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N° 985

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN, préalable au débat d'orientation budgétaire pour 2004

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ

Rapporteur général,

Député.

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Finances publiques.

SOMMAIRE

___

Pages

I.- ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2004 : LES LIEUX DU DÉBAT 5

A.- L'HORIZON DU DÉBAT : 2004 ET AU-DELÀ 5

B.- DES CHOIX TRÈS CONTRAINTS POUR LES FINANCES PUBLIQUES 9

II.- DES RÈGLES STRICTES À RESPECTER DANS LA DURÉE POUR REDONNER DES MARGES DE MANœUVRE À LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE 14

A.- LES RÈGLES « MACRO-BUDGÉTAIRES » POUR L'ÉTAT 15

B.- LES RÈGLES « MICRO-BUDGÉTAIRES » 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

I.- ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2004 : LES LIEUX DU DÉBAT

1) n'est pas le meilleur moyen d'éclairer les choix auxquels, le moment venu, seront confrontés le Gouvernement et le Parlement.

A.- L'HORIZON DU DÉBAT : 2004 ET AU-DELÀ

En effet, c'est à une projection dans l'avenir qu'invite le débat d'orientation budgétaire, avec toutes les incertitudes qui s'attachent inévitablement à cette démarche. Revenir sur les années 2002 et 2003 ne peut avoir de sens que si l'on y cherche des exemples - ou des contre-exemples... et des pistes d'action pour 2004 et les années ultérieures.

· Pour votre Rapporteur général, en effet, l'année 2002 est pratiquement close, en termes de finances publiques.

En ce qui concerne le budget de l'État, la voie ouverte par M. Didier Migaud, Rapporteur général pendant la précédente législature, a été poursuivie avec le dépôt, le 25 mars dernier, d'un rapport d'information sur « les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget en 2002 ». Sous réserve des ajustements numériques modestes (régularisations, corrections diverses) qui pourraient être intervenus après sa publication et qui seront intégrés dans le prochain projet de loi de règlement, les informations présentées dans ce rapport dressent un panorama complet de l'exécution du budget de l'État. Le projet de loi de règlement pourra, éventuellement, donner lieu à débat sur la part de responsabilité qui revient aux deux majorités respectives qui ont assumé la charge des affaires publiques pendant cet exercice. Ce projet pourra également être l'occasion d'analyser les progrès des administrations en matière de gestion publique, à travers l'étude des comptes-rendus de gestion budgétaire. Il n'en reste pas moins que 2002 est déjà du domaine du bilan plus que des choix.

En matière d'économie nationale et de finances publiques, l'INSEE a publié :

- le 11 mars, les « premiers résultats » relatifs aux comptes des administrations publiques pour l'année 2002 (Informations rapides, n° 80) ;

- le 24 avril, une version plus détaillée des comptes des administrations publiques pour l'année 2002 (INSEE Première, n° 895) ;

- le 24 avril, une version abrégée et préliminaire des comptes nationaux de l'année 2002 (INSEE Première, n° 894) ;

- le 29 avril, une version plus développ&ea  août 2001 relative aux lois de finances, qui définit le contenu du rapport que doit déposer le Gouvernement à cette occasion, précise bien que celui-ci doit comporter « une analyse des évolutions économiques constatées depuis l'établissement du rapport [économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l'année] ».

Le cadrage macroéconomique 2003 a été révisé à deux reprises depuis le début de l'année. Au mois de mars dernier, à l'occasion de la réunion de la Commission économique de la Nation, le scénario économique a mis en évidence une diminution de la prévision de croissance du PIB à 1,3% en moyenne. Cependant, le Gouvernement soulignait que l'activité devait s'améliorer sensiblement au second semestre pour se placer sur un rythme annualisé de 2,5%, ouvrant la voie à une prévision identique de 2,5% pour l'année 2004.

Dans son rapport déposé en vue du débat d'orientation budgétaire, le Gouvernement a réaffirmé cette analyse, tablant à nouveau sur un taux de croissance de 1,3% en 2003. Cependant, la publication par l'INSEE de sa note de conjoncture du mois de juin a conduit le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à infléchir légèrement son discours : une estimation de « 1% environ » est désormais mise en avant, sans que l'on puisse dire qu'il s'agit là d'un bouleversement du scénario fondamental.

La question qui se pose ainsi, au moment du présent débat d'orientation budgétaire, est moins de savoir si la prévision officielle du Gouvernement (même entachée d'une marge d'incertitude importante) est correcte ou pas. Elle est bien plutôt de savoir si le décalage entre la prévision associée à la loi de finances initiale et celle qui prévaut actuellement est de nature à justifier le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative. Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas besoin de rectifier la loi de finances initiale ; votre Rapporteur général approuve sans réserve ce choix de politique budgétaire.

A quoi servirait donc un collectif, en l'état actuel de l'exécution 2003 et des perspectives révisées ? Un collectif budgétaire est un acte politique, qui ne se justifie que s'il traduit un changement de cap ou s'il s'avère nécessaire de remodeler en profondeur les autorisations de dépenses accordées par le Parlement dans la loi de finances initiale. Aux yeux de votre Rapporteur général, il est inutile d'adopter une loi de finances si le but est simplement d'avaliser une perte de recettes dans le tableau d'équilibre.

A cet égard, les années 2002 et 2003 sont très différentes. En 2002, lorsque le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin est entré en fonction, le dérapage du budget de l'État était dû à la fois à une augmentation non maîtrisée des dépenses et à une perte de recettes mal évaluée par la loi de finances initiale. En 2003, l'aggravation imprévue du déficit provient uniquement de la d&e size: 10pt">- d'une annulation partielle des crédits gelés, portant sur 1,4 milliard d'euros, décidée le 14 mars ; le solde des crédits non annulés reste gelé ;

- d'une mise en réserve de crédits reportés de 2002 vers 2003, dont le détail est présenté à la page 30 du rapport du Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, à hauteur de 6,6 milliards d'euros sur 11,6 milliards d'euros de crédits susceptibles d'être reportés à la fin de 2002.

Les résultats de ce dispositif sont incontestables et aucun élément ne permet d'affirmer aujourd'hui que l'objectif de dépense que s'est fixé le Gouvernement ne sera pas tenu : le respect intégral du niveau de dépenses autorisé par le Parlement dans la loi de finances initiale, soit 273,8 milliards d'euros. La dernière situation budgétaire, arrêtée au 30 avril, fait apparaître que les dépenses ordinaires civiles (nettes des remboursements et dégrèvements et nettes des recettes en atténuation des charges de la dette) reculent de 0,2% par rapport au niveau atteint à la fin du mois d'avril 2002, les dépenses civiles en capital reculent de 4,5%, les dépenses ordinaires militaires reculent de 0,6% et les dépenses militaires en capital progressent de 34,4%. Au total, les dépenses nettes du budget général progressent de 1% seulement.

S'agissant des dépenses en capital, votre Rapporteur général rappelle qu'elles sont sujettes à des effets calendaires importants. Au cours de l'année 2002, les investissements militaires avaient démarré très progressivement, ce qui biaise quelque peu les comparaisons avec l'exercice 2003, pour lequel la dépense mensuelle apparaît plus « lissée ».

La dernière situation mensuelle des dépenses a été arrêtée au 31 mai. En l'absence d'information sur les recettes, notamment les recettes en atténuation des charges de la dette - car la situation mensuelle des recettes est toujours publiée après celle des dépenses - sa synthèse ne peut porter que sur les dépenses intégrant la charge brute de la dette et non sa charge nette. Les dépenses ordinaires civiles nettes (sans défalquer les recettes en atténuation des charges de la dette) progressent de 0,3%, les dépenses civiles en capital progressent de 2,9%, les dépenses militaires ordinaires progressent de 5% et les dépenses militaires en capital progressent de 20,5%. Au total, les dépenses nettes (sans défalquer les recettes en atténuation des charges de la dette) progressent de 1,5%.

Il apparaît clairement que l'exécution des dépenses ne montre, pour l'heure, aucune nécessité de revenir devant le Parlement pour définir un nouvel équilibre budgétaire et procéder à des réorientations. Le rendez-vous budgétaire de 2003 sera donc, très classiquement, celui du collectif de fin d'année, à l'occasion duquel il pourra être procédé à un examen en profondeur de la régulation et des autres facteurs ayant affecté la dynamiq que l'Assemblée nationale ait la capacité de l'analyser en profondeur. Par ailleurs, l'objet essentiel du débat étant alors la définition de l'équilibre budgétaire pour l'année n + 1, l'« exercice de programmation pluriannuelle », qui porte sur les années n + 2 à n + 4, risque de ne pas recueillir spontanément tout l'attention qui serait souhaitable.

En ce sens, il peut apparaître regrettable que le premier acte du pilotage des finances publiques pour l'année n + 2, en l'espèce 2004, soit presque entièrement entre les mains du pouvoir exécutif, qui, d'une part, n'a pas l'obligation de déposer auprès des autorités européennes un programme de stabilité strictement conforme à l'« exercice de programmation pluriannuelle » présenté au Parlement (2) et, d'autre part, obtient dans le courant du printemps l'avis du Conseil des ministres de l'Union européenne sur ce programme de stabilité.

Est-ce à dire que, « coincé » entre un programme de stabilité avalisé plusieurs semaines auparavant par les gouvernements européens et un projet de loi de finances, traditionnellement présenté vers la mi-septembre, dans lequel sont inscrits les choix précis retenus par le Gouvernement, un débat d'orientation budgétaire n'a qu'une utilité modeste ? Votre Rapporteur général ne le croit pas : au tournant de l'été, date désormais rituelle du DOB, l'espace des choix est plus ouvert qu'on ne le pense généralement, même s'il est difficile à ce stade de s'avancer en pleine lumière.

En témoigne, par exemple, l'inflexion proposée par le Gouvernement à la stratégie relative aux dépenses de l'État : dans l'« exercice de programmation pluriannuelle » joint au projet de loi de finances pour 2004 comme dans le programme de stabilité examiné par le Conseil des ministres de l'Union européenne, les dépenses de l'État devaient progresser à moyen terme - c'est-à-dire à sur l'horizon de la programmation - de 0,3% en volume chaque année. Dans le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, le scénario privilégié est une progression de 0% en volume sur la période 2004-2006. Le scénario à 0,3% de croissance en volume n'est plus qualifié que d'« alternatif ».

Entre les arbitrages déjà rendus et les arbitrages à venir, l'affirmation des vues du Parlement à l'occasion du débat d'orientation budgétaire n'est donc pas un exercice inutile. Reste que, sur le fond, l'état des finances publiques restreint sensiblement les options raisonnablement applicables.

B.- DES CHOIX TRÈS CONTRAINTS POUR LES FINANCES PUBLIQUES

· Si l'on devait se contenter d'un seul indicateur pour apprécier la situation des finances publiques, l'analyse du solde stabili abattue sur l'économie française et qui a causé tant de mal aux structures productives. En supprimant une « corde de rappel » monétaire, la création de l'euro a ouvert des espaces de liberté supplémentaires à la politique économique - ce qui est appréciable - mais a peut-être permis de maintenir trop longtemps des politiques qui, auparavant, auraient été sanctionnées, donc rectifiées, plus tôt. Il revient donc aujourd'hui au Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin de faire la partie du chemin qui n'a pas été accomplie sous la précédente législature, dans un contexte économique bien plus difficile.

Le graphique ci-après montre que la diminution de la dette publique intervenue en 1999, 2000 et 2001 (en pourcentage du PIB) n'a été qu'un phénomène provisoire : le solde stabilisant est redevenu supérieur au solde effectif dès 2002. Selon le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, ce devrait encore être le cas en 2003 : le solde stabilisant est évalué à
- 1,9% du PIB (4) alors que le solde effectif devrait s'établir, en l'état actuel des prévisions officielles, à - 3,4% du PIB.

ÉVOLUTION COMPARÉE DU SOLDE EFFECTIF ET DU SOLDE STABILISANT
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

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Source des données : INSEE, Comptes nationaux

Pour l'État, on doit même constater que jamais depuis 1980 les conditions d'exécution des lois de finances n'ont permis de placer ses finances sur une trajectoire soutenable.

Les exigences posées par le solde stabilisant étaient, certes, plus importantes que pour l'ensemble des administrations publiques (APU) : à son point bas, en 2000, il était égal à - 2,2% du PIB pour l'État mais seulement - 2,8% du PIB pour l'ensemble des APU. Force est de constater, cependant, que le redressement du déficit a été moins important pour l'État que pour l'ensemble des APU : il n'est revenu qu'à 2,3% du PIB en 2001 pour le premier alors que, mesuré pour les secondes, il s'est réduit jusqu'à 1,3% du PIB en 2000.

La conclusion est donc sans appel : les finances publiques, notamment celles de l'État, sont placées sur une trajectoire non soutenable à moyen terme, qui voit le poids de la dette dans le PIB s'aggraver mécaniquement, inéluctablement, et le service de ses intérêts grever une part toujours plus importante des recettes disponibles.

ÉVOLUTION COMPARÉE DU SOLDE EFFECTIF ET DU SOLDE STABILISANT
DE L'ÉTAT

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Source des données : INSEE, Comptes nationaux

En définitive, lorsque la dette publique dépasse 60% du PIB, que le niveau des dépenses est, en proportion du PIB, supérieur de près de 5,5 points à la moyenne de nos partenaires de la zone euro, que la structure du budget devient de moins en moins flexible, sous le poids conjugué des charges de la dette et des charges de personnel, que le poids des prélèvements obligatoires apparaît comme un frein à l'initiative, à la prise de risque et à l'exercice d'une saine responsabilité par les agents économiques, que certaines catégories de dépenses, notamment les dépenses sociales, progressent à un rythme démesuré, la question n'est plus de savoir si la France doit ou non se faire réprimander par ses partenaires européens et passer sous les fourches caudines de la discipline commune.

Après les premières réponses apportées en 2003, le caractère impératif du redressement qu'il faut poursuivre en 2004 et au-delà découle avant tout de considérations nationales et non d'une quelconque règle juridique, fût-elle inscrite dans un traité. Point n'est besoin de s'abriter derrière la contrainte bruxelloise pour poser les principes et les jalons de l'assainissement. Recentrer le débat dans un cadre national et montrer qu'il s'agit d'une exigence de bon sens conduira certainement à ce que l'effort nécessaire soit mieux compris et accepté par la collectivité nationale.

· Quelles pistes pour l'effort, à partir de 2004 ? Les actions de consolidation peuvent se répartir selon deux axes : la variation des prélèvements effectués sur l'économie ; la variation des dépenses publiques.

En matière de prélèvements, le cap a été fixé pour la législature : l'objectif du Gouvernement et de la majorité qui le soutient est de créer les conditions propices à une diminution progressive des prélèvements obligatoires. Cette diminution libèrera les initiatives des agents économiques, ouvrira des espaces de liberté pour le développement d'activités nouvelles et augmentera le potentiel de croissance. Il s'agit bien d'un choix de société, pleinement assumé.

On doit donc considérer avec la plus extrême circonspection, à ce stade, l'éventualité d'améliorer le solde structurel des administrations publiques par le biais d'une majoration des recettes publiques. D'ailleurs, l'exemple du Portugal, en 2002, rappelle combien une consolidation budgétaire qui s'appuie essentiellement sur une majoration de recettes est dommageable pour la croissance.

Cela ne doit pas empêcher, dans une perspective à moyen terme, que soit posée la question d'un redéploiement des prélèvements obligatoires, du poids respectif des impôts « de rendement » et des impôt (ADMINISTRATIONS PUBLIQUES)

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Source des données : INSEE, Comptes nationaux (juillet 2002)

Mesurées avec les conventions de la comptabilité nationale, on voit qu'à moyen terme, les administrations de sécurité sociale couvrent plus ou moins régulièrement l'intégralité de leurs dépense par leurs recettes (c'est-à-dire sont à l'équilibre, en moyenne) (5) et que les administrations publiques locales ont fortement amélioré leur taux de couverture depuis bientôt plus de quinze ans.

En revanche, même en période de conjoncture normale ou bonne, il apparaît que l'État couvre rarement plus de 90% de ses dépenses par ses recettes. Les données disponibles à la date de rédaction du présent rapport ne permettent pas de visualiser le taux de couverture pour l'année 2002, pour laquelle il faudra attendre la publication de l'intégralité des Comptes nationaux, en juillet prochain. Par ailleurs, à la connaissance de votre Rapporteur général, les prévisions effectuées par le Gouvernement, en l'espèce pour 2003 et 2004, ne portent pas sur ces agrégats de comptabilité nationale. Il est clair, cependant, que l'adjonction des trois années concernées au graphique présenté ci-avant ferait apparaître une sensible dégradation du taux de couverture pour les administrations de sécurité sociale et pour l'État.

Vue par le prisme du taux de couverture des dépenses par les recettes, la réflexion sur la résorption du déficit public donne une vision peut-être plus exacte des tensions qui s'exercent sur la structure budgétaire et sur l'intensité des efforts qu'il convient de fournir.

Ceux-ci doivent donc prendre la forme d'une action sur les dépenses publiques, dans le sens d'une réduction de leur poids dans le PIB. Là encore, deux stratégies peuvent être envisagées : un « électrochoc » qui se fonderait sur des mesures radicales et de portée très immédiate (6) ; une action graduelle dont tous les effets ne peuvent se développer que dans la durée.

La France n'est pas prête à un « électrochoc » majeur sur la dépense publique : il viendrait contrarier notre modèle social qui, volens nolens, constitue une structure fondatrice de laquelle il serait imprudent de s'abstraire. Il aurait, à court terme, des conséquences négatives sur la production dont notre économie n'a pas besoin à l'heure actuelle.

Dans son rapport annuel sur les finances publiques dans l'Union économique et monétaire, la Commission européenne a étudié de façon très détaillée l'effet sur la croissance des consolidations budgétaires. A la lumière des expériences passées et des s family: 'Arial'; font-size: 10pt">- les observations empiriques sont confirmées par les simulations : les augmentations de recettes ont un impact récessif aussi bien à court terme qu'à moyen terme ; au contraire, l'impact récessif à court terme des réductions de dépenses se transforme, à moyen terme, en impact expansionniste ; les réductions de dépenses à caractère permanent ont un impact récessif à court terme bien moindre que les réductions temporaires de dépenses.

La Commission européenne ne méconnaît donc pas les effets sur la demande globale, donc sur la croissance du PIB, d'une réduction des dépenses. Ceci plaide en faveur d'une action graduelle, qui paraît à votre Rapporteur général mieux adaptée à la fragilité actuelle de la reprise économique.

En définitive, votre Rapporteur général rejoint le Gouvernement autour d'une stratégie d'assainissement des finances publiques qui repose sur le maintien sur moyenne période d'un taux de progression des dépenses publiques inférieur à la croissance de l'économie (7). Une norme de 0% en volume applicable à l'État concrétise une partie de ce choix et constitue un objectif mobilisateur.

II.- DES RÈGLES STRICTES À RESPECTER DANS LA DURÉE POUR REDONNER DES MARGES DE MANœUVRE À LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE

Au moment de présenter ses recommandations sur les modalités de construction du budget 2004 et des budgets ultérieurs, votre Rapporteur général tient à prévenir certaines critiques infondées qui pourraient être adressées à la stratégie définie ci-avant. On voit bien la caricature qui pourrait être faite de la politique affirmée par le Gouvernement et par sa majorité. Cette caricature doit être récusée : réduire progressivement la part des dépenses dans le PIB ne veut pas dire sacrifier la solidarité nationale ; maîtriser les charges de l'État ne signifie pas démanteler le service public ; responsabiliser les agents économiques ne saurait se traduire par une disparition de l'État régulateur.

Votre Rapporteur général ne considère pas que la réduction de la dépense publique est une fin en soi : si tel était le cas, il faudrait bien fixer dans l'absolu une borne inférieure à l'extension financière de la sphère publique, borne qui serait l'objectif ultime de la politique budgétaire. Cela n'a pas de sens. Rien ne serait plus dommageable qu'un assainissement budgétaire qui ferait la part belle aux a priori idéologiques et se fixerait pour simple but la paupérisation de l'autorité publique.

Les choix de 2004 et des années ultérieures doivent être réfléchis et mettre en parallèle, systématiquement, les considérations financières et les besoins économiques ou sociaux qu'il convient de satisfaire. C'est à cette condition que le Go régalienne, de cohésion sociale, de cohésion territoriale, de renforcement du potentiel de croissance et de capacité à gérer le cycle économique. Le Gouvernement s'y emploie, avec notamment la relance de la décentralisation, la réforme annoncée de l'assurance maladie et l'approfondissement de la réforme de l'État, qui n'exclut pas une « revue des missions » (8), et, au plan budgétaire, avec la présentation d'une norme de progression des dépenses en volume égale à 0% sur la période 2004-2006.

En définitive, aux yeux de votre Rapporteur général, la contrainte budgétaire qu'il convient d'exercer sur l'État et les autres administrations publiques, en fonction de leur situation financière, ne répond pas à une logique comptable stérile. Elle vise à redonner des marges de manœuvre à la politique budgétaire et à l'action publique, à l'horizon de la législature, une fois que seront conjurées les menaces financières les plus immédiates.

A cet égard, il faut se réjouir de voir l'importance accordée aux finances sociales dans le rapport présenté par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire.

A.- LES RÈGLES « MACRO-BUDGÉTAIRES » POUR L'ÉTAT

L'expérience des années récentes suggère à votre Rapporteur général la formulation de trois règles à caractère « macro-budgétaire » qui concernent les évaluations de recettes, les crédits de dépenses et le pilotage du déficit en exécution.

· S'agissant des évaluations de recettes, les choix du Gouvernement doivent être guidés par une prudence raisonnée. 2001, 2002 et 2003 ont montré les limites de « volontarisme » en matière de scénario économique sous-jacent à la loi de finances. C'est la crédibilité des Gouvernements concernés plutôt que la confiance des agents qui a été brouillée par l'affichage d'un scénario trop sensiblement éloigné de ceux des prévisionnistes. Certes, votre Rapporteur général ne conteste pas la nécessité de « figer » le scénario à un stade suffisamment précoce de l'été pour procéder au calage des prévisions de recettes et aux arbitrages définitifs en matière de dépenses. Mais s'arc-bouter sur des hypothèses manifestement dépassées lorsque le projet de loi est discuté devant le Parlement revient à adresser un mauvais signal à l'ensemble de l'économie nationale. Après tout, normalement, le rôle du Parlement n'est pas d'avaliser sans le retoucher le texte présenté par le Gouvernement, y compris dans ses grandes masses financières. Rien n'empêche celui-ci de procéder aux ajustements, voire aux redéploiements, qui lui paraissent être justifiés, dans l'instant, par les derniers développements économiques.

Le respect de cette norme suppose des remises en cause importantes dans le fonctionnement de l'État. L'exigence de bonne gestion, qui doit au demeurant imprégner encore plus les réflexes et l'action quotidienne des administrations, ne remplacera pas une réflexion sur l'étendue des missions exercées par l'État et sur ses modes d'intervention. Une telle exigence suppose aussi que la composante la plus rigide du budget, les dépenses de personnel, soit partie prenante à l'effort commun. Le discours sur le « train de vie de l'État » n'a plus grand sens, alors que ses moyens de fonctionnement ont été mis à contribution depuis de nombreuses années et, pour certaines administrations, sont parfois réduits à la portion congrue.

Le rapport du Gouvernement déposé en vue du débat d'orientation budgétaire souligne à juste raison l'existence d'un « effet d'éviction des dépenses de personnel sur les autres dépenses du budget général ». L'augmentation des départs en retraite d'ici à 2008 offre l'opportunité unique de redessiner le format de la fonction publique, de façon progressive et non traumatisante, pour mieux satisfaire les besoins de la société et offrir le meilleur service au meilleur coût.

Dans cette perspective, le tableau retraçant l'évolution par grandes fonctions des dépenses de l'État entre 2003 et 2006 est significatif (9). Il montre que la stabilisation des dépenses en volume implique de diminuer de 2,3% en valeur relative et de 2,2 milliards d'euros en valeur absolue le montant des crédits affectés aux dépenses autres que la dette, la masse salariale, les pensions et les actions relevant de l'« autorité de l'État ». Ce tableau est établi, à titre conventionnel, sous l'hypothèse que la moitié des départs en retraite constatés sur la période ne seraient pas remplacés. Or, le rapport présenté par M. Philippe Marini, Rapporteur général de la Commission des finances du Sénat, en vue du débat d'orientation budgétaire montre que la réduction de crédits associée à une telle démarche peut être évaluée à 2,9 milliards d'euros. L'économie ainsi réalisée est équivalente à celle que procure l'abandon de la trajectoire « 0,3% en volume » au profit de la trajectoire « 0% en volume » (10).

On doit noter, en dernier lieu, que la projection présentée par le Gouvernement ne précise pas les orientations sous-jacentes en matière de politique salariale, qui pèsent pourtant d'un poids non négligeable dans les masses budg&eac niveau de l'exécution, si le budget a été construit sur la base d'évaluations de recettes prudentes et d'une progression fermement contenue des dépenses, l'aléa principal sera plutôt l'apparition de plus-values de recettes imprévues. Le rapport du Gouvernement déposé en vue du débat d'orientation budgétaire rappelle les règles de « recyclage » des plus ou moins-values de recettes qui ont été mises en œuvre aux Pays-Bas (11). Les situations évoquées ne sont pas tout à fait celles qu'entend traiter votre Rapporteur général, en particulier en ce qu'elles sont paramétrées sur le niveau du déficit public, autour de valeurs de référence (0,75% et 1,75% du PIB) qui ne correspondent pas à l'état actuel des finances publiques françaises.

Votre Rapporteur général estime que les éventuelles plus-values de recettes qui pourraient alléger les conditions d'exécution d'un budget calibré initialement de façon prudente devraient être affectées en priorité à la réduction du déficit public. La possibilité de les employer à une baisse des prélèvements ne devrait être envisagée qu'en second lieu.

B.- LES RÈGLES « MICRO-BUDGÉTAIRES »

Les règles énoncées ci-avant, qui touchent au pilotage global du budget, doivent être complétées par des règles applicables aux politiques publiques ou aux services chargés de les appliquer.

· L'évaluation doit devenir un axe d'activité cardinal. En premier lieu, le Gouvernement comme le Parlement ont un intérêt évident à s'assurer de la pertinence des politiques publiques, dont certaines ont un coût important. Ils ne manquent pas de ressources pour cela, le Gouvernement pouvant mobiliser conseils et comités divers, le Parlement pouvant solliciter l'assistance de la Cour des comptes et disposant également de compétences de contrôle qui peuvent être employées à une démarche d'évaluation, notamment par ses rapporteurs spéciaux. Pour la seule Assemblée nationale, les activités de la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances participent de cet effort d'évaluation et devraient se voir accorder toute la considération qu'elles méritent.

Plus largement encore, il apparaît désormais que l'impact financier des mesures législatives qui sont soumises à l'approbation du Parlement, dans les multiples textes qu'il doit examiner, peuvent parfois être appréciées de façon insuffisamment précises, voire pas appréciées du tout. En tout état de cause, la loi de finances n'ayant pas vocation à rassembler toutes les dispositions ayant un impact budgétaire (12), il peut être difficile de tenir en temps réel un « compte » des modifications apportées, au fil des débats parlementaires, à l'équilibre voté dans la loi de finances initiale.

Ainsi, les administrations devraient être intéressées aux gains de productivité qu'elles pourraient dégager dans la mise en œuvre des politiques publiques dont elles ont la charge. Le regroupement des crédits des politiques publiques au sein de programmes dotés d'enveloppes fongibles facilitera, à compter de 2006, la mise en œuvre de la démarche d'intéressement. Celle-ci ne saurait pourtant se développer sans que soient précisées auparavant les règles de répartition des « surplus de productivité ».

Dans cette perspective, les expérimentations menées depuis quelques années - et largement étendues dans la loi de finances initiale pour 2003 - dans le cadre de certains services de l'État (préfectures, direction régionale du travail de la région Centre, directions à réseau du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, services du ministère de l'équipement) mériteraient d'être examinées très attentivement par le Parlement.

*

* *

Conformément à l'esprit du débat d'orientation budgétaire, le présent rapport s'attache à présenter quelques prescriptions applicables à la construction, à la discussion et à l'exécution de la loi de finances pour 2004, sans s'attarder à dresser un panorama général de la situation présente et passée des finances publiques. Naturellement, le Gouvernement reste maître des choix qu'il sera amené à effectuer pour bâtir son projet de loi. C'est donc à l'occasion du prochain rendez-vous budgétaire - la présentation du projet de loi de finances pour 2004 - qu'il sera donné de voir dans quelle mesure les recommandations formulées ici ont été prises en compte ou écartées.

Dans cette perspective, votre Rapporteur général se réjouit de ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sont convenus, lors de leur audition par la Commission des finances, que ces recommandations répondent à un « bon sens » budgétaire qui n'a que trop manqué au précédent Gouvernement.

EXAMEN EN COMMISSION

Après la présentation de votre Rapporteur général, M. Augustin Bonrepaux a indiqué qu'il n'était pas possible de s'opposer à la publication d'un rapport aussi lapidaire, mais peu family: 'Arial'; font-size: 10pt">La Commission a ensuite décidé, en application de l'article 145 du Règlement, d'autoriser la publication du rapport.

 

N° 0985 - Rapport d'information préalable au le débat d'orientation budgétaire pour 2004 (M. Gilles Carrez)

1 () D'ailleurs parfois interprétées de façon « constructive » : comment peut-on faire croire que les 35 heures ont contribué à accroître le potentiel de croissance de l'économie française alors même que cette réforme, d'inspiration malthusienne, a eu pour effet immédiat de peser sur la quantité de travail disponible ?

2 () Votre Rapporteur général convient, cependant, qu'une telle obligation serait par trop contraignante.

3 () A l'évidence, le taux d'endettement par rapport au PIB reste stable dès lors que l'encours de la dette croît au même rythme que le PIB en valeur. Sous réserve de la non-prise en compte des flux nets de dettes, la variation de la dette découle directement du solde budgétaire. Il existe donc une valeur du solde qui stabilise le taux d'endettement : elle est égale produit du stock de dette en début d'année et du taux de croissance du PIB en valeur.

4 () Cf. rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, page 43.

5 () Les déficits des années 2002 à 2004 n'infirment pas cette conclusion, en l'état actuel des informations.

6 () Ce qui ne signifie pas des mesures ponctuelles dont l'effet ne dure pas plus d'un ou deux ans...

7 () Cf. rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, page 35.

8 () Cf. rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, page 49.

9 () Cf. rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, page 44.

10 () Ibid.

11 () Cf. rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, page 60.

12 () Cependant, elle a vocation à retracer leur impact pour l'année suivant leur entrée en vigueur.