Version PDF
Retour vers le dossier législatif

 

N° 1871

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2004.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
visant à analyser le niveau et le mode de formation
des
marges et des prix dans le secteur
de la
grande distribution, et les conséquences
de l'évolution des prix sur le
pouvoir d'achat des ménages,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Henri EMMANUELLI, François BROTTES, Mme Marylise LEBRANCHU,

MM. Michel VERGNIER, Jean GAUBERT, Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Augustin BONREPAUX, Didier MIGAUD, Eric BESSON, Pascal TERRASSE, Jean-Paul BACQUET

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis leur arrivée au pouvoir en juin 2002, le gouvernement et sa majorité refusent de soutenir le pouvoir d'achat de la très grande majorité des ménages. Il préfère une politique de cadeaux fiscaux très ciblés au profit des quelques ménages les plus aisés. Par ailleurs, il s'obstine à ne pas rétablir le mécanisme de TIPP flottante et ne concède que quelques euros par mois en moyenne aux bénéficiaires de la prime pour l'emploi.

Conséquence directe de ce choix, le pouvoir d'achat des ménages n'a pas progressé au cours des deux dernières années. Son évolution a ainsi été ramenée à + 2,3 % en 2002 à seulement + 0,3 % en 2003, alors qu'elle avait oscillé entre 2,8 % et 3 % entre 1998 et 2001. Les chiffres prévisionnels avancés aujourd'hui par le gouvernement de 2,5 % de hausse en 2004 et 2005 ne paraissent pas justifiés.

Face à cette situation et ses conséquences néfastes pour la situation des ménages, notamment les plus modestes, le gouvernement a porté le débat sur la question de la formation et de l'évolution des prix. Ce débat pose deux questions qui doivent être traitées de concert.

La première question, à laquelle le gouvernement, pressé par les nombreuses critiques émises notamment par les associations de consommateurs, a choisi de s'atteler, est celle des prix pratiqués par la grande distribution. Les associations pointent notamment des prix entre 5 et 13 % plus chers en France qu'en Europe, et une hausse des prix de référence dans le secteur pouvant atteindre le double de celle de l'inflation officielle.

La réponse proposée par le gouvernement se limite au simple affichage d'une mesure spectaculaire de court terme. L'accord signé par le Ministre de l'économie et des finances le 17 juin 2004 vise à une baisse moyenne de 2 % des prix des produits des « marques des grands distributeurs ». Il souligne sans doute la réalité d'une politique de marges insatisfaisante dans la grande distribution, mais sans en donner la mesure exacte, et surtout sans s'attaquer à ses causes.

A cet égard, il est essentiel, pour juger de la portée réelle de l'accord signé, mais également à plus long terme pour assurer une régulation éclairée du secteur de la grande distribution, de disposer d'une connaissance précise des taux de marge réellement pratiqués par celui-ci, les chiffres évoqués pouvant atteindre 25 %. Un tel chiffre remettrait largement en cause la réalité de l'effort de 2 % consenti dans le cadre d'un accord, et même l'objectif de 5 % proposé initialement par le Ministre.

Surtout, il est indispensable de s'interroger sur les causes qui ont conduit à une situation dans laquelle la grande distribution peut se trouver sommée par un gouvernement de baisser les prix qu'elle pratique. Une analyse précise de la façon dont peuvent se constituer des marges qui sont jugées excessives et un effort pour remédier à ces dysfonctionnements sont indispensables.

Cette analyse ne peut notamment être menée sans prendre en considération l'ensemble des relations entre producteurs et distributeurs, et la formation des prix d'achat qui reste largement opaque pour de nombreuses filières.

Faute d'une telle analyse, planerait sur le secteur la menace d'un éventuel « coup politique » à chaque rentrée scolaire. Cette pratique pourrait de plus avoir des conséquences néfastes à terme. La nécessité de trouver un accord avec les représentants du secteur donne paradoxalement un poids particulier à certaines de leurs exigences en matière de remise en cause des règles d'agrandissement des surfaces de vente ou de suppression de l'interdiction de vente à perte.

Sous prétexte d'une mesure spectaculaire dont les effets sont de plus en plus incertains, il est donc à craindre que des réglementations déjà détournées ne soient encore remises en cause. Les causes profondes de la dérive ne seraient jamais traitées et pourraient même se trouver renforcées. Les règles d'installation et d'agrandissement des grandes surfaces ont des conséquences directes sur la concurrence dans le secteur, de même que la pratique des marges arrière - qui atteindraient 30 à 60 % - privent insidieusement les consommateurs de baisses des prix et place nombre de fournisseurs ne disposant pas d'un pouvoir de négociation important dans des situations économiques de plus en plus précaires.

La seconde question, à laquelle le gouvernement refuse de s'affronter directement alors qu'elle englobe largement la première, est celle de l'évolution réelle des prix à la consommation. En effet, les achats en grande distribution représentent une part des dépenses de consommation des ménages certes importante mais non exclusive (la part de marché de la grande distribution en ce qui concerne l'alimentaire serait de 65 %, mais de moins de 20 % pour le commerce de détail non alimentaire).

Il apparaît que depuis 2001, les ménages percevraient une inflation supérieure d'au moins 1 point à celle calculée par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE). Sur la période précédente, l'écart moyen était de 0,4 point. Des chiffres émanant du secteur de la grande distribution ont été jusqu'à pointer une hausse des prix estimée de 8,8 % entre juin 2002 et juin 2003, alors que les estimations de l'INSEE indiquaient 2 %.

Jusqu'à présent, aucune explication satisfaisante et définitive de cet écart n'a pu être fournie. Si certaines études insistent sur le fait que les ménages seraient influencés dans leur appréciation par une attention spécifique portée à un nombre restreint de postes de consommation qui ne recouvre pas la totalité de l'indice des prix, d'autres rappellent la faiblesse des outils permettant la prise en compte à sa juste mesure de l'effet des augmentations de prix invisibles dues aux techniques d'emballage, aux modifications portant sur le poids ou l'appellation, ou encore insistent sur la difficulté de traitement statistique des évolutions de la qualité des produits et sur le biais représenté par l'exclusion d'un certain nombre de postes de dépenses pourtant fondamentaux tels les loyers.

Dès lors, la question de la pertinence des instruments statistiques ne peut être laissée sans réponse. D'une part car le décalage important entre inflation mesurée et inflation perçue a, en soi, des effets importants sur le comportement de consommation des ménages, et donc sur la croissance économique.

D'autre part car à l'heure où le gouvernement multiplie les règles d'indexation automatique des prestations sociales - en matière d'évolution des retraites notamment - la nécessité de lever tout doute sur la qualité de cet indice devient impérieuse.

Pour ces raisons, il est proposé de créer une commission d'enquête destinée à éclairer les Françaises et les Français sur la formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution et l'évolution des prix à la consommation.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé en application des articles 140 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres visant à analyser le niveau et le mode de formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, la qualité de l'information dont dispose le consommateur, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118788-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

--------------

N° 1871 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages (M. Henri Emmanuelli)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit,
MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


© Assemblée nationale