N° 1204
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2003.
DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
sur la
consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin
et de Saint-Barthélemy en application de l’article 72-4 de la
Constitution.
Outre-mer.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Monsieur le
président,
Messieurs les députés,
Par quatre décrets signés le 29 octobre 2003 et publiés au
Journal officiel du lendemain, le Président de la République a, sur
proposition du Gouvernement, décidé d’organiser le 7 décembre 2003 une
consultation des électeurs de la Martinique, de la Guadeloupe, de l’île
de Saint-Martin et de l’île de Saint-Barthélemy.
En Martinique et en Guadeloupe, la question posée aux électeurs
porte sur la création, dans ces deux régions monodépartementales, d’une
collectivité territoriale unique demeurant régie par l’article 73 de la
Constitution, c’est-à-dire par l’identité législative avec possibilités
d’adaptation, et se substituant au département et à la région.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, la question porte sur la
création d’une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la
Constitution.
Ces consultations sont organisées sur le fondement de
l’article 72-4 de la Constitution pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin,
et sur celui de l’article 73 de la Constitution - qui renvoie d’ailleurs
à l’article 72-4 - pour la Martinique et la Guadeloupe.
Le Gouvernement est tenu, en application de ce même
article 72-4, de faire une déclaration, suivie d’un débat, devant les
deux assemblées du Parlement, lorsque la consultation est organisée sur
sa proposition et qu’elle porte sur le changement de régime législatif -
tel le passage d’une collectivité du régime de l’article 73 vers le
régime de l’article 74. Le Conseil d’État a considéré que, lorsqu’est
envisagée, dans le cadre de l’article 73, la création d’une collectivité
nouvelle se substituant au département et à la région, le Gouvernement
doit également faire une déclaration au Parlement. Nous nous sommes
rangés à cet avis.
Mes propos porteront d’abord sur le nouveau cadre
constitutionnel des collectivités françaises d’outre-mer ; ensuite, sur
la démarche qu’a suivie le Gouvernement, saisi par les élus locaux de
propositions d’évolutions institutionnelles ou statutaires ; enfin, sur
les suites qu’il conviendra de donner aux consultations du
7 décembre 2003.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément rénové
le cadre constitutionnel de la France d’outre-mer.
Elle a consacré solennellement l’appartenance des collectivités
ultra-marines à la République en les mentionnant nominativement à
l’article 72-3 de la Constitution. Dans le même temps, elle a réunifié
juridiquement le peuple français en abolissant la distinction entre le
peuple français et les « peuples d’outre-mer ». Désormais, seule une
révision de la Constitution peut conduire à ce qu’une collectivité
ultra-marine sorte de l’ensemble français et ce, quel que soit son
statut. C’est dire que, régie par l’article 73 ou par l’article 74, les
collectivités situées outre-mer bénéficient du même degré de protection
constitutionnelle : le temps où l’article 74 était une sorte
« d’antichambre de l’indépendance » pour les territoires d’outre-mer est
bel et bien révolu.
Je note, d’ailleurs, que les courants indépendantistes sont
inexistants dans plusieurs collectivités régies par l’article 74 -
Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon - ou qui pourraient
l’être demain - Saint-Martin et Saint-Barthélemy - alors qu’ils
possèdent une audience électorale non négligeable dans certains
départements d’outre-mer comme la Martinique et la Guyane.
C’est dire que la puissance du sentiment séparatiste n’est pas
nécessairement proportionnelle au degré d’autonomie d’une collectivité !
Je le réaffirme donc ici avec force : l’article 73 et
l’article 74 sont sans incidence sur l’appartenance à la République des
collectivités qu’ils régissent et le passage de l’un vers l’autre
n’emporte sur ce point aucune espèce de conséquence.
Ainsi sécurisé, le débat institutionnel et statutaire peut
librement s’exercer, sous réserve que les changements les plus
fondamentaux recueillent l’accord des électeurs. C’est ainsi que le
passage du régime de l’article 73 vers l’article 74 ou, dans les régions
monodépartementales d’outre-mer, l’institution d’une collectivité unique
se substituant au département et à la région, doivent être autorisés par
les électeurs. Sans cette autorisation, les pouvoirs publics ne peuvent
agir plus avant, et une loi qui irait à l’encontre de la volonté
populaire serait inconstitutionnelle. C’est donc bien davantage qu’un
simple avis qui est ici recherché. C’est bien désormais un véritable
consentement qui doit s’exprimer dans le cadre d’un scrutin satisfaisant
à l’exigence de clarté et de loyauté.
Enfin, les collectivités qui composent l’outre-mer français ne
peuvent désormais être soumises qu’à deux types de régime législatif.
Dans le cadre de l’article 73, les lois et règlements sont
applicables de plein droit : c’est le régime de l’identité législative.
Mais ils peuvent faire l’objet d’adaptations aux « caractéristiques et
contraintes » des départements et régions d’outre-mer. Ces adaptations
peuvent résulter de la loi ou du décret, comme c’est déjà le cas depuis
1946, ou encore être définies localement, mais dans les conditions que
la loi organique devra encadrer et sur habilitation au cas par cas par
le législateur. Dans un nombre limité de matières, pour tenir compte de
leurs spécificités, les collectivités peuvent en outre adopter des actes
réglementaires dans le domaine de la loi : mais cet aménagement partiel
et encadré du principe d’identité législative ne doit naturellement pas
avoir pour effet d’en dénaturer la portée. A titre d’exemple, des
domaines comme les transports terrestres, l’environnement, l’urbanisme
ou l’aménagement du territoire pourraient être concernés par cette
procédure.
Dans le cadre de l’article 74, en revanche, ce pouvoir de
réglementer dans le domaine de la loi peut concerner toutes les matières
autres que régaliennes. En outre, c’est la loi organique qui, en fixant
les conditions dans lesquelles s’appliquent les lois et règlements,
détermine le plus ou moins grand degré de spécialité législative,
laquelle peut ainsi osciller entre la quasi-assimilation - c’est le cas
de Saint-Pierre et Miquelon - ou la très large autonomie - comme la
Polynésie française - avec des situations intermédiaires, telle Mayotte
où la spécialité s’applique aux deux tiers des textes environ.
Ainsi, on le voit, les deux régimes législatifs institués par
les articles 73 et 74 révisés permettent d’envisager, pour l’outre-mer,
toutes les solutions institutionnelles et statutaires, pourvu que soient
respectés les principes de la République : les matières dites
« régaliennes » - justice, police, défense, affaires étrangères, état
des personnes, etc. - demeurent toujours de la compétence de l’État.
Les deux régimes législatifs, dotés de la même force
constitutionnelle, sont également estimables : on n’est pas moins
Français parce que l’on vit dans une collectivité régie par
l’article 74. Nos concitoyens de ces collectivités d’outre-mer ont su
donner, par le passé, au même titre que ceux des départements
d’outre-mer, des preuves de leur attachement à la nation !
Naturellement, les autres dispositions du titre XII de la
Constitution ont vocation à s’appliquer aux collectivités régies par les
articles 73 et 74 : l’appartenance à l’outre-mer n’implique en aucune
façon une quelconque distanciation par rapport aux règles
constitutionnelles communes à l’ensemble des collectivités territoriales
de la République. Les collectivités situées outre-mer peuvent bénéficier
d’attributions supplémentaires par rapport à celles de la métropole ;
elles ne sauraient, en revanche, voir les droits de leurs habitants
restreints et les principes de l’État républicain ne sauraient y être de
moindre force qu’en métropole.
C’est dans ce cadre constitutionnel rénové, sécurisé et clarifié
que sont organisées les quatre consultations populaires qui font l’objet
de la présente déclaration.
Contrairement à ce que prétendent un peu hâtivement certains
commentateurs manifestement mal informés, ces consultations sont
l’aboutissement de longs débats, tant localement qu’au sein du
Parlement.
Je rappelle d’abord que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003
n’a pas été adoptée subrepticement : l’outre-mer y occupe tout de même
un peu plus de la moitié du texte ! Les débats qui ont précédé
l’adoption de la révision n’ont rien dissimulé des intentions du
constituant, qui a mis en œuvre les engagements du Président de la
République, dont les positions sur ce sujet ont été précisées dès le
discours de Madiana, à la Martinique, le 11 mars 2000.
En Martinique comme en Guadeloupe, la question de la
collectivité unique et de l’assemblée unique est ancienne : elle
apparaît en 1982, alors que le Gouvernement et le Parlement de l’époque
veulent mettre en place des conseils régionaux élus au suffrage
universel : le caractère monodépartemental des régions d’outre-mer est
regardé par de larges secteurs de l’opinion comme devant conduire, dans
un souci de simplification, à la création soit d’une collectivité unique
se substituant au département et à la région, soit à la mise en place
d’une assemblée délibérante commune aux deux collectivités. Le Conseil
constitutionnel, on le sait, a censuré une première tentative
d’assemblée unique dans sa décision du 2 décembre 1982, pour des raisons
principalement liées au mode de scrutin retenu pour cette assemblée, qui
dénaturait par trop l’institution départementale.
Le législateur a alors décidé, par la loi du 31 décembre 1982
d’instituer un conseil régional distinct du conseil général : ces
conseils régionaux d’outre-mer furent élus pour la première fois en
février 1983.
Depuis cette date, la coexistence sur le même territoire de deux
assemblées délibérantes dotées de la même légitimité démocratique, qui
n’a pas d’équivalent connu dans les démocraties contemporaines, n’a
jamais cessé d’être débattu.
Par ailleurs, l’article 73 dans sa rédaction initiale était
regardé comme trop contraignant eu égard aux nécessités de l’adaptation
des normes aux spécificités locales : là encore, le débat sur la
dévolution aux collectivités régies par l’article 73 d’un pouvoir
normatif, jugé nécessaire à l’exercice effectif de nouvelles
compétences, est ancien et récurrent.
Quant à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le débat statutaire y
est également ancien. On se souvient qu’en 1996 l’Assemblée nationale
avait, sur la proposition du président Pierre Mazeaud, adopté pour ces
deux îles une organisation particulière qui préfigurait à bien des
égards le dispositif qui sera soumis aux électeurs le 7 décembre. Cette
tentative n’a pu être menée à son terme.
Voici, très brièvement résumés, les termes du débat. Ils ont
d’ailleurs été largement développés, à l’occasion des discussions au
Parlement sur la révision constitutionnelle relative à l’organisation
décentralisée de la République, par de nombreux orateurs au sein des
deux Assemblées, et les rapporteurs du texte, MM. Garrec et Clément,
présidents des deux commissions des lois, s’en sont fait l’écho de
manière très complète dans leur rapport écrit.
C’est dire que l’on peut difficilement reprocher au Gouvernement
je ne sais quelle « aventure » en ce domaine : les observateurs
attentifs de l’outre-mer et de l’organisation territoriale de la
République ne sauraient être surpris par sa démarche.
Ce reproche est d’autant moins fondé que le rôle du
Gouvernement, sur ces questions, s’est limité à préparer et à mener une
révision de la Constitution, sans idée préconçue sur les évolutions
institutionnelles ou statutaires ultérieures. Conformément aux
engagements du Président de la République, le Gouvernement et le
Parlement, qui a adopté la révision constitutionnelle, ont tracé un
cadre dans lequel les évolutions peuvent être proposées au choix des
électeurs. Le Gouvernement n’est pas, en l’espèce, porteur d’un
quelconque projet : il n’a fait que proposer au Chef de l’État, gardien
de l’intégrité du territoire national et du respect de la Constitution,
de soumettre au vote populaire des réformes préparées et mûries
localement, et dont il a vérifié qu’elles étaient bien conformes à la
Constitution. Il ne prend position ni en faveur du « oui », ni en faveur
du « non ».
Ces réformes, sur le détail desquelles je reviendrai dans
quelques instants, s’inscrivent parfaitement dans le cadre de la
Constitution révisée et ne comportent donc aucun danger
d’affaiblissement du lien entre l’outre-mer et la République.
Elles sont le résultat d’un large accord entre les forces
politiques locales les plus représentatives, bien au-delà du
traditionnel clivage droite-gauche, et au sein des assemblées locales.
C’est en effet une condition à laquelle le Gouvernement attache
la plus grande importance : il n’entre pas dans ses intentions
d’utiliser la procédure de consultation populaire de l’article 72-4 de
la Constitution pour arbitrer des compétitions politiques locales. Le
recours au vote populaire doit permettre de trancher une question
concrète, à partir de propositions établies et discutées. La
consultation populaire n’est pas un sondage. Elle n’est pas non plus un
« questionnaire à choix multiples ». Dès lors qu’elle a valeur
décisionnelle, elle doit porter sur un projet qui se trouve en débat, et
sur un seul. Ainsi en dispose la Constitution. Le Gouvernement n’a donc
aucunement l’intention d’organiser une consultation populaire sur une
question qui ne fait l’objet d’aucune demande locale : ainsi, comme
aucun projet de ce type n’a vu le jour à la Réunion, il n’y aura pas de
consultation sur ce thème ; de même, le passage vers le régime de
l’article 74 n’étant demandé ni en Martinique, ni en Guadeloupe, les
électeurs n’en seront pas saisis.
Ce sont donc bien les propositions des élus locaux et elles
seules qui ont conduit le Gouvernement à proposer au chef de l’État
d’organiser ces consultations.
En Martinique et en Guadeloupe, les élus départementaux et
régionaux ont adopté, postérieurement à la loi constitutionnelle, des
résolutions sur l’évolution institutionnelle : ces orientations ont été
synthétisées sous la forme d’un document d’orientation.
Les élus de la Guadeloupe se sont prononcés à une très large
majorité.
En Martinique, le président du conseil général et le président
du conseil régional, dûment mandatés à cette fin par une commission
spécialement désignée par les deux assemblées, ont approuvé le document.
A Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, les deux conseils
municipaux ont chacun approuvé à l’unanimité le document d’orientation
propre à chaque île.
Chacun de ces documents d’orientation est visé par le décret qui
décide de consulter les électeurs dans la collectivité concernée.
Je vais maintenant procéder à la lecture de ces quatre
documents, qui figureront ainsi au compte rendu officiel de votre
séance. En effet, s’ils ne possèdent pas de force juridique propre, ces
documents d’orientation inspireront nécessairement les réformes qui
suivront les consultations, si le « oui » l’emporte. Ils constituent en
quelque sorte la « feuille de route » du Gouvernement pour l’élaboration
des futurs textes législatifs nécessaires à la mise en œuvre de la
volonté populaire.
Je donne lecture du document d’orientation sur l’évolution
institutionnelle de la Martinique :
« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par
la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation
décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière
d’évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la
Martinique :
« 1. La Martinique constituera, sur le fondement des articles 72
(alinéa 1er) et 73 de la Constitution, une collectivité
territoriale nouvelle se substituant au département et à la région de la
Martinique.
« Elle demeurera donc soumise au principe de l’identité
législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et
contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l’Union
européenne.
« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences
actuellement dévolues au département et à la région. Elle a en outre
vocation à exercer des compétences nouvelles, qu’il s’agisse de celles
qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de
décentralisation, ou des compétences normatives prévues aux alinéas 2 et
3 de l’article 73 de la Constitution.
« Les nouveaux domaines de compétences pourront notamment
comprendre l’aménagement du territoire, l’urbanisme, l’environnement,
l’énergie, les transports terrestres et maritimes, le logement et
l’habitat, la culture et le sport et la coopération régionale.
« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée
délibérante unique de 75 membres dont l’élection se fera dans une
circonscription électorale unique au scrutin proportionnel, avec une
prime majoritaire de 4 sièges pour la liste arrivée en tête, les 71
sièges restants étant répartis entre les listes ayant obtenu plus de 5 %
des suffrages exprimés. Le principe de parité entre les femmes et les
hommes sera appliqué.
« L’organe exécutif de la collectivité sera élu par l’assemblée
parmi ses membres et responsable devant elle.
« Trois conseils consultatifs, le conseil des communes, le
conseil économique et social et le conseil pour l’éducation et la
culture, bénéficieront de compétences d’initiative et de proposition. »
Je donne lecture du document d’orientation sur l’évolution
institutionnelle de la Guadeloupe :
« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par
la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation
décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière
d’évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la
Guadeloupe :
« 1. Régime constitutionnel et législatif : la Guadeloupe
constituera, sur le fondement des articles 72 (alinéa 1er) et
73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se
substituant au département et à la région de la Guadeloupe.
« Elle demeurera donc soumise au principe de l’identité
législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et
contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l’Union
européenne.
« 2. Compétences : la nouvelle collectivité exercera les
compétences actuellement dévolues au département et à la région. Elle a
en outre vocation à exercer les compétences normatives prévues aux
alinéas 2 et 3 de l’article 73 de la Constitution, et les compétences
nouvelles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois
de décentralisation.
« 3. Institutions : la nouvelle collectivité sera administrée
par une assemblée délibérante unique de 70 membres dont l’élection se
fera dans le cadre d’une circonscription électorale correspondant à
l’ensemble de la Guadeloupe. Cette élection se fera au scrutin
proportionnel avec une prime majoritaire de 4 sièges, les sièges
restants étant répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des
suffrages exprimés. En outre, chaque île bénéficiera d’une
représentation spécifique, au scrutin uninominal quand un siège sera à
pourvoir, et à la représentation proportionnelle au-delà. Le principe de
parité entre hommes et femmes sera appliqué.
« L’organe exécutif de la collectivité sera élu par l’assemblée
parmi ses membres et responsable devant elle.
« Les deux conseils consultatifs, le conseil économique et
social et le conseil pour l’éducation et la culture, seront maintenus et
bénéficieront de compétences d’initiative et de proposition
renforcées. »
Je donne lecture du document d’orientation sur l’évolution
statutaire de l’île de Saint-Martin :
« 1. Saint-Martin constituera, sur le fondement de l’article 74
de la Constitution, une collectivité d’outre-mer de la République ;
cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de
Saint-Martin, ainsi que, pour le territoire concerné, au département et
à la région de la Guadeloupe.
« A Saint-Martin, les lois et règlements s’appliqueront de plein
droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l’État, sous
réserve des mesures d’adaptation nécessitées par l’organisation
particulière de la collectivité.
« Saint-Martin demeurera soumise au statut de région
ultra-périphérique de l’Union européenne.
« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences
actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions,
ainsi que les compétences qui pourront être transférées ultérieurement à
ces collectivités dans le cadre des futures lois de décentralisation. La
collectivité pourra prendre des mesures relevant du domaine de la loi en
matière fiscale, à l’exception des prélèvements sociaux. Elle pourra en
outre adapter les lois et règlements en matière d’urbanisme, de
logement, de domanialité publique et d’enseignement. Elle aura vocation
à exercer ultérieurement des compétences nouvelles, dans le cadre et les
limites prévues à l’article 74 de la Constitution.
« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée
délibérante élue pour cinq ans dont l’élection se fera dans une
circonscription unique. Cette élection se fera au scrutin proportionnel,
avec une prime majoritaire. Le principe de parité entre les femmes et
les hommes sera appliqué.
« L’organe exécutif collégial de la collectivité sera élu par
l’assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.
« Deux conseils consultatifs, le conseil économique et social et
le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement,
bénéficieront de compétences d’initiative et de proposition. »
Enfin, je donne lecture du document d’orientation sur
l’évolution statutaire de l’île de Saint-Barthélemy :
« Dans le cadre de la Constitution révisée par la loi
constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation
décentralisée de la République, et pour tenir compte de la situation et
de l’histoire particulières de l’île de Saint-Barthélemy, telles
qu’elles résultent notamment du traité franco-suédois du 10 août 1877,
il est proposé aux électeurs de l’île de Saint-Barthélemy d’approuver
les orientations statutaires ci-après :
« 1. Saint-Barthélemy constituera, sur le fondement de
l’article 74 de la Constitution, une collectivité d’outre-mer de la
République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à
la commune de Saint-Barthélemy et, sur le territoire concerné, au
département et à la région de la Guadeloupe.
« A Saint-Barthélemy, les lois et règlements s’appliqueront de
plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de
l’État, sous réserve des mesures d’adaptation nécessitées par
l’organisation particulière de la collectivité d’outre-mer.
« 2. La nouvelle collectivité d’outre-mer exercera les
compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux
régions et celles qui pourront leur être transférées ultérieurement dans
le cadre des futures lois de décentralisation. Elle exercera en outre
les compétences dans les domaines suivants :
« a) Fiscalité, sans préjudice de l’établissement d’une
convention fiscale avec l’État qui déterminera la notion de résident ;
régime douanier ; réglementation des prix ;
« b) Urbanisme, aménagement, construction et logement ;
cadastre ; domanialité publique ; circulation et sécurité routières ;
voirie ; gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires ;
droit de l’eau ; énergie ; tourisme ; environnement ; sport ; culture ;
« c) Action sanitaire et sociale ; organisation et
gestion des établissements de soins ; du centre de secours, des
établissements hospitaliers, des établissements d’enseignement primaire
et secondaire ainsi que de la formation professionnelle ; transport
scolaire ;
« d) Postes et télécommunications ;
« e) Accès au travail des étrangers.
« Dans les matières qui relèveront de sa compétence, la
collectivité pourra prendre des mesures dans le domaine de la loi ; en
outre, dans certaines matières qui demeureront à titre principal de la
compétence de l’État, la collectivité pourra être habilitée à adapter
les lois et les règlements.
« 3. La nouvelle collectivité d’outre-mer sera administrée par
une assemblée délibérante élue pour cinq ans selon les modalités
actuellement prévues pour l’élection du conseil municipal.
« 4. Le président de l’assemblée délibérante, élu par cette
dernière parmi ses membres pour la durée du mandat, soit cinq ans, sera
l’organe exécutif de la collectivité d’outre-mer ; il sera assisté par
une commission exécutive élue pour la même durée par l’assemblée
délibérante, à la représentation proportionnelle de ses membres ; le
président et la commission exécutive seront responsables devant
l’assemblée délibérante.
« 5. Un conseil économique, social et culturel bénéficiera de
compétences d’initiative et de proposition ; il sera obligatoirement
consulté sur les projets d’actes et de délibérations de la collectivité
d’outre-mer à caractère économique, social ou culturel. »
C’est donc éclairés par ces documents d’orientation que les
électeurs se prononceront le 7 décembre prochain.
J’en viens maintenant aux conséquences des consultations.
J’évoquerai d’abord l’hypothèse d’une victoire du « non ».
Dans ce cas, la décision des électeurs empêche que soit
poursuivie - ou même entamée - une procédure d’évolution dans le sens
rejeté par la population, faute de l’autorisation du corps électoral
requise par la Constitution.
Le Gouvernement ne proposera donc au Parlement aucun texte qui
irait à l’encontre de la volonté populaire. Cela implique que la
Martinique ou la Guadeloupe demeureront des régions
mono-départementales, et qu’elles pourront toujours revendiquer
l’exercice des compétences nouvelles que l’article 73 de la Constitution
a prévues - sous réserve de l’adoption préalable d’une loi organique
pour en encadrer l’usage.
Pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélemy, le « non » aura pour
conséquence de maintenir ces îles dans le droit commun de l’article 73.
Demeurées dépendances de la Guadeloupe, les habitants de ces îles ne
pourront plus invoquer des tolérances, des coutumes et des usages,
notamment en matière fiscale, pour se dérober au droit commun,
puisqu’ils auront refusé une évolution leur accordant l’autonomie dans
ce domaine.
J’évoque maintenant l’hypothèse d’une victoire du « oui ».
Dans ce cas, sans y être tenu juridiquement, le Gouvernement
aura l’obligation politique et morale de préparer un projet de loi
organique et un projet de loi ordinaire qui comporteront des
dispositions nécessaires à l’organisation des nouvelles collectivités.
Ces textes seront bien sûr préparés en pleine concertation avec les
élus. Mais c’est en définitive le Parlement qui décidera ou non
d’adopter ces projets.
Ces collectivités seront naturellement soumises au respect des
règles et principes posés par le titre XII de la Constitution. Elles
seront dotées d’une assemblée délibérante élue au suffrage universel
direct, dont procédera un organe exécutif collégial qui sera responsable
devant l’assemblée. Dans toutes les collectivités, des conseils
consultatifs aux attributions étendues seront mis en place. Le
référendum local et le droit de pétition seront institués.
De manière générale, le Gouvernement veillera, dans la
préparation de ces projets de loi, à organiser le fonctionnement des
nouvelles collectivités dans la transparence et la démocratie interne.
Il s’agit, sans doute, d’une exigence qui doit prévaloir dans toutes les
collectivités territoriales de la République, mais qui revêt une acuité
toute particulière dans des collectivités qui bénéficieront de
compétences sans équivalent en métropole.
Bien évidemment, l’institution préfectorale sera maintenue dans
les collectivités nouvelles : comment pourrait-il en être autrement ? Le
représentant de l’État conservera les prérogatives que lui attribue la
Constitution, notamment en matière de contrôle de légalité.
Toujours dans l’hypothèse où le « oui » l’emporterait, les
collectivités ainsi créées en Martinique et en Guadeloupe seront dotées
d’une organisation institutionnelle particulière. Pour autant, elles
demeureront régies par l’article 73 et donc par le principe de
l’identité législative. C’est donc abusivement que l’on prétend ici ou
là que la suppression du département et son remplacement par une
collectivité territoriale nouvelle auraient des conséquences sur l’état
du droit applicable. Car en aucun cas, les droits qui résultent de la
départementalisation ne pourront être remis en cause. Il convient en
effet de ne pas accorder à l’adjectif « départemental » plus de portée
qu’il n’en a réellement.
S’agissant plus particulièrement de Saint-Martin et de
Saint-Barthélemy, les compétences normatives accordées à ces
collectivités, en particulier dans le domaine fiscal, ne remettront pas
en cause celles que l’État conservera en matière de procédure pénale, de
droit pénal, mais aussi de droit commercial, monétaire et financier : en
aucun cas, les compétences nouvelles accordées aux deux collectivités ne
pourront avoir pour effet de permettre la création de « paradis
fiscaux » ou de « centres off shore ».
Le pouvoir fiscal ainsi dévolu aux collectivités devra en tout
état de cause s’exercer dans le cadre de conventions avec l’État, afin
d’éviter tout phénomène d’évasion fiscale.
La réforme institutionnelle n’aura pas non plus d’incidences sur
le statut européen de la Martinique et de la Guadeloupe, et notamment
sur leur qualité de « région ultra-périphérique », au sens de
l’article 299-2 du traité de Rome modifié par le traité d’Amsterdam.
En effet, du point de vue des institutions de Bruxelles, c’est
l’application effective du droit communautaire qui importe : il revient
à chacun des États membres de veiller au respect de leurs obligations en
la matière par leurs entités territoriales. L’organisation interne des
États membres relève de leur souveraineté. Le projet de traité
constitutionnel devrait d’ailleurs réaffirmer ce principe. Son
article 5-1 dispose en effet que « l’Union respecte l’identité nationale
des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques
et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale
et régionale ».
De même, si l’article 299-2 du traité de Rome évoque les
« départements français d’outre-mer », il ne peut s’agir que d’une
référence géographique aux quatre départements ainsi dénommés à la date
de la signature du traité et non pas d’une référence juridique ou
statutaire.
Toute autre interprétation priverait la France de sa
souveraineté en matière d’organisation territoriale, en allant jusqu’à
lui interdire de changer la dénomination de l’une de ses collectivités.
Pour conclure, je voudrais, devant la représentation nationale,
souligner deux points essentiels.
C’est la première fois dans l’histoire que les électeurs des
Antilles sont appelés à se prononcer sur l’évolution de leurs
institutions dans le cadre de la République. Ni la départementalisation
en 1946, ni la création des conseils régionaux en 1982 n’ont été
soumises au suffrage populaire.
Ces scrutins sont l’illustration parfaite d’une démocratie
locale effective et vivante. Ils ne portent pas atteinte à la
souveraineté nationale. Ils permettent seulement aux citoyens concernés
d’autoriser des évolutions locales ou de s’y opposer.
Enfin, je tiens, une fois encore, à écarter de la façon la plus
solennelle les insinuations selon lesquelles l’évolution
institutionnelle locale serait un premier pas vers la séparation d’avec
la République. Quels que soient les résultats de ces scrutins, les liens
entre la métropole et l’outre-mer ne seront ni amoindris, ni distendus.
Aucun gouvernement n’a œuvré plus que celui-ci pour réaffirmer
l’appartenance pleine et entière de l’outre-mer à la République, sous la
haute autorité du Chef de l’État et avec le concours du Parlement, comme
en témoigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je souhaite que nos compatriotes des Antilles participent
nombreux, sans crainte et sans arrière-pensée, à ces consultations dont
l’enjeu strictement local les concerne très directement.
A l’issue de ces scrutins, il n’y aura ni vainqueur, ni vaincu.
Seule la démocratie triomphera.
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