Version PDF
Retour vers le dossier législatif

 

N° 2650

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 novembre 2005.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un mécanisme de plan épargne-retour
pour les
étrangers titulaires d'un titre de séjour
désirant
rentrer dans leur pays d'origine
pour y
créer une activité,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jacques MYARD

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les migrations internationales sont l'un des enjeux majeurs de notre époque, affectant les relations internationales, l'économie mondiale, et les sociétés des pays développés. Elles sont fortement marquées par le déséquilibre nord-sud - déséquilibre démographique et économique - qui entretient une pression migratoire des pays du Sud vers les pays développés.

La mondialisation accentue cette pression, grâce au développement des moyens de communication, et du fait de l'explosion démographique dans de nombreux pays du Sud. Or les économies des pays développés, notamment celle de la France, sont marquées par un fort taux de chômage qui rend difficile l'intégration des populations étrangères par le travail, alors que le régime social rend la France attractive par rapport au niveau de vie des pays en voie de développement.

C'est pourquoi, en l'absence d'une véritable coopération Nord-Sud, la politique actuelle d'immigration des pays développés constitue une menace à moyen terme pour la régulation des flux de populations au niveau mondial. Aussi est-il indispensable de concevoir cette politique dans la globalité de ses enjeux, et de coupler la politique des migrations avec celle de l'aide au développement.

La présente proposition de loi a donc pour objet d'instituer une aide publique à la création d'entreprise dans les pays en voie de développement, destinée aux étrangers qui souhaitent rentrer dans leur pays d'origine avec un projet de création d'entreprise.

En effet, nombre d'étrangers résidant en France ont gardé de fortes attaches personnelles, identitaires, familiales avec leur pays d'origine, et conçoivent l'émigration avant tout comme une nécessité économique. Ils envisageraient volontiers un retour dans leur pays d'origine à condition de pouvoir y mettre en œuvre un projet professionnel viable au regard du niveau de vie auquel ils sont habitués en France.

Cette politique d'aide au retour, notamment pour les travailleurs étrangers privés d'emploi, a été initiée dès 1984, à l'époque où de nombreux emplois industriels occupés par des étrangers ont été supprimés à la suite des chocs pétroliers et du chômage de masse. Le décret du 27 avril 1984 créant une aide publique à la réinsertion de certains travailleurs, modifié par le décret du 16 octobre 1987 toujours en vigueur aujourd'hui, permet ainsi aux étrangers privés d'emploi de bénéficier d'une aide pour financer leur déménagement dans leur pays d'origine accompagnée d'un pécule pour leur installation.

Or aujourd'hui, ce dispositif ne fonctionne que de façon très marginale du fait de la très faible demande. Quelques dossiers seulement sont examinés chaque année par l'OMI, ce qui rend ce dispositif totalement inutile au regard des enjeux. En outre, ce dispositif est réservé aux chômeurs, et exclut tous les étrangers qui peuvent prétendre à une carte de séjour de plein droit pour les motifs prévus à l'article 12 bis de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, c'est-à-dire tous les étrangers mariés à un ressortissant français ou à un étranger titulaire d'une carte de résident, et tous les parents d'enfants mineurs nés en France.

L'échec de cette politique est dû surtout à l'absence de projet professionnel viable dans un pays sous développé par rapport au modeste capital proposé au candidat, comparativement au niveau de vie des chômeurs en France. Le caractère incitatif de cette mesure est très faible au regard des contraintes et des risques pour l'étranger qui renonce définitivement à toute possibilité de retour en France après en avoir bénéficié.

Cette aide au retour était financée principalement par le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles, qui a été transformé en fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (article L. 767-2 du code de la sécurité sociale), avec pour principale mission le versement de subventions aux associations de lutte contre le racisme. Autrement dit, les pouvoirs publics ont eux-mêmes renoncé à envisager un retour volontaire des étrangers dans leur pays d'origine pour privilégier la politique d'intégration, souvent illusoire.

C'est pourquoi il convient de donner un nouvel élan à cette politique d'aide au retour, en l'associant à une politique d'aide au développement au niveau microéconomique. Ce développement micro-économique pourrait concerner soit la création d'une activité économique dans le pays d'origine, soit la construction d'une habitation en cas de retour définitif.

Le dispositif proposé doit être suffisamment simple pour être attractif et efficace : tout étranger en situation régulière, hormis les ressortissants d'un pays membre de l'Union européenne peut ouvrir dans la banque de son choix un Plan Epargne Retour sur lequel il s'engage à verser une somme annuelle minimale à fixer par décret selon le niveau de ses ressources. Ces sommes sont bloquées pendant une durée minimale et rapporte un intérêt dans les mêmes conditions que le Plan Epargne Logement. Au bout de 5 ans, le titulaire peut retirer son capital pour financer un projet dans son pays d'origine.

Il le présente à l'Agence Française de Développement qui est chargée de conseiller et d'encourager le titulaire du Plan Epargne Retour dans la réalisation de son projet. L'Agence double le capital épargné au moyen d'un prélèvement sur les crédits de l'aide à la coopération.

Dans le dispositif proposé, les candidats au retour pourraient obtenir le financement d'une part conséquente du capital d'une entreprise qu'ils souhaiteraient créer dans leur pays d'origine. La création d'une entreprise viable dans leur pays d'origine, en coopération avec les autorités de ce pays, leur offrirait la perspective d'une intégration sociale réussie dans leur pays, en participant à son développement économique, et, notamment, avec la perspective d'y créer des emplois.

En cas de réussite, cette politique permettrait d'offrir aux immigrés un retour dans leur pays d'origine « par la grande porte », en faisant bénéficier ces pays de l'expérience acquise en France, et avec de surcroît la possibilité de créer dans les pays en voie de développement des emplois.

Cette politique implique néanmoins un renforcement de la coopération entre la France et les pays destinataires, afin que tout soit mis en œuvre sur place pour faciliter les démarches des candidats dans le cadre d'une politique globale.

Il est nécessaire, enfin, de prendre en compte la dimension psychologique du retour. La logique voudrait que la mise en œuvre du plan épargne retour oblige l'étranger à rendre définitivement sa carte de séjour. Un tel couperet serait un repoussoir pour le plan épargne retour. C'est pourquoi il est proposé que lorsque l'étranger met en œuvre son plan épargne retour, il rende sa carte de séjour pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs, mais obtienne en contrepartie un visa spécifique qui lui permette de faire des allers-retours. Dans ces conditions, le retour est effectif tout en permettant des voyages allers-retours. L'étranger relève d'un autre statut que celui de la carte de séjour.

Telles sont les raisons de cette proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Tout étranger hors Union européenne et titulaire d'une carte de séjour peut ouvrir dans un organisme bancaire de son choix un plan épargne-retour rémunéré dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la coopération.

Au bout d'un délai minimum de cinq ans, le titulaire du compte peut mobiliser les sommes épargnées afin de réaliser dans son pays d'origine soit une activité soit une habitation pour lui-même.

Article 2

L'Agence française de développement procède à l'examen des projets d'activité ou de construction présentés par les titulaires d'un plan épargne-retour venu à échéance.

Elle peut alors apporter une aide en capital ou en bonification d'intérêts proportionnée à l'intérêt économique du projet présenté.

A ce titre, l'Agence française de développement prend en compte aussi le renforcement des liens économiques entre la France et le pays considéré.

Article 3

Le titulaire d'un plan épargne-retour qui crée une activité dans son pays d'origine obtient un visa spécifique en échange de sa carte de séjour qui lui permet d'effectuer des allers-retours entre la France et son pays.

Article 4

Les modalités d'application font l'objet d'un décret en Conseil d'Etat.

Article 5

L'augmentation de charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat des dispositions de la présente loi est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119511-1
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

-----------

N° 2650 - Proposition de loi de M. Jacques Myard visant à créer un mécanisme de plan épargne-retour pour les étrangers titulaires d'un titre de séjour désirant rentrer dans leur pays d'origine pour y créer une activité


© Assemblée nationale
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.