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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 3 mai 2006

205e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme. la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

Mme la présidente. À la demande de la commission des lois, l’article 1er est réservé jusqu’après l’article 12.

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 405, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. À nos collègues qui n’ont pas assisté aux réunions de la commission des lois, j’indique qu’il a été décidé d’un commun accord de réserver la discussion de l’article 1er jusqu’après l’article 12. Nous rétablissons ainsi l’ordre des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers. L’article 1er étant de coordination, il eût été absurde de l’examiner avant l’article 12.

Quant à l’amendement n° 405, il a pour objet de créer un Conseil national de l’immigration et de l’intégration. Certains peuvent se demander pourquoi créer un observatoire supplémentaire, et la question est légitime.

Tout d’abord, en matière d’immigration, les chiffres sont importants pour la compréhension du débat, mais ils sont actuellement peu fiables. Il y a à cela deux raisons. La première en est l’obsolescence du fichier informatisé qui permet de gérer les titres de séjour, l’AGDREF, qui a vingt ans. Je salue le travail qui a été fait, notamment depuis la mise en place du CISI, pour obtenir plus de clarté dans les chiffres.

M. Bernard Accoyer. Un excellent travail !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Deuxièmement, il y a un problème méthodologique : les chiffres peuvent être peu fiables, voire suspects d’entretenir la désinformation. C’est là toute la question : comment comptabiliser l’immigration ? Faut-il indiquer le lieu de naissance et la nationalité de l’immigré ?

En outre, le Gouvernement a décidé de donner, dans le débat public, une grande importance aux rapports au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique de l’immigration. C’est pourquoi il est souhaitable qu’une structure ad hoc et généraliste soit mise en place afin de jouer un rôle d’assistance dans la mise au point des rapports.

Il est prévu qu’un décret en fixe la composition, mais il me semblerait opportun – ce que je n’indique pas dans l’exposé sommaire de l’amendement – que les parlementaires y soient représentés et que leur nombre permette à l’ensemble des composantes de l’Assemblée d’être aussi représentées.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 405.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Conseil national de l’immigration et de l’intégration sera une instance très utile.

Les points de vue des administrations, des experts et du monde associatif diffèrent souvent, par définition, mais des relations de travail existent d’ores et déjà pour gérer certains dossiers au quotidien. À titre d’exemple, je citerai la Croix Rouge et l’Anafé, car c’est en les associant que nous avons amélioré la situation des étrangers maintenus en zone d’attente à Roissy. C’est aussi en travaillant avec la CIMADE que nous avons amélioré les conditions de vie des étrangers dans le centre de rétention administrative.

Par ailleurs, nous pourrons, dans le cadre de ce Conseil, réfléchir aux orientations de la politique de l’immigration. Pour élaborer ce projet de loi, le ministre d’État a consulté des associations telles que Emmaüs, Solidarité Sida, Africagora, la Fédération protestante, la CIMADE, le Secours catholique, les représentants des évêques,…

M. Jean-Pierre Brard. Les évêques ! Pourtant, vous ne les aimez pas beaucoup !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …des associations de laïcs.

Les relations entre l’administration et les associations seront plus régulières dans le cadre du Conseil national de l’immigration et de l’intégration, qui sera composé, comme l’a rappelé Thierry Mariani, de façon paritaire entre les pouvoirs publics et la société civile. Il aura pour mission de participer à l’élaboration du rapport sur les chiffres de l’immigration, remis chaque année depuis 2003 par le Gouvernement au Parlement. L’utilité de disposer de chiffres fiables a été démontrée hier.

Nous avons déjà progressé en la matière grâce aux travaux de l’observatoire statistique du Haut Conseil à l’intégration – présidé par Blandine Kriegel – et du groupe de statistiques du secrétariat général du comité interministériel de contrôle de l’immigration, dont Patrick Stephanini assure le secrétariat général. Il faut partir sur ces bases afin de garantir la parfaite impartialité des chiffres de l’immigration et de l’intégration.

Enfin, ce Conseil donnera un avis sur la politique d’immigration et d’intégration dans un rapport annexé au rapport annuel que le Gouvernement remet chaque année au Parlement.

C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à la proposition de la commission des lois présentée par son rapporteur, Thierry Mariani.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Au-delà des questions qu’on peut se poser sur les chiffres et les statistiques, on peut s’interroger sur la représentativité de ce Conseil. Vous proposez qu’il soit composé de deux collèges, l’un regroupant des représentants des ministres compétents et l’autre des personnalités qualifiées. Monsieur Mariani, dans quel collège les parlementaires vont-ils figurer ?

Je m’interroge aussi sur le collège de personnalités qualifiées choisies par le Gouvernement seul. Ne pourraient-elles pas l’être, dans un souci de diversité, par la représentation nationale, sans remettre en cause les compétences en matière d’immigration et d’intégration ?

Je souhaiterais plus de précisions sur la nature de ce décret. Vous nous demandez de nous prononcer sur la création de ce Conseil, mais nous émettons des réserves quant à sa composition, qu’il s’agisse des représentants des pouvoirs publics ou de la façon dont seront choisies les personnalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. D’abord, je tiens à dire que la création de ce Conseil est une bonne chose, d’autant qu’elle n’était pas prévue par le projet initial. Il s’agit d’une demande expresse faite au ministre de l’intérieur par les représentants des églises de France, auxquels il a au moins concédé cette disposition.

C’est une bonne chose, à condition que sa composition – M. Braouezec vient de le souligner – corresponde a minima à la proposition du rapporteur, à savoir qu’un certain nombre de députés et de sénateurs y participent. Cela étant, monsieur le rapporteur, je m’étonne que n’y figurent pas les élus locaux. Nombre de dispositions de ce texte intègrent l’avis des maires, mais on oublie de leur donner une place dans ce Conseil. Or ce sont eux qui sont en première ligne et qui ont un contact direct avec les personnes immigrées en matière de logement, de certificat d’hébergement et bientôt de contrat d’intégration. Dès lors qu’on sollicite leur avis, ils doivent être représentés au sein de ce Conseil.

Par conséquent, sous réserve de cette modification, nous ne nous opposerons pas à la création de ce Conseil.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Les statistiques de ce futur Conseil seront très utiles. Pour preuve, alors que le rapport sur la politique d’immigration qui nous a été remis mentionne de manière très détaillée le nombre d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et de mesures d’éloignement, il ne donne pas de chiffres précis sur les arrêtés d’expulsion et les interdictions judiciaires du territoire, n’indiquant qu’une diminution ou une augmentation des pourcentages. Chacun peut donc citer les chiffres qui l’intéressent. Un peu plus de rigueur est assurément nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je remercie les trois derniers intervenants d’avoir souligné l’utilité de cet organisme.

M. Julien Dray. Profitez de cette attitude conciliante, elle ne va pas durer !

M. Thierry Mariani, rapporteur. En soutenant la création d’un organisme où tout le monde puisse trouver sa place et disposer des mêmes chiffres, le Gouvernement montre qu’il entend assurer la transparence sur ce dossier.

Il est exact que nous n’avons pas mentionné dans l’exposé sommaire la possibilité d’avoir un collège des élus au sein du Conseil. Cela étant, il est d’usage que la composition d’un tel organisme soit fixée par décret. Par conséquent, monsieur le ministre, je ne verrais aucun inconvénient à ce que cela soit précisé au Sénat et qu’un collège des élus soit créé.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les chiffres auxquels vous faites allusion, monsieur Dosière, ainsi que les mesures d’éloignement, figurent dans le rapport des orientations de la politique de l’immigration qui est remis depuis 2003 au Parlement. Je vous invite à vous reporter à la page 85 de ce rapport.

M. Julien Dray. Le Sénat a dit que ces chiffres ne valaient rien !

M. Claude Goasguen. Cela vaut mieux que de n’avoir rien fait, comme vous !

M. Julien Dray. Je le répète, le Sénat a dit que ces chiffres ne valaient rien !

Mme la présidente. Monsieur Dray, laissez M. le ministre s’exprimer !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Dray, nous sommes là pour avancer.

M. Julien Dray. Justement ! Je vous informe !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est une étape. Avant 2002, il n’y avait pas de rapport. Aujourd’hui, il y en a un.

M. Claude Goasguen. Un rapport sur la politique de l’immigration, c’est déjà mieux que rien ! Il a le mérite d’exister !

M. Julien Dray. Des rapports, il y en a tellement ! Avec, on pourrait construire des murs…

M. Claude Goasguen. Comme celui de Berlin ?

M. Julien Dray. Que vous connaissez bien !

Mme la présidente. Monsieur Dray, écoutons le ministre !

M. Julien Dray. Nous ne faisons que cela, madame la présidente !

Mme la présidente. Mes chers collègues, si, des deux côtés de l’hémicycle, on n’écoute pas ce que dit le ministre, cela augure mal de la suite du débat ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Poursuivez, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je veux répondre à M. Braouezec et à M. Roman, qui, avec une grande sagesse, ont fait part de leur sentiment favorable à la création de cet organisme et de leur souhait d’y voir les élus représentés.

Je rappelle que c’est toujours un décret qui définit la composition de ce genre d’instance. Le Gouvernement est favorable à ce que des élus soient, comme le rapporteur et vous-même l’avez demandé, désignés au sein de cet organisme. Quant à savoir s’il doit s’agir de parlementaires, le rapport étant remis au Parlement, on peut se poser la question. D’ailleurs, M. Roman a parlé plutôt de maires. Je suis d’accord pour avoir un débat sur ce sujet le moment venu et pour définir ensemble, de manière consensuelle, la représentation et la qualité des élus à désigner dans le décret. En tout état de cause, nous y sommes favorables.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de la question sur le mode de désignation des personnalités qualifiées. Il serait utile de préciser, avant que le texte n’aille au Sénat, que ces personnalités qualifiées seront choisies, non pas par le seul Gouvernement, mais aussi par la représentation nationale. Cela pourrait d’ailleurs être une garantie pour vous si, dans un an, d’aventure le Gouvernement changeait. (Sourires.)

Mme Christine Boutin. Quelle drôle d’idée !

M. Claude Goasguen. Quel mauvais esprit !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 405.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 354.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement, fort simple, se justifie par son texte même, mais aussi par l’expérience, parfois humiliante, infligée aux résidents étrangers, qui doivent se rendre au petit matin, ou même au début de la nuit, au service de l’immigration de la préfecture de leur département afin d’y retirer leur titre de séjour, cela après avoir fait la queue dans les mêmes conditions pour obtenir les documents nécessaires à la constitution de leur dossier. Je vous invite à vous rendre dans les préfectures de la région parisienne pour voir ce qu’il en est.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je l’ai fait !

M. Bernard Roman. À Lille, c’est pareil !

M. Jean-Pierre Brard. Cette démarche, purement formelle une fois que la décision a été prise de délivrer le document à la personne immigrée, fait généralement suite à des démarches et procédures lourdes et difficiles pour les candidats au séjour sur notre territoire.

Cet amendement tend à permettre aux bénéficiaires d’un titre de séjour ou de l’un des autres documents mentionnés aux articles L. 311 à L. 311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – récépissé d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, récépissé d’une autorisation provisoire de séjour, récépissé d’une demande d’asile – de retirer ces documents à la mairie de leur commune de résidence. La remise d’un document administratif ne saurait, en effet, donner lieu aux interminables files d’attente décrites ces dernières semaines dans différents quotidiens nationaux. En Seine-Saint-Denis, département accueillant de nombreux résidents d’origine étrangère, le service des étrangers de la préfecture n’arrive pas à faire face dans de bonnes conditions aux charges administratives qu’implique la délivrance d’un titre de séjour. Avec votre texte, cette situation n’ira pas en s’améliorant.

Les services municipaux remettent déjà les passeports et les cartes nationales d’identité qui sont délivrés par les préfectures. Je propose donc, par analogie, de remettre, dans les mêmes conditions que pour les citoyens français, les documents d’identité autorisant le séjour aux citoyens étrangers.

M. Claude Goasguen. La citoyenneté étrangère, cela n’existe pas en droit français !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement en discussion ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Cette proposition confronterait les petites communes notamment à de lourds problèmes de logistique.

Je le dis sans esprit polémique, mais je vous ai entendu à plusieurs reprises en commission, monsieur Brard, expliquer qu’il faut se méfier des avis arbitraires des maires. Or vous nous proposez maintenant de leur donner le pouvoir de délivrer le titre de séjour.

M. Jean-Pierre Brard. Pas de le délivrer, de le remettre. Ce n’est pas du tout pareil !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Soit. Mais même s’il s’agit de procéder de la même manière que pour d’autres documents administratifs, cela me semble bien trop lourd.

Vous nous avez suggéré de faire la queue dans les services des étrangers. J’ai pris la file d’attente à la préfecture de Paris. Cela a duré une heure et quart, ce qui me semble tout à fait correct.

M. Julien Dray. C’était un jour exceptionnel !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ne compliquons pas les choses ! C’est aux préfectures qu’il incombe de délivrer les titres de séjour, et la réglementation permet déjà certaines adaptations, telles que la remise de la carte d’étudiant à l’université.

Nous aurons l’occasion d’évoquer le rôle des maires, notamment au travers d’amendements déposés par M. Mothron et M. Mariani. Pour ce qui concerne celui-ci, le Gouvernement est défavorable.

M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. C’est mal parti ! Avec la proposition de M. Brard, vous aviez l’occasion d’accorder un peu de considération aux résidents étrangers qui obtiennent une carte de résident en leur permettant de la retirer dans les mêmes conditions que les résidents français peuvent retirer leur passeport ou leur carte nationale d’identité.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

M. Patrick Braouezec. C’est toujours la préfecture qui octroie le titre, après que les démarches administratives ont été accomplies à la mairie de la ville où ils habitent. Vous laissez les étrangers dans la même situation qu’a décrite M. Brard, qui n’est pas une image mais bien la réalité que l’on connaît dans certains départements. Pourquoi devraient-ils se rendre dans la ville-préfecture pour obtenir leur carte, dès lors que les services du ministère de l’intérieur l’ont octroyée après avoir instruit la demande ? Pourquoi ne pas suivre le même circuit que pour les cartes d’identité et les passeports ? Si vous considérez que les maires n’ont rien à faire en ces matières, reprenez à la charge de l’État la remise de ces derniers documents, qui a représenté un transfert de charges et de compétences sur les collectivités locales sans aucune compensation.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. S’agissant des compétences transférées de l’État vers les collectivités locales, on ne peut pas à la fois se plaindre que celles-ci ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face à leurs obligations et demander une nouvelle responsabilité, qui aurait forcément un coût important.

M. Patrick Braouezec. Elles le font déjà !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La délivrance de titres de séjour aurait un coût humain, matériel et financier tel que beaucoup de communes n’auraient pas les moyens de l’assumer. En réclamant l’égalité entre les collectivités en matière de charges de fonctionnement, vous êtes en contradiction totale avec les théories que vous développez traditionnellement. Certaines communes connaissent déjà des difficultés pour délivrer des passeports, n’en rajoutons pas !

M. René Dosière. Pourquoi une telle ségrégation ?

M. Patrick Braouezec. Rien ne la justifie ! C’est vraiment mal parti !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. L’amendement de M. Brard soulève un problème très intéressant et y apporte une réponse utile. Qui doit gérer l’intégration, la vie quotidienne des populations issues de l’immigration ?

M. Richard Mallié. Et le droit de vote !

M. Julien Dray. Le maire ! Quelle meilleure occasion pour celui-ci d’avoir un premier contact, ou un suivi relationnel, que la remise ou la restitution du titre de séjour ?

M. Claude Goasguen. Allons, ce ne serait pas le maire qui s’en chargerait, mais l’employé de l’état civil !

M. Julien Dray. Monsieur Goasguen, nous nous sommes déjà disputés hier soir durant toute une émission de télévision, nous avons encore rendez-vous vendredi, et cela fait vingt ans que nous nous disputons : faisons une petite pause, s’il vous plaît, monsieur le professeur ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen. Monsieur le doyen ! (Sourires.)

M. Julien Dray. Il est vrai que je n’étais, à l’époque, que vacataire ! (Sourires.)

Vous défendez la nécessité d’un contrat d’intégration. Quel meilleur élément de ce contrat que de permettre à celui qui vit dans la commune de se présenter au maire pour retirer son titre de séjour, d’expliquer sa situation et souvent de nouer une relation humaine qui pourrait s’avérer utile ?

M. Gilbert Meyer. Cinéma !

M. Julien Dray. La droite s’est souvent évertuée à nous démontrer dans cet hémicycle que les maires sont les plus compétents et qu’il faut leur faire confiance. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Avec cet amendement, la possibilité est donnée au maire de maîtriser une situation et de nouer un dialogue. Or, tout à coup, tous les arguments sont avancés pour dire que ce n’est pas possible, même le coût financier insupportable pour les communes ! Moi, je prends l’engagement que la région Île-de-France donnera des facilités aux communes pour appliquer cette disposition, si vous l’acceptez.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais dissiper un quiproquo : il ne s’agit pas de délivrer le titre, car la délivrance d’un titre d’identité est une compétence régalienne. Je suis un républicain, je ne propose pas le démembrement de l’État, auquel je ne crois pas. D’ailleurs, j’avais voté contre la décentralisation de M. Raffarin. Ce que je propose – et M. Mariani en tant que maire connaît cela –, c’est que les mairies aient, non pas l’obligation, mais la faculté de remettre les documents établis par la préfecture, comme elles le font pour les passeports ou les cartes nationales d’identité. De les remettre, non pas de les délivrer.

M. Mariani est allé à Paris. Moi, le 6 avril dernier, je suis allé à Bobigny. À cinq heures et demie du matin, lorsque je suis arrivé, il y avait déjà des centaines de personnes.

M. Julien Dray. C’est pareil à Évry !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pareil à Créteil !

M. Jean-Pierre Brard. Entendons-nous bien, je ne mets pas en cause les fonctionnaires de préfecture, ils ne sont que 600 en Seine-Saint-Denis. Là n’est pas le problème. Tous les jours, vers une heure, on donne les derniers tickets. À ceux qui n’en ont pas eu, on dit de revenir.

M. Richard Mallié. Cela se mérite un titre de séjour !

M. Jean-Pierre Brard. C’est la même chose pour déposer les dossiers et retirer les documents.

Je vous demande, monsieur le ministre, un geste de dialogue, qui n’est pas difficile à accomplir puisqu’il suffit d’un accord entre la commune et la préfecture. L’État ne se voit retirer aucune compétence, c’est lui seul qui délivre le titre de séjour. Je ne propose rien de plus qu’une simple commodité pratique.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous faisons bien entendu confiance aux maires. Le problème n’est pas là.

L’adoption de votre amendement, au demeurant sympathique, monsieur Brard, entraînerait, tout d’abord, un coût financier important pour les communes, notamment celles de banlieue, qui comptent parfois jusqu’à 20 % d’immigrés.

Elle entraînerait, ensuite, pour les bénéficiaires de ces titres, un allongement des délais.

Je ne suis plus maire depuis un an car j’ai démissionné pour respecter la règle du non-cumul. Mais je l’ai été auparavant pendant seize ans : pour venir de la préfecture d’Avignon à la mairie de Valréas, les passeports mettaient deux ou trois jours, ce qui était autant de temps perdu pour les populations concernées. Croyez-vous que les immigrés soient des personnes à qui l’on peut faire perdre du temps ?

Enfin, l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de transférer également des problèmes car, à la remise de documents, il se passe parfois des choses qui ne sont pas très claires.

Même si je reconnais que l’intention est bonne, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement car son adoption compliquerait inutilement les choses et entraînerait un transfert de charges non négligeable pour certaines communes.

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne serait qu’une faculté !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour vous prouver la bonne volonté du Gouvernement et répondre à un souci qui n’est pas illégitime, je vous propose la chose suivante, monsieur Brard : nous ne pouvons pas écrire une telle disposition dans la loi, mais, si vous acceptez de retirer votre amendement, je prends l’engagement que les communes qui le souhaiteront auront la faculté de passer une convention avec la préfecture, comme elles peuvent déjà le faire avec les universités pour la délivrance des cartes d’étudiant.

M. Jean-Pierre Brard. Dans la mesure où c’est gravé dans le marbre du Journal officiel !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. J’invite le rapporteur et le ministre à examiner avec intérêt la proposition de M. Brard, qui rejoint celle qui avait été faite en commission de donner aux maires l’information sur la situation des personnes immigrées résidant sur leur commune – en effet, alors qu’il leur est quelquefois demandé de valider un certificat d’hébergement, ils n’ont ensuite plus aucunes nouvelles.

La distribution des titres de séjour n’alourdirait pas beaucoup la charge des collectivités : au niveau national, cela représenterait une augmentation de 2 % environ de l’ensemble des documents qu’elles remettent. Cela ne consisterait donc pas une charge financière lourde.

En revanche, quel gain humain, y compris pour les services de l’administration centrale déconcentrés dans les préfectures et chargés de recevoir les personnes immigrées ! Ce sont en effet souvent les mêmes qui s’occupent de l’attribution des titres de séjour, de leur renouvellement et encore d’autres papiers. Il est inacceptable que, dans certains départements, des personnes se lèvent à une heure du matin, fassent 200 kilomètres jusqu’à la préfecture pour retirer un papier et repartent finalement bredouilles parce que la file d’attente était trop longue. Il existe, là aussi, des quotas, un agent ne pouvant recevoir, pendant les heures d’ouverture des bureaux, que quatre-vingts ou quatre-vingt-dix personnes.

L’amendement de M. Brard mérite donc réflexion car qu’est-ce que l’on gagnerait comme temps, y compris en utilisant tout simplement La Poste, si l’on acceptait que les titres de séjour puissent être remis dans les mairies !

Quant à l’expérimentation, monsieur le ministre, vous permettrez au législateur modeste que je suis de préférer qu’elle soit ouverte par la loi plutôt qu’en dehors d’elle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Brard parlait tout à l’heure des files d’attente à la préfecture de Seine-Saint-Denis et de la distribution des derniers tickets à une heure du matin. Que ce soit pour une demande de titre de séjour ou de naturalisation, les files d’attentes sont à la fois inhumaines et inacceptables dans cette préfecture. Tous les soirs, on voit des gens attendre, et parfois dormir sur place, y compris des personnes âgées. Nous le constaterions ce soir comme les autres soirs si nous nous y rendions.

Mais vous entretenez une certaine confusion, monsieur Brard, car il s’agit de personnes qui viennent déposer un dossier, et non retirer la carte.

Cela étant, monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur un autre point. M. Roman a développé des arguments à caractère humanitaire. D’autres à caractère citoyen et d’intégration ont été également avancés. J’apporterai un autre éclairage.

Dans le cadre de la loi de 2003, il était prévu que les maires donnent un certain nombre d’avis, notamment sur les attestations d’accueil, et un engagement avait été pris par le gouvernement de l’époque pour qu’ils soient informés des suites données aux avis qu’ils formulaient. Cela n’a jamais été fait ! Et le fait est, monsieur le ministre, qu’en tant que maire, j’aurais besoin de savoir quelles sont les personnes qui détiennent un titre de séjour sur le territoire de ma commune.

Il faut voir comment se traduira dans les faits votre proposition de donner la faculté aux communes qui le souhaiteront de passer une convention avec la préfecture. La navette parlementaire peut être l’occasion d’approfondir la réflexion, le Sénat, en tant que chambre représentative des collectivités, pouvant proposer des améliorations.

Je fais cependant remarquer que la remise des cartes de séjour par la mairie n’entraînera pas de transferts financiers. Ce qui coûte cher, c’est d’instruire les dossiers. S’il s’agit juste de délivrer des cartes, c’est-à-dire de les remettre aux personnes concernées, non seulement cela ne me coûte rien, monsieur le ministre, mais encore cela m’intéresse grandement car ce serait le moyen d’avoir des informations que je n’obtiens aujourd’hui qu’à l’occasion des mariages ou des demandes de logement et d’éviter qu’une même personne puisse détenir plusieurs titres de séjour – ce que la préfecture n’est pas en mesure de contrôler, même pour des citoyens français. Il est arrivé dans ma commune qu’une même personne ait cinq cartes d’identité différentes. C’est nous qui pouvons nous en rendre compte, pas l’administration.

Il ne serait donc pas idiot que, de par la loi ou par le biais d’une convention avec la préfecture, les maires puissent remettre les titres de séjour. Après tout, dans l’amendement de M. Brard, il n’est question que d’une faculté. Celle-ci doit être ouverte. Même si l’idée est présentée par l’opposition, elle ne me paraît pas bête du tout.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Dieu sait – si j’ose dire, car si je m’exprime ainsi, on va encore me reprocher de représenter l’épiscopat ! – que le débat a été un peu dur jusqu’à présent.

M. Richard Mallié. Monseigneur Brard, le marquis rouge de Montreuil !

Mme la présidente. Monsieur Mallié, laissez parler M. Brard !

M. Jean-Pierre Brard. En fait, il est jaloux de mes lettres, madame la présidente. Je maîtrise les textes sacrés certainement mieux que lui et je les mets même peut-être mieux en œuvre que lui, bien que ne croyant pas à l’immanence d’une puissance transcendantale.

M. Christian Vanneste. Le rapprochement de l’immanent et du transcendant est un peu curieux, monsieur Brard. Il faudrait revoir votre philosophie. Quand on veut faire le savant, il faut avoir un minimum de science !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Vanneste, ne vous engagez pas sur ce terrain glissant. Je ne suis pas sûr que vous soyez habité par la grâce !

Je reviens à notre sujet. J’ai déposé un amendement et, après échanges, le Gouvernement fait une proposition qui correspond à l’esprit de celui-ci : dans mon esprit, en effet, il ne s’agit pas de partager une faculté régalienne. La délivrance du document est de la compétence de l’État. Il s’agit simplement de remettre au bénéficiaire le document établi par l’État.

J’accepte donc la proposition de M. le ministre de donner la faculté aux mairies de passer une convention avec la préfecture, ce qui est déjà la manière dont s’effectuent beaucoup de choses, et je retire mon amendement, tout en précisant que, pour assurer un parfait parallélisme entre nos deux assemblées et par respect pour nos collègues sénateurs qui ont l’épiderme un peu délicat, un amendement, peut-être un peu mieux rédigé, compte tenu de ce que vous avez dit, sera déposé au Sénat pour que M. le ministre puisse dire aux sénateurs la même chose.

Mme la présidente. L’amendement n° 354 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Lagarde, en parlant des files d’attente dans les préfectures, vous justifiez ce texte : s’il y a des files d’attente, c’est qu’il y a dans notre pays une pression migratoire insupportable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et les dispositions de ce texte ont pour but de régler une partie du problème. L’amendement de M. Brard, auquel vous reconnaissez une légitimité, peut y contribuer.

Vous avez parlé, monsieur Brard, du marbre du Journal officiel : le Gouvernement s’engage par ma voix à ce que, lorsqu’une commune le souhaite, elle puisse passer une convention avec la préfecture pour assurer la remise des titres de séjour, comme cela se fait déjà avec les universités pour la carte d’étudiant. Et nous sommes prêts, bien évidemment, à le préciser lors du débat au Sénat.

M. Noël Mamère. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Mamère, je ne puis vous la donner sur l’amendement puisqu’il a été retiré.

M. Noël Mamère. Je vous la demande sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Je souhaite en effet rectifier ce que vient de dire M. le ministre. Selon lui, il y aurait, dans notre pays, une pression migratoire insupportable qui justifierait le texte, très régressif et très dur, qui nous est proposé.

Je me bornerai à citer une interview d’un responsable de la démographie que tout le monde connaît : M. Hervé le Bras. Celui-ci indique que l’immigration est stable depuis dix ans ! Lors du recensement de 1999, on dénombrait trois millions d’étrangers, c’est-à-dire 5 % de la population, et ce chiffre n’a pas changé.

M. Richard Mallié. Évidemment, avec toutes les régularisations auxquelles vous avez procédé !

M. Noël Mamère. Quant à l’immigration irrégulière, elle concernerait entre 200 000 et 400 000 personnes.

Dès lors, ne venez pas nous raconter, pour justifier ce texte indigne, qu’il y a une pression migratoire insupportable dans notre pays. En fait, au lieu d’agir et de régler les problèmes de ceux qui sont sur notre territoire, vous voulez encore une fois agir sur les flux avec votre fameuse immigration choisie, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.

Article 2

Mme la présidente. Sur l’article 2, sont inscrits plusieurs orateurs.

La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis que Nicolas Sarkozy a présenté ce texte, nous avons assisté de la part de l’opposition à de formidables levées de boucliers contre l’idée que la France choisisse son immigration et ses immigrés. Permettez-moi de m’étonner de cette prise de position, qui me semble peu conforme aux attentes des Français.

En effet, vaut-il mieux faire le choix d’accueillir des ressortissants étrangers désireux de s’intégrer et de mener à bien un projet dans notre pays, ou subir – je dis bien subir – l’arrivée de personnes le plus souvent animées par le désir de profiter du système français, la précarité en France étant mieux que la misère dans leur pays d’origine ?

Nous le savons tous, cette question n’en est vraiment pas une, et il était temps que nous ayons le courage de refonder notre politique d’immigration.

En rendant notamment obligatoire l’obtention d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire, comme le prévoit l’article 2, nous ne faisons que tirer les leçons des abus constatés par le passé avec les visas dits touristiques. En effet, combien d’étrangers sont arrivés sur notre territoire munis d’un tel visa dans l’intention cachée de bénéficier de notre système de santé et de se faire soigner dans nos hôpitaux ? Combien de femmes ont débarqué sur notre sol à quelques semaines de leur accouchement avec pour seul objectif de mettre au monde leur enfant dans notre pays ?

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?

M. Richard Mallié. Ouvrez les yeux, mes chers collègues de l’opposition !

Ce que je vous dis là ne s’invente pas, monsieur le ministre. Des cas comme ceux que je viens de vous citer, les personnels de l’hôpital Nord à Marseille peuvent vous en donner à profusion.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ? Rappelez-vous la Crèche !

M. Richard Mallié. On fait venir du pays le cousin malade qui, en usurpant la carte Vitale d’un des membres de la famille installé régulièrement en France, sera soigné gracieusement et en toute illégalité aux frais du contribuable et du cotisant avant de repartir chez lui… ou de rester illégalement sur notre territoire.

Cette situation n’est plus tenable. Il était temps de prendre des mesures fermes pour parer aux abus phénoménaux auxquels conduisent les visas de courte durée.

Préciser que les étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire feront l’objet, en amont, d’un choix par l’autorité consulaire dans leur pays d’origine, c’est tout simplement donner à nos concitoyens une première garantie quant aux intentions réelles de ces immigrés. Plus qu’une simple formalité administrative, c’est pour moi une véritable assurance contre la fraude. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Madame la présidente, je suis un peu étonné de cette prise de position d’un député UMP, manifestement sur la défensive. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Pas du tout ! J’ai dit que c’était très bien !

M. Bernard Roman. Julien Dray disait hier lors d’une émission – mais personne n’est obligé de penser comme lui – que l’immigration choisie dans un pays voisin de la France avait consisté à « importer », pour la Coupe du monde de football qui se tiendra au mois de juin prochain, 30 000 prostituées, pour lesquelles ont été prévus des logements.

Est-ce là, messieurs, votre conception des relations entre les pays du Nord et les pays du Sud ?

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

M. Bernard Roman. Est-ce là votre conception de l’immigration choisie ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Cela n’a rien à voir !

M. Julien Dray. Cela n’a été condamné ni par Chirac ni par Villepin !

M. Bernard Roman. Car il s’agit bien de choisir ses immigrés !

Voilà une illustration de ce que vous essayez de faire de la République française.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas sérieux !

M. Bernard Roman. Mais revenons-en à l’article 2, sur lequel, au demeurant, l’intervention de notre collègue ne portait pas.

M. Richard Mallié. Si !

M. Bernard Roman. L’article 2 institue l’obligation d’un visa de long séjour pour l’attribution de tous les titres qui seront désormais accordés.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oui !

Mme la présidente. Mes chers collègues, il s’agit d’un débat sérieux. Nous devons examiner un grand nombre d’articles sur lesquels de nombreux orateurs se sont inscrits. Évitez de vous attaquer perpétuellement, faute de quoi la discussion risque de se prolonger jusqu’à dimanche !

M. Julien Dray. Il n’y aura plus de Premier ministre dans deux jours !

M. Bernard Roman. Ce visa de long séjour pose quatre types de problèmes.

Je reprendrai l’exemple que j’ai cité tout à l’heure. J’aimerais que le Gouvernement apporte une réponse précise à ma question. Que se passera-t-il lorsque, dans le cadre d’un mariage mixte, un citoyen français épousera – c’est un cas que j’ai pu observer dans ma circonscription – une étudiante irakienne régulièrement inscrite à l’université de Lille qui se trouvera en France avec un titre de séjour « étudiant » ? Elle devra retourner en Irak demander un visa de long séjour si elle veut que sa situation en France soit régularisée !

M. Claude Goasguen. Que faites-vous de la non-rétroactivité des lois ?

M. Bernard Roman. Monsieur Goasguen, je pose la question pour le cas où le projet de loi serait adopté. Il y a des chances qu’il ne le soit pas. Il se peut que l’UMP ait un réflexe salutaire. Il se peut aussi que le Gouvernement n’ait pas la possibilité d’aller jusqu’au bout du processus législatif.

Mais si, malheureusement, le projet de loi était voté, ce type de situation se rencontrerait. Le Gouvernement y a-t-il pensé ?

Deuxième observation : a-t-on mesuré le coût qu’entraînerait pour les couples mixtes le voyage qu’ils devraient effectuer dans leur pays d’origine pour y demander un visa de long séjour alors même que ces couples sont mariés légalement et se trouvent actuellement en situation régulière ?

M. Jérôme Rivière. L’amour n’a pas de prix !

M. Bernard Roman. Troisième observation : a-t-on pris en compte les besoins qui vont se faire sentir d’une manière massive dans les consulats concernés alors que ces derniers se trouvent déjà dans une situation catastrophique ? Sans doute avez-vous eu, les uns et les autres, l’occasion de rencontrer des personnes ayant eu affaire aux consulats de France dans les pays d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb. Connaissez-vous l’accueil qui y est réservé aux demandeurs de visas ? Il faut parfois un mois, deux, voire trois mois d’attente pour obtenir un rendez-vous, même s’il ne s’agit que d’un simple visa touristique. Et l’on voudrait rendre obligatoire l’instruction d’un visa « long séjour » pour l’ensemble des titres de séjour ! Cela traduit une méconnaissance de la situation des personnels du corps diplomatique, notamment dans les consulats – à moins qu’il n’y ait de votre part quelque arrière-pensée. Il est clair, en effet, qu’un filtre institué en amont permettrait de « doser » les immigrés que l’on souhaite voir venir de tel ou tel pays en fonction d’objectifs quantitatifs qui pourraient être déclinés dans chaque pays.

Quatrième observation : quelles seront les conséquences de cette exigence de visas « long séjour » ? L’épouse étrangère sera tentée de ne pas retourner dans son pays. Et le fait que regroupement familial soit rendu encore plus difficile – non par l’exigence d’une durée de séjour de dix-huit mois, ni par le niveau de ressources nécessaire, mais simplement parce que le consulat de France à Alger, à Tanger ou à Dakar ne fournira pas le visa de long séjour – conduira les étrangers à entrer en France avec des visas touristiques, ou même de manière illégale. Ils seront là avec leur mari ou avec leur épouse, avec leur père ou avec leur mère – n’est-ce pas légitime ? Et comme ils ne seront ni régularisables, ni expulsables, parce que protégés par l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme, vous aurez fabriqué, par cette simple mesure qui apparaît technique, une véritable machine infernale ! Vous aurez créé des critères qui rendront impossible la régularisation. Et de la sorte, vous maintiendrez sur le territoire national de milliers de gens qui ne seront ni régularisables, ni expulsables. Ils seront destinés à rester toute leur vie dans l’illégalité. Voilà la logique de ce dispositif ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Excellente démonstration !

M. Claude Goasguen. C’est n’importe quoi !

M. Bernard Roman. Non, c’est la réalité !

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Puisque cet article est la première illustration de la volonté de réduire l’immigration chez nous, je voudrais en profiter pour faire une mise au point. Cela m’évitera, au cours du débat, de revenir là-dessus. Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. » Le seul problème, c’est que cette phrase est tronquée. Car la phrase prononcée était : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite bien la part qu’elle se doit d’en accueillir. »

M. Christian Decocq. C’est exactement l’objet du projet de loi !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est l’immigration choisie !

M. René Dosière. Oui, la France se doit d’accueillir des immigrés (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) parce qu’elle a eu un empire colonial, dont certains habitants se sont vu accorder la nationalité française. Leurs enfants et leurs petits-enfants ont aujourd’hui vocation à être Français quelle que soit la couleur de leur peau. Parce que, monsieur Vanneste, ces colonisés sont venus dans le froid, la boue, la pluie, combattre et souvent mourir pour que vive la France.

M. Christian Vanneste. C’était dans l’article 4 que vous avez voulu supprimer. Le sacrifice des troupes de l’outre-mer ! C’est un aveu ! Vous devriez avoir honte de ce que vous dites !

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Vanneste. Laissez l’orateur s’exprimer.

M. René Dosière. Je suis le député du Chemin des Dames. Et tous les ans, nous commémorons la funeste bataille, la funeste offensive Nivelle. Quand nous visitons les trois cimetières à Cerny-en-Laonnois, nous voyons, parmi les tombes françaises, de très nombreuses tombes musulmanes. Voilà ce qu’ont fait les tirailleurs sénégalais. Ces anciens combattants ont des droits sur nous.

M. Christian Vanneste. Absolument !

M. René Dosière. Peut-on rejeter leurs descendants ?

M. Christian Vanneste. Certainement pas ! Nous sommes tout à fait d’accord sur ce point !

M. René Dosière. La France a, depuis la Révolution, été considérée comme le pays des droits de l’homme et elle a toujours, sauf pendant la période de Vichy, …

M. Jérôme Rivière. Qui a pour origine le Front populaire !

M. René Dosière. … été un lieu d’asile pour tous les persécutés.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir avec l’article 2 !

M. René Dosière. Mais il est clair que, si elle doit accueillir des immigrés – et c’est le sens de la première partie de cette phrase de l’ancien Premier ministre –, la France ne peut pas accueillir sans limite et que l’immigration doit être maîtrisée.

Il est vrai que les moyens d’y parvenir diffèrent – on le verra pendant le débat. Mais que l’on cesse de nous présenter comme ceux qui voudraient ouvrir la frontière à toute l’immigration !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est ce que vous avez fait par trois fois !

M. Richard Mallié. Si, Fabius !

M. René Dosière. Je vous ferai d’ailleurs remarquer que la part des immigrés dans la population française est stabilisée depuis 1975…

M. Richard Mallié. Évidemment ! Vous avez régularisé à outrance !

M. René Dosière. …à hauteur de 7,4 %. C’est le chiffre de l’INSEE.

Si cette population n’est pas également répartie sur le territoire, c’est la politique de la ville ou la politique de l’aménagement du territoire qui sont en cause.

Le nombre des immigrés clandestins se situe – le chiffre exact est évidemment très difficile à déterminer – entre 200 000 et 400 000. Et même si l’on retient le chiffre de 400 000, cela ne représente que 0,5 % de la population française. Qu’on cesse donc de présenter l’immigration clandestine comme une sorte de tsunami !

Pour ce qui concerne l’outre-mer, le problème est tout à fait différent, et j’aurai l’occasion d’en parler lorsque viendra en discussion la troisième partie de ce texte.

Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.

M. René Dosière. Dernière caractéristique de cette phrase de Michel Rocard : il faut bien traiter les immigrés en situation régulière. Nous en sommes loin. Quand nous regardons les statistiques relatives aux conditions de vie des immigrés réguliers, qu’il s’agisse du logement, de la scolarisation, du chômage ou de l’emploi, on constate qu’ils sont moins bien traités que le reste de la population française.

Quant aux immigrés clandestins, ils sont réduits à une vie misérable et font l’objet d’une exploitation. Or, rien ne justifie qu’on ne les traite pas comme des personnes.

La distinction entre immigration clandestine et immigration régulière est peu pertinente. Si beaucoup de Français, hélas ! désignent sans honte un homme comme « immigré » simplement d’après son apparence physique ou vestimentaire, aucun ne peut distinguer s’il est régulier ou clandestin. De sorte que, à désigner le malheureux clandestin comme une grave menace, c’est en réalité considérer comme bouc émissaire de tous les problèmes de la France toute personne d’apparence étrangère, même dotée d’une carte d’identité française.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Madame la présidente, quand on discute de ces questions-là, on peut sans doute le faire de manière idéologique – cet aspect a son importance –, mais aussi de manière pratique.

Quel parlementaire n’a pas reçu dans sa permanence des concitoyens français qui intervenaient pour des amis ou des connaissances qui rencontraient des difficultés dans l’obtention d’un visa auprès de consulats de France à l’étranger ? Qui n’a pas dû gérer de telles situations au cours des années qui viennent de s’écouler ? Cette pratique est devenue systématique. Nos consulats sont surchargés par ces procédures et nombre d’entre eux ne délivrent quasiment plus de titres de séjour. Cela devient un véritable capharnaüm ! Je vais même plus loin : cela donne lieu – nous le savons car nous avons eu des exemples récents – à de nombreuses opérations de corruption.

Nous entendons aussi beaucoup de gens évoquer des situations – dont nous n’avons pas forcément les preuves – où, visiblement, l’attribution du visa ne dépend plus simplement de formalités administratives, mais de connaissances ou parfois d’autre chose.

M. Jérôme Rivière. N’accusez pas sans preuve !

M. Julien Dray. Avec ce dispositif, vous allez encore compliquer les choses. Les gens devront retourner dans leur pays d’origine pour obtenir un visa. Le délai d’attente sera très long. Et ils courront le risque de ne pas obtenir leur visa.

Que se passera-t-il alors ? D’une façon ou d’une autre, ces personnes reviendront sur notre territoire où elles ont déjà tissé des liens.

M. Claude Goasguen. Nous voulons qu’il y en ait moins !

M. Julien Dray. Donc, vous ne pourrez pas leur délivrer de titre de séjour et vous fabriquerez à nouveau des immigrés clandestins. Telle est la philosophie de votre projet. Vous créez des procédures qui ne peuvent pas être respectées : même les services concernés n’arrivent pas à les respecter. En effet, les procédures kafkaïennes de nos préfectures, où faute de pouvoir connaître les droits de chacun tant la législation est complexe et évolutive, conduisent à prendre des décisions à la tête du client. Il en va ainsi dans les préfectures où la décision relève du préfet, mais aussi dans les consulats et les ambassades. La situation est inextricable !

Et comme les personnes concernées seront obligées de revenir dans notre pays, parce qu’elles y ont des attaches et pour un certain nombre de raisons liées à leur vie quotidienne, elles le feront clandestinement. Et pour se protéger, elles iront là où elles peuvent être accueillies par des connaissances. Voilà comment la clandestinité crée des ghettos, je l’ai dit tout à l’heure.

Voilà comment votre procédure créera de nouveaux immigrés clandestins. Et dans deux ans ou dans trois ans, il faudra de nouveau voter, quel que soit le gouvernement, de nouvelles lois de régularisation massive...

M. Jean Leonetti. Non ! Il n’y a que vous qui votiez de telles lois : pas nous !

M. Julien Dray. …parce que ces personnes ne pourront même pas être expulsées, vous le savez très bien. Dans la plupart des cas, elles auront noué des relations, fondé une famille et eu des enfants, et ces parents seront inexpulsables.

M. Jérôme Rivière. Ce n’est pas vrai !

M. Julien Dray. C’est la raison pour laquelle la procédure que vous proposez ne sert à rien si ce n’est à fabriquer des immigrés clandestins.

M. Bernard Roman. Très juste !

M. Jean Leonetti. Pas très convaincant !

M. Claude Goasguen. Toute loi est destinée à être violée !

M. Julien Dray. Pour être respectée, encore faut-il qu’elle soit respectable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Il semble que notre collègue Mallié, qui a momentanément quitté l’hémicycle, ne connaisse pas très bien ce dont il parle.

Tout à l’heure, Noël Mamère et, à l’instant, René Dosière ont rappelé que, proportionnellement à la population française, le nombre d’immigrés n’a pas augmenté depuis trente ans en France.

M. Jérôme Rivière. D’où tenez-vous ces chiffres ?

M. Patrick Braouezec. C’est la réalité.

Par deux fois, j’ai entendu M. Mallié nous dire que cela s’explique du fait que nous en aurions régularisé un très grand nombre.

M. Jérôme Rivière. Il a dit « naturalisé » !

M. Patrick Braouezec. Non, il a dit « régularisé ».

M. Bernard Roman. C’est bien ce que j’ai entendu.

M. Claude Goasguen. « Naturalisé » et « régularisé » : les deux !

M. Jean Leonetti. C’est une question d’étape.

M. Patrick Braouezec. Vous essayez de le défendre, mais il a bien dit « régularisé », mais régularisé ou non, un étranger demeure un étranger.

M. Claude Goasguen. Cela s’appelle un sophisme !

M. Patrick Braouezec. Que cela vous plaise ou non, le nombre d’étrangers est stable dans notre pays depuis trente ans. Toutes les statistiques le confirment.

M. Jérôme Rivière. On ne doit pas avoir les mêmes chiffres !

M. Patrick Braouezec. Si on continue à tenir ici des propos inadmissibles comme ceux qu’a tenus M. Mallié, le débat risque de durer, et le problème de l’immigration n’est pas près d’être réglé. En effet, on ne légifère pas à partir de cas marginaux.

M. Mallié a pris l’exemple de mères étrangères qui viennent accoucher en France. Tout le monde sait que l’aéroport de Roissy constitue la plus grande frontière de notre pays. Et non loin de Roissy, les hôpitaux de Seine-Saint-Denis accueillent en effet des personnes malades qui viennent de pays étrangers pour se faire soigner. Il est vrai qu’un certain nombre de femmes décident de venir en France pour accoucher dans de bonnes conditions, mais nous sommes loin du fantasme de l’invasion de nos hôpitaux par des étrangers ! L’hôpital de Saint-Denis est sans doute l’un des hôpitaux de France où l’on pratique le plus d’accouchements, plus de 3 000 par an. Or les accouchements dont parlait M. Mallié représentent à peine 5 % des accouchements pratiqués dans cet hôpital. Alors, finissons-en avec le fantasme et l’irrationnel ! Les populations migrantes sont dans des situations souvent difficiles et elles ne se comportent pas de la manière qui a décrite ici par certains.

M. Jean Leonetti. Un peu de sang-froid, cher collègue.

M. Claude Goasguen. Du calme !

M. Patrick Braouezec. Après l’aspect idéologique du problème, j’en viens à l’aspect pratique, et je rejoins les propos de Julien Dray.

Peut-on, un seul instant, croire que l’on crée les bonnes conditions pour que les étrangers accueillis sur notre territoire puissent y vivre tranquillement, dignement et honnêtement, en subordonnant l’obtention d’une carte de séjour à celle d’un visa de long séjour ?

Il faut, dans certaines ambassades ou dans certains consulats, plus d’un mois non pour obtenir un visa, mais un simple rendez-vous ! Je comprends mieux les exemples que l’on nous cite depuis hier de l’immigrant, informaticien indien ou chirurgien chinois. Vous créez une situation discriminatoire en donnant des orientations pour l’obtention ou non de visas de long séjour.

M. Bernard Roman. Bien sûr !

M. Claude Goasguen. Mais oui !

M. Jérôme Rivière. Si la loi est dure, c’est tout de même la loi !

M. Patrick Braouezec. Pour tel ou tel secteur, suivant les besoins, on facilitera l’obtention des visas de long séjour. Qu’est-ce que cela veut dire pour des personnes qui veulent venir sur notre territoire d’une manière tout à fait légitime…

M. Claude Goasguen. Cela veut dire que l’on choisit l’immigration.

M. Jérôme Rivière. C’est ce qu’on appelle l’immigration choisie !

M. Patrick Braouezec. …et qui peuvent être un apport pour notre pays ? Comment allez-vous choisir ceux qui viendront ?

La question du visa de long séjour est fondamentale et nous y reviendrons dans la discussion sur les amendements : il n’est pas possible en effet de subordonner l’obtention de la carte de séjour à celle d’un visa de long séjour.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Claude Goasguen. Braouezec a compris le texte !

Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Nous parlons de l’immigration comme s’il s’agissait d’un problème purement français en oubliant qu’il s’agit d’un phénomène international dont la cause est la misère d’une partie du monde.

Mme Christine Boutin. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Je l’ai dit tout à l’heure !

Mme Henriette Martinez. En effet, vous l’avez dit. Mais je voudrais aller plus loin. Si la misère est la cause de l’immigration, n’en faisons pas aussi sa conséquence…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Mme Henriette Martinez. ….en plongeant dans la misère les immigrés qui viendraient sur notre territoire et qui ne pourraient pas y trouver pas des conditions d’accueil satisfaisantes.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes trop bonne !

Mme Henriette Martinez. Ne cédons pas à l’angélisme de nos collègues de l’opposition qui voudraient accueillir toute la misère du monde sur notre territoire. Je leur rappelle qu’il y a 2,5 milliards de personnes dans le monde – soit plus du tiers de l’humanité – qui vivent en dessous du seuil de grande pauvreté, avec moins de deux euros par jour.

M. Jean-Pierre Brard. Alors, cessez de soutenir les privilégiés !

Mme Henriette Martinez. Je rappelle aussi que 24 000 personnes meurent de faim tous les jours. Nous sommes aussi sensibles que vous, monsieur Brard, à cet aspect des choses et à ce déséquilibre du monde.

M. Jean-Pierre Brard. Cela m’étonnerait !

Mme Henriette Martinez. Mais nous ne voulons pas contribuer à accentuer ce déséquilibre en accueillant dans les pays riches tous ces pauvres, à l’égard desquels nous avons une grande responsabilité.

M. Patrick Braouezec. Vous continuez à être dans une logique du profit !

Mme Henriette Martinez. Mais la réponse ne réside pas seulement dans l’immigration…

M. Jean-Pierre Brard. Il faut faire payer les riches !

Mme Henriette Martinez. …et, en aucune façon, dans une immigration sauvage et non maîtrisée au terme de laquelle les étrangers ne peuvent que vivre dans des conditions indignes.

M. Mansour Karmardine. Très juste !

Mme Henriette Martinez. À cet égard, permettez-moi de vous dire, chers collègues de l’opposition, que j’aurais aimé vous voir voter le budget de la coopération et de l’aide publique au développement.

M. Jean Leonetti. En effet !

Mme Henriette Martinez. J’aurais aimé que vous sachiez reconnaître l’effort qui est fait par la France en matière d’aide publique au développement.

M. Noël Mamère. L’aide à qui ? À Bongo ? L’aide aux dictateurs !

Mme Henriette Martinez. Je voudrais vous rappeler que la réponse consiste à aider tous ces malheureux à vivre sur leur territoire, dans leur pays,…

M. Bernard Roman. Il fallait augmenter le budget de la coopération !

Mme Henriette Martinez. …plutôt que de subir leur immigration dont ils sont les premiers à souffrir.

La France s’honore d’augmenter chaque année son aide publique au développement laquelle est passée, ne vous en déplaise, de 0,32 % de notre PNB en 2001 à 0,47 % en 2006.

M. Bernard Roman. C’est faux ! C’est un mensonge ! Ce n’est plus le même périmètre !

Mme Henriette Martinez. C’est une réponse à la misère, c’est une réponse au déséquilibre du monde. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Le budget concernant l’aide publique au développement a baissé !

Mme Henriette Martinez. Nous devons poursuivre notre effort. Si l’immigration choisie par la France aussi bien par ceux qui la vivront, au lieu de la subir, peut être un élément de réponse, elle ne saurait être le seul. Les pays riches s’honoreraient à considérer les causes qui conduisent autant de malheureux à se mettre sur les chemins de l’Europe plutôt qu’à dénoncer des situations qui ne sont pas acceptables.

Je fais partie de ceux qui pensent qu’une aide publique au développement est indispensable.

M. Bernard Roman. Vous l’avez diminuée. Quelle hypocrisie !

Mme Henriette Martinez. Nous devons intensifier nos efforts. Et il y a, à droite comme à gauche, des députés et des élus pour considérer qu’une plus grande solidarité mondiale est nécessaire, mais sans pour autant faire preuve d’angélisme. Nous devons au contraire faire preuve d’humanisme, de réalisme et de pragmatisme.

Je prétends que nous sommes aussi nombreux à droite qu’à gauche à avoir ces préoccupations dans la tête et dans le cœur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Il fallait augmenter le budget de l’aide au développement. C’est une honte d’entendre cela.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le budget de l’aide au développement a diminué.

M. Bernard Roman. Oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce qui est doublement criminel, parce que la situation s’est encore dégradée.

Par ailleurs, chère collègue, nous sommes un certain nombre ici, et de tous bords d’ailleurs, à défendre le co-développement. Aussi, les leçons de morale ne s’imposent-elles pas, car nous sommes tous engagés, à des titres divers, mais avec ferveur, dans cette affaire.

Vous parlez de misère, madame Martinez. Mais la faille de votre système et qui fait que le problème resurgira dans trois ans, c’est que vous allez inévitablement créer des clandestins sur notre territoire et donc des situations de misère. Tout cela parce que vous subordonnez l’obtention d’une carte de séjour à un retour dans le pays d’origine pour obtenir un visa de long séjour. Vous incitez, en quelque sorte, ces personnes à rester illégalement sur le territoire.

M. Jérôme Rivière. Vous partez du principe qu’il faut violer la loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelles que soient vos intentions, aussi pertinentes soient-elles, elles conduiront à augmenter la présence illégale d’immigrés sur le territoire français, puisque vous retirerez aux pouvoirs publics français la possibilité même d’en régulariser certains.

M. Claude Goasguen. Alors, il ne faut pas de loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ces sans-papiers n’auront ni logement, ni travail, et se retrouveront dans la misère.

En fait, cela n’empêchera pas les immigrés d’entrer dans notre pays, avec un visa touristique par exemple, mais leur retour en règle, avec ce fameux visa de long séjour, sera tout à fait aléatoire.

Je voudrais revenir sur une observation de M. Braouezec et de M. Dray sur les conditions de délivrance des titres dans les consulats. En tant que maires, nous connaissons le processus par les attestations d’accueil. À ce sujet, j’aimerais bien que les pouvoirs publics nous fassent connaître le nombre de visas délivrés sur présentation d’une attestation d’accueil. Je serais très curieux de savoir pourquoi certaines personnes n’obtiennent pas, parfois pour la sixième fois, leur visa, dans tel ou tel consulat, à Bamako ou à Cotonou, simplement pour rendre visite à leur famille.

M. Jean-Pierre Brard. Très juste !

M. Jérôme Rivière. Y a-t-il un droit immanent à venir en France ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est affolant d’entendre cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous assure, monsieur le ministre, que cela existe. Et cette réalité me pose question.

Figurez-vous que lorsque nous interrogeons les consulats à ce sujet, car nous essayons de faire notre travail, ils nous répondent que les instructions ne sont pas très claires – certains consuls ont le courage de le dire. Ils reconnaissent aussi, pour la plupart, ne pas être capables de gérer la délivrance de ces visas. Certains vont même jusqu’à dire que l’obtention de ces documents est aléatoire, ce que Julien Dray, du reste, a laissé entendre.

M. Jérôme Rivière. Calomnie !

M. Claude Goasguen. Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’aléa n’est pas la justice, monsieur le ministre. Or la réponse des pouvoirs publics et du Gouvernement, même à l’égard d’étrangers, ne saurait être aléatoire. Votre dispositif est un piège. L’impossibilité de régularisation que vous instituez est vraiment la pire des choses.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le Bouillonnec.

M. Maurice Giro. M. Le Bouillonnec n’était pas inscrit dans la discussion sur l’article !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En fait, vous contribuerez à la propagation de la misère sur notre territoire.

M. Bernard Roman. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je voudrais d’abord revenir sur les propos de Mme Martinez, qui nous a donné une leçon de géopolitique et de compassion universelle.

Mme Christiane Taubira. D’ailleurs un peu simpliste !

M. Noël Mamère. En effet, mais il est vrai que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, nous a habitués à la simplification et à la caricature. Il veut nous faire croire qu’au nom du bon sens, il peut proposer une telle loi, loi régressive s’il en est car, depuis 1937,…

M. Jérôme Rivière. Mais c’est le Front populaire !

M. Noël Mamère. …on n’avait pas connu de loi aussi dure pour l’immigration et les étrangers. Et l’on sait que cette loi de 1937 a été l’une des seules à avoir été maintenues par le régime de Vichy et Pétain. Cela en dit long sur les intentions qui sont les vôtres quant au statut des immigrés dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. En 1937, c’était le Front populaire !

M. Noël Mamère. Madame Martinez, en vous présentant comme une spécialiste des questions de développement et des inégalités entre pays riches et pays pauvres, vous oubliez de préciser que l’essentiel des migrations des plus misérables – 40 % des Africains vivent avec moins de un dollar par jour – ne se fait pas des pays du Sud vers les pays du Nord, mais à l’intérieur des pays du Sud. Faut-il vous rappeler, à la suite de mes collègues de l’opposition, que la France est l’un des pays d’Europe qui accueille le moins d’immigrés ?

M. Jérôme Rivière. On aura vraiment tout entendu !

M. Noël Mamère. En 1997, nous avons régularisé 70 000 personnes quand l’Espagne et l’Italie en régularisaient dix fois plus. Alors ne venez pas nous dire aujourd’hui que ce texte vise à introduire de la vertu en proposant davantage d’aides à ceux qui sont dans la plus grande misère. Ne venez pas nous dire des contrevérités sur l’aide au développement alors que le Gouvernement et le Président de la République n’ont pas tenu leurs engagements sur le montant de cette aide…

Mme Henriette Martinez. Si, justement !

M. Noël Mamère. …et que son périmètre a été réduit.

Comment pouvez-vous prétendre aujourd’hui que la France mène une politique d’aide au développement alors qu’elle se contente de cultiver un système qui existe depuis plus de quarante ans, la « Françafrique ». Cet argent va dans la poche de dictateurs qui sont salués par le Président de la République comme des amis. Rappelons dans quelles conditions se sont faites l’élection du fils de M. Eyadéma au Togo et les réélections de M. Bongo au Gabon.

Mme la présidente. Monsieur Mamère, veuillez conclure !

M. Noël Mamère. Rappelons l’aide que l’armée française apporte à un dictateur comme Idriss Déby.

M. Bernard Roman. M. Mamère a raison !

M. Claude Goasguen. Mis en place par François Mitterrand !

M. Noël Mamère. Pourquoi je dis cela, madame la présidente ? Parce que Mme Martinez a voulu nous donner des leçons sur les vertus de la politique de développement de la France, qui est en fait une politique d’aide aux dictateurs et non aux peuples.

Faut-il vous rappeler, madame Martinez, que beaucoup de sans-papiers et de ressortissants maliens qui vivent en France et participent à sa richesse envoient dans leur pays plus d’argent que l’État français ne le fait pas au titre de l’aide au développement ? Alors ne nous dites pas qu’en acceptant aujourd’hui qu’un certain nombre d’entre eux viennent vivre dans notre pays, nous les enfonçons un peu plus dans la misère.

L’article 2 est très révélateur de l’esprit qui guide ce projet de loi.

M. Claude Goasguen. Il est conforme à ce qui se fait dans les autres pays européens !

M. Noël Mamère. C’est un projet de loi électoraliste, c’est un texte de braconniers, qui chassent sur les terres de l’extrême-droite pour faire croire que nous sommes menacés par la tempête de l’immigration et faire de l’immigré un bouc émissaire indésirable.

M. Claude Goasguen. Absolument pas !

Mme la présidente. Monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Je termine, madame la présidente. Il n’a pas été cité par mes collègues, mais il ne faut pas oublier l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Qui est respecté !

M. Noël Mamère. Et cette convention, vous êtes obligés de l’appliquer car il existe une hiérarchie des normes juridiques en vertu de laquelle le droit européen s’impose au droit français. Demander au conjoint d’un citoyen français d’aller chercher son visa long séjour dans son pays d’origine, c’est porter atteinte au regroupement familial tel qu’il est défini dans la convention.

M. Claude Goasguen. Pas du tout !

M. Jérôme Rivière. Il s’agit du droit au respect de la vie privée et familiale. Soyez précis !

M. Noël Mamère. Faire en sorte qu’au bout de dix ans, une personne ne puisse plus être régularisée même si elle est mariée avec un Français est là encore contraire à cet article 8.

Alors dites purement et simplement que vous voulez l’immigration zéro, que vous voulez faire de nos frontières des barrières, dites que vous voulez faire du lepénisme sans l’avouer, mais ne venez pas nous donner des leçons !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !

M. Claude Goasguen. N’importe quoi !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, dernier orateur inscrit sur l’article.

M. Claude Goasguen. Je voudrais d’abord rassurer certains de mes collègues qui ont évoqué des problèmes juridiques de manière quelque peu hasardeuse.

Je répondrai d’abord à l’ancien président de la commission des lois. Il a évoqué le cas d’une femme – une Irakienne –vivant actuellement en France qui voudrait se marier dans l’avenir. Eh bien, dans l’avenir, il est évident, puisque cette loi sera votée, qu’elle devra se soumettre à la procédure de l’article 2.

M. Bernard Roman. Donc elle retournera en Irak ! Bravo !

M. Claude Goasguen. Monsieur Mamère, il ne nous a pas échappé lorsque nous avons préparé ce texte de loi que, s’agissant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, des difficultés pouvaient se poser. Toutefois, le Conseil d’État, dont nous avons sollicité l’avis, a étudié de très près le texte et ne nous a signifié aucune contradiction.

M. Bernard Roman. J’observe que, pour ce qui est de l’exemple que j’ai cité, vous m’avez donné raison.

M. Claude Goasguen. La loi s’applique. C’est une tautologie ! En revanche, monsieur Roman, la loi ne peut être rétroactive. Et si le mariage a eu lieu avant la promulgation de la loi, ce sont les dispositions antérieures qui s’appliquent : la personne que vous évoquez n’a pas à se déplacer. Cessez donc de nous faire des procès d’intention. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Mais ce ne sont pas des procès d’intention, c’est la réalité !

M. Claude Goasguen. Je vous signale aussi que le système que nous avons retenu est en vigueur au Canada, aux Etats-Unis et dans la plupart des pays européens.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. Claude Goasguen. Mais arrêtez donc de vous gargariser de la moindre chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Dans aucun pays européen cela ne se passe comme vous le dites ! Citez m’en un !

M. Claude Goasguen. Si on vous écoutait, à quoi bon faire la loi ? Vous considérez que tout obstacle à l’entrée des immigrés sur notre territoire conduit de façon inéluctable à la clandestinité. Pour vous, une loi restrictive, perverse par nature, y conduit forcément. De ce point de vue, je vous accorde une certaine continuité de pensée. Pendant la discussion de la loi Chevènement, dont nous avons débattu des nuits entières, c’est vous qui avez levé toutes les contraintes entourant le regroupement familial, les revenus et le logement. Vous étiez tellement persuadés que les restrictions entraînaient la clandestinité, que c’est à la paralégalité que vous avez abouti. Et nous avons mis des années et des années, notamment grâce à la loi de 2003, à essayer de réguler les effets d’une loi qui avait ouvert les frontières à tous les abus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Mais c’est n’importe quoi !

M. Claude Goasguen. Alors de grâce, arrêtez de nous donner des conseils !

Quant à vous, monsieur Braouzec, vous considérez que tout ce qui ne va pas dans votre sens est forcément calamiteux. Dois-je vous rappeler que nous avons le droit dans cette assemblée à ne pas être tous d’accord ? Mais je crois que vous avez parfaitement bien compris le sens de la loi : il ne s’agit pas de faciliter les entrées, mais de réguler à la baisse le flux de l’immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sarkozy le disait déjà en 2003 !

M. Claude Goasguen. Soyons clairs et nets de manière qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : nous n’avons pas l’intention d’ouvrir largement la France à l’immigration. C’est le contraire de votre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Bravo !

M. Jean-Pierre Brard. Ça se voit que Goasguen a du temps maintenant !

M. Jacques Myard. Cela peut aussi vous arriver !

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion des amendements sur l’article 2.

Je suis saisie des trois amendements identiques, nos 150, 270 et 485, visant à supprimer cet article.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Noël Mamère. Pour contredire ce que vient d’expliquer notre collègue Goasguen, je souligne que le fait de subordonner l’obtention de la carte de séjour à la détention d’un visa long séjour va encore plus loin que la loi de 2003,…

M. Jacques Myard. Heureusement !

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Noël Mamère. … déjà régressive, qui n’évoquait qu’une possibilité. Comme l’a très bien dit M. Dray, nous savons tous que pour obtenir des visas dans certains pays, notamment en Afrique, les démarches auprès des consulats sont très longues et compliquées et que cela se fait à la tête du client. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est inadmissible ! C’est scandaleux !

M. Noël Mamère. À la tête du client, tout à fait. Dans nos fonctions de député comme dans nos fonctions de maire, nous avons tous pu avoir la preuve qu’il y a des phénomènes de corruption dans certains consulats.

M. Claude Goasguen. Vous mettez en cause des fonctionnaires ! Soit vous citez des noms, soit ce sont des accusations sans fondement !

M. Noël Mamère. Vous allez créer de nouveaux clandestins, des hommes et des femmes qui refuseront à juste titre de revenir dans des pays à risque pour obtenir un visa. En outre, des hommes et des femmes pourront être victimes de la corruption de certains représentants des consulats.

M. Claude Goasguen. Vous insultez le corps diplomatique. Les consuls ne sont pas des voyous !

M. Christian Vanneste. Tout cela n’est que rumeurs et calomnies !

M. Noël Mamère. L’article 2 revient à interdire la régularisation sur place. Autrement dit, vous voulez jeter dehors des gens qui peuvent être mariés avec des Français, des gens qui peuvent être installés depuis dix ans dans notre pays et qui ont le droit au respect de leur vie privée et familiale, que leur garantit la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Jérôme Rivière. Sous réserve du bien-être économique du pays : relisez l’article 8 !

M. Noël Mamère. Non seulement, vous allez faire des clandestins mais vous allez aussi casser des familles. C’est en ce sens que votre loi est inique et immorale. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2.

M. Claude Goasguen. Ce que vous avez dit des diplomates est inadmissible !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 270.

M. Serge Blisko. Pourquoi supprimer cet article 2 ? Parce qu’il est inique et qu’il conduira à des situations dramatiques. Quant à son efficacité, elle est douteuse : il contribuera à créer plus de problèmes qu’il n’en résoudra et augmentera le nombre des clandestins.

Dans cette assemblée, ceux qui connaissent les cas concrets, qui les examinent, ceux que l’on vient solliciter dans leur permanence de député ou de maire savent combien la situation est complexe. Je reconnais bien volontiers qu’après soixante et onze révisions de l’ordonnance de 1945, nous sommes devant un chef-d’œuvre de complexité administrative. Les meilleurs avocats spécialisés – qui, par militantisme, aident ceux qui dans 99 % des cas n’ont rien – sont de ce fait placés dans d’extrêmes difficultés. L’élaboration du projet de loi et son examen en commission ont conduit à des retouches successives, et ce texte est, lui aussi, devenu un monument de complexité. Et, comme trop souvent, la complexité administrative mène à l’injustice : familles dispersées, enfants isolés de leurs parents, conjoints forcés de partir dans leur pays d’origine.

Certes, aucune menace ne pèse sur la sécurité et la vie mêmes des immigrés. Mais pensons au cas d’une femme mariée à un Français qui serait obligée de revenir dans son pays d’origine alors que son milieu et sa famille étaient hostiles à son mariage : l’obligation administrative risque de lui faire courir un nouveau danger.

Mes propos sont corroborés par l’excellent rapport de M. Mariani,…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Merci !

M. Serge Blisko. …publié très tardivement. Il ne nous a été transmis qu’hier, même s’il était, paraît-il, en ligne vendredi soir.

M. Bernard Roman. Ah non ! À vingt-deux heures dix, il n’était toujours pas disponible !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Si, il était en ligne !

M. Serge Blisko. Reportez-vous, mes chers collègues, au tableau qu’a fait établir à la page 58 de son rapport M. Mariani, qu’on ne peut pas soupçonner d’être un gauchiste irresponsable.

M. Bernard Roman. Ça, c’est sûr ! Sauf peut-être pour M. Rivière ! (Sourires.)

M. Serge Blisko. Il dresse la liste des cas de personnes entrées régulièrement avant la loi et qui devront repartir dans leur pays pour obtenir un visa.

M. Bernard Roman. Il n’est pas possible de maintenir cet article !

M. Serge Blisko. Ce tableau trahit les véritables intentions du Gouvernement, et vous ne pouvez pas dire qu’on ne fait que réguler les entrées clandestines.

M. Claude Goasguen. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Serge Blisko. Vous avez raison, monsieur Goasguen. En fait, ce texte ne vise pas à réguler mais à interdire et à verrouiller (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste), et M. Mariani le reconnaît lui-même à la page 58 de son rapport.

M. Jérôme Rivière. Vous enfoncez une porte ouverte !

M. Serge Blisko. Ce tableau est édifiant. Il est la preuve que demain des conjointes et des conjoints ne pourront pas rejoindre leur mari ou leur épouse, que des enfants ne pourront pas rejoindre leurs parents, que de vieux parents ne pourront pas rejoindre leurs enfants, …

M. Claude Goasguen. Vous avez mis du temps à comprendre !

M. Serge Blisko. …tout simplement parce que vous verrouillez.

M. Jacques Myard. C’est du Zola !

Mme la présidente. Monsieur Blisko, il faut conclure !

M. Serge Blisko. Encore un mot, madame la présidente !

Vous parlez d’immigration « choisie ». Croyez-vous vraiment que les immigrants choisiront un pays comme le nôtre qui présente un tel degré de complexité ?

Ce matin, monsieur Goasguen, nous participions ensemble à une émission de radio.

Mme Christine Boutin. Ils passent tous leur temps à la radio !

M. Serge Blisko. On nous demandait pourquoi tant de jeunes préféraient partir au Canada. Eh bien, c’est tout simplement à cause de projets de loi de ce genre qui font d’eux les parias de la France. Il en va de même des étudiants que nous formons et qui décident de partir alors que nous aurions intérêt à les garder.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 485.

M. Patrick Braouezec. Bien évidemment, je partage les arguments qui viennent d’être développés par Noël Mamère et Serge Blisko.

Avec l’article 2, nous sommes dans le vif du sujet. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là et même à cette tribune par le ministre de l’intérieur, le présent projet de loi vise bien, non à réguler, à orienter voire à choisir, mais à verrouiller.

M. Jacques Myard. Très juste ! Nous sommes d’accord !

M. Patrick Braouezec. M. Myard approuve ! Comme moi, il a bien compris de quoi il s’agit. En définitive, nous sommes en pleine hypocrisie car ce n’est pas l’intention qui est affichée. Dans les faits, on met en place un dispositif de verrouillage.

Mme Martinez nous a expliqué que toute la misère du monde serait attirée par les bonnes conditions de vie qu’offre notre pays.

M. Alain Marsaud. C’était au temps de notre modèle social !

M. Patrick Braouezec. Soyons sérieux, madame Martinez, ce n’est pas possible ! Vous savez très bien que la législation actuelle rend très difficile l’entrée irrégulière sur notre territoire, et lorsque cela se produit c’est souvent le fait de réseaux mafieux, moyennant un coût important. Mais cela est marginal.

M. Jacques Myard. Vous considérez donc qu’il ne faut rien faire !

M. Mansour Kamardine. Il faut laisser faire la mafia ?

M. Patrick Braouezec. Pas du tout ! Il faut lutter contre toutes les mafias, y compris celles qui blanchissent l’argent sale via des sociétés-écrans qui régissent aujourd’hui un certain nombre d’économies parallèles et mafieuses en Europe et que couvrent certains gouvernements. L’affaire Clearstream en est un bon exemple.

M. Claude Goasguen. Et les anciens du KGB ?

M. Mansour Kamardine. Et les morts à l’Élysée ?

M. Patrick Braouezec. Aujourd’hui, on vient en France pour y vivre avec sa famille ou pour des raisons de santé – par exemple pour accoucher dans de bonnes conditions en cas de grossesse à risque – …

M. Julien Dray. Ou pour y travailler !

M. Patrick Braouezec. … ou encore pour y travailler. Certains pays ont mis en place tout un réseau de solidarité, et M. Le Bouillonnec a cité tout à l’heure le cas du Mali. Un travailleur malien, par exemple, fait souvent vivre dans son pays entre dix et vingt personnes en envoyant tout l’argent qu’il gagne en France.

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Patrick Braouezec. C’est sûrement plus important que les programmes de codéveloppement que vous évoquiez, madame Martinez, les populations concernées ne recevant aujourd’hui aucune aide.

Créons d’abord des conditions qui permettent des politiques de codéveloppement, dressons la liste des besoins en termes économiques, de santé, d’éducation, dans les pays à forte migration et permettons des aller et retour.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Julien Dray. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mes chers collègues, je vous précise que le rapport a été mis en ligne vendredi dernier entre vingt heures et vingt et une heure.

Peut-être internet marchait-il mal là où vous étiez, monsieur Braouezec !

M. René Dosière. M. Roman dit qu’il n’était pas en ligne à vingt-deux heures dix.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est la fracture numérique ! (Sourires.)

Monsieur Braouezec, vous avez raison, il faut lutter contre les filières, mais chacun sait bien que la plupart des immigrés clandestins sont entrés légalement sur notre territoire avant de s’y maintenir illégalement.

M. Julien Dray. C’est faux, ce n’est pas ainsi que cela se passe !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je rappelle, sans esprit polémique, que le nombre de certificats d’hébergement est passé de 130 000 en 1997 à 730 000 en 2002. À mon avis, on a certainement là une source de séjours irréguliers bien plus importante que les filières mafieuses, même s’il est incontestable que celles-ci existent.

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’en viens maintenant aux amendements nos 150, 270 et 485. Le visa de long séjour est souvent qualifié de visa d’immigration ou d’établissement. Le projet de loi vise à redonner au visa de long séjour d’immigration sa vocation première : permettre aux autorités diplomatiques et consulaires de vérifier que les conditions légales de l’immigration sont réunies. Ainsi, cette obligation concerne l’ensemble des situations où la délivrance du titre de séjour est la conséquence d’un projet d’installation en France pour des raisons professionnelles ou familiales. À cet égard, je remercie M. Blisko d’avoir fait remarquer que le tableau de la page 58 les reprend de manière exhaustive.

Contrairement à ce que certains affirment, l’article 2 n’a pas pour objet de créer de nouveaux cas de personnes ni expulsables, ni régularisables. C’est pourquoi cette règle sera donc assortie de nombreuses exceptions, notamment en ce qui concerne la carte de séjour temporaire délivrée en raison des liens personnels et familiaux ou en raison de l’état de santé.

Par ailleurs, la nécessité de produire un visa de long séjour ne signifie nullement que la France renforce les conditions d’attribution des différentes cartes de séjour, mais seulement qu’elle veut se donner les moyens d’en vérifier le respect.

Trouveriez-vous normal qu’un ressortissant moldave, par exemple, étant entré régulièrement dans l’espace Schengen par la Belgique et ayant décidé de se marier en France dans les trois mois, puisse bénéficier d’un titre de séjour sans que la France n’ait pu vérifier à aucun moment son dossier ? C’est donc tout simplement une question de bon sens.

Le nouvel article L. 311-7 ne remet pas en cause le droit au séjour dont bénéficient les conjoints de Français à raison de leur mariage avec un Français, mais permettra de vérifier au préalable la réalité de l’intention matrimoniale, notamment l’absence de détournement ou le caractère forcé de l’union.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur. De plus, avec l’amendement n° 40 que je proposerai tout à l’heure et que vous avez sous-amendé, monsieur Roman, et qui donne des garanties aux conjoints de Français, l’article 2 me paraît tout à fait acceptable.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable aux amendements nos 150, 270 et 485 de suppression de l’article 2.

M. Claude Goasguen et M. Jacques Myard. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous venons d’assister à un débat passionné, alors que chacun devrait se dire qu’il a sa part de responsabilité pour limiter, autant que faire se peut, les situations de nombre de clandestins sur le territoire national. Personne ne peut se réjouir que notre pays compte autant de clandestins.

M. Noël Mamère. De sans-papiers !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il nous faut donc chercher ensemble les moyens de résoudre ce problème.

Sur plus de 1,9 million d’étrangers qui entrent en France chaque année grâce à un visa de court séjour, plusieurs dizaines de milliers y demeurent ensuite irrégulièrement. Pour remédier à cette situation, nous avons mis en place depuis le début de l’année, à titre expérimental, des visas biométriques dans cinq consulats à l’étranger. Je représentais, jeudi dernier, le ministre de l’intérieur à Luxembourg où la demande de la France a été entendue par l’ensemble de ses partenaires de l’Union européenne et plus particulièrement de l’espace Schengen, y compris les dix nouveaux entrants qui feront partie de cet espace, pour que nous puissions harmoniser et mutualiser nos moyens en matière de délivrance de visas biométriques. Ainsi, d’ici à la fin de l’année, une trentaine de consulats pourront délivrer des visas biométriques de court séjour, et, d’ici à la mi-2007, ce sont nos 200 consulats répartis dans le monde qui seront équipés et structurés pour délivrer ces types de visas. De la sorte, nous empêcherons un certain nombre d’étrangers titulaires d’un visa de court séjour de rester dans notre pays de façon irrégulière.

Reste le problème des visas de long séjour que nous essayons de régler avec l’article 2. Je comprends le sens de vos amendements, lesquels montrent bien que nous avons des raisonnements tout à fait différents. Actuellement, la France envoie un message à l’étranger qui constitue un formidable encouragement à venir dans notre pays et à y demeurer irrégulièrement.

M. Patrick Braouezec. C’est faux !

M. Richard Mallié. Arrêtez cet angélisme, monsieur Braouezec !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous devons y mettre un terme. Se placer en situation irrégulière en France aboutit souvent à y avoir des conditions de vie inhumaines.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Notre objectif est d’éviter ces situations dramatiques.

M. Noël Mamère. Au contraire, vous les aggravez !

M. René Dosière. Vous allez en créer de nouvelles !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour pouvoir venir en France et y demeurer, il faut y être autorisé, depuis son pays d’origine, par la République française via un visa de long séjour qui vous permettra ensuite de disposer d’un titre de séjour.

Monsieur Roman, vous avez pris l’exemple de cette étudiante étrangère à Lille qui épouserait un Français. À partir du moment où elle est étudiante, elle dispose d’un titre de séjour. Dès lors, elle n’est pas concernée.

M. Noël Mamère. Si !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme elle est en possession d’un titre de séjour, elle est en situation parfaitement régulière, et il n’y a aucun problème dès lors qu’elle épouse un Français.

M. Bernard Roman. Non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le problème se pose pour la personne étrangère en situation clandestine qui veut épouser un Français. Il ne lui est pas interdit de le faire, mais elle est obligée de quitter la France et de demander un visa de long séjour depuis son pays d’origine, afin de se mettre en règle. Telle sera l’exigence de la République française, et l’article 2 fixe les nouvelles conditions d’attribution des visas de long séjour.

Le Gouvernement vous invite donc à rejeter les amendements de suppression de l’article.

M. Mansour Kamardine. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le ministre, l’enjeu du débat est important car, si ce que vous venez de dire est vrai, il faut modifier le texte !

En effet, l’article 2 introduit un nouvel article dans le CESEDA qui pose comme principe qu’il est exigé un visa de long séjour pour obtenir un titre de séjour. Or un visa étudiant est un visa reconductible sous condition et temporaire. Ce n’est pas un visa de long séjour.

M. Patrick Braouezec. Exactement !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Un visa étudiant est supérieur à trois mois.

M. Bernard Roman. Lorsqu’un étudiant n’obtient pas l’ensemble des unités de valeur qui lui permettent de passer dans l’année supérieure, son autorisation de séjour est supprimée.

M. Serge Blisko. Et la mariée reste sur le quai !

M. Bernard Roman. Si l’autorisation de séjour liée au statut d’étudiant est considérée comme un visa de long séjour, reconnaissez que votre texte est imparfait. Autrement dit, pour obtenir un visa de long séjour, inutile d’en demander un au consulat : il suffit de demander un visa étudiant. La crédibilité de votre texte est en cause, permettez-moi de vous le dire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais non !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas sûr ! Mais si c’est sûr, cela signifie que le visa étudiant permet d’obtenir un titre de long séjour. Dès lors, nul besoin de demander un visa de long séjour, un visa permettant de rester plus de trois mois en France sera suffisant. Si c’est bien le cas, les moyens de contourner la législation seront considérables !

Une suspension de séance est peut-être nécessaire pour apporter une réponse à cette question essentielle.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Un visa de court séjour est, je vous le rappelle, un visa de moins de trois mois, et un visa de long séjour un visa de plus de trois mois.

M. Guy Geoffroy, vice-président. Et ce, quel que soit le statut du détenteur du visa !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour avoir une carte de séjour étudiant, il faut un visa de long séjour.

M. Julien Dray. Cela n’a rien à voir ! Ce n’est pas le même papier !

M. Bernard Roman. Quel bricolage !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’agit d’un visa de long séjour qui permet d’avoir une carte de séjour étudiant.

M. Julien Dray et M. Bernard Roman. Mais non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nos services n’ont pas la même interprétation des textes.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Madame la présidente, il vaudrait mieux, dans l’intérêt du ministre et du texte lui-même, suspendre la séance.

Jamais le titre de séjour d’un étudiant n’a été de même nature qu’un visa de long ou de court séjour. Il s’agit d’un autre titre juridique qui est lié à l’enseignement. Si ce que vous dites est vrai, monsieur le ministre, alors, vous ouvrez toutes grandes les vannes d’entrée sur le territoire. Les demandes pour venir étudier en France vont exploser, et ce sera une catastrophe !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’article 2 présenté par le Gouvernement n’est pas choquant, à une condition : ne pas adopter la mesure qui supprime la régularisation au bout de dix ans. Je comprends les passions qui s’expriment. Il n’était d’ailleurs peut-être pas opportun de présenter ce type de texte dans un contexte préélectoral.

Cela dit, la situation actuelle est choquante. Je reçois régulièrement dans ma permanence des étrangers, et aucun ne m’a jamais dit être entré par une filière clandestine. Ils étaient tous, à leur arrivée, munis d’un visa de tourisme et, le temps passant, ils en sont venus à considérer que leur maintien en France n’était pas illégal. Tous les étrangers que j’ai vus, et j’en ai vu beaucoup, pouvaient produire un visa, délivré dans l’espace Schengen, surtout par l’Italie, ou par l’administration française.

On peut considérer comme choquant qu’il suffise de rester sur le territoire français après l’expiration d’un visa de tourisme pour obtenir de plein droit, sans avoir à faire un aller-retour, un titre de long séjour.

Mme Christine Boutin. Même pour se marier ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela étant, sachant que la personne qui est entrée demande sa régularisation quatre, cinq ou six ans après, le système en vigueur n’est pas le pire dans la mesure où il évite l’accumulation des « stocks », dont je crains la reconstitution. Il faut donc garder une possibilité de régularisation après dix ans de séjour en France.

M. Claude Goasguen. Non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je connais des gens qui n’ont pas d’autre espoir de régularisation.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir avec le sujet !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si, monsieur Goasguen, les deux problèmes sont totalement liés ! Si vous exigez d’un étranger entré avec un visa touristique, que vous découvrez cinq ou six ans après, qu’il retourne dans son pays pour avoir un titre de séjour, cela revient – pour dire les choses clairement – à l’expulser.

M. Claude Goasguen. Exactement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Regardez donc la réalité en face ! Le ministre de l’intérieur lui-même nous a invités à ne pas nous opposer et comprendre comment définir une politique de l’immigration durable.

M. Claude Goasguen. Du calme !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne pense pas que vous soyez le mieux placé pour le demander...

Tenons-en à la ligne de conduite du ministre de l’intérieur.

Autant je me refuse à l’idée de régulariser immédiatement les personnes qui demandent à l’être après cinq ou six ans de résidence en France, autant il faut être conscient qu’elles ne retourneront jamais d’où elles viennent. Sur 100 000 arrêtés d’expulsion prononcés chaque année dans notre pays, il y a 20 000 reconduites à la frontière et le stock de clandestins s’accroît de la différence.

M. Jacques Myard. Nous allons faire des efforts pour réduire le stock !

M. Jean-Christophe Lagarde. En Seine-Saint-Denis, la préfecture s’est fixée cette année comme objectif 800 expulsions d’étrangers en situation irrégulière. Pensez-vous sincèrement qu’ils ne sont pas plus nombreux ? Ne trouvez-vous pas normal qu’ils aient une chance de régularisation à un moment donné ?

M. Jérôme Rivière. C’est une prime à la clandestinité !

M. Jean-Christophe Lagarde. Certes, il ne faut pas encourager ceux qui arrivent avec un visa de tourisme et qui restent en les régularisant facilement, mais supprimer toute possibilité de régularisation au bout de dix ans – il est là le lien, monsieur Goasguen – ne fera qu’empirer la situation dans la mesure où on n’a pas les moyens d’expulser ces étrangers.

M. Jacques Myard. Nous allons faire des efforts en la matière !

M. Jean-Christophe Lagarde. En revanche, s’agissant du visa étudiant, je ne vois pas quel est le problème. M. Dray a raison, les deux visas sont différents, mais un visa étudiant est nécessairement supérieur à trois mois.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai. Mais il est question d’un visa pour un séjour « d’une durée supérieure à trois mois » et non d’un visa « de long séjour ».

Le ministre a raison quand il dit que le visa étudiant est supérieur à trois mois. Cela étant, monsieur Roman, vous mettez le doigt sur un point qui pourrait être gênant : le visa étudiant donne potentiellement le droit à un titre de long séjour.

M. Julien Dray. La carte d’étudiant n’est pas un titre de séjour !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la présidente, je ne peux pas laisser le débat prendre cette tournure. L’article 2 a pour objectif de sortir de la clandestinité un certain nombre d’étrangers qui profitent de la législation actuelle pour s’installer clandestinement en France.

J’ai expliqué comment nous nous étions mis d’accord avec l’Union européenne pour régler les cas des clandestins entrés avec un visa de court séjour, c’est-à-dire un visa de moins de trois mois. À partir du moment où l’étranger, étudiant ou pas, dispose d’un visa de long séjour, il est clairement identifié et il n’est pas dans la clandestinité. Le seul objectif de l’article 2, c’est de clarifier certaines situations et de dissuader enfin les étrangers qui considèrent que les dispositions applicables sont suffisamment laxistes et attractives pour venir en France sans les autorisations nécessaires et y demeurer clandestinement. Nous ne voulons plus de ça !

Il s’agit d’afficher clairement que les visas biométriques de court séjour ne permettront plus à personne de passer au travers les mailles du filet. Les titulaires de visa de plus de trois mois, quel que soit leur statut, ne sont pas concernés. Les choses sont claires !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Un visa de plus de trois mois est un visa de long séjour, monsieur Dray. Pour avoir un titre de séjour étudiant, il faut avoir préalablement obtenu un visa de long séjour. La seule exception est celle prévue par l’article L. 313-7 du code des étrangers et selon laquelle « En cas de nécessité liée au déroulement des études, et sous réserve d’une entrée régulière en France, l’autorité administrative peut accorder cette carte de séjour même en l’absence du visa de long séjour requis. » Cela signifie clairement que l’étranger détenteur d’une carte d’étudiant n’est pas obligé de retourner chez lui pour obtenir un titre de séjour.

M. Julien Dray. Si !

M. Bernard Roman. Autrement dit, vous vous contredisez !

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J’interviens car le ministre de l’intérieur a beaucoup insisté sur la nécessité du débat. Il a déclaré qu’il était prêt à entendre les différentes positions, et je suis consciente de ne pas représenter la majorité du groupe auquel j’appartiens.

M. Bernard Roman. Hélas !

Mme Christine Boutin. La réponse de M. Mariani semble répondre à mon interrogation car, au départ, j’avais la même interprétation que M. Roman sur le problème du visa de long séjour.

L’article 2 entraîne l’obligation de présenter un visa de long séjour pour accéder à un titre de séjour, ce qui, pour moi, revient à obliger le conjoint de Français qui serait dépourvu d’autorisation de séjour – ce qui peut arriver – à retourner dans son pays d’origine pour obtenir un visa de long séjour. Une telle disposition impliquerait une séparation du couple, pendant une durée impossible à déterminer étant donné les difficultés à obtenir un tel visa, alors que la délivrance du titre est subordonnée à la communauté de vie.

M. Claude Goasguen. Mais le mariage n’a pas encore eu lieu !

Mme Christine Boutin. Par ailleurs, cela imposerait des frais importants autant qu’inutiles, voire empêcherait le retour en France de ceux qui courent des risques dans leur pays d’origine. Toutes ces difficultés ont été évoquées précédemment.

Pour ma part, je m’interroge sur les conséquences de cet article notamment sur le mariage. J’aurai l’occasion d’y revenir plusieurs fois – à gauche comme à droite, vous ne serez pas surpris que je défende l’institution du mariage.

Tout en ne soutenant pas les amendements de suppression de l’article 2, j’avais à l’origine la même interprétation que M. Roman des dispositions relatives à la carte de long séjour : la réponse du rapporteur en la matière me paraît satisfaisante.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vous remercie.

Mme Christine Boutin. Toutefois, je défendrai un amendement de repli.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Madame la présidente, je tiens de nouveau à poser mes deux questions, après quoi je demanderai une suspension de séance en vue de vérifier, notamment dans le code administratif, la nature précise du statut étudiant, lequel, à en croire M. Mariani, permettrait l’obtention rapide d’un titre de séjour sans visa de long séjour, en vertu de l’exception qu’il a citée.

Quoi qu’il en soit, toutes ces incertitudes montrent bien que ce texte n’a manifestement pas fait l’objet d’un travail suffisamment approfondi et que la motion de renvoi en commission présentée par M. Braouezec était pleinement justifiée.

Première question de clarification : la personne qui s’est mariée avec un Français en étant titulaire d’un visa étudiant est-elle dispensée de l’obligation, posée à l’article 2, de disposer d’un visa long séjour ? Je le répète, il faut clarifier ce point. Si la réponse est oui, …

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est le cas !

M. Bernard Roman. …tant mieux pour les étudiants, mais tant pis pour vous, car les demandes de visas d’étudiants exploseront dans les années à venir, puisque ce sera devenu le seul moyen de s’installer en France d’une manière durable. J’imagine que vous avez évidemment anticipé les conséquences d’une telle possibilité !

Seconde question : une personne qui vient en France avec un visa touristique et qui s’y marie se retrouve-t-elle dans la même situation que l’étudiant ou l’étudiante précédemment évoqués ou l’obligera-t-on à retourner dans son pays pour obtenir un visa de long séjour ? Je prends l’exemple d’une Irakienne détenant un visa de trois mois qui se marie avec un citoyen français : l’obligera-t-on à retourner en Irak chercher auprès du consulat de France un visa de long séjour ? Si la réponse est oui, cette disposition est indigne de la République française ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je conçois, monsieur Roman, que vous jugiez une telle obligation indigne des valeurs qui sont les vôtres, et j’en suis désolé : mais nous sommes aujourd’hui confrontés à une utilisation souvent frauduleuse du mariage par des titulaires de simples visas touristiques, lesquels, je tiens à le rappeler, sont d’une validité inférieure à trois mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas vrai !

M. Noël Mamère et M. Julien Dray. Vous exagérez !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les statistiques le démontrent !

M. Patrick Braouezec. Montrez-les nous !

M. Bernard Roman. Ce que vous dites est faux !

M. Julien Dray. Dans de tels cas, le maire refuse de prononcer le mariage !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous me posez une question, monsieur Roman : j’y réponds !

Selon toute évidence, un visa touristique n’est pas destiné à autoriser un étranger à demeurer de façon permanente en France, même après mariage avec un citoyen français. La personne concernée sera donc dans l’obligation de retourner dans son pays en vue d’essayer d’y obtenir un visa de long séjour…

Mme Annick Lepetit. « Essayer » : c’est le mot !

Mme la présidente. Laissez le ministre s’exprimer !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …auprès de notre consulat : telles sont les règles que nous vous proposons d’inscrire dans la législation de la République française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Les étrangers concernés vont rester, vous le savez bien !

M. Julien Dray. Et ils deviendront des clandestins !

M. Bernard Roman. C’est l’aveu flagrant que vous fabriquez de l’illégalité en toute connaissance de cause !

Mme la présidente. Monsieur Roman, vous vous êtes déjà exprimé sur le sujet et M. le ministre vous a répondu.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je tiens simplement à appeler l’attention de MM Dray et Roman, dont je ne mets pas en doute la bonne foi, sur le fait que les dispositions relatives à la carte d’étudiant que j’ai citées figurent à la sous-section 2 du chapitre III, intitulé : « La carte de séjour temporaire », au titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Par définition, un long séjour n’est pas un séjour temporaire !

M. Julien Dray. Tout le monde demandera des cartes d’étudiant !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. L’explication de M. Mariani ne réussit manifestement à convaincre personne ! La suspension de séance ne sera donc pas inutile. Toutefois, je tiens auparavant à préciser un point.

M. Estrosi nous a très clairement affirmé à deux reprises que l’objectif du présent projet de loi est de résorber la clandestinité.

M. Claude Goasguen. Oui !

M. Patrick Braouezec. Or il y a deux façons de résorber la clandestinité.

M. Jacques Myard. Nous serions heureux de connaître la vôtre !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. C’est la résorption par appel d’air !

M. Patrick Braouezec. On procède d’une part à la régularisation des personnes qui méritent de rester sur le territoire français, d’autre part au renvoi de celles qu’on ne juge pas en situation de rester. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Or, ce que vous allez créer dans le cadre de l’article 2, ce sont de nouveaux clandestins, de nouveaux sans-papiers !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais non !

M. Patrick Braouezec. Mais si ! Mme Boutin, dont je ne partage pas toutes les valeurs – encore que… –,…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Sa référence, maintenant, c’est Mme Boutin !

M. Claude Goasguen. Pacsez-vous !

M. Patrick Braouezec. …a eu raison d’insister sur le fait que, dans la majeure partie des cas, une personne en situation irrégulière, dont son mariage en France ne lui aura pas permis d’obtenir sa régularisation, ne retournera de toute façon pas dans son pays d’origine. Nous le savons tous ! Pourquoi, en effet, le ferait-elle, puisqu’elle sait très bien qu’elle ne pourra pas revenir en France, du fait qu’il lui sera impossible de remplir les conditions d’obtention du visa de long séjour ?

Ainsi, vous allez séparer des couples dès le début de leur mariage ! Est-ce cela que voulez-vous réellement ? Est-ce cela simplifier la vie des gens, qu’on soit Français ou immigré ? Car n’imaginez surtout pas, monsieur Estrosi, que vous réussirez à opposer les uns aux autres et à faire croire à nos compatriotes que leurs difficultés ont pour origine les situations que vous avez évoquées et qui sont, en réalité, tout à fait marginales.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Bernard Roman. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Nous traitons d’une question essentielle ; en témoignent le trouble qui agite les parlementaires et les interrogations de la commission et du Gouvernement.

D’après les éléments qui nous ont été communiqués, il semble que, sous réserve des exceptions prévues à l’article 2,…

M. Yves Bur. Ça commence bien !

M. Bernard Roman. …permettant à l’autorité administrative d’attribuer, dans certains cas, minoritaires, je l’avoue, des cartes d’étudiant à des personnes qui ne disposent pas d’un visa long séjour, la plupart des titres de séjour d’étudiants soient liés à des visas long séjour dont la durée court naturellement jusqu’à la fin des études.

Si l’on applique à la lettre l’article 2, cela signifie que ce titre de séjour étudiant accolé à un visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, ne nécessitera en aucun cas le retour au pays de son détenteur pour demander un autre visa.

J’attire donc votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que pour toutes les catégories d’étrangers, l’obtention d’un visa de long séjour sera indispensable pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire – toutes les catégories à l’exception des étudiants qui auront déjà, eux, un visa long séjour.

M. Bernard Schreiner. Quelle confusion !

M. Bernard Roman. Je suppose que vous avez pris en compte cette considération.

Prenons l’exemple d’un Français qui souhaite faire venir son épouse, jeune femme qui réside au Sénégal, titulaire du baccalauréat. Elle sait bien que le regroupement familial est difficile à obtenir. En revanche, elle peut peut-être demander et obtenir une inscription à l’université de Bordeaux. Elle n’aura dès lors plus besoin de demander un visa long séjour pour regroupement familial.

Je souhaite simplement attirer votre attention sur la façon dont cet article semble avoir été quelque peu bricolé dans un seul souci d’affichage idéologique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. À l’évidence, les auteurs de ces amendements essaient de semer un certain trouble.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Évidemment !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais personne, sur les bancs de la majorité, ne se sera laissé troubler.

Je le répète, l’objectif est que notre pays cesse de fabriquer des personnes qui s’y installent clandestinement et durablement.

M. Gilbert Meyer. Oui : qu’il cesse d’être une passoire !

M. Bernard Roman. Vous allez provoquer tout le contraire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous y avons pourvu d’abord par les nouvelles dispositions sur les visas touristiques biométriques de moins de trois mois dans le périmètre Schengen, telles que validées par l’Union européenne, puis par cet article 2, dont je sais bien qu’il heurte vos conceptions, mesdames et messieurs les députés de l’opposition : vous voulez, vous, que notre pays offre à tous ceux qui le souhaitent la possibilité d’y demeurer sans autorisation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur. Eh oui ! Avec vous, c’est portes ouvertes !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Telle n’est pas notre conception.

L’article 2 prévoit donc que, pour demeurer dans notre pays de manière régulière, il faut obtenir auprès d’un de nos consulats dans le pays d’origine un visa de long séjour de plus de trois mois. Vous avez voulu saisir le prétexte des visas délivrés aux étudiants, en sous-entendant que la situation serait alors différente. Selon vous, un visa qui permettrait de bénéficier d’une carte de séjour pour étudiant n’aurait pas la même valeur qu’un visa de long séjour.

Or, une circulaire relative à la procédure d’instruction des demandes de visa de long séjour pour études a été adressée le 16 janvier 2006 à Mmes et MM. les chefs de postes diplomatiques et consulaires.

M. Bernard Roman. Nous l’avons ici et nous la connaissons fort bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Elle est signée par M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, par M. le ministre des affaires étrangères et par M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Toutes les clauses y sont détaillées : critères d’instruction à mettre en œuvre, critères généraux, critères spécifiques, niveau atteint par les candidats dans leur cursus universitaire, qualité du cursus antérieur, cadre institutionnel dans lequel les candidats organisent leur projet de mobilité, prise en compte des compétences linguistiques, conditions de mise en œuvre des critères d’instruction… Sans l’autorisation et sans la délivrance d’un visa de long séjour pour études par nos consulats, les étudiants étrangers ne peuvent venir suivre leurs études en France et se voir délivrer une carte de séjour pour étudiant. La réponse est donc très claire : après l’adoption de l’article 2, il n’y aura plus de possibilité pour quiconque de se mettre en situation irrégulière sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Braouezec. Je n’ai rien compris !

Mme la présidente. Je vais maintenant donner la parole à M. Dray, pour une minute. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani, rapporteur, et M. Claude Goasguen. Au vote, madame la présidente !

Mme la présidente. Une minute, et nous passons au vote.

Vous avez la parole, monsieur Dray.

M. Julien Dray. Sans doute suis-je celui d’entre nous qui a siégé le plus longtemps, comme député, pour débattre de textes relatifs à l’entrée et au séjour des immigrés.

M. Claude Goasguen et M. Yves Bur. Non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je pense avoir passé au moins autant d’heures que vous sur ces bancs à discuter de ces problèmes, monsieur Dray !

M. Julien Dray. Nous n’allons pas entrer en concurrence sur ce point, monsieur le ministre ! (Sourires.) L’important est que, chaque fois qu’on a débattu de ces questions, la discussion a achoppé sur des cas particuliers qui ont mis en lumière la complexité des systèmes qui se mettaient en place et les difficultés d’application qui en résultaient. C’est bien ce cas de figure qui se présente à nous.

Laissons là les déclarations selon lesquelles les uns voudraient que les immigrés entrent massivement et les autres voudraient fermer les frontières : vous êtes vous-mêmes obligés de revenir régulièrement sur vos propres lois. Vous avez vécu comme moi, monsieur Estrosi, l’épisode fameux des lois Debré II venant invalider les lois Debré I, dont on s’était aperçu qu’elles étaient inopérantes.

Le fond de l’affaire, c’est que vous voulez durcir les conditions d’attribution de la carte de séjour, estimant que ces conditions sont aujourd’hui détournées. Pour ce faire, vous choisissez de renvoyer tous les demandeurs dans leur pays d’origine, où les consulats, par le biais de la procédure d’obtention des visas, opéreront un filtrage. Mais vous mettez à part un titre de séjour, celui qui concerne les étudiants : ceux-ci ne rentrent plus dans cette catégorie. Dès lors, voici ce qui va se passer : en fermant une porte, en créant une difficulté terrible pour l’attribution de la carte de séjour, vous reporterez en fait tout le problème sur la question des titres de séjour pour études.

M. Claude Goasguen. Mais non ! Nous changeons de système !

M. Julien Dray. La faille de votre dispositif, c’est le pouvoir discrétionnaire que vous avez sur l’attribution des cartes d’étudiant, lesquelles évitent de passer par le système des visas. Pour contourner le système que vous voulez mettre en place, à savoir la nécessité d’avoir obtenu un visa pour obtenir une carte de séjour, il faut donc avoir une carte d’étudiant.

M. Bernard Schreiner. Vous ne voulez pas comprendre !

M. Julien Dray. C’est sur ce point que toutes les difficultés vont se reconcentrer. Comme on peut aujourd’hui contourner la loi sur les visas, vous allez fabriquer à nouveau des dispositions juridiques qui engendreront encore plus de complexité et reporteront les problèmes sur la question des cartes d’étudiant.

Voilà pourquoi votre système ne marchera pas.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 150, 270 et 485.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 152 et 252.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 152.

M. Noël Mamère. On peut considérer que c’est un amendement de repli.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois, et M. Thierry Mariani, rapporteur. Non ! C’est un amendement de suppression sous une autre forme.

M. Noël Mamère. Vous subordonnez l’obtention de la carte de séjour à l’attribution d’un visa de long séjour. Nous voulons pour notre part revenir à la loi de 2003, qui prévoyait que cette attribution « peut » être soumise à une telle condition.

Au nom d’une lutte obsessionnelle contre les clandestins, vous êtes en train de fabriquer encore plus de clandestins, monsieur le ministre. Vous nous expliquez que le but de l’article 2 est qu’il n’y ait plus d’immigrants irréguliers en France, mais vous voulez en fait chasser un certain nombre de gens de notre pays et opposer de nouveaux obstacles à ceux qui veulent y vivre en famille. À y bien regarder, il sera plus facile à un couple composé d’une Espagnole et d’un Allemand de vivre en France, qu’à une étrangère mariée à un Français. Avouez que c’est assez extravagant !

M. Bernard Roman. C’est le comble !

M. Noël Mamère. Votre loi est un bricolage idéologique. À en juger par les difficultés que vous avez éprouvées à répondre, pendant plus d’une heure et quart, aux questions que nous vous avons posées, on peut se convaincre que ce n’est là qu’un texte d’affichage, de communication.

M. Richard Mallié. Provocateur !

M. Noël Mamère. Du reste, vous l’avez élaboré sans même attendre que tous les décrets d’application de votre loi de 2003 soient publiés. Incapable de juger de l’impact d’une première loi, pourtant très dure, sur l’immigration et le séjour des étrangers, vous vous lancez pourtant dans la discussion d’un deuxième texte à quelques mois de l’élection présidentielle. Cela ressemble plus à de la communication qu’à de la politique !

M. Serge Blisko. C’est cousu de fil blanc !

M. Richard Mallié. En ce domaine, vous êtes une référence, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Gardez-vous donc de nous donner des leçons ! Vous dites que nous sommes passionnés, mais c’est vous qui suscitez les passions sur ce sujet qui est difficile et qui mérite mieux que les raccourcis et les ambiguïtés dont vous usez depuis le début du débat parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l’amendement n° 252.

Mme Christine Boutin. Cet amendement de repli fait écho à toutes les interrogations soulevées depuis le début de la discussion. Nous touchons là à la personne humaine : il est très difficile de réglementer l’amour. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Prétendre tout mettre en code est absolument impossible. C’est une démarche vouée à l’échec.

M. Bernard Roman. Écoutez bien, monsieur le ministre !

Mme Christine Boutin. Je sais que l’on peut soutenir un point de vue inverse, mais je pense pour ma part que les orientations prises dans l’article 2 auront pour conséquence de gonfler encore les rangs des sans-papiers. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste.) L’obligation de détenir un visa de long séjour va mettre certaines personnes dans des situations impossibles, qu’il s’agisse du coût à supporter, du risque politique encouru, ou encore du sort réservé aux femmes dans certains pays. Ces personnes, quand elles sont par exemple mariées à un Français tout en étant en situation irrégulière, préféreront rester dans l’irrégularité plutôt que de prendre le risque de retourner dans leur pays d’origine pour obtenir un visa de long séjour.

Ce n’est pas parce que je défends, pour une fois, un amendement identique à celui de M. Mamère, avec qui je partage peu de choses (Sourires),…

M. Noël Mamère. Mais quelles choses !

Mme Nadine Morano. Vite, pacsons-les !

Mme Christine Boutin. …que nous ne pouvons pas avoir raison ! J’ai déposé trente-cinq amendements, si bien que je risque de me trouver souvent dans cette situation de complicité objective avec M. Mamère. Mais, après tout, d’autres pays européens nous montrent que ce type d’alliance peut fonctionner. (Sourires.)

M. Noël Mamère. Merci, madame Boutin !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 152 et 252 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je remercie M. Mamère d’avoir reconnu que le débat a déjà eu lieu. Ces deux amendements ne sont ni plus ni moins que de nouveaux amendements de suppression rédigés différemment. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Claude Goasguen. Bien sûr ! C’est le retour à la loi de 2003 !

M. Noël Mamère. Mais non ! Nous voulons substituer une possibilité à une obligation !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Les explications ayant déjà été données et la circulaire rappelée, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. le rapporteur a parfaitement raison : on en revient à la démarche des trois amendements de suppression.

Mme Christine Boutin. Ce n’est pas dans cet esprit-là que j’ai déposé l’amendement n° 252 !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’est pas interdit à un étranger, fût-il clandestin, de se marier avec un Français. S’y opposer serait contraire à la Constitution.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À la Convention européenne des droits de l’homme, surtout !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Simplement, un visa de long séjour est exigé pour pouvoir vivre en France. Vous faites allusion à un débat transversal, récurrent dans de nombreux pays de l’Union européenne, madame Boutin. Or, dans la plupart des grandes démocraties de l’Union, la législation est exactement la même que celle que nous proposons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est notamment le cas au Royaume-Uni, en Allemagne,…

M. Claude Goasguen. Où la disposition a été votée par la gauche, d’ailleurs !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et en en Espagne.

M. Patrick Braouezec. Cela fait trois pays sur vingt-cinq !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Dont deux et demi sont gouvernés par la gauche, tout de même !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous ne faisons ni plus ni moins que nous mettre en conformité avec les législations en matière de visas de long séjour qui sont déjà appliquées depuis longtemps par ces pays.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, madame Boutin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J’ai bien entendu vos propos, monsieur le ministre délégué. Je vais retirer l’amendement, car je fais partie de la majorité et je suis une femme loyale, comme le ministre d’État l’a d’ailleurs reconnu tout à l’heure.

Je tiens cependant à préciser qu’il n’a jamais été dans mon intention d’obtenir, par des moyens détournés, la suppression de l’article 2. Je vous demande de croire en ma sincérité : à mes yeux, l’amendement n° 252 était un amendement de repli.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je n’en doute pas.

M. Bernard Roman. Bien sûr que c’est un amendement de repli !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Mais non, c’est le retour au droit en vigueur !

M. Julien Dray. Pour obtenir la carte de séjour, il faut revenir dans son pays d’origine !

Mme la présidente. Veuillez laisser Mme Boutin s’exprimer.

Mme Christine Boutin. Je ne sais pas quelle est, en ce domaine, la législation en vigueur au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne. Elle est sans doute telle que vous l’avez décrite, je vous fais confiance. Mais ce que j’aimerais savoir, c’est comment elle peut être appliquée.

M. Patrick Braouezec. Exactement !

Mme Christine Boutin. Un homme et une femme qui ont envie de se marier…

M. Patrick Braouezec. Se marient ! Ils se marient, mais ne peuvent pas rester ensemble !

Mme Christine Boutin. Ils se marient, mais l’un d’entre eux doit faire la demande d’un visa de long séjour, ce qui implique un retour dans le pays d’origine. Faudra-t-il, par exemple, qu’une femme retourne dans son pays, même si elle risque d’y être lapidée ?

M. Patrick Braouezec. Voilà !

Mme Christine Boutin. Je me pose la question. Cela étant, afin de montrer ma solidarité avec le groupe, je retire mon amendement.

M. Bernard Roman. Je le reprends !

Mme la présidente. L’amendement n° 252, retiré, est repris par le groupe socialiste. Monsieur Mamère, maintenez-vous l’amendement n° 152 ?

M. Noël Mamère. Non seulement je le maintiens, mais compte tenu de l’identité de nos vues, je serais même prêt à reprendre celui de Mme Boutin.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est le même !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ridicule !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite également le reprendre. Certes, j’ai voté contre la suppression de l’article 2, mais l’amendement de Mme Boutin ne revient pas à supprimer celui-ci. Il préserve par exemple la nouvelle carte de séjour « compétences et talents », une innovation qui me paraît intéressante.
Pour le reste, monsieur le ministre, comment les étrangers concernés, une fois mariés, pourraient-ils obtenir un visa de long séjour dès lors qu’ils ne rempliront plus, du fait de la séparation d’avec leur conjoint, la condition exigée de vie commune ? La nécessité de retourner dans le pays d’origine entraîne, de fait, cette séparation.

Mme Christine Boutin. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. La seule solution serait que le préfet délivre une carte de séjour « vie privée et familiale », mais ce serait déjà une façon de contourner la disposition. Ainsi, si la production d’un visa n’est pas facultative, la mesure sera peut-être un message adressé aux étrangers désireux de se marier, mais elle ne pourra pas vraiment s’appliquer.

Il me paraît préférable d’écrire « peuvent être » plutôt que « sont ». La décision serait alors remise au pouvoir discrétionnaire du préfet, qui saura tenir compte de la situation.

M. Braouezec jugeait tout à l’heure que les mariages de complaisance destinés à obtenir des titres de séjour sont une pratique marginale. Je ne le pense pas. À Drancy, on observe qu’un quart des mariages sont manifestement frauduleux. D’ailleurs, les enquêtes de suivi social montrent que de nombreuses femmes se retrouvent seules une fois que leur conjoint a obtenu un titre de séjour.

M. Patrick Braouezec. Un quart ?

M. Yves Bur. C’est énorme !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est ce que nous observons depuis cinq ans, monsieur Braouezec : un quart des mariages entre Français et étrangers en situation irrégulière sont frauduleux.

M. Julien Dray. Pas un quart des mariages célébrés !

M. Jean-Christophe Lagarde. Bien entendu : seuls ces mariages posent un problème. Or, un quart, ce n’est pas marginal. Si cette proportion concernait des suffrages, vous ne la trouveriez pas marginale…

En cas de soupçon, nous dit M. Dray, il suffit au maire de s’opposer au mariage. Mais il ne le peut pas !

M. Julien Dray. Il peut saisir le préfet !

M. Jean-Christophe Lagarde. Non, monsieur Dray. Je suis maire, et je sais de quoi je parle, pour avoir été confronté de nombreuses fois à de telles situations.

M. Julien Dray. Vous ne faites pas votre job !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si : j’écris au procureur de la République. Mais si celui-ci, après enquête, conclut que rien ne s’oppose au mariage, je dois procéder à la célébration, faute de quoi des associations m’accuseraient de discrimination et de racisme.

M. Yves Bur. Exact !

M. Jean-Christophe Lagarde. La semaine dernière, j’ai eu à connaître le cas d’une jeune fille de vingt-deux ans, manifestement faible d’esprit, …

Mme Marylise Lebranchu. Il ne faut pas dire cela !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Cela existe !

M. Yves Bur. Il faut regarder la réalité en face !

M. Jean-Christophe Lagarde…qui s’apprêtait à se marier avec un clandestin. J’ai donc réclamé une enquête au procureur, comme il était de mon devoir d’officier d’état-civil.

M. Yves Bur. Tout à fait ! Voilà un maire qui sait de quoi il parle !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce dernier m’a affirmé qu’il n’y avait aucun problème. Or, la veille de la célébration, l’Aide sociale à l’enfance ordonnait de retirer son enfant à la future épouse, qui venait d’accoucher quelques jours auparavant – et c’était le troisième enfant qu’on lui retirait. J’ai donc saisi à nouveau le procureur de la République qui, cette fois, a interdit le mariage. C’est dire le sérieux avec lequel sont réalisées les enquêtes !

M. Richard Mallié. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est dire aussi la difficulté pour un maire de s’opposer aux mariages. En adoptant l’amendement de Mme Boutin, nous donnerions aux préfets la faculté de distinguer les cas de fraude.

M. Julien Dray. De telles situations arrivent une fois tous les vingt ans !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En tant que législateurs, nous connaissons l’importance du choix des mots. L’amendement de Mme Boutin, qui remplace le mot « sont » par les mots « peuvent être », est clairement un amendement de repli.

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Jérôme Rivière. C’est un retour au droit existant !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais il a l’avantage de laisser la main aux pouvoirs publics, …

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …dans des situations où, de toute façon, les étrangers concernés resteront sur le territoire. Le caractère irrévocable de la mesure n’est pas, en effet, une garantie d’éloignement, bien au contraire ! N’imaginez pas qu’ils repartiront dans leur pays d’origine chercher un visa de long séjour, au risque de ne pas l’obtenir, alors que c’est dans notre pays qu’ils veulent vivre. Ils préféreront faire le choix d’une clandestinité totale pour de nombreuses années.

Il paraît plus pertinent de donner aux pouvoirs publics les instruments nécessaires pour régler chaque situation, et c’est ce que permet l’amendement de Mme Boutin. Certes, l’appréciation portée par les autorités sur un cas particulier est toujours critiquable, mais elle rend la décision finale plus légitime aux yeux de la personne concernée. En outre, une loi que les pouvoirs publics n’ont pas les moyens d’appliquer est plus dangereuse qu’une loi qui leur laisse un pouvoir d’appréciation.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement de repli remplace une obligation par une possibilité, avec tout ce que cela peut avoir de discrétionnaire ou d’arbitraire. Mais comme mon collègue Le Bouillonnec, il me paraît préférable car il ouvre la voie à un règlement des cas humainement difficiles.

Le choix de certains exemples peut contribuer à tordre la réalité. Certes, je ne conteste pas le chiffre cité par Jean-Christophe Lagarde, même si je reste persuadé que les mariages frauduleux sont marginaux par rapport aux mariages entre Français et étrangers – ces derniers fussent-ils en situation irrégulière – simplement motivés par l’amour et le désir de vivre ensemble.

M. Yves Bur. Vingt-cinq pour cent !

M. Patrick Braouezec. Selon M. Lagarde, les mesures de suivi social laissent apparaître qu’un quart des mariages célébrés entre Français et clandestins sans papiers ne débouchent sur rien. Outre que je ne vois pas au nom de quoi on peut porter un tel jugement, j’observe qu’il faudrait réaliser la même enquête pour les mariages entre Français. Peut-être y observerait-on le même nombre d’échecs, ce qui relativiserait la réalité des mariages de complaisance.

M. Yves Bur. Vous êtes naïf !

M. Patrick Braouezec. Pourquoi l’amour serait-il plus durable dès lors qu’une des personnes concernées est en situation irrégulière ? Doit-on, en ce domaine, être plus exigeant à leur égard ? Je rappelle qu’en Île-de-France, un divorce sur deux a lieu durant les trois premières années de vie commune.

M. Thierry Mariani, rapporteur et M. Jean-Christophe Lagarde. Non, dans les cinq premières années !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je voudrais rappeler les raisons pour lesquelles le groupe socialiste reprend l’amendement de Mme Boutin. À mon tour, je trouve que cet amendement de repli, en remplaçant une obligation par une possibilité, constitue un moindre mal dans ce contexte de méfiance généralisée à l’égard des étrangers. Laissons l’administration apprécier, de façon dépassionnée, l’opportunité de réclamer un visa de long séjour, ce qui implique pour la personne concernée des démarches particulièrement hasardeuses.

Ce texte conduit à un contrôle subjectif de la profondeur des liens affectifs entre un homme et une femme, dont l’un d’entre eux a pour seul tort de n’être pas Français.

Une inquisition, une suspicion se mettent alors en place et un regard tout à fait étonnant est porté sur ces personnes. Comme l’expliquait à l’instant Patrick Braouezec, on ne demande pas cela aux couples franco-français.

M. Yves Bur. Quelle naïveté !

M. Serge Blisko. Mon expérience non d’élu, mais de médecin et de psychothérapeute de couple, me permettrait de dire encore beaucoup de choses ! Mais ne revenons pas sur ce sujet. Chacun ne va pas faire état de son expérience professionnelle !

Le droit et l’amour n’ont pas grand-chose à voir ensemble. J’ai apprécié sur ce point les propos de Mme Boutin. Mais allons plus loin et admettons que l’on remette en cause cette vie privée et familiale. Qu’allons-nous devoir faire ? L’intéressé devra-t-il repartir dans son pays et être soumis à l’arbitraire d’un consulat ? Malheureusement – même si M. Goasguen s’est beaucoup énervé tout à l’heure sur ce sujet – tous les consulats ne se valent pas, ce qui ternit malheureusement l’image de notre pays.

M. Claude Goasguen. Dites-le fort, comme cela, les diplomates seront contents !

M. Serge Blisko. Ce n’est pas un crime que de le dire. Nous le reconnaissons tous.

M. Claude Goasguen. Moi, je ne le dis pas !

M. Serge Blisko. Toutes les personnes que nous rencontrons reconnaissent, lorsqu’elles sont poussées dans leurs retranchements, qu’il est possible d’obtenir très facilement un visa dans certaines villes. Il suffit de graisser la patte de l’employé consulaire…

M. Claude Goasguen. De mieux en mieux !

M. Serge Blisko. … qui peut être français, qui peut être un employé local. Toute rareté crée un marché noir. Nous connaissons bien cette vieille loi de l’économie. Nous ne sommes pas ici évidemment pour dénoncer tel ou tel…

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

M. Serge Blisko. …mais, vous le savez fort bien.

En laissant au pouvoir local, souvent mal contrôlé par le Quai d’Orsay, le soin de décider de l’avenir d’un homme ou d’une femme et de ses chances de rejoindre son futur conjoint, vous créez nécessairement de graves tentations. Nous parlions de réseaux. L’Inspection générale des affaires étrangères découvre tous les jours ces médiocres réseaux. Or si les sommes en jeu sont importantes dans le pays d’origine, elles ne représentent en réalité pas grand-chose. Donc, nous devons préserver tout le monde de ce type de scandale.

Mme Boutin parlait de l’amour, mais qu’offre-t-on à ces gens ? Faute de créer des conditions correctes pour vivre ensemble en France, la seule possibilité pour eux sera d’y demeurer et d’y travailler clandestinement, ce qui ne fera que nourrir vos fantasmes, vos peurs et générer des problèmes sociaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 152 et 252.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 347.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. L’article 2 subordonne l’obtention d’une carte de séjour « compétences et talents » à l’octroi d’un visa de long séjour. Il convient de souligner l’importance de cette carte « compétences et talents », dont traite l’article 12, qui permet effectivement à des étrangers de séjourner en France pour faire rayonner leurs compétences dans les domaines culturel, sportif ou intellectuel dans notre pays, puis dans le leur.

Cet amendement permet à ceux qui sont déjà demandeurs d’asile d’en bénéficier également. On imagine à quelle situation cela correspond. Nous pensons, par exemple, à un artiste cubain ou à un scientifique de Corée du Nord qui auront fui ces dictatures socialistes…

M. Patrick Braouezec. C’est un exemple pris au hasard !

M. Christian Vanneste. …pour se réfugier en France, mais dont on n’aurait pas suffisamment souligné qu’avant tout ce sont des savants et des sportifs. Nous ne devons pas rester insensibles devant cette misère qu’imposent certains régimes rétrogrades qui se réclament du socialisme.

M. Patrick Braouezec. Le Cubain ne peut être que sportif et le Coréen ne peut être que chirurgien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous assistons, ce soir, à des rapprochements originaux : tout à l’heure, l’amendement n° 152 de M. Mamère et l’amendement n° 252 de Mme Boutin étaient identiques, et maintenant, l’amendement n° 347 de M. Vanneste précise exactement la même chose que l’amendement n° 153 de M. Mamère qui sera examiné dans quelques instants.

La commission a émis un avis défavorable à l’amendement n° 347 de M. Vanneste. L’idée est généreuse et séduisante, mais qu’apportera-t-il concrètement ? On remplace un visa long séjour par un récépissé de demande d’asile. Or le but de ce texte est de raccourcir les délais, pas de créer de nouvelles procédures.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas ce qu’on nous a expliqué !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Vanneste, je comprends votre intention, mais je veux attirer votre attention sur les effets pervers que risquerait de générer votre amendement s’il était retenu.

Le récépissé délivré au demandeur d’asile est une autorisation provisoire de séjour valable durant l’examen de sa demande d’asile. De deux choses l’une : soit le demandeur d’asile est reconnu comme réfugié et il a automatiquement droit à une carte de résident de dix ans, soit il est débouté et il doit alors être considéré comme un étranger en situation irrégulière qui doit retourner dans son pays. Il serait donc totalement inapproprié de considérer que le récépissé de demande d’asile vaut visa de long séjour. Cela signifierait que tous les déboutés du droit d’asile auraient vocation à obtenir une carte de séjour d’un an en France.

Le Gouvernement émet donc bien évidemment un avis défavorable. Mais peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je suis sensible aux arguments rationnels, les miens étaient davantage dictés par la sensibilité. Je retire donc mon amendement et, respectueux des règles de la majorité, je ne voterai pas celui de M. Mamère.

Mme la présidente. L’amendement n° 347 est retiré.

Je suis saisie de trois amendements, n°s 22, 23 et 24.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour les soutenir.

M. Jérôme Rivière. Ces amendements sont défendus !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La préoccupation de Mme Marland-Militello est tout à fait louable. De fait – c’est la loi – la France peut refuser l’accès de son territoire à toute personne qui menace l’ordre public. Mais demander un extrait de casier judiciaire n’est pas une bonne solution. En effet, cela n’existe pas partout.

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Les systèmes pénaux sont, de plus, très différents dans le monde. Refusera-t-on l’accès du territoire à une personne condamnée dans son pays pour homosexualité, par exemple ?

Quant à l’obligation du billet de retour, elle est paradoxale, puisque je vous rappelle qu’il s’agit d’un visa de longue durée, c’est-à-dire d’immigration permanente.

C’est pourquoi la commission a rejeté l’amendement n° 22 et les amendements de repli n°s 23 et 24.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous avez raison, monsieur Rivière, de souhaiter que, dans toute la mesure du possible, les consuls soient vigilants et ne délivrent pas de visa de long séjour à des délinquants. C’est une instruction de bon sens qui leur est donnée. Mais nous ne pouvons pas exiger la production d’extrait de casier judiciaire, car le droit pénal est très variable d’un pays à l’autre : ainsi des délits politiques, des délits liés aux mœurs sont poursuivis dans certains pays d’origine et non en France.

Enfin, nous ne pensons pas qu’il faille exiger un billet de retour. Dans cette situation, précisément, le migrant demande un visa de long séjour qui lui permettra d’obtenir une carte de séjour.

Je demande, en conséquence, le retrait de ces trois amendements.

M. Jérôme Rivière. Devant cet argument de bon sens, Mme Marland-Militello aurait sans doute retiré ces trois amendements, ce que je me permets de faire en son nom.

Mme la présidente. Les amendements nos 22, 23 et 24 sont retirés.

M. Bernard Roman. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Roman, les amendements sont retirés !

M. Bernard Roman. J’ai le droit de poser une question au ministre !

Mme la présidente. Alors, faites un rappel au règlement !

Rappel au règlement

M. Bernard Roman. Je demande donc la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. Une question me préoccupe. Monsieur le ministre, puisque des instructions sont données aux ambassades et aux consulats pour ne pas délivrer de visa à des délinquants, comment – mais vous-même pourrez en être témoin – des personnes notoirement connues comme appartenant à la mafia russe peuvent faire des acquisitions foncières de très grande valeur dans le Sud de la France, où elles séjournent d’ailleurs plusieurs mois par an ?

M. René Dosière. Avec quel visa ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je ne sais pas pourquoi M. Roman me parle du Sud de la France.

M. René Dosière. Parce que c’est là où cela se produit !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Malheureusement, en effet, ce type d’opérations mafieuses est, ces dernières années, identifié partout en France, y compris sur les Champs-Élysées.

M. Bernard Roman. C’est surtout sur la Côte d’Azur que cela se passe !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je participe à de nombreuses réunions des ministres de la justice et de l’intérieur de l’Union européenne. Je peux donc vous affirmer qu’ils mettent en place des dispositifs, notamment grâce à la cellule TRACFIN, pour lutter contre ces pratiques.

Actuellement, toutes les forces de sécurité intérieure peuvent consulter le fichier Schengen 1 à l’intérieur des pays de l’Union européenne. Le fichier Schengen 2 – aujourd’hui objet de nos discussions – auquel adhèrent dix nouveaux entrants ne serait consultable qu’aux frontières extérieures au périmètre de Schengen. La France, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie demandent, notamment avec la biométrie intégrée dans le système Schengen 2, que les forces de sécurité intérieure puissent continuer à consulter ce nouveau fichier pour mieux identifier ce type de trafic.

Donc, je ne sais pas exactement à quoi vous faites référence.

M. Bernard Roman. Il n’y a aucune arrière-pensée !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. En tout état de cause, il existe des règles dans notre pays et la loi pour la sécurité intérieure prévoit un certain nombre de dispositions à cet égard. Nous veillons, en relation avec nos partenaires de l’Union européenne, à lutter sur l’ensemble du territoire national contre les trafics de toutes sortes et notamment contre les trafics mafieux et les acquisitions foncières. J’ai connaissance d’un certain nombre de poursuites engagées dans mon département comme dans bien d’autres dans notre pays.

M. Bernard Roman. Il n’y avait aucune arrière-pensée, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous devriez être aussi attentif à ce qui se passe dans votre département, monsieur Roman, parce que je ne suis pas convaincu que vous n’y soyez pas confronté dans le Nord !

M. Bernard Roman. Je faisais allusion au Sud de la France, monsieur le ministre, parce que c’est souvent sur la Côte d’Azur que cela se passe !

Mme la présidente. Nous nous éloignons de notre débat, mes chers collègues !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie de deux sous-amendements n°s 151 et 153.

La parole est à M. Noël Mamère, pour les soutenir.

M. Noël Mamère. Le sous-amendement n° 151, qui est un sous-amendement de repli, n’est pas du tout identique à celui de M. Vanneste. Il vise à exclure les demandeurs d’asile de l’obligation de visa de long séjour qui les oblige à un retour dans le pays qu’ils ont fui. Votre texte ne précise pas que le visa de long séjour s’adresse aux étrangers, à l’exception des demandeurs d’asile.

Le sous-amendement n° 153 a pour objet, après l’alinéa 2 de l’article 2, d’insérer l’alinéa suivant : « La délivrance d’un récépissé de demandeur d’asile vaut régularisation de son entrée. » C’est également un amendement de repli. Cet alinéa mettrait notre législation en conformité avec les dispositions de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951. C’est en ce sens que le Conseil d’État s’est toujours prononcé.

Nous aurons l’occasion au cours du débat de revenir sur le rôle de l’OFPRA qui verrouille l’entrée des demandeurs d’asile puisqu’il faut que la commission de recours puisse exercer ses prérogatives pour qu’enfin les demandeurs d’asile bénéficient de ce qu’ils espèrent dans notre pays. La situation créée aujourd’hui par le comportement de l’OFPRA est en deçà de la convention de Genève sur le statut des réfugiés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le sous-amendement n° 151 de M. Mamère a pour objectif de retirer les demandeurs d’asile du champ de l’obligation de production d’un visa de long séjour avant l’obtention d’un titre de séjour.

Cela me semble vraiment inutile parce qu’il existe trois possibilités. Soit le demandeur est débouté. Il a alors vocation à quitter le territoire et il est un étranger en situation irrégulière. Il n’y a dans ce cas-là aucune raison de lui offrir une situation plus favorable qu’aux autres étrangers en situation irrégulière au risque, sinon, d’inciter à des demandes d’asile dilatoires. Soit il obtient le statut de réfugié. Il aura alors une carte de résident auquel cas l’article 2 ne le concerne pas. Soit il obtient la protection subsidiaire et l’article 25 du projet de loi est alors très clair : il n’est pas concerné par l’obligation de visa long séjour.

Il en va de même pour le sous-amendement n° 153 qui, vous l’avez dit vous-même, est un amendement de repli : soit le demandeur est débouté, soit il obtient le statut de réfugié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 151.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 153.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 40.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements nos 474 et 473.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 40.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’obliger les consulats à délivrer un récépissé prouvant le dépôt d’une demande de visa long séjour par des conjoints de Français. Je pense qu’il répond en partie aux objections que vous avez soulevées.

En effet, l’objectif de l’obligation du visa long séjour pour obtenir un titre de séjour n’est pas de rendre plus difficile l’accès au séjour de ces personnes, mais de s’assurer qu’il se fait dans les règles pour éviter les mariages de complaisance et les mariages forcés. Or il arrive, d’après ce que nous disent les associations, que les consulats ne répondent pas à des demandes de visas long séjour, empêchant de fait le rapprochement des époux qui ne peuvent même pas prouver qu’ils ont effectivement déposé cette demande.

L’obligation de délivrance d’un récépissé permettra de faire courir officiellement le délai de réponse de deux mois au-delà duquel la décision de rejet est implicite, ce que les requérants n’arrivent pas à prouver en l’absence de tout document officiel.

Cette décision implicite pourra ainsi faire l’objet d’un recours devant la commission de recours à Nantes qui l’annulera nécessairement dans la mesure où tout refus de visa long séjour aux conjoints de Français doit être motivé.

M. Patrick Braouezec. C’est le bon sens !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je remercie le rapporteur pour cet amendement qui améliore considérablement le texte. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir le sous-amendement n° 474.

M. Bernard Roman. Le sous-amendement n° 474 vise à élargir cette disposition aux enfants de ressortissants de nationalité française. Lorsqu’un enfant mineur est concerné il doit bénéficier de cette même procédure de récépissé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable. Cet amendement répond au même souci.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, l’amendement n° 40 exige-t-il des décrets d’application ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 474.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir le sous-amendement n° 473.

M. Bernard Roman. Ce sous-amendement vise à éviter qu’un piège ne se referme sur ceux qui sont, hélas ! obligés, puisque vous l’avez voté, de retourner dans leur pays pour demander un visa de long séjour afin d’obtenir leur titre de séjour longue durée dans notre pays. Ce sous-amendement propose de compléter l’alinéa 2 de l’amendement n° 40 par la phrase suivante : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, ou en cas de fraude ou d’annulation du mariage, la délivrance d’un visa de longue durée est de droit. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Avec ce sous-amendement vous revenez sur le principe même de l’article 2.

M. Patrick Braouezec. Pas du tout !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est exactement le contraire de ce que nous voulons faire. L’avis du Gouvernement est bien sûr défavorable.

M. Claude Goasguen. C’est une supercherie !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, votre réponse est incroyable !

M. Claude Goasguen. Mais vraie !

M. Patrick Braouezec. Ce sous-amendement est un sous-amendement de repli…

M. Claude Goasguen. Non !

M. Patrick Braouezec… qui se justifie par la situation dans laquelle vous mettez des couples mariés.

M. Bernard Roman. Exactement !

M. Patrick Braouezec. Le sous-amendement proposé par le groupe socialiste précise clairement que sauf en cas de menace à l’ordre public, ou en cas de fraude ou d’annulation du mariage le marié ou la mariée doit pouvoir revenir en France vivre avec son conjoint. Cette délivrance d’un visa de longue durée est de droit ! Sinon vous avouez l’inavouable : vous souhaitez que les mariés ne vivent pas ensemble durablement ! Je ne comprends pas votre logique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Nous venons de voter l’obligation pour les consulats de délivrer un récépissé lorsque la demande émane d’un étranger marié avec un Français ou d’un enfant d’un ressortissant de nationalité française. Si le consulat ne répond pas dans les deux mois, le refus est implicite. Nous proposons simplement de considérer que la délivrance du visa est de droit pour les conjoints. Si vous refusez, cela signifiera que vous cherchez à empêcher des couples mariés d’obtenir le titre de séjour vie privée et familiale en France.

M. Claude Goasguen. C’est le contraire !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. En outre, en rejetant ce sous-amendement, qui est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la vie privée et familiale…

M. Jérôme Rivière. Mais non !

M. Noël Mamère… vous allez au-devant de beaucoup de difficultés puisque votre texte serait quasiment inapplicable au regard du droit européen.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. S’il n’y a pas une menace pour l’ordre public en France et s’il n’y a pas de fraude au mariage, ni d’annulation pourquoi alors refuser au conjoint le droit de revenir ? Qu’avons-nous oublié ? En quoi cette personne est-elle devenue indésirable ?

M. Patrick Braouezec. Elle est étrangère !

Mme Marylise Lebranchu. Je le répète : menace pour l’ordre public, fraude au mariage ou annulation. Quelle est l’autre raison possible ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce sous-amendement pose deux problèmes. D’abord, il n’est pas cohérent avec l’amendement n° 40.

M. Patrick Braouezec. Mais si !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ensuite, sa rédaction est inappropriée.

M. Claude Goasguen. Il n’a rien à voir avec l’amendement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’expression « de droit » est contraire à la volonté du Gouvernement de laisser, en toutes circonstances, sa liberté d’appréciation au consul. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Voilà ! Tout est dit ! Les masques tombent !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. À cette heure tardive, la vigilance du ministre se relâche et nous découvrons la vérité. Ce qu’il vient de nous dire est clair : il veut laisser la possibilité aux consuls de faire ce qu’ils veulent. C’est ouvrir la voie à l’arbitraire le plus total.

M. Claude Goasguen. Les consuls ne sont ni des nababs, ni des satrapes : ils sont soumis à la loi !

M. Julien Dray. Dès lors, comme nous le démontrons depuis plusieurs heures, personne ne sollicitera plus cette procédure !

Le sous-amendement que nous proposons donne au contraire des garanties : aucun titre de séjour ne sera délivré à un conjoint s’il contrevient à la loi, c’est-à-dire s’il porte atteinte à l’ordre public ou s’il y a suspicion sur le mariage. Ainsi les choses sont claires !

Sinon, que feront les consuls ? Refuseront-ils les titres si le ministre de l’intérieur décide de verrouiller davantage encore les dispositifs, ? Les contentieux se multiplieront car les possibilités de recours seront infinies.

Ce sous-amendement protège votre propre dispositif. Vous devriez l’accepter, car il clarifie la situation et évite que l’on entre dans l’arbitraire le plus total.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Que les choses soient claires. Sur le fond, nous sommes d’accord avec vous. Votre sous-amendement ne fait que rappeler l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Comment voulez-vous que l’on ne soit pas d’accord ! Mais ce sous-amendement est mal rédigé et mal placé : l’amendement n° 40 concerne le récépissé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le sous-amendement que nous sommes en train d’examiner, et le rapporteur le confirme, vise à permettre la délivrance d’une carte de séjour au titre de la vie privée et familiale, normalement réservé aux étrangers qui ne sont pas mariés et ne sont pas sur le territoire, lorsque l’étranger marié à un Français ne peut malheureusement pas rentrer dans son pays pour obtenir un visa. Si nous n’adoptons pas ce sous-amendement, le dispositif que nous aurons voté ne sera pas applicable et les préfets seront bien obligés de délivrer des titres de séjours pour vie privée et familiale, sauf à multiplier les contentieux administratifs.

Certes ce sous-amendement est mal placé, mais dans ce cas le plus sage serait que le Gouvernement le reprenne puisque nous ne pouvons plus déposer d’amendement. Monsieur le ministre, pouvez-vous en prendre l’engagement, sinon nous aurons un vrai problème ?

M. Bernard Roman et M. Patrick Braouezec. Nous pourrions reprendre ce débat demain matin !

M. Julien Dray. La nuit porte conseil !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme vient de le dire votre rapporteur, le Gouvernement ne peut être favorable à ce sous-amendement tel qu’il est rédigé et placé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En revanche, nous sommes d’accord sur le fond.

Je vous propose donc…

M. Julien Dray. D’y travailler cette nuit !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire… de le reprendre sous la forme suivante : « Le visa de longue durée ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude au mariage ou de menace à l’ordre public. » Cet amendement gouvernemental serait présenté au Sénat à l’article 2.

M. Patrick Braouezec. Pourquoi pas à l’Assemblée ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Parce que nous sommes arrivés au terme de la discussion de l’article 2 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Nous ne l’avons pas encore voté !

Mme la présidente. Vous pouvez encore compléter l’article, monsieur le ministre.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Sur ce dossier, nous sommes d’accord, mais le sous-amendement est mal placé et sa rédaction n’es t pas adéquate.

La rédaction que vient de proposer le ministre me semble satisfaisante. Créons un troisième alinéa ainsi rédigé, ce qui règle le problème et nous permet de voter maintenant.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut ajouter le cas de l’annulation du mariage.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, quelle est votre intention immédiate ?

M. Patrick Braouezec. Dormir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Rester sur la base de cet amendement dont je vous redonne lecture : « Le visa de longue durée ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude au mariage, d’annulation – comme l’a proposé M. Lagarde – ou de menace à l’ordre public. »

Mais il faut d’abord que nous votions l’amendement n° 40 tel qu’il a été sous-amendé par le sous-amendement n° 474. Ensuite, le Gouvernement proposera un amendement créant un troisième alinéa à l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Il était possible d’adopter le sous-amendement n° 473.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Non, parce que l’amendement n° 40 concerne le récépissé !

Mme Marylise Lebranchu. Il était possible de rédiger un nouveau sous-amendement que le Gouvernement aurait déposé. C’était tout à fait réglable au plan juridique. Cela ne me gêne pas que le Gouvernement en soit l’auteur.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame Lebranchu, le Gouvernement ne voit aucun inconvénient à ce que cet amendement soit proposé par le groupe socialiste.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous n’avons pas le droit !

M. Claude Goasguen. C’est impossible !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous en laisse la paternité si vous le souhaitez !

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je propose que nous passions au vote de l’amendement n° 40, puis à celui de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Il est possible de régler cette question comme vient de le dire le ministre et selon le souhait exprimé par nos collègues et qui est partagé par l’ensemble de notre assemblée. L’amendement n° 40 et le sous-amendement n° 474 concernent le récépissé. Une fois qu’ils auront été votés, et après le retrait par nos collègues socialistes du sous-amendement n° 473, la commission lèvera la forclusion afin que les députés socialistes, sur la base de la rédaction proposée par le ministre, puissent être les signataires d’un nouvel amendement créant un alinéa 3 à l’article 2. Ainsi aurons-nous réglé la question sur les plans juridique et politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Sous réserve que l’amendement proposé par le Gouvernement constitue un troisième alinéa, mais reprenne la formulation de notre sous-amendement, je retire, au nom du groupe socialiste, le sous-amendement n° 473.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 473 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 40, modifié par le sous-amendement n° 474.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, je vous demande cinq minutes de suspension de séance, le temps que nous puissions disposer du texte écrit.

Mme la présidente. Monsieur Lagarde, je pense que ce n’est pas nécessaire. Je vais relire le texte de ce nouvel amendement qui portera le n° 604 et qui tend à insérer après l’alinéa 2 de l’article 2 l’alinéa suivant : « Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. » Il est signé par M. Roman et les membres du groupe socialiste.

M. Claude Goasguen. Non ! C’est impossible !

M. Bernard Roman. Quelle mesquinerie !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 604.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je me félicite que, pour la deuxième fois de la soirée, notre assemblée se soit prononcée à l’unanimité sur un amendement. Cela démontre l’état d’esprit constructif dans lequel nous avons commencé nos débats.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration.

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 4 mai 2006, à une heure quinze.)