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TOME SECOND

Volume 2

Voir le sommaire du second volume des auditions

AUDITIONS

6ème partie

Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la Commission.

- Table ronde regroupant M. Jacques SANS, Préfet des Landes, M. Patrick FÉRIN, Sous-préfet de Dax, Mme le Lieutenant Martine LABORDE, Responsable du centre de secours côte Sud des Landes, M. Hervé BOUYRIE, Président de l'Association des maires du littoral des Landes, Maire de Messanges et M. Jean-Jacques ANGLADE, Conseiller municipal délégué à la sécurité (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Capbreton) 5

- Table ronde regroupant M. Michel ROQUES, Président de l'office de tourisme de Capbreton, M. André FOUTEL, Président de la Fédération départementale de l'hôtellerie de plein air, M. Denis TERZIAN, Président de l'Association des commerçants de Capbreton et M. Stéphane WEINHOLD, Président-directeur général de Billabong (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Capbreton) 25

- Audition conjointe de M.  Roger PARENT, Préfet délégué pour la sécurité et la défense de la zone de défense Sud-ouest et du Colonel Yves COLIN, Chef du centre opérationnel zonal à l'Etat-major de zone Sud-ouest (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux) 37

- Table ronde des services de l'Etat de Gironde regroupant M. Rachid BOUABANE-SCHMITT, Directeur de cabinet du Préfet de la Gironde, Mme Isabelle ROYER, Directrice du SIRDPC de la Gironde, M. Jean-Louis LAVIGNE, Mme Martine PEJOUT, M. Dominique LECOURT, du SIRDPC de la Gironde, M. Frédéric DUPIN, Directeur départemental délégué de l'équipement (DDE), M. Christian GUILLAUME, Cellule défense de la DDE de Gironde, M. Pierre MORIN, Subdivision de La Teste, DDE de Gironde, Lieutenant-Colonel Bernard GARNIER, Adjoint de l'officier général de zone de défense, M. Jean-Paul DECELLIERES, Directeur du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Gironde, M. Hugues de CHALUP, Directeur départemental de l'action sanitaire et sociale (DDASS), M. Daniel LECLERC, Chef d'arrondissement, SMNG, M. François GOULET, Directeur Régional de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE), M. Michel MATHEUS, Chef de groupe de la subdivision de Gironde, DRIRE Aquitaine, Capitaine Luc LALANNE-AULET, Groupement de gendarmerie de la Gironde, M. Jérôme LAURENT, Directeur-adjoint de l'environnement en Aquitaine (DIREN), M. Jean-Bernard PRÉVOT, Directeur régional et départemental des Affaires maritimes (DRAM), Mme Natalie BEAU, Représentante du CEDRE en Gironde, M. Thierry ROGELET, Sous-préfet du bassin d'Arcachon, et M. Jean DEMATTEIS, Sous-préfet de Blaye (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Bordeaux) 52

- Table ronde regroupant M. Jean-François ACOT-MIRANDE, Maire de la Teste-de-Buch, M. Roland-Etienne BLAIS, Adjoint au maire de Soulac-sur-Mer, M. Jean-Michel DAVID, Maire de Lacanau, M. Alain DEYRES, Maire du Porge, M. Alain MARTINET, Maire du Verdon-sur-Mer, M. Michel SAMMARCELLI, Maire du Cap-Ferret, et Mme Michèle DUBOURG, Directrice générale des services administratifs de la Teste-de-BUCH (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux) 70

- Audition de M. Marc DRUART, Président du syndicat des ostréiculteurs du bassin d'Arcachon (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux) 81

- Audition de M. Christian FRÉMONT, Préfet de la zone de défense Sud-Ouest (Extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux) 91

Table ronde regroupant
M. Jacques SANS, Préfet des Landes,
M. Patrick FÉRIN, Sous-préfet de Dax,
Mme le Lieutenant Martine LABORDE, Responsable du centre de secours côte Sud des Landes,
M. Hervé BOUYRIE, Président de l'Association des maires du littoral des Landes, Maire de Messanges
et M. Jean-Jacques ANGLADE, Conseiller municipal délégué à la sécurité


(extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 -
Capbreton)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

MM. Sans, Férin, Bouyrie et Anglade ainsi que Mme Laborde sont introduits.

M. le Président leur rappelle les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête. A l'invitation du Président, MM. Sans, Férin, Bouyrie et Anglade ainsi que Mme Laborde prêtent serment.

M. Jacques SANS : Permettez-moi tout d'abord de citer quatre dates pour fixer les choses dans le temps.

La première, excusez-moi de vous l'infliger à nouveau, est le 13 novembre, date du naufrage du Prestige. Puis, le 9 décembre, le plan POLMAR-terre est déclenché dans les Landes. Les premières « boulettes » arrivent sur le littoral des Landes le 31 décembre. Enfin, le 18 avril, le premier marché public est exécuté, par la signature d'un bon de commande.

Ces quatre dates délimitent nettement pour moi trois périodes : une première période de préparation ; une deuxième de lutte, sous le régime des réquisitions ; et une troisième, que nous venons d'entamer, qui est celle du nettoyage sous le régime des marchés publics.

La période de préparation, pour nous, démarre dès le lendemain du naufrage, c'est-à-dire dès le 14 novembre. Elle est utilisée, de façon intense, à définir les principes de la lutte et à repérer quels seront nos opérateurs, quels seront nos fournisseurs d'équipements individuels, les entreprises de nettoyage et celles de transport et de traitement des déchets. C'est une période de concertation étroite avec les élus locaux, que nous avons rencontré à trois reprises dès la fin du mois de novembre jusqu'à la fin de l'année, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée des premières « boulettes ».

Plusieurs préoccupations apparaissent, articulée autour d'un seul objectif, commun et fort : être prêts à faire face à l'arrivée de la pollution. Une référence importante pour nous est l'exercice réalisé en octobre 2002 dans le Golfe de Gascogne, qui a été, hélas, une préfiguration sans doute utile à la préparation et la mise en place des moyens de lutte.

Sans hiérarchiser les préoccupations, la première que je citerai est la question des hommes : avec qui allons-nous lutter ? Se pose là la question du recours au bénévolat, qui a donné lieu à d'importants échanges avec les élus.

Deuxième préoccupation : où trouver le savoir-faire ? Nous disposions ici d'une référence, puisque le département des Landes procède au nettoyage régulier de ses côtes avec une entreprise de nettoyage, la Coven.

Troisième préoccupation : comment traiter les déchets et, en particulier, comment choisir les lieux de stockage temporaires dans le département ?

Quatrième préoccupation : quelle est la toxicité du produit ? Comment s'équiper et faire en sorte que l'Etat s'engage assez rapidement à mettre à disposition des collectivités un stock de matériels adaptés ?

La cinquième préoccupation est la communication. Nous nous sommes rapprochés du comité départemental du tourisme pour coordonner et trouver un langage juste et cohérent.

Sixième préoccupation : comment l'organisation du commandement doit-elle être mise en oeuvre ?

Dernière préoccupation importante, sous l'égide notamment de la DDE : le repérage et la protection des points sensibles. Il s'agit de détecter ce que l'on appelle les courants, c'est-à-dire les embouchures de petits fleuves côtiers par lesquels la pollution peut éventuellement pénétrer dans les terres et affecter les eaux intérieures.

Les principes de la ligne de commandement sont les suivants : un PC opérationnel a été installé à la préfecture de Mont-de-Marsan et trois PC avancés ont été constitués à Capbreton, à Moliets au milieu de la côte et à Biscarosse au nord, le SDIS étant désigné comme commandant des opérations de lutte. Je veux souligner le rôle important dévolu aux PCA, mais sans doute souhaiterez-vous y revenir. C'est en particulier le lieu de contact avec les élus.

Quant au déroulement de la lutte proprement dit, je veux tout d'abord relever, dans ce département, la bonne mobilisation de tous les acteurs, des élus et des personnels communaux, des services de l'Etat, ceux de la DDE naturellement, mais aussi de ceux qui ne sont pas départementaux, comme la DIREN, et, bien sûr, le SDIS, qui était engagé en première ligne dans les PC avancés et opérationnel.

Lors de la première phase du mois de janvier, nous avons assisté à de petits arrivages tout au long du mois. Le 31 décembre et le 1er janvier, nous avons utilisé des moyens locaux mobilisés autour de l'entreprise locale, la Coved, qui font face. Cette période d'intense effervescence et de coopération technique a été mise à profit pour rechercher des moyens ou adapter ceux que nous connaissions à travers l'expérience de l'Erika. On a développé et adapté ainsi des filets serpillières et d'autres moyens avec l'ONF et le CEDRE, qui est intervenu dans le courant du mois de janvier.

Un de mes soucis importants, qui est apparu dès cette époque, est la conduite des chantiers, qui relevait de la problématique des travaux publics, ce qui impliquait alors la DDE et, nous aurons la possibilité d'y revenir, aux capacités de réponse de ce service.

J'ai alors mis en place une cellule d'évaluation autour des représentants de la DDE pour coordonner à la fois les questions d'impact environnemental, mais aussi les questions de savoir-faire qui se sont développés au fur et à mesure, notamment pour le développement ou la mise au point des moyens de lutte et les questions de commandement des chantiers.

La deuxième phase de cette période est le mois de février, marqué par d'importantes arrivées de pollution. On change de dimension. Il faut bien voir que, du 2 au 4 février, les arrivages de pétrole ont été extrêmement importants. Cette période a constitué pour nous le cœur de la crise. Nous avons dû faire face à de grosses difficultés, qui ont été immédiatement repérées par les élus. Le préfet de zone est intervenu à Mimizan le 8 février et, à partir de ce moment, ont été mis en place des outils de sécurité civile, qui avaient déjà commencé à intervenir : ils nous ont apporté leur propre savoir-faire et leur capacité d'organisation des chantiers, que nous avons découverts à cette occasion. Je dois dire que ces unités de sécurité civile nous ont rendu des services très importants.

Au cœur de la crise, étaient mobilisées 350 personnes et une quarantaine de cribleuses ; soixante bennes de matières polluées ont été récoltées chaque jour.

9 000 tonnes de déchets ont été recueillies au premier mai. On peut noter au passage que le département des Landes est celui qui a le plus souffert de cette pollution jusqu'à présent. Ce qui se passe en Bretagne, M. le Président, démontre, hélas, que la crise n'est pas terminée. Les financements engagés s'élèvent à 11,6 millions d'euros.

Je voudrais signaler quelques difficultés. En effet, il est nécessaire de les relever, afin de mieux réagir si un tel sinistre se renouvelle, ce qui est le souci de votre Commission, M. le Président.

Ces difficultés sont tout d'abord liées aux caractéristiques de ce département, qui compte 110 kilomètres de côtes ; ce sont souvent de petites communes aux structures administratives faibles -je ne parle pas de Capbreton ni d'Hossegor, mais plutôt de communes telles que Gael, St Girons, St Julien-en-Born et quelques autres-, qui ont le plus long linéaire à maîtriser, de l'ordre de dix à douze kilomètres par commune. De plus, les services de l'Etat sont dimensionnés à l'échelle d'un département de 330 000 habitants et n'étaient pas forcément suffisants pour un tel événement. J'évoque à nouveau la DDE, car la qualité et l'ampleur de son engagement ont fait ici où là l'objet de polémiques ; il s'agit d'une DDE d'un département de 330 000 habitants, qui n'est manifestement pas adaptée pour mettre en œuvre un chantier de 100 ou 110 kilomètres. Une telle question doit être réglée de façon solidaire, au niveau régional ou zonal, voire national.

Pour terminer sur ce sujet, je tiens à dire que la DDE était parfaitement engagée là où elle pouvait l'être, notamment dans la mise en place des barrages -M. Carrère, qui a été très actif durant cette période pourra en témoigner- ainsi qu'au PC opérationnel, car les cadres supérieurs de la DDE ont été des acteurs tout à fait déterminants dans la conduite de l'ensemble de la lutte.

La deuxième difficulté, liée à la longueur du linéaire des plages des Landes, a concerné la connaissance de l'arrivage du fioul, et l'organisation de la collecte du produit et de la remontée des informations afin que les moyens puissent être en permanence adaptés aux circonstances.

La troisième difficulté importante a concerné la logistique du traitement des déchets, c'est-à-dire la collecte, le repérage sur place, le tri, le stockage provisoire et enfin le transport sur le lieu du traitement, qui était Bordeaux. Une benne pour aller des Landes à Bordeaux et revenir devait parcourir en moyenne 350 kilomètres, ce qui explique largement l'importance du problème logistique que nous avions à traiter, tout en sachant que, pendant une période, 336 bennes ont été utilisées sous le régime de la réquisition.

La dernière difficulté est la faiblesse relative des PCA. Ils auraient mérité d'être mieux structurés, en tout cas, un peu plus forts.

Je conclurai de façon provisoire -sachant, M.le président, que je suis prêt à répondre à vos questions-, en évoquant quatre points essentiels qui ont été mis en évidence par la gestion de la crise.

Le premier point concerne la pertinence du niveau zonal : elle me semble validée et je juge souhaitable de renforcer ce niveau zonal. Je tiens à souligner, par ailleurs, la bonne coordination interdépartementale que nous avons constatée, notamment avec les Pyrénées-Atlantiques, ce qui indique -je tiens à le souligner à des élus de la Nation- la capacité d'adaptation des services de l'Etat et leur réactivité face à l'événement.

La deuxième question que l'on peut évoquer est celle du retour d'expérience de l'Erika. J'estime qu'il a été bon, notamment au travers de deux organismes, que j'ai découverts chemin faisant : d'une part, les unités d'intervention de sécurité civile arrivées avec le préfet de zone et dont le savoir-faire d'organisation des chantiers s'est révélé extrêmement intéressant ; d'autre part, le CEDRE, qui est encore présent, détenant des connaissances de géomorphologie, sur les phénomènes des marées et sur la nature de la pollution.

Un troisième point a trait, de façon très générale, à ce que j'appellerai la stratégie de la lutte, concernant notamment le choix de la mécanisation. Fallait-il ou non mécaniser ? Cette question a été posée dès le début et a été vite tranchée, car nous avions la ferme conviction que, face à ce long linéaire de côte, la mécanisation était la méthode la plus adaptée.

Ce choix entraînait alors plusieurs questions. Ainsi, il a été recouru à l'entreprise parce que cela permettait de mobiliser des moyens de façon massive. Se posait également la question du rôle des collectivités locales et de leur équipement et, de ce point de vue, j'étais et reste partisan de l'équipement des collectivités locales parce qu'il permet de les associer à la lutte contre les pollutions. Enfin, qu'en est-il de la création d'une flotte publique de matériels -pas nécessairement de grande taille mais de première intervention- dimensionnée à environ une quinzaine de cribleuses ? Je ne saurais répondre à cette question, M.le Président, mais j'ose l'évoquer au cours du retour d'expérience.

La dernière source d'interrogation a trait aux moyens opérationnels engagés, en particulier aux moyens humains. Nous avons constaté lors du Prestige, qu'à la grande différence de l'Erika, nous ne disposons plus des moyens issus de la conscription. Ils ont été parfois demandés, mais désormais ils n'existent plus : dès lors, les moyens humains d'intervention reposent aujourd'hui essentiellement sur les unités d'intervention de la sécurité civile (UISC), dont j'ai déjà mentionné l'efficacité mais dont les moyens humains restent limités, et sur la capacité des SDIS : ces derniers se sont mobilisés de façon exemplaire dans la région mais on peut se demander si une telle mission relève vraiment de leur coeur de métier.

Se pose donc la question de l'organisation d'une sécurité civile ou d'une défense civile, dans laquelle on pourrait associer des volontaires organisés.

J'ajouterai que la région a naguère bénéficié d'une implantation d'unité de sécurité civile à Rochefort, qui a disparu ; sa reconstitution mériterait d'être envisagée -pas forcément à l'occasion de la catastrophe du Prestige mais parce que les Landes sont confrontées au problème des incendies de forêts : sans vouloir mélanger les genres, je souhaite signaler que l'intervention de la sécurité civile est désormais bien acceptée dans ce département, ce qui n'avait toujours été le cas et avait d'ailleurs suscité la suppression de cette implantation à Rochefort.

Il reste qu'une telle implantation aurait été probablement bienvenue pour lutter aussi contre la pollution d'origine maritime. Ce n'est pas l'élément le plus important. C'est néanmoins par là que je conclurai, M. le Président, mon exposé introductif.

M. le Président : M. le préfet, je ne répondrai pas à vos interrogations car nous sommes là pour poser des questions. Je ne me permettrais pas de donner des réponses que je n'ai pas, mais vos remarques sont pertinentes et nous les faisons nôtres.

J'aimerais que vous précisiez l'état d'actualisation du plan POLMAR-terre de votre département ? Etait-il bien réfléchi, bien conçu ? La coordination avec le plan POLMAR-mer s'est-elle déroulée dans de bonnes conditions ?

Pourriez-vous décrire les moyens matériels, notamment dans les centres interdépartementaux, et humains dont vous disposez ? Vous les avez évoqués mais quelles lacunes pouvez-vous identifier ? En particulier, la télévision, toujours friande de sensationnel, nous a parlé de l'intervention de détenus sur les plages. J'aimerais que vous exprimiez votre opinion sur ce point : cette expérience mérite-t-elle d'être renouvelée ou restez-vous quelque peu circonspect ? Dans les Pyrénées-Atlantiques, nous en avons entendu dire le plus grand bien, mais d'autres nous ont dit que cette option n'était pas aussi idéale que ce l'on a bien voulu dire.

Je souhaiterais également que vous nous parliez de l'engagement des moyens financiers. En particulier, quelle est votre appréciation sur les procédures simplifiées mises en place et leur rapidité ? Pensez-vous que l'intervention financière de l'Etat a été suffisamment rapide et a correspondu aux attentes ? Je sais que Jean-Pierre Dufau était très inquiet au départ et que, progressivement, les dispositifs se sont mis en place bien mieux qu'on ne pouvait le craindre.

Enfin, vous avez parlé de l'agent du CEDRE et évoqué la qualité de son travail. Cet agent a-t-il travaillé également sur les produits de la mer ? Nous venons de visiter le port, et les marchands de poissons nous ont dit qu'ils étaient certains de la qualité des poisons présentés. A cet égard, l'agent du CEDRE a-t-il pu apporter une sorte de caution scientifique ?

M. Jacques SANS : Je vais solliciter mes collègues, M. le Président, mais j'apporterai quelques éléments de réponse à vos questions, qui sont des questions de fond.

Concernant l'actualisation du plan POLMAR-terre, ce plan, qui a été mis en œuvre en concertation avec les élus fin novembre, était prêt ; néanmoins, nous n'avions pas eu le temps de tirer les enseignements de l'exercice d'octobre, qui était trop récent. Mais ce plan était prêt et, en tout cas, je n'ai pas ressenti de difficultés particulières, liées à un état d'impréparation ou un manque d'actualisation, lors de sa mise en place et de sa montée en puissance.

Je dois dire que je ne suis pas retourné feuilleter ce plan POLMAR-terre depuis le mois de novembre : peut-être a-t-il besoin d'être réactualisé dans sa rédaction, mais je pense que l'on n'a pas souffert de carences.

Nous avons été peu concernés par l'articulation POLMAR-mer et POLMAR-terre au niveau départemental. Cette question a été prise en charge au niveau zonal. Nous ne l'avons pas connue mais nous n'avons pas constaté de problème et j'ai la conviction que cette articulation a bien fonctionné pour le traitement du Prestige.

J'ai eu quelques contacts avec la direction départementale des Affaires maritimes. Je l'ai sollicitée et sa réactivité s'est avérée satisfaisante, notamment lorsque je lui ai demandé d'aller observer le terrain tout au long de la côte. En effet, nous ne disposions que de connaissances réduites sur la situation en mer à partir des indications du CEDRE. Les cartes faisaient apparaître des nappes ici ou là, qui disparaissaient le lendemain, et cette instabilité ne pouvait correspondre à la réalité. Toutes ces opérations de reconnaissance se sont faites, selon moi, dans de bonnes conditions.

Je n'ai pas saisi votre question suivante dans toute son ampleur, je vous prie de m'en excuser. Vous me demandiez de quels moyens je disposais, n'est-ce-pas ?

M. le Président : Il s'agissait de la description des moyens matériels que vous aviez à votre disposition et des lacunes que vous avez pu constater. Pensez-vous que vous disposiez de moyens suffisants pour faire face à la crise ? Concernant la mobilisation interdépartementale des parcs de matériels, les moyens étaient-ils recensés et cela a-t-il bien fonctionné ?

M. Jacques SANS : M. Férin complètera mes propos, le cas échéant, car nous n'avons pas observé les événements tous les deux sous le même angle de vue.

M. Patrick FÉRIN : Nécessairement.

M. Jacques SANS : Nécessairement, non. Ce n'est pas une nécessité devant la Commission d'enquête parlementaire.

J'ai dit tout à l'heure que nous avions recherché, de façon assez spontanée, les moyens ainsi que le savoir-faire auprès de l'entreprise qui intervient habituellement dans le département. C'est d'abord par son intermédiaire que nous avons cherché à mobiliser des moyens mécaniques, principalement des cribleuses. Très rapidement, nous nous sommes rendu compte qu'elles étaient en nombre insuffisant et nous avons cherché à en mobiliser auprès d'autres entreprises ; les cribleuses ne sont cependant pas arrivées aussi vite que nous l'aurions souhaité, puisqu'il a fallu à peu près trois semaines pour atteindre un niveau satisfaisant.

Par hasard ou par chance, l'effet des réquisitions du point de vue matériel -et je fais bien la distinction entre les moyens matériels et les hommes- s'est fait sentir au moment où nous en avions le plus besoin, c'est-à-dire au début du mois de février. C'était un hasard heureux, puisque c'est à partir de ce moment que nous avons pu organiser des chantiers très lourdement mécanisés dans de bonnes conditions, d'autant plus que nous avons bénéficié au même moment du savoir-faire des unités d'intervention de sécurité civile, qui ont su organiser les chantiers. La conduite des chantiers est le point sur lequel j'ai ressenti le plus grand manque.

Ce n'est pas par la mobilisation interdépartementale que nous avons trouvé le plus gros potentiel de mécanisation, en dépit des efforts du ministère de l'Intérieur engagés dès les 6 et 7 janvier. Nous avons bénéficié tout de même de l'arrivée et de la contribution d'un certain nombre de machines venues d'ailleurs, en particulier de la côte méditerranéenne.

M. Patrick FÉRIN : Et de Tunisie.

M. Jacques SANS : De Tunisie, un peu plus tard. Nous avons pu mobiliser des moyens au niveau interdépartemental mais selon des délais de réponse relativement longs.

M. le Président : Combien de temps ?

M. Jacques SANS : Je pourrais vous le dater précisément si vous acceptez ma réponse avec un peu de délai. De mémoire, je dirais que ces moyens n'ont été opérationnels dans les Landes qu'à la mi-février.

En tout cas, quand nous avons eu besoin de matériels, c'est par les entreprises que nous avons pu les trouver ainsi que par les collectivités locales qui possédaient également des moyens, mais en faible nombre.

M. le Président : Si je comprends bien, le parc de matériels disponibles sur le secteur est insuffisant ?

M. Jacques SANS : Dans le département des Landes -je parle sous le contrôle des maires- nous ne disposions au départ que de quatre ou cinq cribleuses. Cela signifie que toutes les autres sont venues de l'extérieur, essentiellement d'entreprises dans un premier temps, avec un délai compris entre une dizaine de jours pour les premières réponses et trois semaines pour les dernières. Puis, nous avons bénéficié de la mobilisation interdépartementale, organisée par la direction de la défense et la sécurité civile du début février jusqu'à la mi-février.

Je parle essentiellement des cribleuses car c'est le matériel que nous avons le plus utilisé ici. Tel est, dans mon souvenir, le rythme de mobilisation des cribleuses.

Nous avons aussi essayé d'autres matériels, tels que les rouleaux, permettant de collecter des déchets dans des conditions extrêmement précises de planéité de la plage et d'humidité du sable. Nous les avons mobilisés dans des délais plus longs parce que l'entreprise a dû les mettre en construction. Ces rouleaux nous sont parvenus de la mi-février à la mi-mars.

M. Jean-Pierre DUFAU : La situation particulière des Landes, en matière de moyens matériels, s'explique par le fait que, depuis une douzaine d'années, le conseil général et les communes littorales procèdent à un nettoyage systématique du littoral à l'année par passation de marchés avec des entreprises. Actuellement, c'est la Coven qui est titulaire de ce marché.

Le littoral est donc nettoyé régulièrement, mais par un parc de machines appartenant à des sociétés privées ; durant la période estivale, les communes assurent souvent un nettoyage plus fin des plages manuellement ou avec des moyens mécaniques limités. C'est ce qui explique que les communes, qui sont de petite taille, ne se soient pas dotées de matériel propre. C'est la raison pour laquelle, après le Prestige, nous avons souhaité, grâce à l'assistance d'Hervé Bouyrie et la compréhension des services de l'Etat, du conseil général et de la région, acquérir des cribleuses, qui nous permettront d'intervenir en complément.

M. le Président : Avez-vous estimé le nombre de machines nécessaires ?

M. Jean-Pierre DUFAU : M. le sous-préfet a fait ce travail d'évaluation.

M. Patrick FÉRIN : Comme cela vous a été indiqué, il existe en fait plusieurs sources d'approvisionnement en engins mécaniques. Nous ne disposons pas d'un réservoir unique dans lequel on peut puiser pour se fournir en tamiseuses, cribleuses ou autres afin de pouvoir traiter le littoral. En réalité, la zone a dû faire flèche de tout bois pour compléter ses équipements et des pays étrangers ont même apporté leur contribution, en fournissant des engins mécaniques. Certaines cribleuses utilisées ici sont venues de Tunisie, d'autres du Sud-est de la France, d'autres encore de sociétés privées. Les sources d'approvisionnement étaient donc multiples.

M. le Président : Saviez-vous où les trouver ou avez-vous lancé une sorte de SOS national ?

M. Jacques SANS : Je peux répondre parce que toute cette opération a été conduite à partir du PC opérationnel de Mont-de-Marsan. M. Férin a raison de souligner la diversité des sources d'approvisionnement. Je ne l'ai pas citée, mais la zone est intervenue. Son rôle premier est en effet de coordonner la mise à disposition des moyens. J'ai d'abord insisté sur la mobilisation des entreprises qui a été lancée par le département, mais la mobilisation des moyens interdépartementaux, nationaux ou internationaux a été mise en œuvre par le niveau zonal, en liaison avec Paris, dans des conditions qui ont été aussi bonnes que possible compte tenu de l'absence de réserve de matériels.

M. le Président : Disposiez-vous d'un recensement préalable des matériels existants ?

M. Patrick FÉRIN : Un tel recensement existait peut-être au niveau de la zone, bien que j'ai eu l'impression qu'ils ont dû également procéder à des recherches parce que la densité de la pollution exigeait l'ouverture de plusieurs fronts. Je crois qu'il n'était pas simple de trouver la quantité de matériels nécessaires au moment où plusieurs lieux devaient être traités simultanément. Ce n'était pas du tout évident de traiter ce genre de pollution ; certains jours, une masse de polluant compact et difficile à traiter arrivait et exigeant avant tout des moyens mécaniques.

Je voulais y revenir, parce que, sur le terrain, nous nous en sommes rendu compte très vite. Un temps, nous nous sommes interrogés sur l'arbitrage entre ramassage manuel ou mécanique des pollutions. Mais il est apparu très clairement qu'il était illusoire de parier sur une mobilisation exclusivement humaine, comme cela a pu avoir cours pendant un temps. Il est donc apparu indispensable de disposer d'engins mécaniques en assez grand nombre concentrés en certains lieux et de personnels professionnels notamment les UISC, pour pouvoir faire face l'intensité de la pollution.

Quand nous avons été confrontés à une forte pollution sous l'effet des grandes vagues, des marées les plus fortes et des courants, nous nous sommes aperçu que nous ne pouvions pas mobiliser un nombre d'engins mécaniques susceptible de nous permettre de traiter rapidement la pollution en vingt-quatre heures. Comme l'indiquait tout à l'heure M. le député Dufau, les élus et nous-mêmes avons constaté le besoin d'une dotation propre en engins mécaniques ; d'où l'idée d'une dotation des communes.

Seize engins mécaniques vont donc arriver sur le littoral landais. Si nous les avions eus au début, nous aurions eu une capacité d'intervention rapide. Aujourd'hui, les communes en sont dotées, d'une part, pour pouvoir se défendre en propre et, d'autre part, pour avoir une réactivité suffisante : en effet, comme le soulignent souvent les maires, il est difficile de réagir à une pollution un dimanche matin, s'il faut mobiliser une entreprise ou faire venir des engins situés à 300, 800 ou 1 500 kilomètres de distance Ce n'est pas simple. En disposant de matériels sur place, parce que l'on a déjà été confronté à des épisodes de pollution, on peut réagir, y compris un dimanche matin, surtout dans les périodes où les plages sont ouvertes. D'où cette idée de prévoir une source locale d'approvisionnement en engins mécaniques, qui soit immédiatement disponible.

M. Jean-Pierre DUFAU : La situation du département des Landes est très spécifique. M. le préfet l'a signalé, nous avons collecté 9000 tonnes de déchets, à comparer aux 2500 tonnes recueillies dans les Pyrénées-Atlantiques, sur 110 kilomètres de littoral, contre 35 kilomètres dans les Pyrénées-Atlantiques.

Enfin, il faut savoir que, jusqu'à la mi-février, nous avons travaillé pratiquement sans aide extérieure. Ce n'est qu'à partir de la dernière semaine de janvier que quarante-deux escadrons d'une vingtaine de personnes de la protection civile sont arrivés. Nous nous sommes débrouillés tout seuls pendant trois semaines. Il faut le savoir et le dire. Les moyens étaient mobilisés dans les autres départements, qui avaient déclenché le plan POLMAR-terre, et où la pollution était attendue avec anxiété. La pollution est arrivée ici en pleine tempête. M. Christian Carrère, responsable de la sécurité maritime, se souvient encore des conditions dans lesquelles les barrages ont été posés. Pendant quinze jours, cela a été très difficile. Nous étions livrés à nous-mêmes sans matériel, en pleine tempête, face à une pollution massive, alors qu'elle n'avait pas encore atteint les Pyrénées-Atlantiques, et nous avons eu le sentiment d'être vraiment seuls.

Puis, dès le début du mois de février, les choses sont rentrées dans l'ordre et, en deux ou trois semaines, nous avons reçu des moyens supplémentaires et cela a très bien marché. Nous avons collecté beaucoup de déchets. Mais entre-temps, nous avons eu le sentiment d'avoir perdu du temps.

Ma question est la suivante : quelle est l'analyse des différents acteurs dans le PCA sur les différentes phases de la crise, avec la période entre mi-janvier et début février, achevée avec la réunion de Mimizan avec le préfet de zone, puis la période du mois de février et, enfin la période du mois d'avril, où les marchés devaient intervenir. Sur cette dernière phase, on observe des retards alors qu'il n'y a plus personne sur les plages et que se pose toujours le problème des surfaces dures.

M. le Président : Comment avez-vous vécu ces différentes phases ? et avant que vous ne répondiez, messieurs, lors de l'exercice d'octobre, vous êtes-vous rendu compte que les matériels seraient vraisemblablement insuffisants en cas de crise?

M. Jacques SANS : Non, parce que l'exercice Gascogne était centré essentiellement sur POLMAR-mer et l'organisation de la collecte en mer.

M. le Président : Rien n'a été fait sur la coordination avec le plan POLMAR-terre ?

M. Jacques SANS : Pas dans le cadre de cet exercice.

M. le président, je voudrais, pour illustrer les propos de M. le député Dufau, vous montrer un diagramme de la collecte des déchets dans le département. Cette figure est objective puisqu'elle émane du CEDRE, organisme tout à fait indépendant et neutre.

Je suis entièrement d'accord avec les propos de mon collègue M. Férin sur la nécessité que les communes de ce département soient dotées d'un matériel de traitement des plages, qui sera également utile pour nettoyer les plages, de la même façon que les collectivités de montagne traitent leurs pistes de ski en hiver : les plages doivent être nettoyées au jour le jour, même en l'absence de pollution, ne serait-ce que pour offrir aux touristes un niveau de qualité et de service supérieur. Ce pourrait être très positif pour le tourisme.

Je ne pense pas qu'il existait un recensement national des moyens matériels susceptibles d'être mobilisés. De plus, la Direction nationale de la sécurité civile a rencontré de très grandes difficultés à mobiliser les matériels existants parce qu'ils appartenaient à des collectivités, qui sont toujours réticentes à prêter leur matériel. Il faudrait d'ailleurs trouver le moyen de les remercier chaleureusement pour leur aide. Evidemment, le prêt de machines était conditionné à l'engagement de leur remise en état totale. Je suis persuadé, sans avoir cependant de données précises, que de nombreuses collectivités n'ont pas répondu positivement à la sollicitation ministérielle.

Les détenus ont été les bienvenus. Des bras supplémentaires étaient évidemment bien accueillis, même si les populations se demandaient pourquoi les détenus étaient mobilisés alors que les bénévoles étaient écartés. Nous avons également dû assurer leur encadrement et les mettre à l'abri de la curiosité médiatique, ce qui constituait une difficulté supplémentaire. Nous avons dû trouver des terrains d'activité qui leur conviennent, à l'abri de la curiosité.

J'espère que, pour eux, cette expérience a été positive. En tout cas, elle l'a été pour nous. Le maire de Vieux Boucau s'est beaucoup engagé puisque il a été le premier maire d'accueil. Le travail s'est déroulé dans de très bonnes conditions entre les détenus et les professionnels.

M. Jean-Jacques ANGLADE : Si je puis me permettre, M. le Président, concernant les détenus, un point devrait être revu. Leurs horaires étaient en effet très particuliers car ils ne pouvaient partir de leurs centres d'accueil que vers 9 heures et n'arrivaient sur zone qu'une heure après, pour repartir à 16 heures. Or, lorsque la mer était basse l'après-midi, ils se contentaient de venir prendre l'air, si je puis m'exprimer ainsi, parce qu'ils n'avaient pas le temps matériel de travailler.

Il faudrait sans doute essayer d'y remédier, même si c'est difficile, compte tenu des contraintes du service pénitentiaire. Il est parfois arrivé qu'ils viennent pour rien.

Mme Martine LABORDE : Ils sont venus assez tardivement chez nous, au cours de la deuxième phase.

M. le Président : Vous auriez pu utiliser l'almanach du pêcheur breton pour connaître les horaires des marées !

M. Jacques SANS : L'horaire des marées a été pour nous, si je puis me permettre, M. le Président, un instrument de première importance. Nous n'en avons pas forcément pris conscience tout de suite. C'est un peu anecdotique, mais le rythme des PCA et de tous les acteurs a dû être adapté à celui des marées.

M. le président, vous m'aviez posé également deux autres questions sur l'engagement financier au niveau zonal, notamment sur les procédures simplifiées. Je ne suis pas le mieux à même d'y répondre puisque, d'une certaine façon, je m'étais volontairement mis à l'écart de ces questions, pour éviter que le passage par la préfecture ne soit un facteur d'allongement de la procédure. Il me semble que celle-ci a finalement assez bien fonctionné et a rendu les services que l'on en attendait du point de vue de la rapidité.

Je dois faire tout de même un commentaire concernant le département des Landes, qui, à la différence du département de la Gironde, a choisi de préserver le plus possible les finances des collectivités locales en faisant notamment financer par l'Etat l'acquisition des équipements individuels. Cela n'a pas été le cas en Gironde. C'est l'Etat qui a directement pris à sa charge ces dépenses, de façon à alléger l'engagement financier des collectivités.

Je n'ai pas le sentiment que le CEDRE ait étudié les produits de la mer, mais je me trompe peut-être car je ne sais pas forcément tout ce qu'a pu faire le CEDRE. En tout cas, nous avons eu cette préoccupation avec M. le député-maire de Capbreton ; en effet, dans cette même salle, s'est tenue le 9 décembre une rencontre avec les professionnels de la pêche et les ostréiculteurs. Nous sommes convenus d'une procédure de contrôle systématique des produits de la mer par la direction des services vétérinaires, que nous rendrions publics. Nous l'avons fait, parfois avec un peu de délai, mais régulièrement, de façon à ce que les consommateurs soient informés le plus objectivement possible. Cela a fonctionné jusqu'à la fin du mois de mars, pour autant je puisse me rappeler.

M. le Rapporteur : Notre collègue Jean-Pierre Dufau parlait de près de 10 000 tonnes de déchets. Des stockages intermédiaires étaient-ils prévus ? Comment se déroulait l'élimination finale ? Dans certains départements, ce point avait posé problème. Aviez-vous identifié à l'avance des lieux de stockage ?

M. Jacques SANS : Oui, cette identification a été faite dès le début de la préparation. Je me souviens même qu'à l'époque, dans une envolée sans doute excessive, j'avais demandé que l'on repère une dizaine de sites. La recherche de ces sites avait d'ailleurs suscité beaucoup d'efforts de la part des élus, parce qu'il n'est jamais enthousiasmant d'accueillir de tels déchets.

En définitive, nous avons identifié deux sites. Le premier que nous avons aménagé, équipé et commencé à exploiter était situé dans l'enceinte du centre d'essai des Landes ; il a servi ensuite de plaque tournante pour le traitement de ces déchets. Le second a été localisé à Messanges, et son maire pourra vous en parler mieux que moi. Nous l'avons préparé, nous avons même défriché la parcelle. Hésitant à engager des financements publics importants - car l'équipement d'un lieu de stockage de cette nature est de l'ordre de 150 000 euros-, nous en sommes restés là, en surveillant évidemment la quantité du stock à gérer. Nous avons donc évité d'engager des fonds publics sur le site de Messanges en mobilisant davantage de bennes.

La gestion de ces stocks a posé des difficultés multiples.

Tout d'abord, les déchets doivent être stockés en haut de plage, pour éviter notamment des dépôts de matières polluantes intempestifs, comme nous avons commencé à le voir au plus fort de la crise ; faute de bennes, la tentation est grande de stocker directement en haut de plage. Ce fut parfois le cas : c'est en effet ce que j'ai pu constater en allant me promener un dimanche. Ce n'est pas tout à fait satisfaisant. Cet écueil a été largement évité par une gestion fine des stockages haut de plage, mais il s'est cependant parfois produit.

La deuxième difficulté réside dans le tri des déchets. En fait, les déchets collectés sont parfois riches en pétrole, du moins en émulsion de pétrole, mais on ramasse aussi des déchets moins riches en émulsion et plus riches en sable ainsi qu'en détritus divers. En effet, cette côte est le lieu d'arrivée de déchets, qui viennent soit de l'Adour, soit de lieux de dépôt d'ordures ménagères peut-être venues d'Espagne ; certains détritus se déposent parfois en quantité très importante, ce qui nécessite l'intervention régulière, que rappelait M. Dufau, du conseil général sur l'ensemble des côtes.

Or ces déchets, qui représentent des volumes et des tonnages importants, sont difficiles à gérer, surtout quand ils sont mélangés à des détritus d'origine différente, parce qu'ils ne peuvent pas partir directement en l'état dans des usines d'incinération d'ordures ménagères habituelles, compte tenu de leur capacité calorifique. Il faut donc les réduire, les broyer et les expédier dans des usines de traitement spécifiques situées à Bordeaux.

La troisième difficulté, que j'ai déjà évoquée, est la logistique du transport. Le transport est long, même s'il l'est moins que des Pyrénées-Atlantiques. La distance à parcourir était moindre, mais nous devions gérer un nombre très élevé de bennes. Nous butions à la fois sur la distance, sur la capacité de traitement de l'usine d'incinération qui, au plus fort moment de la crise, ne suivait pas le rythme, ainsi que sur la capacité de transport, qui était également saturée. A un moment donné, nous devions gérer et contrôler un nombre impressionnant de camions. De ce point de vue, l'enceinte fermée du centre d'essai des Landes a été très utile, lorsque nous avons dû y stocker 150 à 180 bennes.

Telles sont les difficultés apparues dans la logistique du traitement des déchets. Mais d'autres acteurs ont pu connaître des situations différentes. En tout cas, nous avons consacré beaucoup de temps et de moyens financiers au stockage et au transport des déchets ainsi qu'au contrôle des plages. Et la DDE, en liaison avec la DRIRE, que je n'avais pas citée, a fait beaucoup d'efforts dans ce domaine.

M. le Rapporteur : Notre collègue disait que le littoral des Landes s'étendait sur 110 kilomètres. Quelle est son opinion sur les zones-refuges, qui devraient permettre de circonscrire ce type de pollution, ce que tout le monde souhaite ? Est-il possible d'identifier dans les Landes une zone de refuge potentielle ?

M. Hervé BOUYERIE : M. le Président, M. le Rapporteur, je me permets de vous exprimer ce qu'ont ressenti les élus au cours de cette période, pour compléter les propos de M. le Préfet. Autant la période de préparation a été jugée longue mais satisfaisante et intense, autant la mise en œuvre de l'action a été longue et ressentie comme douloureuse parce que, face à cette pollution massive dès début janvier, et constante -puisqu'elle a duré plus d'un mois-, les moyens mis en œuvre au mois de janvier ont été assez minimalistes, comme notre député M. Dufau l'a évoqué, puisque seuls les moyens de la Coven et quelques cribleuses communales étaient à l'œuvre ; quelques employés municipaux ont également pu agir avec efficacité.

Nous avions pourtant des arrivages quotidiens et de fortes tempêtes -donc, des arrivages qui ont été recouverts- et ce fut une période difficile.

Puis, comme par miracle, la situation s'est très efficacement débloquée au mois de février, après la venue de M. le préfet de zone fin janvier, et le matériel est arrivé massivement...

M. le Rapporteur : Et M. Jean-Pierre Dufau, il ne faut pas l'oublier, a posé à ce moment-là une question au gouvernement.

M. Hervé BOUYRIE : En effet. Des hommes sont arrivés en nombre et, enfin, la pollution a été traitée de façon efficace. Il faut souligner qu'au mois de février les actions de dépollution ont été efficaces, qualitativement et quantitativement.

Indépendamment de cela, les dépenses de janvier ont été financées en partie par l'Etat, c'est vrai, mais aussi par les communes, puisque les hommes qu'elles ont dû mettre à disposition n'ont pas été rémunérés par l'Etat. C'est une charge assez lourde, surtout pour de petites communes...

M. le Rapporteur : Allez-vous présenter des dossiers d'indemnisation au FIPOL ?

M. Hervé BOUYRIE : Nous l'avons fait, mais nous ne savons pas ce qu'on peut en attendre.

En attendant, nous avons dû élaborer nos budgets pour 2003 dans des conditions très difficiles, puisque nous avons dû assumer des charges supplémentaires et que nous ne pouvons évaluer les revenus à venir puisque nous ne savons pas comment se passera la saison touristique.

Je voudrais aussi insister sur les difficultés rencontrées dans la communication de sortie de crise. Nous considérons, en effet, être sortis de la crise, au moins momentanément. La fréquentation de nos plages par la population locale, mais aussi par la population extérieure au département-on a pu le reconstater lors des week-ends de Pâques et du 1er mai- devait être un peu plus médiatisée, afin de mettre en valeur l'état actuel de nos plages et la capacité que nous avons aujourd'hui, grâce aux moyens complémentaires dont les communes seront dotées ainsi que, je l'espère, grâce aux marchés à bons de commande qui seront mobilisés par M. le préfet, de traiter complètement et quotidiennement les nouveaux arrivages de pollution. Il faudrait donc communiquer à ce sujet.

M. le Rapporteur : Je voudrais rappeler qu'un plan de communication touristique -nous l'avons constaté dans notre région-, doit être mis en oeuvre sur deux ou trois années pour être efficace. Au lendemain de l'Erika, c'est-à-dire six mois après, un avenant avait été apporté au contrat de plan Etat-région, engageant l'Etat, le département et la région, afin de relancer le tourisme et les activités économiques de la région, notamment par la modernisation des hôtels et des camping de plein air. A l'époque, 600 millions de francs avaient été investis et consommés, indépendamment de l'indemnisation des victimes.

Ce plan de redynamisation touristique avait porté ses fruits puisque nous avons retrouvé un niveau de fréquentation similaire à celui d'avant l'Erika. Sans doute cette idée pourrait-elle être étudiée dans les prochaines semaines ?

M. le Président : En sachant, comme le souligne Christophe Priou, qu'un tel plan se conçoit sur trois ans. De plus, le jour où l'on pense que les conséquences du sinistre sur le tourisme sont réparées, il suffit de deux émissions sur des chaînes nationales montrant quelques « boulettes » sur une plage, comme on le voit en ce moment dans le Finistère, pour tout remettre en cause. C'est dramatique. La puissance des médias est écrasante. Mais nous n'y pouvons rien.

M. Hervé BOUYRIE : Tout à fait. C'est pourquoi je disais qu'il faudrait communiquer davantage sur notre capacité de réaction actuelle.

Nous sommes également inquiets pour l'avenir, puisque la Bretagne est un exemple, malheureusement, de la continuité de la dérive de la pollution. La pollution est arrivée en Bretagne, elle peut donc revenir chez nous et nous sommes inquiets du déroulement de ces marchés à bons de commande : nous en avons lancé un pour un montant de 260 000 euros, me semble-t-il...

M. Patrick FÉRIN : Nous en avons mobilisé plusieurs.

M. Hervé BOURYE : Vous me rassurez. Par rapport aux 11,6 millions engagés à ce jour, j'espère que le financement de ces marchés sera assuré, car plus la saison estivale approche et plus la réactivité face à la pollution devra être forte : les moyens financiers devront être mobilisés rapidement.

Nous espérons que le manque de réactivité constaté au mois de janvier n'est pas lié à l'échelon zonal. Peut-être était-il, à cette période, inapproprié car trop éloigné de la réalité et du terrain. Nous avons ressenti une certaine lourdeur administrative avant que ne soit déclenché un plan opérationnel efficace. Cela pose problème.

M. Jean-Pierre DUFAU : Il est vrai que ce point a été le cœur de la crise dans les Landes. Nous avons eu le sentiment que, quand les moyens sont arrivés, malgré une pollution massive, nous avons fait face et nous avons fait face de façon adaptée.

Auparavant, nous avons rencontré de grandes difficultés -en plus, c'était en pleine tempête- et, conformément à vos propos, la réactivité a été manifestement insuffisante de janvier jusqu'à début février. Aujourd'hui, les élus sont encore inquiets car si l'on parle, avec raison, de sortie de crise, la pollution n'est pas pour autant totalement terminée. Malheureusement, ce qui s'est passé ces dernières vingt-quatre heures le démontre. Si la procédure des marchés engagée peut paraître adaptée et n'est pas mise en cause, sa mise en œuvre sur le terrain nous fait redouter de connaître à nouveau la situation du mois de janvier, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Lorsque le préfet de zone nous a réunis à Mimizan, les marchés devaient être signés début avril. Nous sommes au mois de mai et ils ne sont toujours pas opérationnels. En tout cas, à l'heure actuelle, la Coven n'est pas en mesure d'assurer la prestation dans le cadre de ce marché.

Deuxième point, un marché identique devait être passé à la même période, pour le nettoyage des surfaces dures et des enrochements. Nous l'avons évoqué ce matin à Bayonne. A l'heure actuelle, il n'est toujours pas notifié.

Ce temps de latence entre le constat sur le terrain et la mise en place opérationnelle est assez effrayant. Parallèlement, sous cette même pression on décide, de façon conjointe, de prendre la responsabilité d'ouvrir les plages, alors que les moyens annoncés ne sont pas encore disponibles.

Vivez-vous les événements tels que je les décris ou suis-je trop négatif ?

M. Jacques SANS : Non, non, nous les vivons comme cela aussi, mais...

M. Patrick FÉRIN : Je souhaite apporter une précision sur les marchés. Tout d'abord, indubitablement, il est toujours difficile de passer d'un système à un autre. Le système de réquisition qui a été utilisé doit être abandonné pour passer dans un système de marché. Evidemment, surviennent des problèmes de liaison entre les deux systèmes, pour assurer la continuité des opérations. La montée en puissance de tout système ne se fait pas en vingt-quatre heures. Elle demande toujours un délai de mobilisation, parce que différentes étapes se succèdent : la préparation administrative, le contact, la concertation, la présence sur le terrain et la mise en œuvre.

Aujourd'hui, concrètement, nous sommes le 6 mai : il est vrai que la passation des marchés a demandé un peu de temps, je ne le conteste pas du tout, mais trois chantiers sont déjà ouverts : un chantier conventionnel avec cribleuses et mini-cribleuses et deux autres chantiers novateurs dits de « surf washing » ou, pour utiliser un terme français, de lessivage, selon une technique parfaitement adaptée à la nature du terrain et de la pollution. Mais il est vrai que cela ne s'est mis en place qu'au début de semaine. Des délais sont toujours nécessaires car la mise en œuvre d'un système est toujours un peu longue.

M. Louis GUÉDON : Cela peut s'améliorer.

M. Patrick FÉRIN : Oui.

M. Jean-Pierre DUFAU : Et les surfaces dures ?

M. Patrick FÉRIN : J'ai fait le point ce matin avec le SGAR. Se pose un problème de nature financière : le marché est toujours soumis au contrôle du TPG mais il est prêt à démarrer si cette hypothèque financière se lève. Pour l'instant, c'est en suspens.

M. le Président : Ne pensez-vous pas qu'il faille trouver un système mixte entre le marché et la réquisition pour être plus efficace et plus rapide ? Cette situation va devenir kafkaïenne si le système des marchés ne fonctionne pas parce que le TPG ne signe pas !

M. Jacques SANS : Nous sommes quasiment dans le cas de figure que vous évoquez, M. le président : demain, seize cribleuses seront sur le terrain et représenteront une force lourde à engager, mais elles seront entre les mains des mêmes autorités publiques. Tout l'enjeu consiste à trouver une complémentarité entre les deux systèmes.

M. Patrick FÉRIN : Mon collègue vient de dire une chose important, en soulignant que les seize cribleuses en question appartiendront aux collectivités locales des Landes. Telle est la volonté des élus. C'est, j'ose le dire, la nôtre aussi...

M. Jean-Pierre DUFAU : Ce système a-t-il été rendu possible par la compréhension de l'Etat ?

M. Patrick FÉRIN : Pas tout à fait, M. le député.

M. Jacques SANS : En effet, la solution que j'avais évoquée au début de la crise n'a pas été retenue. Il n'a pas été accepté que cet équipement puisse être financé sur les fonds POLMAR. Si l'Etat est intervenu dans les Landes, ce n'est pas du tout sur les fonds POLMAR, mais sur des fonds de développement local de la DDR, selon un montage financier acrobatique et original, auquel mon collègue de Dax et M. Bouyrie ont beaucoup contribué et qui a finalement trouvé l'assentiment de tous, ce dont je suis très heureux.

M. le Président : Nous ne sommes pas la Cour des comptes.

M. Jacques SANS : M. le président, je tiens à vous dire que ce montage est tout à fait régulier. Mais simplement, le financement ne provient pas des fonds POLMAR. Pour répondre à votre question sur la possibilité d'un système mixte, je pense qu'un tel dispositif serait souhaitable. Je préfère, pour ma part, être adossé à des moyens réactifs du fait de leur proximité, c'est-à-dire de l'initiative des autorités locales. Après tout, les maires sont les meilleurs observateurs de leurs propres côtes.

J'ai imaginé ce système parce que je pensais aussi que lors de la sortie de crise, il serait plus facile de l'adosser à un dispositif opérationnel local -en tout cas, du point de vue de l'Etat ; je ne veux pas dire que l'Etat veuille se défausser, ce n'est pas cela du tout, mais ce mécanisme améliore l'articulation de l'effort de l'Etat, qui est important, et celui des collectivités.

M. le Président : Qui assure la surveillance actuelle des plages ?

M. Jean-Pierre DUFAU : Ce sont les communes, avec leurs employés municipaux.

M. le Président : Ainsi que le CEDRE ?

M. Hervé BOUYRIE : Oui, en effet.

M. le Président : Combien de personnes le CEDRE compte-t-il ?

M. Hervé BOUYRIE : Trois, mais ils n'ont pas une vue d'ensemble de la pollution. A trois, ils ne peuvent être présents sur toutes les plages.

M. le Président : Comment cela se passe-t-il, alors ?

M. Hervé BOUYRIE : Tous les matins, nous allons visiter les plages. Nous nous sommes engagés à surveiller nos « têtes de plages », c'est-à-dire les plages fréquentées par la population touristique.

Pour nous les élus, la dépollution relève de la responsabilité de l'Etat, parce qu'il s'agit d'un phénomène exceptionnel dont nous n'avons pas à subir les conséquences. Nous coopérons donc, puisque c'est nécessaire mais nous en supportons, anormalement, les incidences financières.

Je vais malgré tout répondre à votre question, M. le Rapporteur, sur le lieu de refuge potentiel pour un bateau en détresse. Sur 100 kilomètres de côtes, seul un port pourrait jouer ce rôle : celui de Capbreton ! (Rires.)

M. le Président : Cher collègue, il s'agit de l'intérêt général !

M. le Rapporteur : Lieutenant, vous qui gérez le centre de secours, quel bilan dressez-vous des moyens dont vous avez disposé ? Quel est votre retour d'expérience ? Etes-vous toujours opérationnels et vigilants pour les semaines ou les mois qui viennent ?

Mme Martine LABORDE : En tant que responsable du centre de secours, je vous répondrai qu'actuellement, nous sommes en retrait par rapport au dispositif prévu par le plan POLMAR-terre, mais nous restons mobilisables en cas de problème. Actuellement, bien que le temps se soit mis à la pluie, nous sommes davantage préoccupés par les incendies de forêt.

M. Jean-Pierre DUFAU : Mais qu'en était-il sur la période précédente ? Jusqu'à quelle date le SDIS a-t-il assuré la maîtrise opérationnelle au sein du PCA, M. le préfet ?

M. Jacques SANS : Jusqu'à ce que je désarme les PCA, il y a environ trois semaines, quand nous avons installé les comités de suivi...

M. Jean-Jacques ANGLADE : Vers le 25 avril, à peu près.

M. Jean-Pierre DUFAU : Oui, quand le secrétariat technique a remplacé le SDIS.

M. le Rapporteur : Quel est votre retour d'expérience dans ce domaine ?

Mme Martine LABORDE : Il est très partagé.

M. le Rapporteur : Exposez-nous votre opinion.

Mme Martine LABORDE : Cela a déjà été dit, mais je dois souligner une très bonne coopération entre tous les intervenants, notamment au niveau du PCA. Je ne pense pas que mes collègues me contredisent sur ce point. Nous avons été soutenus par les élus et la coopération entre les différents services était très satisfaisante.

En revanche, au fur et à mesure des événements, le moral a fluctué. Après une première phase assez calme, en tout cas dans le PCA côte Sud, ici même, à Capbreton, d'importantes arrivées de pollution se sont produites fin janvier-début février. Nous avons alors été confrontés à une période très difficile, en raison du manque de moyens...

M. le Président : De combien de personnels disposiez-vous à cette époque ?

Mme Martine LABORDE : Sur le PCA, nous étions alors trois ou quatre, et encore pas toujours -pas en permanence, en tout cas. Le personnel géré était essentiellement communal ou municipal, dans la première phase.

M. Louis GUÉDON : De combien de personnes disposiez-vous et comment était-elles réparties sur les différentes plages ?

Mme Martine LABORDE : Le PCA côte Sud couvrait une vingtaine de kilomètres et comprenait une dizaine d'employés municipaux sur chaque commune.

M. le Président : Et les sapeurs-pompiers volontaires ?

Mme Martine LABORDE : Ils sont venus après...

M. Louis GUÉDON : Il y avait donc dix personnes sur vingt kilomètres ?

Mme Martine LABORDE : Non.

M. Louis GUÉDON : Ma question est claire, quel était le nombre de personnes sur les différents linéaires ?

Mme Martine LABORDE : Trente à quarante personnes sur le linéaire du PCA côte Sud.

Par la suite, se sont ajoutés les sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels,...

M. Louis GUÉDON : Sur le même linéaire ?

Mme Martine LABORDE : Oui.

M. Louis GUÉDON : Alors, cela faisait combien de personnes au total ?

Mme Martine LABORDE : Cela a varié selon les phases. C'est pourquoi il est difficile de donner des chiffres exacts...

M. Louis GUÉDON : Ce serait pourtant intéressant à savoir.

M. Hervé BOUYRIE : Je vais me permettre d'apporter un élément de réponse. Il est très difficile d'établir un rapport entre le nombre de kilomètres et le nombre de personnes car, d'une part,le laps de temps était très court entre deux marées, d'autre part, tout dépendait de l'état de pollution...

M. Louis GUÉDON : Nous connaissons malheureusement très bien ce genre de problèmes. Lors de l'Erika, sur un linéaire donné, nous disposions de tant de personnes dont votre serviteur. De même, le phénomène des marées est identique en Bretagne. Donc, nous connaissons bien les difficultés auxquelles vous avez été confrontées.

M. Hervé BOUYRIE : Mais n'ayant pas les hommes, nous avons dû fonctionner différemment...

M. Louis GUÉDON : Donc, c'est un point qui n'est pas clair.

M. Hervé BOUYRIE : Non, nous n'avons pas du tout travaillé comme vous, nous avons eu recours à la mécanisation.

M. Patrick FÉRIN : Il faut bien comprendre que plusieurs phases se sont succédées. Tout ne s'est pas déroulé de façon homogène tout au long de la crise. Comme cela a été expliqué, après une phase où nos disposions de moyens limités, nous sommes progressivement montés en puissance. Si l'on analysait cela par semaine, l'utilisation des moyens apparaîtrait croissante pour atteindre, à son apogée, 70 engins et 350 personnes en action sur le littoral. Mais cela n'a pas été toujours ainsi.

M. Jacques SANS : Je n'ai pas connu l'Erika. Le Prestige suffit à occuper mes journées depuis novembre. La crise actuelle pourrait être décrite par deux adjectifs : aléatoire et indéterminée : aléatoire dans le rythme d'arrivée du polluant et dans sa localisation, et indéterminée dans le temps, ce qui pose la question de l'identification de la sortie de crise. Au cours de ces dernières semaines, nous avons reçu non une pollution massive, mais de petites traînées, des petites « boulettes ». La crise est quasi terminée, mais la plage n'est pas indemne de toute pollution.

Ce point pose aussi le problème de la réouverture des plages, qui est en soi un véritable sujet de discussion.

Je souhaite insister sur le caractère aléatoire et indéterminé de la crise et sur la succession de deux phases.

En janvier, nous faisons face à la pollution comme nous pouvons. Nous mobilisons des moyens venus pour l'essentiel de l'entreprise. Ils arrivent progressivement -je vous donnerai éventuellement le calendrier d'engagement de ces moyens, parce que l'entreprise elle-même n'a pas les moyens de répondre immédiatement.

Puis, fin janvier-début février, plusieurs éléments se conjuguent : l'intervention de députés à l'Assemblée ; l'arrivée massive de matières polluantes ; la montée en puissance de la mobilisation des matériels par l'entreprise ; l'intervention du préfet de zone, qui apporte les personnels des UISC et leur savoir-faire.

Nous entrons alors dans une deuxième phase de lutte, très active et mécanisée. Voilà comment j'ai vécu les événements.

Concernant la passation des marchés, il est toujours difficile de passer d'un système à l'autre. Nous avons fait des efforts dès la fin du mois de janvier pour conclure un marché avec la Coven. C'est là que la gestion financière a changé de dimension. Nous avons retenu le marché et avons attendu que les marchés viennent à maturité.

Sur les difficultés de passage au système de marchés, M. le député, les délais ont sans doute été plus longs que l'on ne l'aurait souhaité, mais cela s'explique aussi par quelques difficultés rencontrées avec l'entreprise : il se trouve qu'elle ne s'est pas montrée à la hauteur de ses engagements contractuels, du moins dans la mobilisation de nos premiers bons de commande. Ce ne sont que des difficultés ponctuelles qui ne méritent pas d'être soulignées davantage. Mais elles entraînent à nouveau des délais, de façon tout à fait légitime et naturelle, de l'ordre d'une dizaine de jours.

Table ronde regroupant
M. Michel ROQUES
1, Président de l'office de tourisme de Capbreton,
M. André FOUTEL
*, Président de la Fédération départementale de l'hôtellerie de plein air,
M. Denis TERZIAN
*, Président de l'Association des commerçants de Capbreton
et M. Stéphane WEINHOLD
*, Président-directeur général de Billabong

(extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 -
Capbreton)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

MM. Roques, Foutel, Terzian et Weinhold ainsi que Mme Laborde sont introduits.

M. le Président leur rappelle les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête. A l'invitation du Président, MM. Roques, Foutel, Terzian et Weinhold prêtent serment.

M. Michel ROQUES : Depuis l'affaire du Prestige -pour ne pas parler de marée noire, je préfère parler d'affaire- nous enregistrons une baisse des demandes d'informations au niveau des offices du tourisme et du Comité départemental du tourisme (CDT) qui est, à l'heure actuelle, de 37,4% pour ces quatre premiers mois de l'année. Le nombre des étrangers a chuté également. J'ai certains chiffres, si vous les voulez ?

M. le Président : Bien sûr.

M. Michel ROQUES : Les demandes émanent surtout des Français. La baisse est notée surtout pour les Français, mais concerne également les Allemands, par exemple ; elle représente environ 37 à 40% dans chaque catégorie ; les Turcs et les Algériens se maintiennent.

Nous recevons également quelques plaintes au niveau des offices du tourisme. Maintenant que les plages ont été ouvertes, nous voyons arriver des personnes dont les habits, les serviettes, etc. sont tâchés. Quelques plaintes émanent d'hôteliers également, dont la moquette a été tachée par le fioul.

Il me semble que nous avons décidé au comité départemental du tourisme de prendre les choses assez simplement, à savoir que si les gens se plaignent cet été ou dès à présent, nous leur offrons quelques produits pour les dédommager un peu.

Nous avons eu deux bons week-ends à Pâques et au 1er mai. Nous avons vu des gens venir en nombre, des gens qui étaient satisfaits. Je suis moi-même hôtelier, les gens ne se sont pas plaints. Le beau temps était au rendez-vous. Il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions fines.

M. Louis GUÉDON : Vous dites que vous avez eu deux bons week-ends. Par rapport à l'an dernier, le niveau de fréquentation est-il le même ? S'il est plus faible, quel est le pourcentage en moins ?

M. Michel ROQUES : Le taux était équivalent, sinon supérieur.

M. le Président : Très bien.

M. Michel ROQUES : Pour ce qui est du 1er mai, cela a été différent mais, pour Pâques, les hôtels de Capbreton -je parle pour Capbreton- ont tous été vraiment pris d'assaut. Je ne sais pas ce qu'il en a été de l'hôtellerie de plein air.

M. le Président : Pour résumer, les premiers chiffres par rapport aux années précédentes sont une baisse de 37,4% des demandes de renseignements...

M. Michel ROQUES : Et de réservations également.

M. le Président : En revanche, pour les périodes de Pâques et autres, peut-être en raison de la curiosité, la fréquentation a été comparable à celle de l'an dernier.

M. André FOUTEL : Avec un plus du côté espagnol. Pour nous qui sommes sur la côte Sud des Landes, nous notons une remontée de la présence des Espagnols, peut-être due aux mêmes problèmes. Ils sont venus voir des plages propres, prendre la température dans la verdure, sortir les vélos, ... Sinon, les chiffres sont les mêmes. Moins 35% dans l'hôtellerie de plein air, à l'heure actuelle, le dernier sondage datant du 27 avril.

M. le Président : Et pour Pâques et le 1er mai ?

M. André FOUTEL : Pas trop mauvais. Ce sont des week-ends qui ont été excellents, compte tenu du climat. Il est rare, dans notre région, de bénéficier d'aussi belles journées à cette époque.

M. Louis GUÉDON : Pour l'hôtellerie de plein air, Pâques et les week-ends de mai ne sont pas aussi significatifs que pour l'hôtellerie classique ?

M. André FOUTEL : Non.

M. Louis GUÉDON : Il faut plus de chaleur pour faire le point ?

M. André FOUTEL : Voilà.

M. Stéphane WEINHOLD : Il faut dire aussi qu'à Pâques, il y a des braderies de certaines industries du surf et cela attire beaucoup de monde.

M. Denis TERZIAN : Pour notre part, nous enregistrons une baisse du chiffre d'affaires des commerçants par rapport à l'an dernier sur la période de Pâques. Ces derniers jours, grâce au beau temps, il y a eu du monde et les commerçants ont mieux travaillé, à peu près comme l'an dernier, mais à Pâques, la période a été moins propice.

M. le Président : De quel ordre cette baisse ?

M. Denis TERZIAN : Environ 20%.

M. le Rapporteur : En termes de préjudice économique, vous êtes obligés d'attendre la fin de la saison pour dresser une évaluation et pouvoir demander, éventuellement, des indemnisations par les organismes tels que le FIPOL. En revanche, avec l'Etat, a-t-il été évoqué, par exemple, des reports de charges, des prêts-relais par la banque de développement des PME-PMI, comme cela avait été mis en place dans notre région ?

M. André FOUTEL : Nous avons été convoqués récemment en préfecture lors de la mission interministérielle et M. Dufau avait eu la gentillesse de prendre le relais de l'une de mes demandes qui était justement de demander un report de charges auprès de tous les professionnels. Il me semble que cela a été entendu ou, tout au moins, qu'une note a dû être diffusée au sein des trésoreries parce que certains de mes confrères m'ont rapporté que la seconde fois qu'ils ont adressé des demandes en ce sens, elles ont été prises en compte.

M. Jean-Pierre DUFAU : C'était dans le cadre d'une mission envoyée par le ministère sur l'application du plan POLMAR et qui réalisait une expertise avant de lancer les dossiers du FIPOL. De l'avis des professionnels, il était prématuré de tirer les conclusions et il fallait attendre de voir comment les choses allaient se passer. Nous espérons que nous n'aurons rien à demander à personne ; ce serait la meilleure des choses.

En revanche, la difficulté qui a été soulignée est que l'on ne peut pas organiser une saison en prévoyant une baisse, c'est-à-dire que si l'on doit recruter des personnels, on ne peut pas les recruter au dernier moment. Or nous sommes toujours dans l'incertitude, ce qui signifie que les entreprises sont obligées de faire un pari, qui est toujours un pari positif, impliquant un certain nombre d'avances de trésoreries, alors que les entreprises ne sont pas assurées d'un retour. C'est en cela que, sans demander directement de subventions, les professionnels attendent simplement des pouvoirs publics que, compte tenu de cette conjoncture, il y ait des possibilités de lisser certaines charges, de façon à ce que, quand on mettra réellement les compteurs à zéro, l'on puisse évaluer véritablement les recettes reçues et les dépenses engagées, ce qui peut être éventuellement déduit ou subventionné, mais surtout ce qui peut être reporté.

J'ai été frappé par le fait que les professionnels de la pêche tiennent le même discours : ils ne demandent pas, en l'état actuel des choses, d'argent puisqu'ils sont, disent-ils, incapables d'évaluer la situation ; en revanche, ils demandent que soit mis en place un dispositif qui leur permette de passer les problèmes de trésorerie, et une fois les comptes faits, alors les dossiers FIPOL seront opportuns ou pas.

M. André FOUTEL : C'est un simple équilibre de trésorerie lié au fait que 35% de réservations, donc d'arrhes manquent dans nos caisses. Certaines entreprises ont des difficultés à payer. Comme vous le savez, nous travaillons en saisons et nos chiffres majeurs sont réalisés entre juin et septembre. Le reste, ce que l'on gagne en avril et autre, c'est de la broutille. Il est vrai que, sur cette période-là, il faut échelonner et si les personnes réalisent des investissements l'hiver et qu'elles n'ont pas ces rentrées prévisibles d'arrhes, elles se trouvent en difficulté.

Nous avons donc demandé un simple équilibre, par report de charges. Cela a été entendu à la seconde fois, je le reconnais. Mais il a fallu « crier très fort ». Nous en avions déjà parlé auprès du préfet et cela avait du mal à être entendu.

M. le Rapporteur : En termes de nettoyage et de propreté, aujourd'hui, tout est-il propre ?

M. André FOUTEL : Tout d'abord, je n'ai qu'à féliciter l'Etat pour son action puisque, malheureusement, par rapport à l'expérience d'une catastrophe précédente, celle de l'Erika, il me semble que le préfet maritime, le préfet de région et le CDT ont su réagir convenablement. De même, pour notre Chambre de commerce et d'industrie (CCI), c'est grâce à l'expérience acquise au sein de la CCI de Lorient, que tout a pu se mettre en place très rapidement.

A ce propos, j'ai tout de même un message : c'est la troisième fois ! Nous avons eu l'Amoco Cadiz, l'Erika et le Prestige. Jamais deux sans trois, dit-on. Faut-il s'attendre à une quatrième ?

Je sais que les dispositions ont été prises sur les navires double coque, je sais que l'on vient de modifier le trajet sur le rail d'Ouessant,... Mais juste après la survenue de la catastrophe du Prestige, une idée avait été présentée et il me semble que Saint-Nazaire s'annonçait comme pouvant être un port apte à recevoir des navires en difficulté. Cette hypothèse n'est-elle pas à étudier plus précisément ?

M. Louis GUÉDON : Nous avions deux sites, Saint-Nazaire, ... et Capbreton.

M. André FOUTEL : Ah... Capbreton, la passe est profonde. (Sourires.) Je ne sais pas, je suis originaire du Havre. Nous avions dans le passé des formes et des radoubs capables d'accueillir des paquebots comme le France et qui sont inutilisés maintenant. Est-ce que ceci ne pourrait pas combler cela ? Cela ne fonctionne peut-être pas ainsi ... ?

M. le Président : Monsieur, deux points. Les zones refuges ne sont pas nécessairement des ports, il peut aussi s'agir de zones plus calmes où, éventuellement, le bateau peut s'échouer et où l'on peut pomper le pétrole. L'idéal, ce serait d'aller dans les formes, comme vous disiez. Mais il ne faut pas y compter car cela se passe toujours dans des conditions de mer très difficiles, avec des bateaux cassés ou sur le point de casser.

Quant au port de Saint-Nazaire, il s'est proposé de servir de lieu de refuge, mais après la catastrophe du Prestige, pas avant !

M. le Rapporteur : Et selon son président, qui est avocat par ailleurs, Maître Quimbert, avec l'idée d'installer au large une bouée off shore qui pourrait servir pour le pétrole de bateaux qui ne seraient pas en difficulté. C'est une bonne idée, mais...

M. le Président : Pour revenir à vos problèmes de tourisme, et à nos interrogations, est-ce que des campagnes de communication ont été lancées ? Qu'avez-vous déjà fait ?

M. André FOUTEL : En Aquitaine, une campagne est lancée par des affiches qui seront exposées...

Plusieurs intervenants : Elles le sont déjà.

M. André FOUTEL : ... Mais, toujours avec cette crainte de l'effet pervers, si l'on reçoit encore des « boulettes » et que les gens pensent alors que nous ne disons pas la vérité. Néanmoins, nous n'allons pas dire aux gens de ne pas venir parce qu'ils risquent de se salir les pieds sur la plage

M. Jean-Pierre DUFAU : Il est dommage que M. Montus ne soit pas là pour expliciter un peu cette campagne. Ce que disait M. Foutel est exact, tout a vraiment bien été mené parce que tout le monde au CDT s'est démené pour organiser des réunions, lancer des campagnes, être à l'écoute de tout le monde. Maintenant, je ne sais pas ce que cela donnera.

M. Stéphane WEINHOLD : Il y a aussi les sites internet, Plagenet et autres, ceux du CEDRE, du plan POLMAR.

M. André FOUTEL : Et des rapports quotidiens sur la qualité de l'eau, et de la propreté...

M. Louis GUÉDON : Il y a des informations sur la qualité de l'eau ? Des résultats d'analyses ?

M. André FOUTEL : Avec des contre-analyses réalisées par certains maires de communes du littoral.

M. Jean-Pierre DUFAU : En termes de communication, une campagne est effectivement organisée sous la maîtrise de la région Aquitaine sur le thème : « J'aime l'Aquitaine », en collaboration avec le secrétariat d'Etat au tourisme. Cette campagne décline l'attractivité de la région sur le littoral, mais vante aussi les territoires intérieurs des départements du Lot-et-Garonne ou de Dordogne. Cette forte communication a été menée, comme l'a indiqué Michel Roques, en liaison avec les offices de tourisme des départements concernés, managés par la région et avec l'aide technique et financière du secrétariat d'Etat au tourisme.

La difficulté est que cela c'est fait forcément aux mois d'avril et mai et que l'on sait que les campagnes doivent être faites plutôt au mois de septembre de l'année précédente.

Nous ne sommes donc pas certains de son efficacité pour l'été qui arrive. Mais nous n'avons pas choisi la date du Prestige et il fallait bien réagir.

Maintenant, à travers les moyens de communication qui se développent -internet et autres-, d'autres campagnes se font au niveau régional et il est vraisemblable que soit organisée bientôt la venue, par exemple, d'un journal télévisé qui se ferait en Aquitaine.

Je voudrais rebondir sur ce qu'a dit Michel Roques et qui nous pose un problème de responsabilité, parce que nous entendons deux discours différents qui, tous deux, sont vrais.

Nous avons entendu dire ce matin que jamais les plages n'avaient été aussi propres, et il est vrai qu'à cette période de l'année, jamais les plages n'ont été autant nettoyées, donc, a priori, aussi propres.

Cela veut-il dire pour autant que nous n'avons rien à craindre ? Non, et ce pour deux raisons.

Premièrement, la pollution n'est pas totalement terminée et il est donc à craindre que, de temps en temps, même si c'est de façon résiduelle, il y ait de nouveau des accès de pollution, que nous pourrons éliminer mais qui ne nous mettent pas à l'abri de journées difficiles.

Deuxièmement, même si elles sont nettoyées et surnettoyées, personne ne peut dire qu'il n'y a pas de « micro-boulettes » ou de petites particules qui feront que les gens auront les pieds salis par le goudron à force de marcher. Donc, elles n'ont jamais été aussi propres ; quant à le garantir à 100%, c'est impossible, mais peut-être le Croisic a-t-il connu cela ?

M. le Rapporteur : On n'est jamais à l'abri d'un dégazage...

M. Louis GUÉDON : Et les gens vont dire que c'est la pollution du Prestige qui revient.

M. Jean-Pierre DUFAU : Il est essentiel d'expliquer, en même temps, que nous avons mis tout en œuvre pour accueillir les personnes et que les plages n'ont jamais été autant nettoyées mais que, pourtant, nous ne sommes pas à l'abri, non pas de pollution -il faut que les mots prennent leur sens- mais de traces d'hydrocarbures sur les pieds ou les serviettes. Il faut que nous essayions de vivre ensemble avec ce drame, qu'il ne faut ni exagérer, ni nier. C'est ce qui permettra la transparence de la communication. Il faut que l'on arrive à dédramatiser cette affaire tout en disant la vérité.

L'industrie du surf dont il a beaucoup été question ce matin, est un élément fort dans l'image de marque de l'Aquitaine -peut-être même plus de la côte Sud des Landes que de la côte basque, mais je ne veux pas leur faire ombrage. La pollution a-t-elle eu des répercutions sur l'industrie du surf ? Certains, notamment les écoles de surf, affirment qu'il y a eu des incidences sur leur activité du fait de l'interdiction de baignade. Est-ce vrai ?

M. Stéphane WEINHOLD : Il y a deux éléments. Il y a une industrie qui est aussi un commerce, et de ce point de vue, comme pour tous les intervenants, tant que la saison n'a pas eu lieu, il est difficile de donner le résultat. Nous avons livré les clients qui avaient commandé des marchandises au mois de juillet ou septembre de l'année dernière et un certain nombre d'entre eux ont commencé à paniquer il y a deux mois. Nous leur avons répondu de faire la saison et que nous verrions plus tard. Le véritable bilan de la saison interviendra vers la fin du mois d'août, début septembre, quand nous ferons les comptes avec nos clients. Mais, d'ores et déjà, nous sommes obligés de reporter des échéances et de leur accorder des facilités de paiement pour pouvoir tenir la saison.

Certains magasins ne tiendront peut-être pas. Cela dépendra de la fréquentation touristique. Il est évident qu'ils réalisent 60, 70 parfois 80% de leur chiffre d'affaires sur les huit semaines de juillet et août, mais il est encore trop tôt pour savoir.

Un autre aspect est celui, plus personnel, des participants de l'industrie du surf en tant que pratiquants de la mer. Effectivement, il y a eu une hystérie que, pour ma part, je ne supporte pas, portant sur les conséquences éventuelles de tout ceci. Je pense qu'il faut revenir à une situation plus raisonnable et que nous avons besoin d'informations claires et précises. Quand je demandais tout à l'heure si l'on avait des indications sur la qualité de l'eau, je voulais dire dans le cadre de la communication destinée à l'extérieur de l'Aquitaine, puisque nous travaillons sur toute l'Europe, mais ici, le vrai problème est de savoir si l'on peut se baigner sans problème. C'est une question à laquelle, aujourd'hui, je n'ai reçu aucune réponse.

Est-ce que je peux emmener mes enfants se baigner à la plage au mois de juillet ? Je le ferai parce que je pense que les plages il y a vingt ans étaient sans doute aussi polluées, mais nous n'avons pas de réponse claire ou transparente à cette question.

M. Louis GUÉDON : Moi, je pose une question simple au maire : est-ce que votre plage est fermée ? S'il répond qu'elle ne l'est pas, vous pouvez vous baigner.

M. Stéphane WEINHOLD : Le problème des surfeurs est qu'ils se plaignent, mais qu'ils sont « assis entre deux chaises ».

M. Louis GUÉDON : Vous dites que vous n'avez pas la réponse. Ou bien un arrêté vous interdit l'accès et la réponse est non ; ou bien il n'y en a pas d'arrêté et la réponse est oui. Je ne vois pas le problème ?

M. André FOUTEL : Les surfeurs avaient déjà posé la question en réunion avec M. Montus et M. le préfet à Messanges.

M. Jean-Pierre DUFAU : Nous allons répondre très précisément à cette demande. Il y a eu deux décisions : la première, prise par arrêté préfectoral, dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes, corroborée par les maires et confirmée par arrêté municipal, d'interdiction des plages, à cause du goudron qui s'y trouvait pour qu'il n'y ait pas de risque pour les personnes qui s'y promenaient, ni dissémination de la pollution. Et il y a eu, en même temps, l'interdiction des activités nautiques, c'est-à-dire le surf et la baignade.

Ensuite, de façon différenciée, ces arrêtés ont été levés, tout d'abord, pour l'accès aux plages, c'est-à-dire que nous pouvions très bien décider d'aller nous promener sur les plages qui avaient été nettoyées, sans pour autant donner accès à la partie nautique et, par la suite, sur la partie nautique qui a été également rétablie.

A l'heure actuelle, les activités nautiques sont rétablies, à la nuance près qu'en ce qui concerne la baignade, et cela a bien été précisé, à cette époque, sauf en quelques endroits, les baignades ne sont pas surveillées. Il faut donc distinguer trois éléments : on peut se baigner, mais c'est sous sa propre responsabilité car il n'y a pas de services de surveillance assurés par toutes les communes. Les plages ne sont pas encore surveillées, elles le seront dans quelques jours. L'accès à la mer est libre ; simplement, la baignade est déconseillée, tout d'abord parce qu'avec ce temps, elle n'est pas recommandée, mais aussi parce qu'elle n'est pas surveillée. Dès la mi-mai, les services de surveillance seront mis en place.

Depuis quelque temps, des analyses des eaux de baignades sont réalisées, qui sont conformes à la réglementation autorisant la baignade, en ce qui concerne les analyses bactériologiques habituelles, mais aussi en ce qui concerne la teneur en hydrocarbures.

M. Louis GUÉDON : Vous avez la réponse !

M. André FOUTEL : Ce n'est peut-être pas dit de manière suffisamment claire.

M. Jean-Pierre DUFAU : Tout à fait. En clair, la raison pour laquelle les maires ne communiquent pas encore à ce sujet, c'est que l'on ne veut pas inciter à la baignade tant que tous les dispositifs de surveillance ne sont pas mis en place. C'est la raison pour laquelle nous ferons cette communication forte sur la possibilité de baignade concomitamment avec la mise en place de moyens de surveillance de la mer. De toute façon, nous faisons encore des vérifications et des analyses. Ceci dit, les surfeurs ne s'y trompent pas : ils ont recommencé à surfer.

M. Stéphane WEINHOLD : Ils ont recommencé à surfer mais, malheureusement, ce que l'on peut leur reprocher est de ne pas être les meilleurs porte-parole ; ils sortent de l'eau en disant que ça pue le gazole qu'ils en ont dans les oreilles, que leur planche est salie...

M. Jean-Pierre DUFAU : « Ma combinaison en néoprène...

M. Stéphane WEINHOLD : ... noire est tachée ! »

M. le Président : Ce que vous dites, c'est qu'actuellement, à la date du 6 mai, les surfeurs sortent de l'eau en se plaignant de la présence d'hydrocarbures dans l'eau et que leurs combinaisons et leurs planches sont tachées.

M. Stéphane WEINHOLD : Oui, mais ils ne sortent pas de l'eau comme des oiseaux que l'on ramasse après une marée noire. Mais il suffit qu'ils rencontrent deux « boulettes » et...

M. Michel ROQUES : Moi, tous les week-ends, je suis en bord de mer, je ne constate pas cela.

M. Stéphane WEINHOLD : Non, mais il suffit qu'ils touchent deux ou trois « boulettes » et voilà.

M. Louis GUÉDON : Non, mais ce n'est pas la même chose de dire que certains le constatent et de dire que tous les surfeurs sortent avec des combinaisons et des planches tachées. Il y a une nuance. La question de M. le Président est très importante, s'il n'y en a que un ou deux à qui cela arrive, d'accord. Mais si tous sortent avec des combinaisons et des planches tachées, c'est différent.

M. Stéphane WEINHOLD : Je dis qu'en règle générale, quand vous parlez avec quelqu'un qui surfe aujourd'hui, il va sortir de l'eau de l'eau en disant que ça sent le pétrole... Y a-t-il des preuves de tout cela ? Oui. J'ai vu des planches et des combinaisons dans un certain nombre de cas. Est-ce grave et dramatique ? Très sincèrement, en ce qui me concerne, non.

Simplement, ce que je relève, c'est que le niveau de communication face à cette rumeur, est relativement faible. C'est cela qui me préoccupe. Parce que les surfeurs sont des gens qui sont souvent dans l'eau, qui pratiquent la mer et qui, aujourd'hui, diffusent leurs impressions, vraies ou fausses. Pour moi, le problème, c'est qu'il n'y a pas en regard la communication adaptée qui permettrait de rassurer les gens.

M. Louis GUÉDON : Votre propos n'est pas clair. Pour faire de la communication, il faut être clair. Il vous appartient de faire une petite étude, puisque c'est votre gagne-pain et que vous êtes intéressés, pour vérifier, sur dix surfeurs qui sortent de l'eau, combien sont pollués et à quel niveau. A partir de ces données, vous pourrez communiquer parce que, pour le moment, ce n'est pas clair. Il y a un instant, vous disiez que tout le monde sortait de l'eau taché ; ensuite, que quelques-uns seulement...

M. Stéphane WEINHOLD : Je parle simplement de la rumeur. Je vis ici et je dis que la rumeur se diffuse, car ces gens vivent ici et parlent et ensuite, vous entendez des personnes vous dire qu'elles connaissent quelqu'un qui est allé à l'eau et qui en est sorti plein de cambouis.

M. André FOUTEL : Ou qui a dit qu'il en était ressorti plein de cambouis !

M. le Président : Par le passé, chez les mêmes pratiquants avec les mêmes combinaisons et les mêmes planches, est-ce que cela arrivait de temps en temps ?

M. Stéphane WEINHOLD : Non, mais une hystérie collective s'est créée sur cette région, auprès des surfeurs. Je le reconnais. Je sais que cela vient en particulier d'eux et que l'on n'a pas en face une communication assez forte.

M. Jean-Pierre DUFAU : En forme de réponse, devant cette pollution inquiétante, dangereuse, qui agite le monde du surf dont chacun connaît le sens des responsabilités, je m'étonne que continuent d'être programmées toutes les épreuves de surf cet été. Si vraiment il y a un danger, je pense que ces gens sont suffisamment responsables pour savoir qu'il faut annuler ces compétitions. Ou alors, ils ne sont pas conséquents avec eux-mêmes.

M. Stéphane WEINHOLD : Je suis d'accord avec vous. J'ai moi-même parlé à l'ensemble du personnel de ma société pour dire qu'il fallait éviter l'hystérie. Je dis simplement que ce que l'on entend aujourd'hui, c'est une préoccupation et qu'en face, il n'y a pas forcément la transparence de la communication qui ferait que tout le monde serait rassuré.

M. le Rapporteur : Il y a deux sortes de communication. Vous évoquiez les campagnes d'ordre national ; il y a aussi les week-ends où l'on peut faire venir les journalistes et les reporters de grands magazines ou de grands quotidiens.

Puis, en Loire-Atlantique, lors de l'été Erika, l'été 2000, le conseil général avait mis à disposition de toutes les communes, dix ou quinze saisonniers pour gérer la communication. Par exemple : des jeunes filles ou des jeunes gens distribuant des feuilles indiquant les résultats des analyses des eaux ; un petit point plage accueil-information. Au Croisic, mais les linéaires ne sont pas les mêmes, nous avions mis des transats à la disposition des touristes. Je ne sais si ce type d'opérations peut encore être mené dans les Landes, mais cela permet de donner une information juste et d'avoir sur place des personnes pour écouter. Cela avait plutôt été bien perçu lors du premier été de l'après-Erika. Cela représentait une opération de 150 saisonniers gérés par les communes, qui s'étaient révélés efficaces et avaient permis « d'amortir » ou de stopper les rumeurs.

M. le Président : Ne pensez-vous pas aussi qu'un acte choc comme la venue de Bixente Lizarazu avec sa planche, en déclarant : « Arrêtez les sottises, ce n'est pas plus sale ici qu'ailleurs » pourrait avoir un impact sérieux ?

M. André FOUTEL : Bien sûr. M. Ladislas de Hoyos nous a dit que M. Sarkozy viendrait se baigner sur nos plages landaises au mois de juin.

M. le Président : Je me rappelle du Garde des Sceaux de l'époque allant se baigner sur les plages du Finistère.

M. André FOUTEL : La région fait une campagne télévisée, sous forme de spots, à partir du 12 mai. Mais, sur les budgets de nos fédérations, nous n'avons pas cet argent. Nous sommes obligés de passer par la région.

M. le Président : Mais elle est en train d'envisager ce genre de chose ?

M. Jean-Pierre DUFAU : La proposition de M. le Président me paraît intéressante parce qu'à l'heure actuelle, il est vrai qu'une communication devrait peut-être être faite dans le monde du sport, surf et autre, qui est certainement un des vecteurs médiatiques les plus porteurs, notamment sur ces cibles de jeunes et d'adolescents.

Il serait effectivement intéressant de voir avec Bixente, avec lequel nous entretenons des rapports privilégiés, s'il serait possible d'envisager une action dans ce sens, sauf que Bixente est très soucieux de l'environnement. Mais je pense que c'est quelqu'un qui a suffisamment l'amour de l'Aquitaine pour participer à une action de ce type. Ce serait effectivement une bonne figure de proue !

M. le Rapporteur : Nous avons tous le souci de l'environnement ; il faut essayer de « limiter la casse » par rapport aux accidents, mais économiquement, il faut aussi que les régions vivent...

M. André FOUTEL : C'est le problème du surf. Les surfeurs ont deux étiquettes : d'un côté, ils sont « très écolos » et en même temps, ce sont des professionnels.

M. le Président : Tous les bateaux à voile ou à moteur que l'on voit dans le port sont-ils sortis dernièrement et sont-ils revenus avec une impression de pollution ?

M. Jean-Pierre DUFAU : Pour avoir discuté avec les pêcheurs, il y a une dizaine de jours, alors qu'ils étaient en fin de campagne de ramassage de pétrole en mer, quand on a arrêté les réquisitions, il n'y avait plus de pollution massive en mer qui justifiait leur mobilisation. Cela s'est tout à fait normalement arrêté.

Néanmoins, ils m'ont dit qu'il subsistait, bien sûr, des traces infimes et de petites « boulettes » dans l'eau, qui ne pouvaient pas être récupérées avec des filets, ni même avec des épuisettes parce que trop petites ; elles se diluaient ou allaient se déposer au fond.

Le drame de la situation est que nous ne sommes pas à l'abri de petits dépôts qui arriveront régulièrement, qui ne feront plus une pollution massive mais qui causeront un désagrément régulier certainement pendant des semaines encore, comme ce que l'on a découvert dans le Finistère, ces dernières quarante-huit heures, et qui semble provenir du Prestige.

Ce ne sont pas de grosses plaquettes, ce n'est non plus une pollution massive, mais il n'empêche que dès qu'il y a une petite atteinte, cela fait la Une des médias.

M. le Président : C'est terrible, vous travaillez pendant des mois pour raffermir une image ternie et...

M. André FOUTEL : D'autant que la Bretagne, au contraire de nous, avait 15 à 20% de réservations en plus. La Dordogne aussi : dans le Périgord vert, ils ont 20% de réservations en plus. Il y a bien un phénomène de baisse typiquement limité au littoral aquitain. Les Allemands ne viennent pas, leur conjoncture économique est peut-être aussi un peu spéciale cette année, mais avant ils étaient mordus...

M. le Président : Cela durera deux ans. Nous, pendant deux ans, nous n'avons plus vus ni les Anglais, ni les Allemands, ni les Belges, ni les Hollandais.

M. André FOUTEL : Les Hollandais n'ont pas l'air de s'être dédits. J'ai des confrères qui travaillent énormément avec eux et qui sont satisfaits. Ils vont les chercher directement sur les grands salons étrangers.

M. le Président : Je n'ai pas d'autres questions à vous poser puisqu'il s'agissait de vous interroger sur les incidences économiques, sur le tourisme et les industries liées à la mer. Vous semblez à la fois rassurants et, en même temps, craindre...

M. André FOUTEL : Nous subissons. Nous sommes attentifs et nous subissons. Sachez également qu'une enquête très précise est actuellement réalisée par la chambre de commerce et d'industrie des Landes, qui porte sur 3 000 professionnels du littoral. Elle concerne le plein air, le traditionnel...

M. le Rapporteur : Quand sort-elle ?

M. André FOUTEL : Elle est déjà parvenue aux professionnels. Normalement, d'ici une quinzaine de jours, les questionnaires devraient être de retour à Dax. Nous aurons alors des éléments assez précis puisque l'on demande les chiffres d'affaires antérieurs aux mêmes dates. L'enquête porte sur les premiers mois de saison. Les premiers résultats devraient paraître dans quinze jours.

M. Jean-Pierre DUFAU : Il serait intéressant de pouvoir en disposer.

M. André FOUTEL : Il suffit de contacter Mme Charponnel.

M. Louis GUÉDON : Je souhaitais que l'on note au procès verbal que les professionnels de Capbreton ont évoqué la notion de zone de refuge. Cela fait deux fois que nous l'entendons aujourd'hui. C'est pour moi un élément important et je souhaiterais que cela figure au rapport. Mon intervention vise à relever qu'il y a eu une interrogation sur les zones refuges littorales.

M. André FOUTEL : Françaises et européennes ?

M. le Président : Ce n'est pas évident. Encore que je vois mal des zones refuges à l'intérieur du Golfe, sauf peut-être Bilbao ou Bordeaux.

M. André FOUTEL : Est-ce pour autant nécessaire, M. le Président, de laisser un bateau couler à 300 milles des côtes parce que personne n'en veut ? C'est une volonté politique, me semble-t-il ; une décision difficile, je le reconnais.

M. Louis GUÉDON : Oui, on ne peut pas entendre toujours dire qu'à la prochaine marée noire, on se débrouillera mieux. L'idée est de ne plus avoir de marée noire, même si le risque zéro n'existe pas, le risque doit être infinitésimal et non répétitif tous les deux ans.

M. Michel ROQUES : Si l'on nous interroge sur la marche à suivre ou sur des dédommagements éventuels, que peut-on répondre ?

M. Jean-Pierre DUFAU : A l'initiative de la chambre de commerce a été créée une association présidée par mon homonyme, M. Bernard Dufau, qui doit centraliser tous les dossiers des socioprofessionnels. Il faut donc qu'ils se rapprochent de cette association, émanation de la chambre des métiers, dont le siège est à Dax.

Ils peuvent rencontrer des conseillers pour bien constituer leurs dossiers car, effectivement, si la constitution d'un dossier pour le FIPOL n'est jamais un gage de remboursement, on sait de façon sûre que les dossiers mal présentés ne seront même pas examinés. Le maire du Croisic le sait mieux que quiconque. Ces dossiers doivent respecter des règles très précises et c'est la raison pour laquelle nous vous conseillons de passer par l'association qui est déjà informée et qui est en rapport avec M. Jacobsson, qui est l'administrateur général du FIPOL à Londres.

M. André FOUTEL : Cette association dispose donc d'un cabinet d'experts comptables, d'avocats ?

M. Jean-Pierre DUFAU : Tout à fait.

M. Denis TERZIAN : Pour ma part, j'ai une forte demande d'information de la part des commerçants. Actuellement, aucun commerçant n'est au courant et je ne peux, moi-même, donner d'information sur la situation actuelle, qu'il s'agisse de la pollution, de ce qui est fait ou de ce qui sera fait. La chambre de commerce m'a adressé un manuel de demande d'indemnisation que j'ai fait circuler auprès des adhérents de l'association, mais beaucoup de commerçants demandent où l'on en est, comment va se passer la saison, même s'il est vrai que l'on ne peut pas le prévoir. Mais cela traduit une inquiétude.

M. Jean-Pierre DUFAU : Ce que nous pourrions proposer avec mes collègues maires, serait de tenir une réunion d'information publique comme nous l'avons fait en décembre, lorsque nous étions en période de crise, au cours de laquelle nous avions expliqué la situation, ce que nous mettions en place et la méthode que nous allions utiliser pour essayer de faire face à la pollution. Ce qui avait été fait en amont, nous devrions le faire en aval, en organisant une réunion identique pour exposer ce qui s'est passé, comment cela s'est passé et dire où nous en sommes. Le faire en toute transparence, sans optimisme excessif mais sans pessimisme aussi; dire la réalité de la situation pour tenir les gens informés et répondre aux questions sur la qualité du sable, sur celle des eaux de baignades, sur les problèmes d'indemnisations par le FIPOL et dire que, pour le reste, la saison dépend de la venue des touristes mais aussi de chacun de nous. La saison, ce n'est pas les autres, c'est nous, tous ensemble.

M. le Président : Qui devrait être porteur de ce message : la préfecture, la chambre de commerce, les organisations syndicales ?

M. Jean-Pierre DUFAU : Je pense qu'il appartient aux collectivités territoriales de le faire, mais de le faire de façon pluridisciplinaire. Par exemple, je vais lancer une réunion publique réunissant un représentant de l'Etat, un représentant de la chambre de commerce et de l'association d'indemnisation du FIPOL et des représentants du tourisme. Nous ferons une présentation générale au cours de laquelle chacun fera son exposé et ensuite, nous répondrons aux questions. Les gens ont besoin, à l'heure actuelle, d'échanges. Ils n'attendent pas qu'on leur dise que tout va bien, ils ne veulent pas avoir le sentiment de rétention d'informations. C'est ce qui ressort de leur état d'esprit.

M. André FOUTEL : Alors attention à bien inviter un représentant des surfeurs car ils sont assez, comment dirais-je, « citoyens ».

M. Jean-Pierre DUFAU : Ils seront là, bien sûr.

M. André FOUTEL : Les questions émanent souvent des surfeurs et portent justement sur les questions d'écologie et d'environnement.

M. Stéphane WEINHOLD : À partir du moment où l'on ne dit pas que tout va bien, mais plutôt qu'il y a certes des problèmes mais que l'on va gérer, tout se passera mieux.

Audition conjointe de
M.  Roger PARENT,
Préfet délégué pour la sécurité et la défense de la zone de défense Sud-ouest
et du Colonel Yves COLIN,
Chef du centre opérationnel zonal à l'Etat-major de zone Sud-ouest


(extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 -
Bordeaux)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

MM. Parent et Colin sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête leur ont été communiquées. A l'invitation du Président, MM. Parent et Colin prêtent serment.

M. le Président : M. le préfet, j'ai souhaité que nous nous rencontrions avant les auditions qui vont suivre.

Je vous donne la parole pour un petit exposé liminaire, à la suite duquel mes collègues et moi-même vous poserons des questions.

M. PARENT : L'organisation du plan POLMAR en zone Sud-ouest a énormément bénéficié des enseignements tirés de l'Erika. Il me semble que la circulaire du 2 avril 2001, en particulier, a permis de mettre en place un certain nombre d'éléments, notamment de mieux coordonner l'interface terre-mer qui avait fait l'objet de gros problèmes, au moment de l'Erika mais aussi antérieurement, lors du Torrey Canyon entre autres pollutions maritimes.

Nous avons pu travailler avec la préfecture maritime de façon très précise de deux manières, et c'est l'un des grands enseignements de cette nouvelle catastrophe.

La première est que nous avons, par prémonition ou anticipation, conduit un exercice POLMAR zonal au mois d'octobre pour 2002 pour vérifier comment tout cela fonctionnait, avec la préfecture maritime en particulier.

Nous avons constaté, premier enseignement, qu'il fallait organiser de façon fréquente avec la préfecture maritime des visioconférences. Nous les avons organisées au moment de l'exercice, mais aussi au moment de la crise elle-même et nous en avons tiré un bénéfice énorme, notamment pour la communication car cela permet d'éviter des déclarations contradictoires entre la préfecture maritime et la préfecture de zone.

Un autre point très positif de ce nouveau texte de 2001 est que, dès l'instant où une crise concernant plusieurs départements se déclenche et où une interface terre-mer joue, un membre du cabinet du préfet maritime vient immédiatement à la préfecture de zone concernée et se trouve, en permanence, auprès de l'état-major de zone pour lui donner toutes les informations utiles.

C'est ainsi que nous avons bénéficié à l'état-major de zone dirigé par le colonel Colin de la présence constante d'un officier de la préfecture maritime, le revers de la médaille étant que nous n'avons pas pu, par manque de moyens humains, envoyer à la préfecture maritime un membre de l'état-major de zone, comme le prévoit le texte de 2001.

Deuxième enseignement sur lequel il me paraît utile d'insister : la participation de toutes les administrations de l'Etat, telle qu'elle est prévue par les textes, a été acquise très rapidement. On rencontre beaucoup plus de problèmes sur la durée. Je pense en particulier à la Direction régionale de l'équipement (DRE) - le préfet Frémont vous le dira sans doute aussi - qui a du mal à mobiliser complètement ses subdivisionnaires de l'équipement occupés par d'autres taches, ce que l'on ne peut pas leur reprocher, mais à qui il aurait été bon de pouvoir dire qu'il y avait là une action prioritaire et qu'il leur revenait de surveiller et d'organiser les chantiers. La montée en puissance de la DRE a été plus difficile même si la bonne volonté ne manque pas. Il faudra, sans doute, mieux organiser la venue de subdivisionnaires d'autres régions, Limousin ou autres. Le directeur régional de l'équipement vous le dira sans doute mieux que moi.

Troisième aspect, un peu plus délicat : c'est le préfet de département qui déclenche le plan POLMAR-terre. Il n'est pas simple entre plusieurs départements qui ont, finalement, le même linéaire de côte, de savoir qui doit déclencher le plan le premier, qui doit suivre et qui ne doit pas suivre, notamment vis-à-vis de la communication grand public et à terme, au regard des échéances touristiques.

Nous avons vu là se poser un certain nombre de problèmes. Je noterai en particulier que le préfet des Landes a découvert que le plan POLMAR-terre avait été déclenché dans son département par Matignon, alors qu'il n'en était pas avisé. Il l'a appris à 22 heures, comme moi, à la radio et m'a contacté pour me demander des précisions. Je n'ai pu que lui répondre que je venais de l'apprendre moi aussi par la radio. Ce sont des problèmes qu'il faudra résoudre à l'avenir.

Sur deux départements, il faut à un moment donné, soit que l'échelon zonal prenne la main, soit que les trois préfets puissent se coordonner en visioconférence, pour décider du déclenchement.

De même, à l'heure où je vous parle, n'est toujours pas réglée la question de la levée des plans POLMAR-terre. Les instructions prévoient que le préfet de département est seul maître à bord pour mettre fin au plan POLMAR-terre et nous voyons bien que sans une très forte coordination entre les préfets de département, on peut arriver à des divergences d'appréciation, lesquelles sont également liées au problème que connaissent bien les collectivités locales : si l'on met fin au plan POLMAR-terre, un certain nombre de factures incomberont aux collectivités locales, alors que tant que l'on reste dans le dispositif du plan POLMAR, les réquisitions faites sous le timbre de l'Etat sont payées par l'Etat. Nous avons donc entre l'approche locale et l'approche financière nationale, des points de vue légèrement divergents.

Autre problème rencontré au niveau zonal, qu'il faut souligner si l'on doit modifier la circulaire de 2001 : les préfectures de département ne sont pas toutes au même niveau de préparation dans la lutte POLMAR. Je dois dire, à leur décharge, qu'elles disposent parfois de services de protection civile qui peuvent être très légers selon la taille du département et que leur approche des crises peut être plus ou moins affinée. On voit bien que le préfet du Finistère ainsi que celui de la Loire-Atlantique ont un plan POLMAR parce qu'ils ont déjà été touchés. En revanche, le plan POLMAR des Landes n'est toujours pas fait, celui de Pyrénées-Atlantiques de même. Pour celui de la Gironde, signé le 20 décembre, nous avions fait un exercice et l'avons rédigé grâce à la présence d'une équipe importante. Ainsi, nous constatons que les grosses préfectures peuvent réaliser ces plans plus facilement ...

La remarque vaut d'ailleurs pour l'ensemble des plans qu'on leur demande ; on leur demande des plans SATER (Sauvegarde aéro-terrestre), des plans SNCF, des plans frontières, etc. Les préfectures sont tellement submergées par la demande qu'elles sont obligées de prioriser. Les Landes ont peut-être été amenées à ne pas rédiger leur plan POLMAR, se disant qu'une pollution maritime de grande ampleur ne se produirait jamais dans le département.

L'absence de plan POLMAR se double de ce que je considère comme une méconnaissance technique de la part des départements car celui qui n'a jamais vu dérouler un barrage POLMAR sur une rivière n'imagine pas ce que c'est. Quand certains préfets nous ont demandé de leur amener tout de suite 500 mètres de barrage, je crois qu'ils pensaient que cela se transportait dans une 4L ! Nous nous en sommes bien rendu compte quand nous avons dû leur expliquer, un dimanche après-midi, que pour 500 mètres de barrage, il fallait d'abord réquisitionner trois plateaux de 35 tonnes, trois semi-remorques, et qu'à l'arrivée, il fallait disposer des engins de levage parce que les ancres pèsent 500 kg.

Pareil épisode montre bien qu'il faut -et c'est le rôle de la zone, je reprends là tout à fait ma charge- dispenser une formation continue ou, tout au moins, avant de déclencher le plan POLMAR-terre, ce qui, dans notre cas, était prévisible puisque nous étions dans une crise à cinétique lente, leur faire prendre conscience de ce qu'est le matériel dans un de nos centres de stockage POLMAR -nous en a un au Verdon, un à Saint-Nazaire.

Cela amène au point principal, sur lequel il faudra revenir cet après-midi, qui a induit des débours financiers importants : dès l'instant où le plan POLMAR-terre est déclenché dans un département, le préfet réquisitionne les moyens qu'il estime nécessaires. Compte tenu de cette méconnaissance technique, certains préfets peuvent acheter des centaines de kilomètres de filets qui s'en vont avec la première marée quand on oublie de les ancrer. Or, ils ont été achetés, et seront payés par l'Etat. D'autres préfets peuvent dire qu'il leur faut des barrages...

Nous devons donc, à mon avis, au niveau zonal, améliorer la connaissance technique des moyens à mettre en œuvre et, peut-être, l'ultime étape, qui se traduit maintenant dans les moyens financiers, est-elle de dire que le préfet de département déclenche le plan POLMAR-terre mais qu'aucune réquisition de moyens d'importance ne peut être faite sans l'accord précis et formel du préfet de zone qui pourra, avec ses experts, valider ou non le choix technique : faut-il des filets ou, au contraire, des engins de barrage, des bateaux flottant récupérateurs de «boulettes» etc. En fait, l'organisation actuelle de POLMAR laisse aux préfets la décision de commander ce qu'ils jugent nécessaire, mais cela se fait au « doigt mouillé » ou avec des avis de techniciens qui n'ont jamais eu à traiter de cela auparavant. Il faut donc trouver une expertise technique assez rapide auprès des préfets de département.

Même si nous avons été amenés avec le colonel Colin à dire à certains préfets de département que la commande ou la réquisition de 150 kilomètres de filets -ce qui a été le cas- n'était pas forcément appropriée, ceux-ci sont maîtres dans leur département et peuvent donc très bien répondre au préfet délégué à la sécurité ou à son chef d'état-major de zone, qu'ils estiment que c'est ce qu'il faut. Nous avons là un problème d'expertise.

Dernier point qui découle du retour d'expérience de l'Erika : l'organisation sur la base de fiches de suivi et de remontées d'informations identiques pour tous les départements a parfaitement fonctionné et a permis à la zone de sortir en temps réel, tous les soirs, le bilan du nombre de tonnes enlevées, le nombre de kilomètres de plages nettoyées, etc. La communication et la mise en place sur internet de tous ces éléments ont été largement facilitées par ces remontées d'informations systématisées et formatées sur ordinateur.

C'est l'un des grands enseignements de l'Erika pour laquelle le préfet de zone coordinateur était obligé de faire des recoupements pour avoir une vision claire de ce qui se passait. Nous pouvions ainsi, tous les soirs, communiquer ce bilan, y compris via le site internet consultable par tous les journaux.

Par ailleurs, malgré ce qui a pu être dit à certains moments, nous n'avons eu qu'à nous féliciter de l'accompagnement du CEDRE (Centre de documentation, de recherche et de documentation sur les pollutions accidentelles des eaux). Je considère que les techniciens du CEDRE ont été, soit auprès du préfet du département, soit auprès de l'état-major de zone, de très bons conseillers tant pour la mise en œuvre des nouvelles méthodes et de nouvelles techniques, que par leurs analyses assez fines de ce qui pouvait se passer sur telle ou telle plage. Le concours du CEDRE est le bienvenu. Malheureusement, il arrive - et je reviens au point précédent - après le déclenchement du plan POLMAR-terre et après la mobilisation des moyens, ce qui veut dire que les préfets ont déjà pu commander des moyens, les acheter et les faire payer par l'Etat, alors même qu'ils n'ont pas encore reçu le conseil technique que peut leur apporter le CEDRE en la matière.

Tels sont les principaux enseignements que j'ai pu retirer de cette affaire.

M. le Président : M. le préfet, en vous écoutant, des questions me viennent spontanément à l'esprit. Si j'ai bien compris, d'une façon globale, la coordination POLMAR-terre et POLMAR-mer n'a pas été mauvaise.

M. Roger PARENT : Je considère qu'elle n'a pas été mauvaise et que nous avions en permanence des informations par la cartographie que nous envoyait la préfecture maritime par internet, qui nous donnait les dérives de courants, les bouées, etc.

M. le Président : Le problème principal qui semblerait se poser est celui de la coordination au niveau de la zone. Les préfectures n'ayant pas le même degré de préparation ni la même approche des véritables problèmes et de leurs correctifs, vous semblez suggérer que l'on puisse avoir au niveau zonal une nouvelle approche politique, au bon sens du terme, de ces questions.

Je formulerai deux questions : lors de l'exercice à blanc du mois d'octobre, avez-vous remarqué les difficultés qui sont apparues au cours de l'incident lui-même ? Cet aspect zonal des choses, notamment, vous est-il apparu, dès ce moment-là, poser des problèmes de coordination ?

Par ailleurs, existait-il, à l'époque, un recensement des matériels de lutte contre la pollution au niveau zonal ? Existait-il des documents techniques recommandant aux différents préfets, sans qu'ils connaissent le fonctionnement du système, comme vous l'avez rappelé, les possibilités de lutte contre la pollution ? En effet, cette insuffisance en préparation et sans doute en recensement du matériel nous est apparue sur d'autres sites également. C'est donc, parmi les recommandations que nous serons appelés à faire, sans doute l'un des éléments que nous pourrions particulièrement signaler.

M. Roger PARENT : L'exercice d'octobre était essentiellement destiné à vérifier la coordination avec la préfecture maritime, puisque les enseignements précédents montraient que c'était le principal défaut. Mais au cours de cet exercice, certains départements n'ont quasiment pas participé. Cet exercice a été considéré comme un exercice d'état-major à blanc.

En revanche, la liste des matériels entreposés au Verdon est disponible. Je ne sais si nous l'avions adressée aux départements ou non ?

M. Yves COLIN : Oui, d'autant plus qu'elle était consultable puisqu'il existe un document national sur l'ensemble des stocks.

Par ailleurs, le CEDRE a mis au point sur son site internet, la totalité des recommandations techniques connues et disponibles que nous avions sorties à l'occasion du Prestige. C'est d'ailleurs une de ses missions principales que d'établir des normes de travail.

M. le Président : La DRE en avait-elle eu connaissance ?

M. Yves COLIN : Nous nous en étions assurés, bien sûr, pour les matériels. La DRASS (Direction régionale de l'action sanitaire et sociale) également puisque ces recommandations incluaient aussi la protection des personnels intervenants, qui est l'un des points importants.

La question a été de choisir des méthodes, puisque aucune pollution ne ressemble vraiment à une autre. En l'occurrence, celle-ci était dispersée dans le temps et dans l'espace, avec un pétrole qui est resté très longtemps dans la mer et qui, donc, avait une texture à l'arrivée qui n'était pas du tout celle que l'on trouvait en Galice où il y avait de grosses plaques. Ici, c'était plutôt très dispersé.

De plus, la côte ici est extrêmement diversifiée puisqu'en Charente-Maritime, nous avons des plages tout à fait « normales » par rapport au reste de la France, mais aussi des îles. Nous avons ensuite plusieurs centaines de plages océanes extrêmement droites. Enfin, dans les Pyrénées-Atlantiques, il y a plus de falaises et de rochers que de plages. Il y avait donc trois contextes de travail technique à calibrer.

Au cours de la première phase, quand le pétrole n'était pas encore arrivé, tout le problème technique de la préfecture maritime et du CEDRE était d'essayer de « lire » dans la mer à quel moment les premières galettes et « boulettes » allaient arriver et de s'y préparer. Au moment de l'arrivée, avec le CEDRE, la DRE, et la DRIRE (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) notamment, il s'est agi de voir comment traiter ce qui arrivait, c'est-à-dire de définir la technique la plus efficace sur ces pollutions.

Nous avions, bien sûr, une idée un peu préconçue après analyse, qui était que sur les grandes plages océanes, en Gironde et dans les Landes, nous irions certainement vers une mécanisation du ramassage car sur ces linéaires de sable, il paraissait évident de pouvoir recourir rapidement à des machines, même si les accès ne sont pas tous les kilomètres.

Il y a donc eu cette phase d'étude et d'analyse dont parlait M. le préfet, durant laquelle il faut, au niveau des préfets de département et du préfet de zone, mener des actions et où, parallèlement, on est dans une phase où l'on est encore en étude de la meilleure façon de traiter les différentes problématiques. C'est une course poursuite entre l'analyse et la nécessité de l'action.

Il y a eu alors la mobilisation des barrages du Verdon, l'achat de filets, l'achat préventif de tenues...

M. le Président : De façon un peu anarchique, malgré tout ?

M. Yves COLIN : Oui. Disons que les achats en eux-mêmes présentaient des logiques par rapport à la logique de l'action, mais n'étaient pas encore coordonnés par une logique globale de ce qu'il fallait mettre en œuvre.

M. le Président : Par méconnaissance ?

M. Yves COLIN : Autant par méconnaissance que pour toute autre raison, d'autant plus qu'en Gironde, par exemple, il y avait déjà deux sites, les plages océanes et le bassin d'Arcachon où tout le monde pensait initialement qu'aucun pétrole n'entrerait et qui, finalement, en a eu.

Il a donc fallu mettre un site spécial pour traiter cette situation car les problématiques étaient très particulières. C'est la direction régionale des Affaires maritimes, sous l'autorité du sous-préfet désigné par le préfet de département, qui a expérimenté, et même inventé, des techniques pour traiter cette problématique très particulière du bassin.

Au cours de cette première phase, nous n'avons pas eu de problèmes techniques pour savoir où se trouvait le matériel qui existait et dont nous avions besoin. Par contre, à partir du moment où l'on a voulu passer, de manière un peu plus industrielle, à la phase de mécanisation du ramassage, nous nous sommes aperçu qu'aucune entreprise n'avait en stock les matériels ni même les personnels...

M. le Président : Vous parlez des cribleuses ?

M. Yves COLIN : Des cribleuses, des micro-cribleuses et des personnels. L'entreprise Le Floch est une entreprise réactive puisqu'elle a déjà travaillé, notamment sur l'Erika et, avant même d'avoir des réquisitions et des commandes, elle avait commencé à commander des cribleuses dans les différentes sociétés avec lesquelles elle travaille parce que la configuration lui laissait à penser qu'il serait fait appel à sa société, ce qui n'était pas faux.

M. Roger PARENT : Il est vrai que nous avons avancé par itération. Parce que les cribleuses ne suffisaient plus, il a fallu ensuite, chercher des rouleaux oléophiles ...qui marchaient très bien. Donc, cette problématique qui consiste à dire qui du préfet de département ou du préfet de zone doit commander le matériel me paraît importante à poser.

Nous avons vu qu'au moment des paiements, nous avons obtenu de Bercy que le préfet de zone soit ordonnateur secondaire pour l'ensemble de la zone et les dépenses du plan POLMAR.

Nous avons la même problématique pour un autre domaine sur lequel nous travaillons beaucoup en ce moment, celui des plans Intempéries, qui devrait amener le préfet de zone à pouvoir interrompre la circulation sur des routes nationales en cas de tempête de neige affectant plusieurs départements, y compris dans un département voisin en se substituant au préfet de département.

M. le Président : Avez-vous travaillé cette question ? Avez-vous des documents sur une réorganisation zonale idéale ?

M. Roger PARENT : Nous y travaillons parce que le décret du 16 janvier 2002 a vraiment conféré au préfet de zone des pouvoirs nouveaux. Depuis, on a la zonalisation des forces mobiles. On voit bien que l'on est amené à mettre en place des plans Orsec zonaux qui n'existaient pas auparavant et que nous aurons besoin ici de faire un Orsec POLMAR zonal, au moins sur les quatre départements côtiers de la zone naturellement.

M. le Président : Avec une autorité du préfet délégué sur les préfets départementaux ?

M. Roger PARENT : C'est tout le débat.

M. le Président : À l'expérience, souhaiteriez-vous que l'on débouche sur une solution comparable ?

M. Roger PARENT : Depuis le décret du 16 janvier 2002, il est évident que l'état-major de zone monte en puissance dans la gestion des crises. Il compte maintenant près d'une trentaine de spécialistes : des techniciens, des sapeurs-pompiers, des ingénieurs de l'équipement, un médecin, etc. Nous avons maintenant des spécialistes, dans l'état-major de zone, qui doit venir en appui des préfets de département mais aussi pouvoir décider de la doctrine et dire ce qu'il faut ou ne pas faire.

La mise en place de ces états-majors de zone avec l'appui du SGDN (Secrétariat général de la défense nationale), ce qui est le cas actuellement, et de la DDSC (Direction de la défense et de la sécurité civile), me semble vraiment à l'ordre du jour. La zonalisation se fait, maintenant les CRS sont zonalisés - le chef de groupement de CRS est chef d'état-major zonal -les renseignements généraux le sont aussi- le directeur régional est le directeur de zone -et même les procureurs généraux- le procureur général de Bordeaux est, depuis un décret de 2000, procureur général de la zone. On voit bien que cette organisation administrative commence à être essentielle, en particulier, dans la gestion des crises.

M. Yves COLIN : M. le préfet, si vous permettez, pour enchaîner sur ce que vous venez de dire, les deux missions antérieures de la zone, qui étaient la centralisation du renseignement et la coordination de l'envoi de moyens, c'est-à-dire, en fait, la réponse aux attentes des préfets de département pour les aider quand leurs moyens propres sont insuffisants, sont encore plus justifiées. Ce qui est important -et c'est pour cela qu'il y a eu des renforcements et que l'interministérialité se met en place au niveau de la zone- c'est que ce qui permet au préfet de zone d'être extrêmement bien placé pour assurer ce niveau supérieur de coordination, c'est que, premièrement, il se trouve à un niveau d'où il a une vision nettement plus globale des situations, dès lors qu'elles commencent à avoir un certain niveau de gravité et que, deuxièmement, au niveau zonal, en dehors des personnels propres dont M. le préfet vient de parler, on est capable de faire travailler en réseau, en temps réel, différents niveaux d'expertises.

C'est bien ce qui s'est passé pour le plan POLMAR. Il était impossible de mettre à disposition de chaque préfet de département le niveau d'expertise qui lui aurait été nécessaire pour avoir son propre état-major pour analyser une situation. Nous avons donc mutualisé les plus hauts niveaux d'expertises existants et nous avons redistribué cette expertise. Il y a eu, là, une prestation de service à la fois au bénéfice du préfet de zone et des préfets de département, parce qu'il fallait partager. C'est un rôle fondamental qui, d'ailleurs, se justifie pleinement. Dès lors que le préfet de zone dispose de capacités d'expertise qui ne peuvent pas exister département par département, il apporte réellement une plus-value à l'ensemble des préfets de département, il est justifié qu'il soit situé à un niveau de coordination plus élevé que celui auquel il était avant.

M. le Président : N'avez-vous pas rencontré de problèmes de susceptibilité de la part des préfets de département ?

M. Roger PARENT : Si, toujours, et encore maintenant. Vous pourrez poser la question aux préfets cet après-midi. D'après les textes, par exemple, le retour d'expérience technique doit être conduit au niveau de la zone. Nous avons donc estimé nécessaire de désigner un préfet pour piloter ce retour d'expérience. Nous avons nommé le préfet du Lot-et-Garonne, mais les préfets des Landes et des Pyrénées-Atlantiques s'interrogeaient. Nous leur avons répondu que nous avions besoin d'un retour d'expérience pour voir, techniquement, ce qui s'est passé et puis, parce que la DDSC nous l'a demandé... Il y a bien quelques petites susceptibilités.

Nous le voyons bien au niveau zonal. Les nouveaux risques auxquels nous sommes maintenant confrontés sont de nature nucléaire, bactériologique, chimique. Imaginons une alerte bactériologique dans le Gers : on voit bien que le préfet du Gers n'aura jamais les moyens de prendre en compte un tel événement, simplement parce que le service de protection civile du Gers doit représenter deux ou trois personnes au maximum. Il aura besoin de l'expérience, y compris en appui, d'experts du CHU (Centre hospitalier universitaire) de Bordeaux ou autre. Sur ces nouveaux risques, la zone est donc totalement indispensable.

Pour prendre un autre exemple, celui de la variole puisque nous sommes actuellement confrontés à cette problématique et à l'éventualité d'une vaccination de l'ensemble de la population française, les équipes sont zonales. A la demande des ministères de la santé et de l'intérieur, ont été mises en place des équipes zonales qui, certes, animeront des équipes départementales, mais donneront aussi la doctrine et la manière.

M. le Rapporteur : Nous sommes tout à fait d'accord sur votre analyse de la zone. Mais se pose tout de même le problème des SDIS (services départementaux d'incendie et de secours), qui montent le plus en puissance. D'un département à l'autre, suivant la richesse et suivant les risques aussi, Seveso ou pas, on voit que les moyens issus notamment des participations communales et du conseil général ne donnent pas à tous les mêmes moyens d'organisation matériels et humains. Un des problèmes des prochaines années sera sûrement de savoir comment travailler en zone avec des services départementalisés.

M. Roger PARENT : On le fait sous deux formes avec les SDIS .

Premièrement, par des conventions. C'est le ministère de l'Intérieur, les DSG (division des services de gestion) et le SGDN (Secrétariat général de la Défense nationale) qui achètent du matériel et le mettent, par convention, à la disposition des SDIS qui devront le mettre à la disposition de la zone. Le budget prévoit cette année 45 millions au profit des investissements des SDIS, qui seront donnés par l'Etat sous la forme de la DGE (dotation globale d'équipement). Nous devons participer au financement des SDIS non pas en fonction de leurs possibilités mais en disant que ce sont des investissements à caractère zonal importants, qui pourront ensuite être mis à disposition d'autres départements. On peut ainsi imaginer, si on achète un camion pour une cellule chimique que l'on met à la disposition de Toulouse, que c'est un investissement zonal qui doit bénéficier aux SDIS qui n'en ont pas. On peut aussi considérer que l'achat de camions pour la lutte contre les feux de forêt est un investissement zonal.

M. le Président : Vous suggérez une réorganisation totale du système.

M. Roger PARENT : Il est vrai qu'on ne peut obliger le SDIS à aller sur les plages. Ce n'est pas du « secours aux personnes ». Si le conseil administratif du SDIS considère qu'il ne revient pas aux sapeurs-pompiers d'aller ramasser les « boulettes », on ne peut pas s'y opposer. Nous pouvons, bien sûr, les réquisitionner, mais alors, il nous faut les payer.

Le SDIS des Landes et celui de la Gironde ont été payés pour toutes les interventions. En réalité, on a fait appel aux SDIS non pas pour le ramassage lui-même, mais en tant que cellule de décontamination. Le SDIS de la Gironde a ainsi surtout été utilisé comme cellule de décontamination et de préparation des chantiers. L'Etat les a remboursés des dépenses engagées.

Mais nous savons qu'il reste du résiduel. Cela a été le cas du petit SDIS des Landes. Mais dans les Landes, c'est récurrent parce que nous avons un problème similaire pour les feux de forêts.

M. le Rapporteur : Il y a une demande de positionnement de sécurité civile, apparemment, dans le département des Landes. Cela a été évoqué devant nous hier.

M. Roger PARENT : Tout à fait. Le préfet le reconnaît lui-même.

M. le Président : Vous n'avez pas eu de problème particulier entre volontaires et professionnels ?

M. Roger PARENT : Nous avions pris la précaution de nous rendre là où l'on commençait à évoquer l'arrivée de «boulettes» et d'y réunir tous les maires du littoral en une grande séance d'information pour leur dire très clairement que la première catastrophe était l'arrivée des «boulettes», bien sûr, mais que la seconde, c'était les bénévoles -ce qui est différent des « volontaires ». Les élus ont très bien compris le message. C'était aussi un des enseignements de l'Erika ; les gens ramassaient des «boulettes» sur les plages mais les mettaient ensuite sur les parkings, à même le sol.

M. le Rapporteur : Causant parfois plus de dégâts en haut de plage...

M. Roger PARENT : Nous l'avons rappelé aux élus en leur indiquant que s'ils avaient besoin d'équipes de volontaires, il fallait que ceux-ci soient enregistrés en mairie de manière nominative, avec un certificat médical. Tous les messages que nous avons lancés avaient surtout pour but d'éviter que les Bordelais ne se déplacent ...

M. le Rapporteur : Votre chance, si je puis dire, a été que vous avez eu le temps de vous préparer.

M. Roger PARENT : Il est vrai que nous avons pu organiser cette grande réunion d'une matinée pour prévenir les élus, nous préparer, faire les analyses de l'eau pour avoir un état zéro, faire entrer des combinaisons, etc.

M. le Rapporteur : Et la nouveauté du discours était que cela pouvait arriver n'importe où, alors que pour l'Erika, le discours était plutôt que cela n'arriverait pas dans cette zone. Beaucoup de certitudes ont été alors battues en brèche. La désorganisation a commencé là.

M. Roger PARENT : Tout à fait. Grâce au suivi des dérives par la préfecture maritime, dès le moment où le bateau a fait cette boucle et a commencé à lâcher du pétrole, nous savions, d'après les courants qu'il y aurait pollution et qu'elle entrerait dans le Golfe de Gascogne.

M. le Rapporteur : Vous parliez du CEDRE. Je vous rejoins totalement sur la pertinence et sur la technicité du CEDRE, notamment en terme de suivi. Il avait été un peu discrédité lors de l'Erika... Surtout dans les médias et pour des problèmes de financement. Mais techniquement, nous avions toujours eu de bons experts et je crois que le travail continue. Par ailleurs, le « fait » d'avoir deux catastrophes rapprochées en trois ans a redonné un peu de...

M. Roger PARENT : En plus, les préfectures s'épuisent à tenir des PC avancés et nous bénéficions maintenant des agents sous contrats à durée déterminée du CEDRE, qui continuent à suivre et à entrer toutes les données. Sur la durée, puisque cela dure depuis trois mois et demi, il est indispensable de pouvoir continuer à collecter les données de ce qui arrive, les tonnages ramassés...

Combien avons-nous de CDD du CEDRE ? Six ou huit ?

M. Yves COLIN : Nous en avons huit, dont une informaticienne pour gérer le réseau de collationnement de renseignements et de cartographies.

M. Roger PARENT : Il est clair que les préfectures ne peuvent pas le faire.

M. Yves COLIN : En fait, il nous a fallu -et nous l'avions prévu dès le début- faire face à une pollution atypique, contrairement à celle de l'Erika ou celle de l'Amoco Cadiz pour lesquels il y avait de grosses masses. Finalement, tout le monde s'était préparé, au moins intellectuellement sinon en pratique, à devoir être capable de s'adapter et à ce qu'il y ait des phases d'adaptation. La première phase a été le premier arrivage qui a été, finalement, assez dispersé puisqu'il y a eu des «boulettes» du sud de la Charente-Maritime au nord des Pyrénées-Atlantiques. Le deuxième arrivage a été beaucoup plus massif.

Nous nous en doutions de ce que serait la nature de cette pollution. Le problème est que nous avons eu une météorologie tout à fait aberrante. Si elle avait été normale, avec le vent d'ouest, nous aurions reçu cette pollution bien avant, mais nous avons eu un maximum de vents d'est qui ont ralenti les arrivées et beaucoup plus fractionné les nappes.

Le deuxième arrivage a été nettement plus important et nous a obligés à reconditionner le dispositif. Au lieu d'avoir des chantiers dispersés sur les communes, nous nous sommes aperçu, après expérimentation dans la Gironde, puis utilisation dans les Landes, que le rendement était meilleur en regroupant les moyens en unités plus importantes pour créer une sorte de chantier mobile car il fallait découper à la main les plaques, devenues très importantes, avant de les charger dans les camions.

C'était une nouvelle organisation du travail qui, en réalité, a été conditionnée par l'aspect terminal : que fait-on de tous ces déchets ? Fallait-il créer de très gros stockages ? Nous savons que, pour l'Erika, il y a encore des milliers de tonnes qui traînent. Nous savions que nous n'aurions pas de telles quantités, tout de suite. Aussi la DRIRE a-t-elle envisagé, puisque nous disposions de deux entreprises d'incinération, de mettre, dès le départ, un maximum de flux tendu, sachant que nous avions une capacité journalière de destruction de 100 à 150 tonnes de déchets mélangés. Cela permettait déjà de calibrer les stockages intermédiaires susceptibles servir de tampons pour lisser ce flux tendu. C'est cet aspect terminal qui a conditionné par la suite le travail de plage, etc.

M. Roger PARENT : C'est là aussi que la coordination zonale est indispensable. L'usine qui brûle ces déchets étant située à Bordeaux, il ne fallait pas que les préfets de département nous envoient leurs bennes sans arrêt. Le problème principal a été celui de l'organisation logistique. Il faut avoir des logisticiens pour organiser les opérations. Heureusement, un colonel de l'unité de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou est venu nous appuyer et a vraiment organisé ces opérations, y compris dans les Landes, en nous indiquant que cela ne fonctionnait pas bien. Dans les Landes, nous avions en effet des bennes remplies, d'autres à moitié vides. Il fallait donc repositionner certaines bennes, réorganiser les flux -même si, dans les bennes des Landes, on a fini par trouver des machines à laver et des frigos !

M. le Président : Vous n'avez pas eu trop de mal à trouver des bennes ?

M. Roger PARENT : Non puisque, dans les Landes, nous avons pu en avoir jusqu'à 334 à certain moment. Les entreprises d'environnement ont toutes ce genre de bennes-plateau. Le problème était plutôt de trouver des endroits en haut de dune où les déposer sans affaisser la dune. Nous avons le souci de préserver l'environnement.

L'avantage d'avoir pu préparer les opérations est que, grâce aux emplacements désignés dans notre plan POLMAR-terre en Gironde -ce qui n'était pas fait dans les Landes- et grâce au recensement des élus, nous connaissions tous les sites où l'on pourrait mettre des bennes...

M. le Président : Seulement en Gironde ? Pas dans les deux autres départements ?

M. Roger PARENT : Nous le leur avions demandé, mais effectivement, nous étions plus avancés en Gironde. Cependant, lors de la réunion que j'avais tenue au mois de décembre, nous avions souligné que nous ne disposions pas assez de hauts de dune et demandé à chaque élu de vérifier tous les chemins forestiers qui, la plupart du temps, servent aux camions de feux de forêt et pourraient permettre de déposer une benne qu'un camion pourrait venir récupérer sans affaisser la dune. Nous avons eu un recensement assez précis des endroits où nous pouvions mettre ces bennes.

M. le Président : Vous avez vaguement évoqué la gestion médiatique et psychologique de l'événement. Vous nous avez dit qu'il y avait une bonne coordination avec la préfecture maritime de Brest. Quels enseignements tirez-vous de cette gestion médiatique qui, pour certains, a paru difficile à faire accepter par les populations ? Quel est votre avis ?

M. Roger PARENT : Nous mettions totalement en ligne sur le site internet de la préfecture, les communiqués de la préfecture maritime. Le correspondant maritime nous donnait copie de tous ses communiqués.

M. le Président : Mais vous n'aviez pas désigné quelqu'un pour tous les contacts avec les médias comme il y en avait un à la préfecture de Brest ?

M. Roger PARENT : Pour parler très franchement, tout d'abord, les préfectures ont du mal à le faire. Les textes sur le plan POLMAR indiquent que c'est la préfecture de zone qui doit communiquer. L'état-major de zone n'a pas de « communiquant ». Donc, ici, c'est la préfecture du département qui a pris en charge la communication. Or, la communication à la préfecture de la Gironde, c'est une personne. Par rapport à la préfecture maritime, nous étions bien moins bien organisés et la communication a finie par être faite en droite ligne par le préfet de zone, M. Frémont, qui l'a pratiquement prise en charge.

Nous faisions de la communication technique : nombre de kilomètres enlevés tous les jours, nombre de bennes, nombre de tonnes brûlées, de plages nettoyées, sur laquelle nous communiquions normalement et la communication « grand public » relevait du préfet de zone lui-même.

M. le Rapporteur : Ne pas avoir de communiquant référant n'est pas forcément un handicap car, en préfecture, on peut avoir plusieurs types de dossiers à gérer et on a vu des professionnels de la communication...

M. Roger PARENT : Et très clairement, les journalistes veulent voir le préfet.

M. le Président : Le fond de la question était de parler d'une même voix unique et décidée à l'avance. L'expérience brestoise maritime montre, à l'évidence, que c'est un progrès par rapport à l'Erika.

M. Roger PARENT : Tout à fait, nous considérons que c'est un très grand progrès. J'avais l'amiral assez souvent au téléphone. Il ne communiquait que sur la partie maritime. Il s'en est totalement tenu à son rôle, y compris pour le survol des avions. Nous avions des informations très claires : si cela touchait un mille avant la côte, il n'en parlait pas. C'était notre problème. Il nous annonçait qu'il y avait des «boulettes» à un mile de la côte ou de l'entrée du bassin d'Arcachon. Ensuite, c'était notre problème, ce n'était plus le sien.

M. Yves COLIN : Il faut souligner toute l'importance, et cela avait été vu au niveau de l'exercice, de l'emploi de la visioconférence.

Il y a eu de nombreuses visioconférences entre préfet maritime, préfet de zone et préfets de département, quasiment deux fois par semaine à certains moments. C'est très important parce que le contact visuel et oral entre les autorités en charge du dossier permet de résoudre de nombreux malentendus potentiels.

M. Roger PARENT : Cela aurait été plus difficile si les dix départements de la zone Bretagne et de la zone Sud-ouest avaient été touchés car les visioconférences auraient été plus difficiles. Le fait de n'avoir que quatre départements nous a permis d'organiser ces visioconférences de façon aisée avec la préfecture maritime.

M. Yves COLIN : Cela a été utilisé par la suite, notamment côté terre. La caractéristique est que nous avons commencé cette affaire suivant l'instruction ministérielle et la circulaire de 2002, selon lesquelles les préfets de département sont en charge du dossier et qu'au milieu du guet, nous avons changé de monture puisque cela a été zonalisé.

Je tenais à signaler cette phase durant laquelle la structure organisationnelle de commandement a été changée, ce qui n'a pas manqué de provoquer des interrogations. Il a fallu recaler le dispositif en fonction de ce changement qui n'était pas prévu dans les instructions interministérielles initiales, et qui était justifié parce que, quand on passe à un système de marché, il faut qu'il n'y ait qu'un seul marché d'Etat pour l'ensemble des entreprises...

M. Roger PARENT : Nous avons eu une très bonne réactivité de Bercy qui, en quarante-huit heures, a pris un décret nommant les préfets de zone ordonnateurs secondaires. C'était la première fois que le préfet de zone était désigné ordonnateur secondaire. Ce n'était pas du tout dans la nomenclature des ordonnateurs secondaires. Depuis, on a recommencé puisque le décret sur les investissements des SDIS nomme le préfet de zone ordonnateur secondaire.

M. Yves COLIN : Il s'agit bien d'un changement tout à fait justifié qui a été utile en termes non seulement d'efficacité opérationnelle, mais aussi d'économies.

M. Roger PARENT : En termes de coûts.

M. Marie-Hélène des ESGAULX : Je confirme que cela a été formidable. Certaines communes sont ravies de la façon dont elles ont été traitées. Elles le diront certainement tout à l'heure. Sur le plan des contacts, cela a très bien fonctionné.

Sur l'aspect médiatique, pour aller dans le même sens, je voulais juste redire que le CEDRE a été d'un apport de conseil extraordinaire et que, d'un point de vue médiatique, nous n'avons peut-être pas toujours eu raison de nous entourer de navigateurs, même célèbres...

M. le Président : Certains ont même dit quelques sottises !

M. Marie-Hélène des ESGAULX : Nous sommes bien d'accord, M. le Président.

M. Roger PARENT : Il faut sensibiliser, et cet aspect de sensibilisation, qu'il s'agisse des élus ou des préfets, vise également à alerter les ministères que la situation est plus grave qu'il n'y paraît. Mais, ensuite, quel est le juste milieu ? C'est aussi le problème des élus, d'ailleurs, qui, à un certain moment, ont « hurlé » que la situation était horrible, sans se rendre compte qu'ils risquaient de compromettre leur saison touristique. On les voit maintenant inverser leur curseur, en disant que toutes les plages sont propres et qu'il ne faut pas s'inquiéter, alors qu'il y a trois mois, ils montaient au créneau. C'est très difficile.

M. le Rapporteur : Il y a des petites communes avec de grands linéaires de côte pour lesquelles des frais sont engagés et par l'Etat et par les communes. Et l'on sait que le remboursement des frais engagés par les communes sera très aléatoire. Il l'était pour l'Erika parce que les critères du FIPOL sont complexes. Mais on sait déjà que pour le Prestige, de toutes façons, le plafond destiné à l'Erika explosera complètement en termes d'indemnisations. Ainsi, un de mes amis, président de l'association des maires du littoral, doit avoir un budget effrayant. Pour ces communes de peu d'habitants, mais ayant beaucoup de structures de plage à entretenir, je dois reconnaître que ne pas être remboursé de 50 000 ou 100 000 euros est une catastrophe : cela les met en réelle difficulté.

M. le Président : De la part des élus, n'avez-vous pas senti que des susceptibilités politiques pouvaient ne pas être en accord parfait avec la raison ?...

M. Roger PARENT : Cela n'existe pas dans la région ! Il y a bien eu de petites « exploitations » de la part de maires du Médoc qui disaient que, comme d'habitude, tous les moyens étaient concentrés sur Arcachon et le Cap-Ferret, et que les autres étaient délaissés. Je pense, par exemple au maire de Montalivet, mais, cela s'est dit sous le coup de la mauvaise humeur, et s'est vite dissipé.

M. Marie-Hélène des ESGAULX : Aujourd'hui, on a le souci -et je ne sais pas à quel moment il faudra l'évoquer- que, dans le bassin d'Arcachon, une nappe se soit déposée au fond.

M. le Rapporteur : Nous avons rencontré cela au Croisic. Il existe effectivement deux dangers. Premièrement, les nappes peuvent se mettre en sédiment avec les mélanges de sable et d'algues, par le mouvement des courants et cela peut faire monter les teneurs en HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). Et, deuxième problème, nous nous sommes aperçu, dans certains endroits, qu'en faisant des analyses là où il n'y en avait pas, il existait une pollution chronique depuis des décennies. En la mettant en évidence, on a vu qu'elle est plus inquiétante qu'une pollution ponctuelle, comme celle l'Erika.

M. Roger PARENT : On trouve en effet des métaux lourds, du mercure, de l'arsenic...

M. le Président : A Cherbourg, en particulier, où il y a eu des constructions navales.

M. le Rapporteur : En fait, partout où il y a eu des constructions navales.

Table ronde des services de l'Etat de Gironde regroupant
M. Rachid BOUABANE-SCHMITT, Directeur de cabinet du Préfet de la Gironde,
Mme Isabelle ROYER, Directrice du SIRDPC de la Gironde,
M. Jean-Louis LAVIGNE, Mme Martine PEJOUT, M. Dominique LECOURT, du SIRDPC de la Gironde,
M. Frédéric DUPIN, Directeur départemental délégué de l'équipement (DDE),
M. Christian GUILLAUME, Cellule défense de la DDE de Gironde,
M. Pierre MORIN, Subdivision de La Teste, DDE de Gironde,
Lieutenant-Colonel Bernard GARNIER, Adjoint de l'officier général de zone de défense,
M. Jean-Paul DECELLIERES, Directeur du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Gironde,
M. Hugues de CHALUP, Directeur départemental de l'action sanitaire et sociale (DDASS),
M. Daniel LECLERC, Chef d'arrondissement, SMNG,
M. François GOULET, Directeur Régional de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE),
M. Michel MATHEUS, Chef de groupe de la subdivision de Gironde, DRIRE Aquitaine,
Capitaine Luc LALANNE-AULET, Groupement de gendarmerie de la Gironde,
M. Jérôme LAURENT, Directeur-adjoint de l'environnement en Aquitaine (DIREN),
M. Jean-Bernard PRÉVOT, Directeur régional et départemental des Affaires maritimes (DRAM),
Mme Natalie BEAU, Représentante du CEDRE en Gironde,
M. Thierry ROGELET, Sous-préfet du bassin d'Arcachon,
et M. Jean DEMATTEIS, Sous-préfet de Blaye


(extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 -
Bordeaux)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. le Président rappelle les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête. A l'invitation du Président, Mmes Royer, Pejout, Beau, MM.  Bouabane-Schmitt, Lavigne, Lecourt, Dupin, Guillaume, Morin, Garnier, Decellières, de Chalup, Leclerc, Goulet, Matheus, Lalanne-Aulet, Laurent, Prévot, Rogelet et Dematteis prêtent serment.

M. le Président : L'objet de notre visite à Bordeaux, vous pouvez l'imaginer, consiste à nous informer de manière concrète et précise à la fois sur la façon dont les pouvoirs publics, à leurs différents niveaux en Gironde, ont su traiter la pollution pétrolière provenant du Prestige, et sur les conséquences économiques et environnementales de cette pollution.

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : Nous avons pensé vous faire une présentation extrêmement rapide de la façon dont le plan POLMAR a été géré en Gironde. Ensuite, tous les services de l'Etat qui ont concouru à l'activation de ce plan en Gironde, et qui y concourent encore puisque ce plan n'est pas juridiquement levé, sont ici et à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Je vous propose donc, tout d'abord, une rapide chronologie des événements marquants avec, évidemment, le fait déclencheur de la pollution : l'arrivée des premières traces d'hydrocarbures sur les plages de Biscarosse dans les Landes le 31 décembre. La Gironde sera touchée le lendemain, les 1er et 2 janvier, avec une première arrivée sur la pointe du Cap-Ferret, jusqu'à la commune du Porge.

Le jeudi 2 janvier, le plan POLMAR est déclenché en Gironde par M. Christian Frémont. Dès lors, le dispositif opérationnel est activé, avec l'installation d'un PC fixe et de PC opérationnels sur lesquels je reviendrai.

Le vendredi 3 janvier, M. Raffarin, Premier ministre, se rend sur les plages du Cap-Ferret pour se rendre compte lui-même de la réalité de la pollution.

Le samedi 4, nous avons une arrivée généralisée. C'est la première arrivée d'importance sur l'ensemble du littoral. Elle se présente sous la forme de galettes et de « boulettes », y compris à l'intérieur du bassin d'Arcachon. C'est une information importante pour notre gestion, puisque nous avons ce jour-là des traces de pollution à l'intérieur du bassin, alors que les experts étaient jusqu'alors assez partagés sur la possibilité d'une entrée de pollution à l'intérieur du bassin. Il s'avère que c'est le cas.

Ce même samedi 4 janvier, nous lançons les premiers chantiers de dépollution. Ce sont des chantiers par commune. Interviennent alors les premières réquisitions. Juridiquement, le préfet de la Gironde signe ses premières réquisitions pour des entreprises de transport de déchets et pour les sociétés d'incinération qui nous permettront, jusqu'à la fin, d'éliminer, en temps réel et sans stockage, la totalité de l'hydrocarbure ramassé. C'est notamment la réquisition de l'entreprise Le Floch Dépollution, qui commence son intervention sur les plages de la Gironde dès le 5 janvier.

Ensuite, les dispositifs montent en puissance progressivement ; les bennes sont mises en place.

Le mercredi 8 janvier, sont posés un certain nombre de barrages venus du stock POLMAR du Verdon, qui ont été mis à disposition par le niveau zonal pour commencer à assurer la protection particulière du bassin.

Le 14 janvier, nous avons une nouvelle arrivée de pollution. Je vous présenterai tout à l'heure un graphique qui montre l'évolution des arrivées de pollution et vous pourrez constater qu'il s'agit, ce jour-là, d'une grosse arrivée généralisée à l'ensemble du littoral.

Nous poursuivons donc la montée en puissance du dispositif. Les moyens mécaniques se font plus importants : nous disposons de sept cribleuses et de vingt-deux micro-cribleuses.

Puis, les jours qui suivent et jusqu'à la fin du mois, nous enregistrons des arrivées notables et régulières, à chaque marée, sur le littoral et sur l'intra-bassin d'Arcachon. Cela se prolongera durant trois semaines à un mois.

Le 17 février, nous allégeons la structure de gestion opérationnelle, en mettant en place un dispositif allégé de commandement centralisé en préfecture. C'est la fin de la cellule fixe de crise. Nous sortons de la cellule de crise permanente, qui, jusqu'alors, avait travaillé tous les jours. En revanche, les PC avancés sont maintenus sur les communes pour assurer la coordination des chantiers qui, eux, continuent à être actifs.

Le 31 mars 2003, le préfet de zone décide, pour l'ensemble de la zone, la levée des réquisitions et nous passons, sur le plan juridique du traitement de cette crise, mais toujours dans le cadre du plan POLMAR, à un système de marchés publics zonaux concernant les quatre départements de la zone -en fait, les trois puisque la Charente-Maritime n'est plus touchée à ce stade- permettant de lancer le nettoyage par des sociétés ayant soumissionné aux appels d'offres de marchés publics.

Pour le département de la Gironde, nous engageons, le 14 avril, le nettoyage par la société Le Floch, qui est celle retenue dans le cadre du marché « nettoyage », sur cinq sites : Lège-Cap-Ferret, la Teste, Lacanau, Naujac et Soulac-Grayan. Ce sont des travaux de « finition », si je puis dire, du nettoyage déjà entrepris depuis le déclenchement du plan POLMAR.

Nous sommes toujours, à l'heure où je parle, sous l'empire de ces marchés publics de nettoyage par l'entreprise Le Floch.

Nous avons essayé d'illustrer cela sur un graphique : la courbe du bas, qui représente la variation de l'importance des arrivées de pollution sur les côtes de la Gironde, fait apparaître le déclenchement de la crise le 1er janvier, puis, un pic le 14 janvier et un autre le 23 du même mois. Ce sont les principales séquences d'arrivage. Au-dessus, à titre d'illustration, est représentée la courbe des coefficients de marée, qui fait ressortir que, même avec un léger décalage, il existe bien une corrélation entre les arrivées et les marées. Il faudrait ajouter un autre paramètre: celui du vent, car nous avons bien vu que les arrivées étaient clairement corrélées aux vents et aux coefficients de marée. Il y a une équation qui conjugue ces deux paramètres.

L'organisation opérationnelle, en moyens humains et matériels de la Gironde, est l'organisation de crise « standard », tirée du plan POLMAR lui-même.

Au niveau départemental, vous avez donc un poste de commandement fixe, installé à la préfecture de la Gironde, que j'ai dirigé et qui associe tous les services de l'Etat impliqués par le plan POLMAR :

- le service de protection civile, qui est un service interne à la préfecture ;

- la direction de l'équipement ;

- le SDIS, qui a fourni l'essentiel des moyens humains ;

- la DRIRE, pour la gestion de toute la phase de collecte et d'élimination des déchets ;

- la gendarmerie, qui a permis d'assurer la plus grande partie des reconnaissances physiques, sur le terrain, de l'état de la pollution et qui, tous les jours, nous a donné un état précis des arrivées ;

- le délégué militaire départemental, puisque nous avons eu à gérer des renforts de militaires qui sont intervenus sur les premiers chantiers de ramassage manuels ;

- la DDASS, pour l'encadrement sanitaire des chantiers ;

- les Affaires maritimes, bien évidemment, qui ont été consultées sur de nombreux sujets mais mobilisées plus particulièrement pour la défense du bassin d'Arcachon ;

- la DIREN, pour l'aspect environnemental des chantiers ;

- et les UIISC, les unités militaires d'intervention et d'instruction de la sécurité civile, qui sont venues très rapidement en renfort.

Ensuite, nous avions une déclinaison opérationnelle sur le terrain, avec deux PC opérationnels (PCO) -un à Arcachon et un à Lesparre- pour gérer les deux secteurs littoraux concernés dans le département, animés par les sous-préfets d'Arcachon et de Lesparre, ainsi qu'une cellule de veille Estuaire animée par le sous-préfet de Blaye qui a permis d'assurer une surveillance continue sur l'estuaire de la Gironde en coopération avec le département de Charente-Maritime. Nous avons réquisitionné un moyen nautique pour assurer cette surveillance, qui, heureusement, n'a rien décelé. Nous n'avons donc pas eu d'entrée significative de fioul dans l'estuaire.

Le dernier stade opérationnel est celui des PCA, postes de commandement avancés, situés en mairie. Il permet la gestion des chantiers au plus près du terrain.

Pour ce qui est des moyens humains déployés, dès le 4 janvier, les employés communaux ont été les premiers à intervenir sur les chantiers, pour les communes qui étaient dotées de moyens de ramassage, notamment de cribleuses.

Ensuite, nous avons reçu le renfort des unités de sécurité civile du ministère de l'intérieur -45 militaires au 6 janvier- et avons bénéficié de l'engagement progressif du SDIS de la Gironde. De 41 sapeurs-pompiers, le 6 janvier, nous parvenons à 155 au plus fort de la crise. Soixante-dix militaires furent également réquisitionnés dans le cadre du plan POLMAR-terre de la région Sud-ouest.

Par la suite et dès le 18 janvier, nous avons fait appel à des colonnes extra-départementales des SDIS venues des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Haute-Vienne.

Au plus fort de la crise, c'est jusqu'à 650 personnes qui ont été mobilisées sur les plages de la Gironde, à raison de : 45 employés communaux, 60 UIISC, 129 sapeurs-pompiers du SDIS de Gironde, 84 sapeurs-pompiers extra-départementaux, 110 militaires ; sans oublier, c'est important parce que c'est un aspect un peu innovant de la mise en œuvre de POLMAR, des professionnels de la pêche et de l'ostréiculture, qui ont prêté leur concours et ont été mobilisés par le préfet sous la forme juridique de la réquisition, pour nous aider à collecter les hydrocarbures déposés ou à la surface de l'eau dans le bassin d'Arcachon ; enfin, une centaine d'employés des entreprises réquisitionnées.

Graphiquement, on constate un pic de la montée en charge de ces moyens humains entre le 27 janvier et le 2 février, c'est-à-dire avec très peu de décalage par rapport aux pics de pollution. En termes de moyens humains, nous avons donc collé d'assez près à l'évolution de la pollution elle-même.

Pour ce qui concerne les moyens matériels, nous avons utilisé des bennes dont la gestion a été un peu compliquée, puisque nous avons atteint jusqu'à une centaine de bennes sur le littoral. Nous avons utilisé des moyens des communes en cribleuses et micro-cribleuses, puis, les moyens des entreprises réquisitionnées -ou plutôt l'entreprise réquisitionnée. Enfin, pour la protection spécifique du bassin d'Arcachon, comme je l'indiquais précédemment, nous avons réquisitionné des bateaux de petite pêche et des barges ostréicoles.

En ce qui concerne les chantiers de ramassage, nous avons connu également une montée en puissance de leur nombre, jusqu'à atteindre vingt-deux chantiers. Il s'agissait, dans un premier temps, de chantiers de taille modeste. Nous avions essayé d'équilibrer au mieux les moyens dont nous disposions sur l'ensemble du littoral, y compris pour des raisons d'équilibre politique ou autre -ce sont des équilibres « multicritères »- pour, ensuite, concentrer notre dispositif sur onze chantiers : sept sur la zone d'Arcachon et quatre sur le Médoc, dans le secteur de Lesparre.

Aujourd'hui, seuls cinq sites sont traités dans le cadre du marché public passé pour le nettoyage, sur les communes dont j'ai déjà fait état. Nous allons traiter ultérieurement Lège, la Teste, Lacanau, Naujac et Soulac. Nous intervenons actuellement sur Carcans et Hourtin et nous repasserons un petit peu sur Lège-Cap-Ferret et la Teste pour des travaux de finition.

La totalité de ces chantiers a permis, à ce jour, de ramasser 3 100 tonnes de produit, qui ont été incinérées auprès des deux sociétés SIAP et ASTRIA, deux sociétés locales de la pointe d'Embarès, situées à Bassens et à Bègles, sans avoir créé de stock. C'était pour nous un objectif essentiel de pouvoir éliminer en flux tendu toutes les pollutions d'hydrocarbure ramassées.

Dernier aspect opérationnel que je souhaitais vous présenter sous la forme d'un graphique : le graphique d'incinération des produits, qui montre là aussi un pic entre fin janvier et début février -qui a été la période critique pour la gestion de ce plan. Ont été incinérées jusqu'à 140 tonnes au plus fort par jour, la moyenne s'établissant à 60 tonnes.

Le dernier point que je voudrais exposer devant vous a trait au coût de la mise en œuvre du plan POLMAR-terre en Gironde à ce jour.

Les dépenses de l'Etat s'établissent, pour les réquisitions, donc, pour la première phase de gestion du plan POLMAR, à 6,9 millions d'euros et, pour la mise en œuvre des marchés publics de nettoyage, de transport et d'élimination, à 460 000 euros. Nous sommes dans l'exécution de ces 460 000 euros. Les remboursements des dépenses avancées par les collectivités locales pour l'achat de petits équipements s'établissent à 670 000 euros.

Donc, le total pour le département est de 8,087 millions d'euros.

M. le Président : Je vous remercie. Je voudrais vous poser deux ou trois questions. En particulier, vous nous avez parlé de la gestion des stocks qui s'est faite, en évitant le stockage, par des transferts réguliers vers le système d'élimination. Comment avez- vous organisé cela ? Y avait-il un « maître de manœuvre » pour l'ensemble ? Car il nous est apparu, à travers d'autres auditions, que cette logistique a vraisemblablement causé quelques difficultés.

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : En effet. Le « maître de manœuvre » est là. Il s'agit de M. Goulet, le DRIRE, qui pourrait vous répondre sur ce point important : car on ne peut comprendre la situation en Gironde sans évoquer la gestion zonale des déchets.

M. le Président : Je donne donc la parole à M. Goulet.

M. François GOULET : Effectivement, il faut raisonner au niveau zonal. Si je reviens à l'origine, dans le courant du dernier trimestre 2002, avait eu lieu un exercice POLMAR dans les Pyrénées-Atlantiques et dans les Landes. Il avait été alors décidé d'envisager la construction d'un stockage intermédiaire. C'est ainsi que fut lancé le projet de Mouguerre au pays Basque.

Puis, dès la fin novembre, dès que le bateau a fait naufrage, nous nous sommes préoccupés de rechercher les endroits où, pour les compétences de la DRIRE, les stockages intermédiaires pouvaient être installés. Nous étions dans une situation analogue à celle du « Désert des Tartares » parce que nous ne savions ni sous quelle forme, ni à quel rythme les déchets du Prestige allaient arriver sur nos côtes.

Nous bénéficiions de l'expérience de l'Erika et nous sommes partis du principe, qui a été acté par le cabinet du ministère de l'environnement, que ce retour d'expérience était tout à fait important à suivre mais qu'apparemment, l'analogie avec le cas de l'Erika se posait plutôt sur les côtes de Galice et que, sur les côtes françaises, après une longue dérive en mer, nous nous trouverions dans un autre contexte.

Nous sommes donc partis du principe consistant à nous occuper de deux aspects : d'une part, trouver les endroits où nous pourrions stocker et éliminer ce qui serait ramassé en mer dans le cadre du plan POLMAR-mer, où nous aurions du fioul quasiment à l'état pur ; d'autre part, essayer de voir comment faire pour ce qui pourrait arriver sur les plages. C'est alors qu'a été envisagé un stockage intermédiaire.

Nous avons donc cherché les endroits où nous pouvions disposer de cuves à pétrole, chauffées pour stocker les produits ramassés en mer mais aussi pour les déstocker car, une fois figés, nous aurions eu du mal à les déplacer. Nous avons repéré ainsi deux établissements qui disposaient de capacités « chauffables », l'un à Tarnos -à l'embouchure de l'Adour dans les Landes- et l'autre sur la presqu'île d'Ambès.

Ils convenaient surtout pour les produits ramassés en mer. Pour les autres, il fallait trouver des sites de stockage intermédiaire. Nous n'avons pas ici de sites lourds susceptibles d'accueillir des stockages comme, par exemple, celui implanté à côté de Donges, à l'embouchure de la Loire. Nous disposions, en revanche, de moyens d'élimination locaux, en particulier avec la SIAP, qui a une usine d'incinération de déchets spéciaux située à Bassens, en Gironde, ainsi qu'avec la société ASTRIA, qui possède une usine d'ordures ménagères qui a la capacité et l'autorisation d'éliminer un certain nombre de produits polluants.

Nous avons recherché d'autres stockages : nous disposions à Pauillac d'une ancienne raffinerie-dépôt de carburant où, sous réserve de la remise en conformité du dépôt, qui avait déjà été envisagée pour l'Erika, nous pouvions mettre en place une aire de stockage de produits huileux lourds immédiatement utilisable -il suffisait de la remettre en état, ce qui était très peu de choses.

Puis, nous avons lancé la construction d'un stockage intermédiaire à l'intérieur du centre d'essais des Landes. Ce terrain militaire, géré par l'ONF, satisfaisait notre souhait que les éventuels dépôts soient éloignés des habitations et protégés du point de vue des accès et des risques.

Nous avons recherché également d'autres sites encore, susceptibles d'être mobilisés en cas de besoin. Sur la presqu'île d'Ambès, nous disposons de plusieurs dizaines d'hectares de terrains disponibles où une fosse creusée avec une géomembrane permettait d'accueillir ce type de déchets pour une durée pas trop longue, mais dans un site éloigné des habitations.

Nous disposions aussi dans le secteur d'Arcachon, de bourbiers liés à l'exploitation pétrolière située sur la commune de La Teste, sur le bassin d'Arcachon, où Esso fait de l'exploitation pétrolière. L'Aquitaine est encore une région productrice de pétrole. Nous pouvions donc disposer de ces bourbiers habituellement utilisés pour les boues de forage, etc. Ils auraient également pu être utilisés pour « lisser » éventuellement les arrivées de pétrole.

Mais nous étions toujours dans une situation d'expectative, tant du volume que du type d'arrivées possibles de fioul sur les plages. Lors d'une réunion en présence de Mme la ministre de l'Ecologie et du développement durable, il a été décidé de tenter de tenir le plus longtemps possible en élimination directe depuis les hauts de plages ou depuis les lieux de regroupement que constituaient les stockages intermédiaires, en privilégiant le stockage dans des bennes étanches, c'est-à-dire en évitant de déverser les produits ramassés dans des stockages fixes, à condition de mettre en œuvre un tri au ramassage, de façon à pouvoir orienter les produits à très forte teneur en hydrocarbure vers la SIAP, et les autres produits, plus assimilables aux déchets ou aux macro-déchets couramment ramassés sur les côtes de l'Aquitaine - je n'ai pas le chiffre en tête, mais nous parlons des milliers de tonnes par an de macro-déchets qui proviennent tant des fleuves qui se jettent sur la côte Aquitaine que des côtes espagnoles-, vers la procédure de traitement habituelle de ces déchets courants. Il s'agit, en l'occurrence de bois flottés, de plastiques souillés par des hydrocarbures, mais qui peuvent bénéficier d'un autre traitement que celui des produits très proches des hydrocarbures eux-mêmes.

Nous avons tenu avec ce flux tendu, parfois avec quelques difficultés, pratiquement jusqu'à la troisième pointe d'arrivée des polluants. Nous avons rencontré quelques problèmes lorsque nous avons entrepris d'éliminer, sans manipulation préalable, les « culs de chalut », dont les dimensions importantes exigeaient une découpe préalable au couteau de boucher à la SIAP. Mais, enfin, l'entreprise a bien géré la situation et nous avons pu éliminer de nombreuses tonnes de produits de cette nature.

Ensuite, effectivement, nous nous sommes trouvés face à une arrivée trop importante au regard des capacités d'incinération des deux entreprises, limitées pour des raisons techniques, notamment parce qu'ils avaient par ailleurs passé des marchés avec des industriels. La SIAP a dû organiser elle-même le transfert de certains des déchets vers d'autres établissements du groupe SARP. Cet « aiguillage » n'était pas de notre responsabilité, ce qui constituait déjà une bonne chose, mais l'usine a également connu des réductions de capacité dues à des avaries de fours, ou à des opérations d'entretien.

D'où l'utilité des stockages intermédiaires, en particulier à Pauillac, où nous avons déversé une partie des bennes de façon à accélérer leur rotation afin d'éliminer rapidement des plages les produits polluants qui en étaient retirés après leur arrivée. Nous avons également recouru au stockage intermédiaire dans le centre d'essais des Landes, où nous avons procédé là aussi au déversement de bennes, de façon à les libérer pour les renvoyer rapidement en haut de plage.

En revanche, le stockage de Mouguers, qui avait soulevé des réactions négatives de la part de la population locale et des élus, n'a pas été utilisé.

M. le Président : Ma deuxième question s'adresse au SIDPC, le Service de protection civile. Quelles difficultés et lacunes avez-vous pu identifier lors du déroulement de la crise ? Je précise ma question : difficultés et lacunes en termes de mobilisation des moyens matériels, de gestion éventuelle des bénévoles, des militaires, etc... Quels problèmes avez-vous éventuellement rencontré, s'agissant des moyens financiers mis à votre disposition.

M. Rachid  BOUABANE -SCHMITT : Globalement, nous n'avons pas encore fait le retour d'expérience. Il est en cours, c'est le préfet du Lot-et-Garonne, Henri Mas qui a été désigné pour élaborer le retour d'expérience de POLMAR, mais nous en avons assez largement parlé entre nous pour que je puisse considérer, globalement, que nous n'avons pas rencontré de difficulté majeure. Les services qui sont ici -et je les en remercie à nouveau- ont répondu rapidement à notre sollicitation. Nous avons très rapidement monté une cellule qui s'est maintenue, pendant un mois, tous les jours, avec des personnes présentes en permanence, y compris le week-end et tard le soir parfois.

Les principales difficultés apparaissent aujourd'hui. Elles tiennent notamment à la difficulté qu'il y a à gérer des réquisitions de moyens pendant une longue période, avec une absence de visibilité financière. De ce point de vue, aujourd'hui, pour ceux qui gèrent l'aspect financier de POLMAR, c'est-à-dire pas moi directement mais le SGAR, il y a là une véritable difficulté.

Nous avons réquisitionné de nombreux moyens -nous étions dans l'obligation de les réquisitionner- sans avoir du tout de lisibilité financière, ce qui a engagé, au sein du Service de protection civile, une gestion administrative extrêmement lourde qui, parfois, pouvait prendre le pas sur la gestion strictement opérationnelle.

M. le Président : Les moyens dont vous disposiez étaient-ils déjà identifiés, avant même le déclenchement de la crise ?

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : Tout à fait, nous avions, dans notre plan POLMAR, un certain nombre de fiches qui identifiaient ces moyens. Il se trouve que ce plan était en cours de réactualisation lorsque le bateau a sombré au large de la Galice. Cela tombait bien, si je puis dire ; nous venions de recenser les entreprises susceptibles de nous procurer des bennes, les moyens de transport et de levage. Nous avions la liste des entreprises de dépollution. L'apport technique du CEDRE a été également extrêmement rapide sur tous ces aspects, ce qui est aussi un point positif.

Pour le reste, Mme Royer, qui est le chef du service de protection civile de la préfecture, pourra vous en parler mieux que moi.

Mme Isabelle ROYER : Je ne peux que confirmer ce qu'a dit M. Bouabane-Schmitt. Pendant toute la durée de la crise, nous n'avons pas rencontré de difficultés majeures. La mobilisation des services a été sans faille. La difficulté que nous avons peut-être rencontrée est celle du long terme : tenir une crise sur le long terme est difficile, et la visibilité diminue dès lors que les dispositifs ont été allégés.

Finalement, c'est plus à ce moment-là, en sortie de crise, que pendant la crise elle-même que nous avons rencontré des problèmes, car, alors, toutes les mobilisations et tous les moyens étaient mis en œuvre.

M. le Président : Pourriez-vous préciser ?

Mme Isabelle ROYER : Le plus difficile est d'arriver à avoir sur le long terme une visibilité en termes de gestion des chantiers, sur ce qui se fait ou ne se fait pas...

M. le Rapporteur : Aujourd'hui, dans une région touristique, pour le nettoyage, c'est l'approche de la saison estivale qui est importante, de même que les premières indemnisations...

Mme Isabelle ROYER : Il y a maintenant un certain désengagement progressif de l'Etat pour céder la place à un régime de droit commun. C'est de là que la difficulté va peut-être naître.

M. le Président : J'avais glissé, au passage, la gestion des bénévoles. Qu'en a-t-il été ? Avez-vous été très sollicitée par des bénévoles ? Comment les avez-vous gérés ?

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : La position de principe du préfet -c'était une des conclusions du retour d'expérience de l'Erika- a été de limiter le plus possible le recours aux bénévoles. Nous ne l'avons pas affichée évidemment, parce que nous avons été sollicités et que nous avons reçu de nombreuses propositions. Nous avons dû en accepter quelques-unes, mais elles ont été extrêmement encadrées. Nous avons eu quelques chantiers de collectivités, pour deux communes : Mérignac et Bordeaux, dont le conseil municipal a participé à un chantier, avec M. Alain Juppé ; de même, l'entreprise Ford a monté un petit chantier en interne, mais avec un encadrement très précis et uniquement pendant le week-end. Nous n'avons jamais dépassé la centaine de bénévoles sur les plages, et uniquement sur des chantiers très ponctuels.

Le principe retenu par le préfet était de ne pas faire appel aux bénévoles : nous n'avons donc pas fait d'appel au peuple. Nous avons, au contraire, essayé de limiter le plus possible toutes les propositions qui nous sont parvenues. En l'espèce, nous avons reçu des propositions de tous ordres, y compris concernant des moyens techniques. Pendant un temps, nous avons reçu des propositions farfelues d'inventeurs qui nous expliquaient comment fermer le bassin d'Arcachon, le vider, le rincer... !

M. le Président : Qu'en a-t-il été de l'organisation des services déconcentrés militaires ?

M. Bernard GARNIER : Je suis l'adjoint de l'officier général de zone de défense et j'ai plus spécialement en charge le département de la Gironde.A ce titre, après les demandes de concours du préfet qui nous ont été adressées dès le 2 janvier, les militaires sont intervenus en deux phases : dans un premier temps, environ, soixante-dix militaires ont été mobilisés sur le bassin d'Arcachon et, dans un second temps, suite à la deuxième vague de pollution, vers le 14 janvier, quarante militaires sont intervenus à hauteur de Lacanau-Carcans.

La gestion des militaires était simple en ce sens que, chaque soir, après la répartition des chantiers, il nous appartenait, à moi-même ou à l'un de mes officiers présent au point de situation ici, à la préfecture, de répartir les militaires disponibles.

Il me revenait également d'assurer ce que nous appelons, en termes militaires, un contrôle tactique, c'est-à-dire l'emploi des militaires sous la conduite de professionnels, qu'il s'agisse de sapeurs-pompiers militaires des UIISC ou de ceux, civils, du département. Il n'y a eu ni incident ni d'accident. A part quelques petits incidents mineurs, nous n'avons eu à déplorer aucun blessé.

M. le Président : Des susceptibilités se sont-elles exprimées?

M. Bernard GARNIER : De susceptibilité, il n'y en avait aucune puisque tout se réglait le soir, ici, au cours d'une réunion rassemblant les intervenants présents, et, sur le terrain, aucun problème de commandement ne se posait dans la mesure où le chef de chantier était clairement désigné. Il s'agissait parfois d'un employé communal mais, la plupart du temps, plutôt d'un sapeur-pompier.

Donc 110 militaires, -chiffre atteint au plus fort de la crise- intervenaient en tenue. Les UIISC, qui sont des militaires aussi, intervenaient en uniformes de pompier, ce qui créait parfois une légère confusion, notamment dans la presse où l'on a pu dire que les militaires n'étaient pas très nombreux. En fait, nous avions 110 militaires appartenant à des régiments ou des bases aériennes proches, en treillis, et nous avons eu jusqu'à 130 UIISC, qui sont aussi des militaires, mais qui revêtaient un uniforme de pompier.

Donc, aucun problème de susceptibilité. C'était mon travail de bien insister pour que le chef de chantier désigné soit présent le matin pour diriger le travail, car nos soldats n'ont pas cette compétence technique.

M. le Président : Vous n'avez pas rencontré de problème de matériel ?

M. Bernard GARNIER : Nous n'avons pas eu de problème de matériel. Tout était fourni, y compris les combinaisons de protection. Au fur et à mesure, nous nous sommes mis d'accord pour que les unités qui étaient relevées tous les quinze jours arrivent avec des moyens de transport qui puissent se rendre sur les plages car, au début, la première « fournée » que nous avons envoyée ne disposait pas de véhicules tout-terrain et nous avons eu quelques problèmes de transport.

Par la suite, les unités sont arrivées dotées de moyens de transport adaptés. Là non plus, nous n'avons plus rencontré de problème.

M. le Rapporteur : Il est vrai que lorsque l'on liste tous les intervenants terrestres, dans le cas de la gestion de la crise du Prestige, ils sont nombreux. Nous avons connu la même chose en mer : nous avons senti que, avec le retour d'expérience de l'Erika, la gestion par le préfet maritime avait été mieux organisée et la communication mieux maîtrisée.

On a beaucoup parlé d'organisation zonale, mais y a-t-il eu quelques frictions frontales, notamment entre les six ou sept administrations de l'Etat que j'ai citées, où les statuts des personnels, civils et militaires, sont totalement différents ? Cette question n'est pas innocente car le préfet Frémont nous a fait part de certaines difficultés liées aux différences de statut pour les interventions des entreprises de dépollution ou les missions spécifiques de telle ou telle administration. Par exemple, la lutte contre la pollution est-elle considérée comme un secours à personne ? Ou plus simplement, qu'en a-t-il été des problèmes statutaires liés à l'application du droit du travail, de la RTT, etc. ?

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : Je vois ce à quoi vous faites allusion. Globalement, nous n'avons pas eu de frictions, dans la gestion en Gironde, en tout cas. Je crois qu'ici, tous peuvent en témoigner.

Concernant les questions liées aux différences de statut, je suggérerai cependant à Frédéric Dupin, directeur délégué de l'équipement, de répondre, puisque ce dont vous parlez a concerné sa direction. Pour les autres administrations, nous n'avons pas rencontré de difficultés particulières.

Vous parliez de secours aux personnes. Le colonel Decellières pourra vous en parler au titre du SDIS de Gironde, mais je puis dire que nous avons eu un engagement complet de la part du SDIS 33, qui est monté très vite en puissance et qui a assuré, sur la totalité de la première période sous réquisition, plus de 50% des moyens humains.

M. Frédéric DUPIN : Je peux confirmer les propos de M. le directeur de cabinet. Il n'y a eu aucune tension ni aucune friction. Nous avons pu, dans notre administration, être confrontés à des problèmes de statut. En effet, nous avons participé aux différents PC, le PC départemental, le PCO et les PCA et avons dû faire travailler sous un régime d'astreinte des agents de catégories A et B. Or, qu'ils soient ingénieurs ou techniciens, leurs régimes statutaires ne nous permettent pas de rémunérer des temps de travail, qui ont été considérables, aussi bien en préfecture que sur le terrain. Il n'existait pas à ce moment-là de régime d'astreinte et nous n'avons pas la possibilité de régler les heures supplémentaires qui ont été faites.

M. le Président : D'où les difficultés ?

M. Frédéric DUPIN : Cela n'a eu aucune conséquence, c'est-à-dire que le système a été basé sur la bonne volonté des personnes. Mais il faut le noter...

M. le Rapporteur : C'est un problème que nous avons pu en effet constater.

M. Frédéric DUPIN : ...car c'est un système qui n'est donc pas juridiquement solide, en termes du droit du travail.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : J'avais demandé que l'on mobilise les réservistes. A vrai dire, je n'ai pas obtenu de réponse et, à ma connaissance, cette mobilisation n'a pas eu lieu. Quel est votre avis sur le sujet ? Etait-ce une possibilité pertinente ? Qu'est-ce qui s'y opposait ?

M. Bernard GARNIER : Dans un premier temps, quelques réservistes ont travaillé et, si je prends la délégation militaire de la Gironde, je suis le seul professionnel, et je travaille avec onze réservistes. Tous les jours, sur le terrain, il y avait trois réservistes : un à la préfecture ici, un à Lesparre et un à Arcachon. Les réservistes ont donc été mobilisés.

Dans les autres départements également, je puis vous assurer que cela a également été le cas. Les délégations militaires ne fonctionnent qu'avec les réservistes. Mais je pense que votre question fait plutôt allusion à l'encadrement des bénévoles via des réservistes.

L'étude de cette hypothèse a été faite, je puis vous le certifier. Nous sommes allés assez loin puisque nous avons même identifié des personnels. Tout était en place pour que nous puissions les convoquer. La réserve d'anciens militaires sur la région Sud-ouest étant de l'ordre de 2 500 cadres, il n'y avait aucun problème pour trouver du personnel d'encadrement. La seule difficulté tenait à ce que ces cadres étant d'un grade souvent assez élevé, nous estimions qu'il était difficile de prendre un officier supérieur pour assurer l'encadrement sur les chantiers d'une dizaine de bénévoles. En cherchant davantage ou en faisant appel à d'autres personnes qui n'avaient pas été identifiées dans ce premier temps, nous aurions cependant pu résoudre cette petite difficulté.

Mais il aurait aussi fallu résoudre le problème du financement. Et nous aurions certainement connu des difficultés de gestion sur le terrain car se serait posée -nous le savions pour en avoir discuté préalablement- la question de savoir si les bénévoles auraient accepté l'autorité d'un cadre militaire sur le terrain. Je disais tout à l'heure qu'il n'y avait eu aucun problème de chantier. C'est, je pense, dû au fait que la compétence des pompiers ou de la sécurité civile sur le terrain était indéniable. Nos militaires l'avaient donc parfaitement acceptée. Avec des bénévoles, il a été estimé qu'il aurait pu y avoir quelques problèmes de gestion de comportement et d'autorité sur le terrain. L'étude en question reste disponible à l'état-major, si besoin se faisait sentir.

M. le Président : M. le directeur de cabinet, deux autres questions. La première porte sur la gestion médiatique et psychologique de la crise dans le département. La seconde a trait à la coordination au sein de la zone avec les autres départements : nous aimerions savoir si le degré de préparation était partout le même ou si, au contraire, vous avez senti qu'il y avait des améliorations à apporter ici ou là. Pour notre part, il nous a semblé, à l'occasion d'autres auditions, que le niveau de préparation variait selon les départements, la Gironde semblant se trouver à un stade plutôt plus avancé.

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : La réponse est un peu difficile. Vous aurez cet après-midi une réunion zonale rassemblant l'ensemble des préfets réunis sous l'autorité de M. Christian Frémont pour évoquer ces questions de connexions interdépartementales. Nous n'avons eu que très peu de contacts avec les autres départements de la zone de défense pendant la gestion de la crise ; un peu avec la Charente-Maritime sur la gestion de l'estuaire. Je connais donc assez mal le degré de préparation qui était celui des départements voisins.

Sur l'aspect communication, j'occupais une position particulière puisque le service de communication de la préfecture, qui se trouve au sein du cabinet, a agi pour la totalité de la zone Sud-ouest. Le gouvernement a, en fait, confié la gestion de l'ensemble de la communication sur le plan POLMAR-terre au préfet de la zone Sud-ouest. Nous n'avons donc pas fait de distinguo entre la communication pour la Gironde et la mission de communication générale que nous a confiée le Premier ministre pour la globalité du plan POLMAR-Terre.

Nous avons, très tôt dans la crise, produit tous les soirs un communiqué de presse qui constituait en quelque sorte la valeur de référence pour les journalistes, et sur la base duquel ils nous appelaient ensuite pour avoir des développements supplémentaires et, éventuellement, faire des prises de vue sur tel ou tel chantier ou suivre telle ou telle opération.

Nous avions donc une mission générale d'information pour les quatre départements concernés, Gironde y compris. Mais il y avait ensuite des événements de presse particuliers à la Gironde. Le préfet s'est déplacé souvent sur les plages, est allé plusieurs fois rencontrer les maires, a visité des chantiers, etc. mais il était en permanence interpellé au titre de sa double casquette de préfet de la Gironde et de préfet de la zone Sud-ouest et on lui posait des questions qui concernaient évidemment tous les départements de cette zone.

M. le Président : Je vous posais cette question parce que le directeur de cabinet joue un rôle éminent en matière de relations avec la presse, dont on sait les difficultés. J'aimerais avoir votre sentiment sur le rôle que vous avez pu jouer en matière de communication. Peut-il encore être amélioré ?

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : J'ai tendance à penser que l'aspect communication est l'un des points positifs de la gestion de la crise. Par rapport à l'Erika, nous avons eu l'avantage que le gouvernement nous confie la coordination de la communication pour le POLMAR-terre sur les quatre départements. Nous n'avons pas muselé les autres préfets : la parole est restée libre. Mais nous étions, au regard des journalistes, y compris ceux des départements autres que la Gironde, le service de communication référent, le pôle de ressources.

En liaison avec l'état-major de zone, sur la base de ses informations, nous avons produit des données qui ont alimenté la presse quotidiennement. Je pense que cette gestion de la communication a plutôt bien fonctionné et que nous avons plutôt bien encadré et canalisé l'information.

Le début a été le plus compliqué. Comme le dit souvent M. le préfet, il y a une première phase psychologique de la crise, dans laquelle il y a un certain nombre de réactions, y compris des maires, qui peuvent être un peu en contradiction avec notre propre stratégie de communication. On crie au pire alors que nous, de notre côté, nous essayons de dédramatiser les choses. Sans masquer la réalité, nous avons joué la transparence avec la presse en indiquant tous les jours, tous les soirs, quel était l'état des plages, combien de tonnes avaient été ramassées et éliminées, en allant jusqu'à donner le nombre de poissons et d'oiseaux morts, ou de dauphins échoués. Nous avons fait cela pendant un mois et demi.

M. le Rapporteur : Deux autres questions. La première s'adresse au représentant du CEDRE. Nous avons senti, lors des différentes auditions, que le CEDRE avait été associé très tôt et, avec le retour d'expérience de la précédente catastrophe, avait vraiment joué un rôle important. Qu'en pensez-vous ? La seconde question concerne la prévention. De nombreuses précautions et beaucoup de soins ont été apportés au suivi de la qualité des eaux, en particulier avec des constats avant les arrivées de pollution, de façon à pouvoir apprécier les évolutions. Il y a deux aspects à distinguer, dans la notion de qualité des eaux : il y a ce qui peut être lié à la pollution, et ce qui peut provient de phénomènes antérieurs à la pollution qui, parfois, peuvent se retourner contre vous. Nous l'avons vécu lors de l'Erika : il peut y avoir une pollution ponctuelle, mais il peut exister aussi une pollution chronique. Cela peut parfois ressembler à « l'arroseur arrosé ». J'aurais souhaité entendre le CEDRE et la DDASS sur leurs rôles respectifs sur ce point.

Mme Natalie BEAU : J'appartiens au CEDRE. Je suis intervenue à partir du 20 janvier dans le département de la Gironde et, plus partiuclièrement, autour du bassin d'Arcachon. Deux agents du CEDRE, -M. Pierre Richard et moi-même-, sommes intervenus sur les dispositifs de protection du bassin, avec la collaboration primordiale des pêcheurs et des ostréiculteurs.

Pour ce qui est de la qualité de l'eau, je ne serai sans doute pas la mieux placée pour vous répondre, même s'il est vrai que nous avions en permanence les chiffres en tête. Il y a eu un problème sur le bassin, en début de crise, qui a été géré par les Affaires maritimes, eu égard à l'arrivée de pétrole. M. Prévot pourrait sans doute en parler mieux que moi.

M. Jean-Bernard PRÉVOT : Je suis directeur régional et départemental des Affaires maritimes. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question, mais je la découpe en deux : d'une part, la connaissance de la qualité des eaux et de son état initial ; d'autre part, la gestion de la crise sanitaire.

Sur le premier sujet, il est vrai qu'en France, aujourd'hui -l'IFREMER n'est pas autour de la table pour nous le dire- nous manquons d'un bilan des données écologiques de référence. Un ensemble de données complètes sur l'eau nous fait aujourd'hui défaut pour pouvoir justifier des dommages environnementaux qui auraient pu être occasionnés par le Prestige. Il s'agit là d'un sujet qui fera l'objet de débat dans le cadre de la mise en œuvre de la directive communautaire sur l'eau. Il faut progresser dans ce domaine, et notamment mieux prendre en charge la frange côtière. Nous y serons invités par la mise en œuvre de la directive communautaire qui doit être appliquée pour 2015, mais il y a un certain nombre de phases préparatoires qui devraient nous permettre de compléter nos connaissances sans attendre cette échéance.

S'agissant de la gestion de la crise sanitaire, il est vrai qu'il s'agit d'une affaire qui a été gérée, comme beaucoup d'autres, par plusieurs services : l'Ifremer, les services vétérinaires, la DDASS, les services de la concurrence et de la consommation et nous-mêmes. Nous craignions initialement d'avoir à faire face à une situation très compliquée avec des arrivages de pollutions successifs, et des ouvertures et des fermetures de la pêche et de la commercialisation des coquillages successives, et, miraculeusement, nous n'avons eu qu'un seul épisode de fermeture et nous n'avons pas eu à gérer une situation trop complexe. Nous ne nous sommes donc pas trouvés dans des situations telles que celle de l'Erika, qui était tout de même assez difficile à maîtriser, mais aussi à expliquer au grand public.

Nous avons donc connu un seul épisode de fermeture. Certes, ensuite, il a fallu faire comprendre au grand public qui refusait de le croire qu'en fait, les huîtres n'étaient pas contaminées. Le « battage » médiatique était tel que le grand public avait tendance à penser que les huîtres continuaient à ne pas être consommables, alors qu'elles étaient de parfaite qualité. C'est donc un problème d'image, qu'il a fallu essayer de rétablir, plus que de gestion sanitaire proprement dite.

M. Hugues de CHALUP : Comme l'a dit mon collègue, nous avons fonctionné en pôle de compétences avec les services de la concurrence et de la consommation, avec la direction des services vétérinaires et avec les Affaires maritimes. Pour ce qui concerne l'état sanitaire et la qualité des eaux, dès les premiers instants, M. le préfet avait demandé qu'un état sanitaire « zéro » soit établi. Nous avons pu le faire dans les temps voulus. Les communes du bassin d'Arcachon l'ont fait par elles-mêmes, et nous l'avons fait de notre côté dans toutes les communes du littoral. Nous n'avons pas rencontré de difficultés particulières.

Mme  Marie-Hélène de ESGAULX : Je souhaiterais tout de même savoir quelles mesures vous entendez prendre en ce qui concerne les rumeurs répandues par les plongeurs et par un certain nombre de professionnels, qui nous disent qu'au fond du bassin d'Arcachon, on trouve actuellement des nappes de pétrole, de déchets du Prestige, sous forme de plaques, semble-t-il, à deux ou trois mètres de fond, et qui inquiètent beaucoup, notamment dans la perspective de leur éventuel réchauffement. On me dit qu'en été, lorsque la température atteindra les 13 ou 14 °C, il pourrait y avoir des incidences. Il ne reste rien sur les plages, mais le problème serait à l'intérieur du bassin, à une profondeur relativement faible.

Mme Natalie BEAU : Il est vrai que sur les communes de Lacanau et Le Porge notamment, il y a de plus en plus de rumeurs d'un éventuel stockage dans les baïnes, les cahouennes, éventuellement dans la fosse située au large de Lacanau, au-dessus de laquelle une plaque noire aurait été observée. S'agit-il d'une banquette d'algues, d'une erreur d'observation ou de pétrole ayant coulé à cet endroit, qui expliquerait les arrivages continuels sur la commune de Lacanau, puisque ceux-ci n'ont jamais cessé, même s'ils n'ont jamais été très importants ? Nous n'en savons rien mais je confirme que cette rumeur commence à préoccuper beaucoup de personnes sur le littoral.

M. Thierry ROGELET : A l'intérieur du bassin, il y a eu des programmes de plongée, que nous poursuivons, coordonnés par la gendarmerie et les pompiers. Des pêcheurs de haute-mer, à proximité du bassin, de l'autre côté des passes, ainsi que les petits pêcheurs à l'intérieur du bassin ont participé à des programmes de dragage et de raclage du fond sans que nous ayons le moindre résultat montrant des traces d'hydrocarbures importantes au fond du bassin.

Mais il est vrai que cela n'a pas été fait dans tout le bassin. J'ai demandé aux gendarmes, dont les effectifs sont assez réduits, de s'organiser en liaison avec les sections spécialisées du SDIS et d'aller dans les endroits qui pourraient être touchés. Les ostréiculteurs eux-mêmes ne relèvent aujourd'hui aucune trace d'hydrocarbure près de leurs parcs, mais ils vous le diront eux-mêmes.

En revanche, depuis quelques jours, nous assistons à une résurgence de pétrole, légère mais réelle. Peut-être s'agit-il d'une pollution entrée avec le mauvais temps et la houle de ces derniers jours, puisque dans le bassin d'Arcachon, ça rentre, contrairement à ce que tout le monde avait pu penser avant l'arrivée des plaques -moins que sur le littoral, mais le bassin d'Arcachon est une baignoire qui se vide et se remplit deux fois par jour ?

De plus, la pollution rentre avec une violence telle que les dispositifs préventifs sont très difficiles à mettre en œuvre. C'est une forme d'estuaire, avec le débit d'un grand fleuve, le débit du Nil avant le delta. C'est donc très puissant. On m'a signalé, ces derniers jours, la présence de pollutions éparses, y compris au fond du bassin, sur la commune de Lenton, mais en toutes petites quantités.

Il est très difficile de savoir si, effectivement, c'est une pollution qui vient d'entrer avec la force de la houle et du courant, ou si c'est une remontée de quelque chose qui, du fond des chenaux, par la force des courants et du fait de l'hydraulique particulière du bassin, revient de temps en temps sur les plages internes du bassin.

Nous en sommes là pour l'instant. Aucun des sondages qui ont été réalisés par des professionnels, des gendarmes, des pompiers et par les bénévoles de la fédération française de plongée, n'a révélé de traces significatives d'hydrocarbure au fond du bassin, notamment dans certains endroits connus pour être des poches, à l'instar des conches par exemple. Mais je ne jurerais pas pour autant qu'il n'y en ait pas.

M. le Rapporteur : Il est vrai que, dans des zones comme le bassin d'Arcachon, ces rumeurs doivent exister. Nous avons connu nous-mêmes ce syndrome de la nappe fantôme sur le trait du Croisic, qui est devenu réel car le fioul s'est très vite mélangé au sable -puisque, dans ces traits ou ces bassins, l'on a d'importants mouvements de sable- et aux algues, ce qui a engendré des phénomènes de « mille-feuilles ». Ceux-ci ont ensuite nécessité un gros chantier de dépollution, mais les apports d'origine avaient été bien plus massifs.

Par contre, ce qui avait été révélé aussi et qui était un peu inquiétant, c'est que les teneurs en HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) étaient élevées : c'est pourquoi nous avons nous aussi dû cesser toute exploitation de conchyliculture pendant six mois. Mais nous avions aussi trouvé des zones qui se trouvaient polluées à la suite de dix ans d'une vie moderne, par une pollution qui n'était pas nécessairement liée au fioul provenant de l'Erika.

M. Thierry ROGELET : L'entrée du bassin est formée de bancs qui bougent sans arrêt et l'on sait que certains d'entre eux, comme le banc d'Argens et celui du Toulinguet ont été nettoyés et renettoyés, mais qu'il est possible qu'il s'y trouve du fioul profondément enfoui et qu'avec la force de la houle et des marées, en particulier à l'entrée du bassin, le pétrole puisse réapparaître avec les mouvements de va-et-vient permanents.

Mme Natalie BEAU : Je voudrais juste réagir aux propos de M. Rogelet sur les arrivées. Les arrivages de pétrole, c'est clair pour tout le monde, sont de deux types : les arrivages de mer, qui n'ont jamais touché une seule côte et qui arrivent encore ; ce sont les résidus des premiers gros arrivages qui n'ont pas collé à la côte en raison de la météorologie, avec des vents d'est qui ont tout repoussé. Nous récupérons donc, je pense, la fin de ces gros fronts de pollution. Mais nous arrive également de la pollution chargée en sable, qui s'est donc posée un moment au fond avant de revenir à la côte.

Il paraît donc clair qu'il existe des endroits où il y a des « stocks » enfouis ou posés. Inversement, il est vrai qu'avec tous les courants du bassin, -je les connais pour avoir travaillé sur les courants d'entrée du bassin pour étudier les dispositifs de protection-, il peut aussi s'agir de pollutions stockées à l'extérieur et qui entrent avec la marée. Cela correspond souvent à des périodes avec des houles assez fortes et des vents d'ouest. Ce n'est donc pas forcément dans le bassin que se font ces stockages, puisque les gros endroits de doute, comme la conche d'Argens ont été vus et revus.

M. Thierry ROGELET : Pour en finir sur ces poches résiduelles de pollution, je reviens sur le phénomène des baïnes, ces sortes de fosses très près du rivage, qui peuvent stocker de la pollution, et qui sont précaires car elles se déforment et se reforment en permanence, et ne sont pas du tout stables. Il y a eu des plongées dans quelques-unes, mais ce type d'intervention relève plutôt du préfet maritime et n'est pas tout à fait de notre compétence.

Ce qui est extrêmement difficile à saisir, c'est que l'on n'a pas une pollution stable ; on ne peut pas dire à un moment donné que telle et telle zones sont polluées car il s'agit d'une pollution extrêmement mobile, y compris sur le sable, sur la plage. Il est arrivé que le CEDRE nous dise que telle plage est polluée à un endroit donné. Trois jours après, l'entreprise de dépollution nous dit qu'il n'en reste rien parce qu'entre temps, il y a eu du vent, du « surf washing », le nettoyage par la marée, etc.

M. Luc LALANNE-AULET : Parfois, on n'arrive pas à repérer de grosses nappes stockées.

M. le Président : Vous dites que cela relève du préfet maritime. Or il y a une zone incertaine où il faut tout de même intervenir sans aller chercher des ordres à Brest. Comment traitez-vous cela ? Quelles relations entretenez-vous avec la préfecture maritime, car vous semblez laisser entendre que chacun est responsable de son domaine et qu'au-delà de celui-ci, ce n'est plus de votre ressort ? C'est tout de même un peu gênant.

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : Il est vrai que cela peut être gênant. Quand vous m'avez demandé s'il y avait eu des difficultés dans la gestion opérationnelle, c'est un point que nous pourrions évoquer rapidement parce que, sur un sujet comme celui-là, la limite de compétence entre le préfet terrestre et le préfet maritime est extrêmement ténue. Il est vrai que nous avions pris quelques initiatives, en allant un peu plus loin que le bord de la plage, à la suite desquelles on nous a rapidement fait comprendre que c'était au préfet maritime d'intervenir.

Cela a été partiellement réglé par la présence d'un officier de liaison du préfet maritime au PC fixe à la préfecture pendant toute la crise. Mais il faut bien reconnaître qu'à un moment donné, même cet officier de liaison n'avait pas la bonne information ni le relais direct et immédiat à Brest.

Nous avons donc eu, effectivement, quelques difficultés ponctuelles, dirais-je, mais pas structurelles.

M. Thierry ROGELET : Je parle sous le contrôle de M. Prévot puisque c'est lui qui a géré cette situation avec la préfecture maritime, mais dès que nous avons décidé de réquisitionner les professionnels pour nous aider à lutter contre la pollution, la question s'est posée de savoir si c'était le préfet maritime ou le préfet terrestre qui devait s'occuper de la lutte contre la pollution à l'intérieur du bassin et il a été décidé, en bonne intelligence commune, que cette intervention relevait du plan POLMAR-terre, ce qui donnait bien plus de réactivité et surtout plus de légitimité aux différents services de l'Etat qui, à un moment ou un autre, intervenaient dans les opérations.

Il faut savoir qu'il a été largement fait confiance aux ostréiculteurs et aux pêcheurs. Nous parlions tout à l'heure des problèmes de statut et autres. Souvent, le soir en réunion du PCO, nous décidions que militaires, bénévoles de la SEPANSO, qui est la grande association d'environnement qui gère le banc d'Argens, mais aussi employés communaux partaient sous la direction technique d'un ostréiculteur pour nettoyer un endroit particulier avec des bateaux qui pouvaient être ceux des ostréiculteurs. Il était évident que le cadre du plan POLMAR-terre était beaucoup plus intéressant de ce point de vue.

L'autre aspect intéressant était que cela nous permettait d'avoir un niveau d'indemnisation des réquisitions correct, adapté aux missions demandées aux ostréiculteurs. Contrairement aux chalutiers qui partent plusieurs jours en mer pour aller lutter contre la pollution, il s'agissait ici de missions liées à un état de marée bien particulier, pendant une durée limitée à quelques heures. Fonctionner ainsi offrait beaucoup d'avantages.

M. le Rapporteur : Vous avez évité le piège de l'abord des 300 mètres, surtout quant il y a des marnages?

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : Cela a été réglé pour l'intérieur du bassin. Sur la bande littorale, c'était un peu plus compliqué. Quand on nous signalait une nappe à un kilomètre du littoral, nous pouvions demander l'activation de moyens au préfet maritime qui, tout d'abord, ne les avait pas nécessairement et, ensuite, avait peut-être d'autres priorités à gérer. Dans ce cas, nous nous retrouvions un peu démunis et nous n'avions plus qu'à attendre que la nappe en question touche terre pour la ramasser.

M. Jean-Bernard PRÉVOT : Si vous le permettez, je voudrais intervenir sur ce sujet, car il est vrai que les frontières administratives sont fixées par les textes et qu'il faut parfois en faire fi et avoir des conventions légèrement différentes. Ainsi, vous le savez, la limite administrative de compétence du préfet maritime pour le sauvetage est la limite transversale de la mer. Par contre, l'estuaire de la Gironde constituant un « gros » bras de mer, il a été convenu entre le préfet maritime, et les préfets de la Gironde et de la Charente-Maritime que cette limite serait « remontée » par convention.

De même, pour la gestion du plan POLMAR, nous avons estimé que le bassin d'Arcachon relevait d'une gestion de proximité, et nous avons tout de suite convenu avec le préfet maritime qu'il valait mieux gérer cela dans l'entité POLMAR-terre. Cela s'est bien passé. C'est un accord qui a été tacite et verbal, qui n'a même pas été écrit, et qui a permis une réelle gestion de proximité, avec la souplesse dont nous avions besoin pour travailler.

M. le Président : Au-delà de l'accord tacite et verbal, si vous avez couché des réflexions relatives à ces problèmes sur le papier, vous seriez très aimables de nous les communiquer. Il est extrêmement important pour l'avenir de voir si l'intelligence peut dominer les limites administratives ! (Sourires)

M. Rachid BOUABANE-SCHMITT : C'est là un beau programme, M. le député !

Table ronde regroupant
M. Jean-François ACOT-MIRANDE
2
, Maire de la Teste-de-Buch,
M. Roland-Etienne BLAIS, Adjoint au maire de Soulac-sur-Mer,
M. Jean-Michel DAVID, Maire de Lacanau,
M. Alain DEYRES
*, Maire du Porge,
M. Alain MARTINET, Maire du Verdon-sur-Mer,
M. Michel SAMMARCELLI
*, Maire du Cap-Ferret,
et Mme Michèle DUBOURG, Directrice générale des services administratifs de la Teste-de-BUCH


(extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 -
Bordeaux)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. le Président rappelle les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête. A l'invitation du Président, MM. Jean-François Acot-Mirande, Roland-Etienne Blais, Jean-Michel DAVID, Alain Deyres, Alain Martinet, Michel Sammarcelli, et Mme Michèle Dubourg prêtent serment.

M. le Président : Ma première question portera sur les problèmes que vous avez pu rencontrer dans la gestion de la lutte contre la pollution à terre, dans vos communes respectives. J'aimerais notamment que vous me parliez de vos relations avec la préfecture et de la façon dont vous avez été informés et associés aux opérations. Le respect des élus est une chose importante et savoir comment l'Etat se comporte avec les élus et comment les informations et les discussions se mettent en place nous paraît fondamental.

M. Alan MARTINET : Puisque vous posez une question très précise, je vous répondrai que, pour ma part, les relations que j'ai eues avec l'Etat ont été bonnes. Nous avons eu la chance d'avoir un sous-préfet -excusez-moi de débuter par lui, mais c'est celui que nous voyons sur le terrain- et un préfet qui ont été « à la hauteur » de la situation. Je m'autoriserai une seule question, que j'ai déjà posée en février concernant les risques sanitaires : quels critères et quelles normes seront adoptés pour l'ouverture ou la fermeture des plages ? Etant pharmacien de profession, c'est sans doute là une question résultant par déformation professionnelle

M. le Président : Avez-vous obtenu des réponses ?

M. Alan MARTINET : Non. Toutes les mairies viennent de recevoir un courrier de la DDASS, qui nous fait un peu peur. Mais mes collègues pourront compléter.

M. Michel SAMMARCELLI : Pour être très précis dans la réponse que je ferai à votre question, il n'y a eu aucun problème avec la préfecture. Au contraire, nous avons eu un préfet de région qui a été très efficace. Ma commune a été touchée aux environs du 31 décembre et vers le 10 janvier, il y a eu une réaction immédiate. Ma commune a été touchée le 1er janvier au matin, le secrétaire général de la préfecture était là à 11 heures, le préfet de région était sur nos plages le 2 au matin et le Premier ministre était là le 5. Il y a eu une réactivité tout à fait remarquable de la part du préfet de région.

Pour ce qui est des services de l'Etat, c'est un autre problème. Mais pour répondre à votre question très précisément, je dirai « Chapeau !» à la préfecture.

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Je m'associe pleinement à ce que viennent de dire mes collègues en ce qui concerne la préfecture et la sous-préfecture puisque nous n'avons pas le même sous-préfet que le nord de la Gironde. Ils ont été parfaitement présents tout au long de cette crise. Nous les avons vus dans les PCO tous les jours, et les relations et le relais qu'ils ont entretenus avec Paris et les ministères ont été remarquables.

M. Jean-Michel DAVID : Il me semble que cette opinion est unanime de la part des maires du littoral. J'ajouterais simplement que j'ai ressenti dans la présence du préfet et du sous-préfet de Lesparre un réconfort important. Il m'est apparu qu'il s'agissait de personnes d'extrême proximité qui ont rapidement su analyser et prendre conscience de l'ampleur du phénomène, et que nous avons toujours été écoutés, en tout cas à cette époque. Car je ferai peut-être un distinguo entre cette période du plan POLMAR et la situation que nous vivons aujourd'hui. Donc, à cette époque, il y a eu une réactivité et une présence du préfet et du sous-préfet qui a été unanimement appréciée.

M. le Président : Ce distinguo, pourriez-vous nous en dire un mot ?

M. Jean-Michel DAVID : Ce distinguo tient à ce qu'à partir du moment où M. le préfet a décidé que le plan POLMAR-terre allait entrer en vigueur, la motivation des élus s'est trouvée décuplée car nous sentions que nous allions avoir un appui et, véritablement, une organisation, une chaîne qui allait être importante et réactive.

Le cadre de ce plan POLMAR a permis aux maires du littoral de faire prendre en compte des problématiques très différentes. Je parle de Lacanau et mon collègue de la commune du Verdon, située au nord de Lacanau mais, pour d'autres, il s'est agi de problématiques liées au bassin, comme Michel Sammarcelli tout à l'heure pour le Cap-Ferret. Pour Lacanau, le problème est tient aux plages atlantiques, qui sont essentiellement sableuses mais aussi avec des rochers. Nous présentons un cas un peu particulier, puisque la pollution a touché à la fois le sable et les rochers.

En l'occurrence, nous avons constaté, dans le cadre du plan POLMAR, une réactivité forte. Il a été décidé de traiter le sable en priorité et de traiter les rochers plus tard, tout au moins sur notre côte atlantique. Le préfet atlantique s'est rendu sur place, Mme la ministre de l'Ecologie également. C'est un effort que les élus ont apprécié.

Dans le cadre du plan POLMAR, on nous a donné des moyens d'intervention rapide avec, notamment, des personnels du SDIS ou de l'armée, des gens véritablement formés à la tâche pour laquelle ils avaient été appelés. Ces effectifs ont été mis à notre disposition dans des délais brefs.

Aujourd'hui, le plan POLMAR est abandonné, ou plutôt arrêté, ce qui est logique, et nous sommes entrés dans un cadre de contrats de marchés à bons de commande, avec toutes les procédures que requièrent ces marchés publics, avec un maître d'œuvre, et des délais avant que l'on en voit la manifestation sur le terrain.

Aujourd'hui, la situation est nettement plus difficile à gérer par les élus de proximité parce que, pour ne parler que de ma commune, pour les mois de mars et avril, nous avons connu une forte fréquentation, due essentiellement à un temps particulièrement clément, mais avec la réapparition d'une pollution que je ne suis pas en mesure de traiter dans le cadre de ces contrats de marchés d'Etat, car l'entreprise qui a emporté le marché n'est pas en mesure d'intervenir dans des délais normaux, me semble-t-il, en tout cas, raisonnables, pour permettre de retirer le plus rapidement possible les apports récents de pollution.

La situation est en train de devenir très problématique, car c'est toute une économie régionale, ou tout au moins locale, qui est remise en cause alors que, depuis trois mois, des choses très bénéfiques avaient été effectuées. Cette économie est remise en cause parce que la pollution n'est pas traitée. Les boulettes sont sur les plages, les chiens, les gens, tout le monde en pâtit. Le monde du surf en pâtit également parce que nous n'avons pas les entreprises pour traiter.

Voilà pourquoi je demande de faire un distinguo entre le plan POLMAR, avec une réactivité appréciée et qu'il faut encore rappeler, appelant l'éloge de M. le préfet et du sous-préfet, et la situation actuelle, très différente, qui nous met en péril.

M. Michel SAMMARCELLI : Concrètement, si je puis me permettre d'ajouter un élément, l'Etat a signé un contrat avec une entreprise. C'est l'Etat qui contrôle son marché et qui fait faire. Lorsque l'on voit arriver du pétrole sur les plages, la DDE représente l'Etat. La mairie doit prévenir la DDE. Je vous laisse imaginer le temps de réaction : les agents de la DDE ne sont pas dans le quart d'heure qui suit sur les plages. Par ailleurs, il s'agit d'un marché à bons de commande. Le responsable DDE local, c'est-à-dire la cellule de subdivision, doit rentrer à son bureau pour rédiger son bon de commande. Comme c'est l'Etat qui commande et paye par la préfecture, ce bon de commande est envoyé au SGAR en préfecture, en express. Le SGAR n'a plus d'argent, donc, on retient un peu. la demande.

La preuve est faite aujourd'hui que, quand des « boulettes » arrivent un vendredi matin, on ne peut les retirer, dans le meilleur des cas, que le mardi. Ainsi, on nous a retiré nos prérogatives, nos compétences. L'Etat a récupéré, pour contrôler les deniers publics, un marché public d'Etat. J'en suis tout à fait d'accord, mais la réactivité est insuffisante. De plus, pour des raisons que l'on peut comprendre, il n'y a plus de crédits. Les crédits affectés sur l'Aquitaine ont été consommés et, pour la suite, il n'y a rien pour l'instant..

Donc, il y a une entreprise qui a un marché public, qui ne va pas pouvoir faire face et, pendant ce temps, que faisons-nous ? Nous sommes très inquiets. Tout a très bien fonctionné jusqu'à aujourd'hui mais, pour demain, nous avons de gros soucis. De plus, il faut que vous sachiez que la préfecture vient de nous transmettre une note de la DDASS -qui applique le principe de précaution- relative aux conditions d'ouverture des plages à la suite de la pollution : il faut que nous fassions une inspection de nos plages toutes les semaines, ce qui est normal, mais  avec des chaussons blancs, s'il vous plait ! et que l'on remplisse un long questionnaire en cochant des cases par oui ou par non. Et, s'il y a un seul non, nous devons fermer nos plages.

Nous pensons que, dans ces conditions, l'Etat va devoir se substituer à nous aussi dans cette tâche, car nous ne nous en chargerons pas ! Autant tout s'est très bien passé jusqu'ici, autant, aujourd'hui, ça se passe mal.

M. Roland-Etienne BLAIS : Je m'associe pleinement à tout ce qui vient d'être dit, notamment par MM. DAVID et Sammarcelli. Comme eux, je trouve que nous n'avons plus du tout la même réactivité que celle qui existait jusqu'à fin mars.

Je voudrais souligner un incident qui est survenu hier après-midi, lors du passage d'une employée du CEDRE accompagnée d'un agent de la DDE, en visite sur l'ensemble du littoral. Ils sont passés sur une plage de Soulac. La communauté de communes de la pointe du Médoc a réalisé 240 000 euros de travaux d'investissements sur cette plage la pour protéger contre l'érosion. La durée prévue du chantier est de six semaines.

Dans le cadre des préconisations du CEDRE, d'après ce que cette employée nous a dit hier après-midi, nous ne sommes pas prioritaires par rapport à d'autres stations plus touchées que la nôtre. C'est une plage fréquentée par environ 20 000 personnes l'été. Je puis vous assurer que le ton est monté. Premièrement, nous étions en désaccord sur la méthodologie : il s'agit d'installer en pied de dune des protections, en l'espèce des grands tubes géotextiles de plus de deux mètres de haut, bourrés de sable pour éviter que la falaise ne soit sapée à la base à chaque arrivée de vague. L'urgence était telle, pour réduire l'érosion, qu'il a fallu obtenir du tribunal une procédure d'urgence permettant d'anticiper sur la procédure habituelle des marchés publics.

Lors d'une réunion, qui s'est tenue il y a quelques jours dans cette même salle, en présence du secrétaire général de la préfecture, M. Dupuis, il m'a été indiqué qu'il était envisagé de remplacer ces fameuses « chaussettes ». Or elles sont encore actuellement en partie souillées, bien que le mouvement de la mer enlève progressivement le pétrole. Il n'empêche qu'avec les températures importantes qu'il y a eu à mi-avril, ce mazout a commencé à couler et est allé se déposer un peu plus loin.

Il y avait deux solutions : ou nous attendons un éventuel remboursement pour pouvoir refaire les travaux car 240 000 euros, ce n'est pas rien pour une communauté des communes ; ou nous procédons à ce nettoyage, à nos frais et avec les moyens du bord, nettoyage qui consiste à projeter de l'eau sous pression avec un solvant. On nous a dit, hier après-midi, que le solvant que nous employons n'est pas adapté et l'on nous a conseillé d'en utiliser un autre. Quatre produits ont été cités. Il nous a également été dit qu'il fallait aussi installer une bâche de récupération de tous les effluents, pour éviter que cela ne dégouline jusqu'à la plage, et qu'il fallait l'enlever et recommencer aussi souvent que nécessaire.

Ma réponse a été que toutes ces indications étaient très utiles, mais que la saison commençait dans soixante jours, et même moins pour cette plage en particulier, quarante-cinq jours exactement. Nous n'avons pas le temps de remplacer les « chaussettes », parce qu'il faudrait relancer toute la procédure de marché public, et ajouter six semaines de travaux, sans compter que le financement n'est « vraisemblablement » pas assuré -ce sont les termes qui ont été employés : mes collègues s'en souviennent encore.

Il y a donc un problème : il faut nous autoriser à démarrer, en respectant les préconisations du CEDRE concernant l'utilisation des produits, la protection des personnels, la récupération des effluents, mais en nous laissant opérer, car sur tout le reste du littoral soulaquais tout au moins, il n'y a aucune autre trace de pollution.

Pour faire sourire et je m'en tiendrai là, deux bennes de récupération ont malgré tout été entreposées, dans le cadre du chantier de dépollution, à la limite de nos deux communes, au site des Arros, à environ cinq kilomètres du lieu où se trouve la pollution à enlever. Incohérence, peut-être ? En tout cas, les rouages sont loin d'être aussi « huilés », sans mauvais jeu de mot, qu'ils l'étaient lors de la phase qui a couru du 1er janvier au 31 mars.

M. Alain DEYRES : Ma commune de Porge, située entre Lacanau et Lège Cap-Ferret, possède treize kilomètres de sable fin. Je m'associe pleinement à ce qui a été dit, à savoir que, durant les mois de janvier et février, un très bon travail a été accompli par les services de l'Etat, en coordination avec ceux des mairies. Nous avons eu le matériel et les hommes qu'il fallait ; tout s'est très bien passé sur ces deux premiers mois.

Peut-être avons-nous été trompés, nous aussi, par le temps qui faisait en sorte qu'avec du vent d'est, il n'y avait plus d'arrivage pratiquement au mois de mars, nous laissant croire que tout était fini. Mais, le temps variant, nous avons encore malheureusement de nouveaux arrivages, certes légers, mais le problème est que les traitements ne se font plus dans les mêmes délais courts qu'en janvier et février.

Pourtant, la saison approche, avec moins de soixante jours d'ici le mois de juillet, et pour certains, elle commence même avant. Je pense qu'il faut vraiment se mettre au point pour avoir une saison 2003 qui soit la meilleure possible, si tant est que l'on puisse ouvrir les plages, parce que j'avoue que quand je vois ce questionnaire, j'ai, comme les autres, quelques craintes ! Il va falloir étudier tout cela de près.

M. le Président : Si j'ai bien compris ce que vous venez de nous dire, satisfaction pour la première phase et plus que des inquiétudes pour la seconde ?

M. Michel SAMMARCELLI : Non, mécontentement !

M. le Président : Quelle thérapeutique suggéreriez-vous pour éviter que les choses se passent aussi mal que ce que vous semblez le craindre ? A quel niveau peut-on faire des recommandations immédiates aux services de l'Etat pour que les choses se fassent plus sérieusement et plus paisiblement ?

M. Michel SAMMARCELLI : Il faut associer les maires aux décisions. Ici, c'est le DDE local qui a le pouvoir...

M. le Président : Le rôle des DDE ne vous semble pas à la hauteur de ce que vous en attendez ?

M. Michel SAMMARCELLI : Pour être clair, ils ont été étrangement absents pendant toute la crise. Ce sont les mairies qui ont fait le travail avec une entreprise privée. Nous connaissons parfaitement nos plages, nous connaissons les sites ; nous pouvons même vous dire, quand des « boulettes » arrivent, dans quelles baïnes elles vont aller. Nous le savons, nos employés le savent.

Nous savons le travail qu'il faut faire et l'entreprise le sait aussi. Quand on le lui signale, le subdivisionnaire DDE vient sur place. Il y a parfois des priorités à établir, et c'est peut-être aux maires, aussi, de le faire. Or nous sommes totalement évincés des décisions. En plus de la lourdeur administrative, la réactivité de la réponse est devenue mauvaise. Il faut que les maires soient associés aux décisions et que les procédures soient très rapides.Elles sont longues pour des raisons que l'on peut imaginer, mais le plus grave, ce sont les crédits. C'est là que le bât blesse.

M. le Président : Les crédits, c'est-à-dire que l'enveloppe POLMAR affectée a été consommée ?

M. Michel SAMMARCELLI : C'est cela.

M. le Président : Et l'entreprise privée n'est plus payée ?

M. Michel SAMMARCELLI : L'entreprise est payée « avec des élastiques », me semble-t-il, mais c'est son problème. C'est tout à l'honneur du SGAR qui ne veut pas signer des bons de commande sachant qu'il ne pourra pas honorer sa signature.

M. Jean-Michel DAVID : Sur un plan plus pratique, presque terre-à-terre, l'un des intérêts du plan POLMAR était d'avoir du matériel sur place, c'est-à-dire que l'entreprise Le Floch, qui intervenait dans le cadre de ce plan, avait laissé les machines sur les différents sites pollués, en particulier sur ceux qui l'étaient de manière plus régulière et plus importante que les autres. Aujourd'hui, il me paraît surprenant qu'alors que l'on sait que, à Lacanau par exemple, nous avons une situation particulière puisque nous subissons des arrivées de petites pollutions venues de haute mer. Surtout, problème important, me semble-t-il, nous avons des galettes ou des hydrocarbures naviguant entre deux eaux, qui viennent aggraver ou, tout au moins, générer une pollution à laquelle nous n'étions plus habitués.

De plus, la pollution peut se produire durant le week-end. Il serait utile d'avoir sur place du matériel à disposition, de façon à pouvoir intervenir le plus vite possible.

Par exemple, la semaine dernière, vendredi, j'ai téléphoné au responsable de la DDE pour demander du matériel, car nous avions déjà de la pollution qui arrivait sur la plage. Il m'a été appelé au téléphone le dimanche, à 16h30, pour me dire que les machines partaient ! Pareille réponse est insupportable. Le week-end s'est déroulé, comme je le disais tout à l'heure, avec un ensoleillement dont on ne peut que se réjouir. Nous avions un monde fou sur la plage. Mais les machines n'étaient pas là, et n'avaient donc rien pu ramasser alors que, du point de vue des coefficients et des marées, nous aurions eu la possibilité de procéder au ramassage de manière très discrète et très efficace.

Donc, les machines ne sont pas sur les sites et nous constatons un réel manque de réactivité, alors que l'on nous a imposé de maintenir les sites de dépollution en place: tout est là, les bennes, les sites de dépollution et, d'après ce qui me disait le responsable de la DDE qui est venu à Lacanau, le site, tel qu'il est implanté, devrait rester en place jusqu'au 31 décembre de l'année 2003 ! Cela signifie que l'on gèle un périmètre pour que la dépollution puisse se faire dans les délais les plus brefs. Le maire met à disposition une surface appropriée et tout ce qui doit l'accompagner. Et, malgré cela, nous nous retrouvons bloqués sur des périodes, plus ou moins aléatoires, d'arrivée de « boulettes » sans que les machines et les personnels ne soient disponibles.

Je trouve qu'il est absolument insupportable de devoir faire intervenir maintenant les agents communaux avec le matériel communal alors qu'une entreprise a obtenu le marché. Cela me paraît relever d'une certaine incohérence...

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Je voulais rappeler un problème spécifique à notre commune, La Teste-de-Buch, qui compte vingt-quatre kilomètres de plages océanes, dont trois relèvent du domaine militaire. C'est un terrain très ancien, géré par les militaires parce qu'il s'agit d'un ancien champ de mines et un dépôt de munitions, qui n'a jamais été dépollué.

Donc, sur ces trois kilomètres, le passage est interdit, bien sûr. Des militaires, au cours de la deuxième quinzaine, sont venus dépolluer, puisqu'ils sont les seuls à pouvoir entrer sur ce site. Mais leur action est insuffisante. Nous l'avons signalé à M. le Préfet, qui l'a lui-même fait savoir au ministère des armées.

Actuellement, et depuis plus d'un mois, les militaires ne viennent plus sur le site, ce qui fait que c'est une cause de nouvelle pollution, puisqu'aux gros coefficients, à marée descendante, cette pollution part soit vers le sud, vers Biscarosse et les Landes, soit vers le nord, où cela vient « ensemencer » le bassin. Donc, cela touche l'ostréiculture. Je voulais demander si l'on peut avoir une action auprès du ministère des armées, car nous nous tous heurtons à un mur.

M. Jean-Pierre DUFAU : J'ai bien compris que vous avez distingué deux phases, celle, qui paraissait la plus difficile, de pollution massive à laquelle il a été bien répondu avec une très bonne réactivité, notamment en Gironde. Je crois, en l'occurrence, que l'on a peut-être considéré un peu trop tôt que la pollution était terminée ou quasiment terminée. Or la sortie de crise est certainement le moment le plus critique et le plus difficile. Aussi, je reprends la question du président, pour vous demander si vous pensez que les marchés qui ont pris le relais constituent une réponse adaptée à la situation que nous vivons maintenant ? Quelles propositions alternatives feriez-vous ? Est-ce que, par exemple, une meilleure coordination avec des personnels communaux permettrait de faire différemment ?

Je poserai également deux autres questions. La première est relative aux moyens que vous avez évoqués, à savoir que des moyens financiers importants ont permis de traiter la pollution massive. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait maintenant appréhender la réalité de la situation pour voir si elle appelle à nouveau des moyens adaptés, parce qu'effectivement, nous sommes dans une période extrêmement difficile, à l'aube de la saison ?

Ma seconde question porte sur la partie responsabilité des eaux de baignades, mais aussi du sable. E,n l'occurrence, il y a un paradoxe : la DDASS nous communique un certain nombre d'indications -allant jusqu'à l'exigence de « chaussons blancs »! Mais, en même temps, la responsabilité première est celle de ceux qui sont en première ligne : vous ! Car c'est à vous que les gens s'adressent. Or il est extrêmement difficile de se contenter d'être simplement en position d'exécution alors que l'on est en situation de responsabilité. Ressentez-vous cette difficulté ? Quelles propositions feriez-vous à ce sujet ?

M. Michel SAMMARCELLI : Nous avons répondu en partie à vos questions puisque, pour la suite, nous ne sommes pas enchantés de la tournure des événements...

M. le Rapporteur : Que faut-il faire ?

M. Michel SAMMARCELLI : Nous disons que nous devons être associés aux décisions. Nous considérons que nous avons été « court-circuités » par la DDE et l'Etat, et que le système est devenu inefficace. Il faut remettre en selle les mairies pour la suite. En ce qui concerne la question relative à la directive de la DDASS, c'est très grave. Cette politique du principe de précaution, moi, j'appelle cela la politique du parapluie ! ou du parasol. Nous recevons des circulaires. Je ne sais pas si vous avez lu le questionnaire ! Toutes les semaines, il faudrait aller se promener sur la plage avec des chaussons clairs et, s'ils sont tachés, prendre les mesures de fermeture. Je vous laisse imaginer les conséquences. Mais il est également dit que l'Etat peut se substituer au maire qui ne le ferait pas. Eh bien, l'Etat se substituera à nous ! Nous ne le ferons pas et le préfet recevra les commerçants et les professionnels du tourisme dans ses bureaux.

Etant gosses, nous avons tous connu des dégazages. Ma mère me lavait alors les pieds avec de l'huile et du coton.

M. le Président : Avec du beurre, chez moi.

M. Michel SAMMARCELLI : Aujourd'hui, on met des chaussons blancs. Et, s'il y a des tâches : on ferme !

M. le Rapporteur : Ou l'on appelle le SAMU si son enfant a les pieds tachés. Cela s'est vu dans les Pyrénées-Atlantiques !

M. Michel SAMMARCELLI : Cela, c'est de l'irresponsabilité. Nous rendre responsables... ce principe de précaution ! « On avait prévenu le maire. On lui avait écrit ! » Parce que nous finirons bien par avoir des plaintes un jour, du style « le tee-shirt de mon fils est taché ». Cela va arriver et on dira que l'on avait prévenu le maire mais qu'il n'a pas fait ce qu'il fallait ! Nous disons tous ensemble : « Non » !

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Vous nous avez demandé ce qu'il faut faire. Nous nous sommes exprimés sur la directive de la DDASS. Je pense que nous sommes tous d'accord à ce sujet. Il faut nous redonner un certain pouvoir. Nous sommes tous disposés à assurer au moins la propreté et la dépollution de nos plages. Je vous ai indiqué la longueur de nos plages. Nous avons des sites surveillés : il faudrait au moins que, cet été, on nous donne les moyens de dépolluer ces sites en cas de nouvelle pollution.

Mais cela veut dire que nous aurons besoin de moyens financiers. Nous avons jusqu'ici été très correctement et très rapidement remboursés, il faut le reconnaître, mais à la fin du plan POLMAR, le préfet nous a indiqué que tous les travaux que nous engagerions avec le personnel communal se feraient à nos frais. Cela signifie que nous ne faisons pratiquement plus rien.

Je vois mal comment, si nous nous avons ne serait-ce qu'une mini-pollution cet été, les entreprises privées pourront réagir sur les 200 ou 250 kilomètres de côtes. Il faut nous redonner un financement pour que nos employés communaux qui, bien sûr, ne sont plus alors dans la ville mais loin sur les plages, puissent travailler avec les machines à notre disposition. Si le personnel communal ne reprend pas le travail, nous n'arriverons pas à rendre nos plages correctes.

M. le Président : À propos du matériel, comment a-t-il été mis à votre disposition ? Dans quelles conditions et comment l'utilisez-vous ?

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Actuellement, nous ne disposons que du matériel communal. Le matériel qui a été mis à notre disposition par les civils était celui des entreprises qui ont été mobilisées et financées pour nous aider. Le matériel utilisé leur appartenait, et nous n'avons plus maintenant que notre propre équipement, c'est-à-dire celui que nous avions acquis avant, et celui que le Conseil régional et la Caisse des dépôts nous ont aidés à financer à 50%. C'est un matériel que nous allons conserver, mais actuellement, si nous voulons l'utiliser, il faut avoir une autorisation.

M. Jean-Pierre DUFAU : Est-il livré, ce matériel ?

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Pas entièrement. Mais nous devrions l'obtenir d'ici un mois. Mais je dis bien qu'il faut aider les communes, parce que si nous ne disposons que de trois cribleuses pour vingt-quatre kilomètres, il est certain que cela ne suffira pas.

M. le Président : Je reviens à votre problème particulier du terrain militaire, comment le résoudre ?

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Les militaires pouvaient faire ce que nous avons fait. Nous les avons aidés. Les entreprises ne sont pas allées sur le site car il y avait une présomption de danger et que l'accès était interdit aux civils ; ce sont les militaires qui ont assuré le maniement du matériel mais ce matériel a été mis à leur disposition. Des militaires de la base de Mont-de-Marsan sont venus à une certaine époque. Ils ont fait très correctement leur travail. Mais ils ont arrêté début mars et, depuis, ils ne sont plus revenus alors que la dépollution n'était pas achevée. Ils n'ont enlevé que le plus gros. Maintenant le reste est une source de pollution.

M. Michel SAMMARCELLI : Tout cela parce que la plage est interdite, et que les militaires ne font pas le nécessaire pour dépolluer. Mais comme les vagues, à marée haute, nettoient la plage, la pollution est renvoyée dans le bassin, à la Teste et au Cap-Ferret.

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Et l'armée ne veut pas, bien sûr, étant donné le risque, faire venir des entreprises privées et leur donner l'autorisation de nettoyer parce qu'en pied de dune, il peut toujours rester des grenades ou des munitions. Les démineurs de l'armée sont venus les trois premières semaines. Ils nous ont indiqué où nous pouvions passer et déposer les engins. Ensuite, le personnel de l'armée est venu, mais il a utilisé un matériel civil. Nous ne savons pas comment cela s'explique, mais l'armée ne disposait d'aucun matériel propre à utiliser sur le site.

M. le Rapporteur : Je reviens sur le problème de la DASS qui n'est pas mince, puisqu'il y a l'affichage devant les plages de la qualité des eaux et de la plage elle-même. Le fioul du Prestige étant de même nature que celui de l'Erika, je comprends bien le problème pour y avoir été moi-même confronté au Croisic au mois de février quand les gens, notamment les bénévoles et les employés municipaux, nous demandaient des certificats de non-dangerosité du produit. Nous avions alors suspendu les activités des bénévoles et des personnels municipaux, et avions réalisé une étude, qui avait demandé quinze mois, me semble-t-il, sur ce fioul n°2. Il s'est avéré ensuite qu'à moins d'une exposition à mains nues pendant plus de huit heures par jour, il n'était pas toxique.

Puisqu'il s'agit du même fioul, n'y aurait-il pas moyen de réutiliser ces analyses pour ouvrir la discussion avec la DDASS et le préfet, car ce dernier joue un rôle plutôt positif, avec une neutralité plus que bienveillante pour gérer une saison touristique qui est vitale pour votre économie ?

M. le Président : Nous pouvons l'indiquer au préfet.

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : D'autant que nous avions anticipé la situation et que toutes les analyses ont été réalisées en bonne et due forme, soit sur la côte océane, soit à l'intérieur du bassin d'Arcachon. Actuellement, nous refaisons passer les experts pour de nouvelles analyses.

M. Jean-Pierre DUFAU : Si vous pouviez bénéficier de cette étude, cela vous serait utile, parce que, sinon, vous risquez de devoir attendre quinze mois.

M. Jean-François ACOT-MIRANDE : Les analyses se trouvent sur internet, très facilement accessibles. Le ministère de la santé les a transmises au ministère de l'environnement. Mais actuellement certaines associations -nous en avons une qui s'est formée sur le bassin d'Arcachon-, comprenant parfois même des scientifiques, font courir le bruit que ce fioul est bien plus polluant qu'on ne le disait et que l'on masquait la réalité.

M. le Rapporteur : Nous avions connu cela à l'époque, mais un laboratoire avait été dûment mandaté, et son rapport faisait référence.

M. Jean-Michel DAVID : Si vous me le permettez, je voudrais simplement ajouter, aux propos qui viennent d'être échangés, une notion d'urgence. Il a été dit que la saison allait démarrer dans deux mois. Il serait peut-être bon de tenir compte du fait que la saison a déjà démarré, à tel point que, à Lacanau, j'ouvre la plage centrale demain ; à partir du 7 juin, dans un mois à peine, ce sont les quatre plages océaniques qui seront ouvertes.

Or le problème est que demain, une fois la plage centrale ouverte et la surveillance assurée, les hydrocarbures qui sont collés sur les rochers -et sur les épis perpendiculaires pour protéger des effets de l'océan- seront toujours sur là et que ce qui aurait dû être fait ne sera toujours pas commencé, pour la bonne raison que le responsable que j'ai reçu en mairie me dit qu'il n'a pas été destinataire du contrat et qu'il ne sait pas quand il va pouvoir intervenir.

S'il faut déplacer des tonnes de rochers, il n'est pas envisageable d'intervenir quand tous les touristes seront là. En tout cas, cela ne l'est plus. La saison ne démarre pas dans deux mois, elle a déjà commencé ! Je pense parler au nom de tous mes collègues en disant qu'il faut impérativement que des solutions soient trouvées dans les quinze jours qui viennent, parce qu'à partir de juin, sur tout le littoral, les premiers vacanciers arrivent, certes pour une autre forme de vacances que ceux de juillet et d'août, mais les plages du littoral seront vite occupées. Et, si le soleil est favorable, elles le seront plus encore dans les jours qui viennent. Donc, l'urgence est là.

Audition de M. Marc DRUART,
Président du syndicat des ostréiculteurs du bassin d'Arcachon


(extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 -
Bordeaux)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. Druart est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Druart prête serment.

M. le Président : Notre interrogation est simple : qu'en est-il de l'ostréiculture suite au naufrage du Prestige ?

M. Marc DRUART : À ce jour, beaucoup de promesses ont été faites. Toutes n'ont pas été tenues. Nous en avons encore eu une ce matin concernant les décisions des commissions des calamités agricoles, relativement à la DDAS et aux charges sociales dues à la MSA. Nous avons reçu 100% des cotisations à payer sur le premier trimestre.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : L'engagement était pourtant de les réduire de 50%.

M. Marc DRUART : A l'heure actuelle, nous connaissons la perte qu'a subie la profession sur le premier trimestre, puisque nous avons eu recours à un cabinet, que nous avons choisi parmi les centres de gestion parce que nous voulions une transparence complète. Nous disposons de cent cinquante dossiers sur trois cent cinquante entreprises, et la perte théorique se situe à 1,6 million d'euros pour l'ensemble de la filière sur le premier trimestre.

Sur cent seize dossiers déposés, cinq ont été remis au FIPOL aujourd'hui pour instruction et pour voir si la méthodologie de travail utilisée par le centre de gestion est bien cohérente. Les cent onze autres dossiers seront transmis au FIPOL dans les jours prochains s'il n'y a rien à modifier sur les cinq premiers.

A ce jour, les indemnisations au titre du plan POLMAR ont été effectuées. Nous avons été réglés normalement, mais la perte du premier trimestre est tout de même assez forte puisqu'elle s'élève pour janvier et février entre 40 et 80% -entre 40 et 50% pour la vente au détail et jusqu'à 90% pour la vente à la grande distribution.

Des mesures ont été demandées au plan national, et des tables rondes sont prévues avec la grande distribution, assez rapidement pour que nous puissions bénéficier de prix soutenus.

Nous avons une quantité d'huîtres relativement faible à mettre sur le marché pour les deux ans qui viennent. Nous ne souhaitons pas tomber dans un redoutable « effet de ciseau », avec des prix bas et une grande distribution qui va chercher à peser encore plus sur les prix pour relancer la consommation des huîtres. Il n'en est pas question. Nous avons demandé à notre ministère de tutelle d'intervenir pour qu'une table ronde puisse se tenir au mois de juin, à la dernière limite, parce que, ensuite, les premiers marchés devront être traités -surtout les Marennes-Oléron- à partir du mois d'août. Il y a donc urgence.

M. le Président : Vous êtes-vous appuyés sur une personnalité juridique pour vous aider, un avocat ?

M. Marc DRUART : Pour le FIPOL ?

M. le Président : Non, pour défendre vos intérêts d'ostréiculteurs.

M. Marc DRUART : Nous avons un avocat, effectivement... Nous avions entamé une procédure contre l'Etat espagnol parce qu'à notre avis, il y a eu un manque de responsabilité de sa part. Mais il y a des gens qui ont eu des responsabilités à un moment ou un autre. Il est aussi assez désagréable de ne pas savoir ce qui se passe à l'heure actuelle. Je ne sais pas si vous, élus, le savez, mais nous avons une épée de Damoclès, qui n'est pas au-dessus de nos têtes mais au fond de l'eau et, demain, malgré tous les moyens que l'Etat aura mis, que les collectivités et les professionnels auront engagés, si la pollution recommence pendant ou après la saison touristique, ce sera catastrophique pour tout le monde. Il faut une forte pression de nos élus pour que des mesures soient prises.

Le passé est le passé. Nous avons combattu et nettoyé du mieux que nous avons pu, mais il ne faut pas que la pollution revienne d'ici quelques semaines ou quelques mois. Il faudrait tout de même qu'il y ait une transparence du gouvernement espagnol sur ce problème susceptible d'être récurrent.

M. le Rapporteur : Nous allons les 27 et 28 mai à Madrid et à la Corogne.

M. Marc DRUART : C'est une information utile.

M. le Président : A la vérité, avez-vous réellement été touchés ? Vos produits ont-ils été un moment suspects ?

M. Marc DRUART : Du point de vue sanitaire, non. Jamais, ni de loin ni de près, nos produits n'ont été sanitairement suspects. Mais des « boulettes » et des traces d'hydrocarbures ont pu se déposer dessus. Nous l'avons caché d'un point de vue médiatique car nous ne voulions pas empirer la situation. Il faut savoir que nous subissions une pression médiatique depuis la mi-décembre. Nous n'avons pas caché la situation, parce qu'il était assez difficile de la cacher complètement, mais nous n'avons pas non plus montré tout ce qui pouvait l'être. Le seul reportage qui a été diffusé a été fait avec l'IFREMER, et nous a échappé : la télévision est allée filmer un parc à huîtres. Sinon, jamais, de près ou de loin, vous n'avez vu dans les reportages ni de parcs à huîtres souillé, ni un ostréiculteur tenir une « boulette » dans la main, ni de bateau ou d'ostréiculteur souillé.

M. le Rapporteur : En effet.

M. Marc DRUART : Nous avons énormément travaillé notre image de marque. Il n'était pas nécessaire d'amplifier la chose. Il est vrai que, sans le Prestige, nous aurions pu faire une saison tout à fait honorable parce le premier trimestre de l'année, qui suit les fêtes, est malgré tout une saison importante pour l'ostréiculture, et plus particulièrement pour la conchyliculture.

M. le Président : Avez-vous comparé vos courbes avec celles de vos collègues des autres régions ?

M. Marc DRUART : Oui, chaque fois qu'il y a une crise -Torrey Canyon, Erika,...- sur un bassin quel qu'il soit, la filière nationale perd globalement entre 40 et 50%. Sitôt qu'il y a suspicion sur un produit de la mer, c'est la filière nationale dans son entier qui est touchée.

Pour l'Erika, à Arcachon, pendant six mois, nous avons perdu 50% du chiffre d'affaires. Le consommateur est quelqu'un qui « zappe », il voit l'information et n'en retient pas les détails. Ce n'est pas à vous, élus, que j'apprendrai que c'est les médias constituent le premier pouvoir. Il est vrai que le consommateur est un téléspectateur, ou un lecteur, et que les médias peuvent faire beaucoup de mal aussi : un effet psychologique se produit alors, qui conduit le consommateur à s'appliquer le principe de précaution à lui-même.

A propos du FIPOL, nous ne connaissons encore pas le seuil d'indemnisation, mais nous devrions en avoir une idée dans les prochains jours : 80 ou 90 %, nous ne savons pas. Cela se fera en fonction des demandes du gouvernement espagnol sur l'enveloppe...

M. le Rapporteur : C'est sur 180 ou 190 millions d'euros, me semble-t-il...

M. Jean-Pierre DUFAU : 171.

M. le Rapporteur :... mais nous sommes bien loin de la demande française qui était d'un milliard d'euros et qui n'a pas encore été acceptée.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Cinq dossiers transmis, cent seize à envoyer au total. Et les autres ?

M. Marc DRUART : Certains pensent qu'ils n'obtiendront rien et ont décidé de ne pas perdre leur temps à remplir les dossiers, d'autant que ce n'est pas facile. Nous l'avons fait avec un centre de gestion pour que l'on ne puisse pas dire que chacun avait fait sa « salade » dans son coin. Je voulais une transparence complète. Je ne savais pas qu'il y aurait une Commission parlementaire, mais je pense qu'il y aura des enquêtes du FIPOL...

M. le Rapporteur : Bien sûr.

M. Marc DRUART : Nous avons joué la transparence dès le début et, en tant que responsable d'une profession et d'une filière, je ne veux pas trahir les élus d'abord -Mme des Esgaulx peut en témoigner, elle aussi nous a défendus- et je ne veux pas ne pas être transparent. Donc, nous avons déposé cinq dossiers à titre expérimental sur le bureau du FIPOL. Cent onze autres sont instruits et prêts au centre de gestion. Ils seront transmis après la validation des cinq premiers. C'est la méthodologie que nous avons suivie. Et, sur ces cent seize dossiers, nous demandons environ un million d'euros.

M. le Rapporteur : Pour l'Erika, cela avait demandé du temps. Les bassins chez nous avaient été fermés six mois. Mais c'est la conchyliculture qui a été remboursée au meilleur taux. Par contre, il a fallu faire un travail très délicat car, si vous aviez eu une baisse de vente, cela signifiait que vous aviez gardé des stocks d'huîtres et il fallait montrer que la valeur d'un stock d'huîtres n°4, qui étaient devenues des n°2 six mois après, n'était plus la même. Cela a demandé un travail ardu, mais qui avait porté ses fruits et a été reconnu ensuite par le FIPOL.

M. Marc DRUART : Nous pouvons tout à fait le justifier aussi, parce qu'il est vrai que, d'un côté, on ne déstocke pas, mais qu'il faut quand même pouvoir porter les stocks : car le travail continue. Les huîtres qui sont arrivées depuis dix-huit mois n'ont pas pu être gardées dans les parcs. Des ostréiculteurs ont dû racheter des tables. C'est mon cas, je n'ai pas voulu me démettre de mes stocks parce qu'en plus, l'année 2002 pour le bassin d'Arcachon, qui est le premier centre européen de naissains, a été une année catastrophique. Sur les cinq dernières années, nous avons connu trois fois la procédure de calamités agricoles, l'année 2002 étant la plus mauvaise.

Nos stocks sont donc au plus bas. Tout cela crée des « effets de ciseaux ». La marée noire n'a rien à voir avec l'incidence du manque de naissains en 2002, mais constitue un réel problème supplémentaire. Il faut tenir compte de ces paramètres.

Quand nous avons rencontré les responsables du FIPOL, il est vrai que si nous avions eu une campagne de naissains normale, avec des financements normaux sur les stocks, nos difficultés auraient sans doute été moindres. Mais ce n'est pas le cas et le Prestige a amplifié notre « descente ».

M. le Rapporteur : Vous n'aviez déjà plus de marge de manœuvre.

M. Marc DRUART : C'est cela.

M. le Rapporteur : Pour revenir à vos préoccupations par rapport au pétrole qui reste dans les cales du Prestige, nous avons, lors de notre déplacement en Méditerranée, rencontré une entreprise qui répond à un appel d'offre du gouvernement espagnol pour le pompage. Donc, aujourd'hui, le gouvernement espagnol a lancé un appel d'offres international pour aller chercher à 3 500 mètres de fond ce pétrole. Je pense que, dans les prochaines semaines, cela devrait déboucher sur le choix d'une technique et d'une entreprise pour essayer de sécuriser ce qui doit encore l'être.

M. Marc DRUART : Je pense aussi qu'il devrait y avoir une évaluation sur ce qui reste dans les eaux françaises, parce que sitôt que quelques « boulettes » arrivent, les médias nationaux s'emparent immédiatement du sujet. Il faudrait rechercher ce qui reste au large. Je sais que ce n'est pas facile, mais il ne faudrait surtout pas qu'il nous en arrive encore avant la fin de l'année. Si ce ne sont que quelques « boulettes », par ci par là, au bout d'un moment, cela rentrera dans le cours normal des choses, mais il faudrait vraiment aller voir s'il en reste au large et expliquer pourquoi nous avons encore des arrivées, des jours et des jours après.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Y en a-t-il dans le fond du bassin ?

M. Marc DRUART : Non, toutes les plongées qui ont été faites montrent qu'il n'y en a pas. Sans prétention aucune, nous avons mis au point une méthodologie de travail. La section régionale des ostréiculteurs a pris tout de suite les choses en main. Je peux le dire, ce n'est pas que je sois hostile à certains fonctionnaires, mais on constate un certain immobilisme chez certains agents de l'Etat. J'en parle librement devant des élus car malgré la meilleure volonté que vous puissiez avoir -que ce soit vous, élus, notre ministre de tutelle ou notre Premier ministre- il y a des choses qui ne « passent » pas.

Pendant la crise de la marée noire, il a fallu que M. le préfet se fâche pour que l'on puisse accéder à des cartes marines alors que, une fois devant ces cartes, avec la courantologie du bassin d'Arcachon, nous pouvions savoir exactement où il fallait aller.

Certains jours, à quatre-vingt-dix professionnels, nous avons pêché 10 tonnes. Personne ne l'a su, mais cela figure dans les rapports. Nous l'avons fait à l'épuisette. Nous avons fait fabriquer spécialement de petites épuisettes bien adaptées. Nous nous améliorons tous les jours.

Mais nous avons toujours minimisé l'événement. Le jour où nous avons pêché 10 tonnes, comme nous travaillions la nuit, les journalistes sont venus une fois avec nous de nuit. Ils ne sont pas revenus deux fois : ils ont perdu des caméras, des embouts...

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Vous étiez réquisitionnés ?

M. Marc DRUART : Oui.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Le règlement a-t-il été convenable?

M. Marc DRUART : Oui, c'était dans le cadre du plan POLMAR. Il n'y a rien à dire. Les professionnels ont été corrects. J'avais dit au préfet que nous ne discuterions pas d'argent pendant cette crise, mais que nous en discuterions après. J'aurais sans doute mieux fait d'en discuter pendant, mais les choses étant ce qu'elles étaient, nous avions surtout peur pour l'environnement. Je ne suis pas un écologiste, je suis un environnementaliste : je protège le bassin, c'est mon lieu de vie, mon lieu de ressources, c'est l'endroit que j'aime, que je respecte. Donc, c'était simple : les questions d'argent viendraient après.

Je l'ai toujours dit mais, maintenant, c'est un peu dur et en tant que responsable de la profession ostréicole, je ne veux pas laisser des entreprises au bord du quai.

M. le Rapporteur : Vous craignez pour la survie de certaines entreprises ?

M. Marc DRUART : Certaines entreprises sont déjà en difficulté maintenant. Mais je crois qu'il y en aura davantage dans un an. Les gens raisonnent à court terme et, vu les financements tardifs des mesures d'aide que nous avons pu obtenir, beaucoup viennent maintenant de brader leur stock « sur le dix-huit mois », c'est-à-dire les huîtres d'un an et demi.

Le prix sur le marché, je vous le donne en francs, était établi à 14 francs au niveau national, parce qu'il y avait peu de ressources en produit -en huîtres de demi-élevage. Mais les ostréiculteurs en question ne voient pas les moyens financiers arriver, les banques n'ont pas fait leur travail et n'ont relayé les financements que sur un ou deux mois, avant de prendre l'argent des emprunts sur les comptes puisque, après les fêtes, les comptes étaient approvisionnés. Les entreprises voient l'été arriver, alors que ce n'est pas la période où l'on commercialise le plus ; ils se sont dits qu'il valait mieux tenir que voir venir. Et les huîtres ont été bradées à 10 francs.

Le problème, c'est que maintenant, ils ne vont avoir ni l'argent ni le stock pour l'année prochaine parce que, même si les indemnités arrivent l'année prochaine, il n'y aura plus d'huîtres de dix-huit mois à acheter puisqu'il n'y a pas eu de naissains en 2002.

Aucune entreprise n'a mis de personnel au chômage. J'aurais trouvé cela anormal, et j'ai tenu ce discours chaque fois que nous avons demandé des mesures en notre faveur. C'est vrai que nous nous sommes battus pour obtenir des aides, mais nous n'avons mis personne au chômage et toutes les entreprises ont gardé leurs salariés.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Les calamités agricoles n'ont rien à voir avec le Prestige, et notamment pour ce qui concerne les problèmes de naissains qui ont eu lieu l'année dernière ?

M. Marc DRUART : Tout à fait, mais les entreprises ostréicoles disent que l'indemnisation du FIPOL, elles l'auront très tard, et elles ont plus confiance dans les mesures pour les calamités agricoles. Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse...

Si les aides attendues au titre des calamités agricoles arrivent, les entreprises tiendront. Si elles n'arrivent pas... Une commission qui devait se tenir début juin vient d'être repoussée... moi, parfois, je ne suis pas en bonne position non plus, parce que nous avons eu des discussions ici avec M. le préfet Frémont : on lui disait des choses à Paris qui, le lendemain, étaient devenues totalement fausses. Pas simplement transformées, mais fausses ! Des promesses, on m'en a faites. On m'a dit qu'on ne me laisserait pas au milieu du gué et, parfois, je suis obligé de chercher des cailloux pour ne pas tomber.

Je ne reprendrai pas une phrase célèbre de notre Premier ministre qui parlait de la France d'en haut et de la France d'en bas, mais vous, parlementaires, il faut quand même que vous fassiez en sorte qu'il y ait des changements parce qu'entre la France d'en haut et celle d'en bas, il y a une France du milieu, technocratique, obscure, mais qui prend les décisions. Ce n'est pas vous.

Excusez-moi d'être un peu direct mais je l'ai dit aussi à M. Gaymard, notre ministre. On m'avait reproché de l'avoir un peu rudoyé, mais ce n'est pas cela. Je dis les choses comme je les ressens parce que nous avons instruit les dossiers, nous sommes allés à Paris, nous avons rencontré beaucoup de monde à tous les niveaux, et la volonté politique paraissait présente. Mais la volonté administrative, c'est une autre affaire...

M. le Rapporteur : La plupart d'entre nous étant aussi élus locaux, nous connaissons ce sujet.

M. le Président : Et partageons certains de vos propos.

M. le Rapporteur : En plus, vous risquez prochainement de perdre le préfet Frémont qui va partir et qui a connu et suivi cette crise depuis son origine. Ce n'est pas forcément un gage d'efficacité, le temps que son successeur entre dans tous les dossiers.

M. Marc DRUART : Le préfet que nous avons eu a beaucoup de mérite parce que c'est un homme qui a combattu à bien des niveaux. Ce n'est pas toujours évident parce que, même si c'est un préfet, ce n'est qu'un homme et, malgré la meilleure volonté du monde, la fatigue finit toujours par survenir. Il faut parfois pouvoir s'arrêter.

M. le Président : Suggérez-vous des décisions rapides que nous pourrions soumettre, sans attendre les conclusions de l'enquête ? Par rapport à votre profession, que pouvons-nous faire immédiatement ? Pensez-vous qu'une action médiatique engageant la région et le département sur la qualité des produits gagnerait à être mise en place ?

M. Marc DRUART : L'OFIMER, qui est notre organisme traditionnel de soutien, nous a tout de suite dit qu'il allait nous aider à relancer la communication. Ce n'est pas la peine de dépenser de l'argent pour nous à l'heure actuelle. Je suis quand même soucieux des deniers publics et ce n'est pas la peine de les utiliser pour financer aujourd'hui des actions de communication en faveur de la conchyliculture française ou régionale, et de la pêche. Cela ne servirait à rien. Il vaut mieux que le tourisme passe en premier et que des fonds lui soient attribués pour que la campagne estivale se déroule du mieux possible et, si celle-ci se passe bien et que nous prenions le relais dans les campagnes de communication dès le début octobre, nous pourrions raccompagner le touriste chez lui avec nos produits. La stratégie est donc de chercher à ce que la saison touristique se passe bien,...

M. le Président : On laisse passer les mois sans « r » ?

M. Marc DRUART : C'est cela et en septembre-octobre, -il faut que nous y réfléchissions dès maintenant avec l'OFIMER-, nous travaillerons sur des actions de communication au point de vue national. Mais, pour ce faire, il faut construire notre dispositif maintenant, et la discussion avec la grande distribution doit avoir lieu le plus rapidement possible, en juin. C'est impératif. Et il faut aussi que l'OFIMER dise tout de suite de quel budget il peut disposer, parce qu'il a été sollicité à plusieurs reprises, mais nous n'avons plus beaucoup de nouvelles de M. Merckelbagh.

M. le Rapporteur : Il est toujours directeur de l'OFIMER ?

M. Marc DRUART : Oui. C'est le directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture qui a changé. C'est maintenant un ancien directeur départemental de l'agriculture, qui nous a appuyés. De ce côté-là, nous n'avons pas de problèmes. Ce sont des gens qui connaissent les problèmes et qui sont prêts à nous aider. Mais il y a aussi la rigueur budgétaire. Je la connais. J'en suis conscient. Mais il faut aussi savoir ce que l'on veut.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Il faut surtout résoudre la question de la procédure des calamités agricoles, au mois de juin, pour pouvoir tenir.

M. Marc DRUART : Et savoir surtout ce qu'il en sera du FIPOL. La télévision nous l'a demandé, je n'ai pu que répondre que nous ne connaissions pas les taux sur la base desquels nous allions être indemnisés. Je vous ai donné les chiffres : nous enregistrons un million d'euros de pertes réelles. Transformez cela en 80% dans un premier temps puisque, de mémoire, sur l'Erika, 50% avaient été accordés d'abord, puis 30%. Un million d'euros, cela représente pratiquement 6,6 millions de francs. Donc, si l'on débloquait sur la base de 50%, cela ferait 3,3 millions de francs. Ce n'est quand même pas une perte extraordinaire. Je pense que les conséquences écologiques, environnementales et économiques auraient été plus graves si le pétrole était entré jusqu'au fond du bassin.

Nous avons eu très peur quand nous avons vu les gens de l'IFREMER ou du CEDRE. Ce sont des gens très objectifs. On peut dire ce que l'on veut du CEDRE, mais j'ai pu constater que ses agents demandaient à voir avant de donner leur avis. Les côtes bretonnes ou galiciennes, qui sont composées de rochers en granit, sont difficiles d'accès, mais la pollution n'y dégrade pas énormément l'environnement. Alors que le bassin d'Arcachon est uniquement composé de zostères. J'en ai discuté avec Yves Parlier, avec qui j'ai déjà fait de la voile dans le Golfe. Nous ne pouvions pas imaginer que le fioul entre dans le bassin. Et j'avais dédramatisé dès décembre, face aux journalistes. J'avais prévenu le préfet d'ailleurs, en lui faisant savoir que je me positionnais en disant qu'il était impossible que le pétrole entre dans le bassin. Après, on m'a reproché de l'avoir dit, mais j'admets que je me suis trompé. Ensuite, Noël était passé, et nous avons pu « sauver les meubles », si je puis dire.

Le CEDRE nous avait bien dit que si ce pétrole entrait, nous ne pourrions pas le récupérer sur les vasières. Mme des Esgaulx le sait, elle connaît très bien le bassin. Il n'y pas de moyens de récupération mécanique. La seule solution était de le piéger et d'en ramasser le maximum à l'entrée. Mais nous n'avons pas dramatisé. Nous aurions pu crier plus au loup, mais cela n'aurait servi à rien, il aurait été encore plus difficile de s'en relever.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Pour répondre à la question du président, il n'y a pas eu de contamination. La fermeture n'a été imposée que par précaution.

M. Marc DRUART : Tout à fait. Mais les médias rendent difficile la gestion de ce type d'affaires. Le 4, nous avons fermé les parcs. Le 5, nous avons tenu une conférence de presse à Arcachon. Les journalistes ont cherché des bateaux partout pour aller filmer dans les parcs. Ils n'en ont pas trouvé. Personne n'a voulu les emmener. Ils n'ont pas pu louer un seul bateau.

C'est nous en amont, avec les professionnels, qui les avons emmenés. Nous étions tous équipés de portables. J'ai fait surveiller la zone par une dizaine de bateaux, partout où j'emmenais les journalistes, pour voir en amont s'il y avait quelque chose. En cas de besoin, je pouvais être prévenu et nous allions de l'autre côté.

Nous avons travaillé de nuit avec la municipalité. Je me rappelle un jour où nous avons eu un gros filet qui protégeait les parcs. Au matin, les filets étaient chargés sur le bateau, le bateau nettoyé, la benne est partie et personne n'a rien vu. Parce que nous, nous disions toujours qu'il n'y avait rien sur les parcs. Mais ce n'était pas le cas. Les constats de gendarmerie ont été faits. Jamais nous n'avons voulu que les médias aillent faire les constats de gendarmerie.

Maintenant pour argumenter auprès du FIPOL, il faut que nous utilisions ces constats de gendarmerie, qui comprennent des photos.

Il est vrai que le produit n'a pas été affecté d'un point de vue sanitaire. Mais les gens n'auraient pas compris. Il est vrai que quand les parcs ont été fermés, la pression était mise depuis quelques jours par le préfet et par le directeur régional des Affaires maritimes. Mais il n'était pas question qu'on ferme tant que nous n'avions pas été touchés physiquement, tant qu'on ne voyait pas le pétrole, tant qu'on ne l'avait pas touché du doigt. Pendant trois ou quatre jours, ça a été difficile, et la pression est montée. Le 4, c'était devenu intenable. Il y avait de la pollution jusqu'au domaine de Serte. J'étais avec le président du conseil général, quand nous sommes arrivés à Serte : les cygnes étaient comme des dalmatiens. C'était quelque chose que je ne pouvais pas imaginer.

Là, nous avons semé les médias aussi. Nous sommes allés sur les domaines de Serte, ils n'ont rien filmé. Après, ils m'attendaient à Lanton.

M. le Président : Vous avez dit que vous aviez mis en place des systèmes de défense piégeants, je suppose avec des barrages. Avez-vous facilement pu disposer de barrages ?

M. Marc DRUART : Cela n'a pas été simple. Nous travaillions tous les matins et tous les soirs jusque tard dans la nuit. Nous avions tous les jours un PC de crise et, tous les jours, nous voyions ce qu'il fallait faire. Dans notre malheur, nous avons eu de la chance. Après beaucoup de difficultés, nous avons finalement pu accéder aux modélisations qui avaient été faites, pour établir les cartes marines. Ces modélisations avaient été financées par l'Etat, et appartenaient à la collectivité, mais il a été pendant un certain temps impossible d'y accéder. Je puis vous assurer qu'au service maritime, ça a été chaud -je ne parle pas des Affaires maritimes, mais du service maritime de la direction départemental de l'Equipement. La Commission doit tenir compte de cela, parce que, malheureusement, il y aura d'autres cas et, dans les plans de pollution, il est impératif de pouvoir utiliser tout de suite les cartes marines et les modélisations de courantologie de chaque secteur...

M. le Président : Elles étaient exactes ?

M. Marc DRUART : Elles l'étaient. Au début, nous avons été imprécis, mais, ensuite, quand nous avons su comment passent les courants, nous avons pu positionner correctement les filets de protection. Les épuisettes, nous les avons fait faire parce qu'il existait bien de petites épuisettes avec un manche d'un mètre... mais il fallait être couchés sur le pont des bateaux pour pouvoir ramasser. Deux jours après, nous avions fait fabriquer cinquante épuisettes avec des manches de trois mètres, en alu, avec des tamis. Là, ça fonctionnait.

M. le Rapporteur : L'utilisation des professionnels, en mer ou à terre, a constitué l'un des enseignements du Prestige, avec les pélagiques en mer, et vous sur le bassin d'Arcachon. Avez-vous, un peu comme l'avait fait M. Thomazeau de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, fabriqué des systèmes pour piéger le polluant ? Nous en serions preneurs, car cela peut être transposable pour la protection d'autres sites en France.

M. Marc DRUART : J'ai tout de suite mis une cellule de crise en place à la section, composée d'hommes capables de gérer des crises. Olivier Caban a été chef de flotte pour toutes les organisations, Joël Dupuch, qui est compétent dans le domaine juridique, s'est chargé des médias, Michel Dominguez, qui est restaurateur, avait table ouverte pour tous les journalistes,...

M. le Rapporteur : C'est un organisation remarquable!

M. Marc DRUART : Nous avions des professionnels à la section régionale qui « construisaient » les équipages tous les soirs, parce que nous ne savions pas où nous allions. Parfois, il fallait cent cinquante personnes, alors que nous sommes trois cent cinquante. Il fallait motiver les gens et anticiper systématiquement pour le lendemain, ne sachant pas ce qu'il en serait. En même temps, nous ne voulions pas qu'un jour où nous n'y serions pas, la pollution rentre.

Nous avons appris que c'était à partir de trois heures de flot que le fioul risquait de rentrer. Ce n'était donc pas la peine de rester vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur place. Tous les jours, nous en apprenions. Et nous avons appris vite ! Je peux vous assurer qu'en trois mois, j'en ai plus appris sur le bassin qu'en dix ans.

Nous avons mis en place une méthodologie de guerre, chacun avec ses compétences : les bateaux de la section régionale sont descendus avec des bulldozers sur le banc d'Argens, en bas de la dune du Pyla. Nous nous sommes très bien entendus avec les élus, qui nous ont laissés être maîtres d'œuvre. Il n'y a pas eu de couacs et la profession était très motivée parce que nous avions très peur de perdre cette bataille.

En tout cas, les gens qui ont travaillé sur cette opération seront à votre disposition si, malheureusement, un jour, une autre catastrophe du même type devait se produire. Je l'ai dit à mon président national aussi : si, dans un centre conchylicole, se posait un problème analogue, nous pourrions intervenir parce que nous avons maintenant l`expérience, et parce qu'il est toujours plus facile que des professionnels viennent expliquer à d'autres professionnels la façon dont il faut réagir.

M. le Président : C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons tenu à vous entendre. Cela nous paraissait fondamental, car c'est à la base que l'on trouve les idées et les réactions les plus favorables et les plus optimistes.

M. Marc DRUART : Nous sommes des gens civiques.

Audition de M. Christian FRÉMONT,
Préfet de la zone de défense Sud-Ouest


(Extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 -
Bordeaux)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M.  Frémont est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M.  Frémont prête serment.

M. le Président : M. le préfet, nous aurons des questions à vous poser, des questions sur des préoccupations immédiates, mais aussi des questions plus générales sur des problèmes d'organisation.

Tout d'abord, je voudrais vous dire combien j'ai été frappé par l'entretien que nous avons eu tout à l'heure avec les maires du littoral qui nous ont fait part de leur très grande satisfaction concernant la première partie POLMAR. Toutes les louanges vous ont été tressées.

En revanche, depuis que POLMAR s'est apaisé, ou terminé, il y a de fortes inquiétudes sur trois domaines.

Premièrement, se pose le problème de la réactivité de l'entreprise qui a obtenu le marché.

M. Christian FRÉMONT : Vous ont-il cité un nom, parce qu'elles sont plusieurs ?

M. le Président : Il y avait les maires de Lège, de la Teste...

M. Christian FRÉMONT : Il s'agit donc de l'entreprise Le Floch.

M. le Président : Ils nous ont tous dit qu'ils attendaient qu'on leur laisse un certain nombre de responsabilités à eux, élus locaux, qui ont des temps de réaction plus rapides et qui ne demandent qu'à travailler, pour peu qu'on leur en donne la possibilité.

Deuxièmement, ils sont inquiets sur les crédits. Ils nous disent que le SGAR n'aurait pas, dans certains cas, les moyens d'honorer sa signature et le maire de la Teste-de-Buch nous a laissé entendre qu'il était inquiet sur le nettoyage d'une zone militaire de plusieurs kilomètres. Nettoyée dans un premier temps, elle est depuis laissée à l'abandon. Or, par un système physique normal, c'est une source de renouvellement de la pollution. Cela paraît assez étonnant.

Ils nous ont dit également qu'ils avaient jugé l'action de la DDE insuffisante, et en tout cas qu'elle n'avait pas été à la hauteur de ce qu'elle aurait dû accomplir.

Ils ont également mentionné la DDASS qui aurait exagéré les obligations qu'elle leur impose. Ils parlaient d'une circulaire récente, qui exige qu'ils portent des chaussons clairs pour aller sur la plage et qui prévoit que, si ces chaussons étaient souillés, la fermeture devait être décidée quasi immédiatement.

La saison arrive. Les maires ont besoin d'aide financière, en particulier en matériel, pour pouvoir faire face au démarrage de la saison touristique, dont dépend la santé économique de leurs communes.

Vous connaissiez déjà ces questions, mais je leur ai promis de vous les rappeler, car nous pensons qu'effectivement, il y a peut-être à « huiler » -c'est un terme qui a été employé- un certain nombre de rouages.

M. Christian FRÉMONT : Aucune de ces questions ne me surprend vraiment. J'aborderai tout d'abord le problème de fond, qui est celui du traitement de la pollution aujourd'hui. Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, avait décidé au tout début du mois de janvier que l'Etat ferait son possible pour que cette crise soit réglée le plus vite et le mieux possible. Les actions avaient suivi ces paroles puisqu'une enveloppe de 50 millions d'euros avait été dotée immédiatement et qu'au bout de quelques semaines, vers la mi-février, les crédits dans leur ensemble avaient été délégués au préfet de zone, parallèlement à sa mission opérationnelle, ce qui a permis sans doute de nettoyer les plages de manière systématique et rapide, d'une part, et, d'autre part, de financer les travaux de dépollution.

J'ai ainsi eu la possibilité de rembourser les communes dans un délai rapide, de quarante-huit heures au maximum, des dépenses qu'elles avaient pu engager pour le nettoyage des plages et l'entretien des personnes qui y travaillaient. C'est la raison pour laquelle les maires sont satisfaits de cette première période. A cet égard, tout s'est très bien passé. Pour le nettoyage, nous avons réussi à mettre au point un système technique, que je vous ai expliqué lors de mon audition à l'Assemblée nationale, et nous avons payé les factures.

Ce système présentait de nombreux avantages et un inconvénient : il coûtait cher. Le ministère des finances m'a demandé, à la fin du mois de mars, de trouver un système qui soit plus facile à contrôler sur le plan financier car celui que nous avons utilisé, très rapide, ne l'était pas suffisamment. Jusqu'au 16 février, certaines dépenses n'avaient pas fait l'objet d'un engagement juridiquement formalisé. J'ai eu l'autorisation de payer et reçu l'argent à partir du 16 février, mais certaines dépenses avaient été engagées bien avant, dans les différents départements et les factures ne sont parfois arrivées qu'au mois de mai.

Cela a un peu choqué le ministère des Finances qui m'a demandé de mieux « verrouiller » le système et d'éviter ce genre de mésaventures. Il m'a, en particulier, été demandé de ne plus procéder par réquisition mais par marché. Cela était évidemment une décision ancienne ; dès le début M. Sarkozy m'avait demandé de passer des marchés avec des entreprises -les entreprises étant préférées au recours aux bénévoles et aux bonnes volontés locales. Ces marchés ont été prêts le 1er avril et c'est alors qu'il a été décidé de ne plus procéder à des réquisitions, et de travailler avec des marchés publics en bonne et due forme.

Avec les marchés, les entreprises reçoivent des commandes. Les entreprises n'ont pas apprécié le changement de régime, le précédent leur étant plus favorable. L'entreprise Le Floch, qui est concernée par les plages du bassin d'Arcachon et du Médoc, a plutôt mieux joué le jeu que certaines autres ; en particulier celle qui avait réussi à obtenir le marché dans les Landes s'est montrée déficiente dès le premier jour. Elle a refusé d'appliquer le marché parce qu'elle considérait qu'elle était mieux payée auparavant. S'est donc posé le problème des entreprises qui, ayant été habituées à l' « aisance », sont aujourd'hui soumises à des règles plus strictes.

La deuxième contrainte nouvelle, c'est que jusqu'au mois dernier, sur simple appel, les maires pouvaient demander à ces entreprises d'intervenir. De plus, étant sur le terrain, les entreprises intervenaient immédiatement : il y avait donc une réactivité parfaite.

Aujourd'hui, c'est évidemment plus compliqué. La procédure peut être sûrement simplifiée en accélérant les interventions de la DDE, et je reviendrai sur votre question la concernant. Mais le problème de fond demeure : si je donnais aux maires l'autorisation de s'adresser directement aux entreprises, nous retomberions dans le système précédent, c'est-à-dire qu'il n'y aurait plus de réel contrôle de l'activité des entreprises.

Fondamentalement, que reste-t-il à faire ? Je pense que vous vous êtes fait une idée sur le sujet. C'est la question qui m'était posée lors des réunions interministérielles qui se sont tenues à l'hôtel Matignon chaque semaine, depuis le mois de janvier jusqu'à la semaine dernière, puisque tous les vendredi j'étais convoqué à Paris avec les représentants de chaque ministère, ce qui m'a permis de gérer la crise de manière bien plus confortable que si ce n'était pas le cabinet du Premier ministre qui avait donné des instructions aux différents ministères.

On a considéré, depuis quelques semaines, à tort ou à raison, que la pollution était terminée. Les experts du CEDRE disent volontiers qu'il reste dans le Golfe de Gascogne presque 4 000 tonnes de pétrole que nous verrons bien arriver un jour ici, en Vendée ou en Bretagne, nul ne le sait Ce volume est peut-être une appréciation un peu haute.

Nous étions donc installés début avril dans une situation confortable, c'est-à-dire que nous n'avions plus d'arrivées de pétrole. Puis, la semaine dernière, les changements de vent et de courants ont fait que de nouvelles « boulettes » sont arrivées.. Et les maires, légèrement paniqués, ont regretté, alors que la saison commençait, que les nettoyages paraissent moins bien faits qu'avant. Il y a deux situations très différentes à considérer.

S'agissant de la pollution du passé, il reste encore à nettoyer des produits arrivés au début de l'année. J'ai fait, au premier trimestre, nettoyer tous les jours toutes les plages pour éviter la formation de « mille-feuilles », avec des couches superposées de pétrole et de sable. Nous le constatons aujourd'hui sur les plages des Landes, ce type de pollution est difficile à faire disparaître. Nous nettoyions donc en flux tendu, si je puis dire, les plages de sable. En revanche, je ne faisais pas nettoyer les rochers parce que ce nettoyage coûte très cher, est dangereux et que même si le pétrole s'accumulait, il serait toujours temps de le faire disparaître en bloc.

Donc, pour apurer cette situation, quatre marchés ont été passés: pour ce qui reste de pollution sur le sable mouillé, pour ce qui reste sur sable sec, pour nettoyer les rochers, et pour évacuer et faire brûler le pétrole récupéré. Je suis convaincu que le système des marchés est tout à fait adapté à ce genre de situation : en les utilisant bien, le nettoyage qui reste à faire peut être réalisé sans trop de problèmes et dans des délais que l'on avait initialement fixés comme s'achevant au mois de mai. Nous pensions qu'à ce moment-là, les plages du littoral seraient devenues propres.

Reste le problème du pétrole qui recommence à arriver. Tout d'abord, je ne sais pas s'il y a lieu d'être sérieusement inquiet. Nous avons eu une conjonction défavorable depuis une semaine, avec des vents défavorables et une forte houle. Le phénomène va-t-il durer ? Je ne le sais pas. Si l'on fait le pari qu'il ne durera pas et que l'on se retrouvera vite dans la situation antérieure au 1er avril, les maires des communes littorales auront la responsabilité de nettoyer avec leurs propres moyens comme ils le font les autres années, car des pollutions ont existé avant l'année 2003, même si elles n'avaient pas le même ampleur. Les maires savent nettoyer avec leurs matériels et leurs personnels une pollution « ordinaire ».

On peut s'en tenir à cette analyse de la situation, sauf s'il se produisait une arrivée sérieuse de pétrole au cours des prochaines semaines ou pendant la saison touristique. Dans ce cas, il est évident que le dispositif devrait être revu. Nous devrions certainement revenir au système des réquisitions, plus réactif. J'ai toujours dit aux maires que personne ne pouvait jurer qu'il n'y aurait pas de retour de la pollution sur les côtes, mais que nous avions les moyens techniques et opérationnels de les nettoyer très vite.

La question des moyens financiers constitue aussi un sujet de préoccupation. L'enveloppe de 50 millions d'euros annoncée par M. Raffarin a été dépensée. Cela signifie que les crédits nécessaires pour la suite, que j'ai estimés, sans arrivée de pollution nouvelle, à 17 millions d'euros, n'existent pas dans le budget du ministère de l'Ecologie. Ces crédits doivent faire l'objet d'un décret d'avance, procédure très longue, soumise au Conseil d'Etat, qui a été engagée il y a une dizaine de jours et qui demande un mois à un mois et demi pour aboutir.

Ces crédits, il faut le savoir, sont prélevés sur les dotations de trois ministères : Défense, Intérieur et Equipement, l'Environnement étant exempté de l'effort. Il s'agit d'un prélèvement sur les crédits hors gels car, vous le savez, tous les crédits de fonctionnement ont été frappés de gel - 20 à 30 % selon les ministères- et le ministère des Finances a précisé, avec la plus grande netteté, qu'il ne s'agissait pas de prendre les crédits du décret d'avance sur les volumes de crédits gelés.

Dire que la réaction des ministères est enthousiaste serait excessif. D'où un certain retard, puisque j'ai sollicité ce décret d'avance il y a déjà un mois et demi. La procédure est maintenant lancée, il n'y a pas de souci majeur si la situation n'empire pas. L'estimation, sans être excessive, me paraît assez confortable pour accomplir le travail que nous avons pris l'engagement de faire.

Nous avons jusqu'ici honoré les factures. Nous allons, par la force des choses, prendre trois ou quatre semaines pour traiter celles à venir. Tout devrait rentrer dans l'ordre dans les premiers jours de juin, voire à la fin du mois de mai.

Je vous précise, parce que je l'ai dit au ministère des Finances, que j'ai la ferme intention de demander aux entreprises qui ont obtenu les marchés de revoir certaines factures antérieures qu'elles nous ont adressées, qui sont fondées sur des tarifs fort différents de ceux auxquels elles ont souscrit les marchés. C'est-à-dire que, pour obtenir les marchés, elles ont proposé des prix nettement inférieurs à ceux qu'elles avaient imposés lors du système des réquisitions. Très franchement, dans les premiers jours de janvier, face à l'urgence, quand il fallait nettoyer sans arrêt, nous n'avons pas eu les moyens d'analyser à fond les prix. Nous nous sommes référés à ceux qui avaient été retenus lors de la catastrophe de l'Erika.

Actuellement, le service financier, qui est sous la responsabilité du SGAR (secrétariat général aux affaires régionales), est en train de reprendre ces factures une à une pour vérifier que le prix du kilomètre de nettoyage dans le système de marché n'a pas été excessivement augmenté lors des réquisitions.

Concernant la zone militaire, je reconnais que les militaires n'ont pas été dans cette affaire d'une discipline parfaite. C'est au moins la troisième ou quatrième fois que je suis obligé de demander aux armées de faire nettoyer cette zone, sur laquelle nous n'avons pas le droit d'aller : il s'agit d'une zone d'essais de tir et, sur la plage, il y a des restes de ces tirs -obus et armes diverses-, non explosés. Les militaires préfèrent que nous n'y allions pas, et j'avoue partager ce point de vue. Mais ils ne nettoient pas ! La description qu'a faite le maire de la Teste de Buch est tout à fait exact : le pétrole est déposé là et la mer le prend et le ramène à côté, après le nettoyage.

Vous avez également abordé un sujet délicat. C'est la question de la participation des services de l'Etat aux opérations de nettoyage. Vous parlez de la Gironde, je pourrais parler tout aussi bien des autres départements de la zone. Le ministère de l'équipement -je le dis d'autant mieux que je l'ai répété quasiment tous les vendredis à l'hôtel Matignon- n'a pas entièrement joué le jeu. La DDE de la Gironde a été sans doute, parmi les trois concernées, celle qui a le mieux travaillé, ou le moins mal. Mais il y a eu à l'évidence, parmi les fonctionnaires de l'Equipement -et quand je dis fonctionnaires, il ne s'agit pas du cantonnier de base- l'idée que cette affaire ne les concernait pas vraiment et que, si le service devait être mobilisé, cette mobilisation devait s'accompagner d'heures supplémentaires payées selon des règles qui m'ont paru d'une très grande obscurité, et nécessitant, de surcroît, une modification du statut... Bref, cela a été d'une grande complexité et le ministère de l'Equipement, tant au niveau central que local, a fait preuve d'une certaine mauvaise volonté.

Le résultat n'a pas été trop grave en Gironde. Les maires sont aujourd'hui sensibles au manque de réactivité de la DDE, parce que c'est elle qui maintenant signe les bons de commande. C'est pour cela qu'ils se plaignent d'elle. Mais, dans les Landes, la DDE pendant la période la plus difficile a été pratiquement absente des opérations de nettoyage, ce qui explique pour partie les difficultés rencontrées dans ce département, très supérieure à celles rencontrées dans les deux autres départements de la zone touchés par la pollution.

Vous n'avez pas abordé le problème de l'administration des Affaires maritimes, qui relèvent aussi en partie de l'Equipement. J'avais l'habitude de m'appuyer, en Bretagne, sur les directions régionales et départementales des Affaires maritimes. J'ai constaté ici, et ce n'est pas du tout une attaque contre les hommes, l'insuffisante capacité de cette administration, probablement adaptée à la gestion du quotidien, mais totalement inadaptée à la gestion de crise. Elle aurait dû jouer un très grand rôle. Mais, dès la première heure, j'ai compris que ce ne serait pas le cas et qu'il fallait utiliser un autre dispositif.

M. le Rapporteur : C'est un constat que nous avions fait lors de l'Erika. Déjà, pour le quotidien, les effectifs diminuent notamment pour les actions de contrôle de pêche et vivent de plus en plus mal le mariage de deux cultures, avec un statut militaire pour les uns et un statut de droit public « terrestre » pour les autres.

M. Christian FRÉMONT : La crise n'est pas quotidienne fort heureusement ! S'agissant des DDASS, je vois très bien ce que veulent dire les maires sur cette affaire de « chaussons blancs ». Ce n'est pas du tout une injonction de la DDASS, mais de l'AFSSA, relayée par le ministère de la Santé, qui a publié une circulaire qui reprenant largement celle qui avait été prise au moment de la catastrophe de l'Erika. Je me suis d'ailleurs demandé pourquoi cette circulaire n'avait été prise qu'au début 6 avril, alors qu'elle semble être une copie de la précédente. Nous sommes donc restés pendant quatre mois dans une totale absence d'instruction sanitaire. Ce n'était pas gênant au plan pratique. Mais s'agissant des responsabilités engagées par la suite, il aurait sans doute été préférable que nous ayons cette circulaire plus tôt.

Cette circulaire prévoit, d'une part, un suivi de la qualité de l'eau, d'autre part, un contrôle visuel de l'état des plages. Je ne sais qui a eu l'idée d'indiquer dans cette circulaire que l'on constate l'état du sable en mettant des « chaussons blancs » -en satin, avait ajouté un bon esprit- et en regardant si, au bout d'un quart d'heure, le satin blanc est devenu noir.

En fait, personne n'a les moyens ni physiques ni financiers d'aller contrôler les plages tous les jours, compte tenu de leur étendue. L'Etat n'a pas pu se lancer dans ce travail et il a demandé aux maires de le faire eux-mêmes.

Il a été prévu que cette circulaire serait affichée sur les plages, dans les mairies, dans les offices du tourisme, notamment pour informer les touristes qu'une pollution a eu lieu. Cette circulaire prévoit aussi que, si les maires constatent visuellement une pollution de la plage, ils doivent fermer celle-ci. Leur responsabilité est engagée...

Mme  Marie-Hélène des ESGAULX : Ils nous ont dit qu'ils ne signeraient pas.

M. Christian FRÉMONT : Oui, je comprends qu'ils ne renverront pas le questionnaire. L'Etat a clairement renvoyé la responsabilité aux maires. En revanche, c'est l'Etat qui conserve la responsabilité du contrôle de la qualité de l'eau qui, jusqu'ici, n'a posé aucun problème, pas plus que la qualité des coquillages.

Une autre circulaire, qui n'est pas encore sortie, va concerner le suivi des personnes ayant participé au nettoyage. Cette circulaire comporte, semble-t-il, des mots qui font peur, comme «cancérigène de catégorie 2 » et prévoit un certain nombre de précautions préalables au nettoyage. Ces précautions, nous les avons prises. Nous sommes même sans doute allés au-delà pour les personnels des communes et de l'Etat qui ont travaillé sur les plages. La circulaire prévoit également un suivi médical de ces personnes par la suite.

Là encore, il aurait été préférable d'avoir connaissance de cette circulaire plus tôt. Pour l'instant, elle n'est pas officielle, mais elle devrait bientôt sortir et je m'interroge sur les raisons de ce délai : cinq mois alors que c'est, dit-on, la même circulaire que celle de l'Erika ! Les maires ont l'impression qu'on leur sort ces textes « après la bataille » et qu'il leur est demandé d'assumer dorénavant aussi toutes les responsabilités sanitaires.

Cela dit, il n'y a jamais eu de plages totalement propres et, cette année, elles sont plutôt plus propres que d'habitude.

M. le Président : M. le préfet, ce matin, en parlant avec vos collaborateurs, nous nous sommes rendu compte qu'il y a eu une zone d'incertitude entre la partie mer et la partie terre. J'ai cru comprendre que, par la qualité des hommes, on avait pu améliorer les choses mais qu'il restait quelques rancœurs, -mais le mot est peut-être trop fort- chez certains. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point.

M. Christian FRÉMONT : Là encore, l'ancien préfet du Finistère a des souvenirs très précis sur cette zone d'incertitude qui ne concernait pas la pollution à l'époque, mais plutôt les pêcheurs et certaines questions de sécurité entre le préfet maritime et le préfet du département. Il y avait une discussion permanente pour savoir où s'arrêtaient les compétences de l'un et celles de l'autre. En l'espèce, aucun ne voulait assumer la compétence sur le territoire de l'autre.

J'ai trouvé que les choses se passaient plutôt mieux ici, s'agissant de la pollution. Les relations avec le préfet maritime ont été, de mon point de vue, faciles. J'avais tout de suite mis en place une cellule de crise au centre opérationnel de la préfecture. Le préfet maritime y a envoyé deux agents en permanence. Ils étaient dans cette salle, jour et nuit, si nécessaire. Nous nous sommes mis très vite d'accord sur la communication.

Les seules difficultés qui ont pu survenir concernaient Arcachon. Il s'agissait de savoir qui protégerait l'entrée du bassin, à supposer que ce soit facile. Le problème qui s'est posé était un problème financier. Mes collaborateurs, -mais je ne veux pas me désolidariser d'eux-, estimaient que les tarifs qui avaient été pratiqués bien avant l'arrivée de la pollution par le préfet maritime pour rémunérer les pêcheurs qui aidaient à la lutte en mer contre la pollution étaient excessifs. Mais nous avons été obligés de nous aligner, parce que les pêcheurs disaient qu'il n'y avait pas de raison que nous payions 30% de moins que le préfet maritime. Il me semble que le principal différend s'est manifesté sur ce sujet.

Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de véritable conflit sur les compétences des uns et des autres. La question que nous nous sommes posée à terre -mais c'est une question de terrien !- concernait le peu de précisions que nous obtenions, avec les moyens aériens de la préfecture maritime, sur l'emplacement des nappes, leur proximité du rivage et leurs dates d'arrivée.

A cet égard, j'avoue que l'une des principales conclusions que je tirerai de cette lutte contre la pollution est l'absence totale de connaissance de la courantologie du Golfe de Gascogne. Il ne m'a jamais été donné une information précise sur le sujet.

M. Jean-Pierre DUFAU : Je ne remets pas en cause la procédure des marchés mais, vous avez souligné la réactivité plus ou moins affirmée des entreprises. Le temps de latence fait que, depuis plusieurs semaines, il ne se passe pas grand-chose, alors que des « boulettes » continuent d'arriver. Nous sommes dans une situation qui, sans avoir l'ampleur d'une pollution massive, pose quand même des problèmes réels car la saison est imminente.

De même, en ce qui concerne le nettoyage des « surfaces dures » dont vous avez dit, à juste titre, que l'on ne s'en est pas occupé immédiatement puisque l'on savait qu'il fallait les traiter ultérieurement de manière spécifique, pourquoi ne pas avoir anticipé le marché les concernant?

Aujourd'hui, on se trouve en retard et, sauf erreur de ma part, je ne pense pas que l'on soit tout à fait opérationnels, ni même que les crédits soient délégués.

Enfin, vous avez parlé des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer, ainsi que des difficultés d'appréhension des dépenses des uns et des autres. Peut-on connaître le montant des crédits qui ont été dépensés globalement pour l'un et pour l'autre ? Et rappeler aussi, car la situation était diverse, les tonnages qui ont été ramassés dans les Landes, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques ?

M. Christian FRÉMONT : En ce qui concerne votre dernière question, je ne pourrais pas répondre de mémoire, je préfère vous le dire par la suite de manière très précise. Mais le tonnage ne veut pas dire grand-chose parce que nous avons réellement récupéré du pétrole mêlé de sable. Tout d'abord, le pétrole récupéré en mer par les marins n'est déjà constitué de pétrole qu'à 80%. Celui récupéré à terre contient beaucoup d'autres choses que du pétrole...

M. Jean-Pierre DUFAU : Je parle du pétrole récupéré à terre.

M. Christian FRÉMONT : Pour ce qui est du pétrole récupéré à terre, dans les Landes en particulier, le choix été fait de ramasser tous les corps morts, les arbres notamment, qui étaient plus ou moins souillés, et de peser l'ensemble. Le poids des bennes des Landes qui ont été traitées doit être considéré avec prudence parce que la quantité de pétrole devait y être limitée. C'est différent en Gironde et dans les Pyrénées-Atlantiques. Mais je vous donnerai un état précis des quantités.

En ce qui concerne le nettoyage des surfaces dures, se posent deux problèmes. Premièrement, je vous rassure, en ce qui concerne le lancement des marchés, j'avais fait une provision de crédits pour pouvoir passer des marchés. Deux millions et demi d'euros sont disponibles sur l'enveloppe initiale.

Mais il s'est posé un problème nouveau. Le trésorier-payeur général de la zone, en Gironde, qui a changé pendant la crise a décidé qu'il ne viserait pas les marchés tant que la totalité des crédits demandés n'aurait pas été versée. Sa décision a retardé les paiements mais le ministre des Finances lui a donné la semaine dernière l'instruction de viser les marchés.

Aujourd'hui, il n'y a plus de problème, la procédure est relancée.

En ce qui concerne la totalité des crédits dépensés, j'ai demandé trente-cinq millions d'euros, le préfet maritime environ vingt-cinq millions d'euros. La somme des deux dépasse les 50 millions d'euros de la première enveloppe, d'où les difficultés actuelles.

Je reviens sur votre première question, qui concernait le temps de latence des marchés, pour vous dire que je vais faire tout mon possible pour réduire ce temps. La DDE avait mis au point un système très lourd de navette, qui me paraît peu justifié. Nous allons essayer de l'assouplir Même si je ne peux pas autoriser les maires à passer les commandes eux-mêmes pour des raisons évidentes, il faut essayer de réagir aussi vite qu'au mois de février. A mon avis, les choses devraient s'arranger rapidement pour le nettoyage qui reste à faire.

Si les arrivées de pétrole devaient continuer, il faudrait, en revanche, demander au gouvernement de revenir au système des réquisitions. Mais nous n'en sommes pas là.

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1 Ces témoins n'ont pas retourné le compte-rendu de leur audition pour observations.

2 Ces témoins n'ont pas retourné le compte-rendu de leur audition pour observations.


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