Version PDF
Retour vers le dossier législatif

No 613
ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2003.
_________________________________________________

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à compléter le Règlement de l'Assemblée nationale
et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jacques BARROT,
Jean-Marc AYRAULT, Hervé MORIN et Alain BOCQUET,
Députés.

[Assemblée nationale.]

_____________________________

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Au début de la présente session, j'ai pris l'initiative de proposer aux différents groupes politiques la création d'un groupe de travail informel sur le fonctionnement et l'organisation des travaux parlementaires. L'objectif poursuivi était d'engager une réflexion commune sur les mesures, de toute nature, qui pourraient être prises pour que le travail législatif soit accompli dans de meilleures conditions, pour que la fonction de contrôle inhérente, elle aussi, à l'institution parlementaire soit exercée de manière plus efficace et, plus généralement, pour que l'image de l'Assemblée nationale soit restaurée et son rôle central dans le fonctionnement dé la démocratie réaffirmé.
Ma proposition a reçu un accueil favorable de tous les groupes, de sorte que le groupe de travail, formé de deux représentants de chacun d'eux, a pu tenir une première réunion dès le mercredi 13 novembre 2002. D'emblée, il a été convenu que, compte tenu de la diversité des problèmes posés, la meilleure solution était que le groupe de travail ne s'assigne ni date butoir pour l'aboutissement de sa réflexion, ni limite a priori pour la détermination du champ de celle-ci, il a, au contraire, été jugé préférable que le groupe de travail procède par étapes, en ne craignant pas de rechercher, dans un premier temps, un accord sur des mesures concrètes, avant d'élargir sa réflexion jusqu'à envisager, le cas échéant, une refonte profonde des procédures qui régissent le travail parlementaire.
Ainsi s'est engagée une réflexion à laquelle M. le Président de la commission des lois a été naturellement associé. La présente proposition de résolution rassemble celles de mes suggestions de modification du Règlement qui ont reçu un accueil favorable des membres du groupe de travail ou, du moins, ne se sont pas heurtées à l'opposition formelle des uns ou des autres.
Conformément à l'orientation générale de la réflexion du groupe de travail, les huit articles de la proposition de résolution ont trait aussi bien à l'organisation générale des travaux de l'Assemblée qu'à la procédure législative et aux procédures de contrôle.

· Au titre de l'organisation générale des travaux de l'Assemblée, l'article 1er se propose d'insérer un nouvel alinéa à l'article 14 du Règlement, pour permettre au Bureau d'inviter des personnalités à s'adresser à l'Assemblée dans le cadre de ses séances constitutionnelles.
L'article 2 introduit deux modifications dans l'article 50 : la première consiste à rétablir la règle suivant laquelle une matinée par semaine serait réservée aux travaux des commissions, aucune séance ne se tenant alors, dans le but d'inciter les commissions à tenir moins de réunions les mardis et mercredis après-midi. Cette matinée serait celle du mercredi. La seconde modification tend à décaler l'horaire d'ouverture des séances du matin à 9 h 30, afin de favoriser la présence des députés et de donner plus de temps aux commissions pour leur réunions tenues en application de l'article 88 du Règlement.
L'article 3 propose, quant à lui, d'assouplir les dispositions relatives au scrutin public à la tribune, prévues à l'article 65. Dans les cas où le scrutin à la tribune est actuellement requis à titre obligatoire (majorité qualifiée exigée par la Constitution ; engagement de la responsabilité du Gouvernement), la Conférence des Présidents aurait désormais la possibilité de décider que le scrutin aurait lieu dans les salles voisines de la salle des séances, afin d'en faciliter le déroulement. Aucune modification n'est apportée au régime des scrutins secrets : l'option entre le scrutin à la tribune et le scrutin dans les salles voisines de la salle des séances est d'ores et déjà prévue, sauf pour le scrutin organisé pour l'élection du Président de l'Assemblée, qui a nécessairement lieu à la tribune et pour lequel il continuera d'être ainsi procédé.
· Au titre de la procédure législative, l'article 4 modifie l'article 91 du Règlement, afin d'y inscrire la limitation existant déjà dans la pratique, à la suite d'un accord en Conférence des Présidents, à quinze minutes du temps de parole pour la défense des motions dans le cadre des séances d'initiative parlementaire. Il supprimé aussi la possibilité de défendre une question préalable lors de ces séances ; le vote d'une question préalable - qui a pour objet de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer - semble en effet contraire à la philosophie qui a présidé à la création des séances d'initiative parlementaire.
Les articles 5 et 6 tirent les conséquences de ces modifications de l'article 91 du Règlement dans les articles 104 et 128 qui visent certains alinéas de cet article.
· Les deux derniers articles ont trait à l'exercice de la fonction de contrôle parlementaire. L'article 7 propose que lors de la constitution de chaque commission d'enquête, une « fonction exécutive », celle de Président ou de rapporteur de la commission, soit réservée à un membre d'un groupe auteur de la proposition de résolution à l'origine de la création de la commission. Le pluralisme des commissions d'enquête et donc l'efficacité de leurs investigations en seraient sensiblement accrus.
Quant à l'article 8, il tend à instaurer, pour la Conférence des Présidents, la possibilité de décider, à l'initiative du Président de l'Assemblée nationale, la création de missions d'information et d'évaluation, qui, du fait de cette procédure, revêtiraient une solennité particulière, proche de celle des commissions d'enquête, sans que leur fonctionnement soit encadré par des limites temporelles aussi strictes que celles qui s'imposent à ces commissions.

*
*  *

La présentation des articles de la présente proposition de résolution ne saurait toutefois donner une image exacte de l'état de la réflexion du groupe de travail et, par conséquent, des améliorations qui, si elles recueillent l'accord politique que l'on peut escompter, pourraient intervenir rapidement dans l'organisation des travaux de l'Assemblée : une autre de mes suggestions, qui ne suppose pas de modification du Règlement, a, en effet, recueilli d'ores et déjà un large assentiment.
Cette innovation, subordonnée à l'accord du Gouvernement, serait l'institution de « débats d'initiative parlementaire » qui viendraient s'ajouter aux séances mensuelles prévues à l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, habituellement consacrées à l'examen de propositions de loi. Au cours de chaque session, chacun des groupes, quel que soit son effectif, aurait la faculté d'obtenir l'organisation, sur un thème de son choix, d'un débat - sans vote - auquel le Gouvernement devrait participer. Ces débats pourraient avoir lieu le mardi matin, se substituant donc à un nombre limité de séances de questions orales sans débat.
L'adoption de la présente proposition de résolution et la mise en application rapide de l'innovation évoquée ci-dessus illustreraient le fait que l'Assemblée nationale tout entière partage mon souci et celui des membres du groupe de travail de rénover, voire de régénérer les méthodes du travail parlementaire. Mais comme on l'a déjà indiqué, elles ne constitueraient qu'une première étape sur le chemin de la refondation de l'organisation du travail législatif,
L'objectif général d'une telle refondation est clair et, sans doute, partagé par tous les députés : il s'agit, notamment en séance publique, de redonner au débat politique la primauté sur les discussions techniques qu'il n'aurait jamais dû perdre. Si les moyens d'atteindre cet objectif étaient définis, puis mis en _uvre, nous pourrions parvenir à en terminer avec les inconvénients actuels de la procédure législative. Si cette procédure garantit aujourd'hui la clarté des décisions de l'Assemblée et la libre expression de toutes les opinions, avantages qu'il faut veiller à conserver, elle n'en fait pas moins l'objet de critiques dont beaucoup sont justifiées : longueur excessive des débats, doublée d'un caractère trop technique qui est source de désintérêt et donc d'absentéisme, inadéquation entre l'organisation de la semaine parlementaire et le contenu du débat public qui aboutit couramment à ce que les décisions les plus importantes soient prises aux moments les moins favorables à la participation des députés alors même que les plus favorables ont été consacrés à des discussions générales vite oubliées, ou du moins sans portée politique réelle ; caractère répétitif, enfin, de l'examen des textes en commission, puis en séance publique, avec fréquemment l'énoncé par les mêmes participants des mêmes arguments conduisant aux mêmes décisions.
Mais, si en cette, matière, l'analyse des inconvénients de la situation actuelle et la formulation de l'objectif général qu'il conviendrait d'atteindre pour y remédier sont choses relativement aisées, la définition des moyens d'y parvenir l'est sensiblement moins. C'est à cette tâche que le groupe de travail va pourtant s'atteler maintenant en s'appuyant sur les propositions que je soumettrai et en tirant parti de la réflexion du Président de la commission des lois ainsi que de celle de tous ses membres.

*
*  *

Tel est le contexte dans lequel j'ai pris l'initiative du dépôt de la présente proposition de résolution. Au préalable, le texte en a été soumis par mes soins à MM. les Présidents des groupes, qui ont accepté d'en être cosignataires. Je tiens à les remercier très vivement de cette décision qui montre à quel point nous partageons tous le souci d'améliorer le fonctionnement de l'institution parlementaire.
C'est donc ensemble, Mesdames et Messieurs, que nous vous demandons d'adopter la proposition de résolution dont la teneur suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article 1er
Après le premier alinéa de l'article 14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Bureau déterminé les conditions dans lesquelles des personnalités peuvent être admises à s'adresser à l'Assemblée dans le cadre de ses séances. »
Article 2
L'article 50 est ainsi modifié :
I. - Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions. Sous réserve des dispositions de l'article 48, alinéa 1er, de la Constitution, au cours de cette matinée, aucune séance ne peut être tenue en application de l'alinéa précédent. »
II. - A la fin du troisième alinéa, les mots : « 9 heures » sont remplacés par les mots : « 9 heures 30 ».
Article 3
Après les mots : « l'article 65-1 », la fin du dernier alinéa de l'article 65 est ainsi rédigée :
« . Lorsque le scrutin a lieu en application du 3° ci-dessus, il peut être procédé à la tribune ou dans les salles voisines de la salle des séances, sur décision de la Conférence des Présidents. »
Article 4
I. - Après le quatrième alinéa de l'article 91, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A l'encontre d'un texte discuté dans le cadre d'une séance tenue en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il ne peut être mis en discussion et aux voix qu'une seule exception d'irrecevabilité. L'adoption de cette proposition entraîne le rejet du texte à l'encontre duquel elle a été soulevée. Dans la discussion, peuvent seuls intervenir l'un des signataires pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes sauf décision contraire de la Conférence des Présidents, le Gouvernement et le Président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Avant le vote, la parole est accordée, pour cinq minutes à un orateur de chaque groupe. »
II. - En conséquence, le sixième alinéa du même article est complété par la référence : «ou à l'alinéa 5 ».
Article 5
Dans le deuxième alinéa de l'article 104, la référence : « l'article 91, alinéas 4 et 6 » est remplacée par la référence : « l'article 91, alinéas 4 et 7 ».
Article 6
L'article 128 est ainsi modifié :
I. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa, la référence : « l'article 91, alinéa 4 » est remplacée par la référence : « l'article 91, alinéas 4 ou 5 ».
II. - A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa, la référence : « l'article 91, alinéa 7 » est remplacée par la référence : « l'article 91, alinéa 8 ».
Article 7
Après l'article 140, il est inséré un article 140-1 ainsi rédigé :
« Art. 140-1. - Le bureau des commissions d'enquête comprend un président, deux vice-présidents et deux secrétaires.
« La fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution du vote de laquelle résulte la création de la commission d'enquête ou, en cas de pluralité de propositions, de la première déposée, sauf si ce groupe fait connaître au Président de l'Assemblée sa décision de ne revendiquer aucune des deux fonctions.
« Les membres du bureau et, le cas échéant, le rapporteur sont désignés dans les conditions prévues à l'article 39, compte tenu des conséquences de l'application de l'alinéa précédent. »
Article 8
Après le chapitre IV du titre III, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« Missions d'information et d'évaluation de l'Assemblée
« Art. 144-1. - La Conférence des Présidents peut décider, sur proposition du Président de l'Assemblée, la création de missions d'information et d'évaluation.
« Les rapports des missions d'information et d'évaluation sont imprimés et distribués. Ils peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance publique. »

__________________________________________________________________________________________________

N° 0613 - Proposition de résolution modifiant les articles 14,50,65,91,104 et 128 du Règlement de l'Assemblée nationale  (M. Jean-Louis Debré)


© Assemblée nationale