il ait été présenté ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et j’attire l’attention sur le fait qu’il avait été accepté en commission des finances.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mensonge ! Je veux que ce soit noté !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, et la chose est très importante à mes yeux, le texte qui a été présenté au Sénat comportait onze articles. Celui qui nous arrive en compte quarante-sept ! C’est dire que les sénateurs ont fait œuvre législative. Nous souhaitons travailler dans le même sens, mais nous serons intransigeants chaque fois, comme ce fut le cas en commission des finances, que s’exprimera la volonté – et que le Gouvernement laissera faire – de porter atteinte aux objectifs du logement social.

M. Richard Mallié. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous la combattrons et nous aurons le temps de le faire dans cet hémicycle.

La motion d’irrecevabilité, remarquablement défendue par Jean-Marc Ayrault, signifie tout simplement que nous nous opposons à ce que nous considérons comme une démarche au rabais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je veux d’abord vous remercier, monsieur le président, pour la réponse que vous m’avez faite, même si elle ne me satisfait pas. Néanmoins, j’ai bien compris que je pourrais avoir jusqu’à quarante minutes pour défendre la question préalable, conformément à ce qui a été accordé à M. Ayrault.

Oui, messieurs les ministres, à l’évidence, votre texte est irrecevable au regard de la Constitution…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Comme il est drôle, ce garçon ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous, vous ne l’êtes pas du tout, car vous soutenez une politique qui aggrave la misère dans notre pays !

M. Philippe Pemezec. La misère, c’est votre fonds de commerce !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne pensez qu’à remplir les coffres-forts en plumant les plus modestes de nos compatriotes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Pemezec. Mais vous, qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Pierre Brard. « C’est vous les idéologues », a dit l’un d’entre vous à Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais pour être idéologues, il faut au moins avoir des idées ! Vous, vous n’en avez pas !

M. Philippe Pemezec. Ce ne sont pas les mêmes que vous !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne faites que défendre les privilégiés, dont vous êtes les porte-parole dans cet hémicycle. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président, si l’on ne m’interrompait pas, je pourrais en revenir à mon explication de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Pemezec. Provocation !

M. Jean-Pierre Brard. Le texte, disais-je, n’est pas conforme à la Constitution dans la mesure où il ne vise pas à rendre effectif le droit – constitutionnel – au logement. Dès lors, il n’est pas légitime de discuter de ce projet, puisque vous ne reconnaissez pas le droit à disposer d’un toit comme un véritable droit, un droit et non pas une faculté comme le fait votre politique, une faculté qui dépend des moyens que l’on a.

Je citerai l’exemple de ma bonne ville de Montreuil : alors qu’il y avait 5 600 demandes de logement, en 2005, sur le contingent municipal, il y a eu 263 attributions.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Depuis combien de temps êtes-vous maire de Montreuil ?

M. Jean-Pierre Brard. Quant à l’impertinent qui me demande depuis combien de temps je suis maire…

M. Richard Mallié. Trop longtemps !

M. Jean-Pierre Brard. …je lui répondrai : depuis un temps certain, puisque cela fait vingt-deux ans !

Mes chers collègues, n’affichez donc pas votre ignorance avec un exhibitionnisme déplacé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Montreuil compte plus de 37 % de logements sociaux.

M. Gilbert Meyer. Et nous, 38 % !

M. Jean-Pierre Brard. Voulez-vous que j’égrène la liste des maires délinquants qui n’appliquent pas la loi SRU et qui font des ghettos de privilégiés et de bourgeois, et ne reconnaissent pas le droit au logement aux personnes les plus modestes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Faites attention à ce que vous dites : vous exposez imprudemment vos collègues qui sont censés faire la loi et qui, pourtant, ne la respectent pas !

Mais j’en reviens à mon propos.

Des propositions fort intéressantes ont été formulées par Jean-Marc Ayrault ; elles méritent discussion. Bien évidemment, elles n’ont rien à voir avec votre texte mais elles ouvrent des perspectives. Rien que pour cette raison, on ne peut pas débattre, maintenant, de votre texte, messieurs les ministres.

Je ne m’étendrai pas sur le détail des mesures que contient ce projet puisque, si le rapport de forces se confirme, c’est-à-dire si nos collègues de l’UMP ne branchent pas leur « sonotone » et qu’ils restent sourds aux voix profondes de notre peuple, un simple vote donnera tort à notre collègue socialiste.

M. Richard Mallié. Logorrhée !

M. Jean-Pierre Brard. Il est à craindre que vous ne visiez même la dilapidation du patrimoine social existant.

Et qui prend l’initiative de telles mesures ? Ce n’est pas n’importe qui ! C’est M. Sarkozy – qui a, paraît-il, de hautes aspirations – dans le département des Hauts-de-Seine, lequel connaît lui aussi une très grande pénurie de logements sociaux.

M. Philippe Pemezec. Ce n’est pas vrai ! Il en a plus de 25 % !

M. Jean-Pierre Brard. À Neuilly, par exemple : moins de 3 % ! Parlez donc de ce que vous connaissez !

M. Philippe Pemezec. Ce n’est pas à l’échelle d’une ville qu’il faut compter, mais de l’ensemble du département !

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends bien que, dans l’espoir d’obtenir un maroquin dans un futur gouvernement, vous veniez à la rescousse d’un président virtuel qui, je l’espère pour notre pays, ne le sera jamais. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Pemezec. Je ne fais que défendre l’intérêt de tous !

M. Jean-Pierre Brard. Parlez donc des chiffres véritables.

M. Philippe Pemezec. Je les connais mieux que vous !

M. Jean-Pierre Brard. M. Sarkozy a mis en vente 2 500 logements, comme si c’était d’actualité, alors que de pauvres gens du département attendent, depuis des années, l’attribution d’un logement social.

Pis, vous êtes en train d’éliminer ce qui reste de mixité sociale, ce qui est très grave.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le président.

M. Jean-Pierre Brard. J’ai été interrompu plusieurs fois, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’espère que vous décompterez ces interruptions.

Je vais cependant conclure, pour vous être agréable…

M. le président. Je vous en remercie !

M. Jean-Pierre Brard. …alors que j’aurais bien d’autres choses à dire encore.

En réalité, vous êtes en train de liquider ce qu’il reste de mixité sociale, en ôtant de nos écoles les familles qui connaissent moins de difficultés, représentent les parents d’élèves et font du soutien scolaire.

Le Premier ministre parle de « modèle social français ». Il y a certes une grande différence entre le Premier ministre et M. le « ministre de tout », lequel a dit, le 4 octobre 2004, devant des dizaines de journalistes – et malgré le démenti qu’il a affiché ici – qu’il se sentait étranger dans son propre pays. À juste titre, d’ailleurs, puisqu’il ne croit qu’au modèle communautariste anglo-saxon !

M. le président. Veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Puisque le Premier ministre croit au modèle social français, que faites-vous pour lutter contre le communautarisme qui aboutit à la formation de ghettos ? Rien ! En outre, votre idéologie libérale laisse toute liberté d’action au marché qui fabrique des ghettos. ((Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. Je vous ai bien entendu, monsieur Ayrault, et vous avez raison de poser la question : « Qu’avons-nous fait ? » Oui, qu’avez-vous fait ?

M. Augustin Bonrepaux. Et vous ? Il y a quatre ans que vous êtes en place ! Dites-nous ce que vous avez fait !

M. Michel Piron. Votre mise en cause systématique et a priori de nos chiffres ne me paraît pas convenable. Je me contenterai de dire que nous avons construit cette année deux fois plus de logements sociaux que ce que vous avez réalisé chaque année en quatre ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Pour qui construisez-vous ? Quel est le montant des loyers ?

M. Michel Piron. Aussi, ce qui relève du procès d’intention dans votre propos ne me paraît pas convenable.

Monsieur Brard, j’apprécie en général vos citations littéraires. Mais, dans l’argumentation que je viens d’entendre, elles me semblent plus fondées sur le plan littéraire que technique ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour ces raisons, l’UMP ne saurait voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe UDF.

M. Rodolphe Thomas. L’opposition a décidément la mémoire sélective !

Le ministre l’a rappelé, après trois années de travail, nous sommes enfin entrés dans une phase de rénovation urbaine et nous devons nous y attacher. Nous avons entamé la mise en œuvre du projet de loi de cohésion sociale et nous débattons ce soir d’une politique du logement volontariste. Au lieu de demander une remise à plat du projet, vous feriez mieux, comme nous, de prendre à bras-le-corps les tensions que rencontre le logement.

Monsieur Brard, si votre ville comporte 37 % de logements sociaux, la mienne en compte 47 % et nous faisons de la véritable mixité sociale, parce que nous avons élaboré un projet de rénovation urbaine accompagné d’une mixité urbaine et sociale. C’est possible à condition de s’en donner les moyens et de travailler avec l’ensemble des maires d’une agglomération. La mixité sociale communale doit en effet être assortie d’une volonté intercommunale. C’est ainsi que nous pourrons gagner la bataille. Nous devons cesser de ghettoïser et de pointer du doigt une seule et même commune. Qu’ils soient de gauche ou de droite, certains maires sont effectivement réticents. Dans mon agglomération, il y a des communes de gauche qui ne veulent pas de logement social.

M. Richard Mallié. J’en ai huit dans ma circonscription !

M. Rodolphe Thomas. Ces maires préfèrent les petites maisons. Bien entendu, nous parlerons des maisons à 100 000 euros, mais nous devons travailler sur une logique d’habitat collectif, laquelle, malheureusement, stigmatise le logement social.

Ce projet de loi permet de rechercher un consensus parmi les élus qui veulent se donner les moyens de mettre en place une véritable politique de mixité sociale à l’échelle du territoire. Par conséquent, le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je souhaite avant tout répondre à M. Ayrault.

Sincèrement, monsieur le président Ayrault, au début de votre intervention, je me suis dit que les propositions du parti socialiste seraient crédibles et que vous alliez avouer que le gouvernement de Lionel Jospin avait construit deux fois moins de logements sociaux.

M. Augustin Bonrepaux. C’est faux ! Vous mentez ! Votre nez remue !

M. Michel Piron. Non, c’est exact !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. J’ai cru un instant que vous essaieriez de comprendre ce qui s’était passé, car je suis convaincu qu’il n’y avait pas alors de votre part la volonté de ne pas faire. Sans vous faire un procès d’intention, comment un gouvernement socialiste a-t-il pu passer de 90 000 logements sous M. Périssol à 42 000 en 2001 ? C’est une vraie question et la réponse tient peut-être à la décentralisation et à la non-prise en compte d’un certain nombre d’éléments.

Mais j’ai découvert qu’il y avait un seul coupable : les statistiques de 1996, selon lesquelles il n’était nul besoin de construire des logements et notamment des logements sociaux.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’ai pas dit cela, monsieur Borloo ! J’ai parlé de sous-estimation !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. M. Le Bouillonnec nous a dit qu’il serait intransigeant sur les chiffres. Je vais donc en citer plusieurs, très précisément. Votre grande théorie, à vous, socialistes, est qu’il y a deux types de logements sociaux : les bons, c’est-à-dire les PLUS et les PLAI et les mauvais, à savoir les PLS. Pour notre part, nous considérons le logement comme une chaîne globale. Vous nous avez expliqué que le PLS n’était pas une bonne chose : vous auriez dû travailler un peu plus votre dossier !

En 2000, le gouvernement socialiste a construit 5 880 PLAI (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), 33 100 PLUS et 4 000 PLS. Deux ans plus tard, les PLAI étaient revenus à 5 200, les PLUS à 39 200, les PLS, objets de vos critiques, étant les seuls à avoir augmenté pour atteindre 10 800. Au total, cela fait bien la modique somme de 41 880 logements sociaux en 2000.

En 2005, nous en sommes à 7 700 PLAI, 45 400 PLUS, 22 600 PLS, 4 300 la Foncière Logement, soit un total de 80 100 logements sociaux. J’en suis navré, mais les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Puisque vous voulez de la rigueur, vous allez en avoir ! Vous dites que le financement du logement social par le Gouvernement pose problème. Nous devons être des génies, car selon vous, avec moins d’argent, on construit deux fois plus ! Bien entendu, il y a plus d’argent, mais il y a surtout une grande différence que vous semblez omettre, mais que les Français doivent connaître : pendant quatre ans, qu’a fait le gouvernement de M. Jospin pour boucler ses fins de mois ? Il a ponctionné le 1 % logement social, géré par les partenaires sociaux, dont l’affectation devait financer le logement social.

M. Robert Lamy. C’est pas beau, cela !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En moyenne, je le rappelle, il s’agit de 500 millions par an, avec des pointes à 700 millions et de petites années à 300 millions !

M. Gérard Bapt. Jacques Barrot a fait pire !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Par ailleurs, monsieur le président Ayrault, je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas de PALULOS !

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y en a plus !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Bonrepaux, si vous avez perdu l’adresse de la DDE, je n’y peux rien ! Nous avons 52 000 PALULOS dont 45 000 ont été demandés pour le moment. Il n’y a donc pas de problème.

M. Augustin Bonrepaux. Vous mentez ! (« Vous n’aimez décidément pas la vérité ! Cela fait mal ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. M. le ministre seul a la parole.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant aux loyers de solidarité dans les offices HLM, je partage l’avis du président Ayrault. Nous avons eu un débat au Sénat sur cette question : certains sénateurs souhaitaient qu’au-delà d’un certain plafond de ressources, les logements HLM soient libérés au profit d’autres personnes en attente, d’autres soulignaient la nécessité de stabiliser les quartiers. La Haute assemblée a décidé de maintenir les locataires sur les lieux, de limiter le loyer de solidarité et de l’exclure des zones urbaines sensibles pour des raisons de mixité sociale. Nous sommes sensibles à votre interrogation, mais le texte qui a été voté y répond pleinement.

En ce qui concerne les maisons à 100 000 euros, je suis stupéfait de votre souci de caricature. Il n’a jamais été question de proposer des procédés de construction différents des procédés classiques. Il existe une charte « haut de gamme » qui contient des normes écologiques permettant notamment des économies de chauffage, ce qui nous semble crucial en matière d’accession sociale à la propriété.

La maison à 100 000 euros peut être construite sur des terrains viabilisés et disponibles, appartenant à un organisme HLM ou à une collectivité locale. Nous espérons, en investissant tous ensemble, créer des quartiers d’avenir. Tous les maires souhaitent faire de l’accession sociale à la propriété. Or 40 % des 100 000 euros vont à la TVA, aux frais administratifs et à l’acquisition du foncier. C’est pourquoi nous avons mis en place le prêt de cinquante ans pour les collectivités locales et nous leur proposons, non pas de donner le terrain, mais de supporter un léger différé entre le foncier et la construction. Enfin, il est indiqué dans la charte qu’il ne peut y avoir de revente. Je suis heureux de constater que le groupe socialiste a repris cette clause de non-spéculation. Je rappelle que nous nous limitons aux zones qui bénéficient de la TVA à 5,5 %.

Je comprends votre embarras, car il va vous falloir dire très fort des choses fausses pour être entendu !

M. Philippe Pemezec. Ils ont un spécialiste : Jean-Yves Le Bouillonnec !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dans le domaine du logement, dont vous estimez être spécialistes, il est déplaisant d’avoir à rendre compte d’une production qui s’effondre de moitié et, comme l’indique la Fondation Abbé Pierre, de 600 000 logements insalubres nécessitant un programme de rénovation urbaine de 20 milliards d’euros, que nous allons porter à 30 milliards.

M. Jean-Louis Dumont. Parlez plutôt des mesures de relance que nous avons prises en 2000 !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce programme de rénovation urbaine, vous ne l’avez pas voté !

Nous avons commencé par 200 quartiers,…

M. Augustin Bonrepaux. Mais ailleurs, vous ne faites rien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …puis, sous la pression des maires de gauche – pression légitime, je le précise –, nous avons porté ce nombre à 600. Face à la dégradation extrêmement grave du bâti, il était normal, en effet, d’étendre le plus possible le champ d’application du programme.

Qu’il s’agisse de la qualité du bâti, de l’accession à la propriété ou de la production de logement – et notamment de logement social –, votre embarras est compréhensible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. Nous avions commencé avant vous !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et je comprends surtout que vous n’ayez fait aucune remarque sur les propositions contenues dans le projet de loi, dont le seul objectif est d’amplifier encore notre effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Louis Dumont. Cela mérite une réponse !

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Quel article ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cela concerne l’organisation de nos travaux. M. le ministre est intervenu après le vote. Je ne souhaite pas répondre à l’ensemble de ses propos, car un tel échange, j’en conviens, monsieur le président, sortirait du cadre d’un rappel au règlement. Mais nous devons consacrer deux semaines à ce projet de loi, qu’à ma grande surprise, monsieur le ministre, vous avez qualifié de technique. Or, comme l’a noté le rapporteur lui-même, le débat n’est pas technique, mais très politique. Nos interventions vous ont d’ailleurs contraint à aborder les questions politiques de fond. Alors, je vous en prie, ne caricaturez pas nos propos (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), si vous vous voulez que nous travaillions de façon sérieuse et constructive. Il convient en effet de faire œuvre utile.

C’est pourquoi je vous le demande à nouveau : cessez de manipuler les chiffres.

M. Jean Leonetti. Les chiffres vous ennuient, parce qu’ils montrent que vous n’avez rien fait !

M. Jean-Marc Ayrault. L’année dernière, 54 000 logements sociaux – PLAI et PLUS – ont été mis en chantier. Vous ne pouvez pas y ajouter les PLS ! Je n’ai rien contre les prêts locatifs sociaux, ils sont nécessaires également. Mais nous avons, dans ma communauté urbaine, un débat sur ce sujet, car vos amis veulent tenir compte des PLS dans le calcul des 20 % de logements sociaux. Je proposerai pour ma part une délibération visant à définir clairement ce qui relève du logement social, c’est-à-dire, selon moi, les PLAI et les PLUS. Si vous comptabilisez les PLS, vous n’êtes pas prêt de satisfaire les besoins des milliers de familles qui ne peuvent assumer les loyers correspondant à ce type de logement.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas un rappel au règlement ! Tout cela pour énoncer des contre-vérités, en plus ! Quelle humiliation pour le président de séance !

M. Jean-Marc Ayrault. Les PLS sont utiles pour les catégories sociales intermédiaires, mais ils ne peuvent répondre, et c’est un fait sur lequel nous pouvons tous être d’accord, à la question, centrale, de la pénurie de logements sociaux. C’est pour cette raison qu’un effort national est nécessaire dans la durée.

Il en est du logement comme du chômage et des créations d’emplois : l’habitude de manipuler les chiffres vous évite d’avoir à rendre des comptes. Après près de quatre ans au Gouvernement, ce n’est pas du bilan de vos prédécesseurs, mais bien du vôtre qu’il faudrait parler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. D’autant qu’ils oublient les mesures Besson en 2000.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée de l’intervention.

M. Jean Leonetti. C’est déjà suffisamment long !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne serons pas venus pour rien, mes chers collègues : nous avons pu voir les députés UDF faire de l’auto-stop, ou du moins prier la majorité de les faire monter sur son porte-bagages. J’observe d’ailleurs qu’ils sont déjà partis : peut-être sont-ils en train de négocier dans les couloirs ? Leur auriez-vous donné rendez-vous, messieurs les ministres ? (M. Jean-Pierre Abelin proteste.)

Présenté en Conseil des ministres plusieurs semaines après les dramatiques incendies d’immeubles qui ont eu lieu en plein cœur de la capitale, votre projet, doté d’un titre mystificateur – mais ce gouvernement manie très bien la sémantique –, vise non à résoudre la crise spécifique du logement social, mais à la diluer au sein d’un assemblage de mesures dignes des magasins La Foir’fouille, spécialistes des gadgets qui ne coûtent pas cher.

Nous sommes bien loin des ambitions ostensiblement affichées. Votre texte se présente comme un ensemble de mesures destinées à atteindre les objectifs du volet « logement » du plan de cohésion sociale, dont on peut mesurer jour après jour l’inefficacité. D’ailleurs, lorsque vous avez reçu, en compagnie du Premier ministre, les membres du bureau de l’Association des maires de grandes villes, certains élus de l’UMP tenaient un langage fort semblable au mien.

Partant d’un constat que nous aurions pu partager sur l’urgence d’une politique de cohésion sociale, une fois encore, vous n’êtes pas allé au bout de la démarche. Ainsi, de nombreuses catégories de personnes seront maintenues dans une situation de précarité.

La mise en place de la politique de la ville devait réparer les dégâts les plus criants causés par l’abandon progressif par l’État de son rôle de régulateur et de redistributeur des richesses. Mais votre gouvernement n’a cessé de rogner sur les dispositifs qui la constituent. Ainsi, la suppression des subventions aux associations a entraîné la mort de nombre d’entre elles ; la liquidation des mesures de prévention au bénéfice du répressif a entraîné en 2005 le gel de plus de 350 millions d’euros de crédits destinés aux banlieues ; et les emplois jeunes ont été supprimés sans qu’il soit proposé de solution alternative. Pourtant, en matière d’habitat, ce n’est pas seulement le logement, mais tout l’environnement qui compte.

Alors que se multiplient les délocalisations d’entreprises, que s’aggravent la dérégulation du droit du travail, la mise en concurrence accrue des travailleurs du Sud et du Nord et la situation des finances publiques, alors que le chômage reste proche des 10 % et que le nombre d’emplois précaires et de RMIstes ne cesse de croître, votre majorité, depuis 2002, poursuit, avec entêtement et cynisme, la baisse ciblée des prélèvements obligatoires au bénéfice des ménages les plus riches, plus que compensée – à hauteur de 10,6 milliards d’euros – par une hausse des charges pesant principalement sur les ménages moyens et modestes. Ces derniers ont supporté une augmentation de 5,7 milliards des prélèvements sociaux et de3,6 milliards de la fiscalité locale, à laquelle s’ajoute le relèvement de la fiscalité sur le tabac et l’accroissement du coût des produits pétroliers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tout cela n’est pas hors sujet. Pour accéder au logement, il faut en avoir les moyens.

Malheureusement, comme l’écrivit Balzac dans le Bal de Sceaux : « Il n’y a que les pauvres de généreux ». Ce gouvernement le sait très bien, lui qui pompe davantage leurs finances !

Ainsi, non seulement les mesures prises ces dernières années par votre majorité sont injustes et inefficaces, mais en plus elles pèsent lourdement sur le porte-monnaie de nos concitoyens les moins riches, ceux-là mêmes qui espèrent pourtant, fort légitimement, pouvoir bénéficier d’une offre de logements locatifs à un coût accessible.

Parmi ceux-ci, les jeunes – français ou non – nés de parents immigrés subissent de surcroît une exclusion et des vexations liées à la couleur de leur peau ou à leur nom, supposé attester leur origine. Une génération entière subit ainsi le rationnement de ses espoirs et de ses perspectives. Sa désespérance s’exprime aujourd’hui de la manière la plus radicale, d’autant qu’elle est exacerbée par les propos outrageants d’un ministre de l’intérieur, adepte de la répression, qui cherche à flatter les catégories les plus populistes de l’opinion publique par des sorties médiatiques destinées à masquer son très médiocre bilan.

M. Richard Mallié. Cela vous va bien de dire cela !

M. Jean-Pierre Brard. Voulez-vous connaître les effets de l’ère Sarkozy à Montreuil ? De 260 policiers, nous sommes passés à 210 après la suppression de la police de proximité.

M. Richard Mallié. C’est sans doute que l’insécurité a reculé !

M. Jean-Pierre Brard. Le croyez-vous vraiment ? N’est-ce pas sous ce gouvernement que sont réapparues les attaques de diligences, comme il y a peu entre Nice et Lyon ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela a d’ailleurs permis à notre shérif national de s’exhiber dans un train afin de promettre des fonctionnaires supplémentaires pour la police ferroviaire. Mais les maires savent bien où ces postes seront pris.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, comme le sapeur Camember, M. le ministre de l’intérieur ne sait boucher les trous qu’avec la terre qu’il prélève ailleurs. Non seulement il se contente de déplacer les fonctionnaires, mais il leur supprime, avec la fin de la police de proximité, la faculté de se déplacer à pied – il est vrai qu’il ne veut pas d’un service public de la police proche des habitants.

Dans un contexte aussi mouvementé, caractérisé par l’urgence sociale, nous aurions pu attendre de votre part une politique enfin cohérente et à la hauteur des objectifs affichés. Tel n’est pas le cas. Nombre de ces mesures destinées à résoudre la crise sociale et du logement vont en réalité orienter les loyers à la hausse, qu’il s’agisse du parc HLM ou du secteur locatif privé.

Le conventionnement global, émanation de l’article 49 bis de votre plan dit de cohésion sociale, est une réforme d’inspiration purement libérale. Il change en effet les règles et les principes du logement HLM en autorisant les bailleurs sociaux à augmenter sensiblement les loyers et à choisir des ménages plus aisés afin de compenser le désengagement financier de l’État – la remise en cause du plafonnement, sur laquelle je me suis exprimé tout à l’heure, ne constituant qu’un exemple de ce désengagement.

Cette démarche, que vous dites empreinte de bon sens, est dans la pratique une véritable « bombe à retardement », selon la Fondation Abbé Pierre.

M. Philippe Pemezec. Tout ce que dit l’abbé Pierre n’est pas parole d’Évangile !

M. Jean-Pierre Brard. L’Évangile n’est pas toujours vérité, mais il est souvent sagesse. De ce point de vue, vous feriez bien de vous en inspirer !

M. Philippe Pemezec. Et cela est dit par un communiste !

M. Richard Mallié. Oui, les communistes alliés à l’Église ! On aura tout vu !

M. Jean-Pierre Brard. Tenez vos fiches à jour, monsieur Mallié : cela fait onze ans que j’ai quitté le Parti communiste pour rester fidèle à mes convictions. Je considère, pour ma part, qu’il ne faut pas jeter d’anathèmes, en particulier à l’égard de ceux qui trouvent dans leur foi des raisons de s’engager dans le combat pour la justice sociale et contre votre politique. Citer la Fondation Abbé Pierre, c’est évidemment, pour vous, inconvenant, insupportable, hérétique. C’est pourtant ce que je fais car, sous la houlette de Martin Hirsch, les personnes qui la font fonctionner font preuve de courage.

M. Philippe Pemezec. Des alimentaires !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous ai entendu, monsieur, et je souhaite que votre interruption figure au Journal officiel, afin que tout le monde connaisse l’opinion du député-maire du Plessis-Robinson, pour qui les militants de la Fondation Abbé Pierre sont des « alimentaires ».

M. Philippe Pemezec. J’assume – comme toujours !

M. Jean-Pierre Brard. Je laisse aux personnes concernées le soin de répondre à cet outrage.

Mme Martine Lignières-Cassou. Emmaüs ne reçoit pourtant aucune subvention.

M. Jean-Pierre Brard. En effet, mais notre collègue est un ignorant. Laissons-le à son délire et à sa déraison, mais que la représentation nationale en soit témoin.

M. Philippe Pemezec. Gardez vos insultes pour vous !

M. Jean-Pierre Brard. Ses collègues jugeront ses propos impertinents, car si nombre d’entre eux pensent sans doute la même chose, ils ont la prudence de le cacher. Nous devons lui reconnaître une certaine sincérité qui, en politique, est une vertu.

M. Philippe Pemezec. Parlez plutôt de lucidité !

M. Jean-Pierre Brard. Mais revenons-en à vous, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Votre politique, c’est également la baisse globale des aides personnalisées au logement. Les mesures récentes, en effet, ont fortement mis à mal l’efficacité sociale de ces dispositifs. Le montant des aides n’a été actualisé que tardivement, et de façon limitée : 1,2 %…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. 1,6 !

M. Jean-Pierre Brard. …en 2003. Vous avez fait pénitence, soit, mais cela n’efface pas vos anciennes turpitudes.

Quant aux forfaits de charges, ils n’ont pas été revalorisés.

Votre budget réduit de 72 millions d’euros les crédits destinés aux aides à la personne, cette mesure étant justifiée par la reprise de l’emploi. Mais les chiffres du troisième trimestre 2005 nous invitent à ne pas confondre espérances et réalités.

Puisque notre collègue Piron est de retour, je citerai Anatole France qui observait que : « La loi, dans un grand souci d’égalité interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans la rue et de voler du pain. » C’est de bon sens, n’est-ce pas ?

M. Michel Piron. C’est bien !

M. Jean-Pierre Brard. Mais avez-vous déjà rencontré des riches dans cette situation, sinon par exotisme intellectuel, monsieur Piron ? La formule d’Anatole France, qui tendait à faire réfléchir nos compatriotes, était ironique. La réalité des faits, hélas, n’est pas aussi humoristique, elle est humiliante pour ceux qui la vivent.

Inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, le droit au logement est également défini dans la loi du 31 mai 1990 portant le nom du ministre délégué au logement de l'époque, Louis Besson. Dès son article 1er, cette loi affirme que : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir... »

Au risque de fâcher notre collègue, je citerai de nouveau La Fondation Abbé Pierre qui, dans son dixième rapport annuel sur le mal logement, souligne les apports de la loi Besson, puis de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 qui «… ont contribué à forger des outils favorisant la mise en œuvre du droit au logement et ont mobilisé un large réseau d'institutions et d'acteurs à cet effet. » Si cette fondation, dont l'expérience et le professionnalisme sont indiscutables, vous en conviendrez, monsieur le ministre, reconnaît les avancées obtenues en 1990 et 1996, elle est en revanche plus critique vis-à-vis de la politique actuelle en faveur du logement des défavorisés. Elle précise, en effet, dans ce rapport : « Aujourd’hui, la politique en faveur du logement des défavorisés est menacée par le manque de visibilité dans l'engagement politique de l'État et par le processus de décentralisation. Pourtant, cette politique, qui représente un filet de sécurité pour les plus faibles, constitue une condition essentielle à l'amélioration des conditions de logement des ménages précaires et modestes dans notre société. »

Cette même politique est menacée par des mesures néfastes issues de mesures prises par votre gouvernement et votées par votre majorité depuis 2002. Ainsi, la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 a modifié en profondeur l'organisation de l'action en faveur du logement des personnes défavorisées et la répartition des compétences mobilisées à cet effet. La Fondation Abbé Pierre elle-même dénonce ce travail de démolition engagé avec votre loi de décentralisation imposée aux forceps. Certes, monsieur le ministre, vous n’avez pas porté cette loi, mais en tant que membre du gouvernement, vous partagez les aspects les plus négatifs de la politique conduite, fussent-ils soutenus et défendus par certains de vos anciens collègues. Je cite de nouveau cette fondation : « L'État demeure formellement garant de la solidarité nationale et de la cohésion sociale mais c'est un État « sans bras », qui ne dispose plus des leviers par lesquels il exerçait cette fonction […]. La décentralisation, avec l'éclatement des compétences qu'elle a autorisé, ouvre une ère d'incertitude et la mise en œuvre du droit au logement s'en trouve fragilisée puisqu'il n'y a plus de cohérence possible de l'action… ».

À l’été 2004, associations, syndicats et partis politiques lançaient un cri d’alerte et déclaraient : « Ceci devrait donc précariser les locataires les plus modestes logés actuellement dans le patrimoine HLM valorisable et alimenter les expulsions… À l’inverse, le parcage des populations précaires dans les quartiers HLM les plus stigmatisés à la faveur de la baisse des loyers va renforcer les mécanismes urbains de ghettoïsation sociale, à l'opposé des principes de mixité sociale préconisés ces dernières années. » Les plus modestes étaient, une fois de plus, les grands perdants mettant ainsi la maxime de Victor Hugo en pleine adéquation avec l'actualité. Il écrivait ainsi : « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches ». Êtes-vous d’accord, monsieur Piron ?

M. Michel Piron. C’est un triste paradis !

M. Jean-Pierre Brard. Certes ! Je n’ai toutefois jamais entendu Mme Bettancourt s’en plaindre ! Peut-être a-t-elle de temps en temps des remords, sachant certainement que sa richesse ne vient pas de son travail, mais de ceux qui travaillent pour elle, ce qui n’est pas tout à fait la même chose !

M. Michel Piron. Je ne l’ai pas confessée !

M. Jean-Pierre Brard. Sans doute, mais les gens qui appartiennent à cet univers des privilégiés sont retors et ne vous confesseront pas ce qui confine au secret de leur enrichissement ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. On ne peut pas savoir !

M. Michel Piron. Et pour avoir l’absolution ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est un autre débat. Nous sommes dans une enceinte laïque, mon cher collègue !

Dans la course au logement, parmi les plus mal lotis se trouvent les personnes étrangères, ou supposées telles.

Un article du Monde diplomatique d'octobre 2005 précise ainsi : « Un exemple parmi d’autres : en 2001, une famille algérienne de six personnes se voit refuser son titre de séjour par la préfecture des Bouches-du-Rhône, puis suspendre les allocations que lui versait jusque-là le conseil général au titre de la protection de l'enfance. Ne bénéficiant plus que de dons caritatifs, elle est expulsée de l'hôtel où elle logeait. La famille cohabite quelques mois avec des proches, mais leurs relations s'enveniment – ils vivent à treize dans un logement de quatre pièces –, et elle doit partir. Elle s'installe, alors dans un petit appartement vétuste du centre-ville marseillais, qu'elle paie 400 euros par mois, grâce au travail au noir que le père effectue dans le bâtiment. Lorsque le propriétaire, inquiété par la justice, lui demande de quitter les lieux, la famille investit illégalement un appartement vide. Elle en est expulsée quelques semaines plus tard, et intègre un autre squat. En 2005, ses membres sont toujours « occupants sans droit ni titre ».

La question ne se pose pas uniquement, monsieur le ministre, pour l'insertion des personnes immigrées. Les citoyens étrangers sont touchés, qu'ils soient détenteurs de titres de séjour ou non. Ils ne sont pas les seuls : les Français issus de l'immigration sont également victimes de discrimination. Une étude du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration, et la lutte contre les discriminations – FASILD – publiée en août 2004 et portant sur l'insertion dans le logement privé des classes moyennes issues de l'immigration montre qu'elles rencontrent des difficultés particulières, en dépit de leur haut niveau de diplôme et de revenu.

Dans ce contexte, la façon dont le Gouvernement cherche à se défausser de ses responsabilités est particulièrement insupportable. Plutôt que de lancer la « chasse aux squats », comme le fait le ministre de l'intérieur, il serait plus judicieux de se préoccuper de l'application des lois et de consacrer les moyens nécessaires à la lutte contre l'habitat insalubre qui mériterait un effort budgétaire accru. Or les crédits de paiement consacrés à la lutte contre l'habitat indigne baissent de 15 % en 2006. Les crédits de la mission « Ville et logement » pour 2006, finalement débattus lors de la première séance du lundi 21 novembre 2005, devaient concerner les principales urgences sociales qui touchent notre pays. Or, que pouvons-nous constater ? Les crédits destinés à la prévention et au développement social dans les quartiers en politique de la ville baissent de 11 % et ceux alloués au développement économique et à l’insertion professionnelle diminuent de 6 %.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Il vous faudra le démontrer, monsieur le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Oui, dans quelques minutes !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les chiffres le démontrent, monsieur Brard,…

M. Jean-Pierre Brard. Les vrais chiffres !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …sauf que vous ne donnez pas les bons ! Mais vous en avez pris hélas l’habitude !

M. Jean-Pierre Brard. Certainement ! Mais je suis, vous le savez, un adepte de Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ! Il me suffit de me promener dans ma ville pour savoir comment vous traitez les gens !

M. Richard Mallié. Saint Thomas, après l’abbé Pierre, quelles citations !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les citations ne remplacent pas la vérité des chiffres !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’était pas une citation, mais une référence !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais cela ne remplace pas la vérité des chiffres !

M. Jean-Pierre Brard. Et c’était une référence à mon expérience de maire, que vous êtes aussi par ailleurs, et qui met tous les jours les mains dans un cambouis plus épais et plus noir qu’à Rueil-Malmaison ! Mais c’est un autre débat !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne vous ai jamais vu venir vérifier la couleur et l’épaisseur ! En vérité, je ne vous ai jamais vu !

M. Jean-Pierre Brard. Il ne s’agit pas de la couleur, mon cher collègue, mais de la consistance qui renvoie à la difficulté de notre mission quotidienne ! Vous reconnaîtrez avec moi – ce n’est pas une critique, mais un constat – que nous ne faisons pas nécessairement le même métier tous les jours. (M. Borloo marque son étonnement.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous avez tort de dire cela !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Borloo, vous qui venez du Valenciennois, vous savez bien ce que sont les familles en grande difficulté.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il y en a aussi à Rueil-Malmaison !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas votre talent qui est en cause, monsieur le ministre, mais votre cohérence ! Ayant vu cela, vous ne devriez pas être à ce banc – et nous sommes étonnés de vous y trouver – mais parmi nous pour porter le fer contre cette politique désastreuse que vous contribuez à définir et à mettre en œuvre aujourd’hui !

Pour revenir, à mon propos, vous réduisez de 72 millions les aides à la personne. Je l’ai évoqué tout à l’heure.

Autre réalité, par votre politique, vous diminuez également les subventions pour les réhabilitations – je peux, là encore, vous donner l’exemple de Montreuil – vous incitez les bailleurs à vendre leur patrimoine social, le nombre d'expulsions augmente, sans oublier la destruction massive des logements sans reconstitution complète de l'offre, mais aussi – et c’est certainement cela le pire, monsieur le ministre – la complaisance envers les villes qui refusent d'accueillir des logements sociaux.

M. Richard Mallié. Il y a aussi des villes communistes, comme La Bouilladisse !

M. Jean-Pierre Brard. À ce sujet, permettez-moi, même si vous devez me critiquer, monsieur Ollier, de citer un extrait tout à fait éclairant d’une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme, sortie en janvier 2005 et intitulée « Construire du logement social à Paris et dans les vingt-neuf communes riveraines. » Elle précise ainsi : « Le rapport met en lumière la forte concentration de l'offre et de la demande de logements sociaux à Paris et dans les vingt-neuf communes limitrophes, qui constituent le périmètre d'étude. Ce territoire regroupe sur 2 % du territoire de l'Ile-de-France, 36 % de la population régionale et 30 % du parc SRU. Le parc SRU des vingt-neuf communes riveraines – 155 000 logements – est à peu près équivalent à celui de Paris : 161 000 logements. Le rapport souligne également sa répartition très inégale. Le seuil de 20 % est dépassé […] dans vingt-deux communes sur vingt-neuf. En revanche, on compte moins de 2 000 logements SRU […] dans sept communes riveraines » parmi lesquelles… – je vous le donne en mille, monsieur le ministre – la très célèbre ville du ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire : Neuilly-sur-Seine !

Comme vous l'a fait remarquer le sénateur Thierry Repentin lors de son intervention générale du 21 novembre dernier, le bilan de la loi SRU est connu, s’agissant notamment de son article 55. Notre collègue déclarait : « …dans les communes où le retard est a priori le plus difficile à rattraper compte tenu d'une situation tendue et d'un grand manque de disponibilité du foncier, certains respectent totalement le plan de rattrapage sur trois ans, et d'autres vont même au-delà. Ainsi, les deux plus grandes villes de France, et ce malgré un changement de majorité municipale… » – peut-être aurait-il dû d’ailleurs dire « grâce à un changement de majorité municipale » – « …qui ne favorise pas la mise en place rapide d'une nouvelle politique urbaine, ont complètement répondu aux obligations de l'article 55 de la loi SRU : Paris, à quelques unités près, et Lyon, en réalisant trois fois plus de logements sociaux que ce que prévoyait la loi. »

Nous sommes bien loin de la détermination d’un certain nombre de nos collègues dont le nom des communes apparaît dans un tableau retraçant l’effort de construction sociale des communes soumises aux obligations de l’article 55, tableau réalisé par les services de la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction et communiqué aux parlementaires à l’occasion du débat budgétaire.

Ce document retrace les logements financés, par catégories de financement, pendant la première période triennale d’application de la loi, de 2002 à 2004. Il fait apparaître que, sur les 742 communes de notre pays qui ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux, 154 communes n’ont engagé aucune construction sociale sur la période examinée.

À l’inverse des pratiques de maires délinquants qui ne respectent pas la loi, il faut, pour sortir de cette crise, offrir, en tout lieu du territoire national, toute la diversité de l’habitat afin de combattre partout la sélection par l’argent qui est le corollaire de la ségrégation géographique. À cet égard, l’objectif de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes, objectif affirmé par la loi SRU, apparaît tout à la fois réaliste et indispensable. On ne peut accepter plus longtemps que des élus donnent l’exemple du non respect de la loi et des valeurs républicaines.

Pour ma part, à l’encontre de ces maires délinquants, je suis favorable à la tolérance zéro. C’est pourquoi nous avons déposé le 10 novembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi prévoyant que les maires des communes dans lesquelles la proportion de logements sociaux est inférieure à 20 % qui ne font pas d’efforts sérieux pour atteindre ce chiffre sont déclarés inéligibles.

Mais revenons l’espace d’un instant sur le cheminement qui nous a conduits au texte que nous débattons aujourd’hui.

En 2003 fut promulguée la loi portant orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine. La mesure phare était la création d’un outil d’intervention en matière de rénovation urbaine, l’agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

Nous aurions pu croire à l’époque que la démarche de rénovation des quartiers en difficulté, la création de l’ANRU, le renouvellement du cadre d’action comme le déploiement de moyens importants iraient dans le bon sens. Or les démolitions posent la question des modalités et des conditions de relogement des ménages déplacés, en même temps que celle de savoir qui sera relogé dans les nouveaux logements.

En outre, qui sont les vrais bénéficiaires du programme national de rénovation urbaine ? Vous, vous connaissez la réponse, monsieur le ministre !

Les chiffres publiés sur le site de l’ANRU montrent une nette surreprésentation des communes de droite dans le nombre de dossiers ayant déjà fait l’objet d’une convention avec l’ANRU,…

M. Jean-Louis Dumont. Il y a une logique !

M. Jean-Pierre Brard. …ainsi que dans les taux de subvention accordés.

Au 4 novembre 2005, près de 70 % des subventions accordées revenaient à des municipalités UMP, UDF ou divers droite,…

M. Michel Piron. Les premières à s’engager peut-être !

M. Jean-Pierre Brard. …le principal parti de la majorité présidentielle se réservant la part du lion avec 67,5 % des crédits. Il reste 2,5 % pour l’UDF. C’est vrai que la qualité de son soutien ne justifie pas un effort plus grand, je vous comprends assez sur ce point !

M. Jean-Pierre Abelin. C’est une obsession !

M. Jean-Pierre Brard. Non ! Je vous éclaire, mon cher collègue !

M. Jean-Louis Dumont. C’est pédagogique !

M. Jean-Pierre Abelin. J’aurais aimé vous voir défendre vos amendements en commission, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis à la commission des finances, mon cher collègue, comme vous ne le savez peut-être pas, et je ne vous y vois pas souvent !

M. le président. Ne relancez pas M. Brard, il va devoir s’apprêter à conclure. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Au 1er décembre les communes dirigées par la droite empochent 63,9 % des subventions, alors qu’elles ne représentent en réalité que 53,5 % des dossiers signés. La gauche doit se contenter de 31 % des subventions.

Le parcours à suivre pour décrocher les fameuses conventions est pourtant théoriquement le même pour tous. Dans une interview du 19 décembre dernier, Christian Chevé, représentant des partenaires sociaux au conseil d’administration de l’ANRU, constatait : « Il est vrai que, dans l’instruction des dossiers, les communes de droite passent plus vite. Et, pour la signature, c’est la direction de l’ANRU qui propose les dossiers à valider. » On pourrait dire que ce n’est pas un observateur objectif, mais ça s’aggrave, écoutez bien.

Philippe van de Maele, objectif, fonctionnaire rigoureux, consciencieux, méticuleux, directeur général de l’agence…

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est choquant de mettre les gens en cause nominativement !

M. Jean-Pierre Brard. Quand on dit la vérité, cela vous choque toujours !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous renvoie à Molière, monsieur le président !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Molière n’est pas dans l’hémicycle. C’est vous qui parlez. Laissez-le là où il est !

M. le président. Vous devez conclure, monsieur Brard, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Brard. Reconnaissez, monsieur le président, qu’on ne cesse de m’interrompre.

M. le président. Je ne cesse de vous rappeler à votre texte !

M. Jean-Pierre Brard. Certes, et je vous remercie pour votre aide.

Le directeur général de l’agence, qui fut également votre directeur adjoint de cabinet, monsieur le ministre, a lui-même reconnu que la seule chose qui pouvait être dite, c’est qu’on avait peut-être signé plus rapidement pour les communes de droite au début. « Effectivement, c’est peut-être possible, même si j’en doute. »

M. Gérard Hamel, rapporteur. Elles étaient plus réactives, c’est tout !

M. Patrick Ollier, président de la commission. On ne peut pas leur reprocher d’être dynamiques, imaginatives et efficaces !

M. Jean-Pierre Brard. Tu parles ! N’aggravez pas votre cas !

M. le président. Je vous prie de conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Les doutes du directeur général de l’ANRU pourraient être levés si l’on disposait d’une analyse objective capable de justifier de telles différences. Le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU que vous avez créé à cet effet est là pour veiller au bon fonctionnement de la machine mais, comme l’explique fort bien l’architecte et urbaniste Michel Cantal-Dupart, membre de ce comité, il ne peut pas vraiment exercer sa mission de contrôle car beaucoup d’informations manquent. Personnellement, poursuit-il, je n’ai jamais pu obtenir les informations que j’ai demandées.

Notre collègue sénateur, Thierry Repentin,…

M. Jean-Louis Dumont. Excellent sénateur ! Connaisseur !

M. Jean-Pierre Brard. …qui représentait l’association des districts et communautés de France au sein du conseil d’administration de l’ANRU, dont il a démissionné, reconnaît avoir du mal à admettre que « l’État accorde des taux de subvention importants à des communes comme Meaux, où le maire Jean-François Copé, par ailleurs membre du Gouvernement, a pour ambition de faire baisser sa fiscalité locale. »

Sur le plan financier, le présent projet de loi n’apporte bien évidemment pas un euro de plus pour répondre à la question du logement dans notre pays, et il ne comporte pas de mesures nouvelles traduisant une véritable volonté de faire de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles une des priorités de la politique de la nation et de l’action des collectivités territoriales. Nous serons donc amenés à formuler un certain nombre de propositions, qui s’appuieront sur le vécu même des demandeurs de logement, des associations de locataires et du cadre de vie, des acteurs du droit au logement, qui nous ont fait part de leurs observations.

Monsieur le ministre, quels sont vos outils dans votre fonction ministérielle ? Vos convictions ? Elles existent, certes, mais je les trouve changeantes et chancelantes. Vos engagements ? Comme l’a dit un jour le Président de la République, ils n’engagent que ceux qui les entendent. Vos moyens ? La réalité des coupes budgétaires en répond. Quant au génie, j’ai pensé aux Mille et une nuits mais ce n’est pas dans notre tradition nationale. Votre outil, c’est la baguette magique, mais elle n’a aucun effet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est toujours un délice de vous écouter, monsieur Brard. Je m’enrichis de surcroît sur le plan littéraire à chaque fois.

S’agissant du nombre d’expulsions, si vous connaissiez le dossier, vous seriez obligé de reconnaître que nous avons modifié les règles. Dès qu’il y avait un impayé, l’APL était supprimée et il n’y avait aucune chance d’éviter l’expulsion, laquelle était suivie d’effet ou pas par la préfecture. Le nombre d’expulsions était élevé et cela entraînait les drames que vous connaissez. Désormais, les organismes HLM peuvent signer une convention de rééchelonnement en cas de difficultés financières, pas de troubles de voisinage, ce qui permet de rétablir immédiatement l’APL. Il n’y a donc quasiment plus d’expulsion pour raisons financières dans le parc HLM. Cela vous avait probablement échappé, donnez-en nous acte.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a pas que le parc HLM !

M. Jean-Louis Dumont. On vous donne acte de la mesure, mais l’application est difficile !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant au programme de rénovation urbaine, ce n’est pas un programme de démolition, c’est d’abord un programme de restructuration urbaine. À Dreux, par exemple, dont le rapporteur est le maire, il y a un vaste programme de rénovation urbaine. On a démoli deux immeubles quasi vacants, dont un l’était depuis vingt ou vingt-cinq ans si ma mémoire est bonne, et il s’agit de transformer fondamentalement le quartier. Les maires ou les organismes HLM souhaitent parfois des démolitions alors que le marché est tendu. Aujourd’hui, l’un d’entre vous me faisait part de ses craintes que l’ANRU n’accepte pas de financer la démolition d’une barre célèbre de Ricardo Bofill au milieu d’un quartier. Il y a donc des difficultés. L’ANRU ne se substitue pas aux maires ou aux organismes HLM et, en tout état de cause, elle impose un pour un.

Cela dit, monsieur Brard, il est un point sur lequel je vous demande de réfléchir. L’ANRU est un établissement public financé par de nombreux partenaires, qui sont tous au conseil d’administration. C’est un organisme qui doit être capable de faire des efforts beaucoup plus importants en faveur d’une ville quand elle est plus pauvre, qu’elle soit de droite ou de gauche. À Montfermeil-Clichy-sous-Bois, et c’est justice, l’ensemble du dossier représente 340 millions d’euros. Je vous demande de ne pas laisser supposer un quart de seconde, parce que c’est très grave, et je crois qu’au fond telle n’est pas votre pensée, qu’il puisse y avoir le début d’un soupçon sur l’honneur de cet organisme et la régularité de son fonctionnement.

L’ANRU, c’est d’une certaine manière mon bébé. J’ai mis en place un comité de suivi et d’évaluation, ce qui n’existe dans aucun autre organisme. Il est composé de gens extraordinairement différents, qui ont certes des difficultés à suivre les dossiers, mais ce n’est pas facile d’en suivre un au Chemin vert à Boulogne et un autre en même temps chez Gérard Collomb à Lyon. Ils travaillent par ailleurs, ils ne dépendent pas de l’organisation et sont totalement libres. Quant à Philippe Van de Maele, c’est un haut fonctionnaire. Il travaillait dans une banque américaine à Washington et gagnait incroyablement bien sa vie, la pudeur interdit d’en dire plus. Il m’a appelé pour me dire que, si je voulais faire quelque chose dans les quartiers, il était prêt à prendre l’avion le lendemain. Il gagne dix fois moins que ce qu’il gagnait en tant que banquier. C’est un vrai X-Ponts, qui a un cœur, qui connaît les quartiers et qui les aime.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Très bien ! C’est choquant de l’attaquer !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Aucun des maires qui ont travaillé avec lui, y compris Jean-Marc Ayrault, pour le quartier Malakoff, ne peut dire ce que j’ai lu comme vous dans un quotidien national.

Je vous le demande instamment, parce que c’est tout l’équilibre moral de ces opérations extrêmement difficiles, qui est en jeu. C’est un sujet d’une extrême complexité. Nous sommes le pays qui, croyant bien faire, en partie peut-être à cause de la charte d’Athènes, a voulu construire rapidement des quartiers en forme de ZUP et de ZUS. Nous sommes maintenant devant un problème de réconciliation républicaine.

De nombreux maires de votre bord – et prenez cela comme une marque d’identification sympathique – comme celui de Stains dans le quartier du Clos-Saint-Lazare, travaillent à ce programme avec beaucoup d’enthousiasme et pas un seul, quelle que soit sa couleur politique, ne peut faire état, comme d’ailleurs pour les zones franches urbaines, de la moindre connotation. Cela me blesserait personnellement qu’il n’y ait pas, d’ici à la fin du débat, une forme de clin d’œil de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Abelin. Très bien !

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Lorsque Jean-Pierre Brard prend la parole, il ne laisse personne indifférent ! Au-delà des citations littéraires, il est intervenu sur le fond. Et votre réaction à l’instant, monsieur le ministre, prouve que vous êtes toujours aussi passionné et cela nous rassure. En effet, votre première intervention semblait s’inscrire dans une stratégie politique, et on ne sentait pas trop le souffle qui avait animé certaines de vos décisions. Je sais reconnaître l’importance du guichet unique que constitue l’ANRU, mais il y a ensuite ce que les administrations, les élus – qui exigent, demandent, proposent – les organismes, les promoteurs privés ou publics en font !

Jean-Pierre Brard a posé des problèmes qui méritent d’être entendus par la représentation nationale. Et, si dérive il y a, il faut pouvoir intervenir.

Par exemple, sur trois dossiers qui intéressent la Lorraine, un dossier qui était en cercle 3 sera proposé au mois de février dans les comités, en raison certainement d’une action politique forte du député-maire, ou peut-être parce que M. le préfet de région lui a donné une priorité. Les deux autres dossiers, inscrits en cercle 2, sont finalisés. Le conseil régional a déterminé la part qu’il allait prendre dans le financement et les conseils généraux sont sur le point de le faire. Mais le seul dossier qui va aboutir c’est celui d’un département où le conseil général n’interviendra pas ! Voilà la réalité que nous connaissons. Le directeur général de l’ANRU n’y est certainement pour rien, mais dans la chaîne qui fabrique le dossier pour le présenter aux instances nationales, il peut y avoir ici ou là des interprétations et on pourrait demander à certaines élues de Bretagne comment les taux de subvention varient…

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Louis Dumont. Nous avons, par le biais de l’ANRU, une obligation de réussite, car c’est le bien-être des populations qui est en cause. Si l’on vous rappelle, monsieur le ministre, à l’obligation du « un pour un », c’est que dans beaucoup d’endroits on a commencé par démolir. Lorsqu’il s’agissait de logements vacants, cela n’a pas posé de problème, mais lorsque la population a dû déménager, elle n’est pas forcément satisfaite de son nouveau quartier. Il faut donc être très attentif à ces mouvements de population et à leur accompagnement.

Je me permets, monsieur le ministre, d’attirer votre attention parce que manifestement on voit poindre quelques difficultés sur le terrain. Il ne faudrait pas pouvoir dire qu’on a démoli du logement locatif social conventionné et amorti, dont les loyers étaient compatibles avec les ressources des familles, pour faire construire, par des promoteurs que je ne citerai pas mais que vous connaissez bien, des logements aux loyers largement supérieurs, fragilisant les locataires.

Vous avez parlé de la fragilisation du locataire, de ses difficultés et du non-paiement du loyer et par conséquent des charges et de la reprise. La mise en œuvre est difficile. J’ai été de ceux qui ont réclamé à une autre époque ce que vous avez institué : la faillite personnelle. On commence, depuis le deuxième semestre 2005, à en voir l’application, y compris chez les locataires des bailleurs publics qui sont en charge d’une mission de service public, d’un service d’intérêt économique général. Soyons vigilants car, en définitive, s’il reste un différentiel à payer, aujourd’hui la charge en repose sur les bailleurs. Après la trésorerie de l’État, après avoir mutualisé les impayés, on risque aussi de fragiliser des organismes qui n’en ont pas vraiment besoin.

Au-delà de l’ANRU, la production neuve a aussi été abordée. Aujourd’hui, en moyenne, une opération neuve bénéfice de l’autorisation de l’État, certes, et éventuellement, de la part de la Caisse des dépôts et consignation, des prêts nécessaires au bon déroulement des opérations, en particulier le prêt à cinquante ans initié par Louis Besson dans les années 2000 pour réagir à la chute de la production. Lorsque l’on fait le bilan, on s’aperçoit que la subvention de l’État représente entre 1,7 % et 3 % de l’opération totale. Vous voyez la valorisation de cette participation rapportée au délai…

Il y a manifestement un problème la lisibilité, mais nous y reviendrons lors de la discussion générale. M. le président de la commission a dit tout à l’heure des choses que je partage…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Louis Dumont. …et tous les rapporteurs, moi y compris, les ont dites à tous les ministres qui se sont succédé. C’est une pétition de principe, une déclamation que l’on fait à la tribune, malheureusement, elle n’est pas suivie ! Pour qu’elle le soit, c’est non seulement le ministre, mais toute l’administration qui doit être mobilisée.

Bien entendu, le groupe socialiste votera à l’unanimité la question préalable défendue par M. Jean-Pierre Brard.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur Brard, à ce stade de notre discussion, je relèverai un point de fond qui fait désaccord entre nous : vous présentez la décentralisation comme un obstacle à une bonne politique du logement.

J’avoue que sur ce point assez fondamental, nous pensons le contraire. Une politique de l’habitat n’a aucune chance d’être efficace si elle n’est pas territorialisée. C’est une responsabilité partagée entre l’État et les collectivités locales et territoriales, chacun ayant sont rôle.

Et puisque vous aimez les citations, songez à celle de Dostoïevski : « chacun de nous est responsable de tout devant tous. » S’agissant de l’habitat, cela pourrait peut-être se traduire sur le fond par l’implication de l’ensemble des acteurs.

Quant au fait que la géographie de cet hémicycle serait garante des bonnes réponses sociales, je ne crois pas que ce soit une certitude suffisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez dire que nous ne serions pas assez nombreux ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Abelin.

M. Jean-Pierre Abelin. M. Brard a mis un peu en cause l’UDF. J’aime bien les discours, mais je préfère les faits. En 2001, 110 logements sociaux ont été financés dans mon département, tous bailleurs sociaux confondus. En 2005, il y en a eu 418. Quatre fois plus ! On est loin du doublement évoqué au niveau national par le ministre.

Si vous en concluez que l’UDF est bien traitée – encore que je ne vois pas en quoi puisque cela concerne l’ensemble des habitants de mon département – cela veut dire que les maires de gauche ont été vraiment très mal traités pas les gouvernements de gauche !

Mais je ne raisonne pas dans ces termes. Je constate simplement que nous avons un effort tout à fait probant et concret qui s’est traduit dans les faits et c’est ce qui m’intéresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Je remercie le ministre du ton paisible qu’il a adopté, mais je dois lui dire que je n’ai fait que reprendre des citations ou des chiffres. Si vous me démontrez le contraire, je me rendrai à la réalité – après tout je suis marxiste ! (Sourires.)

M. Richard Cazenave. Le dernier !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut d’abord savoir qui est Marx ! Certains l’ont lu – n’est-ce pas monsieur Piron ? –, mais n’en ont pas tiré tout ce qu’ils auraient dû !

Les chiffres que j’ai donnés, concernant des villes de gauche et de droite, je ne les ai pas inventés. Démontrez-moi, liste à l’appui, que j’ai tort !

Quant aux propos de M. Cantal-Dupart, c’est lui qui les a tenus. Je n’ai fait que les citer.

Enfin, je n’ai jamais mis personnellement en cause un fonctionnaire de l’État et encore moins son honorabilité. En l’occurrence, je n’ai fait que citer les propos de ce brillant fonctionnaire, qui ont été publiés et qui, à ma connaissance, n’ont pas été démentis. Dès lors qu’un fonctionnaire, quel que soit son niveau, s’exprime publiquement et que ses propos sont publiés, il doit accepter que ses propos soient reproduits et s’ils ne sont pas exacts, qu’il le dise.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

déclaration de l’urgence d’un projet de loi

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant que le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi pour l’égalité des chances.

Saisine pour avis d’une commission

M. le président. J’informe l’Assemblée que la commission des finances, de l’économie générale et du plan a décidé de se saisir pour avis des articles premier, 2, 3, 4, 5, 15 et 21 ter du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche.

ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2709 rectifié, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 2771, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2765, de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)