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N° 486
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.
PROPOSITION DE LOI

tendant à compléter le code électoral en vue de la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé et instaurant le vote obligatoire pour tous les électeurs.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Dominique PAILLÉ,

Additions de signatures :
Mme Martine Aurillac, MM. Étienne Blanc, Roland Blum, Ghislain Bray, Jean-Marc Chavanne, Marc-Philippe Daubresse, Dominique Dord, Pierre-Louis Fagniez, Mme Cécile Gallez, MM. Franck Gilard, Laurent Hénart, Jean-Yves Hugon, Robert Lamy, Marc Le Fur, Richard Mallié, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Christian Ménard, Pierre Micaux, Jean-Marie Morisset, Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Christian Philip, Éric Raoult, Jacques Remiller, Michel Roumegoux et Philippe Vitel


Députés.

Elections et référendums.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La démocratie repose sur l'exercice du libre choix des citoyens pour élire leurs responsables politiques. Ce droit de choisir s'exprime à travers le droit de vote, droit essentiel de l'individu en tant que détenteur d'une fraction de la souveraineté nationale. Ce principe constitutionnel a été consacré il y a plus de deux siècles dans la Constitution du 24 juin 1793. Mais il fallut attendre le 23 avril 1848 pour que soit instauré le suffrage universel.
Depuis plusieurs années, à chaque scrutin, il apparaît que le nombre des abstentionnistes ne cesse de croître. Les citoyens n'exercent plus ce droit fondamental. Ils ne remplissent plus le devoir civique qui leur incombe 63,1 % d'abstention lors du référendum sur la Nouvelle-Calédonie en 1988, plus de 30 à chaque élection législative depuis cette même année, 53,25 % aux élections européennes de juin 1999 et 69,3 % au référendum du 24 septembre 2000 relatif au quinquennat.
En outre, aux élections présidentielles de 1995 et de 2002, le vote blanc et nul approche les deux millions de suffrages. A l'élection législative de 1997, au second tour il atteint le record de 6,32 %. A celle de juin 2002, il a été de 4,33 %. Enfin aux élections européennes de 1999, les votes blancs se situent toujours à un niveau très élevé : 5,93 % des votants et 2,8 % des inscrits.
A cette manifestation de désintérêt évident pour la chose publique, d'hostilité très forte à l'encontre des femmes et des hommes politiques et d'indifférence à l'égard de la vie démocratique s'ajoute la montée des attitudes contestataires. Car quand nos concitoyens décident de voter ils ne trouvent plus d'autre voie que celle du vote extrémiste pour exprimer leur mécontentement face aux choix proposés.
Ce double phénomène met gravement en péril la démocratie tout entière car il amène à douter de la légitimité des élus. Voter est non seulement un droit mais un devoir civique. La loi a pour obligation de permettre à chacun d'exprimer son choix. Or, certaines règles qui régissent le droit de vote sont aujourd'hui inadaptées. Deux peuvent être citées. La première est inscrite dans l'article 30 du décret du 2 février 1852, reprise dans la loi du 29 juillet 1913 devenue l'article L. 66 du code électoral. Elle reconnaît l'existence du vote blanc sans pour autant lui donner une quelconque valeur juridique. Il ne se distingue pas en ce sens ni du vote nul, ni de l'abstention. La seconde porte sur l'absence de reconnaissance du vote obligatoire.
Le vote blanc est le fait pour un électeur d'accomplir son devoir civique en participant au scrutin mais de refuser d'opérer un choix entre les options qui lui sont proposées ou les candidats en lice. Soit parce qu'il n'a pas d'opinion définitivement arrêtée sur la question posée, soit parce qu'il désire exprimer son insatisfaction face aux alternatives qui lui sont soumises. Le vote blanc est donc un acte positif qui apparaît comme un mode normal d'expression. En ce sens, l'électeur qui vote blanc n'est pas un abstentionniste car il fait l'effort de se déplacer aux urnes. Mais en l'absence de valeur juridique, il ne voit pas son geste pris en considération.
Tous les sondages réalisés sur cette question attestent que l'opinion publique est largement favorable à une reconnaissance du vote blanc. Les nombreuses propositions de lois déposées, tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat, la placent au c_ur des préoccupations de la représentation nationale : quatre propositions peuvent être recensées sous la précédente législature (Nos 549, 626 et 965, Sénat 514).
Cette reconnaissance n'achoppe aujourd'hui sur aucun obstacle politique ou juridique. Elle ne complique pas le processus de désignation des élus et ne modifie pas l'équilibre de nos institutions. Elle n'a pas non plus de conséquence pour l'élection du Président de la République. Il est en effet improbable que le nombre de bulletins blancs soit supérieur à la majorité requise à l'issue du second tour. Même dans cette hypothèse purement théorique, il suffit simplement d'engager une procédure de révision de la Constitution pour qu'elle prévoie l'organisation de nouvelles élections sans la présence des candidats qui auraient été précédemment rejetés par les électeurs.
Au contraire, au regard des principes sur lesquels repose le suffrage universel, la prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé ne présente que des avantages car aucun vote n'est* écarté. Elle est un moyen nouveau de lutte contre l'abstentionnisme ou d'un vote extrémiste qui reste une menace permanente non négligeable pour la démocratie. Le seul élément matériel qu'engendre la reconnaissance du vote blanc est naturellement la mise à disposition des électeurs de bulletins blancs dans les bureaux de vote. A cet égard, il convient de rappeler que l'article L. 57-1 du code électoral applicable aux bureaux de vote dotés d'une machine à voter prévoit que cette dernière doit permettre l'expression du vote blanc. Il en reconnaît donc le particularisme.
Au-delà, il importe de rendre les citoyens responsables par une prise de conscience renforcée de leurs droits et devoirs. Le premier d'entre eux est le droit de vote. Liberté acquise et sauvegardée au prix du sang versé, ils ne sauraient en aucune façon s'y soustraire. Nombreux sont nos collègues députés et sénateurs qui ont manifesté de l'intérêt pour cette question au regard des propositions de lois déposées sous les différentes législatures. En rendant le droit de vote obligatoire, les électeurs pourront mesurer ainsi l'importance essentielle du droit qui leur a été conféré et dont ils ne souhaiteraient pas être privés.
Tels sont les objectifs de cette proposition de loi qui entend, d'une part reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé, et d'autre part instaurer le vote obligatoire. Ainsi, tout électeur qui se sera abstenu sans motif valable trois fois à toute élection quelle qu'en soit la nature, dans un délai de cinq ans, s'exposera à une radiation des listes électorales pour une durée identique de cinq années. Enfin, cette obligation de vote a pour contrepartie évidente de rendre plus souples les modalités de vote par procuration, tout en veillant à l'entourer de précautions pour éviter toute fraude.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l'article L. 2 du code électoral, il est inséré un article L. 3 ainsi rédigé :
«Art. L. 3. - Le vote est obligatoire pour tous les Français répondant aux conditions visées à l'article L. 2 du présent code.
«Tout électeur qui n'aura pas pris part aux opérations électorales tendant à l'élection du Président de la République, des députés, conseillers municipaux, régionaux ou généraux, des représentants au Parlement européen ou aux différentes consultations par voie de référendum sans motif reconnu trois fois dans un délai de cinq ans est radié des listes électorales pour une période de cinq années.»
Article 2
Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé
«Sur cette même table, le maire met à la disposition des électeurs des bulletins blancs de format identique aux bulletins des candidats pendant toute la durée du scrutin.»
Article 3
L'article L. 65 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«Les bulletins blancs sont décomptés distinctement et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés.»
Article 4
Le début de l'article L. 66 du code électoral dudit code est ainsi rédigé :
«Les bulletins ne contenant pas de désignation suffisante...» (le reste sans changement).
Article 5
Dans l'article L. 69 du code précité, après les mots : «des enveloppes» sont insérés les mots : «et des bulletins blancs.».
Article 6
L'article L. 71 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«Les électeurs exercent librement leur droit de vote par procuration.»
Article 7
Les modalités d'application de la présente loi sont déterminées par un décret pris en Conseil d'Etat.

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N° 0486 - Proposition de loi  sur la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé (M. Dominique Paillé)


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