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N° 3643

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 janvier 2007

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la réforme du secteur vitivinicole européen,

(COM [2006] 319 final/E 3184)

ET PRÉSENTÉ

par M. Philippe-Armand MARTIN,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe-Armand Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Axel Poniatowski, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. IL FAUT REFORMER L'OCM « VIN » CAR ELLE NE PEUT AIDER LE SECTEUR À REGLER SA CRISE DE COMPETITIVITE 11

A. Un tableau d'ensemble très préoccupant 11

B. Une consommation qui décroît globalement en Europe tout en devenant plus exigeante 13

1) Une tendance lourde... 13

2) ...Que ne peuvent renverser une classification et un étiquetage des vins européens trop savants 16

C. Une concurrence acharnée livrée par les vins du nouveau monde 20

1) Des produits disposant d'une force de frappe redoutable 20

2) Un excédent commercial européen menacé 22

3) Un assainissement du marché rendu impossible 25

D. Une « régulation » du marché européen inexistante du fait des dispositions en vigueur 26

1) Une règle ancienne de limitation du potentiel de production contournée par de fréquents « bonus » et « amnisties » 26

2) Un arrachage trop restreint depuis 1996 28

3) Des outils de distillation dévoyés 30

a) Un système absurde finançant la production d'un vin qui n'est pas consommé 30

b) Une mesure qualitative en revanche justifiée : la distillation des sous-produits 35

II. POUR QUE LE PROJET DE REFORME EN PREPARATION SOIT JUSTE ET EFFICACE, LA COMMISSION DEVRA FAIRE EVOLUER SA POSITION 37

A. Ne pas tout déréglementer, mais se fixer pour ambition de réguler le secteur en fonction du marché et non plus de la production 39

1) Prévoir un arrachage communautaire sélectif, volontaire et conditionné, couplé à un arrachage temporaire 39

a) L'arrachage proposé par la Commission : une mesure coûteuse qui relève de la démesure administrative 39

b) Faire de l'arrachage un levier économique, social et environnemental 42

2) Retirer de manière ordonnée les aides à la distillation en prévoyant une exception pour celle concernant les sous-produits de la vinification 44

3) Maintenir un encadrement des droits de plantation tout en flexibilisant leurs transferts et en permettant un octroi conditionné de nouveaux droits 45

4) Maintenir l'interdiction de vinifier les moûts concentrés importés des pays tiers et de mélanger les vins communautaires et non communautaires 47

5) Préciser les compétences des organismes de filière sans les attribuer aux groupements de producteurs 48

B. Mettre en place des outils nouveaux ou rénovés au sein des enveloppes nationales pour ne pas reproduire les travers de l'actuelle OCM 50

C. Refuser le « détricotage » de l'OCM via le transfert de crédits vers le développement rural 53

D. Valoriser les vins européens en simplifiant leur classification et leur présentation, mais sans sacrifier le lien au terroir 54

1) Reconnaître deux catégories de vins 54

2) Renforcer la protection des indications géographiques 56

3) Rendre l'étiquetage plus lisible sans nuire à la qualité 60

E. Ouvrir de manière ciblée les vins européens aux seules pratiques œnologiques reconnues par l'OIV 61

1) Ne pas noyer nos procédés dans le « tout venant » œnologique 61

2) Permettre un recours facultatif au saccharose pour les seules régions septentrionales et supprimer progressivement l'aide aux moûts de raisins 64

F. Doter l'OCM d'un volet « prospection, promotion, commercialisation et innovation  » solide 67

CONCLUSION 71

TRAVAUX DE LA DELEGATION 73

PROPOSITION DE RESOLUTION 77

ANNEXES 81

Annexe 1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 83

Annexe 2 : Prévisions à moyen terme du secteur vitivinicole européen 87

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 6 juillet 2006, l'Assemblée nationale a été saisie, au titre de la clause dite « facultative » de l'article 88-4 de la Constitution, d'une communication de la Commission en date du 22 juin 2006 intitulée « Vers un secteur vitivinicole européen durable »(1).

Ce document prépare la réforme de l'organisation commune du marché (OCM) de ce secteur, actuellement régie par le règlement (CE) n °1493/1999 du 17 mai 1999, en présentant quatre options possibles d'évolution.

L'une de ces options, la quatrième, est clairement privilégiée par la Commission ; elle servira de point de départ pour la rédaction de la proposition de règlement réformant l'OCM qui, une fois publiée, sera elle aussi transmise, en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, à l'Assemblée nationale.

C'est dire si ce document de réflexion, qui fait l'objet de discussions au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne depuis septembre 2006, est important. De fait, il annonce des ruptures majeures pour l'Europe du vin.

C'est dire aussi à quel point il était indispensable que l'actuelle législature puisse débattre, à défaut de la proposition de règlement, celle-ci allant être vraisemblablement publiée au moment où se dérouleront les élections législatives en France, des orientations contenues dans la communication de juin 2006.

L'OCM encadre une production qui, depuis plus de 2000 ans, fait partie des fondements du mode de vie européen. La contribution de la viticulture à notre « vivre ensemble » et à nos paysages est si évidente qu'il est inutile d'insister sur ce point.

De plus, l'OCM vitivinicole a un statut particulier au sein la politique agricole commune. C'est la plus complexe et la plus vaste des organisations de marché, car elle réglemente, ce qui la rend unique, non seulement les mesures de gestion de la production, mais aussi les aspects liés à la circulation et à la vente des produits, les procédés de vinification, l'étiquetage, etc.

Enfin, l'Union européenne est le premier acteur mondial du marché du vin. Elle se place en effet au premier rang sur le plan :

- de la production : le vignoble européen représente environ 45 % des superficies viticoles du globe et assure, en moyenne, près de 60 % de la production mondiale de vin ;

- de la consommation : l'Union représente près de 60 % de la consommation mondiale ;

- des échanges : l'Union est, à la fois, le premier exportateur et le plus grand marché d'importation mondial(2). En outre, le vin, produit agricole transformé, à forte valeur ajoutée, est l'un des plus beaux fleurons de la balance commerciale européenne - et française.

Pour mieux comprendre les enjeux traités par le projet de réforme en cours d'élaboration, le rapporteur, qui a travaillé, en tant que rapporteur du Parlement européen, sur la précédente réforme de l'OCM, celle de 1999, en a débattu avec la commissaire européenne en charge de l'agriculture et du développement rural, Mme Mariann Fischer Boël, le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne, plusieurs députés européens spécialisés, le cabinet du ministre français de l'agriculture et de la pêche, ainsi qu'avec plusieurs organisations professionnelles de notre pays.

Il s'est aussi rendu, pour y rencontrer des parlementaires, des représentants du ministère de l'agriculture et des professionnels de la filière, à Berlin, où il lui a été clairement indiqué que l'Allemagne ne comptait pas faire adopter la réforme sous sa présidence, à Madrid et, enfin, en Castille-La Manche, où se trouve le plus grand vignoble du monde.

Ces entretiens l'ont convaincu qu'il faut agir avec doigté : aucune contrainte, qu'elle soit budgétaire ou multilatérale, n'oblige l'Europe à réformer vite et n'importe comment sa politique de soutien à la viticulture. D'ailleurs, les négociations sur la proposition législative de la Commission ne se concluront que sous la présidence portugaise, à l'automne 2007 ou à la fin de l'année.

La période ouverte par la publication de la communication et qui doit se clôturer par la présentation, probablement les 11-12 juin prochains, de la proposition de règlement, doit donc être mise à profit, et c'est ce que le présent rapport d'information tente de faire, pour réfléchir à de nouveaux instruments de régulation et de valorisation de la viticulture européenne et rappeler la pertinence de quelques « lignes rouges » que, malheureusement, la Commission s'est crue autorisée à franchir en juin dernier.

Car il est incontestable que l'actuelle OCM est en crise ; par conséquent, seule une réforme juste et efficace de cette organisation de marché permettra au secteur vitivinicole européen de relever le principal défi des années à venir : apprendre à se battre à armes égales avec ses concurrents extérieurs, sans renoncer à ses traditions lorsqu'elles constituent une force.

Ces remarques préliminaires et celles qui suivront sont le complément européen du diagnostic et des remèdes présentés dans le rapport d'information déposé au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire par le rapporteur et son collègue Gérard Voisin sur la situation de la viticulture française(3).

I. IL FAUT REFORMER L'OCM « VIN » CAR ELLE NE PEUT AIDER LE SECTEUR À REGLER SA CRISE DE COMPETITIVITE

L'historique et les mécanismes actuels de l'OCM vitivinicole sont décrits dans un document de travail, publié en février 2006, de la direction générale de l'agriculture et du développement rural de la Commission européenne. Il serait inutile et fastidieux de reprendre, dans le cadre du présent rapport, le contenu de cette excellente synthèse, accessible à tout citoyen(4).

L'ambition du rapporteur, dans cette première partie, n'est pas de décrire, dans le détail, les règles existantes, mais de répondre à la question suivante : pour quelles raisons le patrimoine et le gage d'excellence qu'est notre viticulture est-il en « perte de vitesse », malgré l'existence d'une OCM ayant dépensé, en 2005, plus de 1,26 milliard d'euros ?

A. Un tableau d'ensemble très préoccupant

Si l'on adopte une perspective européenne, et tel est l'angle utilisé ici, il faut admettre que l'OCM est elle-même en partie responsable de la « mauvaise passe » que traverse notre viticulture.

En effet, cette organisation de marché, malgré la réforme de 1999, n'est pas en mesure d'aider l'Europe du vin à relever les défis posés par un marché devenu plus exigeant et plus concurrentiel. C'est tout le contraire qui se produit : le fonctionnement de l'OCM aggrave la « crise de débouché et d'identité » affectant une production européenne qui, certes, domine toujours le marché mondial, mais ne règne plus.

Signe frappant de cette crise, qui est souvent perçue comme une crise française, le prestigieux magazine américain Time a consacré une couverture dévastatrice, en termes d'image, aux vins de Bordeaux et qui représente un verre que bousculent les flots impétueux d'un liquide dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas une belle couleur. Cette mauvaise publicité était-elle possible il y a seulement dix ans ? Certainement pas (5).

Or ces flots incontrôlés traduisent une réalité incontestable, celle d'une production de vin excédentaire, qui ne se vend pas. Pour ne prendre que l'« exemple français », selon une étude communiquée au rapporteur par le Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine (CIVC), l'excèdent structurel pour l'ensemble des vignobles de notre pays est estimé à 2,688 millions d'hectolitres, le vignoble le plus touché étant le bordelais (1 million d'hectolitres, dont 625 000 hectolitres pour l'appellation Bordeaux Rouge), suivi du vignoble languedocien (670 000 hectolitres), puis de la vallée du Rhône (300 000 hectolitres)(6).

Exemples d'estimations du stock excedentaire sur l'ensemble de
la recolte française 2004-2005

Source : YKems, novembre 2006.

Cette crise s'explique par quatre facteurs qui se cumulent et rendent, de fait, la situation des producteurs européens très préoccupante. Le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne, M. Jean-Luc Demarty, les a ainsi résumés devant le rapporteur :

- la consommation intérieure baisse ;

- la croissance des importations est très forte depuis plus de dix ans ;

- « la production, dans le meilleur des cas, ne croît pas », ce qui signifie que l'évolution du potentiel de production n'arrange en rien la situation du marché ;

- pour finir, le marché est confronté à un excédent structurel important, qui ne parvient pas à être écoulé et exerce une pression à la baisse sur les prix, compris entre 15 à 25 millions d'hectolitres par an, si l'on tient compte ou non de la distillation de l'alcool de bouche.

Il en résulte que le budget communautaire dépense environ 500 millions d'euros par an pour stocker et distiller du vin, c'est-à-dire pour retirer du marché les excédents de production à un prix minimal garanti pour le producteur. Ce type d'intervention élimine ainsi 15 % de la production de vin chaque année.

Ces points sont développés ci-dessous.

B. Une consommation qui décroît globalement en Europe tout en devenant plus exigeante

1) Une tendance lourde...

La crise qui frappe la viticulture européenne reflète sa difficulté à s'adapter à un marché intérieur moins « porteur » que par le passé.

En effet, et cela est bien connu, la consommation interne de vin dans l'Union européenne décroît.

C'est une tendance lourde, liée à des évolutions structurelles de la société. La Commission observe ainsi que, de 1983 à 2003, la consommation totale de vin dans l'Europe des Quinze a diminué de 15 millions d'hectolitres, soit une baisse de 10 % en 20 ans. La communication de juin 2006 précise que, dans l'Union, chaque année, la consommation de vin baisse de quelque 750 000 hectolitres, soit environ - 0,65 %.

Ce phénomène a été très prononcé en France, comme le note le rapport d'information précité sur la situation de la viticulture dans notre pays : en prenant en compte l'évolution de la démographie, la consommation du Français « moyen » est passée, entre 1970 et 2005, de 100 litres par an à 55 litres par an.

De manière plus fine, on constate que les zones traditionnelles de forte consommation, au Sud de l'Europe, qui sont aussi des zones de production, connaissent une baisse de la consommation qui n'est pas compensée par la hausse observée au Royaume-Uni et dans l'Europe du Nord (Pays-Bas, Danemark, Finlande et Suède).

Evolution de la consommation de vin
entre 1993 et 2003 (en %)

Source : Commission européenne, février 2006.

Un des facteurs de la diminution de la consommation globale, qui est appelé à rester, est la préférence de plus en plus marquée du consommateur européen à acheter du vin de qualité. Ainsi, l'Européen consomme moins de vin, puisqu'il a pris l'habitude de le consommer différemment : sa consommation n'est plus quotidienne, mais occasionnelle ; par conséquent, il préfère se procurer des produits dits de « moyenne gamme », pour les déguster lors d'occasions « spéciales », le plus souvent festives.

C'est ce qui explique pourquoi les catégories « vin de qualité » et « vin de table » connaissent, en termes de consommation, des évolutions très divergentes : la chute de la consommation a surtout affecté ces derniers alors que la consommation des vins de qualité progresse et a même dépassé celle des vins de table.

evolution de la consommation de vin de table et de qualite dans l'UE à 12 puis l'UE à 15

Source : Commission européenne, février 2006.

Moins de consommateurs, mais des consommateurs devenus difficiles : les viticulteurs européens, à l'exception de ceux qui produisent des vins d'excellence, ne peuvent plus compter sur l'existence de rentes de situation sur le marché intérieur. Ils doivent désormais se battre, avec de redoutables concurrents, pour conserver ou conquérir des débouchés.

2) ...Que ne peuvent renverser une classification et un étiquetage des vins européens trop savants

A cette tendance lourde s'ajoute le fait que le consommateur non spécialisé qui veut acheter du vin européen se trouve vite perdu dans une « tour de Babel » de catégories, d'indications géographiques, d'appellations et d'étiquettes.

Ce dernier ne souhaite pas consacrer plus que quelques secondes au choix d'une « bonne bouteille ». Or force est de constater que la réglementation européenne en matière de classification et d'étiquetage des vins ne l'aide pas à choisir vite et bien : au contraire, elle constitue un facteur de confusion.

En effet, la présentation des vins européens, par rapport à celle des vins du nouveau monde, manque de clarté et de simplicité ; par conséquent, elle tend à dissuader le consommateur potentiellement intéressé.

Cette complexité tient à plusieurs facteurs.

En premier lieu, alors que la réglementation communautaire ne reconnaît que deux grandes catégories de vins, celles-ci, ne sont, en réalité, ni simples, ni rigoureuses. Ainsi, la réglementation communautaire distingue les vins de qualité produits dans des régions déterminées ou « v.q.p.r.d. » des vins de table :

- les premiers obéissent à plusieurs obligations précises, dont la délimitation, selon des critères naturels, des régions de production, ainsi que la production des raisins, la vinification et l'élaboration du vin à l'intérieur de cette même région ;

- les seconds sont les vins autres que les v.q.p.r.d., dont les raisins de cuve ont été produits dans la Communauté.

Ce distinguo paraît simple à première vue, mais il n'en est rien, essentiellement pour deux raisons.

D'abord, l'une des deux catégories, celle des v.q.p.r.d., n'en est pas vraiment une, car il n'existe aucun cadre communautaire de reconnaissance des vins de qualité, le Conseil s'y étant toujours opposé.

C'est l'un des compromis fondateurs de l'OCM vitivinicole : les Etats membres ont souhaité préserver une marge de manœuvre pour la classification des vins dans chacune des deux catégories. Ainsi, cette liberté accordée depuis 1970 a permis que l'Allemagne et le Luxembourg, puis l'Autriche et la quasi-totalité des Etats membres entrés en mai 2004 dans l'Union européenne, à l'exception de la Hongrie, considèrent toutes leurs zones viticoles comme aptes à produire des vins de qualité. A l'inverse, les autres Etats membres, comme la France et l'Italie, ont souhaité définir des critères objectifs de qualité, dont le fondement est le lien du produit avec le terroir : notre pays a ainsi développé au sein de la catégorie des v.q.p.r.d. les vins à appellation d'origine contrôlée (AOC) et les vins d'appellation d'origine - délimités de qualité supérieure (AO-VDQS).

Ensuite, la catégorie des vins de table a peu à peu perdu de sa cohérence, avec le développement, dans une optique de marketing, de nouvelles catégories ou plutôt sous-catégories. Cette politique a conduit à l'apparition des vins de table à indication géographique, soit les vins de pays français, les Landwein allemands ou l'Indicazione geografica tipica italienne ; se sont développés, en outre, en vins de table, des concepts utilisés par les v.q.p.r.d. et les vins des pays tiers : les vins de marque et les vins de cépage.

En deuxième lieu, le critère de qualité, sur lequel se fondent la réglementation communautaire et la notion de v.q.p.r.d., n'existe pas au niveau international. Or la Communauté européenne étant un membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ne connaît qu'un concept, celui de l'indication géographique, elle ne peut rester indifférente à une telle discordance entre son droit et les règles multilatérales.

En troisième lieu, les règles de classification des vins de l'OCM « cohabitent », de manière bancale, avec le règlement visant à valoriser tous les autres produits agricoles, c'est-à-dire le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

Ce texte reconnaît :

- d'une part, l'appellation d'origine protégée ou AOP, qui désigne un produit dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée, avec un savoir-faire reconnu et constaté ;

- d'autre part, l'indication géographique protégée ou IGP, dont le lien avec le terroir est établi à l'un des stades au moins de la production, de la transformation ou de l'élaboration, le produit pouvant jouir par ailleurs d'une grande réputation.

Grâce à ces deux notions, ce règlement a permis de rapprocher la législation communautaire avec l'ADPIC, notamment son article 22§1 qui définit l'indication géographique comme servant à « identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un Membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».

Cependant, dans le même temps, il a rendu encore plus difficile la compréhension des règles censées orienter le consommateur européen dans son choix de produits « authentiques » : en effet, pour les acheter, ce dernier doit utiliser, selon qu'il s'agit d'un vin ou de tout autre produit agricole, deux guides différents...La complexité de la réglementation vitivinicole étant ainsi devenue plus apparente depuis l'adoption du règlement dit horizontal sur les AOP et les IGP, celle-ci a perdu encore un peu plus de sa lisibilité -et de sa légitimité.

Enfin, les règles d'étiquetage du vin sont, elles aussi, une source de confusion pour le consommateur. Celles-ci varient selon les vins tranquilles et les vins mousseux et, parmi les vins tranquilles, entre les vins de table, les vins de table avec indication géographique et les v.q.p.r.d..

Les mentions obligatoires sur l'étiquette sont au nombre de sept (neuf pour les vins mousseux), auxquelles peuvent s'ajouter neuf mentions facultatives pour toutes les catégories de vins tranquilles et, pour les seuls vins de qualité, le cas échéant, le nom d'une unité géographique plus petite que la région déterminée. Pour les vins mousseux, certaines mentions peuvent être ajoutées, à condition de ne pas être trompeuses. Certaines d'entre elles sont encadrées par le règlement de 1999 (qualité supérieure, année de récolte, crémant, fermentation en bouteille, etc.).

Ce « jardin à l'anglaise » est source de complication pour une autre raison : en imposant que seuls les vins à indication géographique peuvent mentionner les mentions facultatives, très « parlantes » pour l'acheteur, du cépage et du millésime, la règlementation communautaire a conduit les producteurs et le négoce à développer ce type de vins, ce qui a entraîné une explosion des indications géographiques dans toute l'Europe.

Aujourd'hui, environ 10 000 indications géographiques sont reconnues par les Etats membres. En France, rappelons qu'on compte plus de 470 AOC et plus de 150 vins de pays ; de son côté, l'Italie compte 331 AOC, l'Espagne 61, etc.

L'augmentation du nombre de v.q.p.r.d. et de vins de table avec indication géographique est ainsi jugée par la Commission dans sa communication de juin dernier : outre le fait qu'elle suscite la confusion chez les consommateurs, elle « affaiblit la politique de la Communauté en matière d'indication géographique dans l'Union et à l'étranger et contribue à la dégradation de la situation de marché ».

Comme on le verra dans la deuxième partie du présent rapport, la Commission propose de tailler à la serpe ce maquis réglementaire, en simplifiant, parfois au maximum, les règles du jeu.

C. Une concurrence acharnée livrée par les vins du nouveau monde

1) Des produits disposant d'une force de frappe redoutable

Le succès des vins du nouveau monde est un sous-produit de la mondialisation : ce phénomène historique provoque de multiples évolutions, dont l'une d'entre elles est de mettre à la portée du consommateur européen des vins d'une gamme de qualité moyenne, dits « intermédiaires », vendus 4 à 5 euros la bouteille, dont l'origine, Californie, Australie, Chili, etc., constitue en elle-même une invitation au voyage, qui plaît beaucoup.

La puissance de marché de ces vins s'explique d'abord par les échelles de production du nouveau monde, qui ne sont pas comparables avec celles de l'Europe.

Les échelles de production Europe/nouveau monde

Potentiel de production

UE

Australie

Etats-Unis

Afrique du Sud

Chili

Limitation des droits de plantation

Oui

Non

Non

Non

Non

Evolution de la superficie (86-90/2002, source OIV)

- 16 %

+ 169 %

+ 26 %

+ 29 %

+ 48 %

« Réserve »

5 %

+ 15 000 ha 1998

+ 8 000 ha 2003

+ 4 000 ha 2010

14 %

10 %

Inconnu

Evolution de la production (86-90/2002, source OIV)

- 19 %

+ 167 %

+ 12 %

- 6 %

+ 41 %

Exportations

x 1.2

x 19

x 4

x 47

x 19

Source : Commission européenne, février 2006.

Tandis que les structures de production européennes ont une superficie qui, en moyenne, varie autour des 10 hectares en France et 1,1 hectare en Italie, le modèle du nouveau monde est fondé sur des marques commerciales et une production réalisée sur des surfaces beaucoup plus grandes, pouvant atteindre 50 hectares en moyenne en Australie, par des viticulteurs qui peuvent être salariés de grandes sociétés.

Dans le nouveau monde, l'évolution de la superficie et l'absence de limitation des droits de plantation ont naturellement conduit à des résultats spectaculaires. Ainsi, en Australie, la production a quadruplé en trente ans et ce pays en exporte environ 45 %, dont plus de la moitié vers l'Europe. Les exportations du Chili représentent 60 % de sa production, tandis que celles des Etats-Unis progressent régulièrement, la part de l'Union, comme marché de destination, ayant doublé en dix ans entre 1993 et 2003.

Deuxième force des vins du nouveau monde : le pillage, qu'ils ont pratiqué ou qu'ils continuent de pratiquer, des appellations européennes, comme le Chablis, le Bourgogne, le Champagne, qui constituent des vecteurs de prestige. Le rapporteur reviendra dans la deuxième partie du présent rapport sur ce point important.

Troisième atout, la « lisibilité » et la simplicité des produits du nouveau monde, tant sur le plan du goût du vin que sur celui de sa présentation, leur donne un avantage commercial décisif, à l'inverse de l'aspect parfois « vieillot » des produits européens.

Ainsi, comparé au « fouillis » de la quinzaine de mentions, obligatoires et facultatives, utilisables par les vins européens avec indication géographique, l'étiquetage pratiqué aux Etats-Unis est conçu pour informer et séduire rapidement l'acheteur potentiel : y figurent seulement la marque, la région d'origine, le cépage, le millésime, le producteur, l'embouteilleur et le titre alcoométrique.

En outre, les familles de bouteilles en Europe se différencient par des étiquettes qui varient en fonction de la classification des vins et des indications géographiques, leur forme variant elle-même avec la couleur du vin, rouge ou blanc. A l'opposé, en Australie, les familles de bouteille ont des étiquettes qui lient une couleur à un cépage.

D'une manière générale, la présentation des vins du nouveau monde est perçue par le consommateur comme étant moderne, drôle et facile à mémoriser. Mme Mariann Fischer Boël a ainsi cité devant le rapporteur, à titre d'exemple, un vin australien avec un dessin de kangourou sur l'étiquette, dont la force commerciale repose sur le fait que son origine est indentifiable par n'importe quel consommateur de la planète.

En ce qui concerne le goût, la production du nouveau monde s'est développée en utilisant des procédés nouveaux, dont certains sont interdits en Europe, comme l'ajout d'eau ou d'arômes de fruits aromatisés. Le produit élaboré selon ces pratiques œnologiques a un goût « accrocheur », qui, même s'il ne dure pas toujours très longtemps en bouche, sait plaire aux jeunes et aux femmes.

Combinés, tous ces atouts ont permis aux vins du nouveau monde de s'exporter massivement en Europe depuis 1994.

2) Un excédent commercial européen menacé

La force de pénétration des vins du nouveau monde sur le marché européen a été démultipliée par le fait que celui-ci a été contraint de « baisser la garde » sur le plan de ses protections tarifaires, en raison de la mise en œuvre des accords commerciaux concluant le Cycle d'Uruguay.

L'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, de l'accord sur l'agriculture a mis fin à la protection aux frontières qui était assurée par un « prix de référence » et qui obligeait les vins importés des pays tiers à respecter un prix minimal à l'importation. Ce mécanisme protecteur a été supprimé, tandis que les droits de douane appliqués aux importations de vin ont été diminués de 20 % entre 1995 et 2000.

Depuis lors, le marché communautaire est devenu de plus en plus perméable aux importations de vins en provenance des pays tiers. Au total, ces importations sont passées de 2,7 millions d'hectolitres en 1993 à 13,8 millions d'hectolitres en 2004, soit une augmentation d'environ un million d'hectolitres par an.

Entre 1993 et 2003, les importations en provenance des quatre principaux partenaires de l'Europe, à savoir l'Australie, l'Afrique du Sud, le Chili et les Etats-Unis, ont presque décuplé, passant de 850 000 hectolitres à 8 millions d'hectolitres en 2003, pour atteindre 9,5 millions d'hectolitres en 2004.

Evolution des importations de vins (EUR 15)
par principales origines en volume

Source : Commission européenne, février 2006.

Il y a lieu de noter qu'entre 1993 et 2004, les exportations des Etats-Unis, ces derniers devant devenir la première zone de consommation de vin au monde, ont progressé beaucoup plus rapidement que leurs importations : ainsi, les exportations de l'Union, qui étaient, en 1993, douze fois supérieures, en volume, aux importations américaines, ne représentaient, en 2004, plus que le double.

Résultat : si l'Europe est toujours le premier exportateur mondial, elle s'approche désormais du statut d'importateur net en volume. Ainsi, en 2005, 12 millions d'hectolitres de vins ont été importés par l'Union, toutes origines confondues, contre un total de 13 millions d'hectolitres d'exportations.

Le graphique ci-après illustre parfaitement cette remise en cause progressive de la position dominante de l'Union européenne.

Importations et exportations extracommunautaires de l'Union européenne (en volume - hl)

Source : Commission européenne, février 2006.

Certes, l'Europe conserve encore, et, sans doute pour toujours, grâce à ses vins d'excellence et de grande réputation, la première place pour les exportations en valeur.

La balance commerciale en valeur est en effet excédentaire chaque année d'environ 2 milliards d'euros et cela depuis 1990. Pour la France, l'effet de réputation de ses vins continue de jouer, y compris dans la période la plus récente : le solde de son commerce extérieur des vins s'établit, en 2005, à 5,1 milliards d'euros et les exportations françaises ont augmenté, en valeur, de 11,5 % lors des neuf premiers mois de l'année 2006.

Mais cette position très enviable ne peut justifier l'inaction, en raison du potentiel de production considérable des concurrents de l'Europe et de la capacité de leurs vins à être leaders pour la gamme de moyenne qualité. Ce constat en forme d'avertissement vaut aussi pour la France, dont la part globale de marché est tombée, entre 1994 et 2005, de 35 % à 18 %. Rappelons en outre qu'en 2005, notre pays est tombé au troisième rang mondial des volumes exportés (13,9 millions d'hectolitres), derrière l'Italie (15,1 millions d'hectolitres) et l'Espagne (14,1 millions d'hectolitres), qui lui a pris la deuxième place.

3) Un assainissement du marché rendu impossible

Les accords d'Uruguay ont eu un impact considérable non seulement sur le marché européen, mais aussi, ce qui est somme toute logique, sur la capacité de régulation de l'OCM.

Depuis 1994, en raison de l'ouverture des frontières « tarifaires » de l'Europe, le recours à l'instrument traditionnel qu'est le retrait des quantités produites de vin est privé de toute vertu régulatrice : quoique l'Europe fasse pour tenter d'augmenter les prix en réduisant l'offre communautaire de vin, ceux-ci seront toujours tirés vers le bas, en raison des importations.

Comme le soulignait très clairement, dans son rapport de février 2006, la direction générale de l'agriculture et du développement rural de la Commission européenne, « dans un marché ouvert comme actuellement celui du vin dans l'Union européenne, ...il n'y a plus la possibilité d'assainir ce marché et d'y soutenir les prix par un mécanisme de retrait des quantités en surplus, étant donné que des quantités supplémentaires sont attirées de l'extérieur et que les prix sur ce marché ne peuvent augmenter sensiblement au-delà du prix des produits importés ».

Rendue impuissante par une cause externe, l'entrée en vigueur de l'accord multilatéral sur l'agriculture de 1994, l'OCM vitivinicole souffre d'un autre dysfonctionnement, encore plus grave : elle est elle-même un facteur de crise, car elle encourage les comportements qui sont à l'origine des excédents structurels constatés.

D. Une « régulation » du marché européen inexistante du fait des dispositions en vigueur

Cette vérité est cruelle, mais elle doit être rappelée : les instruments de régulation de l'OCM ne permettent pas au secteur vitivinicole de régler son problème de compétitivité. Au contraire, leur fonctionnement amène l'Europe du vin à s'enfoncer, chaque jour davantage, dans la crise.

Ceux-ci n'incitent pas l'Europe du vin à réagir en fonction du marché et à viser, dans ce but, la qualité : les outils de cette organisation ignorent cette préoccupation essentielle pour ne se soucier que d'assurer un débouché, quel qu'il soit, à toutes les quantités produites, sans parvenir à maîtriser le potentiel de production.

C'est pourquoi, d'année en année, réapparaissent des excédents structurels. Et il ne peut en être autrement lorsque :

- le potentiel de production est aujourd'hui plus élevé par rapport à celui des années 1990, alors même qu'il est interdit de planter de nouvelles vignes et que l'arrachage est subventionné ;

- les mesures de distillation ne sont pas utilisées de manière conjoncturelle, pour assainir le marché, mais sont devenues, pour les producteurs, un débouché « naturel » (7).

1) Une règle ancienne de limitation du potentiel de production contournée par de fréquents « bonus » et « amnisties »

L'interdiction de plantations nouvelles de vigne est l'une des plus anciennes mesures de régulation de l'OCM. Elle date de 1976 et a été prorogée à plusieurs reprises, le dernier report de la date limite de cette interdiction ayant été décidé lors de la réforme de 1999, pour une période allant jusqu'au 31 juillet 2010.

Dans les faits, cette interdiction a été tellement contournée par les Etats membres, avec l'aval ou non des institutions européennes, qu'elle n'a pas pu jouer le rôle qui aurait dû être le sien pour équilibrer le marché du vin.

Il suffit de lire attentivement les deux rapports de synthèse sur le secteur du vin publiés en février 2006 par la direction générale de l'agriculture et du développement rural de la Commission pour comprendre combien cette règle, à force d'exceptions, a perdu de sa pureté et, par voie de conséquence, de son efficacité :

- premièrement, le Conseil a autorisé des nouvelles plantations destinées à la production de vins dont la demande n'était pas couverte par l'offre du moment, dont, par exemple, 10 000 hectares distribués entre les Etats membres lors des campagnes de commercialisation 1996/1997 et 1997/1998 ;

- deuxièmement, les Etats membres ont pu autoriser des plantations dans le cadre des programmes de développement, mis en œuvre au titre de la politique socio-structurelle prévue par l'OCM. Ainsi, la France, en 1988-1998, a autorisé la plantation de 9 128 nouveaux hectares et la région du Piémont, en Italie, a été autorisée à planter 2 500 hectares ;

- troisièmement, la réforme de 1999 a créé 68 000 hectares de « droits de plantation nouvellement créés », à répartir, à l'exception de ceux mis dans une réserve communautaire, entre les Etats membres, notamment pour développer des vignobles de qualité ou régulariser des plantations illicites ;

- enfin, l'interdiction posée en 1976 n'a pas empêché les plantations illicites, qui, additionnées, peuvent couvrir de vastes surfaces. A titre d'illustration, le ministère de l'agriculture français indique un total de 100 000 hectares de plantations illicites pour l'Italie. Pour lutter contre ce phénomène, la réforme de 1999 a institué l'obligation d'arracher toute nouvelle plantation illicite, ainsi qu'une procédure de régularisation des plantations illicites antérieures à 1998. La mesure est juste et courageuse, mais le délai de clôture de cette procédure a déjà été repoussé deux fois et court, depuis lors, jusqu'à la fin 2007. Un tableau sur la situation des plantations publié par la Commission en février 2006 mentionne, pour l'année 2004, 43 992 hectares régularisés à « la satisfaction de l'Etat membre, mais pas forcément de la Commission », 10 067 hectares refusés et 64 981 hectares en cours d'examen.

Ainsi, la règle établie depuis 1976 a été si mal respectée que certains n'hésitent pas à dire que la libéralisation des droits de plantation envisagée par la Commission a pour objet, entre autres, de régulariser « en douceur » le stock illicite existant.

Un autre facteur tend à réduire le rôle stabilisateur de l'interdiction posée en 1976 : c'est l'évolution des rendements, qui, en Europe, depuis la dernière décennie, augmentent au rythme moyen de +0,66 hectolitre par hectare et par an. Si en Italie et en France le rendement a diminué avec la réduction des surfaces pour la production des vins de table, dont les rendements sont, dans ces pays, plus élevés que ceux des vins de qualité, la hausse en Espagne est, en revanche, très rapide et forte, avec +1,9 hectolitre par hectare et par an.

Il faut dire que ce dernier pays, grâce à l'appui des crédits communautaires, a restructuré, depuis l'année 2000, plus de 150 000 hectares de vignes, dont près de 60 000 hectares dans la région de Castille-La Manche. Dans cette communauté autonome, des zones alors peu compétitives ont connu, depuis la dernière réforme de l'OCM, un véritable « décollage », en passant d'une production de 20 hectolitres par hectare de vin médiocre à une production de 30 hectolitres par hectare de vin de qualité. Ceci explique que, sur l'ensemble du pays, la production ait progressé de 35 % entre 1996 et 2004.

Le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission a reconnu devant le rapporteur qu'une erreur a été commise, lors de la dernière réforme, lorsqu'il a été décidé de soutenir des programmes de restructuration sans s'attacher à maîtriser le potentiel de production.

Au vu de ces développements, beaucoup en Europe, dont la Commission, considèrent que l'interdiction des plantations nouvelles fait figure d'anachronisme, notamment au regard des pays du nouveau monde, qui ne connaissent pas une telle limitation.

2) Un arrachage trop restreint depuis 1996

Aux côtés de la limitation des plantations nouvelles, dont on a pu mesurer l'efficacité toute relative, l'OCM est supposée comprendre, depuis 1976 aussi, une deuxième grande mesure de maîtrise du potentiel de production : les primes à l'abandon définitif de superficies plantées en vigne.

Cette mesure permet au viticulteur d'arracher son vignoble, ce qui entraîne la perte de son droit de plantation, moyennant le versement d'une prime, dont le montant est fixé par les Etats membres, en fonction de critères techniques de production et en dessous de plafonds fixés au niveau communautaire.

La Commission indique que, de 1988 à 1996, l'arrachage primé a porté sur près de 490 000 hectares, ce qui a diminué d'un peu plus de 10 % le vignoble communautaire. En revanche, ces dernières années, moins de 2 000 hectares par an ont fait l'objet d'un arrachage définitif alors qu'au plus fort de l'utilisation du dispositif, 56 000 hectares par an étaient arrachés.

Ce désamour récent pour l'arrachage, qui ralentit l'ajustement structurel du marché depuis dix ans, s'explique par le fait qu'à partir de 1996, à la suite d'une modification réglementaire adoptée par le Conseil, les Etats membres ont obtenu la possibilité de ne pas appliquer cette mesure sur tout ou partie de leur territoire.

Depuis lors, la Commission constate que les surfaces en vigne, après la régression observée entre 1976 et 1996 dans la majorité des Etats membres, ont augmenté récemment, en particulier en Espagne, en Italie au Portugal.

C'est pourquoi au terme de son analyse du potentiel de production de l'Union européenne, elle estime que bien que « la surface à vignoble soit passée d'environ 3,4 millions hectares en 1997 à 3,2 millions hectares en 2003, l'effet conjugué des nouveaux droits de plantation récemment accordés, de la possibilité de coexistence d'anciennes et de nouvelles vignes permise dans le cadre du programme de restructuration et de la faible utilisation du programme d'abandon a considérablement freiné et parfois inversé la tendance à la réduction préalable. Ce mouvement pourrait s'amplifier à l'avenir du fait de l'impact prévisible du programme de restructuration, notamment en raison du risque d'accroissement des rendements ». Par conséquent, le potentiel de production est aujourd'hui « sensiblement » plus élevé qu'il y a quinze ans.

Aux yeux du rapporteur, ce langage mesuré met d'autant mieux en évidence la seule conclusion qui doit être tirée des observations de la Commission, à savoir l'échec des mesures visant à contrôler ce potentiel.

3) Des outils de distillation dévoyés

a) Un système absurde finançant la production d'un vin qui n'est pas consommé

L'OCM comprend quatre régimes de distillation :

- la distillation obligatoire des sous-produits de la vinification ou des prestations viniques, qui consiste à éliminer la totalité des sous-produits, soit les marcs et les lies, de la vinification. Elle comporte une aide versée aux distillateurs (6 euros/hectolitre de vin), pour compenser le versement d'un prix minimum aux producteurs (0,995 euro/dégré-hectotlitre) pour la livraison des marcs et des lies, ainsi que la prise en charge de l'alcool placé en stock public. Le coût total de cette mesure varie entre 200 et 230 millions d'euros par an, pour environ 1,3 million d'hectolitres de vin distillé ;

- la distillation obligatoire des variétés de raisins à double fin ou double classement, c'est-à-dire des raisins pouvant donner du vin de table ou du vin de base pour la distillation en certains alcools. Elle concerne quasi exclusivement les vins produits dans la région de la Charente, dont la quantité vinifiée est excédentaire par rapport au débouché normal que constitue la production de Cognac. Reposant, elle aussi, sur une aide aux distillateurs (d'environ 6 euros/hectolitre de vin) et la prise en charge en stocks publics, cette distillation concerne entre 1 à 2 millions d'hectolitres de vin et coûte entre 15 à 30 millions d'euros par an ;

la distillation pour l'alcool de bouche, qui est facultative et met à la disposition de l'industrie des boissons spiritueuses l'alcool vinique, afin d'élaborer du brandy et des vins de liqueur. Une aide d'environ 20 euros/hectolitre de vin est versée aux distillateurs pour compenser le prix minimum moyen (2,48 euros/degré-hectolitre) auquel ils achètent du vin aux producteurs. Cette mesure, combinée à la prise en charge partielle des frais de stockage privé, coûte au budget communautaire environ 250 millions d'euros par an et concerne, en moyenne, entre 10 à 12 millions d'hectolitres de vin ;

la distillation de crise, qui vise à résorber les excédents conjoncturels. La réforme de l'OCM intervenue en 1999 l'a rendue facultative et applicable aux vins de table comme aux v.q.p.r.d.. Reposant sur le versement d'une aide aux distillateurs destinée à compenser le prix minimum payé aux producteurs, lequel est variable, la mesure a concerné, en 2005, 8 millions d'hectolitres de vin et a coûté 180  millions d'euros au budget communautaire. En juin 2006, la Commission a autorisé plusieurs Etats membres à procéder à des distillations de crise : 5,6 millions d'hectolitres en France et en Italie et 0,8 million pour l'Espagne et la Grèce.

Au total, en 2005, les dépenses consacrées aux divers modes de distillation et de stockage public se sont élevées à 506 millions d'euros, soit 40 % du budget attribué à l'OCM.

Dans son travail sur la crise de la viticulture française, le rapporteur a pointé du doigt les deux inconvénients majeurs de la distillation :

- sur le plan psychologique, les vignerons ne peuvent se satisfaire éternellement d'une situation dans laquelle ils gagnent leur vie en produisant pour distiller ;

- dans le même temps, sur le plan économique, la rémunération offerte par l'hectolitre distillé constitue une trop forte tentation pour ceux qui souhaitent s'assurer des revenus supplémentaires ou de remplacement.

De fait, la distillation a un effet pervers redoutable : en faisant exister plusieurs débouchés permanents, automatiques et rémunérés aux côtés d'une production « normale » de vin destinée à être vendue pour être consommée, elle incite à l'excèdent et freine l'assainissement du marché. Cette garantie de revenu est si naturelle et sûre qu'elle pousse les vignerons à accroître leurs rendements pour distiller davantage. Or il n'est pas normal qu'une OCM encourage, en le rémunérant, un tel opportunisme.

Le tableau ci-après indique le poids anormal que représente, depuis de longues années, la distillation dans la production communautaire de vin.

Distillation moyenne annuelle par Etat membre (1 000 hectolitres)

 

Production de vin

Volume distillé

% de la production annuelle

 

1986/87- 1992/93

1993/94-1999/00

2000/01-2003/04

1986/87-1992/93

1993/94-1999/00

2000/01-2003/04

1986/87-1992/93

1993/94-1999/00

2000/01-2003/04

DE

11 253

9 819

9 276

238

79

411

2 %

1 %

4 %

EL

4 183

3 699

3 484

413

305

193

10 %

8 %

6 %

ES

33 301

28 211

36 619

10 027

4 014

8 753

25 %

13 %

24 %

FR

61 052

54 885

51 910

14 264

10 672

8 868

23 %

19 %

17 %

IT

64 723

56 949

48 768

14 809

5 462

5 758

22 %

9 %

11 %

LU

169

149

136

0

0

0

0 %

0 %

0 %

AT

 

2 329

2 478

 

69

26

 

3 %

1 %

PT

8 575

6 585

7 111

1 096

493

992

11 %

7 %

14 %

TOTAL *

183 273

161 978

159 798

40 847

21 074

25 000

22 %

13 %

16 %

* y compris BE et UK.

Source : Commission européenne, février 2006.

Même s'il estime nécessaire, comme on le verra plus loin, de le nuancer sur un point important, le rapporteur partage le jugement très sévère que porte la Commission sur les mesures de distillation.

Au préalable, il tient à rappeler ici que l'Europe paie aujourd'hui le prix d'une erreur commise au moment de la réforme de l'OCM de 1999 : elle n'a pas voulu instituer une distillation de crise digne de ce nom, qui exigeait de la rendre obligatoire et préventive, mais s'est prononcée en faveur d'une mesure facultative, qui incite à accumuler les stocks d'une année sur l'autre. C'est ainsi que les quantités effectivement distillées sont parfois inférieures à celles accordées sur la base de la demande de distillation de crise, car les producteurs espèrent trouver encore un débouché à des prix supérieurs. Dans certaines régions, le rapport d'information sur la situation de la viticulture française cite le cas du Bordelais, le vin est stocké massivement, avant d'être déversé, à prix bradés, sur le marché, ce qui n'a fait qu'aggraver la crise.

Avec un autre choix, l'Europe aurait sans doute pu s'épargner de subir une partie des effets de la crise actuelle : le rapporteur regrette que l'avis qu'il avait exprimé, avec d'autres, en sa qualité de rapporteur du Parlement européen du précédent projet de réforme, sur la nécessité d'instituer une distillation de crise obligatoire n'ait pas été écouté.

Pour revenir à la position de la Commission sur les modes de distillation actuels, Mme Mariann Ficher Boël a souligné avec force devant le rapporteur que « produire pour distiller » ne fait que créer ou aggraver les problèmes existants.

Ce point a été développé par le directeur général en charge de l'agriculture et du développement rural à la Commission, M. Jean-Luc Demarty : « il n'y a aucun sens à produire quelque chose qui n'est pas vendu au consommateur ». Evoquant la distillation de crise, ce dernier ajoutait que « la Commission n'entend plus dépenser de l'argent pour détruire des vins pour lesquels il n'y pas de marché », ce en quoi elle a raison.

Lors de sa mission en Espagne, le rapporteur a constaté que cette analyse et la proposition qui en résulte, soit la suppression de toutes les aides à la distillation, suscitent des difficultés.

C'est particulièrement le cas pour l'abolition des aides à la distillation de l'alcool de bouche, car, en Espagne, cette mesure répond à des besoins réels et s'appuie sur un véritable marché.

Les alcools issus de ce mode de distillation sont pris en charge par les élaborateurs de brandy, notamment le Jerez, et de Porto. Comme le prix de cette distillation est égal ou supérieur au prix de marché des vins de table, presque toutes les exploitations produisant du vin de table envoient le maximum possible à la distillation.

L'un des interlocuteurs du rapporteur, M. Manuel Sanchez Brunete, a indiqué qu'en Espagne, 45 % des viticulteurs ne produisent pas de vin mais ne font que vendre du raisin aux distilleries...En Castille-La Manche, dont le vignoble couvre 500 000 hectares, un quart de la production est destinée à la distillation de l'alcool de bouche. Sur l'ensemble du pays, l'alcool de bouche « pèse » 6 à 7 millions d'hectolitres, ce qui représente la moitié de la production européenne, et la moitié de cet alcool est exportée dans l'Union pour faire du brandy ou du Porto.

Selon le ministère de l'agriculture espagnol, la suppression des aides à la distillation de l'alcool de bouche multiplierait le coût d'approvisionnement des distilleries par 2,5. Le prix du produit final chez les fabricants d'alcool fort, quant à lui, devrait augmenter, d'après la Fédération espagnole des vins, de 45 %, ce qu'il faudra répercuter d'une façon ou d'une autre sur le marché.

En outre, le ministère de l'agriculture considère que le retrait de ces mesures entraînera la contraction du marché de l'alcool de bouche, ce qui va se répercuter sur le prix du raisin, alors même que celui-ci ne peut descendre en dessous de la limite que constituent les coûts de production.

Par ailleurs, les distilleries doivent acheter le raisin aux producteurs 2,48 euros/degré-hectolitre, ce qu'elles ne peuvent faire que grâce à l'aide communautaire, qui est de 1,75 euro/degré-hectolitre. On comprend que, dans ces conditions, si l'aide est supprimée, le producteur ne pourra plus être payé 2,4 euros.

Enfin, cette suppression aurait un effet négatif d'ensemble sur le marché du vin, car les produits qui, aujourd'hui, servent à fabriquer de l'alcool de bouche vont se retrouver sur le marché du vin. Ce dernier verra donc apparaître de grandes quantités de vin, d'une qualité moindre, ce qui va entraîner une chute importante des prix.

Cependant, le rapporteur a entendu d'autres propos, qui tendent à indiquer que la suppression de cette mesure pourrait être acceptée, sous certaines conditions.

D'abord, le ministère de l'agriculture ne serait pas opposé à un retrait des aides à la distillation, à condition qu'il soit progressif, étalé sur cinq ans par exemple, car cela laisserait au marché le temps nécessaire pour s'adapter.

Ensuite, selon la Fédération espagnole des vins, le défi que constitue l'augmentation du prix des alcools forts peut être relevé, chez les fabricants de Porto, par un repositionnement de ce produit, notamment en vendant davantage de marques « haut de gamme ». Pour le brandy, en revanche, un tel ajustement semble être hors de portée, mais cela tend à prouver que le problème posé par la suppression des aides à la distillation est limité à ce secteur particulier, ce qui circonscrit l'effort d'adaptation du marché.

Cependant, l'argument le plus convaincant entendu par le rapporteur en faveur de la suppression des aides à la distillation lui a été communiqué par un producteur, M. Manuel Sanchez Brunete, porte-parole de la Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos (COAG).

Selon ce dernier, en Castille-La Manche, la production moyenne, sans recours à l'irrigation, est de 4 500 kilos par hectare et le raisin destiné à faire du vin n'est vendu que 14 centimes ou 15 centimes d'euro, un prix extrêmement bas, que favorise l'absence historique de concertation entre producteurs et vendeurs.

Or, sur ce contexte économico-social défavorable aux agriculteurs, se greffe un système d'aide à la distillation qui avantage l'industrie et non les vignerons : de fait, il subventionne le maintien d'un rapport de forces, au sein de la filière, préjudiciable aux producteurs, puisque le bénéfice que tirent systématiquement, grâce aux aides communautaires, les distilleries en achetant une matière première peu coûteuse est directement responsable de la faiblesse du prix du raisin.

Même si l'exemple de l'Espagne ne peut être généralisé, il n'est pas acceptable, par principe, que l'Europe puisse continuer à aider, en conservant les modes actuels de distillation, des systèmes de production aussi inéquitables.

D'une manière plus générale, on ne peut plus tolérer que l'Europe finance à hauteur de 500 millions d'euros des dispositifs qui incitent les viticulteurs à se détourner de leur vocation première, qui est de produire et de vendre du vin.

b) Une mesure qualitative en revanche justifiée : la distillation des sous-produits

Le jugement négatif d'ensemble porté sur les mesures de distillation ne doit pas englober, aux yeux du rapporteur, celle qui concerne les sous-produits de la vinification. En effet, cette mesure obligatoire n'est pas conçue, dans sa forme actuelle, comme un mécanisme de marché, mais comme une mesure de qualité, qui doit être préservée en tant que tel.

En premier lieu, elle permet d'éviter le surpressurage des raisins et le pressurage des lies, afin de préserver la qualité des vins.

En deuxième lieu, elle contribue à protéger l'environnement, puisqu'elle empêche de libérer dans le milieu naturel des sous-produits très polluants compte tenu de leur nature organique et de leur forte teneur en alcool. Le ministère de l'agriculture français indique à cet égard que la pollution ainsi traitée est estimée à celle d'une ville de plus de six millions d'habitants pendant un an.

En troisième lieu, le caractère obligatoire de ce mode de distillation réduit les risques de fraude sur les productions excédentaires, car il apporte la garantie que celles-ci ne seront pas détournées de leur destination finale pour alimenter des débouchés engorgeant le marché du vin ou de l'alcool.

Enfin, il y a une logique industrielle à préserver cet outil : le rapporteur a appris qu'en Espagne, par exemple, les distillateurs utilisent les sous-produits à des fins de chauffage dans l'industrie.

Le rapporteur souscrit donc entièrement à l'analyse développée par la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal dans le Mémorandum sur la réforme de l'OCM vitivinicole qu'ils ont transmis, en avril 2006, à la Commission, selon laquelle « parce qu'elle permet d'éliminer des volumes, correspondant à 3,5 % de la production communautaire, très majoritairement de mauvaise qualité, la livraison des sous-produits de la vinification en distillerie doit demeurer la règle ».

II. POUR QUE LE PROJET DE REFORME EN PREPARATION SOIT JUSTE ET EFFICACE, LA COMMISSION DEVRA FAIRE EVOLUER SA POSITION

Sur les quatre options de réforme présentées en juin 2006 par la Commission, trois d'entre elles sont d'entrée de jeu jugées inappropriées, au motif qu'elles n'apportent pas de réelles réponses aux problèmes du secteur vitivinicole :

- le statu quo assorti, le cas échéant, de quelques adaptations mineures ;

- une réforme selon les principes de la PAC réformée en 2003 ;

- une déréglementation du marché vitivinicole.

La quatrième option, privilégiée par la Commission, ainsi que, du moins en ce qui concerne les très grandes lignes du projet, par les Etats membres, consiste en une « réforme en profondeur » de l'OCM vitivinicole. A ce titre, la Commission estime nécessaire de maintenir une OCM spécifique, en adaptant son cadre réglementaire et la structure de production, afin de rendre le secteur plus compétitif. Les mesures phares proposées dans le cadre de cette option de réforme sont les suivantes :

- l'arrachage de 400 000 hectares sur une période de cinq ans, le budget réservé à cette mesure étant de 2,4 milliards d'euros ;

- l'abandon immédiat ou à terme (horizon 2010 ou 2013) du système des droits de plantation ;

- la suppression des instruments de marché tels que les aides au stockage privé et les mesures de distillation. En contrepartie, une enveloppe financière nationale serait mise à disposition de chaque Etat membre producteur, afin de financer les mesures de gestion les mieux adaptées ;

- un transfert de crédits en faveur du développement rural pour des mesures spécifiques adaptées au secteur (préretraite et programmes environnementaux) ;

- une simplification du classement des vins et des règles d'étiquetage, ainsi qu'un assouplissement des pratiques œnologiques et un régime d'approbation de ces pratiques relevant de la compétence de la Commission et non plus du Conseil.

En termes de calendrier, les propositions législatives de la Commission devraient, en principe, être présentées et faire l'objet d'un premier échange de vues avec les Etats membres les 11 et 12 juin 2007.

Dans cette deuxième partie de son travail, le rapporteur présentera sa position sur chacun des grands thèmes abordés par l'option de « réforme en profondeur ».

Cependant, à titre liminaire, trois commentaires rapides peuvent être faits sur le projet envisagé par la Commission :

- il y a une contradiction fondamentale entre, d'une part, l'arrachage massif, et d'autre part, l'abolition du système de restrictions en matière de droits de plantation. D'un côté, l'Europe briderait, avec l'arrachage, les ressources des producteurs, tout en voulant conquérir de nouveaux marchés ; de l'autre, elle les libérerait, en supprimant la mesure qui joue, depuis trente ans, un rôle fondamental dans la répartition du vignoble sur le territoire communautaire. Cette contradiction doit être surmontée par la Commission, car, si elle est maintenue, elle pèsera inéluctablement sur le redressement de la compétitivité du secteur ;

l'option choisie par la Commission comprend quatre aspects qui l'apparentent à un projet de déréglementation totale du secteur : la libéralisation des droits de plantation, l'autorisation de vinifier les moûts importés, l'approbation de pratiques oenologiques allant au-delà de celles reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) pour les vins destinés à l'exportation et l'assouplissement des règles applicables aux vins de table. Leur combinaison doit être rejetée, car la mise en œuvre de l'ensemble de ces mesures signerait l'acte de décès du modèle viticole européen ;

- pour le reste, les propositions envisagées par la Commission sont recevables, mais elles doivent, pour certaines d'entre elles, être corrigées ou précisées pour être améliorées.

A. Ne pas tout déréglementer, mais se fixer pour ambition de réguler le secteur en fonction du marché et non plus de la production

L'OCM actuelle, qui garantit des débouchés « à tout va », a vécu. Celle du futur doit permettre aux viticulteurs de produire en fonction du marché, en offrant à ceux qui ne sont pas compétitifs la possibilité de partir dans des conditions équitables.

Cela suppose de mettre en place un « arrachage raisonné », qui permette d'éliminer l'excèdent structurel dont souffre le marché communautaire depuis de nombreuses années.

1) Prévoir un arrachage communautaire sélectif, volontaire et conditionné, couplé à un arrachage temporaire

a) L'arrachage proposé par la Commission : une mesure coûteuse qui relève de la démesure administrative

Le raisonnement qui conduit la Commission à proposer un dispositif d'arrachage est exact. L'ampleur de celui-ci, en revanche, ne peut être approuvée.

Rappelons ici que le marché actuel se caractérise par un déséquilibre entre l'offre et la demande, y compris pour les vins de qualité : ces derniers, si rien n'est fait, verront leurs prix baisser, en raison de l'accumulation des stocks pour les autres vins.

Dès lors, avant de faire jouer davantage le marché, l'Europe doit, au préalable, assainir l'excèdent structurel, de l'ordre de 15 millions d'hectolitres de vin, qui, autrement, continuera de peser sur ce même marché. Sans arrachage, les zones les plus compétitives triompheront sur le marché, tandis que les autres, celles produisant des vins à appellation « intermédiaire », connaîtront de véritables drames. Selon les propos tenus devant le rapporteur par le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne, « du point de vue de la France, refuser l'arrachage, c'est se tirer une balle dans le pied ».

Quant au contenu du programme d'arrachage, il y a lieu de noter, d'abord, qu'il est lié à la proposition visant à supprimer les mesures de distillation, et ce à un double titre. En premier lieu, l'abrogation de ces dispositifs va permettre de financer les primes d'arrachage. En second lieu, comme le coup d'arrêt qui sera porté aux abus en matière de distillation va conduire certains vignerons « à la banqueroute », il convient de leur donner la possibilité de quitter le secteur « la tête haute », pour reprendre les termes employés devant le rapporteur par Mme Mariann Fischer Boël.

C'est pourquoi la Commission prévoit d'établir une aide dégressive, sur cinq ans, pour inciter les producteurs à y recourir dès la première année. Par ailleurs, la superficie arrachée pourrait prétendre au statut de zone éligible au régime de paiement unique (soit l'aide découplée introduite par la réforme de la PAC de 2003), ce qui donnerait lieu au paiement du montant moyen régional de l'aide directe découplée. Enfin, la communication précise que l'enveloppe des Etats membres pourrait être complétée par un certain montant pour chaque hectare arraché.

L'objectif de la Commission est d'arracher sur ces cinq ans 400 000 hectares de vignes, avec l'incitation que représente un montant total de l'aide de l'ordre de 2,4 milliards d'euros.

La Commission se défend de faire de cet arrachage massif la mesure centrale de la future OCM. Les interlocuteurs du rapporteur ont pourtant été nombreux à penser que c'est le cas, ne serait-ce qu'en raison du caractère extrêmement coûteux du dispositif envisagé, qui représente presque deux fois le budget annuel de l'actuelle OCM.

D'ailleurs, le rapporteur estime que l'argument budgétaire, auquel l'Allemagne est très sensible, va sans doute obliger la Commission à revoir à la baisse ses ambitions en matière d'arrachage.

En outre, l'arrachage de 400 000 hectares de vigne ne répond à aucune logique en termes de compétitivité. En effet, il ne serait pas opportun de décimer le potentiel européen de production alors que :

- selon certaines estimations, en l'espèce celles de l'OIV, la consommation mondiale de vin est en croissance et devrait augmenter de 9 à 10 millions d'hectolitres d'ici 2010 ;

- le vignoble mondial est en augmentation. Par exemple, en Australie, au milieu des années 1990, les opérateurs souhaitaient atteindre une superficie de 100 000 hectares d'ici l'année 2025, comparée à 73 000 hectares en 1995 ; or cet objectif de surface était dépassé dès 2002. De son côté, l'Asie, avec une Chine qui plante chaque année 9 000 hectares de vignes, occupe une place de plus en plus importante, en détenant 450 000 hectares sur les 7,5 millions d'hectares dans le monde ;

- la vigne se plantant pour trente ans et n'étant souvent exploitable que trois ans après la plantation des ceps, cet arrachage massif conduira à limiter pour longtemps l'offre européenne.

Ces observations conduisent à penser que si l'Europe acceptait un tel programme, elle provoquerait un dommage irréversible à sa viticulture, que ses consommateurs « répareraient » en achetant de grandes quantités de vins produits par le nouveau monde.

Ce n'est pas là la plus cohérente et la plus offensive des stratégies disponibles pour raffermir la compétitivité de la viticulture européenne : en réalité, un tel arrachage reviendrait à aider nos concurrents à renforcer leur assise dans l'Union européenne, en transformant le potentiel de production de cette dernière en variable d'ajustement des excédents du marché mondial. Or pourquoi l'Europe devrait-elle être la seule à fournir cet effort alors qu'au plan mondial l'écart production-consommation devrait, selon l'OIV, être compris entre 40 et 45 millions d'hectolitres, pour la seule année 2006(8) ?

Sur le plan social et environnemental, enfin, un arrachage aussi massif pourrait avoir, compte tenu de la contribution de la viticulture à l'emploi local et à l'entretien du paysage, des conséquences dramatiques.

Selon les propos entendus par le rapporteur au Conseil de l'agriculture de la Communauté autonome de Castille-La Manche, cette mesure conduirait à la désertification d'une région sèche déjà très faiblement peuplée, où il ne pleut pas plus de 300 ml par an et où la densité de population n'est que de 23 habitants au km2. Dans les zones de production de raisin, la densité moyenne de population est multipliée par deux, ce qui fait de cette activité le principal facteur de fixation des populations et des villages dans la région ; de fait, l'économie de la Castille s'organise principalement autour des coopératives qui donnent du travail aux familles d'agriculteurs.

Cet exemple, sans doute extrême, montre qu'un abandon trop brutal des vignobles signalerait le retour de la friche et de l'exode rural dans des régions fragiles d'Europe.

Il convient donc de repousser le projet d'arrachage de la Commission, car il s'apparente à une mesure administrative punitive, appliquée de manière indiscriminée.

b) Faire de l'arrachage un levier économique, social et environnemental

Un arrachage « raisonné » ne doit pas sacrifier le potentiel de production européen. Sa mise en œuvre doit offrir aux vignerons une perspective de développement de long terme, en encourageant tout particulièrement les plus jeunes d'entre eux à vendre des produits de qualité sur un marché assaini.

Un arrachage maîtrisé et qualitatif doit obéir à trois conditions.

Au préalable, sa mise en œuvre ne doit intervenir qu'après que le problème des plantations illicites ait été définitivement réglé, soit par l'arrachage aux frais du producteur, soit par une utilisation loyale de la procédure de régularisation.

Ensuite, l'arrachage doit être communautaire, c'est-à-dire qu'aucun Etat membre producteur ne doit être en mesure de l'interdire sur son territoire. Dans ce but, il faut veiller à ce que l'arrachage ne fasse pas partie des enveloppes nationales mises à disposition des Etats membres, car ceux-ci seraient tentés d'« empocher » les crédits ainsi ouverts pour financer d'autres mesures, qui n'inciteraient pas les producteurs les moins compétitifs à quitter le secteur. Or il serait injuste que l'effort d'ajustement soit consenti par un seul Etat membre, tandis que les autres choisiraient de ne rien faire : tous les pays connaissant des excédents doivent contribuer à l'effort d'assainissement, afin de préserver la loyauté des conditions de concurrence.

Enfin, l'arrachage doit être volontaire et ouvert dans toutes les régions, y compris celles qui produisent du vin de table, qui sont à l'origine de l'essentiel des excédents.

Ces conditions étant posées, l'arrachage devrait respecter trois principes :

- il appartiendrait aux Etats membres d'établir des seuils d'arrachage, qui obéiraient à des critères sociaux, environnementaux et économiques objectifs, définis au niveau communautaire. Pour les zones produisant des v.q.p.r.d., l'arrachage devrait être encore plus strictement encadré pour ne pas porter atteinte à l'équilibre et à l'harmonie des terroirs et des paysages ;

- le niveau de la prime d'arrachage devrait être suffisamment incitatif pour que toutes les régions, surtout celles produisant des vins de table, participent à l'assainissement du marché. De plus, pour atténuer les effets humains et sociaux de l'arrachage, la prime pourrait être complétée, comme on le verra plus loin, par des mesures de type préretraite, financées en partie par les enveloppes nationales ;

- le régime d'arrachage définitif devrait être adossé à un dispositif d'arrachage temporaire - lequel est demandé par la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal dans leur Mémorandum commun d'avril 2006. Cette mesure permettrait d'accorder un soutien financier à un viticulteur qui arrache des vignes, tout en gelant le droit de plantation pendant plusieurs années, après quoi ce dernier pourrait replanter, céder le droit à un tiers ou le transformer en arrachage définitif. La souplesse ainsi accordée aux producteurs leur permettrait de redémarrer leur activité si l'évolution du marché le permet ou d'accepter plus facilement, dans un deuxième temps, la décision d'abandonner définitivement leurs vignes.

2) Retirer de manière ordonnée les aides à la distillation en prévoyant une exception pour celle concernant les sous-produits de la vinification

Plutôt que de prévoir un retrait brutal, dès le premier jour de la réforme, des aides à la distillation et au stockage, le rapporteur préconise leur retrait ordonné :

les aides à la distillation de crise et à la distillation des variétés de raisins à double fin seraient supprimées. En revanche, dans le cadre des enveloppes nationales qu'il est prévu d'attribuer aux Etats membres, il pourrait être institué un mécanisme de gestion de crise fonctionnant comme un filet de sécurité, rendu obligatoire le cas échéant, avec un financement communautaire très réduit. Ce point sera développé plus loin, dans les analyses consacrées au contenu des enveloppes nationales ;

- l'aide à la distillation de l'alcool de bouche serait supprimée au bout d'un délai court, mais suffisant pour que le marché puisse s'adapter (trois ans par exemple) ;

- la distillation des sous-produits serait en revanche maintenue, en gardant son caractère obligatoire, car il s'agit d'une mesure qualitative et non de gestion du marché. Il serait toutefois souhaitable de réduire le niveau de l'aide communautaire pour que celui-ci corresponde aux frais réels de l'opération de distillation, tout en instituant une co-responsabilité des producteurs dans le financement des déchets polluants.

3) Maintenir un encadrement des droits de plantation tout en flexibilisant leurs transferts et en permettant un octroi conditionné de nouveaux droits

La Commission apparaît très déterminée à supprimer, au plus tard en 2013, l'interdiction de procéder à de nouvelles plantations de vignes.

Les opposants à une telle libéralisation font valoir que la valeur ajoutée de la règle actuelle réside dans son ancienneté et dans la garantie qu'elle apporte, sur le long terme, que l'Europe ne viendra pas perturber inopinément, avec un potentiel « débridé », un marché mondial connaissant une crise de surproduction.

D'autres, et cet argument a été entendu par le rapporteur notamment chez les syndicats agricoles d'Espagne, jugent qu'une telle libéralisation serait synonyme de délocalisation et de concentration de la production au détriment de l'environnement et des paysages et des zones de production à faible pluviométrie.

Ces arguments sont pertinents, mais, dans le même temps, on ne peut empêcher indéfiniment les bassins de production les mieux organisés de répondre à une demande commerciale en hausse alors même qu'ils ne sont pas en crise et sont en mesure de livrer un produit de qualité.

Comme on le voit, il s'agit de réussir un pari très délicat, qui impose de prendre une décision sage, donc mesurée : un échec, se traduisant, d'un côté, en cas de libéralisation totale, par une déstructuration des régions fragiles, et de l'autre, en cas de maintien du régime d'interdiction en vigueur, par une incapacité à suivre la demande mondiale et européenne, serait désastreux pour la viticulture de l'Union.

Par conséquent, le choix à effectuer engagera durablement l'Union européenne sur la route du succès...ou sur celle de la crise à répétition. C'est pourquoi le rapporteur propose d'adopter, à partir de 2010, une démarche à la fois prudente et offensive, fondée sur la subsidiarité : l'OCM doit maintenir l'encadrement des droits de plantation, tout en prévoyant deux souplesses.

Dans le premier cas de figure, il s'agit de s'appuyer sur le système des replantations, qui existe depuis 1976. Celui-ci permet à un viticulteur d'obtenir un droit de replantation, concédé moyennant l'arrachage d'une superficie équivalente dans la même exploitation ou par transfert en provenance d'une autre exploitation.

Dans la future OCM, les transferts de droits de plantation devraient être permis entre les régions d'un même Etat membre (ou les bassins de production en France). Il ne serait plus possible qu'un Etat membre puisse interdire de tels transferts, comme c'est le cas actuellement en Allemagne, entre les Landers. La nouvelle OCM devrait s'inspirer au contraire de l'exemple espagnol, qui marie flexibilité et devoir de précaution : dans ce pays, où les transferts de droits entre régions sont autorisés, la Communauté autonome de Castille-La Manche a la possibilité d'acquérir, pour des raisons d'intérêt général, les droits de plantation qu'il est prévu de transférer à une autre région. Aussi le nouveau système devrait-il autoriser la libre circulation des droits de plantation entre les régions, sauf veto opposé par la région (ou le bassin de production), sous le contrôle de l'Etat membre.

Dans le second cas de figure, il devrait être possible, au niveau des Etats membres, d'autoriser l'octroi de nouveaux droits de plantation, lorsque la demande commerciale ne peut être satisfaite par un simple transfert de droits, à la condition, impérative, qu'il existe des débouchés réels et vérifiables. Concrètement, la décision devrait être prise par la région, après contrôle et approbation par les autorités nationales, sur le fondement d'éléments objectifs tiré de « tableaux de bord » indiquant l'évolution de la production, de la commercialisation, des stocks et de la consommation de tel ou tel vin. Pour éviter les effets d'aubaine, c'est-à-dire des comportements induisant des excédents, les zones de plantations nouvelles ne devraient pas être éligibles aux financements destinés à la restructuration ou à la gestion des crises.

Si ces deux souplesses sont accordées à l'Europe, en y ajoutant une condition, à savoir que celles-ci doivent être utilisées pour favoriser en priorité les jeunes agriculteurs et la production de vins de qualité, une proposition avancée par le rapport de Mme Katerina Batzeli, adopté par la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen le 24 janvier 2007, elle disposera des instruments nécessaires pour faire évoluer de manière contrôlée son potentiel de production et satisfaire ainsi l'évolution de la demande.

Pour compléter ce dispositif, les régions ou les bassins de production de vins à appellation devraient être compétents pour gérer les rendements, en tenant compte des impératifs de qualité et de la situation économique du vin et de l'exploitation, et pouvoir prendre ainsi les décisions pertinentes concernant le rendement maximum par hectare, la vendange en vert et la réglementation de la taille de la vigne.

4) Maintenir l'interdiction de vinifier les moûts concentrés importés des pays tiers et de mélanger les vins communautaires et non communautaires

Actuellement, la réglementation communautaire interdit de vinifier les moûts importés (le moût étant du jus de raisin non fermenté) et de mélanger des vins communautaires avec des vins non communautaires.

La Commission indique dans sa communication de juin 2006 qu'elle analysera la compatibilité de cette interdiction avec les règles de l'OMC, ce qui a été immédiatement interprété comme un signal indiquant que sa suppression est envisagée.

Cette hypothèse a suscité un véritable tollé au Conseil des ministres, rares étant les Etats membres, comme la Pologne et la Suède, par exemple, qui y sont favorables.

En effet, une telle initiative aurait pour conséquence de susciter des développements anarchiques sur le marché, en incitant, par exemple, certains producteurs à enrichir les vins, en utilisant des moûts importés, pour augmenter le titre alcoométrique des vins et le volume de la production.

Ainsi, d'un côté, la crise de surproduction actuelle ne ferait que s'aggraver, tandis que, de l'autre, les mélanges de vins communautaires et non communautaires feraient perdre aux premiers leur identité. En effet, la fin de l'interdiction en vigueur permettrait la production de vins avec indication géographique à partir de raisins produits hors de l'Europe. Comme l'a affirmé, avec raison, un responsable du syndicat espagnol Associación Agraria Jóvenes Agricultores, cette mesure reviendrait à faire « entrer l'ennemi (soit le nouveau monde) chez soi ».

Autant il paraît difficile d'interdire, au regard des règles de l'OMC, l'importation des moûts provenant de pays tiers, autant celles-ci n'exigent pas a priori d'aller plus loin. Aussi est-il d'ores et déjà acquis que la Commission ne pourra pas faire passer en force au Conseil une proposition autorisant la vinification des moûts importés et les mélanges de vins communautaires et non communautaires. La Commission a donc créé de toutes pièces un problème qui n'existait pas.

Les interlocuteurs du rapporteur ont été d'ailleurs nombreux à penser que le signal ainsi envoyé par la Commission n'est qu'une provocation, destinée à détourner l'attention des Etats membres de sujets plus sérieux, ou un simple affichage qui prépare une concession acquise par avance pour se donner le beau rôle du négociateur « à l'écoute ».

5) Préciser les compétences des organismes de filière sans les attribuer aux groupements de producteurs

Ce point peut sembler technique, mais il est l'une des conditions essentielles d'une régulation efficace du marché.

L'OCM actuelle distingue nettement les compétences des organismes de filière de celles des groupements de producteurs, celles des premiers étant - logiquement - plus étendues que celles des seconds. En particulier, les premiers peuvent définir des règles de commercialisation portant sur la régulation de l'offre lors de la première mise sur le marché du produit. Par ailleurs, les organismes de filière peuvent mener des actions concernant la coordination de la mise sur le marché des produits, la mise en valeur et la protection de l'agriculture biologique, la mise en valeur du potentiel de production et la mise au point de méthodes permettant d'améliorer la qualité des produits.

D'après les propos tenus au rapporteur par Mme Mariann Fischer Boël et M. Jean-Luc Demarty, la Commission n'entend pas bouleverser les règles du jeu établies entre les deux types de structures. Ces deux interlocuteurs lui ont affirmé très clairement que la Commission ne compte pas, en modifiant les compétences des groupements de producteurs, « changer les systèmes qui fonctionnent ».

Le rapporteur souhaite que la Commission n'oublie pas les assurances qu'elle a données sur ce sujet lorsqu'elle publiera sa proposition de règlement. Rien ne serait pire que de confier aux groupements de producteurs des pouvoirs qui conduiraient à créer les conditions permettant de déstabiliser le marché, voire de le désorganiser complètement, car, dans cette hypothèse, chacun d'entre eux pourrait décider, sans concertation et sans vision d'ensemble, d'agir sur tel ou tel aspect de l'offre de vin.

Or le projet de rapport d'initiative de Mme Katerina Bazeli, le rapporteur du Parlement européen sur la communication de la Commission, semblait vouloir abandonner le distinguo actuel entre les compétences des organismes de filière et celles des groupements de producteurs. En effet, la version originale de son travail prévoyait explicitement que les organismes de filière et les groupements de producteurs pouvaient prendre des initiatives pour assurer « la gestion transparente de la production et du marché, l'exploitation plus complète du potentiel de production, l'information des consommateurs, etc. », ce qui brouillait des frontières aujourd'hui nettement établies.

Le rapporteur tient donc à insister sur le fait que la Commission ne doit pas céder à une telle inspiration. En revanche, il serait souhaitable que la réforme de l'OCM précise ou actualise certaines compétences des organismes de filière. Au vu de l'expérience acquise par ces organismes, leurs compétences doivent être étendues pour englober la promotion sur les marchés intérieurs et extérieurs, l'amélioration de la qualité des produits à tous les stades de la production, de la vinification et de la commercialisation et l'information sur les risques liés à l'abus de consommation d'alcool. En outre, leur pouvoir actuel de régulation de l'offre doit s'étendre, par souci de cohérence, non seulement aux v.q.p.r.d. et aux vins de table, mais aussi aux raisins, aux moûts et aux vins dont ces produits sont issus. Enfin, l'application des mesures de régulation prises par les organismes de filière doit pouvoir être rendue obligatoire, afin de donner à la gestion « décentralisée » du marché toute sa portée.

B. Mettre en place des outils nouveaux ou rénovés au sein des enveloppes nationales pour ne pas reproduire les travers de l'actuelle OCM

La mise en place des enveloppes nationales vise à responsabiliser les Etats membres. Elle met en œuvre l'engagement de la Commission de ne plus soutenir des mesures inutiles et coûteuses, comme la distillation de crise, afin de financer des « mesures positives », gérées sur la base de la subsidiarité.

La communication de juin 2006 indique que cette enveloppe budgétaire serait mise à la disposition des Etats membres selon des critères objectifs. Quant au « menu » des mesures pouvant être financées, la communication précise que les Etats membres « pourraient notamment... mettre en oeuvre certaines mesures de gestion des crises, telles que les assurances contre les catastrophes naturelles, pour fournir une couverture de base contre les crises de revenus, pour faire face aux coûts administratifs liés à l'instauration d'un fonds de mutualisation propre au secteur et pour appliquer des mesures comme les «vendanges en vert». Son utilisation serait subordonnée au respect de certaines règles communes (y compris d'exigences fondamentales en matière d'environnement) afin d'éviter toute distorsion de la concurrence, ainsi qu'à l'approbation par la Commission du programme national concerné ».

La communication ajoute que le régime actuel de restructuration/reconversion des vignobles serait maintenu dans le cadre de l'enveloppe nationale.

Lors de son entretien avec le rapporteur, le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission a insisté sur le fait que les Etats membres doivent instituer, dans le cadre de ces enveloppes, des outils innovants. Il a ajouté que seraient considérées comme des « mesures positives » par la Commission :

- des programmes de restructuration ;

- une mesure de gestion de crise préventive, sans réintroduire pour autant les modes de distillation existants ;

- les outils actuels pourraient même, le cas échéant, être tolérés, mais ceux-ci ne pourraient alors représenter qu'une partie « très limitée » des enveloppes nationales.

Ces remarques montrent que la Commission veillera à ce que les enveloppes nationales ne permettent pas de reconduire à l'identique, chez les Etats membres, tous les instruments de l'OCM « ancien régime ».

Le rapporteur partage ce point de vue. Les négociations sur le projet de réforme ne doivent pas aboutir à une OCM vitivinicole inchangée, car la continuation de certaines politiques, comme la distillation de l'alcool de bouche en Espagne ou la distillation de crise en France, créerait les conditions d'un échec économique pour le secteur.

Aussi le fonctionnement des enveloppes nationales doit-il obéir à deux grands principes :

- le premier est celui d'une répartition équitable, car fondée sur des critères objectifs, des enveloppes nationales entre les Etats membres, qui se ferait au prorata de la surface légale de vignobles et de la production ;

- le second est celui d'un bon dosage entre des mesures structurelles et des mesures de gestion. Celles-ci doivent être définies au niveau communautaire, à charge pour chaque Etat membre de composer ensuite son « menu », en fonction de ses besoins.

Sur ce dernier point, les mesures structurelles devraient inclure notamment le financement de :

- la préretraite des vignerons, afin de les inciter à abandonner leur activité. La préretraite pourrait être d'ailleurs couplée aux mesures agro-environnementales actuelles, qui ont précisément pour objectif de financer le maintien d'une activité en milieu rural(9) ;

- la restructuration des exploitations, y compris celles dont l'activité était liée à la production d'alcool de bouche, par le versement, le cas échéant, d'une aide à l'hectare, ainsi que celle des structures de commercialisation ;

- la politique de qualité mise en œuvre par les organismes de filière.

Quant aux mesures de gestion, elles devraient être conçues de manière à ne pas fausser le marché du vin, en créant des débouchés structurels. Elles pourraient comprendre un mécanisme de gestion de crise, géré par les régions ou les bassins de production et fonctionnant comme un filet de sécurité, activé uniquement en cas de circonstances exceptionnelles. Une distillation obligatoire pourrait être décidée, avec un financement communautaire très bas, par exemple de l'ordre de un euro/degré-hectolitre pour les vins de table, complété par celui apporté par les professionnels(10). Un tel mécanisme serait de nature à responsabiliser les acteurs de la filière et permettrait, ainsi, d'éviter « la course à la distillation ».

Par ailleurs, les mesures de gestion devaient favoriser le recours à la vendange en vert, car celle-ci permet de détruire préventivement une partie de la récolte au cas où celle-ci s'annonce excessive.

Enfin, un dispositif de sécurisation des revenus pourrait être institué au titre des mesures de gestion. Il prendrait la forme d'un soutien à la création de caisses de péréquation, gérées par les organismes de filière, pour atténuer les fluctuations des revenus des vignerons. Ces caisses seraient d'abord abondées par des fonds publics, communautaires et nationaux, puis financées par les cotisations des producteurs perçues lorsque les prix sont élevés, afin qu'elles puissent verser des paiements compensatoires en période de crise.

C. Refuser le « détricotage » de l'OCM via le transfert de crédits vers le développement rural

La Commission propose d'intégrer dans les plans de développement rural adoptés par les Etats membres des mesures utiles à la modernisation de secteur viticole, comme la retraite anticipée et les mesures agroenvironnementales.

Il semble a priori opportun de s'appuyer sur des mesures qui existent déjà et peuvent mobiliser des financements conséquents. Actuellement, un montant maximum de 900 euros par hectare peut être attribué pendant une période de cinq à sept ans au titre des aides agroenvironnementales. D'autre part, les exploitants décidant d'arrêter une activité agricole commerciale peuvent bénéficier de plus de 18 000 euros par an et de 180 000 euros sur une période pouvant aller jusqu'à 15 ans.

Cependant, la proposition de la Commission suscite de fortes réserves, comme a pu le constater le rapporteur en Allemagne et en Espagne, car elle franchit une ligne rouge, à laquelle il est également très attaché : celle qui impose de préserver la spécificité et l'intégrité de l'OCM. En effet, pour être efficace, cette organisation de marché doit garder sa cohérence et, par conséquent, ses instruments ne doivent pas être dispersés entre différentes politiques et rubriques de l'action et du budget communautaires.

En outre, autant l'OCM peut s'inspirer, pour les autoriser dans le cadre des enveloppes nationales, de programmes relevant du développement rural, autant il n'est pas opportun de « noyer » des mesures structurelles consacrées au secteur du vin dans une politique, le développement rural, qui poursuit de multiples objectifs et repose sur un processus de montage et d'adoption des dossiers long et tortueux. Permettre une telle confusion reviendrait à rendre un très mauvais service aux vignerons, qui doivent être traités, y compris lorsqu'ils prennent leur retraite ou leur préretraite, comme les acteurs d'un plan de relance économique du secteur vitivinicole et non comme de simples « jardiniers ».

D. Valoriser les vins européens en simplifiant leur classification et leur présentation, mais sans sacrifier le lien au terroir

1) Reconnaître deux catégories de vins

Dans un esprit de simplification, la Commission propose :

- de mettre en adéquation la politique de qualité de l'Union européenne pour le vin avec les règles de l'OMC ;

- d'aligner cette politique sur la politique de qualité dite « horizontale », qui reconnaît les indications géographiques protégées (IGP) et les appellations d'origine protégée (AOP) ;

- de créer deux catégories de vins, ceux avec indication géographique, regroupant les vins avec IGP et les vins avec AOP, et ceux sans indication géographique.

La dichotomie actuelle entre vins de table avec et sans indication géographique est en effet incompréhensible pour le consommateur et peut, de surcroît, pénaliser certains vins de table d'excellente qualité.

La proposition de segmentation des vins communautaires en fonction de l'existence d'un lien du produit avec une indication géographique a été plutôt favorablement accueillie par les Etats membres, car peu d'entre eux considèrent le cadre réglementaire actuel comme étant lisible.

Le rapport sur la crise de la viticulture française est sur la même longueur d'onde, puisqu'il préconise de ne reconnaître, dans notre pays, que trois catégories de vin : les appellations d'origine contrôlée, les vins de pays et les vins de table.

Les intentions de la Commission soulèvent toutefois deux problèmes délicats, l'un juridique, l'autre pratique.

En premier lieu, la transposition au secteur vitivinicole de la réglementation relative aux AOP et aux IGP doit se faire avec prudence, car, à l'heure actuelle, le règlement dit horizontal (CE) n° 510/2006 du Conseil permet que la matière première utilisée pour élaborer un produit avec une IGP ne soit pas produite dans la région d'origine dudit produit ; à l'inverse, il impose un tel lien entre les produits bénéficiant d'une AOP et leur matière première.

Dans le premier cas, en effet, il suffit que, pour bénéficier d'une IGP, le produit agricole soit originaire d'un lieu déterminé, que sa qualité et sa réputation puissent être attribuées à cette origine géographique et que la production et/où l'élaboration ai(en)t lieu dans l'aire géographique déterminée. Dans le second cas, l'AOP est réservée à un produit originaire de la région ainsi désignée, dont la qualité et le caractère sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique et dont la production et l'élaboration ont lieu dans l'aire géographique déterminée.

La modification proposée par la Commission, qui permettrait à un vin avec indication géographique d'être élaboré à partir d'un raisin ne provenant pas du « terroir », entraînerait donc une rupture des liens entre le produit, l'origine et la qualité. Or une telle évolution finirait par remettre en cause l'identité même des vins européens réputés et, par voie de conséquence, le renforcement de la politique de qualité de l'OCM.

La Commission devra donc veiller à ne pas dissoudre le lien essentiel entre le produit et le terroir lorsqu'elle élaborera les dispositions de sa proposition transposant au secteur vitivinicole le « règlement AOP-IGP ».

En second lieu, la gestion communautaire de l'enregistrement et de la protection de l'ensemble des quelque 10 000 indications géographiques de vin reconnues en Europe soulèvera des difficultés pratiques importantes. Le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne a fait savoir au rapporteur que ses services n'ont guère envie d'assumer une telle compétence. Cet interlocuteur estime qu'il est nécessaire de réfléchir à une communautarisation progressive de ce registre, qui pourrait s'effectuer, le cas échéant, par le recours à une agence européenne, créée cet effet. La Commission devra donc proposer une méthode de gestion des « IG » qui soit la plus pragmatique et la plus efficace possible.

2) Renforcer la protection des indications géographiques

La communication de la Commission souligne que l'Union européenne veut « confirmer, adapter, promouvoir et valoriser partout dans le monde » le concept de « vin de qualité », lequel « repose sur l'origine géographique ».

Le rapporteur partage cette ambition, qui implique, d'une part, d'adopter des initiatives diplomatiques et, d'autre part, de prévoir une harmonisation communautaire plus poussée de la protection des appellations.

¬ Sur le plan multilatéral, l'Europe doit tirer profit des négociations du Cycle de Doha, pour obtenir la création, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, d'un registre recensant et protégeant les indications géographiques européennes de vins et spiritueux.

Comme le demande une résolution adoptée, le 17 décembre 2005, par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur, ces discussions doivent aboutir à la création « d'un registre de notification et d'enregistrement des indications géographiques de vins et spiritueux juridiquement contraignant, grâce auquel une indication géographique ne pourrait plus être revendiquée comme un nom générique au sens de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de 1994 »(11).

Le mécanisme proposé par l'Europe apporterait aux indications géographiques ainsi enregistrées une présomption irréfragable d'éligibilité à la protection prévue par l'accord sur la propriété intellectuelle de l'OMC.

Parallèlement aux négociations portant sur la création d'un registre multilatéral, l'Europe doit continuer à défendre sa proposition, communiquée en août 2003 à l'OMC, consistant à récupérer l'usage exclusif de 22 appellations de vins et spiritueux, dont le Bordeaux, le Bourgogne, le Chablis, le Champagne le Chianti et le Porto.

¬ Sur le plan bilatéral, l'Union doit négocier et approuver des accords sur le commerce du vin qui mettent fin aux usurpations d'appellations européennes autorisées par ses partenaires.

Ces usurpations peuvent être pratiquées dans les pays tiers avec la bénédiction de leur droit de la propriété intellectuelle, comme c'est le cas aux Etats-Unis.

C'est là l'un des grands torts causés à la viticulture européenne, que le rapporteur a dénoncé dans le cadre d'un précédent document d'information portant sur l'accord sur le commerce du vin entre les Etats-Unis et l'Union européenne(12).

Or cet accord, adopté par le Conseil des ministres de l'Union européenne du 20 décembre 2005, constitue une triple défaite pour notre viticulture.

Premièrement, le respect de nos appellations a servi de monnaie d'échange pour obtenir des Etats-Unis de bien maigres concessions. Nous avons accepté, d'une part, de reconnaître, définitivement et sans aucune contrepartie, les pratiques œnologiques américaines admises auparavant à titre dérogatoire et, d'autre part, d'établir un lien entre la reconnaissance par l'Europe de 24 nouvelles pratiques œnologiques et l'engagement pris par les Etats-Unis, qui figure à l'article 6 de l'accord, de s'efforcer de changer le statut législatif des 17 appellations européennes usurpées par les producteurs américains et considérées, par le fameux amendement D'Amato, comme des semi-génériques, comme le Champagne, le Chablis ou le Bourgogne : les concessions sont donc totalement déséquilibrées, et ce au détriment de l'Europe.

Deuxièmement, l'accord comprend une clause d'antériorité, dite « clause du grand-père », aux termes de laquelle les usurpations actuelles ne sont pas concernées par ce compromis dès lors qu'un Certification of Label Approval (COLA) leur a été délivré avant la ratification de l'accord bilatéral. Conséquence pratique : la fameuse marque « Korbel-California Champagne », entre autres, est « sanctuarisée » par l'accord.

Troisièmement, l'Europe n'a pas eu d'autre choix, malgré sa politique officielle de défense des appellations, que d'approuver un tel accord, car, autrement, son partenaire l'aurait obligée à respecter les mesures de certification prévues par la loi sur le bioterrorisme, ce qui aurait conduit à bloquer les exportations de vins européens dans les ports des Etats-Unis.

Même s'il contient un engagement en vertu duquel la phase suivante de négociations avec les Etats-Unis aura pour objet, notamment, de renforcer la protection des indications géographiques, cet accord bilatéral marque un recul par rapport à ceux négociés avec le Chili, le Canada et l'Afrique du Sud, lesquels prévoient le retrait des indications géographiques communautaires usurpées.

L'Europe ne peut se satisfaire d'une telle capitulation. A cet égard, la résolution précitée, à la tonalité très critique, adoptée par l'Assemblée nationale sur cet accord, n'a pas été étrangère à l'adoption, le jour même du vote au Conseil sur ce traité, de deux déclarations, par la France et l'Espagne, d'une part, et la Commission européenne, d'autre part, appelant à un arrêt des usurpations.

Dans le premier texte, la France et l'Espagne demandent à la Commission « de poursuivre la seconde phase des négociations, en restant particulièrement attentive au respect des engagements américains, de façon à faire cesser l'usurpation d'indications géographiques communautaires ». Dans le second texte, adopté sous la pression de la France, la Commission précise que, dans la deuxième phase de la négociation de l'accord, elle s'attachera, pour les vins actuellement considérés comme semi-génériques aux Etats-Unis, à « conforter leur protection juridique en tant qu'indications géographiques et cherchera à obtenir la suppression progressive de leur usurpation ».

Depuis lors, le Congrès des Etats-Unis a adopté, en décembre 2006, la loi n° HR 6408, dont la Section 422 met en œuvre l'article 6 de l'accord, en modifiant l'amendement d'Amato. Cet article reprend la clause du grand-père pour tous les ayants droit détenteurs d'un COLA contenant un semi-générique au 10 mars 2006. Il reprend également les termes d'une circulaire de l'administration fédérale en date du 10 mars 2006 qui entérine simplement le statu quo (pas de nouveau COLA délivré) pour la commercialisation des vins semi-génériques sur le territoire des Etats-Unis au moment de la signature de l'accord.

Par ailleurs, la nouvelle loi ne contient aucune disposition reprenant l'engagement pris par les professionnels américains, annexé à l'accord, de ne plus exporter des vins semi-génériques, comme les « champagnes » californiens. Or, actuellement, le droit américain ne prévoit rien en matière de police des exportations, que ce soit du côté de l'administration ou de la filière. Résultat : c'est à l'Europe qu'il appartiendra de le faire(13).

Le « geste » du Congrès américain doit nous inciter à faire preuve de la plus grande fermeté durant la seconde phase des négociations : nous devrons faire comprendre à notre partenaire qu'il ne doit attendre aucune concession de notre part pour faciliter la conclusion des négociations commerciales multilatérales tant que nous n'aurons pas obtenu une entière satisfaction sur la cessation des usurpations d'indications géographiques communautaires.

Tout signe de faiblesse dans ce domaine serait fatal pour la viticulture européenne, d'autant que les Etats-Unis n'hésitent pas, eux, à défendre leurs exigences. Ainsi, lors des discussions préparatoires entamées à la fin de l'année dernière entre les services de la Commission et ceux de l'administration américaine sur le contenu de la seconde phase des négociations, ces derniers ont fait savoir qu'il y aura un prix à payer pour avancer, notamment en matière de baisse des tarifs douaniers sur les vins et de baisse des aides de l'OCM.

¬ Enfin, sur le plan communautaire, la protection des appellations de vin doit être renforcée. Les dispositions en vigueur ne permettent pas en effet d'assurer une protection uniforme des appellations, car certains Etats membres ne protègent pas ces dénominations pour toutes les classes de produit : d'après un interlocuteur du rapporteur, ce régime discontinu de protection aboutit à ce que, dans ces pays, une appellation protégée dans le secteur du vin peut être utilisée pour désigner un produit qui n'est pas du vin, ni même un produit agricole. C'est ce que permet le droit italien, même si, fort heureusement, il n'est pas fait usage de cette faculté.

3) Rendre l'étiquetage plus lisible sans nuire à la qualité

L'une des propositions-phare de la communication de la Commission est d'autoriser les vins de table sans indication géographique à mentionner sur leur étiquette, à l'instar des vins avec indication géographique, le cépage et le millésime, dans le but de permettre aux producteurs européens de commercialiser des vins de type « nouveau monde ».

La communication de la Commission prévoit également, sans entrer toutefois dans le détail, une amélioration du système des mentions traditionnelles, une adaptation de la politique des marques et une modification des règles linguistiques applicables au secteur vitivinicole, ainsi que des mesures dans les domaines de l'information et de la protection du consommateur.

Enfin, ce document envisage de transférer la compétence en matière d'étiquetage du Conseil à la Commission.

Le rapporteur déplore que, sous couvert de simplifier, ce qui constitue un objectif parfaitement valable en soi, la Commission envisage, en catimini, de faire tomber deux clefs de voûte de la politique de qualité dans le secteur vitivinicole.

En premier lieu, autoriser la mention des cépages et des millésimes pour les vins sans indication géographique reviendrait à banaliser les vins avec indication géographique. Or il n'est pas admissible que la nouvelle OCM se construise sans tenir compte d'une hiérarchie entre les vins que le consommateur maîtrise. Si les vins de table peuvent mentionner le cépage et le millésime, que restera-t-il en effet aux vins à appellation pour se distinguer des premiers ? Cela nuira à l'image des vins dits d'excellence, qui sont le fleuron de notre viticulture. Comme la personnalité de ces vins résulte du lien organique que les producteurs ont tissé entre un savoir-faire et une aire géographique donnée, il est légitime que cette relation si particulière soit le support exclusif de mentions aussi valorisantes que le cépage et le millésime.

En outre, la proposition de la Commission, si elle était acceptée, soulèverait d'importants problèmes de contrôle, en raison du grand nombre de cépages qui existent dans l'Union européenne - environ 8 000 selon le ministère de l'agriculture allemand.

C'est pourquoi seuls les vins à indication géographique doivent être autorisés à mentionner le cépage et le millésime. De façon complémentaire, l'indication de provenance doit être interdite aux vins de table, pour que le consommateur mondial ne vienne pas à confondre, un jour, un vin pouvant préciser qu'il est originaire, par exemple, de Dijon, avec un grand cru, qui s'identifie à une région particulière.

En second lieu, confier à la Commission la compétence en matière d'étiquetage impliquerait de retirer aux représentants des Etats siégeant au Conseil leur pouvoir de déterminer l'un des aspects essentiels de la politique de qualité. Cette proposition de la Commission doit être rejetée poliment, mais fermement.

En outre, un tel transfert de compétence aurait pour conséquence ultime de transformer la viticulture européenne en otage des enjeux de pouvoir pouvant exister, au sein de la Commission, entre la direction générale en charge de l'agriculture et celle en charge de la santé et de la protection des consommateurs. Dans cette hypothèse, il est parier qu'un jour, le lobbying mené par certaines associations conduira la Commission à édicter des règles d'étiquetage stigmatisant le vin comme un alcool fort, ce qui serait catastrophique pour l'économie du secteur.

E. Ouvrir de manière ciblée les vins européens aux seules pratiques œnologiques reconnues par l'OIV

1) Ne pas noyer nos procédés dans le « tout venant » œnologique

Pour résorber le déficit d'image et de goût dont souffrent parfois les vins européens, la Commission propose d'aligner les pratiques œnologiques admises par la Communauté européenne sur :

- celles reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) ;

- celles approuvées dans le cadre des accords bilatéraux, mais pour les seuls vins européens destinés à l'exportation.

Elle préconise par ailleurs de lui transférer le pouvoir d'approbation des pratiques œnologiques, actuellement détenu par le Conseil.

D'ores et déjà, un règlement du 20 décembre 2005 a autorisé cinq nouvelles pratiques, dont l'ajout des copeaux de chênes. Il s'agit d'un tournant dans l'histoire de l'OCM, car il marque la première étape de l'ouverture des règles communautaires au souffle du « grand large », c'est-à-dire aux pratiques utilisées par les producteurs du nouveau monde...

La position du rapporteur sur ce volet de la réforme est simple et s'articule autour quatre points, tous destinés à préserver l'identité de nos vins d'excellence, tout en offrant aux producteurs des autres vins de nouvelles armes pour affronter la concurrence extérieure.

Premièrement, si les pratiques œnologiques reconnues par l'OIV peuvent devenir l'une des sources possibles d'évolution du droit européen, celles-ci doivent être inscrites sur une liste positive, agréée au niveau communautaire et régulièrement mise à jour pour tenir compte de l'avancement des travaux de cette organisation internationale.

Deuxièmement, contrairement aux préconisations de la Commission, les vins européens destinés à être exportés ne doivent pas être autorisés à utiliser les pratiques œnologiques reconnues dans le cadre des accords bilatéraux.

Autant l'OIV constitue un cadre de référence incontestable pour permettre une évolution contrôlée des pratiques œnologiques admises dans l'Union, autant les pratiques des pays tiers, comme l'ajout d'eau ou l'aromatisation, qui tendent à modifier les caractéristiques sensorielles du produit final, ne peuvent prétendre à devenir une source du droit communautaire. Car si c'était le cas, cela signifierait que l'Europe aurait donné à ses vignerons le droit d'utiliser des pratiques qui dénaturent le vin.

De plus, la garantie que constituerait pour notre viticulture le fait de réserver le recours à ces pratiques « d'origine bilatérale » pour l'élaboration des seuls vins vendus en dehors de l'Union paraît bien fragile : une fois que le ver sera entré dans la vigne européenne, il sera difficile de le chasser.

Il suffit d'examiner quelques-unes des 24 pratiques œnologiques, comme l'ajout de produits désinfectants ou relevant de la brasserie, que l'administration fédérale des Etats-Unis espère faire reconnaître par l'Europe pour s'apercevoir que leur introduction dans la Communauté aurait pour conséquence de désigner comme étant du « vin » un produit qui n'en est plus vraiment un.

Troisièmement, afin de respecter le principe de subsidiarité et les traditions des Etats membres producteurs, ceux-ci doivent avoir la possibilité d'autoriser ou d'interdire le recours aux nouvelles pratiques œnologiques issues de l'OIV aux vins de leur choix, avec ou sans indication géographique.

Ainsi, en toute sagesse, un Etat membre pourrait décider d'ouvrir entièrement ces nouvelles pratiques aux vins de table ou à certains d'entre eux seulement et de les interdire à certains ou à tous les vins avec indication géographique, en particulier aux vins d'excellence à appellation d'origine contrôlée.

D'un côté, une telle souplesse permettrait de préserver l'identité des vins à appellation d'origine de grande réputation, dont l'élaboration doit obéir à des usages plus strictement encadrés que ceux prévus pour la production des vins de table, et de protéger ainsi des procédés très anciens, dont la reconnaissance constitue l'un des pactes fondateurs de l'OCM.

De l'autre, cette souplesse donnerait aux producteurs de vins de table, ainsi qu'aux producteurs de vin d'appellation régionale, la possibilité de s'approprier, avec l'aval de leur Etat membre, les procédés « industriels » du nouveau monde, ce qui leur permettrait de reconquérir le goût du consommateur européen et retrouver ainsi des débouchés commerciaux.

Enfin, ce cadre réglementaire permettrait d'organiser, dans l'Union européenne, « la cohabitation » entre le modèle allemand, qui ne connaît que des vins de qualité, le modèle espagnol, où le potentiel de production milite en faveur de l'adoption des nouvelles pratiques, et le modèle français qui comprend des producteurs de grands vins, logiquement attachés à la tradition, et des producteurs prêts à jouer la carte de la qualité « nouveau monde ».

Quatrièmement, la proposition concernant le transfert de compétence du Conseil à la Commission pour l'approbation des nouvelles pratiques œnologiques ne peut être acceptée pour deux raisons. D'une part, l'approbation des procédés qui définissent la personnalité et la qualité des vins européens doit rester du ressort de l'autorité politique et législative représentée par le Conseil. D'autre part, une telle évolution conduirait, tôt ou tard, à « ouvrir la boîte de Pandore ». Car, pour reprendre des propos extrêmement sévères entendus par le rapporteur au ministère allemand de l'agriculture, la Commission « ne sait pas toujours utiliser à bon escient ses compétences ». A titre d'exemple, dans cette configuration, le filtrage des nouvelles pratiques œnologiques pouvant être admises en Europe deviendrait une monnaie d'échange dans les négociations conduites par la direction générale du commerce extérieur, ce qui ne saurait être envisagé.

2) Permettre un recours facultatif au saccharose pour les seules régions septentrionales et supprimer progressivement l'aide aux moûts de raisins

Avant d'en venir aux propositions de la Commission sur l'enrichissement, on rappellera ici que ce procédé permet d'augmenter le titre alcoométrique volumique naturel du vin.

Il peut être obtenu par l'ajout de sucre ou saccharose, procédé appelé chaptalisation et utilisé traditionnellement dans les régions du Centre-Nord et de l'Est de l'Europe. Aujourd'hui, l'OCM interdit l'enrichissement par le saccharose dans le Sud-est de la France, en Espagne, au Portugal et en Italie. En outre, elle fait varier les limites maximales d'augmentation du degré alcoolique en fonction de la zone climatique, avec des augmentations autorisées plus élevées pour les régions situées au Nord et au Centre de l'Europe.

Pour les régions d'Europe où la chaptalisation est interdite, l'enrichissement peut être obtenu par l'ajout de moûts de raisins concentrés et de moûts de raisins concentrés rectifiés, qui est subventionné par la Communauté : une aide à l'utilisation de ces moûts par les producteurs de vin de table ou de qualité a été introduite en 1982 pour compenser le fait que le degré d'alcool du saccharose coûte environ un tiers du coût du degré d'alcool de raisin, ce qui désavantage les zones viticoles où le recours au saccharose est prohibé. Cette aide, qui varie en fonction du degré-hectolitre, représente un coût moyen de 5 à 6 euros par hectolitre de vin enrichi et mobilise chaque année, en moyenne, 150 millions d'euros (198 millions d'euros en 2005).

La Commission estime que la baisse du prix du sucre consécutive à la réforme de l'OCM qui encadre cette production va rendre encore plus attractif le recours à la chaptalisation, ce qui va renforcer le déséquilibre entre les zones autorisées à ajouter du sucre et les autres. En outre, la baisse du prix de sucre risque d'entraîner une augmentation du potentiel de production, puisque les viticulteurs ont déjà souvent recours à l'enrichissement pour augmenter le volume de vin produit.

Compte tenu de ces éléments, la Commission considère que l'attractivité renforcée de l'enrichissement par ajout de sucre conduira inéluctablement à des excédents de production.

De plus, par souci d'équilibre, pour ne pas pénaliser les régions où la chaptalisation est interdite, l'aide aux moûts concentrés devrait être majorée alors qu'elle a déjà mobilisé 200 millions d'euros en 2005. Pour des raisons budgétaires évidentes, que Mme Mariann Fisher Boël a rappelé au rapporteur, la Commission ne souhaite pas entrer dans cette logique de compensation.

Pour sortir du dilemme entre l'augmentation de l'aide relative aux moûts ou le déséquilibre renforcé du marché, la Commission propose de mettre un terme aux aides subventionnant l'utilisation des moûts, d'interdire l'utilisation de saccharose et de réduire le taux maximal d'enrichissement par addition de moût de raisin à 2 %, hormis dans la zone viticole dite « C », qui comprend certaines régions de France, l'Espagne, le Portugal, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie la Grèce, Chypre et Malte, pour laquelle il devrait être de 1 %.

Le rapporteur estime que l'une de ces propositions est trop radicale et a peu de chances de voir le jour. En effet, l'interdiction pure et simple de la chaptalisation entraînera un blocage de l'Allemagne. Ainsi, cet Etat membre constate que ce procédé est vieux de plus de deux siècles, voire de quatre siècles, comme c'est le cas en Champagne, et que les régions qui l'utilisent ne sont pas en crise, deux observations parfaitement justes que le rapporteur reprend à son compte. D'ailleurs, lors de sa mission à Berlin, ce dernier a pu mesurer combien l'Allemagne attend de notre pays qu'il soit, comme ce fut le cas en 1999, lors de la précédente réforme de l'OCM, son allié sur le dossier de la chaptalisation.

Par ailleurs, sur le plan organoleptique, la chaptalisation, par l'ajout de sucre de betterave, est indissociable du goût certains vins, dont la continuité est le garant de leur qualité, de leur image et de leur réputation. Dans ces conditions, le recours aux moûts concentrés ne peut constituer une alternative sérieuse pour les producteurs de ces vins.

Or, dans le même temps, il est indispensable de contrôler le potentiel européen de production, en s'assurant que des Etats membres comme la Suède ou la Finlande ne soient pas, un jour, tentés de recourir au saccharose pour produire du vin.

Aussi la future OCM doit-elle limiter le recours facultatif au saccharose, ainsi qu'à la liqueur de chaptalisation, aux seules régions septentrionales qui l'utilisent comme un procédé traditionnel, lesquelles représentent moins de 5 % du vignoble communautaire.

Quant à la suppression de l'aide destinée aux moûts, il s'agit d'une mesure salutaire : il faut mettre fin aux comportements qui tendent à « doper » le potentiel de production. Ainsi en est-il de l'Italie du Nord, fortement soupçonnée d'avoir enclenché une croissance artificielle de son potentiel, en enrichissant, avec du moût produit dans le Sud de ce pays, les vins fabriqués avec des raisins générant un faible degré en alcool. Toutefois, afin de tenir compte de la situation des producteurs qui bénéficient actuellement de ce soutien, le rapporteur propose de le supprimer progressivement.

F. Doter l'OCM d'un volet « prospection, promotion, commercialisation et innovation  » solide

Les vins européens doivent bénéficier d'une politique renforcée de communication et de promotion dans l'Union et dans les pays tiers.

Ce point a été souligné par tous les interlocuteurs du rapporteur, y compris par la commissaire européenne en charge de l'agriculture et du développement rural : d'après elle, il doit être mis fin à une situation parfaitement illogique où l'Europe ne consacre que quelque 13 millions d'euros à la promotion du vin, tandis que la distillation et le stockage « pèsent » 500 millions d'euros.

Les parlementaires espagnols rencontrés par le rapporteur ont insisté sur ce point, en jugeant que l'état d'esprit actuel en matière de promotion aboutit à ce que les vins consommés en Europe sont de moins en moins...européens.

Or, malgré ce constat et ces regrets unanimes, le texte de la communication incite à penser que presque rien ne sera fait pour remédier au déficit actuel en matière de promotion : la Commission ne consacre qu'un court paragraphe à la question, en évoquant simplement sa « détermination », ainsi que l'utilisation de la législation communautaire existante.

De quoi s'agit il ? D'un règlement du 14 décembre 1999 relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles dans les pays tiers et d'un règlement du 19 décembre 2000 concernant la promotion de ces mêmes produits sur le marché intérieur. Dans les deux cas, la Communauté apporte une contribution financière à hauteur de 50 % des actions de promotion, le solde étant couvert par les organisations professionnelles ou interprofessionnelles. Les produits bénéficiaires sont sélectionnés au terme d'une procédure complexe, faisant intervenir les organismes professionnels, les Etats membres et la Commission.

Ce guichet de financement est certes utile, mais il tend aussi à éparpiller les crédits entre les différents produits agricoles : un rapport de la Commission publié en 2004 indique qu'en décembre 2003, sur le marché intérieur, le secteur du vin n'avait reçu que 6 % des financements, tandis que sur les marchés des pays tiers, les fruits et légumes venaient en tête des programmes de promotion, suivis de la viande bovine. Au total, les deux règlements mobilisent, chaque année, un faible budget, de l'ordre de 50 millions d'euros seulement.

Interrogé sur la pertinence du choix de cet instrument par le rapporteur, le directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne a fait part de la réticence que celle-ci éprouve à financer des mesures de promotion à partir de guichets différents, ce qui laisse supposer qu'il n'y aura pas, dans la nouvelle OCM, de volet spécifique consacré à la promotion. Il a toutefois précisé que la Commission serait disposée à examiner si le dispositif actuel est l'instrument le plus adapté pour mener une politique offensive de promotion dans le secteur du vin. Ces propos sont à mettre en relation avec l'intention affichée de la Commission de réviser, cette année, ce cadre réglementaire.

Mais si une réforme du cadre réglementaire relatif à la promotion des produits agricoles est certainement indispensable pour le rendre plus efficace et plus opérationnel, elle ne sera pas suffisante, aux yeux du rapporteur, pour permettre le développement d'une politique ambitieuse dans le secteur vitivinicole.

Pour cela, il faudrait augmenter substantiellement le budget consacré à la promotion de produits agricoles, en en réservant une part importante au secteur du vin.

Surtout, la future OCM devrait s'appuyer sur deux nouveaux outils, qui concrétiseraient la priorité que l'Europe accorde à la promotion de ses vins :

- d'une part, un réseau européen de prospective du marché du vin, pour diagnostiquer les grandes tendances concernant la production, la consommation, l'équilibre entre l'offre et la demande et les échanges commerciaux. En pratique, ce réseau pourrait être animé par services de la Commission, les experts des organismes de filière et les services des missions économiques des ambassades des Etats membres, ainsi que par les agences nationales d'appui à l'exportation ;

- d'autre part, une aide à promotion, à la commercialisation, à la recherche et à l'innovation. En effet, le volet « promotion » de l'OCM ne devra pas se limiter à la conquête de nouveaux marchés : il devra s'appuyer également sur la recherche et l'innovation, pour apporter aux consommateurs du monde entier des vins européens d'une qualité en augmentation constante.

CONCLUSION

Au terme de son analyse, le sentiment qui prévaut chez le rapporteur est que l'Europe a manqué l'occasion d'adopter, dès 1999, une réforme utile de l'OCM vitivinicole. Huit années se sont écoulées depuis lors ; elles ont vu l'Europe perdre pied sur le marché mondial, alors qu'elle aurait déjà pu retrouver une position conquérante.

La proposition de règlement que la Commission publiera au printemps prochain ne devra pas faire manquer à l'Europe du vin sa cible une deuxième fois. On peut penser que ce sera effectivement le cas, car il est d'ores et déjà clair que Commission entend faire jouer davantage le marché, en s'attaquant résolument aux excédents structurels qui l'engorgent.

Mais si le risque d'une nouvelle réforme « hors sujet » est écarté, un autre risque se présente, celui de la tentation, de la part de la Commission, de vouloir déréglementer certains aspects essentiels de l'OCM.

Or, pour être efficace, la prochaine OCM devra concilier ambition et sagesse : elle ne devra plus récompenser les comportements opportunistes, mais rémunérer, à sa juste valeur, le travail du vigneron ; elle devra innover par ailleurs, sans pour autant sacrifier les terroirs. En mettant en place une organisation de marché combinant tradition et modernité, appétit de conquête pour tous et sécurité pour les plus fragiles, l'Europe démontrera qu'elle peut apprivoiser la mondialisation au bénéfice de ses acteurs économiques.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le 30 janvier 2007, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

Mme Arlette Franco s'est interrogée sur l'opportunité du recours à l'ajout de saccharose, autrement dit à la chaptalisation.

Le rapporteur, a rappelé que ce procédé est déjà utilisé traditionnellement dans plusieurs régions d'Allemagne et de France, en Champagne et en Alsace notamment, et que son interdiction aurait des conséquences négatives pour deux raisons au moins. Tout d'abord, les producteurs ayant l'habitude d'ajouter de la saccharose devraient obligatoirement utiliser du moût concentré provenant d'autres régions, ce qui aurait des répercussions sur le goût des produits concernés, comme l'ont montré des recherches effectuées sur le champagne, et qui aboutirait à mettre en difficulté des régions n'ayant pas actuellement de problème spécifique. Ensuite, il est probable que cela susciterait des réactions de la part des Etats-Unis, avec lesquels l'Europe est liée par des accords bilatéraux. On doit ajouter que l'ajout de saccharose, à condition qu'il soit limité, serait accepté par plusieurs Etats membres. L'Espagne, elle-même, ne s'y opposerait pas, à condition de ne pas remettre en cause certaines des pratiques de ses viticulteurs, telle que, par exemple, l'irrigation intensive. De façon générale, l'esprit du rapport n'est pas de mettre en opposition les différentes régions viticoles, mais de promouvoir la compétitivité de la viticulture européenne, même s'il est certain que certaines régions sont déficientes au niveau de leur organisation.

M. Axel Poniatowski a soutenu les propositions du rapporteur et souligné l'importance pour le vin français du point n° 7 de la proposition de résolution, relatif aux nouvelles pratiques œnologiques et à l'étiquetage. Notre système d'appellation est effectivement incompréhensible sur le marché de l'exportation, où les vins de cépage sont en revanche bien identifiés. Il a néanmoins demandé obtenir confirmation de la compétence nationale pour régir les modes de vinification en autorisant la saccharose ou encore les copeaux, et pour modifier les appellations.

M. Gérard Voisin a également approuvé les propositions du rapporteur, avec lequel il a d'ailleurs déposé récemment un rapport d'information sur la situation de la viticulture (n° 3435). Ces propositions sont protectrices pour l'ensemble des territoires viticoles français pour l'avenir desquels on peut de bon droit s'inquiéter. Toutefois la crise de la viticulture et la réforme de l'OCM sont deux questions distinctes. La France étant la « mère du vin », ce sont les autres producteurs qui devraient s'aligner sur nos pratiques, mais les vins du Nouveau Monde s'en écartent. En outre, ils misent sur la commercialisation et l'exportation en y consacrant de forts budgets, tandis que l'Europe met l'accent sur l'arrachage au lieu de réorienter sa politique vers la promotion.

Le rapporteur, a indiqué que la future OCM établirait les outils de gestion et qu'ensuite il appartiendrait aux Etats membres de les mettre en œuvre. Ainsi, s'agissant de l'ajout de saccharose, l'Europe pourrait l'interdire en principe mais l'accepter dans les régions où il est d'usage traditionnel. Par ailleurs, la future OCM pourrait autoriser l'introduction des nouvelles pratiques tout en laissant aux Etats membres le choix d'utiliser ou non cette technique.

Il serait raisonnable de ne pas consacrer 2,4 milliards d'euros à l'arrachage et de rééquilibrer les aides européennes en faveur de la promotion du vin qui pour l'heure ne bénéficie que de quelques millions d'euros.

On doit reconnaître la nécessité de clarifier l'étiquetage des vins français, qui est illisible par rapport à celui des vins non européens.

Il importe également de ne pas mettre en porte à faux les interprofessions et les groupements de producteurs, alors même que ces derniers sont parfois peu représentatifs. Il est certain que la gestion par bassin de production est la plus efficace et qu'elle mérite d'être soutenue par des aides financières.

L'arrachage doit être conduit avec une approche progressive et qualitative, n'excluant pas la faculté de replanter d'autres cépages.

Mme Arlette Franco a marqué son accord avec le rapporteur sur le cépage tout en considérant qu'il ne fallait pas oublier les terroirs qui sont l'image de la France. Il faudrait simplifier l'étiquetage des vins de qualité qui sont aussi des vins de terroir.

Elle a exprimé une autre préoccupation sur le devenir des friches après l'arrachage. Rendre constructibles les terrains suscite la spéculation et l'expérience de cette mesure dans son département montre qu'une reconversion vers des productions comme l'olive ou l'amande n'est pas facile. C'est un problème important qui concerne toutes les régions viticoles.

Le rapporteur a répondu que la gestion de l'arrachage devrait relever des prérogatives nationales, en laissant aux bassins de production le soin de le mettre en oeuvre. Il ne faut évidemment pas procéder à un arrachage massif au même endroit pour éviter de créer des zones désertiques et le problème se pose dans les mêmes termes en Espagne que dans notre pays. L'approche par bassins de production permettrait de tenir compte de nos terroirs spécifiques pour lesquels on peut trouver des débouchés.

En réponse à M. Gérard Voisin, le rapporteur a indiqué que la proposition de résolution présentée dans le cadre de ce rapport d'information sera examinée prochainement par la commission des affaires économiques. Il a rappelé que le projet de réforme a donné lieu à un rapport d'initiative au Parlement européen et qu'il devrait se traduire en proposition législative de la Commission en juin prochain, qui sera examinée au deuxième semestre sous Présidence portugaise.

La Délégation a ensuite approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Vers un secteur vitivinicole européen durable (COM[2006] 319 final du 22 juin 2006/n° E 3184),

Considérant que la viticulture européenne se place au premier rang mondial pour l'excellence, la production, la consommation et les échanges commerciaux ;

Considérant que celle-ci connaît cependant une crise profonde en raison notamment de son manque de compétitivité ;

Considérant que les instruments actuels de l'organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur vitivinicole ne permettent pas de régler cette crise de compétitivité, mais l'ont aggravée par leur incapacité à maîtriser le potentiel de production européen et leur aptitude à transformer les modes actuels de distillation en débouchés structurels et automatiques pour les producteurs, ce qui grève le budget communautaire ;
Considérant que l'OCM doit se doter de meilleures armes pour affronter la concurrence internationale et accorder plus de place à la subsidiarité pour respecter les traditions régionales qui fonctionnent et pour renforcer la responsabilité des professionnels ;

1.  Demande que l'OCM comporte un volet spécifiquement consacré à la prospective, à la promotion, à la commercialisation, à la recherche et à l'innovation ;

2.  Conteste l'ampleur du programme d'arrachage proposé par la Commission européenne, qui tend à transformer la viticulture européenne en variable d'ajustement du marché mondial, et préconise un arrachage volontaire, ouvert à tous les producteurs et obéissant à des critères économiques, sociaux et environnementaux, lesquels doivent pouvoir être renforcés pour les vins de qualité, étant entendu que ce dispositif peut être couplé à un arrachage temporaire qui permette aux producteurs de redémarrer leur activité si l'évolution du marché l'autorise ;

3.  Juge nécessaire de retirer de manière ordonnée les aides à la distillation en prévoyant :

- la suppression des aides à la distillation de crise et à la distillation des variétés de raisins à double classement, avec la possibilité, pour les Etats membres de prévoir, dans le cadre des enveloppes nationales, un filet de sécurité, se déclenchant en cas de crise exceptionnelle et dont l'application pourrait être rendue obligatoire, avec un financement communautaire très réduit, complété par la profession dans le but de la responsabiliser ;

- la suppression de l'aide à la distillation de l'alcool de bouche après une courte phase d'adaptation du marché ;

- le maintien de la distillation obligatoire des sous-produits, avec un financement en partie communautaire, car elle ne constitue pas une mesure de gestion du marché, mais protège la qualité des vins et l'environnement ;

4. Est favorable à la suppression progressive des aides à l'utilisation des moûts de raisin dans une optique de contrôle du potentiel de production et de lutte contre les comportements frauduleux ;

5.  Estime qu'un encadrement des droits de plantations doit être maintenu, mais aussi qu'une certaine liberté en la matière peut être envisagée dans la mesure où elle s'exercerait après l'arrachage, aux frais du producteur, des plantations illicites, favoriserait en priorité les jeunes agriculteurs et la production de vins de qualité et reposerait, d'une part, sur une certaine flexibilité des transferts des droits existants entre les régions d'un même Etat membre, et, d'autre part, sur l'octroi de nouveaux droits, conditionné à l'existence de débouchés réels et vérifiables, étant entendu que les nouvelles surfaces ne pourraient bénéficier ni des programmes de restructuration ni du mécanisme de gestion de crise ;

6.  Approuve la mise en place d'enveloppes nationales permettant d'adapter certains outils de gestion à la spécificité des différentes viticultures, à répartir entre les Etats membres en fonction de critères liés à la superficie plantée en vignes légales et à la production et pouvant comprendre des mesures variées, définies à partir d'une liste communautaire, comme la préretraite, complétée par des aides agroenvironnementales, la restructuration des exploitations, notamment par le versement d'une aide à l'hectare, le financement d'une politique de qualité, un mécanisme de gestion de crise fonctionnant comme un filet de sécurité et le soutien à la création de caisses de péréquation pour atténuer les fluctuations des revenus des vignerons ;

7.  Demande que les aspects réglementaires de la future OCM, qui doivent être simplifiés et s'inspirer en partie des pratiques des concurrents de l'Union européenne, respectent néanmoins les éléments constitutifs du modèle viticole européen et qu'en conséquence :

- la segmentation des vins soit fondée sur deux catégories, « avec » ou « sans » indication géographique, en donnant aux Etats membres la possibilité d'autoriser les vins de leur choix à recourir aux nouvelles pratiques œnologiques à condition qu'elles soient reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin ;

- la mise en cohérence des dispositions de l'OCM avec le règlement (CE) n° 510/2006 du 20 mars 2006 du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires préserve le lien entre la qualité, l'origine et l'appellation ;

- les mentions valorisantes du cépage et du millésime soient réservées aux vins avec indication géographique ;

- les règles encadrant l'étiquetage et les pratiques œnologiques restent du ressort du Conseil des ministres de l'Union européenne ;

- la protection des indications géographiques communautaires soit renforcée au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre des accords commerciaux conclus avec les pays tiers, afin que l'Union européenne récupère l'usage exclusif de ses appellations ;

- le recours facultatif au saccharose soit autorisé uniquement dans les régions septentrionales de l'Union européenne qui l'utilisent comme un procédé traditionnel ;

8.  S'oppose à toute remise en cause de la répartition actuelle des compétences entre les groupements de producteurs et les organismes de filière, afin d'éviter la désorganisation du marché ;

9.  Insiste sur la nécessité de préserver la cohérence et l'intégrité de l'OCM vitivinicole, couvrant tous les aspects du secteur, ce qui implique de ne pas éclater ses instruments et son budget entre différentes politiques communautaires, comme celles du développement rural et de la santé.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

I. A Paris

- M. Philippe Duclaud, conseiller diplomatique du ministre de l'agriculture et de la pêche ;

- M. Georges-Pierre Malpel, conseiller technique en charge de la viticulture au cabinet du ministre de l'agriculture et de la pêche ;

- M. Yves Bénard, co-président du Comité interprofessionnel des vins de champagne ;

- M. Jean-Louis Salies, président du Comité des interprofessions des vins à appellation d'origine contrôlée ;

- M. Jérôme Agostini, directeur du Comité des interprofessions des vins à appellation d'origine contrôlée ;

- M. Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de vin et eaux-de-vie de vin à appellation d'origine contrôlée ;

II. A Bruxelles

- Mme Mariann Fischer Boël, commissaire européenne en charge de l'agriculture et du développement rural ;

- M. Joseph Daul, ancien président de la Commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen ;

- Mme Astride Lulling, présidente de l'intergroupe du vin du Parlement européen ;

- Mme Katerina BATZELI, députée européenne, rapporteur sur la réforme de l'OCM vitivinicole ;Annexe-1

- M. Jean-Luc Demarty, directeur général de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne.

III. A Berlin

Bundestag :

- Mme Ulrike Höfken, présidente de la commission de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs (parti des Verts) ;

- Mme Julia Klöckner, membre de la commission de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs (CDU) ;

- M. Gustav Herzog, membre de la commission de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs (SPD) ;

Ministère fédéral de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs :

- M. Theodor Seegers, directeur de la gestion des marchés ;

- M. Gerhard Winfried Becker, expert de l'OCM vitivinicole ;

Ambassade de France en Allemagne :

- Son Exc. M. Claude Martin, ambassadeur de France ;

- Mme Françoise Moreau-Lalanne, attachée agricole.

IV. A Madrid et à Castille-La Manche

Parlement :

- M. José Pliego Cubero, président de la commission de l'agriculture du Congrès des députés

- M. Alejandro Alonso Nuñez, porte-parole du PSOE à la commission de l'agriculture du Congrès des députés ;

- M. José Cruz Perez Lapazaràn, porte-parole du Parti Populaire à la commission de l'agriculture du Sénat ;

- M. David Isasi García, vice porte-parole du Parti Populaire à la commission de l'agriculture du Sénat ;

Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation :

- M. Josep PuXeu Rocamora, secrétaire général ;

- M. Francisco Monbiela Muruzábal, directeur général de l'agriculture ;

- M. Ignacio Alonso Gil, sous-directeur en charge de la vitiviniculture.

Communauté autonome de Castille-La Manche :

- Mme Mercedes Gòmez Rodriguez, conseillère de l'agriculture et de l'environnement de Castille-La Manche ;

- M. Frederico Lòpez Navarro, directeur général des marchés alimentaires du Conseil de l'agriculture et de l'environnement ;

Organisations professionnelles :

- M. Ignacio Lopez García Asenjo, directeur des relations internationales de l'Associación Agraria Jóvenes Agricultores ;

- M. Pau Roca, secrétaire général de la Fédération espagnole du vin ;

- M. Manuel Sánchez Brunete, porte-parole pour le secteur viticole de la Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos (COAG) et président du Groupe Vin à la Commission européenne

Ambassade de France en Espagne :

- Son Exc. M. Claude Blanchemaison, ambassadeur de France ;

- Mme Cécile BIGOT, attachée agricole.

Annexe 2 :
Prévisions à moyen terme du secteur vitivinicole européen

 

Moyenne écrêtée 1999-2003

Campagne viticole 2003/2004

Campagne viticole 2004/2005

Prévisions 2010/2011

Scénario « moyen »

Scénario « faible excédent »

Scénario « fort excédent »

Production

(millions hl)

180,4

166,8

191,5

178,8

173,2

183,3

Excédent 1 (a)

(millions hl)

21,9

14,3

34,8

27

18,8

38

En % de la production

12,2 %

8,6 %

18,2 %

15,1 %

10,9 %

20,7 %

Excédent 2 (b)

(millions hl)

10,5

4

23,8

15

7,8

25

En % de la production

5,8 %

2,4 %

12,5 %

8,4 %

4,5 %

13,6 %

(a) y compris le vin retiré pour la distillation alcool de bouche.

(b) à l'exclusion du vin retiré pour la distillation alcool de bouche

Source : Commission européenne, juin 2006.

1 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Vers un secteur vitivinicole européen durable, COM (2006) 319 final du 22 juin 2006/E 3184.

2 () « Vin - Economie du secteur », document de travail de la direction générale de l'agriculture et du développement rural de la Commission européenne, février 2006. Selon l'Organisation internationale de la vigne et du vin, en 2005, l'Union européenne détenait 54 % de la surface mondiale, avec 3,2 millions d'hectares.

3 () « Viticulture : pour en finir avec la crise », rapport d'information n° 3435 de MM. Philippe-Armand Martin et Gérard Voisin, 15 novembre 2006.

4 () http://ec.europa.eu/agriculture:markets/wine/studies/rep_cmo2006_fr.pdf.

5 () « Wine Woes », Time, 24 octobre 2006.

6 () « Reforme de l'OCM vitivinicole - Quel modèle d'organisation pour les Appellations d'Origine ? », YKems, Economics of Management and Strategy, novembre 2006, étude effectuée pour le compte du CIVC.

7 () L'annexe 2 du présent rapport reprend les prévisions d'excédents établies par les services de la Commission dans le document de travail SEC (2006) 780 joint à la communication de juin 2006.

8 () « Eléments de conjoncture vitivinicole mondiale disponibles au 1er octobre 2006 », point de conjoncture de l'Organisation internationale de la vigne et du vin, présenté les 16 et 17 octobre 2006.

9 () Ces mesures, prévues par la politique de développement rural, soutiennent les pratiques agricoles protégeant l'environnement et préservant le paysage, avec un taux de cofinancement communautaire de 60 %, voire de 85 % dans les régions de l'objectif 1.

10 () La distillation de crise ouverte en juin 2006 en France payait le vin de table 1,914 euro/degré-hectolitre et le vin de qualité 3 euros/degré-hectolitre.

11 () Déposée le 22 novembre 2005 par le rapporteur, cette résolution a été considérée comme définitive le 17 décembre 2005 (Texte adopté n° 524).

12 () « Accord « vin » Etats-Unis/Europe : poser les conditions », rapport d'information n° 2685 de M. Philippe-Armand Martin, 22 novembre 2005.

13 () Cette analyse de l'accord, effectuée par le cabinet Euroconsultants pour le compte de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, a été transmise au rapporteur par la mission économique de l'ambassade de France aux Etats-Unis.

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