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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 23 novembre 2006

63e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

Organisation de certaines
professions de santé

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique (nos 2674 rectifié, 3453).

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, ayant appris que cette séance sera la dernière de la législature que vous présiderez,…

M. le président. On ne peut rien vous cacher !

M. Jean-Marie Le Guen. …permettez-moi de vous féliciter de la façon dont vous avez conduit nos travaux.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Voilà qui est très adroit !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez toujours fait preuve de tact et de respect du travail parlementaire.

M. Jean-Marie Rolland. Fayot ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. De votre part, cela ne nous étonne pas.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour l’instant, je suis d’accord avec vous !

M. le président. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, contrairement au projet de loi sur la prévention de la délinquance, votre texte n’est pas entièrement négatif. Il comporte des aspects positifs (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dont je voudrais traiter au début de mon propos.

M. le ministre de la santé et des solidarités. N’y consacrez pas tout votre temps de parole ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. N’ayez crainte ! Dans ce texte quelque peu fourre-tout, et à vrai dire de circonstance, nous approuvons les dispositions touchant à la profession de nutritionniste, à laquelle je porte, vous le savez, un intérêt particulier. Tout ce qui peut concourir à la définition et à la reconnaissance de cette profession me semble extrêmement utile, non seulement pour les professionnels eux-mêmes, mais surtout pour notre politique de santé publique, qui devra s’appuyer de plus en plus la diététique, comme d’ailleurs sur diverses autres spécialités dans les années qui viennent.

La profession de nutritionniste sortira renforcée de ce texte, même si, sur un plan quantitatif, les prévisions de formations ne sont pas à la hauteur des besoins qui se font jour. Pour l’instant, les nutritionnistes exercent essentiellement dans le cadre des institutions publiques, mais avec l’épidémie d’obésité qui est en train de se confirmer, ils devront de plus en plus intervenir en soins ambulatoires et tenir un rôle de conseil auprès des familles et des enfants dès le plus jeune âge. La question de l’exercice de la profession de nutritionniste en dehors de l’hôpital et sa prise en charge par la sécurité sociale va donc se poser. Surtout, nous devrons revoir l’organisation des soins, en intégrant dans l’offre de soins les diététiciens et les autres professionnels de santé qualifiés, comme le suggérait ce matin M. Vitel à propos des assistants dentaires.

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette transformation de notre offre de soins par l’association de professionnels de plus en plus spécialisés nécessitera d’organiser les relations entre l’ensemble de ces professions. Rien ne serait pire que de voir se juxtaposer les divers auxiliaires des professions de santé sans qu’une organisation les coordonne.

L’absolue nécessité de définir, non seulement des compétences, mais aussi et surtout des interfaces, des réseaux, des coordinations de soins m’amène à être beaucoup plus critique sur le volet de la confirmation d’un certain nombre d’ordres professionnels, autre aspect du texte initial. Nous allons, je pense, à l’encontre de l’évolution de l’organisation des professions de santé, qui est aujourd’hui nécessaire.

S’il ne s’agissait que d’affirmer l’identité professionnelle des personnels infirmiers, nous ne pourrions que souscrire à l’idée de reconnaître leur identité et leurs droits, sans doute trop longtemps méconnus, compte tenu du poids et de l’omniprésence du corps médical, qui a eu un peu trop tendance à organiser l’ensemble de notre système de soins autour de ses prérogatives et de sa propre reconnaissance.

Sans doute est-il aujourd’hui opportun de reconnaître l’ensemble des professions de santé. Mais cela ne doit pas passer, à mon avis, par la construction d’ordres successifs correspondant à autant de qualifications particulières – je ne les détaillerai pas tous, l’imagination de nos collègues de la majorité étant sans limite. Je ne crois pas que cette organisation en filières, en quelque sorte, soit bonne pour notre système de soins. Nous avons, au contraire, besoin de partager de plus en plus les compétences, et j’allais dire les réflexions éthiques.

Le moment viendra où il sera nécessaire de rassembler dans une dimension éthique collective l’ensemble des professionnels de santé. Ce pourrait être d’ailleurs une évolution souhaitable et nécessaire, y compris pour l’ordre des médecins. Ce dernier est quelque part « interrogé » par l’affirmation des syndicats professionnels, par des unions régionales des médecins libéraux, ensuite par la Haute autorité de santé et enfin par la montée en puissance de la justice ordinaire lorsqu’il s’agit de trancher des conflits soit entre professionnels de santé, soit entre les patients et les médecins.

Cette évolution de la société devrait sans doute nous faire réfléchir – la fonction première des ordres étant la vérification de la déontologie – à l’éthique professionnelle. Nous savons que cette activité n’appartient pas seulement aux professionnels, mais également au comité national d’éthique. Il convient en tout état de cause de veiller à la déontologie professionnelle, j’allais dire aux déontologies professionnelles, qui prendront de plus en plus leur place dans un espace commun.

L’idée d’organiser les professions en filières me semble dépassée. Au-delà du fait qu’elle semble flatter la reconnaissance de professions, trop longtemps négligées, je crains qu’elle ne soit pas suffisamment tournée vers l’avenir.

Une autre partie de ce texte vise à renforcer la garantie donnée au malade quant à la reconnaissance du monopole des exercices professionnels par un certain nombre de professions de santé. Cette disposition était au départ judicieuse, car il est vrai que les patients ont besoin que l’État leur garantisse la qualité des personnes auxquelles ils ont recours pour se faire soigner. On défend par là même la notion de diplôme et de profession reconnue. Le fait de sanctionner quiconque utiliserait abusivement certaines appellations professionnelles va dans le bon sens, au moins dans un premier temps.

On ne peut plus se limiter, aujourd’hui, à garantir la qualité de l’accès aux soins par l’information sur la formation initiale, la confirmation de la qualification professionnelle. S’agissant des médecins, il a été difficile de faire admettre que des garanties sur leur formation continue pouvaient aussi être demandées, mêmes si des avancées ont été obtenues dans l’évaluation des pratiques professionnelles au cours des dernières années.

La nécessité d’évaluation des pratiques professionnelles se pose tant au niveau individuel des praticiens que pour les structures et les systèmes d’offres de soins. Ce type d’information doit se multiplier. Cependant, la démarche d’accréditation des hôpitaux, des services hospitaliers est encore insuffisante. Les informations dispensées quant aux résultats, par exemple en matière d’iatrogénie, sur l’ensemble de ces structures sont encore insuffisamment développées.

Je sais que des initiatives sont à l’œuvre. Elles avancent, à mon sens, un peu trop lentement. Mais on peut imaginer que nous irons plus loin.

Les patients sont en droit d’attendre, en plus des renseignements et des garanties sur la formation initiale, des informations et des garanties sur les pratiques professionnelles. Le respect des droits des assurés sociaux, des malades commande de laisser circuler librement des informations sur les pratiques médicales. Il nous faudra dépasser cette dimension quelque peu balbutiante. Or les éléments contenus dans ce texte ne proposent que des garanties minimales aux malades.

Le texte ne traite pas simplement des trois premiers points que j’ai mis jusqu’à présent en exergue. L’arrivée, en quelque sorte, impromptue dans ce texte d’un amendement du Gouvernement tendant à légiférer sur la santé mentale par voie d’ordonnance nous interpelle et nous sommes nombreux à être intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet.

Nous aurons l’occasion de rappeler notre opposition de principe à voir dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance des éléments qui touchent à la santé mentale. La disposition que vous nous proposez aujourd’hui ne préjuge pas du débat que nous aurons sur les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui ne nous donnent pas satisfaction.

Il est dommage que nous abordions ce point fondamental de la santé mentale en France au travers de débats limités et de façon biaisée. Si nous regardons les choses en face, nous voyons que la France est peut-être plus affectée que d’autres par les problèmes de santé mentale. Notre pays – cela témoigne de nos difficultés – est le plus gros consommateur de médicaments psychotropes, et je ne parle pas des problèmes de toxicomanie, connexes de la santé mentale.

Notre taux de suicide, notamment chez les jeunes – et nous avons cependant pu enregistrer une évolution positive –, est l’un des plus élevés comparativement aux autres nations, même si nous pouvons trouver quelques contre-exemples.

Suivant les indicateurs, la santé mentale vient juste après les accidents cardiovasculaires tant en termes de coûts que de nombre de personnes touchées par des affections de longue durée. Ces quelques éléments montrent l’importance des problèmes de santé mentale dans notre pays. D’autres chiffres de morbidité ont été cités, je n’y reviens pas.

Il faut savoir que 10 % de nos concitoyens auront, à un moment ou à un autre de leur vie, recours à une consultation de type psychiatrique. Cela nous conforte dans l’idée qu’il s’agit là d’un vrai sujet. Cette souffrance, au-delà des chiffres et des éléments médicaux, s’exprime dans la santé au travail, dans les problèmes de la famille, de la gérontologie et aussi au travers des grandes insuffisances de notre pédopsychiatrie.

Ces questions concernent la société française tout entière. Il faut les traiter avec modestie. Nous n’avons pas la prétention de les avoir résolues, même si des initiatives positives ont été menées du temps de Bernard Kouchner. Nous n’avons pas, loin de là, suffisamment traité cette question.

La manière dont la majorité actuelle a posé la question de la santé mentale est assez singulière. On peut en juger par la polémique déclenchée par le fameux amendement sur le statut des psychothérapeutes examiné dans le cadre de la loi de santé publique, qui vous a, semble-t-il, monsieur le ministre, posé quelques problèmes d’écriture et qui vous réserve encore quelques péripéties. Vous abordez maintenant la santé mentale dans les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Cela nous semble une bien mauvaise solution, alors que ces sujets devraient tous nous impliquer.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, le lancement du plan « santé mentale » et annoncé quelques chiffres. Ils ont déjà été avancés par votre prédécesseur. Nous ne savons plus qui croire, M. Bertrand ou le ministre précédent ? Nous savons qu’il ne s’agit pas simplement de moyens financiers, mais plus fondamentalement d’un problème culturel au sein de notre société, d’organisation des soins et de prévention.

La société française – Marylise Lebranchu l’a rappelé ce matin – éprouve de grandes difficultés à accepter les maladies mentales et à les traduire en termes de pathologies ordinaires nécessitant légitimement un recours aux soins dans le respect complet des droits des malades. Les patients revendiquent le droit à la banalisation des pathologies dont ils souffrent, trop souvent stigmatisées, et dont ils sont victimes. Cela se traduit, comme Marylise Lebranchu le soulignait, par la discrimination à l’emploi des personnes ayant subi des troubles mentaux.

Nous savons que la première chose à faire est indiscutablement de combattre résolument la stigmatisation dont sont victimes les malades mentaux. C’est la condition fondamentale d’un accès aux soins véritablement transparent, pour dédramatiser et, éventuellement, dédiaboliser ce type de maladie.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut également diffuser un minimum d’informations sur la psychiatrie, ses possibilités et ses limites.

De ce point de vue, les parlementaires que nous sommes ont commis, je crois, à plusieurs reprises, des abus de langage. En ce qui concerne l’autorisation du port d’arme, nous avons cru accomplir un progrès considérable en prévoyant une consultation médicale préalable et éventuellement une consultation psychiatrique. C’est un faux-semblant, car aucun médecin, aucun psychiatre ne peut prévoir la survenue d’épisodes maniaques dangereux. À moins de voir en face de lui une personne particulièrement agitée, il ne peut avoir de scrupules à lui accorder cette autorisation.

Rien n’indique que des personnes parfaitement normales, comme vous et moi, ne vont pas dans quelques semaines ou quelques mois, après une période de stress ou des circonstances particulières, déclencher des épisodes maniaques pouvant mettre en danger la santé d’autrui.

A contrario, va-t-on interdire dans notre pays à des policiers bénéficiant d’une autorisation à titre professionnel de porter une arme, car cinq ou dix ans auparavant ils auraient été victimes d’un fort épisode dépressif, ayant éventuellement entraîné une hospitalisation ?

Les priver de leur avenir professionnel reviendrait à commettre une injustice. C’est par faiblesse que nous n’avons pas admis que le permis de port d’arme nécessitait un suivi des personnes qui ont accès à des armes. En matière de prévention des accidents, la réussite ne peut être garantie à 100 % : seul un suivi personnalisé et dans la durée permettra d’en éviter un certain nombre.

L’effort que nous avons à faire dépasse largement la manière dont le Gouvernement aborde ces questions aujourd’hui, et réclamer une loi sur la santé mentale n’est pas suffisant.

La société française tout entière doit avoir le courage de se poser certaines questions s’agissant de la santé mentale. Faut-il organiser des états généraux qui nous interpelleraient tous ? Pour ma part, je le crois. La société doit faire ce travail sur elle-même pour être en mesure d’aborder ces questions avec calme et sérénité.

Mais cela pose la question de l’organisation des soins, Marylise Lebranchu a eu raison d’insister sur ce point. Nous manquons cruellement de thérapeutes. La psychiatrie publique est particulièrement malmenée. Et si nous ne réagissons pas, sa situation se dégradera encore.

Pour autant, notre pays compte un certain nombre de psychiatres, mais pour des raisons d’opportunité, de facilité, de qualité de travail, et peut-être aussi de revenus, beaucoup d’entre eux se sont orientés vers la psychiatrie ambulatoire, là où les cas ne sont pas les plus douloureux ni les plus dramatiques.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, si vous n’interrompez pas M. Le Guen, nous y serons encore cette nuit !

M. Jean-Marie Le Guen. Ne vous sentez pas agressé, mon cher collègue, je parlais de la psychiatrie, en général.

M. Richard Mallié. Je constate seulement que votre temps de parole est dépassé.

M. Jean-Marie Le Guen. Qu’en pensez-vous, monsieur le président ?

M. le président. Jusqu’à preuve du contraire, monsieur Mallié, je préside encore, même si c’est la dernière séance que je préside comme M. Le Guen a eu la gentillesse de le rappeler.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Alors, on peut faire durer le plaisir !

M. le président. Je vous informerai personnellement, monsieur Mallié, quand nous en serons arrivés à la fin du temps réglementaire, arrêts de jeu compris ! (Sourires.)

Veuillez poursuivre, monsieur Le Guen : je vous signale que vous en êtes à vingt-deux minutes exactement, hors arrêts de jeu !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous allez souffrir encore huit minutes, monsieur Mallié ! (Sourires.)

Avant de reprendre le fil de mon propos, je vous signale au passage que ce n’est pas la plus polémique de mes interventions !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas vu passer le temps !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous aurons à traiter de la place des questions de santé mentale dans notre société en réfléchissant à l’offre de soins. Lorsque la collectivité nationale a investi dans la formation de psychiatres, jeunes ou moins jeunes, c’est pour répondre à des besoins.

Comment aujourd’hui réorienter un certain nombre de psychiatres vers la psychiatrie publique ou vers les cas les plus lourds ? Pour des raisons parfaitement compréhensibles, certains ont évolué vers d’autres pratiques. La question est posée à l’ensemble du milieu de la psychiatrie, qui ne pourra pas faire l’économie de cette réflexion. Demander plus de moyens et de reconnaissance est évidemment parfaitement légitime, mais cela ne dispense pas ces professionnels de s’interroger sur leurs pratiques. À certains égards, les élus peuvent avoir le sentiment que la notion de santé publique est quelque peu absente de leurs pratiques, car ils sont essentiellement axés sur le colloque singulier entre le médecin et le malade, et qu’ils ont du mal à percevoir les difficultés auxquelles est confrontée notre société.

Mme Marylise Lebranchu. Pas tous !

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, mais la question reste posée.

Autant je comprends qu’un médecin s’engage du côté de son patient – sa défense et ses droits – parce que cela relève de la déontologie, mais cette attitude ne doit pas l’empêcher de prendre en compte les enjeux de santé publique.

Après avoir parlé des professionnels, parlons aussi des pouvoirs publics qui, tous gouvernement confondus, ont accompagné le mouvement de fermeture des hôpitaux psychiatriques, à la demande des professionnels de santé eux-mêmes, mais sans assurer concomitamment l’ouverture des services de ville prévus en contrepartie.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Jean-Marie Le Guen. La psychiatrie s’est donc trouvée perdante : on a fermé des lits hospitaliers sans ouvrir de services ambulatoires.

Pourtant, le nombre de malades augmente, je le constate dans ma circonscription…

M. Richard Mallié. Y a-t-il beaucoup de malades dans votre circonscription ?...

M. Jean-Marie Le Guen. En effet, notamment en raison de la présence de nombreuses institutions psychiatres importantes.

Beaucoup de personnes poly-addictives sont gravement malades, c’est notamment le cas des SDF, très nombreux à Paris. Nul besoin d’avoir fait des études en psychiatrie pour voir que leur souffrance psychique lourde est encore aggravée par des poly-addictions. Or ces personnes ne bénéficient ni d’une prise en charge médicale, ni d’une prise en charge sociale. On a un jour décrété que c’était à la société de traiter ces questions sans se poser la question de l’accueil de ces personnes sur le plan médical.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a des maillons manquants dans notre réponse sociale, mais aussi dans la perception du problème par les professionnels de santé.

J’en viens à la conclusion de mon intervention…

M. Richard Mallié. Enfin !

M. Jean-Marie Le Guen. S’ils veulent être à la hauteur des problèmes posés, les pouvoirs politiques doivent cesser de faire des « gaffes » comme ce fut le cas ces dernières années. Il faut d’autre part que l’ensemble de la société se mobilise : les associations de malades sont un phénomène nouveau fondamental, tout comme les associations de familles de malades. Leur existence est porteuse d’espoir.

Les professionnels de santé, aussi, doivent se mobiliser. Il ne serait pas bon que chacun reste chez soi et ne considère que son travail face à son malade. Une prise en charge collective et politique de ces questions est nécessaire.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je suis d’accord sur ce point.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans les mois et les années qui viennent, nous sommes appelés à accomplir cette tâche, éminemment difficile. Il faudra non seulement faire appel à la médecine mais également à l’ensemble des sciences sociales, ce qui ne semble pas être le réflexe premier d’un certain nombre de collègues de la majorité. L’enjeu est de taille, mais il nous faudra le défi dans le but d’améliorer la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Vous avez scrupuleusement respecté votre temps de parole, monsieur Le Guen, en parlant exactement vingt-huit minutes. Je suis sûr que cela ira droit au cœur de M. Mallié ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. À mon tour, je veux vous saluer, monsieur Leroy, et vous remercier pour la façon, toujours courtoise et efficace, dont vous avez présidé nombre de nos séances. La commission des affaires culturelles étant très présente dans cet hémicycle, nous avons eu l’occasion de le constater à maintes reprises. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà un exemple de la très grande habileté du président Dubernard ! Il sait trouver les mots pour se faire applaudir !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Cette motion de procédure vous a permis, monsieur Le Guen, d’exprimer avec brio un certain nombre de propositions en matière de psychiatrie et de santé mentale, ayant partie liée avec l’évolution de notre société. Des états généraux, pourquoi pas ?

Les évolutions qui ont lieu ces dernières années ont parfois été trop brutales, d’où les dangers qui ont pu en résulter pour notre société.

Pour le reste, le rapporteur de ce texte a été désigné en juillet 2006 et a travaillé avec beaucoup de constance. La commission s’étant réunie deux fois, sur un texte très court, le renvoi en commission ne se justifie pas.

Concernant les mesures relatives à l’hospitalisation sans consentement, elles relèvent de l’artefact ! Je ne vois donc pas pourquoi elles seraient renvoyées en commission.

M. Jean-Marie Le Guen. Artefact !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Je mesure, monsieur Le Guen, votre influence sur le président Dubernard !

Vu la qualité de votre exposé, renvoyer ce texte en commission correspondrait à un retour en arrière. Il constitue, en effet, la base d’un débat sur l’organisation des soins et la structuration de notre système de santé.

Abstraction faite des polémiques, je n’ai pas noté beaucoup d’opposition à ce texte. Ce qui signifie qu’il n’y a pas une approche de droite et une autre de gauche concernant la santé mentale. Et plus généralement, j’ai le sentiment que les questions de santé échappent aux logiques partisanes.

Vous l’avez souligné pour les nutritionnistes. La question est en effet l’organisation de l’offre de soins, notamment leur place dans le parcours de soins.

Concernant la santé mentale, je souscris à la proposition faite ce matin par le président de la commission d’associer les parlementaires.

Tout ce qui a été prévu dans le plan santé mentale a été fait ou est en cours de réalisation ; j’ai rendu publiques toutes les données en mai 2006, et je les tiens à votre disposition : 41 % de crédits délégués sont consacrés au fonctionnement. S’agissant des investissements, 342 opérations ont été retenues. Les équipes mobiles d’intervention auprès des SDF prévues en 2005 et en 2006 ont été au rendez-vous.

Pour autant, sur un tel sujet, bien imprudent serait celui qui affirmerait que le travail est achevé. Nous devons en effet, en permanence, renforcer et adapter nos réponses.

J’ai bien entendu votre propos, monsieur Le Guen, et si nous vous écoutons toujours, il est des moments où nous vous entendons plus qu’à d’autres…

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Rolland. Mon intervention sera plus brève que celle de M. Le Guen qui a parlé aussi bien de diététique que de port d’armes ! Chacun de ces points mériterait à ses yeux un long débat, ce qui lui permet surtout de gagner du temps !

Nous sommes bien conscients de l’importance du sujet et nous ne nous laisserons pas impressionner par les arguments de notre collègue. Chacun sait que la commission a examiné ce texte, qu’elle a enrichi de ses amendements.

Nous savons aussi qu’il est urgent de faire aboutir la réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, en privilégiant une approche globale. Il n’y a donc pas lieu de renvoyer ce texte en commission, et je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de vous adresser à mon tour mes plus vives félicitations.

Monsieur le ministre, l’appréciation très positive que nous portons sur l’article 7 de ce projet de loi aurait pu rendre nos critiques à son égard moins radicales, s’il n’avait été perverti par cet amendement que M. le ministre de l’intérieur vous a contraint de déposer. Je vous connais, monsieur Bertrand, et je ne peux imaginer une seule seconde que vous ayez pris cette initiative autrement que sur l’injonction du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Cette pratique, je dois le dire, est détestable. Sur la forme, d’abord, car le Gouvernement s’apprête à dessaisir l’Assemblée nationale de ses prérogatives. Sur le fond, ensuite : d’une part, c’est faire injure aux professionnels de la psychiatrie et aux familles des patients concernés que de traiter de la nécessaire réforme de la loi de 1990 en ayant recours à un artifice procédural manœuvrier et indigne de notre assemblée ; d’autre part, la psychiatrie méritait un autre sort que celui que vous lui réservez. Au moment où les besoins dans ce domaine ont crû de manière inquiétante – et sans doute l’insécurité sociale n’y est-elle pas pour rien – , au moment où les professionnels du secteur réclament à juste titre davantage de moyens pour exercer leur métier et appellent la représentation nationale à prendre sérieusement en compte leur secteur d’activité, vous empêchez qu’un débat de fond puisse s’instaurer car les dispositions sur lesquelles porte l’ordonnance auraient justifié qu’un texte spécifique soit soumis à la représentation nationale.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission.

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, ma tâche est facile car la brillante démonstration de Jean-Marie Le Guen a sans doute convaincu notre assemblée de la nécessité de renvoyer le texte en commission. (Sourires.) J’admire l’habileté de M. le ministre, qui a longtemps fréquenté cette assemblée avant d’être au banc du Gouvernement. Il se démarque de certains de ses collègues, qui sont beaucoup moins élégants dans l’art de la pirouette parlementaire. Reste que si notre rapporteur a beaucoup travaillé sur ce texte depuis juin dernier, il n’a pas pu prendre en compte l’amendement si problématique qui renvoie les articles du projet de loi sur la prévention de la délinquance relatifs à la santé mentale à une ordonnance.

Nous essayons de lutter contre la stigmatisation mais le mal est fait puisque notre débat est pris entre deux discussions du projet de loi sur la délinquance. Tout ce que nous dirons de la santé mentale apparaîtra donc comme complémentaire du message sécuritaire que veut adresser à l’opinion un certain candidat à l’élection présidentielle.

Bien sûr, le projet de loi comprend certains éléments positifs, comme la validation des statuts professionnels ou la lutte contre l’obésité. M. Le Guen considère à juste titre que cette dernière va mobiliser toute la société, bien au-delà des frontières du monde médical. C’est la raison pour laquelle il serait bon que nous prenions connaissance, comme je vous en ai fait la demande écrite, en tant que rapporteur spécial du budget de la santé, des projets de décret sur la publicité télévisée et l’information nutritionnelle que vous avez d’ores et déjà transmis au Conseil d’État.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Bapt, votre lettre nous est parvenue lundi et vous recevrez une réponse dans la journée !

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, je ne doutais pas de votre diligence mais votre cabinet semblait marcher sur les pas de celui de M. Mattéi au moment de la canicule de 2003. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas une insulte !

M. Gérard Bapt. C’est même un hommage à M. le ministre qui est capable de contredire les membres de son cabinet pour reconnaître les compétences que les rapporteurs spéciaux ont acquises depuis la réforme de la LOLF.

M. Le Guen vous a sans doute également convaincu s’agissant des interrogations que suscite l’organisation verticale des professions médicales et paramédicales, structurées en ordres. À cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de m’étonner de l’absence de réaction du conseil national de l’ordre des médecins alors que nous apprenons que certains praticiens refusent de dispenser des soins aux bénéficiaires de l’aide médicale d’État ou de la couverture médicale universelle complémentaire.

Concernant le vaste champ de la santé mentale, il serait utile de disposer d’un rapport d’étape à mi-parcours sur le plan quadriennal qui lui est consacré.

Monsieur le ministre, puisque vous avez vous-même déclaré qu’un certain consensus s’était dégagé autour des thèmes développés par M. Le Guen, profitons-en : revenons en commission pour nous accorder sur l’organisation d’états généraux de la santé mentale, qui constituerait un grand pas en avant pour que les maladies mentales ne soient plus stigmatisées mais prises en charge par la société tout entière.

M. le président. Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde s’accorde, sur ces bancs comme dans l’ensemble de la profession médicale, sur la nécessité de réformer la loi de 1990. Mais avant toute réforme, comme plusieurs lois l’ont affirmé, il serait utile qu’il y ait une large concertation, d’autant que ce sujet difficile est d’une grande importance, tant du point de vue de la santé que des libertés publiques.

Je suis porte-parole de mon groupe pour le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui comporte – « comportait », « comporterait », je ne sais comment dire – des dispositions sur l’hospitalisation d’office, qui constituent une partie de la réforme de la loi 1990. Lors de la réunion commune de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, j’ai eu l’occasion de dire que les mesures en elles-mêmes ne faisaient pas débat et que seul le fait qu’elles figurent dans le projet sur la délinquance pouvait prêter à discussion, ajoutant que pour ce qui me concernait, peu m’importait le véhicule législatif du moment qu’on avançait.

Aujourd’hui, nous sommes en train d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance. On sait déjà que la ratification par le Parlement n’est qu’une formalité et que sa participation à l’élaboration de ce type de textes est toujours promise, jamais acquise. Mais, de surcroît, cet après-midi ou peut-être ce soir, nous rediscuterons dans le cadre du projet de loi sur la prévention de la délinquance des sept articles consacrés à l’hospitalisation d’office visés par l’ordonnance. Autrement dit, on n’a même pas pris soin de les retirer de la discussion pour éviter au Parlement de sombrer dans le ridicule. C’est une première dans l’histoire de la Ve République !

M. Jean-Marie Le Guen. En effet !

M. Jean-Christophe Lagarde. En outre, c’est à l’occasion d’une proposition de loi, donc d’une niche réservée à l’initiative parlementaire, que le Gouvernement propose au Parlement de se dessaisir d’un texte alors même qu’il l’a saisi pour débattre de dispositions partiellement identiques. Non seulement, c’est un manque de respect des institutions mais c’est le comble du ridicule ! Le véhicule législatif me paraît désormais poser problème. D’une part, je ne trouve pas très glorieux que le Parlement décide de lui-même de laisser faire son travail au Gouvernement : autant partir en vacances et se préparer aux futures échéances électorales ! D’autre part, nous allons continuer à débattre dans les jours à venir des dispositions mêmes dont nous sommes dessaisis.

Cette raison seule me pousse à voter la motion de renvoi en commission, ne serait-ce que pour éviter le ridicule au Parlement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Si on m’avait dit que pour ma dernière séance, j’assisterai à une première ! (Rires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais peut-être avons-nous fait tout cela pour vous ?

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je précise à M. Bapt qu’un rapport d’étape du plan de santé mentale est publié en mai et en septembre, que ces rapports sont en ligne sur le site Internet du ministère de la santé et que je les tiens à la disposition de tout parlementaire qui en ferait la demande.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n3.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement de précision, qui a été adopté par la commission, vise à ne pas mélanger dans un même article la ratification proprement dite de l’ordonnance relative à certaines professions de santé et l’adoption des modifications ponctuelles définies dans les autres articles du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n3.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir d’abord l’amendement n4.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, vise à accélérer et simplifier certaines procédures de décision des chambres disciplinaires ordinales, en permettant notamment à leurs présidents, à l’instar de ce qui existe déjà pour les juridictions administratives, de prendre seul des décisions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, vise à alléger la procédure de conciliation qui, selon la nature du litige, ne justifie pas dans tous les cas l’obligation de présence d’au moins trois membres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 13 et 16 rectifié, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l’amendement n13.

M. Jean-Luc Préel. J’avais déjà déposé cet amendement lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il avait été considéré alors comme un « cavalier ». Soit dit en passant, il y en a eu bien d’autres dans ce texte qui compte désormais 140 articles !

L’amendement n13 vise à permettre aux chambres de discipline des ordres, et plus particulièrement à celle du conseil de l’Ordre des pharmaciens, de fonctionner.

L’article 2 de l’ordonnance du 26 août 2005 a prévu que les magistrats de l’ordre judiciaire présidant les chambres de discipline de première instance de l’Ordre national des pharmaciens seraient remplacés par des magistrats de l’ordre administratif. Cette réforme devait à l’origine entrer en vigueur au 1er mars 2006. Cependant, les magistrats de l’ordre administratif n’ont toujours pas pu être désignés à ce jour, en l’absence du décret d’application qui doit organiser ou réorganiser les chambres de discipline des ordres de toutes les professions de santé.

Lorsque le décret sera publié, il n’est pas sûr que les nouveaux magistrats pourront être désignés partout très rapidement, étant donné le grand nombre requis pour les six ordres concernés. Il en faudra en effet plusieurs centaines au total, dont cinquante-quatre pour l’Ordre des pharmaciens.

En attendant, toutes ces juridictions de première instance sont donc paralysées. En effet, contrairement aux chambres des autres ordres déjà existantes, elles ne bénéficient pas, dans l’ordonnance du 26 août 2006, d’une disposition transitoire leur permettant de continuer à fonctionner. Certaines accumulent déjà un grand retard qu’il sera difficile de combler étant donné la progression constante du nombre des affaires qui leur sont soumises.

Cette situation est incompatible avec une bonne administration de la justice. De plus, elle ne peut que susciter des tentations de dérive chez certains professionnels indélicats, convaincus de ne plus risquer de poursuites disciplinaires avant bien longtemps, voire plus du tout s’ils approchent de la fin de leur carrière.

Il importe donc que ces chambres disciplinaires puissent fonctionner. C’est pourquoi cet amendement me paraît nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour soutenir l’amendement n16 rectifié.

M. Jean-Marie Rolland. Si je suis d’accord avec M. Préel, je fais observer que dans mon amendement j’utilise le présent, et non le futur, pour l’entrée en vigueur des dispositions. Compte tenu de l’urgence, la rédaction que je propose me paraît préférable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Pascal Ménage, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à l’amendement de M. Préel. Toutefois, la rédaction de celui de M. Rolland me semble plus précise. Aussi, j’invite M. Préel à s’y rallier.

M. le président. Monsieur Préel, entendez-vous l’appel du rapporteur ?

M. Jean-Luc Préel. Oui, monsieur le président. Je retire donc l’amendement n13.

M. le président. L’amendement n13 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n16 rectifié ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Articles 2 à 5

M. le président. Sur les articles 2 à 5, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je les mets successivement aux voix.

(Les articles 2 à 5, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Après l’article 5

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 5.

La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l’amendement n14.

M. Richard Mallié. Comme 20 % des chirurgiens-dentistes français sont inscrits aux tableaux de la région Île-de-France, il apparaît opportun de porter le nombre des membres titulaires et des membres suppléants de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de huit à douze.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Ménage, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n15.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.

M. Richard Mallié. Les deux derniers alinéas de l’article L. 4142-4-1 du code de la santé publique sont en fait du domaine réglementaire. Voilà pourquoi je propose leur suppression, ce qui fera plaisir au président Jean-Louis Debré.

M. le président. Il y sera sûrement sensible !

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, est le bienvenu car il permet de clarifier le fonctionnement de la chambre disciplinaire interrégionale de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’aurais développé la même argumentation que le rapporteur. Aussi, le Gouvernement est-il favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement précise la composition des chambres disciplinaires nationales des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n6.

(L'amendement est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n7 tendant à rédiger l’article 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les conseillers des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues sont élus à la majorité des membres présents ou ayant voté par correspondance ou par voie électronique, selon des modalités fixées par décret après avis de la CNIL, comme cela est déjà prévu pour les autres professions médicales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 6 est ainsi rédigé.

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n8 portant article additionnel après l’article 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Si les orthophonistes et les orthoptistes ne souhaitent pas la mise en place d’un ordre professionnel, il est important qu’ils respectent les règles professionnelles fixées par décret en Conseil d’État. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n8.

(L'amendement est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, inscrit sur l’article 7.

M. Michel Vaxès. Ce projet de loi très controversé en raison de la manœuvre qui le pollue apporte au moins un motif de satisfaction avec l’article 7, qui vise à clarifier les conditions d’exercice des diététiciens.

Reconnaissons que la mesure qui nous est proposée aujourd’hui était très attendue et nous nous en réjouissons avec les professionnels concernés.

Confortés par les conclusions du rapport du professeur Michel Krempf sur l’évolution du métier de diététicien, les pouvoirs publics se devaient de prendre des mesures susceptibles de mieux encadrer la pratique des conseils nutritionnels, l’exercice de l’éducation à l’hygiène alimentaire par la reconnaissance des diététiciens comme profession de santé.

Environ 4 000 diplômés en activité se mobilisent pour que leur discipline soit réglementée – le titre ne les protège pas assez –, à l’instar des autres professionnels de santé, au regard des responsabilités qu’ils ont en matière de santé publique.

Cette démarche participe de la reconnaissance du rôle tout à fait important que joue la nutrition dans notre société contemporaine et l’alimentation dans la prévention ou le traitement de pathologies de plus en plus fréquentes qui touchent malheureusement de plus en plus de jeunes.

Comme le souligne le rapport du professeur Krempf, des liens ont été constatés entre certains cancers et l’alimentation par exemple. Il s’agit principalement des cancers du côlon et du sein qui sont les plus fréquents en France et des maladies cardio-vasculaires qui représentent la première cause de mortalité en France, avec 170 000 décès par an. En outre, des facteurs de risques majeurs à leur origine, comme l’excès de cholestérol ou le diabète sucré, sont liés à l’alimentation. Des conseils d’alimentation simples et d’exercice physique peuvent par exemple réduire de plus de 50 % l’apparition des diabètes chez les sujets prédisposés.

Il faut souligner et anticiper l’énorme risque de santé et de coût que représente l’épidémie mondiale d’obésité à laquelle la France n’échappe pas. En trois ans, le pourcentage d’obèses dans la population adulte de notre pays est passé de 8 à 10 %. Au rythme de progression actuel, nous devrions atteindre le niveau des Etats-Unis, c'est-à-dire 20 % de la population adulte, dans moins de dix ans. Plus inquiétant encore, on remarque que la progression est encore plus rapide chez les enfants et les adolescents.

Compte tenu de ces enjeux de santé publique, on ne pouvait pas rester plus longtemps dans une situation qui n’allait pas au bout de la reconnaissance de la pratique des soins d’éducation nutritionnelle. Ainsi, l’article 7, en définissant mieux l’exercice de la profession de diététicien, rend applicables les dispositions pour l’exercice illégal comme l’usurpation du titre, ce qui permettra de sécuriser l’exercice de cette profession. Une telle disposition était indispensable car de nombreux conseils diététiques sont délivrés par des non-diététiciens, ce qui peut représenter un danger pour la population.

Nous espérons que les mesures que nous allons prendre permettront d’éviter l’expansion de boutiques conseils en diététique. De plus, l’exercice des diététiciens sera de fait facilité dans les réseaux de santé et auprès des collectivités, ce qui élargira les possibilités d’accès aux conseils nutritionnels pour l’ensemble de la population.

Enfin, la réforme des études devrait permettre de garantir l’objectif de mettre en adéquation la formation et les besoins recensés sur le territoire, afin d’harmoniser les programmes et de limiter l’émergence de trop nombreux centres de formation souvent non conformes aux attentes.

Nous attirons toutefois votre attention sur les conditions de validation des titres et formations déjà obtenus, afin que ces titres ne soient pas transformés en certificats dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience.

L’aspect positif de cette mesure tranche donc singulièrement avec le reste du projet de loi. Si nous sommes hostiles aux articles autorisant le recours aux ordonnances ainsi que ceux relatifs aux structures ordinales, nous soutenons sans réserve l’article 7.

Mais pour que le vote final dans lequel vous allez nous enfermer ne puisse pas faire l’objet d’une mauvaise interprétation, je demande, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, un scrutin public sur l’article 7 pour manifester clairement notre adhésion à celui-ci.

M. le président. Monsieur Vaxès, je vous confirme que votre demande de scrutin public est bien parvenue à la présidence.

Nous en venons à l’amendement à l’amendement no 9.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, de clarification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Après examen, avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 10.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Comme je l’ai expliqué ce matin, cet amendement est nécessaire dans la mesure où il comble un vide juridique. En effet, certaines personnes sont autorisées, par dérogation, à continuer à exercer la profession de diététicien et à en porter le titre, sans pour autant être titulaire du nouveau diplôme d’État, ni de l’autorisation spécifique réservée aux ressortissants de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. L’ordonnance ne réglait leur situation qu’à compter de l’entrée en vigueur de l’acte réglementaire fixant le programme de formation du nouveau diplôme d’État français de diététicien, et elle ne disait rien de la période comprise entre la promulgation de la loi et l’entrée en vigueur de l’acte réglementaire. L’amendement de la commission, en comblant ce vide, assurera aux personnes concernées une meilleure sécurité juridique dans l’exercice de leur profession de diététicien dès la promulgation de la loi

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’amendement évitant un vide juridique entre la promulgation de la loi et l’acte réglementaire, le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Sur le vote de l'article 7, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi d’un amendement no 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement est de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons attendre quelques instants avant de procéder au scrutin public.

…………………………………………………………

Je vais donc mettre aux voix l'article 7.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants...........................53

Nombre de suffrages exprimés........53

Majorité absolue..............................27

Pour l’adoption................................49

Contre................................................4

L'Assemblée nationale a adopté l’article 7, modifié par les amendements adoptés.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je m’interroge, monsieur le président, car j’avais décelé l’unanimité dans les discours. Or il y a des votes contre.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont des erreurs !

M. le président. Les erreurs matérielles pourront être corrigées, mes chers collègues.

Article 8

M. le président. L’article 8 ne fait l’objet d’aucun amendement ; je le mets directement aux voix.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. Sur l’article 9, je suis saisi d’un amendement no 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cet amendement procède à la correction d’une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement no 12.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président. L’article 10 ne fait l’objet d’aucun amendement ; je le mets aux voix.

(L'article 10 est adopté.)

Après l’article 10

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 10.

Je suis saisi d’un amendement no 2.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le défendre.

M. Richard Mallié. Certaines professions, comme les ambulanciers ou les aides soignants, sont considérées comme des professions de santé, ce qui n’est pas le cas des assistants dentaires. Notre amendement entend réparer cet anachronisme en prévoyant de faire dépendre les assistants dentaires du ministère de la santé, au lieu de celui du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Ménage, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement car il lui a semblé préférable, dans un premier temps, de définir le champ de la profession d’assistant dentaire. À titre personnel, cet amendement me semble aller dans la bonne direction. Néanmoins, je suis l’avis de la commission.

D’ailleurs, je souhaite vivement entendre le ministre sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le Gouvernement partage la conviction de la commission, à défaut de celle de son rapporteur. Définir les contours de la profession ainsi que les conditions de son exercice est un préalable nécessaire avant de traiter des questions de formation.

Nous y travaillons, et vous savez, monsieur le député, puisque vous présidez un groupe d’études sur les professions de santé, dans quelle direction. Une réflexion est en cours avec l’ensemble des professionnels sous l’égide de mon cabinet, notamment sur les conditions d’exercice et la formation des assistants dentaires. Je m’engage à la mener rapidement à son terme, mais, en l’état actuel des choses, le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je suis quelque peu surpris, car les ambulanciers, les aides-soignants, les techniciens de laboratoire d’analyses médicales sont devenus des professionnels de santé, à l’initiative du ministère de la santé. Et l’on n’a rien trouvé à redire. Mais, quand c’est nous qui prenons l’initiative, il faut faire autrement !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas grave, vous aimez les ordonnances !

M. Richard Mallié. Le livre Ier du code de la santé concernant les professions médicales définit certaines professions, du type médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, qui sont au fond très peu nombreuses. Vous m’avez objecté qu’il fallait créer un titre particulier pour les assistants dentaires, en les plaçant sur le même plan. Je considère que ce sont plutôt des auxiliaires médicaux, je ne partage donc pas votre point de vue, monsieur le ministre.

J’ajoute qu’il s’agit d’une demande de la profession, même si elle ne peut se rassembler au sein d’un syndicat professionnel tant qu’elle n’est pas définie. Il n’y a pas de raison de ne pas agir pour les assistants dentaires comme on l’a fait pour les autres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 2.

(L'amendement est adopté.)

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le résultat d’une collusion entre M. Mallié et le groupe socialiste !

M. le président. Nous en venons à l’amendement no 1.

La parole est à M. le ministre, pour le défendre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Voici l’amendement dont nous avons abondamment parlé depuis ce matin, et qui va dans le sens souhaité par l’ensemble des parlementaires ainsi que par les professionnels de santé concernés et leurs associations. Il permettra, conformément à ce à quoi nous nous sommes engagés avec le ministre de l’intérieur, de disjoindre les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Ménage, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

Plusieurs députés socialistes. Quel enthousiasme ! (Sourires.)

M. Pascal Ménage, rapporteur. En tant que neurologue, je connais bien les psychiatres et cet amendement constitue une véritable avancée.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’en est pas une pour le député que vous êtes !

M. Pascal Ménage, rapporteur. Cette ordonnance est importante car elle permettra de régler certains problèmes rencontrés par les psychiatres et les familles de malades.

M. Jean-Marie Le Guen. Elle va aussi bafouer les droits du Parlement !

M. le président. Sur le vote de l'amendement no 1, je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains et par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il vous est toujours loisible, mes chers collègues, de faire respecter les droits du Parlement. Vous l’avez fait pour les assistants dentaires, vous le ferez peut-être pour la santé mentale. Cela dit, chacun a ses priorités et sa conception des droits du Parlement.

L’amendement no 1 que nous allons voter est un faux-semblant puisque, aussitôt qu’il aura été voté, nous reprendrons l’examen d’un projet de loi dont les articles 18 à 24 traitent des sujets sur lesquels vous aurez, en adoptant l’amendement no 1, autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance. La mascarade continue et je ne vois pas l’intérêt d’expliquer une énième fois au Gouvernement qu’il fait une mauvaise manière au Parlement et compromet le traitement des problèmes de santé mentale dans ce pays.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je veux souligner, une fois de plus, l’habileté de M. le ministre.

Les articles 18 à 24 qui traitent de la maladie mentale et qui figurent dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance n’ont rien à y faire puisqu’ils ne relèvent ni de la prévention, ni de la délinquance. Ils concernent la santé publique. Sur ce point, nous sommes d’accord. En revanche, nous ne pouvons accepter de voir ces mesures examinées à la sauvette, après une manœuvre qui ne grandit ni le Parlement, ni le Gouvernement.

Oui, la réforme de la loi de 1990 était nécessaire et elle appelait, et appelle encore, un débat au sein du Parlement sur un projet de loi spécifique. Nous sommes dans la situation ubuesque de débattre dans quelques heures, voire quelques jours, de dispositions qui seront en définitive prises par ordonnance ! Autrement dit, nous allons discuter pour rien, si ce n’est pour le plaisir de prolonger le débat et de démontrer au ministre de l’intérieur qu’il faut bien, au titre de la délinquance, se préoccuper des malades mentaux.

Prises dans de telles conditions, ces mesures sont dangereuses. Le sujet aurait mérité, je le répète, une initiative du Gouvernement plaçant la santé mentale au cœur de la réflexion sur la santé publique et la sortant définitivement du cadre du projet de loi sur la délinquance.

Le procédé est indigne du Parlement et c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement sur le vote duquel nous avons demandé un scrutin public. Il faut que les choses soient claires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer ce matin à ce sujet : sans cet amendement, qui nous pose un problème, nous aurions voté cette loi de ratification sans aucune difficulté, parce qu’elle apporte des améliorations, notamment en faveur des diététiciens.

Du reste, je me suis déjà étonné que, pour une fois, le Parlement soit appelé à ratifier une ordonnance, qui date de surcroît d’août 2005 – j’y reviendrai lors des explications de vote –, d’autant qu’elle aurait pu l’être bien plus tôt si le Gouvernement avait fait preuve d’un peu plus d’empressement. En réalité, il a cherché un moyen de réparer une maladresse contenue dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

M. Richard Mallié. Pour Jean-Luc Préel, ce n’est jamais bien fait avec nous !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison, au contraire ! Vous bafouez les droits du Parlement !

M. le président. M. Préel a seul la parole !

M. Jean-Luc Préel. Si M. Mallié m’interrompt, c’est qu’il sait très bien que j’ai raison ! Sinon, il se tairait.

Le fait que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance contienne des articles visant à réformer la loi de 1990 – réforme certes nécessaire – revient en effet à assimiler de façon tout à fait inacceptable les malades relevant de la psychiatrie à des délinquants, ce qu’ont refusé à la fois les malades eux-mêmes et les professionnels. Le Gouvernement s’est donc trouvé dans une situation difficile : il se devait de réparer cette erreur.

Il ne l’a pas complètement fait puisque les articles concernés auraient dû, en toute logique, disparaître du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, ce qui aurait permis de clarifier la situation. Ils sont au contraire maintenus et nous aurons à les examiner cette nuit ou demain, alors que le Gouvernement nous demande aujourd'hui de valider une nouvelle ordonnance ! C’est, à ma connaissance, la première fois que dans le cadre, déjà exceptionnel, d’une ratification d’ordonnance, un gouvernement demande au Parlement de l’autoriser de nouveau à légiférer par ordonnance !

M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà où en est la Ve République !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous verrons ce qu’en pense le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela fera plaisir à M. Mazeaud !

M. Lilian Zanchi. Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. C’est, je le répète, une première !

De plus, on nous explique depuis ce matin qu’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance permet de rétablir les droits du Parlement, notamment celui de débattre ! Chacun sait pourtant que les ordonnances sont faites pour contourner les droits du Parlement !

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien ! 

M. Jean-Luc Préel. Or comment accepter que les droits du Parlement soient détournés sur un texte touchant aux libertés publiques ? C’est pourquoi nous voterons malheureusement non seulement contre l’amendement n° 1, mais également, toujours à cause de cet amendement, contre l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l'amendement no 1.

(Il est procédé au scrutin)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants…………………………… 56

Nombre de suffrages exprimés………………. 56

Majorité absolue……………………………... 29

Pour l’adoption ……………………………….38

Contre……………………………………….. 18

L'Assemblée nationale a adopté l’amendement no 1.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l’ensemble du projet de loi, la parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’expliquer brièvement ce que sera notre vote, après avoir vécu de bien tristes séances, non parce qu'elles n’auraient pas traité d’un sujet intéressant ou abordé des questions essentielles, mais parce qu'elles n'ont pas contribué à grandir le Parlement, avec un projet de loi inscrit à l'ordre du jour le mardi, son examen en commission le mercredi et sa discussion en séance publique le jeudi !

C’est pourquoi ma pensée va, en cet instant, aux diététiciens qui ont vu le débat sur leur statut pollué par une acrobatie inacceptable du Gouvernement, laquelle n'a eu d'autre objectif que de le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve enfermé du fait de l’examen de son projet de loi sur la prévention de la délinquance.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est votre faute !

M. Gérard Bapt. Non, c’est de la faute de Sarkozy !

M. Michel Vaxès. Cette pirouette à laquelle vous vous êtes livré, monsieur le ministre, est bien curieuse : en effet, alors que le projet de loi de M. Sarkozy a été examiné en conseil des ministres au mois de juin et examiné au Sénat au mois de septembre, ce n'est qu'aujourd'hui, lorsque s’ouvre son examen devant notre assemblée, que sa partie relative à la santé mentale vous pose un problème, et ce en dépit des alertes répétées, durant tous ces mois, des professionnels et des associations !

Pour vous en sortir, vous ne trouvez alors rien de mieux que de faire approuver en urgence par les députés un projet de loi relatif aux professions de santé, l’amendement no 1, qui vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l'hospitalisation sans consentement, n’étant qu’un prétexte à une sortie ubuesque de l’impasse dans laquelle il se trouve. En effet, monsieur le ministre, comment pourriez-vous nous faire croire qu’il y aurait maintenant urgence à légiférer sur le sujet, alors que près de cinq mois se sont écoulés et que rien n’interdisait l’examen par le Parlement d’une véritable réforme législative de la loi du 27 juin 1990 ? Agir ainsi, c'est faire bien peu de cas du contenu du projet de loi examiné aujourd'hui, notamment de ses dispositions relatives aux diététiciens, qui étaient pourtant attendues : la réforme en la matière est donc bienvenue, et c'est pourquoi nous l'avons soutenue. Nul n'ignore en effet que les pathologies impliquant fortement l'alimentation, comme le diabète de type 2, l'obésité ou les maladies cardiovasculaires, connaissent un véritable un essor, dont les conséquences à moyen terme pourraient être considérables en termes de mortalité et de coût pour la santé.

C’est pourquoi nous souhaitons manifester une nouvelle fois notre soutien à ces dispositions tout en rappelant que le contexte dans lequel le projet de loi est présenté ne saurait être écarté, puisque c’est lui qui décide de notre vote. Nous regrettons en effet que le recours aux ordonnances, comme la manœuvre du Gouvernement, nous interdise de voter en faveur du projet de loi, alors même que nous approuvons les dispositions relatives au statut des diététiciens. Nous voterons donc contre l'ensemble du texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Ce projet de loi comporte deux parties d’importance très inégale. La première, qui concerne la ratification de l’ordonnance du 26 août 2005, ne pose à nos yeux aucun problème, au contraire, même si une telle ratification est très inhabituelle. En effet, les ordonnances consistant essentiellement pour le Gouvernement à contourner le Parlement, il suffit au Gouvernement de déposer un projet de loi de ratification pour que l’ordonnance soit considérée comme ratifiée.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Jean-Luc Préel. C’est pourquoi je tiens à rappeler à ceux qui, depuis ce matin, sont intervenus à plusieurs reprises en vue de nous expliquer que les lois de ratification permettent au Parlement de retrouver son droit d’expression et d’amendement, que ce n’est pas ainsi, me semble-t-il, que les ordonnances sont vécues sous la Ve République !

M. Lilian Zanchi. Vive la VI e !

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, je tiens à vous saluer à mon tour, puisque c’est la dernière fois que vous présidez. Pourriez-vous, en ce qui concerne ce projet de loi, obtenir que nous soient communiqués à la fois le nombre des ordonnances prises par le Gouvernement depuis cinq ans et celui des lois de ratification effectivement examinées par le Parlement ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Excellente question !

M. Jean-Luc Préel. Je pense connaître la réponse, mais je souhaiterais qu’elle puisse être officiellement communiquée au Parlement.

Je le répète : la première partie du projet de loi de ratification ne nous pose aucun problème, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives aux diététiciens. Il n’en est pas de même, en revanche, de l’amendement no 1 portant article additionnel après l’article 10. En effet, que dans un projet de loi de ratification d’une ordonnance, le Gouvernement nous demande à nouveau de l’autoriser à légiférer par ordonnance sur des articles en cours d’examen dans un autre projet de loi déposé par le même Gouvernement,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Qu’en pensera M. Pierre Mazeaud ?

M. Jean-Luc Préel. …c’est une incongruité qui saute aux yeux de chacun ! Il est du reste incroyable que nos collègues du groupe de l’UMP, sans doute un peu gênés, n’aient pas eux-mêmes déposé des amendements de suppression de ces articles dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, ce qui aurait eu au moins le mérite de clarifier la situation.

Il existe à nos yeux, je le rappelle, deux problèmes de fond : d’une part, que la loi paraisse assimiler les malades psychiatriques aux délinquants, ce qui est inacceptable ; d’autre part, que le Parlement consente à se dessaisir de ses droits d’examen et d’amendements sur un des points les plus fondamentaux de la démocratie, celui touchant à la liberté publique. En effet, s’il est nécessaire de modifier la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, en vue de revoir et d’améliorer de nombreux points, notamment les dispositions touchant à l’hospitalisation d’office et à l’hospitalisation à la demande d’un tiers, et s’il est également nécessaire de surveiller et de soigner les personnes qui représentent un danger, toutefois, comme il s’agit là de problèmes fondamentaux ressortissant à la liberté de l’individu, il est inadmissible de le faire par la voie d’ordonnance. Au contraire, quand il s’agit de la liberté individuelle, il convient, monsieur le ministre, de légiférer avec prudence et précaution, après avoir écouté tous les acteurs et permis le déroulement d’un vrai débat parlementaire devant le pays. Refuser celui-ci, c’est renier la démocratie représentative !

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. Dans ces conditions, monsieur le ministre, ne demandez pas à des parlementaires, et surtout pas à des parlementaires du groupe UDF, de vous suivre dans cette voie. C’est pourquoi nous nous voyons malheureusement dans l’obligation de voter contre l’ensemble du projet de loi.

M. Jean-Christophe Lagarde. Quel dommage que le gaulliste Pierre Mazeaud ne siège plus à l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Mallié. Permettez-moi également, monsieur le président, au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, de vous saluer pour votre dernière séance au perchoir : vous avez toujours su, dans la bonne humeur, assurer un déroulement courtois de nos débats.

En ce qui concerne le projet de loi, j’ai entendu un des orateurs qui m’ont précédé affirmer que pour grandir le Parlement, il faudrait renoncer aux ordonnances. Je tiens quant à moi à rappeler que chacun a pu s’exprimer librement depuis ce matin et que le groupe de l’UMP, pour grandir le Parlement, refusera de revenir une énième fois sur ce qui s’est dit tout au long de la journée. C’est en effet plus de cinq heures que nous avons passées sur un texte aussi court, ce qui s’est rarement vu !

M. Gérard Bapt. C’est une telle procédure que nous n’avons jamais vue !

M. Richard Mallié. Je serai donc bref : le groupe de l’UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Depuis ce matin, nous avons essayé de convaincre du bien-fondé de nos positions nos collègues de la majorité, en vue de les retenir sur la voie de cet imbroglio, voire de ce non-sens juridique, constitutionnel et politique. Nous avons dit l’essentiel sur le sujet, je n’y reviendrai pas.

Nous saisirons évidemment le Conseil constitutionnel, de la méthode ahurissante choisie par le Gouvernement, une méthode sans précédent et que nous espérons ne plus jamais revoir.

M. Jean-Christophe Lagarde. En tout cas, elle intéressera les sages du Conseil constitutionnel !

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends que les partenaires sociaux, qui seront conduits à discuter de ce sujet avec le Gouvernement, souhaitent sauvegarder le cadre, juridique et pratique, dans lequel ils exercent. Ils ont pour cela des raisons primordiales, à commencer par la volonté de soigner au mieux leurs malades, ce qui passe par l’organisation la plus efficace possible de leur profession. Ils ne doivent toutefois pas accepter de discuter sous la contrainte que d’aucuns semblent vouloir leur imposer, puisqu’il s’agirait, dit-on, de parvenir à des accords avant que la CMP ne se réunisse, en vue d’empêcher le retrait des dispositions qui seront votées dans quelques instants.

J’espère, monsieur le ministre, que vous aurez, à un moment ou à un autre, à cœur de démentir de telles suppositions et de nous confirmer que les discussions que vous auriez éventuellement autour de ce projet d’ordonnance, dans le cas, du reste improbable, où le Conseil constitutionnel ne sanctionnerait pas l’amendement n° 1 du projet de loi, ne seraient en aucune façon placées sous une contrainte de calendrier liée à la progression de l’examen d’un autre texte – celui relatif à la prévention de la délinquance.

Cette question a complètement occulté les autres, en particulier, on l’a souligné, la reconnaissance professionnelle des nutritionnistes. Qu’il soit néanmoins rappelé que nous nous sommes prononcés, comme l’ensemble des groupes de l’Assemblée, en faveur de l’article 7, même si nous désapprouvons avec la plus grande vigueur l’amendement réintroduit par le Gouvernement.

Nous voterons donc contre l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

Nous allons maintenant procéder au scrutin.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 58

Nombre de suffrages exprimés 58

Majorité absolue 30

Pour l’adoption 36

Contre 22

L'Assemblée nationale a adopté l’ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je souhaite remercier les parlementaires pour leur contribution au débat. Il est vrai, certes, que nous n’avons peut-être pas autant parlé que nous l’aurions voulu de l’avancée importante concernant les diététiciens. Par ailleurs, on a pu constater que chacun s’est accordé pour reconnaître qu’en matière de santé mentale, il fallait veiller à éviter tout amalgame et, à ce sujet, je retiens l’intervention de ce matin de M. Schreiner qui a eu lui aussi à cœur, sans être technicien, sans être médecin, d’apporter un regard éclairant.

Monsieur le président, je souhaite rappeler que, certes, les présidences se suivent et qu’elles peuvent se ressembler. Néanmoins, à l’occasion de la dernière séance que vous présidez, permettez-moi, au nom du Gouvernement, de vous dire à mon tour combien nous avons apprécié de travailler sous votre autorité qui a permis, à chaque fois, d’aller au fond des débats – c’est là votre marque personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Au moment de commencer l’examen des articles du projet de loi et des amendements que nous avons déposés, nous aurions aimé que M. le ministre d’État soit présent. Non que son ministre délégué, M. Estrosi, n’ait pas toutes les compétences requises, mais le fait est que M. Sarkozy s’exprime en ce moment même devant le congrès des maires de France.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Il ne peut pas être partout !

M. Jean-Pierre Blazy. Il y présente le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et les modifications que ce texte apporte au rôle des maires, c'est-à-dire précisément ce dont nous allons discuter maintenant !

Il serait plus normal, monsieur le président, que M. le ministre d’État se présente d’abord devant le Parlement.

M. Claude Goasguen. Il est déjà venu !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous venons déjà de vivre une discussion étrange au cours de laquelle l’Assemblée s’est pour ainsi dire autodessaisie d’une partie du texte – dont nous devrons tout de même en débattre, bien que le Gouvernement ait désormais la possibilité de légiférer par ordonnances –, et voilà que nous allons entamer le débat sans le ministre d’État, dont l’intervention devant le congrès des maires est retransmise en direct par des chaînes de télévision ! Cette façon de traiter le Parlement est inacceptable.

M. Laurent Cathala. C’est vrai ! À quoi servons-nous ?

M. Jean-Pierre Blazy. C’est pourquoi, monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Peut-être devrait-on retransmettre LCI dans l’hémicycle pour que la représentation nationale soit informée…

M. le président. La suspension de séance est de droit, monsieur Blazy.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l’article 1er

M. le président. Avant l’article 1er, je suis d’abord saisi d’un amendement no 376.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement no 376.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, chers collègues, cet amendement no 376 est essentiel pour le groupe socialiste. Dans la première partie de nos débats, le ministre d’État lui-même, qui n’est malheureusement pas ici aujourd’hui, a répondu à Jean-Marc Ayrault, président de notre groupe, à propos de la police de proximité et de la mise en œuvre des moyens nécessaires pour assurer la sécurité au quotidien. Nous avons montré, dans nos premières interventions, que le démantèlement de la police de proximité avait été une grave erreur, comme l’ont d’ailleurs prouvé les événements de l’automne dernier. L’opinion, qui est très attentive à nos positions à tous en la matière, ne manquera pas de relever que le Premier ministre envisage maintenant de créer – ou de recréer – une police de tranquillité publique.

En matière de sécurité, comme d’ailleurs en matière de chômage, d’endettement et de déficit de la sécurité sociale, le Gouvernement a manipulé les chiffres pour faire croire qu’il a un bon bilan. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avons demandé la création d’une commission d’enquête sur les résultats de votre politique de sécurité. Après avoir instrumentalisé la justice, c’est au tour de la police de subir des pressions visant à masquer la réalité de ce que vivent les Français.

Vous vous prévalez d’une évolution favorable des taux d’élucidation, mais si le terme de « favorable » peut s’appliquer à la moyenne des résultats, il ne faut pas oublier les grandes disparités que l’on observe entre les départements ou entre les grandes régions urbaines, dont l’Île-de-France, et les autres régions. Une autre disparité se manifeste aussi en fonction de la nature des crimes et délits – pour les cambriolages, par exemple, le taux d’élucidation reste très faible.

Mme Nadine Morano. Pas chez moi, en tout cas !

M. Jean-Pierre Blazy. Cette évolution « favorable » des taux d’élucidation résulte donc pour l’essentiel de l’augmentation des constats relatifs à des infractions pour lesquelles le constat vaut élucidation, comme les infractions aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers ou celles qui sont liées à la consommation de stupéfiants – sur lesquelles nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir.

La réalité, c’est que la délinquance la plus violente, celle qui se caractérise par les violences aux personnes, a augmenté de 27 % et qu’elle continue d’augmenter.

Il apparaît donc clairement que le démantèlement de la police de proximité était une erreur. Tous les maires pourraient citer dans leurs communes des exemples de situations dramatiques. On a dit que peu de maires socialistes s’étaient exprimés. Permettez-moi donc de vous parler de mon expérience de maire socialiste de la banlieue Nord. Voici trois semaines, un jeune de dix-sept ans – un mineur, donc – a tiré dans le dos d’un autre mineur, lequel est toujours à l’hôpital avec la balle dans le corps, parce qu’il est inopérable. L’auteur du tri a certes été interpellé, et c’est heureux, mais ce qui est important pour nous, les maires, c’est de prévenir cette violence.

Si nous disposions, dans le Val-d’Oise et ailleurs, des effectifs que nous réclamons avec insistance, si nous avions cette police de proximité – c’est-à-dire une police de dissuasion –, nous pourrions bien mieux prévenir cette violence que nous déplorons tous.

M. Claude Goasguen et Mme Nadine Morano. Ça n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Blazy. Peut-être la police de proximité n’avait-elle pas atteint tous les objectifs qui lui avaient été assignés et avait-elle été généralisée trop rapidement, mais sa doctrine d’emploi et son concept nous paraissent toujours d’actualité. Avec une répartition des effectifs correspondant aux réalités de la délinquance et de la criminalité, c’est-à-dire établie en fonction de territoires prioritaires, les résultats pourraient être plus probants.

La réalité, c’est qu’en cinq ans, alors que 6 200 fonctionnaires de police supplémentaires ont été recrutés – pas tous dans la sécurité publique, d’ailleurs, et il s’en faut de beaucoup, car le ministre a créé de nombreux services, comme la police ferroviaire –, on ne peut pas créer de nouveaux services dans la police nationale et développer en même temps la police de sécurité publique. Aujourd’hui, on en est à affecter, pour répondre aux événements et aux crises, des compagnies républicaines de sécurité dans les quartiers. Or ce ne sont pas elles qui pourront faire une bonne police de proximité. Il convient donc de rompre avec cette politique et d’affecter durablement la police nationale à la protection des Français.

L’État ne doit pas se dérober et doit veiller à mettre en œuvre les moyens nécessaires. À cette fin, l’amendement no 376 propose que l’État s’engage par contrat envers les maires, en faveur de territoires prioritaires. Les maires, en effet, ne peuvent pas être les pivots de la politique de prévention de la délinquance et de la politique locale de sécurité publique sans des engagements clairs, fermes et chiffrés de l’État en matière de police, de gendarmerie et de justice.

L’État doit assumer ses obligations régaliennes en faveur des territoires prioritaires et la contractualisation avec les maires doit assurer à ceux-ci de véritables moyens pour assurer la sécurité quotidienne des Français.

M. le président. Mes chers collègues, pour la clarté de nos débats je rappelle que, selon le règlement de l’Assemblée nationale, chaque amendement est défendu par son auteur, après quoi le président demande l’avis de la commission et du Gouvernement et peut donner la parole à un orateur d’un avis contraire.

S’agissant d’un amendement de l’importance de celui que nous examinons, il va de soi que j’appliquerai le règlement avec quelque souplesse, mais vous comprendrez aussi que je doive rester dans certaines limites.

La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission n’a pas examiné l’amendement no 376, qui ne lui a pas été soumis et dont je viens de prendre rapidement connaissance. À titre personnel, j’y suis défavorable, et cela pour différents motifs.

D’abord, cet amendement semble pour partie avoir pour objet de réinventer les contrats locaux de sécurité et les contrats locaux de sécurité et de lutte contre la délinquance.

M. Pierre Cardo. Exactement !

M. Philippe Houillon, rapporteur Il serait plus simple, monsieur Blazy, de voter l’article 1er, qui vous donnera pleinement satisfaction à cet égard.

D’autre part, l’amendement propose d’affecter un effectif de police ou de gendarmerie à des communes.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est pourtant ce qui figure dans le texte de l’amendement no 376 : « Cette convention détermine les effectifs de sécurité publique ou des brigades territoriales, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont affectés à ces communes. »

Cette disposition ne prend donc pas en compte la dimension intercommunale. D’autre part, elle fige les effectifs auprès d’une commune et aboutit, à terme, à une sorte de municipalisation des forces de police et de gendarmerie, puisque celles-ci seraient, je le rappelle, affectées à une commune : même si tel n’est pas votre vœu, c’est pourtant bien ainsi que l’amendement est rédigé.

Enfin, sur le fond, cette mesure serait parfaitement contre-productive, compte tenu de la flexibilité indispensable pour les interventions des forces de police et de gendarmerie.

Je suis donc, je le répète, défavorable à titre personnel à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ma réponse ira dans le même sens que celle de M. le rapporteur. Votre proposition va d’ailleurs à l’encontre des positions que vous défendez d’ordinaire. Vous avez toujours été opposés à ce que la police puisse être municipalisée, sous une forme ou sous une autre.

Si la police ou la gendarmerie nationales sont, par essence, une police d’État et une force de sécurité intérieure, c’est grâce à leur mobilité et à leur capacité d’adaptation à toutes les situations. A cause, notamment des coûts immobiliers, des négociations ont lieu, dans le cadre des CLSPD, entre le maire, le préfet, les autorités chargées de la sécurité intérieure. Ce texte entend renforcer la portée de ces discussions entre les élus locaux et l’ensemble des autorités, de manière à s’adapter le mieux possible à l’évolution de la situation, sachant que celle d’aujourd’hui n’est pas celle de demain, ni même celle d’hier.

M. Manuel Valls. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Des partenariats existent aujourd’hui entre les collectivités municipales, intercommunales ou départementales et l’État. Les premières assurent la construction d’un commissariat ou d’un poste de gendarmerie, en échange de quoi l’État y affecte des effectifs, le tout s’inscrivant dans une territorialisation large et compte tenu du fait que les missions doivent être le plus transversales possible.

Vous avez pris l’exemple de la police ferroviaire. Nous avons fait en sorte que les policiers puissent intervenir, notamment en matière de police judiciaire, au-delà des limites de la circonscription dans laquelle ils sont affectés, car un délinquant ignore les frontières. Lorsqu’il décide de commettre des délits, il ne les commet pas forcément sur le lieu où il habite, et il faut permettre aux policiers et aux gendarmes de le poursuivre.

Alors que nous sommes très attachés à ce principe de la mobilité, vous nous proposez au contraire de rigidifier le système. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à votre amendement.

Et puis, très sincèrement, monsieur Blazy, comment pouvez-vous nous demander aujourd’hui d’augmenter des effectifs que nous n’avons cessé de renforcer dans la police nationale et la gendarmerie avec les quatre dernières lois de finances – dont celle pour 2007 –, alors que vous vous êtes opposés, en votant contre la LOPSI et la LSI, à la création des 6 500 postes de policiers nationaux et des 7 500 postes de gendarmes que nous aurons créés au terme de cette législature ?

M. Manuel Valls. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont des postes insuffisants et inadaptés !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous vous opposez aux efforts que nous avons faits depuis cinq ans en faveur de la police et de la gendarmerie nationales, mais vous osez quand même réclamer des moyens supplémentaires !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. On évoque beaucoup de choses à propos de ce projet, sauf l’essentiel, à savoir la stratégie du ministère de l’intérieur et ses relations avec les élus. Or que constatons-nous aujourd’hui ? D’abord la remise en cause, sinon dans les textes du moins dans les faits, de la police de proximité. Elle avait sans doute des défauts – Jean-Pierre Blazy l’a dit –, mais elle avait aussi le mérite de constituer une véritable réponse à des problèmes d’insécurité dont on sait qu’ils se règlent d’abord au niveau local. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. Bien sûr que non ! Ou alors, comment expliquer l’explosion de la délinquance ?

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est peut-être vrai à Paris, mais pas dans les banlieues !

M. Christophe Caresche. Vous avez également abandonné – et vous le payez cher aujourd’hui – les contrats locaux de sécurité. Au cours de ces cinq dernières années, les collaborations mises en place avec les maires ont été complètement négligées. Vous nous parlez, avec ce texte, de CLSPD et de dispositifs en tout genre, mais votre action constitue en réalité un net recul. Nous sommes aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile, et l’abandon de la police de proximité est remise en cause à la fois par le Sénat et par le Premier ministre lui-même, qui a déclaré il y a peu qu’il fallait revenir à une police de tranquillité publique – ce n’est pas l’opposition qui le dit, c’est le Premier ministre !

Mme Nadine Morano. Ça ne veut rien dire !

M. Christophe Caresche. Il serait donc temps que vous reveniez à des stratégies plus adaptées !

J’ai par ailleurs une question. Il semblerait que le Gouvernement discute actuellement d’un décret ou d’une circulaire sur les contrats locaux de sécurité, dans le but de les revitaliser – au bout de cinq ans, quel aveu ! Ils serait souhaitable que le ministre éclaire l’Assemblée nationale en lui communiquant les éléments sur lesquels il entend fonder cette circulaire ou ce décret.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je suis un peu surpris, alors que nous discutons d’un texte sur la prévention de la délinquance, d’entendre certains de mes collègues mettre en avant la police.

M. Christophe Caresche. C’est une de ses missions !

M. Manuel Valls. C’est un point d’accord que nous avons avec le ministre.

M. Pierre Cardo. La police de proximité, c’est un peu l’Arlésienne ! Je suis, depuis vingt-cinq ans, maire de banlieue, et cela me rappelle les discussions que nous avions déjà en 1991, du temps de M. Joxe et de M. Delebarre, ministre de la ville, quand il était question de savoir d’où venaient les premières émeutes, ce qui avait pu les provoquer. Je me rappelle que la première réponse qui fut apportée par le gouvernement socialiste de l’époque à ce phénomène, ce furent les CRS : drôle de police de proximité ! Certes, les choses ont ensuite évolué.

Je me rappelle aussi que nous constations déjà en 1991 qu’il y avait à Paris quatre fois plus de policiers par habitant qu'en grande couronne et deux fois plus qu’en petite couronne. Cela n’a guère changé, même si les lois de finances et les lois d’orientation ont permis de renforcer les effectifs autour de Paris.

Les contrats locaux de sécurité existent depuis plusieurs années, mais je n’ai jamais voulu en signer, car on demandait beaucoup d’engagements aux maires tandis que l’État n’en prenait aucun. Et vous voudriez aujourd’hui que ce gouvernement s’engage sur ce que vous n’avez jamais voulu faire ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très juste !

M. Pierre Cardo. Cela me laisse perplexe et je trouve vos arguments bien fluctuants.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je soutiens, bien sûr, l’amendement présenté par Jean-Pierre Blazy, d’abord parce que je suis un représentant du peuple, …

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !

M. Noël Mamère. …mais aussi en tant que maire. Cet amendement va dans le sens de la lutte contre la délinquance, car la police de proximité joue un rôle non négligeable en matière de prévention. Aussi longtemps que je serai maire, il n’y aura pas de police municipale dans ma commune, car je considère que l’ordre public et la prévention sont des fonctions régaliennes de l’État. Pourtant, les effectifs de police qui nous ont été attribués, notamment pour les zones urbaines sensibles et les quartiers « politique de la ville », ont baissé sous ce gouvernement.

L’argument de M. le rapporteur qui prétend que nous voudrions « localiser » la police est un argument spécieux, dans la mesure où il sait très bien que c’est à partir des circonscriptions que l’on détermine les effectifs de la police dans les communes.

Si certains quartiers sont aujourd’hui abandonnés par la République, ils ne le sont pas par les forces de sécurité ! Au contraire, ils sont littéralement quadrillés par une police qui ne sait pratiquer que la répression. Dans certains de ces quartiers, des jeunes, pourtant connus des services, subissent quatre à cinq contrôles d’identité par jour ! Or pour eux, le contact avec la police représente le dernier lien qui les unit à l’État, car il n’y a plus rien d’autre.

On peut comprendre que cette police soit parfois excédée, car elle n’a absolument pas été formée à la prévention mais uniquement à la répression.

Mme Nadine Morano. La prévention n’est pas le métier de la police !

M. Pierre Cardo. Il y a d’autres acteurs pour cela !

M. Noël Mamère. Nous réfutons donc les arguments des collaborateurs du ministre de l’intérieur – puisque, malgré l’importance du débat, que vous avez vous-même soulignée, monsieur le président, en autorisant quelques entorses au règlement, M. Sarkozy n’a pas jugé nécessaire de participer à notre discussion.

La vérité, c’est que ce projet qui prétend améliorer la prévention de la délinquance est une grande arnaque, une imposture qui consiste à nous faire croire que la seule prévention possible, ce sont les sanctions ! Tout ce qui nous est proposé ici va dans le sens de la sanction.

Mme Nadine Morano. C’est vous qui parlez sans cesse de la police, pas nous !

M. Noël Mamère. Les contrats locaux de sécurité contribuent dans certaines communes à la pacification et à la prévention, car les élus travaillent avec le procureur de la République, la justice, la police et les travailleurs sociaux. Vous voulez pourtant les remettre en cause. Je pense au contraire qu’il faut une police de proximité, plus forte et mieux formée. Voilà pourquoi je soutiens l’amendement de Jean-Pierre Blazy. Cela n’a rien à voir avec la nostalgie, c’est parce que la police de proximité a permis d’éviter bien des drames.

Mme Nadine Morano. Au contraire !

M. Noël Mamère. Le grand défaut de la police de proximité instaurée par la gauche était le manque de formation des adjoints de sécurité, mais si l’on corrige cette carence, la police de proximité retrouvera son rôle, à condition que l’on réhabilite également tous les outils qui contribuent à la paix sociale et permettent d’identifier les personnes en situation de grande détresse.

M. Claude Goasguen. La police de proximité n’a jamais existé, ce n’est qu’un mot !

M. Noël Mamère. Il suffit de regarder la une du Monde de cet après-midi.

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce n’est pas une référence !

M. Noël Mamère. 6,9 millions de Français vivent avec moins de 800 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté monétaire est à 788 euros. Et l’on vient nous vendre, d’une manière scandaleuse, démagogique et populiste, un projet de loi censé améliorer la prévention et lutter contre la délinquance ! L’insécurité n’est pas là où le dit le ministre de l’intérieur, elle est dans l’insécurité sociale de ces familles qui deviennent de plus en plus pauvres. En 1991, 6 % de salariés vivaient avec moins que le SMIC ; ils sont aujourd’hui 17 %.

Mme Nadine Morano. Arrêtez donc ! Qu’avez-vous fait vous-mêmes ?

M. Noël Mamère. Il y a de plus en plus de familles monoparentales pauvres et près de 2 millions d’enfants pauvres. Voilà la réalité de ce pays !

M. Jacques-Alain Bénisti. Hors sujet !

M. Noël Mamère. La priorité des priorités, c’est de lutter pour améliorer leur condition.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Le groupe communiste et républicain soutient l’amendement de M. Blazy. Je suis convaincu que c’est dans cette direction qu’il faut chercher les réponses aux questions qui se posent en matière de prévention. Depuis des années, nous vivons dans des communes qui se ressemblent, monsieur Cardo. Il ne faut pas dénaturer le sens de cet amendement et je suggère, plutôt que d’utiliser les arguties que j’ai entendues tout à l’heure, que nous discutions sur le fond.

En quoi la police présente auprès de la population est-elle importante ? Le premier acte est celui qui rapproche la police de la nation, et cela ne peut se faire à distance.

Après trente-cinq années passées en tant qu’élu local, dont la moitié en tant que maire, je vais vous faire part de mon expérience. Depuis 1995, il nous a fallu trois ou quatre ans pour réconcilier la population avec sa police, parce que les rapports qu’elles entretenaient étaient exécrables. Nous y sommes enfin parvenus, avec l’aide des autorités. J’avais organisé une rencontre entre les habitants et le préfet de police en personne pour que celui-ci puisse discuter avec eux et entendre ce qu’ils avaient à lui dire. Ce processus a amélioré progressivement les rapports entre la police et la population et nous avons alors pu commencer à travailler sérieusement : entre 1995 et 2001, la délinquance a baissé de 16 % dans ma commune.

M. Pierre Cardo. Et de 50 % chez moi.

M. Michel Vaxès. Pourtant, le texte de M. Sarkozy n’existait pas.

Aujourd’hui, la tendance s’inverse, notamment depuis 2004-2005, et le délitement du lien entre la police nationale et la population est de nature à envenimer la situation.

M. Pierre Cardo. Bien sûr.

M. Michel Vaxès. Il ne faut pas opposer l’intervention, qui peut être nécessaire pour ramener certains groupes de jeunes à la raison, et la police, présente dans les quartiers, qui rassure la population et entretient le dialogue avec elle, ce qui crée des rapports positifs.

Les dispositions que vous nous proposez ne pourront être que contreproductives. Je l’ai dit lors de la discussion générale, vous êtes en train d’allumer une bombe qui explosera au cœur de la République. C’est l’histoire qui tranchera. Vous ne cessez de lancer des défis aux jeunes, et en particulier à ceux qui vivent dans des quartiers en difficulté : ils finiront par les relever ! M. Goasguen lui-même – qui me reprendra si je trahis ses paroles – observait en commission qu’entre 2001 et 2006, la délinquance était passée d’une forme dispersée et anarchique…

M. Claude Goasguen. Pour l’instant, nous sommes d’accord.

M. Michel Vaxès.…qu’il était encore possible de contrôler,…

M. Claude Goasguen. Cela, vous l’avez rajouté !

M. Michel Vaxès. En effet !

…que la délinquance, dis-je, était passée à une forme organisée et structurée. Cette évolution, due à l’aggravation de la situation sociale, ne nous étonne guère. Et les orientations que vous prenez en matière de prévention ne régleront rien. Pis encore, elles se retourneront contre l’intérêt de la nation et des jeunes. Elles auront l’effet inverse de celui que vous attendez. J’espère me tromper, mais, je le répète, je suis convaincu que votre texte sera contreproductif. Je trouve médiocre et inconvenante la façon dont vous utilisez certains événements dramatiques pour tenter de justifier votre projet de loi. Peut-être même y en a-t-il davantage que dans la période précédente. Mais pensez-vous que c’est en multipliant les interventions, en durcissant la répression…

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas ce que nous faisons !

M. Michel Vaxès. Si, c’est bien à quoi tend ce texte ! Croyez-vous que ce projet fera reculer la délinquance ?

Mme Nadine Morano. Nous verrons !

M. Michel Vaxès. Au contraire, il la nourrira !

Quoi qu’il en soit, je plaide pour le retour de dispositions favorisant le rapprochement entre la police et la population, ce qui permettra de travailler, dans la concertation, à réduire le nombre d’actes de délinquance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Lors de la discussion de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi pour la sécurité intérieure, nombre d’entre vous doivent s’en souvenir, l’UDF s’est montrée favorable à ce que la police nationale en tenue puisse passer sous l’autorité du maire. Lorsque Nicolas Perruchot et moi-même avions fait cette proposition, vous y étiez opposé, monsieur Blazy. Depuis, vous avez fait du chemin (M. Blazy proteste) et vous souhaitez aujourd’hui que le maire ait une plus grande capacité d’intervention.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il a raison !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mon cher collègue, il n’y a pas de honte à évoluer en démocratie ! C’est en tout cas ce que prône constamment l’UDF. Hier, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, disait à cette tribune qu’en cette matière opposition et majorité devraient élaborer les textes ensemble pour ne pas avoir à les modifier sans cesse.

M. Claude Goasguen. Il vous faut donc voter cette loi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Le fait que vous évoluiez vers la position de l’UDF n’est pas négatif. Le Gouvernement n’a pas encore fait ce chemin, même si le texte va dans le sens d’une plus grande responsabilisation et d’une extension des capacités d’action des maires. Je ne peux que soutenir une telle position, dans la mesure où les maires sont tenus pour responsables de ce qui se passe dans leurs communes alors qu’ils n’ont ni les pouvoirs ni les moyens : autant qu’ils y soient pour quelque chose ! Vous ne vous étonnerez donc pas, chers collègues de l’opposition et de la majorité, que le groupe UDF soutienne cet amendement.

Monsieur le ministre, vous avez parlé des négociations du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Mais celles-ci ne portent que sur les actions que nous entendons mener avec différents partenaires, comme la RATP en Île-de-France, la SNCF ou l’éducation nationale, jamais sur la police – sauf lorsqu’ils s’agit de payer les vélos, les chaussettes, ou de prendre en charge les cartes d’identité, mon cher collègue des Yvelines, Pierre Cardo, qui avez refusé de signer pour ces raisons ! Il serait légitime, et je parle en tant que maire et parlementaire, que l’État nous assure en retour une présence régulière et stable de la police nationale.

On peut certes discuter de la rédaction, monsieur le président de la commission, mais il serait bon qu’il y ait une contractualisation entre les maires et l’État sur l’intervention des forces de police. Dans la perspective de l’élection présidentielle, le débat risque de se focaliser sur la police de proximité. Dès que le ministre de l’intérieur – qui n’est pas encore déclaré candidat officiel – …

M. Manuel Valls. Ah ?

M. Jean-Christophe Lagarde. …prend position, l’autre côté s’empresse de dire le contraire ! Permettez-moi de vous faire part de mon sentiment en tant que maire élu au moment de la création de la police de proximité, et en tant que maire, aujourd’hui, où elle n’est plus d’actualité. D’abord, je ne suis pas sûr qu’elle ait été mise en place dans toutes les communes – et certaines n’en ont sans doute jamais vu l’ombre. Dans ma commune, la police de proximité circulait seulement dans quelques quartiers – et pas nécessairement ceux qui en avaient le plus besoin, mais ceci relevait de la responsabilité du commissaire de l’époque – jusqu’à dix-huit heures, …

Mme Nadine Morano. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. …pour qu’on « voie du bleu », selon l’expression des policiers. Un tel dispositif, avec des véhicules de police ou a fortiori des cars de CRS en cas d’émeute, est sans doute adapté à une ville dense et ramassée comme Clichy-sous-Bois. La police à pied est également adaptée à ce type de ville.

Chez moi, c’était inadapté. Dans ma ville – 120 kilomètres de rues, 65 000 habitants, six cités HLM – si les policiers se déplacent à pied, il n’y a plus une seule intervention dans toute la ville, et c’est d’ailleurs ce qui s’est produit. Je ne veux pas polémiquer, mais ce n’est pas la police de proximité qui offrira une solution. Il serait préférable – et en l’occurrence, votre amendement, chers collègues, peut y contribuer – d’adapter à chaque ville, selon ses spécificités, l’emploi des forces de police. Or tel n’est pas le cas.

S’agissant de la police de proximité, les fonctionnaires de police ne peuvent être efficaces que s’ils connaissent les quartiers et leurs habitants. Le problème n’est pas que cette police soit ou non de proximité : elle doit être fidélisée. Nous avons besoin avant tout de policiers qui passent plus de dix-huit ou vingt-quatre mois dans un commissariat en sortant de l’école de police, faute de quoi ils ne connaissent personne et leurs interventions créent inévitablement des tensions.

M. Mamère dit ne pas vouloir d’une police municipale. Pour ma part, j’en ai créé une il y a cinq ans – bien sûr, je préférerais que l’État la prenne en charge à ma place. Et, depuis cinq ans, il n’y a eu aucun incident. En cas de problème, les policiers n’ont pas besoin de courir après les intéressés. Comme ils les connaissent, il suffit de leur demander de se présenter. Cette police, que vous l’appeliez ou non de proximité, je souhaite qu’elle soit adaptée et fidélisée. C’est pourquoi le groupe UDF votera cet amendement.

Monsieur le ministre, ce n’est pas vous qui décidez de l’affectation des forces de police, mais permettez-moi de vous dire que je n’aurais peut-être pas eu le même regard si les arbitrages territoriaux rendus à a suite du vote de la LOPSI et de la LSI avaient été plus favorables à la Seine-Saint-Denis et notamment à ma ville.

En mars 2001, j’avais une police de proximité qui était censée circuler dans les rues. Mais entre dix-huit heures et sept heures du matin, il n’y avait plus personne. Il ne restait plus qu’une seule voiture de police secours (M. Blazy s’exclame)…

M. le président. Monsieur Lagarde, il faut conclure !

M. Manuel Valls. C’est pourtant intéressant, monsieur le président !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne considère pas, comme M. Blazy, l’intervention de la brigade anti-criminalité comme celle d’une police de proximité.

En 2003-2004, trois véhicules de police affectés au commissariat circulaient la nuit dans la ville, parcourant les 120 kilomètres de rues et les six cités pour protéger ses 65 000 habitants. Depuis plusieurs mois, je n’en ai plus qu’un. Aussi, j’attends avec impatience le 1er décembre. Pour mener une politique de proximité, j’aurais besoin – comme M. Cardo, qui connaît la même situation – de stabilité et de contractualisation, pour pouvoir affecter la police municipale à tel ou tel secteur, par exemple.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Notre action est insuffisante parce que l’État ne s’engage pas assez.

Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous entrons dans le fond du débat. J’aurais aimé que le ton soit le même que celui que nous avons employé pendant trois ans au sein de la commission sur la prévention de la délinquance, où chacun pouvait s’exprimer librement pour tenter de trouver des solutions à chaque problème.

Quant à la police de proximité, celle-ci, malheureusement, n’a pas fonctionné dans nos quartiers.

M. Manuel Valls. Évidemment, vous n’en avez pas voulu ! Cela existe pourtant dans de nombreux pays !

M. Yves Bur. Doux rêveurs !

M. Jacques-Alain Bénisti. Pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pas assez de crédibilité vis-à-vis des jeunes pour pouvoir se transformer en assistante sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Avec vous, ils n’ont d’autre choix que l’assistante sociale ou le flashball !

M. Jacques-Alain Bénisti. Si nous, les maires de villes importantes comprenant des quartiers sensibles, nous ne voulions plus de la police de proximité, …

M. Manuel Valls. Vous y reviendrez !

M. Christophe Caresche. Écoutez donc M. de Villepin !

M. Jacques-Alain Bénisti. …c’est aussi parce que ses effectifs étaient pris à la police nationale, chargée d’élucider les affaires et de donner une réponse aux victimes.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes tout seul à penser cela !

M. Jacques-Alain Bénisti. On leur a retiré leurs affaires pour qu’ils puissent se promener et mettre, comme on l’a dit, du « bleu » dans les villes.

M. Manuel Valls. C’est une expression du ministre de l’intérieur !

M. Jacques-Alain Bénisti. Malheureusement, cela ne servait à rien.

Il faut que M. Caresche sache qu’il y a un policier pour deux cents habitants à Paris, et un pour deux mille une fois franchi le boulevard périphérique !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais nous sommes d’accord !

M. Christophe Caresche. Simplement, je ne suis pas préfet de police !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous critiquez donc la politique de M. Sarkozy ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Alors que nous manquons de policiers, …

M. Manuel Valls. Réduisons le nombre de gardes du corps affectés au ministre de l’intérieur !

M. Jacques-Alain Bénisti. …vous voudriez en envoyer certains se balader dans les zones pavillonnaires ?

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas M. Delanoë qui décide du nombre de policiers à Paris !

M. Philippe Auberger. Vous voulez dire qu’il y en a trop ?

M. le président. Mes chers collègues, nous ne sommes pas à une réunion du Conseil de Paris, mais à l’Assemblée nationale !

M. Jacques-Alain Bénisti. Si nous voulons plus d’effectifs, c’est pour que la police se consacre à élucider les faits délictueux qui surviennent tous les jours dans nos communes.

Enfin, monsieur Mamère, il faut arrêter de dire que la pauvreté de certaines familles crée la délinquance. Vous vous trompez totalement sur ce point.

M. Noël Mamère. Je n’ai jamais dit cela. J’ai parlé d’insécurité sociale !

M. Jacques-Alain Bénisti. Peut-être pas à Bègles, qui est une ville à part. Mais dans nos villes, les enfants de beaucoup de familles en grande difficulté vont jusqu’à bac + 5, cependant que les délinquants se trouvent parfois dans les quartiers aisés.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous ne traitez pas de la délinquance financière !

M. Jacques-Alain Bénisti. Arrêtons de dire que la délinquance vient des familles en difficulté.

M. François Grosdidier. Cet amalgame entre pauvreté et délinquance est scandaleux !

M. le président. Mes chers collègues, il faut que chacun retrouve sa sérénité. Je suis heureux de vous voir en si bonne forme, mais nous n’en sommes encore qu’aux amendements avant l’article 1er

M. Patrick Delnatte. Appliquez donc le règlement !

M. le président. Si ma façon de présider ne vous convient pas, vous n’êtes pas obligé de rester en séance.

M. Philippe Auberger. Voyons, monsieur le président…

M. le président. Je n’accepte pas que l’on mette en cause la présidence. J’ai souligné d’emblée l’importance de ce débat, et j’ai fait en sorte que chaque groupe puisse s’exprimer. M. Bénisti lui-même a tout fait pour obtenir la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Il faut un équilibre !

M. Philippe Auberger. Les interventions sont trop longues !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je rappelle l’objet de cet amendement : il vise à ce que les maires des communes qui comprennent des ZUS conviennent avec le représentant de l’État des modalités selon lesquelles la police doit intervenir. Rien d’autre.

Nous devons, dans ce débat, partir des réalités du terrain. Deux rapports peuvent nous y aider, sur lesquels, je l’indique d’emblée, nous ne cesserons de revenir. Le premier est le rapport annuel de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, et ses conclusions, très claires, entrent en contradiction avec les propos de M. Borloo qui, il y a deux semaines, se félicitait de voir ces territoires reconquis et pacifiés.

M. Pierre Cardo. N’exagérons rien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le second est le rapport de la mission d’information du Sénat sur les banlieues, dont l’analyse tranche également avec celle du Gouvernement. Ni l’un ni l’autre ne se fait le défenseur des thèses de l’opposition : l’Observatoire est politiquement neutre et le rapport d’information du Sénat est le fruit d’un travail collégial.

Après ce que nous venons d’entendre, il convient de rétablir certains faits. Ainsi, certains nous accusent de vouloir confier aux maires une autorité de police d’intervention. Mais rappelons que sous la précédente législature, en 2001, une proposition de loi présentée par l’opposition d’alors demandait la création d’une police territoriale de proximité et le renforcement du pouvoir de police des maires. Son premier signataire était Christian Estrosi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls. À l’époque, il voulait démanteler la police nationale !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tiens à la disposition de nos collègues ce document qui montre qu’à ce moment-là le ministre se posait bien la question. Disons les choses clairement : je ne veux pas laisser entendre que nous voulons assumer le pouvoir de police de l’État. La République, c’est une police nationale, sous l’autorité et avec les moyens du Gouvernement, et sous le contrôle des juridictions.

M. François Grosdidier. Cela n’a rien à voir ! C’est Pétain qui a étatisé les polices urbaines !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Souvenez-vous, mes chers collègues : lorsque l’État est venu demander aux villes de s’occuper des passeports, que s’est-il passé ? Il a signé des conventions par lesquelles il s’engageait, en contrepartie, à affecter plus de policiers. Lorsque, il y a un an et demi, il nous a dit qu’il ne serait plus présent aux sorties d’école, il a fait de même. La technique de l’accord entre le maire et l’État, pour définir les modalités d’intervention de la police dans le cadre que j’ai défini tout à l’heure – c’est-à-dire pas sous l’autorité du maire –, est donc non seulement réaliste, mais conforme aux pratiques habituelles. Il est vrai que, s’agissant des effectifs de policiers supplémentaires, nous n’avons rien vu venir. La plupart du temps, lorsque l’État passe des conventions avec les villes, c’est pour très vite ne plus remplir ses engagements afin que les villes se substituent à lui.

Pourquoi l’amendement est-il centré sur les ZUS ? Parce que pour l’ensemble de 28 catégories d’infractions sélectionnées, le total des faits constatés dans les 675 ZUS étudiées s’élève en 2005 à plus de 69 faits pour 1 000 habitants, une moyenne supérieure de 6 % à celle du reste des circonscriptions. Selon l’Observatoire, il y a progression des agressions et des violences aux personnes, y compris les violences envers les femmes. Tout le monde, législateur, maires et État, doit combattre cette situation.

Que disent nos collègues sénateurs ? « La diminution des moyens consacrés à la médiation sociale, la " reconquête " des quartiers par de nouvelles méthodes d’intervention ont éloigné la police de la population. Or, il ne peut y avoir de sécurité sans la population. Un rééquilibrage paraît donc indispensable, de même qu’une relance des partenariats avec tous les acteurs de la prévention. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est donc exactement le même constat que l’Observatoire des ZUS. Plus loin, les sénateurs…

M. Jacques-Alain Bénisti. On s’en fout, du Sénat !

M. François Grosdidier. Nous sommes à l’Assemblée nationale !

M. Manuel Valls. Il vous gêne, ce rapport !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec…demandent le rétablissement de la police de proximité, qui doit être organisée dans un cadre négocié et, bien entendu, dans le cadre des compétences du maire.

Cet amendement est donc très exactement dans la ligne de ces deux rapports. Ces derniers montrent d’ailleurs que les interventions de la force publique dans les quartiers ne sont que des opérations d’affichage, qui n’ont pour effet, comme l’a dit justement Marylise Lebranchu hier, que de pousser la population à répondre au défi par le défi.

M. Yves Bur. Ce sont les voyous qui lancent les défis, pas la population !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Grâce à sa connaissance du terrain, le maire peut aider l’État à définir ses modalités d’intervention. C’est l’objet de cet amendement, qui vise également à prendre en compte l’appel du rapport d’orientation sur la sécurité intérieure à maintenir des objectifs de proximité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, je crois que c’est la dernière séance que vous passez au perchoir. À mon tour, je souhaite vous rendre hommage pour la manière remarquable avec laquelle vous avez présidé nos séances au cours des deux dernières années. Mais je ne doute pas un seul instant que vous trouverez en Jean-Christophe Lagarde un digne successeur. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Pour ma part, je me réjouis que tous les points de vue puissent s’exprimer le plus largement sur un sujet aussi grave. C’est aussi le souhait du ministre d’État. Au sein d’une même mouvance, les avis peuvent d’ailleurs être différents, chacun réagissant avec son expérience et son approche personnelles. Ce n’est pas une question d’idéologie. Ainsi, je sais que la commune de M. Valls obtient d’excellents résultats en matière de lutte contre la délinquance, et qu’il n’hésite pas à demander au ministre de l’intérieur de mettre des CRS à sa disposition.

M. Lilian Zanchi. Bien entendu : c’est son rôle de maire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. D’autres maires socialistes ne souhaitent pas, eux, les voir sur leur territoire. M. Valls mène, parallèlement à l’intervention de la police, une politique de la ville qui donne des résultats. On peut donc, si on le veut, aborder ce sujet sans présupposé dogmatique. Et c’est bien ainsi que j’entends l’aborder.

Monsieur Blazy, vous êtes le premier à vous être fait le porte-parole de votre groupe sur le sujet. Aussi vous dirai-je que je regrette simplement que, d’entrée de jeu, alors que vous reprochez à ce texte d’être répressif et alors que son article 1er consacre les responsabilités du maire en matière de prévention – et non de police –, vous ayez préféré déposer un certain nombre d’amendements portant articles additionnels avant l’article 1er et relatifs à l’intervention et à l’organisation de la police. C’est vous qui choisissez de dénaturer l’esprit de ce texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) sur la prévention de la délinquance en le consacrant à l’action de la police.

Le groupe socialiste entend donc renforcer l’action de la police, tandis qu’en inscrivant ce projet comme un grand texte de prévention de la délinquance, nous voulons justement éviter que la police n’ait, en termes de répression, à intervenir davantage qu’aujourd’hui. Nous sommes en effet convaincus que, grâce à la prévention, la police n’aura plus à intervenir demain de manière répressive. Ce sont, en conséquence, deux philosophies qui s’affrontent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je veux saluer les interventions très intéressantes de MM. Vaxès et Mamère. Vous avez en effet justifié, par votre vécu, par votre expérience – et ce sont, en effet, autant d’expériences et de vécus sur tous ces bancs –, l’importance du rôle de prévention des maires. Monsieur Vaxès, pendant les trente ans que vous avez été élu local, vous nous avez dit avoir connu une période au cours de laquelle vous auriez été confronté à des situations d’incompréhension importante entre la police, les associations, les acteurs locaux et les populations. Vous vous êtes donc efforcé de jouer un rôle de médiateur. Vous avez même eu le sentiment, en tant que médiateur, d’avoir réussi à réconcilier les uns et les autres. Je veux vous en féliciter parce que la loi ne vous vous reconnaissait pas ce rôle. C’est donc par votre volontarisme et par le dialogue avec différents interlocuteurs – justice, police, acteurs sociaux –, que vous avez pu y parvenir.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas ce que vous proposez !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mamère, votre expérience est sensiblement la même. Vous avez aussi, dans votre commune, essayé de jouer pleinement votre rôle.

M. Noël Mamère. De médiateur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je veux rappeler à celles et ceux d’entre vous qui êtes ou avez été maires et qui connaissent parfaitement leur rôle, que la loi a consacré une responsabilité de police du maire.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est officier de police judiciaire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’article 1er de ce projet vise à adjoindre à votre responsabilité policière une responsabilité de prévention, donc à renforcer votre position, en vous instituant en interlocuteurs incontestables auprès des autorités judiciaires, des acteurs sociaux, des forces de police et des responsables de l’État. Cette double responsabilité, de police et de prévention, vous confortera dans votre capacité de médiateur auprès de tous les acteurs locaux. L’article 1er vous offre cette opportunité, qui ne fait que confirmer vos différentes actions au cours des années écoulées.

Il n’est en conséquence, pas souhaitable de tenter, par quelque artifice que ce soit, de retarder la discussion de cet article 1er. Il serait au contraire nécessaire d’en accélérer l’examen. Mais je vous en conjure, faites des propositions tendant à nuancer ou renforcer le rôle du maire en matière de prévention, plutôt que de chercher à donner une dimension policière supplémentaire à ce texte, ce qui n’est ni l’état d’esprit ni la démarche du ministre d’État, ministre de l’intérieur ! Chacun peut jouer son rôle dans cet hémicycle. Ce projet doit être pleinement consacré à la prévention de la délinquance. Le défi à relever n’est-il pas de régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés grâce à une politique de prévention, alors que nous ne pouvons aujourd’hui les traiter que de manière policière et judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 376.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, nous reconnaissons tous l’excellente qualité de votre présidence. Toutefois, notre collègue Zanchi n’a pu s’exprimer sur l’amendement no 376 que je présentais avec les membres du groupe socialiste, alors que, à moins que vous ne me prouviez le contraire, notre règlement le permet. Je sais que vous avez cherché à répartir très équitablement les temps de parole. Mais notre collègue était en droit de donner son avis. Je souhaiterais qu’il en soit tenu compte à l’avenir.

Monsieur le ministre qui souhaitez un débat constructif, vous dénaturez et caricaturez nos positions. Vous avez affirmé tout à l’heure une contrevérité que je tiens à corriger immédiatement. Ainsi, et vous pourrez le vérifier car cela figure au Journal officiel, le groupe socialiste a voté les crédits de la LOPSI.

Nous avons déposé une série d’amendements portant articles additionnels avant l’article 1er relatifs aux questions qui touchent à la doctrine d’emploi de la police nationale. Ces amendements sont constructifs et la présence du ministre d’État nous manque cruellement. Sans doute est-il retardé par les embouteillages entre la porte de Versailles et l’Assemblée. Sa présence est indispensable. Nous devons débattre avec lui de ces points. Pour lui laisser le temps d’arriver, je demande une suspension de séance.

Mme Nadine Morano. Ce n’est pas respectueux pour ceux qui sont ici !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous voulez respecter le ministre d’État, c’est votre problème ! Nous essayons quant à nous de respecter la République !

M. le président. J’essaye accessoirement de présider ce débat, monsieur Le Guen, mais je ne voudrais pas troubler vos échanges !

Monsieur Blazy, puisque vous en êtes le chef de file, vous pourriez vous-même organiser les prises de parole au sein de votre groupe – il en va de même du groupe majoritaire –, cela faciliterait les travaux de la présidence ! Deux orateurs du groupe UMP s’étant exprimés, j’ai donné la parole à trois orateurs de votre groupe. J’ai, de surcroît, laissé MM. Mamère et Vaxès s’exprimer alors que je n’y étais pas autorisé par le règlement. Si je n’ai pas donné la parole à M. Zanchi, c’est parce que je savais qu’il était l’auteur de l’amendement no 593 et qu’il aurait par conséquent l’opportunité de le présenter. Si vous avez des propositions plus intelligentes à me soumettre pour améliorer l’organisation des débats, j’en serai très heureux, surtout pour ma dernière présidence !

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, je salue à mon tour la qualité de votre présidence, tâche qui n’est pas toujours très facile.

Je remercie M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire de suivre ces débats. Mais ce n’est pas lui faire insulte que de dire que, vu la manière dont le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a associé son nom à cette loi qui prétend améliorer la prévention de la délinquance, il aurait été conforme aux règles de la République qu’il soit présent à ces débats, et ne fasse pas, comme hier soir, quelques minutes avant les journaux de vingt heures, « un petit tour et je m’en vais » !

Monsieur le ministre, vous avez eu la gentillesse de préciser notre expérience de terrain. D’autres sur ces bancs, à gauche comme à droite, ont la même. Nous ne nous laisserons toutefois pas prendre au piège que vous nous avez tendu. Vous ne pouvez pas affirmer que nous souhaitons davantage de pouvoirs de police pour le maire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non, des pouvoirs de prévention !

M. Noël Mamère. Vous prétendez que votre texte est consacré à la prévention de la délinquance. Nous considérons que c’est effectivement, là, une manière de tromper les Français et l’Assemblée nationale. Loin d’être un texte de prévention, il a deux objectifs : surveiller et punir. Ce projet est donc axé sur la sanction.

M. Pierre Cardo. Mais non !

M. Noël Mamère. Il va même encore plus loin, puisqu’il institue une société de méfiance contre une société de confiance.

Mme Nadine Morano. C’est le contraire !

M. Noël Mamère. La prévention ne peut reposer que sur la confiance entre tous les partenaires.

M. François Grosdidier. La confiance, c’est le 21 avril 2002 !

M. Noël Mamère. En voulant faire jouer au maire le rôle de shérif, d’« indic », de substitut du procureur – on pourrait encore trouver beaucoup d’autres qualificatifs pour la figure du maire telle que vous êtes en train d’en dessiner les contours –…

M. François Grosdidier. C’est de la caricature !

M. Noël Mamère. Ce n’est pas de la caricature !

Mme Nadine Morano. Il n’y a que les maires de gauche qui disent cela, pas les maires de droite !

M. Noël Mamère. Je sais, chers collègues, que vous aimez la simplification. Or la simplification et le simplisme, dont vous êtes les ardents défenseurs, conduisent toujours au populisme.

Nous refuserons, aussi longtemps que nous en aurons l’occasion et aussi longtemps que dureront ces débats, de nous laisser imposer des pouvoirs qui ne sont pas les nôtres. Le rôle du maire est d’être un médiateur. Quand nous signons un contrat local de sécurité et quand nous travaillons avec d’autres partenaires sur un territoire, sans demander l’avis personnel des gens, nous remplissons notre rôle de médiateur. Votre texte propose effectivement tout le contraire,…

Mme Nadine Morano. C’est faux !

M. Noël Mamère. …à savoir supprimer la fonction de médiateur du maire, en l’obligeant à s’occuper de choses qui ne sont pas de sa responsabilité.

M. François Grosdidier. Il faut lire le projet et non le fantasmer !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je dirai simplement un mot sur le rôle des maires. Certains ici sont peut-être membres de l’Association des maires Ville et Banlieue de France.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, nous sommes nombreux à l’être !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Donc, je vais vous lire le communiqué que vous avez signé.

M. Jean-Pierre Blazy. Lisez-le en entier !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. « Ville et Banlieue est favorable à ce que le maire anime et coordonne la prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune… »

M. Pierre Cardo. C’est l’article 1er du projet de loi !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. « Garant de l’intérêt général sur son territoire, le maire est bien placé pour rappeler aux contrevenants en quoi leurs attitudes ou leurs gestes portent atteinte à l’intérêt général. Il est également bien placé pour veiller à ce qu’une réponse effective soit apportée aux faits de délinquance par les différentes institutions compétentes. »


À ce titre, le maire est capable d’organiser et de faire vivre sur le terrain le travail en réseau des institutions, en rappelant à chacun sa responsabilité dans l’action collective de prévention. »

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est du bon sens !

M. Yves Bur. C’est du plagiat de notre loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le communiqué ne s’arrête pas là !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il y a dans ce communiqué un certain nombre de propositions fort intéressantes qui ne sont pas forcément toutes contenues dans ce texte mais qui pourront faire l’objet de compléments par voie d’amendements.

Je remercie donc les maires de l’association Ville et Banlieue de France, à laquelle vous appartenez les uns et les autres, qui ne font qu’approuver ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce que vous demandez est consacré dans l’article 1er. Venons-en vite à l’article 1er.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques…

M. Jean-Pierre Blazy. J’ai demandé une suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Il faut avancer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle est de droit.

M. le président. Je sais, monsieur Le Bouillonnec. Je peux aussi suspendre et rester à mon fauteuil !

Vous maintenez votre demande, monsieur Blazy ?

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vous avez une attitude très négative. Vous venez de lire le communiqué de l’association Ville et Banlieue de France, dont nous sommes plusieurs à faire partie, et vous en instrumentalisez une partie pour essayer de faire croire que votre texte répond à la demande des maires. Il n’en est rien et nous allons le démontrer.

Je crois vraiment que, comme je le disais tout à l’heure, nous n’avons pas forcément le bon ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. C’est presque une attaque personnelle !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est une question extrêmement importante et nous avons besoin du ministre d’État.

La suspension est de droit, monsieur le président, et je confirme ma demande.

M. le président. Je suspends la séance cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 589, 590, et 593.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n589.

Mme Patricia Adam. Je vous félicite également, monsieur le président, à l’occasion de cette dernière séance que vous présidez.

Si mon amendement est accepté, et ce sera une bonne chose puisque M. Sarkozy a souhaité que le débat soit constructif, il permettra d’avoir une définition de la prévention de la délinquance. Nous allons en effet examiner de nombreux articles durant quelques jours sans avoir déterminé auparavant ce dont nous parlons.

La prévention et la sécurité sont deux éléments qui s’articulent l’un avec l’autre. La sécurité est déjà largement définie, dans le code pénal en particulier. Faire de la prévention, c’est combattre les comportements violents en évitant qu’ils se produisent. C’est aussi agir sur les causes sociales, qui sont déterminantes s’agissant de délinquance.

La prévention, et, sur ce point, nous pouvons être d’accord, c’est une approche graduée et une articulation correcte de tous les maillons d’une chaîne qui va de la prévention primaire jusqu’au pénal en passant par la prévention secondaire.

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est incantatoire !

Mme Patricia Adam. Avant de déterminer les modalités de la coordination, je vous propose cette définition qui me paraît correcte et qui, je pense, peut être votée par l’ensemble de l’hémicycle.

M. le président. Merci de votre concision, madame Adam.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement n590.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est défendu.

M. le président. C’est encore plus concis ! (Sourires.)

La parole est à M. Lilian Zanchi, pour soutenir l’amendement n593.

M. Lilian Zanchi. Il est défendu.

M. le président. Ne me faites pas ça, monsieur Zanchi ! Au moment où je vous donne la parole ! (Rires.)

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements, je vais donc donner un avis à titre personnel.

L’idée n’est pas inintéressante, et, par exemple, on ne peut pas être contre l’idée que la politique de prévention de la délinquance doive être élaborée en tenant compte des causes de la délinquance, même si c’est un peu une lapalissade ; mais, si l’on peut comprendre que vous vouliez dresser un catalogue de ce qu’il faut faire en matière de prévention de la délinquance, ces amendements n’ont pas de caractère normatif. C’est du niveau de l’exposé sommaire, de l’explication, pas du niveau de la loi, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel écarte systématiquement ce genre de disposition.

Je ne peux donc qu’être défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame Adam, je souscris totalement aux objectifs que vous fixez en matière de prévention de la délinquance. Vous avez dressé une liste – non exhaustive – qui répond à toutes les aspirations que nous pourrions nourrir. Cependant, une vraie politique de prévention va bien au-delà du texte que vous proposez et doit se conduire de manière transversale. On aurait donc pu ajouter à votre liste.

M. Claude Goasguen. Ces amendements, c’est du baratin ! C’est un tract !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je reprends bien volontiers à mon compte votre propos, madame Adam. Mais, comme vient de le dire M. le rapporteur, votre amendement n’est ni normatif ni juridique.

M. Jean-Pierre Blazy. La loi ne l’est pas non plus !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous ne pouvons donc en aucun cas le retenir. Comme je ne veux pas vous donner l’impression que je rejette votre amendement, je vous demande simplement de le retirer. Il aura permis, pour vous, de faire un rappel de l’état d’esprit dans lequel vous abordez la politique de prévention de la délinquance et, pour moi, de vous répondre que nous ne sommes pas très éloignés l’un de l’autre. Mais en aucun cas cet amendement ne peut trouver sa place dans ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S’agissant de l’observation du président de la commission des lois, rapporteur, sur le caractère normatif des lois, certes nos sièges ne vont pas en trembler, mais depuis quatre ans, j’ai le sentiment que dans les questions que nous avons traitées les prescriptions relevaient davantage de la déclaration d’intention que de l’édiction de normes. Les trois textes relatifs à la sécurité intérieure ne présentaient-ils pas essentiellement une forme pétitoire ?

Un élément intentionnel de cet amendement me paraît intéressant. Par ce projet, vous proposez d’inscrire dans la loi que le maire coordonne les actions de prévention sur le territoire de sa commune. C’est la première fois que la loi utilise cette formulation. Il ne me paraît pas contradictoire d’indiquer ce que la loi entend par prévention de la délinquance. C’est même tout à fait nécessaire à la mise en œuvre des responsabilités que vous voulez confier aux maires, notamment s’agissant du dispositif de l’article 1er : la coordination.

Dans la mesure où le problème de fond portera sur la confrontation entre les compétences et les responsabilités de chacun, – nous le verrons à propos du secret professionnel –, de la confrontation naîtra en fait la contradiction.

Nous reviendrons sur le problème de la coordination de la prévention de la délinquance sur le territoire des communes. Mais énoncer le contenu de la prévention de la délinquance nous aurait permis de cesser de vous suspecter, ce que nous allons continuer de faire puisque vous ne levez pas le gage de la suspicion. Une loi qui parle de prévention de la délinquance sans dire ce que c’est fait naître la suspicion et maintient l’ambiguïté.

Si l’énoncé du contenu de la prévention est insuffisant – et il l’est à l’évidence –, que n’avez-vous cherché à le compléter pour la clarification du débat !

M. Pierre Cardo. Parce que nous sommes dans le domaine législatif.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La formulation en termes généraux, que le président de la commission des lois caractérise comme une absence de norme, permet de dire des choses : une approche globale – on sait ce que c’est, quand on a pratiqué la prévention ; qui s’inscrit dans la durée – c’est notamment une critique des opérations coup-de-poing ; une politique impliquant des acteurs, c’est clair.

Je souhaite rappeler, à l’occasion de l’examen de ces amendements, que l’on va sans nul doute continuer à contredire nos intentions parce que cette loi sur la prévention de la délinquance n’a pas clairement dit ce qu’était, aux yeux du Gouvernement et de sa majorité, la politique de prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. Très bien. Cela me paraît très clair.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je voudrais d’abord dire à M. Le Bouillonnec qu’il n’est pas notre professeur et que nous ne sommes pas des élèves. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vaxès. Et réciproquement !

M. François Grosdidier. Et nous avons eu de meilleurs résultats aux travaux pratiques !

M. Jacques-Alain Bénisti. En tant que maire, je sais que la définition de la prévention de la délinquance s’institue sur le terrain, lorsque nous vivons au quotidien les faits de délinquance. L’objet de ce texte est d’aider les maires à appliquer les différentes mesures et à essayer de régler ces problèmes de prévention.

Ce texte est scindé en deux. Les acteurs de terrain ont appelé notre attention sur la nécessité de ne pas confondre la protection infantile et la prévention juvénile. Comme vient de le dire le ministre, il y a dans ces amendements des éléments tout à fait justes : la prévention primaire et continue des violences juvéniles sert à prévenir le risque de rupture éducative par rapport à l’environnement familial. Mais cela figurera dans le texte de protection de l’enfance, accompagné de mesures précises et concrètes visant à protéger nos enfants, notamment dans les premières classes, c’est-à-dire dès les premiers contacts avec la communauté.

Merci, chers collègues de l’opposition, pour cette leçon sur la prévention.

Mme Patricia Adam et M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas une leçon !

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais nous sommes des élus responsables et nous n’avons pas besoin que vous nous dictiez ce qu’est la prévention, nous le savons déjà.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Les députés Verts ne peuvent que soutenir l’amendement présenté par Mme Adam. En effet, hier, M. le ministre de l’intérieur nous a expliqué qu’il était très difficile de définir la prévention, c’est pourquoi il avait éprouvé le besoin de rédiger ce texte.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour constater que ce texte ne s’oriente pas vers la prévention, mais, comme nous aurons l’occasion de le dire et de le répéter chaque fois que nous le pourrons, vers la sanction.

Il ne s’agit pas, par ces amendements, de dresser un inventaire à la Prévert, mais de tracer très clairement le périmètre de la prévention. Il est même précisé, dans l’exposé des motifs, que l’ancienne majorité, à la veille de l’alternance, avait mis en place les cellules de veille éducative. Tous les maires ici présents savent combien ces cellules, lorsqu’elles travaillent dans un climat de confiance avec les partenaires et que le maire se cantonne dans un rôle de médiateur ou de coordinateur, jouent un rôle important.

Puisque M. Bénisti, si je crois ce qu’il dit, est également maire, il devrait savoir que tout ce qui concerne la protection de l’enfance relève du conseil général, avec lequel les maires travaillent.

M. Pierre Cardo. Plus ou moins facilement.

M. Noël Mamère. Ce que vous appelez la prévention juvénile est en effet de compétence générale. Il faut donc que cela soit défini dans un texte de loi. Nous ne pouvons pas nous contenter du texte que vous nous proposez. Il est non seulement flou, mais oblique dans la mesure où il travestit la fonction du maire, qu’il transforme en un supplétif de la police, de la justice…

M. Pierre Cardo. Relisez le texte !

M. Noël Mamère. …qui aura maintenant le droit de s’immiscer dans la vie des gens,…

M. Jacques-Alain Bénisti. On le fait déjà ! Puisque vous êtes maire, vous le savez !

M. Noël Mamère. …qui portera atteinte à un aspect fondamental de la fonction des travailleurs sociaux, à savoir le respect de la confidentialité.

M. François Grosdidier. En tant que présidents des CCAS, les maires sont rompus au maniement de données confidentielles !

M. Jacques-Alain Bénisti. Bien sûr ! Nous sommes capables de garder un secret !

M. Noël Mamère. Pardonnez-moi, chers collègues de la majorité actuelle, de revenir sur cette question de l’insécurité. Aujourd’hui, avec sa politique sécuritaire, le ministre de l’intérieur passe son temps à braconner sur les terres de l’extrême droite, dans une perspective présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Ça suffit !

M. François Grosdidier. Vous devez parler de Georges Frêche !

M. Jacques-Alain Bénisti. Dommage, c’était bien parti, mais là, vous déviez !

M. Noël Mamère. Un homme qui se prétend homme d’État, et qui continue de remplir sa fonction de ministre de l’intérieur tout en étant candidat à l’élection présidentielle, qui se sert de ses fonctions de ministre de l’intérieur pour mieux servir les intérêts du candidat…

M. François Grosdidier. Et on retombe dans la caricature !

M. Jacques-Alain Bénisti. Revenons au débat !

M. Noël Mamère. …et qui instrumentalise la question de la sécurité ! Nous savons que la politique sécuritaire qui est menée depuis 2002 est à la fois vaine, dangereuse et inefficace.

M. François Grosdidier. C’est faux !

M. Jacques-Alain Bénisti. Mensonge !

M. Noël Mamère. En effet, comme tout le monde le sait ici, les violences sur les personnes ont augmenté. En réalité, la vraie violence, c’est la montée continue de la pauvreté.

M. François Grosdidier. Il faut arrêter ! Et le deal ? Et les agressions ?

M. Noël Mamère. Comme le montrent l’INSEE et tous les observatoires, elle a gagné des couches de la société jusque-là épargnées par ce fléau.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. Noël Mamère. Oui, il existe une insécurité dans ce pays, mais ce n’est pas celle que vous dénoncez : c’est l’insécurité sociale !

M. François Grosdidier. C’est comme ça qu’on excuse les voyous !

M. Noël Mamère. Pour lutter contre l’insécurité sociale, il faut renforcer les dispositifs de prévention, ceux-là mêmes que vous êtes en train de briser.

M. François Grosdidier. Vous retombez dans l’angélisme ! N’avez-vous rien retenu de 2002 !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je soutiens de bout en bout l’excellent amendement de nos collègues qui tend à définir de manière précise la prévention de la délinquance. Prévenir, c’est empêcher de passer à l’acte.

J’ai quelques difficultés par contre à saisir la cohérence de la position du Gouvernement : en commission, puis avant-hier en séance, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a dit et redit qu’il était difficile de définir ce concept flou qu’est la prévention.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est exact, il l’a dit.

M. Michel Vaxès. Or voilà que la majorité refuse la définition cohérente que propose cet amendement et que partage M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire – ce dont nous nous réjouissons. M. Bénisti, lui, nous déclare qu’il n’a pas besoin qu’on lui précise les choses, parce qu’il sait, alors que le ministre de l’intérieur, lui, ne sait pas. Il faudrait le lui dire !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je n’ai jamais dit cela !

M. Michel Vaxès. Le texte que vous défendez, que vous avez nourri par un rapport dont tous les travailleurs qui ont à voir avec la prévention de la délinquance font la critique la plus sévère…

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est totalement faux !

M. Michel Vaxès. Cette sévérité vous invite à faire montre d’un peu plus d’humilité.

M. Jacques-Alain Bénisti. L’avez-vous simplement lu ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Lisez-le !

M. Michel Vaxès. Non seulement je l’ai lu, monsieur Bénisti – sans vouloir engager un dialogue avec vous – mais la publication de votre rapport est à l’origine d’un colloque que j’ai organisé et qui a réuni 150 professionnels autour de la question de la prévention de la délinquance.

M. François Grosdidier. Vous ne nous avez pas invités !

M. Michel Vaxès. Je tiens à votre disposition un compte rendu des critiques féroces qu’ils ont adressées aux orientations de votre rapport.

M. Jacques-Alain Bénisti. Des syndicalistes professionnels, vous voulez dire ! Il ne s’agissait pas des professionnels !

M. Michel Vaxès. Sans vouloir abuser de votre bienveillance, monsieur le président – mais vous voyez qu’on m’interrompt – j’invite mes collègues, je le répète, à faire preuve d’un peu plus d’humilité, et surtout de cohérence. L’amendement qui vous est proposé vous donne l’occasion d’introduire un peu de prévention dans un texte dont elle est totalement absente en dépit de son intitulé, comme je l’ai démontré hier. En repoussant cette opportunité, vous confirmez les orientations qui sont les vôtres depuis l’origine.

En ce qui nous concerne, nous soutiendrons sans réserve l’amendement de notre collègue Adam.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Il est difficile d’objecter quoi que ce soit au contenu de l’amendement, sinon que sa portée est pédagogique et non législative.

On peut certes critiquer le projet de loi, qui n’a pas que des qualités et qui suscite des inquiétudes et des questions. Mais de là à dire que tous les travailleurs sociaux et tous les acteurs de la prévention le critiquent, il ne faut pas exagérer ! En tant que maire, je me félicite que, pour la première fois, un texte n’hésite pas à faire porter l’accent sur la mission de prévention du maire plutôt que sur son rôle répressif. En effet, en dépit de ce que vous prétendez, le texte consacre à cette fonction répressive une place extrêmement réduite, voire imperceptible. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est inutile de débattre de son aspect prétendument répressif avant que les mesures en cause ne soient soumises à notre examen. Nous n’en sommes pas encore là, puisque nous n’avons toujours pas abordé l’examen du premier article !

Cette loi n’est pas là pour figer les contours de ce que devrait être la prévention, qui sont extrêmement mouvants : chacun doit pouvoir garder une marge d’appréciation en matière de définition de la prévention, qu’elle soit primaire, générale, spécialisée, qu’elle concerne l’emploi, le secteur éducatif, l’insertion ou d’autres secteurs. La prévention peut adopter beaucoup de formes, et je ne crois pas qu’on doive courir le risque de limiter cette souplesse.

Ce qui compte, c’est de savoir la place que doit occuper le maire et le rôle qu’on lui assigne. Beaucoup trop de maires se déchargent sur la police nationale du soin de régler les problèmes de délinquance et de violence, ou comptent au contraire sur la police municipale pour suppléer la police nationale en matière de prévention. Ce texte a pour objectif de resituer le maire à sa place de pivot reliant tous les acteurs de la prévention et de définir les modalités de sa mission afin d’éviter qu’il ne sorte de son rôle. C’est là tout l’intérêt du débat.

Tout en comprenant vos inquiétudes et votre questionnement, j’aimerais que ce texte soit au moins l’occasion de s’interroger utilement sur ce qu’est le rôle véritable du maire. Nous avons besoin d’un tel débat.

M. Noël Mamère. C’est ce que nous n’arrêtons pas de dire !

M. Pierre Cardo. Oui, mais vos propositions relèvent de la pédagogie, pas du travail législatif.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Cardo. La définition que vous proposez aurait sa place dans le cadre d’une formation des travailleurs sociaux à la prévention, par exemple, mais pas dans celui du travail que nous accomplissons dans cet hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je veux vous rassurer, monsieur Bénisti : personne, de notre côté de l’hémicycle du moins, ne veut donner quelque leçon que ce soit, pas plus qu’il ne veut en recevoir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous faisons notre travail de législateurs !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous n’avons pas à tenir un rôle de donneur de leçons pour lequel personne n’est qualifié.

Mme Patricia Adam. On n’est pas là pour ça !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons en revanche le devoir collectif de trouver des moyens de prévenir la délinquance et la violence.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je suis tout à fait d’accord !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez trouvé étrange, monsieur le ministre, que le premier amendement du groupe socialiste ait pour objet la police de proximité.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La police !

M. Jean-Pierre Blazy. Il s’agissait en l’occurrence de la police de proximité, et donc de la doctrine d’emploi de la police. Mais nous reviendrons sur ce sujet car il est capital.

En réalité, nous avions déposé cet amendement-ci, qui a une fonction de définition, avant l’autre, et je ne sais par quel coup du sort il s’est retrouvé en deuxième position dans le classement du service de la séance. La logique veut en effet qu’on commence par définir ce dont on parle, en l’espèce la prévention de la délinquance.

On nous objecte que cette définition n’a pas de portée normative. La prévention de la délinquance aurait pu cependant être l’objet d’une loi de programmation ou d’orientation, ce qui suppose une définition.

Comment pouvez-vous par ailleurs refuser nos efforts pour définir les axes d’une politique de prévention de la délinquance tout en reprochant à la gauche une prétendue « culture de l’excuse sociale » ? S’il faut être dur avec le crime, il faut aussi être dur avec les causes du crime. C’est la raison d’être du dernier alinéa, consacré à ce qui peut favoriser le développement de la délinquance et de la violence, qui interpelle particulièrement nos concitoyens.

De plus, la définition que nous proposons est conforme aux orientations fixées par les Nations unies. Celles-ci précisent clairement qu’aucun programme visant à réduire la criminalité ne peut se limiter à la police et à la justice, et qu’il doit comporter un volet de prévention prévoyant les moyens de renforcer les valeurs communes. Il doit également viser, à travers la mise en œuvre de politiques relatives à la famille, l’enfance, la jeunesse, l’éducation, le logement, à réduire les causes sociales de la criminalité. Direz-vous qu’une telle orientation relève de la « culture de l’excuse sociale » ? Les définitions de la Commission européenne ou du Parlement européen vont dans le même sens.

M. Pierre Cardo. Il n’a pas légiféré sur la prévention de la délinquance !

M. Jean-Pierre Blazy. La définition que nous proposons, monsieur le ministre, s’inscrit également dans le droit-fil des engagements de la France. C’est pourquoi cet amendement devrait faire l’unanimité et devenir le premier article de cette loi, où serait enfin définie la prévention de la délinquance. En effet, il ne la réduit ni à l’excuse sociale ni à un nouvel arsenal répressif.

M. Pierre Cardo. Une liste est nécessairement limitative, et la vôtre ne comporte pas la prévention spécialisée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 589, 590 et 593.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. Jean-Pierre Blazy. Dommage !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 594, 595 et 598.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 594.

Mme Patricia Adam. Il est vraiment dommage en effet que l’Assemblée n’ait pas adopté l’amendement précédent. Il avait l’avantage de distinguer très clairement ce qui relevait de la prévention et ce qui relevait du pénal. Il indiquait au maire, dans son rôle de coordination, mais aussi à l’ensemble des acteurs de la prévention – procureur, juge, président du conseil général et autres exécutifs locaux, associations, police et gendarmerie – le cadre dans lequel leur démarche de coordination et de conventionnement devait s’inscrire.

Je voudrais à ce propos me faire le porte-parole des juges pour enfants avec lesquels j’ai discuté de ce texte, d’autant plus volontiers que leur travail a fait l’objet ici de critiques particulièrement abusives étant donné sa difficulté, surtout au regard des moyens dont ils disposent.

Ceux-ci souhaiteraient que la prévention soit véritablement assurée par ceux qui en ont la compétence : maire, conseil général dans le cadre de sa compétence en matière médico-sociale, police et gendarmerie, afin de n’avoir à intervenir qu’une fois que celle-ci a échoué. Ils pourraient ainsi exercer pleinement leur fonction, à savoir prononcer si nécessaire une sanction éducative, puisqu’il s’agit de mineurs.

La définition que vous venez, hélas ! de repousser était essentielle en ce qu’elle permettait de clarifier et surtout de délimiter les fonctions et rôles des uns et des autres. L’amendement qui vous est proposé maintenant découle de cette définition.

M. François Grosdidier. Dans ce cas, il tombe !

M. Noël Mamère. Ne faites pas le nerveux, monsieur Grosdidier !

Mme Patricia Adam. De toute façon je ne compte pas que vous le votiez : vous allez faire preuve de cohérence au moins dans ce domaine en continuant à voter contre nos amendements. ! Nous essayons d’être constructifs comme on nous l’a demandé en vous proposant une définition, qui a, comme toute définition, une vertu pédagogique. La pédagogie, c’est l’art de répéter, ce qui est une bonne chose.

M. François Grosdidier. Dans ce cas, vous êtes de grands pédagogues !

Mme Patricia Adam. Du moins, j’essaie de l’être ! Et je crois que c’est le rôle d’un élu, et du Parlement !

M. le président. Pédagogue, soit, dialogue, non ! Laissez donc Mme Adam défendre son amendement.

Mme Patricia Adam. Cet amendement appelle au respect des compétences des uns et des autres mais je pense que vous n’allez pas le voter, bien entendu (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela dépend !

M. Jean-Pierre Blazy. Surprenez-nous !

Mme Patricia Adam. C’est cela, nous vous attendons.

Ce texte relatif à la prévention de la délinquance est l’occasion de préciser certains points. Tel que vous nous le proposez aujourd’hui, il a suscité de nombreux débats dans notre société, notamment parmi l’ensemble des acteurs de la prévention : juges, professionnels du travail social, maires. En précisant les notions mises en jeu par ce texte, nous apaiserons leurs inquiétudes et nous leur permettrons de travailler dans de bonnes conditions, dans le respect des compétences de chacun. Ils pourront notamment s’entendre et s’écouter, et c’est bien de cela qu’a besoin notre société.

M. Jacques-Alain Bénisti. Alors, vous allez voter notre texte !

Mme Patricia Adam. Cela dépend de vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous êtes absolument lamentables.

Par cet amendement, nous vous proposons de coordonner l’ensemble des actions de prévention au regard des objectifs, des priorités et des moyens que nous allons nous donner ensemble, maires, collectivités territoriales et État, pour une prévention réaliste et complète.

J’irai plus loin : si ce dialogue s’instaure au cours des longs débats dont ce texte sera l’objet, nous permettrons aux maires et aux présidents de conseil général de travailler ensemble de manière territorialisée et de coordonner leurs actions.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est déjà le cas !

Mme Patricia Adam. Ce n’est pas toujours vrai. Aujourd’hui, on se perd dans le maquis des dispositifs de prévention de la délinquance : contrats enfance, conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, contrats éducatifs locaux, dispositif de réussite éducative, de veille éducative, etc. On n’y comprend plus rien, et nous reviendrons sur cette question à l’occasion de l’article 6, relatif à la réussite éducative. Où commence et où finit l’accompagnement, le contrat, ou telle autre modalité ? Je ne parle même pas des nombreuses incohérences.

C’est pourquoi je souhaite que cet amendement soit au moins réellement discuté, parce qu’il permet de fixer très clairement le rôle et les fonctions de chacun.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l’amendement no 595.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement, comme celui que vient de présenter Mme Adam, vise à mieux définir le rôle du maire. Nous présenterons d’ailleurs d’autres amendements en ce sens, afin de consolider l’architecture institutionnelle de la prévention de la délinquance.

Je suis d’accord avec Pierre Cardo sur le conseil national des villes, que l’on a si peu consulté.

M. Pierre Cardo. Cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, mais c’est encore plus vrai aujourd’hui ! Pour ce texte qui est un peu l’Arlésienne depuis 2003, on aurait pu, je le répète, consulter le conseil national des villes, afin d’établir une concertation avec les maires, qui ont une véritable pratique des problèmes abordés.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Adressez-vous donc à vos collègues : ceux qui ont une telle pratique sont précisément dans cet hémicycle !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vrai, mais le conseil national des villes, sous l’autorité du ministre chargé de la politique de la ville – dont je note l’absence parmi nous –, a notamment la mission d’émettre un avis sur la prévention de la délinquance.

En tant que maires, nous signerons les CUCS – les contrats urbains de cohésion sociale – avec l’État et les préfets. Dans mon département du Val d’Oise, un préfet délégué à l’égalité des chances a d’ailleurs été nommé.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les CUCS relèvent de mon ministère !

M. Jean-Pierre Blazy. Or la prévention de la délinquance figure précisément parmi les thèmes développés dans ces contrats, dont nous reparlerons sans doute à propos du fonds pour la prévention de la délinquance.

Mieux asseoir l’architecture institutionnelle suppose de rappeler que la sécurité est une mission régalienne de l’État. La loi relative à la sécurité quotidienne de 2001, que l’actuelle majorité, alors dans l’opposition, n’avait pas votée, rappelait d’ailleurs que la sécurité était non seulement une mission régalienne, mais aussi un devoir pour l’État. Il en est de même pour la prévention de la délinquance.

Celle-ci, nous y reviendrons avec un autre amendement, suppose une politique interministérielle. Elle doit aussi se définir de façon contractualisée avec les maires, véritables pivots du dispositif, et sur des territoires prioritaires. Enfin, comme l’amendement le précise, elle ne se conçoit pas sans cet autre acteur qu’est le président du conseil général. À l’échelle du département, celui-ci a évidemment un rôle éminent à jouer, en association avec le maire, dans le domaine de la prévention de la délinquance, à tout le moins primaire.

L’objet de l’amendement est de rappeler ces principes, qui font du maire le pivot de la politique locale de prévention de la délinquance : c’est tout le contraire du choix de se défausser sur lui qu’a fait, comme nous le montrerons, le Gouvernement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement vise aussi à clarifier des compétences dont le projet de loi favorise la confusion.

Nous ne proposions pas, tout à l’heure, une décentralisation ou une municipalisation de la police républicaine. Dans notre esprit, il s’agissait au contraire de bien définir, par voie de convention, la façon dont la police peut remplir ses missions, qui sont régaliennes, sur des territoires prioritaires, selon des objectifs clairs – sécurité publique, sécurité de proximité et prévention de la délinquance – et avec les moyens afférents, en termes d’effectifs et de doctrine d’emploi.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi, pour défendre l’amendement no 598.

M. Lilian Zanchi. Il était d’autant plus nécessaire de définir la prévention que, depuis quelques mois, ce texte a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des professionnels et des élus locaux, notamment les maires et les conseillers généraux. Comme l’a par ailleurs bien montré le débat que nous avons depuis trois jours, le projet de loi jette la confusion entre prévention et répression – et non entre prévention et protection des mineurs, comme on l’a dit tout à l’heure.

Nos amendements avant l’article premier visent précisément, comme vient de le rappeler Jean-Pierre Blazy, à lever ces ambiguïtés. Si vous les aviez adoptés, vous auriez dissipé les doutes qui subsistent non seulement dans cet hémicycle, mais aussi au sein de la population. Cette loi confuse mélange en effet les compétences de l’État et des collectivités, mais également celles des collectivités entre elles, notamment pour ce qui concerne les pouvoirs de police : on pourra d’ailleurs le voir avec d’autres articles.

Face à un tel labyrinthe, dont aura bien du mal à extraire des décrets d’application, nous vous proposons par ces amendements identiques de clarifier les rôles respectifs de l’État et des différentes collectivités territoriales, si tant est que vous vouliez vraiment élaborer des stratégies locales de prévention de la délinquance. Celles-ci doivent d’ailleurs reposer sur des évaluations et des données statistiques partagées, lesquelles, chacun le sait, sont encore trop souvent interprétées de façon sinon erronée, du moins orientée, quand elles ne sont pas purement et simplement oubliées dans les analyses. M. le ministre s’est ainsi obstiné à ignorer, dans ses réponses aux questions posées lors de la discussion générale, les enquêtes de victimation sur lesquelles je souhaitais attirer l’attention du Gouvernement. S’occuper des victimes, ce n’est pas seulement citer leurs noms, c’est agir pour elles et pour en réduire le nombre !

C’est pourquoi je m’étonne que le projet de loi ne fasse jamais mention des enquêtes de victimation, qui font l’objet d’un travail du forum français pour la sécurité urbaine – qui regroupe des villes de gauche comme de droite –, et qui ont également été lancées par l’INS et l’Observatoire national de la délinquance, où siègent aussi des représentants de sensibilité politique opposée. Je ne comprends pas que vos propositions et vos analyses ne s’appuient pas sur ces études issues de données d’expérience.

Leurs résultats font parfois l’objet d’analyses sectorielles et non complémentaires entre, par exemple, les données de l’état 4001 et le taux des affaires poursuivables – soit 30 % – ou non – 70 %, pour motif juridique ou auteur inconnu –, le taux de réponse pénale ou le taux d’effectivité des peines prononcées. Remédier à cela éviterait d’avoir à entendre des contrevérités sur le travail des parquets des mineurs : ceux-ci ont en effet répondu, selon les chiffres publiés dans le rapport 2006 de l’OND, à 82,1 % des affaires poursuivables, soit un taux de réponse pénale sensiblement plus élevé que pour l’ensemble des affaires poursuivables, lequel s’élève à 74,8 %.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le sujet !

M. Lilian Zanchi. Si, monsieur Goasguen !

Face à une telle situation, le groupe socialiste a également proposé, dans un amendement qui n’a pas été retenu, la création d’un conseil national de politique pénale et de criminologie qui déterminerait les compétences respectives de chacun, proposerait des évaluations et ferait des préconisations, issues d’approches multidisciplinaires, aux acteurs de la prévention. Nous regrettons que cet amendement ait été jugé irrecevable, car il complétait cette série d’amendements tendant à clarifier le rôle de chacun dans la politique de prévention.

Ce que nous vous proposons avec ces amendements identiques, c’est donc une politique partenariale de prévention claire et efficace, qui repose sur des définitions précises et des objectifs, sur des diagnostics et des actions partagés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements.

Mme Patricia Adam. Ils ont pourtant été déposés !

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est possible, mais, je le répète, la commission ne les a pas examinés, et vous le savez, puisque vous avez assisté à ses travaux.

Ces amendements et les débats qu’ils suscitent sont certes intéressants – vous aurez d’ailleurs noté que nos échanges ne sont pas plus hostiles que sur les amendements précédents – dans le cadre de travaux préparatoires : ils éclairent les directions à prendre et la signification de dispositions qui vont être votées.

Cependant, même à titre personnel, je ne peux y être favorable.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est dommage !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Tout d’abord parce qu’ils sont en partie satisfaits par le projet de loi, qui définit le rôle du maire dans la prévention de la délinquance : si quelque chose doit être amendé en ce domaine, c’est dans le texte déjà écrit qu’il faut le faire, plutôt qu’en proposant des articles additionnels.

Par ailleurs, ces amendements fonctionnent selon une logique binaire : à l’État la sécurité publique et au maire les missions de prévention de la délinquance.

Mme Patricia Adam. Oui !

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’en suis d’accord, mais le président de la commission des lois que je suis vous rappelle que nous écrivons la loi, et que le problème est plus complexe. L’article L. 2 211 du code général des collectivités territoriales, que vos amendements ne proposent pas de modifier, dispose que le maire, par ses pouvoirs de police, concourt aux missions de sécurité publique.

Vous ne souhaitez pas, je pense, ôter au maire ses pouvoirs de police et les missions de sécurité qui en découlent !

M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Reconnaissez par conséquent que l’on ne peut écrire la loi comme vous le proposez par vos amendements…

M. Jean-Pierre Blazy. Mais si !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …auxquels je ne puis qu’être que défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ces amendements s’apparentent à un exposé des motifs de dispositions incluses dans le projet de loi, et que vous approuvez donc. Dans ces conditions, on ne peut évidemment pas adopter les amendements, et le Gouvernement invite l’Assemblée à les rejeter. Allons plutôt rapidement à l’essentiel, afin que vous puissiez voter les dispositions que vous approuvez, ce dont, madame Adam, je vous remercie !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au cours de ces dernières semaines, c’est bien la méthode du Gouvernement qui a été contestée. Vous voulez définir par la loi les conditions dans lesquelles le maire doit intervenir dans la prévention de la délinquance. Or voilà plus de vingt-cinq ans que ceux qui veulent faire de la prévention en font. Il n’y a donc pas eu besoin de loi pour cela.

Durant ces vingt-cinq années, tout le débat a été de savoir qui faisait quoi.

Certains maires n’ont pas voulu avancer parce qu’il y avait une suspicion de leur part : ils craignaient d’endosser en lieu et place de l’État la responsabilité de la sécurité publique.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !

Mme Patricia Adam. Si, monsieur Roubaud !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ils n’ont pas voulu avancer parce qu’ils soupçonnaient l’État de chercher à les introduire dans le dispositif judiciaire. On reviendra sur la contradiction entre votre texte et la loi Perben II, compte tenu des débats qui ont eu lieu sur les rapports entre le maire et le procureur. Il faudra aussi aborder le problème des compétences du préfet parce que votre projet de loi introduit, là encore, une confrontation de compétences. J’attends de savoir si ce texte nous précisera de quelle manière, et par qui, sera fait l’arbitrage entre les différents objectifs de prévention de la délinquance. Si je développe les centres socioculturels dans ma commune et que je considère que le soutien scolaire doit s’effectuer dans ce cadre, et non dans celui des établissements scolaires, et que le département et l’éducation nationale imposent de procéder autrement, que se passera-t-il ?

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est le maire qui décidera !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, ce ne sera pas le maire. En tous les cas, je retiens ce que vous venez de dire, monsieur Bénisti, et j’attends de savoir si le ministre dira la même chose que vous, mais j’en doute. Bien sûr qu’il ne dira pas ça !

Le problème de fond, c’est que la loi n’a jamais formalisé tout cela parce que la politique de prévention de la délinquance s’est construite dans la rencontre entre la justice, la police, les services sociaux, la direction de la petite enfance, les réseaux, la prévention spécialisée – dont je rappelle que c’est une compétence de l’État déléguée aux conseils généraux. Cette politique de prévention suppose des accords préalables sur les différents intervenants pour savoir qui fait quoi.

M. Jean-Marc Roubaud. Tout va très bien, madame la marquise !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Or le problème de ce texte est qu’il ne définit rien, si bien que vous trimballez comme une casserole, depuis le début de nos débats, une suspicion sur vos intentions :…

M. Jacques-Alain Bénisti. Lisez le texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …suspicion des maires lorsqu’ils vous ont dit qu’ils ne voulaient pas être des shérifs,…

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux ! C’est de la désinformation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …suspicion des intervenants sociaux quand ils vous disent qu’ils ne veulent pas que leurs compétences et le secret professionnel soient entamés, suspicion des intervenants en psychiatrie – cela a été débattu ce matin –, qui soulignent que c’est eux, et eux seuls, qui, dans le cadre de la loi de la République, déclarent si quelqu’un doit être retenu au nom de la santé et de la salubrité publique. Ces critiques viennent de ce que vous n’avez pas apporté les précisions nécessaires et préalables pour que s’instaure un débat sur l’introduction dans la loi des conditions de la mise en œuvre de la politique de prévention et des responsabilités des acteurs.

Mes collègues qui sont maires savent que le premier problème du maire, c’est de laisser chacun à sa place et de faire respecter par chacun la place de l’autre. Dans les réseaux, dans les cellules de travail, il doit parvenir à ce que tout le monde s’asseye autour de la table tout en respectant la place du voisin. Il ne suffit pas de dire que le maire coordonnera la politique de prévention pour construire celle-ci : il faut reconnaître les responsabilités propres de chacun.

M. Jean-Marc Roubaud. Pour vous, il ne faut rien changer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans la prévention de la délinquance, chacun est acteur tout en reconnaissant la place privilégiée de l’autre. En ne définissant ni la prévention de la délinquance ni les conditions dans lesquelles le maire va développer cette prévention sur son territoire, vous placez au cœur de votre loi la suspicion de tous ceux qui en sont les acteurs.

M. Jean-Marc Roubaud. Bla-bla !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur Zanchi, madame Adam, sans vouloir polémiquer, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit : nous n’aurions pas écouté les professionnels, pas tiré profit des débats, etc. Mais on aurait aimé vous voir lorsque le ministre de l’intérieur a créé, il y a trois ans, le groupe d’études sur la sécurité intérieure.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas le ministre qui l’a créé mais le Parlement !

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce groupe d’études a été piloté par le ministre ici présent. Ses différentes commissions, notamment la commission « prévention », ont associé des parlementaires de tous bords – dont M. Blazy, qui a été d’ailleurs un des plus assidus à ces différentes réunions –, parce que le ministre de l’intérieur estimait que c’était une question très grave et qu’il fallait véritablement essayer d’en discuter sereinement. Nous avons travaillé.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais nous n’étions pas d’accord !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous avons auditionné des professionnels. Il est vrai, et M. Vaxès pourrait nous en faire la remarque, que nous n’avons pas accueilli l’ensemble des syndicalistes qui ne représentent qu’eux-mêmes, et pas toute la profession (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) –…

M. Michel Vaxès. Monsieur Bénisti, quel cri du cœur !

M. Jacques-Alain Bénisti. …je veux parler bien sûr des syndicalistes gauchistes. Nous avons plutôt travaillé avec les professionnels de terrain, comme Marcel Ruffo, par exemple, qui a tout de même écrit cinq livres sur la pédo-psychiatrie et qui est une référence en la matière. Nous avons travaillé pendant trois ans – je vous le rappelle, monsieur Zanchi, puisque vous n’étiez pas à l’Assemblée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On parle de la loi, monsieur Bénisti, pas de votre rapport !

M. Jacques-Alain Bénisti. Et la définition de la prévention que vous proposez dans ces amendements est dans le rapport de cette commission, qui définit sans esprit polémique la prévention et toutes les actions précoces qui s’y rapportent. Je regrette que vous n’ayez pas été député à l’époque.

M. Lilian Zanchi. J’ai lu votre rapport, monsieur Bénisti !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous ne pouvez donc pas reprocher l’absence de débats au ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, ou au ministre ici présent, Christian Estrosi, parce qu’ils ont développé le débat pendant trois ans, et ont repris quatorze de nos vingt-quatre propositions – quatre le seront dans le projet de loi relatif à la protection de l’enfance. Nous n’avons pas fait comme M. Vaxès, qui se permet d’organiser une réunion contre le rapport Bénisti, avec un grand nombre d’intervenants, sans même m’inviter ! C’est véritablement le reflet de la démocratie telle qu’on la connaît chez les communistes !

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, je suis interpellé ! Je demande la parole !

M. le président. Monsieur Vaxès, si chaque collègue interpellé avait un droit de réponse, on ne serait pas sorti de l’auberge. (Sourires.)

M. Michel Vaxès. Je ne peux pas laisser dire de telles contrevérités, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Mon cher collègue Bénisti, vous voyez des gauchistes et des communistes partout, il faut vous calmer : le Mur de Berlin est tombé depuis longtemps, et il y a dans ce pays des hommes et des femmes qui croient sincèrement aux valeurs de la République.

Mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec a défini d’une manière très claire la fonction du maire et le rôle difficile qu’il assume en s’appuyant sur les deux piliers que sont le respect et la confiance. En ce sens, le maire est à la fois un médiateur et un coordinateur des politiques territoriales de prévention de la délinquance, et il prend en général bien soin de respecter le territoire des autres. Avec votre projet de loi, vous faites évidemment tout le contraire puisque vous supprimez cette fonction de coordinateur…

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais non !

M. Noël Mamère. …et de médiateur, pour obliger le maire à aller sur le territoire des autres, à rentrer dans l’intimité des familles les plus en difficulté. Il s’agit donc pour vous de transformer celui qui doit être équidistant de tous les partenaires en juge et partie. Vous l’exposez ainsi à des situations de conflit qu’il ne pourra pas assumer, à des situations de fragilité démocratique.

Car en fait, avec votre projet de loi, vous êtes en train de fragiliser la démocratie. Vous voyez bien pourtant qu’aujourd’hui nous sommes face à une crise de la représentation, et que seuls les maires ont encore le respect et la confiance des Français pour leur travail de terrain, précisément pour le rôle qu’ils remplissent au service de tous.

C’est pourquoi les amendements qui viennent d’être présentés vont tout à fait dans le sens de ce que nous voulons : il faut préciser quel est le rôle du maire, reprendre ce qui avait été proposé en 2004 par le Conseil national des villes,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Noël Mamère. …que vous vous êtes empressés d’oublier, et d’effacer avec votre rapport, monsieur Bénisti, car celui-ci supprime le rôle de l’État et charge encore un peu plus la barque du maire, mais sans lui donner de moyens. Il est aujourd’hui le dernier filet social, le dernier rempart, mais vous essayez de le rendre à la fois juge et partie (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Michel Vaxès. Ils ne veulent pas le reconnaître !

M. Noël Mamère. …vous essayez de le fragiliser, et en procédant de la sorte, vous fragilisez notre tissu démocratique.

J’ajoute que nous avons un ministre de l’intérieur qui fonctionne en faisceaux, c’est-à-dire qu’il sépare les choses. Mais quand on ajoute les unes aux autres toutes les propositions qu’il a formulées, et qui pour certaines deviennent réalité, on s’aperçoit que c’est terrible et parfaitement antidémocratique ! Ainsi, s’agissant du maire, on nous dit qu’il devra être un substitut du procureur, un shérif, un délateur, celui qui sera chargé de faire l’arbitrage vis-à-vis des familles. De même, dans la loi sur l’immigration, la troisième proposée par le ministre de l’intérieur, on lui demandait déjà de devenir un arbitre et de désigner les bons et les mauvais immigrés,…

M. Jean-Marc Roubaud. Le maire est un coordinateur !

M. Noël Mamère. …ceux qui peuvent s’intégrer et ceux qui ne le peuvent pas.

M. Jacques-Alain Bénisti. Hors sujet !

M. Noël Mamère. En additionnant la loi Perben II, la loi sur l’immigration et ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, nous voyons bien qu’on est dans une logique de sanction, de répression, de surveillance et de punition, et que l’on fragilise le dernier pilier de la démocratie dans ce pays : le maire.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 594, 595 et 598.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si la commission des lois n’y voit pas d’obstacle, le Gouvernement souhaiterait que soit appelé en priorité, à la reprise de nos travaux, son amendement no 293 après l’article 12, relatif au permis à points,…

M. Noël Mamère. Ah tiens ! Un peu de démagogie !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …, pour que le ministre des transports puisse le présenter et que l’Assemblée soit parfaitement éclairée.

M. le président. Cette demande est de droit, mais nous achèverons auparavant l’examen des amendements qui ont été déposés avant l’article premier.

Puisque c’est la dernière séance que je préside, je voudrais remercier le ministre et l’ensemble de mes collègues pour leurs propos sympathiques, et leur dire le plaisir qui a été le mien à présider nos séances, même les plus difficiles. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Jean-Christophe Lagarde. Un plaisir partagé, monsieur le président !

M. le président. Je remercie également du fond du cœur l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)