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No 806

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 avril 2003.

PROPOSITION DE LOI

réformant le titre IV de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualité du système de santé.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Olivier JARDÉ, René ANDRÉ, Gilles ARTIGUES, Bertho AUDIFAX, Pierre-Christophe BAGUET, Jean-Claude BEAULIEU, Jean-Michel BERTRAND, JérÔme BIGNON, Christan BLANC, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Édouard COURTIAL, Alain COUSIN, Olivier DASSAULT, Lucien DEGAUCHY, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Philippe FOLLIOT, Mme Cécile GALLEZ, MM. Daniel GARD, Jean-Jacques GAULTIER, Alain GEST, Gérard HAMEL, JoËl HART, Michel HEINRICH, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Édouard JACQUE, Christian JEANJEAN, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Jean-Christophe LAGARDE, Jacques LE GUEN, Jean LEMIÈRE, Maurice LEROY, Claude LETEURTRE, Mme GeneviÈve LEVY, MM. Christian MÉNARD, Hervé MORIN, Jean-Marc NESME, Nicolas PERRUCHOT, Jean-Luc PRÉEL, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Jacques REMILLER, Dominique RICHARD, Max ROUSTAN, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Mme HélÈne TANGUY, MM. André THIEN AH KOON, Rodolphe THOMAS, Léon VACHET, Christian VANNESTE, Jean-Sébastien VIALATTE et Gérard VIGNOBLE,

Députés.

Santé

EXPOSÉ DES MOTIFS

mesdames, messieurs,

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé énonce des principes qui, en apparence, sont louables : respect du malade et de sa famille, possibilité d'indemnisation des défaillances des actes médicaux.

L'étude de cette loi n'est pas néanmoins sans susciter certaines critiques, s'agissant spécialement du titre IV consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires, c'est-à-dire la réparation des dommages causés par l'aléa médical. L'objet de la présente proposition de loi est de clarifier certains articles de cette loi, mais aussi de modifier certains d'entre eux, afin de tenir compte des réalités médicales.

A l'heure où la judiciarisation de la société est en vogue, il faut rappeler que la médecine ne peut et ne sera jamais une science exacte.

Les articles 1er et 2 de cette proposition de loi visent à substituer les termes « incapacité fonctionnelle séquellaire » et « incapacité fonctionnelle totale temporaire » à ceux « d'incapacité permanente » et « d'incapacité temporaire de travail ». Cette nouvelle terminologie tend à refléter l'approche actuelle de ces notions dans la réparation du dommage corporel, ainsi qu'à faire disparaître la connotation pénale, et ambiguë, du sigle ITT, il est important de déterminer la part du dommage directement lié à l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale. Ce n'est pas l'ensemble du dommage qui doit être indemnisé, mais uniquement les conséquences de l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale.

L'article 3 vise à atténuer la redondance des termes « circonstances » et « causes », le mot « cause » pouvant être interprété d'une manière telle qu'il existe une présomption de responsabilité. Les articles 10 et 11 de la proposition de loi ont le même objectif. L'article 13 apporte également une précision importante.

L'article 4 veut définir de façon distincte les deux missions dévolues aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, qui n'ont pas, selon la mission choisie, le même rôle et les mêmes compétences.

L'article 5 vise à allonger la durée du délai mis en place afin que la commission rende son avis. Le délai de six mois choisi ne pouvant être respecté, compte tenu du délai nécessaire aux prises de décisions de la commission régionale, à l'envoi des missions aux experts, aux convocations des parties, à la rédaction du rapport d'expertise commun aux experts...

L'article 6 modifie l'article L. 1142-9 du code de la santé publique. Le dispositif actuellement prévu par la loi a pour conséquence que les autopsies ne pourront être réalisées qu'après des exhumations, compte tenu des délais de mise en œuvre, ou ne pas l'être du tout si le corps du défunt a été incinéré, pratique funéraire de plus en plus fréquente. On constate en pratique que les autopsies après exhumation ne permettent que très rarement de faire des constatations utiles, compte tenu des phénomènes de putréfaction.

Au contraire, l'autopsie faite avant inhumation permet, dans de nombreux cas, de déterminer les causes du décès et parfois de « corriger » un diagnostic ante mortem.

La nouvelle disposition permet de recourir de façon plus systématique aux autopsies.

Les articles 7, 8 et 9 visent à réformer le rôle de la commission nationale et de bien définir quels sont les experts visés par la loi. Un rapprochement est à effectuer avec la rubrique des experts spécialisés en matière de sécurité sociale. Le collège envisagé garantirait la compétence expertale en droit médical d'une part, et la compétence technique propre au domaine médical en cause, d'autre part. Une disposition supplémentaire doit être ajoutée afin de garantir l'indépendance des membres de ce collège. L'article 9 vise quant à lui à imposer la collégialité, qui est indispensable, compte tenu de la complexité et des aspects transdisciplinaires des expertises en responsabilité médicale. L'article 12 vise également à mieux déterminer le pouvoir des commissions régionales.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'article L. 1142-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

I. - Dans le premier alinéa du II, les mots : « incapacité permanente » sont remplacés par les mots : « incapacité fonctionnelle séquellaire ».

II. - Dans le premier alinéa les mots : « incapacité temporaire de travail » sont remplacés par les mots : « incapacité fonctionnelle totale temporaire ».

III. - Le deuxième alinéa du II est ainsi rédigé : « Une expertise est diligentée par un collège d'experts afin de déterminer la part du taux d'incapacité fonctionnelle séquellaire à la consolidation et la durée de l'incapacité fonctionnelle totale temporaire directement imputable à l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale en cause.

Article 2

Dans le l° de l'article L. 1142-1-1 du même code, les mots : « incapacité permanente supérieure à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article » sont remplacés par les mots : « incapacité fonctionnelle séquellaire égale ou supérieure à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, une durée d'incapacité fonctionnelle totale temporaire supérieure ou égale à celle fixée dans le décret ».

Article 3

Dans le premier alinéa de l'article 1142-4 du code de la santé publique, les mots : « les circonstances et les causes », sont remplacés par : « les circonstances de survenue du dommage et les causes envisageables, compte tenu de l'état des connaissances disponibles ».

Article 4

De l'article L. 1142-5 du code de la santé publique, les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La Commission peut siéger à deux titres :

« - en formation de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales lorsque le dossier qui lui est présenté, après avis du collège d'experts, entre dans le cadre défini à l'art. L. 1142-1-Il du code de la santé publique ;

« - en formation de conciliation extrajudiciaire dans tous les autres cas. Si les parties viennent à se concilier, les experts en informent la commission. Les parties peuvent demander au juge de la juridiction compétente de donner force exécutoire à l'acte d'accord. A défaut de conciliation constatée par le collège d'experts, la commission peut inciter les parties à recourir à un mode de règlement des conflits extrajudiciaires et institutionnalisé tel que l'arbitrage médical ou la médiation médicale.

« Les conditions d'application de cet article sont déterminées par décret. »

Article 5

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 1142-8, les mots : « dans un délai de six mois à compter de sa saisine » sont remplacés par les mots : « dans un délai de neuf mois à compter de sa saisine, sauf prorogation du délai expertal sur demande motivée du collège d'experts, sans excéder un délai total de douze mois pour que la commission rende son avis ».

Article 6

L'article L. 1142-9 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-9. - Avant d'émettre l'avis prévu à l'article
L. 1142-8, la commission régionale diligente une expertise collégiale dans les conditions prévues à l'article L. 1142-12.

« Lorsqu'un décès survient dans des conditions qui font envisager la possibilité d'une imputabilité à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, le médecin qui constate le décès signale sur le certificat de décès l'existence d'un obstacle médico-légal à l'inhumation et en informe sans délai un officier de police judiciaire ou le procureur de la République afin qu'une autopsie soit réalisée dans les conditions prévues à l'article 74 du code de procédure pénale. Le rapport d'autopsie est tenu à la disposition de la commission régionale en tant que de besoin par le procureur.

« Si l'autopsie n'a pas été réalisée au moment du décès, la commission peut demander à ce qu'elle soit réalisée, dans les conditions prévues à l'article 74 du code de procédure pénale.

« Chaque partie concernée reçoit copie des demandes de documents formulées par la commission régionale et de tous les documents communiqués à cette dernière.

« Le rapport d'expertise est joint à l'avis transmis dans les conditions prévues à l'article L. 1142-8. »

Article 7

L'article L. 1142-10 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-10. - Une commission nationale des accidents médicaux, placée auprès des ministres chargés de la Justice et de la Santé, composée de professionnels de santé, de représentants d'usagers et de personnes qualifiées et dont le président est désigné par le ministre de la Justice et le ministre de la Santé, est chargée d'établir des recommandations sur la conduite des expertises, de veiller à une application homogène du présent chapitre par les commissions régionales instituées à l'article L. 1142-5 et d'évaluer l'ensemble du dispositif dans le cadre d'un rapport remis chaque année avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement. La composition et les règles de fonctionnement de la commission nationale des accidents médicaux sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Article 8

L'article L. 1142-11 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-11. - Le collège d'experts mentionné à l'article L. 1142-9 du code de la santé publique est choisi sur la liste nationale des experts en accidents médicaux établie par la Commission nationale des accidents médicaux mentionnée à l'article L. 1142-10 du code de la santé publique. L'un des membres du collège d'experts doit être un spécialiste de la pathologie principale en cause.

« La Commission nationale des accidents médicaux établit la liste nationale des experts en accidents médicaux à partir des listes d'experts médecins dressées en application de la loi n° 00-0000 du 00 juin 2003 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle et conformément au décret du 00 juin 2003 relatif aux experts judiciaires.

« Pour être inscrit sur la liste nationale des experts en accidents médicaux prévue aux deux alinéas précédents, l'expert doit justifier de l'un des titres ou diplômes dont la liste est fixée par décret et s'engager à n'effectuer aucune mission unilatérale de conseil ou d'expertise pour le compte de personnes privées en matière d'accident médical ou de responsabilité mettant en cause un professionnel de santé, un établissement de santé, un service de santé ou un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ou un producteur de produits de santé mentionné à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique.

« Un expert inscrit sur la liste nationale des experts en accidents médicaux peut être désigné comme arbitre ou comme médiateur dans le cadre des missions définies à l'article L. 1114-5, alinéa 3 du code de la santé publique.

« La Commission nationale des accidents médicaux peut, de sa propre initiative, sur demande ou après avis d'une commission régionale de conciliation et d'indemnisation, engager une poursuite disciplinaire contre un expert de la liste nationale des accidents médicaux en cas de manquement contraire à l'honneur ou à la probité, conformément aux règles établies par la loi n° 00-0000 du 00 juin 2003 visée à l'alinéa 2 du présent article. Cette sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'après que l'intéressé, qui peut se faire assister par un avocat, a été appelé à formuler des observations. La radiation d'un expert d'une des listes instituées par la loi n° du 2003 précitée entraîne de plein droit sa radiation de la liste nationale des experts en accidents médicaux.

« Un expert peut également être radié s'il n'est plus en mesure d'exercer normalement ses activités ou à sa demande. »

Article 9

L'article L. 1142-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

I. - La dernière phrase du premier alinéa est supprimée.

II. - le deuxième alinéa est supprimé.

III. - Dans le troisième alinéa, mes mots : « ou de l'expert » et « Lorsque l'expertise est collégiale » sont supprimés.

IV. - Dans les cinquième, sixième et septième alinéa, les mots : « ou l'expert » sont supprimés.

Article 10

L'article L. 1142-14 du code de la santé publique est ainsi modifié :

I. - Dans le premier alinéa, le mot : « engage » est remplacé par les mots : « pourrait être de nature à engager ».

II. - Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : « considérée comme responsable par la commission » sont remplacés par les mots : « susceptible d'être considérée comme responsable ».

Article 11

L'article 1142-17 du code de la santé publique est ainsi modifié

I. - Dans le dernier alinéa, les mots : « est engagée » sont remplacés par les mots : « est susceptible d'être engagée ».

II. - A la fin du même alinéa, après les mots : « contre celui-ci », sont insérés les mots : « sauf dérogation prévue à l'article 1-XI de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale ».

Article 12

Dans l'article L. 1142-18 du code de la santé publique, les mots : « elle détermine » sont remplacés par les mots : « elle peut émettre un avis sur ».

Article 13

Dans l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, les mots : « à compter de la consolidation du dommage » sont remplacés par les mots : « à compter de la découverte du dommage ».

 

N° 0806 - Proposition de loi relative aux droits des malades et la qualité du système de santé - loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (M. Olivier Jardé)


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