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N° 1836

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

DU TERRITOIRE (1), SUR LA RÉFORME DES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS

par MM. Louis GISCARD D'ESTAING et Jacques LE NAY

Députés

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Emile Blessig, président ; MM. Jean Launay, Serge Poignant, Max Roustan, vice-présidents ; MM. André Chassaigne, Philippe Folliot, secrétaires ; MM. Joël Beaugendre, Jean Diébold, Jean-Pierre Dufau, Louis Giscard d'Estaing, Jacques Le Nay, Alain Marleix, Mme Henriette Martinez, MM. Patrick Lemasle, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

INTRODUCTION 5

I. UN INSTRUMENT VICTIME DE SON SUCCÈS ? 7

A. UNE HISTOIRE DYNAMIQUE 7

1. L'outil d'investissement de la décentralisation 7

2. Un succès avéré 8

B. UNE MISE EN œUVRE DE PLUS EN PLUS DIFFICILE 9

1. Un contenu de moins en moins cohérent 9

2. L'impécuniosité de l'Etat 10

II. QUELLE RÉFORME POUR LES CONTRATS DE PLAN ? 13

A. UN DISPOSITIF QUI DOIT ÉVOLUER 13

1. Les orientations du Gouvernement 13

2. Préserver le caractère synthétique des contrats 14

B. DES CONTENUS MIEUX DÉFINIS ET PLUS RESSERRÉS 16

1. Une rationalisation bénéfique 16

2. Un accueil favorable 17

C. UNE GESTION PLUS SÛRE ET MIEUX ADAPTÉE 18

1. Garantir les dotations de l'Etat 18

2. Organiser la fongibilité des crédits 20

3. Améliorer l'outil administratif 22

D. QUELLE PÉRÉQUATION POUR LES CONTRATS ÉTAT-RÉGIONS ? 23

E. UN CADRE TEMPOREL RÉNOVÉ 25

1. Réduire la durée des contrats ? 25

2. Des rythmes à organiser 27

3. Un dispositif articulé en étapes 29

EXAMEN EN DÉLÉGATION 31

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 35

AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION 37

· M. Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale 37

· M. Marc Censi, président de l'assemblée des communautés de France, président de la communauté d'agglomération du Grand Rodez, maire de Rodez 49

· M. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l'Ariège, membre de l'assemblée des départements de France, député 61

· M. Alain Rousset, président de l'association des régions de France, président du conseil régional d'Aquitaine 69

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 83

LETTRE DU PREMIER MINISTRE AU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION 85

MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis plus de vingt ans, la mise en œuvre de la décentralisation s'est effectuée, pour l'équipement du territoire, par le canal d'un outil de coopération entre l'Etat et les régions, le contrat de plan Etat-régions. Les contrats actuellement en cours, les contrats 2000-2006, sont ainsi la quatrième génération d'un instrument dont le succès ne s'est pas démenti.

L'usage, comme il est logique, et aussi l'expansion du dispositif, ont cependant fait apparaître à la longue des difficultés de gestion, des rigidités d'exécution, voire des divergences d'appréciation sur la nature même des projets à insérer dans les contrats.

Vingt ans après le lancement de cet instrument, le Gouvernement a donc lancé une réflexion en vue de sa rénovation. Le 18 décembre 2003, le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, a arrêté plusieurs orientations pour une réforme possible.

Le Premier Ministre a décidé d'engager une large concertation sur l'avenir des contrats de plan Etat-régions. Il a souhaité recueillir l'avis de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique et social, ainsi que des principales associations d'élus.

C'est ainsi que le président de la Délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire a reçu du Premier Ministre une lettre lui présentant les orientations retenues par le Gouvernement pour la réforme des contrats de plan Etat-régions, et souhaitant que la Délégation puisse intégrer à son programme de travail une réflexion sur ces orientations et, plus largement, sur le cadre à donner à cette nouvelle politique.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a très facilement accédé à ce souhait : le suivi du dispositif des contrats de plan et de leur exécution est au cœur des compétences qui lui sont attribuées par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 qui l'a créée ; le 19 mai 2004, elle a donc décidé la création d'un rapport d'information sur la réforme des contrats de plan Etat-régions et en a désigné les rapporteurs. Ceux-ci, dans un souci de cohérence des travaux de l'Assemblée nationale, sont aussi, au sein de leurs commissions respectives, le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis des crédits de l'aménagement du territoire.

Comme le leur demandait la Délégation, les rapporteurs ont souhaité examiner l'ensemble des éléments des contrats de plan, de leurs réussites et de leurs difficultés. Ils ont procédé à de nombreux entretiens et effectué plusieurs déplacements auprès des services déconcentrés de l'Etat ainsi que des exécutifs régionaux. A leur demande, la Délégation a également procédé à plusieurs auditions, dont celle du délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale et celles des représentants des principales associations de collectivités locales. Leurs conclusions, ou plutôt les conclusions de la Délégation, portent ainsi sur l'ensemble des conditions de mise en oeuvre des contrats et proposent des évolutions sur l'ensemble des caractéristiques de ceux-ci.

I. UN INSTRUMENT VICTIME DE SON SUCCÈS ?

A. UNE HISTOIRE DYNAMIQUE

1. L'outil d'investissement de la décentralisation

De 1947 à 1992, la modernisation et l'équipement de la France en infrastructures se sont effectués au rythme quinquennal du Plan national. La décentralisation opérée à partir de 1981 ne pouvait pas être sans conséquence sur l'élaboration et la conduite du Plan. La loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification a instauré un exercice de planification à l'échelon régional, les plans de région. La loi prévoyait que « le plan de la région détermine les objectifs à moyen terme du développement économique, social et culturel de la région pour la période d'application du plan de la nation. » Le Gouvernement contrôlait la compatibilité des plans des régions entre eux ainsi qu'avec le plan de la nation.

A vrai dire, la loi instituait un autre instrument qui permettait à l'Etat une action plus directe que le simple contrôle : l'article 11 disposait en effet que l'Etat pouvait « conclure avec les collectivités territoriales, les régions, les entreprises publiques ou privées et éventuellement d'autres personnes morales des contrats de plan comportant des engagements réciproques des parties en vue de l'exécution du plan et de ses programmes prioritaires ». Le contrat de plan Etat-région découle directement de cet article.

Les contrats de plan Etat-régions se sont rapidement substitués aux plans des régions. La participation de l'Etat procure en effet aux budgets d'équipement des régions un effet de levier considérable dès lors que leurs programmes sont insérés dans des contrats de plan : la part de financement de l'Etat se situe aujourd'hui entre 40 % pour les contrats conclus avec l'Île-de-France et 63 % pour ceux conclus avec la région Limousin.

En même temps, l'Etat a trouvé dans ces contrats un instrument fort efficace pour faire prendre en compte par les régions ses propres choix : si la région entre dans les vues de l'Etat, elle peut voir l'équipement qu'elle projette financé pour moitié environ par l'Etat ; si elle s'écarte des projets de l'Etat, elle devra financer seule cet équipement.

2. Un succès avéré

Le dispositif a donc connu un rapide succès. La dynamique des contrats de plan Etat-régions a entraîné une progression régulière des volumes financiers des contrats. Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, M. Nicolas Jacquet, a ainsi exposé à la Délégation lors de son audition, le 19 mai 2004, que les contrats « représentent une somme substantielle de 35 milliards d'euros, financée à peu près à égalité par l'Etat et les régions ». Ces sommes représentent « à peu près trois fois les moyens de la première génération des CPER, soit 15 % à 20 % du budget d'investissement civil de l'Etat, 20 % à 25 % des budgets d'investissement des régions. » Ce montant de 35 milliards d'euros s'entend pour la totalité de la durée des contrats 2000-2006.

Après l'abandon de la planification par l'Etat, celui-ci ayant renoncé en 1992 à mener à son terme la procédure d'adoption du XIe plan, la durée des contrats Etat-régions a eu tendance à s'accroître. Alors que les deux premières générations de contrats (1984-1988 et 1989-1994) avaient strictement respecté le rythme quinquennal, la troisième génération de contrats de plan (1994-1998) a été prolongée d'un an, jusqu'à la fin de l'année 1999, pour tenir compte des importants retards d'engagements des crédits constatés les premières années. La durée des actuels contrats 2000-2006 a encore été allongée, pour pouvoir en faire les instruments de la distribution par l'Etat des fonds structurels accordés à la France par l'Union européenne. Les échéances des contrats, toujours dénommés « de plan », Etat-régions correspondent désormais à celles de la procédure européenne, et leur durée est de sept ans. L'importance du dispositif en a encore été augmentée. Le montant des fonds européens répartis par le canal des contrats 2000-2006 est en effet équivalent à celui des engagements de l'Etat ou encore des régions. Les fonds européens ont accru ainsi de moitié le montant des contrats de plan 2000-2006.

Le bilan du dispositif peut se lire dans la situation de l'équipement des régions. Le président de la région Aquitaine, et président de l'association des régions de France, M. Alain Rousset, a exposé lors de son audition par la Délégation le 7 juillet 2004 que : « les régions qui ont fortement contractualisé depuis les débuts sont celles qui, sur le plan des infrastructures ferroviaires, routières ou universitaires, sont dans une situation favorable. » De façon plus générale, comme l'expose le Premier Ministre dans sa lettre au président de la Délégation : « Ces contrats ont incontestablement fait avancer le dialogue entre l'Etat et ses partenaires territoriaux. Ils ont largement contribué à l'affirmation du rôle de la région en matière d'aménagement du territoire. Ils ont aussi permis de mener dans la durée un grand nombre de politiques de modernisation des territoires et d'optimiser la gestion par la France des programmes communautaires de développement régional. »

B. UNE MISE EN œUVRE DE PLUS EN PLUS DIFFICILE

Avec le temps, le remarquable succès du dispositif n'a pu cependant dissimuler les complexités, les rigidités voire les incohérences dans lesquelles s'effectuait une part de sa mise en œuvre. Ces difficultés sans cesse croissantes ont donc entraîné des récriminations parallèlement grandissantes.

1. Un contenu de moins en moins cohérent

D'abord, le recours croissant au dispositif a eu pour conséquence la multiplication des projets sans ligne directrice, conduisant à une sorte d'atomisation des contrats : les contrats comportent désormais beaucoup trop de toutes petites opérations.

Cette situation se traduit dans les budgets. Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale a ainsi indiqué à la Délégation que « sur le plan des finalités, il est vrai que dans les contrats de plan chaque ministère a voulu avoir sa ligne pour s'ouvrir les financements complémentaires des collectivités territoriales. Nous sommes allés vers un certain émiettement des actions, un certain saupoudrage. Nous avons 20 ministères partenaires, 170 types d'actions recensés. Pour le seul ministère de l'agriculture, nous comptons 50 lignes budgétaires intégrées dans le contrat de plan. »

Cette évolution a rendu beaucoup moins lisible les contrats de plan, et aussi beaucoup plus difficile leur gestion. On peut parler dans certains cas de confusion totale. Ainsi, les contacts des rapporteurs avec les services régionaux de l'Etat ont mis en évidence ce que M. Alain Rousset a également constaté : « dans un certain nombre de nos contacts avec les secrétaires généraux à l'action régionale et avec les services des conseils régionaux, a été mis en évidence le fait que personne en réalité ne sait quels sont les crédits nationaux qui sont inclus dans certaines lignes des contrats de plan Etat-régions.»

L'insertion dans les contrats de plan des crédits européens a apporté sa part à cet effet de brouillage. Certains crédits semblent avoir été utilisés par des communes à des projets aussi structurants que des salles polyvalentes. Si le président du conseil général de l'Ariège, M. Augustin Bonrepaux s'est, lors de son audition, inscrit en faux contre cette allégation, M. Alain Rousset a quant à lui exposé à la Délégation que : « il y a une dissémination trop grande de l'utilisation des crédits européens. Ils sont utilisés ici pour faire une piscine, là pour faire un équipement sportif. » Une communication faite à la commission des finances le 26 mai 2004 par M.  Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial des crédits des affaires européennes, sur les fonds structurels européens a fait aussi apparaître l'hétérogénéité des projets ainsi financés.

Inversement, le dispositif très incitatif de financement croisé a pu aussi conduire à loger précipitamment dans les contrats 2000-2006 des équipements certes extrêmement structurants, comme des lignes de chemin de fer, mais dont les dossiers n'étaient pas prêts. Dès lors, dans bien des cas, les travaux n'ont toujours pas commencé, après plusieurs années d'exercice, tandis que, parallèlement, les financements qui y sont affectés sont stérilisés : « Il est vrai que, quand la génération actuelle de contrats de plan a été signée, beaucoup de projets, notamment ferroviaires, furent intégrés. En fait, ils n'étaient pas prêts », a reconnu M. Nicolas Jacquet.

Enfin, l'Etat aurait aussi, inversement, contribué à l'incohérence du dispositif en se gardant bien de faire insérer dans les contrats de plan d'autres équipements structurants, afin d'éviter d'avoir à cofinancer des équipements dont les collectivités locales avaient en tout état de cause besoin de se doter, les contraignant ainsi à les financer elles-mêmes. Le maire de Rodez et président de l'assemblée des communautés de France, M. Marc Censi, a ainsi dénoncé devant la Délégation « des transferts de charges sans précédent, notamment sur l'université et sur les routes. Les deux contrats universitaires - U2000 et U3M  - ont été exemplaires : sur une compétence d'Etat, les régions, sauf l'Île-de-France, ont dû investir au moins autant que l'Etat, si ce n'est plus (...). Pour les routes nationales, cela a été d'autant plus sensible que certaines régions manquaient d'équipements routiers. (...) Pour les rocades de contournement des villes, la participation de l'Etat est complètement compensée par la TVA sur les travaux (...) : ce qui veut dire que l'Etat trouve le moyen de faire totalement financer une de ses compétences par les collectivités territoriales, au prétexte qu'elles sont d'accord. »

2. L'impécuniosité de l'Etat

Ainsi, une première série de difficultés serait née des modalités d'utilisation du dispositif, soit pour bénéficier des modalités attrayantes du financement qu'il permet, soit au contraire pour éviter d'être lié par les obligations qu'il comporte, indépendamment du statut, de l'intérêt, voire de la faisabilité des projets à financer.

L'exécution des actuels contrats est aussi marquée par une véritable crise de financement. De l'avis général, cette crise n'est pas seulement due aux surcoûts des programmes, même si l'évolution des coûts de certains d'entre eux est substantiellement supérieure aux estimations initiales. Elle n'est pas non plus due aux régions : celles-ci mettent bien en place, année après année, les financements prévus. La difficulté principale est liée à l'impécuniosité de l'Etat.

Nombre d'interlocuteurs des rapporteurs et de la Délégation ont mis en cause l'action conjoncturelle du Gouvernement sur les finances publiques. Les rapporteurs n'entendent pas nier cette action. Le Gouvernement veut garder la maîtrise des équilibres financiers publics. Pour cela, il est amené à limiter la dépense.

Les rapporteurs sont cependant surpris de la gravité des répercussions apparentes de cette action de régulation. M. Alain Rousset décrit ainsi la situation actuelle des projets : « les chantiers sont arrêtés et les collectivités locales votent des crédits pour payer les entreprises. L'année 2004, et vraisemblablement les années 2005 et 2006 seront malheureusement des années financièrement difficiles. »

Une analyse plus approfondie était donc indispensable. Dans une communication faite devant la commission des finances le 8 juin 2004, le rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire a tenté d'identifier et de pondérer les causes de la situation ainsi décrite. Il en résulte que si l'impécuniosité de l'Etat est bien au cœur de la situation actuelle, la crise du financement des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 par l'Etat s'est construite depuis le tout début de l'exécution de ces contrats.

Aux termes des données fournies par la DATAR, aux deux tiers ou presque de l'exécution des contrats 2000-2006, soit de 2000 à 2003, l'Etat n'avait délégué que huit milliards d'euros sur les 17,7 milliards d'euros prévus pour la totalité de la durée des contrats, soit moins de la moitié.

Cette situation est logique, a-t-on dit aux rapporteurs ; l'exécution des contrats commence toujours lentement ; les phases d'études, peu coûteuses, se prolongent facilement un peu au-delà des durées prévues ; ce n'est qu'après deux ou trois ans que les chantiers entrent en pleine activité ; alors, les montants consommés s'accroissent, et les volumes initialement prévus sont finalement consommés.

L'acuité de la situation proviendrait ainsi de la concomitance entre l'accroissement des besoins et l'actuelle politique de modération budgétaire.

Il reste qu'on peut s'interroger sur le devenir des fonds qui n'ont pas été dépensés en début de contrat. Les dispositions organiques relatives aux lois de finances permettent en effet que, pour les opérations en capital, les crédits non dépensés soient reportés sur l'année suivante. Dans ce cas, l'augmentation des prestations à payer entraînée par l'ouverture des chantiers trouve sa contrepartie dans les reports des crédits mis en place les années précédentes mais non dépensés.

Dès lors, l'actuelle politique de régulation ne devrait avoir qu'un effet limité sur la progression des projets. Si l'effet est aussi important que certains interlocuteurs de la Délégation l'ont décrit, c'est bien que les crédits de report des années peu consommatrices de crédits ne sont pas disponibles : en leur temps, les reports n'ont pas été ouverts.

Pourquoi cette situation ? Le président de la commission des finances, M. Pierre Méhaignerie a proposé une explication devant la Délégation : « il faut que chacun prenne ses responsabilités. (...). Lorsque nous avons fait les contrats de plan, le gouvernement précédent a fait voter de nombreuses lois. J'avais moi-même demandé des études d'impact sur les 35 heures, le programme de retour à l'emploi, les déficits de la SNCF et de la poste, qui se sont accrus... On peut affirmer que, compte tenu de ces dépenses de fonctionnement, qui ont progressé à des rythmes très élevés, il ne sera pas possible de tenir les contrats de plan. »

Autrement dit, au moment même où il prenait ses engagements, l'Etat aurait pu savoir qu'il ne pourrait pas les tenir. La tentation de l'effet d'annonce induite par la solennité du dispositif, puisque les contrats de plan sont pluriannuels et comportent un programme diversifié, l'aurait ainsi emporté sur la réalité du possible.

II. QUELLE RÉFORME POUR LES CONTRATS DE PLAN ?

A. UN DISPOSITIF QUI DOIT ÉVOLUER

1. Les orientations du Gouvernement

L'évolution des contrats de plan Etat-régions a amené dans un premier temps le Gouvernement à provoquer une mise à jour des contrats 2000-2006. La moitié des contrats a été révisée en 2003, l'autre moitié devrait finir de l'être en 2004.

Cependant, l'ampleur des difficultés et aussi leur diversité a suscité l'idée d'une réforme plus générale du dispositif lui-même. Comment améliorer les contrats de plan ? Comment leur rendre crédibilité, lisibilité, efficacité, réalisme ?

Une telle réforme apparaît d'autant plus justifiée qu'avec l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, un certain nombre de compétences partagées entre l'Etat et les collectivités locales, notamment les régions, vont devenir des compétences exclusives des collectivités. En conséquence, les projets du ressort de ces compétences partagées n'auront plus de raison de figurer aux contrats de plan.

Le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a permis au Gouvernement de recueillir les orientations d'une possible réforme des contrats de plan Etat-régions et d'en effectuer la synthèse.

Comme l'explique le Premier Ministre dans sa lettre au président de la Délégation, au premier rang des orientations arrêtées figure le maintien de la région comme partenaire contractuel privilégié de l'Etat.

Une deuxième orientation est l'évolution de la contractualisation vers des domaines moins nombreux relevant de responsabilités mieux clarifiées. « Dans le cadre de responsabilités mieux identifiées, écrit le Premier Ministre, le Gouvernement considère que la contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales reste le meilleur support d'une coopération réussie entre des régions aux compétences plus étendues et un Etat recentré sur un nombre restreint de politiques structurantes. » Sur ces bases, le Gouvernement propose que « les futurs contrats portent sur (...) un plus petit nombre de politiques structurantes ».

Troisième proposition, le Gouvernement envisage pour les contrats Etat-régions une « durée plus courte ».

Le Gouvernement propose également la mise en place de « cadres budgétaires plus stables, permettant aux partenaires d'honorer leurs engagements ».

Enfin, le Gouvernement souhaite que le nouveau dispositif comporte des éléments de péréquation : « le Gouvernement souhaite que cette nouvelle politique puisse se traduire par une plus forte modulation de l'intervention de l'Etat entre les régions, tenant compte des besoins propres à chaque région, de sa capacité contributive et des enjeux de solidarité nationale comme l'aménagement du territoire ».

2. Préserver le caractère synthétique des contrats

L'esprit des orientations du Gouvernement a fait l'objet d'un accueil globalement favorable. Ainsi, lors de son audition par la Délégation, au titre de l'assemblée des départements de France, M. Augustin Bonrepaux a déclaré : « Par rapport aux perspectives du CIADT de décembre 2003, des orientations intéressantes sont prises : la contractualisation, qui reste le meilleur support de coopération entre l'État et les régions, pour une durée de cinq ans au lieu de sept ans, un périmètre de contractualisation variable, un nombre plus restreint de politiques structurantes et la définition d'une plus grande péréquation entre les régions. »

Pour autant, certaines des orientations du Gouvernement suscitent moins d'adhésion que d'autres. D'autres orientations encore ne suscitent l'accord que sous certaines acceptions précises.

Tout en convenant qu'il était fondamental que les contrats comportent un volet stratégique, M. Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, a émis l'hypothèse, au cours de son audition par la Délégation le 19 mai 2004, que le système actuel des contrats de plan, dont le calendrier rythme l'ensemble des projets, puisse être remplacé par une sorte de planification en quelque sorte à la carte, projet par projet, chaque contrat étant conclu pour la durée prévisible du projet qu'il finance. « On pourrait même imaginer sur un plan technique que la durée des contrats dépende des actions elles-mêmes. Ainsi, pour réaliser un chantier ferroviaire, l'on pourrait très bien imaginer que le contrat d'exécution soit de huit ans s'il faut huit ans pour ce projet-là ; en revanche, la conduite d'un projet de recherche pourrait donner lieu à un contrat d'exécution de trois ans. »

Cette hypothèse d'évolution n'est pas celle qu'ont retenue les rapporteurs. Les auditions des principaux partenaires de l'Etat ont montré une nette réticence envers une réforme qui ferait éclater en quelque sorte les contrats de plan actuels en sortes de « contrats par projet » à la périodicité multiple et qui ne permettrait plus l'exercice d'une négociation globale entre l'Etat et les régions, dont chacun reconnaît l'intérêt stratégique. Lors de son audition par la Délégation, le 7 juillet 2004, le président de l'association des régions de France, M. Alain Rousset, a exposé que : « Le contrat de plan est un moment d'effervescence et de réflexion pour une région. (...) Si un certain nombre d'opérations ne sont pas sanctuarisées sur la durée, s'il n'y a pas un moment de réflexion sur une stratégie régionale contribuant à l'attractivité et au développement d'une région, alors on tue le contrat de plan. ».

Il est clairement apparu aux rapporteurs que, de par l'obligation qu'il impose d'une analyse globale des besoins d'investissement futurs des régions, le mécanisme des contrats de plan oblige l'ensemble des partenaires à procéder à une réflexion prospective, et à un travail d'analyse extrêmement précieux pour la hiérarchisation des besoins d'investissement et l'établissement des calendriers de lancement et de réalisation des projets.

Les régions se doivent de présenter des dossiers convaincants reposant sur des analyses approfondies. Soumis à des demandes nombreuses et d'inspiration très diverses, l'Etat ne peut trancher légitimement entre les demandes qui lui sont soumises que sur la base d'une réflexion approfondie sur l'aménagement et le développement durable du territoire.

L'une des contreparties de ce caractère global, les lenteurs de mise en œuvre ou les difficultés financières rencontrées dans l'exécution des contrats ne sont en aucun cas jugées comme de nature à justifier la remise en cause du dispositif lui-même. M. Alain Rousset indique que : « qu'il y ait un défaut d'exécution de 15 % du contrat de plan ne me gêne pas. Qu'il y ait un glissement des contrats de plan ne me gêne pas ; (...) il est normal que des opérations de cette importance aient un décalage ou un glissement d'une année ou deux. »

Les rapporteurs tirent la même conclusion. Le contrat de plan, de par son rythme et de par l'obligation qu'il crée à date fixe de hiérarchiser les priorités d'investissement, est un précieux instrument de planification et d'organisation du développement durable du territoire. Il est structurant par lui-même. Son principe doit donc être préservé.

Tel n'est pas forcément le cas de l'ensemble de ses caractéristiques actuelles. Si le contrat de plan doit rester un contrat pluriannuel d'ensemble pour la réalisation des équipements et des projets pour lesquels les compétences de l'Etat et des régions sont partagées, la Délégation a recueilli nombre de suggestions pour des réformes approfondies de plusieurs des éléments qui les composent. Celles-ci ont parfois porté sur des points autres que ceux évoqués par le Gouvernement. Elles ont fourni aux rapporteurs la matière riche d'une analyse qu'on trouvera ci-après.

B. DES CONTENUS MIEUX DÉFINIS ET PLUS RESSERRÉS

1. Une rationalisation bénéfique

L'une des principales propositions du Premier Ministre porte sur le contenu des contrats de plan Etat-régions. Il est proposé de concentrer les financements au titre des contrats de plan sur un nombre limité de projets structurants.

Cette proposition a d'abord pu susciter des inquiétudes de nature financière : concentrer les contrats de plan sur quelques projets, ne serait-ce pas d'abord diminuer les enveloppes budgétaires de ces contrats et donc ouvrir la possibilité pour l'Etat de se désengager du financement des équipements des régions ?

Les auditions conduites par les rapporteurs et la Délégation ont cependant fait apparaître que les partenaires de l'Etat n'avaient pas négligé d'analyser les conditions budgétaires de l'extension du domaine des contrats de plan Etat-régions.

Il a été exposé aux rapporteurs que nombre des dotations de l'Etat affectées aux contrats de plan pourraient bien en fait concerner des dépenses qui, en droit strict, devraient relever de la seule responsabilité de celui-ci.

Le classement de la construction de lignes ferroviaires d'importance nationale, et notamment de lignes de TGV, dans la catégorie des investissements partagés entre l'Etat et les régions paraît ainsi, rétroactivement, particulièrement audacieux. En quoi une ligne de TGV, qui, aussi bien, traversera une région sans s'y arrêter ou contribuera peut-être à en faire migrer le potentiel vers un pôle plus éloigné de Paris, peut-elle être considérée comme un investissement d'aménagement régional ?

Or, l'Etat n'a pas hésité à insérer des dotations prévues pour de telles lignes au sein des contrats de plan Etat-régions. Elles ont contribué à gonfler en apparence seulement les contributions de l'Etat aux investissements partagés entre l'Etat et les régions ; l'écart avec les dotations réellement mises à la disposition des contrats a été accru du fait de la non consommation d'une bonne part des crédits, nombre de programmes n'étant pas prêts à être lancés.

Plusieurs des interlocuteurs des rapporteurs, ainsi que des personnalités entendues par la Délégation ont aussi fait observer que l'Etat avait intégré au sein de sa part de financement des contrats de plan des crédits attribués par l'Union européenne au titre des fonds structurels. L'effort réel fait par l'Etat a donc pu sur ce point-là aussi être évalué de façon fautive.

Il s'avère ainsi que l'évolution des contrats de plan vers des domaines de plus en plus diversifiés, au-delà du financement des investissements relevant de la seule compétence partagée de l'Etat et des régions, a été une source de moindre cohérence des contrats et d'erreurs de perception sur les volumes de crédits affectés par l'Etat, et n'a pas eu pour conséquence un accroissement des financements de la part de l'Etat.

2. Un accueil favorable

Dans leur conception, les contrats de plan sont la double traduction des réflexions de l'Etat et de chaque région sur les investissements nécessaires à l'avenir de la région dans les domaines de financement commun.

Dans ces conditions, et compte tenu aussi de la confusion dans laquelle le domaine des contrats de plan s'était élargi, il n'était pas illogique que nombre de partenaires de l'Etat fassent bon accueil aux pistes de réflexion du Gouvernement, notamment celles relatives au recentrage des contrats sur un plus petit nombre de politiques structurantes, et qu'ils y voient un élément favorable pour une plus grande clarté des contrats de plan, et pour la rénovation de cet instrument. De fait, le président de l'association des régions de France, M. Alain Rousset a déclaré à la Délégation que chacun souhaitait « qu'il y ait pérennisation au-delà de 2006, mais sur des lignes plus resserrées et plus faciles à identifier de part et d'autre ».

La question est alors celle de la définition de ces projets structurants, ceux qui feront levier sur le territoire. Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale s'exprime ainsi sur ce point : « les contrats doivent être recentrés sur un nombre restreint de politiques structurantes. A ce titre, la stratégie de Lisbonne autant que celle de Göteborg conduiront à resserrer l'action des fonds européens sur quelques axes prioritaires : les infrastructures, la société de la connaissance, la recherche, le développement de l'emploi. Voilà les axes qui nous semblent prioritaires aujourd'hui ; cette nécessité de revenir aux actions structurantes et constitutives d'aménagement et de développement des territoires nous semble essentielle». Dans la même logique, l'association des régions de France considère que les domaines du tourisme, du développement commercial ou encore du développement rural devraient être désormais exclus des contrats.

Au contraire, par la voix de M.  Augustin Bonrepaux, l'assemblée des départements de France a fait valoir que « les projets structurants peuvent se monter au niveau des pays, des territoires, donc des départements. Pour citer un projet structurant : la modernisation des stations de sports d'hiver (...), les stations thermale (...). Un centre de « thermo-ludisme » peut générer une trentaine d'emplois ; à l'échelle d'un bassin où l'emploi est rare, c'est extrêmement important. » Il faut sur ce point observer que les contrats Etat-régions ne sont pas exclusifs de contrats avec d'autres collectivités territoriales. Des contrats entre l'Etat et d'autres collectivités pourraient, si l'Etat le souhaite, porter sur ces questions.

Quoi qu'il en soit, un recalage des contrats de plan sur un nombre limité de programmes structurants, décidés à la suite d'analyses convergentes de l'Etat et de chaque région apparaît comme de bonne méthode pour une revalorisation de la procédure des contrats de plan Etat-régions ; elle donnerait une meilleure lisibilité aux contrats, et permettrait une rationalisation de leurs financements, alors que l'extension du champ des contrats a abouti à une confusion qui n'est sans doute pas sans importance sur la gravité actuelle de la crise du financement des contrats de plan Etat-régions.

C. UNE GESTION PLUS SÛRE ET MIEUX ADAPTÉE

1. Garantir les dotations de l'Etat

Le financement des projets inscrits aux contrats est un élément essentiel à la solidité de ceux-ci. Il n'est pas toujours exempt de reproches.

Le Premier Ministre, dans sa lettre au président de la Délégation, évoque très précisément ce point : « le Gouvernement propose (...) que soient mis en place parallèlement des cadres budgétaires plus stables, permettant aux partenaires d'honorer leurs engagements. »

La Délégation ne peut que se réjouir de cette proposition. A vrai dire, les auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs montrent surtout des plaintes récurrentes des collectivités locales, notamment des régions, envers la mise en place par l'Etat des dotations promises. La question est donc d'abord celle d'une meilleure garantie de la mise en œuvre, année après année, de la part de co-financement de l'Etat.

Les rapporteurs sont bien sûr favorables à tout mécanisme qui permettrait de meilleures assurances sur la prévisibilité de ces dotations.

L'une des solutions évoquées devant les rapporteurs a été l'institution d'une sorte de « loi de programmation » qui regrouperait les crédits provisionnels destinés à la participation de l'Etat aux contrats de plan et les répartirait chaque année. Ainsi, le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, M. Nicolas Jacquet, expose-t-il que : « L'annualité budgétaire fait que le contrat n'est respecté qu'à partir du moment où chaque année le budget voté intègre les dotations correspondantes. Obliger l'Etat à un meilleur respect de ses engagements est une vraie question. Il faudrait trouver un outil financier pluriannuel permettant de garantir que ces financements seront effectivement apportés. »

Favorables bien sûr à une telle procédure, qui donnerait une plus grande lisibilité et une plus grande solennité à l'engagement financier de l'Etat envers les investissements programmés, les rapporteurs doivent cependant mentionner le caractère tout relatif de la sécurité qui serait apportée par un tel dispositif.

On connaît bien la source juridique de l'incertitude qui s'attache à la garantie annuelle de la disponibilité effective des dotations de l'Etat : ce sont les mécanismes prévus par la Constitution elle-même. La loi de finances, qui détermine à la fois recettes et dépenses de l'Etat, est votée chaque année par le Parlement, pour un exercice annuel ; et ce qu'une loi a décidé, une autre peut le modifier.

Il existe des domaines où l'Etat effectue une programmation pluriannuelle des investissements à engager. Le plus connu est celui de l'équipement des armées. L'Etat adopte régulièrement, tous les cinq ou six ans, des lois de programmation militaire qui prévoient les équipements à acheter ainsi que les montants à engager chaque année de la période couverte par la loi de programmation. En revanche, comme l'impose la procédure budgétaire, ce sont les lois de finances qui, chaque année, ouvrent les crédits de paiement qui pourront être dépensés.

L'expérience montre que les crédits ainsi ouverts peuvent différer parfois sensiblement des montants décidés par les lois de programmation. Sous la précédente législature, les crédits votés ont été chaque année inférieurs de 5 % à 10 % aux montants prévus par la loi de programmation militaire 1996-2002. Si tel n'est plus le cas aujourd'hui, c'est bien parce que chaque année l'arbitrage rendu au plus haut niveau de l'Etat tranche en faveur du strict respect des dispositions de l'actuelle loi de programmation militaire (2003-2008).

L'ouverture chaque année des dotations prévues suppose donc chaque année une décision politique en ce sens. Dans le domaine des contrats de plan, il est certain qu'une décision politique satisfaisante sera d'autant plus probable que les crédits sur lesquels elle portera s'inscriront dans des perspectives claires, bien identifiées et partagées par les habitants de la région. De ce point de vue une réforme portant sur une meilleure identification d'un nombre limité de projets structurants sera porteuse de conditions de financement meilleures et plus sûres pour ces projets. Poursuivant le propos ci-dessus relaté, M. Nicolas Jacquet l'expose assez clairement : « Il nous semble tout à fait indispensable qu'au-delà des actions elles-mêmes, il y ait une vraie vision stratégique : les futurs CPER peuvent être l'occasion d'un échange entre l'Etat et les partenaires territoriaux sur les grandes priorités d'aménagement du territoire de la région concernée.». M. Alain Rousset lui fait écho : « Pour que les engagements de l'Etat soient tenus, peut-être faut-il que les contrats de plan soient plus resserrés sur les compétences ?»

2. Organiser la fongibilité des crédits

Une mise en œuvre convenable des contrats de plan, une fois les programmes décidés, suppose un suivi de gestion et un suivi financier adéquats. Non seulement les financements prévus doivent effectivement être débloqués aux échéances fixées, mais l'état de réalisation des projets et la consommation des crédits qui leur sont affectés doivent faire l'objet d'un suivi permanent, de façon à pouvoir ajuster en permanence le calcul des besoins nécessaires à l'achèvement des projets et à mettre en place les éventuels financements complémentaires qui seraient nécessaires.

Au-delà de la sécurité des dotations de l'Etat, les rapporteurs ont pu relever au cours de leurs travaux des critiques récurrentes sur les conditions dans lesquelles les gestionnaires des fonds mis à disposition pour l'exécution des contrats de plan sont contraints de gérer ceux-ci. Sont mis en cause non seulement la profusion des lignes budgétaires concernées par chaque contrat, voire par chaque projet affecté à un contrat, mais aussi la rigidité d'emploi des crédits ainsi ventilés, et enfin la difficulté d'identifier, lorsqu'ils ne sont pas spécifiquement « fléchés », la part des crédits d'Etat correspondant aux contrats de plan Etat-régions. C'est le cas notamment pour les crédits du ministère de la culture.

La réalisation d'un projet peut faire apparaître des surcoûts par rapport aux prévisions. Certains projets peuvent s'avérer moins consommateurs de crédits que prévu. Enfin, la réalisation d'autres projets peut prendre des retards tels que les financements prévus ne trouveront pas d'emploi dans les limites du calendrier établi.

Or, dans la pratique actuelle, il est de fait impossible d'effectuer une gestion active des crédits en fonction de l'évolution des projets. Le projet qui s'avère plus coûteux devra être retardé pour rester dans l'enveloppe annuelle qui lui est affectée. On ne saurait transférer à sa réalisation les crédits économisés par la mise en œuvre peu coûteuse d'un autre projet, ou la non-réalisation dans les délais d'un troisième.

Les rapporteurs considèrent que cette situation n'est pas satisfaisante. Elle aboutit à retarder les équipements destinés à la Nation et à aggraver l'effet des crises de trésorerie ; ainsi, la crise actuelle touche l'ensemble des projets. Au contraire, une réelle fongibilité des crédits, dans la limite de la définition des projets signés lors de la conclusion des contrats, serait une mesure d'excellente administration pour la gestion des contrats de plan.

Certes, des éléments techniques existent d'ores et déjà qui permettraient une gestion plus fine de l'exécution des contrats de plan. Les décrets de virement permettent, au sein d'un même titre, de transférer des crédits d'un chapitre à un autre ; les décrets d'avances, accompagnés de décrets d'annulation, permettent le transfert de crédits d'un titre vers un autre. L'utilisation de ces mécanismes est habituelle, et pour des montants élevés, par exemple dans la gestion des crédits de fonctionnement et d'équipement du ministère de la défense. Il est cependant certain que, dès lors que les crédits attribués au financement des contrats de plan sont répartis entre plusieurs ministères, ce type d'exercice est rendu plus difficile. En pratique, il n'y a pas de transfert de crédits du titre VI (subventions d'équipement) d'un ministère à un autre.

On peut espérer que la répartition des programmes et missions qui sera finalement adoptée pour la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances en restructurant le cadre financier de l'action de l'Etat permettra une meilleure utilisation de ces mécanismes. Cependant, on ne saurait attendre passivement de l'entrée en vigueur de ladite loi organique une solution à l'ensemble des difficultés relatives aux procédures de dépenses des crédits affectés aux contrats de plan.

Deux des personnalités entendues par la Délégation ont évoqué les orientations d'une amélioration dans ce domaine. A propos des actuels contrats de plan, après avoir indiqué que : «  le cadre de réalisation est assez inadapté, 50 lignes budgétaires sur le ministère de l'agriculture et, au total, 200 lignes budgétaires », M. Nicolas Jacquet a exposé que : « Le contrat de plan aurait pu être une sorte d'outil territorial fongible où les crédits auraient été adaptés en fonction des priorités et du rythme d'évolution des projets. Il aurait sans doute fallu beaucoup de souplesse dans la gestion de ces crédits. »

Quant au président de l'assemblée des communautés de France, M. Marc Censi, il a exposé, lors de son audition du 25 mai 2004, qu'il serait bienvenu de faire appel « à une caractéristique qui n'est pas dans les habitudes et les traditions de nos finances publiques : avoir des lignes fongibles. Lorsqu'une réévaluation est effectuée à mi-parcours, il ne faut pas rester enfermé dans un cadre budgétaire qui ne permet pas, par exemple, de transférer des crédits routiers sur un projet touristique ou agricole. »

Les rapporteurs sont pleinement d'accord avec ces propositions. Dans le nouveau cadre, comme il aurait fallu le faire dans l'ancien, il convient d'organiser une fongibilité adéquate entre les subventions de l'Etat destinés à l'exécution des contrats de plan. Les gestionnaires de ceux-ci doivent pouvoir modifier, année après année, la répartition des dotations de façon à assurer la réalisation des projets dans les meilleures conditions notamment de temps et de rentabilité.

La répartition des crédits entre les projets doit pouvoir varier annuellement sur décision des gestionnaires des contrats de plan, dès lors qu'ils restent dans le respect de l'enveloppe globale pluriannuelle décidée par le projet.

3. Améliorer l'outil administratif

Les conditions administratives de gestion de projets sont elles aussi perfectibles. Il s'agit d'abord des outils de gestion courants. Les rapporteurs ont pu constater que, pour les mêmes contrats, les données pouvaient différer d'un pourcentage significatif selon qu'ils étaient communiqués aux rapporteurs par les secrétaires généraux à l'action régionale ou par la DATAR. Cette situation n'est pas raisonnable : le « reporting » public doit être doté de meilleurs instruments d'enregistrement et de compilation des dépenses. Il doit être organisé en un réseau informatique sûr permettant à l'ensemble des acteurs publics de disposer des mêmes chiffres au même moment. Le logiciel « Présage », mis en place pour le contrôle de la consommation des fonds affecté par l'Union européenne, serait sans doute sur ce point un bon modèle à suivre.

Les personnalités auditionnées ont également souligné les difficultés, voire les coûts supplémentaires, créés par l'insuffisante rationalisation du dispositif auquel les régions doivent s'adresser.

Le regroupement, en cours, en huit pôles des services déconcentrés de l'Etat autour du préfet de région est sur ce point un élément positif dont il faut se féliciter.

Cependant, en matière d'organisation déconcentrée de l'Etat, un effort doit aussi être fait valorisant le rôle du secrétaire général à l'action régionale de chaque préfecture de région.

D. QUELLE PÉRÉQUATION POUR LES CONTRATS ÉTAT-RÉGIONS ?

La péréquation entre collectivités locales est désormais une obligation inscrite dans la Constitution. Dans sa lettre au président de la Délégation, le Premier Ministre expose « qu'en matière de péréquation, le Gouvernement souhaite que cette nouvelle politique puisse se traduire par une plus forte modulation de l'intervention de l'Etat entre les régions, tenant compte des besoins propres à chaque région, de sa capacité contributive et des enjeux de solidarité nationale comme l'aménagement du territoire. »

Celle-ci apparaît déjà non négligeable : aux termes des propos de M. Nicolas Jacquet devant la Délégation, la part du cofinancement de l'Etat est d'ores et déjà diversifiée en fonction des régions : le financement de l'Etat représente ainsi 63,5 % du contrat de plan passé avec la région Limousin, et 40 % de celui passé avec la région Île-de-France.

Faudrait-il aller plus loin, et organiser, par exemple, un effort de péréquation exprimé par un ratio de cofinancement en fonction d'une position sur des indicateurs ? La pertinence des contrats de plan comme outil de péréquation financière peut être discutée. D'abord, les montants en jeu sont comparativement limités. Comme M. Nicolas Jacquet l'a indiqué à la Délégation lors de son audition, avec 2,5 milliards d'euros par an, la part de l'Etat dans les contrats de plan représente moins de 5 % du total des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.

De plus, une politique de péréquation financière s'exprimant à l'occasion des contrats avec les régions se heurte à deux difficultés supplémentaires. La première est l'impossibilité pour l'Etat d'ignorer les faiblesses des métropoles françaises en Europe. Comme l'expose le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale : « on note le très fort décrochage de nos grandes villes par rapport aux grandes villes européennes. Sur sept strates de villes de plus de 200 000 habitants, nous n'en avons, à part Paris, aucune dans les catégories 1, 2 et 3. La première, Lyon, figure en catégorie 4. Nous n'avons pas de villes qui rayonnent. Si nous inscrivons la politique des métropoles dans les CPER, on ne pourra plus faire de la péréquation ».

La seconde est soulevée par M. Marc Censi : « Il y a dans des régions riches des bassins d'emplois qui se trouvent dans des situations de reconversion extrêmement douloureuses, alors que dans certaines régions pauvres, des agglomérations font preuve d'une remarquable santé. C'est la raison pour laquelle analyser les disparités uniquement au plan régional ne me paraît pas suffisant. »

La conclusion apparaît assez claire : les contrats Etat-régions ne sont pas un instrument adapté à une politique de péréquation financière. C'est donc une autre approche de la péréquation qu'il convient d'y développer.

Les contrats de plan procèdent d'une réflexion prospective et stratégique sur les besoins de chaque région en équipements ou programmes structurants nécessaires pour lui permettre d'assurer durablement son développement. Ils sont donc la conséquence et la conclusion d'études approfondies de l'Etat et des régions. Les projets sur lesquels un accord se fait sont des projets adaptés à la situation de la région et à la nécessité desquels ont conclu à la fois les services de l'Etat et les exécutifs régionaux.

Dès lors, il revient à l'Etat, lorsqu'un tel projet a été identifié pour et par une région qui y voit un outil essentiel pour rattraper un retard clairement désigné, de lui donner les moyens dont elle manque pour développer ce projet. Comme le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale l'a exposé à la Délégation : « avoir des politiques structurantes et péréquatrices signifie aider les régions à rattraper leur retard dans un certain nombre de domaines. (...) Jouer sur les dotations globales, c'est procéder à de la péréquation passive. Des crédits sont accordés globalement et nous ne sommes jamais sûrs qu'ils seront affectés à des actions structurantes. La péréquation active consiste à se mettre d'accord sur la nécessité de procéder par grandes priorités. »

Les moyens accordés par l'Etat doivent l'être ainsi sur la base de l'analyse du projet et de son intérêt pour le développement relatif de la région, compte tenu de sa situation par rapport à ses homologues, et non sur des bases d'un ratio par exemple de potentiel fiscal. Les outils de la péréquation financière, celle que le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale appelle la « péréquation passive » restent les grandes dotations de l'Etat aux collectivités locales telles que la dotation générale de fonctionnement.

E. UN CADRE TEMPOREL RÉNOVÉ

1. Réduire la durée des contrats ?

Les premiers contrats de plan étaient construits, en référence au plan national lui-même, sur une durée de cinq ans. Après l'abandon, définitif, aux termes des propos de M. Nicolas Jacquet, du plan national, la durée de la génération actuelle des contrats de plan (2000-2006) a été fixée à sept ans, la génération précédente ayant été allongée d'un an en cours d'exécution.

Au cours de sa vie, un projet connaît des vicissitudes : sa réalisation peut connaître des retards, pour des raisons juridiques ou techniques. Des difficultés imprévues peuvent aussi en renchérir les coûts. L'évolution de la conjoncture générale aura aussi des répercussions sur la conduite du projet : une accélération de l'inflation renchérira les coûts d'exécution ; des difficultés économiques, entraînant des baisses de rentrées fiscales, pourront obérer son financement, parfois à des moments cruciaux.

De ce fait, plus la durée d'un contrat de plan est longue, plus la réalisation effective d'un projet peut s'écarter des prévisions faites lors de la conclusion du contrat de plan. Parmi les nombreux exemples cités aux rapporteurs on se bornera à citer celui des réalisations ferroviaires en région Île-de-France, parfois toujours au point mort à mi-contrat, ou encore les difficultés conjoncturelles actuelles du financement de certaines réalisations.

Les évolutions divergentes de la réalisation des projets ont elles-mêmes pour conséquence une gestion de plus en plus difficile des contrats au fur et à mesure qu'ils s'approchent de leur terme. En particulier, la répartition financière initiale des crédits affectés aux contrats de plan est, au fil du temps, de moins en moins adaptée aux réalisations à financer. Comme l'expose M. Marc Censi : « La maquette financière n'est pas négociable sur une durée de six ou sept ans. L'expérience prouve que cela ne marche pas. ».

L'un des remèdes proposés pour assurer une meilleure cohérence entre le calendrier de réalisation des projets définis par les contrats de plan et leur avancement effectif est la réduction de la durée des contrats. C'est l'une des propositions du Gouvernement, c'est aussi l'une de celles du Sénat.

Cette proposition a suscité des réactions partagées. Au nom de l'association des régions de France, M. Alain Rousset a ainsi exposé que « L'idée de raccourcir le contrat de plan est à mon avis erronée (...) ; il faudrait au contraire relancer les aspects de prévision, de long terme, de programmation pluriannuelle des politiques publiques plutôt que de les hacher comme elles peuvent l'être parfois aujourd'hui. ». Faisant référence à une durée de trois ans parfois évoquée, il a été très net : « Trois ans, ce n'est pas un contrat de plan ».

D'autres éléments ont été cités. Aussi, plusieurs intervenants se sont félicités de la bonne consommation des crédits européens permise par les actuels contrats de plan du fait de leur calage sur le processus d'attribution des fonds structurels. Or ce processus se renouvelle par sept ans.

Enfin, les procédures d'élaboration des contrats de plan sont complexes et longues. Les négociations sur les équipements ou les programmes à financer, celles qui portent sur le montant et le calendrier des financements, sont souvent ardues. Ces caractéristiques n'ont pas été sans influence sur le calendrier de réalisation des projets et, partant, sur l'évolution de la durée des contrats : elles sont en fait responsables de retards de réalisation considérables pendant la première année, voire une partie de la deuxième. On peut considérer que le passage de cinq à sept ans de la durée des contrats est aussi, entre autres raisons, une réponse pragmatique à cette situation.

Les rapporteurs se sont donc longuement interrogés sur les conséquences d'une réforme qui réduirait significativement la durée des contrats de plan. Une telle réforme n'aura-t-elle pas pour première conséquence, en rouvrant tous les trois ans le cycle des négociations, de réduire dans chaque contrat la part de la durée de celui-ci consacrée aux réalisations ? Des contrats de trois ans ne risquent-ils pas d'être des contrats où la phase de réalisation ne pourra s'ouvrir qu'au cours de la deuxième année, et ne s'épanouir véritablement que pendant la troisième et dernière année ? Le calendrier rapide de réouverture de négociations risque aussi d'avoir pour conséquences des incohérences dans le temps : dès lors que les réalisations pourront être peu avancées en fin de contrat, le risque est réel que le contrat suivant puisse revenir sur les projets élaborés par le contrat précédent.

Les investissements structurants sont par définition les instruments d'une politique de long terme. Il est sain qu'ils fassent l'objet de réflexions et de consultations approfondies. Celles-ci ne se périment pas non plus par trois ou cinq ans. Les contrats qui résultent de ces consultations doivent être conclus pour des durées qui permettent leur réalisation et excluent leur remise en cause pour des motifs conjoncturels.

La nécessité de conserver un cadre de long terme est du reste reconnue par le Gouvernement : le Premier Ministre, dans sa lettre au président de la Délégation, précise ainsi que « le nouveau cadre contractuel devrait, dans le même temps, permettre de mieux inscrire l'action publique dans une vision à long terme, ce qui suppose sans doute d'encadrer les contrats, lorsqu'il y sera fait recours, par de véritables documents ou orientations stratégiques élaborés au niveau national et régional. »

Le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale lui-même a exposé « qu'il est important de faire coïncider la stratégie de la région et celle de l'Etat. (...) D'où le besoin d'un cadre stratégique, qui peut être à la limite d'une durée plus longue que les sept ans des contrats de plan actuels. L'on pourrait imaginer un cadre stratégique sur une dizaine d'années. Les régions réfléchiraient à leur cadre stratégique, l'Etat réfléchit région par région à ses très grandes priorités et l'on essaye de rassembler les volontés dans un document de cadrage du contrat lui-même. »

2. Des rythmes à organiser

On voit bien que la difficulté est de réussir à articuler ensemble un cadre de formalisation et de définition des projets, un calendrier de réalisation et enfin des échéanciers financiers adéquats.

Lors de son audition par la Délégation, le président de l'assemblée des communautés de France, M. Marc Censi, a présenté un tel schéma général. Les rapporteurs citent ici l'intégralité du développement qu'il y a consacré :

« Il me semble que dans les politiques régionales, il y a deux types de respirations, de rythmes différents.  La première est une sorte de respiration à long terme, qui est conceptuelle et qui correspond à l'élaboration de schémas, tels les schémas de cohésion territoriale (SCOT), qui entrent dans cette respiration car ils sont élaborés pour une durée de 10 ou 12 ans, même s'ils peuvent être révisés à la marge. Les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme ont même eu une vie de 20 ans, le POS permettant de les mettre à jour au fur et à mesure des évolutions.

« La seconde correspond aux politiques que l'on met en œuvre dans le cadre contractuel. Et là encore, il y a deux temps de réflexion.

« Le premier correspond à la durée du mandat. Quand une nouvelle majorité prend la tête d'une région, en principe, elle a son programme ou du moins elle s'interroge sur ce qu'elle va réaliser. Or, il serait opportun qu'elle puisse négocier son contrat de plan. En revanche, la maquette financière n'est pas négociable sur une durée de six ou sept ans. L'expérience prouve que cela ne marche pas.

« Il conviendrait donc d'établir des contrats d'objectifs d'une durée de six ans qui coïncideraient avec les mandats politiques, avec des révisions à mi-parcours, qui permettraient d'avoir une véritable convention financière qui serait révisable, elle aussi, à mi-parcours.

« Ce type de schéma permettrait d'avoir trois temps : le temps de la réflexion stratégique, qui se traduirait par l'élaboration de schémas régionaux, plus ou moins normatifs, plus ou moins imposés aux autres partenaires ; une négociation en début de mandat, qui pourrait durer un an et qui permettrait de mettre en place un contrat d'objectifs pour la durée du mandat ; et enfin, à mi-parcours, en fonction de la réalité des projets, la révision de la maquette financière pour la dernière période après une évaluation. »

Le dispositif proposé aboutit ainsi, pour la formalisation et la réalisation des contrats, à une durée assez proche de la durée actuelle : six ans au lieu de sept. En revanche serait introduit au sein des contrats de plan un calendrier spécifique pour les conventions financières, dont la durée ne serait plus que de trois ans.

Cette proposition s'inscrit dans une convergence d'approche. Il faut évoquer ici la décision du Gouvernement de provoquer une révision à mi-parcours des actuels contrats. Il faut citer aussi une pratique développée par certains exécutifs régionaux : le président du conseil régional d'Aquitaine, M. Alain Rousset a exposé à la Délégation que lors de la conclusion des contrats 2000-2006, la région Aquitaine avait prévu « avec le préfet de l'époque, de modifier par avenant le montant des diverses opérations pour pouvoir adapter le contrat de plan et mettre les moyens sur les opérations les plus mûres. Bref, a-t-il ajouté, si la totalité des opérations ne peut pas se faire, l'aspect financier du contrat de plan doit pouvoir être aménagé de telle façon que le volume global du contrat de plan puisse être exécuté ».

Les rapporteurs sont donc tout à fait favorables à un tel dispositif, qui leur paraît devoir être encore plus opérationnel s'il était couplé à la mise en œuvre d'une véritable fongibilité des crédits destinés aux contrats.

La notion de contrats d'objectifs de six ans, c'est-à-dire calés sur le mandat des exécutifs régionaux, soulève cependant des problème sérieux. Si elle a suscité plusieurs réactions favorables, il faut observer que de tels contrats seront forcément en décalage par rapport à d'autres calendriers opérationnels : on a vu plus haut que celui des fonds structurels européens était de sept ans.

Ensuite, il n'est pas acquis que l'exécution du programme des contrats pourra s'accorder correctement au calendrier de renouvellement des mandats. Comme aujourd'hui, la phase initiale pourra durer ; comme aujourd'hui, l'évolution de la réalisation des projets divergera au fil du temps et comme aujourd'hui, certains projets demanderont, pour leur réalisation, plusieurs contrats successifs, pendant lesquels des alternances politiques auront pu survenir.

Dès lors, il n'apparaît pas de motif déterminant à ce que le calendrier des contrats soit rythmé par le calendrier politique.

3. Un dispositif articulé en étapes

Au terme de cette analyse, les rapporteurs sont conduits à formuler une proposition nouvelle : des contrats de neuf ans, subdivisés en trois étapes de réalisation de trois ans chacune.

Ce dispositif permettrait d'abord de bien prendre en compte la définition des projets de développement : il fournirait un cadre institutionnel solide pour la formalisation et la réalisation des projets structurants. Chaque contrat disposerait ainsi d'une image forte et d'axes charpentés. Les négociations continueraient à trouver la légitimité de leur complexité, voire de leur durée, dans l'importance des engagements auxquels elles aboutiraient. En même temps, l'impact de leur durée sur la réalisation du contrat de plan resterait comme aujourd'hui cantonné à une fraction limitée de la durée de vie du contrat.

La clause de rendez-vous triennal permettrait, elle, la réactualisation de la conduite du contrat. Les revues d'étape après trois ans comporteraient les éléments suivants. Il y aurait d'abord un examen de l'avancement de chacun des projets du contrat de plan : écarts de réalisation, crédits consommés, comparaison par rapport aux prévisions du contrat de plan. La constatation de la réalisation intégrale d'un projet serait l'occasion de le clôturer au sein du contrat de plan : en l'absence d'un tel dispositif, les avenants « tempêtes » de début 2000 sont toujours aujourd'hui partie intégrante des contrats de plan 2000-2006.

Les réallocations seraient effectuées dans les limites de la fongibilité des fonds dévolus aux contrats. Il n'y aurait pas de renégociation de l'enveloppe globale, qui resterait fixée par les termes du contrat. La seule exception pourrait concerner les ajustements pour tenir compte des effets de l'inflation.

La constatation de retards trop importants dans l'avancement d'un projet pourrait entraîner le renvoi des étapes suivantes de sa réalisation à un contrat futur, et en conséquence la libération des crédits qui y sont attribués pour l'achèvement d'autres projets prévus au contrat, mais dont la réalisation s'avère plus coûteuse que prévu, ou encore l'accélération de projets prévus au contrat, mais dont le calendrier de réalisation avait dû tenir compte des exigences budgétaires des projets qui seront finalement renvoyés. En l'absence d'un tel dispositif, des crédits restent inscrits aujourd'hui par exemple pour des projets ferroviaires dont on sait que la réalisation ne pourra pas débuter en cours des actuels contrats 2000-2006, et restent donc indisponibles pour le bouclage de projets en cours de réalisation, mais finalement plus coûteux que prévu par les contrats.

Une telle approche permettrait aussi de trouver un cadre à la solution d'une des difficultés de gestion des contrats de plan : l'écart parfois important entre les coûts prévisionnels des projets établis par les études préalables à la signature des contrats et les coûts réels constatés. La cause principale de cet écart s'avère être en effet l'insuffisant développement de ces études préalables. Bien qu'elles soient peu coûteuses au regard des réalisations, elles ne peuvent pas toujours avoir l'ampleur requise, leur financement n'étant pas prévu au titre du contrat en cours d'exécution. La clause de réaménagement permettrait donc aussi d'insérer les crédits, en tout état de cause limités, nécessaires à une qualité suffisante des études des projets à insérer dans les contrats de plan suivants ; elle concourrait ainsi à la qualité de la gestion de ces futurs contrats de plan.

Le dispositif proposé, que l'on pourrait résumer par la formule trois-six-neuf, aurait ainsi plusieurs avantages. Comme le souhaite le Gouvernement, il continuerait à garantir un cadre cohérent pour la définition et l'expression de la politique d'investissement partagé de l'Etat et des régions ; la lisibilité de cette politique serait ainsi assurée, au plus grand bénéfice du débat politique. En même temps, il fournirait les éléments de souplesse nécessaire face aux inévitables aléas de la réalisation de projets ambitieux.

De l'avis des rapporteurs, ce dispositif pourrait ainsi combiner au mieux de meilleures conditions de conduite des projets souhaités par tous et l'inscription de l'action publique « dans une vision à long terme » selon les termes du Premier Ministre dans sa lettre au président de la Délégation.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mardi 12 octobre 2004.

Un débat a suivi la présentation des conclusions des rapporteurs.

M. Jean Launay a demandé si l'attribution par l'Etat des fonds européens avait pu perturber la lisibilité, voire la gestion des contrats de plan Etat-régions, et si l'on pouvait valider l'hypothèse d'un usage de ces fonds par l'Etat aux fins de réalisation de ses propres politiques.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, a répondu que la distribution des fonds européens par le canal des contrats de plan avait perturbé la cohérence des périmètres des contrats. Ainsi, les fonds européens destinés à la Route Centre-Europe-Atlantique (RCEA) ont pu, selon les cas, être insérés dans les contrats de plan des régions qu'elle traverse, comme en région Auvergne, ou au contraire venir abonder de l'extérieur, en sus du contrat de plan, le programme d'équipement routier de la région, comme en région Limousin.

Un deuxième élément de perturbation est l'utilisation par l'Etat des fonds européens en appui à ses propres financements, voire en substitution de ceux-ci : l'exécution très médiocre du volet routier du contrat de plan entre l'Etat et la région Limousin contraste avec la bonne consommation des crédits destinés à la RCEA.

L'introduction de cette confusion a été facilitée par l'exacte correspondance des calendriers de l'actuelle génération de contrats de plan et du processus européen (2000-2006). Selon toute vraisemblance, cette correspondance ne pourra pas être maintenue pour la prochaine génération de contrats de plan.

M. Jean Launay a alors demandé aux rapporteurs si, à leur avis, les difficultés de l'Etat à financer sa part des contrats de plan étaient conjoncturelles et limitées, ou si elles avaient vocation à être durables.

M. Jacques Le Nay, rapporteur, a répondu qu'une des difficultés de financement des contrats provenait du rythme de consommation des crédits : les dépenses engagées s'avèrent toujours faibles les premières années ; l'effort est ainsi reporté sur les années suivantes ; dans ces conditions, la mise à disposition par l'Etat de crédits égaux chaque année est une faiblesse structurelle très sensible du dispositif.

Trois éléments pourraient permettre d'y remédier. Le premier est le provisionnement de crédits suffisants, dans chaque génération de contrats de plan, pour les études des projets qui seront réalisés au cours de la génération suivante. Ainsi les coûts effectifs de réalisation pourraient être aussi proches que possible des évaluations faites lors de la conclusion des contrats, et donc les financements provisionnés suffisants.

Le deuxième est le dispositif de revue proposé par les rapporteurs, qui doit permettre, en cas de besoin, la réorganisation triennale des financements au sein des contrats.

Le troisième tient au respect par l'Etat de sa propre programmation.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, a précisé que la non ouverture chaque année des reports de crédits s'était ajoutée, pour perturber l'exécution des contrats, au principe de mise à disposition des fonds par tranches égales. La forte hausse des besoins de financement en 2003 et 2004 ne s'est pas seulement heurtée à la politique gouvernementale conjoncturelle de modération budgétaire mais aussi à l'absence de disponibilité des crédits non consommés les années précédentes.

M. Jean-Pierre Dufau a demandé si la fongibilité des crédits préconisée par les rapporteurs devait s'entendre comme une fongibilité annuelle, entre les crédits affectés chaque année à l'exécution des contrats, ou si elle portait sur l'ensemble des financements prévus pour la totalité de la durée des contrats.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, a répondu que les rapporteurs demandaient au moins, dans un premier temps, que la fongibilité s'applique pour chaque contrat, annuellement à l'ensemble des lignes budgétaires de chaque ministère. Ils souhaitent ensuite, de la part du Gouvernement, des propositions pour remédier aux incidences du principe de l'annualité budgétaire sur la réalisation des programmations pluriannuelles.

Rappelant alors qu'il avait fallu, pour achever le programme des contrats de plan de la génération précédente, allonger la durée de ceux-ci d'une année, il a estimé qu'il n'était pas exclu que l'achèvement du programme des actuels contrats impose d'allonger leur durée d'une ou deux années supplémentaires.

M. Serge Poignant s'est réjoui de la conclusion des rapporteurs aux termes de laquelle les contrats de plan Etat-régions, malgré leurs difficultés actuelles, étaient un bon outil.

Il a ensuite salué l'intérêt et la cohérence du dispositif élaboré par les rapporteurs. Des contrats de neuf ans, revus tous les trois ans, couplés avec l'introduction d'une fongibilité des crédits, permettent en effet à la fois la formulation de projets de longue haleine, celle de projets plus courts, la gestion de l'ensemble et la réalisation effective du programme des contrats. La seule contrainte nouvelle imposée, à son avis, par le dispositif, est qu'il ne sera plus possible d'allonger la durée des contrats en cours pour achever leur réalisation ; si la première révision, à trois ans, pourra donc être une révision d'ajustement, la deuxième, à six ans, devra avoir pour objet la mise en place de la réalisation définitive du programme initial.

M. Jacques Le Nay, rapporteur, a précisé que le dispositif permettait aussi d'insérer les avenants occasionnels, comme ceux qui avaient été élaborés pour faire face aux conséquences des tempêtes de décembre 1999.

Après avoir salué le travail approfondi des rapporteurs et la qualité de leurs propositions, M. Jean-Pierre Dufau s'est réjoui qu'ils aient vu dans les contrats de plan Etat-régions un outil utile et en aucun cas obsolète. Il a convenu que cet outil devait évoluer, et indiqué son accord avec bon nombre des propositions formulées par les rapporteurs ; il a notamment approuvé celle relative à un contrat de neuf ans, avec révisions après trois et six ans.

Il s'est ensuite inquiété des éléments de lenteur et d'opacité introduits dans l'exécution des contrats de plan par l'augmentation du nombre des crédits croisés et d'intervenants, et jugé qu'il fallait remédier à celle-ci. Il a évoqué notamment les retards causés par la gestion de la distribution des fonds européens par l'Etat. Certains crédits semblent être aussi comptés plusieurs fois.

Il a ensuite estimé que la péréquation ne devait pas être mise en concurrence avec le développement des pôles de compétitivité. Une politique d'appui à des pôles de compétitivité est par nature une politique sectorielle. Au contraire, les contrats de plan Etat-régions sont des instruments d'aménagement durable de l'ensemble du territoire. Une politique de soutien à des pôles de compétitivité peut renforcer des inégalités, tandis que la péréquation est un instrument de solidarité.

Il a enfin regretté que des programmations pluriannuelles restent tributaires de l'annualité budgétaire, mais convenu que l'organisation de l'Etat ne permettait guère de promouvoir des avancées au-delà des vœux formulés par les rapporteurs.

Considérant que le contrat de plan Etat-régions devait rester à la fois un outil de prospective et de stratégie, le Président Emile Blessig s'est félicité de la proposition des rapporteurs de promouvoir un dispositif de contrats d'une durée de neuf ans, articulés en trois périodes de trois ans.

Insistant ensuite sur la faiblesse des instruments de gestion et de suivi de l'exécution des contrats, il a jugé que le développement d'un outil informatique destiné à ces fins, et commun à toutes les parties prenantes aux contrats, Etat, régions, mais aussi départements, communes et leurs regroupements, était indispensable.

Il a ensuite considéré qu'il ne fallait pas attendre des contrats de plan Etat-régions, en matière de péréquation, ce qu'ils ne pouvaient pas donner. La péréquation comporte en effet non seulement une dimension nationale, mais aussi une dimension infrarégionale. Dans ces conditions, le contrat de plan sera d'autant plus efficace que la péréquation aura été prise en compte au sein même de la région, cela valant aussi pour les régions dotées de pôles de compétitivité. Il appartient à l'Etat, lors de la négociation des contrats, d'agir au profit du respect de cette démarche par les régions.

Enfin, il a souligné que les rapporteurs ne concluaient pas en faveur des pôles de compétitivité au détriment de la péréquation : simplement, la péréquation doit reposer non pas sur des règles arithmétiques mais être adaptée à chaque région en fonction des projets présentés et de son développement relatif.

Approuvant ces propos, ainsi que M. Jacques Le Nay, M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, a alors fait observer que des dispositifs avaient déjà été mis en place ici et là pour réduire le nombre d'intervenants et l'opacité de la gestion des fonds européens : une communication faite au mois de juin à la commission des finances a mis en évidence la réussite du dispositif instauré par la région Alsace et la région Auvergne pour gérer elles-mêmes directement les crédits délégués par l'Union européenne sans intervention de l'Etat.

La Délégation a alors adopté, à l'unanimité, les conclusions présentées par les rapporteurs sur la réforme des contrats de plan Etat-régions.

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1) Les contrats de plan Etat-régions doivent perdurer dans leur définition actuelle, permettant de dégager des axes stratégiques pour plusieurs années après une analyse globale des besoins : le caractère pluriannuel et prospectif est un élément essentiel des contrats de plan Etat-régions. Cet outil doit être préservé.

2) Le périmètre des contrats doit être recentré sur un nombre limité d'actions structurantes, identifiées d'un commun accord entre l'Etat et chaque région, et correspondant effectivement au domaine de compétences partagées de ces deux institutions, la région ayant vocation à organiser la concertation infrarégionale.

3) La fongibilité des crédits affectés à chaque contrat est une condition indispensable à l'optimisation de l'exécution et de la gestion des contrats.

4) Un outil informatique spécifique, à l'instar de Présage pour les fonds européens, doit être développé pour la conduite et le suivi de l'exécution des contrats Etat-régions.

5) La péréquation fait partie de la politique nationale d'aménagement du territoire. Les contrats de plan Etat-régions sont l'un des outils de cette politique. La péréquation doit s'y exprimer projet par projet, en fonction de l'intérêt du projet pour le développement de la région et de la situation relative de ce développement.

6) Le cadre temporel de l'exécution des contrats Etat-régions doit être réformé. L'horizon d'exécution des contrats de plan doit rester suffisamment long pour la formalisation et la réalisation des programmes les plus ambitieux. En revanche, la bonne exécution des contrats suppose des périodes de revue à échéances plus rapprochées.

La durée totale des contrats de plan pourrait être ainsi portée à neuf ans, rythmée en trois périodes de trois ans à l'issue de chacune desquelles des réorientations et ajustements dans les priorités et allocations seraient effectuées.

7) Enfin, la Délégation insiste sur la nécessité pour l'Etat d'assurer des cadres budgétaires plus stables aux contrats de plan. Elle demande que l'Etat respecte, à l'occasion de chaque loi de finances annuelle, l'échéancier des dépenses résultant des contrats qu'il a signés. Cela suppose au préalable, de la part de l'Etat et des régions, la négociation de contrats réalistes.

AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION

Audition de M. Nicolas Jacquet,
délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale

Réunion du mercredi 19 mai 2004

Présidence de M. Emile Blessig, président

M. Emile Blessig, président : Nous commençons aujourd'hui nos auditions sur la réforme des contrats de plan Etat-régions en accueillant M. Nicolas Jacquet, délégué à l'aménagement du territoire.

M. le délégué, des réflexions sont nées de la lecture du courrier de M. le Premier ministre. Nos premières interrogations concernent le contrat de plan comme expression de la cohérence nationale ; le contrat de plan instrument de péréquation ; l'articulation des contrats de plan avec la politique régionale européenne ; le lien entre les contrats et la nouvelle loi organique sur les lois de finances ; enfin, nous souhaitons savoir dans quelle mesure l'Etat peut exiger des régions une cohérence de leur action avec les contrats de plan. C'est là un peu le problème de l'efficacité de ces derniers, passés par un échelon national, alors même que l'échelon européen prend de plus en plus de poids et que la décentralisation donne une plus grande densité au pouvoir régional.

M. Nicolas Jacquet : Le Premier ministre vous a donc saisi, M. le Président, le 1er mars dernier, pour vous proposer d'apporter une contribution sur le devenir des contrats de plan Etat-régions (CPER). Ce sujet a été évoqué lors du Conseil interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre dernier qui a fixé un certain nombre de lignes directrices.

Au-delà de ces lignes directrices que le Gouvernement souhaiterait mettre en œuvre, se profile effectivement un certain nombre de questions sur lesquelles le Gouvernement attend l'éclairage de la délégation de l'Assemblée nationale comme de celle du Sénat et du Conseil économique et social. Les grandes associations d'élus ont été interrogées parallèlement. De même, deux inspecteurs généraux, M. Olivier, inspecteur général des finances, et M. Richard Castera, ancien préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, inspecteur général de l'administration, ont été mandatés pour accompagner cette réflexion qui pourrait aboutir, au terme de l'année 2004, par des décisions gouvernementales sur la nouvelle génération des CPER.

Permettez-moi aujourd'hui de rappeler où en sont ces contrats. Ils représentent une somme substantielle de 35 milliards d'euros, financée à peu près à égalité par l'Etat et les régions. Il faut intégrer les fonds européens, lesquels pèsent également le même poids. Il y a donc à peu près trois parts à seize ou dix-sept milliards d'euros : une par grand partenaire. Mais les contrats Etat-régions stricto sensu sont « hors Europe », même si dans la réalité les deux procédures sont intimement mêlées à la fois par une périodicité commune, 2000-2006, et par une orientation stratégique identique : d'un côté, un document unique de programmation (DOCUP), document unique de programmation sur les fonds européens ; de l'autre, la partie stratégique des contrats de plan actuels.

Les sommes sont substantielles, à peu près trois fois les moyens de la première génération des CPER, soit 15 % à 20 % du budget d'investissement civil de l'Etat, 20 % à 25 % des budgets d'investissement des régions.

Les priorités développées sur la génération actuelle 2000-2006 concernent les transports, avec un rééquilibrage entre les différents modes de transports, notamment en faveur du rail, les routes passant de 32 % à 24 %. Néanmoins, une difficulté se pose ici. Les projets ferroviaires sont très longs à mettre en œuvre et nous enregistrons aujourd'hui de vrais retards de consommation sur cette ligne budgétaire, car ils ont été inscrits dans les contrats de plan sans être tous prêts. Il y a eu, en faveur de l'environnement, des moyens supplémentaires : 150 % par rapport à la génération précédente. Tout ce qui touche à l'immatériel, à la matière grise et à la recherche a progressé de 45 % par rapport à la génération précédente. Enfin, le volet territorial, avec les contrats de pays, la politique des pays et celle des agglomérations, représente environ un quart des crédits contractualisés.

Le taux d'exécution de ces contrats de plan à la fin 2003 est d'un peu moins de la moitié avec 45,7 %. On note, au niveau des crédits d'Etat, une courbe annuelle qui devrait tangenter à près de 12 %. Ce fut le cas en 2002 pour redescendre légèrement en 2003 en raison du gel budgétaire. La répartition par année des dépenses du contrat de plan n'est pas un exercice réaliste, dans la mesure où certains grands projets connaissent leur montée en puissance en fin de période. Nous sommes donc un peu un retard par rapport à l'exécution théorique - nous devrions être à 57 % - mais sans que ce retard ne pèse fondamentalement sur l'exécution globale des contrats.

Pourquoi une réforme ? Fondamentalement, pour quatre raisons. Le contrat de plan reste un outil de dialogue entre l'Etat et les collectivités, un outil qui permet de contractualiser avec le niveau régional. Or l'état actuel des textes de décentralisation et également les nouveaux textes promeuvent la région en qualité d'acteur du développement économique et d'acteur de l'aménagement du territoire. Parallèlement, les contrats de plan ont permis de mener un certain nombre de politiques nouvelles, notamment les politiques territoriales avec l'émergence des agglomérations ou des pays. Le calage des contrats de plan avec la gestion des fonds européens a permis d'optimiser la gestion des programmes communautaires. Les très bons résultats que nous enregistrons en termes de consommation des fonds européens aujourd'hui sont pour partie dus au fait que, dans cette génération 2000-2006 des contrats de plans, nous avons établi des liens beaucoup plus forts entre le DOCUP et le contrat de plan lui-même, aussi bien au niveau des priorités qu'à celui des actions.

Néanmoins, ces contrats de plan méritent d'être très sensiblement réformés. Les critiques qui leur sont opposées sont devenues de plus en plus fortes pour un certain nombre de raisons. D'abord, sur le plan des finalités, il est vrai que dans les contrats de plan chaque ministère a voulu avoir sa ligne pour s'ouvrir les financements complémentaires des collectivités territoriales. Nous sommes allés vers un certain émiettement des actions, un certain saupoudrage. Nous avons 20 ministères partenaires, 170 types d'actions recensés. Pour le seul ministère de l'Agriculture, nous comptons 50 lignes budgétaires intégrées dans le contrat de plan. Nous espérons que la nouvelle loi organique sur les lois de finances aidera à faire évoluer cela.

De même, le cadre de réalisation est assez inadapté, 50 lignes budgétaires sur le ministère de l'Agriculture et, au total, 200 lignes budgétaires. Le contrat de plan aurait pu être une sorte d'outil territorial fongible où les crédits auraient été adaptés en fonction des priorités et du rythme d'évolution des projets. Il aurait sans doute fallu beaucoup de souplesse dans la gestion de ces crédits. En fait, la rigidité du cadre budgétaire et le maintien de l'annualité budgétaire tout autant que le problème des financements croisés ont grandement brouillé l'image de ces contrats de plan qui sont finalement apparus telles des boîtes réceptacles de politiques verticales de l'Etat plutôt qu'une action territoriale, globale et horizontale.

Parallèlement, il faut se poser la question de la péréquation. C'est là un autre type de critiques opposées à nos contrats de plan. Aujourd'hui, ces contrats reflètent davantage l'histoire de la contractualisation qu'une vraie volonté de conduire la péréquation.

La comparaison des PIB régionaux par habitant et des dotations contractuelles par habitant montre que la moyenne en métropole de ces dernières a été de 325 euros avec un point haut qui est la Corse à 971 euros, puis le Limousin à 461 euros, le Nord-Pas-de-Calais à 384 euros, la Basse-Normandie à 380 euros. Les points bas sont en Bourgogne : 234 euros ; les Pays de la Loire : 216 euros.

L'effet de péréquation reste, somme toute, relativement modeste. Il varie de 40 % à 63 % selon les régions. Il pourrait être plus important. L'outil de péréquation des fonds européens est plus fort, mais avec une politique de zonage. La capacité de péréquation des fonds européens vient aussi du zonage et donc du fait que certains territoires sont purement et simplement exclus. Par exemple, en Île-de-France, seule la Seine Saint-Denis est éligible. A ce compte, en euros par habitant, les fonds européens interviennent modestement sur l'Île-de-France. Les CPER sont donc à repenser pour les différentes raisons évoquées, en intégrant fondamentalement la nouvelle étape de la décentralisation. La première étape que l'on peut se poser est donc : y a-t-il encore place pour des contrats entre l'Etat et les collectivités locales dans la nouvelle étape de décentralisation engagée ? Notre réponse est a priori clairement oui. Qui dit décentralisation dit autonomie renforcée de chaque collectivité et si le mode contractuel n'était pas le meilleur moyen de rapprocher les positions des différentes collectivités entre elles et avec l'Etat, je ne verrais guère quel pourrait être l'autre outil qui permettrait de conserver une vision globale et de solidarité sur le territoire.

Le CIADT du 18 décembre 2003 a posé un certain nombre de principes directeurs retenus par le Gouvernement.

Il faut, premier principe, poursuivre une logique contractuelle. Bien évidemment, les régions doivent être le partenaire privilégié, mais il ne faut pas oublier - deuxième principe - le niveau suprarégional qui, sur toute une série de politiques, est fortement structurant - je pense aux grandes infrastructures de transport, telles les autoroutes de la mer - sans exclure le niveau infrarégional, notamment le niveau des villes et des intercommunalités quelque peu oublié dans les textes de décentralisation. Mais pour les politiques d'accompagnement territorial, c'est bien au travers du contrat que les villes ou les intercommunalités peuvent trouver leur place.

Troisième principe, les contrats doivent être recentrés sur un nombre restreint de politiques structurantes. A ce titre, la stratégie de Lisbonne autant que celle de Göteborg conduiront à resserrer l'action des fonds européens sur quelques axes prioritaires : les infrastructures, la société de la connaissance, la recherche, le développement de l'emploi. Voilà les axes qui nous semblent prioritaires aujourd'hui, mais cette nécessité de revenir aux actions structurantes et constitutives d'aménagement et de développement des territoires nous semble essentielle. Le fait d'aller vers des durées plus courtes nous paraît un principe indispensable. Pour intégrer la logique de péréquation, la nécessité s'impose d'aller au-delà de l'existant en termes d'intervention modulée de l'Etat. L'on pourrait parfaitement imaginer des taux d'intervention différents d'une région à l'autre sur la même politique et selon un certain nombre de critères de péréquation. On pourrait imaginer un pourcentage plus élevé de subvention sur quelques régions qui le méritent et dans d'autres régions un taux faible, même si l'Etat continuait à y intervenir. L'on peut encore imaginer des logiques d'enveloppe globale, non plus politique par politique, mais au niveau d'un territoire, spécifiquement par la détermination d'un nombre d'euros par habitant.

Les pistes techniques sont multiples. L'essentiel est d'injecter plus de péréquation en la matière. Une réflexion complémentaire est indispensable comme la nécessité d'avoir un cadre budgétaire plus stable, alors même que le Gouvernement se réunit cet après midi pour parler des lois de programmation. A côté de celles-ci, l'Etat maintient des engagements pluriannuels nommés « contrats de plan ». Mais il n'y a pas dans ces contrats de plan la même valeur juridique, puisque ces contrats sont davantage des contrats d'intention que des contrats d'exécution. L'annualité budgétaire fait que le contrat n'est respecté qu'à partir du moment où chaque année le budget voté intègre les dotations correspondantes. Obliger l'Etat à un meilleur respect de ses engagements est une vraie question. Il faudrait trouver un outil financier pluriannuel permettant de garantir que ces financements seront effectivement apportés. Il nous semble tout à fait indispensable qu'au-delà des actions elles-mêmes, il y ait une vraie vision stratégique : les futurs CPER peuvent être l'occasion d'un échange entre l'Etat et les partenaires territoriaux sur les grandes priorités d'aménagement du territoire de la région concernée. Avec la décentralisation, nous avons, plus encore que par le passé, besoin de cet outil stratégique qui permet de confronter les volontés des uns et des autres pour donner de la lisibilité aux politiques publiques. Il faut de la durée et, dans le même temps, des visions communes qui se traduisent par un document commun validant en quelque sorte un certain nombre de grandes priorités.

Voilà le propos liminaire que je voulais tenir. La DATAR et le Gouvernement ne sont pas du tout dans une logique consistant à imposer à ce stade ce qu'il convient de faire. Nous souhaitons au contraire lancer un débat et recueillir les avis des uns et des autres, tout particulièrement celui de la délégation à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale sur ces différentes questions, notamment sur les principaux thèmes : régions et autres collectivités : avec qui l'Etat contractualise-t-il ? Sur quel champ ? Sur un nombre limité de politiques et si oui lesquelles ? Comment bâtir ces contrats ? Comment s'assurer du respect de la parole donnée ? Comment trouver l'outil budgétaire pluriannuel qui aujourd'hui n'existe pas, ni dans la LOLF ni ailleurs, qui permettra de garantir l'engagement de l'Etat ? Comment introduire la dimension de péréquation ? Voilà toutes les questions que nous nous posons et que nous vous posons.

M. Emile Blessig, président : Merci, M. le délégué, de cette présentation. J'ouvre la discussion.

M. Philippe Folliot : Comment voyez-vous l'articulation de ces nouveaux contrats de plan avec l'exercice de la planification ?

M. Michel Raison : Comment apporter la meilleure objectivité possible dans la péréquation comme dans la modulation éventuelle des taux ? Pour l'instant, nous nous apercevons que la puissance de l'homme politique dans chaque région compte parfois autant que des critères objectifs. Avez-vous une idée sur la façon de dessiner cette objectivité ?

La réussite du projet qui consiste à le rendre plus bref, ce qui faciliterait leur respect par l'Etat, représenterait un engagement considérable.

M. Jacques Le Nay : Les premiers contrats de plan passés furent signés sur cinq ans pour être ensuite allongés. Les comparaisons de chiffres appellent donc des ajustements. Je ne sais si vous en avez tenu compte.

Nous nous sommes bien rendu compte que la politique des fonds européens prenait une part importante dans l'élaboration de nos contrats de plan aux multiples partenaires. Avons-nous une bonne idée de la manière dont se traduira, après 2006, la nouvelle politique des fonds européens ?

M.  André Chassaigne : Pour avoir suivi la discussion de la loi votée en première lecture hier à l'Assemblée, la péréquation sera de facto prise en compte de manière très forte dans toute intervention à venir. La loi encadrera l'ensemble de la réglementation entre l'Etat et les collectivités locales par le biais des ressources propres et des ressources totales. Cela signifie forcément que sera prise en compte dans ces relations financières la totalité des dotations et donc ce qui peut être inscrit au titre des contrats de plan. D'autant que dans la Constitution - il est curieux que ce soit moi qui le rappelle - la péréquation est inscrite en tant que telle. Toute relation devra prendre en compte la péréquation, ce qui entraînera des conséquences importantes sur la mise en œuvre des CPER.

Existe-t-il actuellement pour la réactivité des contrats de plan Etat-régions une relation avec la mise en œuvre des contrats de site et contrats de territoire retenus sur certains bassins d'emploi de notre pays ou bien ces contrats de territoire sont-ils déconnectés des contrats de plan ? Dans la mesure où ils sont construits sur un cofinancement des collectivités territoriales, certaines lignes de ces contrats de territoire s'inscrivent en quelque sorte sur des lignes votées antérieurement dans les CPER.

M. Nicolas Jacquet : A M. Folliot, je précise qu'il n'y a plus de plan national et il n'y aura pas de plan régional. En toute hypothèse, le terme « contrat de plan » est totalement dépassé, il faut parler de contractualisation. Il est important de faire coïncider la stratégie de la région et celle de l'Etat. Dans la future architecture des compétences, la région assurera des compétences fortes dans le domaine de la formation continue ou en termes d'implantation des collèges et lycées. Parallèlement, l'Etat reste compétent sur le volet universitaire et sur certaines formations, notamment sur le principe de la formation tout au long de la vie. Il faut faire coïncider tout cela. L'on ne peut pas conduire des actions sur le territoire sans trouver des lignes de rapprochement. D'où le besoin d'un cadre stratégique, qui peut être à la limite d'une durée plus longue que les sept ans des contrats de plan actuels. L'on pourrait imaginer un cadre stratégique sur une dizaine d'années. Les régions réfléchiraient à leur cadre stratégique, l'Etat réfléchit région par région à ses très grandes priorités et l'on essaye de rassembler les volontés dans un document de cadrage du contrat lui-même. Cette partie stratégique nous semble essentielle, même si nous n'évoluons plus dans une logique de plan.

M. Philippe Folliot : Dans la mesure où vous proposez que nous allions vers des séquences plus courtes, le risque d'un décalage se creuse avec la nécessaire prospective à moyen terme - 15 ou 20 ans - que peut choisir un territoire, une agglomération ou une région. Tel était mon souci.

M. Nicolas Jacquet : J'évoque la nécessité d'un cadre d'orientations stratégiques qui pourrait être calé sur 10 ans, alors que les actions figureraient sur des durées beaucoup plus courtes. On pourrait même imaginer sur un plan technique que la durée des contrats dépende des actions elles-mêmes. Ainsi, pour réaliser un chantier ferroviaire, l'on pourrait très bien imaginer que le contrat d'exécution du contrat ferroviaire soit de huit ans s'il faut huit ans pour ce projet-là ; en revanche, la conduite d'un projet de recherche pourrait donner lieu à un contrat d'exécution de trois ans. Il faut sans doute trouver un peu de souplesse dans nos dispositifs, même s'il est fondamental qu'il existe un volet stratégique.

Une des questions fortes évoquées par M. Chassaigne et M. Raison est la péréquation. Il faut conserver à l'esprit le système dans lequel nous sommes aujourd'hui. Les contrats de plan Etat-régions représentent par an au niveau de l'Etat 2,5 milliards d'euros. Parallèlement, les dotations globales de l'Etat s'élèvent à 56 milliards d'euros.

Si les contrats de plan Etat-régions ont une vocation péréquatrice, en toute hypothèse, les masses budgétaires sur lesquelles nous sommes ne sont pas de 5 % des masses globales. La péréquation, c'est aussi le fait de donner à la DGF une autre logique.

M. Emile Blessig, président : Je perçois des mouvements divers.

M. André Chassaigne : Dans la masse des dotations globales de l'Etat, la part qui fait l'objet d'une péréquation est beaucoup plus limitée que cela. La masse la plus importante transférée est la dotation forfaitaire. La péréquation ne doit pas représenter plus de 15 %. Il reste en fait au total, hors part forfaitaire, 15 %, à répartir entre DSR et DSU et la dotation intercommunalité. Cela signifie que si nous prenons globalement en compte la péréquation, les chiffres du contrat de plan compteront plus qu'on ne le pense.

M. Nicolas Jacquet : Je voulais indiquer que faire de la péréquation à travers des outils de dotation globale est par essence beaucoup plus simple que de le faire sur des politiques ponctuelles. La masse des crédits à dotation globale est considérable par rapport à celle consacrée aux contrats de plan Etat-régions. Je suis bien d'accord sur le fait qu'aujourd'hui nos dotations globales sont très peu péréquatrices. La possibilité de les réformer, notamment la DGF, pour en faire un vrai outil de péréquation, s'avère compliquée. Un bel outil de péréquation existe : c'est le fond de solidarité de l'Île-de-France. Cent cinquante millions d'euros sont prélevés sur les 100 communes les plus riches d'Île-de-France et reversés aux 200 communes les plus pauvres. C'est là un véritable outil de péréquation. L'on prend aux uns et l'on donne aux autres au niveau d'une région.

M. Emile Blessig, président : Les DSU et DSR sont aussi des dotations de péréquation classiques. Toute la difficulté de ce genre de réflexion est de savoir si l'on instille de la péréquation dans tous les outils ou si l'on cherche des outils efficaces pour traiter la péréquation en dehors de ces outils. Dans bien des débats, l'impératif de péréquation vient fausser la discussion et l'efficacité des outils que nous voulons mettre en place. Une réflexion est à mener entre la portée de la péréquation et la péréquation omniprésente dans tous les outils.

M. Nicolas Jacquet : La question parallèle de M. Raison portait sur la modulation. Comment parvenir à organiser cette péréquation ? Lorsqu'une région se trouve avec un niveau de recherche, des équipements de recherche et un nombre de chercheurs modestes, elle a besoin d'un effort spécifique de l'Etat sur la recherche. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. C'est aussi un problème d'accompagnement. Avec le programme U3M, sans doute débat-on des crédits, mais, sitôt derrière, se pose le problème des postes. Quand on se bat pour investir trois millions d'euros sur un IUT, les trois millions composent un sujet presque secondaire. La réalité est de savoir si l'on créera une formation spécifique qui constituera la base de cet IUT et si l'on créera des postes d'enseignement.

Les contrats peuvent être à nos yeux l'occasion d'un nouveau type de péréquation, à condition d'aller beaucoup plus loin que par le passé, car il permet de toucher aux vrais éléments de fragilité des régions. J'avais eu l'occasion de préciser devant votre délégation qu'il existait des inégalités apparentes et de vraies inégalités. Parmi elles, figure la question du revenu. Quand nous comparons les revenus disponibles par habitant de chacune des régions françaises, on remarque, sur une moyenne de 100, que le Limousin est à 96, l'Auvergne à 98, donc pas d'inégalités en termes de revenus. En revanche, si l'on mesure la capacité à produire de la richesse qu'est le produit intérieur brut, l'on s'aperçoit alors que le Limousin ou l'Auvergne sont à 80 par rapport à un indice moyen de 100. Voilà une vraie inégalité quand la région parisienne est à 137. Avoir des politiques structurantes et péréquatrices signifie aider les régions à rattraper leur retard dans un certain nombre de domaines.

Avoir une vraie action péréquatrice en matière de transport cela signifie corriger des inégalités. En matière de recherche, cela signifie développer une potentialité.

Nous croyons tout à fait à la nécessité de politiques sectorielles intégrant des logiques de péréquation. C'est la distinction que nous opérons entre péréquation passive et péréquation active. Jouer sur les dotations globales, c'est procéder à de la péréquation passive. Des crédits sont accordés globalement et nous ne sommes jamais sûrs qu'ils seront affectés à des actions structurantes. La péréquation active consiste à se mettre d'accord sur la nécessité de procéder par grandes priorités.

Sur la question de l'exécution des contrats de plan posée par M. Le Nay, les durées n'ont pas été les mêmes. Aucun contrat de plan n'a été achevé à son taux théorique de 100 %. Chaque génération a connu un décalage d'au moins 10 %. Il est vrai qu'en 2003 et en 2004 l'exercice devient difficile. Une question très importante est celle de la connexion avec les fonds européens. L'Europe n'a pas encore complètement calé son exercice. Nous nous battons, et les parlementaires se battent aussi pour conserver des crédits de l'objectif 2 sur le territoire national français. Ce n'est pas certain, mais au troisième forum de cohésion organisé à Bruxelles voilà huit jours, nous sommes parvenus à un consensus sur la position française. Nous avions hautement et fortement évoqué, lors d'un précédent CIADT et aussi lors d'une réunion des ministres de l'aménagement du territoire à Rome, que l'objectif 2 ne devait pas être « la variable d'ajustement budgétaire de l'exercice », c'est-à-dire que nous voulions conserver une éligibilité à l'objectif 2 et ne pas avoir uniquement l'objectif 1 pour les pays de l'élargissement. La formule française « nous ne voulons pas être la variable d'ajustement » a été prononcée explicitement par la Commission européenne comme étant le point d'équilibre du sujet. Cela signifie que 1 % ou 1,10 % du PIB, le niveau de l'enveloppe importe peu : il y aura toujours des crédits de l'objectif 2, c'est-à-dire de l'argent pour nos régions et pas seulement une orientation des crédits sur les seuls pays de l'objectif 1, les pays de l'élargissement.

Nous sommes dorénavant quasiment assurés de l'existence d'une politique régionale après 2006. Comment s'exercera-t-elle ? Il est encore un peu tôt pour le savoir. Vraisemblablement, elle s'appuiera sur les régions. C'est là une demande forte qui émane d'à peu près tous les pays d'Europe. Les régions seront le cadre d'exercice des fonds européens de l'après 2006. Nous ne connaissons pas encore la durée concrète des documents de programmation, mais a priori cela devrait être 2007-2013. L'Europe restera sur une logique de sept ans, mais pas forcément au niveau des contrats. Sur le plan du contenu, la stratégie de Lisbonne et de Göteborg s'applique, orientée vers des sujets très stratégiques qui sont l'accessibilité, l'emploi, l'économie de l'intelligence et la gestion des risques.

M. Jean-Pierre Dufau : Il faut distinguer les dotations de fonctionnement des subventions d'investissement. Elles n'ont ni la même fonction, ni la même finalité, ni le même effet multiplicateur. Avec les contrats de plan, un euro de la région, plus un euro de l'Etat étaient des éléments déclencheurs de politique d'investissement. A l'heure actuelle, nous savons à quel point les investissements dans les collectivités locales ont été des éléments forts de la croissance. Nous savons à quel point, lorsque les investissements privés étaient en désuétude, l'investissement public a maintenu un taux de croissance. Il faut conserver cette idée à l'esprit. Les collectivités ne pourront investir que par le maintien d'une véritable politique paritaire d'aide au développement économique.

Vous avez esquissé une évolution des politiques sectorielles. Je comprends bien votre analyse: on ne peut pas tout faire, on ne doit pas saupoudrer. L'argent est rare ; il faudra bien recentrer les politiques pour atteindre la plus grande efficacité possible, l'option des pôles de compétitivité en étant une. Mais pour cette option aussi nous devrons faire attention.

Sur les politiques sectorielles, je n'ai pas d'objections majeures, si ce n'est qu'il faut essayer de prendre en compte l'intérêt de la politique contractuelle, c'est-à-dire la répartition sur l'ensemble du territoire. Il ne faudrait pas que la politique sectorielle se substitue à une politique d'aménagement de l'ensemble des territoires, le risque étant de renforcer certains territoires au détriment d'autres.

Sur l'évolution esquissée pour la nouvelle génération de fonds structurels, notamment sur l'objectif 1, vous avez évoqué les contractualisations ou les programmes directs entre les régions et l'Union européenne. Le rôle de l'Etat aura pratiquement disparu. Je souhaite des éclaircissements sur ce point. Si les liens se renforcent entre les régions et l'Europe - politique qui peut avoir son intérêt - l'Etat doit, à mon sens, rester garant de l'aménagement de l'ensemble du territoire, car autrement l'on travaillera par des contrats entre l'Europe et les régions. Les régions fortes se développeront par là même, mais le rôle de l'Etat pourrait disparaître.

M. Louis Giscard d'Estaing : Je voudrais profiter de la présence du délégué et de la question à l'ordre du jour - la réforme des CPER - pour poser des questions sur les « péchés originels » du concept même des contrats.

A l'expérience des premiers contrats et de l'exécution de la génération actuelle, des questions n'ont pas été résolues. Premièrement, sur les compétences et les domaines inscrits dans le cadre du contrat. Des débats ont porté sur des situations où l'Etat donnait le sentiment de vouloir associer les régions dans des domaines de compétences qui, normalement, ne sont pas dévolues à ces dernières. C'est notamment le cas des routes nationales, de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il y a là un point important, car si l'on redéfinit le concept du contrat et les compétences dévolues au sens strict aux régions, cela ne conduit-il pas à une définition de ce que l'on inclut et de ce qui a vocation à être inclus dans les fameux contrats ? Au même titre, nous pouvons nous poser la question de savoir s'il ne serait pas plus logique d'avoir une contractualisation « à la carte ». Le contrat marquerait un choix optionnel où les départements ministériels n'auraient pas à être forcément présents.

Sur l'exécution des contrats de plan, une réflexion est en cours, puisque nous nous situons à plus de la moitié de la programmation actuelle. Deux caractéristiques méritent réflexion : une première est l'effet d'affichage au début du contrat. Qu'en est-il de votre estimation sur les engagements initiaux de l'Etat et des régions ? Les projets étaient-ils prêts ? Dans l'exécution, il apparaît que des projets n'étaient pas prêts et qu'il n'y a pas eu exécution, faute de projets les premières années.

Sur les effets d'affichage de l'État, nous avons eu l'illustration au travers de certains CIADT que l'on ne pouvait pas procéder par communications importantes sans mise en place, dans la foulée, des crédits correspondant aux lignes annoncées.

Enfin, une réflexion est nécessaire sur la nouvelle génération de CPER : pour qu'un projet soit en mesure de démarrer, il faut des crédits d'étude ou des commencements d'études. Dès lors, n'est-il pas indispensable que dans un contrat de plan figurent les crédits d'études nécessaires aux projets qui nourriront le contrat suivant, sauf à retomber, les premières années, sur le même type de difficultés d'exécution ?

Mme Martine Lignieres-Cassou : Dans les contrats de plan, figure une politique territoriale « Pays-Agglomérations ». Je note que vous portez un diagnostic sur les pays et agglomérations qui présenteraient une certaine fragilité. Je suis étonnée du qualificatif employé.

Je n'ai pas très bien compris les phrases suivantes :

« Faut-il en confier le portage exclusif aux régions ? » Est-ce du portage des projets dont vous parlez ?

« Faut-il en réorienter le contenu, service public, formation, transport ? », auquel cas on repense à un certain nombre de compétences et de niveaux territoriaux. À titre personnel, je pense qu'en matière d'éducation, aujourd'hui, les compétences sont régionales. Elles sont soit déconcentrées, soit décentralisées au profit des régions, mais il manque aux territoires - pays, agglomérations, bassins de vie - une réflexion stratégique. Est-ce cela que vous avez voulu indiquer ? Où en êtes-vous de la réflexion sur ces lieux de vie qui devraient être des lieux de réflexion ?

M. Nicolas Jacquet : Je me suis aperçu que je n'avais pas répondu complètement à M. Chassaigne sur les contrats de sites et les contrats de territoire. Votre question, Mme la députée, me permet de faire le lien, car vous évoquez, sous une autre forme, le même problème.

La grande interrogation que nous avons est la suivante : les futurs contrats doivent-ils être les seuls modes de contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales ? C'est le vrai sujet. L'Etat signe avec les communes des contrats de sécurité locale ; l'Etat signe dans le domaine culturel des conventions partenariales ; l'Etat signe dans le domaine du tourisme un certain nombre de contrats. Faut-il rassembler l'ensemble dans un document unique, le contrat Etat-collectivités territoriales, ou laisse-t-on la possibilité de multiplier des conventions ponctuelles ? Nous voyons bien l'avantage et l'inconvénient des deux formules.

Si chaque ministère peut suivre sa propre politique contractuelle, vous imaginez le désordre qui risquerait de se produire sur le territoire et surtout l'absence de politique globale, l'absence de cohérence territoriale. Si chaque ministère avait envie de conduire une politique territoriale, signait des conventions avec une région, mais pas avec une autre, avec un département, mais pas avec la région ; avec une agglomération, mais pas avec la région, nous risquerions de nous retrouver avec un tableau un peu compliqué.

Le grand avantage d'une contractualisation portant sur les politiques structurantes est de rassembler les éléments essentiels qui feront levier sur un territoire. L'avantage pour les différents ministères de conduire des politiques contractuelles est de laisser un peu de souplesse aux systèmes. La voie sur laquelle nous nous étions engagés consistait à nous orienter vers l'essentiel. Elle offre peut-être le moyen de trouver des solutions. Mais je pense que nous ne pourrons empêcher le ministère de l'Intérieur de contractualiser des sujets de sécurité, ni l'Éducation nationale sur la ZEP d'un quartier difficile. Il faut peut-être trouver un bon équilibre en distinguant l'investissement du fonctionnement. Ainsi, l'investissement, et notamment l'investissement structurant, doit-il rester dans le cadre global. Si nous sommes sur des actions très ponctuelles, il peut y avoir place pour des contrats ou des actions spécifiques. Mais qu'introduisons-nous dans le paquet structurant ? Faut-il y inclure les contrats de site ? Honnêtement, je ne le pense pas. Il ne faut en signer qu'en cas d'urgence. Si nous sommes sur un cadre pluriannuel et s'il faut attendre une révision du contrat de plan pour intégrer un contrat de site, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Nous parlions de fragilité à propos des contrats de territoires - agglomérations, pays et autres - c'est simplement parce que ces politiques ne sont pas parvenues aujourd'hui à leur plein essor. Tous les contrats de pays ne sont pas encore signés. La fragilité que nous évoquions était celle-là. Ce n'est pas la contractualisation, mais la démarche qui est fragile. Les pays ont encore du mal à se mettre en œuvre. Certains ont démarré, d'autres n'en sont pas encore au stade du contrat. D'ailleurs, les crédits territoriaux du contrat de plan consacrés à la politique des pays ne sont pratiquement pas consommés tant la montée en puissance est lente.

La seconde question a trait à la nouvelle contractualisation : l'Etat doit-il contractualiser avec les pays ? La réponse n'est pas évidente tant les nouvelles lois de décentralisation donneront pleinement compétence aux autres collectivités pour intervenir.

Nous sommes un certain nombre ici à partager l'idée de la nécessité d'une réflexion stratégique à plusieurs niveaux. Jusqu'à présent, le contrat de plan fonctionnait avec une large partie d'effet d'aubaine. Effet d'aubaine politique, il fallait être inscrit et pouvoir afficher un certain nombre de promesses figurant dans le contrat de plan. Ensuite, le contrat de plan offrait quelquefois la possibilité d'accéder à des financements ou à des promesses de financement. Dès lors, si l'Etat contractualise avec un territoire et quel que soit ce territoire, ce sera sur la base d'une réflexion pluriannuelle d'aménagement du territoire et d'organisation structurante de l'espace ou d'un thème. Peut-il en contrepartie exiger de la collectivité territoriale le même effort de réflexion stratégique ?

Telle était l'idée plus ou moins respectée de la démarche de pays et des contrats d'agglomérations qui devaient s'inscrire dans une réflexion stratégique pluriannuelle avec interdiction, pour cette structure, de se transformer en structure opérationnelle pour rester à cet échelon de réflexion stratégique. Le problème de la contrepartie d'un contrat ne tient pas seulement dans le « donnant-donnant », elle doit aussi porter une réflexion. Autrement dit, peut-on introduire une notion de subsidiarité dans la pensée d'aménagement du territoire de la part de l'Etat ?

A ce stade de la réflexion, nous retombons sur le sujet de la péréquation. Si des moyens consacrés à la péréquation passive sont suffisamment importants, l'on peut imposer que les collectivités suivent une logique de subsidiarité et mènent une politique de pays ou d'agglomération. Mais l'on poursuit alors des objectifs antinomiques. Si l'on précise que l'Etat continue à contractualiser sur les pays et les agglomérations, je ne sais comment l'on pourra afficher une telle volonté parallèlement à une volonté péréquatrice. Si l'on s'occupe par exemple des agglomérations et de l'Île-de-France avec ses 12 millions d'habitants, cela s'avérera compliqué.

Mme Martine Lignieres-Cassou : Un décalage semble se faire jour, notamment avec les lois de décentralisation entre ce que les agglomérations - je ne parle pas pour les pays, qui sont davantage « lieu de projet » que « niveau institutionnel » - sont en train de vivre autour de l'intercommunalité, qui permet de fédérer les efforts des communes, et la Constitution qui ne la reconnaît pas comme niveau à part entière ou les compétences nouvellement votées ou à venir pour les collectivités territoriales. Je relève un décalage profond entre l'évolution à l'œuvre des structures institutionnelles de notre pays et la réflexion de l'Etat.

M. Nicolas Jacquet : Nous avons là un vrai sujet, qui fait partie des questions sur lesquelles nous attendons les suggestions de l'Assemblée, du Sénat, des associations d'élus. Je prends l'exemple de la politique des métropoles. Le CIADT du 18 décembre a proposé que l'on conduise une politique spécifique pour les métropoles. En effet, l'on note le très fort décrochage de nos grandes villes par rapport aux grandes villes européennes. Sur sept strates de villes de plus de 200 000 habitants, nous n'en avons, à part Paris, aucune dans les catégories 1, 2 et 3. La première, Lyon, figure en catégorie 4. Nous n'avons pas de villes qui rayonnent. Si nous inscrivons la politique des métropoles dans les CPER, on ne pourra plus faire de la péréquation. Bien évidemment, si le souci est la péréquation, en aucun cas, nous n'aiderons la métropole parisienne ou la métropole marseillaise.

Parallèlement, l'on peut joindre votre question et celle de M. Dufau : sommes-nous dans une logique Europe-régions, et uniquement, ou l'Etat est-il toujours présent ? Notre position vise évidemment au maintien de la présence de l'Etat. Les choses ne sont pas réglées encore entre l'Europe et les Etats. Certains au niveau régional, comme européen, aimeraient bien des contrats bilatéraux oubliant les Etats. Honnêtement, je ne pense pas que l'on y arrive. A priori, dans la logique de l'objectif 2, ce sont les Etats qui interviendront dans la répartition des enveloppes entre les différentes régions, qui joueront un rôle dans les priorités sectorielles. En revanche, les régions occuperont une place plus importante que par le passé dans la gestion au quotidien des fonds. L'Etat, je le crois, restera toujours garant de la cohésion nationale et donc sera présent sur les fonds européens.

Sur l'importante question posée par M. Louis Giscard d'Estaing, j'indique mon relatif accord avec l'analyse sur les péchés originels de la contractualisation. Il existe un problème d'affichage, il est vrai que prévaut, au moment où l'on signe le contrat, l'idée que l'on en fait beaucoup. C'est dramatique quand on doit signer avec l'Île-de-France, car alors il faut déshabiller les autres régions françaises. Une des solutions consisterait à ne pas contractualiser à la même période. On pourrait ainsi étaler les signatures dans le temps. Le caractère « à la carte » de la contractualisation peut très bien être temporel. L'on peut imaginer avoir des décalages dans le temps pour éviter cet effet de surenchère, cet effet d'annonce. Il est vrai que, quand la génération actuelle de contrats de plan a été signée, beaucoup de projets, notamment ferroviaires, furent intégrés. En fait, ils n'étaient pas prêts. Nos amis de la SNCF se sont engouffrés dans la brèche en intégrant tous les dossiers du haut de la pile. Ensuite, nous rencontrons beaucoup de difficultés. En Île-de-France, par exemple, le dossier ferroviaire n'a pratiquement pas démarré. Ce n'est pas faute de volonté, tous les acteurs avaient envie de faire avancer les projets, mais il est tellement compliqué de tracer une voie nouvelle en Île-de-France qu'il faut quinze ans pour réaliser les projets.

Je partage l'analyse présentée sur les crédits d'études. Il faudrait peut-être envisager des enveloppes de crédits d'études plus fortes d'un contrat de plan à un autre pour engager des réflexions sur un certain nombre de sujets. Il faut une part d'étude et ensuite une part pour la réalisation des travaux sans forcément assimiler l'un à l'autre. L'exercice n'est pas toujours facile. Les projets ne démarrent jamais à l'année « n » pour se terminer à l'année « n +6 », période de la fin du contrat de plan. Certains projets démarrent à l'année n +4 et s'étalent donc forcément sur deux, voire trois contrats de plan.

Il faut arriver à équilibrer à cela.

Je me permets d'ajouter une question qui est celle de l'évaluation des contrats de plan. Jusqu'à aujourd'hui, l'évaluation est conduite par le préfet de région et le président du conseil régional. Un pourcentage du contrat est consacré à cette évaluation. La consolidation de ces évaluations était effectuée au commissariat du Plan et non à la DATAR. Dès lors que le commissariat du Plan a exprimé le souhait de ne plus prendre en charge le volet évaluation, la DATAR exprime fortement sa volonté de donner de la cohérence à l'exercice. L'évaluation qui coifferait toutes les évaluations ponctuelles des contrats de plan nous semblerait devoir être confiée à la DATAR, non pas pour que nous fassions nous-mêmes les évaluations qui doivent être conduites par des personnes indépendantes, des experts, mais simplement pour la lisibilité. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation paradoxale où le commissariat du Plan est censé accomplir l'évaluation des contrats alors que la DATAR est en contact au quotidien sur la mise en œuvre des contrats de plan région par région et a du mal à acquérir une vision globale. Une petite réforme serait opportune.

Quand je parle de politique sectorielle, M. Dufau, je parle d'une politique sectorielle inscrite dans une vision globale d'aménagement du territoire et donc à l'intérieur d'un contrat. Ce n'est pas chaque ministère qui conduit sa politique sectorielle en l'absence de vision globale. J'utilisais l'expression « politique sectorielle » par opposition à la logique de la dotation globale. La dotation globale a ses mérites en termes de péréquation, mais ne pensons pas que c'est elle qui fera bouger de manière structurelle nos territoires.

M. Emile Blessig, président : Merci, M. le délégué, d'avoir accepté de nous présenter cette vision globale de la réforme du contrat de plan. Nous savons que l'aménagement du territoire est difficile. Il s'agit de renforcer ce qui va bien dans un contexte international, de rattraper le retard des régions et territoires en difficulté de développement et le tout en instituant la péréquation

Audition de M. Marc Censi,
président de l'assemblée des communautés de France,
président de la communauté d'agglomération du Grand Rodez,
maire de Rodez

Réunion du mercredi 25 mai 2004

Présidence de M. Emile Blessig, Président

M. Emile Blessig, président : Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur la réforme des contrats de plan Etat-régions, en accueillant M. Marc Censi, maire de Rodez, président de la communauté d'agglomérations de Rodez, président de l'Assemblée des communautés de France.

Je vous souhaite la bienvenue au sein de notre délégation. Votre audition nous intéresse à plusieurs titres. Votre expérience d'élu local est considérable car, outre vos actuelles fonctions, vous avez été président de la région Midi-Pyrénées. Parallèlement, vous poursuivez un travail de doctrine sur l'architecture de nos institutions locales. Au moment où nous réfléchissons à la réforme des contrats de plan Etat-régions (CPER), nous souhaitons en premier lieu connaître votre avis sur la déclinaison de ces contrats à l'échelon infrarégional. Actuellement, l'intercommunalité constitue une réalité pour 81 % de nos communes, et sans doute avez-vous à la fois des revendications et des craintes quant aux conséquences des futurs contrats de plan sur les communautés de communes.

Par ailleurs, nous souhaitons également recueillir votre opinion sur les questions suivantes :

- Faut-il limiter les contrats de plan à quelques politiques structurantes ou maintenir le système en vigueur ?

- Plutôt que des contrats à portée nationale, est-il envisageable que chaque région contracte avec l'Etat sur des politiques de son choix, même si en ce cas l'objectif de cohérence nationale disparaît ?

- Comment concilier la péréquation, inscrite dans la Constitution, avec une politique visant à maintenir des pôles régionaux de niveau mondial ? Est-il envisageable de moduler l'apport de l'Etat selon la richesse des régions ?

Autrement dit, le contrat de plan est-il, oui ou non, la bonne à tout faire de l'aménagement du territoire ? A la fois, outil de cohérence, outil de développement, outil de péréquation ? N'y a-t-il pas, à force de multiplier les objectifs du contrat de plan, des contradictions difficiles à supporter ?

M. Marc Censi : M. le président, je vous remercie tout d'abord de votre accueil. Je suis assisté par Nicolas Portier, secrétaire général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), puisque c'est à ce titre que vous m'avez invité. Cependant, les quelques observations que je ferai seront également inspirées par mon expérience personnelle que vous avez rappelée. Pour avoir vécu deux contrats de plan en tant que président de région, je me suis fait une idée précise des difficultés, des avantages et des limites de l'exercice.

Vous vous interrogez sur la continuité des plans et des contrats. A votre question, les CPER sont-ils la bonne à tout faire de l'aménagement du territoire, je vous répondrai que ce n'est pas le moment de jeter le bébé avec l'eau du bain. Il y a probablement des défauts, des aménagements sont certainement nécessaires, ainsi que des évolutions, dues notamment à un changement de contexte. Vous avez évoqué le développement de l'intercommunalité. Pour autant, il ne faudrait pas aller jusqu'à mettre un terme à une politique contractuelle qui par ailleurs a donné des résultats que nul ne peut contester.

Je voudrais tout d'abord rappeler comment les contrats de plan ont été ressentis, tant au niveau régional que local. Tout le monde sait qu'ils ont été conçus, à l'origine, pour répondre à plusieurs objectifs : planifier et harmoniser les politiques de l'Etat en région ; gérer la répartition des fonds européens ; c'était une spécialité très française, puisque la plupart des autres Etats de l'Union géraient les fonds au niveau régional ; exprimer la solidarité nationale à travers une volonté de péréquation qui se révèle réelle dans les chiffres, même si l'on a quelques difficultés à les calculer de façon très précise, et que les résultats sont quelquefois contestables.

D'autres objectifs se sont rajoutés à ceux d'origine, car l'on a découvert le mouvement en marchant ; et ce qui a été découvert en cours de route est certainement aussi important - parfois plus - que ce que l'on pouvait trouver dans les orientations d'origine.

Tout d'abord, une démarche de décentralisation contractuelle. L'Etat a partagé une partie de ses compétences - notamment sur les routes, l'université - avec les régions, en les associant à la réflexion et aux dépenses. Ensuite, une véritable coordination des politiques territoriales infrarégionales qui a pris de l'importance à partir des années 1997/1998 avec le développement des pays, des parcs naturels régionaux et plus tard les contrats d'agglomérations.

En temps que président de région, j'ai souvent considéré qu'il s'agissait d'une relation du pot de terre contre le pot de fer - le pot de terre étant naturellement la région. En effet, dans toute cette démarche, c'est l'Etat qui tenait le manche : nous l'avons vu à travers ce que l'on a appelé les noyaux durs ; à travers des ruptures unilatérales du contrat ; que ce soit sur les engagements financiers ou la durée du plan, l'Etat, dans bien des cas, n'a pas tenu sa parole, et pour des décisions dont il était le seul responsable - il faut bien reconnaître que la notion de contrat était mise à mal ; des transferts de charges sans précédent, notamment sur l'université et sur les routes. Les deux contrats universitaires - U2000 et U3M - ont été exemplaires : sur une compétence d'Etat, les régions, sauf l'Île-de-France, ont dû investir au moins autant que l'Etat, si ce n'est plus. Cela a été le cas dans la région Midi-Pyrénées.

Pour les routes nationales, cela a été d'autant plus sensible que certaines régions manquaient d'équipements routiers. Nous aboutissons à des situations qui sont totalement inacceptables ; pour les rocades de contournement des villes, la participation de l'Etat est complètement compensée par la TVA sur les travaux : l'Etat donne 22,5 % et récupère 19,6 % de TVA sur la totalité du chantier. Ce qui veut dire que l'Etat, trouve le moyen de faire totalement financer une de ses compétences par les collectivités territoriales, au prétexte qu'elles sont d'accord.

La solidarité - la péréquation - est difficile à calculer. Il apparaît que, globalement, elle a un peu fonctionné ; mais c'est faute de ne pouvoir consolider la totalité des engagements de l'Etat dans certaines régions. Par exemple, en Île-de-France, il y a des investissements très importants d'infrastructures de toutes natures qui ne sont pas pris en compte. Il est donc très difficile de comparer les chiffres par habitant selon les régions. On peut donc mettre en doute la réalité de la péréquation, d'autant qu'elle a été compromise par des pratiques de « mises aux enchères », jusqu'à désigner du doigt les mauvais élèves afin qu'ils puissent s'aligner sur les meilleurs.

Il y a donc du bon et du mauvais, mais il ne faut tout de même pas jeter le bébé avec l'eau du bain, car les effets bénéfiques et la nécessité de la contractualisation sont évidents.

Il n'empêche que l'on assiste, depuis quelque temps, à des évolutions et des modifications du contexte qui nécessitent d'adapter le processus. D'abord, quid des fonds européens ? A partir de 2006, toutes les politiques régionales, dont vous connaissez l'importance pour les bénéficiaires, vont être remises en cause dans des conditions que l'on ne connaît pas encore totalement.

On peut néanmoins en tirer deux conclusions.

Premièrement, s'il n'y a plus de politique régionale ou de fonds européens régionaux, c'est un travail de moins pour l'Etat et par conséquent une justification en moins également pour les contrats. En contrepartie, cela interroge l'Etat sur sa volonté à remplacer l'Europe dans une politique de rééquilibrage des régions. Que l'Etat français argumente contre un circuit long de fonds qui serait versés par l'Etat pour revenir sur les régions françaises, au prétexte de faire plus court, plus efficace et plus rapide pour financer directement les régions sans passer par l'Europe, je peux le comprendre. Mais si c'est pour supprimer les fonds de rééquilibrage d'aides aux régions, alors on se retrouvera dans des situations difficiles.

Quant à la décentralisation, dans l'hypothèse où elle se traduirait réellement par des transferts de compétences aux collectivités territoriales - ce qui n'est pas forcément le cas selon la connaissance que nous avons des textes - elle devrait diminuer les nécessités de contractualiser. En effet, à partir du moment où l'Etat n'interviendrait plus que sur ses fonctions régaliennes, on ne voit pas très bien pourquoi il contractualiserait avec les régions. Mais nous sommes quelques-uns à penser que cette décentralisation n'ira pas aussi loin que ce que l'on aurait espéré. Par conséquent, de très nombreuses politiques d'Etat resteront de sa compétence comme l'université, la santé, etc.... Compétences pour lesquelles on peut se demander si des procédures contractuelles avec les régions ne continueraient pas à être nécessaires.

Vous avez également évoqué, M. le président, le développement de l'intercommunalité, dont on voit bien maintenant qu'elle va aboutir à une couverture générale de l'ensemble du territoire. Quand il ne restera que quelques villages gaulois résistants, le législateur les contraindra-t-il à passer à la moulinette ou acceptera-t-il qu'ils fassent exception ? Je ne sais pas !

Le développement actuel de l'intercommunalité a considérablement changé les démarches de développement local. Par exemple, les relations anciennes, traditionnelles, historiques des départements avec les communes volent totalement en éclat par l'apparition des communautés qui ont beaucoup plus volontiers - et fonctionnellement - plus de relations avec la région dans des politiques de développement local, qu'avec les départements. Ce qui, nécessairement posera la question de la présence des départements et de leur rôle dans les futurs contrats.

Notre association considère qu'aujourd'hui le véritable couple du développement local est la région et l'intercommunalité, et non pas, contrairement à ce qu'a pu affirmer le Premier ministre, le département et l'intercommunalité.

Autre évolution : la généralisation des démarches de développement local, à travers les pays, les contrats d'agglomérations, les parcs naturels régionaux. Il s'agit de démarches de projets très prometteuses, qui ont allumé beaucoup d'espoirs, suscité beaucoup de dynamisme et des projets intéressants, sur lesquelles l'on s'interroge aujourd'hui pour savoir ce qu'elles deviendront. Mais qui posent aussi toute une série de problèmes dont le dépassement ou la transgression des limites institutionnelles, qui n'est pas la moindre : limites communales, intercommunales, voire départementales. Des logiques de développement et des démarches de projets se font sur des territoires vécus, des territoires fonctionnels et non pas institutionnels, ce qui posent des problèmes à tout le monde, et certainement aux départements plus qu'aux autres.

Alors quel avenir ? Je crois surtout qu'il faut bien se garder de renoncer à une politique contractuelle au prétexte qu'un certain nombre d'objets seraient désormais vidés de leur contenu. Je me réfère à la décentralisation, aux fonds européens. Mais même dans ces deux domaines, ce qui reste encore de compétence et de responsabilité de l'Etat est tel que cela justifierait que l'on continue les politiques contractuelles.

Mais au-delà de tout cela, c'est le volet territorial qui nous paraît poser les véritables questions. La région devient et devra devenir de plus en plus le véritable niveau de cohérence des politiques territoriales. Or la difficulté est très française et est fondée sur le fait que la Constitution prévoit qu'il ne peut y avoir de tutelle d'un niveau sur l'autre. Alors comment assurer une coordination, une mise en cohérence si personne ne peut imposer quoi que ce soit à qui que ce soit ?

Pour la région, les deux voies qui sont ouvertes sont, en premier lieu, la voie normative, avec des schémas d'organisation ou des schémas de services, qui, pour être opposables aux tiers, se heurtent à la difficulté constitutionnelle que je viens d'évoquer. Certaines régions telles que la Corse et l'Île-de-France ont réglé le problème en passant par le Conseil d'Etat pour imposer ces documents. Faut-il généraliser le dispositif ? Je ne sais pas, mais il faut que quelqu'un, à un moment donné, puisse avoir le pouvoir d'imposer une certaine cohérence.

En second lieu, le contrat. Par la négociation et un document que tout le monde signe ; on se met d'accord sur un certain nombre d'objectifs et de réalisations. Bien entendu, vous pourriez me dire que l'on est là dans l'infrarégional. Alors que viendrait faire l'Etat ?

La présence de l'Etat est nécessaire, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, c'est l'Etat arbitre et garant. Garant pour les autres, certes, mais pour lui ? En général, dans une relation contractuelle, en cas de non-respect du contrat, la partie lésée a un recours juridique auprès d'une autorité supérieure. Or, les régions qui ont été tentées de se retourner contre l'Etat pour l'obliger à tenir ses obligations n'ont pu le faire, faute de possibilités. Je crois donc vraiment qu'il conviendrait d'attribuer à une structure régionale - telle que la Chambre régionale des comptes - ou nationale - la Cour des comptes - la compétence d'obliger l'Etat, quand il ne respecte pas ses obligations, à honorer sa parole.

Dans les politiques locales, territoriales, contractuelles, on voit bien à quel point, aujourd'hui, si on laisse le débat ouvert entre régions, départements et collectivités locales, un nombre de conflits considérables s'ouvrent sur l'ensemble du territoire que personne ne peut résoudre. Or cette situation empoisonne beaucoup les relations locales. C'est la raison pour laquelle la présence de l'Etat-arbitre dans les contrats locaux me paraît indispensable à travers notamment la personne du préfet de région ou de département.

Par ailleurs, la péréquation et la solidarité nationale justifient également la présence de l'Etat. D'autant plus que les disparités sont moins régionales qu'infrarégionales.

Il y a dans des régions riches des bassins d'emplois qui se trouvent dans des situations de reconversion extrêmement douloureuses, alors que dans certaines régions pauvres, des agglomérations font preuve d'une remarquable santé. C'est la raison pour laquelle analyser les disparités uniquement au plan régional ne me paraît pas suffisant. En revanche, dans la mesure où l'Etat pourrait intervenir pour abonder des politiques territoriales sous forme de contrats de pays ou d'agglomérations, il a la possibilité de faire jouer une péréquation beaucoup plus fine et plus proche de la réalité.

Je voudrais insister sur l'émergence de ce couple région-intercommunalité. Au cours des dernières années - et bien avant les contrats d'agglomérations ou les lois Voynet et Chevènement - de nombreuses régions avaient imaginé des contrats de développement local, avec des terroirs ou des bassins d'emplois fondés sur un regroupement d'intercommunalités.

Mais le maître de l'ouvrage était une structure de coopération intercommunale. Nous avons donc vu à la fois se créer et se conforter des relations privilégiées entre l'intercommunalité et la région. Et je ne pense pas que l'on puisse, aujourd'hui, confier ce rôle au département qui n'a pas le recul nécessaire. Dans bien des cas, il est même en compétition avec certaines structures locales. On le voit avec les pays, et tout le monde sait qu'entre le département et l'agglomération chef-lieu, dans bien des cas, ça ne se passe pas très bien. Le département est trop impliqué sur le même électorat pour pouvoir assumer cette mission de coordination que la région, avec son recul, sa dimension et sa surface financière peut exercer.

Si vous ne deviez retenir qu'un message de mon intervention, je souhaiterais que ce soit celui-ci : ne retenez pas l'idée d'un couple de proximité qui serait le département et l'intercommunalité. Il s'agit de deux entités qui ne sont pas appelées à travailler ensemble d'une façon efficace sur le développement local.

Je vous dirai maintenant un mot sur les calendriers, car l'on s'interroge pour savoir si les rythmes actuels sont trop longs ou trop courts. La question a été posée de savoir s'il convenait de les faire coïncider avec le rythme des politiques européennes ou avec les mandats électifs. Il est difficile d'harmoniser tout cela !

Cependant, il me semble que dans les politiques régionales, il y a deux types de respirations, de rythmes différents.

La première est une sorte de respiration à long terme, qui est conceptuelle et qui correspond à l'élaboration de schémas, tels les SCOT, qui entrent dans cette respiration car ils sont élaborés pour une durée de 10 ou 12 ans, même s'ils peuvent être révisés à la marge. Les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme ont même eu une vie de 20 ans, le POS permettant de les mettre à jour au fur et à mesure des évolutions.

Le second correspond aux politiques que l'on met en œuvre dans le cadre contractuel. Et là encore, il y a deux temps de réflexion.

Le premier correspond à la durée du mandat. Quand une nouvelle majorité prend la tête d'une région, en principe, elle a son programme ou du moins elle s'interroge sur ce qu'elle va réaliser. Or, il serait opportun qu'elle puisse négocier son contrat de plan. En revanche, la maquette financière n'est pas négociable sur une durée de 6 ou 7 ans. L'expérience prouve que cela ne marche pas.

Il conviendrait donc d'établir des contrats d'objectifs d'une durée de 6 ans qui coïncideraient avec les mandats politiques, avec des révisions à mi-parcours, qui permettraient d'avoir une véritable convention financière qui serait révisable, elle aussi, à mi-parcours.

Ce type de schéma permettrait d'avoir trois temps : le temps de la réflexion stratégique, qui se traduirait par l'élaboration de schémas régionaux, plus ou moins normatifs, plus ou moins imposés aux autres partenaires ; une négociation en début de mandat, qui pourrait durer un an et qui permettrait de mettre en place un contrat d'objectifs pour la durée du mandat ; et enfin, à mi-parcours, en fonction de la réalité des projets, la révision de la maquette financière pour la dernière période après une évaluation.

Ce système comporte également quelques inconvénients, puisqu'il ne correspond pas au rythme du gouvernement et de la législature, qui est de 5 ans. Cependant, le rythme qui devrait primer est, selon moi, le rythme régional. En effet, ceux qui sont à l'origine de la conception et de la réalisation des projets sont bien tous les acteurs de la région, qu'ils soient politiques, sociaux ou économiques. Il serait donc normal que cet acte, éminemment politique, qui consiste à signer un contrat, puisse intervenir après un an de mandat. En un an, une nouvelle majorité devrait pouvoir préciser ses orientations et ses objectifs et signer un contrat avec l'Etat. Et, tous les trois ans, adapter la maquette financière qui permettrait de dépasser le rythme budgétaire - avoir des durées triennales - et surtout de s'adapter en fonction des évolutions.

Cette dernière possibilité fait appel également à une caractéristique qui n'est pas dans les habitudes et les traditions de nos finances publiques : avoir des lignes fongibles. Lorsqu'une réévaluation est effectuée à mi-parcours, il ne faut pas rester enfermé dans un cadre budgétaire qui ne permet pas, par exemple, de transférer des crédits routiers sur un projet touristique ou agricole. Il conviendrait donc d'imaginer que les crédits qui sont réservés à ces contrats de plan puissent subir ce type d'évolution. Sinon, l'on est enfermé dans un carcan qui, très rapidement, dérive avec la réalité, et on n'a plus de capacité d'adaptation financière en cours de route.

M. Emile Blessig, président : M. Censi, je vous remercie pour cet exposé qui illustre votre réflexion sur la question et votre expérience de la contractualisation sous différents aspects.

M. Jacques Le Nay, rapporteur : Grâce à votre expérience vous avez formulé un certain nombre de critiques à l'égard des contrats de plan passés. On parle déjà du passé... Il est vrai que les questions que nous devons nous poser sont les suivantes : quel est le bon rythme, faut-il changer le rythme actuel ? Des objectifs sur le long terme sont nécessaires, tout comme des objectifs plus précis sur le moyen terme, enfin, des révisions à mi-parcours, après de 3 ans.

En vous écoutant, j'essayais de cerner la priorité à donner aux collectivités maîtres d'ouvrage, à savoir les régions, mais je réfléchissais également au fait que vous associez les communautés de communes et d'agglomérations. Mais la difficulté vient surtout des différentes échéances. Si la région a ses échéances à une période donnée, les communautés de communes ou d'agglomérations, qui dépendent des élections municipales, ne suivent pas les mêmes échéances. Par ailleurs, les fonds européens ont d'autres échéances. Or c'est l'assemblage de toutes ces échéances qui me paraît être la grande difficulté.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : M. le président, je souhaiterais connaître la façon dont vous envisagez l'articulation dans ce schéma des contrats de plan Etat-régions, des problématiques d'intercommunalité, et notamment d'agglomération, à l'intérieur de ces schémas régionaux ?

Vous avez évoqué à juste titre la question de la péréquation entre les différentes régions ; et l'on peut se demander si les contrats de plan Etat-régions, s'ils viennent abonder les communautés d'agglomérations qui ont vocation à être les métropoles dans leur propre région, concourent à l'aménagement du territoire ou au contraire confortent la place des agglomérations au détriment des autres territoires.

M. Emile Blessig, président : J'ai bien entendu votre message, M. le président, concernant le couple région-intercommunalité.

S'il n'y a pas différents types de relations, je crois qu'il y a en milieu rural un échelon qui a vocation à la détermination de la stratégie : je veux parler du pays. Et les intercommunalités sont un tissu relativement hétérogène : toutes les intercommunalités n'ont pas nécessairement la capacité de contractualiser ou du moins de contractualiser sur un territoire pertinent.

Comment concilier la notion de territoire pertinent avec la contractualisation, dans le cadre de l'intercommunalité ? Et quelle est la place du pays ?

M. Marc Censi : Je me demande si, compte tenu de l'évolution des fonds européens, les rythmes des politiques européennes continueront à être très importants dans l'avenir. Etant donné qu'il est impossible de s'adapter à tous les rythmes, il faudra bien en choisir un. Mais a priori, il ne me semble pas qu'il y ait de difficultés majeures à faire coïncider les CPER avec les rythmes européens. Et si cette difficulté existe, elle ira probablement en s'amenuisant, compte tenu de l'importance relative des fonds européens.

En revanche, à l'autre extrémité du schéma, les contrats locaux n'ont aucune nécessité à s'inscrire dans un rythme pré-établi. Et d'ailleurs, ils chevauchent plusieurs plans. Il n'existe donc aucune difficulté.

J'ai été profondément contrarié par la notion de date limite pour les signatures de contrats : contrats d'agglomérations et de pays. Il s'agit d'une aberration totale : l'on signe un contrat lorsqu'un projet est prêt. Et le projet n'est pas prêt parce le Premier ministre a décidé qu'il devait l'être à telle date !

Je ne vois pas de difficulté à inscrire dans cette respiration globale régionale et étatique des contrats territoriaux locaux qui, eux, peuvent chevaucher plusieurs plans. Même si leur durée est limitée.

On peut réfléchir sur la façon de présenter les crédits, mais il peut y avoir des flux de crédits qui tiennent compte du chevauchement, et surtout les discontinuités étant réparties sur le territoire - l'expérience a prouvé que dans la première génération de contrats d'agglomérations, beaucoup ne sont pas encore signés, d'autres l'ont été en trois mois, etc... Vouloir imposer un rythme aux projets locaux me paraît complètement farfelu. Nous proposons donc de dissocier complètement le rythme global des CPER des rythmes territoriaux.

S'agissant de la concurrence entre le rural et l'urbain, M. le député, elle ne se réglera pas une dichotomie. Les territoires de développement sont à la fois urbains, rurbains, ruraux et la ville, le pôle urbain, au centre de ces territoires, a une fonction d'animation grâce à laquelle il existe encore quelque chose dans les zones rurales. On ne peut donc pas raisonner en dissociant le rural de l'urbain.

Les projets de développement local, s'ils sont efficaces et surtout s'ils abordent la totalité du panorama des éléments de l'attractivité d'un territoire, sont nécessairement urbains et ruraux.

Il convient donc de favoriser des projets qui ont une dimension territoriale et de contenu tels qu'ils atteignent la globalité nécessaire pour aborder tous les paramètres de l'attractivité du territoire.

Nous nous trouvons aujourd'hui devant trois types de contrats qui, dans l'esprit du législateur de l'époque, devait permettre de couvrir la totalité du territoire : contrats d'agglomérations, PNR et contrats de pays. Toutes les communautés de communes qui ne sont pas en agglomération ont la possibilité de se réunir ; et les pays qui marchent bien sont des regroupements d'intercommunalités. Quand des communes se regroupent en pays sans avoir franchi l'étape préalable de l'intercommunalité, en général, elles ont beaucoup de difficulté à faire fonctionner le pays. Il n'y a donc pas de contradiction entre l'intercommunalité et les pays, c'est exactement le même phénomène qui se prolonge : les communes se sont réunies car elles ne peuvent pas, isolément, aborder un certain nombre de problématiques, qui deviennent accessibles dès l'instant où elles agissent en intercommunalité.

Ce sont ces mêmes communes, dans le cadre de l'intercommunalité, qui découvrent qu'elles ne peuvent pas non plus aborder la totalité des aspects de leur développement, au niveau intercommunal, et qui se regroupent en pays. Il s'agit donc non pas d'une contradiction, mais d'une continuité.

La question se pose, en revanche, quand on oppose l'agglomération aux pays environnants ; c'est un peu la difficulté que soulevait M. Giscard d'Estaing. Il y a eu une réaction assez fréquente de la part de ceux que Mme Voynet avait appelé dans son texte de loi les pays défensifs. Autour des communautés d'agglomérations, des pays se sont constitués pour bloquer l'hégémonie de l'agglomération.

Théoriquement, si l'on s'en tenait à la loi, ces pays défensifs sont interdits. Or force est de constater qu'un certain nombre de préfets de région ont accepté ces pays défensifs, qui ont pour objectif de limiter l'agglomération dans ses propres problèmes. S'il s'agissait de zones rurales, ce serait moins grave, mais la plupart du temps ce sont des zones périurbaines - le rurbain - qui sont en osmose totale avec le pôle urbain central, que ce soit pour l'habitat, les transports, etc... Il y a une nécessité absolue d'avoir des schémas cohérents dans tous les domaines à un niveau plus large que l'agglomération. La réponse, c'est le pays autour de l'agglomération. Hélas, force est de constater qu'ici ou là, des pays ont entouré l'agglomération. J'ai moi-même failli être victime de ce genre d'initiative et à ce jour je ne connais toujours pas la décision du préfet de région. Si nous nous en étions tenus à la loi, nous n'aurions pas ce type de problème.

M. Jean-Pierre Dufau : Ce débat est intéressant et le président Censi nous a fait part de son attachement manifeste à la notion de contrat, malgré les imperfections qui ont été soulignées. Or il s'agit d'un point important que l'Etat doit entendre. Puisqu'il prône la décentralisation, son premier devoir est d'écouter les territoires et de tenir compte de leurs observations.

Par ailleurs, quels que soient les défauts qui ont été cités, il ne faut pas trouver de faux prétexte. J'ai apprécié, M. le président, votre intervention concernant les rythmes. Il est vrai que nous ne trouverons jamais de rythme idéal, étant donné le nombre de strates. Il convient donc d'en faire son deuil !

En revanche, il est important d'être efficace et concret. La région est clairement positionnée comme étant le pilote autour duquel va s'articuler la coopération entre les territoires, agglomérations ou pays, avec l'Etat. Le pivot, c'est la région. Quel que soit notre sentiment départementaliste, cet élément me paraît maintenant irréfutable en termes d'aménagement du territoire.

A partir de là, nous ne devons pas être trop jacobins dans notre démarche. Pourquoi la même règle, la même méthode, la même durée devraient-elles s'appliquer sur des territoires qui sont extrêmement divers ? Ayons des principes communs, ayons des démarches bien élaborées, ensuite laissons faire la méthode expérimentale ; laissons aux territoires le soin de s'organiser selon qu'ils sont à dominante de contrats d'agglomérations ou de pays. Peu importe, ce n'est pas là qu'il convient de fixer les règles. Faisons d'abord en sorte que l'on ne perde pas notre objectif de fond, qui est de faire évoluer ces territoires.

Deux points ont été soulignés et me semblent importants.

D'abord, l'organisation territoriale à travers les SCOT, qui doit se mettre en place sur l'ensemble des territoires. Car en effet, les SCOT ont été à peine lancés que déjà certains veulent déjà revenir en arrière. Ils sont critiqués avant même d'avoir été mis en place. Or les SCOT vont être une façon d'aménager l'ensemble du territoire. Sinon, cela voudrait dire que nous n'avons pas cette volonté, ce qui est un autre choix qui mérite débat.

Ensuite, les schémas de services. Selon la façon dont on regarde le problème - du point de vue de la délégation à l'aménagement du territoire ou des personnes qui vivent dans les territoires - nous n'avons pas tout à fait les mêmes besoins, les mêmes approches. Or c'est de cette confrontation que l'on pourrait peut-être tirer la partie partagée sur le territoire, afin d'être non pas uniquement dans un schéma directif, mais dans un schéma d'écoute. Parler de démocratie, c'est bien, la mettre en œuvre, c'est mieux !

Il me semble donc que les contrats Etat-régions ont un avenir s'il existe une véritable volonté de les rénover et de les rendre utiles. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. C'est facile !

Il ne faudrait donc pas que l'on saisisse - même s'il s'agit d'une réalité - le prétexte des difficultés budgétaires ou de la raréfaction des crédits européens pour se tromper d'objectif. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas suffisamment de moyens budgétaires qu'il faut dire que le contrat est mauvais !

M. Censi, l'articulation Etat-région, puis intercommunalité, quelle qu'elle soit, dans laquelle j'inclus volontairement les départements, vous semble-t-elle être un triptyque encore d'actualité ? Par ailleurs, cette contractualisation peut-elle permettre justement de ne pas faire de la décentralisation un transfert de charges, mais de continuer à faire que l'Etat assume ses responsabilités sur le territoire sans s'en décharger et en assurant une direction qu'il est nécessaire de mettre en place sur ces territoire ?

M. Marc Censi : En ce qui concerne la raréfaction des crédits, il s'agit hélas d'une réalité non contestable, que ce soit sur le plan européen ou national ; il va falloir faire avec. Mais c'est justement quand les crédits deviennent rares qu'il faut les utiliser à bon escient : mieux définir les priorités, inciter les acteurs à sélectionner les bons projets, devenir de plus en plus exigeants sur la qualité des initiatives. D'ailleurs, je ne vois pas d'autres démarches que ces démarches de projets, contractualisées, intéressant la totalité des partenaires pour aboutir à cette sélection, précisément parce que l'argent va devenir rare.

S'agissant de l'articulation, je suis effaré de constater à quel point le climat peut être délétère, ici ou là, entre les élus locaux, du fait de la compétition qui se joue sur les territoires entre les agglomérations, les départements et la région ! Je pourrais vous citer de multiples exemples !

Le fait que, d'une part, le législateur ait inscrit dans la Constitution que les trois niveaux de collectivités territoriales ont la possibilité d'aborder toutes compétences - elles ont pratiquement tous les pouvoirs - et d'autre part qu'il n'y a aucune tutelle de l'une sur l'autre aboutit à une situation que personne ne peut gérer correctement. Alors quand il ne s'agit que des relations entre les élus locaux, ce n'est pas grave, cela fait la joie des chroniqueurs locaux, mais quand cela se traduit par une dépense d'argent public incalculable, c'est beaucoup plus grave !

Si nous ne voulons pas revenir sur cette clause constitutionnelle, il n'y a pas d'autre solution que le contrat. Ou bien, l'on s'entend contraints et forcés par la loi, ou l'on s'entend par contrat ! La France a toujours choisi, depuis la Révolution, la voie légale, les pays anglo-saxons, eux, ont opté pour le contrat. Nous sommes en train de découvrir les vertus de la contractualisation.

Je pense qu'il s'agit d'une bonne solution, car elle responsabilise l'ensemble des partenaires et permet de s'ouvrir à la société civile. C'est le cas des pays et des contrats d'agglomérations. Mais à la condition qu'il ne s'agisse pas d'un contrat léonin : l'Etat, lorsqu'il signe un contrat, a les mêmes obligations que la plus modeste des communes inscrites dans le contrat.

M. Emile Blessig, président : Depuis le début de nos travaux, à chaque fois que nous nous sommes occupés d'aménagement du territoire, nous constatons les effets pervers de la clause de compétence générale et la confusion qu'elle entraîne.

Si nous nous plaçons dans l'optique que le contrat de plan est un outil mis à la disposition de l'Etat, le contrat territorial représente-t-il la même chose qu'un contrat de plan ou existe-t-il, selon vous, une spécificité du contrat de plan initié par l'Etat ? Vous venez de soulever un certain nombre de problèmes, et c'est vrai que la culture du respect de la parole contractuelle par l'Etat a des progrès à faire !

Dans cette perspective, existe-t-il une spécificité du contrat de plan entre l'Etat et la région, par exemple ? Et l'Etat pourrait-il demander un effort identique à la région dans la gestion de son propre territoire ? Ou estimez-vous que l'Etat intervient à l'intérieur de la région seulement en tant que garant ?

Enfin, on ne peut parler de réforme du contrat de plan sans parler de réforme de l'évaluation et de l'exécution. L'Europe, de ce point de vue là, nous donne un certain nombre d'exemples significatifs, car elle incite les cocontractants à être plus efficaces.

M. Marc Censi : Il est vrai que la notion de dégagement d'office a « secoué le cocotier » !

En ce qui concerne l'évaluation, nous sommes tous d'accord. Une évaluation à mi-chemin qui conditionne la seconde moitié du parcours me paraît proche des réalités, car il n'est pas possible de prévoir des financements sur six ans. Et il s'agira d'une obligation d'évaluation contradictoire, car elle serait effectuée par les parties contractantes, chacune défendant ses propres intérêts. Pour le reste, je n'ai pas de réponse précise, notamment concernant le degré de finesse de la présence de l'Etat dans les contrats territoriaux. Je crois cependant qu'il existe deux niveaux. Le premier n'est pas contestable et continuera toujours à exister, c'est celui de l'aménagement du territoire au sens national du terme, qui fait qu'il existe des relations entre l'Etat et les régions, sur des grandes infrastructures de transport, portuaires, aéroportuaires ou de santé.

Philippe Douste-Blazy a annoncé à Toulouse la création d'un grand centre anti-cancéreux. Je m'en réjouis pour Toulouse, mais il s'agit d'un geste national. Ce n'est pas le maire de Toulouse qui a pris une telle décision, mais le ministre de la santé !

Le second niveau est le niveau infrarégional. Or que vient faire l'Etat à ce niveau-là ? Si nous avions des organisations qui correspondent à celles des généralités espagnoles, des régions italiennes, ou des Etats fédéraux allemands, l'Etat n'aurait rien à faire ! Mais nous ne sommes pas du tout dans cette situation ; nous sommes toujours sous la protection tutélaire de l'Etat, et tout ce beau monde a besoin d'un arbitre, d'un garant. Or tant que nous ne sortirons pas de cette tradition historique, l'Etat doit être présent, à la fois en tant que garant et péréquateur.

M. Emile Blessig, président : Le garant est-il partie au contrat ?

M. Marc Censi : Il est partie au contrat dans la première moitié ; et c'est avec la région qu'il passe un contrat. Sinon, il garantit la bonne contractualisation entre la région et les locaux - cela lui permet d'assurer une péréquation.

M. Emile Blessig, président : Pourrait-on imaginer que la qualité de la contractualisation entre l'Etat et la région est liée aux efforts d'aménagement, de contractualisations infrarégionaux mis en place par la région pour pouvoir contractualiser avec l'Etat ? Autrement dit, quid des contreparties de l'engagement de l'Etat, par rapport à une région ? C'est la mise en œuvre par cette dernière d'une politique d'aménagement du territoire, de péréquation. Car si la péréquation est nationale, il existe aussi une péréquation régionale. Est-ce de cette façon que vous envisagez le rôle de l'Etat au niveau infrarégional, ou est-il véritablement une partie au contrat ?

M. Marc Censi : Il me semble que l'Etat, par son représentant, le préfet régional - et non pas en tant que cocontractant - doit faire respecter un certain nombre de règles. Si un projet, par exemple, ne respecte pas le schéma régional d'aménagement, si la procédure n'a pas été correcte, si manifestement il y a eu une tentative d'hégémonie de la région sur une agglomération, l'Etat peut intervenir. De quelle façon ? Il ne peut pas dire à la région de contractualiser ou de ne pas contractualiser. Il peut intervenir, par exemple, en diminuant sa participation pour tel projet, la région ne s'étant pas conformée à la règle ou aux souhaits de l'Etat. Il intervient dans le contrat comme une autorité qui garantit le respect, à la fois de la règle générale, de la loi et de la procédure contractuelle.

M. Emile Blessig, président : M. Censi, je vous remercie. Cet entretien a été très instructif.

Audition de M. Augustin Bonrepaux,
président du conseil général de l'Ariège,
membre de l'assemblée des départements de France,
député

Réunion du mercredi 23 juin 2004

Présidence de M. Serge Poignant, vice-président

M. Serge Poignant, vice-président : Nous procédons aujourd'hui à l'audition de M. Augustin Bonrepaux, que je salue. Je rappelle que vous êtes député de l'Ariège, président du conseil général de l'Ariège et ancien président de la commission des finances de notre Assemblée. Nous vous entendons au titre de membre de l'Assemblée des départements de France pour que vous nous exposiez ce que votre assemblée pense de la réforme des contrats de plan Etat-régions.

Pour avoir participé aux travaux de la commission des finances sur l'exécution des contrats de plan, vous savez, M. Bonrepaux, que notre délégation doit remettre au Gouvernement un avis sur la réforme de ces contrats.

Nos rapporteurs, MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay, disposent de la plupart des données chiffrées et souhaitent recueillir l'avis des collectivités territoriales sur les contrats de plan.

Nous vous avons transmis nos questions, M. Bonrepaux. Au-delà de celles-ci, nous sommes intéressés par votre réflexion sur un point précis : faut-il faire des régions et des structures intercommunales - les collectivités territoriales en général - le cadre de conception et d'exécution des contrats dans la logique d'une France urbaine ? Le département se réduit-il à être le défenseur de la France rurale ou peut-il jouer un rôle plus large ? En tant que président d'un département rural, l'Ariège, situé en zone de montagne, vous avez certainement des idées précises en la matière.

M. Augustin Bonrepaux, président du conseil général de l'Ariège, député, membre de l'Assemblée des départements de France : M. le président, je ne pense pas devoir répéter les réponses que j'ai formulées dans le document que je vais vous remettre.

Vous vous préoccupez de l'avenir des contrats de plan. Notre préoccupation est beaucoup plus immédiate. Elle concerne essentiellement la bonne fin des contrats en cours. Je voudrais d'abord m'exprimer sur ce point.

M. Serge Poignant, vice-président : C'est selon votre bon vouloir. Vous pouvez vous exprimer sur les contrats de plan aujourd'hui, sur l'avenir des contrats de plan, sur les questions qui vous ont été transmises en complément des éléments que vous nous donnerez et sur les autres questions que les rapporteurs seront amenés à vous poser.

M. Augustin Bonrepaux : Je suis là pour répondre à toutes vos questions. Notre collègue, Louis Giscard d'Estaing, a remis à la commission des finances un excellent rapport. Jean-Louis Dumont nous a également présenté le sien sur les crédits européens.

Au cours de ces deux auditions, j'ai indiqué que ces rapports montraient une partie des problèmes, mais restaient incomplets. J'ai donc incité mes collègues à poursuivre leur tour de France car les situations sont parfois différentes. En ce qui me concerne, et pour ce que je vois actuellement, je les juge inquiétantes. En effet, les financements des contrats de plan sont assurés en grande partie par les crédits européens qui sont sinon consommés, du moins préaffectés sur la plupart des régions. Hier, s'est tenu à Toulouse un comité de suivi des crédits européens. Ces contrats de plans concernent de grandes infrastructures, les technologies de l'information, notamment le numérique, et les politiques territoriales. Les crédits européens dédiés aux politiques territoriales sont presque totalement affectés sur les projets déjà déposés. Malheureusement, si les contrats de plan continuent jusqu'en 2007, ils ne bénéficieront plus ensuite des crédits européens.

Les rapporteurs, ainsi que votre délégation, M. le président, devraient quand même savoir précisément comment ont été utilisés ces crédits. En ce qui nous concerne, le comité de suivi Midi-Pyrénées n'a pas été saisi de décisions sur l'ensemble de ces crédits. C'est dire qu'un certain nombre de crédits ont été préaffectés pour la politique de l'État. Je pourrais être précis et citer des opérations qui nous semblent relever de la politique nationale et pour lesquelles les crédits européens se sont substitués à des crédits de l'État. De ce fait, les engagements pris par l'Etat, les régions et les départements sont maintenant compromis, l'État ne pouvant plus honorer ses financements, ce qui est extrêmement grave.

Bien sûr, cela ne concerne pas directement le contrat de plan Etat-régions, en tous cas les finances de l'État, puisqu'il est question des crédits européens. Mais je crois que ce volet doit intéresser quand même votre délégation parce que l'on peut s'interroger sur le devenir de l'ensemble des politiques territoriales. C'est la préoccupation immédiate de beaucoup de départements et de régions.

J'en reviens à votre question : « Dans une France de plus en plus urbaine, comment peut-on mener une politique territoriale ? Faut--il une politique spécifique pour les zones rurales ? » Je constate que la concentration des crédits sur des politiques urbaines et de sites encourage l'agglomération des populations ainsi que parallèlement, la disparition des politiques en faveur des territoires ruraux. A moins de croire que les départements ruraux et les zones de montagnes doivent être des déserts, il existe des possibilités et des réserves d'emplois, des zones d'activité économique pour équilibrer le territoire national. La plupart des projets de zone rurale sont structurants. Et je m'élève contre cette rumeur, entendue en commission des finances, de crédits européens prétendument utilisés pour créer des salles polyvalentes ! En tant que président du conseil général de l'Ariège, je pense que les dossiers à financer par les crédits européens ou par les crédits du fonds national de l'aménagement du territoire doivent porter sur des projets structurants, soit pour maintenir des services, soit pour développer le rayonnement de la culture. C'est comme cela que l'on maintient des populations dans les zones rurales. Il faut un équilibre, les mêmes services sur tout le territoire. Bien sûr, ces crédits doivent être affectés aux projets créateurs d'emploi. Mais même ces projets structurants, vitaux pour ces zones, ne pourront pas être financés dans la période à venir.

Pour les zones de montagne et pour l'ensemble des zones rurales, il faut établir des critères de sélection vis-à-vis du financement des projets structurants, des projets de développement durable, des projets qui permettent d'assurer les services sur l'ensemble du territoire, en particulier vis-à-vis des politiques territoriales.

Voilà globalement mon introduction sur l'avenir immédiat des contrats de plan. Bien entendu, je suis prêt à répondre à toutes les questions que vous souhaiteriez me poser. Je renouvelle ma demande : dois-je reprendre, ici, toutes les réponses à votre questionnaire ?

M. Serge Poignant, vice-président : Non. Nous n'allons pas vous demander de reprendre toutes vos réponses. Mais si des points vous semblent particulièrement importants dans ce questionnaire, nous sommes prêts à vous écouter, avant de passer la parole aux rapporteurs.

M. Augustin Bonrepaux : M. le président, pour passer des problèmes immédiats des contrats de plans à celui de leur avenir, je dirai que le principal reproche des acteurs locaux aux contrats est leur complexité et l'illisibilité. De plus, la politique contractuelle a été centralisée sans valeur juridique ni garantie financière.

Mais dans les contrats 2000 - 2006, nous notons des innovations intéressantes : une meilleure péréquation des dotations ; l'affichage de la priorité accordée aux infrastructures de transport ferroviaire et à l'intermodalité ; la création du volet territorial, et plus spécifiquement du volet de politique de la montagne par massif, nouveauté de ce contrat. De plus, par rapport aux perspectives du CIADT de décembre 2003, des orientations intéressantes sont prises : la contractualisation, qui reste le meilleur support de coopération entre l'État et les régions, pour une durée de cinq ans au lieu de sept ans, un périmètre de contractualisation variable, un nombre plus restreint de politiques structurantes et la définition d'une plus grande péréquation entre les régions. Nous ne pouvons qu'être favorables à ces nouvelles orientations.

Il faut cependant préciser la cohérence de ces contrats avec la politique européenne, les modalités du cadre partenarial Etat-régions-Europe et la façon dont s'articule la durée du contrat de plan sur cinq ans avec la politique régionale européenne étalée sur sept ans.

M. Serge Poignant, vice-président : Je donne la parole à nos rapporteurs. M. Le Nay, nous vous écoutons.

M. Jacques Le Nay : Chaque contribution apportée au travail qui nous a été demandé est intéressante. Certaines contradictions apparaissent entre la durée longue du contrat et la réactivité nécessaire à la réalisation financière des projets. Il faut tenir compte de la difficulté à se caler sur la durée des différents mandats qui, eux-mêmes, ne coïncident pas avec les aides européennes. Faut-il alors avoir un principe de projet sur une longue durée et un resserrement sur des engagements plus courts au niveau financier ?

Cette question signifie également que le délai peut être long entre la réflexion menée pour un contrat de plan sur certains grands projets et le temps de la réalisation et que l'évaluation initiale n'est alors plus en concordance avec le montant financier au moment de la réalisation effective du projet. Quel est votre avis sur ce point ?

M. Augustin Bonrepaux : J'ai entendu dire par le rapporteur Louis Giscard d'Estaing que certains projets avaient été inscrits sans être véritablement prêts. Les contrats de plans devraient davantage associer les collectivités locales. Or, jusqu'à présent, ces contrats ont surtout été établis en fonction des priorités de l'Etat. On a demandé ensuite aux collectivités locales de venir à la rescousse. Si les contrats de plan ont été signés en 2000, les réalisations n'ont commencé qu'en 2002, ce qui confirme la remarque de notre rapporteur. Les départements, qui sont appelés à en financer une part devraient être appelés à faire des propositions.. Dans les contrats de plan précédents, la région et l'Etat avaient d'abord établi leurs priorités et les départements n'avaient été appelés que pour le financement des projets ainsi établis. Ce n'est pas cela, le partenariat !

Il faut également respecter les compétences de chacun. Une loi les établit. Le département ne devrait pas être obligé de dépasser le cadre défini de ses compétences. Par exemple, je pense à l'aménagement du réseau ferré. Nous auditionnons Réseau ferré de France qui nous explique être prêt à participer à hauteur de 50 % du montant avec l'Etat, le complément étant demandé aux départements et aux régions. Il faudra rester cohérent avec les compétences transférées. Etre efficace nécessite une bonne concertation préalable, chacun restant ensuite dans ses compétences.

Les départements craignent que le décroisement des crédits se fasse à leur détriment et qu'ils aient à assumer alors la plus grande partie de la charge. Le déficit s'exercera au détriment des départements. Nous avons déjà réalisé ce décroisement des crédits en refusant de participer au financement des routes nationales, car nous avons à financer un réseau départemental sans aide financière extérieure. Il revient à l'Etat et aux régions de financer le réseau qui est de leur compétence. Certains départements ont conclu un marché de dupes en acceptant de financer le réseau national dont le tracé est décidé par l'Etat et les régions

Pour répondre à votre question, il est nécessaire de mettre en place une bonne concertation, une étude approfondie des projets avant l'établissement du contrat de plan et d'avoir une connaissance exacte des financements pour réaliser sur cette période de cinq ans les programmations qui auront été faites.

M. Serge Poignant, vice-président : Merci, M. Bonrepaux. M. Giscard d'Estaing, nous vous écoutons.

M. Louis Giscard d'Estaing : Dans les aspects évoqués, il y a la question de l'aménagement du territoire au sens infrarégional, c'est-à-dire à l'intérieur même des territoires régionaux, et le problème de la ruralité, des zones de montagnes par rapport aux zones urbaines.

Dans le cadre que constitue le contrat de plan Etat-régions, il y a des déclinaisons infrarégionales par contractualisation. Par exemple, des conseils généraux, notamment en région PACA, sont directement associés à la négociation au moment de la signature des contrats de plan. Ils font valoir alors leurs propres priorités départementales à l'intérieur du schéma régional. Comment voyez-vous l'articulation entre les régions et les départements et à l'intérieur des départements, l'articulation avec les communautés de communes ou communautés d'agglomération et les pays ? En effet, il existe des possibilités de contractualisation non seulement entre la région et les pays, mais encore entre les conseils généraux et les communautés de communes, pratique assez largement répandue.

Vous avez évoqué également la complexité. On nous a cité en exemple le volet des crédits du ministère de l'agriculture dans les contrats de plan Etat-régions. Les crédits agricoles sont répartis sur cinquante lignes différentes dans chacune des régions. Pensez-vous que cela soit opérationnel aujourd'hui ou faut-il souhaiter, dans la prochaine génération des contrats de plan Etat-régions, quelque chose de plus lisible, c'est-à-dire de plus globalisé au niveau d'une ou plusieurs actions fortes, en prenant l'exemple du soutien à la pratique de l'agriculture dans ce cadre ?

M. Augustin Bonrepaux : La concertation entre la région et les départements et surtout, la concertation au sein des départements ou des régions avec les pays devrait précéder l'élaboration du contrat. Le concept de pays est intéressant dans la mesure où il permet d'associer les collectivités locales et la société civile sur des projets. Les premiers projets de pays ont démarré avec la loi Pasqua de 1995. Par expérience, il ne faut pas faire le contrat et demander au pays de se prononcer. Il faudrait que la concertation précède. Une phase de concertation dans l'année précédant le contrat serait plus riche au niveau départemental. C'est ce que nous faisons pour la mise en œuvre des projets des contrats. La synthèse de toutes ces propositions permettrait de retenir les grandes lignes du contrat de plan et de dégager les critères d'une politique structurante.

On a fait l'inverse : l'Etat a défini des politiques, l'Europe a défini des politiques. Ensuite, on a demandé aux pays d'élaborer des projets. C'est pourquoi on assiste, parfois, à l'émiettement de projets. Par la force des choses, on doit se recentrer sur des politiques les plus structurantes.

En ce qui concerne votre deuxième question, j'aurai quelque difficulté à vous répondre car la politique agricole n'est pas la compétence première des départements. Si vous me demandez mon opinion, je répondrai que je suis bien sûr favorable à la définition de quelques axes structurants. Il vaut mieux que la politique soit axée sur ce qui peut être déterminant comme l'irrigation, les bâtiments agricoles et ne se disperse pas sur cinquante lignes.

La préparation des contrats de massif, certes un peu précipitée, a été réalisée dans une phase de concertation en amont. J'y ai participé activement à l'époque. Cette forme de travail est un exemple qui pourrait être reproduit.

M. Jean-Pierre Dufau : Je voudrais revenir sur la réduction éventuelle dans le temps des contrats de plan, évoquée par le rapporteur. Les contrats s'étirent trop et pourraient être concentrés sur des actions structurelles mieux ciblées.

J'y suis favorable à la condition que les crédits de paiement s'adaptent à ce resserrement dans le temps. On constate que le temps des autorisations de programmes et le temps des crédits de paiement sont des composantes de l'allongement de la durée. Avec l'apparition des fonds structurels européens, il peut s'écouler deux ans, voire trois ans entre la fin de réalisation des opérations et le versement des crédits de paiement. Pour être efficace, cette logique de réduction doit intégrer tous les termes.

En faisant apparaître de nouvelles politiques pour les futurs contrats de plans, on oppose les pôles de compétitivité aux zones rurales par exemple. Cela me parait inquiétant. On sait que ces pôles de compétitivité seront mis en avant au détriment d'autres politiques. On ne peut qu'être favorable au développement des pôles de compétitivité économique, mais sans abandonner les autres politiques : la politique des massifs, l'attraction du littoral sur le plan démographique et la politique urbaine. Il ne faut pas qu'à chaque difficulté économique, on mette en avant une nouvelle ambition politique en laissant dans l'ombre toutes les autres. Cette attitude ne fera pas avancer l'ensemble du navire.

Une dernière question posée à la réflexion de chacun : la disparition des fonds structurels pour certains pays qui en ont bénéficié au profit de pays entrant dans l'Europe est-elle pertinente, utile à l'Europe ? Renforcera-t-elle le sentiment européen ou divisera-t-elle les pays européens entre eux ? Les effets de cette disparition seront-ils positifs ou négatifs ? J'insiste sur ce point car, parfois, des économies apparentes sont le pire des maux.

M. Augustin Bonrepaux : Je ne sais pas si ces questions s'adressent vraiment à moi, mais je vais essayer d'y répondre. Je pense qu'il faut être prudent sur la question de la réduction dans le temps des contrats de plan. La DATAR propose aussi des contrats à géométrie et durée variables. Les contrats sont une bonne chose, mais je ne comprends pas comment l'on pourra fonctionner avec des contrats d'une durée de trois ans ou de cinq ans ou encore sept ans. Les contrats peuvent ne pas coïncider avec un mandat. Je ne vois pas comment l'on pourrait arrêter certains contrats ou les renégocier sans le faire aussi pour les autres ? Il faudrait rendre les durées identiques.

Si le contrat est bien préparé, on sait précisément quelles sont les opérations réalisables. Celui qui signe le contrat s'engage à en assurer le financement. Sinon, qu'il ne le signe pas ! Dans mon département, nous avons signé quatre contrats de pays. Il nous a été demandé de signer des contrats de pôles touristiques en plus d'un contrat de site. Maintenant, on nous dit qu'il n'y a pas les crédits ! Chacun doit assumer ses responsabilités.

La mise en avant de pôles de compétitivité dépend de la façon dont on la conçoit. Au niveau d'un territoire rural, on peut très bien imaginer aussi que des zones soient mieux placées pour devenir des pôles de développement, voire des pôles de résistance à la désertification. Ces pôles pourraient avoir des équipements modernes pour accueillir les entreprises et des moyens de communications numériques convenables pour favoriser l'installation d'entreprises. Cette politique peut présenter un intérêt pour un territoire rural. Sur un département, on pourrait encourager la création de deux ou trois pôles de ce type en zone rurale. Le rôle des pays deviendrait alors intéressant en présentant un projet de développement d'une zone définie qui maintiendrait sur un territoire une activité économique, source d'emplois indispensables au maintien d'une vie rurale.

La disparition des fonds structurels européens est une volonté politique. Le PIB de notre pays est certainement plus élevé que celui des pays qui viennent d'entrer dans l'Europe dont certains sont encore très en retard, mais l'Europe devrait accompagner les zones de la métropole française qui sont le plus en retard sur le plan économique. Certaines zones rurales sans être en montagne, sont parfois enclavées ou excentrées, ce qui empêche leur développement. Il me semble qu'il faudrait poursuivre un accompagnement européen. C'est une question de volonté politique.

M. Serge Poignant, vice-président :  Nous avons les régions, les grandes structures intercommunales et nous parlons beaucoup de pôles parce que nous sommes dans un temps de mondialisation en Europe. Ces pôles sont essentiellement des grandes villes, des grandes intercommunalités avec des spécifications par thème. Mais quid des secteurs français moins favorisés ? Il ne faut pas pour autant les laisser tomber tant au niveau des contrats de plan Etat-régions qu'au niveau des financements européens.

Je demandais au début de cette audition s'il fallait laisser les contrats se faire entre les régions et les grandes intercommunalités ? Vous dites que les départements ont leur rôle à jouer. Jusqu'où l'Association des départements de France est-elle prête à aller pour participer complètement à la réflexion sur les futurs contrats de plan ?

M. Jacques Le Nay : Je reviens sur une certaine faiblesse du dispositif des contrats de plan : les deux premières années étant consacrées faire les études, on se retrouve en décalage complet avec le plan de financement projeté. Comment rendre compatible la nécessité des études en amont et l'inscription au contrat de plan de projet préalablement validé ? Il y a là une articulation à trouver. Avez-vous un avis ou une idée à nous donner sur ce point ? Comment, par ailleurs, faire face à la raréfaction des crédits européens ?

M. Augustin Bonrepaux : Moins les crédits sont importants, plus il faut chercher à optimiser leur utilisation. Il faut donc éviter la dispersion. Mon choix se portera évidemment sur les projets structurants. Mais pourquoi les situez-vous au niveau régional ? On sait ce que cela veut dire. Par exemple, la grande agglomération toulousaine attire les entreprises et bénéficie des crédits, ce qui vide les zones rurales. Les projets structurants peuvent se monter au niveau des pays, des territoires, donc des départements. Pour citer un projet structurant : la modernisation des stations de sports d'hiver dans les Pyrénées. La fréquentation augmente ; l'hébergement, le commerce et l'emploi se développent. Autre exemple : les stations thermales des Pyrénées ont été modernisées. En complémentarité avec les stations de sports d'hiver, nous orientons les stations thermales vers le « thermo-ludisme », c'est-à-dire les activités complémentaires aux sports d'hiver. Cela crée des emplois de manière conséquente. Un centre de « thermo-ludisme » peut générer une trentaine d'emplois. A l'échelle d'un bassin où l'emploi est rare, c'est extrêmement important.

S'agissant des projets structurants, il faut savoir faire la différence entre créer ou encourager une zone franche sur Toulouse, qui doit être financée par les crédits européens et encourager de petits projets locaux, comme l'aménagement d'un gîte en montagne, qui doit pouvoir trouver d'autres sources de financement. Les projets de contrats de plans devront s'orienter vers ce qui est vital : la téléphonie mobile ou le numérique qui permettent de travailler en tout point du territoire rural. On peut être favorable à cette utilisation des crédits vers des zones non desservies. Ce sera une forme de compensation. Ces crédits européens doivent essayer d'assurer davantage d'égalité sur le territoire. Le financement du numérique par les crédits européens est un bon exemple.

Eviter le saupoudrage est aussi ma priorité dans l'utilisation des crédits européens. Mais pour déterminer le choix des projets structurants, il s'agit d'être plus prudent car des zones rurales peuvent devenir des plates-formes capables d'accueillir des entreprises liées aux nouvelles technologies. Maintenir l'activité sur tout le territoire doit être notre préoccupation. En tout cas, c'est la préoccupation des départements. Je ne pense pas que d'autres collectivités puisse jouer le rôle du département, particulièrement avec ses nouvelles compétences, même si elles créent des charges qui nous inquiètent.

M. Jacques Le Nay : Ma dernière question porte sur le volet ferroviaire. La nature même des relations entre l'Etat, RFF et la SNCF d'une part, la caractéristique de coûts et de durée de réalisation des projets ferroviaires d'autre part, notamment à grande vitesse, mais aussi certains tunnels, ces divers facteurs font-ils que le contrat de plan Etat-régions est un cadre approprié pour inscrire ce type de projet ? Ne faut-il les placer en dehors du cadre des CPER, comme le TGV Paris - Rennes - Brest qui a été situé en dehors du contrat de plan entre l'Etat et la région de Bretagne parce qu'une partie du projet est extérieure à la région de destination concernée ? En effet, la région intermédiaire traversée par la ligne TGV n'est pas motivée par le projet d'amélioration de la desserte finale. Pour ces différentes raisons, une approche spécifique du volet ferroviaire ne serait-elle pas plus appropriée ?

M. Auguste Bonrepaux : Il serait simple de répondre oui. Mais j'ai voulu dire tout à l'heure que l'on ne pourra pas demander aux départements d'assurer les compétences qui leur sont transférées et de financer celles qu'ils n'ont pas. C'est ce que l'on voit se dessiner.

Pour le réseau ferré, on tourne en rond en reportant la responsabilité sur RFF ou sur la SNCF. En réalité, sans une intervention extérieure, ni l'un ni l'autre ne peuvent assurer leur équilibre. Une aide à l'équipement, à l'entretien et à la régénération des réseaux est nécessaire car les crédits sont insuffisants pour y faire face. On réduit la vitesse sur plus de mille kilomètres de lignes parce qu'elles ne sont plus sûres. L'augmentation de 20 % des crédits n'étant pas assurée, RFF se tourne vers la région. Est-ce la compétence de la région ? Pour la ligne du Sud-Ouest, RFF s'adresse à la région, puis aux départements. Mais les départements ne pourront pas faire face à toutes les demandes.

Vous connaissez les conditions du transfert de compétences et des compensations financières. Nous ne pourrons pas les faire évoluer. Il ne faudra pas nous demander d'en faire plus. Je ne pense pas que cela puisse concerner un seul contrat de plan. Par exemple, le TGV Sud-Ouest ne concerne pas la seule région Midi-Pyrénées car des travaux sont à faire dans le secteur de Bordeaux.

M. Serge Poignant, vice-président : Merci, M. le président.

Audition de M. Alain Rousset,
président de l'association des régions de France,
président du conseil régional d'Aquitaine

Réunion du mardi 7 juillet 2004

Présidence de M. Max Roustan, vice-président

M. Max Roustan, président : Dans le cadre de la réforme des contrats de plan Etat-régions, votre audition nous intéresse particulièrement. Nos deux rapporteurs ont recueilli les témoignages de vos collègues des régions Provence, Auvergne, Limousin et Bretagne et nous souhaitons connaître la position de l'association que vous présidez.

M. Alain Rousset : Merci, M. le président. Sur le thème de la contractualisation, je reprendrai les questions. Nous pourrons peut-être élargir le débat par la suite.

« L'Association des régions de France (A.R.F). est-elle partisan de maintenir le principe d'une contractualisation Etat-régions ? »

La réponse est bien entendu oui, et franchement oui pour plusieurs raisons. D'abord parce que la décentralisation doit se traduire quelque part par la meilleure cohérence possible des politiques publiques, notamment en manière d'aménagement du territoire et de développement économique. La contractualisation Etat-régions en est à son quatrième exercice. Il s'est forgé une expérience du travail en commun entre les services de l'Etat et les régions.

Ensuite, parce que la plupart des régions ont mis sur pied, y compris pour l'élaboration du contrat de plan, un système infrarégional de contractualisation ou de concertation permettant de faire en sorte que le contrat de plan soit un élément de cohérence du développement régional dans les domaines en cours de transfert entre l'Etat et la région, entre l'Etat et les collectivités locales ou dans les domaines de compétences partagées entre l'Etat et la région.

On peut dire bien entendu que les contrats de plan sont un moyen pour l'Etat de fixer une partie des finances régionales et des finances des collectivités locales. Un exercice intellectuel pourrait consister à considérer que c'est un élément de recentralisation. Ce peut l'être ! Mais on peut faire l'exercice inverse et considérer que la légitimité des élus de la région et leurs relations avec les collectivités infrarégionales aboutissent à un exercice de planification et de projet régional - nous reviendrons sur la durée tout à l'heure car je sais que vous y réfléchissez - dont le poids politique est fort.

Après tout, c'est la démocratie. Pour l'avoir vécu en Aquitaine, on s'aperçoit que les choix des exécutifs, par delà leurs sensibilités politiques, a été de contractualiser ou de ne pas contractualiser. Certaines régions ont contractualisé fortement, comme la Provence et le Limousin, pour ne citer que ces exemples. D'autres régions dont la mienne ont fait, en fonction du changement d'exécutif, des choix différents. Pour le premier contrat de plan, on a contractualisé. Pour les deuxième et troisième contrats de plan, on n'a quasiment pas contractualisé et pour le quatrième, on a contractualisé à nouveau.

On s'aperçoit - c'est mon expérience de président de la région Aquitaine - que quand on ne contractualise pas, à partir du moment où ce sont souvent des compétences d'Etat à maîtrise d'ouvrage d'Etat, le retard dans le domaine des grands équipements est considérable.

Dans le système français de compétences tel qu'il est, qui reste quand même un système très jacobin, l'A.R.F. est pour la contractualisation, pour le couple Etat-régions ; peut-être pour supprimer du contrat de plan ce qui va être décentralisé.

Le contrat de plan contient beaucoup de micros opérations qui sont désormais du ressort des collectivités locales. Je pense que les domaines du tourisme, du développement commercial, du développement rural devraient être sortis des contrats. Compte tenu des grandes compétences partagées entre l'Etat et la région, et puisque notre système français est ce qu'il est, la contractualisation doit subsister.

Le contenu du contrat de plan Etat-régions est bien entendu lié au contexte de décentralisation. L'Etat peut toujours avoir envie, comme cela s'est fait dans le passé, de lancer une grande politique culturelle de médiathèques, ou s'apercevoir d'un problème spécifique au plan de l'environnement, après une catastrophe naturelle. Il peut lancer une politique et en transférer la maîtrise d'ouvrage au niveau des collectivités locales. Ainsi subsiste-t-il toujours des interventions de l'Etat au titre de l'aménagement du territoire.

Reste que le contrat de plan regroupe des compétences partagées, notamment sur les grandes infrastructures, mais aussi dans le domaine universitaire, dans le domaine de la recherche.

Du fait que les contrats de plan devraient porter plus sur des grandes infrastructures ou des grands chantiers - comme je crois l'avoir compris du gouvernement aujourd'hui - l'idée de raccourcissement du contrat de plan me paraît dangereuse. Quiconque a travaillé sur les chantiers des collectivités locales sait bien qu'entre le lancement d'un chantier et sa réalisation, notamment la phase préalable avec les enquêtes, les délais sont de plus en plus long.

L'idée de raccourcir le contrat de plan est à mon avis erronée, notamment sur le plan des politiques publiques ; il faudrait au contraire relancer les aspects de prévision, de long terme, de programmation pluriannuelle des politiques publiques plutôt que de les hacher comme elles peuvent l'être parfois aujourd'hui.

Oui à la contractualisation. Oui au maintien des contrats de plan. Oui au maintien du couple Etat-région - le Premier ministre nous l'a rappelé hier - et oui à une durée d'au moins six ans. D'autant que si nous avons encore la chance d'avoir les crédits européens, il serait utile - comme on l'a fait sur le dernier contrat de plan - que leur durée coïncide avec celle des crédits nationaux.

M. Jacques Le Nay, rapporteur : Je souhaite rebondir sur vos propos. Les contrats de plan nécessitent, comme vous l'avez dit, d'avoir une vision prospective. Mais au moment de cette réflexion, on n'a pas forcément les données chiffrées exactes qui permettent de prévoir ces contrats de plan avec un programme financier précis.

Je pense surtout aux infrastructures ferroviaires ou routières. Entre le moment où l'on étudie un projet et le moment où l'on procède à sa réalisation, les évaluations sont souvent dépassées. De ce fait, l'exécution des projets inscrits au contrat de plan rencontre des difficultés importantes, des retards ou des non réalisations. Pour cette raison, ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux découpler la partie réflexion-évaluation de la partie réalisation ? Dans ce cas, le contrat de plan serait un contrat d'objectifs sur une longue durée, mais avec des phases de financement beaucoup plus courtes, plus conformes à la réalité.

M. Alain Rousset : Ma réponse est négative pour trois raisons :

La première est qu'a priori, le contrat de plan d'aujourd'hui est censé initier les études pour une réalisation dans le contrat de plan suivant. Si l'on a une utilisation intelligente du système des contrats de plan, on analyse le contrat de plan (n-1) - par exemple, le bouchon ferroviaire de Bordeaux, chantier considérable dans ma région - et on le réalise dans le contrat de plan suivant, voire même, puisque c'est un pont et donc une opération considérable, quasiment sur trois contrats de plan.

A priori, un contrat de plan est fait pour servir - y compris dans sa durée - aux phases d'études, aux phases préalables. Le TGV est hors contrat de plan, mais on pourrait l'y inscrire. C'est un peu le souhait du gouvernement aujourd'hui, même si l'Etat doit réfléchir à la façon dont les collectivités locales seraient amenées à y participer. La durée des études pour le TGV n'est pas de trois ans, mais de six ans. La durée de certaines études est bien supérieure à trois ou quatre ans.

Deuxième observation : la sanctuarisation des crédits dans le contrat de plan (lois de programmation militaire ou autres.) Les régions, en général, tiennent leurs engagements mais, par delà les changements de gouvernement et les sensibilités politiques, les régions sont confrontées au respect de la parole de l'Etat. Il y a toujours des glissements même s'ils n'excèdent jamais un à deux ans.

Troisièmement, le contrat de plan est un tout : non seulement une sorte de contrat entre l'Etat et la région, mais aussi une réflexion globale partagée qui ne dure pas seulement trois ans.

Dans un autre domaine que les infrastructures, il y a les chantiers universitaires ou de recherche. Le contrat de plan est un moment d'effervescence et de réflexion pour une région. Le caler sur le mandat régional n'est pas idiot, me semble-t-il, et élaborer un projet scientifique, comme un projet d'infrastructure, prend le temps des analyses, de l'avis du CNRS, des universités, du ministère de la recherche. Cela prend parfois deux à trois ans.

La réalisation de cet équipement prend aussi deux à trois ans. Par définition, le délai de trois ans va tuer le contrat de plan. Trois ans, c'est un délai sur lequel on peut réaliser un bout de contournement à Bergerac même si ce fut difficile et que cette affaire a déjà nécessité deux contrats de plan.

Cela étant, si un certain nombre d'opérations ne sont pas sanctuarisées sur la durée, s'il n'y a pas un moment de réflexion sur une stratégie régionale contribuant à l'attractivité et au développement d'une région, alors on tue le contrat de plan. Si c'est une durée de trois ans, on ne parle plus de contrat de plan.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Par rapport à ce que vous venez d'évoquer sur la sanctuarisation des crédits, quelle est votre réflexion sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions de la génération actuelle, si l'on considère que le retard accumulé est de l'ordre de 15 % de non exécution ou de non programmation des crédits initialement prévus ? Comment voyez-vous la possibilité de rattraper ce type de retard ?

Comme vous l'avez rappelé, il ne s'agit pas de la première génération de contrats de plan Etat-régions. Dans certains cas, ce sont les mêmes exécutifs régionaux qui étaient d'ailleurs en phase avec le gouvernement au moment de la négociation de ces contrats, en 1999-2000, qui ont négocié les contrats de plan Etat-régions et qui ont inscrit un certain nombre de projets dans les lignes budgétaires correspondantes.

Néanmoins, en 2000, 2001 et 2002 - c'est vrai pour la région Aquitaine, comme pour l'ensemble des régions - aucune région n'a été en mesure de respecter dans les premières années l'exécution des crédits prévus. Je suis certain de cette information parce qu'une communication devant la commission des finances l'a mise en évidence.

Comment pourrait fonctionner la sanctuarisation des crédits dans la mesure où il n'y a pas de report des crédits quand l'Etat, au même titre que les régions, ne les consomme pas ? Comment envisagez-vous le système qui permettrait cette fameuse sanctuarisation ?

Dans la phase actuelle, un peu au-delà de la mi-parcours, comment pourrait-on rattraper le retard ? Et ce, au-delà de la tension budgétaire propre à l'année 2004 ou qui aurait pu apparaître en 2003, sachant que les trois premières années (2000 à 2002) étaient déjà derrière nous.

Comment considérez-vous que doit être traité le volet ferroviaire ? Doit-on l'inclure dans les contrats de plan Etat-régions ? Est-ce réaliste ou pas ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances : Dans les relations avec les présidents de région, nous aurons probablement des polémiques, mais il faut que chacun prenne ses responsabilités. Il ne sera pas supportable pour nous de voir tous les péchés du monde s'abattre sur nos têtes !

Je m'explique. Lorsque nous avons fait les contrats de plan, le gouvernement précédent a fait voter de nombreuses lois. J'avais moi-même demandé des études d'impact sur les 35 heures, le programme de retour à l'emploi, les déficits de la SNCF et de la poste , qui se sont accrus... On peut affirmer que, compte tenu de ces dépenses de fonctionnement qui ont progressé à des rythmes très élevés, il ne sera pas possible de tenir les contrats de plan.

Vous avez parlé d'un glissement au-delà de un ou deux ans. Nous sommes bien décidés à ne pas répondre à certaines critiques des présidents de région. Il faut que cela soit clair. Je trouve qu'il y a une telle démagogie aujourd'hui ! Quand je vois le poids des dégrèvements pris en charge par l'Etat, il faudra bien une clarification et un débat.

Je suis venu pour dire que la commission des finances va mettre en place un observatoire des finances locales de façon à ce que nos compatriotes établissent bien la vérité des faits d'hier et d'aujourd'hui. Cela pourra éviter des polémiques excessives.

M. Alain Rousset : Je ne veux pas m'engager sur ce débat. Je n'étais pas venu pour cela. Je me suis exprimé très franchement.

M. Pierre Méhaignerie : Je crois qu'il faut être clair.

M. Alain Rousset : Je serai très franc et puisque vous avez ouvert ce débat, je vais l'assumer totalement et avec beaucoup de plaisir, M. le président.

M. Pierre Méhaignerie : Ce sera réciproque.

M. Alain Rousset : Pour revenir au débat institutionnel, et par delà les aspects polémiques - je vais peut-être vous surprendre - qu'il y ait un défaut d'exécution de 15 % du contrat de plan ne me gêne pas. Qu'il y ait un glissement des contrats de plan ne me gêne pas. Tous ceux qui ont géré des collectivités locales le savent à un moment donné, notamment quand il y a une opération d'infrastructure. Et le budget de l'Etat en est le symbole.

Si je veux réagir à ce que disait le président de la commission des finances, les collectivités locales ne peuvent pas se permettre de régulation budgétaire comme le fait l'Etat. On ne peut pas à la fois demander à notre assemblée de voter un budget et d'en supprimer la moitié le lendemain simplement par le fait du prince.

M. Pierre Méhaignerie : C'est une veille tradition.

M. Alain Rousset : C'est peut-être une vieille tradition. Moi, je ne suis pas parlementaire, je n'ai jamais exercé de responsabilités gouvernementales. Permettez à un élu local d'être choqué par ces procédures, que ce soit la gauche ou la droite qui gouverne.

Sur le fond, je ne suis pas choqué d'apprendre qu'une étude puisse interférer sur le déroulement des choses. Par exemple, quand on doit franchir la Garonne par un pont ou contourner Bergerac et que l'on rencontre des fouilles, ou que dans un projet scientifique, l'équipe scientifique qui le bâtit butte sur telle ou telle difficulté parce que la conception de l'équipe de recherche mise en place est nouvelle et que cela pose un problème réglementaire par rapport à l'Etat, ces aspects ne me gênent pas. On sait qu'une collectivité locale qui exécute son budget à 85 % est exemplaire.

Dans les années 1999-2000, le problème était que le gouvernement souhaitait calquer la durée du contrat de plan sur le début de la campagne du FEDER. Je trouvais assez judicieux qu'il y ait effectivement une correspondance de temps, et souvent une correspondance de réflexion des projets, entre les crédits européens qui portent sur un certain nombre d'opérations, notamment ferroviaires, mais aussi de recherche, de politique de la ville ou d'aménagement rural, les crédits régionaux, et les crédits d'Etat.

Troisième observation : le temps de l'élaboration d'un contrat de plan. Cela ne me gêne pas que certains textes précisent que la région doit négocier avec les autres collectivités. En région, nous avons organisé des débats départementaux, réuni des commissions de travail. Tout cela prend du temps.

En outre -cela a pu expliquer le retard- les régions étaient en débat pour se voir déléguer la gestion des crédits européens comme dans toutes les régions de tous les pays d'Europe. Il n'y a qu'en France où ce sont les services de l'Etat qui gèrent les crédits européens. Cela pose d'ailleurs des problèmes puisque les services de l'Etat en région n'ont plus de moyens. La seule façon pour eux d'avoir un rôle est souvent d'ajouter des règles complexes à la gestion des crédits européens, ce qui fait que l'on a allongé souvent la durée des opérations. Quand les régions ont voulu négocier des délégations globales de crédits, il a fallu attendre deux ou trois ans. Nous avons eu des retards pour des raisons institutionnelles.

Cela dit, fin 2003, avec la durée des opérations, dans ma région, l'exécution du contrat de plan n'est pas si mauvaise, entre 43 % et 47 % selon le préfet. Il est vrai que là où la région est maître d'ouvrage, notamment dans les domaines universitaires et scientifiques, le programme a été pratiquement bouclé. A contrario, dans les opérations où les études n'avaient pas été faites, nous avons un peu de retard. Ajoutons que les évaluations des coûts par les directions de l'équipement de l'Etat ont amené parfois des surprises par la suite sous forme de surcoûts assez considérables.

Toute collectivité locale sait qu'il y a obligatoirement des surcoûts. Nous avions prévu, avec le préfet de l'époque, de modifier par avenant le montant des diverses opérations pour pouvoir adapter le contrat de plan et mettre les moyens sur les opérations les plus mûres. Bref, si la totalité des opérations ne peut pas se faire, l'aspect financier du contrat de plan doit pouvoir être aménagé de telle façon que le volume global du contrat de plan puisse être exécuté.

Je ne voudrais pas heurter la susceptibilité du président de la commission des finances, mais je dois dire que les chantiers sont arrêtés et que les collectivités locales votent des crédits pour payer les entreprises. L'année 2004, et vraisemblablement les années 2005 et 2006 seront malheureusement des années financièrement difficiles.

Le Premier ministre nous a dit hier qu'il fallait lui faire connaître les chantiers arrêtés pour qu'il les fasse redémarrer. Je veux bien, mais je répète ce que j'ai dit hier très tranquillement en région : dans le sud des Landes, sur la N 10, les camions et les engins de chantier sont arrêtés ; sur la N 134 qui remonte dans la vallée d'Aspe, les travaux sont arrêtés ; sur le chantier de l'Institut du thermalisme, les travaux sont arrêtés.

En 2004, nous avons une réelle crise qui est liée aux difficultés budgétaires. C'est peut-être dû au coût des 35 heures, c'est peut-être dû aux choix fiscaux du gouvernement ; à tout ce que l'on veut. Je laisse cela au débat politique... ou politicien.

M. Pierre Méhaignerie : Politique !

M. Alain Rousset : Je vous le laisse, je ne suis pas ici pour cela. En tant que président de région, je constate que les chantiers sont arrêtés et qu'en outre, on demande aux collectivités locales que ce soit la communauté urbaine, présidée par Alain Juppé, le conseil général, présidé par Philippe Madrelle ou la région que je préside, de payer les entreprises qui, sans cela, iraient au dépôt de bilan.

Il se trouve que pour des raisons professionnelles, j'ai négocié le premier contrat de plan, que je suis cela depuis vingt ans. Nous traversons la crise la plus importante que l'on ait jamais connue. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain.

Vous m'avez posé une dernière question sur le volet ferroviaire. Je suis très preneur du volet ferroviaire, mais pas forcément de celui du volet TGV. Dans la période actuelle, il serait intéressant, même si les collectivités locales doivent financer une partie de l'opération, que l'Etat garde un certain nombre de compétences et de responsabilités.

En revanche, le fait que nous ayons le volet des TER suppose à l'évidence que les opérations de transports en commun des communautés urbaines de Bordeaux et de Nantes, que l'amélioration des voies des TER Bordeaux - Arcachon soient financées dans le cadre du contrat de plan. De même, les pôles intermodaux de Cenon, Bordeaux, Pessac ou Mérignac doivent être inscrits dans le contrat de plan. La modernisation des voies qui servent aux TER et aux TGV doit aussi être cofinancée, tout comme l'amélioration de la desserte Bordeaux-Bergerac-Sarlat pour ne prendre que des exemples dans ma région.

Je suis un fervent partisan du volet ferroviaire, ne serait-ce que parce que c'est un mode de transport sûr, respectueux de l'environnement et promis à un fort développement.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Vous n'avez pas répondu à ma question sur le moyen pour l'Etat de faire face, au bout de trois ans, au retard accumulé.

Vous qui avez vécu la négociation, l'inscription des programmes, les annonces faites dans chacune des régions de France, y compris par le ministre de l'équipement et des transports de l'époque qui n'était pas avare de ses engagements et de la fameuse parole de l'Etat, comment se fait-il que nous nous retrouvions au bout de la quatrième année d'exécution du contrat de plan Etats-régions avec des retards accumulés sur les chantiers routiers et sur le volet ferroviaire sans qu'un mécanisme budgétaire ait été prévu par ceux qui avaient pris ces engagements pour permettre le respect de la parole de l'Etat ?

M. Alain Rousset : Permettez-moi de dépasser le débat.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Si sanctuarisation il y avait, il devrait y avoir les crédits correspondants !

M. Alain Rousset : Je ne suis pas au gouvernement et je n'étais pas au gouvernement précédent. Je m'exprime en tant que président d'un conseil régional qui a négocié le premier contrat de plan.

Une fois de plus, il est normal que des opérations de cette importance aient un décalage ou un glissement d'une année ou deux. Il y a des maires autour de la table. Tous ont lancé une opération de restructuration urbaine ou de construction d'un équipement important ; tous se sont aperçus qu'il y avait un décalage naturel. J'ai essayé d'expliquer que les raisons du glissement tiennent aux crédits européens, au décalage du contrat de plan précédent.

Vous dites que les exécutifs de 2000 étaient les mêmes que ceux du gouvernement. Ce n'est pas vrai ! La moitié des exécutifs ou même plus était plutôt de droite. Seulement huit étaient de gauche. (signe de dénégation de M. Louis Giscard d'Estaing) De toute façon, quand vous êtes en négociation avec l'Etat, quelle que soit la majorité parlementaire, vous défendez votre région. Ou alors il faut changer de travail !

Un contrat de plan monte en puissance à un moment donné car la phase initiale est plus compliquée que la phase finale. Après les fondations d'un équipement, la réalisation s'accélère. Il est plus facile de couler une couche de bitume que de faire le décaissement. Il est plus facile de poser la toiture d'une maison que de faire les fondations.

Sans porter de jugement car ce n'est pas le lieu, le vrai problème est que 2004 est une année de rupture. Les contrats de plan ont tenu en 2002 et 2003 parce que les crédits européens ont été utilisés par les services de l'Etat pour combler un certain nombre de diminutions de crédits d'Etat. Mais 2004 est une rupture, ne serait-ce qu'en crédits de paiements, même si le Premier ministre dit que ce n'est pas vrai et que ce sera débloqué.

On peut avoir un débat sur la cause de cette rupture. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain et arrêter les contrats de plan pour en reprendre de nouveaux ? Je ne le crois pas. Il y aura de toute manière un débat politique sur la crise des finances publiques.

Dans le même temps, je tiens au contrat de plan. Tous mes collègues, qu'ils soient de droite ou de gauche, tiennent au contrat de plan. C'est un moyen de réflexion, un moyen de programmation. C'est faire de l'anticipation.

Pour la sanctuarisation, je vous retourne la question. Je ne suis ni parlementaire ni ministre. Je sais que les engagements des régions sont tenus, qu'elles soient de gauche ou de droite. Pour que les engagements de l'Etat le soient, peut-être faut-il que les contrats de plan soient plus resserrés sur les compétences ?

Peut-être faut-il que ces compétences ne soient pas déléguées et qu'elles fassent l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale ? Peut-être que le Parlement peut voter une loi de programmation ? Je sais bien que la sanctuarisation ne sera pas effective à cent pour cent. Mais quel est l'Etat ou l'organisme public qui est capable d'exécuter à 85 % ses engagements ?

M. Pierre Méhaignerie : Faisons ensemble une pédagogie de la maîtrise des dépenses de fonctionnement...

M. Alain Rousset : Avec plaisir, monsieur le ministre.

M. Pierre Méhaignerie : ... et nous rapprocherons les points de vue.

M. Alain Rousset : Je suis volontaire pour un débat dans ce sens. Je suis prêt à avoir une vision critique de ce qui a pu se passer.

M. Pierre Méhaignerie : Nous avons nos propres défauts... comme la baisse de l'impôt sur le revenu.

M. Alain Rousset : Je ne le dis pas à titre polémique. Mon propos relève plutôt de l'inquiétude et de la souffrance. Je vous dis que nos projets aujourd'hui sont pour la plupart arrêtés.

M. Pierre Méhaignerie : Je sais.

M. Alain Rousset : Ils ne sont pas arrêtés parce qu'on les a mal étudiés, parce que les services de l'Etat en région ont mal travaillé ou que la DDE a mal estimé telle ou telle opération. C'est la traduction des difficultés financières de l'Etat. Cela étant, je suis prêt à m'exprimer publiquement pour dire que malgré ces difficultés, nous, présidents de région, tenons à ce que dans l'état actuel de l'organisation institutionnelle de la France, ce système de contractualisation perdure. Trois ans, c'est la mort !

M. Pierre Méhaignerie : Je suis pour une pédagogie des finances.

M. Philippe Folliot : Vous avez abordé le devenir des fonds structurels. Je pense avoir bien saisi votre message sur le fait que cela devrait être calé, pour une raison compréhensible et élémentaire de cohérence, avec la durée de vie des contrats de plan.

Il me paraît trop tôt pour savoir ce qu'il va advenir des fonds structurels après 2006. Nous prenons notre parti de dire que nous aurons quelques fonds structurels. En tout état de cause, nous retrouverons une enveloppe qui sera au mieux de 20 % de la précédente puisque bon nombre de ces crédits iront vers l'Europe de l'Est et que nous fonctionnerons à enveloppe moindre.

En tant que président de l'Association des régions de France, pensez-vous que la politique d'aménagement du territoire devrait affecter prioritairement le peu qu'il restera de ces crédits à de grandes infrastructures « structurantes » des territoires ou aux zones les plus fragiles du territoire national ?

M. Jean-Pierre Dufau : J'ai été très satisfait de la clarification sur la nécessité de la reconduction des contrats de plan et de vous entendre distinguer le TGV du reste du domaine ferroviaire. Le TGV pourrait manifestement rester de la compétence de l'Etat, quitte à avoir une aide régionale.

Le deuxième élément est la raréfaction des crédits européens. Les gouvernements, sous toutes les majorités, se sont servis des crédits européens pour masquer quelquefois le déficit national. On paye aujourd'hui au prix fort la raréfaction des crédits européens, ce qui va obliger à une nouvelle réflexion sur la façon d'appréhender les contrats de plan et d'utiliser le mieux possible l'argent public qui est rare dans cette année de crise.

Comment recentrer les priorités des contrats de plan devant cette raréfaction ? L'Association des régions de France a-t-elle des idées précises sur ce point ? En particulier -je suis désolé que ce soit un sujet qui fâche-quid du volet économique dans les contrats de plan et dans les compétences régionales ?

M. Alain Rousset : Sur les fonds structurels, l'ARF comme les autres associations d'élus, ADF et AMF, a pris une position ferme pour que le budget de l'Europe soit entre 1,43 et 1,47 % du PIB. A l'évidence, le premier débat sur les fonds structurels est de connaître le montant du budget de l'Europe. Si celui-ci est ramené à 1 %, il n'y a plus de débat si j'ose dire.

Je veux vous sensibiliser à cela. Il faut que l'on arrive à remettre le budget au niveau qu'avait négocié M. Michel Barnier dont le départ de Bruxelles est regretté par les régions. On peut penser que le montant de l'Objectif 2, fût-il fusionné avec le FEOGA ou le FSE, en dépend. Il y a aussi un besoin de meilleure lisibilité et visibilité des fonds européens qui servent de trésorerie à l'Etat...

M. Philippe Folliot : C'est de moins en moins vrai.

M. Alain Rousset : ...Je voudrais en être sûr.... FEOGA ou FSE ? Comme vous l'avez noté, je suis très décentralisateur. On ne peut continuer à avoir un système tel que nous l'avons aujourd'hui, qui mélange à ce point les responsabilités, qui doublonne à ce point l'instruction des dossiers. Les Français ne savent plus qui s'occupe de quoi. Les dossiers de développement des entreprises sont gérés par la DRIRE, le département, la région, la commune... Cela fait quatre instructions, quatre fonctionnaires. Pour les fonds structurels, tout va dépendre du montant du budget de l'Europe. Je suis moyennement pessimiste. Je pense que l'on peut sauver peut-être un peu plus, peut-être la moitié, des fonds structurels existants. C'est un problème de montant.

A l'intérieur des fonds structurels, surtout en ce qui concerne le développement économique et la politique de la ville, il faut s'interroger sur les aides à finalité régionale. Cela dépend de Bruxelles, mais aussi de la relation de l'Etat avec Bruxelles. Ces aides à finalité régionale visent à aider une entreprise à se moderniser ou à se localiser dans le Tarn, en Gironde, en Normandie, en Dordogne. Une bataille est menée à Bruxelles parce que les fonds européens pourraient aider de 40 à 50 % des entreprises qui s'installeraient dans les pays baltes ou en Pologne, alors que les aides pour nos régions seraient quasiment supprimées.

A l'évidence, en une période de délocalisation de certaines activités de production, il y a un risque majeur. Ce double mécanisme donne des moyens aux pays entrants, et c'est tout à fait juste, et nous supprime sur des critères juridiques la possibilité d'aider le développement industriel et les activités de production dans nos régions. J'alerte sur ce sujet les parlementaires que vous êtes

Faut-il aider plutôt les grandes infrastructures que le développement économique ou les zones fragiles ? La réponse est simple : les dossiers FEDER sont des dossiers d'aménagement du territoire qui doivent aller vers plus de production de richesse, de développement d'entreprises, d'actions de solidarité et de politique de la ville, d'actions liées à l'environnement et à l'agriculture.

Il me semble que l'Europe développe par ailleurs une politique dans les zones dépourvues de grandes infrastructures ou victimes de bouchons ferroviaires, en faisant passer ses financements de 10 % à 20 %.

Même si je reconnais que le désenclavement de certaines zones est un problème important, je pense que les crédits européens doivent plus aller à des activités de type politique de la ville ou de type économique, qu'elles soient agricoles ou industrielles.

M. Philippe Folliot : Aujourd'hui, deux tiers du territoire national et un tiers de la population sont éligibles. A un moment donné, il y aura un choix.

M. Alain Rousset : Ce qui nous doit revenir de Bruxelles, c'est l'idée que nous avons un contrat. Il importe plus d'avoir des projets et d'avoir des lignes d'action qu'une « léopardisation » - comme le dirait la DATAR - du territoire. Tout le territoire serait pris en compte.

M. Max Roustan, président : Cela va créer des problèmes pour des régions comme les nôtres.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Pour rejoindre ce qui vient d'être évoqué sur les fonds structurels européens, mais aussi sur les contrats de plan Etat-régions, quelle est votre position quant au saupoudrage ou à la concentration de projets moins nombreux, mais plus visibles ? Vous venez d'évoquer la politique de la ville comme étant un des sujets pouvant ressortir de l'utilisation des fonds structurels européens.

On sait très bien que l'Europe se concentrera sur de grands projets et n'aura plus vocation à venir en appui sur les petits projets. Dans un rapport présenté devant la commission des finances, Jean-Louis Dumont a mis en évidence deux points sur la gestion des fonds structurels européens :

- depuis juin 2002, il y a une accélération très nette des procédures et de la gestion de ces fonds dont la consommation était handicapée par des caractéristiques nationales ;

- il a pris l'exemple du coût de traitement d'un dossier pour la région Aquitaine - je ne sais pas comment il a calculé le chiffre - pour l'obtention de fonds structurels européens. Il a cité le chiffre de 85 000 euros comme étant le coût de traitement global. Est-ce le coût interne, en prenant en compte les services de l'Etat ? Il nous a donné ce chiffre, disponible et rendu public à la suite de sa communication.

Est-il alors raisonnable de continuer à utiliser des fonds structurels européens pour des projets de petite ampleur, compte tenu des frais de procédure ?

D'autre part, plus globalement, tout le monde ici et à la délégation à l'aménagement du territoire en particulier, souhaite qu'il y ait pérennisation au-delà de 2006, mais sur des lignes plus resserrées et plus faciles à identifier de part et d'autre. Dans un certain nombre de nos contacts avec les secrétaires généraux à l'action régionale et avec les services des conseils régionaux, a été mis en évidence le fait que personne en réalité ne sait quels sont les crédits nationaux qui sont inclus dans certaines lignes des contrats de plan Etat-régions. C'est par exemple le cas des cahiers de la culture.

M. Max Roustan, président : Le coût élevé des dossiers vient aussi de l'intervention de la région, des départements et des commissions régionales administratives. La décentralisation des crédits sur les régions serait une solution qui soulagerait peut-être le montant des frais de dossier.

M. Alain Rousset : Encore une fois, nous sommes le seul pays d'Europe où les services de l'Etat, qui n'ont plus que cela à se mettre sous la dent, gèrent les crédits européens.

Je suis d'accord sur le fait qu'il y a une dissémination trop grande de l'utilisation des crédits européens. Ils sont utilisés ici pour faire une piscine, là pour faire un équipement sportif. Recentrons les fonds européens sur le développement économique, sur des éléments d'environnement ou d'action sociale et d'insertion, notamment dans certaines banlieues.

Je suis tout à fait favorable à ce que l'Europe nous impose d'avoir des lignes beaucoup plus resserrées. Cela dit, si nous ne mettons les crédits européens que sur des opérations d'un volume important, cela signifie que les petites communes qui peuvent pourtant avoir un projet fort et extrêmement structurant ne pourront plus avoir droit aux crédits européens. Or, le côté structurant du projet n'est pas forcément lié à son montant.

Sur le coût de traitement, je prendrai un exemple. Nous aidons un certain nombre d'entreprises ou de laboratoires à se restructurer. Dans ce domaine du développement économique, de la création d'emplois, quel que soit le montant du projet, qui instruit le dossier ? La région, l'Etat, le département souvent et un peu la commune.

A l'évidence, tout cela coûte cher. Ce qui requiert un interlocuteur en Espagne en demande quatre en France parce que l'on pense que les collectivités locales seraient incompétentes pour gérer le dossier. Pourtant, il faut bien qu'elles analysent leurs dossiers pour les présenter en commission permanente ou en assemblée plénière. Il en est de même pour un conseil municipal ou un conseil général.

Le coût d'instruction de ces dossiers vient de l'empilement et de l'absence de volonté de l'Etat de transférer aux régions, comme cela se fait partout ailleurs, la gestion de ces projets.

M. Louis Giscard d'Estaing , rapporteur : Y compris les collectivités, mais les pays..?

M. Alain Rousset : Les pays n'apportent pas de surcoût aux opérations. Ils n'ont pas la maîtrise d'ouvrage, puisque ce sont des structures intercommunales qui les portent.

M. Max Roustan, président : Ils sont porteurs de projets qui peuvent être éligibles.

M. Alain Rousset : Nous faisons cette expérience au niveau de la région Aquitaine, qui avait pris beaucoup de retard. Si l'on conçoit bien les pays, cela permet de mieux utiliser les équipements publics. Je pense notamment aux plateaux techniques des lycées professionnels. Je le dis à chaque fois que je rencontre un responsable de pays : l'investissement que fait une région pour aider un plateau technique de lycée professionnel est considérable. Il faut des machines aux normes, machines qui seront très peu utilisées si l'on reste dans le cadre de l'enseignement. L'ouverture pour les PME peut être importante au niveau du pays.

M. Jean-Pierre Dufau : Les pays peuvent apporter une expertise et un premier filtre.

M. Max Roustan, président : Ce sont des relais entre les régions et les projets des petites communes.

M. Daniel Garrigue : Le problème de la mise en oeuvre des contrats de plan est un problème d'articulation entre les opérations physiques et les flux financiers. Vous avez parlé des délais. On n'en est pas au premier contrat de plan. La mécanique est quand même en route depuis pas mal d'années. Le problème est plutôt celui de la régularité des flux financiers.

Il est vrai que même si les opérations physiques arrivent à maturité une certaine année, on ne peut pas tout d'un coup solliciter l'Etat dans des proportions considérables. Le vrai problème est à mon sens de réussir à assurer la régularité des flux financiers dans le temps. Je crois que c'est cela la vraie question.

La deuxième question, liée au fait que les crédits européens seront gérés demain par les régions, même s'ils sont en forte diminution, porte sur la planification infrarégionale. Comment la voyez-vous, sachant qu'aujourd'hui, nous avons des instruments qui ne paraissent pas tout à fait adaptés à cet objectif ? Les contras de pays sont-ils l'outil vraiment adapté ?

M. Alain Rousset : Sur la correspondance entre flux physique et flux financier, il faut mutualiser à l'échelle de la France : toutes les opérations ne sont pas prêtes en même temps. C'est un moyen de régulation. Le préfet est l'interlocuteur qui négocie avec l'Etat et qui planifie la trésorerie de l'exercice. C'est à l'Etat de le faire comme nous le faisons au niveau des régions.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Manifestement, cela n'a pas été fait au niveau de l'Etat.

M. Alain Rousset : Par delà les changements de gouvernement, prenons le problème au niveau de l'évaluation des politiques publiques, c'est-à-dire le résultat sur le terrain. Il est important de constater que les régions qui ont fortement contractualisé depuis les débuts sont celles qui, sur le plan des infrastructures ferroviaires, routières ou universitaires, sont dans une situation favorable. L'idée de contractualisation n'est pas de gauche ou de droite.

Deuxième observation : il faudrait peut-être que l'Etat analyse le retard ou non de certaines régions sur le plan des infrastructures et des grands chantiers.

Au premier contrat de plan, la région Aquitaine était en dixième position dans un classement établi en francs par habitant. Pour les deuxième et troisième contrats de plan, nous sommes dix-huitièmes. A partir de là, j'ai renégocié le quatrième contrat de plan en fonction de la nécessité d'un rattrapage et de sa prise en compte par le gouvernement. Il est vrai que nous avions mis un niveau de contractualisation élevée. Le fait que l'on soit dix-huitièmes pendant douze ans explique que nos opérations d'infrastructure aient été retardées puisque c'est l'Etat qui porte ces infrastructures et que la région n'a pas mis son financement. Regardons donc, non pas sur un exercice, mais sur plusieurs.

Ce n'est pas parce que nous sommes en crise budgétaire, même exceptionnelle, qu'il faut tuer la notion de contrat de plan. Par définition, vous n'ajusterez jamais complètement les flux financiers avec les opérations possibles. Par définition, il y aura toujours un décalage. Ce décalage ne me gêne pas.

Ce que souhaitent les collectivités locales, c'est d'avoir des schémas et des possibilités de développement qui soient affichées. Supprimer le contrat de plan serait revenir à l'âge de pierre de l'organisation territoriale.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur : Je ne peux pas m'exprimer au nom de son président, mais la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire réfléchit à l'avenir des contrats de plan Etat-régions. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur cet aspect. Vous avez évoqué le terme de suppression. En aucun cas ! La mission qui nous a été donnée porte sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Tout cela s'inspire de la réflexion que nous partageons sur le concept et sur sa validité.

M. Alain Rousset : Ce que je veux dire, c'est que trois ans, ce n'est pas un contrat de plan.

Sur les aspects FEDER et interrégional évoqués par M. Garrigue, il y a deux séquences dans le nouveau document unique de programmation. La première est l'élaboration de ce document qui doit se faire avec les collectivités et les acteurs économiques et sociaux de la région. L'Etat peut l'inscrire dans un texte de telle sorte que tout le monde soit rassuré, mais je ne vois pas comment je pourrais élaborer le DOCUP sans vous, sans les conseils généraux, sans les pays, sans les communes.

Il serait stupide d'élaborer un document de programmation sans que les acteurs qui vont porter les projets ne soient présents. A la région de dire, comme cela a été évoqué tout à l'heure, que l'on restreint les lignes et que l'on arrête le saupoudrage. Cela ne signifie pas d'ailleurs que l'on supprime les petites opérations structurantes.

A partir de là, quelle est la cohérence entre les contrats de pays et le FEDER ? Tout ce qui est contractualisation, tout ce qui est analyse et prospective et tout ce qui est échelonnement dans le temps des projets va dans le sens d'une rationalisation de l'utilisation des fonds publics.

M. Max Roustan, président : Dans notre esprit, la commission n'était pas chargée d'enterrer les contrats de plan, mais de réfléchir face aux problèmes que nous connaissons et au nouveau plan qui arrive. D'autant que l'arrivée de nouveaux pays dans l'Europe nécessite de trouver des solutions à cette nouvelle contractualisation Etat-régions et aux problèmes du jour aussi.

L'année 2004 est difficile ; les années 2001, 2002, 2003 n'ayant pas été exécutées à 100 %, l'Etat, qui n'a pas de réserve budgétaire, retrouve aujourd'hui en difficulté, puisqu'il a 45 % du montant des contrats à honorer.

M. Alain Rousset : L'Etat fonctionne en AP-CP. Les AP sont toujours à peu près régulées. D'une année sur l'autre, sur toutes nos grandes opérations d'infrastructure en Aquitaine, l'Etat inscrit des AP tous les ans. Du fait de la crise, l'Etat n'inscrit plus les CP après les AP. C'est le problème. C'est la première fois que cela se produit.

M. Max Roustan, président : Je vous remercie de votre participation, au sens propre du terme, puisque vous avez été très actif dans les réponses aux questions posées, même si elles sortaient parfois du cadre de la délégation. Mais je crois que c'était nécessaire à la bonne marche du débat démocratique.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES
PAR LES RAPPORTEURS

Lundi 10 mai 2004 :

- M. Paul Roncière, préfet de la région Limousin ; M. Rollon Mouchel-Blaisot, secrétaire général pour les affaires régionales.

- M. Maurice Borde, directeur général des services du conseil régional de la région Limousin.

Jeudi 13 mai 2004 :

- M. Christian Dors, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de la région Île-de-France.

Lundi 17 mai 2004 :

- M. Marcel Renouf, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de la région Auvergne.

- M. René Souchon, ancien ministre, maire d'Aurillac, premier vice-président du conseil régional de la région Auvergne, chargé de l'aménagement du territoire et de la contractualisation.

Jeudi 10 juin 2004 :

- M. Christian Frémont, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; M.  Bernard Huchet, secrétaire général pour les affaires régionales et M. Frédéric Dohet, secrétaire général adjoint.

- M. Richard Castaner, maire de Forcalquier, vice-président du conseil régional de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, délégué à l'aménagement du territoire.

Lundi 21 juin 2004 :

- Mme Marie-Josèphe Perdereau, secrétaire générale pour les affaires régionales de la préfecture de la région Bretagne.

- Mme Marylise Lebranchu, ancien ministre, conseiller régional de la région Bretagne, chargée de l'aménagement du territoire.

LETTRE DU PREMIER MINISTRE
AU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION

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N° 1836 - Rapport d'information de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur la réforme des contrats de plan Etat-régions (rapporteurs : MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay)