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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 22 novembre 2006

60e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

assassinat de pierre Gemayel

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, Pierre Gemayel a été assassiné hier. Le jeune ministre, le fils du président Amine Gemayel, le visage nouveau de l’une des familles et des communautés qui ont fait l’histoire du Liban, est mort sous les balles. C’est une page nouvelle de la sanglante histoire de ce pays martyrisé.

Nous savons bien qui est mort. Et nous pensons tous, dans cet hémicycle et bien au-delà, aux deux jeunes fils de Pierre Gemayel, à son épouse, à sa famille et à son père, qui a fait preuve hier d’un sang-froid et d’une retenue qui sont une nouvelle manière de servir son pays.

Nous savons aussi qui était visé : le Liban, son indépendance et la paix civile qui garantit son avenir.

Je vous demande donc très simplement, monsieur le Premier ministre, quelle est aujourd’hui, sur ce drame, la vision de la France. Quel lien doit-on établir entre cet assassinat et la décision de convoquer le tribunal international pour juger les responsables de l’assassinat de M. Hariri ? Enfin, comment la France, dont nous n’oublions pas qu’elle a des soldats sur place, envisage-t-elle d’aider à la survie du Liban indépendant et libre ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (« Le Premier ministre ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Bacquet. C’est un scandale pour le Liban !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur François Bayrou, je voudrais d’abord vous faire part de mon immense émotion à la suite du lâche attentat qui a coûté la vie à Pierre Gemayel, ministre de l’industrie du gouvernement libanais.

Je présente les condoléances du Gouvernement à sa famille, à ses proches, à ses amis, au gouvernement du Liban et, au-delà, à tout le peuple libanais.

Permettez-moi, en un moment tragique pour ce pays, de formuler deux observations.

Tout d’abord, je condamne de la manière la plus ferme ce crime odieux, comme l’a fait dès hier soir le Président de la République, et ces méthodes d’un autre âge, qui consistent à se servir de la violence, de la lâcheté et de l’assassinat pour mieux menacer, déstabiliser et intimider tout le peuple libanais et son gouvernement démocratique.

Ensuite, face à cette violence, à cette lâcheté et à ces assassinats, il ne faut répondre que par le courage en soutenant plus que jamais le gouvernement de Fouad Siniora, le Premier ministre libanais, dans son combat pour la souveraineté, l’indépendance, l’État de droit et la liberté du Liban, et en aidant le Gouvernement, qui a contribué à créer – vous l’avez rappelé – le tribunal international. Ceux qui se cachent derrière ces lâches attentats sauront ainsi qu’ils devront un jour répondre de leurs crimes devant la justice internationale. J’ai d’ailleurs appris avec plaisir que, cette nuit, à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies, la décision de créer ce tribunal international a été prise à l’unanimité, afin que de tels crimes soient punis.

Demain, je représenterai notre pays à Beyrouth, aux obsèques de Pierre Gemayel. À ce moment plus que jamais, je méditerai la phrase que vient de prononcer Kofi Annan : « Au Liban, il n’y aura jamais de paix s’il n’y a pas de justice. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, je suis certain d’être votre interprète en m’associant, au nom de l’Assemblée nationale, aux condoléances du gouvernement français, et en adressant les nôtres à la famille Gemayel ainsi qu’au peuple du Liban. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Habilitation d’accès aux zones réservées de l’aéroport de Roissy

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Patrick Braouezec. Avant de poser ma question, je m’associe, au nom du groupe des députés communistes et républicains, à l’hommage et à l’émotion de M. Bayrou. Notre vœu le plus cher est que le Liban, dans sa diversité, puisse retrouver le chemin de la paix.

Monsieur le ministre de l’intérieur, l’an passé, des centaines d’employés se sont vu retirer ou refuser leur habilitation d’accès à la plateforme aéroportuaire de Roissy pour des raisons diverses.

Depuis plusieurs mois, des dizaines de salariés, en raison de leur origine ou de leur appartenance religieuse, ont été avertis de l’abrogation de leur titre d’accès en zone réservée. Ils ont ainsi perdu du jour au lendemain leur emploi, sans préavis ni indemnités. Aucune justification précise n’a été portée à la connaissance des salariés pour justifier ces décisions. On pourrait même penser qu’elles relèvent de motifs sans rapport avec la sûreté ou la sécurité.

Les propos du sous-préfet de Roissy, placé sous votre autorité, sont en effet très laconiques. Les personnes en question présenteraient, selon lui, un risque de « vulnérabilité » ou de « dangerosité » pour la plateforme aéroportuaire. Mais il n’invoque aucun fait précis. Comble de l’absurdité, il revient aux salariés, « d’apporter la preuve d’un comportement insusceptible de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire ».

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. Patrick Braouezec. Est-il acceptable que, dans une démocratie, les représentants de l’État fassent peser sur certains citoyens un tel soupçon de culpabilité, au risque de porter gravement atteinte à la liberté de conscience et de nourrir des logiques de repli communautaire ?

Ce type de pratiques ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’une République laïque, surtout quand elles sont le fait de l’État, dont les représentants ont pour devoir de garantir les droits et libertés individuels les plus fondamentaux.

Notre groupe proposera dans les prochains jours la création d’une commission d’enquête relative aux critères d’attribution et de renouvellement des agréments et des habilitations en zones réservées.

Mais, dès à présent, monsieur le ministre, nous voudrions que vous nous éclairiez quant à votre position de fond sur ces faits concrets et sur les éventuelles instructions que vous comptez donner au sous-préfet, qui refuse apparemment de recevoir les représentants syndicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Pourquoi le ministre de l’intérieur n’est-il pas dans l’hémicycle ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je vous rappelle d’abord que le plan Vigipirate est au niveau d’alerte rouge. Nous devons être extrêmement vigilants et veiller à ce qu’il n’y ait aucune faille, aucune vulnérabilité dans notre dispositif de sécurité aéroportuaire.

Avant de travailler dans une zone réservée d’un aéroport, il faut y être habilité.

M. Maxime Gremetz. Ils l’étaient !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cette habilitation est précédée d’un certain nombre de contrôles. À Roissy, aujourd’hui, 80 000 personnes possèdent un badge d’accès en zone réservée.

Je précise que, depuis 2004, plus de 2 600 demandes ont été refusées,…

M. Maxime Gremetz. Nous le savons. Répondez à la question qui a été posée !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …parce que leurs auteurs avaient un passé de délinquant de droit commun ou des liens avec des personnes ou des groupes proches de réseaux terroristes. C’est pour la même raison que le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de retirer leur badge à soixante-douze personnes depuis 2005, après avoir procédé à un examen approfondi dossier par dossier. Nous estimons que celles-ci, je le dis clairement, présentaient un risque important pour la sûreté aéroportuaire.

M. Maxime Gremetz. Parce qu’elles étaient noires ou basanées ? Quel racisme ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Certaines d’entre elles ont contesté cette décision devant la justice. Dans sept affaires sur neuf, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en référé, a donné raison à l’État. Nous respecterons naturellement les décisions de justice, quel qu’en soit le sens.

Pour nous, monsieur le député, il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, bien au contraire.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais je trouve qu’il est tout à fait irresponsable de susciter une polémique sur un tel sujet. Auriez-vous déjà oublié les attentats de Londres ?

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi parler de Londres ? La France n’a pas envoyé de troupes en Irak !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. En ce qui nous concerne, alors qu’il y va de la sécurité de millions de voyageurs dans nos aéroports, nous avons décidé de prendre nos responsabilités. À vous de prendre les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Le ministre n’a pas répondu à la question ! C’est scandaleux !

situation au Liban

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé de Charette. Monsieur le Premier ministre, je vais revenir sur le drame qu’a connu hier le Liban, avec l’assassinat de Pierre Gemayel. Si nous sommes tous profondément émus par cet événement dramatique, c’est parce qu’il frappe une grande famille libanaise, qui a déjà donné au pays deux présidents, dont l’un a été assassiné dans des conditions similaires, il y a vingt-cinq ans, et parce qu’il s’agit de la nation libanaise, dont la France est l’une des inspiratrices, et de l’indépendance du Liban, dont, qu’on le veuille ou non, la France est encore aujourd’hui garante.

Nous cherchons les raisons de ce crime. Faut-il y voir une conséquence de la création par l’ONU du tribunal international qui doit juger les auteurs de l’assassinat de Rafic Hariri ? Est-ce le fruit des actuelles tensions politiques internes au Liban, alors que nous avons le sentiment que se déroule sous nos yeux, par petites étapes, un véritable coup d’État par lequel une minorité libanaise essaie d’arracher le pouvoir des mains de la majorité ? Faut-il chercher les auteurs de ce crime à l’intérieur du Liban ou, comme on le dit souvent, sans toujours apporter de preuves, à l’extérieur ?

Mais nous cherchons surtout à savoir comment aider les Libanais à sortir de la désespérance qui les gagne. Une fois de plus, ce peuple n’a qu’un ami : le peuple français.

Depuis bientôt douze ans, les Libanais se sont acharnés à reconstruire leur pays sorti de la guerre civile. Ils ont travaillé, aidés par la communauté internationale. Ils ont cherché difficilement mais sincèrement à construire l’unité de leur pays, malgré la diversité des communautés qui le composent.

Monsieur le Premier ministre, comment la France peut-elle aujourd’hui aider les Libanais, tous les Libanais, à trouver une issue ? Dans cette partie du monde – au Liban, en Israël ou en Syrie –, la voix de la France est respectée. Je le sais, comme chacun dans cet hémicycle. Et, plus que jamais, la voix de la France est attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Hervé de Charette, nous partageons tous, ici, la même émotion et la même douleur, exprimées par Philippe Douste-Blazy, François Bayrou ou Patrick Braouezec et ressenties sur tous les bancs de l’Assemblée nationale.

Cet assassinat, la France, par la voix du Président de la République, l’a condamné avec la plus grande fermeté. Cet assassinat, c’est la lâcheté contre le courage, la violence contre la paix. Ses responsables doivent être retrouvés, punis et condamnés le plus rapidement possible. La France soutiendra tous les efforts pour que la lumière soit faite sur cet assassinat. Nous soutenons en particulier la mise en place d’un tribunal à caractère international pour juger les responsables des crimes qui ont été commis. Si les autorités libanaises le souhaitent, ce tribunal doit être compétent pour juger également les assassins de Pierre Gemayel. Une justice internationale forte est une garantie de justice et de paix pour demain.

Par ce crime, c’est une nouvelle fois la souveraineté du Liban qui est attaquée et la stabilité de la région qui est fragilisée. La France se tient aux côtés de l’ensemble du peuple libanais dans ces moments difficiles. C’est tout le sens de notre engagement en faveur de la reconstruction du Liban ; c’est tout le sens de notre présence militaire dans ce pays.

Prenons garde à l’instabilité grandissante dans certaines régions du monde. Nous appelons à une mobilisation urgente de la communauté internationale. Plus que jamais, le monde a besoin de règles, de volonté et de vision. La France est là pour appuyer cet effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

fusion gdf-Suez

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à dire que le groupe socialiste s’associe au message que vous avez adressé il y a quelques instants au nom de l’ensemble des députés de notre assemblée, après l’assassinat de Pierre Gemayel.

Monsieur le Premier ministre, juste avant l’été, vous avez décidé de faire passer en force et dans l'urgence la loi de privatisation de Gaz de France,…

M. Christian Bataille. C’est raté !

M. François Brottes. …quelques mois seulement après que M. Sarkozy eut promis le contraire. Nous avons ici même, pendant plusieurs semaines, dénoncé et le projet et la méthode.

Mauvais projet que celui d'abandonner le contrôle par l'État d'une entreprise stratégique pour notre industrie.

Mauvais projet que celui qui va livrer en pâture aux seuls intérêts des actionnaires privés le prix du chauffage, qui pèse déjà lourd dans le budget des familles.

Mauvais projet que celui qui impose aux communes, sans qu'elles aient leur mot à dire, un concessionnaire privé qui, jusqu’alors, était public.

Mauvaise méthode que celle qui a consisté à faire voter le Parlement à l'aveugle et en lui demandant un chèque en blanc. Votre majorité vous a ainsi autorisé à privatiser Gaz de France, sans savoir ni ce que la Commission européenne demanderait comme sacrifice social et économique à cette entreprise, ni ce que coûterait, au final, aux contribuables l’acquisition des actions de Suez,…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. François Brottes. …qui font aujourd'hui l'objet de toutes les surenchères.

Mauvaise méthode que celle qui consiste à ne pas donner les moyens aux représentants du personnel d'évaluer pleinement votre projet, pour qu'ils puissent donner un avis définitif.

M. Christian Bataille. Encore raté !

M. François Brottes. Cette nuit même, la cour d'appel vient de leur donner raison, mais le ministre de l’industrie avait lui-même avoué, au cours du débat, qu'il n'avait pas traité de la fusion avec les syndicats dans les rencontres préalables au débat parlementaire.

Mauvaise manière que ce projet qui bafoue nos valeurs fondamentales. Le groupe socialiste a saisi le Conseil constitutionnel, car votre loi de privatisation porte atteinte à un grand service public national, au principe de continuité du service public ainsi qu'au principe de libre administration des collectivités locales.

Monsieur le Premier ministre, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale devait auditionner votre ministre de l'économie sur ce dossier aujourd'hui à midi. L'audition a été annulée,…

M. Christian Bataille. Il a fui !

M. François Brottes. …alors que l'actualité imposait plus que jamais des clarifications sur l'avenir de votre funeste projet, dont on nous dit qu’il ne pourrait finalement pas voir le jour avant avril prochain.

Monsieur le Premier ministre, l’inconséquence du Gouvernement dans la gestion du dossier de la fusion GDF-Suez appelle aujourd'hui des précisions. Ma question est simple : oui ou non, allez vous abandonner la privatisation de Gaz de France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur François Brottes, je suis heureux de vous entendre à nouveau sur ce sujet,…

M. Christian Bataille. Pourquoi étiez-vous absent ce matin en commission ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …car vous avez été parmi les très peu nombreux députés de votre groupe à être présent tout au long du débat, auquel ont participé beaucoup de députés de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vais donc répéter ce que vous savez mieux que quiconque, puisque vous m’avez entendu l’expliquer à plusieurs reprises.

Il y a trois temps. Le premier fut celui de la concertation sociale qui a été suivie par le Gouvernement. Le deuxième est celui du Parlement et de la loi ; vous avez rappelé que le Conseil constitutionnel était actuellement saisi du texte et nous attendons sa décision. Vient ensuite le temps des entreprises.

Ainsi que je n’ai cessé de le répéter, la volonté du Gouvernement est de donner à Gaz de France les moyens d’aller de l’avant…

M. Jacques Desallangre. Et que donnez-vous aux actionnaires de Suez ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …en nouant, comme l’ensemble de ses concurrents, les partenariats stratégiques nécessaires pour que l’entreprise puisse se battre à armes égales dans le contexte énergétique que nous connaissons.

C’est précisément dans ce contexte que Gaz de France avait décidé de convoquer un conseil d’administration aujourd’hui. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, le tribunal de grande instance a décidé que quelques jours supplémentaires étaient nécessaires pour donner les informations nécessaires.

Mme Martine David. Vous ne savez pas quoi dire !

M. Henri Emmanuelli. Ridicule !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le Gouvernement en prend acte, attend et souhaite que Gaz de France poursuive désormais, dans l’intérêt de l’ensemble de ses actionnaires, de ses clients et de ses salariés, le ou les projets qu’il convient de mettre en place, en respectant évidemment scrupuleusement les règles de droit.

Pour le reste, c’est l’honneur du Gouvernement et du Parlement d’avoir décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps pour avancer. Je sais bien que, en ce qui vous concerne, rien ne vaut mieux que reculer. Telle n’est pas la décision du Gouvernement et de la majorité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Vous n’êtes guère applaudi !

inauguration d’une antenne de la sorbonne À abou dhabi

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe UMP.

M. Olivier Dassault. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’y associe le groupe d’amitié France-Émirats arabes unis et son président Alain Marsaud.

La mondialisation ne suscite de crainte que chez ceux qui ne croient pas en la France,…

M. Jacques Desallangre. Pas chez vous, c’est sûr !

M. Michel Lefait. Il est à l’abri !

M. Olivier Dassault. …que chez ceux qui ignorent combien nous sommes capables de faire rayonner nos talents et nos savoir-faire. Vous n’êtes pas de ceux-là, monsieur le ministre, et vous l’avez prouvé en assistant en personne à la rentrée des étudiants de l’établissement de la Sorbonne à Abou Dhabi, aux côtés de son président, Jean-Robert Pitte.

Par cette coopération universitaire sans précédent, les Émirats arabes unis deviennent un nouveau pôle régional de la francophonie, un point d’ancrage pour nos chercheurs et un tremplin pour l’attractivité de notre territoire.

M. Henri Emmanuelli. Et le Rafale !

M. Olivier Dassault. Un étudiant formé à l’école de la France sera toute sa vie notre meilleur ambassadeur.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Olivier Dassault. Lors de votre dernière visite, vous avez également évoqué avec le prince héritier, Cheikh Mohammed Bin Zaied Al Nahyan, le projet du Louvre dans l’Émirat, qui est porté avec détermination et énergie par le ministre de la culture et pour lequel des experts français sont, en ce moment même, en mission sur place. Avec la Sorbonne, le Louvre sera une manifestation éclatante de la diffusion de l’intelligence française. Notre présence éclairante et amicale est donc essentielle pour mettre en œuvre une politique novatrice d’attractivité décentralisée.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner la garantie que les diplômes délivrés par la Sorbonne d’Abou Dhabi auront la même qualité et obéiront à la même exigence d’excellence que ceux acquis dans le Quartier latin ? Plus généralement, que signifie pour les Français et pour ces peuples, jusque-là tournés vers les pays anglo-saxons, ce désir d’une part de notre histoire, d’une part de notre culture, d’une part de notre France installée dans ces terres si lointaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. C’est grotesque !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Dassault, vous avez raison, les Français ont souvent tendance à dénigrer leur propre savoir-faire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les succès économiques de la France dans le monde entier, l’attirance qu’elle suscite,…

M. Jean Glavany. Le Rafale !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …son rayonnement culturel et universitaire viennent d’être reconnus de manière remarquable.

Compte tenu de l’implantation des universités anglo-saxonnes dans les pays du Golfe – dont on connaît la qualité des ressources –, le fait qu’Abou Dhabi choisisse l’une des plus anciennes universités françaises pour former ses jeunes doit nous donner à tous un sentiment de fierté. La France est ainsi reconnue pour son savoir-faire universitaire.

La France est présente dans beaucoup de pays du monde : en Chine, en Égypte, en Arménie ou au Pakistan, où François Goulard et moi-même préparons l’installation d’une université technologique. Des classements comme celui du Times ou celui de Shanghai peuvent parfois nous laisser penser que notre université n’est pas la meilleure du monde, mais ils viennent sanctionner une trop grande dispersion et non la qualité des enseignements qu’elle dispense, qui est reconnue dans les pays du Golfe comme dans le monde entier.

Je puis vous assurer que, avec François Goulard, nous veillons à ce que les diplômes qui seront délivrés dans le Golfe ou ailleurs aient la même valeur et soient équivalents à ceux qui sont délivrés sur le sol français.

Ce succès éclatant est un pont lancé entre les peuples. Il est la reconnaissance de la modernité et de l’excellence de notre enseignement supérieur. Je vous remercie, ainsi qu’Alain Marsaud et les diplomates qui ont travaillé sur ce projet, d’avoir réussi à obtenir ce succès collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

prise en charge du traitement
de la bronchiolite

M. le président. La parole est à M. Pascal Ménage, pour le groupe UMP.

M. Pascal Ménage. Monsieur le ministre de la santé, les familles d'enfants traités, les pédiatres et les néo-natologistes tourangeaux – mais cela vaut pour tous – ont attiré mon attention sur la baisse du taux de prise en charge par l'assurance maladie du palivizumab, dont le nom pharmaceutique est Synagis. Je rappelle que ce médicament est, à ce jour, le seul qui permette de prévenir la bronchiolite liée au virus respiratoire syncytial, en particulier chez certains nourrissons prématurés. Il est prescrit à environ 6 000 enfants.

Si elle n'est pas traitée précocement, la bronchiolite peut entraîner de graves séquelles respiratoires. Il s’agit donc d’un véritable enjeu de santé publique. Or, selon un arrêté publié la semaine dernière, ce traitement ne sera plus totalement pris en charge par l'assurance maladie, son taux de remboursement passant de 100 % à 35 %. Cette baisse substantielle et brutale pénalise les familles des enfants pour lesquels ce traitement est indispensable. Afin de rassurer les familles et les professionnels de santé concernés, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures que vous envisagez de prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai décidé de rétablir le remboursement à 100 % de ce médicament. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Depuis six ans, nous demandons au laboratoire des études précises indiquant dans quelles conditions et pour quels enfants ce médicament se montre le plus efficace. Trois réévaluations ont été faites, mais nous ne disposons toujours pas des études fiables que nous attendons. Le même laboratoire s’apprêtant à sortir un nouveau médicament d’ici à un an, j’ai réitéré ma demande. Ce n’est pas seulement la question du remboursement qui est en jeu, mais aussi celle des conditions d’efficacité optimales du médicament. Parallèlement, j’avais demandé à l’ensemble des acteurs concernés des garanties afin que personne ne puisse se trouver privé de ce traitement. Les réponses que j’ai reçues n’étant pas satisfaisantes, j’ai décidé de rétablir le remboursement à 100 % du médicament. (« Quel exploit ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

À la veille de l’hiver, je voudrais cependant rappeler que le traitement médicamenteux ne constitue pas le seul recours contre la bronchiolite : la prévention est très importante, et il ne faut hésiter non plus à se tourner vers la kinésithérapie respiratoire – nos kinés font un travail remarquable. En tout état de cause, il appartient à la solidarité nationale de prendre en charge ces médicaments parmi les plus onéreux. C’est pourquoi le Synagis sera à nouveau remboursé à 100 % avant la fin de cette semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Difficultés financières
des collectivités locales

M. le président. La parole est à M. François Dosé, pour le groupe socialiste.

M. François Dosé. Monsieur le Premier ministre, votre prédécesseur à Matignon avait confirmé la refondation de l’action publique locale – y compris dans la Constitution – en formulant le vœu d’une « République des proximités ».

Cette législature devait donc s’employer à mettre en œuvre l’acte II de la décentralisation dans un souci d’efficacité et de transparence, ce qui nécessitait trois préalables incontournables : premièrement, une fiscalité locale adaptée aux nouvelles responsabilités des collectivités ; deuxièmement, une juste péréquation, afin de ne pas sacrifier les communes les plus fragiles sur l’autel de la compétitivité ; troisièmement, la garantie pour les élus de disposer des moyens juridiques et humains pour assumer leurs nouvelles compétences.

En esquivant ces trois obligations, la décentralisation est devenue une idée impopulaire chez les Français, synonyme de délestage de l’État et d’accroissement des inégalités territoriales.

La crise sans précédent des finances locales n’est pas liée à des dépenses déraisonnables ni à l’irresponsabilité de leurs gestionnaires. Si les collectivités territoriales s’endettent, c’est uniquement pour financer leurs investissements, qui représentent aujourd’hui plus de 70 % de l’investissement public dans notre pays.

La crise prend ses racines essentiellement dans les contraintes que l’État impose et dans les missions dont il se libère, mais aussi, évidemment, dans les exigences de nos administrés ; enfin, et surtout, dans vos décisions et indécisions financières.

Entendez ce que disent les maires réunis en congrès, dans la diversité de leurs territoires et de leurs convictions ; ils sont tous confrontés à cette réalité quotidienne. Monsieur le Premier ministre, acceptez-vous de redéfinir les modalités de la taxe professionnelle et du bouclier fiscal ?

M. Maxime Gremetz. Et de la TIPP !

M. François Dosé. Acceptez-vous de donner les justes compensations financières aux communes de France afin de leur permettre d’assumer les services rendus à la demande de l’État ou de feu les entreprises publiques ?

Enfin, acceptez-vous d’offrir aux territoires communaux les instruments d’une véritable péréquation financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je crois que nous avons tous, parlementaires et membres du Gouvernement, un devoir d’humilité vis-à-vis des maires de France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui sont nos premiers interlocuteurs pour mener des politiques de proximité à l’écoute de nos concitoyens. Je ne prétends pas que les politiques conduites répondent toujours à leurs inquiétudes, mais notre devoir est de renforcer les outils mis à leur disposition.

Pour ce qui est de la taxe professionnelle, Brice Hortefeux, qui assiste actuellement au congrès des maires de France, m’a demandé de vous répondre que le Gouvernement voulait garantir aux 200 000 entreprises concernées qu’elles ne paieraient jamais plus de 3,5 % de leur valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle – cela pour satisfaire au double impératif de la compétitivité de nos entreprises et de l’attractivité de nos territoires. Il faut un partage équitable entre les responsabilités de l’État et celles des collectivités locales.

M. Philippe Vuilque. Il n’est pas équitable !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La loi de finances pour 2006 a instauré un bouclier fiscal au bénéfice des contribuables, car il n’est pas normal que certains de nos concitoyens reversent, sur cent jours travaillés, le revenu de soixante en impôts et taxes de toutes sortes.

M. Jacques Desallangre. Les plus riches !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Brice Hortefeux n’a également eu de cesse de rappeler la nécessité de réformer l’ensemble de notre fiscalité locale, une fiscalité à bout de souffle, dont les bases sont désuètes et les modalités de calcul extrêmement complexes. C’est du reste aussi la volonté de l’AMF, qui a demandé au Conseil économique et social un rapport sur ce sujet.

Enfin, en matière de décentralisation, nous n’avons aucune leçon à recevoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si l’acte I de la décentralisation, façon Defferre, a transféré toutes les responsabilités sans aucun moyen, l’acte II consiste à transférer les compétences tout en veillant, par une loi constitutionnelle, à ce qu’elles soient compensées à l’euro près (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La différence, c’est que là où vous exercez des responsabilités, et notamment à la tête des régions de France, vous ne cessez d’augmenter la fiscalité locale, alors que nous veillons à exercer les nôtres de façon à ce qu’elles n’aient aucun impact sur les contribuables locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

crise ostréicole du bassin d’Arcachon

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, le déchaînement médiatique dont ont été victimes les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon, au mois de septembre dernier, a violemment ébranlé une profession déjà fragile et profondément ému toute la population. L’ostréiculture est en effet une composante essentielle de l’identité du bassin d’Arcachon, qui demeure indispensable à la préservation de notre cadre de vie.

L’annonce de l’ouverture d’une information judiciaire pour deux décès inexpliqués a injustement jeté le discrédit sur notre production ostréicole. En effet, nous savons aujourd’hui que ces deux décès n’avaient rien à voir avec la consommation des huîtres – ce dont nous n’avions du reste jamais douté. Monsieur le ministre, les fêtes de fin d’année approchent, les Français sont en droit de consommer des huîtres en toute connaissance de cause et les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon d’être réhabilités. Je vous demande par conséquent de nous confirmer que l’état sanitaire des coquillages du bassin d’Arcachon est satisfaisant, de manière à permettre aux professionnels d’engager une vraie campagne de communication avec le soutien des collectivités locales et de l’État.

Aujourd’hui, le sentiment général est que le bassin d’Arcachon n’est pas traité à l’égal des autres centres ostréicoles. Si, malgré tout ce qu’on leur fait subir, les souris d’expérience sont encore vivantes, si la qualité de l’eau est extraordinaire et si les décès ne sont pas liés à la consommation d’huîtres, on ne peut que conclure à la paranoïa de certains scientifiques déconnectés de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cela alimente d’autant plus la rumeur saugrenue d’un complot visant à supprimer l’ostréiculture du bassin d’Arcachon.

Monsieur le ministre, pourriez-vous lever toutes ces ambiguïtés (« Trop tard ! » sur les bancs du groupe socialiste) et nous préciser de quelle manière le Gouvernement entend conforter l’activité ostréicole dans le bassin d’Arcachon ? J’attire tout particulièrement votre attention sur le sort des jeunes ostréiculteurs, qui ne peuvent pas invoquer les calamités agricoles et devraient donc bénéficier d’une procédure spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la députée, vous avez parlé avec passion de ce bassin d’Arcachon que vous représentez à la fois en tant que députée et élue municipale – comme d’autres députés, tels M. Quentin ou M. Couanau.

Ce qui est arrivé aux ostréiculteurs du bassin d’Arcachon est grave, puisque deux années de suite nous avons dû interrompre la commercialisation des huîtres, les résultats de certains tests indiquant un problème sanitaire.

Aujourd’hui, après m’en être entretenu avec Xavier Bertrand sous l’autorité de M. le Premier ministre, je suis en mesure de vous annoncer que les résultats des tests sont excellents, à Arcachon comme dans tous les bassins ostréicoles français. Nous avons pris la décision de procéder à un nouveau test dans quelques jours, le dernier avant les fêtes de fin d’année qui constituent le moment le plus important de la saison ostréicole.

Vous avez bien raison de critiquer ceux qui s’emparent de cette crise pour des raisons politiciennes.

M. Jacques Desallangre. À qui pensez-vous ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il faut maintenant dire à tous les consommateurs que les huîtres de France restent un produit de grande qualité. Le ministre de la santé et moi-même allons rencontrer l’ensemble des producteurs afin de les rassurer et de mettre au point ensemble une méthode de travail. Nous allons effectivement, comme l’a souhaité le Premier ministre, lancer une vaste campagne de promotion des huîtres de France, l’un des meilleurs produits de notre pays ! J’engage tous les députés présents dans l’hémicycle à manger des huîtres.

M. Jacques Desallangre. On en mange !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Elles mettent de bonne humeur, ce qui peut être utile par les temps qui courent, et ont même d’autres vertus que je n’évoquerai pas ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pourquoi ne pas organiser une dégustation d’huîtres, notamment d’Arcachon, à l’Assemblée nationale ? (Rires sur divers bancs.)

projet de statut pour les beaux-parents

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe UMP.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre délégué à la famille, lors de la journée internationale des droits de l’enfant qui s’est tenue avant-hier, Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, a déposé son premier rapport.

Une des mesures phares qu’elle préconise vise à jeter les bases d’une sorte de statut des tiers, et notamment du beau-parent, reprenant ainsi l’une des propositions de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants à laquelle j’ai participé, et dont Valérie Pecresse a présenté le rapport le 25 janvier dernier.

Je m’en réjouis. Chacun sait en effet que le nombre croissant des divorces et des familles recomposées – au sein desquelles vivent plus d’un million et demi d’enfants – impose de faciliter la vie quotidienne de ces enfants sans pour autant remettre en cause notre modèle familial. Quelle que soit la dénomination utilisée, « délégation de responsabilité parentale » – ce qui constituerait sans doute la formule la plus simple –, « mandat d’éducation ponctuel » ou « convention de partage de l’autorité parentale », il s’agit en tout état de cause de donner une place au parent social pour les actes de la vie courante de l’enfant.

Monsieur le ministre, au moment où nous allons bientôt examiner votre projet de loi sur la réforme de la protection de l’enfance, comment comptez-vous prendre en compte cette recommandation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. J’ai pris connaissance du rapport de Mme Versini, comme de celui de la mission d’information sur la famille à laquelle vous avez participé et dont Mme Valérie Pecresse était la rapporteure. L’amélioration du rôle des beaux-parents n’est pas un sujet anodin : près de 1,6 million d’enfants vivent aujourd’hui dans des familles recomposées. Nous devons, pour faciliter leur vie quotidienne, privilégier l’intérêt des enfants – c’est-à-dire permettre à leurs deux parents, le cas échéant, de s’impliquer dans leur vie quotidienne. La loi de 2002 prévoit précisément l’exercice conjoint de l’autorité parentale, y compris en cas de séparation.

C’est très important car les parents chez lesquels l’enfant ne vit pas sont parfois tentés de baisser les bras et de se désengager. Notre première priorité est donc de faire en sorte que chacun des deux parents exerce bien son autorité parentale, celle-ci étant non seulement un droit mais un devoir.

C’est dans ce cadre que doivent être appréciées les propositions consistant à renforcer, par exemple, le rôle du beau-parent ou des grands-parents. En effet, il ne doit s’agir en aucun cas de diminuer le rôle de chacun des deux parents de l’enfant qui exercent l’autorité parentale. La place faite aux beaux-parents ne doit pas être un prétexte de désengagement pour celui des parents qui n’élève pas l’enfant quotidiennement.

Mme Annick Lepetit. Vous n’avez pas lu le rapport !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Faisons ensemble l’inventaire des difficultés que nous rencontrons. Aujourd’hui, par exemple, l’inscription à l’école ou la sortie de l’école de l’enfant se règlent dans la vie pratique. Voyons d’abord celles de ces questions qui peuvent être résolues sans faire appel à la loi. Prenons ensuite les décisions nécessaires pour l’avenir avec, pour seul impératif, l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plan petite enfance

M. le président. La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste.

M. Albert Facon. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, la Caisse nationale d’allocations familiales a choisi, le 26 juin dernier, de remplacer les contrats enfance et temps libre par un contrat unique dénommé « enfance et jeunesse ». Cette circulaire masque en fait sournoisement le désengagement financier de la CNAF.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Albert Facon. Les effets très réducteurs de la nouvelle circulaire vont pénaliser de nombreuses collectivités. En effet, le taux de participation de la CAF dont bénéficiaient les communes, qui se sont beaucoup investies, va passer de plus de 60 % à 55 %. En outre, cette participation sera conditionnée dans les structures d’accueil, crèches et haltes-garderies, par un taux d’occupation de 70 %. Or celui-ci est impossible à atteindre…

M. Yves Bur. Mais non !

M. Albert Facon. …à moins de faire du remplissage plutôt que de l’accueil de qualité, comme le souhaitent les parents.

Au cours des questions au Gouvernement, le 8 novembre, Jean-Pierre Nicolas, député UMP, vous a ainsi interpellé, monsieur le ministre : « Une nouvelle procédure semble préoccuper certaines collectivités locales qui s’inquiètent d’une diminution de l’aide des caisses d’allocations familiales, notamment dans le cadre des contrats « enfance » et des contrats « temps libre » avec les haltes-garderies. Je le constate à Evreux. » Cela ne devrait pas vous laisser indifférent, monsieur le président…

Comme toujours, monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu. À l’image de l’attitude générale du Gouvernement, vous faites de grandes annonces sans préciser que la facture sera réglée par d’autres et surtout par les collectivités locales.

Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas le désaccord profond de l’Association des maires de France à l’égard de cette circulaire. C’est donc au nom des maires, et notamment de celui d’Évreux (Sourires), que je vous demande de revoir les orientations de ce texte, comme l’ont déjà réclamé de nombreux parlementaires siégeant sur tous les bancs de cette assemblée. Allez-vous enfin écouter les élus qui sont sur le terrain, vous qui aspirez tant à le devenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, le Gouvernement a apporté la garantie de l’État à une augmentation de 7,5 % par an des crédits des caisses d’allocations familiales pour les crèches. C’est ainsi que la subvention dont bénéficie votre commune va passer à 450 000 euros, alors qu’elle était de 110 000 euros en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous parlez d’une régression ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Entre 2002 et 2008, grâce à l’effort sans précédent que nous avons accompli, nous aurons créé 72 000 places de crèches.

Mme Paulette Guinchard et Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Voilà quinze jours, j’ai annoncé un plan petite enfance pour faire en sorte que les 240 000 enfants sans solution de garde puissent en avoir une dans un délai de cinq ans.

M. Augustin Bonrepaux. Menteur !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cela implique le recrutement de 60 000 assistantes maternelles et la création de 40 000 places supplémentaires, des micro-crèches, des crèches rurales, des crèches pour les très petites entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas vous qui le ferez !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je crois que vous avez fait allusion dans votre question aux nouvelles modalités de prise en charge des crèches. Je tiens là aussi à vous rassurer : les chiffres que vous citez ne sont pas exacts. Avec les nouvelles dispositions, chaque crèche recevra un financement de la caisse d’allocations familiales au moins égal à 78 % de son coût de fonctionnement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) en comptant à la fois le contrat « enfance » et la prestation de service unique.

M. Augustin Bonrepaux. Menteur !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Telle est la vérité. J’ajoute que, si dans certaines communes, on ne s’était pas servi des financements des caisses d’allocations familiales pour recruter des personnels en excédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et régler des questions d’emploi, on aurait moins besoin des crédits des caisses d’allocations familiales, qui n’ont pas vocation à payer votre politique de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Télévision numérique terrestre

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe UMP.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, la télévision numérique terrestre a séduit massivement les Français et vous venez de mettre en œuvre la quatrième phase de son déploiement avec l'installation de 24 émetteurs supplémentaires qui permettent ainsi de couvrir 65 % de la population.

II reste néanmoins des Français sur le bord de la route du numérique terrestre. Ainsi, les Hautes-Alpes, comme d’autres départements de montagne ou ruraux, n’ont pas accès à la TNT et certains secteurs ne captent que deux ou trois chaînes. Ces populations, qui s’acquittent pourtant de la redevance au même titre que les zones desservies, attendent de pouvoir bénéficier, comme les zones urbaines, de la TNT et de ses dix-huit chaînes gratuites.

Monsieur le ministre, le désenclavement numérique demeure, au même titre d’ailleurs que le désenclavement routier, une priorité pour les zones rurales et en particulier pour les zones de montagne. Aussi, je souhaiterais que vous puissiez informer la représentation nationale des délais dans lesquels les populations des zones rurales pourront accéder à la TNT. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, je le sais, vous êtes de ces élus de la ruralité française qui se battent au quotidien pour que chacun de nos concitoyens sur nos territoires les plus isolés puisse être regardé avec un esprit de justice et d’équité, et bénéficier de toutes les prestations en matière de service au public, au même titre que les populations vivant dans les grandes métropoles et les grands centres urbains.

La télévision numérique terrestre, c’est une formidable aventure. En mars 2005, lorsque le groupement a lancé dix-huit chaînes de télévision de qualité numérique gratuites, 35 % de foyers français y ont eu accès. Depuis le mois d’octobre dernier, ce pourcentage est passé à 65 %. Cela étant, et même si cela n’a rien à voir, personne ne peut comprendre qu’en payant la même redevance des Français aient droit à dix-huit chaînes de télévision numérique gratuites tandis que d’autres n’ont encore droit qu’à trois, quatre, voire cinq chaînes, et en analogique de qualité médiocre, sur les territoires les plus en difficulté.

Sachez que le Gouvernement a accepté deux amendements parlementaires déposés dans le cadre de la loi de modernisation de l’audiovisuel, présentée lundi dernier par mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres au Sénat. Nous avons ainsi validé l’augmentation du nombre d’émetteurs pour permettre de couvrir 95 % du territoire. Bien évidemment, madame la députée, Gap fera partie des villes prioritaires en la matière. Dans un souci d’équité, l’essentiel est de parvenir rapidement à couvrir 100 % du territoire. Le second amendement permettra précisément, trois mois après le vote de cette loi relative à la modernisation de l’audiovisuel – monsieur le président, je souhaite que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée avant la fin de cette législature –, d’irriguer l’ensemble des foyers français.

Dans le cadre des relations que j’entretiens avec l’ensemble des opérateurs, j’espère même ne pas avoir besoin de la loi pour obtenir ce bouquet satellitaire avant le terme de la discussion parlementaire. Ainsi, 100 % de foyers français pourront bénéficier de dix-huit chaînes de télévision numérique gratuites sans le moindre abonnement. C’est notre souci de justice et d’équité pour tous les territoires et toutes les populations de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous rappelle que l’inscription des textes à l’ordre du jour est le fait non pas du président de l’Assemblée mais du Gouvernement.

réchauffement climatique

M. le président. La parole est à M. Denis Merville, pour le groupe UMP.

M. Denis Merville. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mes chers collègues, l’environnement est aujourd’hui au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Les Français souhaitent un développement moins fragile, une croissance économe des espaces et des ressources naturelles. Bref, ils veulent un développement durable.

Le réchauffement climatique est au tout premier rang de nos préoccupations environnementales. En avril dernier, la mission d’information sur l’effet de serre à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir a remis un rapport voté à l’unanimité moins une abstention. La conclusion de nos travaux est sans ambiguïté : le changement climatique constitue bien le défi majeur du siècle qui s’ouvre et les activités humaines constituent indéniablement l’origine principale de ce phénomène dont les conséquences pourront se révéler dramatiques si rien n’est fait.

Après un tel constat, qui s’apparente à un cri d’alarme, nous avons formulé des recommandations qui illustrent la diversité des moyens d’action mobilisables. Nous avons ainsi demandé une plus grande implication de l’État et des élus locaux. Madame la ministre, ce matin, les maires de France ont précisément montré combien ils étaient préoccupés par ces questions d’environnement. Nous avons également demandé une information et une formation pour nos concitoyens, ainsi qu’une meilleure utilisation de la fiscalité.

Notre pays a d’ores et déjà accompli des efforts remarquables pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais, demain, il faudra aller beaucoup plus loin. À la pratique habituelle du « chacun pour soi », source de bien des pollutions, devra succéder celle, vitale, du « chacun pour tous » car c’est à chacun qu’il appartient désormais de se mobiliser pour répondre aux défis d’aujourd’hui. Seule cette ambition majeure d’éco-citoyenneté intégrera l’environnement dans toutes nos politiques.

Le 13 novembre dernier, le Premier ministre a présidé un comité interministériel pour le développement durable. Il a annoncé à cette occasion le renforcement de certaines mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique. Madame la ministre, pouvez-vous préciser devant la représentation nationale les orientations qui viennent d’être décidées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Hulot candidat !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Question téléphonée ! Tout est déjà dans la presse !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le député, je partage votre constat. Pour poursuivre le combat contre le changement climatique dans lequel le Gouvernement s’est largement impliqué depuis des mois, le Premier ministre a en effet annoncé, le 13 novembre dernier, un ensemble de mesures visant à mobiliser tous les outils à notre disposition pour faire face à l’urgence. Il a ainsi décidé de renforcer les crédits d’impôt en faveur des énergies propres et des équipements écologiques. Des moyens extrêmement importants ont été débloqués : un milliard d’euros de crédits d’impôt est ainsi prévu pour 2007. Le nouveau livret d’épargne de développement durable qui sera disponible en janvier permettra, et c’est sans précédent, de consacrer 10 milliards d’euros à des prêts écologiques.

Nous allons poursuivre les efforts entrepris, notamment en doublant en trois ans le nombre d’espaces Info-Énergie, ce qui permettra à deux millions de nos concitoyens d’y accéder, en accordant des crédits d’aide au développement des réseaux de chaleur renouvelable, qui utilisent le bois et la biomasse, en augmentant de 75 %, ce qui est assez substantiel, les moyens affectés à la campagne de communication sur le changement climatique, et en organisant la formation des professionnels du bâtiment sur ces questions.

Les mesures prises par le Gouvernement depuis plusieurs mois nous ont d’ores et déjà permis d’enregistrer des résultats significatifs : les émissions de CO2 sont retombées en dessous du niveau atteint en 1990, ce qui représente une baisse de 1,8 %. Quant aux énergies renouvelables, dont je vous rappelle que la France reste le premier producteur, elles se développent à un rythme très soutenu.

Nous avons enfin soutenu, à la demande du Premier ministre, la taxe sur le carbone, qui frappera les importations de produits industriels en provenance de pays refusant de s’engager au-delà de 2012.

Comme vous le voyez, monsieur le député, beaucoup a été fait par ce gouvernement, alors que d’autres, par le passé, n’avaient pas tenu leurs promesses… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais enfin souligner, monsieur le président, que quelle que soit notre sensibilité, ce n’est pas faire honneur à nos concitoyens de traiter les ministres de « menteurs ». Quelles que soient les sensibilités politiques des uns et des autres, il faudrait un minimum de respect pour la fonction, sinon pour les idées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je tiens à exprimer ma satisfaction de constater que le ministre de l’intérieur, en charge de ce projet de loi, est présent parmi nous cet après-midi. Il ne pouvait pas l’être hier soir. Nous insistons pour que sa présence soit régulière tout au long de l’examen de ce texte.

M. le président. Monsieur le Guen, visiblement, certains d’entre vous ont parfois du mal à le supporter.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas mon cas !

M. le président. Nous sommes donc très heureux que le ministre d’État soit là et que vous l’appréciiez autant !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pour M. Le Guen, la vie politique s’organise autour de moi !

M. Jean-Marie Le Guen. Sur ce projet de loi, tout à fait !

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous sommes réunis ces jours-ci pour examiner un projet de loi dont l’intitulé répond à une demande qui avait été formulée par les élus socialistes lors des débats sur la loi de sécurité intérieure.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. M. Le Guen quitte l’hémicycle, c’est extraordinaire !

M. le président. Il reviendra certainement lorsque vous ne serez plus là, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Poursuivez, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre d’État, les élus socialistes avaient, à l’époque, demandé au Gouvernement une loi sur la prévention de la délinquance car ils estimaient que votre politique était trop tournée vers les dispositifs de sécurité, ce qui, dans leur bouche, se transformait en « politique sécuritaire », comme si cela était, par nature, péjoratif. Vous aviez alors indiqué que vous présenteriez un texte sur la prévention.

À l’époque déjà, l'UDF, par la voix de Nicolas Perruchot, dénonçait dans cet échange entre Gouvernement et opposition une double erreur.

La première est d'opposer en permanence la politique de prévention et celle qui vise à réprimer les actes de délinquance. À l'UDF, nous en avons assez de voir le débat enfermé entre les partisans de la seule réprimande multiréitérée et ceux qui pensent que seule la case prison est une réponse satisfaisante à la délinquance. Pour l'UDF, les deux politiques sont indissociables. D'ailleurs, il suffit de regarder comment nous agissons dans le privé avec nos propres enfants. Nous indiquons les règles, nous expliquons ce qu'il advient lorsqu'elles sont enfreintes, nous formulons des interdits et, si nous ne sommes pas compris, si ces limites légitimement posées sont franchies, alors nous sanctionnons, sans oublier d'expliquer à nouveau les raisons de l'interdit comme celles de la sanction.

Par une curieuse perversité du débat politique français, qu'on ne retrouve pas ailleurs en Europe, ce que nous faisons spontanément, j'oserai dire naturellement, à titre individuel avec nos enfants, nous ne le faisons plus aussi facilement lorsqu'il s'agit d'établir des règles collectives. Et l’on verse alors dans des débats quasi théologiques. Pourtant, il est certain qu'une sanction qui n'est pas accompagnée d'une explication n'est pas comprise, donc pas efficace. Il est tout aussi certain que des explications, des remontrances répétées sans qu'aucune sanction soit prononcée n'ont aucune chance d'atteindre leur but, tant elles finissent par illustrer l'absence de limites autres que purement déclaratives. Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'un adolescent délinquant. Comment se construit l'identité d'un adolescent ? Nous le savons tous : par opposition aux adultes qui l'entourent. Que cherche-t-il en tous domaines ? À trouver sa limite, à la comprendre.

Le simple bon sens montre que le débat qui agite depuis des années le monde politique entre répression et prévention est tout simplement absurde.

La seconde erreur est de considérer qu'une politique de prévention de la délinquance doit être articulée par la loi. Car l'accompagnement socio-éducatif d'un jeune délinquant, d'une famille en danger, l'accompagnement éducatif individualisé du plus grand nombre de jeunes dans nos écoles, le suivi effectif des mesures judiciaires, lorsqu'elles sont prononcées, le soutien aux parents débordés par leurs enfants ou, tout simplement, la formation de ces parents à leur rôle et à leur responsabilité, la prévention des addictions qui progressent tant chez nos jeunes et bien d'autres domaines qui participent de la prévention indispensable ne relèvent pas de la loi, ou bien, à la limite, d'une loi de programmation financière, mais bien des moyens mis à la disposition des actions de prévention.

Or le débat biaisé, faussé, caricaturé entre prévention et répression a abouti à la paralysie de la volonté politique et donc des moyens qui, sous tous les gouvernements, n'ont jamais été à la hauteur des besoins et des enjeux. Que penser d’un pays, le nôtre, où la justice est dotée du plus faible effort budgétaire de toutes les grandes démocraties ? Que penser d'un pays qui accepte, en connaissance de cause – et surtout après les travaux parlementaires conduits par certains d’entre nous –, que son système pénitentiaire soit un des plus criminogènes et ne traite de la réinsertion qu’accessoirement, alors qu’elle devrait être son objectif principal ? Que penser des beaux principes de l'ordonnance de 1945 qui souhaite sanctionner et, en même temps, protéger les mineurs délinquants quand 12 juges pour enfants – 14 depuis deux mois grâce au garde des sceaux – et 25 éducateurs à peine sont à la disposition de la Seine-Saint-Denis dont je suis élu, département où la délinquance des mineurs est de loin la plus forte, ce qui revient à dire que chacun de ces éducateurs est censé suivre, guider et protéger 250 à 300 mineurs par an ?

Comment concevoir une politique de prévention efficace quand on concentre les difficultés sociales dans quelques villes et quelques quartiers fermés sur eux-mêmes, dont l'urbanisme a été raté et qui cumulent ainsi les problèmes, dont l'écheveau devient infiniment plus compliqué à démêler ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comment demander à ces communes d'être à la hauteur des enjeux quand on sait que celles qui subissent le plus de délinquance – le ministre d'État le dit lui-même régulièrement en évoquant les victimes de la délinquance – sont celles qui ont le moins de moyens financiers,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Exactement !

M. Jean-Christophe Lagarde. …alors que leur population a le plus besoin d'être accompagnée, qu'il s'agisse des victimes ou de ceux qui pourraient verser dans la délinquance ?

Pour nous, ce n'est pas une simple loi, mais une politique globale qui fonde la prévention de la délinquance.

Pour l'UDF, cette politique globale doit reposer sur trois piliers simples que je souhaite exposer ici. Ils ne sont pas exhaustifs, mais ils sont essentiels.

En premier lieu vient la politique de l'urbanisme, sur laquelle je vais m’attarder un peu plus, car on refuse trop souvent de voir la réalité. Nous payons les conséquences d'un modèle de société où on a laissé se développer la culture du vivre entre soi, c'est-à-dire une société où les riches vivent avec les riches, où les classes moyennes se regroupent entre elles et où les pauvres sont concentrés, relégués dans quelques quartiers.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. On a accepté, sans le dire, dans notre pays que se constituent des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, dont les habitants ne se connaissent pas, ne se rencontrent jamais et ont donc perdu toute référence commune et pris peur les uns des autres. De surcroît, les erreurs d'urbanisme des années 50-70, avec les quartiers d'habitat social surconcentrés, ont créé des systèmes fermés où n’entrent jamais les gens extérieurs au quartier. Ces quartiers fermés ont abouti au repli sur soi, au sentiment qu'on appartenait à un territoire à part de sa commune ou même à part de la République. On a ainsi triplement nié la fonction sociale première des villes : la rencontre, l'échange et le mélange.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour retrouver aujourd'hui une paix civile dont l’absence menace lourdement sa cohésion nationale, la France doit mettre le paquet pour reconstruire une partie importante de ses villes en vue de répartir les difficultés sociales et d'y apporter des remèdes plus efficaces.

Je ne veux pas dire que, dès lors qu’on est pauvre, on devient délinquant. Ce type de raisonnement, entendu trop souvent chez ceux pour qui l’excuse sociale explique toutes les déviances, me hérisse le poil, car il est insultant pour les populations modestes.

M. Jacques-Alain Bénisti. Ils n’ont pas très bien entendu, de l’autre côté de l’hémicycle ! Il faut le répéter haut et fort !

M. Jean-Christophe Lagarde. Fort heureusement, l’écrasante majorité de ces gens, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, étudie, travaille et s’investit pour conquérir une meilleure place dans la société. Mais il est également vrai que la délinquance s’épanouit et se développe d’autant mieux, parvenant à rendre la vie insupportable à des milliers de nos concitoyens, qu’elle s’immerge dans un environnement social concentrant des gens qui cumulent les problèmes.

Pour parvenir à cette transformation urbaine, notre pays doit également prendre conscience, jusque dans le plus petit village, que ce ne sont pas les banlieues qui ont un problème, mais la France tout entière quand 10 % de sa population vit dans des quartiers où l’égalité des chances et la récompense du mérite sont très largement devenues des leurres.

M. Patrick Braouezec. Voilà une excellente phrase !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour mieux répartir le logement social, il faut évidemment faire comprendre à nos compatriotes que ce n’est pas lui qui pose des problèmes, mais bien sa concentration dans l’espace. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En outre, il devrait bien davantage être pensé, organisé et orienté vers l’accession à la propriété sur la longue durée, ce qui favoriserait encore plus sa diversification.

On entend parfois dire − surtout chez ceux qui veulent éviter ce sujet pourtant central – que cela coûtera très cher et prendra beaucoup de temps. Mais le coût de ce que je qualifie d’investissement social n’est rien comparé aux graves blessures que cette organisation du territoire et cette fracture entre citoyens d’un même pays infligent à la cohésion nationale. Il est bien plus lourd, financièrement et humainement, de les ignorer que de chercher à y remédier.

De quel droit, au nom de quoi accepte-t-on depuis des années qu’il y ait des « quartiers en difficulté » ? On peut comprendre qu’il y ait des gens en difficulté, mais accepter d’avoir durablement des quartiers en difficulté, c’est admettre qu’on y a concentré toutes les personnes qui cumulent les problèmes. Ce n’est pas un projet républicain et cela n’a jamais été celui de la France.

M. Jacques-Alain Bénisti. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Quant au délai nécessaire à la diversification, il sera d’autant plus grand qu’on ne s’y mettra pas aujourd’hui. Tous ceux qui prétendent remédier rapidement, presque instantanément, à ce qu’on est hélas convenu de désigner par l’expression impropre de « problème des banlieues » mentent aux Français. Car le deuxième pilier d’une politique globale, celui de l’éducation, nécessite également du temps. Il faut une quinzaine d’années pour reconstruire des quartiers intégrés à la ville, et il en faut au moins autant pour construire un jeune adulte entre le moment où il entre à l’école et celui où il en sort. L’éducation ne se résume d’ailleurs pas à l’école, tant il est vrai que nos enfants ont aujourd’hui de multiples autres sources d’informations pour découvrir le monde à travers les médias, les nouvelles technologies, les activités culturelles ou sportives. Cela fragilise notre modèle éducatif puisque, au lieu de l’enseignant comme prescripteur unique, donnant du sens au monde et indiquant la façon d’y trouver sa place, nous sommes dans un temps où l’enseignant n’est plus qu’un élément éducatif parmi d’autres. On peut le regretter, mais on ne reviendra pas en arrière.

Pour remplir sa mission, l’école doit être recentrée autour de trois objectifs : construire des citoyens ayant conscience d’appartenir à une communauté de vie, donner les moyens de l’échange avec les autres − notamment à travers le langage − et ouvrir les voies d’une insertion professionnelle ajustable en fonction de l’évolution des métiers. Telles sont, selon moi, les nouvelles missions que la nation doit confier à son école. Or force est de constater qu’elle échoue aujourd’hui sur tous ces points. La plupart des jeunes qui en sortent ont davantage le sentiment d’appartenir à une communauté nationale lorsqu’ils regardent un match de football que lorsqu’ils sont confrontés aux choix collectifs dont ils sont coresponsables. Les lourdes carences dans l’apprentissage de notre langue écrite ou parlée dont souffre une part grandissante de la population lui interdisent l’échange, l’expression et la compréhension des autres. Or n’importe quel étudiant en première année de psychologie sait que l’incapacité à exprimer crée des réactions et des pulsions violentes.

Enfin, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucune formation, et des dizaines de milliers d’autres sont envoyés dans des formations parfois longues mais dépourvues de débouchés professionnels. Bâtir l’école de la nation, c’est-à-dire celle de la citoyenneté, placer la langue − et non plus les sciences − au cœur du système éducatif pour combattre les ruptures sociales, ouvrir l’enseignement sur les métiers et les entreprises : ces trois objectifs pourraient contribuer à la prévention de la délinquance.

Encore faut-il que les enseignements soient adaptés individuellement aux difficultés qui, souvent, ne sont que momentanées et limitées à quelques matières, au lieu de considérer que tous les élèves doivent progresser de la même façon, dans tous les domaines, au même moment.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ceux qui ne suivent pas le rythme sont envoyés à la casse.

Le troisième et dernier pilier de notre politique devrait être une réflexion sur la façon dont s’exerce la justice et sur les objectifs qu’elle se fixe. Certains diront que j’entre enfin dans le vif du sujet ; d’autres penseront que j’en sors.

M. Jean-Marc Roubaud. En effet !

M. Jean-Christophe Lagarde. En réalité, à l’UDF, nous ne croyons pas que le tandem police-justice puisse suffire à lutter contre l’augmentation régulière de la délinquance ou du niveau de la violence. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé par d’autres axes politiques de long terme. Mais nous savons bien aussi que, en attendant que les efforts sur l’urbanisation et l’éducation portent leurs fruits, nous avons besoin d’une police efficace et d’une justice réactive, adaptées à la dérive d’une délinquance en perpétuelle évolution.

C’est en réalité l’objectif principal du texte que le Gouvernement nous présente. Faut-il le jeter aux orties, sous prétexte qu’il ne traite pas, ou si peu, des deux précédents sujets ? Je ne le crois pas. Je disais d’ailleurs au début de mon intervention que la prévention de la délinquance dans sa globalité n’est pas l’affaire d’un texte de loi, mais d’une politique globale et des moyens qui vont avec.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre d’État, je crois que les débats excessifs, les critiques souvent sans rapport avec le texte que l’on a pu entendre dans les médias et les jugements hâtifs sur la situation objective de la délinquance sont davantage liés à votre qualité de candidat à l’élection présidentielle qu’à vos fonctions de ministre de l’intérieur et, surtout, au projet de loi que vous nous présentez.

M. Claude Goasguen. Ça ne nous avait pas échappé !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le garde des sceaux, bien que la justice ne puisse, seule, assumer les objectifs qui lui sont fixés, ceux-ci doivent être clairs.

Il convient, premièrement, de sanctionner tout délit commis, sans jamais en laisser aucun sans réponse. C’est ainsi que l’on luttera contre le sentiment, légitimement répandu de nos jours, que celui qui triche s’en sort mieux que celui qui respecte les règles de vie en commun. Comment, dans de telles conditions, mener efficacement une politique éducative avec les acteurs sociaux ? Telle est pourtant souvent la situation dans un département comme le mien.

Deuxièmement, la sanction doit être adaptée à la faute commise, intervenir rapidement et être comprise par celui qui en fait l’objet. Pour l’UDF, une sanction adaptée est celle qui permet de protéger la société contre la répétition de l’infraction en même temps qu’elle permet l’accompagnement de son auteur afin qu’il n’ait plus envie ni besoin de la commettre.

Troisièmement, il faut favoriser tout ce qui peut être accomplissement de peine en milieu ouvert et qui s’inscrit dans le cadre de la réparation due aux victimes ou à la société.

Quatrièmement, tout notre système de privation partielle ou totale de liberté doit être entièrement repensé avec pour seul but de préparer le moment de la sortie, car c’est à ce moment-là qu’il incombe à la justice de protéger la société contre la récidive. Or, on a beau le clamer à longueur de discours depuis des années, force est de constater qu’on ne le fait pas. Au-delà même de notre invraisemblable taux de récidive, il suffit pour s’en convaincre de considérer le budget de la justice − car, bien que ce gouvernement l’ait fait progresser ces dernières années, il reste bien en deçà des enjeux −, de visiter une prison, un tribunal ou un service spécialisé dans le suivi des mesures judiciaires.

Tout imparfait qu’il soit, votre texte fournit des outils utiles pour atteindre les trois premiers objectifs que j’évoquais pour la justice, notamment en diversifiant les mesures judiciaires et en les rendant plus rapides.

J’ai cru comprendre que le Gouvernement allait retirer du texte le volet concernant les hospitalisations d’office…

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais non ! Nous changeons simplement de véhicule !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le regrette à titre personnel, car peu m’importe le véhicule législatif pourvu que l’on avance dans des domaines où l’on n’a que trop tardé.

Je conclurai en évoquant le débat sur le rôle que ce projet de loi attribue aux maires. Pour l’UDF, il n’est pas et il n’a jamais été question que le maire puisse être à un quelconque moment celui qui sanctionne, celui qui participe à la punition. Cette possibilité avait été envisagée lors du débat qui a précédé l’élaboration du projet, mais cela ne figure pas ou plus dans le texte, et c’est un point d’accord entre nous.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est important de le dire !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis au demeurant surpris de l’expression « maire shérif » que certains osent encore employer. Le président de l’Association des maires de France, en particulier, avait dû si mal lire la version présentée à notre assemblée qu’il n’a pas répété hier dans cet hémicycle les critiques qu’il avait largement diffusées dans la presse.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. En tant que maire, je m’interroge sur l’association dont je suis adhérent.

Pour moi, il est légitime et utile que le maire puisse coordonner les services spécialisés dans le traitement et le suivi de la délinquance…

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et cela au moins pour trois raisons. D’une part, alors qu’il est aujourd’hui privé des moyens légaux d’agir − même si, hier soir, certains nous ont confié qu’ils ne s’en privaient pas −, il est tout de même considéré par la population comme responsable de l’évolution de la délinquance dans sa commune. Quitte à avoir des comptes à rendre, je préfère avoir la possibilité d’agir.

D’autre part, la situation de la délinquance, sa typologie, son évolution ne sont pas les mêmes dans les quartiers nord de Marseille, au Mirail à Toulouse, à Clichy-sous-Bois ou dans ma propre ville. Souvent, les différences sont même criantes entre quartiers d’une même ville et les réponses doivent être sans cesse adaptées. Qui mieux que le maire peut coordonner des actions adaptées à sa commune ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Personne !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette logique n’est d’ailleurs pas nouvelle : c’était déjà celle des contrats locaux de sécurité mis en place par un gouvernement socialiste. Pourquoi s’y opposer aujourd’hui ? Le Gouvernement va plus loin dans ce domaine, et c’est tant mieux. L’évaluation des dispositifs montrera qu’il reste du chemin à parcourir.

Enfin, un mineur délinquant ne l’est presque jamais à plein temps. Il fréquente des associations sportives et culturelles, dépend souvent d’un établissement scolaire, est suivi par des assistantes sociales, parfois aussi par un éducateur, rencontre des problèmes de logement, utilise les services jeunesse de la ville, voire son service emploi. Bref, il a un parcours complet dans la ville et il est bon, sain, et sans aucun doute plus efficace que tous ceux qui interviennent auprès de lui puissent se rencontrer, se parler et mieux coordonner leurs interventions et la connaissance qu’ils ont du jeune en danger.

M. René Couanau. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Là encore, qui mieux que le maire peut les réunir autour d’une table et d’un secret professionnel partagé ? Je dois dire à ce propos que ce secret me paraît relativement théorique. Je comprends les hésitations des professionnels de l’action sociale, mais il faut leur dire que les maires en savent souvent davantage qu’eux-mêmes sur les familles en question, et que ce sont parfois les familles elles-mêmes qui les ont renseignés. Je ne vois donc là aucun problème.

D’autre part, qui, mieux que le maire, peut coordonner une action de soutien aux parents débordés par leurs enfants ? La plupart des parents d’enfants délinquants sont dans ce cas et ne sont pas, comme on veut parfois le faire croire, des gens qui abandonnent leur enfant. Il est d’ailleurs si évident que le maire doit coordonner cette action que M. Le Bouillonnec, pour lequel j’ai du respect et de l’estime, et d’autres collègues maires affirmaient ici hier soir qu’ils le faisaient déjà auparavant, alors même que la loi ne leur en donnait pas les moyens légaux. Pourquoi le refuser aujourd’hui ? Je veux pouvoir rencontrer des familles qui refusent tout contact avec les institutions.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, si l’UDF considère que le projet du Gouvernement ne traite qu’une partie de la prévention de la délinquance, il y décèle quelques outils utiles que, n’en doutons pas, beaucoup s’empresseront d’utiliser. Nous voulons les compléter par nos amendements et nous nous prononcerons sur le vote final au vu de l’ensemble de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire et M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, nous poursuivons l’examen d’un projet de loi qui, d’après son intitulé, traiterait de la prévention de la délinquance. Le ministre d’État qui nous le présente et les différents ministres chargés de le défendre dans notre hémicycle en sont probablement convaincus, mais ils sont bien les seuls, puisque l’immense majorité des acteurs sociaux et des professionnels concernés ont déjà légitimement condamné ce texte.

L’essentiel de la soixantaine d’articles qu’il comporte poursuit deux objectifs : dessiner une représentation du délinquant potentiel et organiser une répression plus sévère.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, mais vous n'étiez pas là pour l'entendre, monsieur le ministre d’État, l'honnêteté aurait voulu que ce projet fût intitulé « projet de loi relatif à la présomption de la délinquance et à l'organisation de sa contention » – entendez suspicion et répression !

Pour servir votre argumentation, vous utilisez à chaque occasion les drames les plus odieux et les plus condamnables.

M. Jacques-Alain Bénisti. Évidemment ! Au moins c’est du concret !

M. Michel Vaxès. Ce procédé indigne...

M. René Couanau. Et le vôtre scandaleux !

M. Michel Vaxès. ... n'honore pas le gouvernement de la France.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vaudrait-il mieux les taire ?

M. Michel Vaxès. S'il ne trompera aucun des véritables acteurs de la prévention de la délinquance, je crains qu'en jouant de l'émotion et de la légitime indignation des Français,...

M. Pierre-Louis Fagniez. Croyez-vous vraiment à ce que vous dites ?

M. Michel Vaxès. ...il ne trompe encore un temps nombre de nos concitoyens.

Le Larousse définit le prédélinquant comme un « mineur en danger moral du fait de la déficience de son milieu éducatif, et susceptible de devenir délinquant ». Le milieu éducatif se définissant sur les plans à la fois familial, scolaire et social, il est réducteur de le circonscrire à l'une de ces trois dimensions.

Selon vos critères, monsieur le ministre d’État, sont des délinquants potentiels les toxicomanes, les malades en traitement psychiatrique, les mineurs. C’est du moins ce que la lecture des articles du projet de loi nous fait découvrir : à chacune de ces catégories correspond un chapitre entier. Ce n'est pourtant pas tout : à ces personnes en souffrance psychique s'ajoutent toutes celles qui sont en souffrance sociale ou familiale et qui devront être signalées au maire lorsqu'elles connaissent de graves difficultés sociales, éducatives ou matérielles. Comme si les maires avaient attendu ce projet de loi pour s'occuper des familles les plus en difficulté de leur commune ! Les élèves absentéistes, les gens du voyage, les voisins bruyants sont présumés délinquants (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Michel Vaxès. ...du seul fait de se retrouver cités dans un texte relatif à la prévention de la « délinquance ».

M. René Couanau. Lamentable !

M. Michel Vaxès. Que la délinquance trouve le plus souvent ses origines dans les difficultés sociales, éducatives ou matérielles,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Pas du tout !

M. Michel Vaxès. ...nous en sommes depuis longtemps convaincus.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est un mauvais diagnostic !

M. Michel Vaxès. En revanche, nous sommes tout autant convaincus que toutes les personnes confrontées à de telles difficultés ne sont pas, fort heureusement, des délinquants potentiels.

M. Jacques-Alain Bénisti. Encore heureux !

M. Michel Vaxès. A contrario, de très grands délinquants qui vivent dans l'opulence matérielle dans les quartiers huppés ne sont pas du tout inquiétés par votre texte. C'est bien la preuve que le dispositif que vous nous proposez procède, de façon presque mécanique, à un amalgame malheureux et dangereux entre pauvreté, souffrance et délinquance.

M. Georges Fenech. Quel angélisme !

M. Michel Vaxès. Si les angélistes que vous dénoncez également, monsieur le ministre d’État, ont tort de considérer que la détresse morale, physique et matérielle excuserait tout, il est plus dangereux encore de désigner les plus vulnérables de nos concitoyens, ces personnes en souffrance psychologique ou sociale, comme une catégorie à surveiller, non parce qu’elle souffrirait, mais parce qu’elle constituerait une menace. En réalité, qu’il s’agisse de la vision des angélistes ou de la vôtre, toutes deux participent d'une même philosophie, celle de la désespérance. Pour nous, la délinquance n'est pas une fatalité. Elle peut être prévenue. C'est pourquoi nous aurions voulu débattre de prévention, ce que votre texte ne permet pas.

M. Georges Fenech. Qu’avez-vous fait au pouvoir ?

M. Michel Vaxès. Le projet de loi ne fait que désigner des catégories à risque et énoncer toute une liste de dispositions relevant de la sanction ou du signalement, comme si de telles mesures avaient par elles-mêmes des vertus préventives et curatives. Or tout le monde sait, sauf apparemment les défenseurs du texte, que la sanction et la contrainte ne sont utiles qui si elles sont justes et empreintes d'humanité.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est un peu alambiqué comme explication !

M. Michel Vaxès. Vous punissez vos enfants parce que vous les aimez, vous ne le faites pas pour les renier ou pour les bannir. Ceux qui souffrent de troubles psychologiques, les personnes dépendantes, les très pauvres, les parents défaillants ne seront ni soignés, ni aidés, ni soutenus, mais ils seront contrôlés, surveillés, signalés pour ne pas échapper à la sanction que, par avance, vous pensez qu'ils mériteront demain.

Inscrits dans des fichiers,...

M. Claude Goasguen. Pour les fichiers, vous n’êtes pas mal dans le genre !

M. Michel Vaxès. ...ils seront intimidés, culpabilisés, infantilisés et punis.

M. Georges Fenech. Caricature !

M. Michel Vaxès. Je comprends que cela vous gêne ! Il est vrai que nous n’avons pas la même définition de la délinquance – pour autant que vous en ayez une !

À une politique d'accompagnement et de soutien social, à une aide psycho-éducative, le texte substitue le contrôle social, et, ne serait-ce que pour cette raison, il sera gravement contreproductif.

Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre d’État : avec votre texte, vous allumez la mèche d'une bombe qui explosera au cœur de la République et portera gravement atteinte à ses valeurs les plus essentielles.

Vous faites du maire le pivot de votre politique de prévention de la délinquance. Or quels moyens lui donnez-vous pour qu'il puisse instaurer dans sa commune une politique de prévention ? Vous lui distribuez généreusement des responsabilités pour mieux décharger l'État des siennes. Les seuls moyens que vous lui concédez sont ceux de la surveillance. « Surveiller et punir », comme le disait Michel Foucault, voilà à quoi se résument votre philosophie et votre politique. Vous ne prévoyez pas de prévenir.

Vous avez même avoué, lors de votre audition par la commission des lois, que vous ne saviez pas ce que cela voulait dire. Pourtant vous parlez d'action préventive, mais pour en dénaturer le sens, en lui donnant de fait un contenu qui le pervertit, ce qui souligne là aussi l'immense danger de votre texte. En fait, vous renoncez à combattre l'insécurité, l'injustice sociale et la misère culturelle qui nourrissent toutes les déviances comportementales.

Prévenir par des mesures non pénales, qui permettent d'empêcher la commission d'une infraction en dégageant des moyens nouveaux pour l'éducation, la santé, la culture, la formation, l'emploi, la politique de la ville, l'action sociale, le suivi éducatif et psychologique, telle n'est pas l'option que vous retenez. Intervenir après la commission de l'infraction pour prévenir la récidive en donnant les moyens à nos institutions de conférer à la sanction des vertus rédemptrices et pédagogiques favorisant la réinsertion, telle n'est pas non plus la voie que vous choisissez. Vous refusez la nécessité et l'urgence de l'investissement humain. Il est vrai que faire ces choix imposent de dégager des moyens financiers substantiels.

J'illustrerai d'un seul exemple les dérapages auxquels conduisent vos choix politiques. Vous dénoncez régulièrement le laxisme des juges pour enfants, qui remettraient en liberté des mineurs méritant une sanction. L'indignation de voir un mineur interpellé rentrer chez lui sans qu'aucune mesure ait été prise est sans aucun doute légitime. Encore faut-il expliquer aux Français pourquoi nous en sommes là : si les juges et les tribunaux pour enfants prononcent de plus en plus de mesures éducatives et de sanctions pénales qui ne sont pas mises en œuvre, sinon avec un retard considérable, la faute en revient au manque de moyens. Lorsqu'un juge pour enfants du tribunal de Bobigny prend une mesure éducative dans son bureau, il faut huit à dix mois pour que cette mesure soit suivie d'effet,...

M. Patrick Braouezec. Faute de moyens !

M. Michel Vaxès. ...c'est-à-dire pour que le mineur ait au moins un premier rendez-vous avec l'éducateur. Ce constat édifiant avait déjà été dénoncé en 2002 par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs.

M. Jacques-Alain Bénisti. Le ministre a donc raison !

M. Michel Vaxès. Comment, dans ces conditions, ne pas comprendre que les citoyens aient l'impression qu'il ne se passe rien ?

Non, mes chers collègues, ce ne sont pas les juges qui sont laxistes, c'est l'État, coupable de ne pas donner aux services sociaux, aux services éducatifs, à ceux de la PJJ, à la justice, à l’école, aux hôpitaux, les moyens de mettre en œuvre les mesures d’éducation, d’aide et de soins nécessaires aux personnes qui leur sont confiées.

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela fait vingt ans que ça ne marche pas !

M. Michel Vaxès. Cela vous gêne, mais souffrez que je poursuive.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ça, pour souffrir, on souffre !

M. Michel Vaxès. Et vous n’avez pas fini, parce que ça va encore durer une bonne semaine !

Vous avez dit ici même, le 10 mai dernier, monsieur le ministre d’État, qu'il ne s'agissait pas d’ajouter de l'argent dans des dispositifs existants ou d'en créer d'autres. Du même coup, vous vous condamnez à l’inefficacité en matière de prévention : vous brasserez du vent.

C'est pourtant dans les moyens mis en œuvre que la solution se trouve, et non dans une panoplie de dispositions de contrôle et de répression qui seront autant de coups d'épée dans l'eau : non seulement elles ne changeront rien, mais elles aggraveront encore une situation déjà dramatiquement tendue et feront que les actes délinquants seront toujours plus violents et toujours plus organisés. Vous n'arrêtez pas de lancer des défis aux jeunes des cités et vous vous étonnez ensuite qu'ils les relèvent !

Vous regrettez qu'il n'y ait pas plus d'incarcérations de mineurs. En incarcérer davantage aboutirait à quel résultat ? Les voir revenir dans leur quartier après quelques mois passés à l'école du crime ? Tant que la détention ne sera pas utilisée pour éduquer, les problèmes posés à notre société par la délinquance des mineurs ne seront que différés et s’aggraveront.

En présentant ce texte, vous adoptez une posture populiste et politicienne. Le projet de loi prétend prévenir la délinquance ? Il ne dit pourtant mot de la délinquance en col blanc !

Dans un essai sur le populisme pénal,...

M. Jean-Marc Roubaud. Hors sujet !

M. Michel Vaxès. ...un magistrat, Denis Salas, nous en donne la raison : « Sur la scène de l'apparence la violence urbaine permet à l'État de montrer ses armes, d'afficher sa présence, de manifester sa force. Inversement, nul pouvoir politique ne se hâte de déterrer une délinquance invisible et gênante pour lui : celle des élites ».

M. Jacques-Alain Bénisti. Elle est surtout gênante pour les victimes !

M. Michel Vaxès. C’est vous qui êtes gêné ! N’avez-vous pas d’ailleurs repoussé tous nos amendements qui tendaient à sanctionner la délinquance financière de haut vol, celle que vous pouvez peut-être plus côtoyer dans certains quartiers que moi qui loge dans les quartiers en difficulté ?

Cette posture est dangereuse pour notre société et le projet de loi participe de cette démarche. En prétendant résoudre la question de la délinquance, vous donnez de l'espoir aux citoyens qui sont confrontés à la mal-vie et à la violence au quotidien. Vous feriez bien de mesurer les effets que produira leur déception quand ils constateront que votre politique est inefficace, car elle ne pourra faire illusion bien longtemps. L'affichage et l'agitation ont toujours servi à masquer les carences d'une posture politicienne davantage préoccupée de toucher des dividendes électoraux à court terme que de résoudre durablement les problèmes de nos concitoyens !

Malheureusement, les amendements adoptés par la commission ne sont nullement venus corriger, même à la marge, les effets pervers de ce texte. Pire, elle s’est parfois laissé emporter par sa philosophie pour en rajouter. Si nous le regrettons, nous n'en sommes pas pour autant étonnés.

Sur ce chemin, votre majorité, ou plutôt une partie d'entre elle, vous suit. Elle s'efforce même de vous tirer du mauvais pas en se livrant à des manœuvres législatives inédites. Ainsi, pour tenter de calmer la fronde des professionnels de la psychiatrie qui vous reprochent, à juste titre, de pratiquer un amalgame, lourd de sens et de conséquences, entre souffrance psychologique et délinquance, votre majorité a décidé, en utilisant pour la circonstance sa niche parlementaire, de faire adopter un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le volet psychiatrie de ce texte. Or, dans le même temps, nous allons nous prononcer sur l'ensemble des articles correspondants afin qu’ils soient « votés par précaution », comme le dit si joliment le président du groupe de l’UMP, Bernard Accoyer. Ce tour de passe-passe ne trompe personne.

Un amalgame a été fait lors de la rédaction de ce projet de loi entre santé mentale et délinquance, et ce ne sont pas les gesticulations législatives de la majorité qui y changeront quoi que ce soit. Amalgame il y a, amalgame il restera.

Pour tenter de permettre au Gouvernement de faire face aux critiques qui lui reprochent de pénaliser de façon excessive la délinquance de proximité sans jamais s'en prendre à la délinquance en col blanc, la commission a adopté deux amendements pour lutter plus efficacement contre les activités illégales de jeux d'argent et de paris. En dépit de ces tentatives pour corriger le déséquilibre entre délinquance de proximité et délinquance des élites, la commission a préféré persévérer dans la voie qui est la sienne.

Pas plus que le Gouvernement, la commission des lois n’a souhaité nous présenter un texte relatif à la prévention de la délinquance.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais si !

M. Michel Vaxès. Non, il ne s’agit pas d’un texte de prévention, il s’agit d’un texte de suspicion et de répression.

M. Jean-Marc Roubaud. Il ne faut rien faire, alors ?

M. Michel Vaxès. Si vous aviez réellement voulu discuter, il aurait été honnête de dire clairement : voilà les dispositions que nous proposons. Alors, nous aurions pu débattre.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mais nous discutons !

M. Michel Vaxès. Aujourd’hui, je le répète, vous êtes en train de pervertir la notion de prévention.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Michel Vaxès. Cela pour vous éviter de devoir proposer, demain, des dispositions à caractère réellement préventif.

M. Jean-Marc Roubaud. Qu’avez-vous fait, vous ? Rien !

M. Michel Vaxès. Cela parce que l’investissement humain, l’investissement social, l’investissement éducatif, vous n’en voulez pas. L’argent, vous le placez ailleurs, mais pas dans le développement des individus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Allez dire cela dans les quartiers sensibles !

M. Michel Vaxès. Je comprends que ce discours vous gêne, mais il va durer une semaine.

M. Jean-Marie Le Guen. Plus ! C’est un vrai sujet !

Mme Claude Greff. Un vrai sujet, que nous avons pris à bras-le-corps !

M. Michel Vaxès. Le temps de la prévention de la délinquance est un temps long, un temps qu’il ne faut pas hésiter à prendre pour construire une sécurité qui soit un bien commun. La prévention de la délinquance, c’est un investissement à long terme, auquel nous devons consacrer le plus rapidement possible les moyens financiers et humains suffisants. La prévention de la délinquance, c’est surtout une volonté politique déterminée.

M. Jacques-Alain Bénisti. Ah ! C’est beaucoup mieux !

M. Michel Vaxès. Pour combattre avec la plus grande énergie l’insécurité sociale, la mal-vie, la détresse des plus fragiles de nos concitoyens, des décisions doivent être prises. Malheureusement, il n’est pas question de cela dans ce projet de loi, qui ne traite nullement de la prévention de la délinquance mais qui porte en revanche une idéologie redoutable que nous ne manquerons pas de mettre en exergue et de dénoncer lors de l’examen des différents articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les ministres, je voudrais essayer d’en revenir au texte. À entendre les orateurs précédents, ce texte ne serait qu’un additif à la loi de finances, tout n’étant qu’un problème de moyens. J’avais pourtant l’impression que nous avions déjà longuement débattu de la loi de finances et que ce texte proposait des mesures parce que la prévention entendue au sens large, c’est l’éducation, la culture, le sport, et qu’en réalité cela concerne toutes les options politiques. Nous aurions pu en effet nous limiter à en discuter à l’occasion de la loi de finances – de toute façon, chez vous, tous les textes sont repoussés au nom de la même antienne : ce n’est pas le bon sujet, ce n’est pas notre manière de voir.

Objectivement, sur le fond, ce texte n’a pas reçu de critiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Néri. Oh ! C’est le moment de rire !

M. Claude Goasguen. Vous-même, monsieur Ayrault, dans quelques instants, vous allez nous répéter, en des termes peut-être un peu différents mais finalement voisins, ce que l’orateur du groupe communiste vient de nous dire.

M. Pierre Hellier. Mais oui !

M. Claude Goasguen. Vous allez comparer ce qui a été fait depuis quatre ans aux succès exemplaires de votre politique au cours de la précédente législature.

M. Alain Néri. Parlez plutôt de votre bilan !

M. Claude Goasguen. Nous nous en léchons d’ailleurs les babines à l’avance car nous attendons avec plaisir l’évocation du passé.

M. Alain Néri. Et nous votre présent !

M. Claude Goasguen. Mais, honnêtement, pour le moment, je n’ai pas entendu de critiques.

M. Frédéric Dutoit. Vous êtes sourd ?

M. Claude Goasguen. On nous a fait un procès sur le rôle du maire, mais ce procès se dégonfle de jour en jour. Dans le projet de loi, le maire n’est pas un shérif. Vous avez reconnu que le texte avait été modifié et les opposants eux-mêmes admettent que le maire est l’intermédiaire naturel entre tous ceux qui participent à l’information et qui coordonnent la prévention de la délinquance. Car le maire n’édicte pas de sanctions, il est le coordinateur des enseignants, des assistants sociaux, il est en contact avec le procureur, avec le médecin. Qui peut contester au maire cette possibilité de disposer d’une information de qualité, sans attenter au secret des diverses professions ? Personne, vous le savez très bien.

On nous accuse de passer notre temps à vouloir réprimer : c’est faux ! Ce texte contient de nombreuses notions qui ne sont pas répressives. En effet, la plupart des mesures proposées apportent des réponses individuelles et rapides – les travaux scolaires, la composition pénale, le jugement immédiat. Toutes ces dispositions ne traduisent pas une volonté répressive. Au contraire, elles témoignent d’une évolution dans l’appréciation de la délinquance des mineurs, évolution qui vous irrite. Je dirai même tout à l’heure tout le mal que je pense de l’excès de répression. C’est vraiment un procès d’intention qu’on nous fait.

S’agissant des troubles psychiatriques, nous avons pris la précaution de bien distinguer le problème de la délinquance du problème des malades. Nous aurons ainsi deux textes législatifs différents.

M. Jean-Marie Le Guen. Votre syntaxe est intéressante !

M. Claude Goasguen. Ma syntaxe vaut au moins la vôtre.

M. Jean-Marie Le Guen. Elle est inclusive !

M. Claude Goasguen. Dans le domaine de la toxicomanie, ce sont les médecins relais qui vont être chargés d’appliquer des dispositions juridiques qui, je vous le fais remarquer, sont moins répressives que par le passé.

Sur les violences conjugales, je n’ai pas entendu beaucoup de critiques.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. Claude Goasguen. Pas plus que sur la cybercriminalité.

En réalité, sur le fond, ce texte ne suscite pas de vraies critiques.

M. Alain Néri. Vous n’avez pas que des félicitations, quand même !

M. Claude Goasguen. Pas plus qu’il ne fait l’objet, mais il ne faut pas trop demander, de propositions alternatives. Jusqu’à présent, nous n’avons entendu aucune proposition – mais je ne doute pas que cela viendra. Vous vous enfermez dans une attitude négative.

M. Jacques-Alain Bénisti. Ils n’ont pas lu le texte ! Quand ils l’auront lu, il n’y aura pas de problème !

M. Claude Goasguen. Cette attitude a d’ailleurs de quoi surprendre car, pour en revenir au parti socialiste, j’avais le sentiment, et je m’en félicitais, qu’il avait changé sa manière d’aborder les problèmes de sécurité.

M. Christian Decocq. Le parti n’a pas changé ! C’est ça le problème !

M. Claude Goasguen. Nous étions un certain nombre à penser que vous aviez compris l’échec de 2002. J’avais même cru entendre une candidate du parti socialiste aller très loin dans ses propositions et soutenir une politique pas particulièrement amicale à l’égard des délinquants.

Mme Claude Greff. Où est-elle ? Elle n’est jamais là !

M. Claude Goasguen. Dans notre texte, au moins, nous ne parlons pas d’armée. J’avais cru comprendre aussi que cette personne avait été largement élue par le parti socialiste.

M. Alain Néri. Ça, c’est vrai !

M. Claude Goasguen. Je m’étonne : il semble que lorsqu’on est d’un côté du boulevard Saint-Germain, on se dise pour la sécurité, mais qu’une fois arrivé dans l’hémicycle, on ressorte le vieux numéro et on déclare que la droite est trop répressive.

M. Jean-Paul Garraud. Et voilà !

M. Claude Goasguen. Bref, comme disait le philosophe, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.

M. le garde des sceaux. Le grand Pascal !

M. Claude Goasguen. Vous feriez bien de méditer cette phrase.

Mais je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur le problème de la délinquance des mineurs et de l’ordonnance de 1945, dont nous aurons l’occasion de reparler lors de l’examen des amendements.

En réalité, quel est le problème qui se pose à l’opinion publique ? C’est que la délinquance n’a de toute évidence plus rien à voir avec celle de 1945. Dès lors, il me semble normal, n’en déplaise à certains, que les textes législatifs soient modifiés en fonction de l’évolution de la situation. Je serai même encore plus précis : la délinquance des mineurs de 2003 n’a rien à voir avec celle que nous avons connue ces dernières semaines. Cette dernière est beaucoup plus organisée, plus restreinte, avec des bandes qui, de toute évidence, sont motivées et prêtes à la quasi-criminalité. Elle n’a rien à voir avec la délinquance diffuse qu’on connaissait dans les banlieues encore l’année dernière.

L’opinion se demande, à tort ou à raison, comment un certain nombre de délinquants récidivistes peuvent rester en liberté et fanfaronner dans les cités, ou ailleurs, car je suis persuadé que le problème ne concerne pas uniquement les cités mais l’ensemble du territoire.

Face à cette question-là, nous n’avons pas le droit de nous dérober. C’est une question essentielle qui traumatise nombre de personnes et qui nous interpelle quant à la politique de sécurité. Nous avons besoin d’explications.

La logique de l’ordonnance de 1945 était fondée sur l’idée que l’enfermement, l’éloignement, la sanction étaient l’aveu de l’échec de la politique en matière de délinquance des mineurs. Cette idée a dominé la philosophie politique de la justice des mineurs pendant de très longues années. Il a fallu en effet attendre très longtemps pour que le Parlement accepte l’idée que la sanction n’était pas forcément inutile dans le domaine de la délinquance des mineurs et qu’il vote des mesures. Et je vais vous donner les dates des textes, textes qui ont d’ailleurs été présentés par le précédent gouvernement.

C’est en 1999 que, pour la première fois, on entend parler de centres éducatifs renforcés et des centres de placement immédiat.

Mme Patricia Adam. Eh oui !

M. Claude Goasguen. C’est en 2002 que l’on crée les centres éducatifs fermés.

M. Lilian Zanchi. Et alors ?

M. Claude Goasguen. Cela signifie que la rupture avec l’idée dominante de l’ordonnance de 1945 est une notion très récente.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est faux ! Il y a eu de la prison dès 1945 !

M. Claude Goasguen. On vous écoutera tout à l’heure.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous dites n’importe quoi !

M. Alain Néri. 1945, c’est la Libération, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Ce que je dis est tellement vrai qu’il y a quelques années, M. Jospin, alors Premier ministre, qualifiait devant la télévision française une attaque d’autobus d’incivilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aujourd’hui, quel homme politique oserait dire devant les Français que l’attaque de l’autobus qui s’est produite à Marseille est une incivilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vrai que les choses ne se sont pas améliorées avec vous !

M. Claude Goasguen. Reconnaissez au moins que vous avez été contraints d’évoluer sur ce point. Ne niez pas les évolutions, qui sont récentes.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison : vous, vous avez un bon bilan !

Mme Claude Greff. Oui, nous avons un bon bilan !

M. Claude Goasguen. Nous ne disposons pas de moyens suffisants pour gérer la nouvelle politique qui est nécessaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes habile !

M. Claude Goasguen. Si vous voulez, nous pouvons faire un comparatif des mesures que vous avez prises.

M. Manuel Valls. On y va !

M. Alain Néri. Parlez-nous un peu de vos résultats à vous !

M. Claude Goasguen. Vous verrez, en ce qui concerne notamment les centres éducatifs fermés, que nous sommes en train d’avancer. Nous manquons certes de moyens mais là n’est pas seulement le problème. Le problème, c’est que dans les faits, les juges, notamment les juges pour enfants, qui font leur métier, sont restés dans l’idéologie de l’ordonnance de 1945.

M. Alain Néri. Qui les a créés ?

M. Jean-Marie Le Guen. C’est la philosophie de la Résistance ! Alors, évidemment, cela vous gêne.

M. le président. Monsieur Le Guen, vous aurez tout le temps de vous exprimer tout à l’heure.

M. Claude Goasguen. Et c’est normal, car on enseigne encore à l’école de la magistrature de Bordeaux l’ordonnance de 1945 avec une vision de la délinquance des années soixante.

M. Jean-Marie Le Guen. Je répète : 1945, c’est la philosophie de la Résistance !

M. Claude Goasguen. Vous ne connaissez pas le sujet, alors abstenez-vous de tout commentaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Cette date, c’est le hasard ?

M. Claude Goasguen. Renforcer la répression n’est pas la solution mais nous sommes conduits à aller dans ce sens parce que nous ne voulons pas être juges de l’application des peines et que, en réalité, les nouvelles dispositions du code pénal de 1993, en laissant la liberté totale au juge des enfants d’appliquer un code dont on voit bien qu’il reste imprégné d’une idéologie qui n’a plus cours aujourd’hui face à la nouvelle délinquance, obligent le législateur à accentuer la répression, ce qui ne règle pas le problème.

La vraie réponse, c’est de voir comment nous pouvons appliquer les peines dans de meilleures conditions, et je voudrais évoquer cette question rapidement.

M. le président. Monsieur Goasguen, vous arrivez au terme de votre temps de parole.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est intéressant !

M. René Couanau. Il a des choses à dire !

M. Claude Goasguen. Je voudrais aborder pour finir, car je sais que cela plaît beaucoup au garde des sceaux, la question des peines minimales, les deux choses étant liées. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Si les Français ne comprennent pas l’application des peines par les tribunaux pour mineurs, c’est parce que nous n’avons pas voulu revenir sur une question pourtant légitime et reprendre la vieille tradition du droit pénal français, qui existait, je vous le rappelle, depuis 1810, et 1832 pour les circonstances atténuantes, et que nous avons abrogée, en partie, avec le code pénal de 1993, tradition qui donnait aux juges dans un certain nombre de cas la possibilité de choisir entre une peine maximum et une peine minimum.

M. Michel Vaxès. Ça, c’est de l’arnaque !

M. Claude Goasguen. Alors, quand j’entends dire aujourd’hui que la peine minimale est complètement contraire à notre tradition du droit, je ris. Le droit français laisse traditionnellement, au contraire, une fourchette d’appréciation, avec les circonstances atténuantes, entre la peine minimale et la peine maximale.

Notre code pénal conserve d’ailleurs cette possibilité : on se reportera notamment à l’article 132, aux dispositions applicables en matière douanière, ou relatives aux travaux d’intérêt général comme substitut de peine. Dans certains domaines le législateur a estimé convenable de conserver le système du code de 1993, qui est en effet le plus adéquat.

L’opinion publique ne comprend pas que des tribunaux d’enfants fassent leur travail en se refusant à sortir d’une vision dépassée de l’ordonnance de 1945. Au législateur d’en tirer les conséquences !

À cet égard, je remercie M. le garde des sceaux d’avoir évolué, non sans mal il est vrai (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, on peut dire qu’il a évolué !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. …puisqu’il a accepté in fine deux amendements portant articles additionnels après l’article 45, relatifs à la lisibilité des jugements et à l’excuse de minorité.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, vous faites preuve de laxisme, et même d’angélisme, sur le temps de parole !

M. le président. Je vous ai demandé de conclure.

M. Claude Goasguen. Je termine, monsieur le président, en livrant à la réflexion de l’Assemblée et de MM. les ministres deux citations extraites du manuel d’un des maîtres du droit pénal français, M. Jacques-Henri Robert. Parlant des peines minimales, il indique, pages 379-380, que « cet état du droit positif débarrasse la pratique judiciaire de l’obligation de s’interroger sur le fondement du droit de punir ». Il estime également que « la loi, faute d’établir un contrôle juridique des sentences pénales, prive indirectement le droit pénal de son autorité ».

M. René Couanau. Très belle citation !

M. Claude Goasguen. Nul mieux que lui ne pouvait défendre la thèse des peines minimales. Puisque nous ne pouvons encore discuter de ce sujet à l’Assemblée nationale, je souhaite qu’il soit au centre du débat de la campagne présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre de l’intérieur, en moins de cinq ans, vous en êtes à votre sixième projet de loi sur la sécurité.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà un ministre efficace !

M. Jean-Marc Ayrault. En cette fin de législature, je gage que vous cherchez à remettre ce débat au cœur du rendez-vous présidentiel, comme vous l’aviez déjà fait en 2002. Sans doute pensez-vous que les Français, vous donnant quitus de votre bilan, vous permettront d’embrasser de plus hautes ambitions…

Le défi n’est pas médiocre et je suis de ceux qui pensent depuis longtemps que la sécurité est un droit inaliénable du citoyen que nous devons faire respecter avec fermeté. Vous me permettrez donc de répondre à cette question essentielle à la hauteur qui convient, en me concentrant davantage sur l’évaluation de nos politiques respectives de sécurité publique que sur ce projet de loi opportuniste et inopportun. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Ayrault. Opportuniste, parce qu’il n’est qu’un affichage électoral…

Mme Claude Greff. C’est un spécialiste qui parle !

M. Jean-Marc Ayrault. …et que vous n’aurez même pas le temps de prendre les décrets d’application.

Inopportun, parce qu’il ressemble à un concours Lépine de mesures pénales aussi démagogiques qu’inefficaces.

M. Patrick Delnatte. Et vous vous défendez d’être simpliste !

M. Jean-Marc Ayrault. Si nous voulons que nos concitoyens retrouvent foi dans l’action politique,…

Mme Claude Greff. Alors il ne faut pas vous écouter !

M. Jean-Marc Ayrault. …commençons par sortir de ces fausses lois qui ne résolvent rien. La montée continue de la violence depuis quarante ans n’a pas pour origine un quelconque laxisme des gouvernements ou de nos lois. Si tel était le cas, comment expliquer que sous votre mandature, monsieur le ministre, les violences contre les personnes aient encore augmenté de 27 % ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Woerth. Et quand vous étiez aux affaires ?

M. Jean-Marc Ayrault. Comment expliquer cette litanie grandissante, depuis quatre ans, d’agressions contre les agents publics, de violences à l’école, de bus et de voitures incendiés ?

Mme Claude Greff. Par vos promesses non tenues !

M. Jean-Marc Ayrault. Comment concevoir que les cités populaires aient pu connaître l’an dernier cet épisode de violences unique par sa durée et son intensité ?

Vous ne pouvez certes pas être comptable de toutes les violences qui se commettent dans la société, mais nous n’acceptons pas l’exploitation honteuse que vous avez faite hier, ici même, du malheur des victimes. Vous n’avez pas le monopole du cœur à leur endroit ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà vingt ans que vous tenez le même discours !

M. Jean-Marc Ayrault. Si chacun d’entre nous a le devoir de protéger les victimes, votre fonction vous oblige d’abord à protéger les citoyens pour qu’ils ne deviennent pas des victimes. Pour nécessaire qu’elle soit, la compassion ne fait pas une politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Sous quelle mandature ont eu lieu ces drames ? Qui n’a pas su les prévenir ?

Mme Nadine Morano. Les naïfs comme vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Ayez la simplicité et le courage d’assumer votre responsabilité. Tous les chefs d’accusation que vous aviez dressés contre le gouvernement Jospin et sa majorité il y a cinq ans peuvent aujourd’hui être retournés contre vous.

Vous prétendez que la délinquance globale a diminué, Statistiquement, les atteintes aux biens, les délits de voie publique ou les violations du code de la route ont certes connu une légère décrue. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous le reconnaissez enfin !

M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, ce qui est au cœur de l’insécurité, cette violence au quotidien contre les personnes qui fabrique la peur de nos concitoyens, a continué de progresser inexorablement.

Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de voir ainsi démenties vos proclamations triomphalistes, pas plus que de ceux qui font de chaque fait divers une exploitation politicienne. Chaque fois que l’autorité de l’État échoue, c’est la société entière qui en souffre.

M. le garde des sceaux. Sur ce point, je suis d’accord.

M. Jean-Marc Ayrault. L’incrustation de la violence est un phénomène profond qui appelle une réponse collective de l’État et des citoyens.

Là est le cœur de ma critique envers votre action, monsieur le ministre. Votre fermeté, inhérente à votre fonction, n’est pas en cause. En revanche, je vous reproche d’avoir mené une politique de rupture et de division quand il fallait unir dans une politique globale et continue.

Le symbole de cette rupture a été la suppression sans évaluation de la police de proximité.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’était un échec !

M. Jean-Marc Ayrault. Sans doute la police de proximité était-elle perfectible, sans doute manquait-il une vraie coordination avec la police d’investigation et d’enquête. Mais sa disparition a provoqué une coupure grave entre les policiers et la population des cités.

M. Camille de Rocca Serra. Vous n’avez rien compris !

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est un leurre !

M. Jean-Marc Ayrault. Aujourd’hui, nombre de vos amis, et pas des moindres, prônent son rétablissement : M. de Villepin, M. Raffarin, la commission d’enquête du Sénat…

Mme Claude Greff et M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. On voit que cela vous fait mal, chers collègues de la majorité !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce ne sont pourtant pas de dangereux rêveurs ou d’inquiétants laxistes !

Votre deuxième erreur est d’avoir opposé les institutions qui ont la charge de la tranquillité publique. Comment la justice peut-elle faire peur aux jeunes délinquants et les dissuader de récidiver quand un ministre conteste lui-même ses décisions ? Comment des éducateurs ou des maires peuvent-ils exercer leur autorité quand leur action est dénigrée tout en haut du Gouvernement ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Caricature !

M. Jacques-Alain Bénisti. Quelle démagogie ! C’est indigne d’un président de groupe !

M. Jean-Marc Ayrault. Ces attaques ont brisé la cohérence entre la chaîne éducative et la chaîne pénale. Quand vous proposez dans votre projet de loi de transférer aux maires des pouvoirs détenus jusqu’à présent par le préfet, le procureur et les présidents de conseils généraux, vous amplifiez ces confusions. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est aussi absurde que d’imaginer un Président de la République qui soit aussi ministre de l’intérieur. Avec cette défausse sur les collectivités locales, vous touchez au cœur de l’autorité régalienne de l’État. Vous politisez la chaîne pénale et organisez une politique de sécurité à géométrie variable. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques-Alain Bénisti. De votre part, c’est un peu fort !

M. Jean-Marc Ayrault. Écoutez donc ce que vous dit l’Association des maires de France, réunie cette semaine en congrès : les maires refusent d’être transformés en délégués du procureur ou de la police.

Mme Nadine Morano. Les maires socialistes !

M. Claude Goasguen. C’est la majorité précédente qui a renforcé leur rôle !

M. Jean-Marc Ayrault. Ils tiennent à garder leur rôle de coordination et d’animation des contrats locaux de sécurité. Ils veulent rester des médiateurs entre les autorités de l’État et la population.

M. Jacques-Alain Bénisti. Ils ne veulent pas être des spectateurs mais des acteurs !

M. Jean-Marc Ayrault. Lors de la crise des banlieues il y a un an, ce sont eux qui, souvent démunis et abandonnés, se sont retrouvés seuls pour jouer les médiateurs entre les émeutiers et l’autorité publique. Il convenait de rappeler le rôle qu’ils ont joué et de leur rendre hommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Votre troisième erreur est d’avoir fait croire que la surenchère de réformes répressives allait faire office de prévention. La réalité prouve l’inanité de cette muraille de papier.

M. Jacques-Alain Bénisti. La réalité, c’est que vous n’avez pas lu le texte.

Mme Claude Greff. Et que vous n’avez rien fait lorsque vous étiez aux affaires !

M. Jean-Marc Ayrault. Le code pénal français est considéré comme le plus répressif d’Europe. Il comporte toute la gamme d’incriminations et de sanctions nécessaires. Les juges l’appliquent avec fermeté et les prisons sont pleines. Pourtant, ni la violence, ni la récidive, ni la délinquance des mineurs n’ont vraiment reculé.

C’est que les carences de notre système de prévention proviennent pour l’essentiel de l’insuffisance de son application : inexistence des moyens de détection précoce des comportements à risque ; …

M. Claude Goasguen. Il faudrait savoir !

M. Jean-Marc Ayrault. …délai trop long entre le délit et la sanction ; nombre insuffisant de structures d’encadrement et d’éloignement des mineurs ; recours trop hésitant aux mesures de responsabilisation des familles ; absence de structures d’intégration civique ; discordances trop nombreuses entre la chaîne éducative et la chaîne pénale…

Mme Nadine Morano. C’est votre bilan que vous faites là, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. La question à poser aux Français est simple : sont-ils prêts à investir dans une telle politique, qui exige autant de moyens que de persévérance ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Jacques-Alain Bénisti. Commencez par lire le texte, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. La quatrième erreur est d’avoir « trop souvent insinué l’idée pernicieuse qu’un jeune était un délinquant en devenir ».

Mme Claude Greff et M. Claude Goasguen. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce constat n’est pas de moi : il émane de votre collègue de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous vous faites siffler par vos amis, monsieur le ministre !

M. le président. Laissez parler votre président, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous oubliez toujours de rappeler que les mineurs délinquants représentent moins de 2 % de la population des moins de dix-huit ans et que les trois quarts d’entre eux ne reviennent jamais devant la justice après une première comparution.

Mme Claude Greff. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault. Bien sûr, c’est encore trop, beaucoup trop. Ces jeunes qui se pourrissent la vie et qui pourrissent celle des autres forment un noyau dur : c’est donc là qu’il faut porter l’effort. Chaque faute, chaque délit doit recevoir une sanction. Nul besoin de surenchère pénale pour cela : les peines existantes sont déjà très lourdes et dissuasives.

M. Claude Goasguen. Il n’y a aucune surenchère dans ce texte !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce qu’il faut, c’est donner à la justice les moyens de les appliquer rapidement, c’est mieux distinguer ce qui relève du pénal et ce qui relève de mesures éducatives, c’est enfin développer et diversifier les structures d’encadrement.

M. Claude Goasguen. Nous ne faisons pas autre chose !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà pourquoi je refuse votre idée d’assimiler pénalement un mineur à un adulte. En poussant le mineur délinquant toujours plus vers la prison, vous en ferez un délinquant à perpétuité.

M. Jean-Marc Roubaud. Et les récidivistes ?

M. Jean-Marc Ayrault. Les peines planchers sont de la même veine : des distributeurs automatiques de sanctions, à l’opposé du principe républicain de l’individualisation des peines.

M. Claude Goasguen. Personne ne remet en cause ce principe !

M. Jean-Marc Ayrault. Vos déclarations à l’emporte-pièce et vos attitudes inutilement provocantes ont attisé les braises et altéré la confiance de la jeunesse dans l’impartialité de l’État. Un ministre de l’intérieur doit sécuriser et non ajouter au désordre.

Mme Nadine Morano. Il protège, il anticipe !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce bilan pour le moins discutable sera versé au débat présidentiel, non pour attiser les peurs et en faire une exploitation politicienne comme vous l’avez fait trop souvent, mais pour poser les fondations d’un consensus républicain autour d’une politique de sécurité durable à échéance de dix à quinze ans. La sécurité ne doit pas devenir l’otage des élections présidentielles.

M. Jean-Louis Bianco et M. Jean-Jack Queyranne. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous devons apprendre à négocier un véritable pacte de non-agressions, au pluriel et dans tous les sens du terme.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Des mots, des mots !

M. Claude Goasguen. Un pacte avec l’armée, comme Mme Royal le préconise ?

M. Jean-Marc Ayrault. La délinquance et le crime se nourrissent de nos divisions. Les délinquants doivent avoir le sentiment qu’ils ont en face d’eux une détermination identique, une autorité sans faille, quelle que soit la couleur politique de celui qui l’exerce. L’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne ou le Canada ont obtenu des résultats en profondeur parce que gouvernement et opposition y ont établi de concert les normes d’une sécurité d’ensemble…

Mme Nadine Morano. Surtout parce que leurs socialistes ne ressemblent pas aux nôtres !

M. Jean-Marc Ayrault. …reposant sur deux piliers qui ne vont pas l’un sans l’autre : être dur contre la délinquance et être dur contre les causes de la délinquance.

Être dur contre la délinquance implique avant tout que l’on conserve ou que l’on restaure les instruments les plus efficaces. Il y a dans votre action des acquis qui mériteront d’être consolidés, monsieur le ministre.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tout de même !

M. Jean-Marc Ayrault. Ainsi le renforcement des effectifs de police et la modernisation de leurs équipements, la création des GIR, le rapprochement entre police et gendarmerie, dont la doctrine d’emploi doit se coupler avec le rétablissement d’une police de terrain – une police de proximité ayant, comme le souligne le rapport de votre majorité sénatoriale, « la confiance de la population et des jeunes ».

Cela implique parallèlement de réussir le redéploiement des forces de l'ordre, qui doivent être présentes en priorité dans les territoires et les cités qui souffrent le plus de l'insécurité. Ce noyau dur, vous ne vous y êtes pas attaqué, monsieur le ministre. C’est un des chantiers que la future majorité devra affronter avec courage.

Mme Nadine Morano. Alors, ce ne sera pas vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Être dur contre la délinquance, c'est aussi faire un diagnostic partagé par les chaînes politique, pénale et éducative. Le ministre de l'intérieur ne peut pas tout décider seul. Il lui faut réunir le concours de tous les acteurs – élus, policiers, magistrats, éducateurs, familles, associations – sur les priorités, les réformes et la mise en application des systèmes de répression et de prévention. La sécurité doit être l'affaire de tous. Et tous doivent tirer dans le même sens.

La tolérance zéro doit valoir aussi pour les causes de la délinquance, qui se nourrit trop souvent de nos insuffisances face aux inégalités sociales, éducatives ou urbaines. Il ne s'agit pas, monsieur Lagarde, de cultiver la culture de l'excuse. Nous savons bien qu’assumer sa responsabilité personnelle est un fondement de la citoyenneté.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis heureux de l’entendre !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce que nous voulons, c'est assécher le terreau sur lequel prospère l'insécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Je n’ai pas dit autre chose !

M. Jean-Marc Ayrault. Tant mieux si nous sommes d’accord.

Prenons l’exemple de la délinquance des mineurs. Vous avez tort, monsieur Goasguen, de faire le procès de l’ordonnance de 1945, texte ringard qui ne correspondrait plus à la société actuelle.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est une évidence !

M. Jean-Marc Ayrault. Bien sûr que la société a changé depuis 1945, mais l’ordonnance a été modifiée en conséquence, et de nombreuses fois. En prétendant qu’elle ne permet pas la détention des mineurs, vous ne dites pas la vérité. Aujourd’hui, plusieurs centaines de mineurs sont en prison.

M. Claude Goasguen. Si c’est ce que vous voulez, dites-le !

M. Jean-Marc Ayrault. S’il y a délit grave ou crime, les juges peuvent décider que la prison est une nécessité. Mais pour les primo-délinquants ou les mineurs ayant commis des faits moins graves,…

M. Claude Goasguen. On parle des récidivistes !

M. Jacques-Alain Bénisti. Pas des primo-délinquants : vous faites de la démagogie !

M. Jean-Paul Garraud. De la caricature !

M. Jean-Marc Ayrault. …il faut chercher des alternatives à la prison, dont chacun sait qu’elle est souvent la mère du vice. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une des premières mesures à prendre pour les primo-délinquants mineurs…

Mme Nadine Morano. C’est de les envoyer chez les légionnaires !

M. Jean-Marc Ayrault. …est le rétablissement de l'autorité parentale. Les familles doivent être aidées et, le cas échéant, responsabilisées au moyen des mesures légales existantes. Mais quand l'autorité parentale est durablement défaillante, il faut avoir le courage de concevoir des structures d'encadrement…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est ce qu’on fait !

M. Julien Dray. Vous n’avez rien construit ! Il n’y a pas de places !

M. Jean-Marc Ayrault. …où les jeunes pourront réapprendre les valeurs du respect, de la solidarité, de la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Tous les services publics – police, armée, justice, éducation, services sociaux – doivent y concourir. C'est aussi l'un des sens que nous donnons à l'instauration d'un service civique obligatoire, que le groupe socialiste avait proposé ici il y a trois ans et que la majorité a refusé. La sécurité se forge aussi dans la reconquête des valeurs républicaines.

Le débat entre une droite répressive et une gauche angéliste (« Laxiste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) est une caricature dépassée.

M. Claude Goasguen. Double langage ! Accordez vos violons !

M. Jean-Marc Ayrault. Comme nous l’avons fait pour les signes religieux à l'école ou l'affaire d'Outreau, nous devrions pouvoir traiter le phénomène grave de la violence dans notre société en dépassant nos divergences politiques. « La violence appelle la violence et la justifie », disait Théophile Gautier. C'est par la preuve, par l’action, en mettant la République partout, à tous les niveaux de la société, et non par les gesticulations et les proclamations, que nous pourrons reconquérir la confiance des Français. Ce sera tout l’enjeu de la prochaine élection présidentielle, qui va bien au-delà de cette loi de circonstance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux d’abord m’adresser à M. Blazy : nous sommes rassurés et heureux, monsieur le député, de vous voir ici, en pleine forme, et toujours aussi assidu, en parlementaire exemplaire que vous êtes. (Applaudissements.) J’imagine ce que vous avez dû ressentir, et j’y compatis très sincèrement.

M. Jean-Pierre Blazy. Merci !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ensuite, je répondrai brièvement à chacun des orateurs des groupes.

Monsieur Ayrault, je rends hommage à votre courage : ce ne doit pas être facile d’être l’orateur du groupe socialiste sur la question de la sécurité. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut assumer le bilan, ce qui n’est pas rien.

M. Jean-Jack Queyranne. C’est du vôtre que nous parlons !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, si le groupe socialiste m’a envoyé son président, c’est bien que la tâche n’était pas aisée ! (Sourires.)

M. Julien Dray. C’était simplement pour vous honorer !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Sur un autre sujet, vous m’auriez sans doute envoyé quelqu’un d’autre. Croyez bien que j’apprécie l’attention.

Non seulement vous avez été courageux, monsieur Ayrault, mais vous avez été honnête. C’est la première fois que j’entends un responsable socialiste dire que tout dans mon action ne devait pas être changé. Certes, la liste de ce qu’il fallait garder n’était pas exhaustive mais cela ne donne que plus de prix à ce que vous avez relevé. (Sourires.) Je suis heureux de connaître la part de l’action que j’ai menée depuis quatre ans que vous saluez.

Honnête, vous l’avez été également en reconnaissant que la délinquance générale a baissé. Là encore, c’est une première de la part d’un responsable socialiste de votre importance. Sur une question aussi importante, le débat politique gagne à être tiré vers le haut. Et qu’un responsable de l’opposition dise, oui, la délinquance générale a baissé, c’est un élément incontestable de clarification. Je tiens à vous en rendre hommage parce que ce ne doit pas être facile pour vous.

Nous avons cependant deux ou trois points de désaccord, et d’abord l’évocation des noms des victimes. Ce matin, j’ai reçu Chahrazade, cette jeune fille brûlée l’année dernière, pour lui remettre, ainsi qu’à son frère Abdelaziz, le décret d’acquisition de la nationalité française. Pourquoi ne devrait-on pas évoquer le nom des victimes alors que l’on cite si souvent celui des coupables et des délinquants ? Vous qui connaissez la réalité du terrain, monsieur Ayrault, devez savoir que les victimes souffrent deux fois : d’abord de la violence de l’agression, puis du sentiment intolérable que la société s’en moque et qu’elles sont condamnées à l’oubli, comme si elles gênaient. Et si j’ai nommé hier Mama Galledou, ce n’était pas pour récupérer la souffrance de cette jeune femme (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) puisque j’ai dit que tout le monde y avait compati.

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas ce que vous avez dit !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’était parce qu’elle est le symbole des victimes innocentes. Il me semble que, dans le temple de la souveraineté nationale et des institutions républicaines qu’est l’Assemblée nationale, le nom des victimes devrait être prononcé plus souvent que le nom des coupables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est un point de désaccord frontal entre nous : il faut parler des victimes, car c’est les faire sortir de l’oubli.

M. Jean-Marie Le Guen. Récupération !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Le Guen, j’ai fait des compliments au président Ayrault, pas à vous. (Rires.) Ne vous mêlez pas d’un débat qu’on essaie d’élever. Laissez-nous parler des choses sérieuses !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous étiez l’arbitre des élégances, cela se saurait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant de la police de proximité, votre honnêteté vous obligera à reconnaître, monsieur Ayrault, ainsi que Julien Dray ou Manuel Valls, en tant que spécialistes du groupe socialiste,…

M. Jean-Marie Le Guen. C’est la distribution des prix !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pas du tout ! Vous savez bien que, depuis toujours, les gens se spécialisent sur des dossiers. Dès lors, il n’est pas anormal d’y faire référence. Vous, votre spécialité n’est pas celle-là. (Rires.) On ne peut pas être spécialiste de tout !

L’expression « police de proximité », donc,  est apparue en 1995. Mais si cette police était la réponse à tout, pourquoi le taux d’élucidation – c’est-à-dire le nombre des coupables retrouvés par les policiers et les gendarmes – avait-il diminué de 1 % entre 1997 et 2002, atteignant un peu moins de 25 % ? En 2002, on trouvait un coupable sur quatre. Après cinq ans d’action à la tête du ministère de l’intérieur, alors que l’on me reproche d’avoir supprimé la police de proximité, selon le même appareil statistique, on trouve un coupable sur trois.

Mme Élisabeth Guigou. Ce n’est pas la même police !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comment pouvez-vous prétendre que la police de proximité était une meilleure organisation ? En vérité, la gauche a confondu les notions. Elle a voulu faire une police de relations publiques, d’assistance sociale,…

Mme Nadine Morano. Eh oui !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …activités fort respectables, alors que le travail de la police, c’est d’abord d’interpeller les délinquants et de les mettre à la disposition de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si la police ne le fait pas, qui le fera ? C’est le débat que nous devons avoir.

Vous dites, monsieur Ayrault, que la sécurité sera un thème de la campagne présidentielle : tant mieux ! J’espère que chacun parlera de sa politique en la matière et je veillerai, pour ma part, à ce que nous allions au fond du débat.

Vous avez encore fait preuve d’honnêteté en déclarant que la querelle entre les laxistes et les répressifs était dépassée. Mais cela veut bien dire qu’elle a existé. Sans vous suspecter de ne plus vouloir être dans le camp des laxistes, je constate que vous reconnaissez que votre famille politique a cédé à une forme d’angélisme.

M. Pierre Cohen. C’est faux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je me réjouis que les choses changent, mais ce sera aux Français de juger sur les faits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié la tonalité de votre intervention. Et puisque vous appelez à un consensus, si vous avez des propositions pour enrichir le texte, n’hésitez pas à nous en faire part, mais n’hésitez pas non plus à voter les dispositions du texte qui vous conviennent.

Monsieur Vaxès, nous ne sommes pas d’accord pour une raison simple : votre stratégie, que je respecte, consiste à tout expliquer, y compris ce qui est à mes yeux inexplicable. Or celui qui explique tout, y compris l’inexplicable, s’apprête, sans le vouloir, à excuser tout, même l’inexcusable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Mais je ne vous fais pas de procès, je ne dis pas que telle est votre volonté.

L’antisémitisme est un exemple extrêmement intéressant. Pendant des années, dans notre pays, on a expliqué les causes de l’antisémitisme et on les a rangées en catégories : l’antisémitisme historique, celui de l’extrême droite et celui lié aux conflits du Proche et du Moyen-Orient. Or, chaque fois que l’on cherche une explication, on excuse. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) J’affirme qu’il n’y a aucune explication à trouver à l’action des agresseurs du petit Jonathan, qui sortait de la patinoire de Boulogne et qui s’était fait agresser et frapper parce que des individus n’appréciaient pas, à l’époque, la politique de M. Sharon. Il n’y a rien à expliquer. Il faut seulement sanctionner. Faut-il expliquer qu’il ne faut pas frapper quelqu’un parce qu’il est juif, parce qu’il est noir ou parce qu’il est différent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’explication est la première étape vers le laxisme, donc la passivité…

M. Jean-Marie Le Guen. Êtes-vous prêt à signer cela ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et la complicité. Je le dis d’une façon générale.

Il y a bien sûr des injustices, des erreurs d’urbanisme, du chômage. Il y a bien sûr aussi un mal de vivre et des discriminations.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas une excuse !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais expliquer la violence, le viol, le crime, la délinquance, par référence au chômage, à la pauvreté, à l’ennui, parce que dans certains quartiers on n’a pas d’espoir, c’est insulter tous les jeunes qui y vivent, qui sont honnêtes, qui se lèvent tôt le matin, qui travaillent dur. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est faire un amalgame odieux de tous les habitants des quartiers. C’est vous qui faites l’amalgame, pas nous !

En vérité, notre conception, c’est que l’État ne peut aider que celui qui veut s’en sortir. La société ne peut valablement utiliser la solidarité qu’au service de celui qui est décidé à s’en sortir par lui-même.

Monsieur Lagarde, j’ai été très attentif à votre intervention, parce que vous connaissez très bien ces questions. Vous êtes dans un département qui souffre de cet amalgame. J’ai bien compris qu’il y avait à l’UDF un positionnement politique, et puis des orateurs qui connaissaient les choses.

Dans vos propos, quelque chose m’a beaucoup frappé. Vous avez dit que de nombreux maires faisaient déjà ce que je proposais dans le texte. Vous avez raison. Si vous, qui êtes un praticien du terrain, vous avez des amendements permettant d’améliorer la situation, nous serons tout à fait prêts à les retenir. C’est la première fois qu’il y a un texte sur la prévention. Je ne prétends pas qu’il soit parfait.

M. Julien Dray. Au bout de quatre ans !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Peut-être, monsieur Dray, a-t-il fallu attendre quatre ans. Mais que n’avez-vous fait ce texte durant les cinq ans où vous étiez majoritaires ?

M. Julien Dray. Je n’étais pas ministre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous me reprochez de ne l’avoir fait qu’au bout de quatre ans. Au moins l’ai-je fait, alors que vous, vous n’avez rien fait en cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Monsieur Dray, je vous remercie de ce bel hommage. Je vous ai connu plus sévère à mon endroit et à celui des gouvernants.

M. Julien Dray. Cela va venir !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Lagarde, il est très difficile de définir la prévention. Peut-être pourrait-on se mettre d’accord et parvenir à une définition commune au sein de cette assemblée.

La prévention, c’est la politique qui consiste à détourner des individus de la violence. Ce n’est pas quelque chose d’automatique, de simple. Cela a nécessité le travail en commun de huit ministères. Je serai attentif aux propositions des élus UDF qui voudront s’associer à cette discussion et voter le texte, car nous avons besoin du soutien de tout le monde.

Monsieur Goasguen, vous m’avez apporté votre complet soutien, au nom du groupe UMP.

M. Jean-Jack Queyranne. Godillot !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas parce que votre soutien était prévisible qu’il en a moins de prix. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que les règles de la démocratie et de la République consistent à mépriser ses amis au prétexte qu’ils ont les mêmes idées.

M. Pierre-Louis Fagniez et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’apprécie votre soutien, votre amitié. J’apprécie la fidélité du groupe UMP sur tous les textes que j’ai proposés.

Monsieur Goasguen, j’ai proposé six textes – on me critique pour cela. Il y avait donc bien un réel travail à accomplir. Quelle étrange chose de voir des législateurs décrédibiliser eux-mêmes leur action, comme si voter la loi ne servait à rien !

Vous avez parlé des mineurs et des peines planchers. La différence entre le groupe UMP et beaucoup d’autres groupes, c’est que nous débattons. Je n’ai pas peur de porter ce débat-là.

Que nous demande l’opinion publique ? Elle veut que nous fassions quelque chose, car elle en a assez des multirécidivistes. Elle veut que nous arrêtions de débattre, et nous rappelle que nous avons été élus pour agir et prendre des décisions. Les Français ne veulent plus revoir les mêmes individus devant les mêmes tribunaux correctionnels.

À partir de ce moment-là, la question n’est pas de savoir à quelle école on appartient, si l’on est plus proche des policiers ou plus proche des magistrats. La seule chose qui compte est d’apporter une réponse à la question lancinante de l’impunité des multirécidivistes.

Je pense qu’il faut des peines planchers. Mais je préfère que l’on avance de 50 % si l’on ne peut pas progresser de 100 %, parce que j’ai conscience que cette question-là sera posée devant les Français. Et je sais la réponse que je veux y apporter.

Pareil pour les mineurs. Je ne dis pas aux parlementaires de l’UMP de faire plaisir aux uns ou de déplaire aux autres. Je leur demande de penser à une seule chose : à ce que demandent les gens qui viennent les voir sur leur territoire, dans leur circonscription. « Ça suffit l’impunité ! » est la seule réponse que vous pouvez leur apporter.

Écoutez les arguments des uns et des autres et votez pour les amendements qui seront déposés en fonction des arguments présentés, et non de l’appartenance à une école plus ou moins répressive.

Je vous propose d’appartenir à une seule famille : la famille des gens pragmatiques et honnêtes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui veulent apporter des réponses efficaces à des problèmes qui empoisonnent la société française depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Voilà dans quel état d’esprit je viens devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je souhaite, avant de demander, au nom de mon groupe, une suspension de séance, remercier M. le ministre pour les propos qu’il vient de tenir et pour ceux qu’il a eus à mon égard au moment où je me remettais de mon malaise.

Je voudrais également remercier M. le président Debré, qui est venu me rendre visite. Je remercie aussi le professeur Dubernard et le docteur Simon Renucci, qui – chose exceptionnelle – a réussi à me faire boire du coca-cola. (Sourires.)

Je remercie le personnel de cette assemblée et les huissiers. J’ai pu apprécier à cette occasion l’efficacité de notre service médical. Merci à tous.

Je suis néanmoins responsable du groupe socialiste pour ce texte et je reprends donc mes fonctions.

Monsieur le ministre, vous avez répondu sur un certain nombre de points à l’excellente intervention de notre président de groupe, en particulier au sujet de la police de proximité, que vous avez démantelée. L’opinion réclame la police de proximité. On pourrait en débattre. Mais, aujourd’hui, la question posée est celle des rapports entre la police et les citoyens. Notre groupe a, par ailleurs, demandé la création d’une commission d’enquête sur l’évaluation de la politique du Gouvernement en la matière.

Cela étant, afin d’analyser ce qui vient d’être dit, nous demandons une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. le président. Nous poursuivons la discussion générale.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, chers collègues, le débat qui vient d’avoir lieu a été des plus intéressants.

S’agissant des statistiques, les socialistes n’éprouvent aucune difficulté à reconnaître les faits. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils le font !

M. Éric Raoult. Ah !

M. Christophe Caresche. Il est vrai, en effet, que les atteintes aux biens ont diminué, notamment les vols de voitures et dans les voitures – les vols à la roulotte – ainsi que les cambriolages. Cela dit, on peut imaginer que cette diminution est en grande partie liée à une meilleure sécurisation de ces biens plus qu’à l’action de la police. En tout état de cause, celle du ministre de l’intérieur, me paraît assez faible en la matière. Ne tirons donc pas de cette diminution, bénéfique pour nos concitoyens, des conclusions trop hâtives.

En revanche, les atteintes aux personnes physiques ont, elles, considérablement augmenté,…

M. Lilian Zanchi. Tout à fait.

M. Christophe Caresche. …singulièrement les violences non crapuleuses, c’est-à-dire les violences gratuites, qui ne sont pas motivées par le vol. C’est le signe d’une très grande dégradation de la vie sociale. On note aussi l’accroissement des violences à l’encontre des dépositaires de l’autorité – forces de l’ordre, pompiers, agents publics – et plus généralement de l’agressivité : tous les élus locaux le constatent.

Le bilan est donc pour le moins contrasté et chacun doit faire preuve de modestie, voire d’autocritique.

M. Éric Raoult. Il faudrait ne rien faire ?

M. Christophe Caresche. Je ne dis pas cela, mais, malheureusement, je n’ai pas entendu de réponse claire dans ce domaine de la part du ministre de l’intérieur.

Quant aux victimes, elles doivent être au cœur de la politique de sécurité et de la politique pénale. Pendant très longtemps, elles ont été ignorées, notamment lors du procès pénal. Je rappelle que le premier garde des sceaux à avoir reconnu ce phénomène a été Robert Badinter. C’est grâce à lui qu’elles sont désormais mieux entendues par les tribunaux, et sur ce point, je pense que nous sommes tous d’accord. Je note cependant qu’un récent rapport de l’inspection générale de la police nationale a montré que l’accueil des victimes dans les commissariats demeure défectueux. Il reste beaucoup à faire, et plutôt que d’accuser, le ministre de l’intérieur devrait agir.

Mais le grand échec de ce gouvernement et particulièrement du ministre de l’intérieur, c’est le démantèlement, subreptice, de la police de proximité. Son activité a été recentrée sur l’ordre public et la police judiciaire.

M. Arnaud Lepercq. C’est important !

M. Christophe Caresche. Ainsi, dans bien des cas, nous avons une police « hors sol », coupée des réalités locales, de l’environnement dans lequel elle est supposée travailler, en particulier dans les quartiers. Elle se retrouve enfermée dans des logiques de confrontation et de conflits extrêmement graves – dont elle est d’ailleurs la première victime – notamment avec une partie de la jeunesse.

Le fossé qui s’est creusé entre l’institution policière et une grande partie de la population française, notamment de la jeunesse, est ce qu’il y a de plus inquiétant dans le bilan, dans l’échec du ministre de l’intérieur. Nous aurions donc été en droit d’attendre que ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance traite ces questions. Nous n’avons pas besoin d’un énième projet répressif, mais d’une politique véritablement axée sur la prévention.

Or le texte ne prévoit qu’un empilement de délits nouveaux et l’alourdissement d’un certain nombre de peines. Encore a-t-on échappé aux peines planchers, mais l’on a bien compris que le sujet resurgira au cours de la campagne présidentielle. En tout état de cause, ce projet de loi est en rupture avec le consensus de l’après-guerre. Or une partie de la majorité soutient ce texte, porteur d’une politique extrêmement inquiétante, celle du tout-carcéral, qui ne réglera en rien les problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Raoult. M. Caresche, qui est un brave homme, a été commis d’office, mais il ne pense pas ce qu’il a dit ! On le verra à l’œuvre quand il sera ministre de l’intérieur !

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, je déplore l’esprit polémique qui s’est emparé de ce débat. En tant que maire d’Orléans – 100 000 habitants intra muros et 300 000 si l’on prend en compte l’agglomération – je suis quotidiennement confronté aux difficultés et à la détresse de nos concitoyens. J’ai honte de la façon dont se déroule le débat, et je ne sais comment expliquer aux Orléanais ces transformations de la réalité et ces manipulations tout à fait pénibles, alors que, sur tous les bancs, les maires sont confrontés aux mêmes situations.

M. Jacques-Alain Bénisti. Apparemment, il y en a peu à gauche !

M. Serge Grouard. Nous avons longuement débattu de ces questions au sein de l’Association des maires de grandes villes de France, avec le plus grand sérieux, toutes tendances politiques confondues. Nous avons trouvé un large terrain d’entente à propos de ce texte de prévention, qui ne mérite pas cet excès d’opprobre !

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Serge Grouard. Les faits sont têtus.

Rappelons les chiffres : 500 000 faits délictuels par an en moyenne dans les années soixante contre plus de 4 millions en 2002, année paroxystique avant la décrue que nous connaissons depuis lors.

C’est dire que le sujet mérite que l’on s’y intéresse et que l’on trouve les solutions que l’on n’a jamais trouvées auparavant.

M. Lilian Zanchi. Ce n’est pas de la polémique cela ?

M. Serge Grouard. Certains nous font la leçon, mais je leur fais observer que beaucoup de moyens ont été consacrés dans les années antérieures à une politique floue de prévention. Or à quoi ont-ils servi concrètement ? Si cette politique avait réussi, nous n’aurions pas assisté à une telle augmentation de la délinquance, que par ailleurs personne ne nie.

Pourquoi cet échec ? Beaucoup de choses ont été dites sur le sujet, notamment par M. le ministre d’État il y a quelques instants. Cet échec s’explique d’abord par l’opposition constante entre politique de prévention et politique de répression, débat maintenant dépassé.

Reconnaissons aussi qu’un prisme quasi idéologique a faussé l’approche de la prévention, avec en filigrane une logique d’excuse de la délinquance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), imputant celle-ci à la violence de la société, qui exonérait les délinquants d’une part de leur responsabilité individuelle. En disant cela, nous ne nions pas que certains environnements sociaux peuvent avoir des conséquences négatives sur les comportements ; en revanche, le lien entre ces deux éléments est particulièrement critiquable.

Le cloisonnement et l’émiettement des actions, que nous vivons au quotidien en tant qu’élus locaux, sont également une des raisons de l’échec de cette politique.

Le projet qui nous est proposé tient compte de la situation que nous vivons au quotidien. Il apporte des réponses pragmatiques et simples, loin des a priori idéologiques.

Notons d’abord qu’il s’agit du premier texte qui traite l’ensemble de la question.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait !

M. Serge Grouard. Relevons ensuite qu’il prévoit une articulation avec d’autres textes, et organise ainsi la complémentarité entre la sanction et la prévention, toutes deux nécessaires.

Enfin, ce projet est pragmatique : il place le maire au cœur du dispositif, il fait de lui le pivot du système. Il ne s’agit pas d’une question de moyens – car nous les avons : en tant que maire d’une grande ville, je peux en témoigner – mais d’efficacité. Nous avons besoin de dispositions législatives nous permettant de donner corps à des actions que nous conduisons d’ores et déjà et de les compléter. C’est aussi simple que cela. Je dirai même que c’est du bon sens.

L’Association des maires des grandes villes de France a beaucoup travaillé sur cette question, par-delà les clivages. Contrairement à ce qui a été dit dans cet hémicycle, les maires de toutes tendances qui ont participé aux groupes de travail ont approuvé pour une bonne partie les dispositions du projet de loi. Il y a donc d’un côté la réalité, de l’autre les effets d’estrade.

Mme Nadine Morano. Très juste !

M. Serge Grouard. Il est regrettable de voir les mêmes apporter leur soutien à ce texte en coulisses et s’y opposer dans l’hémicycle. Ce n’est pas très courageux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Halte au double langage !

M. Serge Grouard. Je terminerai par un constat, propre à la ville dont j’ai l’honneur d’être le premier magistrat, où la délinquance de voie publique – celle qui touche le plus nos concitoyens en polluant leur vie – a régressé de plus de 50 % en cinq ans. Comment ? Par une politique de tout sécuritaire, répondront certains. Eh bien non ! Nous avons engagé des actions de prévention et nous pourrons en conduire davantage encore avec ce que le texte nous propose : carrefours des parents, systèmes de prévention-médiation dans les quartiers, services de veille éducative. Je m’arrête ici mais je pourrais encore citer dix à quinze autres mesures. C’est l’alchimie de l’ensemble qui permet de répondre aux préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Decocq.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, avec ce projet de loi se conclut un long cheminement engagé dès 2002 avec force et clairvoyance par M. le ministre d’État, qui a fracassé la posture du sentiment d'insécurité pour s’attaquer à la délinquance.

M. Éric Raoult. Très juste !

M. Christian Decocq. Personne ne l'avait fait comme lui, avant lui. Grâce à lui, la société française et la société politique ont dû regarder les choses en face et d'ailleurs, aujourd'hui, sa principale adversaire l'a bien compris !

Avec ce projet de loi, il apporte la dernière pierre à l'édifice construit au cours cette législature tout en posant les fondements d'une nouvelle politique de prévention de la délinquance. Et je veux souligner ici deux innovations majeures qui touchent, l’une à l’approche, l’autre aux modalités d’action.

Depuis trop longtemps, la politique de prévention de la délinquance, menée au niveau national comme dans les collectivités locales, a pâti des erreurs de ses fondements originels. Mise en place au début des années quatre-vingt, elle a été considérée comme constitutive de la politique de la ville. En cela, elle a été trop souvent confondue avec une politique d'action sociale.

M. Éric Raoult. Très juste !

M. Christian Decocq. La délinquance étant la conséquence du mal-être social, il fallait, pour y remédier, mettre en œuvre une politique sociale. À cause sociale, réponse sociale !

Dénuée de contours clairs, sans réelle spécificité, la prévention est devenue une politique fourre-tout où l'éducation à la citoyenneté, au civisme et aux règles de la société pouvait être accessoire et la sanction n’apparaître que comme un outil répressif. Elle s'est confondue avec une politique d'animation sociale.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Christian Decocq. Cette dangereuse dérive a conduit à considérer que les injustices et les difficultés sociales subies étaient responsables des comportements délinquants, puis à les comprendre, enfin à les excuser. Pire encore, certains en sont même arrivés à penser que la trop grande activité policière, voire – pourquoi pas ? – l’inlassable action du ministre de l’intérieur, seraient en cause, agissant comme autant de provocations de nature à attiser les feux. Nous touchons là le fond de la philosophie de l’excuse, si souvent stigmatisée par M. le ministre d’État, qui, pour sa part, a pris soin de distinguer clairement deux champs d’action : la politique de la ville, d’un côté, la prévention de la délinquance, de l’autre.

L’autre innovation du texte est l’officialisation du rôle du maire en matière de prévention. Certes, cela peut donner l’impression que cela a été déjà fait ou qu’il en faut toujours plus, mais la caricature fait rage : M. le ministre d’État ferait du maire un « shérif » dans sa ville, …

M. Pierre Cohen. C’était l’esprit de la première version du texte !

M. Éric Raoult. Procès d’intention !

M. Christian Decocq. … un « contrôleur social », « un maire omnipotent intervenant au mépris des compétences de chacun ». Je ne fais ici que reprendre les propos que j’entends régulièrement lors des réunions du conseil municipal à Lille, mais je ne citerai personne.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mme Aubry en shérif, ça ne doit pas être mal !

M. Christian Decocq. Je suis observé de près et je ne veux pas d’histoires !

Le projet de loi est pourtant très clair. Aucun pouvoir coercitif nouveau n'est attribué aux maires. Le président de l’AMF a rappelé qu’il était hors de question qu’ils jouent un rôle répressif car, s’ils prononçaient des sanctions, ils ne seraient plus crédibles dans le domaine de la prévention. En revanche, il faut leur donner les moyens juridiques d’être les animateurs et les coordonnateurs d’une vraie politique de prévention, en leur permettant d’accéder aux informations connues du procureur ou des travailleurs sociaux.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Christian Decocq. Dans ces conditions, les maires ne doivent plus craindre d'assumer pleinement leurs responsabilités et d'être au cœur du dispositif de prévention : de toute façon, leurs administrés les perçoivent déjà comme tels. Les contrats locaux de sécurité ont commencé à prendre la voie de la codécision, du partenariat et du travail en réseau. En désignant un chef de file, nous faisons aboutir ce processus.

Le maire est par excellence l'élu local qui doit coordonner et impulser cette politique. Il dispose d'une autorité morale auprès de ses administrés, qui donne du crédit à ses paroles et à son action.

M. Éric Raoult et M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste !

M. Christian Decocq. Je dirai même qu’en menant à bien cette mission, il peut se hisser au niveau de cette autorité morale par la qualité de son jugement et de son action.

Coordonner, simplifier, recentrer l’action autour des hommes et des femmes en souffrance, des familles en difficulté pour leur apporter des réponses individualisées, c’est en un mot humaniser. « Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir », écrivait Graham Greene. Eh bien, cette porte, ce sera peut-être grâce à la clé du maire qu’elle s’ouvrira désormais.

Que M. le ministre d’État sache que je soutiendrai, encore une fois, son action, faite d'intelligence et de volonté. Pourtant, ni lui ni sa majorité n’auront été épargnés.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Christian Decocq. De la « guerre aux pauvres », comme le titrait un grand journal du soir en décembre 2002, à la « guerre aux enfants » qu’il mènerait aujourd’hui, la caricature de sa politique ignore ou, pire, feint d'ignorer l'essentiel. Depuis 2002, avec opiniâtreté et cohérence, il écoute la nation qui s'exprime et il répond, comme il se doit en République, par la loi ! Si, de surcroît, il met la République à l'abri des extrêmes, devrait-on le lui reprocher ?

Monsieur le ministre d'État, continuez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano.

Mme Nadine Morano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité de nos jeunes va bien, très bien même, il est nécessaire de le rappeler. Mais n’oublions pas qu’il existe dans notre société un phénomène dramatique, et je ne peux qu’être attristée de voir quelle posture adoptent les élus de l’opposition face au désarroi qui règne dans certains quartiers.

Mme Marylise Lebranchu. Madame Morano...

Mme Nadine Morano. La délinquance a augmenté de 53 % de 1995 à 2005…

M. Jean-Marie Le Guen. Sous la présidence de Jacques Chirac !

Mme Nadine Morano. …et, pour être plus précise, de 20 % de 1997 à 2002. Et malgré la décélération à laquelle nous assistons depuis cinq ans, la délinquance des mineurs progresse toujours. Il était donc nécessaire de prendre ce problème à bras-le-corps.

C’est pourquoi je me réjouis aujourd’hui que nous soit soumis un texte pragmatique, pour reprendre le mot du ministre de l’intérieur, qui a mis le maire au cœur du dispositif de prévention. Qui mieux que lui connaît les quartiers d’une commune et les familles en difficulté ? Qui mieux que lui peut agir s’il dispose des moyens et outils nécessaires ? Aujourd’hui, les services sociaux, les services de l’éducation nationale, les services médicaux restent chacun de leur côté sans jamais échanger leurs informations. La mission parlementaire sur la famille, lorsqu’elle s’est rendue au Canada, a pu voir à quel point le dispositif de prévention reposait là-bas sur le partage des informations, qui permet d’intervenir en amont pour soutenir les familles qui connaissent des difficultés et pour les aider grâce un accompagnement social, médical, éducatif, même en matière d’emploi.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas l’objet de votre loi !

Mme Nadine Morano. C’est là que se joue la prévention, c’est là que le maire peut intervenir. Le texte lui en donne tous les moyens et tous les outils nécessaires. Sera ainsi mis en place un Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont la création a réclamé la collaboration de cinq ministres, compte tenu des difficultés liées à la question.

Mais, derrière les chiffres, il y a aussi l’exaspération des personnes les plus fragiles confrontées à ce phénomène dans les cités et le découragement des forces de sécurité. Rappelons qu’elles peuvent interpeller dix, quinze, vingt fois des jeunes qui reviennent plus tard comme des caïds dans leur quartier en faisant le V de la victoire. Nos concitoyens ne le supportent plus, les forces de sécurité ne l’admettent pas. Lors des émeutes dans les banlieues, n’oublions que les jeunes interpellés étaient pour moitié des mineurs et pour moitié connus des forces de police.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. Éric Raoult. Ils ne savent rien au PS !

Mme Nadine Morano. Cessez de nier la réalité, vous savez bien que les jeunes sont très souvent des multirécidivistes connus des services de police. Je le vois dans nos quartiers, je sais de quoi je parle !

Comme nous l’a dit M. le ministre d’État, il est nécessaire que nous n’ayons pas de tabous dans nos débats. J’ai ainsi déposé un amendement instaurant des peines minimales pour les multirécidivistes : nous en discuterons et nous verrons bien quel sera le résultat du vote.

La délinquance a évolué, de nouveaux phénomènes sont apparus comme le happy slapping, qui consiste à attaquer une personne en filmant l’agression pour la diffuser sur internet. Avec mon collègue Édouard Courtial, nous avons déposé un autre amendement pour que ces nouveaux modes d’agression soient sévèrement punis.

Alors que ce texte de loi fait des maires les pivots de la politique de prévention, je m’étonne que Mme Royal ait pu déclarer qu’ils n’étaient pas faits pour cela et qu’ils n’en avaient pas les moyens.

M. Éric Raoult. Elle préfère les militaires !

Mme Nadine Morano. Selon elle, il appartiendrait à l’État d’assurer la sécurité publique. Mais Mme Royal, je le rappelle, n’a pas voté les moyens attachés à la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lilian Zanchi. Cela n’a rien à voir avec les moyens budgétaires !

Mme Nadine Morano. Comment peut-elle dès lors déplorer le manque de moyens alors qu’elle a voté contre les crédits destinés aux effectifs de police et à l’équipement des policiers ? Elle a certes de prétendues solutions en matière de prévention de la délinquance des mineurs, puisqu’elle entend les mettre dans des camps militaires encadrés par des légionnaires. Mais elle n’est pas venue en débattre à l’Assemblée et personne ne sait quels amendements elle est susceptible de déposer. Elle connaît très mal ses dossiers et exerce aussi très mal son mandat de députée. Elle n’est donc peut-être pas près d’arriver à l’Élysée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. On ne la voit jamais ici ! Où est-elle ?

M. le président. Monsieur Raoult, s’il vous plaît ! Vous connaissez l’usage.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prévention de la délinquance constitue une préoccupation majeure de ces dernières années et a inspiré depuis 2003 de nombreuses réformes d'importance. La réponse pénale s'attache à être systématique, graduée et rapide. Ces initiatives ont porté leurs fruits puisque la délinquance a reculé de près de 9 %, et 80 % des jeunes qui sont présentés pour la première fois devant un juge ne récidivent pas.

Nos concitoyens attendent une réponse à un besoin légitime, le droit à la sécurité, posé comme principe dans la loi sur la sécurité de 1995.

Comme l'a souligné Alain Bauer, président de l'Observatoire national de la délinquance, depuis la fin de la guerre la délinquance prend d'autres visages. La violence dérive vers des actes de sauvagerie. La société doit se mobiliser et émettre un signal très fort pour y résister.

La réponse à cette nouvelle forme de délinquance relève à la fois du mode répressif et du volet social et éducatif. C'est précisément l'objet du texte qui nous est présenté aujourd'hui. Il dénonce cette violence et organise la sanction indispensable, il s'attache à anticiper les comportements délinquants, afin de former, d'élever les futurs adultes de demain à la vie en société, avec ses libertés mais aussi ses contraintes et ses règles.

Préoccupation partagée, la lutte contre la délinquance juvénile a fait l’objet, ces dernières années, de réformes chez nos voisins européens. Elles comportent des caractéristiques communes : développement de nouvelles sanctions incluant la réalisation d'un travail ; raccourcissement des délais de procédure ; participation de toutes les institutions concernées à des programmes locaux de prévention. En outre, les lois anglaise et espagnole comportent des dispositifs pour responsabiliser les parents, les inciter à exercer leur autorité parentale.

Dès lors, on peut faire deux observations. D'une part, les politiques menées envisagent le jeune dans sa globalité. D'autre part, si la différence entre la prévention et la sanction reste le passage à l'acte, les deux notions sont étroitement liées et la frontière est floue.

Comme chez nos voisins européens, le projet de loi qui nous est présenté envisage la prévention comme un tout, en s'insérant dans un dispositif plus large de lutte contre toutes les violences, y compris conjugales, et contre la récidive. Il s'agit de recréer un équilibre dans notre société et de redonner des repères.

M. Lilian Zanchi. Très bien !

M. Patrick Delnatte. Le pilier central de la prévention reste donc à mes yeux l'éducation, avec les règles élémentaires d'apprentissage de la civilité et du respect, où l'exercice de la fonction parentale est indispensable. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

Mme Patricia Adam et M. Lilian Zanchi. Très bien !

M. Patrick Delnatte. On doit donc leur redonner leur rôle légitime, tout en respectant leur mode éducatif. Les professionnels et le maire qui doivent intervenir dans la prévention ont donc comme fil d'Ariane le respect du jeune et de la famille tout en assurant le maintien de l'ordre public.

Le soutien à la parentalité passe dans un premier temps par l'accompagnement parental, et c’est pourquoi le projet de loi met en place un conseil pour les droits et devoirs des familles. C’est dans un second temps que l’on aura recours à des mesures d'assistance éducatives, beaucoup plus contraignantes. La tutelle aux prestations familiales me paraît légitime et nécessaire quand, manifestement, celles-ci ne sont pas employées à l'éducation des enfants et que les parents ne s'obligent pas à remplir leur contrat. Mais n'oublions pas que le travail de repérage des familles est difficile, qu’il appelle une intervention cordonnée des acteurs sociaux et demande tact, fermeté, clairvoyance.

Concerné par l’ordre public et référent le plus proche des citoyens, le maire est appelé à jouer un rôle pivot dans la lutte pour la prévention de la délinquance, comme le soulignaient déjà le rapport Bonnemaison de 1982 et celui de notre collègue Bénisti.

M. Jérôme Lambert. Avec quels moyens ?

M. Patrick Delnatte. Le maire, de par sa proximité, met en réseau, décloisonne les acteurs. Il ne peut et ne doit pas se substituer aux autorités et acteurs. Il agit de façon transversale et selon l'adage du « bon père de famille ». Il se voit investi de nouvelles responsabilités, qui impliquent un travail en parfaite cohérence et coordination avec l'ensemble des acteurs, dans l'intérêt de l'enfant et du jeune. La souplesse est primordiale pour que les décisions municipales restent proportionnées et adaptées à la situation.

Parce que l'information est la clé de voûte de la prévention, il faut optimiser sa diffusion entre les partenaires. Ainsi, au sein des cellules de veille et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, l’échange d’informations doit être assorti de la règle de « secret partagé » et de ce qui est strictement nécessaire. Cette mesure est d'autant plus importante que le texte rend obligatoire la mise en place d'un CLSPD dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Les échanges d'informations seront tout aussi fondamentaux entre le maire, le procureur, ou encore entre le professionnel et le coordonnateur.

Il est évident que la qualité de ces échanges influera sur la capacité du maire à jouer le « rôle d'animateur et de coordinateur de la politique de prévention de la délinquance ». Mais il est clair que le maire n’est pas le premier maillon de la chaîne pénale.

M. Jérôme Lambert. Ce sera un bouc émissaire !

M. Patrick Delnatte. Pour conclure, ce projet de loi vise avant tout à redonner aux familles les moyens d’élever leurs enfants et fait du maire le pilote de l'action, qui doit agir de concert avec les autres partenaires. Il est lié au prochain projet de réforme de la protection de l'enfance,…

Mme Henriette Martinez. Tout à fait !

M. Patrick Delnatte. …texte centré sur les besoins des enfants et des familles.

Trop souvent l'enfant, victime ou spectateur de violences familiales, rentre lui-même dans l'engrenage de la délinquance. Dans un monde difficile marqué par le risque permanent de la précarité sociale, l'individualisme et l'instabilité comportementale des adultes, l'alerte sur les jeunes en danger est une priorité qui nécessite lucidité, humanisme et détermination. C'est bien ce qui inspire ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, que j’approuve, comme l’ensemble du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord permettez-moi de dire combien je trouve scandaleux et outrancier de parler, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, de crimes ignobles et méprisants, que l'actualité nous renvoie à travers les médias, pour alimenter les haines et présenter un projet de loi qui n'est qu'un leurre politique car il ne traite pas de la prévention de la délinquance.

Alors que les acteurs de la prévention de la délinquance sont en majorité hostiles à ce texte, …

M. Éric Raoult. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pensez aux Français, quand même !

M. Pierre Cohen. …je trouve indigne de dédier ce projet de loi à une victime qui n'a pas pu s'exprimer sur le bien-fondé de ce projet et dont la famille a su garder une très grande dignité.

M. Georges Fenech. Il n’y a rien d’indigne à cela !

M. Pierre Cohen. Ce projet de loi est en gestation depuis plus de trois ans. Par de nombreuses fuites, nous avons pu apprendre qu’il avait donné lieu à des contre-projets au sein même de votre gouvernement, et notamment à l’initiative du Premier ministre, alors ministre de l’intérieur. Nous attendions qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale depuis plus d'un an, et il apparaît clairement qu'il a fait l’objet de nombreuses tractations au sein de votre majorité car il est loin de faire l'unanimité.

Les lois répressives que vous avez fait voter depuis cinq ans sont inefficaces : votre bilan le montre.

M. Georges Fenech. C’est faux !

M. Pierre Cohen. Vous choisissez à présent de traiter de la prévention de la délinquance, mais la façon dont vous abordez cette thématique fait entrevoir une fois de plus des divergences de fond entre nous. C’est ce que nous aurons l’occasion de montrer pendant ces deux semaines.

Vous alimentez votre fonds de commerce, qui a bien fonctionné en 2002, en faisant l'amalgame entre prévention et laxisme.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez été impuissants !

M. Pierre Cohen. Or le laxisme est synonyme de tolérance excessive ou d'impuissance. Depuis le rapport Bonnemaison en 1983, les socialistes ont toujours fait de la prévention un des axes majeurs de la lutte contre la délinquance, tout en préservant l'équilibre nécessaire entre prévention et répression.

M. Éric Raoult. Pensez au 21 avril !

M. Pierre Cohen. Nous n'avons pas attendu votre arrivée au pouvoir pour mener une politique de sanctions, car la prévention est loin d'être un acte de faiblesse. C'est bien là que nous divergeons, car il s'agit pour nous de trouver, pour les générations futures, les moyens de casser la logique de la violence et la spirale de la délinquance.

Depuis le début de la discussion, vous martelez qu'il ne faut pas chercher à expliquer ce qui se passe car cela revient à minimiser le délit. M. le ministre d’État a même dit qu’expliquer, ce serait excuser.

M. Georges Fenech. Ce n’est pas du tout ce qu’il a dit !

M. Patrice Martin-Lalande. Caricature !

M. Pierre Cohen. Je suis outré par de tels propos, car si l’on n’arrive pas à comprendre comment les délinquants en arrivent là, comment peut-on créer des dispositifs permettant d’éviter que les mêmes logiques s’installent chez les générations futures ?

M. Éric Raoult. Et à Marseille, vous comprenez qu’on ait incendié un bus ? Vous faites honte à Defferre !

M. le président. Monsieur Raoult, calmez-vous !

M. Pierre Cohen. Comprendre ce qui s’est passé ne veut absolument pas dire excuser, c’est chercher à montrer comment une personne est entrée dans la spirale de la délinquance et comment on peut l’aider à en sortir.

M. Éric Raoult. Allez le dire à Mama Galledou !

M. Pierre Cohen. Cette démarche est nécessaire pour la société qui s’inscrit dans cette violence et pour l’individu lui-même qui entre dans le phénomène de la délinquance. Et l’on sait très bien, M. Bonnemaison l’avait dit dans son rapport, que la prison est souvent l’enseignement supérieur de la délinquance.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’en est question nulle part dans le texte !

M. Pierre Cohen. Il est absolument nécessaire de mettre en place des dispositifs qui permettront au délinquant de sortir de cette spirale.

M. Éric Raoult. Lisez le rapport Bénisti !

M. Philippe Vitel. Tout y est !

M. Pierre Cohen. Si nous ne voulons plus de victimes, et c’est la priorité du ministre, faisons en sorte qu'il n'y ait plus de délinquants. La prévention est le meilleur moyen d'en réduire le nombre.

Nous touchons là au cœur de nos divergences. La violence continue de progresser depuis quatre ans, malgré les vociférations et les lois qui ont été votées.

Non, la délinquance ne peut être enrayée par la surenchère à l’emprisonnement. Croyez-vous sincèrement qu'un mineur de seize ans réfléchit avant de passer à un acte de violence criminel pour lequel il risque vingt-cinq ans de prison ? Croyez-vous qu'il ne franchira pas le pas demain parce que vous allez rallonger la peine de dix ans ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous ne nous écoutez pas !

M. Pierre Cohen. Cette loi aurait mérité moins de passion et de manœuvres, plus de raison et de réflexion, plus de concertation et moins de stigmatisation, plus de rassemblement et moins de divisions.

La délinquance est un sujet trop sérieux et sensible pour notre société. Elle n'est pas seulement le fait de quelques petits voyous qui volent et de quelques déséquilibrés qui font la une des journaux télévisés. La délinquance, c'est la violence qui pénètre dans tous les espaces de notre vie : à l'école, dans les familles, dans les quartiers, sur les routes, dans la sphère économique. C'est un phénomène qu'il ne suffit pas de réprimer mais qu’il faut aussi comprendre pour éviter toute banalisation.

Mme Henriette Martinez. C’est bien ce que nous disons !

M. Pierre Cohen. Cette répression que vous érigez en rempart doit être empreinte de justesse et concerner tous les niveaux de la société, sinon comment faire vivre notre République ?

Monsieur le ministre délégué, nous ne pourrons pas éviter la violence si nous n'affichons pas clairement dans notre projet de société le respect de l'individu comme priorité. Comment demander aux jeunes de respecter les autres si notre société accepte l'humiliation, l'inégalité, le non-droit, la discrimination, la domination, l'arbitraire ? Nous aurons l’occasion dans quelques mois de reprendre ce débat puisque les Français trancheront.

M. le président. Monsieur Cohen, il faut conclure.

M. Pierre Cohen. Ensuite, prévenir la délinquance est une prérogative d'État : on ne peut se passer ni de l’école, ni de la police, ni de la justice, ni des partenariats avec les acteurs locaux sous la responsabilité du maire – et je rappelle que les contrats locaux de sécurité et les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance existent depuis quinze ans.

M. Philippe Vitel. Ça existe et ça marche !

M. Pierre Cohen. S’il est nécessaire que le maire joue un rôle, il n’est pas question, comme le prévoyait une première mouture de la loi, de le transformer en shérif – en l’état actuel, nous en sommes plutôt à un rôle d’illusionniste.

Enfin, il faut mieux définir les contours d'une prévention de base et d’une véritable politique d'aide aux troubles du comportement, qui ne nous oblige pas à avoir recours aux seuls supports de la justice ou de la santé mentale. Il faudra aussi remettre en service la police de proximité et donner à la justice les moyens d'être réactive et plus proche des citoyens – je pense aux maisons des jeunes.

Monsieur le ministre, vous vous enferrez dans une voie désastreuse.

M. Philippe Vitel. Relisez le texte !

M. Éric Raoult. Vous, c’est « la voie Royal » !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Cohen conclure !

M. Pierre Cohen. M. Sarkozy a quitté l’hémicycle car il est occupé ailleurs par l’élection présidentielle.

M. le président. Monsieur Cohen, occupez-vous de votre conclusion !

M. Pierre Cohen. Si les députés de sa majorité lui font confiance, pour notre part, nous prenons rendez-vous avec lui devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Pousset. Nous aussi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme Nicolas Sarkozy l’a rappelé ici à chaque débat depuis dix-huit mois, le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, son ministre délégué aux collectivités locales, Brice Hortefeux, et moi-même formons une équipe. Le ministre de l’intérieur est donc toujours présent au banc, soit directement, soit par délégation.

Par ailleurs, monsieur Cohen, vous êtes de ceux qui n’ont cessé de laisser entendre, depuis hier, sans doute pour créer un écran de fumée, que ce texte contiendrait, en matière de répression, des mesures qui aggraveraient un certain nombre de peines. Or, vous le savez parfaitement, à moins que vous n’ayez pas lu le texte, il n’en est rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. Relisez l’intervention du ministre devant la commission des lois !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour éviter dorénavant les contrevérités et dissiper les rideaux de fumée, je répète qu’aucune aggravation du quantum des peines n’est prévue dans le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, oui, ce sont des prérogatives de notre République que d'assurer à chaque citoyen le droit de vivre en paix et en sécurité, (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que d'octroyer à une victime le droit de voir son agresseur recherché, arrêté, jugé et condamné.

M. Jean-Pierre Nicolas. Bravo !

Mme Arlette Grosskost. Et, contrairement aux idées reçues qui voudraient faire croire nos concitoyens rétifs au maintien de l'ordre, les Françaises et les Français entendent bel et bien participer de plus en plus à la sécurité, ce qui pourrait d’ailleurs engendrer certaines dérives si l'on n'y prenait garde.

Si le maintien de la cohésion sociale n'a pas de prix, il a un coût, que nous devons assumer en nous donnant les moyens de notre politique. Il est évident que le renforcement des moyens humains et matériels de la police et de la justice doit être poursuivi, afin d'assurer visibilité et réactivité à notre action, et de porter assistance à nos concitoyens. Mais il faut aussi bannir les abus de langage tels que « grands frères » ou « drogues douces », qui contribuent à un climat de laisser-faire propice à la déresponsabilisation des esprits et ouvrent le champ à une permissivité déplorable.

Cela dit, la répression n'est pas une fin en soi et vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir placer également la prévention au cœur de la lutte contre la délinquance. Des pas ont été déjà faits dans ce sens, je pense en particulier au plan national pour la sécurité et la prévention de la délinquance dans vingt-cinq quartiers sensibles, qui a profité au quartier Drouot à Mulhouse.

M. Lilian Zanchi. Avec quels moyens ?

Mme Arlette Grosskost. Dans ce cadre, j’ai participé activement à l'opération « coup de pouce à l'emploi ». Initiée en 2004 en collaboration avec les principaux partenaires institutionnels et économiques, elle a consisté à solliciter des entreprises pour embaucher des habitants d’un quartier réputé difficile. Le succès est d'ores et déjà au rendez-vous puisque 41 emplois ont été proposés, occupés pour la très grande majorité par les habitants du quartier.

Oui, la formation et l'emploi sont des éléments structurants d'une politique globale de prévention, et notamment en direction de la jeunesse. J'en ai fait mon cheval de bataille et c’est pourquoi j'ai pris l'initiative, avec le conseil régional d'Alsace et différents partenaires dont je voudrais saluer l'engagement, notamment le groupe Vedior, d’une action pilote originale, baptisée « Les Cadets de l'humanitaire ». Parrainée par plusieurs membres du Gouvernement, elle a consisté à emmener sur le chemin de l'emploi durable dix jeunes peu qualifiés issus de quartiers difficiles. Après un parcours de formation professionnelle de chauffeur routier – le secteur est en effet pourvoyeur d'emplois –, ils ont effectué une mission humanitaire de cinq semaines en convoyant du matériel médical au Mali. Cette première expérience professionnelle grandeur nature a permis à la plupart de ces jeunes de décrocher un CDI dans le secteur du transport. C'est là une forme de service volontaire avant l'heure qui prouve que, lorsqu'on met en relation des entreprises qui ont des besoins en matière d'emploi, les pouvoirs publics et les régions, il est possible de surmonter les difficultés d'insertion professionnelle et d’éviter ainsi les premiers faux pas.

Je fais le rêve que chaque parlementaire, sur tous les bancs, fasse la même chose. Calculez : cela ferait 5 770 cadets !

M. Jean-Pierre Nicolas. Très bien !

Mme Arlette Grosskost. Je n’ai qu’un seul regret : celui d'avoir essuyé le refus du sénateur maire socialiste de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, de participer à cette initiative, pourtant emblématique pour sa ville. Il est vrai qu'entre le discours et les actes, l'action et la communication, il reste encore du chemin à parcourir.

M. Éric Raoult. Eh oui ! Il soutient Ségolène !

Mme Arlette Grosskost. La fonction parentale est certes fondamentale pour l'équilibre de la société, et le texte en tient compte. Mais, au-delà de la famille, la prévention de la délinquance doit être une préoccupation partagée par tous, y compris par les médias. Il est bien compris que les acteurs locaux ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la délinquance, et qu’il faut les conforter en leur octroyant les moyens juridiques et financiers adéquats. Parmi ces moyens, celui de l'information est primordial pour anticiper, dialoguer et se concerter, bref pour coordonner les initiatives de tous les acteurs, qui sont les maillons d'une seule et même chaîne.

C'est pour toutes ces raisons que je salue et que je soutiens l'action volontariste du ministre de l'intérieur, qui, avec ce texte enrichi des amendements qui ont été adoptés, pourra mettre en œuvre une politique responsable, conciliant constats et solutions, prévention et répression, fermeté et justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j’interviendrai essentiellement sur le stationnement des gens du voyage. Ils sont aujourd’hui 400 000 à avoir choisi, par tradition, de ne pas vivre de manière sédentaire : leur choix de vie doit être respecté tout autant qu’il doit respecter les règles et les valeurs de la République.

Sans remettre en cause la loi Besson, de très nombreux maires, je le constate dans le Loir-et-Cher, attendent avec impatience une plus grande efficacité des procédures d'évacuation des occupants illégaux de terrains publics ou privés. En effet, le système actuel est trop souvent inefficace car il est coûteux, compliqué et trop long à mettre en œuvre. La décision du juge n'intervient, au mieux, qu'au bout d'une semaine et les occupants illégaux sont presque toujours partis avant que le préfet n’ordonne l’exécution ! Tout est donc à recommencer,... plus loin !

Le plus grave, dans cette affaire, est le sentiment populaire qu’il y aurait deux poids et deux mesures : la loi serait rigoureuse pour tous, sauf pour les gens du voyage. C'est un poison qui nourrit les malentendus, les préjugés, les réactions hostiles, bref le contraire de notre idéal républicain.

Le projet de loi apporte une réponse réaliste, conciliant respect des principes républicains et efficacité. En effet, la nouvelle loi apporte une procédure d'évacuation forcée applicable dans les communes respectant le schéma départemental. Dans ce cas, l’évacuation est décidée d'office par le préfet – donc sans autorisation préalable du juge – mais sous conditions, en particulier qu’il ait été porté atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Et elle est entourée des garanties fondamentales, dans l’intérêt de ceux qu’elle concerne.

Cette procédure nouvelle constitue un progrès appréciable pour résoudre le problème du stationnement illégal. Mais il reste encore des progrès à faire. Si nous voulons que cessent les occupations illégales, il faut que les aires prévues par la loi soient créées. Or, sur les 40 000 places nécessaires, il en existe seulement 8 000 ! Ce déficit rend difficile d'obtenir du juge et du préfet les décisions d'évacuation des terrains illégalement occupés. Il y a, pour ainsi dire, illégalité des deux côtés : imputable à certains parmi les gens du voyage, mais aussi à certaines communes !

La circulaire du mois d'août apporte une réponse très attendue en rendant enfin plus raisonnable le coût trop lourd de construction et d'aménagement des aires d'accueil. Les normes techniques sont également allégées, et ce n’est pas plus mal. J’ai vu cet été à Noyers-sur-Cher des enfants fuyant le goudron brûlant de l'aire d'accueil ! Pourquoi obligatoirement goudronner les aires d’accueil ?

Mais la charge est encore lourde pour nos communes. Pouvez-vous nous préciser quel financement supplémentaire apportera le nouveau Fonds départemental pour l'aménagement et l'équipement des aires d'accueil ? Pour que la loi soit enfin appliquée, il est urgent de créer les 40 000 places prévues. L'allégement des normes et des coûts y contribuera beaucoup.

Malheureusement, certains maires que la loi de 1990 obligeait à créer des aires d'accueil n’ont toujours rien fait, seize ans après ! Quelles mesures l'État pourra-t-il prendre si certains blocages persistent ?

Le progrès qu'apporte le dispositif du projet de loi devra aussi être complété par une politique d'aide à la sédentarisation maîtrisée. Selon certaines études, plus des deux tiers des gens du voyage souhaitent disposer d'un lieu de vie et d'habitat plus ou moins permanent. Les formules possibles sont multiples : terrain privatif capable de recevoir le groupe familial de deux ou trois caravanes et un local construit fixe ; lotissement d'habitat adapté avec des possibilités de location de longue durée.

Comme je l'ai constaté en Loir-et-Cher avec les maires et les riverains de Huisseau-sur-Cosson, à côté de Chambord, ou de Gièvres, la sédentarisation est trop souvent conflictuelle : construction sauvage sur terrain inconstructible ; caravanes en nombre excessif pour la superficie du terrain ; atteintes à l'environnement, à la salubrité et à la sécurité... Il faudrait développer une politique publique de réservation et d'aménagement contrôlé des terrains, car on ne peut plus se contenter des achats de terrains au gré du marché par les gens du voyage, car ils aboutissent au conflit et au refus.

Si nous voulons une meilleure insertion des gens du voyage dans la communauté nationale, si nous voulons une intégration respectueuse des différences, mais intransigeante sur les valeurs et les règles républicaines, il nous faudra aussi rapidement progresser sur la scolarisation des enfants et sur la transparence des revenus économiques et sociaux. On n'est pas au bout du voyage ! Mais la nouvelle loi constitue un progrès que je veux saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était nécessaire de prendre à bras-le-corps ce fléau qui empoisonne au quotidien la vie de nos compatriotes ! C’est désormais chose faite. Oui, ce projet de loi arrive à point nommé, pour nous permettre de mettre en place une politique novatrice et hardie, à même de prévenir la délinquance. Nous sommes nombreux ici à le considérer comme l’aboutissement du travail que nous avons réalisé autour de notre collègue Jacques-Alain Bénisti. Oui, ce texte nous fournit les orientations législatives nécessaires pour endiguer la dégradation malsaine de notre environnement social. Notre rapporteur propose à juste titre de distinguer prévention primaire, secondaire et tertiaire. J'y superposerai personnellement les notions d'éducation, de prévention spécialisée et de répression, en insistant particulièrement sur les deux premières.

Pourquoi un tel distinguo ? Parce que nous constatons que, très souvent, tout commence dans des cabinets d'orthophoniste, de psychologue, de pédopsychiatre, emplis d'enfants qui viennent consulter pour toutes sortes de symptômes témoignant de leur mal-être, lesquels sont le produit de leur absence d'éducation.

Mme Henriette Martinez. C’est vrai !

M. Philippe Vitel. Retards dans la parole, le développement ou l'apprentissage, troubles du caractère, difficultés relationnelles sont l'expression de ce mal qui les ronge. Oui, monsieur le ministre, c’est déjà le début de ce que l'on pourrait nommer la chronique d'un désastre annoncé.

Mme Henriette Martinez. Tout à fait !

M. Philippe Vitel. Alors, grâce au formidable labeur des travailleurs sociaux, on découvre des conditions de vie catastrophiques dans une famille confrontée à d’insurmontables problèmes économiques, à la marginalisation, voire à l'exclusion sociale, et au sein de laquelle l'enfant ne trouve aucun repère éducatif ; il y est même souvent exposé à l'exemple de la délinquance de ses parents ou de ses collatéraux. Quelque temps plus tard, l'échec scolaire pointant inexorablement à l'horizon, le directeur de l'école et la psychologue scolaire interviennent pour essayer de convaincre les parents de la nécessité d’un suivi comportemental de leur progéniture. Pourtant, bien souvent, les parents ne dépassent pas le stade de la première consultation, inconscients qu'ils sont de la souffrance de leur enfant, voire de la leur, qu'ils ont évacuée pour survivre. À bout d’arguments, l’école demande alors à la justice la protection de l'enfant. Le signalement argumenté est classé sans suite, ou suivi d’une mesure d’observation, mais qui reste souvent sans effet car la famille arrive à tromper la confiance des éducateurs. Alors, le désastre annoncé se produit : à douze ou treize ans, l’enfant se retrouve avec d'autres qui ont suivi le même parcours, à brûler des voitures, des gymnases et des bus dans son quartier.

À la fois angélique et amnésique, la société s'interroge alors sur les causes de cette violence et les moyens de la sanctionner. À défaut d’analyse, l’idée finit par s’insinuer que ces jeunes seraient nés délinquants, ce qui, reconnaissons-le, confine à une forme de racisme. Même involontaire, elle n’en est pas moins insupportable.

Monsieur le ministre, cette situation, que nous rencontrons malheureusement tous les jours, nous confirme dans l’opinion que la protection de l'enfance et la prévention de la délinquance, tout en étant différentes, sont intimement liées.

M. Jacques-Alain Bénisti. Elles sont indissociables !

M. Philippe Vitel. C'est en cela, monsieur le ministre, que votre texte constitue une avancée majeure : il remédie au manque de coordination entre les différents acteurs, lequel nous faisait assister, impuissants, à la chronique d’un désastre que tout, absolument tout, annonçait.

En permettant l'échange d'informations avec le maire, qui devient le pivot de la politique de prévention, et/ou le président du conseil général, vous faites de l'information la clé de voûte du dispositif, au sein d'un cadre légal simple et sécurisant. Ainsi le coordinateur désigné disposera de toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

J’en viens à la prévention spécialisée : l’expérience dynamique et volontaire conduite en la matière depuis dix ans au sein du conseil général du Var me conduit à penser que, dans le cadre juridique actuel – les premiers textes datent de 1958 et ont été complétés en 1963, 1972, 1983 et 1986 –, il est possible d'obtenir d’intéressants résultats. Cela implique évidemment de la part des collectivités un investissement humain et financier important, mais le retour sur investissement justifie l'effort consenti. Dans mon département, nos équipes, au nombre de cinq, entièrement coordonnées et harmonieusement réparties dans les quartiers à problème, s’efforcent, sept jours sur sept, en journée et, maintenant presque partout, la nuit, de répondre aux besoins, multiples, de populations fragiles, marginalisées et souvent désœuvrées :…

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Vitel.

M. Philippe Vitel. …besoin de reconnaissance, lié au sentiment de disqualification sociale qui frappe le quartier où ces populations résident ; besoin de repères chez des jeunes développant une culture de rue et des pratiques en opposition aux valeurs dominantes ; besoin de mobilisation pour contrer la tendance au repli sur soi et sur le quartier, contraire à toute capacité d'initiative ; besoin d'accompagnement dans l'organisation du temps libre, afin de résoudre des problématiques liées à la difficulté du développement de l'identité.

Le soutien à la scolarité et à l’accompagnement professionnel, et ce dès le plus jeune âge, est également nécessaire,…

M. Lilian Zanchi. Le texte ne dit rien là-dessus !

M. Philippe Vitel. …ainsi que l'accompagnement social, en particulier en matière d’aide à l'accession au logement de ces jeunes confrontés non seulement à la rareté de l'habitat et à son coût, mais encore à leur propre insolvabilité. N’oublions pas enfin le besoin d'ouverture, afin de permettre à ces jeunes d'entretenir des relations pacifiées et constructives avec leurs pairs et les adultes, et de leur donner l'opportunité de construire et de développer leur personnalité dans le sens de l'insertion et de l'intégration.

M. Lilian Zanchi. Il n’y a rien de tout cela dans le texte !

M. Philippe Vitel. Le conseil général veille à assurer un partenariat technique et financier avec ces associations, acteurs incontournables de la vie des quartiers et de la protection de l'enfance, dans le cadre d'une convention de partenariat signée entre la commune, le département et l'association. Après dix ans d'activité, nous pouvons affirmer, monsieur le ministre, que le dispositif fonctionne très bien et rend les services attendus.

M. Lilian Zanchi. Donc, il existe déjà !

M. Philippe Vitel. Bien sûr, et rien ne vous interdit de le mettre en place chez vous, mes chers amis ! Les textes vous y autorisent depuis 1958 !

M. le président. Il vous faut vraiment conclure.

M. Philippe Vitel. Nous devons malheureusement évoquer aussi la prévention tertiaire, qui tend à éviter la récidive et le passage de la petite délinquance à la grande criminalité et à la barbarie.

Monsieur le ministre, ce texte vient utilement compléter l'arsenal législatif que, depuis 2002, nous avons déjà adopté pour promouvoir l'égalité des chances, lutter contre la récidive des infractions pénales ou protéger l'enfance. Il nous apporte les outils qui nous manquaient pour mettre en œuvre la politique volontariste que réclament nos compatriotes, exaspérés par le déchaînement quotidien d’incivilités et d'actes répréhensibles qu'ils ne supportent plus.

C'est donc avec honneur et fierté, résolument et sans réserve, que nous le voterons.

M. le président. Avant de lever la séance, je donne encore la parole à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les territoires ruraux ne sont pas à l’abri de l’évolution de la délinquance : les élus sont quotidiennement confrontés à des comportements déviants de mineurs, comportements dont le nombre et la gravité augmentent et qui conduisent inexorablement à des formes de délinquance plus grave.

Interpellés par une population exaspérée ou découragés eux-mêmes par le peu de moyens d’action dont ils disposent, ces élus luttent comme ils le peuvent dans leurs communes au sein des CLSPD intercommunaux en recourant à tous les systèmes qu’ils peuvent imaginer – forums de prévention de la délinquance ou appels au civisme, que j’ai moi-même pratiqués dans ma communauté de communes ou ma commune – afin d’enrayer cette dérive, parfois même au-delà de leurs compétences légales.

En recevant dans mon bureau de jeunes délinquants – voleurs de cartes de piscine ou casseurs –, je me suis moi-même souvent interrogée sur la légitimité de mon action à leur endroit. Mais j’ai souvent constaté que ces petits délinquants, une fois dans mon bureau, craquent, proposent spontanément de réparer leurs actes et, souvent – c’est le plus important –, après avoir demandé pardon, ne récidivent pas.

M. Éric Raoult. Eh oui !

Mme Henriette Martinez. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaiterais que le texte donne aux maires des petites communes et de celles de moins de 10 000 habitants les moyens de leur action et la possibilité de continuer en toute légalité des pratiques auxquelles, je le répète, ils ont recours à la limite des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, ce qui ne manque pas de les interpeller.

Il n’en reste pas moins que le texte que vous nous présentez a un immense mérite : celui de définir et de codifier les bonnes pratiques afin que les maires puissent agir en toute légalité pour la sécurité de leurs concitoyens et dans l’intérêt même des jeunes délinquants. Non, le maire ne va pas devenir un shérif et je ne me considère pas comme tel lorsque je lutte contre la délinquance. Ceux qui le prétendent ignorent sans doute que les maires sont déjà officiers de police judiciaire…

M. Lilian Zanchi. Depuis 1881 !

Mme Henriette Martinez. …et, à ce titre, chargés d’assurer la sécurité de leurs concitoyens et de faire respecter l’ordre public. Grâce au projet de loi, le maire verra croître les moyens qui lui sont donnés en matière de prévention. En effet, placé au cœur de la vie sociale et pivot de son organisation, le maire gère l’ensemble des services aux familles. Or les crèches, les garderies, les cantines, les centres de loisirs et le CCAS sont autant de lieux qui nous permettent de connaître les familles, de repérer les enfants à problèmes et de résoudre de manière individuelle leurs difficultés, que nous devons capter comme autant de clignotants, qu’elles soient d’ordre social, familial, scolaire, comportemental ou psychologique.

Ainsi, je me rappelle qu’à peine élue maire, pour la première fois, j’avais vu mon attention appelée par un signalement de la directrice de l’école maternelle concernant un enfant de trois ans qui agressait ses camarades à coups de ciseaux – certes, à bouts ronds. Il fallait intervenir et un suivi de la famille a été engagé. Mais aujourd'hui, dix ans plus tard, cet enfant est toujours en situation de souffrance parce que sa prise en charge n’a pas été suffisamment adaptée à la situation, alors même que ses comportements révélaient des problèmes graves au sein de sa famille.

M. Pierre Cohen. Voilà !

Mme Henriette Martinez. Notre responsabilité est double : prévenir et guérir. Mais pour prévenir, encore faut-il accepter de voir les situations en face sans refuser de comprendre les conséquences du laisser-faire bien-pensant, qui n’est qu’une forme de déni des réalités…

M. Éric Raoult. Eh oui !

Mme Henriette Martinez. …prenant la liberté comme prétexte pour ne rien faire. Écoutons les pédopsychiatres qui travaillent sur toutes les formes de la violence des jeunes et qui définissent comme violence pathologique extrême celle qui est commise en groupe ou par de jeunes caïds. Ils nous apprennent que cette violence naît souvent dès la très petite enfance, entre quinze mois et trois ans, et que ses formes les plus graves, qui atteignent de 5 000 à 8 000 enfants en France – le chiffre est difficile à préciser –, et qu’on ne sait soigner qu’en recourant à des traitements psychiatriques lourds, sont irréversibles si elles ne sont pas traitées à temps, c'est-à-dire avant l’âge de deux ans.

Le sujet, assurément, dérange. De plus, je le reconnais, j’évoque ici des cas extrêmes, mais les causes en sont bien identifiées : des familles totalement désorganisées, incapables d’évoluer, et dont l’influence sur l’enfant est préjudiciable : trop faible estime de soi, diminution de ses capacités de penser, ignorance de la loi et de ses limites. Il s’agit là – je le répète – de cas particulièrement lourds mais toute guérison suppose un diagnostic lucide.

Un tel constat doit nous conduire à travailler sur l’aide à la parentalité et le soutien aux familles, au travers notamment de cours d’alphabétisation pour les mères d’origine immigrée. Elles-mêmes reconnaissent que maîtriser le français leur permettra enfin de pouvoir parler à la maîtresse de leurs enfants et de suivre les devoirs.

Parfois, cependant, des mesures plus lourdes s’imposent : éloignement provisoire ou définitif de l’enfant d’une famille pathogène, prise en charge de l’enfant ou de sa famille ou, lorsque cela se révèle nécessaire, sanction de l’enfant, voire de la famille qui n’assume pas sa responsabilité parentale. Du reste, ce sont parfois les familles elles-mêmes qui nous demandent de recourir à de telles mesures ! C’est ainsi que dans mon bureau, un jour, le père de deux garçons de dix et douze ans est venu me demander leur placement par le juge : il n’y arrivait plus, me disait-il lui-même ! Quinze ans plus tard, ses enfants sont devenus des délinquants multirécidivistes, accumulant les peines de prison, alors que l’appel était venu du père lui-même ! Il faudra d’ailleurs s’attaquer un jour à la question de l’aggravation des peines pour les multirécidivistes, sujet que ne traite pas le présent projet de loi.

Mes chers collègues, reconnaître les réalités, c’est admettre que le suivi de la scolarité est indispensable, que les enfants qui ne peuvent pas travailler chez eux doivent pouvoir aller à l’étude, que l’inscription en dernière année de maternelle est nécessaire aux apprentissages fondamentaux et qu’il convient, enfin, d’évaluer régulièrement le développement de l’enfant dans toutes ses dimensions, affective, intellectuelle et sociale, car tout est lié.

Mme Patricia Adam. Hors sujet !

Mme Henriette Martinez. Non, ce n’est pas hors sujet car, je le répète, tout est lié !

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, permettra d’agir sur tous ces plans,…

M. le président. Il vous faut conclure, madame la députée.

Mme Henriette Martinez. …notamment en levant intelligemment le tabou du secret partagé, instrument indispensable à une prise en compte intégrale des problèmes et à la recherche des solutions les mieux adaptées.

Monsieur le ministre, tout en faisant preuve de pragmatisme, vous avez la lucidité et le courage de prendre à bras-le-corps le problème difficile et douloureux de la délinquance, alors qu’il est également du ressort des ministres de la justice et de la santé – comme le montrera l’examen du projet de loi relatif à la protection de l’enfance, complémentaire du vôtre. En effet, protéger la société, c’est d’abord protéger les enfants et les jeunes de leur environnement, de leur entourage et, tout simplement, d’eux-mêmes, ce qui suppose que nous assumions nos responsabilités à leur égard.

C’est ce que je ferai, moi qui suis impliquée dans le protection de l’enfance, en votant ce projet de loi qui va en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)