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N° 3237

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
visant à
faire la lumière sur la chaîne de décision
ayant abouti à la réintroduction en 2006
de quatre ours dans les Pyrénées

et à
évaluer le coût et l’efficacité des dispositifs
engagés
par les pouvoirs publics et les associations
de protection de la nature en faveur de l’ours
depuis quarante ans,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean LASSALLE

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En janvier 2005, deux mois seulement après la mort accidentelle de l’ourse Cannelle dans le Haut-Béarn, le gouvernement français par la voix du Ministre de l’Écologie et du Développement durable, M. Serge Lepeltier, annonçait un plan visant à doubler la population d’ours dans les Pyrénées.

Cette annonce unilatérale, non préparée et au mépris des travaux en cours des élus et acteurs Pyrénéens, est venue ruiner près de 15 années de concertation, de travail de fond, de conscientisation qui ont amené par deux fois, en 1996 et en 2004, une assemblée d’élus de terrain et de professionnels en responsabilité, et notamment des bergers qui cohabitent quotidiennement avec l’ours à décider. Décider ensemble de sauver la population d’ours autochtone par l’arrivée de deux femelles.

Face à la levée de boucliers au niveau local et au rejet total du plan ours de M. Lepeltier, le nouveau Ministre de l’Écologie, Mme Nelly Olin, a élaboré durant l’année 2005, un nouveau plan de réintroduction intitulé : « Plan de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées françaises 2006 - 2009 ». Ce document de 300 pages a été diffusé très largement sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées fin mars 2006, soit quelques semaines avant les premiers lâchers d’ours slovènes intervenus les 25 et 28 avril 2006 sous escorte de plus de 300 gendarmes et militaires.

Ces documents réalisés par le Ministère de l’Écologie parlent de transparence et de concertation. Mais qu’en est-il vraiment ? Les réunions de concertation menées dans les vallées et les départements ont été presque toujours des manifestations d’opposition mouvementées, quand elles n’ont pas été boycottées. Un autre mode de concertation est présenté en exemple : l’utilisation d’Internet, alors que bon nombre de foyers des vallées pyrénéennes n’y ont pas accès ou ne l’utilisent guère.

Les incidents qui ont suivi les lâchers de quatre ours slovènes sur les communes d’Arbas, de Burgalays, de Bagnères-de-Bigorre et les méthodes exceptionnelles employées par les pouvoirs publics n’ont fait que confirmer le rejet des populations pyrénéennes face à ce qu’on peut qualifier de viol de leur territoire. Ces événements ont aussi révélé la situation de toutes ces vallées de montagne qui sont à l’agonie et se sentent littéralement abandonnées, exclues par le reste de la société, sacrifiées sans considération sur l’autel d’une certaine idée de la protection de la nature, tandis que de grands groupes, pétroliers par exemple, peuvent eux continuer à polluer à tout va en toute bonne conscience. Plus grave encore, la gestion par les pouvoirs publics des ours réintroduits a montré de sévères défaillances comme par exemple la perte temporaire de l’un des spécimens mâle qui a été repéré à quelques kilomètres de Toulouse au cours du mois de juin 2006. Le danger potentiel que représente un ours en liberté pour les populations et les responsabilités nouvelles qui incombent aux élus locaux dans ce dossier n’ont, semble-t-il, pas été des éléments d’appréciation suffisants face aux arguments de la biodiversité et de la soi-disant préservation de l’« identité pyrénéenne ».

Concernant l’avenir des Pyrénées, l’enjeu eut été de redonner confiance aux habitants de ces vallées de montagnes, qui les aiment au point d’avoir choisi d’y vivre, en les replaçant au cœur d’un nouveau projet pour leur territoire. Ceci aurait pu être fait avec la mise au point d’un programme de développement durable et équitable de leur territoire. Programme qui aurait été élaboré ensemble par les montagnards, l’État et les pouvoirs publics, qui en auraient facilité la réalisation. À l’instar de ce qui fut fait par l’État pour le Haut-Béarn à l’automne 1993 et qui a donné naissance à la Charte de Développement Durable des Vallées Béarnaises et de Protection de l’Ours et à l’Institution Patrimoniale du Haut-Béarn pour la faire vivre.

Face à cette situation d’échec des politiques unilatérales et étatiques de réintroduction, il apparaît clairement indispensable de procéder au recensement précis de toutes ces actions, de leurs résultats, de leurs coûts et de préciser concrètement l’origine et les montants financiers utilisés à cette fin, ainsi que d’évaluer les politiques en faveur de l’ours depuis 40 ans sur le territoire national et leurs apports aux plans humain, des métiers de la montagne et de la vie dans les territoires.

Il est également proposé d’élargir ce bilan détaillé à toutes les organisations qui ont pour mission la sauvegarde de l’ours comme les associations WWF, GREENPEACE, ARTUS, qui a réalisé en 1996 et 1997, avec le Ministère de l’Environnement, la réintroduction des ours en Pyrénées Centrales, FERUS et ADET-Pays de l’Ours qui réalisent aujourd’hui, avec le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable, l’introduction des ours en Pyrénées, et l’ensemble des associations bénéficiant des aides du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable dans le domaine de l’ours.

Il est enfin proposé de faire toute la lumière sur la chaîne de décision bien opaque mêlant associations de protection de la nature, grandes firmes polluantes, Ministère de l’Écologie et du Développement Durable, qui a conduit à la plus grave agression qu’ait subi le massif des Pyrénées depuis plusieurs siècles par l’État central. Il faudra s’attacher à élaborer des solutions pour sortir de cette situation dramatique dans laquelle l’État s’est engagé afin d’éviter que des hommes se sentant abandonnés de tous ne finissent en prison.

Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames, Messieurs, il vous est demandé de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres visant à faire toute la lumière sur la chaîne de décision ayant abouti à la réintroduction en 2006 de quatre ours dans les Pyrénées et à évaluer le coût et l’efficacité des dispositifs engagés par les pouvoirs publics et les associations de protection de la nature en faveur de l’ours depuis 40 ans.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121365-9
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3237 – Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à faire la lumière sur la chaîne de décisionayant abouti à la réintroduction en 2006de quatre ours dans les Pyrénéeset à évaluer le coût et l’efficacité des dispositifsengagés par les pouvoirs publics et les associationsde protection de la nature en faveur de l’oursdepuis quarante ans (M. Jean Lassalle)


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