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mis en distribution

le 14 octobre 2004

N° 1862

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de règlement du Conseil portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote turque (E 2643),

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d'une commission

spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

en application de l'article 151-1 du Règlement,

PAR MM. HERVÉ MORIN ET FRANÇOIS BAYROU

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission a présenté, le 9 juillet 2004, une proposition de règlement du Conseil portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote turque.

Cette question est étroitement liée à celle de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, puisque la Turquie occupe militairement une partie de Chypre depuis 1975 et qu'elle rend passible, dans son nouveau Code pénal, de dix ans de prison toute évocation de l'évacuation de l'île par l'armée turque.

Le 17 décembre prochain, les chefs d'Etat des vingt-cinq pays de l'Union européenne prendront la décision la plus importante pour l'avenir de l'Union, et donc de la France, en décidant ou non d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Turquie.

Il s'agit d'une décision historique pour l'avenir de l'Europe dans les cinquante ans qui viennent : il s'agit de notre destin. L'adhésion de la Turquie bouleverserait radicalement le projet européen ; la nature de l'Europe en serait changée. L'Europe n'a pas vocation à s'élargir indéfiniment et, qui plus est, à des pays non européens : la maison commune de l'Europe ne peut pas s'étendre à l'infini, sauf à perdre toute signification.

Une Europe en voie d'extension indéfinie serait une Europe en voie de dissolution. Elargie demain à la Turquie, après-demain à la Russie, à l'Ukraine, au Maghreb, elle se réduirait définitivement à une zone de libre-échange, avec simple harmonisation du droit.

Pour que puisse naître une véritable Europe politique, qui défende un modèle de société original, qui porte haut et fort nos valeurs, qui existe enfin dans le monde et soit capable de parler d'égal à égal avec les Etats-Unis et la Chine, cette Europe doit fixer ses frontières.

L'adhésion de la Turquie n'est pas une question de modalités, mais une question de principe. Il ne s'agit pas seulement de savoir si la Turquie réalise les réformes démocratiques lui permettant d'entrer dans l'Union européenne.

Ce n'est pas une question turque qui est ici posée, mais une question européenne. L'adhésion de la Turquie pose aux Européens la question de la nature de l'Europe - quelle Europe voulons-nous ? Les Européens ont beaucoup à bâtir avec les Turcs, mais nous pourrons le faire comme des partenaires, en établissant entre nous une relation privilégiée, qu'elle soit économique ou politique.

Il y a moins de cinq mois, l'Union européenne vient de s'élargir à dix nouveaux pays. Cet élargissement était une nécessité morale et historique, puisqu'il signifiait la réunification de l'Europe. Demain, d'autres pays nous rejoindront, comme la Bulgarie ou la Croatie. Cette nouvelle Europe à vingt-cinq, à vingt-sept, a besoin d'avoir le temps de vivre. Plusieurs chantiers urgents nous attendent encore : renforcer les institutions de l'Europe, lui donner la consistance et l'existence politique qui lui manquent encore, associer les citoyens européens aux prises de décision...

Le respect de la démocratie nous impose d'ailleurs de prendre en compte l'avis de nos concitoyens. La totalité des sondages l'ont montré, une très nette majorité des Français sont opposés à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ; plus d'un sur deux considère même que cette question comptera dans son vote lors du référendum sur la Constitution européenne.

Enfin, cette proposition de résolution fournit au Parlement la possibilité de voter sur la question de l'adhésion de la Turquie. La transparence l'impose, cette règle élémentaire de la démocratie selon laquelle un débat devant le pays et une consultation des citoyens par leurs représentants doivent précéder toute décision importante. Les parlementaires, dont la légitimité vient du suffrage des électeurs, ont leur mot à dire sur toutes les questions importantes pour le pays ; s'ils ont été élus, c'est bien pour se prononcer. Comment accepter que le peuple français, par l'intermédiaire de ses représentants, n'ait pas son mot à dire sur une question aussi essentielle ?

La question de l'adhésion de la Turquie est un sujet grave. Elle met en jeu la nature même de l'Europe, mais aussi le respect de la démocratie en France et la place du Parlement dans nos institutions.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de règlement du Conseil E 2643 portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote turque (COM (2004) 465 final)

Considérant que l'adhésion de la Turquie bouleverserait radicalement le projet européen et signifierait l'abandon du projet des Pères fondateurs de l'Europe, c'est-à-dire la construction d'une Europe politique et non d'une simple zone de libre-échange ;

Considérant que l'adhésion de la Turquie constitue une décision historique pour l'avenir de l'Europe dans les cinquante ans qui viennent, donc pour l'avenir de la France ;

Considérant que l'adhésion de la Turquie est incompatible avec la construction d'une Europe unitaire, qui soit une puissance politique, capable de défendre des valeurs et un modèle de société, capable de parler d'égal à égal avec les Etats-Unis ou la Chine ;

Considérant que l'Europe n'a pas vocation à s'élargir indéfiniment et, a fortiori, à des pays non européens ;

Considérant que la Turquie ne garantit pas le respect des droits de l'homme, en particulier vis-à-vis de la minorité kurde, et persiste à refuser de reconnaître le génocide arménien ;

Considérant que la majorité des Français est opposée à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ;

Considérant que l'unanimité est requise pour toute décision au Conseil européen, et donc qu'aucune décision ne peut se prendre sans l'accord de la France ;

Demande au gouvernement :

Que lors du Conseil européen du 17 décembre 2004 la France exige que les négociations avec la Turquie préservent la possibilité de conclure un accord de partenariat privilégié avec elle au lieu de la seule adhésion à l'Union européenne.

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N° 1862 - Proposition de résolution sur la proposition de règlement du Conseil portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement éconoomique de la communauté chypriote turque (MM. Hervé Morin et François Bayrou)


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