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N° 902

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la diversité linguistique dans l'Union européenne

ET PRÉSENTÉ

par M. Michel HERBILLON,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Culture.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

RESUME DU RAPPORT 9

INTRODUCTION 15

PREMIERE PARTIE : LE REGIME LINGUISTIQUE DE L'UNION EUROPEENNE : DE L'EGALITE DE PRINCIPE A L'EFFICACITE PRAGMATIQUE 17

I. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DU REGIME LINGUISTIQUE DES INSTITUTIONS DE L'UNION EUROPEENNE 19

A. Un cadre juridique garant du multilinguisme 19

1) Les dispositions des traités 19

2) Le règlement n°1/58 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne 22

3) La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 23

4) Les résolutions adoptées par le Parlement européen 25

5) Les conclusions du Conseil des ministres de l'Union européenne 26

B. La spécificité du régime linguistique de l'Union européenne, au regard d'autres institutions européennes et internationales 27

1) Le régime linguistique de l'Organisation des Nations unies (ONU) 28

2) Le régime linguistique du Conseil de l'Europe 29

3) Le régime linguistique de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) 30

II. LE DEVELOPPEMENT DE PRATIQUES LINGUISTIQUES PROPRES A CHAQUE INSTITUTION 33

A. Le régime linguistique du Conseil de l'Union européenne 33

B. Le régime linguistique du Parlement européen 36

C. Le régime linguistique de la Commission européenne 38

D. Le régime linguistique de la Cour de justice et du Tribunal de première instance 39

1) Les langues de procédure 39

2) La langue du délibéré 40

E. Le cas des agences et organismes communautaires 41

F. Le régime linguistique de la Convention européenne 42

1) L'interprétation 42

2) La traduction 43

DEUXIEME PARTIE : QUEL REGIME LINGUISTIQUE POUR L'EUROPE ELARGIE ? 45

I. LE DEFI LINGUISTIQUE DE L'ÉLARGIS-SEMENT 47

A. La remise en cause du régime linguistique actuel 47

1) Vers un quasi-doublement du nombre des langues officielles de l'Union européenne 47

2) Les enjeux budgétaires 49

B. Les réponses récentes apportées au niveau interinstitutionnel 49

1) La définition d'une stratégie pour le Service commun d'interprétation et de conférences (SCIC) à l'horizon 2004 50

2) La réforme des conditions d'accès à la fonction publique communautaire 53

a) La création de l'Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) 53

b) Le régime linguistique des concours communautaires 54

c) La réforme du statut de la fonction publique communautaire 55

II. LES SCENARIOS POSSIBLES D'EVOLUTION 59

A. Au Parlement européen 59

1) Les options écartées 59

a) L'unilinguisme 59

b) La nationalisation des services linguistiques 60

c) Le multilinguisme intégral réservé à un nombre limité
de langues de travail 60

d) Le multilinguisme asymétrique 60

2) Le choix du « multilinguisme maîtrisé » 61

B. A la Commission européenne 65

1) Le choix du statu quo confirmé en 2001 65

2) L'adaptation du service de traduction au défi linguistique de l'élargissement 65

C. Au Conseil de l'Union européenne 66

1) Les régimes de langues fixes 67

a) L'hypothèse d'un régime intermédiaire à trois langues 67

b) L'hypothèse d'un régime intermédiaire à six langues 68

c) Les contradictions politiques d'un régime de langues fixes 68

2) Les régimes de marché 69

a) Qu'est-ce qu'un régime de marché ? 69

b) Les modalités de mise en œuvre 70

3) Les orientations formulées par la présidence grecque de l'Union européenne (juin 2003) 71

4) Les enjeux pour la France 71

a) Le respect d'objectifs clairement définis 71

b) La définition d'une stratégie franco-allemande sur la question linguistique 72

TROISIEME PARTIE : QUELLE EST LA PLACE DU FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS EUROPEENNES ? 75

I. LE RECUL DE LA PRATIQUE DU FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS DE L'UNION EUROPEENNE 77

A. Les facteurs du déclin 77

1) Les élargissements successifs 77

2) L'élargissement actuel 78

a) L'anglais, langue unique lors des négociations d'adhésion 78

b) L'utilisation du français dans les futurs pays membres 78

B. Les manifestations du déclin 79

1) La sensible diminution du nombre de documents initialement rédigés en Français 80

a) Au Conseil de l'Union européenne 80

b) A la Commission européenne 80

c) Au Parlement européen et à la Cour de justice 81

2) L'inflation du nombre d'irrégularités constatées 82

a) Les cas de discrimination dans les recrutements communautaires 82

b) La multiplication des appels d'offres en langue
anglaise 84

c) Les sites Internet des institutions européennes 85

II. UN DISPOSITIF POUR PROMOUVOIR LA PLACE DU FRANÇAIS EN EUROPE 89

A. Renforcer l'influence du français dans les institutions européennes 89

1) Le Plan pluriannuel pour le développement du français 90

a) Les objectifs du Plan pluriannuel 90

b) La mise en œuvre du Plan pluriannuel 91

2) La mise en œuvre d'actions concrètes 93

B. Promouvoir l'apprentissage des langues dans l'Union européenne 96

1) L'enseignement du français dans les pays de l'Union européenne 97

a) Dans l'Europe des Quinze 97

b) Dans les futurs pays membres 98

2) La politique européenne en faveur de l'apprentissage des langues 99

a) L'Année européenne des langues (2001) 99

b) Les programmes communautaires en faveur des
langues 99

c) L'action en faveur des langues régionales et
minoritaires 100

d) L'objectif de l'apprentissage de deux langues
étrangères en plus de sa langue maternelle 101

CONCLUSION 103

TRAVAUX DE LA DELEGATION 105

EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION 111

PROPOSITION DE RESOLUTION 113

ANNEXES 117

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 119

Annexe 2 : Règlement n°1 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne 123

Annexe 3: Résolution du Conseil du 14 février 2002 sur la promotion de la diversité linguistique et de l'apprentissage des langues dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de l'année européenne des langues 2001 125

Annexe 4 : Circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française 127

Annexe 5 : Plan pluriannuel d'action pour le français en préparation de l'élargissement de l'Union européenne (11 janvier 2002) 129

Annexe 6 : Déclaration de Strasbourg adoptée par l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (15 janvier 2003) 139

Annexe 7 : Note du directeur général de l'UNESCO sur les mesures destinées à améliorer sensiblement la répartition géographique du personnel de l'Organisation 141

Annexe 8 : Question au Gouvernement de M. Michel Herbillon, rapporteur, sur l'avenir du français dans l'Union européenne, et réponse de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes (11 juin 2003) 143

RESUME DU RAPPORT

Une Europe en V.O. : Pourquoi ?

l L'Europe en version originale, parce que l'Union européenne est une organisation politique et juridique sui generis fondée sur le principe d'égalité entre toutes les langues officielles : actuellement onze et bientôt vingt et plus. Il s'agit là d'une originalité qui distingue l'Union européenne des autres organisations internationales qui ne reconnaissent qu'un nombre limité de langues officielles.

l L'Europe en version originale, car nous vivons dans un monde multipolaire où la diversité culturelle et linguistique doit avoir toute sa place. La langue n'est pas neutre et c'est aussi grâce à cette richesse linguistique que l'Union européenne peut faire entendre une autre voix dans le monde.

l L'Europe en version originale car il s'agit là d'une condition essentielle de la citoyenneté européenne. Chaque Européen doit pouvoir disposer de la législation communautaire dans sa propre langue. C'est ainsi que le traité d'Amsterdam prévoit notamment que tout citoyen peut s'adresser aux institutions de l'Union dans sa propre langue, et recevoir une réponse dans la même langue.

*

L'élargissement historique que l'Union s'apprête à vivre va provoquer l'arrivée d'une dizaine de nouvelles langues, ce qui ne sera pas sans conséquences sur le régime linguistique des institutions.

Sur le plan des principes, l'Europe s'est dotée, dès sa création, d'un arsenal juridique très protecteur de la diversité linguistique, en consacrant dans plusieurs textes le principe d'égalité des langues officielles de l'Union, lequel a d'ailleurs fait l'objet du premier règlement (le règlement n°1/58 du 15 avril 1958) adopté par la Communauté européenne.

Actuellement, l'Union compte onze langues officielles(1). A ces onze langues, il faut ajouter le gaélique, langue officielle en Irlande, mais qui n'a qu'un statut particulier de langue des traités, l'Irlande ayant fait de l'anglais sa langue officielle au sein de l'Union européenne. En pratique, cela signifie que les traités sont rédigés en douze langues, alors que l'ensemble du droit dérivé ne l'est qu'en onze.

Le règlement de 1958 mentionne les langues officielles et les langues de travail, sans pour autant établir de différence entre les deux catégories puisqu'il est précisé que toutes les langues officielles sont des langues de travail... du moins en théorie. Car ce règlement confie à chaque institution le soin de prévoir, dans son règlement intérieur, les modalités de mise en œuvre du principe d'égalité. Il en résulte que les pratiques divergent d'une institution à l'autre.

Le Parlement européen est l'institution dont les pratiques sont les plus proches du principe d'égalité stricte entre toutes les langues. En effet, tant les débats en séance plénière que ceux en commission font l'objet d'une interprétation intégrale active dans les onze langues.

La Commission travaille dans trois langues : l'anglais, le français et loin derrière, l'allemand.

Au Conseil, on recense presque autant de régimes linguistiques qu'il existe de catégories de réunions. Pour l'essentiel, il faut retenir que les réunions qui se tiennent à un niveau politique (c'est-à-dire les réunions du Conseil européen et les réunions ministérielles du Conseil de l'Union) font l'objet d'une interprétation intégrale dans toutes les langues officielles ; cela continuera à être le cas après l'élargissement. S'agissant en revanche des réunions qui se déroulent à un niveau administratif, plusieurs régimes linguistiques distincts co-existent :

- les réunions du Comité des Représentants permanents - COREPER (les ambassadeurs des pays membres à Bruxelles) sont en trois langues : anglais, français et allemand ;

- les réunions des groupes de travail consacrés à la Politique étrangère et de sécurité commune (régime PESC) ne se déroulent qu'en deux langues : anglais et français ;

- les règles au sein des centaines d'autres groupes de travail (justice, environnement, transports, énergie...) sont très hétérogènes, allant de l'absence d'interprétation (« gentleman agreement », qui signifie que personne ne parle dans sa langue) à une interprétation intégrale.

Enfin, la Cour de Justice fonctionne selon un régime linguistique très particulier et très favorable au français qui constitue la langue unique de délibéré, ce qui signifie que les quinze juges (bientôt les vingt-cinq) doivent maîtriser le français.

Comment les institutions se préparent-elles à l'élargissement et dans quelle direction peut évoluer le régime linguistique ?

Le quasi-doublement du nombre de langues officielles va affecter le régime linguistique actuellement en vigueur.

S'agissant de l'interprétariat, le Service commun interprétation-conférences (SCIC) est la plus grosse machine à interpréter au monde :

11 000 réunions de la Commission, du Conseil, du Comité économique et social et du Comité des régions ;

700 interprètes mobilisés chaque jour pour gérer 110 combinaisons linguistiques et bientôt 420.

Face à ces chiffres impressionnants, le coût budgétaire est, contrairement aux idées reçues, relativement peu élevé puisque le cumul des coûts liés à l'interprétation et à la traduction de l'ensemble des institutions communautaires n'est que de 2 euros par an et par citoyen.

Les difficultés sont davantage techniques et matérielles. Il faut équiper les salles de réunion, recruter des traducteurs et des interprètes dans les nouvelles langues et s'assurer que les 420 futures combinaisons pourront être couvertes. Or, il n'existe pas de traducteurs maltais parlant le finnois. D'où la nécessité de recourir à un nombre restreint de langues pivot (au moins trois, voire cinq ou six) que les fonctionnaires européens doivent pouvoir maîtriser.

Quels sont les scénarios possibles d'évolution ?

La palette est large entre l'unilinguisme et le multilinguisme intégral.

Le Parlement européen a fait le choix politique d'un « multilinguisme maîtrisé » en généralisant le recours à trois langues pivot : l'anglais, le français et l'allemand.

La Commission devrait, quant à elle, conserver son régime de trois langues de travail  (anglais, français, allemand).

En ce qui concerne la Cour de justice, l'objectif est de conserver le français comme langue unique de délibéré même si deux points en particulier préoccupent le service de traduction de la Cour : d'une part, l'arrivée de nouveaux juges qui ne maîtriseront pas forcément le français et qui ont le pouvoir d'imposer l'anglais et d'autre part, la difficulté pratique qu'il y a à trouver des juristes linguistes dans toutes les nouvelles langues, qui soient également capables de travailler en français.

Mais la négociation la plus difficile est celle qui se déroule actuellement au sein du Conseil. Etant donné que le régime linguistique ne peut être modifié qu'à l'unanimité, le risque est grand d'un blocage durable. Nul ne remet en cause le principe de l'interprétation intégrale des réunions du Conseil européen (chefs d'Etat et de gouvernement) et des réunions au niveau ministériel du Conseil de l'Union. En revanche, rien n'est encore décidé quant aux très nombreuses réunions de travail. Il existe deux approches :

- L'une, fondée sur un système de langues fixes pour lesquelles l'interprétation et la traduction seraient systématiques. Ce régime présente l'avantage de la simplicité mais est politiquement très difficile à officialiser. En effet, comment justifier de privilégier telle langue plutôt qu'une autre ?

- L'autre est fondée sur une logique de marché (« request and pay ») selon laquelle chaque pays doit payer pour utiliser sa langue. C'est sur la base de cette approche que la négociation est aujourd'hui la plus avancée. Plusieurs modalités d'application sont envisageables, de la fixation d'un droit de tirage pour chaque pays, financé sur le budget communautaire, à la définition d'un régime de base constitué de quelques langues et d'un régime complémentaire de paiement à la demande. Ce système de marché aurait l'avantage, sous certaines conditions, de placer les Etats à égalité les uns avec les autres. Mais il présenterait l'inconvénient d'encourager certains pays à abandonner l'usage de leur langue, pour des raisons budgétaires. Cela serait très dommageable pour le plurilinguisme européen et conduirait, on le sait, à un recours quasi-systématique à l'anglais.

Quelle est la place du français au sein des institutions europeennes ?

Le français décline en Europe. C'est une réalité mais en aucun cas une fatalité. Les déclarations incantatoires, généreuses et générales, ne suffisent plus. Il est temps d'engager des actions concrètes et ciblées, pour répondre à un désir de français, au service d'une Europe qui assure la promotion de sa diversité culturelle et linguistique, que la Convention s'apprête à constitutionnaliser

La situation est préoccupante, surtout depuis l'élargissement de 1995 qui s'est traduit par un décrochage entre l'anglais et le français au sein des institutions. Ainsi, en 1986, 58 % des documents de la Commission étaient rédigés initialement en français, contre à peine 30 % en 2001. La proportion des documents rédigés en anglais est inverse. La situation est encore plus défavorable au Conseil.

Par ailleurs, les infractions constatées au régime linguistique sont de plus en plus fréquentes :

- annonces de recrutement spécifiant que les candidats doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise ;

- multiplication des appels d'offres en anglais, notamment pour la mise en œuvre des programmes de coopération PHARE et TACIS, ce qui est contraire au principe de non discrimination ;

- existence de plusieurs sites Internet des institutions qui ne sont disponibles qu'en anglais, l'exemple le plus flagrant étant celui de la Banque centrale européenne.

C'est dans le cadre de la francophonie que se déploie notre action en faveur du français dans les institutions européennes. Le cœur du dispositif se trouve formulé dans un « Plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte pluriculturel et plurilingue des institutions de l'Union européenne », signé le 11 janvier 2002 par la France, le Luxembourg et la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

Ce Plan pluriannuel est mis en œuvre par l'Agence intergouvernementale pour la francophonie. Il prévoit notamment des mesures en faveur de la formation en français de fonctionnaires des institutions européennes et des pays candidats, la formation d'interprètes et de traducteurs francophones ainsi que la diffusion de logiciels d'aide à la rédaction administrative.

S'agissant, par exemple, de l'offre de formation, il serait souhaitable de concentrer nos efforts humains et budgétaires en proposant la création d'un pôle européen de préparation aux concours communautaires et de formation continue des fonctionnaires européens, qui pourrait être localisé à Strasbourg, capitale européenne.

Mais le français sera d'autant plus présent en Europe que les systèmes éducatifs nationaux établiront l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères, ce qui n'est aujourd'hui le cas que dans sept pays de l'Union. Or l'exemple de l'Espagne est révélateur : on y recense aujourd'hui 1,3 million d'élèves apprenant le français contre seulement 250 000 en 1998, lorsqu'une seule langue étrangère était enseignée à l'école. Mais en retour, il est indispensable de favoriser, en France, l'enseignement des langues étrangères y compris celles des nouveaux pays membres.

« Le secret de l'avenir c'est le secret du style. L'Europe et le monde seront ce que sera la langue de demain. De même qu'à l'intérieur de notre pays, tout ira bien, même si les idées sont différentes, à condition que nous ayons tous la même façon humaine et sensible de les exprimer, de même tous ces édifices internationaux, sociaux ou moraux dont nous voyons la carcasse monter en quelques heures comme du ciment armé, ne vaudront que si les adjectifs, les prétérits, les anacoluthes et les métaphores sont ceux, non d'un dialecte artificiel et égoïste, mais d'un langage sensible et humain ».

Jean Giraudoux, Conférence prononcée à l'occasion du centenaire de Hernani,
Paris, 1930.

Mesdames, Messieurs,

Dix nouveaux pays, dix nouvelles langues : « La question linguistique est une bombe... ». C'est en ces termes que nombre des personnes entendues par le rapporteur ont qualifié ce sujet qui touche au plus profond d'entre nous, de notre culture et de notre identité. La langue, les langues, ne véhiculent pas que des mots ; au-delà, elles sont porteuses d'une histoire et de valeurs qui font aussi du langage le moyen d'exprimer une vision du monde.

Pendant longtemps, les Communautés européennes ne se sont pas posé la question des langues. Les six pays fondateurs ont d'emblée consacré le principe de l'égalité linguistique que les élargissements successifs viendront cependant progressivement fragiliser. L'adhésion prochaine de dix nouveaux pays est une chance historique qui scelle l'unité des peuples dans la diversité de leurs cultures. Mais pour que cette réunification du continent ne transforme pas Bruxelles en un Babel des temps modernes, il est temps de prendre conscience de l'urgence des réformes.

Diversité linguistique d'une part, efficacité politique et administrative d'autre part : comment concilier l'inconciliable ? Le régime linguistique des institutions communautaires est en sursis, et si rien n'est fait, la bombe à retardement est programmée pour exploser le 1er mai 2004, date de l'entrée officielle des futurs pays membres dans la « Grande Europe ».

Le sujet est complexe et les enjeux sont multiples. S'agissant du fonctionnement quotidien des institutions, la définition d'un régime linguistique européen stable et pérenne se heurte à toute une série d'obstacles budgétaires, matériels et bien sûr politiques. Le multilinguisme est bel et bien une « exception européenne » qui sous-tend des actions diverses en faveur de la promotion des langues et de la préservation des identités. En face, la menace, l'épée de Damoclès : une langue véhiculaire unique, l'anglais, ou plutôt ce qu'il reste d'une lingua franca qui ne ressemble plus beaucoup à l'original. Entre les deux, un modèle européen rénové reste à imaginer, qui assure le fonctionnement efficace des institutions de l'Union élargie.

Pour la France, l'enjeu linguistique est primordial, parce que c'est aujourd'hui en Europe que se joue l'avenir du français dans le monde. Dans le cadre d'une politique francophone ambitieuse, il est temps d'impulser une stratégie nouvelle et de dépasser les déclarations incantatoires qui enferment le français dans un affrontement dépassé avec l'anglais. Il est au contraire urgent d'apporter la démonstration politique que le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé.

Dans quelles langues les institutions travailleront-elles à l'avenir ? Sur quels principes devrait se fonder un compromis garant de l'intérêt général européen ? Comment répondre à l'urgence linguistique sans menacer l'usage du français ? Autant de questions difficiles qui n'appellent pas de réponses définitives mais la définition d'une politique résolue pour une Europe en version originale.

PREMIERE PARTIE :
LE REGIME LINGUISTIQUE
DE L'UNION EUROPEENNE :
DE L'EGALITE DE PRINCIPE
A L'EFFICACITE PRAGMATIQUE

L'originalité de la construction européenne, modèle juridique sui generis, est aussi linguistique. Le marché intérieur, la libre circulation des personnes et des biens ne signifie pas l'uniformité. C'est naturellement que les pays fondateurs se sont ralliés au principe d'égalité.

Saint-Exupéry écrivait : « Unifier, c'est nouer mieux les diversités particulières, non les effacer par un ordre vain ». Mais si à six, l'ordre linguistique eût été vain, à vingt et plus, le désordre linguistique conduira nécessairement les institutions de l'Union à se rallier à une forme de pragmatisme linguistique.

I. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DU REGIME LINGUISTIQUE DES INSTITUTIONS DE L'UNION EUROPEENNE

Le régime linguistique des institutions européennes est unique au monde. Le parti pris du multilinguisme n'a, au niveau des principes, jamais été remis en cause au fur et à mesure des élargissements successifs. Corollaire de l'égalité entre les pays, l'égalité linguistique se décline dans de nombreux textes de droit primaire et de droit dérivé. A la différence d'autres organisations internationales, l'Union européenne est en effet à l'origine de règles de droit contraignantes et directement opposables aux Etats et aux citoyens, ce qui justifie l'application d'un régime linguistique extensif.

A. Un cadre juridique garant du multilinguisme

Nul n'est censé ignorer la loi européenne, pour autant qu'elle soit accessible dans sa langue. Le régime linguistique de l'Union européenne est établi par de nombreux textes qui forment le socle d'un cadre juridique garant du multilinguisme.

1) Les dispositions des traités

En 1957, les traités constitutifs des Communautés européennes furent rédigés dans chacune des langues des pays fondateurs : allemand, français, italien et néerlandais. Il a été convenu lors de chaque élargissement que les versions linguistiques des nouveaux pays membres feraient également foi.

Le premier des traités, celui signé à Paris en 1951 et instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) ne fut cependant rédigé qu'en français, cette langue seule faisant foi :
Article 100 du traité CECA :


« Le présent traité, rédigé en un seul exemplaire, sera déposé dans les archives du gouvernement de la République française qui en remettra une copie certifiée conforme à chacun des gouvernements des autres Etats signataires ».

Un protocole annexé au traité prévoit néanmoins que les langues officielles et les langues de travail de la Communauté sont le français, l'allemand, l'italien et le néerlandais.

Les traités constitutifs des Communautés européennes sont peu explicites sur le plan linguistique.

Le traité de Rome de 1957 se contente en effet de déléguer au Conseil des ministres le soin d'élaborer un règlement fixant le régime linguistique des institutions. L'article 290 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) prévoit ainsi que « le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice, par le Conseil, statuant à l'unanimité ».

La règle de l'unanimité témoigne de la dimension politique de la question des langues, puisqu'elle équivaut à reconnaître un droit de veto à chaque pays, ce qui rend dès lors très difficile une évolution du régime linguistique de l'Union européenne.

Des dispositions du traité sur l'Union européenne préciseront ultérieurement la portée du multilinguisme :

- le régime linguistique de la Communauté a été étendu par le traité de Maastricht à la politique étrangère et de sécurité commune (art. 28 TUE, par renvoi à l'article 290 CE) et à la coopération du troisième pilier « Justice et affaires intérieures » (art. 41, par renvoi à l'article 290 CE).

S'agissant de la politique étrangère et de sécurité commune, une déclaration spécifique relative au régime linguistique a même été annexée au traité de Maastricht qui prévoit explicitement que le régime linguistique applicable est celui des Communautés européennes. Cette déclaration précise que « tous les textes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune qui sont présentés ou adoptés lors des sessions du Conseil européen ou du Conseil ainsi que tous les textes à publier sont traduits immédiatement dans toutes les langues officielles de la Communauté ». Cette transposition du plurilinguisme des Communautés a pour conséquence d'ouvrir l'usage des langues par rapport à la situation qui prévalait pour la coopération politique européenne, laquelle se caractérisait par l'usage exclusif du français et de l'anglais. Ce régime, adopté notamment à la demande de l'Allemagne, implique donc l'établissement de versions de tous les documents dans les onze langues officielles de l'Union européenne.

Le traité d'Amsterdam (1999) précise, quant à lui, le principe selon lequel « tout citoyen de l'Union peut écrire à une institution ou organe...dans l'une des langues... et recevoir une réponse rédigée dans la même langue » (art. 21 CE). Il s'agit là d'un droit fondamental, constitutif de la citoyenneté européenne.

Les compétences linguistiques des citoyens de l'Union
(en %)

Langue

Proportion de la population de l'UE dont c'est la langue maternelle

Proportion de la population de l'UE dont ce n'est pas la langue maternelle

Proportion totale parlant cette langue

Allemand

24

8

32

Français

16

12

28

Anglais

16

31

47

Italien

16

2

18

Espagnol

11

4

15

Néerlandais

6

1

7

Grec

3

0

3

Portugais

3

0

3

Suédois

2

1

3

Danois

1

1

2

Finnois

1

0

1

Source : Eurobaromètre.

2) Le règlement n°1/58 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne

Il n'est pas anodin de souligner que la question linguistique a fait l'objet du premier règlement adopté par la Communauté européenne. Ce texte, amendé au fur et à mesure des élargissements de l'Union, pose sans ambiguïté le principe d'égalité entre les langues officielles et de travail de l'Union.

On recense ainsi dans l'Europe des Quinze, onze langues officielles des institutions de l'Union qui sont l'allemand, l'anglais, le danois, l'espagnol, le finnois, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais et le suédois. En conséquence, l'ensemble des textes officiels, créateurs de droit ou non, sont rédigés dans les onze langues officielles ; il en est de même en ce qui concerne la publication du Journal officiel des Communautés européennes (JOCE).

Plusieurs remarques doivent cependant être formulées :

- d'une part, une différence existe entre les langues officielles et les langues des traités qui, elles, sont au nombre de douze. En effet, lorsque l'Irlande a adhéré à la Communauté, elle a renoncé à ce que le gaélique, première langue officielle nationale selon sa Constitution, devienne une langue officielle européenne, afin d'économiser les deniers communautaires. Son usage limité fait que seuls les traités sont traduits en gaélique, la législation secondaire étant traduite en anglais ;

- d'autre part, le luxembourgeois, langue parlée et non écrite, n'est pas non plus devenu langue officielle, le Grand-Duché lui préférant le français et l'allemand.

Le règlement de 1958 fait état des « langues officielles » et des « langues de travail », sans pour autant différencier ces deux catégories, les dispositions du règlement traitant en effet indistinctement des unes et des autres. Cela n'est pas, en pratique, sans poser de difficultés.

Conséquence de l'égalité linguistique, les institutions de l'Union ont l'obligation de correspondre avec l'extérieur dans la langue officielle de l'Etat destinataire. Cela signifie que, s'agissant des actes juridiques, les textes adressés par les institutions à un Etat membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat, et seule cette version linguistique fait foi.

S'il fixe le principe de l'égalité des langues officielles et de travail de l'Union, le règlement n°1/58 renvoie toutefois aux règlements intérieurs de chaque institution communautaire pour la mise en œuvre de ce principe. Une dérogation est néanmoins prévue pour le régime linguistique de la procédure de la Cour de justice, qui est déterminé dans le règlement de procédure de celle-ci, et ne relève donc pas du règlement de 1958.

3) La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Trois articles de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée solennellement en décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, font référence à la diversité linguistique.

L'article 21 de la Charte prohibe ainsi toute discrimination, notamment fondée sur la langue. La règle de « non-discrimination » s'impose comme un corollaire du principe d'égalité : l'une et l'autre interdisent d'établir entre les individus ou les groupes des différences de traitement non justifiées.

L'article 22 de la Charte énonce que « l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ». Cette disposition constitue un contrepoids nécessaire à la construction de l'Union européenne et exprime l'une des contradictions majeures de notre époque : d'un côté, la constitution d'ensembles de plus en plus vastes ; de l'autre, la volonté de conserver ou même de rétablir les traditions propres à chaque peuple et à chaque territoire. Considérer la langue d'une manière bureaucratique, simplement comme un moyen pratique pour communiquer, signifierait passer à côté de l'essentiel et ne pas comprendre pourquoi elle représente pour un peuple le symbole même de la liberté et de l'autonomie, et l'expression de sa culture et de son identité. L'arrivée de nouveaux pays libérés à la suite de l'effondrement du monde communiste ne rend que plus forte cette affirmation.

Cette disposition de la Charte pose également la question linguistique sous l'angle du droit des minorités et de la protection des langues régionales et minoritaires. Elle peut ainsi être interprétée comme le pendant de la reconnaissance, par l'Union européenne, d'un nombre limité de langues officielles. Le statut juridique dont bénéficient ces langues ne doit en effet pas conduire à fragiliser le statut des très nombreuses langues « non officielles » qui demeurent des langues parlées sans être des langues administratives. Or l'exclusion de la reconnaissance du statut de langue officielle et de travail pourrait nuire à la pérennité des langues les moins répandues. On observe également que certaines langues régionales sont davantage parlées que des langues nationales. Ainsi, si l'on se réfère au nombre de locuteurs dans les neuf nouvelles langues officielles des dix futurs pays membres, on remarque que le catalan occupe la deuxième position (10,8 millions de locuteurs) derrière le polonais (38,7 millions) mais devant le hongrois (10,5 millions) et le tchèque (10,3 millions).

Par ailleurs, le fait que certains pays ne connaissent sur leur territoire qu'une seule langue officielle n'empêche pas l'existence de statuts particuliers ; nombreux sont également les Etats qui reconnaissent plusieurs langues officielles : c'est le cas de l'Irlande avec le gaélique et l'anglais, de la Finlande avec le finnois et le suédois, de la Belgique avec le néerlandais, le français et l'allemand, et du Luxembourg avec l'allemand, le français et le luxembourgeois.

Enfin, l'article 41 relatif au « droit à une bonne administration » prévoit que « toute personne peut s'adresser aux institutions de l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue ».

Du Volapuk à l'Esperanto,

ou la quête d'une Lingua Franca

On recense plusieurs tentatives dans l'histoire de l'Europe de créer une langue supranationale. Le Volapük, première langue « construite » à avoir atteint un certain niveau de popularité est l'œuvre d'un moine allemand et date de 1880. Trop complexe, le Volapük a été abandonné par ses adeptes au profit de l'Esperanto, langue inventée en 1887 par le Dr Zamenhof. Cette langue véhiculaire est fondée sur une orthographe simplifiée par sa nature phonétique puisque tous les mots s'écrivent comme ils se prononcent. Né en Europe, l'Espéranto sera adopté par plus de 80 pays, particulièrement le Brésil et le Japon, et surtout la Chine où il est enseigné à l'université. Il sert à la traduction de livres scientifiques et techniques et il est parfois utilisé à la radio et dans la presse spécialisée.

4) Les résolutions adoptées par le Parlement européen

Le Parlement européen s'est prononcé à maintes reprises en faveur du plurilinguisme au sein de l'Union européenne. En 1982, le rapport Nyborg(2) insiste sur l'égal usage (actif, passif, écrit et oral) des langues officielles de l'Union dans toutes les réunions du Parlement européen et de ses organes. La résolution adoptée le 14 octobre 1982 sur le multilinguisme de la Communauté européenne « insiste pour que soit inscrit dans la future constitution de l'Union européenne le droit de chaque membre du Parlement européen à utiliser sa propre langue officielle dans ses relations avec toutes les institutions et organes de l'Union ».

En 1993, le rapport Hänsch(3) sur l'Union européenne affirme que les langues nationales de l'Union européenne sont les langues officielles de l'Union. Chaque citoyen et chaque député doit avoir le droit de s'exprimer dans sa propre langue dans les institutions de l'Union et de s'informer dans cette langue sur la politique et le fonctionnement de l'Union.

Dans une résolution du 6 mai 1994, les eurodéputés ont confirmé « l'importance de l'emploi sans discrimination de toutes les langues officielles comme langues de travail au Parlement européen ». Le Parlement européen insiste également de nouveau dans ce texte sur le droit pour un élu de s'exprimer et de travailler dans sa propre langue, estimant qu'il s'agit là d'une partie indissociable de l'exercice de son mandat.

En 1995, les députés européens avaient ainsi vivement réagi par une résolution d'urgence à des propos attribués à M. Alain Lamassoure, alors ministre français des affaires européennes, qui aurait évoqué la réduction à cinq du nombre des langues de travail de l'Union européenne.

Il convient enfin de mentionner le projet de décision sur le statut du député européen, qui a fait l'objet le 3 juin 2003 d'un vote en session plénière au Parlement européen, et qui prévoit que tous les documents du Parlement devront être traduits dans toutes les langues officielles et que les interventions devront faire l'objet d'interprétations simultanées dans toutes les autres langues officielles (mais non directement, ce qui permet un interprétation via des langues relais). Il appartient désormais au Conseil de marquer son accord sur ce projet.

5) Les conclusions du Conseil des ministres de l'Union européenne

Le Conseil de l'Union européenne s'est saisi à plusieurs reprises de la question de la diversité linguistique. Dans sa formation « Education et culture », le Conseil a adopté le 31 mars 1995, sous présidence française, une résolution concernant l'amélioration de la qualité et la diversification de l'apprentissage et de l'enseignement des langues au sein des systèmes éducatifs de l'Union européenne. Le texte énonce que les élèves devraient avoir, en règle générale, la possibilité d'apprendre deux langues de l'Union européenne autres que leur(s) langue(s) maternelle(s).

Quelques mois plus tard, en juin 1995, le Conseil « Affaires générales » a adopté des conclusions sur la « diversité et le pluralisme linguistique dans l'Union européenne ». Il y affirme « l'importance pour l'Union de sa diversité linguistique, élément essentiel de la dimension et de l'identité européennes ainsi que de l'héritage culturel commun ». Le Conseil souligne également « qu'il convient de préserver la diversité linguistique et de promouvoir le plurilinguisme dans l'Union, dans l'égal respect des langues de l'Union et à la lumière du principe de la subsidiarité ».

A la suite de l'année européenne des langues (organisée en 2001), le Conseil a adopté, le 14 février 2002, une nouvelle résolution par laquelle il invite de nouveau les Etats membres à promouvoir l'enseignement de deux langues étrangères(4).

La question linguistique est récemment remontée au Conseil européen, c'est-à-dire au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, à travers le dossier de la réforme du Conseil des ministres. Le Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin 2002 a ainsi invité les gouvernements des Etats membres à étudier la question de l'utilisation des langues dans la perspective d'une Union élargie et les moyens pratiques d'améliorer la situation actuelle sans mettre en cause les principes de base. Un rapport d'étape a été présenté en décembre 2002 par la présidence danoise de l'Union européenne et les négociations sont toujours en cours.

La diversité linguistique

dans la future Constitution européenne

L'article 3 du projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention européenne énonce que « l'Union respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique ».

La référence à la diversité linguistique ne figurait pas dans le projet initial présenté en février 2003 par le Présidium de la Convention, lequel a finalement dû tenir compte des nombreux amendements déposé sur ce sujet.

Par ailleurs, la Convention propose d'intégrer la Charte des droits fondamentaux dans la future Constitution, ce qui lui conférera une pleine valeur juridique, similaire aux autres dispositions constitutionnelles. Néanmoins, le texte constitutionnel s'en tient au principe de la diversité linguistique sans préciser le contenu de cette notion et la Convention n'a jamais débattu en session plénière d'une question qui reste politiquement très sensible, tant elle touche directement aux identités nationales et régionales.

B. La spécificité du régime linguistique de l'Union européenne, au regard d'autres institutions européennes et internationales

A la différence des autres institutions européennes et internationales, l'Union européenne présente la particularité d'édicter des normes juridiquement contraignantes. Cela a une conséquence directe sur le régime linguistique, notamment quant à l'obligation de publication des actes communautaires dans l'ensemble des langues officielles de l'Union. Le droit de l'Union se transforme en effet en législation nationale et devient ainsi directement applicable à tous les citoyens européens. Tel n'est en revanche pas le cas des institutions internationales et européennes non communautaires dont les textes adoptés, parfois juridiquement contraignants, ne sont pas directement opposables aux citoyens. Cette différence de nature se retrouve dans le régime linguistique en vigueur dans ces organisations.

1) Le régime linguistique de l'Organisation des Nations unies (ONU)

L'Organisation des Nations unies reconnaît six langues officielles : l'anglais, le français, l'espagnol, le russe, le chinois et l'arabe. On soulignera, marque de l'histoire, que l'allemand ne bénéficie pas du statut de langue officielle.

L'organisation travaille dans deux langues de travail qui sont l'anglais et le français. Mais la pratique tend à une utilisation de plus en plus systématique de l'anglais : 98 % des documents émanant du secrétariat et 80 % des documents émanant des délégations, alors même qu'une résolution adoptée en 1968 (résolution 2480) pose le principe selon lequel « toute promotion d'un grade à l'autre (...) en faveur du personnel soumis à la répartition géographique, est subordonné à la connaissance suffisante et vérifiée d'une seconde langue ». En réalité, il apparaît que plus de 50 % des promotions sont accordées à des fonctionnaires monolingues anglophones.

Principales langues utilisées pour
les interventions à l'Assemblée générale
des Nations unies (1992-1999)

 

1992

1999

Anglais

45 %

50 %

Français

19 %

13,8 %

Espagnol

12 %

10 %

Arabe

10 %

9,5 %

Source : Nations unies.

Face à cette situation, et en réaction à des pressions de plus en plus fortes(5), un rapport tendant à promouvoir le multilinguisme à l'ONU a été présenté en novembre 1997 par le Secrétaire général des Nations unies. Ce document encourage l'offre de formation linguistique des personnels, le recours à l'utilisation égale des deux langues de travail, la mise en circulation des documents une fois seulement qu'ils sont disponibles dans les deux langues de travail, la limitation des réunions informelles sans traduction et un meilleur équilibre linguistique de l'offre de services de documentation et de banques de données.

A l'UNESCO, la connaissance

du francais n'est plus indispensable...

L'UNESCO reconnaît six langues officielles (anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe) et deux langues de travail utilisées quotidiennement par le secrétariat de l'Organisation, qui sont l'anglais et le français. Cela nécessite une bonne maîtrise de ces deux langues par le personnel de l'UNESCO. En 2000-2001, le coût lié à l'interprétation dans les six langues officielles fut de 5 millions de dollars. Au sein du Conseil exécutif, composé de 58 Etats membres (émanation de la Conférence générale qui tient quatre sessions au cours de l'exercice biennal), environ 20% des interventions se déroulent en français. On peut regretter qu'une note du directeur général de l'UNESCO, datée du 17 octobre 2002(6), assouplisse la condition de maîtrise des deux langues de travail puisqu'elle prévoit que : « afin d'ouvrir davantage le processus de recrutement, il conviendra d'envisager de faire figurer sur la liste restreinte un candidat d'un pays non ou sous-représenté ayant une bonne connaissance d'une seule des langues de travail. S'il est engagé, ce candidat sera tenu d'acquérir dans un délai raisonnable la maîtrise de la seconde langue grâce à un programme de formation obligatoire ». Ne plus faire de la maîtrise des deux langues de travail une condition de sélection des fonctionnaires de l'UNESCO est un signe préoccupant de la moindre utilisation du français dans cette organisation.

2) Le régime linguistique du Conseil de l'Europe

Le français et l'anglais sont les deux langues officielles de l'Organisation du Conseil de l'Europe. Cependant, le règlement de l'Assemblée parlementaire, un des organes de cette Organisation, reconnaît en outre trois langues de travail qui sont l'allemand, l'italien et le russe(7).

¬ L'exemple de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

En ce qui concerne l'interprétation des débats au sein de l'Assemblée parlementaire et des commissions plénières, le règlement intérieur prévoit que les interventions prononcées dans une langue officielle ou de travail sont interprétées simultanément dans les autres langues officielles et de travail. Toutefois, les interventions peuvent être prononcées dans une langue autre que les langues officielles ou de travail ; dans ce cas, l'orateur doit assurer sous sa responsabilité l'interprétation simultanée dans l'une des langues officielles ou de travail. Un compte rendu officiel des débats de chaque séance est publié in extenso dans les langues officielles.

S'agissant des sous-commissions, les réunions ne font l'objet d'une interprétation que dans les deux langues officielles de l'organisation. Quant aux documents écrits, ils sont toujours disponibles en français et en anglais et la distribution des documents ne se fait qu'une fois la traduction achevée.

Utilisation des langues au sein de l'Assemble parlementaire du Conseil de l'Europe (Estimation)

Anglais

60 %

Français

20 %

Russe

10 %

Allemand

8 %

Italien

2 %

3) Le régime linguistique de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO)

Le régime linguistique de l'Assemblée parlementaire de l'UEO est régi par le titre X de la Charte de l'Assemblée et l'article 21 du Règlement intérieur. Les huit langues officielles sont celles des Etats membres de plein droit, c'est-à-dire les dix pays signataires du traité de Bruxelles modifié. Il s'agit de l'anglais, du français, de l'allemand, du néerlandais, de l'espagnol, du portugais, de l'italien et du grec. Outre les membres de plein droit, qui cotisent au budget de l'UEO, l'Assemblée accueille dix-huit autres pays avec des statuts divers (membres associés, observateurs, associés partenaires), qui doivent utiliser l'une des huit langues officielles. Dans la pratique, la langue utilisée est essentiellement l'anglais.

Les langues de travail sont l'anglais et le français. Les documents sont systématiquement et simultanément publiés dans les deux langues. Certains documents peuvent exceptionnellement être publiés dans les autres langues, mais cela ne se produit que rarement. En ce qui concerne l'interprétation simultanée, toutes les langues officielles sont des langues actives en session plénière. En commission, les langues officielles autres que les langues de travail ont le statut de langues passives ; les pays qui souhaitent qu'une interprétation active soit assurée dans leur langue nationale doivent en assumer la charge financière.

La pratique fait apparaître que l'anglais est de loin la langue la plus utilisée lors des débats, surtout depuis l'ouverture de l'Assemblée aux parlementaires d'Europe centrale et orientale, qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer dans leur propre langue.

Le régime linguistique dans les principales

organisations internationales

ONU

6 langues officielles : anglais, français, espagnol, russe, chinois et arabe.

2 langues de travail : anglais et français.

OCDE

Les langues officielles et les langues de travail sont le français et l'anglais. En pratique, fort déséquilibre en faveur de l'anglais.

OMC

3 langues officielles : anglais, français et espagnol (ajouté en 1979).

La catégorie « langue de travail » n'existe pas à l'OMC : l'anglais est de facto systématiquement employé ; c'est la langue de rédaction de près de 90 % des documents.

OTAN

L'anglais est la langue utilisée. Le français n'est employé qu'à de très rares occasions, pour les réunions à haut niveau.

UNESCO

6 langues officielles : anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe.

Le secrétariat de l'Organisation travaille en deux langues : l'anglais et le français.

OSCE

Les langues officielles et les langues de travail sont le français, l'allemand, l'anglais, l'espagnol, l'italien et le russe.

Le secrétariat travaille exclusivement en anglais. Plus de 90 % des documents émanant des délégations sont rédigés en anglais.

Assemblée parlementaire de l'UEO

8 langues officielles correspondant aux langues des Etats membres de plein droit : anglais, français, allemand, néerlandais, espagnol, portugais, italien, grec.

2 langues de travail : anglais et français.

Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

2 langues officielles : anglais et français

3 langues de travail, en plus des 2 langues officielles : allemand, italien et russe.

II. LE DEVELOPPEMENT DE PRATIQUES LINGUISTIQUES PROPRES A CHAQUE INSTITUTION

Alors que les traités, la législation communautaire et les décisions de la Cour de justice sont établis dans toutes les langues officielles en application du règlement n°1 de 1958, il appartient à chaque institution d'établir ses propres règles d'application du régime linguistique. La pratique indique que se développe, en marge du régime linguistique décrit précédemment, une réalité qui n'est pas toujours conforme à ce régime. L'égalité de statut entre toutes les langues officielles ne signifie pas que tous les débats font l'objet d'une interprétation systématique dans toutes les langues, et que les documents de travail sont nécessairement disponibles en onze versions.

A. Le régime linguistique du Conseil de l'Union européenne

C'est l'article 14 du règlement intérieur du Conseil qui fixe le régime linguistique en vigueur dans cette institution.

Article 14

« Sauf décision contraire prise par le Conseil à l'unanimité et motivée par l'urgence, le Conseil ne délibère et ne décide que sur la base de documents et projets établis dans les langues prévues par le régime linguistique en vigueur.

Chaque membre du Conseil peut s'opposer au délibéré si le texte des amendements éventuels n'est pas établi dans celles desdites langues qu'il désigne ».

Cette disposition assure une mise en œuvre fidèle des prescriptions du règlement n°1 de 1958, en prévoyant un régime linguistique dit « intégral ». De nombreuses distinctions doivent cependant être établies d'une part, selon la nature des réunions - au niveau politique ou administratif -, et d'autre part, selon qu'il s'agit d'interprétation ou de traduction.

¬ Le Conseil européen

Le Conseil européen, qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement, bénéficie d'un système d'interprétation intégrale, dans toutes les langues officielles de l'Union. Les onze langues sont dites « actives », ce qui signifie que chaque membre du Conseil européen a la possibilité de s'exprimer dans sa langue maternelle et de disposer d'une traduction des débats dans toutes les langues. C'est le régime d'interprétation le plus favorable, mais aussi le plus coûteux.

La fréquence réduite des réunions formelles du Conseil européen (quatre par an), et leur niveau politique justifient le recours systématique à un régime de multilinguisme intégral, que l'élargissement à dix nouveaux pays ne devrait pas remettre en cause.

¬ Les réunions ministérielles du Conseil de l'Union

A l'instar du Conseil européen, les réunions ministérielles du Conseil de l'Union font également l'objet d'une interprétation simultanée dans toutes les langues officielles. Ce régime multilingue intégral se justifie par le fait qu'on ne saurait exiger des membres des gouvernements des Etats membres qu'ils maîtrisent parfaitement une langue étrangère. Or, chacun le sait, la langue est un élément de pouvoir lors d'une négociation, et il ne faudrait pas qu'un représentant se retrouve, pour des raisons linguistiques, en difficulté face à un interlocuteur qui, lui, pourrait s'exprimer dans sa langue maternelle.

¬ Le Comité des représentants permanents (COREPER)

Le COREPER est l'organe qui réunit les ambassadeurs des différents Etats membres auprès de l'Union européenne. C'est l'échelon placé au sommet de l'ordre administratif communautaire. Le COREPER est chargé de dégager les accords politiques sur les projets et propositions de textes européens, afin que ne remonte au niveau ministériel que les points les plus difficiles.

Le régime linguistique du COREPER repose sur trois langues : l'anglais, le français et l'allemand. En pratique, les dispositions protectrices du règlement n°1 de 1958 font donc l'objet d'un assouplissement très sensible, tant pour des raisons budgétaires que par souci d'efficacité. En réalité, le fait que les représentants permanents résident à Bruxelles a pour conséquence qu'ils maîtrisent généralement bien l'une des trois langues précitées. On observera cependant la contrariété de cette pratique avec l'article 14 du règlement intérieur du Conseil, qui ne contient aucune disposition privilégiant spécifiquement l'emploi de certaines des langues officielles ou de travail. Ce régime linguistique scelle également une distinction entre langues officielles et langues de travail qui n'est pas prévue par les textes communautaires.

¬ Les groupes de travail du Conseil

Les pratiques linguistiques des très nombreux groupes de travail administratifs du Conseil se caractérisent par leur extrême hétérogénéité, étant entendu que l'interprétation n'est que très rarement assurée dans toutes les langues. Ces réunions de fonctionnaires spécialisés, négociant en amont, font l'objet de régimes particuliers allant de l'absence totale d'interprétation, au régime 11/11 de traduction complète, en passant par le régime spécifique des réunions PESC (politique étrangère et de sécurité commune) qui bénéficient d'une interprétation anglais / français. 

On a recensé en 2001 un total de 4 445 réunions du Conseil, toutes formations confondues, et ainsi réparties :

- 978 réunions en interprétation anglais/français (régime PESC) ;

- 222 réunions anglais/français/allemand (régime COREPER) ;

- 2178 réunions à régimes intermédiaires (nombre de langues variable selon les sujets traités) ;

- 1067 réunions à régime complet 11/11 (réunions du Conseil européen, du Conseil des ministres, groupes JAI, etc.).

Si l'on considère l'utilisation respective des onze langues officielles, il est possible d'établir la classification suivante :

- un groupe de langues dominantes : l'anglais et le français sont présents dans presque la totalité des formations ( à l'exception du groupe de travail « environnement international », uniquement en anglais) et par conséquent dans près de 100 % des réunions ;

- un groupe intermédiaire : l'allemand est présent dans 318 formations et 78 % des réunions. L'espagnol, l'italien et le néerlandais sont présents chacun dans 311 formations et 73 % des réunions. Le portugais est présent dans 286 formations et 54 % des réunions, le grec dans 263 formations et 45 % des réunions.

- un groupe des langues les moins utilisées : le finnois n'est ainsi présent que dans 130 formations et 30 % des réunions, le danois dans 130 formations et 24 % des réunions, et le suédois dans 65 formations et 24 % des réunions.

Le recours à une interprétation extensive est généralement lié au caractère technique des textes en discussion, qui font intervenir des experts nationaux qui ne maîtrisent pas nécessairement parfaitement une langue étrangère. Il en est ainsi des groupes de travail « Justice et affaires intérieures » qui se distinguent par un recours quasi-systématique au régime des 11 langues ; c'est aussi le cas, dans une moindre mesure, des groupes « Ecofin », « Agriculture » et « Pêche ».

S'agissant de la traduction des documents de travail, il apparaît nettement que certaines langues sont plus égales que d'autres. Selon les données fournies par le service de traduction du Conseil, l'anglais et le français sont les deux langues de travail essentiellement utilisées par les services. La situation de l'allemand est paradoxale : première langue utilisée au sein de l'Union européenne en raison du poids démographique de l'Allemagne, cette langue concerne moins de 5 % des documents.

Rédaction initiale des documents de travail du Conseil
(Mois de février 2003)

Anglais : 5 300 pages
Français : 2 000 pages
Allemand : 117 pages

Source : Service de traduction du Conseil de l'Union.

B. Le régime linguistique du Parlement européen

Le Parlement européen est l'institution dont le régime linguistique se rapproche le plus du multilinguisme intégral. Puisque tout citoyen de l'Union a le droit d'être élu député européen, on ne saurait exiger des membres du Parlement européen une parfaite maîtrise d'une langue véhiculaire, comme ce serait le cas pour un diplomate ou un fonctionnaire de l'Union européenne. Le droit de chaque député à suivre les débats parlementaires et à s'exprimer dans sa propre langue est expressément reconnu par le règlement du Parlement européen.

Article 117

Langues

« 1. Tous les documents du Parlement sont rédigés dans les langues officielles.

2. Tous les députés ont le droit, au Parlement, de s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Les interventions dans une des langues officielles sont interprétées simultanément dans chacune des autres langues officielles et dans toute autre langue que le Bureau estime nécessaire.

3. L'interprétation est assurée, au cours des réunions de commission, à partir des langues officielles utilisées et exigées par les membres titulaires et suppléants de cette commission, et vers ces langues ».

Le régime linguistique des séances plénières du Parlement européen est fondé sur le respect d'un plurilinguisme intégral 11/11. Cela signifie que chaque député européen peut s'exprimer dans sa langue et que son intervention est simultanément traduite vers les 10 autres langues officielles de l'Union. Ce régime peut toutefois être assoupli pour certaines réunions de commissions et des groupes politiques, au cours desquelles - selon la nationalité des députés participants - seulement certaines langues font l'objet d'une interprétation systématique, dans la mesure où aucun député ne s'y oppose.

Le Parlement européen emploie environ 240 interprètes permanents et compte une réserve de près de mille auxiliaires interprètes de conférence, parmi lesquels il recrute chaque jour de 200 à 500 unités pour couvrir ses besoins. En 2001, l'activité totale des seuls organes du Parlement s'est chiffrée à 56 000 journées interprètes, 50 % environ ayant été couverts par des interprètes fonctionnaires, et le reste par des auxiliaires interprètes de conférence.

S'agissant de la traduction des documents, le Parlement européen emploie plus de 1 150 traducteurs pour un coût estimé à 10 % de son budget. Tous les documents législatifs du Parlement européen doivent ainsi être traduits dans les onze langues officielles de l'Union. Cela concerne les comptes rendus des sessions plénières, les rapports parlementaires, avis, résolutions ainsi que les amendements.

C. Le régime linguistique de la Commission européenne

C'est une règle non écrite mais bien arrêtée. Le collège des commissaires et les services de la Commission travaillent dans trois langues : l'anglais, le français et dans une moindre mesure l'allemand.

Le règlement intérieur de l'institution est muet sur le sujet, et c'est de façon pragmatique que, principalement le français et l'anglais, se sont imposées comme langues de travail. Ainsi Romano Prodi ne s'exprime pas dans sa langue maternelle lorsqu'il préside la réunion hebdomadaire du collège des commissaires.

Ce quasi duopole linguistique ne concerne toutefois que les notes internes et projets de documents. Vers l'extérieur, l'ensemble des documents transmis officiellement par la Commission restent, bien entendu, soumis à une obligation de traduction dans les onze langues officielles.

Ainsi, en 2001, le service de traduction de la Commission a traduit 1 268 255 pages. 56,8 % des textes originaux étaient rédigés en anglais, contre 29,8 % en français, 4,3 % en allemand et 8,8 % dans les huit autres langues communautaires.

En revanche, la production du service de traduction est nettement plus répartie entre les différentes langues officielles, ce qui révèle le rôle essentiel joué par ce service dans les communications de la Commission avec les autres institutions communautaires, les administrations nationales et les citoyens de l'Union.

Pages reçues et produites en 2001 (en %)

 

Entrées

Sorties

Anglais

56,8

11,6

Français

29,8

12,7

Allemand

4,3

13,0

Italien

2,0

8,4

Espagnol

1,6

8,9

Néerlandais

1,5

8,0

Grec

1,1

7,8

Suédois

0,7

7,2

Portugais

0,7

7,8

Danois

0,6

7,1

Finnois

0,6

7,1

Source : Service de traduction de la Commission européenne.

D. Le régime linguistique de la Cour de justice et du Tribunal de première instance

A la différence des autres institutions communautaires, ni l'article 290 du traité CE, ni le règlement n°1 de 1958 ne s'appliquent directement aux juridictions communautaires. Le régime linguistique de la Cour de justice et du Tribunal de première instance sont déterminés par le règlement de procédure de chacune des juridictions. La règle de l'unanimité de l'article 290 est cependant respectée puisque qu'avant d'être adoptées par la Cour, les dispositions des règlements de procédure doivent être approuvées par le Conseil statuant à l'unanimité.

Les interprètes et traducteurs se distinguent également de leurs collègues des autres institutions, dans la mesure où les activités juridictionnelles nécessitent des compétences juridiques pointues. Ce sont ainsi de véritables juristes linguistes qui assurent les tâches d'interprétation et de traduction.

Le régime linguistique de la Cour de justice est fondé sur une distinction essentielle entre, d'une part, le pluralisme des langues de procédure et, d'autre part, une langue unique de délibéré.

1) Les langues de procédure

Pour chaque procédure engagée devant la Cour ou le Tribunal, on détermine la langue de procédure, qui est l'une des douze langues officielles (les onze langues, plus le gaélique). Dans les procédures préjudicielles, la langue de procédure est la langue utilisée par le juge national qui s'adresse à la Cour. Dans les recours directs, le requérant a la choix de la langue de procédure : il n'est lié ni par sa propre nationalité, ni par celle de son avocat. Toutefois, lorsque le défendeur est un Etat membre, la langue de procédure est la langue ou l'une des langues de cet Etat. Une fois la langue de procédure déterminée, elle doit être utilisée tout au long de la procédure, tant dans les écrits que lors de la procédure orale.

Chaque affaire nécessite ainsi la traduction :

- des pièces de procédure, à savoir les mémoires des avocats des parties, des représentants des gouvernements nationaux et des agents des institutions, ainsi que les demandes préjudicielles des juges nationaux ;

- des conclusions de l'avocat général et de l'arrêt. En effet, tant les arrêts de la Cour que ceux du Tribunal de première instance sont publiés au Recueil de jurisprudence qui paraît dans toutes les langues.

2) La langue du délibéré

La Cour a besoin d'une langue commune pour délibérer. Cette langue est traditionnellement le français, ce qui n'est pas neutre sur sa jurisprudence, qui se fonde davantage sur une tradition de droit continental plutôt que sur la Common law.

Toutes les pièces déposées par les parties dans la langue de procédure sont ainsi traduites vers le français pour constituer un dossier interne de travail. Les documents communiqués aux parties resteront cependant toujours rédigés dans la langue de procédure. Celle-ci revêt une importance particulière en fin de procédure puisque seul le texte de l'arrêt de la Cour ou du Tribunal en langue de procédure fera foi.

La direction de la traduction de la Cour de justice joue un rôle déterminant dans le dialogue entre les parties et le juge communautaire, tout au long de la procédure. Elle assure la traduction vers le français, à partir de toutes les langues communautaires, des pièces déposées par les parties, puis la traduction vers toutes les langues, et notamment vers la langue de procédure, des arrêts de la Cour et du Tribunal.

La traduction revêt une importance particulière au sein des juridictions communautaires, notamment au regard du droit des justiciables, tout retard dans la traduction entraînant en effet un allongement de la procédure.

E. Le cas des agences et organismes communautaires

Il existe quinze agences de l'Union européenne dont les régimes linguistiques ne font l'objet d'aucune harmonisation. Les règles linguistiques peuvent être prévues par le règlement communautaire créant l'agence : c'est le cas, par exemple, de l'Agence européenne pour la sécurité maritime pour laquelle les dispositions du règlement n°1 de 1958 sont applicables. En revanche, le règlement créant l'Agence européenne pour l'environnement est muet sur le sujet, et il appartient au Conseil d'administration d'établir le régime linguistique de l'agence. Il en est de même, par exemple, de la Fondation européenne pour la formation dont le règlement de création prévoit que « le conseil de direction fixe, à l'unanimité de ses membres, le régime linguistique de la fondation, en tenant compte de la nécessité d'assurer l'accès et la participation de toutes les parties intéressées aux travaux de la fondation » (8).

S'agissant de l'Office européen de police (EUROPOL), le régime linguistique constitue une difficulté réelle de fonctionnement. La traduction des travaux et des réunions de l'Office dans les onze langues officielles n'est pas sans poser de difficultés dans la mise en place d'un système informatique opérationnel. Sur proposition de la Délégation pour l'Union européenne, une résolution de l'Assemblée nationale, devenue définitive le 16 juin 2003, suggère de limiter à trois le nombre des langues de travail d'Europol(9).

Cette absence d'unité linguistique n'est pas satisfaisante et le fait de s'en remettre au Conseil d'administration des agences pour fixer les règles applicables conduit à s'écarter du principe d'équivalence des langues. Il en découle une insécurité linguistique à laquelle il serait nécessaire de remédier.

L'exemple du brevet communautaire

Lors du Conseil de l'Union européenne du 3 mars 2003, les ministres de l'industrie des Etats membres ont décidé à l'unanimité de relancer le processus d'instauration d'un brevet communautaire. Cette décision met fin à trente ans de tentatives infructueuses d'harmonisation des procédures en matière de dépôt de brevet. Jusqu'à présent, le régime du brevet européen, créé en 1973 et géré par l'Office européen des Brevets (OEB) basé à Munich, souffrait d'un handicap majeur lié au fait que l'inventeur devait prendre à sa charge les frais de traduction pour chaque Etat dans lequel il souhaitait faire appliquer le brevet ; le coût du dépôt s'en trouvait sensiblement augmenté : environ 50 000 euros contre 10 000 euros aux Etats-Unis.

S'agissant du régime linguistique du futur brevet communautaire, il est envisagé que la demande soit désormais déposée dans l'une des trois langues officielles de l'OEB, c'est-à-dire l'anglais, le français ou l'allemand. Cet organisme se chargera ensuite de la traduction vers les deux autres langues. Puis, dans un « délai raisonnable » à compter de la délivrance du brevet communautaire, le déposant devra, à ses frais, déposer une traduction des revendications dans toutes les langues officielles de l'Union, sauf si un Etat membre renonce à la traduction dans sa propre langue. La partie technique, beaucoup plus volumineuse, sera exemptée de cette formalité. Cette mesure devrait ramener le coût du brevet à 23 000 euros.

La négociation a ainsi pu aboutir à une solution équilibrée qui préserve le plurilinguisme (la solution d'un dépôt exclusivement en anglais a été rejetée) tout en apportant une réponse concrète aux difficultés liées au multilinguisme.

F. Le régime linguistique de la Convention européenne

Le régime linguistique appliqué au sein de la Convention européenne est défini dans les « méthodes de travail »(10) de cette assemblée.

1) L'interprétation

Les sessions plénières ont fait l'objet d'une interprétation simultanée intégrale dans les onze langues officielles de l'Union. S'agissant des groupes de travail, les règles furent en revanche beaucoup plus restrictives puisque les réunions se sont le plus souvent déroulées en deux voire trois langues. L'anglais et le français ont systématiquement bénéficié d'un régime de langue active, ce qui n'était pas toujours le cas de l'allemand. L'italien et l'espagnol, souvent absents, ont eu le statut de langue passive dans environ la moitié des réunions.

Les représentants des pays candidats à la Convention ont dû s'exprimer dans l'une des langues officielles de l'Union, ce qui a provoqué un certain mécontentement. Un accord a finalement été trouvé avec le Présidium de la Convention, qui les a autorisés à s'exprimer dans leur langue maternelle à condition qu'ils prennent à leur charge le coût financier lié à cette interprétation(11). En conséquence, les représentants des pays candidats se sont la plupart du temps exprimé dans l'une des onze langues officielles de l'Union.

Quant aux réunions du Présidium, elles se sont dans un premier temps déroulées sans interprétation, onze des douze membres maîtrisant très bien le français. La britannique Mme Gisela Stuart, représentante de la composante des parlements nationaux, ne parlant pas le français, a pu bénéficier d'une interprétation consécutive.

Mais dès lors que le Présidium a débattu sur des projets d'articles du futur Traité constitutionnel, ses réunions ont fait l'objet d'une interprétation intégrale.

2) La traduction

En ce qui concerne la traduction, deux régimes doivent être distingués :

les documents émanant du Présidium et du secrétariat de la Convention (méthodes de travail, notes préparatoires aux sessions plénières, comptes rendus des sessions plénières, correspondance avec les conventionnels, ...) ont systématiquement fait l'objet d'une traduction en onze langues. Toutefois, les documents préparatoires des groupes de travail n'ont généralement été disponibles qu'en anglais et en français, et la simultanéité de la communication des deux versions n'a pas toujours été respectée ;

- les contributions et amendements déposés par les membres de la Convention n'ont en revanche fait l'objet d'aucune traduction, pour des raisons à la fois pratiques et budgétaires. La traduction restait possible, mais à la charge des conventionnels ;

- il faut enfin mentionner le site internet de la Convention, traduit dans les onze langues officielles, et pour lequel un effort remarquable a été déployé afin que les différentes versions linguistiques soient simultanément mises en ligne.

RECOMMANDATIONS

1. Tout représentant du peuple doit pouvoir, en toutes circonstances, s'exprimer dans sa langue maternelle.

2. Les régimes linguistiques des agences de l'Union européenne et des organismes communautaires devraient être harmonisés et se fonder sur un nombre limité de langues de travail.

DEUXIEME PARTIE :
QUEL REGIME LINGUISTIQUE
POUR L'EUROPE ELARGIE ?

Dix nouvelles langues, et bientôt plus, feront dans quelques mois leur entrée officielle dans l'Union européenne. Depuis plusieurs années, les institutions se préparent à ce défi linguistique sans précédent. Entre unilinguisme et multilinguisme intégral, plusieurs scénarios sont possibles pour que l'Union remporte le pari du plurilinguisme.

III. LE DEFI LINGUISTIQUE DE L'ÉLARGIS-SEMENT

A la veille de l'élargissement, la question linguistique n'a jamais été aussi sensible. Les ordres de grandeur sont considérables. On évalue en effet la masse de papier utilisée chaque mois par la Commission pour traduire l'ensemble des documents à près de la moitié de la surface du Luxembourg ! Quant à l'acquis communautaire que chaque futur pays membre devra traduire à ses frais, il représente à lui seul près de 100 000 pages...

A. La remise en cause du régime linguistique actuel

Le statu quo n'est plus viable. A régime constant, le quasi-doublement du nombre de langues s'accompagne d'importantes contraintes budgétaires et techniques auxquelles les institutions tentent d'apporter, de façon pragmatique, des réponses appropriées.

1) Vers un quasi-doublement du nombre des langues officielles de l'Union européenne

L'égalité entre les langues officielles des Etats membres constitue un principe fondateur de l'Union européenne. Au début, dans les années 1950, ce principe était simple à appliquer : les Communautés étaient constituées de six pays représentant quatre langues (français, allemand, italien et néerlandais). En 1973 avec le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark, deux autres langues se sont ajoutées, dont l'anglais. Aujourd'hui à quinze, il existe onze langues officielles et de travail. Demain avec l'élargissement, l'horizon linguistique de l'Union s'ouvre vers neuf ou dix nouvelles langues selon que Chypre sera ou non réunifiée(12).

Les nouvelles langues seront  le polonais, le hongrois, le tchèque, le slovaque, le lituanien, le letton, le slovène, l'estonien et le maltais. Dans l'hypothèse d'une adhésion de Chypre réunifiée, le turc pourrait acquérir le statut de langue officielle de l'Union européenne.

Les neuf langues officielles

des futurs pays membres

LANGUE

POPULATION

(en millions d'habitants)

Polonais

38,7

Hongrois

10,5

Tchèque

10,3

Slovaque

5,4

Lituanien

3,7

Letton

2,4

Slovène

2,0

Estonien

1,4

Maltais

0,4

Il faut savoir qu'actuellement, le Service commun d'interprétation et de conférences (SCIC) interinstitutionnel organise chaque année environ 11 000 réunions de la Commission, du Conseil, du Comité économique et social et du Comité des régions. Plus de 700 interprètes sont ainsi chaque jour mobilisés, qui doivent gérer quelque 110 combinaisons linguistiques différentes. L'impact de l'élargissement à 20 ou 21 langues se traduira par le passage de 110 à 420 du nombre de combinaisons possibles. Une équipe de 105 interprètes sera alors nécessaire pour la tenue d'une réunion en régime complet. Mais il sera toutefois quasiment impossible de procéder à des interprétations directes dans les nouvelles langues, alors que l'interprétation du grec au finnois nécessite déjà en pratique le passage par une langue relais.

En ce qui concerne le Conseil, il n'existe à ce jour que deux salles équipées de deux cabines, alors que six seraient nécessaires pour accueillir l'ensemble des réunions. Il sera également très difficile de trouver le nombre requis d'interprètes de conférence pour couvrir toutes les langues durant chaque réunion.

L'argumentation est similaire pour la traduction, puisque le maintien d'un service complet supposerait des investissements considérables en matière de formation de traducteurs, et pourrait conduire à un allongement significatif - et préjudiciable - des délais de traduction.

2) Les enjeux budgétaires

En valeur absolue, le coût de la traduction en onze langues des interventions officielles est considérable : s'agissant du seul Parlement européen, le coût du multilinguisme est estimé à 274 millions d'euros, tous frais confondus (interprétation, traduction, formation professionnelle, frais immobiliers, etc.), soit environ 30 % du budget global de l'institution parlementaire.

A la Commission, le coût annuel de fonctionnement du Service de traduction est de 197 millions d'euros par an. S'agissant de l'interprétation, le coût moyen actuel pour une réunion d'une journée à la Commission est d'environ 5 200 euros. Après l'élargissement, ce chiffre devrait augmenter légèrement pour atteindre 5 750 euros.

En ce qui concerne le Conseil, le coût de l'interprétation des réunions est de 45 millions d'euros (données 2000) et correspond à une moyenne de six langues interprétées par réunion. Un interprète facturant 625 € une journée de travail, le coût de l'interprétation d'une langue supplémentaire est estimé à environ 8 millions d'euros par an. Le coût de l'interprétation de 21 langues serait donc d'environ 165 millions d'euros par an. Cette augmentation, quoique très importante, doit toutefois être relativisée au regard du coût par habitant ou par rapport au PIB de l'Union élargie.

A la Cour de justice, les fonctionnaires et agents de la direction de la traduction et de la division de l'interprétation représentent environ la moitié des effectifs de la Cour, soit environ 500 personnes sur 1 000.

Pour autant, le coût du fonctionnement de l'Union dans onze langues officielles, toutes institutions confondues, ne représente que deux euros par citoyen de l'Union et par an. L'argument budgétaire doit donc être nettement relativisé, et cesser d'être présenté comme l'obstacle majeur à l'application du régime linguistique. La transposition d'un régime d'interprétation aux dix nouveaux pays n'augmenterait les coûts que d'un euro par citoyen.

B. Les réponses récentes apportées au niveau interinstitutionnel

Une approche interinstitutionnelle est nécessaire pour répondre efficacement à la problématique linguistique. Tant la définition d'une stratégie appropriée pour le Service commun d'interprétation et de conférences (SCIC) que la création de l'Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) visent à mieux adapter la gestion administrative de l'Union à la nouvelle donne linguistique.

1) La définition d'une stratégie pour le Service commun d'interprétation et de conférences (SCIC) à l'horizon 2004

Le SCIC est le plus grand service d'interprétation du monde. Il fait partie de la Commission européenne et relève de la compétence du commissaire M. Neil Kinnock. Comme son nom l'indique, c'est un service commun, qui assure une interprétation pour différentes institutions communautaires : la Commission, le Conseil de l'Union, le Comité économique et social, le Comité des régions, la Banque européenne d'investissement et d'autres organes de l'Union européenne. Le SCIC n'intervient en revanche pas pour le Parlement européen, qui dispose de son propre service d'interprétation.

Le SCIC assure l'interprétation d'une cinquantaine de réunions par jour, à Bruxelles et ailleurs. Les régimes linguistiques de ces réunions varient considérablement, allant de l'interprétation consécutive à deux langues, qui requiert la présence d'un seul interprète, à l'interprétation simultanée vers onze langues, pour laquelle trente trois interprètes sont nécessaires (trois interprètes pour chacune des onze cabines). Les différentes institutions ont des besoins très différents. En règle générale, les représentants élus (par exemple, les ministres dans les réunions officielles, les réunions plénières du Comité des régions ou du Comité économique et social) bénéficient d'une couverture linguistique symétrique totale, alors que les fonctionnaires et les experts sont soumis à toute une série de régimes différents, en fonction de leurs besoins réels et des ressources disponibles.

Le glossaire de l'interprétation

Consécutive : interprétation après la communication de l'orateur.
Simultanée 
: interprétation pendant que l'orateur s'exprime.

Langues actives / langues passives : une langue active est une langue vers laquelle l'interprétation est assurée tandis qu'une langue passive est une langue à partir de laquelle l'interprétation est assurée vers la ou les langues actives. Par exemple, si l'on souhaite que l'interprétation soit assurée vers l'anglais à partir du français, de l'allemand et de l'arabe, l'anglais sera dite langue active, tandis que le français, l'allemand et l'arabe seront appelées langues passives.
Relais
 : interprétation d'une langue vers une autre en passant par une troisième.
Pivot
 : utilisation d'une seule et même langue comme relais.
Cheval
 : interprète travaillant alternativement dans deux cabines au cours d'une même réunion.
Asymétrique
 : tous les délégués écoutent l'interprétation dans un nombre restreint de langues.
Chuchotage
 : interprétation simultanée chuchotée à l'oreille de l'intéressé.

Dans la perspective de l'élargissement, le SCIC a défini une stratégie afin d'être techniquement en mesure de répondre aux besoins en interprétation de et à partir des langues des nouveaux Etats membres.

Après l'élargissement, ce chiffre devrait augmenter très légèrement pour atteindre environ 5 750 euros. Une Communication présentée par M. Neil Kinnock au printemps 2002 établit les besoins à 40 interprètes à temps plein par nouvelle langue, tous statuts confondus(13). En effet, afin de limiter les coûts budgétaires, le recours est favorisé à l'externalisation d'une partie des effectifs : les interprètes indépendants (« free lance »), non statutaires, constituent un instrument de souplesse de gestion qui permet d'assurer une maîtrise des coûts d'interprétation. Pour atteindre l'objectif d'une répartition paritaire entre ressources internes et ressources externes, le service envisage de créer 20 postes par nouvelle langue, ce qui entraînerait une augmentation des effectifs de 40 %.

Les principaux axes de la stratégie définie par le SCIC sont :

- la sensibilisation des autorités nationales des pays membres et des pays candidats aux besoins de formation en interprétation. Actuellement, les ressortissants de l'Union européenne qui étudient les langues des pays candidats sont très peu nombreux. Néanmoins, l'intérêt pour les langues d'Europe centrale et orientale croît et celles-ci commencent à apparaître dans les programmes d'études des écoles d'interprètes. En Belgique, par exemple, le gouvernement régional flamand a décidé de subventionner, dans trois écoles, la formation d'interprètes ayant dans leurs combinaisons de langues le polonais, le tchèque et le hongrois. On constate également une évolution dans les futurs pays membres. Ainsi, l'Université ELTE de Budapest, l'Université Charles de Prague et l'Université de Varsovie participent au Master européen d'interprétation conférence (EMCI) ;

- l'utilisation plus systématique des nouvelles technologies susceptibles d'apporter des solutions novatrices aux besoins en communication et en interprétation (par exemple, l'interprétation à distance rendue possible grâce aux techniques de visioconférences).

- l'adaptation de la capacité d'accueil des bâtiments pour organiser des réunions avec interprétation intégrale ;

- la maîtrise des coûts d'interprétation, qui suppose dès que cela est justifié, un recours privilégié aux régimes asymétriques et aux techniques d'interprétation les plus adaptées à chaque situation. Un élément fondamental de la maîtrise des coûts de l'interprétation est également lié à une meilleure gestion de la planification des réunions ;

- le renforcement des actions de coopération interinstitutionnelle, notamment la collaboration avec les services d'interprétation du Parlement européen et de la Cour de justice. La collaboration inter-services est en effet indispensable pour créer les synergies nécessaires en matière de planification des calendriers des réunions et d'utilisation réciproque de ressources humaines, permanentes ou externes, selon les besoins et les cycles d'activité de chaque institution. De même, la coopération en matière d'utilisation d'infrastructures devrait être encouragée et la gestion commune des ressources externes d'interprétation pourrait être envisagée.

Le SCIC en chiffres

450 interprètes permanents
200 à 300 interprètes indépendants par jour
2 000 interprètes indépendants agréés
50 réunions par jour
11 500 journées de réunion par an
145 000 journées-interprètes par an
Coût total de fonctionnement en 2001 : 105 millions d'euros,
soit 0,28 euro par citoyen européen par an

2) La réforme des conditions d'accès à la fonction publique communautaire

a) La création de l'Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO)

L'EPSO, organisme interinstitutionnel, a été créé en janvier 2003 afin de rationaliser la programmation et l'organisation du recrutement des fonctionnaires communautaires, alors que l'élargissement à dix nouveaux pays rend nécessaire une augmentation des effectifs(14).

En 2003, la priorité essentielle de l'EPSO est ainsi de programmer les procédures de recrutement liées à l'élargissement pour toutes les institutions communautaires. Une première vague d'une cinquantaine de concours a d'ores et déjà été lancée et le recrutement continuera au cours des premières années suivant l'adhésion jusqu'en 2010, en fonction des besoins en personnel des différentes institutions.

Le premier défi auquel a dû faire face l'EPSO a consisté à trouver le personnel auxiliaire originaire des pays candidats à l'adhésion, avant que ceux-ci ne rejoignent formellement l'Union le 1er mai 2004. Les concours liés à l'élargissement sont considérés comme prioritaires et représenteront une grande partie des ressources de l'EPSO dans les cinq prochaines années. Des concours seront alors, pendant une période transitoire, réservés aux ressortissants des nouveaux pays membres.

Un appel a ainsi été lancé en novembre 2002, qui a suscité plus de 25 000 candidatures. Cette première série de concours à destination des ressortissants des pays candidats, concerne le recrutement d'interprètes et de traducteurs. Sur la création envisagée d'environ 6 000 nouveaux postes entre 2004 et 2010 (pays membres et pays candidats), les services de traduction devraient capter près de 600 postes et les directions de l'interprétation approximativement 800 emplois.

b) Le régime linguistique des concours communautaires

Le passage de 11 à 20 ou 21 du nombre des langues officielles de l'Union n'est pas sans conséquences sur le régime linguistique des concours de la fonction publique communautaire. L'enjeu est double :

- d'une part, l'organisation simultanée d'un même concours en 21 langues augmente le risque d'erreurs et allonge les délais de correction alors même qu'il n'est pas acquis de disposer de correcteurs dans l'ensemble des nouvelles langues ;

- d'autre part, une fois entrés dans les cadres, les futurs fonctionnaires communautaires doivent pouvoir être en mesure de communiquer les uns avec les autres. Or, il ne serait pas souhaitable, pour le bon fonctionnement interne des institutions, que le régime linguistique des concours ait pour effet de pérenniser l'hétérogénéité linguistique. Un équilibre doit donc être recherché entre la préservation du multilinguisme et la convergence vers la reconnaissance de quelques langues de travail.

Lors de sa réunion du 7 mars 2003, le Conseil d'administration de l'ESPO a ainsi adopté des lignes directrices relatives à l'utilisation des langues dans le cadre de l'organisation de la première vague de concours pour les dix nouveaux pays en voie d'adhésion. Pour ces concours dénommés « EUR-25 », les candidats n'auront pas la possibilité de composer dans leur langue maternelle. Chaque concours est organisé en deux étapes : une phase de présélection puis une phase d'admission.

Les tests de présélection seront ainsi organisés, au choix du candidat, en trois langues : anglais, allemand ou français. Ces tests portent sur l'aptitude au raisonnement verbal et numérique et à la vérification de connaissances de base sur les institutions communautaires. Un test linguistique est également prévu. En réduisant à trois le nombre des langues dans lesquelles se déroulent ces épreuves, l'objectif est de s'assurer que les futurs fonctionnaires maîtriseront au moins l'une des trois langues les plus utilisées dans la vie administrative quotidienne des institutions. En tout état de cause, il apparaît que sur les deux langues étrangères exigées des 25 000 candidats au recrutement d'auxiliaires, l'anglais est présent dans 95 % des cas, l'allemand dans 30 % mais le français dans seulement 17 % des cas...

Les candidats ayant franchi avec succès les épreuves de présélection auront alors la possibilité de passer les épreuves écrites et orales dans l'une des onze langues officielles actuelles de l'Union. Il faut souligner qu'il avait été dans un premier temps envisagé d'organiser l'ensemble des épreuves des concours dans les trois langues. Mais l'annonce d'une telle réforme a provoqué l'hostilité de plusieurs gouvernements, notamment de l'Espagne et de l'Italie, opposés à consacrer de ce fait l'anglais, le français et l'allemand comme les trois seules langues de travail de l'Union européenne.

Le débat est désormais ouvert sur le fait de savoir s'il ne faut pas étendre le régime des concours « EUR-25 » aux concours « EUR-15 », qui concernent les ressortissants des actuels pays membres. En effet, les statistiques révèlent que la première langue étrangère des candidats est à près de 90 % l'anglais, le français ou l'allemand. Une telle réforme, si elle venait à être adoptée, ne ferait pour l'essentiel qu'officialiser les pratiques actuelles.

En tout état de cause, aucune réforme du régime linguistique des concours n'est encore définitive, et la décision prise par le Conseil d'administration de l'EPSO pour l'organisation des concours à destination des dix nouveaux pays membres fera elle-même l'objet d'un réexamen au plus tard à l'expiration d'une période d'un an.

c) La réforme du statut de la fonction publique communautaire

En avril 2002, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés(15). Cette proposition modifie de nombreuses dispositions concernant notamment le régime des carrières, les rémunérations et les pensions. Aucune modification n'est en revanche envisagée quant aux exigences linguistiques attendues des candidats qui se présentent aux concours de la fonction publique communautaire.

Actuellement, l'article 28-f du statut énonce que « nul ne peut être nommé fonctionnaire s'il ne justifie posséder une connaissance approfondie d'une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d'une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu'il est appelé à exercer ». Face au statu quo envisagé par la Commission sur cette disposition, plusieurs délégations du Conseil - notamment la France et l'Allemagne - souhaitent que soient portées de une à deux le nombre des langues officielles de l'Union devant faire l'objet d'une connaissance approfondie de la part des candidats.

Au terme d'une négociation difficile, les quinze ont finalement conclu un compromis, le 19 mai 2003, sur la base d'une proposition de la présidence grecque. Selon ce compromis, la connaissance d'au moins une langue communautaire outre la langue maternelle reste une condition minimale pour le recrutement. Toutefois, afin de conserver le caractère multilingue de l'Union européenne, il est prévu que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut seront tenus, pour pouvoir être promus au grade immédiatement supérieur à leur grade d'entrée en fonctions, d'apporter la preuve de leur capacité à travailler dans une troisième langue de l'Union. Par ailleurs, l'utilisation par un agent de langues autres que sa langue maternelle dans l'accomplissement de ses tâches sera prise en considération lors de l'examen comparatif des mérites dans le cadre de l'évolution des carrières.

Ce compromis constitue une avancée très importante qui correspond à la position défendue par les autorités françaises. Une proposition modifiée devrait être présentée par la Commission à l'automne prochain, avec l'objectif d'une adoption du statut modifié avant la fin de la présidence italienne de l'Union européenne, en décembre 2003.

Il conviendra de veiller à ce que la Commission précise suffisamment clairement les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle règle afin de garantir que l'évaluation de la maîtrise d'une seconde langue étrangère soit fondée sur des critères et transparence et d'objectivité.

RECOMMANDATIONS

3. L'organisation en trois langues des tests de présélection pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs Etats membres devrait être étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne.

4. Le statut modifié des fonctionnaires européens devrait prévoir une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence.

IV.

V. LES SCENARIOS POSSIBLES D'EVOLUTION

Les questions linguistiques sont devenues, dans la perspective de l'élargissement, une préoccupation centrale des institutions, notamment en raison des montants budgétaires en jeu. Les options envisageables et les solutions retenues varient d'une institution à l'autre, sans pour autant que soit remis en cause les fondements du plurilinguisme.

A. Au Parlement européen

La réflexion fut engagée très en amont au Parlement européen et un plan d'action a été lancé dès le milieu des années 1990. Les options de réforme sont multiples mais le Parlement européen a clairement fait le choix d'un « multilinguisme maîtrisé ».

1) Les options écartées

De l'unilinguisme au multilinguisme intégral, la réforme du régime linguistique du Parlement pouvait prendre des formes variées. Plusieurs hypothèses ont ainsi été étudiées par les services concernés. Les options présentées ci-après sont analysées dans un document de travail préparé par un comité de pilotage, à l'attention du bureau du Parlement européen(16).

a) L'unilinguisme

L'option du recours à une seule langue, sans que celle-ci ne soit mentionnée, permettrait de réduire sensiblement les budgets de traduction et d'interprétation et conduirait à la suppression d'environ 1 300 emplois. Toutefois, le recours à une langue unique de travail ne signifierait pas la disparition des services linguistiques qui resteront nécessaires si le principe est maintenu d'une publication de la législation communautaire dans les langues nationales et si la Cour de justice conserve le pluralisme des langues de procédures. Dès lors, 10 % des effectifs linguistiques devraient être maintenus (135 personnes) et répartis entre 21 langues. L'économie réalisée avant la prise en compte des coûts sociaux liés aux indemnités versées aux fonctionnaires devant quitter leur emploi(17), serait d'environ 249 millions d'euros.

b) La nationalisation des services linguistiques

Cette hypothèse laisserait aux Etats membres la possibilité de prendre eux-mêmes en charge l'interprétation et la traduction vers leur langue. L'économie, au regard de la situation actuelle, résiderait dans le fait présumé que, dans ces conditions, plusieurs Etats membres seraient prêts à abandonner tout ou partie de l'interprétation ou de la traduction dans leur langue. La suppression totale d'une langue réduirait à terme les dépenses d'environ 25 millions d'euros par an.

Dans le cas du recours à cette hypothèse, deux options sont possibles. L'une consisterait à ne transférer aux Etats que la charge financière, l'autre à leur transférer la charge de travail complète, c'est-à-dire également la gestion des personnels d'interprétation et de traduction.

c) Le multilinguisme intégral réservé à un nombre limité de langues de travail

Etant donné que chaque langue coût environ 25 millions d'euros, ramener un système fondé sur 20 langues à 11 langues permettrait d'économiser 225 millions d'euros ; réduire de 21 à 6 langues économiserait 375 millions d'euros.

d) Le multilinguisme asymétrique

Dans cette hypothèse, chaque député pourrait parler et écrire dans sa langue maternelle, mais devrait se contenter d'obtenir l'interprétation ou la traduction dans un nombre limité de langues (langues de destination). Ce scénario exigerait une coopération accrue avec les autres institutions pour éviter des situations paradoxales où, par exemple, la Commission européenne traduirait dans toutes les langues une proposition soumise à une délibération dans les autres institutions selon des modalités asymétriques plus restreintes.

2) Le choix du « multilinguisme maîtrisé »

La notion de « multilinguisme maîtrisé » a été proposée pour la première fois dans le rapport de M. Cot présenté en avril 1999, dans le cadre du plan d'action lancé par le Parlement européen en vue de l'élargissement.

Le rapport final du groupe de travail présidé par M. Cot, alors Vice-président du Parlement européen, a souligné l'urgence d'une réforme des services linguistiques, afin de préserver le principe d'égalité entre les langues. L'auteur du rapport estime que « rien ne serait plus préjudiciable à la légitimité qu'une décision qui ferait de la possession d'aptitudes linguistiques une condition pour accéder au statut de député au Parlement européen, suivre les délibérations de l'assemblée, ainsi que lire et comprendre ses décisions ».

L'option du « multilinguisme maîtrisé » est également celle qui est privilégiée - accompagné d'un recours plus fréquent au multilinguisme asymétrique - par le rapport de M. Podestà, approuvé par le Bureau du Parlement européen le 3 septembre 2001. Sur la base de ce rapport, le Bureau du Parlement européen a retenu un régime linguistique comprenant trois langues pivots : le français, l'anglais et l'allemand.

Le « multilinguisme maîtrisé » peut ainsi se définir comme une gestion rationnelle et pragmatique du dossier linguistique, tout en restant fidèle au respect du plurilinguisme. Le droit conféré à un membre élu de parler, de lire et d'écrire dans sa propre langue constitue en effet le fondement de la légitimité démocratique du Parlement(18). Il est toutefois nécessaire d'aménager certaines modalités de fonctionnement du multilinguisme. Il s'agit notamment de recourir, pour la traduction écrite, plus largement aux langues pivot et d'appliquer aux nouvelles langues le système d'interprétation dite bi-active(19). Il s'agit aussi de mesures visant à éviter que des interprètes soient engagés pour des réunions au cours desquelles aucun député parlant cette langue n'est effectivement présent.

Se heurtant à l'impossibilité de recruter un nombre suffisant de traducteurs et d'interprètes capables de travailler à partir de toutes les langues communautaires existantes et de toutes les nouvelles langues, et confronté en outre aux dépenses liées à la formation de traducteurs pour couvrir les 20 ou 21 langues, le Bureau du Parlement européen a ainsi opté pour le multilinguisme maîtrisé, qui garantit une couverture linguistique totale à un coût raisonnable pour le contribuable. En matière de traduction, ce multilinguisme maîtrisé ne sera en réalité utilisé qu'en cas de nécessité et uniquement pour couvrir les langues autres que le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand, l'italien et le polonais. Il se trouve en effet que ces langues (à l'exception du polonais) ont représenté en 2002 92 % de l'ensemble des textes législatifs originaux et 90 % de tous les textes source non législatifs(20). Cela signifie donc que le multilinguisme maîtrisé ne sera utilisé qu'à hauteur de 10 % du volume total des travaux transitant par les divisions de traduction.

Le dispositif du « multilinguisme maîtrisé »
retenu par le Bureau du Parlement europeen

- utilisation d'une ou de quelques langues pivot. Au niveau de la traduction, la plupart des documents de base sont le plus souvent déposés en français, en anglais ou en allemand qui constituent donc déjà, dans la pratique, des langues pivot. Quant à l'interprétation, chaque allocution dans une langue source ne devrait donc plus simultanément être interprétée dans toutes les autres ;
- développement de l'interprétation à distance, c'est-à-dire par des interprètes se situant en dehors de la salle de conférence ;
- garantie d'interprétation vers une langue aux seuls membres titulaires des organes du Parlement et des commissions. Dès lors, l'interprétation ne se fera plus automatiquement dans toutes les langues, lorsque aucun député titulaire n'en parle une ou plusieurs d'entre elles ;
- meilleure répartition des réunions sur les jours de travail ;
- recours plus fréquent à l'externalisation, c'est-à-dire aux traducteurs et interprètes indépendants.

Des chiffres et des langues

_ L'Europe des quinze reconnaît 11 langues officielles

_ Il y aura 20 langues officielles dans l'Europe des vingt-cinq. Mais si Chypre entre réunifiée dans l'Union, ce nombre sera porté à 21, le turc devenant langue officielle

_ 110 combinaisons possibles avec 11 langues, 420 après l'élargissement

_ 4 445 réunions du Conseil en 2001

_ 1 150 traducteurs au Parlement européen

_ 56 000 journées interprètes au Parlement européen

_ 1,3 million de pages sont traduites chaque année par le service de traduction de la Commission

_ 100 000 pages : c'est ce que représente l'acquis communautaire que doivent traduire à leurs frais les 10 futurs pays qui rejoindront l'Union européenne le 1er mai 2004

_ 11 000 réunions de la Commission, du Conseil, du Comité économique et social et du Comité des régions ont lieu chaque année et 700 interprètes sont mobilisés chaque jour

_ 625 euros, c'est ce que coûte un interprète chaque jour

_ 274 millions d'euros, c'est le coût du multilinguisme au Parlement européen, soit environ 30% du budget de l'institution parlementaire

_ Le coût d'interprétation d'une langue supplémentaire est estimé à environ 8 millions d'euros par an

_ 0,28 euro par citoyen de l'Union, c'est ce que coûte le Service commun interprétation-conférences de l'Union européenne

_ 2 euros par citoyen de l'Union, c'est ce que coûte aujourd'hui le multilinguisme en Europe. Avec 20 ou 21 langues, ce coût passerait à 3 euros par citoyen de l'Union

_ 197 millions d'euros, c'est le coût annuel de fonctionnement du service de traduction de la Commission

_ 5 200 euros, c'est ce que coûte l'interprétation pour une réunion d'une journée à la Commission

_ 35 270 m² , c'est la superficie des deux tours de 18 étages, en construction à Luxembourg pour accueillir en 2004 le service de traduction du Parlement européen

_En 2001, 59 % des documents du Conseil ont fait l'objet d'une rédaction initiale en anglais, contre seulement 28 % en français

En 2001, 57 % des documents de la Commission ont fait l'objet d'une rédaction initiale en anglais, contre seulement 30 % en français. En 1986, 58 % des documents de la Commission faisaient l'objet d'une rédaction originale en français

_ 1,4 million d'euros, c'est la contribution de la France au Plan pluriannuel en faveur du développement du français

_ 20 000 postes informatiques de fonctionnaires communautaires seront équipés en 2003 et 2004 d'un logiciel d'aide à la rédaction administrative en français, pour un coût estimé à environ 400 000 euros

_ 301 075 euros, c'est le budget alloué au Fonds d'intervention pédagogique (FIP) pour financer des programmes de formation pour les fonctionnaires européens, notamment issus des pays candidats
_ 71 % des européens
estiment que chaque citoyen de l'Union devrait être capable de parler une langue européenne en plus de sa langue maternelle et 69,4 % considèrent que tout le monde devrait maîtriser l'anglais

En Espagne, 1,3 million d'élèves apprennent le français. Ils n'étaient que 250 000 en 1998 lorsqu'une seule langue étrangère était enseignée à l'école

Le chantier d'aménagement du Plateau du Kirchberg, à Luxembourg. Deux tours sont actuellement en construction. Elles accueilleront en 2004, à titre provisoire, le service de traduction du Parlement européen. Chaque tour dispose de 18 niveaux pour une superficie totale de 35 270 m². A terme, les services du Parlement européen seront répartis sur un site unique pour lequel l'Etat luxembourgeois vient de lancer un concours d'architecture.

Il convient de préciser que l'Assemblée générale conjointe des interprètes permanents et des auxiliaires interprètes de conférence (A.I.C) qui réunit des interprètes travaillant pour les institutions de l'Union européenne a adopté, le 24 octobre 2001, une résolution en réaction à la décision prise par le Bureau du Parlement européen en faveur du multilinguisme maîtrisé. Tout en saluant le fait que le Bureau ait réaffirmé son engagement en faveur du multilinguisme intégral, l'A.I.C estime que la décision du Bureau du Parlement européen « se fonde pour l'essentiel sur des hypothèses erronées sur le fonctionnement de l'interprétation et les facteurs de coût pertinents ». L'A.I.C estime ainsi que l'interprétation directe de toutes les langues source vers toutes les langues d'arrivée reste possible et qu'il ne faut pas pérenniser l'utilisation systématique de l'interprétation bi-active.

B. A la Commission européenne

1) Le choix du statu quo confirmé en 2001

Le régime à trois langues pour les travaux oraux et écrits a été confirmé en 2001 par un texte sur la simplification administrative et linguistique, après l'intervention conjointe des ministres des affaires étrangères français et allemand. Il avait en effet été envisagé dans un premier temps que le collège des commissaires puisse délibérer sur un texte n'ayant pas nécessairement fait l'objet d'une traduction dans les trois langues. Cette règle aurait largement favorisé l'anglais dans la mesure où c'est la langue de rédaction initiale de plus de la moitié des documents de la Commission.

2) L'adaptation du service de traduction au défi linguistique de l'élargissement

Le service de traduction de la Commission (SDT) a constitué, dès 1996, un groupe de travail (« task force ») spécial en vue de l'élargissement. Le SDT estime qu'en 2006, avec dix nouvelles langues, la demande de traductions passera de 1,3 million à 2,4 millions de pages par an. Dans un objectif de rationalisation et de maîtrise des délais de traduction, il est prévu que les documents liés aux procédures soient limités à vingt pages et que des efforts soient entrepris afin d'éviter de traduire des documents provisoires. Si les économies prévues se concrétisent, les postes actuellement attribués aux langues des actuels pays membres seront progressivement transférés vers les unités qui traduisent les langues des nouveaux pays. Le SDT devrait toutefois recruter 110 traducteurs et personnels d'appoint par nouvelle langue.

Un plan d'action a été adopté en 2002 qui prévoit notamment l'importation des bases terminologiques développées dans les pays candidats et la présence des nouvelles langues dans « Eurodicautom », la base de données de l'Union européenne. L'accent est également mis sur l'investissement en matière de logiciels d'aide à la traduction. Pour les besoins de ses activités multilingues, le SDT utilise depuis longtemps un logiciel de traduction automatique multilingue, Systran. La Commission a racheté les droits sur ce logiciel, qu'elle utilise depuis une vingtaine d'années et dont elle a financé les développements ultérieurs. La recherche dans ce domaine est très importante dans la perspective d'une augmentation sans précédent du nombre des langues officielles de l'Union.

C. Au Conseil de l'Union européenne

Il existe pratiquement autant de régimes linguistiques au sein du Conseil qu'il y a de catégories de réunions. Autant dire que le chantier de la simplification linguistique est crucial dans la perspective d'une Europe élargie.

Il faut toutefois préciser que les négociations actuelles ne concernent que le régime linguistique des réunions des groupes de travail qui se tiennent au niveau administratif. Nul ne songe en effet à remettre en cause le principe de l'interprétation intégrale 20/20 ou 21/21 au niveau politique, c'est-à-dire pour les réunions du Conseil européen (chefs d'Etat et de gouvernement) et les réunions ministérielles du Conseil de l'Union européenne.

En juin 2002, le Conseil européen de Séville a mandaté le Conseil pour trouver des solutions permettant d'améliorer le régime linguistique « sans remettre en cause ses principes fondamentaux ». En vue du Conseil européen de Copenhague de décembre 2002, la présidence danoise a présenté une contribution visant à simplifier le régime de traduction et d'interprétation. Cette contribution a fait l'objet de discussions au niveau du COREPER, sans qu'un accord puisse se dessiner. La question linguistique fait clairement partie de la réflexion sur la réforme du Conseil. Mais le dossier, repris par la présidence grecque au premier semestre 2003, peine à aboutir tant les enjeux politiques sont importants.

Différentes options sont envisagées, qui vont du statu quo à la suppression de tout dispositif d'interprétation. Matériellement, le statu quo n'est pas une solution viable : le Conseil ne dispose pas des personnels suffisants pour assurer l'interprétation complète de plus de quatre réunions par jour. Le nombre de salles équipées pour accueillir 20 ou 21 équipes d'interprétation sera limité à deux alors que six seraient nécessaires. Enfin, le recours prévisible à une interprétation autour de quelques langues pivot risque d'en détériorer la qualité. S'agissant de la traduction, le statu quo aura inévitablement pour effet d'allonger les délais, les traductions n'intervenant en réalité qu'après l'adoption des documents qui auront en pratique été négociés en anglais... En ce qui concerne en revanche les très nombreuses réunions qui ne bénéficient pas aujourd'hui d'une interprétation complète, le statu quo serait vraisemblablement favorable à la place du français. En effet, il existe aujourd'hui toute une série d'arrangements plus ou moins codifiés qui favorisent le français : régime COREPER, régime PESC et « Gentleman agreement » (21).

A l'inverse, l'abandon de tout régime d'interprétation ne serait pas viable non plus, dans la mesure où il conduirait à un monolinguisme qui n'est pas acceptable. C'est pourquoi au-delà ce ces deux hypothèses radicales, dont aucune ne recueille le soutien officiel des Etats membres, plusieurs voies se dessinent. Peuvent alors être distingués deux systèmes : d'une part, les régimes de langues fixes, et d'autre part, les régimes de marché.

1) Les régimes de langues fixes

a) L'hypothèse d'un régime intermédiaire à trois langues

Le recours à cette hypothèse conduirait au maintien d'environ 1 000 réunions en interprétation intégrale. En revanche, le régime COREPER (trois langues) serait étendu à toutes les autres réunions, provoquant ainsi un alignement sur le régime linguistique en vigueur au sein de la Commission. Le régime PESC (anglais/français), sur lequel il existe aujourd'hui un consensus, serait donc abandonné.

Ce régime consacrerait les langues les plus utilisées, même s'il serait essentiellement bénéfique à l'allemand, actuellement interprété dans seulement 78 % des réunions (contre quasiment 100 % pour le français).

Ce système à trois langues a donc la faveur de la France et de l'Allemagne, mais a peu de chances d'être accepté par l'Espagne ou l'Italie, qui revendiquent une égalité de traitement linguistique.

b) L'hypothèse d'un régime intermédiaire à six langues

Ce régime consacrerait six langues de travail : l'anglais, le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol et le polonais. Le choix de ces six langues reste néanmoins très subjectif : pourquoi écarter a priori le néerlandais, le portugais ou d'autres langues ? Si ce régime venait à être retenu, plusieurs variantes seraient toutefois envisageables :

- le régime à six langues pourrait n'être appliqué qu'aux réunions hors régimes PESC et COREPER qui seraient maintenus ;

- ce régime pourrait se substituer à l'ensemble des régimes actuellement en vigueur, à l'exception des réunions en interprétation complètes qui seraient conservées ;

- les régimes à deux ou trois langues ne seraient pas modifiés, mais les autres réunions se dérouleraient en 20 langues passives et six langues actives. Ainsi, tous les participants pourraient s'exprimer dans leur langue, mais les 20 langues parlées ne seraient interprétées qu'en six langues. Il s'agit là d'un régime asymétrique 20/6. Cette solution permettrait de prendre en compte le souhait parfois formulé par les autorités allemandes de supprimer le régime PESC, tout en préservant le plurilinguisme (possibilité pour toutes les délégations de parler leur langue dans trois quarts des réunions).

c) Les contradictions politiques d'un régime de langues fixes

Il est politiquement délicat de défendre le principe de la diversité linguistique tout en prônant un régime linguistique de langues fixes qui exclut de fait trois quarts des langues de l'Union européenne. Ce qui est admis dans la pratique est difficilement transposable au niveau des principes politiques. Or, l'usage des langues au sein des institutions doit faire l'objet d'un consensus. Certes, trois langues sont devenues de fait les langues de travail de l'Union européenne. L'anglais, le français et, dans une moindre mesure, l'allemand sont sinon parlés, du moins compris par une majorité significative de responsables politiques et administratifs européens. Mais élargir à six langues un régime linguistique relève d'une subjectivité forcément contestable. Certes, l'italien, l'espagnol et le polonais sont des langues parmi les plus parlées au sein de l'Union ; mais pourquoi ne pas étendre ce régime au portugais ou au néerlandais, langue officielle d'un pays fondateur ? Il sera par conséquent très difficile de faire accepter à ces pays un régime à six langues.

Par ailleurs, la défense de la diversité linguistique suppose que chacun puisse s'exprimer dans sa langue maternelle. Cela n'est d'ailleurs pas neutre quant à la qualité des débats étant donné qu'on ne peut pas bien traduire ce qui est mal dit... Par ailleurs, imposer à une personne de s'exprimer dans une langue étrangère place celle-ci dans une position d'infériorité par rapport à son interlocuteur qui peut parler dans sa langue maternelle. Dans une négociation, la langue est un instrument de pouvoir et l'égalité ne saurait être rompue au grief de considérations budgétaires.

C'est pourquoi l'hypothèse d'un régime asymétrique permettant à chacun de s'exprimer dans sa langue paraît constituer une voie pertinente dans la recherche d'un compromis politique et budgétaire. La reconnaissance de vingt langues passives et de trois langues actives (anglais, français, allemand) pourrait constituer une piste de réflexion prometteuse. Un tel régime assurerait le respect du principe fondamental de diversité linguistique tout en apportant une réponse pragmatique à l'augmentation du nombre des langues officielles de l'Union élargie.

2) Les régimes de marché

a) Qu'est-ce qu'un régime de marché ?

Un régime de marché est un système selon lequel chacun paie pour le service assuré. En pratique, cela signifie que la traduction et l'interprétation deviennent payants selon les besoins, au prorata de l'utilisation effective qui en est faite par chaque Etat membre.

Le régime de marché est déjà en vigueur dans plusieurs institutions internationales, qui se caractérisent par un régime linguistique restreint. C'est notamment le cas au Conseil de l'Europe et à l'Assemblée parlementaire de l'UEO. L'adopter constituerait une rupture au sein de l'Union européenne, dans la mesure où l'égalité de principe affirmée dans les traités et dans les dispositions du règlement n° 1 de 1958 pourrait s'en trouver affectée. Alors que les coûts liés à la traduction et à l'interprétation ne représentent que deux euros par citoyen de l'Union, on peut s'interroger sur la pertinence d'un tel système qui peut paraître, à certains égards, en contradiction avec la promotion d'une diversité culturelle et linguistique qui constitue le cœur de l'identité européenne. Il est des causes qui n'ont pas de prix.

b) Les modalités de mise en œuvre

S'agissant du modèle de marché (« request and pay ») à l'origine essentiellement défendu par les pays scandinaves, mais sur lequel pourrait se nouer un consensus, deux propositions ont été formalisées, l'une suédoise et l'autre danoise.

¬ La proposition suédoise

Les Suédois proposent de répartir le budget d'interprétation à égalité entre les Etats membres qui devraient faire état chaque semestre de leurs besoins en interprétation active et passive. L'interprétation passive serait calculée à 50 % du coût d'une interprétation active et les sommes non utilisées seraient remboursées chaque année aux pays concernés. Pour les Etats choisissant la même langue, le coût d'interprétation serait calculé en fonction de la contribution de chaque Etat au budget communautaire.

L'effet pervers de cette proposition réside dans le fait que nombreux sont les Etats qui seront tentés de renoncer à l'utilisation de leur langue afin de réaliser des économies budgétaires. Dans ce cadre, il est fort probable que le recours à l'anglais devienne la règle.

¬ La proposition danoise

La proposition danoise reprend la proposition suédoise, mais établit un socle minimum de langues bénéficiant d'une interprétation systématique, ce « service minimum » étant financé par le budget communautaire et les autres Etats étant tenus de payer à la demande. On peut estimer que le socle minimum comporterait au moins trois langues (anglais, français, allemand) voire probablement cinq ou six avec l'ajout de l'italien, de l'espagnol et du polonais.

Le problème se pose donc à nouveau des critères présidant aux choix des langues fixes. Pour tout le moins, il semblerait équitable que les Etats bénéficiant en permanence d'une interprétation dans leur langue participent au financement d'un tel régime de faveur.

3) Les orientations formulées par la présidence grecque de l'Union européenne (juin 2003)

La présidence grecque a transmis aux délégations du Conseil au mois de juin 2003, une note informelle définissant les orientations possibles d'une réforme du régime linguistique du Conseil.

Il est envisagé le maintien d'un régime d'interprétation intégrale (20/20 ou 21/21) des réunions du Conseil européen ainsi que réunions ministérielles du Conseil de l'Union. S'agissant des groupes de travail, une extension à certaines réunions d'un régime sans interprétation est envisagée. Mais pour une majorité des réunions de groupes, c'est clairement l'option du paiement à la demande (« Pay for talk ») qui est privilégiée, avec un droit de tirage pour chaque langue, financé sur fonds communautaire. A ce stade, la présidence envisagerait une enveloppe de 2 millions d'euros pour chaque langue, prélevés sur le budget du Conseil. Au-delà de ce droit de tirage, les Etats devraient financer eux-mêmes les coûts d'interprétation.

A ce stade des négociations, aucune orientation précise ne se dégage réellement et les débats s'annoncent difficiles tant la question des langues est politiquement sensible. On observe néanmoins que le recours à un mécanisme de paiement à la demande, suffisamment encadré, pourrait constituer une base constructive de travail.

4) Les enjeux pour la France

a) Le respect d'objectifs clairement définis

Dans la négociation actuelle, les objectifs de la France visent à défendre la place du français qui bénéficie aujourd'hui de pratiques qui sont à son avantage. Mais au-delà, la politique menée doit rester cohérente avec notre volonté de promouvoir une diversité linguistique qui fait l'originalité de l'Union européenne au regard de toutes les autres institutions internationales. Le maintien du plurilinguisme dans les institutions communautaires dépasse les seuls intérêts de la France : il est la garantie de la qualité de rédaction des textes, il assure un débat et des négociations plus démocratiques et il contribue à éviter de promouvoir un modèle unique de pensée et d'organisation.

Il s'agit également d'aboutir dans les meilleurs délais - c'est-à-dire impérativement avant le 1er mai 2004, date de l'entrée officielle de dix nouveaux pays dans l'Union européenne - à un système d'interprétation et de traduction homogène, stable, pérenne et efficace, dont le coût soit maîtrisé.

Le ou les régimes proposés devraient ainsi remplir certaines conditions pour favoriser le plurilinguisme et assurer l'efficacité des travaux. Il s'agirait notamment de :

- garantir l'emploi des trois langues de travail que sont l'anglais, le français et l'allemand ;

- maintenir l'usage des autres langues de l'Union, par un recours plus systématique au régime d'interprétation asymétrique ;

- accorder une place significative aux nouvelles langues des futurs pays membres.

b) La définition d'une stratégie franco-allemande sur la question linguistique

Force est de constater que la situation de l'allemand pose problème. Première langue utilisée au sein de l'Union en raison du poids démographique de l'Allemagne, elle n'est pourtant que très peu utilisée dans le fonctionnement quotidien des institutions, puisque moins de 5 % des documents font l'objet d'une rédaction initiale en allemand. On imagine par ailleurs mal que l'Allemagne, premier contributeur net au budget communautaire, doive payer pour utiliser sa langue.

L'Allemagne souhaite approfondir la réflexion sur le modèle de marché. Ce pays a un moment évoqué la possibilité de distinguer trois niveaux parmi les groupes de travail du Conseil :

- premier niveau (« niveau de base ») :langues de base avec interprétation active et passive dans toutes les réunions ;

- deuxième niveau  (« niveau communautaire ») : possibilité, financée à partir des fonds communautaires, de demander l'interprétation dans une autre langue ;

- troisième niveau (« niveau complémentaire ») : financement national à titre supplémentaire lorsque les fonds du niveau communautaire sont épuisés.

La déclaration commune franco-allemande, adoptée le 22 janvier 2003 à l'occasion du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, rappelle qu'il est important de veiller au pluralisme linguistique dans les institutions de l'Union. Le point 12 de cette déclaration indique que les deux pays sont « déterminés à prendre les mesures nécessaires en faveur de l'emploi de l'allemand et du français dans les instances de l'Union européenne, par exemple en favorisant l'apprentissage des deux langues par les futurs fonctionnaires européens, en particulier ceux des nouveaux pays membres, dans le cadre de programmes de formation universitaires ou professionnels ».

Dans le prolongement de cette commémoration, l'Allemagne et la France doivent ainsi œuvrer ensemble en faveur de la diversité en Europe. Qu'il s'agisse en effet du rejet du monolinguisme et de l'augmentation du nombre de réunions de travail sans interprétation, nos deux pays ont intérêt à promouvoir ensemble un solution permettant de préserver une véritable diversité linguistique tout en s'assurant de la viabilité du régime linguistique qui sera adopté.

RECOMMANDATIONS

5. Le régime d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union.

6. Il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques PESC (anglais / français) et COREPER (anglais / français / allemand) sur lesquels il existe un consensus, fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée.

7. Toute extension du nombre des réunions sans interprétation doit être rejetée car elle favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe de la diversité linguistique.

8. La recherche d'un compromis sur le régime linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, doit se fonder sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et d'une répartition équitable de la charge financière. L'instauration éventuelle d'un régime de marché ne peut être soutenue qu'à ces conditions.

9. Le recours au régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait être expérimenté puis évalué. Sous réserve d'un consensus, ce régime pourrait à l'avenir être généralisé.

TROISIEME PARTIE :
QUELLE EST LA PLACE DU FRANÇAIS DANS
LES INSTITUTIONS EUROPEENNES ?

C'est en Europe que se joue l'avenir du français dans le monde. La puissance économique et culturelle que représente l'Union européenne constitue un vecteur incomparable pour la diffusion de notre langue et des valeurs qu'elle véhicule ; de même que la création d'une Télévision française d'information à vocation internationale pourrait constituer un outil approprié au renforcement de l'attractivité de notre langue.

L'organisation internationale pour la francophonie, qui œuvre tant pour la promotion du français dans le monde, a pris conscience de cette réalité : c'est clairement dans une perspective francophone que doit s'inscrire une politique de soutien du français et au-delà, de soutien à la diversité culturelle et linguistique qui fait l'essence de la culture européenne.

Le Président de la République, M. Jacques Chirac, a fait part à plusieurs reprises de sa préoccupation face aux menaces que la mondialisation fait peser sur la diversité culturelle et linguistique. Dans un discours prononcé le 15 octobre 2001 lors de l'ouverture de la 31e Conférence générale de l'UNESCO, le chef de l'Etat a ainsi rappelé que si rien n'est fait pour les sauvegarder, près de la moitié des 5 000 langues recensées aujourd'hui dans le monde disparaîtront au cours de ce siècle. Plus récemment, à l'occasion des Rencontres internationales de la culture qui se sont tenues à Paris en février 2003, le Président de la République a plaidé en faveur de l'adoption, par la communauté internationale, d'une convention mondiale sur la diversité culturelle qui devrait notamment consacrer « le respect du pluralisme linguistique et la mobilisation pour enrayer la disparition des langues dans le monde ».

Tel est le cadre dans lequel une politique ambitieuse de promotion du français, mobilisant l'ensemble des acteurs concernés, peut trouver à se déployer.

VI. LE RECUL DE LA PRATIQUE DU FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS DE L'UNION EUROPEENNE

Le déclin du français n'est pas une fatalité. L'erreur serait le choc frontal contre l'anglais, tant c'est un combat perdu d'avance, et qui n'a pas de sens. En revanche, le soutien à la langue française ne peut plus se contenter de déclarations généreuses. Cela ne suffit plus ; le temps de l'action est venu. 

A. Les facteurs du déclin

On peut dater de l'élargissement de 1995 le décrochage du français par rapport à l'anglais. Mécaniquement, les élargissements successifs ont affaibli la position de notre langue au sein de l'Union européenne, et doivent nous conduire à nous interroger sur l'attractivité du français à l'égard des Européens.

1) Les élargissements successifs

Le français est demeuré prédominant dans la communication interne des institutions depuis leur fondation dans les années 1950 jusque vers les milieu des années 1970, période à laquelle l'anglais est devenu une langue véhiculaire, du fait de l'adhésion du Royaume-Uni et de l'Irlande en 1973. Le français est toutefois resté majoritaire jusqu'au début des années 1990, et ce pour plusieurs raisons :

- le français était la langue la plus commune aux six pays fondateurs, alors que le Royaume-Uni ne faisait pas partie des six ;

les principales institutions furent localisées à Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg, villes française ou francophones. Il ne faut en effet pas négliger la forte présence de personnels francophones dans les sièges des institutions communautaires, en raison de l'implantation géographique de celles-ci.

Au cours des années 1980 et 1990, les facteurs favorables à l'anglais n'ont cessé de s'accumuler et l'élargissement de 1995 à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande a incontestablement marqué une rupture avec les années précédentes. L'usage courant dans les pays scandinaves de la langue anglaise a ainsi conduit à pérenniser une évolution défavorable au français. Celle-ci a été amplifiée par la succession en 1998 et 1999 de présidences assurées par des pays non francophones (Royaume-Uni, Autriche, Allemagne et Finlande). Ainsi, en 1999, plus de la moitié des documents de la Commission ont fait l'objet d'une rédaction initiale en anglais alors que le français était la langue source la plus utilisée en 1990.

2) L'élargissement actuel

a) L'anglais, langue unique lors des négociations d'adhésion

On constate que l'anglais fut généralement la seule langue utilisée lors des négociations d'adhésion des futurs Etats membres. Le rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française en 2002(22) indique ainsi que les conférences intergouvernementales d'adhésion se déroulent exclusivement en anglais, y compris avec les représentants des pays membres ou observateurs de l'Organisation internationale de la francophonie (Bulgarie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie et Slovénie). Les documents n'existent pour l'essentiel qu'en anglais et ne sont traduits qu'au moment des conférences ministérielles d'adhésion.

De même au sein du groupe du Conseil « Elargissement », qui fonctionne selon le régime COREPER (anglais/français/allemand), la langue dominante est l'anglais, seuls les délégués allemands et autrichiens s'exprimant en allemand, et les représentants francophones en français.

b) L'utilisation du français dans les futurs pays membres

Depuis le 1er mai 2003, 162 observateurs issus des dix futurs pays membres de l'Union peuvent assister aux séances plénières du Parlement européen. Le mandat de ces observateurs prendra fin dès l'adhésion de leur pays. Une enquête interne réalisée par les services du Parlement européen révèle que la première langue étrangère parlée par ces 162 observateurs est l'anglais à 82 %, l'allemand à 14 % et le français, loin derrière, à seulement 4 %. Il est donc fortement à craindre que l'arrivée des députés des pays d'Europe centrale et orientale provoque une diminution de l'usage du français.

On observe également, s'agissant de l'enseignement des langues étrangères dans les pays de l'Union élargie, que le français est très peu enseigné dans l'enseignement secondaire supérieur, comme en témoignent les statistiques suivantes :

1999/2000

Anglais (%)

Français (%)

Allemand (%)

Chypre

n.c

n.c

n.c

République tchèque

100,0

15,1

75,4

Estonie

88,3

4,4

45,1

Hongrie

57,6

6,1

47,1

Lettonie

88,7

4,1

55,5

Lituanie

72,1

8,2

37,4

Malte

64,8

11,2

1,8

Pologne

88,6

15,8

62,2

Slovaquie

96,2

12,2

80,6

Slovénie

97,7

9,5

84,2

Source : Eurostat.

Ces chiffres fournissent deux indications importantes :

- d'une part, l'anglais s'impose comme une langue maîtrisée par une très forte proportion des élèves de l'enseignement secondaire, devançant très largement l'enseignement des autres langues ;

- d'autre part, le français se trouve dans tous les cas (à l'exception de Malte) en troisième position, loin derrière l'allemand. Il s'agit là d'une donnée qui peut être préoccupante quant au statut de « deuxième langue » que nous revendiquons au sein de l'Union.

B. Les manifestations du déclin

Le déclin de l'utilisation du français se manifeste tant par la diminution continue du nombre de documents initialement rédigés en français que par l'augmentation du nombre des irrégularités constatées, c'est-à-dire, pour l'essentiel, d'informations et de documents qui ne sont disponibles qu'en anglais.

1) La sensible diminution du nombre de documents initialement rédigés en Français

a) Au Conseil de l'Union européenne

L'édition 2002 du rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française confirme l'érosion du français comme langue de rédaction d'origine des documents du Conseil. Pour remédier à cette situation, le service de traduction du Conseil a même dû renforcer ses effectifs pour faire face à l'augmentation du nombre de pages à traduire vers le français.

Langues de rédaction d'origine des documents du Conseil (en %)

Année

Anglais

Français

1997

41

42

1998

50

29

1999

57

25

2000

45

36

2001

59

28

Source : Secrétariat général du Conseil.

La « performance » de l'année 2000 s'explique par la présidence française de l'Union européenne au second semestre de cette année. Pendant cette période, tant les réunions officielles que les groupes de travail informels ont été présidés en français. Toutefois, aussitôt passée la présidence française, l'anglais s'est de nouveau imposé sous la présidence suédoise du premier semestre 2001. Puis, en dépit des efforts de la présidence belge (second semestre 2001) pour que les documents officiels soient diffusés simultanément en français, anglais et néerlandais, on constate un net recul de notre langue.

b) A la Commission européenne

Depuis 1997, le recul du français à la Commission est un phénomène continu. En 1986, 58 % des documents faisaient l'objet d'une rédaction initiale en française contre 40 % en 1997 et désormais moins de 30 %.

Les langues utilisées pour la rédaction des documents dépendent de nombreux facteurs parmi lesquels le domaine de production ou encore les capacités linguistiques du commissaire ou du directeur général compétent. Les documents directement produits en français sont ainsi plus nombreux dans le secteur agricole que dans le domaine des négociations commerciales internationales.

Langues de redaction d'origine des documents a la Commission (en %)

 

Anglais

Français

Allemand

1986

26

58

11

1991

35

48

6

1996

44,

38,5

5,1

1997

45,3

40,4

5,4

1998

48

37

5

1999

52

35

5

2000

55

33

4

2001

57

30

4

Source : Commission européenne.

c) Au Parlement européen et à la Cour de justice

La situation du français est moins préoccupante au Parlement européen et à la Cour de justice, pour des raisons différentes.

Au Parlement européen, le recours au multilinguisme maîtrisé fait du français une langue pivot qui préserve son statut. Toutefois, comme cela a été indiqué précédemment, l'arrivée de représentants des pays candidats devrait provoquer une diminution réelle du nombre de documents rédigés initialement en langue française.

A la Cour de justice, le fait que le français soit la langue unique de délibéré place notre langue dans une situation particulièrement favorable. Il ne s'agit toutefois là que d'une règle coutumière, et il est à craindre que l'arrivée de juges ne maîtrisant pas le français puisse, à terme, fragiliser son emploi. Rien n'interdit en effet aux juges de demander à ce que le délibéré se fasse désormais en anglais, la langue parlée et comprise par le plus grand nombre. Pourtant, le choix du français n'est pas neutre du point de vue juridique et le changement de langue pourrait alors s'accompagner d'une évolution des raisonnements juridiques, qui reposent aujourd'hui sur une tradition continentale, vers des concepts anglo-saxons fondés sur la Common law. L'urgence est donc de former les traducteurs de la Cour de justice qui doivent pouvoir justifier d'une bonne maîtrise de notre langue. Il en est de même pour les juges, à qui une formation intensive doit être systématiquement proposée pour ceux d'entre eux qui ne parlent pas le français.

2) L'inflation du nombre d'irrégularités constatées

L'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui réunit les parlements de 62 pays francophones, a publié le 15 janvier 2003 une « Déclaration de Strasbourg »(23) dans laquelle elle s'inquiète de l'avenir du français et de la diversité linguistique dans l'Union européenne. L'organisation exige que « le français garde toute sa place dans l'Union européenne, tant comme langue de travail interne que comme langue de relations internationales ». Or il est vrai que les infractions à la réglementation linguistique se multiplient au sein de l'Union européenne. Les exemples suivants, malheureusement non exhaustifs, en sont autant d'illustrations.

a) Les cas de discrimination dans les recrutements communautaires

Il est de plus en plus fréquent d'observer que des annonces de recrutement, lancées par des institutions européennes, spécifient très clairement que les candidats doivent être « English native speaker ». Ainsi, dans diverses annonces publiées par les centres d'information des programmes Tacis et Phare(24) ou encore le Bureau d'assistance technique des programmes Socrates, Leonardo et Youth, l'anglais est exigé comme langue maternelle, au détriment de toute les autres langues communautaires.

Exemple d'annonce de recrutement exigeant

l'anglais comme langue maternelle

« The Brussels based Socrates, Leonardo and Youth Technical Assistance Office, assists the European Commission. At present the following opportunities (m/f) exist .

Assistants : The major requirements are language knowledge (English mother tongue, excellent French and German and another union language.

Administrative Officer : English mother tongue, excellent command of French and another union language. »

(Bruselo, Belgio. Bulletin, 7/12/00, p. 66).

Une liste de 500 annonces similaires peut être consultée sur le site internet : http://lingvo.org/fr/2/15

Le critère de la langue maternelle contrevient au principe de non-discrimination à l'embauche dans les pays de l'Union européenne qui figure dans le traité instituant la Communauté européenne(25). Les non-anglophones sont exclus d'emblée de la procédure de sélection, quand bien même ils maîtriseraient parfaitement la langue anglaise.

De nombreux parlementaires, nationaux et européens, ont alerté les autorités nationales et européennes de ces irrégularités. Dans une réponse adressée le 21 février 2001 au nom de la Commission européenne, Mme Diamantopoulou, commissaire chargée de l'emploi et des affaires sociales, estime « qu'il n'y a pas de discrimination dans le cas où les conditions relatives aux connaissances linguistiques sont requises en raison de la nature de l'emploi à pourvoir » et poursuit en affirmant que « dans certaines situations, il pourrait donc être justifié d'exiger d'un candidat à un emploi des connaissances linguistiques d'un niveau très élevé. Néanmoins, l'impossibilité d'en apporter la preuve par des moyens autres que le fait qu'une langue soit la langue maternelle du candidat pourrait être considérée comme disproportionnée par rapport à l'objectif recherché ». La réponse pour le moins embarrassée illustre la réalité de ces pratiques.

Les services de la Commission, eux-mêmes, publient des annonces exigeant non pas l'anglais comme langue maternelle, mais officialisant


le fait que certains programmes ne sont mis en œuvre qu'en anglais, comme en témoigne l'annonce ci-dessous :

« European Commission (DG Trade)... Invitation to tender related to a training programme for developing countries trade negociators and administrators... All reports, recommendations and dossiers prepared by the Contractor under the contact shall be in English... organise and run a training programme (in English). »

07.11.2002

Les atteintes répétées au principe d'égalité linguistique ont ainsi récemment conduit l'Espagne à attaquer devant la Cour de justice Eurojust, l'organe de coopération judiciaire créé pour lutter contre la grande criminalité. L'Espagne conteste le fait qu'Eurojust recrute ses fonctionnaires selon des critères linguistiques discriminatoires. Cet organe a en effet proposé des postes de conseiller juridique, d'attaché de presse, d'information et de bibliothécaire pour lesquels, selon les postes, le candidat doit avoir impérativement « une excellente connaissance de l'anglais et du français », « des connaissances approfondies de l'anglais ou du français », ou une « capacité à communiquer au moins en anglais et en français ». Or, selon les Espagnols, la décision de créer Eurojust n'évoque nulle part que les langues de travail doivent être l'anglais et le français. Cette exigence linguistique constituerait donc une discrimination manifeste en raison de la nationalité, ce qui est prohibé par le traité.

b) La multiplication des appels d'offres en langue anglaise

Le français est normalement présent dans les appels d'offres, les contrats et dans la gestion de certains programmes comme ceux qui relèvent des fonds structurels. Mais pour d'autres tels que, par exemple, Phare ou Tacis, l'anglais est très souvent imposé comme langue unique de rédaction des documents, de présentation des projets face aux jurys, des contrats et de la gestion des programmes.

Cette pratique contrevient au règlement n°1 de 1958 et provoque une distorsion de concurrence entre les entreprises ou organismes intéressés, au bénéfice des structures anglophones.

L'association française « Le droit de comprendre» a ainsi recensé un certain nombre de cas dans lesquels les réponses aux appels d'offres doivent nécessairement être rédigées en anglais(26). Par exemple :

- JOCE du 10 décembre 1996 : appel d'offre pour la modernisation d'une route nationale polonaise (programme Phare) : « l'offre devra être rédigée en anglais. La présentation des offres en polonais sera considérée comme un avantage ».

- JOCE du 3 septembre 1997 : appel à proposition de la Commission pour des projets cofinancés par la Communauté européenne dans les dimensions université, média et entreprise. Il y est indiqué que les propositions doivent être présentées en anglais.

c) Les sites Internet des institutions européennes

La Commission européenne assure la gestion centrale du serveur « europa.eu.int », alimenté par chacune des institutions de l'Union. Un effort incontestable a été entrepris afin de permettre au citoyen européen de trouver l'information qu'il recherche dans sa propre langue. Les pages d'accueil, les index ainsi que les documents officiels sont disponibles dans les onze langues officielles de l'Union.

Toutefois, de très nombreuses informations ne sont accessibles que dans un nombre limité de langues, voire uniquement en anglais. C'est le cas du site internet de la Banque centrale européenne, dont la page d'accueil n'est qu'en anglais.

En cliquant sur l'icône « fr » on peut même lire :

À l'heure actuelle, l'essentiel des informations figurant sur ce site sont en anglais. Toutefois, nombre de documents sont également disponibles en français.

La section About ECB contient des informations générales en français sur la BCE et les sections Publications et Press releases présentent un certain nombre de publications et de communiqués de presse dans leur version française.

Ces documents sont signalés par le code FR.

Il faut également signaler le cas des sites web de deux directions générales de la Commission européenne, qui ne sont disponibles qu'en anglais :

- Direction générale « Justice et affaires intérieures » : http://europa.eu.int/comm/dgs/justice_home/index_en.htm

- Direction générale « Affaires économiques et financières » : http://europa.eu.int/comm/dgs/economy_finance/index_en.htm

S'agissant de la publication des offres d'emploi, la situation est similaire sur les sites de la Banque centrale européenne, du Comité économique et social européen, d'Europol ou encore du Fonds européen d'investissement.

L'affaire de l'étiquetage en français

des produits alimentaires

Dans un arrêt Geffroy du 12 septembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la législation communautaire « s'opposait à ce qu'un Etat membre impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires, sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information de l'acheteur soit assurée par d'autres mesures ».

En France, la loi du 4 août 1994 « relative à l'emploi de la langue française », dite « loi Toubon », rend obligatoire l'usage du français pour tous les documents destinés à informer l'utilisateur ou le consommateur (étiquetage, prospectus, catalogues,...). C'est dans ce contexte que la Commission européenne a demandé à la France de se mettre en conformité avec la législation communautaire. Mais si la France accepte que d'autres langues figurent sur l'étiquetage, elle n'entend en revanche pas revenir sur l'obligation de l'usage du français.

Le litige opposant les autorités françaises et la Commission européenne n'a concerné que les denrées fabriquées dans un autre Etat membre et commercialisées en France, et non celles produites sur le territoire national.

RECOMMANDATIONS

10. Les infractions au régime linguistique plurilingue de l'Union devraient faire l'objet d'un signalement systématique aux autorités européennes qui ne sont pas en droit de se soustraire à leurs obligations linguistiques.

11. La publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite, car elle est contraire au principe de non discrimination linguistique. Au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues officielles.

12. Les sites internet des institutions et des organismes communautaires devraient être soumis au respect d'une « Charte linguistique » prohibant notamment la mise en ligne d'informations en une seule langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.

VII.

VIII. UN DISPOSITIF POUR PROMOUVOIR LA PLACE DU FRANÇAIS EN EUROPE

Lors d'une Communication sur la diversité culturelle présentée le 29 août 2002 en Conseil des ministres, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a réaffirmé « la détermination de notre pays à faire respecter son statut de langue officielle et de langue de travail dans les instances internationales, en particulier au sein de l'Union européenne ». Il est prévu que les ministères des affaires étrangères et de la culture agissent de façon conjointe et fassent de la formation au français des futurs fonctionnaires européens une priorité. Promouvoir l'apprentissage des langues au sein de l'Union européenne est également indispensable pour que le plurilinguisme ne soit pas réservé à une élite.

A. Renforcer l'influence du français dans les institutions européennes

La France qui, depuis plusieurs années, tente d'inverser la tendance défavorable au français à l'œuvre dans les institutions européennes, inscrit désormais son action dans un cadre francophone, afin d'en améliorer la cohérence et d'en accroître les moyens. L'enjeu de la place du français en Europe est fondamental pour l'ensemble de la francophonie, alors que l'Amérique d'une part, et l'Asie d'autre part, utilisent massivement l'anglais. A la suite du sommet de Beyrouth d'octobre 2002, les institutions de la Francophonie ont ainsi décidé de renforcer leur action pour soutenir l'usage du français au sein des institutions de l'Union européenne.

Lors de son discours prononcé le 14 mars 2003 à l'occasion du lancement de la Journée internationale de la francophonie et de la semaine de la langue française, M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie a ainsi considéré que la francophonie, au-delà du soutien au français, devait s'inscrire dans une perspective plus large de promotion de la diversité linguistique et culturelle : « ce n'est pas une démarche égoïste, ce n'est pas une démarche de repli sur soi, bien au contraire, c'est une démarche d'ouverture sur le monde, c'est une démarche aussi destinée à convaincre l'ensemble des peuples et de leurs dirigeants que le patrimoine de l'humanité qu'est l'ensemble des cultures, des langues, des sociétés, des civilisations, doit être préservé », a-t-il ainsi déclaré.

1) Le Plan pluriannuel pour le développement du français

Le 11 janvier 2002, les gouvernements français, luxembourgeois et de la Communauté française de Belgique ont signé, en partenariat avec l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) un « Plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte pluriculturel et plurilingue des institutions de l'Union européenne »(27).

a) Les objectifs du Plan pluriannuel

Le Plan comporte quatre volets :

¬ Formation en français :

- des diplomates, fonctionnaires et agents des pays candidats à l'adhésion qui travaillent en liaison avec les institutions de l'Union européenne et qui sont chargés de l'application et de la mise en œuvre de l'acquis communautaire ;

- des fonctionnaires des institutions européennes.

¬ Formation des interprètes francophones des pays candidats à l'adhésion et formation aux langues de ces pays des interprètes de langue française des institutions de l'Union européenne.

¬ Formation de traducteurs francophones des institutions de l'Union européenne aux langues des pays candidats à l'adhésion et formation au français de traducteurs de ces pays.

¬ Développement des technologies de l'information et de la communication pour favoriser l'usage du français comme langue de travail des institutions de l'Union européenne. A cet effet, plusieurs logiciels (correcteurs orthographiques, aide à la rédaction administrative, banques de données terminologiques) ont été mis au point, tandis que d'autres sont en cours de réalisation.

Le Centre européen de langue française (CELF)

Crée en 1996 au sein de l'Alliance française de Bruxelles, le CELF est un organisme qui à vocation à valoriser la langue et la culture françaises auprès du public européen établi à Bruxelles. Le centre est notamment chargé de répondre aux demandes de formation des institutions européennes et des missions et représentations permanentes à Bruxelles. En 2002, le CELF est intervenu dans la formation de 2016 fonctionnaires communautaires.

b) La mise en œuvre du Plan pluriannuel

Le maître d'œuvre du Plan pluriannuel est l'Agence intergouvernementale pour la francophonie (AIF) qui intervient ainsi dans un cadre multilatéral. En France, L'AIF agit en étroite collaboration avec la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, la Sous-direction du français du ministère des affaires étrangères et le service des affaires francophones du ministère des affaires étrangères. La multiplicité des structures engagées, même si elles s'efforcent d'intervenir de façon coordonnée, peut nuire à l'efficacité de leurs actions. C'est pourquoi, par exemple, la réflexion actuellement menée sur la réforme administrative du ministère des affaires étrangères devrait favoriser une rationalisation des moyens en permettant des synergies plus importantes entre les services concernés.

Le Plan pluriannuel est essentiellement financé par la France qui l'a abondé en 2002 à hauteur de 1,4 million d'euros en 2002. Ce montant à été porté en 2003 à 1 890 000 euros.

Plusieurs leviers d'action peuvent être identifiés :

¬ Favoriser la rédaction initiale des documents en français :

A cet effet, la mise au point d'un logiciel d'aide à la rédaction administrative vise à encourager les fonctionnaires européens à davantage utiliser le français dans leurs activités quotidiennes. Il est ainsi prévu d'équiper 10 000 postes informatiques en 2003 et autant en 2004, pour un coût estimé à environ 400 000 euros.

¬ Préserver le français comme langue pivot :

Le français ne conservera son statut de langue pivot que si suffisamment d'interprètes et de traducteurs maîtrisent notre langue. Il s'agit donc de cibler les actions de formation auprès de publics clairement identifiés : nouveaux fonctionnaires issus des pays candidats, interprètes et traducteurs, fonctionnaires nationaux participant aux nombreux groupes de travail du Conseil.

Par ailleurs, une campagne se sensibilisation au français devrait être lancée avant la fin de l'année 2003 dans trois futurs pays membres : la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie.

¬ S'assurer de l'emploi du français par les fonctionnaires français

Une circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française rappelle que « le prochain élargissement de l'Union européenne doit être l'occasion de promouvoir le recours à l'utilisation de la langue française en Europe ». A cet égard, la circulaire précise que les fonctionnaires français doivent systématiquement privilégier l'emploi du français, ce qui n'est, en pratique, pas toujours vérifié. Or les efforts engagés en faveur de la promotion du français seraient vains si même nos représentants à Bruxelles en venaient à s'exprimer en anglais. Par discrétion, le rapporteur n'évoquera pas les nombreux cas qui lui ont été signalés.

2) La mise en œuvre d'actions concrètes

« Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté », écrivait Alain. Une chose est certaine : les déclarations incantatoires n'ont plus leur place dans la défense de la langue française. Il est urgent d'agir, par des « réalisations concrètes », comme le préconisation Robert Schuman dans sa Déclaration du 9 mai 1950.

Mais il ne faut pas non exagérer le recul de notre langue qui reste incontestablement en deuxième position au sein des institutions européennes et qui, l'anglais mis à part, n'est pas réellement concurrencée.

La prise de conscience semble enfin être prise. Probablement avec dix ans de retard, car une action de promotion du français et de formation à notre langue aurait dû être engagée dès le début des négociations d'adhésion avec les futurs pays membres, afin d'éviter que nous ne nous trouvions aujourd'hui placés au pied du mur.

Parmi les initiatives engagées, on peut ainsi mentionner la constitution d'un « Fonds d'intervention pédagogique » (FIP), géré par la Sous-direction du français du ministère des affaires étrangères pour financer ou co-financer des formations à destination de fonctionnaires ou autres publics en charge de dossiers européens. Les actions conduites grâce à ce fonds s'inscrivent dans le cadre du Plan pluriannuel d'action pour le français dans la perspective de l'élargissement.

En 2003, le montant réservé au FIP est de 301 075 euros dont 222 679 euros pour les pays candidats. Ces sommes sont notamment affectées à l'organisation de formations linguistiques et à la mise en place de stages intensifs pour les fonctionnaires des futurs pays membres. En 2002, le FIP a servi la formation en français d'environ 3 000 fonctionnaires en Europe.

Le projet pilote de Tallinn (Estonie)

Conformément à la convention qui lie le ministère des affaires étrangères estonien et le centre culturel à Tallinn, 200 fonctionnaires estoniens ont été formés au français au cours des dernières années, dont 170 diplomates. Au premier semestre 2003, le Centre culturel de Tallinn a organisé la formation en français de 560 fonctionnaires, issus de 17 ministères différents.

La formation des fonctionnaires est un enjeu central pour la place du français en Europe. Nos pourrions ainsi concentrer les diverses actions engagées dans le cadre de la création d'un centre de préparation aux concours européens, à destination des candidats issus des pays membres et de ceux qui rejoindront l'Union l'an prochain. Un système de bourses devrait être instauré afin d'inciter les étudiants à s'inscrire dans ce centre où ils pourront notamment apprendre le français. Cette école de préparation aux concours, qui pourrait être située à Strasbourg, devrait en effet être ouverte à l'ensemble des ressortissants européens. Des services de formation continue à destination des fonctionnaires en poste au sein des institutions communautaires pourraient également être proposés, notamment dans le domaine de l'apprentissage et du perfectionnement en langues. La création de ce centre de formation pourrait s'inscrire dans le cadre du plan triennal 2003/2006(28) qui doit être prochainement signé entre l'Etat et les collectivités locales (Conseil régional, Conseil général, Communauté urbaine de Strasbourg et Ville de Strasbourg), alors qu'une réflexion est actuellement engagée sur la constitution, à Strasbourg, d'un pôle européen d'administration publique(29).

Le Comité de pilotage chargé définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne, et dont le Premier ministre a confié la présidence à Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, pourrait expertiser cette proposition.

Au-delà des actions menées par les pouvoirs publics, il faut signaler des initiatives associatives qui méritent d'être soutenues. Par exemple, l'Association des Français Fonctionnaires des Communautés européennes (AFFCE) a initié le projet « Accueil », qui consiste à proposer à Bruxelles un hébergement et des cours de perfectionnement en langue française à de futurs administrateurs de la Commission, issus des pays candidats. Cette immersion vise à offrir à ces futurs fonctionnaires européens la possibilité de rencontrer et de partager la vie de familles de fonctionnaires français en nouant de premiers contacts et en les aidant à bien préparer leur intégration à Bruxelles. 150 fonctionnaires ont d'ores et déjà bénéficié de ce programme.

RECOMMANDATIONS

13. La promotion de la langue française suppose en premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française.

14. La promotion du français dans les institutions européennes nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans une perspective interministérielle. Une réforme des services du ministère des affaires étrangères devrait favoriser les synergies possibles.

15. Les actions de formation en français des fonctionnaires des pays membres et des pays candidats doivent être encouragées et soutenues financièrement. A cet effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de l'Union européenne, élargie à la formation continue des fonctionnaires européens devrait être expertisée par le comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne.

16. La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne pourrait s'engager à suivre l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes en publiant un rapport d'information annuel, qui dresse notamment un bilan des pratiques constatées et des actions engagées.

B. Promouvoir l'apprentissage des langues dans l'Union européenne

Une enquête réalisée par Eurobaromètre en février 2001(30) analyse l'importance qu'accordent les citoyens de l'Union à la connaissance d'une langue étrangère.

Il ressort de cette étude que 71 % des Européens considèrent que chacun dans l'Union européenne devrait être capable de parler une langue européenne en plus de sa langue maternelle. Mais un pourcentage similaire des personnes interrogées considère que cette langue devrait être l'anglais. En outre, quatre Européens sur dix déclarent que l'offre de cours de langues est bonne dans la région où ils habitent. Cela se vérifie, en particulier, pour le Danemark et le Luxembourg (73 %), ainsi que pour la Grèce (68 %).

Dans leur grande majorité (63 %), les Européens estiment qu'il est nécessaire de protéger davantage leur langue dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne. 90 % des personnes interrogées sont de cet avis en Grèce et en Finlande.

Les Européens et leur perception des langues

(Ces questions ont été posées à l'ensemble des personnes interrogées)

D'accord (en %)

Pas d'accord (en %)

Ne sait pas
(en %)

Tout le monde dans l'Union européenne devrait être capable de parler une langue européenne en plus de sa langue maternelle

71,1

20,2

8,7

Tout le monde dans l'Union européenne devrait être capable de parler anglais

69,4

22,5

8,1

L'élargissement de l'Union européenne pour inclure de nouveaux pays membres signifie que nous devons mieux protéger notre propre langue

63,4

22,6

14

Il y a de bonnes possibilités d'apprendre les langues pas loin de chez moi

40,4

29,7

30

L'élargissement de l'Union européenne pour inclure de nouveaux pays membres signifie que nous devrons commencer à parler une langue commune

38

46,8

15,2

Dans ma région, les gens sont plutôt doués pour parler d'autres langues

34,3

39

26,7

 

D'accord (en %)

Pas d'accord (en %)

Ne sait pas
(en %)

Tout le monde dans l'Union européenne devrait être capable de parler deux langues de l'Union européenne en plus de sa langue maternelle

32,4

53,4

14,1

Je préfère regarder les films et programmes étrangers sous-titrés plutôt que doublés

29,8

59,6

10,6

S'il y avait un centre de langues à proximité, je l'utiliserais

29,6

46,8

23,6

Source : Eurobaromètre.

1) L'enseignement du français dans les pays de l'Union européenne

a) Dans l'Europe des Quinze

Au sein de l'Union européenne, l'objectif vise à consolider le français comme première seconde langue enseignée. Il ne s'agit en effet pas de mener un combat perdu d'avance contre l'anglais. C'est pourquoi, pour la France, l'enjeu de l'enseignement de deux langues étrangères est essentiel. En effet, lorsque les systèmes éducatifs ne proposent qu'une seule langue, c'est l'anglais qui est systématiquement choisi, alors que dès qu'une seconde langue est possible, le français se hisse en bonne position.

L'exemple de l'Espagne est révélateur. On y recense aujourd'hui 1,3 million d'élèves apprenant le français contre seulement 250 000 en 1998, lorsque une seule langue étrangère était enseignée à l'école.

S'agissant des relations franco-allemandes, le sommet de Schwerin du 30 juillet 2002 a entériné une série de mesures destinées à redonner un essor à l'enseignement du français en Allemagne, et par réciprocité, à l'enseignement de l'allemand en France. L'introduction de deux langues vivantes obligatoires dans tous les Länder de l'Allemagne permettrait de renforcer la position du français outre Rhin.

En tout état de cause, une politique fondée sur le plurilinguisme ne saurait nous conduire à promouvoir l'enseignement du français à l'étranger sans favoriser, en retour, l'enseignement des langues étrangères en France, au-delà des langues les plus communément apprises que sont l'anglais, l'espagnol et dans une moindre mesure l'allemand. L'italien et le portugais sont de moins en moins appris, tandis que les langues des futurs pays membres n'y sont enseignées que de façon marginale. Il ne suffit pas d'affirmer que le plurilinguisme est une richesse ; encore devons-nous nous donner les moyens de faire partager cette richesse.

b) Dans les futurs pays membres

Certains pays d'Europe centrale et orientale ont une tradition clairement francophone. C'est le cas de la Roumanie, avec plus de deux millions d'apprenants et de la Bulgarie, où le français est enseigné non seulement dans l'enseignement secondaire mais aussi désormais dans les écoles primaires. Il faut toutefois constater, depuis l'effondrement du communisme, un intérêt croissant accordé à l'anglais.

En Pologne, la volonté politique de rééquilibrer l'apprentissage des langues étrangères dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne entraîne une augmentation des effectifs d'apprenants de français qui s'élève à 320 000. Pour autant, les jeunes générations sont - pour des raisons économiques - davantage incitées à apprendre l'anglais. Une langue n'est apprise que parce qu'elle est attractive, ce qui suppose que le français soit davantage une langue « utile », notamment en terme d'accès à l'emploi. Rien ne serait plus mauvais pour l'image de la France que d'encourager l'enseignement du français sans que les apprenants n'en tirent une plus value, ou tout du moins ne soient pas pénalisés par rapport à ceux qui ont appris l'anglais.

Les langues étrangères que les europeens

jugent « les plus utiles »

Anglais

75 %

Français

40 %

Allemand

23 %

Espagnol

18 %

Italien

3 %

Néerlandais

1 %

Chinois

1 %

Source : Eurobaromètre.

2) La politique européenne en faveur de l'apprentissage des langues

a) L'Année européenne des langues (2001)

Une campagne d'information à destination du grand public a été organisée en 2001 par l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. « L'Année européenne des langues » a ainsi permis de célébrer la diversité linguistique en Europe en mettant l'accent sur la nécessité, pour chaque Européen, d'apprendre les langues pour échanger et comprendre les autres cultures. Le 26 septembre 2001, la « Journée européenne des langues » a constitué le point d'orgue de plusieurs milliers de festivals, de conférences, de publications et d'autres opérations.

Dans le cadre de l'Année européenne des langues, la chaîne de télévision francophone TV5 a ainsi diffusé un cours de français en plein air (« Une classe dans la ville »), préparé par l'association des professeurs de français en Grèce, qui s'est déroulé sur la principale place de Thessalonique. Un outil d'apprentissage a été constitué à partir des émissions, ainsi que des vidéoclips, des jeux linguistiques et des activités interactives.

En Allemagne et aux Pays-Bas, le concours de « l'administration la plus polyglotte » a été organisé dans les services publics de part et d'autre de la frontière.

b) Les programmes communautaires en faveur des langues

La dimension linguistique est présente dans de nombreux programmes financés par l'Union européenne :

¬ « Culture 2000 » soutient la traduction d'œuvres littéraires européennes du 20e siècle, afin de favoriser la connaissance mutuelle des œuvres culturelles par les Européens.

¬ Dans le domaine de l'audiovisuel, le programme « Media » encourage le sous-titrage de films, dans le but de diffuser plus largement les œuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes.

¬ « Socrates II » est un programme dont l'objectif vise à améliorer la connaissance des langues de l'Union européenne et à promouvoir l'application de nouvelles technologies et méthodologies dans le domaine de l'éducation.

¬ « Erasmus » et prochainement « Erasmus Mundus » permet aux étudiants européens de réaliser une partie de leur cursus dans un pays étranger et d'approfondir ainsi leur connaissance des langues.

¬  « Leonardo » vise à promouvoir la réalisation d'une politique de formation professionnelle de l'Union européenne tout en soutenant la promotion des compétences linguistiques et culturelles dans ce secteur.

¬ « E-Content »(31) entend promouvoir la diversité linguistique dans la société de l'information, et particulièrement sur les sites internet.

¬ Le « label européen » est une initiative coordonnée par la Commission européenne avec l'Islande et la Norvège, mais gérée de façon décentralisée dans les Etats membres. Le label est attribué tous les ans aux projets les plus novateurs et actifs dans le champ de l'enseignement des langues.

c) L'action en faveur des langues régionales et minoritaires

Les langues régionales et minoritaires font l'objet d'actions spécifiques de l'Union, à travers le « Bureau européen pour les langues les moins répandues » et le réseau d'information « Mercator », qui bénéficient d'un soutien financier. On évalue à 40 millions le nombre de citoyens de l'Union qui utilisent régulièrement une langue régionale ou minoritaire, transmise de génération en génération. Ces langues font l'objet d'une protection spécifique dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui est en réalité un traité international conclu sous


l'égide du Conseil de l'Europe et adopté par de nombreux Etats membres de l'Union européenne(32).

Le droit à la diversité linguistique, proclamé à l'article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, assure également la protection des langues minoritaires. Il faut néanmoins souligner que les langues minoritaires peuvent avoir le statut de langue officielle, non pas de l'Union, mais de l'Etat membre dans lequel elles sont utilisées. C'est notamment le cas du catalan en Espagne, qui est parlé par plus de 10 millions de personnes. Dans le cadre d'une politique plurilingue, l'enseignement des langues régionales devrait être davantage encouragé, dans la mesure où les Etats s'engagent à promouvoir l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères.

d) L'objectif de l'apprentissage de deux langues étrangères en plus de sa langue maternelle

En 2003, seuls sept pays de l'Union européenne imposent deux langues vivantes obligatoires dans leur système éducatif. Ces pays sont l'Autriche, la Finlande, la France, l'Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède. En Belgique, seule la Communauté flamande de Belgique impose l'enseignement de deux langues vivantes obligatoires.

La politique éducative est une compétence exclusive des Etats membres et, dans ce domaine, l'Union européenne n'intervient qu'en soutien des actions nationales. Pour autant, la Commission peut afficher des priorités et se fixer des objectifs afin d'apporter des réponses concrètes aux perspectives tracées par les chefs d'Etat et de gouvernement européens. Ainsi, lorsque le Conseil européen de Lisbonne (2000) souhaite faire de l'Union européenne l'économie la plus compétitive et la plus performante du monde, il sous-entend que l'Union doit soutenir les efforts des Etats dans des domaines aussi variés que le développement du marché du travail, la formation initiale et professionnelle ou encore le développement des nouvelles technologies. Dans un marché unique où les flux de circulation des personnes sont appelés à s'intensifier, l'apprentissage minimum de deux langues étrangères est une urgence. Mme Viviane Reding, commissaire chargée de l'éducation et de la culture l'a souligné à de multiples reprises.

Au-delà de l'Union européenne, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également pris clairement parti en faveur de l'enseignement de deux langues étrangères en votant une recommandation dans laquelle elle préconise :

- de promouvoir la connaissance d'au moins deux langues étrangères ;

- de développer les accords de coopération linguistique entre régions frontalières ;

- de développer l'enseignement bilingue et la mise en place de dispositifs afin de pouvoir passer des examens de fin de scolarité ;

- d'étendre les formules de séjours linguistiques ;

- de favoriser l'apprentissage des langues minoritaires et de veiller à ce que la relève des professeurs de langues minoritaires soit assurée selon un plan de recrutement établi après une étude des besoins à moyen et à long terme dans chaque pays.

RECOMMANDATION

17. L'enseignement obligatoire de deux langues étrangères devrait être encouragé et devenir la norme dans l'Union européenne élargie tandis que l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs européens.

CONCLUSION

La question linguistique, dont le rapporteur a souhaité souligner le caractère transversal, révèle ses dimensions multiples. A travers l'usage des langues, se pose la question de l'égalité des Etats dans l'Union européenne et de la gestion quotidienne et matérielle d'un élargissement sans précédent. Mais au-delà des questions administratives, il s'agit aussi de l'égalité de traitement des citoyens et des entreprises dans le cadre du marché unique ou encore de la politique de l'Union en faveur de la diversité linguistique et culturelle, à une époque ambiguë où la mondialisation est à la fois un vecteur d'échanges et une source d'uniformisation.

Sur le plan politique, la négociation sur le régime linguistique semble indiquer qu'il n'existe pas de solution idéale. Le dossier est si délicat que la Convention sur l'avenir de l'Europe a sciemment évité de l'aborder, en se contentant - mais c'est important - de consacrer le principe de la diversité linguistique, à l'article 3 du projet de Constitution européenne.

Pour autant, les pratiques développées par chaque institution témoignent d'un principe d'égalité linguistique qui souffre en réalité de nombreuses dérogations, pour des raisons généralement bien fondées. Et il n'est pas à exclure que la négociation actuellement en cours au sein du Conseil n'aboutisse pas sur un sujet qui requiert l'unanimité des délégations. L'absence de décision conduirait à pérenniser les pratiques actuelles sans garantir la sécurité linguistique qui doit constituer le socle juridique d'une Europe plurilingue. Or la langue est un instrument de pouvoir, ce qui rend indispensable la recherche d'un consensus sur une question qui touche de si près à la culture et aux identités. C'est dans ce cadre que des actions pragmatiques et concrètes doivent être engagées en faveur de la promotion du français. A condition de savoir susciter un désir de français, au service d'un désir d'Europe.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 11 juin 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Michel Herbillon pour ce rapport très important sur un sujet qui peut être qualifié d'explosif en Europe. Il est certain qu'on ne peut pas continuer à s'écarter de la réglementation, alors même que le sort du français est en jeu. Lors des débats, en séance plénière, à la Convention européenne, chacun s'exprime dans sa langue, mais l'utilisation presque exclusive de l'anglais et du français dans les groupes de travail montre qu'on pourrait parfaitement retenir la suggestion des trois langues pivots, si chacun consentait à renoncer à des questions d'honneur ou de statut de la langue.

M. Pierre Forgues a considéré que l'essentiel était le maintien du principe selon lequel chacun doit pouvoir s'exprimer dans sa langue. On ne peut néanmoins empêcher l'utilisation d'une langue véhiculaire, aujourd'hui l'anglais, qui le sera encore plus demain après l'adhésion des nouveaux Etats membres. On aurait pu favoriser l'utilisation d'une langue spécifique telle que l'espéranto, ce qui n'aurait pas posé de problème particulier si l'on avait consenti un effort d'enseignement et de formation dans les écoles normales. Toutefois, les autorités françaises considèrent que l'espéranto n'est pas porteur d'une culture et ne peut même pas constituer une option au baccalauréat. Le combat contre l'anglais semble perdu d'avance, comme le montre l'usage très large qu'en font les chercheurs, les chefs d'entreprise et les radios de notre pays. Ainsi, on critique fréquemment l'hégémonie de l'anglais, tout en assurant largement sa diffusion. La défense du français ne doit pas rester théorique et devrait notamment passer par un accueil plus large des étudiants étrangers, en particulier ceux de l'Afrique francophone qui sont aujourd'hui moins nombreux en France qu'il y a quelques décennies.

Par ailleurs, il a tenu à affirmer que l'enseignement des langues en France se situe à un niveau équivalent à celui existant dans les autres Etats membres. Il suffit de se déplacer dans ces pays pour constater que le niveau des étrangers dans notre langue n'est guère supérieur au niveau des Français dans les langues étrangères. Il a également souhaité que le régime linguistique de l'Union européenne prenne en compte l'existence de langues telles que le catalan ou le basque. Au total, la suggestion visant à instituer trois langues pivots apparaît extrêmement fragile, car une seule s'imposera au bout du compte, et le français ne doit pas être défendu en faisant abstraction de la réalité.

Après avoir salué l'excellent rapport réalisé par M. Michel Herbillon, M. Bernard Deflesselles s'est dit frappé par deux statistiques : la première montrant que Malte est le seul pays candidat où le français est plus enseigné que l'allemand, la seconde indiquant que près de 70 % des Européens considèrent que tout le monde devrait parler anglais. Ces statistiques semblent établir que la défense du français face à l'anglais constitue déjà une bataille perdue. A ce sujet, mieux vaudrait d'ailleurs parler de promotion du français, comme le fait le rapport de M. Michel Herbillon.

S'agissant des statistiques espagnoles montrant que l'enseignement obligatoire d'une seconde langue a favorisé le développement du français, il convient d'éviter de se réjouir trop vite en rappelant que l'enseignement de l'italien à un grand nombre de Français il y a une vingtaine d'années a pratiquement disparu aujourd'hui.

Sur la question des langues, les Français ont une attitude schizophrène, puisqu'ils n'ont de cesse d'inciter leurs enfants à apprendre l'anglais, tout en combattant cette langue au sein des institutions de l'Union européenne.

M. Gérard Voisin a indiqué qu'il fallait distinguer la politique des langues dans les institutions communautaires - qui exige de défendre la place du français - et celle à l'égard des citoyens de l'Union - qui doit prendre en compte le rôle croissant de l'anglais. La question de l'anglais se pose d'ailleurs dans le cadre des jumelages européens entre écoles primaires, dans la mesure où, en dehors de certains jumelages traditionnels avec des écoles allemandes ou italiennes, l'anglais paraît souvent la langue d'échange la plus commode.

M. André Schneider a souligné que, si la France n'avait pas de complexe à avoir par rapport à ses partenaires européens pour l'enseignement des langues, la maîtrise des langues étrangères parlées posait souvent problème, alors même que l'on dispose aujourd'hui de tous les moyens audiovisuels adéquats. La question principale en la matière est de savoir comment inciter les jeunes à apprendre une autre langue étrangère que l'anglais vers laquelle ils se tournent en raison de leur attirance pour les Etats-Unis. Pour cela, il est nécessaire de susciter leur intérêt pour d'autres pays étrangers.

Il a par ailleurs estimé que, plutôt que de parler de défense du français, il valait mieux plaider en faveur de la promotion du français, qui passe aussi par la promotion de la France et la capacité de notre pays à renforcer la place de Strasbourg comme l'une des capitales de l'Europe, grâce notamment à une meilleure desserte ferroviaire et aérienne.

M. Didier Quentin a déclaré qu'il fallait défendre l'idée d'une deuxième langue étrangère obligatoire, parce qu'elle est le meilleur moyen de promouvoir d'autres langues que l'anglais. La France doit d'ailleurs poursuivre ses efforts dans ce domaine si elle veut obtenir la réciprocité de la part de ses partenaires.

Après avoir constaté que l'anglais de base avait pris la place que ses inventeurs voulaient assigner à l'espéranto, il a émis deux suggestions : d'une part, enseigner l'anglais comme matière fondamentale et dispenser parallèlement l'enseignement d'une, voire deux langues étrangères supplémentaires ; d'autre part, favoriser une plus grande mobilité des enseignants de langues dans l'Union, ce qui permettrait aux élèves d'avoir des professeurs originaires d'autres pays de la Communauté, parlant leur langue maternelle et renforçant l'interpénétration des cultures.

Il a enfin déploré l'hégémonie des mathématiques dans l'enseignement, en particulier dans les filières où cette matière est moins utile que d'autres, comme les langues étrangères.

M. André Schneider a ajouté qu'on a sous-estimé l'importance de la maîtrise des langues dans l'enseignement, y compris la langue maternelle, pour la formation des futurs scientifiques.

M. François Calvet a considéré que la meilleure façon de promouvoir le français était de défendre les langues minoritaires - y compris des langues régionales comme le catalan - et que l'attachement des petits pays à leur langue se justifiait par leur peur de perdre leur identité. L'ouverture de cours de catalan dans les Pyrénées orientales a en tout cas suscité une ouverture réciproque de cours de français en Catalogne. Il a d'autre part souligné combien le principe de la diversité linguistique, par l'esprit de liberté et de tolérance qui l'anime, était en phase avec la philosophie des droits de l'Homme, à laquelle la France est si attachée.

M. Pierre Forgues a souhaité disposer de statistiques sur le nombre de lycées et d'universités enseignant des langues telles que le polonais ou le tchèque.

Le Président Pierre Lequiller a observé que garantir le plurilinguisme était la seule manière de défendre, ou plutôt de promouvoir, efficacement la langue française. Lorsque, dans un Etat membre, l'apprentissage de deux langues étrangères est obligatoire, le français devient en général la deuxième langue étrangère.

Au vu des résultats communément atteints à la fin des études secondaires, il apparaît que la mobilité des enseignants de langue entre Etats membres de l'Union gagnerait à être accrue. Comme le montre l'exemple des lycées internationaux et franco-allemands, l'apprentissage renforcé des langues étrangères est du reste une aide et non un frein à l'étude de la langue maternelle.

Il convient d'encourager le développement des classes européennes et des établissements à vocation internationale et de favoriser le rapprochement des différentes institutions culturelles que les Etats membres entretiennent à l'étranger, telles que le Goethe Institut, le British Council et l'Institut culturel français.

A propos de la mobilité des enseignants, M. André Schneider a souligné qu'il suffirait de remettre en application la formule existante de l'échange poste à poste de professeurs pour une année reconductible, de la compléter tout au plus par une incitation financière et de ne pas la réserver aux enseignants de langue.

Le rapporteur a expliqué qu'il avait voulu élaborer sur la question des langues un document synthétique, regroupant des informations jusqu'alors éparses sur la stratégie des institutions européennes, le principe du plurilinguisme et la promotion du français qui sont autant de questions liées. Le terme de défense du français exprimerait une attitude de repli et mieux vaut parler de sa promotion. Elle exige la définition d'une stratégie, d'une tactique et l'octroi de moyens, aujourd'hui insuffisants, notamment pour les bourses accordées aux étudiants étrangers. Le rapport n'aborde pas de front la question de l'enseignement parce qu'elle ne se rattache que de manière connexe à l'activité des institutions européennes.

Il a ensuite proposé que soit institué un suivi annuel de la question, afin d'en étudier notamment l'évolution dans le cadre de la francophonie.

Quant à la question d'une langue commune, il a souligné que l'espéranto était certes pratiqué et enseigné dans quatre-vingts pays, mais que la vraie lingua franca est en Europe une forme d'anglo-américain abâtardi. Le combat pour le français ne peut donc viser qu'à conforter sa position de seconde langue étrangère la plus choisie. Au sujet des langues régionales, il faut remarquer que le catalan est certes moins parlé que le polonais dans l'Union élargie, mais qu'il y compte plus de locuteurs que des langues nationales comme le hongrois ou le tchèque.

L'image du français langue des droits de l'homme n'a plus la même aura dans une Europe démocratique, ce qui explique en partie son recul dans les nouvelles générations. Aussi faut-il encourager l'accueil d'étudiants étrangers et améliorer les bourses qu'on leur accorde. Le regroupement des centres culturels nationaux dans les différents Etats membres en centres culturels européens paraît également souhaitable.

M. André Schneider a souligné la qualité de l'enseignement de la seconde langue en France, qui s'appuie sur des programmes, des horaires et des exigences de même niveau que pour l'enseignement de la première langue, contrairement à d'autres pays.

M. Bernard Deflesselles a observé que le bénéfice de la seconde langue courait cependant le risque d'être perdu s'il n'y avait pas à l'issue de son étude de vraie motivation à la pratiquer, notamment dans le domaine professionnel.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu'il fallait sauver la diversité linguistique pour sauver la diversité culturelle. Il faudra suivre à l'avenir l'évolution de cette question essentielle.

La Délégation a ensuite examiné et adopté la proposition de résolution du rapporteur dont le texte figure ci-après.

EXPOSE DES MOTIFS
DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION

Le régime linguistique de l'Union européenne est unique au monde. En posant le principe d'égalité des langues officielles et de travail, le règlement n°1 du 15 avril 1958 constitue le socle juridique d'un multilinguisme protecteur qui permet à chaque citoyen d'écrire à une institution ou à un organe de l'Union dans l'une des langues officielles et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue.

Avec l'élargissement à dix nouveaux pays, le nombre de langues officielles va passer de onze à vingt et plus, posant ainsi l'urgence d'une adaptation du régime linguistique des institutions. Or, au fil du temps, les pratiques qui se sont développées ont rendu certaines langues plus égales que d'autres. Parce que la Convention européenne s'apprête à consacrer la diversité linguistique au rang des principes constitutionnels, l'établissement d'un régime linguistique stable, juste et pérenne est plus que jamais nécessaire.

Les négociations actuellement en cours, tant sur la révision du régime linguistique du Conseil que sur la modification du statut des fonctionnaires européens devront permettre d'aboutir à la définition de critères objectifs et transparents.

Alors que l'avenir du français dans le monde se joue désormais en Europe, la démonstration politique doit être apportée que le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est pourquoi il est urgent d'engager les réformes appropriées afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions tout en garantissant le respect d'une tradition plurilingue qui peut aussi permettre à l'Union de s'exprimer d'une autre voix dans le monde.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes pour l'exercice 2004 (E 2275 Annexe 1),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés [COM(2002) 213 final, E2024],

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (Programme eLearning) [COM(2002) 751 final, E 2182],


1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle, que consacre l'élargissement à dix nouveaux pays :
I. En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des institutions de l'Union européenne :

2. Considère que le régime d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union, tout représentant du peuple ayant le droit de s'exprimer, en toutes circonstances, dans sa langue maternelle ;

3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/allemand) sur lesquels il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée ;

4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe du plurilinguisme européen ;
5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, se fonde sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de marché ne pourrait être soutenue qu'à ces conditions ;

6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait faire l'objet d'une expérimentation puis d'une évaluation qui permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation de ce régime.

7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences de l'Union européenne et des organismes communautaires, fondée sur un nombre limité de langues de travail.


II. En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au sein de l'Union européenne :

8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite car contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues officielles ;

9. Appelle à un signalement systématique des infractions linguistiques commises par les institutions et organismes communautaires, en violation de leurs obligations ;

10. Propose que les sites internet des institutions et organismes communautaires soient soumis au respect d'une « charte linguistique » prohibant notamment la mise en ligne d'informations dans une seule langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.


III. En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français dans les institutions européennes :

11. Considère que la promotion de la langue française suppose en premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française ;

12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans une perspective interministérielle, et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires étrangères favorise les synergies possibles ;

13. Se félicite des actions de formation en français des fonctionnaires des pays membres et des pays candidats, qu'il faut encourager et soutenir financièrement. A cet effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de l'Union européenne, élargi à la formation continue des fonctionnaires européens, devrait être expertisée par le Comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne ;

14. Suggère que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne s'engage à suivre l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes en publiant un rapport d'information annuel qui dresse notamment un bilan des pratiques constatées et des actions engagées.

IV. En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :
15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs européens.


V. En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens (E 2024) et l'organisation des concours de recrutement :

16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour être promus au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur maîtrise d'une seconde langue étrangère autre que sa langue maternelle ;

17. Veillera à ce que la Commission inscrive cette disposition dans la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle présentera à l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence ;

18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du statut des fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations complémentaires ;

19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs Etats membres soit étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

A PARIS

Membres du gouvernement

- M. Jean-Jacques AILLAGON, Ministre de la culture et de la communication ;

- Mme Noëlle LENOIR, Ministre déléguée aux affaires européennes ;

- M. Pierre-André WILTZER, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Sénat

- M. Jacques LEGENDRE, Sénateur du Nord, secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, membre de la section française de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Ministère des Affaires étrangères

l Cabinet de M. Dominique de VILLEPIN, Ministre des affaires étrangères

- M. Laurent DELAHOUSSE, Conseiller technique.

l Direction de la coopération européenne

- M. Pierre MENAT, Directeur ;

- M. Grégoire HAREL, Sous-direction des affaires communautaires internes.

l Direction de la coopération culturelle et du français

- Mme Hélène DEFROMONT, Sous-directeur du français ;

- Mme Mireille CHEVAL, Bureau des politiques institutionnelles et de la promotion du français.

l Service des affaires francophones

- M. Jean-Michel DUMOND, Chef du service.

Ministère de la Culture et de la Communication

l  Délégation générale à la langue française

- M. Bernard CERQUIGLINI, Délégué général ;

- M. Claude JEAN, Délégué général adjoint ;

- M. Jean-François BALDI, responsable de la mission « Emploi de la langue français, affaires juridiques, rapport au Parlement ».

UNESCO

- M. Michel ROUX, Directeur de la division des conférences, des langues et des documents.

Associations de défense de la langue française

- M. Marceau DECHAMPS, Vice-président de l'Association « Défense de la langue française »

- M. Thierry PRIESTLEY, Président de l'Association « Le droit de comprendre »

A BRUXELLES

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Christian MASSET, Représentant Permanent adjoint ;

- Mme Annie JAVELLE, responsable du secteur « présence française dans les institutions ».Annexe-1

Conseil de l'Union européenne 

- Mme Margarida LACERDA, Directeur du service de la traduction et de la production des documents.

Commission européenne

- M. Marco BENEDETTI, Directeur général du Service commun interprétation-conférences (SCIC) ;

- M. Michel VANDEN ABEELE, Directeur général du Service de traduction ;

- Mme Sylvia VLAEMINCK, Direction générale Education et culture, Unité B/4 - Politique des langues.

Office européen de sélection du personnel (EPSO)

- M. Erik HASLKOV, Directeur par intérim.

Chambre des Représentants de Belgique

- M. Dany PIETERS, Député, membre suppléant de la Convention européenne, auteur d'un rapport parlementaire sur les langues de l'Union européenne.

Association des français fonctionnaires des Communautés européennes (AFFCE)

- M. Gilles GUILLARD, Vice-président ;

- M. Fabrice ANDREONE, Secrétaire général ;

- M. Bertrand SORET, Trésorier.

A LUXEMBOURG

Parlement européen

- M. Philippe GRAAS, Chef de la division du planning.

Cour de Justice des Communautés européennes

- M. Alfredo CALOT ESCOBAR, Directeur général du Service de traduction.

Entretiens réalisés par voie de questionnaires écrits :

Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF)

- M. Roger DEHAYBE, Administrateur général

Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

- M. Wojciech SAWICKI, Directeur, Chef du service de l'Administration et des Finances au Secrétariat de l'Assemblée

Assemblée parlementaire de l'UEO

- Mme Christine TABAUD, Chef du Service traduction.

_____________

Le rapporteur tient à remercier ces personnes pour le concours précieux
qu'elles ont apporté à l'élaboration de ce rapport.

Annexe 2 :
Règlement n°1 du 15 avril 1958

portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne
(amendé dans le cadre des traités d'adhésion)

Le Conseil de la Communauté économique européenne, vu l'article 217 du traité CE (tel qu'adapté à la suite de l'adhésion des nouveaux Etats membres à l'Union européenne) aux termes duquel le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues dans le règlement de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l'unanimité ; considérant que les onze langues dans lesquelles le traité est rédigé sont reconnues comme langues officielles, chacune dans un ou plusieurs Etats membres de la Communauté, a arrêté le présent règlement :

Article premier

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l'Union sont l'allemand, l'anglais, le danois, l'espagnol, le finnois, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais et le suédois.

Article 2

Les textes adressés aux institutions par un Etat membre ou par une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre sont rédigés au choix de l'expéditeur dans l'une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.

Article 3

Les textes adressés par les institutions à un Etat membre ou à une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat.

Article 4

Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les onze langues officielles.

Article 5

Le Journal officiel des Communautés européennes paraît dans les onze langues officielles.

Article 6

Les institutions peuvent déterminer les modalités d'application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs.

Article 7

Le régime linguistique de la procédure de la Cour de justice est déterminé dans le règlement de procédure de celle-ci.

Article 8

En ce qui concerne les Etats membres où existent plusieurs langues officielles, l'usage de la langue sera, à la demande de l'Etat intéressé, déterminé suivant les règles générales découlant de la législation de cet Etat.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre.

Annexe 3:
Résolution du Conseil du 14 février 2002

sur la promotion de la diversité linguistique et de l'apprentissage

des langues dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs

de l'année européenne des langues 2001

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

RAPPELANT:

(1) la résolution du Conseil du 31 mars 1995 concernant
l'amélioration de la qualité et la diversification de l'appren-
tissage et de l'enseignement des langues au sein des
systèmes éducatifs de l'Union européenne (1), qui énonce
que les élèves devraient avoir, en règle générale, la possi-
bilité d'apprendre deux langues de l'Union européenne
autres que leur(s) langue(s) maternelle(s);

(10) la décision du Conseil du 19 janvier 2001 sur les lignes
directrices pour les politiques de l'emploi des États
membres en 2001 (6) et, notamment, l'objectif horizontal
relatif à l'éducation et la formation tout au long de la vie;

(1) la résolution du Conseil du 31 mars 1995 concernant
l'amélioration de la qualité et la diversification de l'appren-
tissage et de l'enseignement des langues au sein des
systèmes éducatifs de l'Union européenne (1), qui énonce
que les élèves devraient avoir, en règle générale, la possi-
bilité d'apprendre deux langues de l'Union européenne
autres que leur(s) langue(s) maternelle(s);

(2) la responsabilité des États membres pour le contenu de
l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi
que leur diversité culturelle et linguistique;

(3) le livre blanc de la Commission de 1995 intitulé «Ensei-
gner et apprendre _ Vers la société cognitive»;

(4) les conclusions du Conseil du 12 juin 1995 sur la diversité
et le pluralisme linguistiques dans l'Union européenne;

(11) le rapport du Conseil «Éducation» du 12 février 2001 sur
les objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation et de
formation, qui a été soumis au Conseil européen de Stock-
holm et qui fixe explicitement comme un de ses objectifs
l'amélioration de l'apprentissage des langues étrangères,
ainsi que les conclusions du Conseil du 28 mai 2001
sur le suivi du rapport;

(5) la résolution du Conseil du 16 décembre 1997 concernant
l'enseignement précoce des langues de l'Union européenne (2);

(6) les conclusions de la présidence adoptées lors du Conseil
européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, qui
incluent les langues étrangères à l'intérieur d'un cadre
européen définissant les compétences de base;

(7) la décision no 1934/2000/CE du Parlement européen et du

Conseil du 17 juillet 2000 relative à l'année européenne
des langues 2001 (3);

(13) la recommandation du Parlement européen et du Conseil
du 10 juillet 2001 relative à la mobilité dans la Commu-
nauté des étudiants, des personnes en formation, des
volontaires, des enseignants et des formateurs (7);

(8) l'article 22 de la Charte des droits fondamentaux de
l'Union européenne du 7 décembre 2000 (4), dont s'est

félicité le Conseil européen de Nice, dans lequel il est
précisé que l'Union respecte la diversité culturelle, reli-
gieuse et linguistique;

(9) la résolution du Conseil et des représentants des gouver-
nements des États membres réunis au sein du Conseil du

14 décembre 2000 relative à l'intégration sociale des
jeunes (5), adoptée au Conseil européen de Nice;

(1) JO C 207 du 12.8.1995, p. 1.
(2) JO C 1 du 3.1.1998, p. 2.
(3) JO L 232 du 14.9.2000, p. 1.
(4) JO C 364 du 18.12.2000, p. 1.

(12) le mémorandum de la Commission de 2000 sur l'éduca-
tion et la formation tout au long de la vie, qui a lancé un
vaste débat au niveau européen et dans les États membres
sur la manière de mettre en œuvre des stratégies globales
et cohérentes pour l'éducation et la formation tout au
long de la vie, entre autres dans le domaine de l'apprentis-
sage des langues;

(14) les activités du Conseil de l'Europe dans le domaine de la
promotion de la diversité linguistique et de l'apprentissage
des langues;

(5) JO C 374 du 28.12.2000, p. 5.
(6) JO L 22 du 24.1.2001, p. 18.
(7) JO L 215 du 9.8.2001, p. 30.

C 50/2

FR

Journal officiel des Communautés européennes

23.2.2002

SOULIGNE:

(1) que la connaissance des langues constitue une des aptitudes
de base nécessaires à tout citoyen pour participer efficace-
ment à la société européenne de la connaissance, et favorise
à ce titre tant l'intégration dans la société que la cohésion
sociale; et qu'une connaissance approfondie de la ou des
langues maternelles peut faciliter l'apprentissage d'autres
langues;

(2) que la connaissance des langues joue un rôle important
pour faciliter la mobilité, tant dans le cadre de l'enseigne-
ment qu'à des fins professionnelles et pour des raisons
culturelles et personnelles;

(3) que la connaissance des langues constitue également un
atout pour la cohésion européenne compte tenu de l'élar-
gissement de l'Union européenne;

(4) que toutes les langues européennes sont, du point de vue
culturel, égales en valeur et en dignité et font intégralement
partie de la culture et de la civilisation européennes;

RAPPELLE:

que l'année européenne des langues 2001, organisée en coopé-
ration avec le Conseil de l'Europe, renforce la sensibilisation à
la diversité linguistique et la promotion de l'apprentissage des
langues;

que le rapport du Conseil «Education» du 12 février 2001 sur
les objectifs concrets futurs des systèmes d'éducation et de
formation, qui fait de l'amélioration de l'apprentissage des
langues étrangères un de ses objectifs, devrait être mis enœuvre sur la base d'un programme de travail détaillé qui doit
être défini dans un rapport conjoint que le Conseil et la
Commission présenteront au Conseil européen de Barcelone;

CONFIRME:

(3) à encourager l'apprentissage des langues dans la formation
professionnelle en tenant compte à cet égard de l'incidence
positive des connaissances linguistiques sur la mobilité et

l'aptitude à l'emploi ;

(4) à faciliter l'intégration des allophones dans le système
éducatif et dans la société en général, y compris par des
mesures visant à améliorer leur connaissance de la ou des
langues officielles d'enseignement, dans le respect des
langues et des cultures de leur pays d'origine;

(5) à favoriser l'application de méthodes pédagogiques inno-
vantes, entre autres par la formation des professeurs;

les objectifs définis à l'article 2 de la décision no 1934/2000/CE
du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000 relative
à l'année européenne des langues 2001 en vue de la réalisation
de ces objectifs;

(6) à encourager les futurs professeurs de langue à profiter des
programmes européens pertinents pour faire une partie de
leurs études dans un pays ou une région d'un pays où la
langue qu'ils vont enseigner plus tard est la langue offi-
cielle;

(7) à mettre en place, sur la base du cadre européen commun
de référence pour la connaissance des langues élaboré par
le Conseil de l'Europe, des systèmes permettant de valider
les compétences linguistiques, en accordant une importance
suffisante aux aptitudes acquises grâce à l'apprentissage non
formel;

(8) à stimuler la coopération européenne en vue de promou-
voir la transparence des qualifications et la garantie de la
qualité de l'enseignement des langues;

(9) à garder à l'esprit, dans le cadre des objectifs susmen-
tionnés, la richesse que représente la diversité linguistique
dans la Communauté européenne et, de ce fait, à favoriser,
entre autres, la coopération entre les centres officiels et
d'autres institutions culturelles pour la diffusion des
langues et cultures des Etats membres;

INVITE les Etats membres, dans le cadre, les limites et les prio-
rités de leurs systèmes politiques, juridiques, budgétaires,
d'éducation et de formation respectifs:

(1) à prendre les mesures qu'ils jugent appropriées pour offrir
aux élèves, autant que faire se peut, la possibilité
d'apprendre deux, ou, le cas échéant, plusieurs langues
autres que leur(s) langue(s) maternelle(s), et à promouvoir
l'apprentissage des langues étrangères par d'autres
personnes dans le cadre de l'éducation et de la formation
tout au long de la vie, en tenant compte de la diversité des
besoins du public cible et de l'importance d'assurer l'égalité
d'accès aux possibilités d'apprentissage. Afin de promouvoir
la coopération et la mobilité à travers toute l'Europe, l'offre
en matière de langues enseignées devrait être aussi diversi-

fiée que possible et inclure également celles des pays et/ou
des régions limitrophes;

(2) à veiller à ce que les programmes d'études et les objectifs

pédagogiques favorisent l'ouverture aux autres langues et cultures
et stimulent les aptitudes de communication inter-
culturelle dès le plus jeune âge ;

INVITE la Commission:

(1) à soutenir les Etats membres dans la mise en œuvre des
recommandations susmentionnées;

(2) à tenir compte, dans ce contexte, du principe de la diversité
linguistique dans ses relations avec les pays tiers et les pays
candidats;

(3) à présenter, d'ici au début de l'année 2003, des proposi-
tions d'actions visant à promouvoir la diversité linguistique
et l'apprentissage des langues, tout en veillant à la cohé-
rence avec la mise en œuvre du rapport sur les objectifs
concrets futurs des systèmes d'éducation et de formation.

Annexe 4 :
Circulaire du Premier ministre du 14 février 2003

sur l'emploi de la langue française

Le Premier Ministre

4.905/SG Paris, le 14 février 2003

Le Premier ministre

à

Mesdames, Messieurs les ministres, ministres délégués et secrétaires d'Etat

Objet : Emploi de la langue française

Je souhaite que le Gouvernement conduise une politique ambitieuse, déterminée et renouvelée en faveur de la langue française. Cette politique est nécessaire pour assurer, au service de nos concitoyens, la primauté de notre langue sur le territoire national ; elle l'est également pour préserver la place du français sur la scène internationale.

1. Assurer la primauté du français sur le territoire national

Langue de la République, le français est notre bien commun. Les règles qui en garantissent l'usage et en favorisent le développement doivent être strictement observées.

Les textes en vigueur donnent aux consommateurs et aux salariés l'assurance de disposer d'une information en langue française, droit essentiel qui leur offre une protection indispensable à leur sécurité et à leur santé. J'invite donc les services chargés de contrôler l'application des textes relatifs à l'emploi de la langue française, en particulier la loi du 4 août 1994, à accomplir leur mission avec une particulière vigilance.

Par ailleurs, notre langue doit pouvoir continuer à disposer de termes et d'expressions permettant d'exprimer les notions et réalités contemporaines. C'est le but du travail de terminologie et de néologie. Je vous engage à favoriser l'activité des commissions de terminologie et de néologie placées sous votre autorité. Votre rôle est en effet déterminant pour enrichir, faire connaître et partager les ressources nouvelles du français.

A cet égard, la création de commissions spécialisées et la nomination de hauts fonctionnaires chargés de la terminologie et de la néologie doivent intervenir très rapidement pour couvrir l'ensemble des domaines dont vous avez la charge.

Je vous rappelle enfin que les termes retenus par la commission générale de terminologie et de néologie s'imposent aux services et aux établissements publics de l'Etat. Je vous demande de veiller particulièrement à ce qu'ils soient employés dans tous les moyens d'information et de communication, traditionnels (publications) et nouveaux (sites de l'internet), dont le contenu relève de votre responsabilité ou de la responsabilité d'établissements placés sous votre autorité ou votre tutelle.

Il importe également que vous favorisiez la diffusion des contenus scientifiques en langue française. Vous serez attentifs à l'application des dispositions de la loi du 4 août 1994 permettant d'assurer la présence de notre langue dans les manifestations internationales organisées sur notre territoire. Plusieurs dispositifs de soutien, proposés notamment par le ministère de la culture et de la communication, encouragent l'usage du français dans les publications comme dans les colloques scientifiques. Vous veillerez à en informer les organismes susceptibles d'y recourir.

2. Affirmer la place du français sur la scène internationale

Le respect du statut de langue officielle et de langue de travail du français dans les organisations internationales, particulièrement les institutions européennes, est une condition du maintien de la diversité linguistique. Il importe de promouvoir de façon dynamique l'usage de notre langue dans ces enceintes.

Le prochain élargissement de l'Union européenne doit être l'occasion de promouvoir le recours à l'utilisation de la langue française en Europe. L'usage du français est important dans les institutions communautaires et il doit le rester. Dès lors, un effort majeur doit être accompli pour répondre aux fortes demandes de formation à la langue française des diplomates et des fonctionnaires des Etats candidats. En outre, nous devons mener une politique déterminée en faveur du plurilinguisme dans les institutions européennes et dans les programmes d'éducation et de formation nationaux et européens. Je souhaite que le Gouvernement intensifie son action en ce sens.

J'attends également que, dans les différentes négociations auxquelles vous êtes amenés à participer dans le cadre européen, les intérêts de notre langue et la préservation de la diversité linguistique soient vigoureusement défendus.

Je vous invite donc à rappeler aux agents placés sous votre autorité les responsabilités particulières qui leur incombent au regard de la langue française, dont ils doivent systématiquement privilégier l'emploi. Les règles qu'ils sont tenus d'observer dans leurs activités en France et dans les relations internationales font l'objet de plusieurs circulaires qui, je le souligne, demeurent en vigueur.

Nos concitoyens attendent de l'Etat qu'il montre l'exemple dans l'utilisation de la langue française. Je compte sur votre vigilance pour rappeler à vos services l'importance de cet enjeu.

Jean-Pierre RAFFARIN

Annexe 5 :
Plan pluriannuel d'action pour le français
en préparation de l'élargissement de l'Union européenne

(11 janvier 2002)

Les gouvernements français, luxembourgeois et celui de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, en partenariat avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, s'engagent à réaliser un plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte pluriculturel et plurilingue des institutions de l'Union européenne.

Ce plan comporte quatre volets:

1) formation en français

- des diplomates, fonctionnaires et agents des pays candidats à l'adhésion qui travaillent en liaison avec les institutions de l'Union européenne et qui sont chargés de l'application et de la mise en œuvre de l'acquis communautaire,

- des fonctionnaires des institutions européennes (administrateurs, interprètes et traducteurs);

2) formation des interprètes francophones des pays candidats à l'adhésion et formation aux langues de ces pays des interprètes de langue française des institutions de l'Union européenne en liaison notamment avec le Service commun interprétation-conférences (SCIC) de l'Union Européenne et le service d'interprétation du Parlement européen;

3) formation de traducteurs francophones des institutions de l'Union européenne aux langues des pays candidats à l'adhésion et formation au français de traducteurs de ces pays, en liaison avec les services de traduction de la Commission européenne, du Conseil de l'Union européenne, de la Cour de Justice et du Parlement européen;

4) développement des technologies de l'information et de la communication pour favoriser l'usage du français comme langue de travail des institutions de l'Union européenne.

Ce document comporte un descriptif des actions déjà réalisées par les partenaires du plan ou en cours. Il ne recense pas les actions menées en français par les partenaires du plan dans le cadre des diverses coopérations thématiques et techniques bilatérales ou multilatérales avec les pays candidats.

Il sera complété chaque année par une annexe définissant les actions envisagées et les financements y afférents à partir de 2002.

1 - formation en français des fonctionnaires des pays candidats à l'adhésion et des fonctionnaires des institutions européennes

1.1. Une offre diversifiée de formation

Depuis 1994, le ministère français des affaires étrangères a mis en place un programme de formation à destination des fonctionnaires des pays partenaires de la France au sein de l'Union européenne et des pays candidats à l'adhésion, afin de:

- promouvoir la connaissance de la langue française auprès de ces fonctionnaires dont certains seront appelés, au cours de leur carrière administrative, à exercer des fonctions dans les missions ou représentations permanentes de leur pays à Bruxelles ou au sein des instances européennes qui sont implantées dans des villes entièrement ou partiellement francophones;

- mieux faire connaître les institutions françaises.

Ce programme s'organise de la manière suivante:

1.1.1. mise en place de cours spécifiques dans les différentes emprises culturelles françaises (instituts, centres culturels, alliances françaises) des capitales des pays de l'Union et des pays candidats à l'adhésion;

1.1.2. création, avec la Communauté française Wallonie-Bruxelles et la Commission communautaire française, du «Centre européen de la langue française» (CELF), dont la gestion a été confiée à l'Alliance française de Bruxelles. Son rôle principal est de répondre aux demandes des fonctionnaires des institutions de l'Union européenne ainsi que des missions et des représentations permanentes, dans le domaine de la formation linguistique et aussi dans celui de l'information sur la France et Wallonie-Bruxelles. Par ailleurs, ce centre coordonne au plan pédagogique les différentes formations linguistiques mises en place dans les pays de l'Union et les pays candidats et participe à l'attribution des crédits du fonds d'intervention pédagogique par l'examen des demandes formulées par les postes diplomatiques français. Il organise également à Bruxelles et dans les postes diplomatiques concernés des stages pour fonctionnaires des pays membres et des pays candidats.

1.1.3. mise en place de stages de formation pour des fonctionnaires de la Commission européenne et pour des cadres et diplomates des pays candidats à l'adhésion.

Ces stages de formation sont désormais proposés aussi bien aux fonctionnaires (administrateurs, mais aussi traducteurs et interprètes) déjà en poste dans les instances communautaires qu'à des fonctionnaires venant des pays candidats à l'adhésion.

En 2000, trois formations ont été offertes:

- deux stages intensifs de formation à l'expression écrite en français pour des administrateurs de la Commission européenne et du Conseil, comportant une formation linguistique à Bruxelles et un stage à Paris du 26 au 30 juin;

- un stage de «ressourcement» pour les interprètes (du 28 août au 1er septembre).

En 2001, 6 stages ont été organisés:

- deux stages à destination des administrateurs principaux et administrateurs de la Commission (à Bruxelles et à Paris, du 25 au 29 juin) et du Conseil (à Bruxelles);

- un stage à destination des traducteurs de la Commission européenne (du 10 au 14 septembre, à Paris);

- un stage pour les diplomates des pays candidats en poste dans les missions diplomatiques placées auprès de l'Union européenne à Bruxelles (du 18 au 23 novembre, à Paris);

- un stage à destination des fonctionnaires chargés des dossiers de l'agriculture dans les pays candidats (du 22 au 26 octobre, à Paris);

- un stage à destination des journalistes des pays candidats, (du 3 au 7 octobre à Varsovie).

Par ailleurs, depuis plusieurs années, la Communauté française, via le CGRI, a développé divers programmes de recyclages linguistiques de publics spécifiques des pays candidats. C'est ainsi que, depuis 1995, le CGRI a chargé l'Institut linguistique de l'université de Mons-Hainaut d'organiser un stage annuel d'été de français de spécialité consacré aux relations internationales. Ce stage est destiné aux diplomates et fonctionnaires, principalement des pays candidats

1.2. un stage multilatéral pour les cadres et diplomates des pays candidats à l'adhésion

Depuis 1999, le ministère français des affaires étrangères, les ministères luxembourgeois de la culture et des affaires étrangères et le CGRI, avec le concours de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie, proposent aux pays candidats un programme spécifique consacré à la découverte des réalités francophones des trois villes sièges des institutions politiques européennes comme à la place du français dans ces institutions. En 2000-2001, l'offre s'est élargie à la Turquie.

* Un premier stage multilatéral s'est déroulé en trois sessions d'une semaine chacune en 1999-2000.

* Il a été reconduit en 2000-2001 selon le calendrier suivant:

- du 27 novembre au 1er décembre 2000 à Strasbourg,

- du 18 au 23 mars 2001 au Luxembourg,

- du 24 au 28 septembre 2001, pendant la présidence belge, à Bruxelles.

* Le programme 2001-2002 a débuté par une session qui s'est tenue à Strasbourg, du 9 au 14 décembre 2001. Deux autres sessions suivront: en mars 2002, à Luxembourg, en mai 2002, à Bruxelles.

1.3. Formation linguistique des fonctionnaires au sein des institutions européennes.

Des réunions de concertation seront organisées par toutes les Parties prenantes avec les services chargés de la formation linguistique des fonctionnaires des institutions européennes afin de prendre en compte l'évolution des demandes.

Dans le cadre de la promotion de la langue française auprès des fonctionnaires des institutions européennes, un programme d'aide à la rédaction administrative sera mis en ligne en 2002 par le ministère français des Affaires étrangères.

2 - Formation au français des interprètes des pays candidats à l'adhésion et formation aux langues de ces pays des interprètes francophones

Ce volet concerne l'interprétation de conférences et a pour objectif de préparer la place du français dans une Union élargie aux pays candidats à l'adhésion afin notamment que notre langue puisse être une langue-pivot pour l'interprétation vers et à partir des langues de ces pays.

Les actions conduites dans ce cadre regroupent les autorités nationales (gouvernements français, luxembourgeois et de la Communauté Wallonie-Bruxelles), le Service commun interprétation-conférences (SCIC) de la Commission européenne, des établissements supérieurs d'enseignement de l'interprétation de conférence français et de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, ainsi que l'Agence intergouvernementale de la Francophonie. Ces actions sont menées en association avec des établissements supérieurs d'enseignement de l'interprétation de conférence ou des centres de formation de pays tiers et, notamment, de pays appelés à rejoindre l'Union européenne, ainsi que divers organismes spécialisés dans l'organisation de formations linguistiques.

2.1. Les actions consistent dans la mise en place de modules de formation adaptés:

- formations de courte durée pour les étudiants des écoles des pays candidats leur permettant de prendre contact avec la réalité du fonctionnement des institutions communautaires et de se familiariser avec les techniques de l'interprétation,

- formations approfondies pour des étudiants, d'une durée de 6 à 9 mois, dans le cadre de la coopération entre les établissements d'enseignement français et luxembourgeois, ceux de la Communauté Wallonie-Bruxelles ainsi que ceux des pays candidats;

- stages de formation de formateurs d'interprètes, axés sur la connaissance des institutions de l'Union européenne et les techniques pédagogiques utilisées par les écoles françaises et de la Communauté Wallonie-Bruxelles partenaires (lieu: Bruxelles ou Strasbourg);

- formations de courte durée pour des interprètes visant le perfectionnement aux techniques de l'interprétation et l'amélioration des connaissances sur le fonctionnement des institutions (lieu: dans les pays candidats à l'adhésion ou dans les établissements d'enseignement français de la Communauté française Wallonie-Bruxelles);

- octroi de bourses pour des stages de perfectionnement de courte durée aux interprètes francophones des institutions de l'Union européenne apprenant les langues des pays candidats;

- le cas échéant, formations complémentaires, par exemple, sur les techniques documentaires ou les technologies de l'information et de la communication.

2.2. Un dispositif de sélection des candidats est prévu, notamment pour les étudiants, qui associe les différents partenaires du plan et les représentations diplomatiques. Une attestation de suivi des formations est délivrée aux participants par l'établissement d'enseignement ou l'organisme chargé de la formation.

2.3. Par ailleurs, compte tenu de l'environnement linguistique, les interprètes des pays candidats ont un besoin manifeste de contacts avec des locuteurs francophones. Pour favoriser ce contact, les emprises culturelles des partenaires dans les pays concernés auront instruction de faciliter l'accès des interprètes à toutes les manifestations culturelles et linguistiques organisées sur place et de veiller à ce que les orateurs de langue française, quelle que soit leur spécialité, interviennent régulièrement dans les établissements de formation d'interprètes de ces pays.

2.4. Les actions mises en place et les financements qui les accompagnent font l'objet d'un protocole annuel entre les partenaires du plan.

2.4.1. Le protocole 2000 prévoyait notamment une première action de formation pour les enseignants des filières d'interprétation des pays d'Europe centrale et orientale (formation de formateurs d'interprètes des PECO), du 5 au 12 novembre: 2 enseignants pour chacun des 10 pays étaient concernés. Cette formation a été organisée par le Centre européen de langue française - Alliance française (CELF) de Bruxelles avec la participation des écoles d'interprètes belges et françaises et du SCIC. Elle a été prise en charge par la France, (ministère de la culture -DGLF- et ministère des affaires étrangères - DGCID) l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et le SCIC.

2.4.2. En 2001, une action de formation à l'interprétation (retour d'une langue de moindre diffusion vers le français) en faveur de jeunes interprètes des pays candidats s'est déroulée à Varsovie du 8 au 15 juillet. Comme précédemment, l'organisation du stage a été confiée au CELF et a associé les écoles françaises et de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, ainsi que le SCIC. Son financement a été assuré par les autorités françaises, de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, l'Agence intergouvernementale de la Francophonie et le SCIC.

2.5.Une première évaluation du dispositif a été effectuée le 19 décembre 2000, la prochaine aura lieu fin janvier 2002. Chaque action fera l'objet d'une évaluation. La poursuite des actions engagées et leur financement seront déterminés en fonction d'une évaluation annuelle.

3 - formation de traducteurs francophones aux langues des pays candidats à l'adhésion et formation au français de traducteurs de ces pays en liaison avec le service de traduction de la Commission européenne

Plusieurs types d'actions sont menés:

3.1. Bourses Balzac:

Les ministères français des affaires étrangères (DGCID) et de la culture (DGLF) ont décidé d'accompagner la formation linguistique des traducteurs francophones de la Commission aux langues des pays candidats à l'adhésion, afin de maintenir au français, face aux langues déficitaires, le statut de «langue pivot» pour les traductions. À titre expérimental, en 1999, huit traducteurs ont suivi des formations en juillet et août dans les pays concernés (Estonie, Pologne, République tchèque, Hongrie, Finlande). Dans le cadre du présent plan, il a été décidé de poursuivre et d'amplifier l'opération. En 2000, 17 traducteurs ont suivi ces formations, dans 6 pays (ceux de 1999 plus la Slovénie). Cette opération a été renouvelée en 2001 en faveur des traducteurs de la Commission.

En 2001, les moyens prévus pour le financement des bourses Balzac ont été utilisés pour la formation de traducteurs des pays candidats, la formation aux langues des pays candidats des traducteurs de la Commission ayant été prise en charge par la Commission.

Ainsi deux stages d'une semaine ont été organisés fin novembre, à Bruxelles, par le service de traduction de la Commission et le CELF, pour une vingtaine de traducteurs, ressortissants des pays candidats.

Le 16 mai 2001, une évaluation du dispositif a été effectuée avec le service de traduction de la Commission. Son extension pourrait être prévue aux traducteurs d'autres institutions partenaires (Conseil, Cour de Justice...).

3.2. Séminaires régionaux

En vue de former également des traducteurs des pays membres et des pays candidats à l'adhésion, un premier séminaire a été organisé du 9 au 13 mai 2001 à Bucarest en faveur de traducteurs originaires des 6 pays suivants: Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Roumanie et Turquie. Ce stage, organisé par le CELF, a associé une école française de traduction et d'interprétation et le service de traduction de la Commission européenne; il comportait, notamment, une information sur la formation au métier de traducteur dans les pays de l'Union, les outils et leur évolution récente, la pratique de la traduction dans les institutions de l'Union européenne. Ce séminaire a été financé par le ministère français des affaires étrangères (DGCID).

3.3. Traduction de l'acquis communautaire

3.3.1. Le service de traduction de la Commission européenne met en place en juillet 2002 une antenne chargée de vérifier la traduction de l'acquis communautaire dans chacun des pays candidats. Les partenaires rechercheront, via leurs postes diplomatiques des spécialistes francophones dans les pays concernés, et communiqueront au service de traduction, les coordonnées de ceux d'entre eux qui correspondent aux besoins desdites antennes. Ils veilleront à appeler l'attention des intéressés sur les avis de recrutement qui seront diffusés par la Commission pour la constitution des équipes nécessaires.

3.3.2. À l'avenir, des modules de formation plus ciblés pourraient être mis en place, en concertation notamment avec la task-force «élargissement» du service de traduction de la Commission:

- formation de courte durée pour les étudiants en traduction des pays candidats leur permettant de prendre contact avec la réalité du fonctionnement des institutions communautaires et de se familiariser avec les techniques de traduction;

- stages de formation de formateurs de traducteurs: un stage sur l'adaptation des cursus de formation des traducteurs dans les pays candidats pourrait être mis en place rapidement;

- formation de courte durée pour des traducteurs des pays candidats visant le perfectionnement aux techniques de la traduction: certains d'entre eux pourraient être accueillis au sein des unités de langue française de la Commission dès le second semestre 2001;

- formation à la terminologie spécifique sur l'acquis communautaire

- formations complémentaires, par exemple sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

4 - Utilisation des technologies pour favoriser l'usage du français comme langue de travail des institutions de l'Union européenne

Les organisations européennes font un large appel aux technologies de l'information et de la communication dans leur travail et disposent d'outils performants. Le plan pluriannuel pour le français prévoit de s'appuyer sur les nouvelles technologies pour renforcer la place du français comme langue de travail.

4.1. Une information sur les ressources disponibles

Il est prévu d'informer les bénéficiaires du plan et, notamment, les fonctionnaires des institutions européennes, sur les ressources disponibles sur l'internet et de leur suggérer d'établir des liens avec les sites où celles-ci sont accessibles, notamment le portail «franc-parler» destiné aux professeurs de français (www.franc.parler.org), le site de l'internet de la DGLF (www.dglf.culture.gouv.fr) ainsi que les banques de données terminologiques existantes et, ultérieurement, IATE.

4.2. Les outils facilitant le travail en français

Ce volet du plan concernera aussi l'identification d'outils facilitant le travail en français et permettant d'améliorer la qualité rédactionnelle des documents en français. Il pourrait, le cas échéant, favoriser leur mise en place éventuelle auprès des agents intéressés des institutions européennes

4.2.1. Dans cette perspective, une réflexion a été conduite, en 2000, sur les conditions dans lesquelles un correcteur orthographique pourrait favoriser la traduction et la rédaction en français. 50 licences d'un correcteur, financées par le gouvernement français, ont été mises à la disposition d'agents des institutions européennes, en 2001, afin de faire un test sur l'intérêt et la faisabilité d'un projet de cette nature. Si cette expérience se révèle positive, les partenaires du plan pourraient demander à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie de soutenir une mise à disposition plus large d'un outil de ce type auprès des traducteurs et des rédacteurs des institutions européennes et, éventuellement, d'autres organisations internationales.

4.2.2. De même, la version parue sur cédérom de la 4è édition du «Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne» (J. Hanse/D. Blampain) a été adressée durant le second semestre 2001, dans le cadre de la Présidence belge de l'Union, par la Communauté Wallonie-Bruxelles au SCIC, au service de traduction de la Commission et au CELF aux fins d'obtenir une expertise de cet outil de travail par des agents des institutions européennes. Un bilan de l'expérience sera présenté fin janvier 2002 aux partenaires du plan d'action.

Ce volet du plan visera également le développement d'outils d'aide à la traduction et de traduction automatique entre le français, les autres langues officielles de l'Union et les langues des pays candidats.

*

Une évaluation globale des actions conduites dans le cadre du plan sera faite chaque année et la liste des bénéficiaires sera dressée à cette occasion, afin de constituer progressivement un annuaire des personnes ressources dans les pays candidats, qui sera financé par l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie.

Annexe 6 :
Déclaration de Strasbourg

adoptée le 15 janvier 2003 par

l'Assemblée parlementaire de la Francophonie

Nous sommes des parlementaires francophones venus des cinq continents, représentant 62 parlements.

Nous avons décidé de nous réunir à Strasbourg, ville siège du Parlement européen et du Conseil de l'Europe, pour proclamer notre détermination à promouvoir le français au sein des institutions européennes.

Pour certains d'entre nous, le français est notre langue maternelle.

Pour d'autres, le français est une langue qu'ils ont choisi d'apprendre et de parler tout en restant fidèles à leur langue maternelle.

Nos origines témoignent de notre attachement à la diversité linguistique sans laquelle il ne peut pas y avoir de diversité culturelle.

Nous nous inquiétons de la disparition annoncée de nombreuses langues car la mort d'une langue est toujours une perte pour l'humanité.

Nous demandons aux Etats, aux institutions internationales, à commencer par l'UNESCO, d'agir pour garantir la pérennité des langues du monde.

Nous avons choisi d'utiliser le français comme langue internationale.

Nous constatons que son utilisation est remise en cause par ceux qui considèrent que, dans un monde globalisé, le recours à une langue unique est source d'efficacité et d'économie.

Nous n'admettrons jamais que de tels prétextes soient utilisés à l'encontre du français ou d'autres langues.

Il ne faut pas s'y tromper, le monolinguisme est un danger. De la langue unique à la pensée unique, il n'y a qu'un pas que certains semblent pressés de franchir.

Parler sa langue, être informé dans la langue de son pays, est un droit qui ne doit être contesté à personne, sous aucun prétexte, même au nom de la libre circulation des biens.

L'Europe, le monde ne seront acceptables que s'ils respectent la diversité linguistique et culturelle nécessaire à l'homme car elle est au cœur de la personnalité de chacun.

Nous saluons le choix fait par le Conseil de l'Europe de recommander pour chaque jeune Européen l'apprentissage, en plus de sa langue nationale, de deux autres langues.

Nous invitons les Etats d'Europe et l'Union européenne à faire appliquer cette recommandation.

Nous affirmons que l'Union européenne en construction doit inscrire parmi ses valeurs fondamentales la diversité linguistique et culturelle. Nous demandons instamment à la Convention sur l'avenir de l'Europe de faire des propositions sur le régime linguistique de l'Union européenne.

Nous exigeons que le français garde toute sa place dans l'Union européenne, tant comme langue de travail interne que comme langue de relations internationales.

Comme ont su le faire les 43 pays du Conseil de l'Europe, il est possible pour l'Union européenne, en reconnaissant le droit à chaque citoyen d'un pays d'Europe de s'exprimer et d'être informé dans sa langue, et en recourant à un système de langues pivots et de langues de travail, de concilier diversité et efficacité.

Nous invitons les pays membres de l'Union européenne à s'engager à promouvoir à l'UNESCO la signature d'un traité garantissant dans le monde le droit inaliénable à la préservation de la diversité culturelle, tel que souhaité lors du Sommet de la Francophonie à Beyrouth.

Nous appelons les Européens à résister à toute entreprise qui tendrait à les priver du droit inaliénable d'exprimer leur personnalité dans la langue de leur choix, et pour nous francophones, en français.

Nous faisons nôtre la pensée de Saint-Exupéry qui écrivait : « Unifier, c'est nouer mieux les diversités particulières, non les effacer par un ordre vain ».

Annexe 7 :
Note du directeur général de l'UNESCO

sur les mesures destinées à améliorer sensiblement la répartition géographique du personnel de l'Organisation

U N E S C O

DG/Note/02/32
17 octobre 2002
Original : anglais

Le Directeur général

Aux :  Directeur général adjoint
Sous-Directeurs généraux
Directeurs des bureaux, offices et divisions au Siège
Directeurs et chefs des unités permanentes et instituts hors Siège

Objet : Mesures destinées à améliorer sensiblement la répartition géographique du personnel de l'Organisation

1. Nul n'ignore que les Etats membres attachent la plus haute importance à une répartition géographique plus équilibrée du personnel. A l'issue des débats qui ont eu lieu à ce sujet au cours de la 165e session du Conseil exécutif, je voudrais appeler l'attention sur les mesures que j'ai décidé de prendre afin d'améliorer encore la répartition géographique du personnel du Secrétariat.

2. Les unités qui procèdent à des recrutements devraient se montrer vigilantes concernant l'emploi de personnel temporaire ou surnuméraire et avoir à l'esprit les espoirs de nomination à des postes permanents soumis à la répartition géographique qui peuvent en découler. Il ne faut épargner aucun effort pour que les membres du personnel recrutés temporairement appartiennent à des pays non ou sous-représentés.

3. Si la compétence et le mérite demeurent les critères primordiaux de sélection à des postes permanents, les unités procédant à des recrutements n'en devraient pas moins prendre des mesures spécialement destinées à trouver et sélectionner des candidats qualifiés ressortissants de pays non ou sous-représentés. En conséquence :

(a) Le Bureau de la gestion des ressources humaines (HRM) devrait coordonner les contacts et partenariats établis avec des associations professionnelles, des réseaux et des universités en vue de cibler les efforts de recherche et de susciter des candidatures de personnes appartenant à des pays non ou sous-représentés ayant le profil voulu. Ces réseaux et partenariats devraient être recherchés et développés avec le concours des secteurs de programme, des délégations permanentes, des commissions nationales, des partenaires institutionnels de l'UNESCO et des ONG. En outre, le meilleur parti possible devrait être tiré du réseau des bureaux hors Siège de l'UNESCO, y compris leurs partenaires locaux et les autres organismes des Nations Unies.

(b) Les membres du personnel, en particulier les spécialistes du programme qui entretiennent des relations avec des partenaires locaux dans le cadre de leurs activités, devraient être encouragés à faire connaître les personnes ayant les aptitudes et le profil requis pour faire acte de candidature. Le recours aux médias locaux devrait également être intensifié en tant que de besoin.

(c) Les responsables du recrutement devraient inclure, dans la liste restreinte de candidats à un poste du cadre organique, au moins un candidat d'un pays non ou sous-représenté dont les mérites sont comparables à ceux des autres candidats de la liste. Celle-ci devrait normalement comprendre un minimum de quatre candidats au total.

(d) Lorsqu'ils font figurer sur une liste restreinte un candidat d'un pays sur-représenté, les responsables du recrutement devraient étayer solidement leur recommandation et joindre au dossier des éléments attestant la réalisation de recherches pour trouver des candidats qualifiés originaires de pays non ou sous-représentés.

(e) Afin de garantir la transparence, les unités qui procèdent à un recrutement devraient veiller à ce que les comités de présélection et d'évaluation soient constitués sur une base géographique aussi large que possible. Les noms et nationalités des membres de ces comités devraient être indiqués dans la recommandation finale.

(f) Afin d'ouvrir davantage le processus de recrutement, il conviendra d'envisager de faire figurer sur la liste restreinte un candidat d'un pays non ou sous-représenté ayant une bonne connaissance d'une seule des langues de travail. S'il est engagé, ce candidat sera tenu d'acquérir dans un délai raisonnable la maîtrise de la seconde langue grâce à un programme de formation obligatoire.

4. HRM devra contribuer activement à la mise en oeuvre et au suivi de ces mesures. HRM devra en particulier constituer et tenir à jour un fichier spécifique de candidats de pays non et sous-représentés pouvant intéresser l'UNESCO, y compris ceux qui ont figuré sur des listes restreintes mais qui n'ont finalement pas été engagés et dont les profils pourraient être intéressants pour les vacances de postes à venir.

5. Enfin, HRM me rendra compte deux fois par an de l'évolution de la répartition géographique dans chaque secteur/bureau.

Koïchiro Matsuura

Annexe 8 :
Question au Gouvernement de M. Michel Herbillon, rapporteur,
sur l'avenir du français dans l'Union européenne, et réponse de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes,
(mercredi 11 juin 2003)

M. Michel Herbillon - Dans moins d'un an, l'Union européenne accueillera dix nouveaux pays. Le 1er mai 2004, ce seront ainsi neuf nouvelles langues qui s'ajouteront aux onze langues reconnues par l'Union.

Alors que la Convention sur l'avenir de l'Europe s'apprête à consacrer la diversité linguistique et culturelle au rang de principe constitutionnel, le plurilinguisme européen est plus que jamais l'expression d'une formidable richesse qu'il nous appartient de promouvoir.

Les institutions de l'Union doivent pouvoir continuer de fonctionner efficacement, sans que la multiplication des langues ne devienne un handicap. Des négociations difficiles sont en cours au sein du Conseil pour définir un nouveau régime linguistique.

Dans la pratique, l'anglais gagne du terrain dans toutes les institutions de l'Union, au détriment des autres langues, dont le français.

Les infractions se multiplient alors que l'Europe reconnaît le principe d'égalité entre toutes les langues officielles.

Est-il normal que le site internet de la banque centrale européenne ne soit disponible qu'en anglais ?

Est-il acceptable que des annonces de recrutement exigent l'anglais comme langue maternelle et que des appels d'offres ne soient rédigés qu'en anglais ?

Alors que le Premier ministre a rappelé, dans sa circulaire du 14 février, que le prochain élargissement de l'Union européenne doit être l'occasion de promouvoir le recours à la langue française en Europe, pouvez-vous nous préciser où en sont les discussions sur la réforme du régime linguistique de l'Union ? Quel est votre sentiment sur l'avenir du français en Europe ?

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - La question linguistique est au coeur de l'Europe élargie.

Nous sommes très satisfaits de constater que la diversité linguistique compte au nombre des principes constitutionnels de l'Union, comme l'avait demandé Dominique de Villepin.

Je m'attache, avec Pierre-André Wiltzer, à défendre la place du français en Europe et donc dans le monde.

A la faveur de la réforme du statut de la fonction publique européenne, nous avons obtenu que les fonctionnaires européens soient obligés de parler au moins deux langues étrangères. Nous comptons saisir cette chance supplémentaire dans le cadre de l'organisation internationale de la francophonie.

A la Commission, de même qu'à la Cour de justice de Luxembourg, le français conservera sa place éminente.

En ce qui concerne le Conseil, le débat est ouvert. Nous entendons obtenir la systématisation de l'interprétation en français, et le maintien de Strasbourg dans son rôle de capitale européenne constitue aussi un enjeu décisif pour la défense de notre langue.

Les propositions de votre rapport alimenteront nos propres propositions. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur vous.

1 () L'allemand, le français, l'anglais, l'italien, l'espagnol, le néerlandais, le grec, le portugais, le suédois, le danois et le finnois.

2 () Rapport Nyborg sur le problème du multilinguisme de la Communauté européenne, JO n° C 292 du 8 novembre 1982.

3 () Rapport Hänsch sur la conception et la stratégie de l'Union européenne dans la perspective de son élargissement et de la création d'un ordre global à l'échelle de l'Europe, JO n° C 42 du 15 février 1993.

4 () Cette résolution figure en Annexe 3 du présent rapport.

5 () La contestation ne concerne pas seulement les pays francophones. En effet, en juin 2001, vingt pays hispanophones ont adressé à M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, une lettre protestant contre « l'utilisation croissante de l'anglais ».

6 () Cette note du Directeur général de l'Unesco figure en Annexe 7 de ce rapport.

7 () Le russe est devenu une langue de travail en 1997.

8 () Article 5 du règlement n°1360/90 du Conseil du 7 mai 1990.

9 () Délégation pour l'Union européenne, Rapport d'information n°819 de M. Jacques Floch sur « L'avenir d'Europol : vers une police criminelle européenne ? ». Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, Rapport d'information n°894 de M. Alain Marsaud sur « L'avenir d'Europol ».

10 () Ce document (réf. CONV 9/02) est disponible sur Internet à l'adresse suivante :

http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/02/cv00/00009-c3f2.pdf.

11 () Dans ce cas, les interprètes sont passés par une langue relais, généralement l'anglais ou le français.

12 () A ce jour, il n'est toutefois prévu que seule la partie hellénique de Chypre rejoigne l'Union européenne le 1er mai 2004.

13 () Cela concerne en effet à la fois les personnels statutaires (fonctionnaires) et indépendants (« free lance »).

14 () L'idée de la création d'un office interinstitutionnel de sélection a été émise dans le Livre blanc sur la réforme de la Commission, en mars 2000. Les recherches des groupes de travail ont abouti à la conclusion que l'office envisagé permettrait la réalisation d'économies d'échelle et favoriserait le professionnalisme et l'harmonisation.

15 () COM(2002) 213 final (document E 2024).

16 () Cf. notamment le document de travail n°9 à l'attention du Bureau, sur le régime linguistique : options supplémentaires. (PE 305.382/BUR).

17 () Le document de travail évalue le coût social lié à la suppression de 1 300 emplois à 75 millions d'euros par an pendant dix ans.

18 () Dans un discours prononcé le 30 mai 2001 lors d'un colloque sur le multilinguisme, Mme Nicole Fontaine - alors présidente du Parlement européen - a confirmé la volonté du Parlement d'établir l'égalité de toutes les langues officielles des Etats membres.

19 () Dans ce cas, l'interprète peut travailler depuis et vers l'une et l'autre de deux langues également maîtrisées.

20 () L'anglais a ainsi représenté 48 % de l'ensemble des textes législatifs originaux et le français environ 20 %. La situation est inversée pour les autres textes (documents administratifs, appels d'offres, etc.) pour lesquels le français représente près de 35 % des textes sources et l'anglais 28 %.

21 () Le « Gentleman agreement » signifie que personne ne parle sa langue maternelle.

22 () Délégation générale à la langue française et aux langues de France, « Rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française, 2002 ».

23 () Cette déclaration figure en Annexe 6 du présent rapport.

24 () Tacis est un programme communautaire qui vise à encourage la démocratisation, le renforcement de l'Etat de droit et la transition vers l'économie de marché des Nouveaux Etats Indépendants (NEI), nés de l'éclatement de l'Union soviétique. Phare est un programme d'aide économique en faveur des pays d'Europe centrale et orientale appelés à rejoindre l'Union européenne.

25 () Article 12 TCE relatif à la libre circulation des travailleurs.

26 () Cf. Association Le droit de comprendre, « La langue française dans tous ses états ».

27 () Ce Plan pluriannuel figure en Annexe 5 du présent rapport.

28 () Un contrat triennal existe depuis 1980 et fait l'objet d'un renouvellement tous les trois ans.

29 () Ce projet doit permettre de constituer à Strasbourg un pôle de formation des différents pays de l'Union européenne, et notamment des pays candidats. Des crédits d'étude ont été engagés par le ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire afin d'accompagner et de préciser la mise en place du pôle et de ces outils.

30 () Eurobaromètre spécial « Les Européens et les langues », 15 février 2001.

31 () Le lecteur aura souligné l'appellation en langue anglaise de ce programme.

32 () Le Conseil constitutionnel français a cependant estimé, dans une décision du 15 juin 1999, que cette Charte contenait des clauses contraires à la Constitution ; c'est le cas, notamment, des dispositions générales qui , selon lui, portent atteinte aux « principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ».

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