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N°  1094

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 septembre 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur la fonction publique d'État et la fonction publique locale outre-mer

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Marc LAFFINEUR,

Député.

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Institutions politiques - Administration - Collectivités locales

INTRODUCTION 7

I.- LES SPÉCIFICITÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE OUTRE-MER 11

A.- UNE VOLONTÉ INITIALE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET D'ADAPTATION DE LA FONCTION PUBLIQUE AUX SPÉCIFICITÉS LOCALES 11

1.- Les compléments de rémunérations et les adaptation du statut de la fonction publique 11

a) La mise en place des compléments de rémunération : une volonté initiale de développement économique 11

b) L'adaptation de la fonction publique à l'autonomie de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie 12

2.- L'état des lieux des compléments de rémunération dans la fonction publique outre-mer 14

a) L'application au traitement d'un coefficient multiplicateur 14

b) Le versement d'une indemnité particulière de sujétion et d'installation en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon 16

c) Le versement d'une indemnité d'éloignement dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte 19

d) Le remboursement des frais de déménagement induits par les mutations et affectations de fonctionnaires 19

e) La majoration des retraites 20

f) Les congés bonifiés 21

g) Un régime fiscal spécifique 23

B.- UN SECTEUR PUBLIC TRÈS DÉVELOPPÉ 24

1.- Des e 160;Entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires outre-mer 29

2.- Entre les agents titulaires et les agents non-titulaires 31

3.- Entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé 31

B.- UN COÛT ÉLEVÉ 32

1.- Un coût élevé pour l'État 32

- Le coût des surrémunérations 33

- Le coût de l'ensemble des indemnités d'éloignement 33

- Le coût des majorations de retraites 34

- Le coût des congés bonifiés 35

2.- L'exemple de l'AP-HP 35

C.- DES FINANCES LOCALES OUTRE-MER DÉSÉQUILIBRÉES 36

1.- Des dépenses de personnels élevées 36

2.- L'exemple de la fonction publique en Guadeloupe 38

D.- UN STATUT SPÉCIFIQUE CRÉATEUR DE PRÉCARITÉ 40

1.- La précarité des agents non-titulaires 40

a) Une proportion élevée d'agents non-titulaires 40

b) Un taux d'encadrement insuffisant 42

2.- Le difficile accès à l'emploi pour les agents en poste en métropole 42

E.- UN LOURD HANDICAP POUR L'ÉCONOMIE OUTRE-MER 43

1.- Des effets néfastes sur le niveau des prix 43

2.- Une pression à la hausse sur le coût du travail 43

3.- Un faible niveau d'investissement des collectivités territoriales 44

49

A.- UNE RÉFORME DIFFICILE MAIS INDISPENSABLE 49

1.- Une réforme difficile 49

2.- Une réforme indispensable 50

a) Un constat dressé par de nombreux rapports 50

b) Une situation économique et sociale dégradée 52

B.- UNE RÉFORME QUI S'INSCRIT DANS L'ACTION DU GOUVERNEMENT 54

1.- La loi de programme pour l'outre-mer : favoriser une logique de développement économique 54

2.- Favoriser l'égalité entre l'outre-mer et la métropole 56

C.- DES PROPOSITIONS POUR FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE L'OUTRE-MER 57

1.- Redonner des marges de manœuvres aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent investir et relancer l'économie 57

a) Créer un contrat spécifique dans la fonction publique territoriale 57

b) Aider les maires par un État plus rigoureux 57

c) Une réforme très progressive du système de surrémunérations 58

2.- Permettre des évolutions de carrière plus attractives pour les fonctionnaires en poste en métropole 58

3.- Encourager l'égalité entre l'outre-mer et la métropole 58

4.- Mieux connaître le coût de la vie outre-mer 58

5.- Suivre les recommandations de la Cour des comptes dans le domaine des retraites 58

6.- Réinjecter les économies réalisées dans l'investissement et les équipements de l'outre-mer 58

EXAMEN EN COMMISSION 59

ANNEXE 1 63< L'outre-mer connaît aujourd'hui de profondes mutations. La loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer traduit l'engagement du Président de la République de promouvoir systématiquement l'emploi et le développement économique. Cependant, ces réformes doivent être approfondies et complétées pour permettre à l'outre-mer de connaître un développement économique et social durable.

C'est pourquoi la Commission des finances, de l'économie générale et du plan a créé, lors de la réunion du 21 janvier 2003, une mission d'information relative à la fonction publique outre-mer. L'objectif de cette mission est de permettre de mesurer les effets des spécificités de la fonction publique outre-mer et d'évaluer l'existence éventuelle de distorsions entre le secteur public et les salariés du secteur privé ou entre les fonctionnaires titulaires et les agents contractuels, distorsions qui pourraient entraver le développement économique local ou contribuer au développement de l'emploi précaire.

Votre Rapporteur a procédé à de nombreuses auditions et a effectué une mission en Guadeloupe et en Martinique, en avril 2003. Les principaux responsables politiques et syndicaux, les préfets, les directeurs d'administration déconcentrée, des représentants d'entreprises ultramarines, des employeurs d'agents publics ultramarins en métropole ont été auditionnés. Ces rencontres ont permis de mieux appréhender les spécificités de l'outre-mer et de dresser un tableau de la fonction publique d'État et locale outre-mer.

Le Parlement n'étant pas informé des effectifs et du coût de la fonction publique outre-mer, le présent rapport se propose d'en évaluer l'ampleur et de proposer des réformes. Votre Rapporteur a pu constater à cet égard que très peu de statistiques étaient publiées sur ce sujet et que l'État méconnaît parfois l'importance de la fonction publique outre-mer, mais aussi le coût et les effets des compléments de rémunérations.

Loin d'être uniquement budgétaire, l'objectif principal des réformes proposées est avant tout économique : elles visent à promouvoir un véritable développement économique et social de l'outre-mer, en supprimant des entraves qui ne sont plus pleinement justifiées. Elles devraient accompagner efficacement la loi de programme pour l'outre-mer en favorisant l'investissement et la baisse du coût du travail et en offrant de véritables perspectives de carrière pour les fonctionnaires ultramarins.

Votre Rapporteur tient à souligner que l'objectif poursuivi par la Commission des finances n'est pas de remettre en cause la solidarité nationale en faveur de l'outre-mer. Les réformes proposées visent à redéployer la dépense publique outre-mer afin de permettre un réel développement économique et social. Tout économie réalisée devra être réinjectée outre-mer afin de financer des équipements structurants.

En outre, des & rémunérations :

instaurent une disparité de traitement entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires en poste outre-mer. En effet, le différentiel de prix entre la métropole et l'outre-mer (de 10 à 15 %) est sans rapport avec l'ampleur des surrémunérations (de 40 à 120 % de majoration du traitement brut de l'agent). Il créé aussi de fortes distorsions entre les agents titulaires et non-titulaires, et entre le secteur public et privé, distorsions facteurs de tensions sociales fortes ;

entraînent un niveau de dépenses de personnel très élevé,dépenses qui sont à l'origine de la situation financière préoccupante des collectivités territoriales d'outre-mer ;

sont facteurs de précarité car ils constituent un frein important à la titularisation des agents non-titulaires, qui représentent 60,8 % des agents de la fonction publique. Par conséquent, certains agents conservent leur statut précaire pendant des années, sans pouvoir accéder aux garanties de la fonction publique. De plus, le droit au congé bonifié constitue un élément de disqualification à l'embauche et à la mobilité en métropole pour les fonctionnaires ultramarins, notamment dans le milieu hospitalier et dans la fonction publique territoriale ;

pèsent sur les prix et alimentent l'inflation tout en provoquant une hausse des salaires dans le secteur privé, très préjudiciable pour les petites et moyennes entreprises, pourtant principal moteur de la création d'emploi ;

constituent une cause importante de la faiblesse de l'investissement des collectivités territoriales ;

pourraient avoir des conséquences financières dramatiques pour les collectivités territoriales en cas de mouvement généralisé de titularisation ;

donnent lieu à des fraudes de la part d'agents qui détournent ces primes de leur objectif initial. C'est notamment le cas des majorations de pensions de retraites.

Une réforme des compléments de rémunération apparaît donc indispensable pour favoriser le développement économique et social de l'outre-mer et accompagner efficacement les avancées de la loi de programme pour l'outre-mer. Votre Rapporteur propose donc les réformes suivantes :

redonner des marges de manœuvre aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent investir et relancer l'économie en créant un contrat spécifique dans la fonction publique territoriale, en aidant les maires par un État plus rigoureux, et en initiant une réforme progressive de la « prime de vie chère » ;

permettre des évolutions de carrière réalisées dans l'investissement et les équipements de l'outre-mer.

I.- LES SPÉCIFICITÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE OUTRE-MER

La fonction publique outre-mer présente certaines spécificités : un système de complément de rémunération et une adaptation des règles du statut de la fonction publiques aux caractéristiques locales. Elle se caractérise aussi par des effectifs, qui ont augmentés de façon excessive, notamment en raison d'un contrôle défaillant de l'État.

A.- UNE VOLONTÉ INITIALE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET D'ADAPTATION DE LA FONCTION PUBLIQUE AUX SPÉCIFICITÉS LOCALES

1.- Les compléments de rémunérations et les adaptation du statut de la fonction publique

a) La mise en place des compléments de rémunération : une volonté initiale de développement économique

La mise en place, dans les années cinquante, des compléments de rémunération dans la fonction publique outre-mer répond à plusieurs objectifs :

- en premier lieu, les conditions de vie étaient difficiles outre-mer : les infrastructures routières, et les équipements médicaux, hospitaliers et scolaires étaient très insuffisants. Il fallait plusieurs semaines de bateau pour se rendre, depuis la métropole, dans un département ou un territoire d'outre-mer ;

- surtout, il existait un différentiel de prix important entre la métropole et l'outre-mer, compte tenu du coût du transport, d'un secteur commercial insuffisamment développé et, à La Réunion, de l'utilisation (jusqu'en 1975) du franc CFA ;

- enfin, les avantages financiers accordés devaient permettre d'attirer les métropolitains et les jeunes diplômés locaux pour renforcer les effectifs de cadres dans la fonction publique.

Destinés originellement aux seuls fonctionnaires de l'État originaires de métropole, c'est-à-dire aux personnels d'encadrement métropolitains, appartenant aux corps spéciaux des colonies, puis de la France d'outre-mer, ces régimes ont été progressivement étendus à la quasi-totalité du secteur public.

Il convient de souligner que, dès 1950, le niveau des compléments de rémunération, et en particulier de la prime de vie chère, dépasse le différentiel des prix entre la métropole et l'outre-mer. L'objectif poursuivi est de fournir des compléments de revenus substantiels à une partie de la population, les agents de la fonction publique, c'est-à-dire de pr 10pt">L'adaptation de la fonction publique d'outre-mer ne s'est pas seulement limitée à instituer des compléments de rémunération. Les particularités de la fonction publique en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie montrent que des adaptations ont pu être apportées afin de garantir l'autonomie de ces territoires.

 - La fonction publique en Polynésie française

Du temps du ministère de la France d'outre-mer, la Polynésie française disposait de sa propre fonction publique, conformément à un décret du 22 juillet 1967 et d'une ordonnance du 23 décembre 1958, relatifs aux institutions du territoire, qui attribuaient cette compétence aux pouvoirs locaux. Toutefois, au milieu des années soixante, cette fonction publique devait être entièrement étatisée à la demande du Gouvernement du territoire. Ainsi, la loi n° 66-496 du 11 juillet 1966 a créé les corps des fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française, plus connus sous le sigle de CEAPF, et dont le statut a été fixé par le décret n° 68-20 du 5 janvier 1968.

Ces corps sont soumis au statut général de la fonction publique et aux statuts particuliers des corps homologues, auxquels ils sont rattachés. Ils présentent plusieurs particularités dérogatoire au droit commun : absence de corps de catégorie A, recrutement local, vocation exclusive à servir en Polynésie française, nonobstant leur appartenance à des corps d'État, assimilation complète, pour les règles particulières à l'outre-mer, aux fonctionnaires ayant leur résidence habituelle en Polynésie française.

L'existence des CEAPF s'est révélée partiellement inadaptée : d'une part, la gestion par les services de l'État qu'ils constituaient, rencontrait des difficultés (lenteur des procédures, absence de créations d'emplois...), d'autre part cette rigidité se retrouvait dans leurs conditions même d'utilisation par les autorités territoriales qui n'arrivaient plus à les gérer conformément aux besoins des services territoriaux. Pour remédier à ces insuffisances, le territoire a mis en place une administration proprement territoriale dont le statut général a été fixé par une délibération de l'Assemblée territoriale du 14 décembre 1995. C'est finalement la loi organique n° 95-173 du 20 février 1995 qui a transféré la gestion administrative des CEAPF au territoire.

Au 31 mars 2003, dans l'administration de Polynésie française, 4.464 agents sont rémunérés par le budget du territoire et 2.450 par le budget de l'État.

 - La fonction publique en Nouvelle-Calédonie

Le statut et la gestion de la fonction publique en Nouvelle-Calédonie sont adaptés à son statut spécifique d'autonomie.

L'ensemble du secteur public, agents de l'État compris, représente plus de 18.100 agents. Les fonctionnaires sont au nombre de 10.920, dont 4.600 sont rémunérés sur les crédits de l'État, 650 agents communaux et 5.715 fonctionnaires territoriaux, dont 1.100 sont affectés dans les services de l'État. Les agents non-titulaires sont au nombre de 7.200, dont 1.900 sont rémunérés par l'État, 1.600 par les communes et 3.700 par les autres collectivités publiques et leurs établissements publics administratifs.

De plus, l'emploi dans la fonction publique de personnels originaires de Nouvelle-Calédonie fait l'objet d'encouragements particuliers.

Ainsi, il est inscrit dans le préambule de l'accord de Nouméa, qu'« afin de tenir compte de l'étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l'accès à l'emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie ». Ces principes ont été mis en oeuvre par l'article 24 de la loi organique, qui dispose notamment que « dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie prend au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d'une durée suffisante de résidence des mesures visant à favoriser l'exercice d'un emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient à la date de leur publication les autres salariés. (...) La durée et les modalités de ces mesures sont définies par des lois du pays ».

Le Conseil constitutionnel a considéré que la loi du pays à laquelle renvoyait l'article 24 devait favoriser l'emploi local sur la base de « critères objectifs et rationnels en relation directe avec la promotion de l'emploi local, sans imposer des restrictions autres que celles strictement nécessaires à la mise en œuvre de l'accord de Nouméa » (décision n°99-410 DC du 15 mars 1999).

En outre, un programme original de formation permanente appelé jusqu'à fin 1998 « programme 400 cadres », a été développé à la suite des accords de Matignon de 1988, afin de rééquilibrer le partage des responsabilités entre les communautés. Il visait à former en métropole, sur une période de dix ans, 400 cadres moyens et supérieurs néo-calédoniens, en particulier d'origine kanak, appelés à servir dans les entreprises privées ou les structures administratives. Le programme « Cadres avenir », prévu par l'accord de Nouméa de 1998, poursuit le programme « 400 cadres » dans sa partie « formation de cadres moyens et supérieurs ». Deux autres volets ont été rajoutés : d'une part, la formation à l'exercice des responsabilités dans le domaine des compétences régaliennes et, d'autre part, la formation des enseignants. En 2003, 7,7 millions d'euros sont consacrés à ces actions de formation.

c) le versement d'une indemnité d'éloignement dans les collectivités d'outre-mer à statut particulier, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte,

d) le remboursement des frais de déménagement induits par les mutations et affectations des fonctionnaires,

e) la majoration des retraites,

f) et les congés bonifiés.

a) L'application au traitement d'un coefficient multiplicateur

Tous les fonctionnaires civils de l'État et des collectivités territoriales en poste dans les départements d'outre-mer perçoivent une rémunération majorée de 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane et de 53 % à La Réunion. Cette « prime de vie chère » est composée de trois éléments :

une majoration de traitement de 25 %, instituée par la loi n° 50-407 du 3  avril 1950 ;

un complément temporaire à la majoration de traitement de 5 %, institué par le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des agents, porté à 15 % par le décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 ;

un indice de correction, applicable uniquement à La Réunion, institué par le décret n° 49-55 du 11 janvier 1949, modifié par le décret n° 71-485 du 22 juin 1971. Cet indice de correction était destiné à compenser l'écart de parité entre le franc français et le franc CFA, qui avait cours localement. Depuis le retrait du franc CFA et l'introduction du franc métropolitain, intervenue le 1er janvier 1975, le taux de l'indice de correction a été ramené à 1,138. Cependant la base réglementaire de cet avantage a disparu.

Seule Mayotte ne possède pas ce dispositif, mais un système compense l'éloignement pour les fonctionnaires sous affectation provisoire.

Les agents titulaires des fonctions publiques locales des départements d'outre-mer perçoivent également leur traitement majoré par l'application d'un coefficient multiplicateur.

Les fonctionnaires de l'État en poste en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon, perçoivent aussi une rémunération majorée en vertu de la loi du 30 juin 1950.

COEFFICIENTS MULTIPLICATEURS APPLICABLES DANS LES DOM
ET COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER À STATUT PARTICULIER
(a)

Coefficients

Guadeloupe

1,4

Martinique

1,4

Guyane

1,4

La Réunion

1,35 (b)

Polynésie française

de 1,84 à 2,08 (c)

Nouvelle-Calédonie

de 1,73 à 2,08 (c)

Wallis-et-Futuna

2,05

Saint-Pierre-et-Miquelon

1,4 (d)

Mayotte

(néant)

5So(

a) sur le traitement brut dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

b) le traitement net majoré est également affecté d'un index de correction complémentaire de 1,138 (soit + 13,8%) par rapport au franc CFA, ce qui porte la majoration totale à environ 1,53.

c) selon les subdivisions d'affectation;

d) le traitement net majoré est également affecté d'une indemnité spéciale compensatrice actuellement fixée à 30,67%, ce qui porte la majoration totale à environ 1,75.

Source  : ministère de l'outre-mer

b) Le versement d'une indemnité particulière de sujétion et d'installation en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon

- L'indemnité d'éloignement avant la réforme de la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000

L'article 2 du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'État en service dans les départements d'outre-mer a institué une indemnité d'éloignement en faveur des fonctionnaires métropolitains exerçant outre-mer et en faveur des fonctionnaires originaires d'outre-mer affectés en métropole ou dans un DOM situé à plus de 3.000 kilomètres de leur territoire d'origine. Cette indemnité est équivalente à 12 mois de traitement brut pour 4 ans de services effectués (16 mois pour 4 ans de service en Guyane, 23 mois de traitement net pour 2 ans de service à Mayotte).

- La suppression de l'indemnité d'éloignement par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 et la création des indemnités d'installation

L'article 26 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a prévu la suppression de l'indemnité d'éloignement régie par le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953.

Les décrets d'application de cet article ont cependant tenu compte des difficultés rencontrées pour pourvoir les postes en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

En Guyane et dans les îles du nord de la Guadeloupe, le décret n° 2001-1226 du 20 décembre 2001 portant création d'une indemnité particulière de sujétion et d'installation crée, pour une durée de cinq ans, une indemnité particulière de sujétion transitoires ont été prévues : les personnels en fonction le 1er janvier 2002 et ceux dont l'affectation a été notifiée avant cette date demeurent régis par le titre I du décret du 22 décembre 1953.

En outre, afin de favoriser la mobilité des agents de l'État en fonction dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le décret n° 2001-1225 du 20 décembre 2001 crée une prime spécifique d'installation, correspondant à 12 mois du traitement indiciaire brut de l'agent, pour les fonctionnaires de l'État et les magistrats des départements d'outre-mer affectés pour la première fois en métropole à la suite d'une mutation ou d'une promotion ainsi qu'à ceux qui y sont affectés à la suite de leur entrée dans l'administration. Ces dispositions ont été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon par le décret n° 2001-1224 du 20 décembre 2001.

RÉGIME DES PRIMES D'INSTALLATION DANS LES DOM ET À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Lieu d'affectation

Prime

Montant

Durée

Guyane, îles de Saint-Barthélémy et de Saint Martin

indemnité particulière de sujétion et d'installation

16 mois de traitement pour 4 ans de service

5 ans (1)

Saint-Pierre-et-Miquelon

indemnité particulière de sujétion et d'installation

16 mois de traitement pour 4 ans de service

5 ans (1)

Métropole (depuis les DOM)

prime spécifique d'installation

12 mois de traitement pour 4 ans de service

-

Métropole (depuis Saint-Pierre-et-Miquelon)

prime spécifique d'installation

12 mois de traitement pour 4 ans de service

-

(1) les décrets n° 2001-1226 du 20 décembre 2001 et n° 2001-1224 du 20 décembre 2001 s'appliquent au 1er janvier 2002 pour une durée de 5 ans.

Source : ministère de l'outre-mer

RÉGIME JURIDIQUE DE L'INDEMNITÉ PARTICULIÈRE DE SUJÉTION ET D'INSTALLATION
ET DE LA PRIME D'INSTALLATION

- L'indemnité particulière de sujétion et d'installation est versée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires, affectés en Guyane et dans les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy du département de la Guadeloupe, dont la précédente résidence était située en dehors de ces territoires, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. Les fonctionnaires et les magistrats originaires de Guyane et dans les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ne peuvent bénéficier de cette indemnité à la suite de leur entrée dans l'administration s'ils sont affectés sur place.

Le montant de l'indemnité est égal à seize mois du traitement indiciaire de base de l'agent. Elle est payable en trois fractions : une première de six mois lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, une deuxième de cinq mois au début de la troisième année de service ; une troisième de cinq mois au bout de quatre ans de services. Le traitement indiciaire de base de référence est celui perçu par le fonctionnaire à la date à laquelle chaque fraction devient payable.

Chacune des trois fractions de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation est majorée de 10 % pour le conjoint, le concubin ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité et de 5 % par enfant à charge au sens de la législation sur les prestations familiales.

Le fonctionnaire stagiaire non titularisé doit rembourser la fraction de la prime qui lui a été versée.

Le fonctionnaire qui, sur sa demande, cesse ses fonctions avant la fin du délai de quatre ans ne pourra percevoir les fractions (principal et majorations) non encore échues de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation.

En outre, lorsque la cessation de fonctions n'aura pas été motivée par les besoins du service ou par l'impossibilité pour l'agent, (dûment reconnue par le comité médical prévu par le décret du 14 mars 1986), de continuer l'exercice de ses fonctions par suite de son état de santé, il sera retenu sur ses émoluments ultérieurs une fraction, calculée au prorata de la durée des services effectués, des sommes déjà perçues au titre de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation. Toutefois, lorsque la cessation intervient moins d'un an avant la fin de la période de quatre ans, le fonctionnaire pourra prétendre au versement de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation au prorata de la durée de service effectivement accomplie.

Un fonctionnaire de l'État ou un magistrat ayant perçu l'indemnité particulière de sujétion et d'installation ne peut prétendre, dans la suite de sa carrière, au versement de la prime spécifique d'installation instituée par le décr l'indemnité particulière de sujétion et d'installation instituée par le décret du 20 décembre 2001.

c) Le versement d'une indemnité d'éloignement dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte

Le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 fixe les règles applicables pour l'attribution de l'indemnité d'éloignement, prévue au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950, aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'État qui servent dans un territoire d'outre-mer ou à Mayotte.

Le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation dans une collectivité d'outre-mer à statut particulier, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte à la condition que cette affectation entraîne, pour l'agent concerné, un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux.

En cas de renouvellement du séjour de deux ans, la première fraction de l'indemnité qui est due pour le second séjour est payée au début de ce séjour. Le droit à l'indemnité pour les personnels affectés sans limitation de durée dans une collectivité d'outre-mer à statut particulier, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans. Les intéressés n'acquièrent un nouveau droit à l'indemnité pour une nouvelle affectation qu'après une période de services de deux ans au moins accomplie en dehors de toute collectivité ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité.

L'indemnité d'éloignement est majorée de 10 % au titre du conjoint lorsque celui-ci n'a pas un droit personnel à l'indemnité et de 5 % par enfant à charge.

L'indemnité d'éloignement ne rétribue donc désormais que quatre ans de service au plus, ce qui met fin à des situations abusives parfois constatées par le passé. L'indemnité d'éloignement est unilatérale pour les TOM et Mayotte (vers le territoire), et renouvelable une fois.

Le tableau suivant présente les taux en vigueur pour l'indemnité d'éloignement :

L'INDEMNITÉ D'ÉLOIGNEMENT DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER
À STATUT PARTICULIER ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE

indemnité d'éloignement

Polynésie française

10 mois pour 2 ans

Nouvelle-calédonie

10 mois pour 2 ans

Wallis-et-Futuna

18 mois pour 2 ans

Mayotte

23 mois pour 2 ans

Source : ministère de l'outre-mer

d) Le remboursement des frais de déménagement induits par les mutations et affectations de fonctionnaires

- Dans les départements d'outre-mer

Le remboursement des frais de déménagement est réglementé par le décret n° 89-271 du 12 avril 1989 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais de déplacement des personnels civils à l'intérieur des départements d'outre-mer, entre la métropole et ces départements, et pour se rendre d'un département d'outre-mer à un autre. Ce décret a été modifié par le décret n° 99-807 du 15 septembre 1999. Il actualise, à compter du 1er juillet 1999, les taux et les montants fixés pour les déplacements temporaires (missions et stages) en vertu des arrêtés d'application du décret du 12 avril 1989 précité et supprime les groupes hiérarchiques d'indemnisation à compter du 1er juillet 2000.

- Dans les collectivités d'outre-mer à statut particulier et en Nouvelle-Calédonie

Le texte d'origine, le décret du 3 juillet 1897, a été remplacé par une réglementation moderne, incluant un principe de forfaitisation en remplacement du remboursement sur factures (décret n° 98-844 du 22 septembre 1998).

e) La majoration des retraites

Dans certaines collectivités d'outre-mer, les retraites publiques sont majorées. En effet, les retraités titulaires d'une pension de l'État justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, et à Wallis-et-Futuna bénéficient d'une majoration de leur pension, prévue par les décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 (pour les pensions civiles et militaires) et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 (pour les pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre).

Les taux de majoration dont bénéficient les pensionnés sont rappelés dans le tableau suivant :

TAUX DE MAJORATIONS DES PENSIONS DE RETRAITES

La Réunion

35 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

40 %

Mayotte

35 %

Nouvelle-Calédonie

75 %

Polynésie française

75 %

Wallis-et-Futuna

75 %

Source : ministère de l'outre-mer

Cette indemnité bénéficie, en outre, de régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer. Ainsi, à l'exception de La Réunion, collectivité départementale où elle est imposée selon le droit commun, elle n'est soumise ni à la retenue pour la contribution sociale généralisée (CSG), ni à celle qui est effectuée pour la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

De plus, elle n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun, mais à certaines dispositions spécifiques variables selon le territoire :

en Polynésie française, cette indemnité fait l'objet d'une retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu, fondée sur l'article 182 A du code général des impôts (le taux de la retenue variant de 0 à 15 %), au titre de la contribution de solidarité territoriale et d'une cotisation spécifique d'assurance maladie au taux de 2,8 % ;

- à Wallis-et-Futuna, cette indemnité fait l'objet d'une retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu, fondée sur l'article 182 A du code général des impôt et d'une cotisation spécifique d'assurance maladie au taux de 2,8 % ;

- en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'indemnité est soumise à un impôt local prévu par les conventions fiscales applicables et à une cotisation spécifique d'assurance maladie au taux de 2,8 % ;

- à Mayotte, cette indemnité fait l'objet d'une retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu en application d'un barème fixé par la collectivité et est soumise à une cotisation spécifique d'assurance maladie au taux de 4,8 %.

Le décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 pose une seule condition au bénéfice de cette indemnité temporaire : les conditions de résidence doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». L'instruction comptable n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 a défini plus précisément les conditions de résidence :

- les absences du territoire ne peuvent dépasser « en une ou plusieurs fois quarante jours pour l'année civile. En cas d'absence plus longue, l'indemnité temporaire n'est payable qu'au prorata du nombre de jours de présence » ;

- est prévue une période probatoire de six mois de présence ininterrompue sur le territoire avant le premier versement de l'indemnité t matériels dans leur département d'origine, ont droit, tous les 36 mois, à un congé supplémentaire de 30 jours, appelé « congé bonifié ». L'ensemble constitué - généralement 65 jours consécutifs -, qui n'est pas fractionnable ni cumulable, doit être passé au lieu de la résidence habituelle déclarée, c'est-à-dire à l'endroit où se situe le centre des intérêts moraux et matériels de l'agent. Les frais de transport sont payés par l'administration, pour l'agent, son conjoint (avec toutefois un plafonnement des ressources) et ses enfants à charge.

En outre, la rémunération pendant le congé est celle du lieu où il est pris. Par conséquent, les fonctionnaires qui prennent leurs congés dans un département d'outre-mer perçoivent, en outre, la « prime de vie chère » (application d'une coefficient de 1,4 à 1,53).

De plus, les fonctionnaires originaires des DOM exerçant sur place leur activité professionnelle peuvent, avec leur famille, bénéficier de la prise en charge, par l'employeur public, de 50 % des frais de transport pour un voyage en métropole dès lors qu'ils ont effectué 5 ans de service, et de 100 % s'ils ont accompli 10 ans de service.

Le décret n° 88-168 du 15 février 1988 a étendu ce régime aux fonctionnaires territoriaux.

Jusqu'en 1994, les frais liés aux congés bonifiés étaient pris en charge, pour les fonctionnaires de l'État, par les ministères employeurs, et pour les fonctionnaires territoriaux, par le centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT). L'État remboursait au CNFPT les sommes correspondant à ces frais de congés bonifiés sous forme d'une dotation spécifique qui était intégrée dans la dotation globale de fonctionnement (DGF) que l'État verse au CNFPT. Depuis le 1er janvier 1995, les frais liés aux congés bonifiés des agents travaillant dans des collectivités territoriales sont, en vertu de le I de l'article 3 de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions relatives à la fonction publique territoriale, supportés non plus par le CNFPT mais par la collectivité employeuse.

Actuellement, des difficultés sont signalées d'une part pour l'établissement de la notion de "résidence habituelle" dont la localisation détermine l'ouverture des droits, d'autre part, pour assurer la continuité du service des administrations qui emploient de nombreux agents originaires des départements d'outre-mer.

RÉGIME JURIDIQUE DES CONGÉS BONIFIÉS

Les modalités d'application des congés bonifiés sont fixées par le décret n° 78-399 du 26 mars 1978. Le bénéfice du congé bonifié est accordé au fonctionnaire qui exerce ses fonctions en métropole et dont la résidence habituelle, c'est-à-d même d'apprécier la teneur des éléments communiqués par les agents concernés à l'appui de leur demande. Ce sont elles seules aussi qui sont à même d'examiner si des éléments nouveaux sont apparus dans la situation des agents concernés. L'octroi antérieur d'un congé bonifié ne constitue pas en lui-même un critère d'obtention automatique lors de l'examen de la nouvelle demande.

Les frais de voyage de l'agent et de ses ayants-droits sont pris en charge, sous condition de ressources (si les ressources personnelles de l'agent sont inférieures à l'indice 340 brut) et sous une condition d'âge pour les enfants (enfants à charge au sens de la législation sur les prestations familiales, soit jusqu'à l'âge de 20 ans). Quand à la prise en charge du partenaire de l'agent, la réglementation a été récemment modifiée, par le décret n° 2011-973 du 22 octobre 2001 : désormais sont inclus dans le dispositif les partenaires liés par un PACS et les concubins. Auparavant, seuls les conjoints mariés pouvaient bénéficier de la prise en charge de leurs frais de voyage.

La réglementation en matière de congés bonifiés demeure différente d'une fonction publique à l'autre. Les régimes des congés bonifiés applicables aux fonctionnaires territoriaux ou aux fonctionnaires hospitaliers n'obéissent pas au même dispositif réglementaire que les fonctionnaires d'État.

Dans la fonction publique territoriale comme dans la fonction publique hospitalière, les agents originaires de métropole et envoyés en service dans un DOM ne bénéficient pas de congés bonifiés. Seuls les agents ayant leur lieu de résidence habituel dans un DOM et qui exercent en métropole peuvent y prétendre.

g) Un régime fiscal spécifique

En application de l'article 197 du code général des impôts, les contribuables résidant fiscalement dans les départements d'outre-mer bénéficient d'une réduction de 30 % du montant de leur impôt sur le revenu (40 % en Guyane). Ces réductions sont prévues par l'article 3 de la loi n° 60-1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d'application, dans les départements d'outre-mer, des dispositions de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 réformant, en particulier, les modalités de détermination de l'impôt sur le revenu.

L'objectif de la loi du 21 décembre 1960 était de faciliter l'introduction de la législation métropolitaine en adaptant le nouveau régime fiscal à chacun des départements d'outre-mer, compte tenu de sa situation économique propre et des nécessités de son développement. Il fallait notamment tenir compte du coût de la vie dans ces départements et faciliter le recrutement des cadres et des techniciens nécessaires à leur développement.

À compter de l'imposit family: 'Arial'; font-size: 10pt">Les contribuables résidant fiscalement outre-mer bénéficient d'avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe intérieure sur les produits pétroliers ou encore de droits d'enregistrement. La dépense fiscale en faveur de l'outre-mer inscrite dans la loi de finances pour 2003 est rappelée en annexe de ce rapport.

B.- UN SECTEUR PUBLIC TRÈS DÉVELOPPÉ

1.- Des effectifs très importants

La fonction publique occupe une place importante au sein des économies d'outre-mer. Les départements d'outre-mer comptent ainsi 73.929 agents au titre de la fonction publique d'État et 43.900 agents au titre de la fonction publique territoriale.

La proportion entre la fonction publique et la population active est supérieure à celle de la métropole, comme le montre le tableau suivant :

PLACE DE LA FONCTION PUBLIQUE AU SEIN DE LA POPULATION ACTIVE DANS LES DOM

La Réunion

Martinique

Guyane

Métropole

fonction publique/pop. active

26,7 %

37 %

40 %

26,3 %

Source : INSEE

Or les compléments de rémunération renforcent, l'attrait, déjà excessif, que la fonction publique exerce outre-mer, au détriment du secteur privé.

2.- Des collectivités territoriales qui ont joué un rôle de « buvard social »

Cependant, c'est surtout au sein de la fonction publique territoriale que les effectifs apparaissent élevés. Face à la montée du chômage et de la précarité, la pression exercée sur les élus a été particulièrement importante pour créer des emplois. Cette pression s'est faite particulièrement forte sur les maires, qui ont embauché de nombreux agents contractuels. Les élus ont dès lors joué ce qu'ils appellent un rôle de « buvard social ».

Le taux d'administration, qui se définit comme le rapport entre les effectifs employés par l'État et les collectivités territoriales (en équivalent temps plein)d'une part, et la population totale, d'autre part. Il permet de mesurer l'ampleur exact de la fonction publique d'État et territoriale outre-mer, en tenant compte des nombreux emplois à temps partiel. Ce taux, qui est de 32,7 dans la fonction publique territoriale des DOM, contre 22,5 au niveau national, met en évidence les sureffectifs qui existent dans les collectivités territoriales. Il faut cependant relativiser la comparaison des taux d'administration entre l'outre-mer et la métropole dans la mesure où le secteur privé est très peu développé outre-mer. Ainsi la fonction publique d'État occupe une place plus importante dans l'économie d'outre-mer que ne laissent transparaître les chiffres suivants.

TAUX D'ADMINISTRATION DANS LES DOM ET EN MÉTROPOLE EN 2000 (1)

DOM

Métropole et DOM

Fonction publique d'État

47,9

47,0

Fonction publique territoriale

32,7

22,5

(1) taux d'administration d'État et locale pour 1.000 heures.

Source : INSEE

L'importance numérique de la fonction publique territoriale est renforcée par le nombre élevé d'emplois aidés recrutés par les collectivités territoriales. Par exemple, en Guadeloupe, 13,5 % du nombre total d'agents communaux sont des emplois aidés. En moyenne, il y a 44 emplois aidés par commune.

Il convient de souligner que, contrairement à la métropole, les contrats « emplois-jeunes » prévus à l'article L. 322-4-20 du code du travail et conclus avec des collectivités territoriales ou des établissements publics des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été prolongés pour une période de 36 mois maximum au-delà de la durée fixée initialement, par une circulaire du ministère de l'outre-mer validée par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer. Leur répartition entre les différents DOM et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est la suivante :

RÉPARTITION DES EMPLOIS JEUNES DANS LES DOM

communes

autres coll. territoriales

établissements publics

associations

fondations

autres

emplois

créés

Guadeloupe

530

33

220

1.019

96

1.898

Guyane

111

3

103

637

38

892

Martinique

906

176

326

2.046

184

3.638

La Réunion

913

608

630

3.913

171

6.235

Total

2.460

820

1.279

7.615

489

12.663

Source : ministère de l'outre-mer

L'exemple des communes de Guadeloupe est particulièrement significatif. La Guadeloupe comprend environ 18.000 agents relevant de la fonction publique d'État, 15.235 relevant de la fonction publique territoriale et 4.250 de la fonction publique hospitalière. Sur les 13.00 agents employés dans les communes, 1.310 sont des contractuels et 1.500  des contrats aidés. Les sureffectifs sont estimés à 30 %. Le nombre d'agent par habitant est de 1/38 alors qu'il est de 1/58 en moyenne en métropole.

EFFECTIFS DES AGENTS COMMUNAUX EN GUADELOUPE

Effectifs agents communaux

Nombre agents en sureffectifs (1)

Ratio agent/habitant

Abymes

1.524

433

1/41

Anse-Bertrand

182

95

1/27

Baie-Mahault

745

334

1/31

Baillif

115

13

1/51

Basse-Terre

453

235

1/27

Bouillante

235

108

1/31

Capestere BE

394

55

1/49

Capestere MB

152

90

1/23

Deshaie

120

50

1/33

Désirade

86

58

1/18

Gosier

518

79

1/49

Gourbeyre

115

- 19

1/67

Goyave

164

67

1/34

Grand-Bourg

205

102

1/29

Lamentin

300

67

1/45

Morne-à-l'eau

473

176

1/36

Moule

521

160

1/40

Petit Bourg

484

128

1/42

Petit Canal

134

0

1/58

Pointe-à-pitre

1.114

753

1/20

Pointe Noire

180

47

1/42

Port Louis

143

46

1/39

Saint Barthélemy

101

- 17

1/67

Saint Claude

202

21

1/51

Saint François

252

68

1/42

Saint Louis

119

67

1/25

Saint Martin

573

71

1/50

Sainte Anne

500

147

1/40

Sainte Rose

477

173

1/36

Terre de Bas

60

38

1/21

Terre de Haut

67

37

1/26

Trois Rivières

166

14

1/53

Vieux habitants

235

102

1/32

Vieux Fort

57

29

1/28

Total

11.166

3.825

1/38

(1) Sureffectifs évalués à partir du ratio national agent communal/nombre d'habitants.

Source : Préfecture de Guadeloupe

C.- UN CONTRÔLE DE L'ÉTAT DÉFAILLANT

La situation délicate de la fonction publique, et plus particulièrement de la fonction publique territoriale dans l'outre-mer tient pour partie à un contrôle de l'État défaillant.

En effet, l'État a laissé les communes procéder à des embauches sans qu'un réel contrôle soit effectué. Il apparaît ainsi que des agents non-titulaires sont payés par les trésoreries sans que les arrêtés de recrutement de ces agents n'aient été transmis. Face une situation sociale tendue, l'État a « fermé les yeux » sur la croissance inquiétante des emplois dans les communes. Or cette situation est aujourd'hui néfaste pour les collectivités, comme pour les agents contractuels, qui n'ont pas de perspectives réelles de titularisation.

En conséquence, l'État n'a aujourd'hui qu'une connaissance imparfaite de l'ampleur réelle des effectifs de la fonction publique territoriale. Selon les centres de gestion de la fonction publique territoriale des départements intéressés, les effectifs réels de la fonction publique territoriale seraient en réalité supérieurs de 20 à 30 % aux statistiques officielles. Par exemple, ces statistiques ne prennent pas en compte les effectifs des caisses des écoles, qui sont pourtant relativement importants et qui représentent des dépenses de personnel élevées. L'importance de ces dépenses en Guadeloupe et en Martinique est rappelée en annexe du présent rapport.

Un rapport de l'Inspection générale de l'administration a dénoncé « l'indulgence » de l'État qui a laissé se développer l'emploi local non statutaire sans rien entreprendre pour promouvoir une solution spécifique et homogène.

II.- DES SPÉCIFICITÉS AUX CONSÉQUENCES NÉFASTES
POUR L'OUTRE-MER

Le système des compléments de rémunérations induit des conséquences néfastes pour le budget de l'État et des collectivités territoriales et pour les agents de la fonction publique eux-mêmes, mais aussi pour l'économie de l'outre-mer dans son ensemble.

A.- UNE ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ

1.- Entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires outre-mer

L'ensemble des compléments de rémunération instaure une disparité de traitement entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires en poste outre-mer. En effet, la mise en place de ces compléments de rémunération, et en particulier la « prime de vie chère », était justifiée notamment par la différence de niveau des prix entre l'outre-mer et la métropole dans les années cinquante et par la difficulté des conditions de vie outre-mer.

Celles-ci, au début du XXème siècle étaient certainement difficiles et pouvaient justifier la plupart des avantages accordés. Mais elles ont considérablement changé depuis : il fallait plus de trois semaines de bateau pour se rendre de métropole à La Réunion en 1950, il faut à présent 10 heures d'avion. Dans tous les départements et collectivités d'outre-mer, les infrastructures routières sont de très bonne qualité et les équipements publics se sont considérablement améliorés.

Il y avait sans doute un important différentiel de prix entre la métropole et l'outre-mer jusqu'au début des années quatre-vingt, compte tenu du coût des transports, d'un secteur commercial lacunaire et parcellisé et, à La Réunion, de l'utilisation (jusqu'en 1975) du franc CFA. Mais le développement des grandes surfaces, la concurrence -même relative- qu'elles se font entre elles et la généralisation du processus de désinflation, ont fortement réduit ce différentiel.

Il n'existe aucune étude récente sur le niveau des prix outre-mer. Une étude avait été confiée à l'INSEE en 1992 sur les écarts de prix entre la métropole et les départements d'outre-mer. Elle permettait d'aboutir à un double constat :

- les écarts de prix étaient d'importants entre les DOM et la métropole, mais beaucoup moins que les écarts de rémunérations ;

- et les écarts de prix s'étaient resserrés entre 1985 (date de la précédente étude de l'INSEE) et 1992.

Certes, certains produits, notamment de consommation courante sont plus chers qu'en métropole. Cependant, le différentiel de prix dépasse rarement 28%, comme le montre le tableau s PAR FONCTION DE CONSOMMATION

(Niveau des prix en région parisienne = 100)

Martinique

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Paris

Produits alimentaires, boissons, tabac

Articles habillement, chaussures

Logement, chauffage, éclairage

Articles de ménages, entretien maison

Services médicaux et dépenses de santé

Transports et télécommunications

Loisirs, spectacles, enseignement, culture

Autres biens et services

111,7

94,0

84,9

104,0

116,5

91,5

118,1

112,2

122,3

92,7

88,9

107,6

117,8

92,8

121,9

105,0

138,0

108,9

105,0

108,5

114,7

100,1

128,9

112,8

125,5

103,5

103,1

103,8

118,3

101,1

123,4

105,8

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Ensemble

104,9

106,3

116,3

111,4

100,0

Source : INSEE : « Tableaux économiques régionaux : Martinique »

L'analyse du différentiel de prix avec la métropole par l'INSEE dans le cadre d'une étude menée en 1998 sur La Réunion confirme la tendance observée en 1992. Selon les pondérations utilisées pour le calcul de l'indice des prix, l'écart entre les prix pratiqués à La Réunion et en métropole serait de ll,2% (indice 98, pondération 92) ou de 9,4% (indice 98, pondération 98).

Depuis 1992, les hausses de prix n'ont pas été très différentes entre la métropole et l'outre-mer puisque pour une hausse de 16,2% en France entière en 10 ans, la hausse a été quasiment identique en Guadeloupe (+ 16,3 %), un peu plus forte en Martinique et plus faible en Guyane. L'enquête effectuée en 1992 sur le niveau des prix entre les quatre zones n'est pas véritablement remise en cause au vu de l'évolution des prix de ces dix dernières années, et une enquête nouvelle n'aboutirait sans doute pas à des résultats significativement différents.

On peut donc estimer que le différentiel des prix entre la métropole et l'outre-mer est le suivant :

NIVEAU DES PRIX COMPARÉS ENTRE LA GUADELOUPE, LA MARTINIQUE,
LA GUYANE ET LA FRANCE ENTIÈRE EN 2002

(Métropole + outre-mer = 100)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

France entière

Rappel enquête 1992

110,0

120,5

108,4

100,0

Indices moyens 2002 en base 100 : 1992

116,3

113,4

118,2

116,2

Indicateur 2002

110,1

117,6

110,3

100,0

Source : INSEE

Votre Rapporteur constate donc que la réalité du différentiel de coût de la vie est sans rapport avec l'ampleur des surrémunérations.

A titre d'exemple, l'analyse effectuée par Bernard Pêcheur en 1996, montre que le niveau comparé des salaires annuels moyens dans la fonction publique, pour un indice de 100 dans la France toute entière, est de 143 à La Réunion, alors que le différentiel des prix entre La Réunion et la métropole serait de 9,5 à ll,2% .

NIVEAU DES SALAIRES ANNUELS MOYENS COMPARÉS DANS LA FONCTION PUBLIQUE
ENTRE LA RÉUNION ET LA MÉTROPOLE 1996

(en euros)

Salaire annuel moyen

Ensemble

Cadres

Prof. intermédiaires

Employés

Ouvriers

La Réunion

28.819

39.500

27.168

21.105

18.538

France métropol. + DOM + étranger

20.182

27.851

18.222

14.764

13.312

Niveau comparé traitements (France = 100)

143

141

149

143

139

Source : rapport de B. Pêcheur, observatoire des prix et des revenus à La Réunion, 1996

2.- Entre les agents titulaires et les agents non-titulaires

Le système des surrémunérations introduit aussi une inégalité de traitement entre les agents titulaires et les agents non titulaires. En effet, ces derniers, qu'ils soient contractuels ou vacataires ne bénéficient pas des compléments de rémunération dont bénéficient les agents titulaires ;

Cela induit des disparités importantes de niveau de traitements, comme le montre le tableau suivant. Dans les départements d'outre-mer, un agent titulaire dans la fonction publique gagne un salaire moyen 1,6 fois plus élevé qu'un agent titulaire. Dans la fonction publique territoriale, où les emplois à temps partiel sont plus nombreux et où le niveau de qualification est moins élevé parmi les agents non-titulaires, cette proportion est certainement plus forte.

SALAIRE MOYEN DANS LA FONCTION PUBLIQUE DANS LES DOM EN 2000

(en euros)

Salaire horaire moyen

Ttitulaires

17,1

Non-titulaires

10,7

Source : INSEE

Cette situation, notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales, a engendré des difficultés en raison des effectifs importants parfois constatés : ainsi, 13 000 employés communaux non-titulaires à la Réunion ne bénéficient d'aucune majoration.

3.- Entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé

Enfin, le système de surrémunérations crée une forte distorsion entre les entre les salaires du secteur public et ceux du secteur privé. Certes, les rémunérations dans le secteur privé sont particulièrement basses outre-mer. Cependant, comme le montre le tableau ci-dessous, la différence de salaire moyen entre le secteur public et le secteur privé est très supérieure au différentiel constaté en métropole.

SALAIRE MOYEN DANS LA FONCTION PUBLIQUE ET DANS LE SECTEUR PRIVE

(en euros)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

France

Salaire annuel moyen dans le public (1) (A)

30.223

30.319

30.932

27.744 (2)

Salaire annuel moyen dans le privé (2) (B)

17.086

17562

19.545

25.680

Ratio A/B

1,77

1,73

1,58

1,08

(1) en 1999

(2) en 2000

Source : INSEE

Il ne semble pas pleinement souhaitable à votre Rapporteur, d'un point de vue à la fois économique et social, qu'il y ait une telle disparité entre le secteur public et privé. C'est un frein au développement de l'emploi dans le secteur marchand et cela contribue, en outre, à aviver les tensions sociales.

B.- UN COÛT ÉLEVÉ

1.- Un coût élevé pour l'État

Il est très difficile de chiffrer le coût budgétaire des compléments de rémunération dans la fonction publique outre-mer. En effet, chaque ministère et chaque collectivité gère les salaires et les compléments qui y sont attachés. Aucune information sur le coût global n'est portée à la connaissance du Parlement. Le jaune budgétaire relatif aux rémunérations et aux pensions de retraites de la fonction publique ne contient pas ces informations : aucun complément de rémunération relatif à l'outre-mer n'y est chiffré.

A l'heure de la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, où l'évaluation doit être au cœur de la démarche budgétaire, cet état de fait n'est absolument pas satisfaisant.

De plus, les effectifs même de la fonction publique ne sont pas connus avec certitude. Il existe une véritable « zone grise » concernant les effectifs exacts de non-titulaires dans la fonction publique territoriale, comme votre Rapporteur l'a montré précédemment.

Différentes études ont cependant été menées qui permettent de prendre la mesure de l'ampleur du coût des surrémunérations :

- le rapport de Bernard Pêcheur, de l'Observatoire des prix et des revenus à La Réunion en 1996 estimait le coût global des surrémunérations à 1,22 milliards d'euros ;

- Eliane Mossé dans son rapport « Quel développement économique pour les départements d'outre-mer ? » en 1999, se réfère à une étude de la Direction des affaires économiques, sociales et culturelles de l'outre-Mer (DAESC), qui évalue le coût des surrémunérations à 910 millions d'euros, dont 300 millions d'euros pour La Réunion.

Complément de rémunération

Coût budgétaire

Prime de vie chère

1.367,9

Primes d'éloignement et d'installation

129,06

Majoration des retraites

158,8

Congés bonifiés

570,5

Total

2.226,26

De plus, il convient d'ajouter à ce coût la dépense fiscale résultant de la déduction d'impôt sur le revenu dont bénéficient les agents de la fonction publique comme l'ensemble des contribuables des DOM. La dépense fiscale globale est de 200 millions d'euros.

- Le coût des surrémunérations

Le coût des surrémunérations pour les agents de la fonction publique d'État dans les DOM peut être estimé à 839,4 millions d'euros, celui de la fonction publique hospitalière à 16,8 millions d'euros et celui de la fonction publique territoriale à 359,7 millions d'euros. Cependant, cette évaluation est faite à partir de statistiques disponibles, qui minorent très certainement de 15 à 20 % les effectifs réels des agents territoriaux. Le coût réel est donc très certainement supérieur. Le coût total de la prime de vie chère est donc de 1.367,9 millions d'euros.

COÛT DE L'INDEMNITÉ DE VIE CHÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT

Effectifs

coefficient

Coût

Départements d'outre-mer

La Réunion

28.235

1,53

258.632.600

Martinique

18.090

1,4

151.631.555

Guadeloupe

15.389

1,4

141.275.312

Guyane

12.215

1,4

63.149.092

Collectivités

d'outre-mer

Mayotte

3.453

-

-

Saint-Pierre-et-Miquelon

499

1,75

5.228.272

Territoires et pays d'outre-mer

Nouvelle-calédonie

8.927

1,73 à 2,08

92.463.696

Wallis-et-Futuna

460

2,05

5.645.875

Polynésie

11.020

1,84 à 2,08

121.399.626

Total

98.288

-

839.426.028

- Le coût de l'ensemble des indemnités d'éloignement

Selon les informations fournies par les préfectures de Guadeloupe et de Martinique, le coût global de l'indemnité d'éloignement dans les départements français d'Amérique est de 26,7 millions d'euros.

COÛT DE LA PRIME D'INSTALLATION ET DE SUJÉTION DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT DANS LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D'AMÉRIQUE

(en euros)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Culture

Agriculture

Éducation nationale

Économie et finances

Intérieur

Justice

Outre-mer

Équipement

Jeunesse et sport

Santé et affaires sociales

Travail

Université

Défense

Aviation civile

Centres pénitentiaires

35.608

-

-

1.022.628

1.960.948

14.162

-

259.148

-

145.644

-

-

-

-

-

-

-

4.041.833

970.188

580.068

573.937

110.879

266.073

-

36.852

-

871.502

99.540

718.299

4.817

126.776

280.931

9.844.672

1.279.333

1.438.320

247.968

137.926

492.380

75.326

128.552

58.485

-

-

-

916.310

Total

3.438.138

8.273.988

15.026.979

TOTAL

26.739.105

Source : Préfectures de Martinique et de Guadeloupe

Le coût total de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon, de indemnité d'éloignement dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte, et le remboursement des frais de déménagement induits par les mutations et affectations de fonctionnaires représente environ 129 millions d'euros. Il convient de souligner qu'une première étude d'impact sur la suppression de la prime d'éloignement et son remplacement par la prime d'installation indique que seraient concernés annuellement environ 3.000 fonctionnaires pour une économie induite de l'ordre de 15,245 millions d'euros.

- Le coût des majorations de retraites

En 2001, les dépenses afférentes à la majoration des pensions de retraites se sont élevées à 158,8 millions d'euros pour un nombre total de bénéficiaires de 22.529.

L'évolution du coût de cette indemnité est retracée dans le tableau suivant :

(en millions d'euros)

Année

Nombre de pensions abondées de l'indemnité temporaire

Coût de l'indemnité temporaire

1995

1999

2000

2001

17.329

21.019

21.359

22.529

120

141,3

147,6

158,8

Source : Cour des comptes

- Le coût des congés bonifiés

Les effectifs de fonctionnaires originaires d'un département d'outre-mer et susceptibles de bénéficier des congés bonifiés sont évalués à 70.000 agents, très représentés dans certains services (police nationale, hôpitaux et mairies de la région île de France). Le nombre de métropolitains concernés par le dispositif lorsqu'ils servent dans un département d'outre-mer, est faible sans être résiduel. Le coût global des congés bonifiés peut être estimé à 570,5 millions d'euros.

LE COÛT GLOBAL DE L'ENSEMBLE DES COMPLÉMENTS DE RÉMUNÉRATIONDANS LA FONCTION PUBLIQUE SELON LE RAPPORT PÊCHEUR

Le rapport Pêcheur, de juillet 1996, s'efforce d'évaluer le coût financier global de ces dispositifs.

En fait, il sous-estime les enjeux financiers : les données sont partielles pour les organismes publics et parapublics ; il n'a pas valorisé les congés bonifiés et vraisemblablement pas la prime de mobilité dans le sens DOM/métropole De même, il n'a pris en compte qu'une partie des bénéficiaires - notamment pour les actes médicaux et paramédicaux ; les charges sociales versées à raison de ces compléments de rémunération ne sont, semble-t-il, pas décomptées...

Cette étude étant néanmoins la plus récente et la plus précise, et l'approximation étant quasiment inévitable tant il est difficile de connaître ne serait-ce que le nombre exact de fonctionnaires des collectivités territoriales.

Sur cette base minorée, l'agrégat des surrémunérations atteint près de 1,22 milliards d'euros.

Sa structure appelle les remarques suivantes sur le poids relatif des différents éléments pour l'État :

- l'indemnité d'éloignement représente 7 % des compléments recensés (2,4 % de la masse salariale). On ignore son incidence financière dans les autres secteurs ;

- l'indexation spécifique à La Réunion représente 10 % du coût total des compléments de rémunération versés par l'État ;

RÉPARTITION DU COÛT DES CONGÉS BONIFIÉS À L'AP-HP EN 2002

(en millions d'euros)

Billets

Fret

Majoration de traitement

Mensualités

Traitement versé sur bonification

TOTAL

Coût

4,73

0,66

3,03

5,59

7,16

21,18

Source : Assistance publique - Hôpitaux de Paris

En outre, le Conseil d'État en 2001 a affirmé que la prime d'éloignement s'applique dans la fonction publique hospitalière et est prise en charge financièrement par les hôpitaux, ce qui n'a pas été fait avant 2001. Or cette indemnité d'éloignement représente un coût de 22 millions d'euros par an. L'application rétroactive et le paiement par l'AP-HP de l'ensemble du « stock » de primes d'éloignement pourrait représenter un coût global de 260 millions d'euros.

C.- DES FINANCES LOCALES OUTRE-MER DÉSÉQUILIBRÉES

1.- Des dépenses de personnels élevées

Les budgets locaux présentent une structure déséquilibrée, avec des charges de personnel supérieures à la moyenne nationale. Certes, les effectifs de fonctionnaires sont souvent supérieurs à la moyenne nationale, comme il a été montré précédemment. Pour autant, les compléments de rémunération, et plus particulièrement la prime de vie chère, pèsent aussi particulièrement sur les finances des collectivités territoriales. Par exemple, en Martinique, la prime de vie chère dans la fonction publique territoriale représente un coût d'environ 75 millions d'euros par an.

Le tableau suivant met en évidence l'importance des charges de personnel dans les budgets départementaux et régionaux des DOM :

PART DES CHARGES DE PERSONNEL DANS LES BUDGETS DÉPARTEMENTAUX
ET RÉGIONAUX DES DOM

(en %)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Métropole

Part des dépenses de personnel département

24,07

29

43

24

18

Part des dépenses de personnel région

18

12,5

11

12

3

Source : ministère de l'outre-mer, et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

De même, en Martinique, en 2001, les dépenses de personnel représentent 50 % des dépenses de fonctionnement, voire 65 % pour la commune de Fort-de-France.

A La Réunion celles-ci représentent 58,7 % des dépenses de fonctionnement des communes de plus de 10.000 habitants, et 64,4 % des communes de moins de 10.000 habitants. A titre de comparaison, en métropole, les charges de personnel représentent 38,05 % de frais de fonctionnement des communes de moins de 10.000 habitants et 48,44 % de frais de fonctionnement des communes de plus de 10.000 habitants.

Aujourd'hui, les collectivités territoriales d'outre-mer connaissent de situations financières souvent dégradées. Leur endettement est souvent supérieur à celui des collectivités territoriales métropolitaines. Certes, d'autres dépenses, comme celles d'infrastructures, pèsent aussi sur leurs budgets, cependant, les dépenses de personnel contribuent à aggraver leur situation financière.

Le tableau suivant compare l'anuité de la dette par habitant dans les conseils régionaux et généraux dans les DOM et en métropole :

SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LES DOM

(en euros par habitant)

Annuité dette/hab.

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

DOM

Métropole

Département

84,82

83

72

112

76

54

Région

91

61

132

39

59

22

Source : ministère de l'outre-mer, et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Il est aussi vrai que les recettes fiscales issues des impôts locaux sont souvent faibles, et inférieures à celle de métropole. Cependant, l'octroi de mer compense en grande partie la faiblesse du potentiel fiscal. La part de l'octroi de mer dans les recettes des collectivités des DOM est très significative. Pour les communes, l'octroi de mer représente 41 à 47 % des recettes fiscales.

De plus, les collectivités d'outre-mer perçoivent une dotation indirecte de l'État au titre du FCTVA (fonds de compensation de la TVA). En effet, ces dotations permettent aux collectivités territoriales de percevoir un remboursement de TVA pour les investissements qu'elles ont réalisés sur la base d'un taux normal de 19,6 %, alors que le taux normal de TVA est de 8,5 % en Guadeloupe et en Martinique et à La Réunion, et est nul en Guyane. Le différentiel entre le montant de TVA payé par les collectivités territoriales au titre de leurs investissements et les remboursements du FCTVA à ces mêmes collectivités est rappelé dans le tableau suivant. Ce différentiel représente 55 millions d'euros en 2003.

LES DOTATIONS AU TITRE DU FCTVA AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER

(en millions d'euros)

2001

2002

2003 (1)

Dotation FCTVA

88,7

111,8

110

Dotation FCTVA - montant TVA payé par collectivités territoriales

41,3

55,3

55

(1) prévisions

Source : direction générale du budget

La situation financière des collectivités territoriales d'outre-mer ne tient pas seulement à la faiblesse du potentiel fiscal. Certes, celui-ci est plus faible qu'en métropole, mais l'octroi de mer et les dotations au titre du FCTVA apportent des recettes substantielles et compensent en partie les faibles recettes des impôts locaux.

Votre Rapporteur tient à souligner que c'est donc bien le poids de la dépense qui handicape les collectivités d'outre-mer et non pas la faiblesse des recettes fiscales. Le niveau très élevé des dépenses de personnel constitue donc l'un des facteurs principaux de cette situation financière préoccupante.

Or l'État est amené chaque année, à octroyer aux collectivités d'outre-mer, en loi de finances rectificative, des subventions exceptionnelles d'équilibre, d'un montant non négligeable, qui servent en réalité, à couvrir des dépenses de fonctionnement, et notamment des dépenses de personnel. Ainsi,dans la loi de finances rectificative n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, ces subventions ont représenté 3,05 millions d'euros. Une telle situation n'incite pas à la responsabilisation des acteurs ni à une bonne gestion des finances publiques.

Ces subventions sont rappelées dans le tableau suivant :

SUBVENTIONS EXCEPTIONNELLES D'ÉQUILIBRE VERSÉES
AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DES DOM

(en millions d'euros)

LFR pour 2000

LFR pour 2001

LFR pour 2002

Montant subventions

1,07

11

3,05

Source : ministère de l'outre-mer

2.- L'exemple de la fonction publique en Guadeloupe

La situation financière des communes de la Guadeloupe est particulièrement délicate. En effet, sous la pression des syndicats, ces communes ont accordé la prime de vie chère aux non-titulaires, et ont procédé à un mouvement de titularisation, qui a alourdi considérablement les charges de personnels.

Ainsi, les dépenses de fonctionnement des communes de Guadeloupe représentent 75 % des dépenses, alors que les communes métropolitaines se situent à 60 % pour les communes de moins de 10.000 habitants et 69 % pour les communes de plus de 10.000 habitants. Cette situation est due à l'importance des frais de personnels. Ils représentent 55,46 % des frais de fonctionnement dans les communes de plus de 10.000 habitants, contre 48,44 % en métropole, et 55,87 % des frais de fonctionnement dans les communes de moins de 10.000 habitants, contre 38,05 % dans les communes métropolitaines. On observe donc qu'en Guadeloupe, les charges de personnel sont nettement supérieures aux moyennes nationales et singulièrement dans les petites communes. En outre, ces charges ont connu une progression importante puisqu'elles ont augmenté de 8,74 % en 1999, de 8,59 % en 2000, et de 6,78 % en 2001.

En 2001, la progression de la masse salariale s'explique par l'augmentation des rémunérations servies aux personnels titulaires (+ 16,58 % en 2001). En revanche, le poids de la rémunération des personnels non titulaires diminue fortement, de 26,1 %, traduisant la poursuite des plans de titularisation.

Certes, le montant des impôts locaux perçus au profit des communes de Guadeloupe se situe très en dessous des moyennes nationales. Cependant, l'octroi de mer compense en grande partie, comme pour les autres DOM, la faiblesse de ces recettes. En 2001, les communes de Guadeloupe ont perçu 112,5 millions d'euros au titre de l'octroi de mer. Il s'agit donc d'une recette très importante pour les communes de Guadeloupe, qui représente un montant pratiquement identique aux impôts locaux.

Dès lors, les recettes globales de ces communes sont similaires à celles des communes métropolitaines comme le montre le tableau suivant :

RECETTE PAR HABITANT DES COMMUNES DE GUADELOUPE ET DE MÉTROPOLE EN 2000

(en euros par habitant)

Communes de moins de 10.000 habitants

Communes de plus de 10.000 habitants

Guadeloupe

France entière

Guadeloupe

France entière

Recettes

1.198

1.223

1.350

1.601

Dépense de personnel

455

225

536

493

Source : Trésor public : Trésorerie générale de Guadeloupe

Aujourd'hui, les finances des communes de la Guadeloupe connaissent une situation préoccupante. L'année 2002 s'est caractérisée par une forte progression du nombre de communes en situation financière difficile. En effet, 16 communes sur les 34 que compte le département connaissent des difficultés financières identifiées, contre 13 en 2001. Le préfet a saisi la chambre régionale des comptes de douze comptes administratifs, au titre de 2001, sur le fondement de l'article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales. Le déficit cumulé de ces communes serait de 54 millions d'euros. En 2002, treize budgets primitifs communaux sont réglés par le préfet, après avis de la chambre régionale des comptes.

En réalité, les communes de Guadeloupe ne dégagent que peu ou pas de marge de financement. Selon la Trésorerie générale de la Guadeloupe, elles se trouvent dans une « situation extrêmement critique » avec les caractéristiques suivantes :

- les charges de personnel, constamment en progression, sont très élevées dans les grandes communes et plus encore dans les petites communes. Parfois la totalité des produits de fonctionnement couvre à peine le montant des charges de personnel. Les charges de fonctionnement de 70 % des communes ont une structure extrêmement rigide et obèrent toute possibilité de mise en place d'une politique de gestion ;

- 19 communes ne dégagent aucune marge d'autofinancement et se trouvent dans une situation alarmante ou préoccupante ;

- et l'absence de solvabilité de certaines communes de leur permet pas de recourir à l'emprunt. N'ayant pas la possibilité d'emprunter et ne possédant pas de capacité d'auto-financement, la plupart des communes ne peuvent que faire appel qu'aux subventions pour financer leurs équipements.

Cette situation financière est aggravée par un important passif de court terme. Les communes de Guadeloupe sont débitrices :

de créanciers publics : le département, les syndicats de communes et autres créanciers publics possèdent d'importantes créances sur ces communes. Ces créances n'ont fait l'objet d'aucun mandatement de la part des communes débitrices et les dépenses correspondantes ne sont pas prises en compte dans le montant de leur dette. Le montant de ces dépenses obligatoires non mandatées par ces communes s'élevait à 23,5 millions d'euros au 31 décembre 2001 ;

de créanciers privés : au 30 juin 2002, le montant des sommes dues par les communes de Guadeloupe, au titre de mandats émis non mer se caractérisent par une proportion élevée d'agents publics non titulaires. En effet, l'existence des compléments de rémunération constitue un frein important à la titularisation des agents non-titulaires. Par conséquent, certains agents conservent leur statut précaire pendant des années, sans pouvoir accéder aux garanties de la fonction publique.

TAUX D'AGENTS CONTRACTUELS DANS LA FONCTION PUBLIQUE DANS LES DOM

(en %)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Métropole

% agents non titulaires

44,2

60,8

52

71,2

23,9

% agents communaux non titulaires

16

52

24,8

79,89

-

Source : ministère de l'outre-mer

De plus, la proportion d'emplois aidés dans la fonction publique territoriale est particulièrement élevée, ce qui constitue un autre aspect de la précarité des agents employés dans la fonction publique territoriale.

La Réunion constitue l'exemple le plus significatif de l'importance de l'effectif des agents non titulaires et de leur situation précaire. En effet, La Réunion est le département français qui comprend la plus forte proportion d'agents non titulaires au sein de la fonction publique territoriale, avec un taux de 71,2 % d'agents non titulaires.

De plus, le niveau de formation est très différent de celui de la fonction publique d'État : à La Réunion, 46 % des agents de l'administration d'État ont un niveau égal au baccalauréat, contre seulement 16 % dans les collectivités territoriales. Plus d'un employé des collectivités territoriales sur deux est sans diplôme, contre un sur sept dans l'administration d'État. Une des principales explications de cet écart est l'emploi massif de contrats emplois solidarités (CES), personnel généralement peu formé par les communes : il y a 29 % de CES parmi les agents des collectivités territoriales, contre 7 % parmi les agents de l'État. Le temps partiel est également beaucoup plus présent dans les collectivités territoriales (33 % des emplois contre 11 % dans l'administration d'État).

La mise en œuvre de plans de titularisation se traduit par une baisse des effectifs non titulaires. Se heurtant à d'incontournables difficultés financières, de nombreuses communes avaient préféré, en concertation avec les organisations syndicales, signer, dans un premier temps, des protocoles d'accord établissant des grilles et même un statut afin de faire bénéficier leurs agents non titulaires d'un certain nombre de garanties soit de droit, soit de fait. La plupart de ces mesures sont intervenues en réponse à une forte pression syndicale voire, à un certain nombre de conflits. Dans tous les cas, la détermination de la rémunération par rapport à des indices n'implique pas le versement de l'indemnité de vie chère, laquelle est parfois explicitement exclue.

La mise en place des grilles de classification est à l'origine de relations tendues avec le contrôle de légalité. Le juge administratif a sanctionné ces dispositifs pour non conformité avec le statut de la fonction publique territoriale (Conseil d'État, 30 juin 1993, communes du Robert et de Ste Marie- Martinique). De même, le Conseil d'État, dans un avis du 16 avril 1996, a indiqué que les surrémunérations relevaient du régime indemnitaire. En application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, les collectivités territoriales pourraient donc décider de ne pas accorder la surrémunération aux fonctionnaires territoriaux, ou de retenir un taux inférieur à celui dont b&eacu des citoyens dans leurs relations avec les administrations permet d'octroyer des contrats à durée indéterminée à certains agents des DOM assurant des fonctions d'entretien et de gardiennage de services administratifs ou des fonctions dans les services administratifs de restauration ;

- la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale prévoit l'organisation de nouveaux concours réservés à partir de 2001.

Cependant, le coût des compléments de rémunération, et plus particulièrement celui de la prime de vie chère constitue un frein important à tout processus de titularisation. Les collectivités qui ont initié un tel mouvement, comme en Guadeloupe, connaissent aujourd'hui une situation financière très difficile.

b) Un taux d'encadrement insuffisant

Les effectifs nombreux et le faible taux des agents titulaires rendent la situation des collectivités territoriales d'outre-mer d'autant plus délicate que le taux d'encadrement est extrêmement faible. En effet, la grande majorité des agents employés dans les collectivités territoriales sont des agents de catégorie C. Seuls 4 % des agents sont des agents de catégorie A, contre 8,8 % en métropole.

La répartition par catégorie des agents des collectivités territoriales des DOM est la suivante :

RÉPARTITION PAR CATÉGORIE DES AGENTS DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DES DOM EN 2001

(en %)

Catégorie

DOM

Métropole

catégorie A

4

8,8

catégorie B

7,5

13,4

catégorie C

84,5

73,3

Source : ministère de l'outre-mer

2.- Le difficile accès à l'emploi pour les agents en poste en métropole

De même, en métropole, les compléments de rémunération posent un problème d'insertion professionnelle pour les agents originaires d'outre-mer.

En effet, depuis le 1er janvier 1995, les frais liés aux congés bonifiés des agents travaillant dans les collectivités territoriales sont, en vertu du i de l'article 3 de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, supportés, par la collectivité qui doit prendre en charge :

- un congé supplémentaire de 30 jours tous les trois ans ;

- les frais de transport pour l'agent, son conjoint (avec toutefois un plafonnement des ressources) et ses enfants à charge ;

- les coûts de fret ;

- et la prime de vie chère ; c'est-à-dire la bonification de la rémunération du département où est pris le congé pendant la durée de ce dernier.

Au total les congés bonifiés représentent un coût par agent de 8.150 euros (2), particulièrement lourd pour les collectivités territoriales. Par conséquent :

- les collectivités hésitent à embaucher des agents originaires d'outre-mer ;

- les agents originaires d'outre-mer ont peu de perspectives d'évolution de carrière car leur mobilité au sein de la fonction publique territoriale est limitée.

Votre Rapporteur tient à souligner que le droit à congé bonifié constitue désormais un élément de disqualification à l'embauche et à la mobilité, notamment dans le milieu hospitalier et dans la fonction publique territoriale. Dans ce dernier secteur, le libre recrutement sur liste d'aptitude, conjugué à la suppression de la prise en charge budgétaire par le CNFPT a conduit à des difficultés dans certaines communes.

Par ailleurs, la vérification de l'existence du centre d'intérêt matériel et moral fait l'objet d'interprétations différenciées entre les différents employeurs publics. Certains, afin d'éviter, le surcoût de ce congé se montrent particulièrement exigeants. Cette notion, quelque peu subjective, fait donc l'objet application différenciée, ce qui suscite un contentieux de plus en plus considérable.

2.- Une pression à la hausse sur le coût du travail

Les surrémunérations se sont diffusées progressivement à tout le secteur parapublic (banques, assurance), aux services juridiques, médicaux et paramédicaux. Elles servent de justification aux revendications salariales dans le secteur marchand, le rendant moins compétitif par rapport aux pays voisins.

Des conventions collectives spécifiques ont été signées dans certains secteurs prévoyant une prime de vie chère. Par exemple, en Guadeloupe, c'est le cas de l'hôtellerie (+ 25 %), des entreprises du secteur pétrolier (+ 25 %), du secteur de la minoterie (+ 50 %), et de la cimenterie (+ 40 %).

Dès lors s'instaure, au sein même du secteur privé, une économie à deux vitesses entre les salariés bénéficiant de compléments de rémunération, et les autres salariés, qui ont souvent des salaires moins élevés qu'en métropole. De plus, cette situation nourrit les revendications salariales et asphyxie le secteur des petites et moyennes entreprises pourtant principal moteur de la création d'emploi dans notre pays. Le manque d'attractivité salariale des PME risque de mettre en échec l'ensemble des mesures prévues par la loi de programme.

Votre Rapporteur considère que cette situation pose donc un réel problème d'attractivité économique dans une économie mondialisée où le coût du travail constitue un critère important d'implantation des entreprises. Les entreprises des DOM subissent la concurrence directe des entreprises des pays voisins, qui ont des niveaux de salaires beaucoup moins élevés.

COÛT DU TRAVAIL (ÉQUIVALENT SMIC MENSUEL)

(en euros)

Madagascar

Cuba

île Maurice

DOM

Coût du travail

34

14

220

2000

Source : rapport de M. Jean-Paul Virapoullé, remis au Premier Ministre le 12 mars 2003

3.- Un faible niveau d'investissement des collectivités territoriales

Le niveau élevé des dépenses de personnel pèse sur les budgets des collectivités territoriales, et en particulier sur ceux des communes : celles-ci ne peuvent consacrer qu'un budget limité en faveur de l'investissement. La faiblesse de l'investissement local fragilise les économies d'outre-mer où l'investissement privé est déjà moins élevé qu'en métropole.

L'exemple de la Guadeloupe est, à cet égard, significatif. Si les communes les plus importantes parviennent à maintenir un niveau d'investissement comparable à celui de la métropole, en revanche, les petites communes investissent peu puisque leurs dépenses d'équipement se situent 20 % au dessous de la moyenne nationale.

De plus les délais de paiement au secteur privé sont particulièrement élevés. Comme votre Rapporteur l'a précédemment souligné, au 30 juin 2002, le montant des sommes dues par les communes de Guadeloupe à des créanciers privés, au titre de mandats émis non réglés pour insuffisance de trésorerie, s'élevait à 21,5 millions d'euros.

Les entrepreneurs en Guadeloupe mettent en moyenne 2 ans à être payés par les collectivités territoriales, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'économie de l'archipel.

F.- DES HYPOTHÈQUES SUR L'AVENIR

1.- Les risques d'un mouvement de titularisation généralisé pour les finances des collectivités territoriales

Compte tenu de l'ampleur des effectifs de non-titulaires dans la fonction publique territoriale, un mouvement de titularisation généralisé, avec application des compléments de rémunération mettrait les collectivités territoriales, et plus particulièrement les communes, dans une situation financière très délicate.

L'application des compléments de rémunération en Guadeloupe a rendu la situation financière des communes très précaire. Il convient de rappeler qu'en 2002, 16 communes sur les 34 que compte le département de la Guadeloupe connaissent des difficultés financières identifiées. En réalité, ce sont 19 communes qui connaissent des difficultés financières.

Selon un rapport de l'inspection générale de l'administration, la ti en Polynésie française, et à Wallis-et-Futuna. Compte tenu de la situation actuelle du système de retraites en France, une telle généralisation aurait un coût extrêmement préjudiciable.

2.- Le risque d'une contagion dans le secteur privé

Le risque d'extension des compléments de rémunération, et plus particulièrement de la prime de vie chère n'est pas négligeable. Une telle dérive s'avérerait très dommageable pour des économies en concurrence avec des pays voisins où le coût du travail est beaucoup moins cher.

G.- UN SYSTÈME QUI SUSCITE LA FRAUDE

Les compléments de rémunération donnent lieu à des fraudes de la part d'agents qui détournent ces primes de leur objectif initial.

C'est notamment le cas des majorations de pensions de retraites dont bénéficient les agents titulaires d'une pension de l'État justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, et à Wallis et Futuna.

La seule condition posée au bénéfice de l'indemnité temporaire porte sur la résidence effective dans le territoire. Les décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 (pour les pensions civiles et militaires) et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 (pour les pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre) prévoient que les conditions de résidence doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ».

Une instruction de la direction générale de la comptabilité publique du 20 janvier 1982 (n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982) a défini les critères de cette condition de résidence :

- les absences du territoire ne peuvent dépasser « en une ou plusieurs fois quarante jours pour l'année civile. En cas d'absence plus longue, l'indemnité temporaire n'est payable qu'au prorata du nombre de jours de présence » ;

- une période probatoire de six mois de présence ininterrompue sur le territoire a été instituée avant le premier versement de l'indemnité temporaire et pour autant que le pensionné aura manifesté son intention d'y résider au moins neuf mois. Cette condition supplémentaire n'est pas applicable aux pensionnés originaires du territoire qui s'y réinstallent, aux pensionnés qui résidaient déjà dans le territoire lors de l'entrée en jouissance de leur pension, ni aux pensionnés qui viennent exercer une activité professionnelle dans le territoire.

En réalité, la condition de résidence, telle que préc spéciales d'identité qui auraient permis aux services du Trésor, via le fichier transfrontières de la police de l'air et des frontières, de s'assurer des dates d'entrée et de sortie des territoires.

Entre 1999 et 2001, le nombre de bénéficiaires a progressé de près de 7,2 % et la dépense de 12,4 % en euros courants. Cette croissance s'explique par la meilleure information diffusée sur le sujet par les services de retraite des administrations, la publicité donnée à la mesure par certaines émissions télévisées et par la baisse générale des tarifs aériens. Le tableau ci-après, qui porte sur les données de l'année 2000, permet d'appréhender plus précisément les effectifs ainsi que la répartition géographique des bénéficiaires :

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L'INDEMNITÉ TEMPORAIRE
ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE EN 2000

Majoration pension

Effectifs bénéficiaires

Montant

La Réunion

35

12.586

54,44

Saint-Pierre-et-Miquelon

40

259

1,41

Mayotte

35

369

1,37

Polynésie française

75

4.903

53,5

Nouvelle-calédonie

75

3.422

36,88

Total

-

21.539

147,5

Source : direction générale de la comptabilité publique, Cour des comptes

Ces chiffres correspondent à des montants d'indemnité très élevés, comme le montre le tableau ci-dessous :

MONTANT MOYEN DE L'INDEMNITÉ TEMPORAIRE SERVIE EN 2000

(en euros)

Pension civile

Pension militaire

Nouvelle-calédonie

13.980

10.900

Polynésie française

12.070

11.460

Mayotte

5.770

3.760

Saint-Pierre-et-Miquelon

5.750

5.270

La Réunion

620

620

Source : direction générale de la comptabilité publique, Cour des comptes

Durant le débat au Sénat relatif au projet de loi de programme en juin 2002 (3), un amendement a été déposé par le président et le rapporteur de la Commission des finances, MM. Arthuis et Marini, visant à supprimer le système de majoration des retraites, avec un avis favorable de la commission des finances. Cet amendement était motivé par le coût budgétaire élevé de cette majoration, son absence de justification réelle et par de nombreuses fraudes. L'amendement n'a pas été adopté, il a été cependant l'occasion, pour certains élus de reconnaître l'existence de fraudes et la nécessite de réformer ce système.

Ainsi, Anne Marie Payet, sénatrice de La Réunion, tout en se montrant réservée sur l'amendement, a affirmé : « Au risque de surprendre, je commencerai mon propos en indiquant que je suis tout à fait favorable à la suppression des indemnités qui sont versées à certains pensionnés n'ayant jamais travaillé outre-mer. (...). Ils sont chaque année près de cinq cents à se rendre à la Réunion pour y louer ou acheter un appartement, à la seule fin de disposer d'une adresse, unique formalité indispensable à remplir pour bénéficier de l'avantage en question. Cette adresse est en général fictive, car souvent ils ne font que passer et résident en réalité en métropole. Aucun contrôle sérieux n'est effectué. »

Votre Rapporteur rappelle que le nombre de pensionnés bénéficiaires de la majoration de la pension de retraite à La Réunion est de 12.586. Si 500 personnes se font domicilier fictivement chaque année, cela peut laisser supposer une proportion de fraudeurs particulièrement élevée.

III.- UNE RÉFORME DIFFICILE MAIS INDISPENSABLE POUR PERMETTRE LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L'OUTRE-MER

A.- UNE RÉFORME DIFFICILE MAIS INDISPENSABLE

1.- Une réforme difficile

Des tentatives de réformes ont déjà été menées dans ce domaine. Elles n'ont cependant pas abouties. Ainsi, Jean-Jacques de Peretti, alors ministre de l'outre-mer, avait présenté en 1996 un projet de réforme fondé sur le double principe du maintien du niveau de rémunération actuel des agents en poste et d'une réinjection sur place de l'intégralité des crédits d'État dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires, au profit d'actions en faveur de la création d'emplois. Ce projet pr&eacut suppression de l'indemnité d'éloignement régie par le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953.

L'auteur de l'amendement, Huguette Bello, député de La Réunion, justifiait cette initiative par le caractère anachronique et onéreux de cette prime : « dans le cadre du dernier plan de rattrapage dans l'éducation nationale à La Réunion, l'État devra verser, au titre de cette prime, environ 29 millions d'euros aux 700 nouveaux enseignants mutés, 53 millions d'euros si l'on compte le déménagement et le coût du voyage. Instituée à une époque où les conditions de transport et d'existence faisaient d'un séjour à La Réunion l'occasion de beaucoup de complications et de risques, la prime d'éloignement ne semble avoir désormais d'autre justification que l'avantageuse tradition qu'elle a créée. »

Les décrets d'application de cet article ont cependant tenu compte des difficultés rencontrées pour pourvoir les postes en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon puisqu'une indemnité particulière de sujétion et d'installation a été créé, pour les fonctionnaires de l'État, titulaires et stagiaires, affectés dans ces territoires. Ces dispositions ont été étendues aux magistrats et aux fonctionnaires de l'État affectés à Saint-Pierre-et-Miquelon. En outre, afin de favoriser la mobilité des fonctionnaires de l'État en fonction dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le décret n° 2001-1225 du 20 décembre 2001 a créé une prime spécifique d'installation, correspondant à 12 mois du traitement indiciaire brut de l'agent, pour les fonctionnaires de l'État et les magistrats des départements d'outre-mer affectés pour la première fois en métropole à la suite d'une mutation ou d'une promotion ainsi qu'à ceux qui y sont affectés à la suite de leur entrée dans l'administration. Ces dispositions ont été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette réforme n'a cependant pas permis de régler le problème global des compléments de rémunération dans la fonction publique outre-mer.

2.- Une réforme indispensable

a) Un constat dressé par de nombreux rapports

Nombreux sont les rapports qui ont dressé le constat de l'impact négatif des compléments de rémunération dans la fonction publique et de la nécessité d'une réforme.

Dès 1990, le rapport de la Commission sur l'égalité sociale et le développement économique dans les DOM, présidée par Jean-Pierre Ripert formulait les propositions suivantes :

- réduire les compléments de rémunération, en les limitant développement économique pour les départements d'outre-mer ? » remis en février 1999 au Secrétaire d'État à l'outre-mer déplore aussi les effets négatifs des compléments de rémunération pour les économies d'outre-mer. Elle estime le coût budgétaire des surrémunérations à 910 millions d'euros et souligne leur coût économique important : ces compléments « servent de justification aux revendications salariales dans le secteur marchand, le rendant par là même encore moins compétitif. Par ailleurs, les surrémunérations alimentent une société de consommation, et donc d'importation, alors que l'épargne additionnelle qu'elle génère ne s'investit pas, ou faiblement sur place, mais repart vers la métropole. » Le rapport conclut que cette situation n'est plus justifiée par le niveau actuel des prix et qu'une réforme est donc nécessaire. Les solutions proposées consistent à engager des concertations avec les responsables politiques et syndicaux des DOM, de mettre en place un blocage des rémunérations, tout en réinjectant les économies ainsi effectuées pour l'investissement et le développement de l'outre-mer.

De même, le rapport remis par Bertrand Fragonard, en mai 1999, au Secrétaire d'État à l'outre-mer : « Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi » insiste sur le caractère indispensable de cette réforme en soulignant les effets pervers des compléments de rémunération sur le plan économique, sur le plan politique, pour les finances des collectivités territoriales et pour l'emploi.

LES PROPOSITIONS DU RAPPORT FRAGONARD

Le rapport remis par M. Bertrand Fragonard en mai 1999 évalue, au-delà du strict coût financier, déjà considérable, les coûts économique, social et politique de ces majorations de rémunération.

Un enjeu économique : il constate que l'importance des surrémunérations dans la sphère publique pèse sur les prix et exerce une influence à la hausse des rémunérations dans le secteur privé, notamment dans l'encadrement intermédiaire. Il est très vraisemblable qu'elles dissuadent les employeurs publics - et l'État ne fait pas exception - de recruter à hauteur des besoins, comme s'ils récupéraient partiellement en effectifs le surcoût unitaire de leurs agents. Constater que ces surrémunérations se diffusent dans l'économie des DOM et font « tourner la machine » en entretenant la consommation ne suffit pas à les rendre acceptables : une partie de ce pouvoir d'achat est recyclé sur la métropole sous forme d'importations ou d'épargne.

Un enjeu politique : L'éclatement de la société des DOM entre un secteur à garantie d'emploi et à forte rémunération et un secteur exposé à salaires inférieurs, et enfin, à la marge de la société, une population en sous-emploi ou au chômage engendre des tension l'État : le scénario suggéré reposerait sur deux principes :

-  pour les agents actuellement en fonction, une réduction progressive du taux de majoration serait prévue et s'étalerait sur le long terme,

- pour les embauches, celles-ci se feraient au niveau où s'établirait le nouveau coefficient de majoration.

Il n'y aurait donc pas de système dualiste des rémunérations en fonction de la date d'embauche. Le coefficient « cible » pour 2007 serait fixé à 1,35 pour La Réunion (suppression du correctif CFA qui n'a plus de base réglementaire) et 1,33 pour les départements français d'Amérique (baisse de 1 point par an dans l'hypothèse d'une période de sept ans, retenue pour la loi d'orientation). L'effort ainsi demandé serait de 1,67 % par an à La Réunion et de 0,7 % dans les départements français d'Amérique. En contrepartie, le flux financier vers l'outre-mer serait maintenu afin de financer notamment davantage d'aides sociales.

pour les collectivités territoriales : elles devraient s'aligner sur l'État pour la rémunération des agents titulaires. La régularisation éventuelle des agents contractuels se ferait sans application des coefficients de majoration, afin de ne pas peser sur les finances locales.

Ce constat est aussi partagé par les parlementaires. M. Rodolphe Désiré, sénateur, lors du débat relatif à la loi de programme relatif à l'outre-mer le 22 mai 2003(4) a ainsi constaté : « Il faut avoir le courage de dire qu'il s'agit d'un véritable problème. Tôt ou tard, nous devrons le traiter, mais il faudra le faire avec prudence. En effet, il n'est pas envisageable que dans vingt ou trente ans l'économie des départements d'outre-mer repose sur des sociétés à deux ou trois vitesses. »

b) Une situation économique et sociale dégradée

La situation économique et sociale de l'outre-mer, qui reste très préoccupante justifie aussi pleinement une action volontariste de l'Etat pour permettre une réel développement.

Une situation économique fragile

Le secteur privé reste insuffisamment développé : le secteur public occupe une place d'autant plus prépondérante, qu'il a pallié les insuffisantes créations d'emplois dans le secteur privé.

Les entreprises d'outre-mer, situées à des distances minimales de 7.000 kilomètres de la métropole et du marché européen, sont pénalisées par des coûts d'approche très importants, l'essentiel de l'approvisionnement se faisant par voie a&ea entreprises.

Le tourisme constitue un secteur d'avenir pour l'outre-mer, car il est source d'emplois et de croissance. En Guadeloupe et en Martinique, les capacités d'hébergement ont fortement augmenté : plus de 50 % en huit ans pour la Martinique, et plus de 80 % en onze ans pour la Guadeloupe. Cependant, ces deux départements enregistrent une réelle baisse de fréquentation. En Martinique, la tendance à la baisse de 3 % de la clientèle hôtelière observée en 1998 et 1999, s'est confirmée en 1999 et 2000. La fréquentation touristique de l'île a diminué de 6,6 % pour le nombre total de visiteurs et de 14,6 % pour les croisiéristes. En Guadeloupe, le taux d'occupation des hôtels dépasse rarement 50 %. Malgré une légère croissance en 2000, le tourisme de croisière a connu depuis plusieurs années une forte dégradation (- 35,8 % de 1996 à 1999).

D'une façon générale, le secteur du tourisme outre-mer connaît aujourd'hui une grave crise. Les causes les plus souvent évoquées sont : l'augmentation du coût du transport aérien, la vive concurrence des prix et des prestations dans les îles voisines, notamment à Cuba et en République dominicaine, la vétusteté des infrastructures et leur mauvais entretien, une promotion insuffisante et plus généralement une politique touristique mal coordonnée.

- Une situation sociale préoccupante

L'outre-mer a bénéficié de la récente période de croissance et a connu de nombreuses créations d'emplois. Cependant, cette baisse n'a pas permis de résoudre le préoccupant problème du chômage. En effet, il est en moyenne deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Fin février 2003, le taux de chômage est de 24,7 % de la population active en Guadeloupe, de 19,2 % en Guyane, de 24,5 % en Martinique, de 27,3 % à La Réunion, contre 9,3 % en métropole. Certes, le nombre de demandeurs d'emploi a diminué ces dernières années. Cependant, la proportion très élevée de chômeurs de longue durée montre le caractère structurel de ce chômage et appelle à un soutien de l'État en faveur du secteur marchand.

CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE DANS LES DOM

(en  %)

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Ensemble DOM

métropole

% chômeurs de longue durée (1)

51,0

49,6

35,5

41,7

45,4

29,3

(1) Part des chômeurs de longue durée dans la DEFM (demandeurs d'emploi en fin de mois)

Source : ministère de l'outre-mer

De même, le taux de chômage des jeunes est très supérieur à celui rencontré en métropole comme le montre le tableau suivant :

TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES

(en  %)

1997

1998

1999

2000

Guadeloupe

54,4

61,4

61

57,5

Guyane

51,2

56,2

49,5

44,6

Martinique

63,1

57,8

60,1

49,3

La Réunion

62,2

57,9

60,9

60,8

Métropole

28,1

25,4

25,2

20,7

Source : INSEE

Enfin le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion est particulièrement préoccupant. Alors que pour 1000 personnes de 20 à 59 ans, le nombre de bénéficiaires du RMI est de 30,5 en métropole, il est de 128,5 en Guadeloupe, de 166,4 à La Réunion, de 112,9 à la Guyane, et de 146 en Martinique. Les titulaires du RMI sont environ 135.000 dans les départements d'outre-mer en 2001.

Le rapport Fragonard précité constate que si les économies des quatre départements d'outre-mer sont dynamiques et ont dépassé 4 % de croissance par an, taux supérieur à la métropole, en créant 113.000 emplois de 1982 à 1993, un décalage structurel persiste entre les créations d'emploi, d'une part, et la croissance très importante de la population active, d'autre part.

Cette situation sociale très préoccupante appelle plusieurs commentaires. En premier lieu, un tel de taux de chômage explique la pression forte qui s'est exercée et qui s'exerce encore sur les élus locaux pour créer des emplois dans la fonction publique territoriale.

En outre, un tel niveau de chômage et de précarité appelle une action volontariste de l'État pour permettre un développement économique important de l'outre-mer. Cependant, les politiques de l'emploi favorisant l'insertion professionnelle en créant des emplois dans le secteur non marchand montrent aujourd'hui leurs limites. Aujourd'hui le secteur public ne peut plus et ne doit plus servir de « buvard social » : seul le secteur privé sera à même de susciter le développement et le dynamisme propre à diminuer durablement le taux de chômage. C'est cet objectif principal que doit poursuivre une réforme des compléments de rémunération.

Enfin, le nombre très élevé de chômeurs et de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion rend encore moins légitime les avantages accordés aux fonctionnaires. Comme le souligne Bertrand Fragonard dans son rapport, l'éclatement de la société des DOM entre un secteur à garantie d'emploi et forte rémunération et un secteur exposé à salaires inférieurs, et enfin, à la marge de la société, une population en sous-emploi ou au chômage est profondément malsain. Il ne peut que renforcer le sentiment d'exclusion des jeunes et susciter des réactions contre la métropole.

B.- UNE RÉFORME QUI S'INSCRIT DANS L'ACTION DU GOUVERNEMENT

1.- La loi de programme pour l'outre-mer : favoriser une logique de développement économique

La loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer traduit des TRAVAIL PAR L'EXONÉRATION DE COTISATIONS SOCIALES

(en euros)

Base SMIC

(au 1/07/2002)

Salaire annuel

Montant annuel des charges (1)

Montant des exonérations

Loi 13/12/2000

Montant des exonérations

Loi programme

% du salaire brut

SMIC

13.851

4.016

4.016

4.016

29

1,1

15.228

4.416

4.416

4.416

29

1,2

16.621

4.820

4.820

4.820

29

1,3

18.000

5.220

5.220

5.220

29

1,4 (2)

19.391

5.623

5.220

5.623

29

1,5 (3)

20.776

6.025

5.220

6.025

29

1,6

22.161

6.426

5.220

6.025

27,2

(1) Calculé sur une base moyenne de 29 % de charges sociales de sécurité sociale

(2) Pour les entreprises des secteurs exposés

(3) Pour les entreprises des secteurs du tourisme, de la restauration de tourisme classé et de l'hôtellerie

Source : ministère de l'outre-mer

Par ailleurs, certains secteurs, comme le tourisme et l'hôtellerie, bénéficient d'un dispositif d'exonération de cotisations sociales renforcé.

L'objectif de cette réforme est donc clairement de créer des emplois dans le secteur privé, en baissant le coût du travail, particulièrement pour les bas salaires. Or, comme votre Rapporteur l'a démontré précédemment, les surrémunérations exercent une pression à la hausse sur les salaires. Une réforme du système de complément de rémunération dans la fonction publique renforcerait donc pleinement l'impact du dispositif d'exonérations de cotisations sociales de la loi de programme.

Par ailleurs, la loi de programme relative à l'outre-mer a réformé le dispositif de défiscalisation (régime d'incitation fiscale à l'investissement), afin de relancer l'investissement et ainsi créer des emplois. Or, une réforme du système de rémunération de la fonction publique permettrait aussi une relance de l'investissement. Elle offrirait aux collectivités territoriales la possibilité d'assainir leur situation financière et d'utiliser les économies réalisées pour financer des équipements structurants.

C'est donc clairement un projet de développement de l'outre-mer par un soutien au secteur privé que porte la loi de programme. Une réforme de la fonction publique, qui favorise l'investissement et la baisse du coût du travail s'inscrit donc pleinement dans cette logique et devrait donc accompagner efficacement ces réformes.

LES PRINCIPALES MESURES DE LA LOI DE PROGRAMME RELATIVE À L'OUTRE-MER

Le titre I de la loi de programme vise à encourager la création d'emplois par des mesures de soutien au secteur marchand. Le dispositif d'exonération de cotisations sociales, mis en place en 1994, est renforcé pour les entreprises qui subissent les contraintes liées à l'insularité et à la concurrence de pays où le niveau des salaires est plus bas. Par ailleurs, différents dispositifs visant à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion sont mis en place.

Le titre II permet l'amélioration des dispositifs de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer par les particuliers ou les dispositif spécifique amplifié de défiscalisation pour les investissements concernant les infrastructures touristiques hôtelières classées d'outre-mer. Il s'agit de créer les conditions nécessaires à un renouvellement rapide et de qualité de ces infrastructures, qui doit contribuer à un nouveau départ pour le secteur du tourisme dans les départements d'outre-mer. Ce secteur doit pouvoir devenir l'un des piliers de leur développement économique.

Le titre III propose des mesures permettant d'encourager l'accession sociale à la propriété de nos concitoyens modestes et d'encourager la modernisation du parc locatif social, qui souffre d'une vétusté marquée, accentuée par les conditions climatiques locales.

Le titre IV vise notamment à rappeler que les dotations de l'État aux collectivités d'outre-mer doivent tenir compte de leurs spécificités.

Le titre V prévoit la création d'une dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les déplacements aériens entre chacune de ces collectivités et la métropole. Cette mesure, particulièrement attendue, devrait inciter les compagnies à renforcer leurs offres de transport. Ce dispositif sera, en outre, complété par des exonérations de charges sociales pour les entreprises du secteur.

2.- Favoriser l'égalité entre l'outre-mer et la métropole

Par ailleurs, la loi de programme pour l'outre-mer favorise l'égalité de traitement entre l'outre-mer et la métropole, en créant une véritable fonction publique à Mayotte (article 64).

En effet, suite au référendum d'autodétermination des populations du TOM des Comores qui a vu les mahorais souhaiter rester Français, la loi du 30 décembre 1975 avait prévu l'intégration dans la fonction publique de l'État de Mayotte. Cependant, cette disposition législative n'a jamais été appliquée. En conséquence, les agents publics locaux étaient régis depuis plus d'un quart de siècle par des arrêtés préfectoraux, dont la validité juridique était très fragile.

Le maintien du statut hybride des agents concernés était en contradiction avec les règles inhérentes à la fonction publique de l'État puisque le statut général de la fonction publique établit un lien direct entre l'emploi public et la qualité du fonctionnaire.

La loi de programme pour l'outre-mer prévoit que les agents publics de Mayotte qui participent aux missions régaliennes de l'État seront intégrés dans la fonction publique de l'État. Par ailleurs, il est aussi prévu de créer une fonction publique hospitalière et une fonction publique territoriale. La loi fixe les principes généraux de l'intégration de l'ensemble des agents publics de Mayotte dans les trois fonctions publiques, et chômage et de redonner aux entreprises privées les moyens de créer des emplois.

Cette démarche, favorisant une logique de développement s'inscrit dans la lignée de la loi de programme pour l'outre-mer.

1.- Redonner des marges de manœuvres aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent investir et relancer l'économie

a) Créer un contrat spécifique dans la fonction publique territoriale

Une réforme prioritaire consiste à créer un contrat spécifique dans la fonction publique territoriale d'outre-mer, permettant de titulariser les agents non-titulaires de la fonction publique territoriale, sans appliquer cependant les majorations de rémunérations. De tels contrats sont déjà expérimentés à La Réunion, et mériteraient d'avoir un fondement législatif ou réglementaire.

Une telle réforme permettrait :

- de titulariser une grande partie des agents non-titulaires, sans mettre les collectivités territoriales dans une situation financière critique ;

- et d'offrir à ces agents la garantie de l'emploi et de réelles perspectives de carrière au sein de la fonction publique.

b) Aider les maires par un État plus rigoureux

L'État se doit de mettre en place un contrôle plus strict : il doit faire cesser les embauches non justifiées dans les collectivités territoriales, et être en mesure de connaître réellement les effectifs et les budgets de ces collectivités.

c) Une réforme très progressive du système de surrémunérations

Compte tenu des flux financiers que représente le système de surrémunérations, il apparaît essentiel à votre Rapporteur de conduire une réforme très progressive, sur le long terme. Elle pourrait ainsi consister à ne plus revaloriser les salaires, jusqu'à que le taux de complément de rémunération, corresponde véritablement au différentiel de prix avec la métropole.

2.- Permettre des évolutions de carrière plus attractives pour les fonctionnaires en poste en métropole

La suppression des congés bonifiés semble indispensable pour permettre des carrières plus attractives pour les fonctionnaires ultramarins en poste en métropole. Ces congés pourraient être remplacés par un système de chèques-vacances, attribués apparaît nécessaire afin de conduire efficacement ces réformes de mieux connaître le coût de la vie outre-mer et le différentiel des prix avec la métropole et les conséquences des compléments de rémunération sur la consommation et l'investissement. De telles informations permettraient d'orienter au mieux toute réforme, et d'éviter tout impact économique négatif.

5.- Suivre les recommandations de la Cour des comptes dans le domaine des retraites

Il apparaît indispensable à votre Rapporteur de mettre fin au système de majoration des retraites, mécanisme injustifié et coûteux.

Les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur les pensions civiles de l'État sont très claires : « l'heure n'est plus à de nouvelles -et très vraisemblablement vaines- tentatives de rationalisation. Il importe de mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée, d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite. »

6.- Réinjecter les économies réalisées dans l'investissement et les équipements de l'outre-mer

L'objectif de ces réformes étant d'aider le développement économique et social de l'outre-mer, votre Rapporteur tient à souligner que les économies budgétaires réalisées devront être réinjectées dans le financement d'investissements et d'équipements structurants outre-mer.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 24 septembre 2003, la commission des Finances a examiné, en application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, le présent rapport d'information sur la fonction publique d'État et la fonction publique locale outre-mer.

Votre Rapporteur a souligné que cette mission s'était révélée assez difficile à conduire dans la mesure où il existe peu de statistiques disponibles sur le sujet. Les majorations agissent sur la rémunération par l'application au traitement d'un coefficient multiplicateur qui est de 1,4 en Guadeloupe, en Martinique et à la Guyane, de 1,53 à la Réunion, de 1,75 à Saint-Pierre-et-Miquelon et d'environ 2 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna. Les fonctionnaires bénéficient aussi d'une indemnité particulière d'installation et de sujétion en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon et du versement d'une prime spécifique d'installation pour les fonctionnaires ultramarins en poste en métropole. Est aussi versée une indemnité d'éloignement dans les collectivités d'outre-mer à statut particulier en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte. Les frais de déménagement induits par les mutations et affectations des fonctionnaires sont rembours&e l'État défaillant. L'État a laissé les communes procéder à des embauches sans qu'un réel contrôle soit effectué et il n'a aujourd'hui qu'une connaissance imparfaite de l'ampleur réelle des effectifs.

Ces spécificités de la fonction publique outre-mer ont des conséquences néfastes. En premier lieu, les compléments de rémunération instaurent une inégalité de traitement entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires en poste outre-mer. Selon une étude de l'INSEE de 1992, le différentiel des prix avec la métropole est de 10 % en Guadeloupe, 17,6 % en Martinique, 10,3 % en Guyane. En 1998, l'INSEE a constaté que le différentiel des prix avec la Réunion était de 9,5 à 11,2 %. La réalité du différentiel du coût de la vie est donc sans rapport avec l'ampleur des surrémunérations. Le système des surrémunérations introduit aussi une inégalité de traitement entre les agents titulaires et les agents non titulaires. De plus, il représente un coût élevé pour l'État qui peut être estimé à 2,2 milliards d'euros. La dépense fiscale résultant de la réduction de l'impôt sur le revenu s'élève à 200 millions d'euros et la dotation indirecte que reçoivent les collectivités au titre du fonds de compensation de la TVA représente 55 millions d'euros. Par ailleurs, ces compléments entraînent un niveau très élevé de dépenses de personnel et constituent l'un des facteurs principaux de la situation financière préoccupante des collectivités d'outre-mer. Ils représentent un facteur de précarité, car ils constituent un frein important à la titularisation des fonctionnaires et un élément de disqualification à l'embauche et à la mobilité en métropole pour les fonctionnaires ultramarins. De plus, les compléments de rémunération pèsent sur les prix, alimentent l'inflation et provoquent une hausse des salaires dans le secteur privé. Ils constituent une cause importante de la faiblesse des investissements des collectivités territoriales. Par exemple, les entrepreneurs de Guadeloupe mettent en moyenne deux ans à être payés par les collectivités territoriales. Ces compléments pourraient avoir des conséquences financières dramatiques en cas de titularisation de l'ensemble des agents non titulaires. Cela représenterait un coût de 153 millions d'euros à La Réunion et de 135 millions d'euros à la Martinique. En Guadeloupe, où des titularisations ont eu lieu, 19 communes sur 34 connaissent une situation financière préoccupante. Enfin, ces compléments de rémunération font l'objet de fraude de la part d'agents publics, qui détournent ces primes de leur objectif initial. C'est notamment le cas des majorations des pensions de retraite comme l'a montré la Cour des comptes dans son rapport sur les pensions civiles de l'État.

L'objectif des réformes proposées est d'encourager le développement économique de l'outre-mer et de lutter contre la précarité et le chômage. Cette démarche s'inscrit dans la lignée de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003. Il convient tout d'abord de redonner des marges de manœuvres aux collectivités territoriales pour qu'elle système de chèque-vacances. Afin d'encourager l'égalité entre l'outre-mer et la métropole, une réforme de la réduction de 30 à 40 % de l'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables ultramarins apparaît nécessaire. Il conviendra aussi de mener des études plus approfondies pour mieux connaître le coût de la vie outre-mer et le différentiel de prix avec la métropole. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, il est indispensable de mettre fin au système de majoration des retraites pour les nouveaux retraités. L'objectif de ces réformes étant d'aider le développement économique et social de l'outre-mer, les économies réalisées pourront être réinjectées outre-mer, pour financer les investissements et les équipements.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié le Rapporteur pour la qualité de son travail et l'effort d'analyse dont il a fait preuve. L'information contenue dans le « jaune » budgétaire est très insuffisante, puisqu'elle ne renseigne que sur le coût global. Le jaune devra comporter une analyse fine des différents postes. Le problème de la fonction publique outre-mer est particulièrement handicapant pour le développement de l'activité privée, en raison du fossé exagéré qui existe entre le public et le privé. Les réformes préconisées par le Rapporteur sont de nature à permettre un développement de l'emploi privé outre-mer.

Votre Rapporteur a précisé que, si les collectivités et territoires d'outre-mer disposent de moins de ressources fiscales que la métropole, l'ensemble net de leurs ressources se comparent avec celles de la métropole.

M. Michel Bouvard a rappelé que les problèmes de l'outre-mer constituent un sujet sensible. Il est essentiel de recueillir des éléments statistiques très précis et très fiables. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances peut être un facteur déclenchant, puisque c'est la question de la performance de la dépense publique qui est en jeu. Il ne faut remettre en cause ni la mobilité de l'outre-mer vers la métropole, ni les transferts de la métropole vers l'outre-mer, lesquels répondent à une exigence de solidarité. La bonne approche du débat est celle qui concerne la manière d'affecter des ressources en réorganisant le système de l'outre-mer. Il ne s'agit en aucune manière de contester la relation privilégiée qui existe avec l'outre-mer et de s'attaquer à la solidarité. Il faut veiller à ce que l'ambition de ce rapport d'information trouve des réponses concrètes.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que les débats de la commission des Finances ont pour but, non de reprendre de l'argent à l'outre-mer, mais de le redéployer au mieux et de s'attaquer à l'écart entre la fonction publique et le secteur privé.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunion style="text-align: justify">Votre Rapporteur a souligné la nécessité de réinjecter des crédits dans l'investissement et le développement des départements et territoires d'outre-mer.

M. Michel Bouvard a estimé nécessaire d'approfondir les études sur le coût de la vie outre-mer.

M. Jérôme Chartier a considéré que la partie concernant la défaillance du contrôle de l'État doit être approfondie et enrichie, afin d'apprécier véritablement la part des responsabilités de chacun des acteurs publics.

Votre Commission a autorisé la publication du rapport d'information, en application de l'article 145 du Règlement.

ANNEXE 1

LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER INSCRITE DANS LA LOI DE FINANCES POUR 2003

(en millions d'euros)

Article du code général
des impôts

Objet de la mesure

Résultat estimé pour 2001

Évaluation pour 2002

Évaluation pour 2003

Défiscalisation des investissements

163 tervicies, 199 undecies A

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer

205

205

205

199 undecies, 199 undecies A

Réduction d'impôt au titre des investissements outre-mer réalisés par les personnes physiques

115

120

90

199 undecies B

Réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés outre-mer

-

150

150

238 bis HA

Imputation sur le revenu global, sur agrément antérieur au 15 septembre 1997, des déficits industriels et commerciaux non professionnels correspondant à des investissements réalisés dans certains secteurs outre-mer

120

119

75

238 bis HA, 238 bis HC

Déduction revenus et bénéfices investis outre-mer

-

-

-

217 undecies
et 217 duodecies

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements

85

110

130

Total défiscalisation

525

704

650

Autres mesures

197-3

Réduction de 30 % pour les contribuables des DOM de la cotisation d'impôt sur le revenu résultant du barème (40 % en Guyane)

190

190

200

150 D-7

Exonération des plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir destinés à la création d'équipements neufs dans les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme dans les DOM

-

-

-

200 A

Réduction d'imposition forfaitaire au taux de 16 % des plus-values réalisées outre-mer par certains associés

1

1

1

208 quater

Exonération, sur agrément, des bénéfices en cas de création d'activité nouvelle

-

4

4

1655 bis

Exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l'entreprise pour les sociétés de recherche et d'exploitation minière

-

-

-

217 bis

Taxation, sur une base réduite, des résultats provenant d'exploitations situées dans les DOM (jusqu'au 31 décembre 2001)

35

36

36

231 bis N

Exonération des rémunérations versées dans les cadre des CES, CEC, emploi-jeune et dans le cadre de contrats d'insertion conclus avec les titulaires du RMI

-

-

-

231-2 et 5

Diminution du taux de la taxe sur les salaires dans les DOM

90

95

100

1043 A

Réduction de 50 % des tarifs des droits d'enregistrement et de timbre en Guyane

3

2

2

295

Exonération de TVA de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers

124

127

127

296

Taux réduit de TVA en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion

680

695

720

DM

Régime particulier de TVA des DOM/déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés

87

88

89

267

Exclusion des DOM du champ de la TIPP

61

62

62

DM

Exonération des véhicules militaires et des véhicules immatriculés dans les DOM et en Corse

-

-

-

Total autres mesures

1.271

1.300

1.341

Total général

1.796

2.004

1.991

LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER EN 2003

Les contribuables résidant fiscalement outre-mer bénéficient d'avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe intérieure sur les produits pétroliers ou encore de droits d'enregistrement. La « dépense fiscale » en faveur de l'outre-mer est estimée pour 2003 à 1.991 millions d'euros, dont 650 millions d'euros au titre de la « défiscalisation » (32 %)

Par ailleurs, les entreprises implantées outre-mer bénéficient, en applications des dispositions de la loi « Perben » de 1994, puis de la loi d'orientation de 2001, d'exonérations de charges sociales. Le coût des exonérations de charges sociales inscrit au budget du ministère des affaires sociales dans la loi de finances pour 2003 est estimé à 523,54 millions d'euros.

Le coût pour l'État en 2003 de la dépense fiscale et des exonérations de charges sociales devrait s'élever à 2.515 millions d'euros, soit deux fois et demi le budget proposé pour le ministère de l'outre-mer.

En outre, la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer a renforcé les dispositifs de défiscalisation et d'exonération de charges sociales. Le coût supplémentaire de ces réformes est estimé à :

38,4 millions d'euros au titre du dispositif d'exonération de charges sociales ;

164 millions d'euros au titre du dispositif de défiscalisation.

ANNEXE 2 :
LES DÉPENSES DE PERSONNEL DANS LES CAISSES DES ÉCOLES DE LA GUADELOUPE ET DE LA MARTINIQUE
EN 1995

DÉPENSES DE PERSONNEL DANS LES CAISSES DES ÉCOLES DE LA MARTINIQUE EN 1995

(en %)

Caisse des écoles

Personnel

charges totales

Ajoupa Bouillon

69,96

Anse d'Arlet

41,67

Basse-Pointe

55,72

Belle-Fontaine

76,36

Carbet

57,89

Case Pilote

56,73

Diamant

58,30

Ducos

67,69

Fonds Saint-Denis

71,26

Fort-de-France

71,64

François

72,56

Gros-Morne

62,26

Lamentin

68,36

Lorrain

71,73

Macouba

29,92

Marigot

63,84

Marin

64,66

Morne-Rouge

57,15

Morne-Vert

62,53

Prêcheur

52,20

Rivière Pilote

56,73

Rivière Salée

50,74

Robert

58,54

Sainte-Anne

60,37

Sainte-Luce

55,57

Saint-Esprit

61,08

Saint-Joseph

48,55

Saint-Pierre

49,29

Schoelcher

73,73

Trinité

73,96

Trois-Ilets

65,42

Vauclin

69,88

Total

66,06

DÉPENSES DE PERSONNEL DANS LES CAISSES DES ÉCOLES DE LA GUADELOUPE EN 1995

(en %)

Caisse des écoles

Personnel

charges totales

Abymes

74,77

Anse-Bertrand

75,07

Baie-Mahault

52,38

Baillif

49,45

Basse-Terre

70,27

Bouillante

70,67

Capesterre-Belle-Eau

75,24

Capesterre de M-G

76,13

Deshaies

33,05

Désirade

56,33

Gosier

71,02

Gourbeyre

50,20

Goyave

53,55

Grand-Bourg

71,42

Lamentin

40,56

Morne à l'Eau

47,07

Moule

39,90

Petit-Bourg

73,93

Petit-Canal

75,32

Pointe-à-Pitre

68,00

Pointe-Noire

46,09

Port-Louis

67,21

Saint-Barthélémy

25,14

Saint-Claude

51,42

Sainte-Anne

49,97

Sainte-Rose

42,54

Saint-François

71,92

Saint-Louis

78,23

Saint-Martin

58,43

Terre-de-Bas

86,78

Terre-de-Haut

70,62

Trois-Rivières

38,56

Vieux-Fort

67,15

Vieux-Habitants

65,50

Total

60,65

ANNEXE 3

LES CONTRATS AIDÉS DANS LES COMMUNES DE GUADELOUPE EN 2001

Employeurs

Communes

Indicateurs de contexte par commune

Structures des emplois aidés / communes

Nombre d'emplois aidés par agent territorial

Population

1

DEFMcat 1

nov 02

2

 % chômage

3

EJ

4

CEC

5

CES

6

CIA

7

Total emplois aidés

Fort de France

94.152

7.588

17,54

228

125

21

1

375

0,13

Lamentin

35.488

3.660

21,7

36

25

2

3

66

0,13

St Joseph

15.759

1.694

23,5

17

24

40

45

126

0,53

Schoelcher

20.839

1.667

16,7

110

212

7

116

445

0,58

Total Centre

166.238

14.609

18,89

391

373

70

165

999

0,23

Anses Arlet

3.463

367

23,85

6

10

2

0

18

0,21

Diamant

3.959

470

27,06

25

17

8

11

61

0,86

Ducos

15.233

1.339

19,6

15

1

4

2

22

0,13

François

18.533

2.142

25,55

20

3

13

74

110

0,42

Marin

7.269

1.126

33,26

19

25

8

62

114

0,94

Riv° Pilote

13.019

1.526

26,01

0

1

0

22

23

0,25

Riv° Salée

12.274

1.251

22,93

9

0

1

0

10

0,08

St Esprit

8.200

818

22,57

17

12

11

72

112

0,87

St Anne

4.152

575

28,56

30

11

6

15

62

0,68

Ste Luce

7.724

837

23,45

9

7

10

27

53

0,68

Trois Illets

5.150

675

27,47

15

11

11

0

37

0,47

Vauclin

7.795

980

29,47

46

14

0

50

110

0,66

Total Sud

106.771

12.106

25,12

211

108

74

335

728

0,49

Bellefontaine

1.521

137

21,54

19

28

16

20

83

1,08

Carbet

3.315

264

18,51

15

13

0

28

56

0,54

Case Pilote

4.046

371

18,4

17

28

2

14

61

0,73

Fds St Denis

945

61

14,52

4

4

1

0

9

0,21

Morne Rouge

5.392

493

21,3

9

5

0

37

51

0,46

Morne Vert

1.934

181

20,85

0

17

1

0

18

0,47

Prêcheur

1.844

145

22,21

16

15

0

15

46

1,48

St Pierre

4.439

484

26,4

0

8

0

43

51

0,61

Total Nord Caraïbe

23.436

2.136

21,01

87

116

20

157

375

0,58

Ajoupa

1.761

144

18,32

0

23

4

0

27

2,25

Basse Pointe

4.184

407

22,16

2

36

3

0

41

0,60

Gd Rivière

880

47

13,13

5

14

0

9

28

4,67

Gros Morne

10.633

1.77

26,13

5

18

0

0

23

0,18

Lorrain

8.234

805

22,75

22

5

0

0

27

0,18

Macouba

1.389

108

18,49

0

3

3

0

6

0,60

Marigot

3.655

434

26,97

6

41

14

16

77

2,33

Robert

21.174

2.526

26,84

33

12

1

190

236

0,63

Ste Marie

20.087

2.592

29,35

78

33

341

133

585

3,63

Trinité

12.883

1.422

24,14

51

0

4

51

106

0,84

Total Nord Atlantique

84.880

9.662

25,87

202

168

370

399

1.139

1,07

Total Nord

108.316

11.798

24,83

289

284

390

556

1.519

0,88

Total

381.325

38.513

22,26

891

765

534

1.056

3.246

0,43

Colonnes 1, 3, 4 : source SEPES - DTEFP

Colonnes 5, 6 : source CNASEA

Colonne 7 : source ADI

N° 1094 - Rapport d'information sur la fonction publique d'Etat et la fonction publique locale outre-mer (M. Marc Laffineur)

1 () Le « centre d'intérêt matériel et moraux » s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices concordants, parmi lesquels le lieu de naissance, le lieu de résidence des parents ou des ascendants proches, la propriété ou la location de biens immobiliers dans les départements d'outre-mer considérés, le lieu d'inscription de l'agent sur les listes électorales, les affectations professionnelles qui ont précédés son affectation actuelle.

2 () Source : Assistance publique - Hôpitaux de Paris

3 () Sénat :Compte rendu des débats, troisième séance du 22 mai 2003

4 () Sénat : Compte rendu des débats, troisième séance du 22 mai 2003