Commander ce document en ligne
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document
mis en distribution
le 9 avril 2003

graphique

N° 761

(2ème partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la bioéthique,

PAR M. Pierre-Louis FAGNIEZ,

Député.

--

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 

Première lecture (11e législ.) : 3166, 3528 et T.A. 763.

Deuxième lecture (12e législ.) : 593

Sénat :

Première lecture : 189 (2001-2002), 128 (2002-2003) et T.A. 63 (2002-2003).

Bioéthique.

1ère partie du rapport

INTRODUCTION

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

III.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER(nouveau) : ÉTHIQUE ET BIOMÉDECINE

TITRE IER : DROITS DE LA PERSONNE ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES

TITRE II : DON ET UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN

2ème partie du rapport

TITRE II : DON ET UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN

Article 8 (artilces L. 1241-1, L. 1241-3, L. 1241-4, L. 1241-6, L. 1241-7, L. 1242-1 à L. 1242-3, L. 1243-1 à L. 1243-8, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1244-5 et L. 1245-1 à L. 1245-8 du code de la santé publique et article 38 du code des douanes 7

Article 8 bis (articles L. 1123-1, L. 1123-6 et L. 1123-7 du code de la santé publique) Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) 25

Article 9 (article L. 1251-2 du code de la santé publique)Conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiques 25

Article 10 (articles L. 1263-1, L. 1263-2, L. 1263-3, L. 1263-4 du code de la santé publique) Coordination 26

Article 11 (articles 511-3, 511-5, 511-5-1, 511-5-2, 511-7, 511-8, 511-8-1 et 511-8-2 du code pénal) Dispositions pénales pour les infractions relatives aux éléments et produits du corps humain 27

Article 12 bis A (nouveau) Rapport sur les mesures prises en matière de lutte contre le trafic d'organes 27

TITRE II bis (nouveau) PROTECTION JURIDIQUE DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES 28

TITRE III PRODUITS DE SANTÉ 35

TITRE IV PROCRÉATION ET EMBRYOLOGIE 39

Chapitre Ier Interdiction du clonage reproductif 39

Chapitre II Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines 48

Chapitre III Diagnostic prénatal et assistance médicale à la procréation 49

3ème partie du rapport

Chapitre IV Recherche sur l'embryon et les cellules soucjes embryonnaires et foetales humaines

Chapitre V Dispositions pénales

TITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

TABLEAU COMPARATIF (4ème partie du rapport)

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXES 

Liste des personnes auditionnées

Glossaire

 

1ère partie du rapport

2ÈME PARTIE DU RAPPORT

Article 8

(articles L. 1241-1, L. 1241-3, L. 1241-4, L. 1241-6, L. 1241-7, L. 1242-1 à L. 1242-3, L. 1243-1 à L. 1243-8, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1244-5 et L. 1245-1 à L. 1245-8 du code de la santé publique et article 38 du code des douanes)

Principes généraux applicables aux prélèvements de tissus ou de cellules

et à la collecte de produits issus du corps humain

Cet article procède à une redéfinition et à une reclassification des différents régimes juridiques applicables aux cellules s'agissant de leur prélèvement, de leur préparation ou de leur administration.

I. Le dispositif proposé au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale

A. Prélèvement des tissus, cellules, produits du corps humain et de leurs dérivés.

● Le I du présent article propose un nouvel intitulé pour le titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique « Tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés ».

Le I regroupera donc les dispositions relatives aux tissus, cellules et produits du titre IV avec les produits de thérapies génique et cellulaire et produits thérapeutiques annexes du titre IV du code de la santé publique. Cela correspond à la nouvelle classification des tissus et cellules issus du corps humain, rendue nécessaire par les évolutions médicales et technologiques récentes. La loi de 1994 a procédé à une classification des cellules selon leur milieu de prélèvement et leur finalité. La loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre social a créé une nouvelle catégorie de produits : les produits de thérapie cellulaire et génique. A chaque classe ainsi définie correspondent des modalités différentes d'encadrement du prélèvement, de la préparation et de l'administration de ces cellules.

Le présent projet de loi procède à une nouvelle classification établie non en fonction du milieu de prélèvement ou de sa finalité, mais en distinguant, d'une part, les cellules non transformées et les préparations dont elles peuvent faire l'objet (livre II du code de la santé publique) et, d'autre part, les produits de thérapie cellulaire xénogénique ou de thérapie génique ne comportant pas de cellules d'origine humaine (livre Ier du code de la santé publique).

Le présent projet de loi maintient cependant pour ces produits le double statut qu'avait prévu la loi du 28 mai 1996 :

- celui de spécialité pharmaceutique ou de médicament fabriqué industriellement, régi par les dispositions du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique relative aux produits de santé ;

- ou celui de préparation de thérapie cellulaire régi par les dispositions du livre II.

Cependant, comme cela est le cas dans la loi de 1994, aucune définition législative n'est donnée aux termes de tissus et de cellules issus du corps humain. Selon l'avis du Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies sur les aspects éthiques des banques de tissus humains, entrent dans la catégorie des tissus humains les parties constituantes du corps humain : os, peau, valves cardiaques, cornée, tendons, artères, veines, dures-mères ainsi que les tissus fœtaux recueillis lors d'avortements, le placenta et le cordon ombilical. Les cellules englobent les cellules destinées à être greffées (thérapie génique somatique et thérapie cellulaire), les lignées cellulaires mises en culture ainsi que les cellules servant à la production de protéines et autres substances (anticorps monoclonaux par exemple).

● Le II modifie le chapitre premier du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique susmentionné.

1. Article L. 1241-1 du code de la santé publique : prélèvement en vue de don

Cet article est d'abord une mise en conformité avec la convention d'Oviedo qui prévoit, pour tout prélèvement sur une personne vivante en vue de don, un consentement écrit ou exprimé devant une instance officielle. En effet, en l'état actuel de la législation, aucune disposition spécifique n'entoure le consentement requis pour le prélèvement de tissus, cellules ou produits du corps humain en ce qui concerne le donneur vivant.

Le premier alinéa rappelle les deux finalités d'un tel prélèvement : scientifique ou thérapeutique. Pour des motifs de sécurité sanitaire, seuls les tissus inscrits sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat peuvent donner lieu à un tel prélèvement. Cette liste serait conçue comme étant destinée à limiter les prélèvements au strict nécessaire tout en n'entravant pas leur extension en fonction des progrès médicaux. L'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement précisant que les prélèvements d'éléments du corps humain peuvent être réalisés en vue « de réalisation de dispositif in vitro » (techniques de culture in vitro des cellules humaines).

Le deuxième alinéa dispose que les prélèvements à des fins thérapeutiques de cellules ou tissus - hors moelle osseuse - doivent faire l'objet d'un consentement écrit, après information sur les conséquences et les risques du prélèvement.

Dans le silence de la loi, il appartient au praticien d'assurer cette information. La dernière phrase du deuxième alinéa prévoit toutefois que « lorsque la nature du prélèvement et ses conséquences pour le donneur le justifient », les « conditions d'expression du consentement et d'obtention d'une autorisation prévues à l'article L. 1231-1 s'appliquent ». Du renvoi de cet article découlent notamment le recueil du consentement « libre et éclairé » par un magistrat, à l'information préalable non plus par le praticien mais par le comité d'experts prévu à l'article L. 1231-3 et la révocabilité du consentement « sans forme et à tout moment ». « Les conditions d'obtention d'une autorisation prévue à l'article L. 1231-1 » visent les cas où le magistrat estime nécessaire que le prélèvement soit autorisé par le comité d'experts.

Le troisième alinéa précise le régime du don de moelle hématopoïétique. Ce régime est démarqué partiellement de celui précité de l'article L. 1231-1. La personne doit être informée des risques et conséquences du prélèvement mais, dans le silence de la loi, cette information reviendrait au praticien et non au comité d'experts. Le consentement est recueilli par un magistrat selon une procédure identique à celle de l'article L. 1231-1, à la seule exception qu'il n'est pas précisé que le magistrat s'assure du caractère « libre et éclairé » du consentement.

2. Article L. 1241-2 du code de la santé publique : interdiction de prélever sur un mineur ou un majeur protégé

Cet article fait l'objet d'une simple précision rédactionnelle quant à la finalité du prélèvement « en vue de don ».

3. Article L. 1241-3 du code de la santé publique : régime juridique du prélèvement de moelle osseuse sur mineur

Cet article précise le régime juridique applicable au prélèvement de moelle osseuse sur mineur. Le premier alinéa confirme le régime en vigueur, à savoir que le don de moelle par un mineur n'est possible qu'en l'absence d'une autre solution thérapeutique et réservé aux frères et sœurs. Toutefois, le deuxième alinéa prévoit, en cas d'impossibilité du prélèvement ci-dessus, la possibilité à « titre exceptionnel » du prélèvement de moelle au bénéfice des cousines et cousins germains. Le troisième alinéa confirme le régime juridique existant pour ce type de prélèvement sur mineur : consentement des deux titulaires de l'autorité parentale et expression de ce consentement devant un magistrat. Le quatrième alinéa prévoit que le consentement, en cas d'urgence, est recueilli par le procureur de la République.

Le dernier alinéa prévoit que l'autorisation est donnée par le comité d'experts prévu à l'article L. 1231-3. Il s'agit en l'espèce du comité d'experts réuni dans la formation qu'il adopte lorsqu'il est saisi d'une demande de prélèvement sur une personne mineure (présence d'un pédiatre et d'une « personne qualifiée dans le domaine de la psychologie de l'enfant »). Il appartient au comité de s'assurer que le mineur a été informé du prélèvement « en vue d'exprimer sa volonté s'il y est apte ». Si le mineur est jugé apte par le comité à exprimer sa volonté, son refus fait obstacle au prélèvement. Ainsi, comme pour le cas des majeurs protégés, une personne peut ne pas avoir la faculté de consentir, mais être apte à refuser.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant explicitement que l'obligation d'information repose sur « le praticien qui a posé l'indication de greffe » mais prévoyant également qu'elle peut relever d'un praticien choisi par les parents.

4. Article L. 1241-4 du code de la santé publique : prélèvement de moelle osseuse sur un majeur protégé

Cet article introduit la possibilité d'un prélèvement de moelle osseuse sur une personne majeure protégée et, en conséquence, précise le régime juridique de ce prélèvement.

Ce régime juridique prévoit que :

- le prélèvement peut être réalisé au profit des frères et soeurs. Cette qualité du receveur présente un caractère restrictif - il s'agit du droit en vigueur pour les mineurs - alors que le régime de ces derniers prévoit désormais, en cas de besoin, la possibilité de prélever en faveur des cousins germains ;

- le prélèvement sur la personne sous tutelle est autorisé par le juge des tutelles après avis du comité d'experts. La compétence du juge des tutelles est pleine et entière : il n'a pas à recueillir l'avis du tuteur, ni son accord, et il n'est pas lié par le contenu de l'avis du comité d'experts qu'il doit recueillir ;

- la personne sous curatelle ou sauvegarde de justice peut consentir par elle-même au prélèvement, si cette faculté de consentir lui a été reconnue par le juge des tutelles. Dans ce cas, il appartient au comité d'experts d'autoriser le prélèvement après recueil du consentement de l'intéressé par le magistrat ; dans le cas contraire, il appartient, comme pour les majeurs sous tutelle, au juge des tutelles compétent d'autoriser le prélèvement après avis du comité d'experts.

Dans tous les cas, le refus de la personne protégée fait obstacle au prélèvement.

5. Article L. 1241-6 du code de la santé publique : prélèvement de tissus et de cellules sur une personne décédée

Cet article prévoit de soumettre les tissus et cellules prélevés à des fins thérapeutiques sur une personne décédée aux règles relatives au prélèvement d'organes post mortem :

- présomption du consentement avec application pour les cellules et tissus du principe de refus posé par l'inscription au registre national des refus (article R. 676-6-2 du code de la santé publique) ;

- modalités de recueil pour les mineurs ou majeurs protégés décrites ci-dessus qui s'appliquent avec néanmoins l'accord des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ;

- présence d'un protocole pour les prélèvements à des fins scientifiques ;

- restauration décente du corps.

6. Article L. 1241-7 du code de la santé publique : décret en Conseil d'Etat

Cet article renvoie à des dispositions prises par décret en Conseil d'Etat :

1°) la liste des tissus mentionnée au premier alinéa de l'article L. 1241-1 qui peuvent être prélevés en vue de don à des fins thérapeutiques ;

2°) les tissus et cellules mentionnés au deuxième alinéa du même article dont le prélèvement doit relever du régime prévu à l'article L. 1231-1 ;

3°) les « situations médicales et les conditions » dans lesquelles le prélèvement de tissus et cellules sur un cadavre doit être réalisé. Ce régime est actuellement fixé par le décret n° 97-306 du 1er avril 1997.

B. Etablissements effectuant des prélèvements

1. Articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code de la santé publique : établissements autorisés et interdiction de rémunération de l'activité du prélèvement

Le III du présent article modifie le chapitre II du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique relatif aux autorisations des établissements effectuant des prélèvements.

Le propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 1242-1 édictant le régime des autorisations pour les établissements et organismes prélevant des tissus et cellules.

Le régime d'autorisation en vigueur, avec l'avis de l'EFG, des établissements de santé préleveurs est maintenu pour les tissus et cellules prélevés à des fins d'allogreffe. En revanche, il est modifié et unifié pour les prélèvements destinés à un usage autologue ou allogénique qui suivront les dispositions prévues ci-dessus. Est en revanche prévue une dérogation pour certains prélèvements autologues réalisés en médecine de ville par des médecins et chirurgiens dentistes. La liste des cellules susceptibles d'être prélevées est déterminée par arrêté du ministre de la santé après avis de l'EFG et sur proposition de l'AFSSAPS. Le dernier alinéa du prévoit que les autorisations susmentionnées sont valables pour un délai de cinq ans.

Le propose d'ajouter la notion de cellule à l'article L. 1242-2 qui prévoit l'interdiction de rémunération de l'activité de préleveur.

Le précise le contenu du décret en Conseil d'Etat devant permettre l'application du chapitre afin de prendre en compte les modifications du ci-dessus.

2. Articles L. 1243-1 à L. 1243-8 du code de la santé publique : préparation, conservation et utilisation des cellules

Le IV du présent article a pour objet d'encadrer les activités de préparation, conservation et utilisation des cellules et de leurs dérivés, d'origine humaine, en modifiant les dispositions contenues au chapitre III du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique relatif à l'encadrement des établissements se livrant à ces activités.

Le régime juridique de ces établissements avait été fixé par la loi du 29 juillet 1994 modifiée par la loi du 28 mai 1996 et par celle du 1er juillet 1998.

L'intitulé du chapitre III est modifié et inclut les notions de « conservation », « utilisation » et « préparation » des tissus, cellules et aussi « leurs dérivés ».

a) Article L. 1243-1 du code de la santé publique : définition des produits cellulaires à finalité thérapeutique

Le premier alinéa prévoit que l'ensemble des cellules humaines, à l'exception des produits sanguins labiles, utilisées à des fins thérapeutiques autologues ou allogènes, reçoivent l'appellation de produits cellulaires à finalité thérapeutique. Les produits non directement issus du corps humain - produits de thérapie génique et cellulaire d'origine animale - se trouvent par cohérence transférés dans un titre séparé (cf. article 13). Sont donc maintenus dans le livre II du code de la santé publique les seuls produits à finalité thérapeutique comportant des cellules d'origine humaine, ce qui rend sa cohérence au livre II consacré au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain. L'un des apports essentiels du projet de loi est de proceder cette séparation.

Le second alinéa prévoit deux statuts possibles pour les produits à finalité thérapeutique. Ils relèvent soit de la catégorie des spécialités pharmaceutiques ou des médicaments fabriqués industriellement et sont régis par les dispositions relatives aux médicaments humains, soit de la catégorie des préparations de thérapie cellulaire régies par les dispositions du IV du présent article.

L'unification du régime des cellules humaines - destinées ou non aux thérapies cellulaires - supposait une redéfinition du régime juridique des établissements se livrant à des activités sur ces dernières.

b) Article L. 1243-2 du code de la santé publique : extension au secteur lucratif

Cet article prévoit l'extension de la catégorie des établissements pouvant se livrer à des activités de conservation, distribution et cession de ces cellules, cette activité n'étant plus réservée au seul secteur non lucratif. L'autorisation est délivrée par l'AFSSAPS après avis de l'EFG. Cet aménagement est nécessaire dans la mesure où certains cabinets peuvent utiliser des préparations cellulaires, notamment à but de reconstruction : culture de cellules de peau utilisées en dermatologie (pansements de peau servant à combler certains types d'ulcères), cultures de cellules gingivales (utilisées en chirurgie dentaire), cultures de chondrocytes (utilisées en chirurgie orthopédique).

c) Article L. 1243-3 du code de la santé publique : déclaration préalable des établissements menant des activités à des fins scientifiques

Cet article propose la création d'un régime unique de déclaration préalable auprès du ministre chargé de la recherche pour :

- les activités de conservation et préparation des tissus et cellules issus du corps humain à des fins scientifiques ;

- la conservation d'organes, de sang et produits qui en sont issus à des fins scientifiques ;

- la constitution de collections d'échantillons biologiques à des fins scientifiques.

Cette unification avait été préconisée par le Conseil d'Etat.

Le premier alinéa précise que cette activité est ouverte à tout organisme qui en fait la déclaration préalable auprès du ministre de la recherche. Le deuxième alinéa définit la collection d'échantillons biologiques humains comme la réunion, à des fins scientifiques, de prélèvements effectués sur un groupe de personnes identifiées et sélectionnées en fonction des caractéristiques cliniques ou biologiques d'un ou plusieurs membres du groupe ainsi que des dérivés de ces prélèvements. Le troisième alinéa donne au ministre de la recherche une faculté d'opposition dans un délai de trois mois suivant la déclaration.

Le quatrième alinéa l'habilite à suspendre ces activités quand les exigences posées ne sont plus remplies. L'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant au ministre d'user de son droit d'opposition en cas de non-respect des règles de sécurité des personnes travaillant sur les sites.

Le cinquième alinéa prévoit, dans l'hypothèse mentionnée à l'alinéa ci-dessus, l'avis préalable du comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé.

Le sixième alinéa prévoit l'information de l'AFSSAPS lorsque des activités à des fins scientifiques sont menées sur les mêmes sites que des activités à des fins thérapeutiques. Le dernier alinéa dispose que les tissus et cellules conservés ou préparés ne peuvent être cédés qu'à un établissement qui a déclaré des activités similaires.

d) Article L. 1243-4 du code de la santé publique : autorisation préalable des activités à fins scientifiques en vue d'une cession dans le cadre d'une activité commerciale

Cet article propose d'instituer un régime d'autorisation préalable pour la conservation et la préparation de tissus et cellules du corps humain à des fins de cessions pour un usage scientifique. L'autorisation est obtenue auprès du ministre chargé de la recherche après avis du comité consultatif cité à l'article précédent.

Ces dispositions sont applicables aux activités de conservation et de préparation des organes, du sang, de ses composants et de ses produits dérivés.

e) Article L. 1243-5 du code de la santé publique : autorisation par l'AFSSAPS

Cet article prévoit que l'utilisation des tissus et des préparations de thérapie cellulaire est autorisée par l'AFSSAPS, qui évalue l'environnement technique de constitution et les indications thérapeutiques de ces produits.

f) Article L. 1243-6 du code de la santé publique : établissements pouvant pratiquer des greffes de tissus et administrer des préparations de thérapie cellulaire

Le premier alinéa de cet article précise que seuls des établissements de santé peuvent pratiquer des greffes au moyen de ces tissus, cellules ou préparations. Il prévoit en outre que, lorsque l'intérêt de la santé publique l'impose ou que le coût de l'opération est élevé, ces établissements doivent être autorisés par l'EFG.

Le deuxième alinéa prévoit une dérogation comme pour les établissements préleveurs au profit de certains cabinets libéraux pour certains tissus et préparations de thérapie cellulaire figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, sur proposition de l'AFSSAPS après avis de l'EFG.

Le troisième alinéa prévoit un régime spécifique pour les allogreffes de cellules souches hématopoiétiques en raison de la technicité que requiert cette activité. Cette dernière est donc réservée aux CHU et établissements de santé qui leur sont liés par convention.

g) Article L. 1243-7 du code de la santé publique : délivrance des autorisations

Cet article prévoit les conditions de délivrance des autorisations prévues précédemment.

h) Article L. 1243-8 du code de la santé publique : modalités d'application

Cet article prévoit que les modalités d'application des dispositions du présent chapitre seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

C. Don et utilisation des gamètes en vue d'une assistance médicale à la procréation (AMP)

Le V du présent article modifie le chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique.

Le modifie l'intitulé du chapitre IV qui devient « Don et utilisation des gamètes en vue d'une AMP ». L'Assemblée nationale a souhaité maintenir la rédaction actuelle du chapitre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique : le don et l'utilisateur de gamètes humains restent réservés à l'AMP. Cet usage unique permettra de rendre difficile la pratique du clonage dit thérapeutique, puisque le don de gamètes à des fins d'un transfert nucléaire ne sera pas possible.

Le modifie l'article L. 1244-2 pour ouvrir aux célibataires, ayant procréé, la faculté de donner leurs gamètes en vue d'une AMP avec tiers donneur. Cet élargissement aux personnes seules, célibataires, veuves ou divorcées correspond mieux à la réalité sociale d'aujourd'hui.

En revanche, la condition de parentalité demeure, le donneur devant toujours « avoir procréé » avant de pouvoir faire un don. Il s'agit d'une spécificité de la législation française, par rapport aux législations des pays voisins, le législateur ayant voulu, avec cette condition, renforcer l'idée du don d'une famille à une autre famille.

Ainsi, le donneur éprouve le sentiment d'aider un couple à devenir, comme lui, parent et non l'idée que les enfants issus de son don seraient ses propres enfants. Si ce donneur est en couple, le consentement de l'autre membre est requis. Le deuxième alinéa prévoit en outre le double consentement des membres du couple receveur.

Le prévoit, à l'article L. 1244-4, le doublement (de cinq à dix) du nombre maximum de naissances qui peut être réalisé à partir des gamètes d'un même donneur. Cette disposition comme la précédente vise à résoudre le problème de pénurie de donneurs. De nombreux couples, découragés par la longueur des délais d'attente, renoncent à renouveler leur demande d'AMP avec tiers donneur. Cette augmentation est opportune, les démographes considèrent en effet que le risque de consanguinité n'est accru qu'à partir de vingt enfants par donneur.

Le prévoit, à l'article L. 1244-5, la suppression de la consultation préalable de la CNMBRDP et du CNOSS en vue de la délivrance de l'autorisation des organismes ou établissements de santé qui recueillent, traitent, conservent et cèdent des gamètes.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements en matière d'autorisation des activités d'AMP : l'un prévoyant la consultation préalable de l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH) avant d'autoriser ces activités, l'autre précisant qu'un avis préalable du CNOSS n'est pas nécessaire avant la mise en œuvre des procédures d'autorisation.

Elle a également adopté, à l'initiative de Mme Yvette Roudy, un amendement prévoyant une information de la donneuse d'ovocytes relative aux conditions de ce don.

D. Dispositions diverses

Le VI du présent article propose de modifier le chapitre V du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique consacré aux dispositions communes.

1. Article L. 1245-1 du code de la santé publique : suspension ou retrait des autorisations

Cet article est consacré aux modalités de retrait des autorisations des établissements autorisés à prélever et greffer des organes, des tissus et cellules, conserver, préparer des tissus, greffer des tissus ou administrer des préparations de thérapie cellulaire ainsi que des organismes chargés du recueil et de la conservation des gamètes.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le retrait temporaire ou définitif des autorisations est de droit lorsqu'il est demandé par l'AFSSAPS.

2. Article L. 1245-2 du code de la santé publique : statut des résidus opératoires

Cet article met en place le régime juridique des résidus opératoires. Ces derniers ne peuvent être prélevés qu'à l'occasion d'une intervention réalisée dans l'intérêt des personnes. Les personnes majeures doivent être informées et disposer d'une faculté d'opposition. Pour les mineurs ou majeurs protégés, l'opposition des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur fait obstacle au prélèvement, de même que le refus du mineur ou du majeur protégé.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du gouvernement, a adopté un amendement prévoyant que les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur d'un mineur ou majeur protégé concernés par le prélèvement de déchet opératoire, peuvent exprimer leur absence d'opposition par tout moyen.

De surcroît, cet article précise que les principes généraux auxquels sont soumis les tissus, cellules et produits du corps humain de même que le placenta sont ceux énoncés au titre premier du livre II de la première partie du code de la santé publique, soit le consentement, la gratuité, l'anonymat, l'interdiction de la publicité et la sécurité sanitaire.

3. Article L. 1245-3 du code de la santé publique : activité médicale du prélèvement de produits ou d'éléments du corps humain

Cet article prévoit que tout prélèvement de produits ou éléments du corps humain a le statut d'activité médicale, de même que le prélèvement d'organes.

Cette disposition est sans conteste l'une des plus importantes du projet de loi en ce qui concerne le prélèvement d'organes. En effet, l'activité de prélèvement sera désormais pris en compte dans le PMSI, soit le point ISA et aura donc à terme une incidence sur la dotation globale de l'établissement.

4. Article L. 1245-4 du code de la santé publique : prélèvements réalisés dans le cadre de recherches biomédicales

Cet article prévoit que les prélèvements réalisés dans le cadre d'une recherche biomédicale sont assimilés à des prélèvements à des fins thérapeutiques et sont notamment soumis aux mêmes règles de sécurité sanitaire.

5. Article L. 1245-5 du code de la santé publique : exportation et importation des éléments et produits du corps humain

Cet article prévoit le régime juridique des exportations et importations des éléments et produits du corps humain. Celles-ci dernières doivent être réalisées par des organismes autorisés par l'AFSSAPS. Par dérogation, les établissements de santé autorisés à prélever de la moelle osseuse peuvent l'exporter à des fins thérapeutiques, de même que ceux autorisés à procéder à des greffes peuvent importer cette moelle à des fins thérapeutiques.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant le double accord du ministre de la recherche et du ministre de la santé pour les dispositions prévues à cet article.

6. Article L. 1245-6 du code de la santé publique : décret en Conseil d'Etat

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat l'édiction des modalités d'application du présent article.

II. Les modifications adoptées par le Sénat

A. Élargissement du cercle des receveurs potentiels de moelle osseuse prélevée sur des mineurs ou majeurs protégés

1. Extension de la liste des donneurs potentiels : article L. 1241-3 du code de la santé publique

A l'initiative de la commission des affaires sociales, et avec l'avis favorable du gouvernement, le Sénat a adopté un amendement étendant le champ des donneurs mineurs de moelle osseuse à d'autres donneurs potentiels, à savoir les oncles, les tantes, les neveux et les nièces de la personne malade en attente de greffe.

Le droit en vigueur n'ouvre une faculté de prélèvement de moelle osseuse qu'en faveur des frères et sœurs pour les mineurs et l'interdit pour les majeurs protégés. Le présent projet de loi élargit la dérogation aux cousins germains pour les mineurs. Pour les majeurs protégés, il ouvre la possibilité d'une dérogation pour les prélèvements en faveur des frères et sœurs.

Selon le rapporteur, M. Francis Giraud, les règles de compatibilité tissulaire, impératives pour la réussite des greffes de moelle osseuse, ont parfois pour résultat que la compatibilité ne peut être trouvée ni chez un donneur majeur ni même auprès d'un mineur, frère ou soeur, cousin ou cousine du receveur. En revanche, dans certains cas rares, les hasards de la consanguinité font que d'autres parents proches, comme les neveux ou les nièces, les oncles ou les tantes, se révèlent histocompatibles au receveur. Il convient donc d'élargir la liste des donneurs mineurs de moelle osseuse à cette dernière catégorie. Du fait de la rareté des cas concernés, cette extension ne peut en aucun cas conduire à une banalisation des prélèvements sur personne mineure.

Les personnes en attente d'une greffe de moelle osseuse souffrent de pathologies graves et la greffe est la seule solution thérapeutique. L'enjeu est donc vital et doit être mise en regard du caractère relativement bénin et de l'absence de complexité technique particulière du prélèvement. De surcroît, en ce qui concerne les donneurs, le projet de loi offre d'ores et déjà un niveau de protection important que se traduit par l'information des parents du mineur avant le consentement et par une autorisation délivrée par un comité d'experts dont la composition a été renforcée.

Pour les mêmes raisons, le Sénat a adopté un deuxième amendement élargissant le cercle des bénéficiaires de prélèvements de moelle osseuse aux cousines et cousins germains, oncles et tantes, neveux et nièces (en sus des frères et sœurs) des donneurs majeurs sous curatelle ou sauvegarde de justice dès lors qu'ils se seront vu reconnaître « la faculté de consentir par le juge des tutelles ».

2. Renforcement de la protection des donneurs : article L. 1241-3 du code de la santé publique

Afin de renforcer la protection des « nouveaux » donneurs potentiels, le Sénat, par deux amendements a prévu à l'article L. 1241-3 du code de la santé publique, que pour tout prélèvement de moelle sur personne mineure ou majeure protégée, le comité d'experts n'autoriserait le prélèvement ou formulerait son avis au juge de tutelle qu'après s'être assuré que « tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur compatible ».

B. Alignement du régime du consentement pour le don de moelle osseuse sur celui prévu pour le don d'organes : articles L. 1241-1 et L. 1241-3 du code de la santé publique

A l'initiative de la commission des affaires sociales, et avec l'avis favorable du gouvernement, le Sénat a adopté quatre amendements ayant pour but de clarifier le régime de consentement pour le don de moelle osseuse.

Ainsi, pour les mineurs, d'une part, le magistrat devra s'assurer que le consentement des titulaires de l'autorité parentale est « libre et éclairé », d'autre part, ce consentement est révocable « sans forme et à tout moment ». De la même façon, pour les majeurs sous curatelle ou sauvegarde de justice, d'une part, le consentement « libre et éclairé » sera recueilli par un magistrat et précédé d'une information sur les risques et les conséquences du prélèvement et, d'autre part, il sera révocable « sans forme et à tout moment ».

Ces amendements visent à mettre en cohérence les régimes de consentement du don d'organes et du don de moelle osseuse dans un souci de protection du donneur potentiel.

Le Sénat a également adopté un amendement de M. Alain Vasselle visant à recueillir l'avis de la personne majeure sous tutelle pour un prélèvement de moelle hématopoïétique.

DON DE MOELLE OSSEUSE
(tableau)

C. Recherches biomédicales : article L. 1245-4 du code de la santé publique

Premièrement, le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des affaires sociales, un amendement simplifiant le régime des prélèvements de tissus ou de collectes sur une personne vivante dans le cadre d'une recherche biomédicale. Ainsi, les recherches biomédicales portant sur des tissus ne seront pas soumises aux dispositions de l'article L. 1241-1 du code de la santé publique, dispositions qui limitent la possibilité de prélever des tissus sur une personne vivante en vue de dons à des fins thérapeutiques aux seuls tissus inscrits sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.

Deuxièmement, le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des affaires sociales, deux amendements visant à prendre en compte la spécificité des recherches biomédicales portant sur les produits cellulaires à finalité thérapeutique, sur les produits de thérapie génique et sur les produits cellulaires d'origine cellulaire. Ainsi, est mise en place une équivalence entre l'autorisation de mener des recherches biomédicales et l'autorisation du lieu dans lequel s'effectuent le prélèvement, la conservation, la préparation et l'administration des cellules.

D. Collections d'échantillons biologiques : article L. 1243-3 du code de la santé publique

Le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des affaires sociales, un amendement visant à préciser à l'article L. 1243-3 du code de la santé publique que les déclarations concernant les collections d'échantillons biologiques doivent être accompagnés de l'avis d'un comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB), sur la pertinence éthique et scientifique du projet et sur les conditions d'information et de recueil du consentement des personnes prélevées.

En outre, le Sénat adopté un amendement du gouvernement prévoyant, dans un souci de cohérence avec les dispositions de l'article L. 1243-4 du code précité, qu'en cas de cession de collections d'échantillons biologiques par un établissement de santé, l'autorisation est délivrée de manière conjointe par les ministres chargés de la recherche et de la santé.

E. Dispositions diverses

1. Compétence unique du ministre chargé de la recherche pour les autorisations d'importation ou d'exportation de tissus et cellules

Le Sénat a adopté un amendement supprimant en la matière l'autorisation du ministre chargé de la santé pour les importations ou exportations de tissus et cellules.

2. Application des procédures d'autorisation aux hôpitaux des armées : article L. 1245-8 du code de la santé publique

Le Sénat a adopté un amendement du gouvernement prévoyant l'application des dispositions relatives aux autorisations aux hôpitaux du service de santé des armées.

3. Contrôle douanier sur les échanges de pâtes plasmatiques et de préparation de thérapie cellulaire (article 38 du code des douanes)

Le Sénat a adopté un amendement du gouvernement ayant pour objet de rendre applicable aux pâtes plasmatiques et aux préparations de thérapie cellulaire l'article 38 du code des douanes.

Cet article rétablit les prérogatives de contrôle des agents des douanes dans les échanges intracommunautaires pour certaines catégories de produits dits « sensibles » et limitativement énumérées. En application de ces dispositions, les services douaniers s'assurent que les établissements ou organismes qui importent et exportent des produits sanguins labiles, des organes, des tissus, des cellules ou des gamètes sont bien autorisés à effectuer cette activité. Les pâtes plasmatiques et les préparations de thérapie cellulaire ne figurent pas dans la liste des produits susceptibles de faire l'objet de ces contrôles. Or, ces produits font l'objet d'échanges transfrontières et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé autorise leur importation et (ou) leur exportation. Il est donc utile de prévoir également pour ces produits la garantie de sécurité sanitaire supplémentaire que constitue le contrôle douanier.

*

Article L. 1241-1 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Claeys vivant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en substituant aux termes de « dispositifs médicaux de diagnostic in vitro » les termes « de dispositif in vitro », le rapporteur ayant affirmé sa préférence pour la formulation plus précise et restrictive retenue par le Sénat.

La commission a rejeté un amendement de M. Olivier Jardé précisant que le consentement ne peut être retiré que par écrit.

Article L. 1241-3 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Olivier Jardé précisant que le consentement ne peut être retiré que par écrit.

Article L. 1242-1 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement du rapporteur substituant la compétence de l'Agence de la biomédecine à celle de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en matière de tissus, cellules et produits (AFSSAPS).

Article L. 1243-1 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse tendant à ce que les produits cellulaires continuent de relever du seul don et non du domaine du médicament, afin de les préserver de toute considération lucrative.

Le rapporteur a souligné que la solution proposée est celle qui a prévalu jusqu'à présent. Cependant, le développement des biotechnologies implique aujourd'hui de reconnaître les produits cellulaires comme une spécialité pharmaceutique.

Tout en comprenant les motivations de l'amendement, M. Alain Claeys a estimé qu'il ne saurait régler toutes les questions relatives à la protection des produits cellulaires contre les dérives mercantiles.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 1243-2 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse visant à autoriser les seuls établissements et organismes à but non lucratif à préparer, conserver, distribuer et céder des tissus et des préparations cellulaires, afin d'éviter les dérives précédemment évoquées.

Le rapporteur ayant souligné que certaines préparations réalisées dans le secteur privé utilisent d'ores et déjà des produits cellulaires, comme les pansements de peau, et qu'il n'y a pas de dérive à redouter en la matière, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à une coordination avec le transfert des tissus, cellules et produits du corps humain de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

Article L. 1243-3 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement de M. Olivier Jardé visant à préciser que le régime d'accréditation des laboratoires par le ministère est le même pour l'ensemble des laboratoires y compris lorsqu'ils procèdent à la conservation du corps ou d'une partie du corps humain.

Le rapporteur a objecté que le texte couvre l'ensemble des prélèvements issus du don du corps et que des activités spécifiques comme la biomécanique des chocs ou la recherche en orthopédie sont donc couvertes par le régime unique de déclaration préalable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Olivier Jardé visant à exclure les importations de collections d'échantillons du régime applicable aux échantillons collectés sur le sol français.

Le rapporteur a relevé le caractère « protectionniste » de cet amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté deux amendements de M. Olivier Jardé : le premier prévoit la simultanéité de la procédure de soumission pour avis au comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) et l'envoi de la déclaration au ministre ; le second raccourcit à deux mois le délai de trois mois actuellement imparti au ministre pour s'opposer à la collection d'échantillons.

La commission a examiné un amendement de M. Olivier Jardé alignant le régime de contrôle applicable aux collections d'échantillons constituées pour les besoins d'une recherche biomédicale dont elles constituent l'accessoire sur celui applicable à la recherche biomédicale principale.

Le rapporteur a objecté que l'amendement unifierait le régime juridique applicable aux différentes collections d'échantillons sur la base du droit actuellement en vigueur. Or le but du présent article est précisément d'assouplir ce régime pour les collections d'échantillons servant à la recherche biomédicale.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur prévoyant le transfert de la compétence en matière de tissus, cellules et produits du corps humain de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys prévoyant que la déclaration préalable par les organismes assurant la conservation et la préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules du corps humain doit être faite conjointement auprès du ministre de la recherche et du ministre de la santé.

Le rapporteur a estimé que la compétence du ministre de la santé en la matière est logique. Il s'agit en effet dans cet article de la tutelle des établissements de santé assurant la conservation et la préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules du corps humain.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 1243-4 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Olivier Jardé visant à préciser que le régime d'accréditation des laboratoires par le ministère est le même pour l'ensemble des laboratoires y compris lorsqu'ils procèdent à la conservation du corps ou d'une partie du corps humain.

Article L. 1243-5 du code de la santé publique

La commission a adopté deux amendements de coordination du rapporteur avec le transfert de la compétence en matière de tissus, cellules et produits du corps humain de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

Article L. 1243-6 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur avec le transfert de la compétence en matière de tissus, cellules et produits du corps humain de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

Article L. 1244-5 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Claeys prévoyant que le rapport annuel des établissements ou organismes pratiquant les activités de recueil, traitement, conservation et cession des gamètes est transmis au ministre de la santé plutôt qu'à l'agence régionale de l'hospitalisation, le rapporteur ayant rappelé qu'il était pour sa part favorable à ce transfert à l'ARH et plus généralement à la régionalisation du système de santé.

Article L. 1245-1 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur avec le transfert de la compétence en matière de tissus, cellules et produits du corps humain de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 8 bis (nouveau)

(articles L. 1123-1, L. 1123-6 et L. 1123-7 du code de la santé publique)

Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB)

Cet article additionnel a été introduit par le gouvernement au Sénat avec l'avis favorable de la commission des affaires sociales.

Il vise, d'une part, à créer des CCPPRB à compétence nationale pour des domaines de recherches très spécialisés et, d'autre part, à modifier certaines compétences des CCPPRB.

Les 1° et 2° s'efforcent de tenir compte des compétences parfois très spécialisées qui peuvent être nécessaires pour les membres des CCPPRB. Ces spécialisations peuvent concerner des domaines de recherches particuliers tels que la génétique. Le 3° modifie la définition des compétences des CCPPRB pour tenir compte des nouvelles compétences qui leur sont attribuées par les amendements aux articles 5 et 8 (changement de finalité et constitution d'une collection d'échantillons biologiques).

Les cas particuliers de la constitution de collections d'échantillons biologiques et des recherches menées à partir de ces collections sont différents du type de recherches qu'a eu en vue le législateur dans le cadre de la loi Huriet et relèvent d'un régime spécifique.

*

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur, puis l'article 8 bis ainsi modifié.

Article 9

(article L. 1251-2 du code de la santé publique)

Conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiques

Cet article a pour objet de fixer les conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiques s'appliquant au cycle d'utilisation des éléments et produits du corps humain.

I. Le dispositif proposé au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale

Le présent article modifie les deux premiers alinéas de l'article L. 1251-2 du code de la santé publique.

Le premier alinéa de l'article L. 1251-2 renvoie à l'Etablissement français des greffes (EFG), après avis de l'Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la mission d'élaborer les règles de bonnes pratiques s'appliquant à l'ensemble du cycle d'utilisation des organes du corps humain.

Le présent article modifie à la marge la rédaction figurant actuellement dans le code de la santé publique en ajoutant le terme « préparation » et en retranchant celui de « transformation » à la liste des opérations composant le cycle d'utilisation des organes et des tissus issus du corps humain. La notion de « bonnes pratiques » est, pour sa part, mise au pluriel. En outre, le texte proposé substitue le terme « élaborer » à celui de « préparer » pour les préparations de thérapie génique visées par cet article.

Le second alinéa de l'article L. 1251-2 prévoit que la compétence d'élaboration des règles de bonnes pratiques applicables aux tissus, cellules et produits du corps humain est confiée à l'AFSSAPS après avis de l'Etablissement français des greffes.

Outre des modifications identiques à celles apportées au premier alinéa, le présent article met en conformité les dispositions du droit existant avec le cadre juridique nouveau applicable aux cellules. Ces règles de bonnes pratiques s'appliqueront désormais « aux préparations de thérapie cellulaire » alors que le droit existant prévoyait l'exclusion des produits, tissus ou cellules destinés à des fins de thérapie cellulaire ou génique.

A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant une extension des missions de l'Etablissement français des greffes (EFG). Ce dernier se voit confier le soin de constituer et gérer un fichier des personnes vivantes ayant subi un prélèvement d'organe, afin de renforcer l'évaluation des conséquences des prélèvements sur les vivants.

II. La suppression de l'article par le Sénat

A la demande du gouvernement, le Sénat a supprimé cet article dans un souci de coordination. En effet, l'ensemble des dispositions de cet article a été repris dans l'article 1er A créant une Agence de la biomédecine.

*

La commission a maintenu la suppression de l'article 9.

Article 10

(articles L. 1263-1, L. 1263-2, L. 1263-3, L. 1263-4 du code de la santé publique)

Coordination

Le présent article propose une série de modifications rédactionnelles et de coordination dans titre VI du livre II du code de la santé publique.

Le modifie l'unité du titre VI. L'intitulé actuel, « Produits de thérapie génique et cellulaire et produits thérapeutiques annexes », deviendrait « Dispositions relatives aux produits thérapeutiques annexes », intégrant ainsi la modification du régime juridique applicable aux produits de thérapie génique et l'unification du régime des produits cellulaires à finalité thérapeutique décrits au chapitre III du titre VI.

Le supprime deux chapitres du titre VI : les premier et deuxième.

Le prévoit par conséquence que le chapitre III devient le chapitre unique de ce titre.

Par coordination avec les dispositions prévues à l'article 5 du présent projet qui en reprend le contenu, le abroge l'article L. 1263-4 du code de la santé publique qui prévoit l'obligation de déclaration auprès de l'Association française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) des effets inattendus ou indésirables des produits thérapeutiques par leurs utilisateurs, fabricants, importateurs ou distributeurs.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement abrogeant la compétence de l'AFSSAPS, le fonctionnement de la commission de transparence.

Le Sénat a adopté cet amendement ayant pour objet de corriger l'erreur de référence à l'article L. 1261-1 et de prendre en compte les modifications introduites par l'amendement gouvernement à l'article 13 qui propose de donner le statut de médicament aux préparations de thérapie génique et aux préparations de thérapie cellulaire xénogénique.

*

La commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

(articles 511-3, 511-5, 511-5-1, 511-5-2, 511-7, 511-8, 511-8-1 et 511-8-2 du code pénal)

Dispositions pénales pour les infractions relatives aux éléments et produits du corps humain

La commission a rappelé pour coordination cet article adopté conforme par les deux assemblées et adopté un amendement présenté par le rapporteur supprimant le dernier alinéa de cet article.

Elle a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 bis A (nouveau)

Rapport sur les mesures prises en matière de lutte contre le trafic d'organes

Cet article a été introduit par le Sénat, par un amendement de M. Alain Vasselle, avec l'avis favorable du Gouvernement. Il a pour objet de demander au Gouvernement le dépôt d'un rapport qui présente les mesures prises au niveau international en matière de prévention et de répression du trafic d'organes ainsi que les initiatives internationales mises en œuvre pour contribuer à l'élaboration d'une législation harmonisée réprimant ce type de trafic.

M. Alain Vasselle a dénoncé lors de la discussion le trafic d'organes prospérant entre pays développés et pays sous-développés, qui serait le fait des réseaux de criminalité organisée devant être impérativement démantelés.

*

La commission a adopté un amendement de suppression de cet article présenté par le rapporteur, dans la mesure où un amendement adopté par la commission à l'article 1er A confie à l'Agence de la biomédecine le soin de rendre compte des trafics d'organes dans le cadre de son rapport annuel d'activité.

Elle a donc supprimé l'article 12 bis A.

TITRE II bis (nouveau)

PROTECTION JURIDIQUE DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES

La commission a adopté un amendement du rapporteur insérant une division additionnelle pour tenir compte de l'insertion dans le projet de loi de mesures de transposition de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

Article 12 bis

(articles L. 611-17 à L. 611-19 et L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle)

Conditions de brevetabilité des éléments du corps humain

Cet article réaffirme en droit français de la propriété intellectuelle le caractère non brevetable des éléments du corps humain, compte tenu des dispositions de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité des amendements de MM. Jean-Claude Lefort, Roger Meï et Maurice Leroy affirmant le principe qu'un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris lorsqu'il s'agit d'une séquence génique, ne peut constituer une invention brevetable. Elle a ainsi clairement voulu s'opposer à la brevetabilité des éléments du corps humain inscrite dans l'article 5, paragraphe 2, de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998, non encore transposée en droit français.

Bien que le gouvernement, par la voie de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, se soit exprimé de manière très réservée sur cet article 5 et qu'il ait annoncé vouloir agir au niveau communautaire pour en lever toutes les ambiguïtés et obtenir des garanties éthiques, il a proposé au Sénat, qui l'a adopté, un amendement proposant une nouvelle rédaction du présent article 12 bis transposant partiellement cette directive, sans laisser subsister dans le droit français une disposition qui y était clairement, ouvertement et délibérément contraire et ne pouvait dès lors trouver à s'appliquer.

La directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 définit en effet les principes et limites dans lesquels les inventions portant sur une matière biologique (dont les séquences géniques) d'origine animale, végétale ou humaine peuvent être brevetées. Elle applique aux inventions biotechnologiques les règles qui régissent le droit des brevets. Ces règles sont fixées au niveau international par l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et au niveau européen par la Convention de Munich de 1973 sur le Brevet européen qui a institué l'Office européen des brevets (OEB). Ces principes sont traduits en droit français dans le code de la propriété intellectuelle.

Le droit des brevets admet deux types de brevets : le brevet de procédé et le brevet de produit. Appliqué aux séquences géniques (animales, végétales ou humaines), il conduit à pouvoir breveter, d'une part, un procédé technique isolant ou utilisant la séquence génique, et, d'autre part, la séquence elle-même en tant que produit à partir du moment où l'inventeur précise quelle protéine est produite et quelle fonction elle assure. La portée de la protection conférée aux brevets revêt une grande importance en raison des droits exclusifs d'exploitation qui s'y attachent : une société détentrice d'un brevet reste en effet libre d'accorder ou non des licences d'exploitation (moyennant redevances) à celles qui souhaitent utiliser ou perfectionner son invention. Dans le cas des séquences géniques humaines, ces situations de dépendance entre brevets peuvent être préjudiciables à la recherche de nouvelles thérapies, sachant qu'une même séquence peut être impliquée dans la production de plusieurs protéines assurant des fonctions bien distinctes et permettant des applications thérapeutiques et diagnostiques multiples.

Article 5 de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998

« 1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.

« 2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel.

« 3. L'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet. »

Selon l'article 5 (paragraphes 2 et 3) de la directive, il est possible de breveter un élément du corps humain1, à la condition qu'il soit isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique (même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel) et que le brevet précise l'application industrielle à laquelle cet élément sert. Pour ce faire, l'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet. Selon les considérants de la directive, le critère d'application industrielle se trouve rempli lorsque le brevet indique quelle protéine est produite par la séquence ADN utilisée ou la fonction qu'elle assure.

Dans un arrêt du 9 octobre 2001 Royaume des Pays-Bas c/ Parlement européen et Conseil (affaire C-377/98), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a validé cette directive en affirmant le caractère brevetable d'une invention associant un élément naturel à un procédé technique permettant de l'isoler ou de le produire en vue d'une application industrielle. Elle a également entériné l'idée que la protection conférée par le brevet s'étend à cet élément naturel2. Cette jurisprudence rejoint d'ailleurs celle de l'Office européen des brevets qui admet et délivre régulièrement des brevets incluant des séquences géniques humaines (par exemple pour les tests de prédisposition génétique du cancer du sein et de l'ovaire de la société Myriad Genetics, reposant sur les gènes séquences géniques BRCA 1 et BRCA 2).

Toute comme le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive, l'actuel article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle rappelle que la simple connaissance d'un élément du corps humain ou d'une séquence génétique n'est pas brevetable (car il s'agit d'un simple découverte et non d'une invention). En revanche, l'article L. 611-17 n'interdit ni n'autorise explicitement de breveter une séquence dès lors qu'elle est isolée, purifiée ou reproduite artificiellement par un procédé technique en vue d'une application industrielle.

Cette ambiguïté juridique ne peut que profiter à une interprétation qui admet le caractère brevetable des séquences compte tenu de l'état du droit communautaire en matière de brevet portant sur les inventions biotechnologiques. Un juge national invité à statuer sur cette question ne pourrait reconnaître que la primauté de la directive européenne sur la loi française3 et interpréter l'article L. 611-17 comme interdisant seulement les brevets sur les éléments du corps humain en tant que tels (organe, tissus,..) mais qu'a contrario, les brevets sur les séquences génétiques isolées du corps humain ou reproduites par un procédé technique sont concevables (au motif qu'il ne s'agit plus d'éléments du corps humain en tant que tels).

La France n'a toujours pas transposé cette directive, alors que l'échéance en était fixée au 30 juillet 20004. Pour éviter tant un recours en manquement devant la CJCE par la Commission qu'un contentieux devant l'OMC, il est préférable de se conformer au droit international et communautaire applicable en matière de brevet sur les inventions biotechnologiques, tout en essayant de restreindre autant que possible la portée des revendications brevetaires en ce qui concerne les gènes humains.

C'est pourquoi, il est proposé par le I du présent article de mettre en exergue dans le code de la propriété intellectuelle le caractère non brevetable des inventions dont l'exploitation serait contraire à la dignité de la personne humaine5 (en plus des critères d'ordre public et de bonnes mœurs figurant déjà dans la législation), et, dans le II, de préciser que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles, de même que les procédés de clonage ou de modification de l'identité génétique des êtres humains et les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles et commerciales ne peuvent constituer des inventions brevetables.

Les conditions dans lesquelles un élément du corps humain peut cependant faire l'objet d'une protection par un brevet d'invention sont ensuite strictement encadrées par le II, qui précise qu'une fonction spécifique de cet élément doit être utile et nécessaire à la mise en œuvre d'une application technique particulière, laquelle doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet. Dans ce cas, l'élément du corps humain n'est couvert par le brevet qu'en tant qu'il permet l'application technique particulière d'une de ses fonctions, et non en tant que tel, ce qui semble être une interprétation très restrictive, à la limite contra legem, du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive.

En complément de ces dispositions, afin de protéger les séquences géniques contre toute appropriation, le III dispose que les revendications brevetaires d'un premier inventeur sur une séquence génique ne peuvent faire en aucun cas obstacle à une revendication ultérieure portant sur la même séquence si cette dernière est également utile et nécessaire à une application technique, concrètement exposée, différente de la première. De cette manière, le second brevet devient entièrement indépendant du premier et non soumis à licence de dépendance et au paiement de redevances. Quant aux séquences géniques, elles sont par principe toujours disponibles pour toute nouvelle application diagnostique ou thérapeutique qui serait inventée.

Enfin, le IV prévoit qu'un rapport d'évaluation des conséquences juridiques, économiques, éthiques et de santé publique de l'application du présent article sera présenté par le gouvernement au Parlement dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

*

La commission a examiné deux séries de trois amendements de Mme Jacqueline Fraysse soumis à discussion commune, procédant à une nouvelle rédaction l'une de l'article et l'autre de ses trois premiers paragraphes, ces amendements visant respectivement :

- les premiers, à interdire la brevetabilité du corps humain et des organismes d'origine animale ou végétale aux différents stades de leur constitution et de leur développement ainsi que de leurs produits et à dénier la qualité d'invention brevetable à la simple découverte d'un de leurs éléments ;

- les deuxièmes, ayant le même objet mais excluant les organismes d'origine végétale ;

- les troisièmes, ayant également le même objet mais excluant les organismes d'origine animale et végétale.

Mme Jacqueline Fraysse a indiqué qu'il faut veiller à encadrer très strictement la brevetabilité du vivant. Alors que la directive communautaire est pour le moins ambiguë sur ce point, la loi française se doit d'être beaucoup plus précise en posant des limites contraignantes dans la mesure où le génome appartient au patrimoine commun de l'humanité et ne peut pas être une propriété privée ou une marchandise. Ces principes doivent s'appliquer bien entendu à l'humain, mais aussi à l'animal et au végétal.

Tout en partageant les mêmes préoccupations que Mme Jacqueline Fraysse, le rapporteur a considéré que les rédactions proposées par ces amendements sont inapplicables car directement contraires à la directive communautaire.

M. Alain Claeys a indiqué ne pas s'opposer à toute propriété intellectuelle en la matière, pour favoriser la diffusion de la connaissance et de la recherche. L'article 5 de la directive doit néanmoins être rejeté pour des raisons éthiques et parce qu'il ne correspond pas à la réalité des connaissances scientifiques - un gène n'est pas un objet identifiable en soi, indépendamment de son environnement. Il faut donc renégocier cette directive et rejeter la notion de brevetabilité du vivant proposée par ladite directive et par les accords ADPIC négociés dans le cadre de l'OMC.

Mme Christine Boutin a souligné partager les préoccupations exprimées au travers des amendements et des prises de parole des orateurs.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré que le gène est une structure biologique parfaitement identifiable.

La commission a rejeté les six amendements.

Elle a ensuite examiné l'amendement n° 4 présenté par Mme Valérie Pecresse, au nom de la commission des lois saisie pour avis, proposant une nouvelle structuration des articles modifiés du code de la propriété intellectuelle.

La rapporteure pour avis a expliqué que cet amendement a pour but de clarifier et de simplifier la rédaction du Sénat, sans en modifier le fond. En particulier, après avoir mis en facteur commun les principes d'interdiction de brevetabilité en cas d'atteinte à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, il distingue plus précisément l'humain, l'animal et le végétal.

La commission a examiné quatre sous-amendements de Mme Jacqueline Fraysse visant à interdire la brevetabilité du corps humain et des organismes d'origine animale ou végétale.

Mme Jacqueline Fraysse a rappelé qu'il s'agit de bien indiquer dans la loi que le vivant est inaliénable et ne peut pas être considéré comme une marchandise.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté les quatre sous-amendements.

La commission a ensuite adopté un sous-amendement du rapporteur visant à préciser que les séquences d'un gène peuvent être totales ou partielles.

La commission a examiné le sous-amendement n° 52 de Mme Valérie Pecresse visant à prendre en compte la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

La rapporteure pour avis a proposé par ce sous-amendement, qui fait suite à un débat au sein de la commission des lois, de reprendre en droit français le considérant de la Cour de justice qui, dans un arrêt du 9 octobre 2001, a précisé que « la protection [par brevet] ne s'étend à des données biologiques existant à l'état naturel dans l'être humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation d'une application industrielle particulière. » Il s'agit ainsi de s'assurer qu'en cas de contentieux, la loi ne risque pas d'être déclarée contraire à la jurisprudence communautaire.

Après que le rapporteur a émis un avis favorable, la commission a adopté le sous-amendement n° 52.

Elle a ensuite adopté l'amendement n° 4 ainsi modifié.

En conséquence, quatre amendements de Mme Jacqueline Fraysse visant à interdire la brevetabilité du corps humain et des organismes d'origine animale ou végétale sont devenus sans objet.

La commission a ensuite adopté deux amendements présentés par le rapporteur, procédant le premier à une coordination au sein du code de la propriété intellectuelle et le second à une amélioration rédactionnelle.

Puis elle a adopté l'article 12 bis ainsi modifié.

Article 12 ter (nouveau)

(articles L. 613-15 et L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle)

Conditions de délivrance des licences d'exploitation

Cet article, résultant de l'adoption par le Sénat d'un amendement du gouvernement, complète l'article 12 bis qui précise les conditions de délivrance des brevets portant sur les éléments du corps humain, par un renforcement du régime des licences obligatoires dites de « dépendance » et des licences d'office prises dans l'intérêt de la santé publique. Ces licences sont régies respectivement par les articles L. 613-15 et L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle.

Bien que la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques ne comprenne pas de dispositions portant renforcement des licences obligatoires et d'office, il semble opportun d'accompagner sa transposition partielle d'un tel renforcement pour instaurer un équilibre entre les contraintes communautaires en matière de brevetabilité du vivant et les garanties offertes en droit français pour éviter des dérives, grâce à un règlement des différends y afférant par la voie judiciaire ou par la puissance publique.

Les licences obligatoires de dépendance règlent les conflits d'ordre privé entre le titulaire d'un brevet antérieur et celui d'un brevet postérieur dépendant du premier et qui nécessite donc, pour son exploitation, l'accord du titulaire du premier brevet. Elles sont accordées par décision judiciaire (tribunal de grande instance) à la demande du titulaire du brevet dépendant ne pouvant exploiter son invention sans porter atteinte à un brevet antérieur, sur lequel il n'a pu obtenir du détenteur  - sans motifs légitimes de la part de ce dernier - une licence d'exploitation, à condition de justifier que son invention présente à l'égard du brevet antérieur un progrès technique important et un intérêt économique certain. La législation considère en effet que le détenteur du premier brevet n'a pas de raison légitime de refuser de donner une licence d'exploitation lorsqu'il n'a pas commencé d'exploiter son invention, ni commercialisé son produit en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché, ou s'il a abandonné de le faire depuis plus de trois ans.

L'exigence de l'existence d'un intérêt public pour l'octroi d'une telle licence obligatoire est supprimée car elle n'es pas conforme à l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce. De même, le dépôt de la demande de licence obligatoire auprès des tribunaux n'est plus subordonné à l'expiration d'un délai de trois ans décomptés à partir de la délivrance du premier brevet, afin de faciliter le recours à ces licences entre des brevets portant notamment sur des produits de santé à visée diagnostique et thérapeutique ainsi que l'exploitation des inventions qui dans ce domaine constituent un progrès technique important par rapport à l'état de la technique.

Cette extension apparaît nécessaire pour éviter que l'exploitation de brevets portant sur les médicaments et certains produits de santé se fasse dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique, et conduise à ce que ces produits ne soient pas disponibles en quantité ou qualité suffisante, ou seulement à un prix anormalement élevé. Dans de tels cas et pour préserver l'accès de tous à la santé et le droit des malades, le ministre chargé de la propriété industrielle pourra, sur demande du ministre chargé de la santé, décider de placer les brevets de ces produits de santé sous le régime de la licence d'office.

Les licences d'office dans l'intérêt de la santé publique dépendent d'une décision de la puissance publique, prise par le ministre chargé de la propriété industrielle à la demande du ministre chargé de la santé. Sont soumis à ce régime les brevets de médicaments mis sur le marché en qualité ou quantité insuffisante ou à un prix anormalement élevé.

Il est proposé d'étendre le régime des licences d'office à d'autres produits de santé que les médicaments, afin d'éviter que l'exploitation de brevets portant sur des produits de santé ne se fasse dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique et conduisent à ce que ces produits ne soient pas disponibles en quantité ou qualité suffisante ou à un prix anormalement élevé, ou encore que l'exploitation du brevet constitue une pratique anticoncurrentielle (condition nouvelle reprise de l'accord ADPIC). Outre les médicaments, la licence d'office pourra donc concerner les brevets relatifs aux produits de santé suivants :

- les dispositifs médicaux, qu'ils soient de diagnostic in vitro ou non, ainsi que les procédés et produits nécessaires à leur obtention : il s'agit de tous les instruments, appareils, équipements, matières, produits, à l'exception des produits d'origine humaine, destinés à être utilisé chez l'homme à des fins médicales pour fournir une information concernant un état physiologique ou pathologique ou une anomalie congénitale (par exemple, les instruments chirurgicaux, appareils de radiologies, contraceptifs, réactifs de laboratoire d'analyse de biologie médicale, tests HIV, tests de grossesse, lecteurs de glycémie,...) ;

- les produits thérapeutiques annexes ainsi que les procédés et produits nécessaires à leur obtention, à savoir tous les produits, à l'exception des dispositifs médicaux, entrant en contact avec des organes, tissus, cellules ou produits issus du corps humain ou d'origine animale au cours de leur conservation, de leur préparation, de leur transformation, de leur conditionnement ou de leur transport avant leur utilisation thérapeutique chez l'homme (par exemple, les liquides de conservation des organes) ;

- les méthodes de diagnostic ex vivo dès lors qu'elles font l'objet d'un brevet, c'est-à-dire lorsqu'elles sont appliquées en dehors du corps humain à partir d'échantillons de ce dernier (prises de sang, dosages d'urine).

Conformément aux accords ADPIC, le ministre chargé de la propriété industrielle est tenu de rechercher un accord amiable avant de soumettre à licence d'office, sauf en cas de pratique déclarée anti-concurrentielle ou de situation d'urgence.

*

La commission a examiné l'amendement n° 5 présenté par Mme Valérie Pecresse, au nom de la commission des lois saisie pour avis, rappelant le principe de l'autorisation mutuelle que doivent s'accorder deux titulaires de brevets dépendants, en dehors de toute procédure judiciaire tendant à l'octroi d'une licence obligatoire de dépendance.

La rapporteure pour avis a indiqué que cet amendement vise uniquement à maintenir le droit en vigueur, malencontreusement et involontairement supprimé par le Sénat.

Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission a adopté l'amendement n° 5.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur précisant que la délivrance d'une licence d'office en cas de pratique anti-concurrentielle ne peut intervenir qu'à la suite d'une décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive.

Le rapporteur a expliqué que, conformément aux accords internationaux signés par le France (ADPIC), il sera désormais possible de délivrer des licences d'office en cas de pratique anti-concurrentielle. Afin de s'assurer de la sécurité juridique du dispositif, il importe de préciser que le caractère anti-concurrentiel d'une pratique est constaté à l'issue d'une procédure administrative ou juridictionnelle, lorsque les décisions sont devenues définitives.

La rapporteure pour avis s'est exprimée favorablement sur cet amendement.

La commission a adopté l'amendement, puis l'article 12 ter ainsi modifié.

TITRE III

PRODUITS DE SANTÉ

Article 13

(articles L. 4211-8 à L. 4211-10, L. 5121-1, L. 5121-5, L. 5121-20, L. 5121-21, L. 5124-1 et L. 5124-13 du code de la santé publique)

Régime juridique des préparations de thérapie génique et cellulaire xénogénique

Cet article fixe les règles applicables aux préparations de thérapie génique et aux préparations de thérapie cellulaire d'origine animale à finalité thérapeutique. Il s'agit de préparations relevant d'un secteur innovant et très spécialisé, encore largement dans le champ de la recherche fondamentale, clinique ou préclinique, et dont il importe de favoriser le développement par la définition d'un régime juridique adéquat.

Cet article n'est pas dissociable de l'article 10 du présent projet, qui supprime le régime juridique actuel de ces préparations, rattachées à tort aujourd'hui dans le code de la santé publique aux dispositions relatives aux préparations issues d'éléments du corps humain.

Alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture créait une nouvelle catégorie juridique spécifique pour ces préparations n'incorporant aucune cellule d'origine humaine, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement proposant une nouvelle rédaction de cet article, accordant à ces préparations le statut de médicament à usage humain, tout en préservant leur spécificité.

En effet, il ne semble pas nécessaire de complexifier inutilement la législation, notamment vis à vis des opérateurs, alors que ces préparations répondent à la définition du médicament telle qu'elle figure à l'article L.5111-1 du code de la santé publique. De plus, dans le projet de révision de la directive n° 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, ces préparations sont bien considérées comme étant des médicaments. Il s'agit donc seulement de fixer des règles garantissant la qualité, l'innocuité et l'efficacité thérapeutique de ces préparations au regard des exigences de sécurité sanitaire.

Le 1° du A du III de cet article définit ces deux types de préparations : une préparation de thérapie génique est un médicament servant à transférer du matériel génétique dans les cellules mais ne consistant pas en des cellules d'origine humaine ou animale ; une préparation de thérapie cellulaire xénogénique est un médicament consistant en des cellules d'origine animale utilisées à des fins thérapeutiques, y compris les cellules servant à transférer du matériel génétique. Ces préparations relèvent d'un régime d'autorisation par l'AFSSAPS pour une indication thérapeutique donnée (avec avis de l'agence de la biomédecine pour les seules préparations de thérapie cellulaire xénogénique).

Le 3° du A du III renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination de ce régime d'autorisation des préparations de santé elles-mêmes (délivrance, modification, suspension et retrait). Le 4° du A du III permet une adaptation par voie réglementaire de ce régime d'autorisation pour les préparations effectuées dans les hôpitaux des armées.

Le 2° du A du III prévoit des règles de bonnes pratiques spécifiques pour la conservation, la cession et l'exportation de ces préparations. Ces règles sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, sur proposition de l'AFSSAPS (avec avis de l'agence de la biomédecine pour les seules préparations de thérapie cellulaire xénogénique).

Le 2° du B du III exige une autorisation d'exportation (en plus de celle d'importation existant dans le régime de droit commun) pour ces préparations. Cette autorisation sera couverte par l'autorisation générale délivrée par l'AFSSAPS.

La préparation des médicaments étant réservée en droit français aux pharmaciens, les I et II introduisent une dérogation à ce monopole pour que des établissements ou organismes publics ou privés autres que des établissements pharmaceutiques mais remplissant les conditions de sécurité sanitaire requises puissent assurer la préparation de ces préparations, notamment dans le cadre de traitements individualisés ou pour la prise charge de maladies orphelines.

L'autorisation des établissements qui assurent la préparation de ces préparations est délivrée pour un durée de cinq ans par l'AFFSAPS (avec avis de l'agence de la biomédecine pour les seules préparations de thérapie cellulaire xénogénique), dans des conditions (de modification, renouvellement, suspension et retrait) définies par décret en Conseil d'Etat. Un régime d'autorisation spécifique est encore prévu pour les préparations effectuées dans les hôpitaux des armées.

Le 1° du B du III est une disposition de coordination, tenant compte de cette dérogation au monopole des établissements pharmaceutiques pour la fabrication, l'importation et la distribution de ces préparations.

*

La commission a examiné trois amendements, deux présentés par M. Bernard Accoyer et un présenté par le rapporteur, définissant les personnes pouvant exercer les fonctions de responsable d'unité effectuant les activités de préparation, de conservation, de distribution et de cession portant sur les préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique.

Le rapporteur a précisé que la dérogation au monopole des pharmaciens pour les préparations de thérapie génique et les préparations de thérapie cellulaire xénogénique doit être strictement encadrée. Pour des raisons de sécurité sanitaire et de santé publique, les pharmaciens ont en effet vocation à s'en occuper en priorité.

C'est pourquoi il importe de définir précisément dans la loi les personnes qui pourront exercer les fonctions de responsable d'unité effectuant les activités portant sur préparations : il doit s'agir nécessairement d'un pharmacien ou d'un médecin, inscrit à son ordre professionnel et justifiant de titres, travaux et compétences dans les domaines d'activités portant sur ces préparations, répondant aux conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le rapporteur ayant fait valoir que l'objectif recherché par les deux amendements de M. Bernard Accoyer sont satisfaits par son amendement, la commission a rejeté les deux amendements de M. Bernard Accoyer et adopté l'amendement du rapporteur.

La commission a rejeté deux amendements de M. Bernard Accoyer séparant au niveau des procédures d'autorisation les préparations utilisant des cellules d'origine humaine et celles utilisant des cellules d'origine animale, après que le rapporteur a indiqué que tel est déjà l'objet du texte adopté par le Sénat.

La commission a ensuite adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14

(articles L. 5311-1 et L. 5426-1 nouveau du code de la santé publique)

Dispositions pénales relatives aux préparations de thérapie génique
et cellulaire xénogénique

Cet article fixe les sanctions pénales afférentes à la violation des dispositions régissant les préparations de thérapie génique et cellulaire xénogénique, telles qu'elles ont été définies à l'article 13.

Le I prévoit des sanctions spécifiques concernant ces préparations :

- deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour violation des régimes d'autorisation concernant les établissements et les préparations elles-mêmes ;

- 4 500 euros d'amende pour non-respect des règles de bonnes pratiques.

En première lecture, l'Assemblée nationale a décidé d'étendre la punition de ces infractions aux personnes morales, soit par une amende, soit par l'affichage ou la diffusion de la décision de justice.

A l'initiative du gouvernement, le Sénat a transféré ces pénalités dans le titre II du livre IV de la cinquième partie du code de la santé publique consacré aux pénalités portant sur les médicaments à usage humain. Ce transfert est la conséquence du statut de médicament conféré à ces produits par l'article 13 dans le texte du Sénat. Les incriminations et le quantum des peines retenues par l'Assemblée nationale n'ont pas été modifiés.

Par ailleurs et toujours par coordination avec l'article 13, s'agissant de médicaments, il est inutile de mentionner ces préparations dans la liste des produits entrant spécifiquement dans le champ de compétence de l'AFSSAPS. C'est pourquoi le II de cet article ne fait référence qu'aux produits cellulaires à finalité thérapeutique dont les autorisations sont accordées par ladite agence en vertu de l'article 8 du présent projet.

*

La commission a adopté deux amendements présentés par le rapporteur, le premier d'harmonisation rédactionnelle et le second de coordination avec le transfert des produits cellulaire à finalité thérapeutique de l'AFSSAPS à l'Agence de la biomédecine.

Elle a ensuite adopté l'article 14 ainsi modifié.

TITRE IV

PROCRÉATION ET EMBRYOLOGIE

Chapitre Ier

Interdiction du clonage reproductif

Avant l'article 15

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à modifier l'intitulé du chapitre du titre IV du projet de loi qui deviendrait : « interdiction du clonage », sans que soit précisée la nature du clonage visé.

Mme Christine Boutin a expliqué que son amendement a pour objectif de mettre fin à la distinction entre le clonage thérapeutique et le clonage reproductif. Cette distinction ne repose sur aucune base scientifique dans la mesure où le clonage thérapeutique n'est qu'un clonage reproductif interrompu.

Le rapporteur a considéré qu'en termes scientifiques, les deux techniques -l'une de clonage reproductif et l'autre improprement appelée clonage thérapeutique - sont nettement distinctes. Elles poursuivent en outre deux finalités fondamentalement différentes : créer un être humain génétiquement identique à une personne vivante ou décédée dans un cas, développer des cellules dans l'autre cas. La distinction nécessaire entre les deux notions est corroborée par les réflexions de chercheurs de renom auditionnés dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen du texte en deuxième lecture. Il est certain que le clonage dit thérapeutique - qui pourrait apparaître comme la première étape technique pour aller vers le clonage reproductif - n'implique en aucune manière le franchissement vers cette seconde étape consistant à transférer un produit de laboratoire dans un utérus à des fins de gestation.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

Article 15

(article L. 16-4 du code civil)

Interdiction du clonage reproductif

Cet article vise à interdire dans le code civil toute intervention ayant pour but de procéder au clonage reproductif d'un être humain. Cette interdiction est insérée après le deuxième alinéa de l'article 16-4 du code civil relatif à l'intégrité de l'espèce humaine. Avant d'analyser la nouvelle définition légale du clonage reproductif qui a été proposée par le gouvernement au Sénat, il convient de revenir sur les raisons fondamentales qui doivent conduire le législateur à condamner avec la plus grande fermeté une telle pratique.

Le clonage à visée reproductive doit impérativement être prohibé pour plusieurs raisons essentielles qu'il convient ici de rappeler :

- Le premier trait caractéristique du clonage reproductif est qu'il s'agit d'une reproduction asexuée. La vie ne commence plus à la fécondation puisque le clonage est susceptible de donner vie à un être humain par transfert de noyau sans fécondation. Un clone humain devrait son existence principalement à une personne, même si le clonage d'un homme requiert la participation d'une ou deux femmes (pour fournir l'ovule et assurer la gestation).

Les caractères physiques de l'enfant proviendraient d'un seul être humain, ce qui constitue un véritable bouleversement de la condition humaine. Le mode sexué de procréation fait que tout être humain doit normalement son existence à deux personnes humaines, de sexe différent, aussi indispensables l'une que l'autre. Cela manifeste l'incomplétude de l'être humain qui ne peut que faire appel à un autre pour transmettre la vie. La vie transmise est ainsi le fruit d'une relation. Le clonage permettrait l'émancipation de la reproduction humaine de toute forme de relation. Une femme pourrait par conséquent avoir un enfant issu totalement d'elle.

Cette technique de reproduction éliminerait le caractère « imprévisible » du patrimoine génétique de l'enfant à naître ; il ferait disparaître l'aléa lié, lors de la procréation, au processus de recombinaison de deux génomes individuels différents. L'enfant né dans ces conditions ne pourrait ainsi échapper à une sorte de déterminisme génétique, contrairement à ce qui se produit dans le cas de la reproduction sexuée.

- La mise en œuvre du clonage à visée reproductive aurait pour conséquence une dislocation des rapports de parenté et une déliquescence des liens de temporalité généalogique. Le clonage humain opère non seulement une manipulation biologique mais également une transgression des relations familiales et sociales entre les individus concernés et un bouleversement sans précédent du cours du temps biologique qui rythme la vie humaine depuis toujours. La transmission par le géniteur de son génome et de ses traits physiques à son clone ferait de celui-ci un jumeau du premier, un jumeau asynchrone, vu l'écart temporel séparant leurs naissances. L'enfant serait frère ou sœur de la personne dont il est fils ou fille. Il ne pourrait donc trouver sa place dans l'ordre des générations. Il serait soumis aux attentes de cette similitude physique ; il aurait de plus une image, réelle ou imaginaire, en cas de décès de son « géniteur », de son propre devenir, ce qui est de nature à entraver gravement la construction spontanée, libre et authentique de sa vie.

- Le clonage apparaît comme la forme la plus extrême de la négation de la dignité humaine. Certains observateurs parlent même d'esclavage car des constituants majeurs de l'identité des personnes ayant été clonées seraient prédéterminés pour être mis au service de fins qui leur seraient étrangères. L'enfant qui naîtrait se verrait assigner une fonction dont il ne pourrait jamais s'acquitter (on peut citer, par exemple, le désir des parents, sur le point de perdre un enfant, de le voir survivre grâce au clonage ou la volonté d'un adulte désirant être prolongé par un autre lui-même pour des raisons médicales ou pour prétendre atteindre l'immortalité...). L'enfant issu du clonage ne serait plus traité comme une fin en soi, selon la maxime kantienne, mais bien comme un moyen. Le Comité consultatif national d'éthique a à juste titre parlé d'« instrumentalisation de la personne ». Le fait de cloner un être humain constituerait donc un manque inacceptable de respect pour les éventuels enfants issus de telles manipulations comme pour les femmes qui accepteraient de se prêter à cette terrible expérience.

On peut relever également que, dans l'esprit de l'opinion publique, l'identité du clone est supposée totalement absorbée par celle de la personne clonée. Cette représentation consiste à réduire une personne à ses gènes. Un individu et son clone auraient le même génome et donc des traits physiques voire psychiques communs, et pourtant ils seraient deux personnes distinctes, avec chacun sa propre histoire façonnant sa personnalité. On ne peut reproduire un sujet humain. Comme l'avait souligné M. Jacques Testart devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques6, « la réussite du clonage apporte d'ores et déjà une démonstration scientifique qui va à l'encontre de la mystification généralisée qui voudrait nous faire croire au tout-génétique : le clonage a démontré l'importance du facteur cytoplasmique pour contrôler l'expression du génome, c'est-à-dire la dépendance du génétique par rapport à des facteurs variés (épigénétiques, environnement) ».

- Enfin, pour l'enfant issu d'une intervention de clonage reproductif, la conscience des circonstances de sa venue sur terre serait de nature à provoquer de graves troubles psychologiques et une difficulté majeure à se construire une identité propre. Mme Monette Vacquin, psychanalyste, auditionnée par le rapporteur le 12 mars 2003, parle à propos du projet de la secte des Raëliens de cloner un être humain, d'« extraordinaire violence » et s'interroge sur l'origine de cette volonté de pacte avec un « délire archaïque consistant à prétendre faire table rase des parents ».

L'ensemble de ces raisons plaide pour une condamnation extrêmement ferme du clonage reproductif. La solution juridique retenue pour donner un maximum de force à cette interdiction consiste, d'une part, à édicter cette interdiction au sein du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code civil qui traite du respect du corps humain et, d'autre part, à prévoir la mise en place du crime contre l'espèce humaine dans le code pénal.

Un point très important doit cependant être précisé : le fait de condamner l'intervention de clonage ne vaut en aucune manière condamnation de l'enfant issu du clonage qui pourrait un jour venir au monde et grandir. Cet enfant devrait bien évidemment être considéré comme tout être humain, digne de respect et détenteur de droits inaliénables. Le fait de dire, par avance - presque par anticipation de ce qui adviendra peut-être dans un avenir plus ou moins rapproché - que le produit du clonage devrait être admis comme un être humain à part entière trouve son origine dans une idée juste et généreuse mais elle peut aboutir à nourrir des réflexions potentiellement dangereuses.

Lors des débats au Sénat, le ministre, M. Jean-François Mattei, s'est ainsi inquiété de la tendance de certains observateurs qui se plaisent aujourd'hui à développer une analyse en trois temps consistant :

- à qualifier en premier lieu de monstrueuse toute tentative de clonage ;

- à constater en deuxième lieu que nul ne peut vérifier la teneur des travaux menés dans l'ensemble des laboratoires du monde ;

- pour arriver à la conclusion que l'enfant qui pourrait être cloné sera un homme à part entière et qu'on ne saurait lui dénier le caractère d'humain.

Au motif qu'il existe une probabilité pour qu'une opération de clonage humain soit un jour menée à terme, il serait, selon cette conception fataliste, plus simple d'appréhender d'emblée cette éventualité comme crédible et donc in fine accepter par avance ces dérives...

_ Insertion de l'interdiction du clonage reproductif dans le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code civil traitant du respect du corps humain

Il faut rappeler que ce chapitre comporte actuellement dix articles comportant des dispositions qui sont, selon l'article 16-9, toutes d'ordre public.

Le premier article de ce chapitre est général : ainsi l'article 16 interdit toute atteinte à la dignité de la personne et « garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ». Notons que, dans sa décision du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il ne lui appartient pas de remettre en cause les dispositions selon lesquelles le législateur a estimé que le principe de respect de tout être humain dès le commencement de sa vie n'est pas applicable aux embryons fécondés in vitro.

L'article 16-1 pose pour sa part plusieurs principes : celui du droit de chacun « au respect de son corps », l'inviolabilité du corps et son caractère non patrimonial, l'article 16-2 décrivant le rôle du juge en la matière. Les articles 16-5 et 16-7 frappent de nullité, le premier, toute convention « ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits » et le second, « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui » (interdiction des mères porteuses). Selon l'article 16-6, le fait de se prêter à des expérimentations ou d'accepter que soient prélevés des éléments de son corps ne peut donner lieu à rémunération.

L'article 16-3 décrit dans quelles conditions exceptionnelles il peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain. L'article 16-8 pose, quant à lui, le principe de l'anonymat du don d'un élément ou d'un produit de son corps.

L'article 16-4 - qui se trouve enrichi par l'article 15 du présent projet de loi - a trait à l'intégrité de l'espèce humaine. Aux termes du premier alinéa, « nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. » Le deuxième alinéa prohibe « toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes ». Le dernier alinéa (soit le troisième en l'état actuel du droit qui deviendra le quatrième après la promulgation du présent projet de loi) indique qu'« aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne », ce principe n'empêchant toutefois pas que « des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques » soient menées pour le bien de la personne concernée.

_ L'urgence de prévoir une interdiction du clonage reproductif

La question du clonage humain n'a pas été traitée dans les lois de 1994, car la technique du clonage ne paraissait nullement applicable à l'homme. Dans le rapport sur « Le clonage, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires », établi en février 2000 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, les rapporteurs, MM. Alain Claeys et Claude Huriet notent :

« Depuis la naissance, en juillet 1996, de Dolly, premier clone somatique d'un mammifère adulte, les expériences se sont multipliées : obtention en 1997 d'une brebis clonée transgénique dont le lait est susceptible de produire une protéine thérapeutique, puis de deux primates clonés à partir de cellules embryonnaires ; naissance en juillet 1998 de 22 clones de souris à partir de cellules adultes dans un laboratoire de Hawaï ; annonce, en novembre 1998 - non confirmée par une publication scientifique - de l'obtention d'un embryon par implantation d'une cellule somatique humaine dans un ovule de vache énucléé. Parallèlement, se développent des interrogations sur l'âge réel et la fragilité des animaux produits par clonage somatique. »

C'est depuis qu'a été annoncée, le 23 février 1997, la réussite de l'opération de clonage sur une brebis adulte (issue d'une cellule de sa mère, le clone Dolly avait le même génome que cette dernière7) que s'est profilé le spectre d'une possible application à l'homme d'une telle reproduction à l'identique.

_ Difficultés d'une définition scientifique

L'une des difficultés majeures pour appréhender ce que recouvre le terme de clonage provient de ce que le même terme, tout en évoquant toujours une intervention visant à opérer une reproduction à l'identique, désigne des opérations diverses, dont les modalités et les finalités divergent. En outre, le clonage est susceptible de s'appliquer à des entités biologiques variées.

Aux termes du rapport précité de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, « le clonage vise à la reproduction asexuée, à partir d'une cellule ou d'un organisme, d'entités biologiques génétiquement identiques à cette cellule ou à cet organisme. Il s'agit donc ici d'une reproduction et non d'une procréation (...). Aussi la distinction couramment utilisée aujourd'hui entre clonages reproductif et non reproductif n'est-elle guère satisfaisante au plan scientifique et mieux vaudrait séparer (...) le clonage reproductif d'organismes et le clonage reproductif de lignées cellulaires. »

_ Les procédés possibles du clonage reproductif

Le procédé utilisé est celui du transfert du noyau d'une cellule somatique de l'animal à reproduire dans un ovule énuclée (c'est-à-dire dont on a enlevé préalablement le noyau) prélevé sur un animal de la même espèce. Ce transfert se heurte à de nombreuses difficultés qui, jusqu'en 1997, paraissaient insurmontables. Il convient en effet de « leurrer » l'ovule et d'obtenir sa synchronisation avec le noyau. L'ovule peut ainsi « reprogrammer » le noyau qui jusqu'alors gouvernait les fonctions d'une cellule spécialisée, lui rendre toutes les potentialités d'un noyau de cellule embryonnaire, et former avec lui la cellule initiale qui en se divisant, va produire un embryon.

Une fois un embryon obtenu, il faut l'introduire dans les voies génitales d'une souris, d'une brebis ou d'une vache selon l'espèce que l'on cherche à cloner. Dans la plupart des cas, la gestation ne va pas jusqu'à son terme. La mortalité prénatale est élevée et les scientifiques ont constaté l'apparition de graves anomalies dans le développement des animaux ainsi clonés.

Deux procédés peuvent être distingués :

- Le clonage peut se pratiquer par scission d'embryon in vitro : il s'agit de déclencher de manière artificielle ce qui se produit en cas de gémellité vraie avec les jumeaux monozygotes, c'est-à-dire qu'au moment où l'embryon se divise en deux cellules, on sépare celles-ci de façon à ce que chacune d'elles produise à son tour un embryon.

- Le clonage peut s'effectuer par transfert nucléaire. Cette technique consiste à introduire dans le cytoplasme d'un ovule non fécondé dont on a retiré le matériel nucléaire, le noyau d'une cellule provenant d'un embryon, d'un fœtus ou d'un organisme adulte. Pour mener à bien cette technique, il convient d'utiliser des cellules embryonnaires à un stade où elles sont encore peu différenciées ; l'embryon concerné n'a que quelques dizaines de cellules.

_ Le choix de la définition légale retenue

Le ministre, M. Jean-François Mattei, a rappelé justement, lors des débats de première lecture au Sénat, que trois définitions du clonage reproductif étaient possibles :

- celle faisant référence au processus de reproduction asexuée ;

- celle mettant en avant la conception ou la naissance de l'enfant cloné ;

- celle axée sur l'identité du génome humain.

La version initiale du projet de loi, non modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, définissait le clonage reproductif comme « le fait de faire naître, ou se développer un embryon, qui ne serait pas directement issu des gamètes d'un homme et d'une femme. » Cette définition prétendait contourner la difficulté liée aux débats scientifiques quant à la notion d'identité génomique et focalisait l'attention sur le fait que le clonage reproductif met en cause les conditions de la reproduction sexuée fondée sur la rencontre des gamètes masculin et féminin.

Lors des débats au Sénat, le ministre, M. Jean-François Mattei, a fait connaître son souhait de revenir sur cette définition. L'objectif du gouvernement est d'introduire dans la définition du clonage reproductif un critère reposant sur l'identité génétique, ce qui semble en adéquation, d'une part, avec ce que le Conseil d'Etat suggérait dans son rapport intitulé « Les lois de bioéthique : cinq ans après », et d'autre part, avec la formulation retenue dans le protocole additionnel à la convention d'Oviedo8 qui interdit « toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort. »

Le gouvernement considère que le fait de privilégier dans la définition légale la notion d'identité génomique est la solution la plus adéquate car elle permet de condamner plus efficacement d'éventuelles opérations de clonage dont le but serait moins de mettre un terme au mode classique de reproduction sexuée que de permettre la reproduction d'un être humain à l'identique.

Suite à l'adoption de l'amendement du gouvernement par le Sénat lors de la séance du 29 janvier 2003, l'alinéa nouveau devant être inséré après le deuxième alinéa de l'article 16-4 du code civil est ainsi rédigé :

« Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne humaine vivante ou décédée. »

On note que seul est pris en compte le fait d'avoir pour but de faire naître un enfant cloné ; la référence au fait de laisser se développer un embryon - qui était contenue dans la rédaction initiale du projet de loi - est absente. A bon escient, la rédaction du gouvernement ne retient comme critère décisif que le fait d'avoir pour but la mise au monde d'un enfant.

On peut relever en outre que, selon l'exposé des motifs de l'amendement du gouvernement, « les interventions incriminées comprennent l'ensemble des actes préparant l'implantation d'un embryon issu de la technique du clonage, l'implantation elle-même (...) ainsi que tout acte ultérieur répondant à l'intention de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne humaine vivante ou décédée. Le terme « intervention » ne désigne évidemment pas les actes médicaux (obstétriques ou chirurgicaux) qui seraient effectués postérieurement à l'implantation de l'embryon dans l'intention de protéger la santé de la mère et de l'enfant et en particulier, les interventions relatives à la mise au monde de l'enfant (accouchement, pratique d'une césarienne...). »

On note, enfin, que cette définition ne traite que du clonage à visée reproductive. Ce qui est appelé improprement le « clonage thérapeutique » et qu'il est préférable de qualifier de « technique de transfert de noyau d'une cellule somatique » fait l'objet d'une interdiction prévue à l'article 19 du présent projet de loi relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires. Le gouvernement a en effet souhaité séparer les deux sujets : le clonage reproductif est prohibé dans le code civil et fait l'objet d'une incrimination particulière et très lourde dans le code pénal, tandis que le clonage dit thérapeutique est interdit simplement dans le code de la santé publique et fait l'objet d'une condamnation classique au titre des infractions en matière de loi biomédicale.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Alain Claeys visant à revenir à la définition du clonage reproductif adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

M. Alain Claeys a estimé que, si la rédaction retenue par le Sénat a le mérite d'être plus proche de la définition du clonage reproductif figurant dans le protocole additionnel à la convention d'Oviedo, la rédaction initiale du projet de loi correspondait, quant à elle, davantage à ce que l'on souhaite prohiber : à savoir le fait de faire naître un enfant qui ne serait pas directement issu des gamètes d'un homme et d'une femme.

M. Jean-Marie Le Guen a précisé que, d'un point de vue scientifique, il est inexact de dire que la personne clonée aurait exactement le même patrimoine génétique que la personne que l'on a cherché à reproduire.

La rapporteure pour avis a estimé que la définition adoptée par le Sénat présente l'avantage d'être cohérente avec les termes utilisés dans le protocole de la convention d'Oviedo.

Le rapporteur a expliqué que la définition proposée par l'amendement, sans être mauvaise, met l'accent sur le mode de reproduction asexuée, attaché au clonage reproductif. En réalité, le but du clonage reproductif est bien de faire naître un enfant « génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ». La définition adoptée au Sénat sur proposition du gouvernement repose volontairement sur la notion de génome humain.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à condamner dans le code civil toutes les formes de clonage quelle que soit leur finalité.

Le rapporteur a indiqué que si le clonage reproductif doit faire l'objet d'une interdiction posée dans le code civil, la question du clonage thérapeutique trouve, quant à elle, sa place dans le code de la santé publique. Après qu'il a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

Après avoir adopté un amendement de la rapporteure pour avis visant à parler dans la définition du clonage reproductif de « personne » plutôt que de « personne humaine », la commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 15 bis (nouveau)

Rapport sur les initiatives françaises en faveur d'une législation internationale réprimant le clonage reproductif

Cet article, issu de l'adoption au Sénat d'un amendement présenté par M. Francis Giraud, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, reprend le contenu de l'article 21 bis qui avait été introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, afin de demander au gouvernement qu'il présente au Parlement dans un délai d'un an à compter de la publication du projet de loi, les initiatives prises pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif.

En effet, l'interdiction du clonage reproductif ne sera réellement efficace que si elle est édictée à l'échelle internationale. Des démarches ont déjà été menées en ce sens :

- La résolution du 14 mai 1997 de l'organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que « l'utilisation du clonage pour reproduire des êtres humains n'est pas acceptable sur le plan éthique » ;

- La Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'Homme adoptée le 11 novembre 1997 par la conférence générale de l'Unesco a été reprise par l'Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998 ;

- La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée au Conseil de l'Union européenne de Nice le 7 décembre 2000 se prononce en faveur de l'interdiction du clonage reproductif ;

- Le protocole additionnel à la convention d'Oviedo sur les droits de l'Homme et la biomédecine portant interdiction du clonage d'êtres humains est entré en vigueur le 1er mars 2001. Ce texte, le premier texte international juridiquement contraignant en ce domaine, a été signé par la France mais celle-ci n'ayant pas encore ratifié la convention d'Oviedo elle-même, elle ne peut pour l'heure ratifier le protocole.

Enfin, la France plaide activement depuis plusieurs mois pour que soit élaborée au sein de l'ONU une convention internationale interdisant le clonage reproductif. Tel a été le sens de la démarche franco-allemande initiée en 2001. L'objectif est d'aboutir dans les délais les plus brefs possibles à la prohibition du seul clonage à visée reproductive. Cette démarche se heurte à ce jour à celle conduite par d'autres pays comme les Etats-Unis ou l'Espagne qui cherchent à lier dans les discussions deux sujets pourtant bien distincts : celui du clonage reproductif et celui du clonage dit thérapeutique. Il faut noter qu'un groupe de travail de la sixième commission de l'ONU chargée de négocier les termes du mandat en vue d'une convention internationale doit se réunir en octobre 2003. Les représentants de la France aux Nations unies doivent donc redoubler d'efforts pour convaincre d'ici cette date leurs partenaires de la nécessité, pour obtenir un consensus rapide et le plus large possible, de s'en tenir au seul clonage reproductif dans le cadre de l'élaboration du texte de la future convention internationale...

*

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin tendant à ce que le gouvernement prenne des initiatives pour élaborer au niveau international une convention visant à réprimer, non pas le seul clonage reproductif, mais tous les types de clonage.

Mme Christine Boutin a indiqué que selon elle la technique utilisée est bien la même dans les deux hypothèses de clonage - reproductif ou à visée dite thérapeutique.

Après que le rapporteur a rappelé que la finalité poursuivie diffère radicalement selon les types de clonage considérés et qu'il n'est pas exact de qualifier le clonage thérapeutique de clonage reproductif interrompu, la commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 15 bis (nouveau) sans modification.

Chapitre II

Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer le chapitre du titre IV du projet de loi relatif à l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines, puisque l'ensemble des dispositions relatives à l'Agence de la Biomédecine ont été transférées au début du texte par la Sénat.

Article 16

Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines

Dans sa version issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, cet article était composé de deux paragraphes.

Le premier paragraphe relatif au rôle et à la composition de l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH) a été supprimé au Sénat sur proposition du gouvernement. Il est logique en effet que l'ensemble des dispositions prévues en première lecture à l'Assemblée nationale s'agissant de l'APEGH soient supprimée dans la mesure où le gouvernement propose à l'article 1er A nouveau du présent projet de loi la création de l'Agence de la biomédecine se substituant à cette première agence. Le gouvernement entend en effet mettre en œuvre un large processus de recomposition des différentes agences sanitaires qui existent actuellement et dont les compétences ont parfois tendance à s'enchevêtrer (cf. commentaire de l'article 1er A du projet de loi).

Le second paragraphe, qui n'a été modifié ni par l'Assemblée nationale en première lecture ni par le Sénat, vise à abroger le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, relatif à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP). Pour davantage de cohérence, le rapporteur propose de faire figurer le contenu de ce paragraphe dans l'article 1er A du projet de loi et par conséquent de supprimer l'ensemble de l'article 16.

*

La commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur visant à la suppression de cet article qui constitue l'article unique du chapitre II précédemment supprimé.

Elle a donc supprimé l'article 16.

Chapitre III

Diagnostic prénatal et assistance médicale à la procréation

Article 17

(articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 2131-3, L. 2131-4, L. 2131-4-1 nouveau et L. 2131-5 du code de la santé publique)

Diagnostics prénatal et préimplantatoire

Cet article précise divers aspects du régime juridique applicable aux diagnostics prénatal (DPN) et préimplantatoire (DPI). Avant d'en venir à l'analyse des modifications introduites, il convient de définir ce que ces notions recouvrent et d'identifier les éventuels problèmes éthiques soulevés par ces techniques.

I. Le débat éthique autour du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire

Dans une acception très large, le diagnostic prénatal ou anténatal désigne tout acte diagnostique accompli en vue de déterminer ou de prévoir l'état de santé, actuel ou futur, d'un enfant dont la naissance est envisagée. Ainsi entendu, le diagnostic prénatal ne désigne pas seulement les actes diagnostiques effectués au cours de la grossesse, mais également le diagnostic préimplantatoire susceptible de porter sur un embryon humain conçu in vitro.

_ Une surveillance médicale de la grossesse de plus en plus développée

Il existe depuis longtemps une surveillance médicale obligatoire de la grossesse9, mais le développement récent de certaines techniques de diagnostic confère au diagnostic prénatal une dimension nouvelle. Il faut souligner que certaines de ces techniques sont d'ores et déjà intégrées dans le processus de surveillance routinière - on peut citer l'exemple de l'échographie. Au total, ces techniques permettent d'orienter le diagnostic vers la recherche de telle ou telle malformation ou maladie de l'enfant à naître, voire vers la recherche de telle ou telle caractéristique de celui-ci (son sexe par exemple). Les progrès accomplis en matière de diagnostic prénatal permettent certes une meilleure compréhension du développement et de la santé de l'enfant à naître. Mais le problème provient de ce que les progrès du diagnostic prénatal sont plus rapides que ceux de la thérapie. Parmi les malformations ou maladies décelables in utero, rares sont celles qui peuvent bénéficier d'un traitement en l'état actuel de la science médicale.

Il faut rappeler que c'est la loi du 29 juillet 1994 qui a prévu la création de centres de diagnostic pluridisciplinaires. Le législateur a alors précisé que ces centres sont créés dans des « organismes et établissements de santé publics et privés à but non lucratif » en vertu de l'article L. 2131-1 actuel du code de la santé publique. Ces centres doivent être agréés. L'objectif de l'ensemble des dispositions prévues en la matière est de donner à la femme ou au couple qui consulte des garanties de fiabilité du diagnostic prénatal et de compétence de ceux qui ont à la pratiquer. L'exigence d'une haute spécialisation est d'autant plus justifiée qu'un diagnostic défavorable peut conduire à une décision d'interrompre la grossesse. Aujourd'hui, l'agrément de ces centres est donné par le ministre chargé de la santé, après avis de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. L'agrément vaut pour une durée de cinq ans et peut être renouvelé en fonction des résultats de l'évaluation de l'activité du centre.

_ Les analyses de cytogénétique et de biologie

Les analyses de cytogénétique et de biologie comprennent notamment :

- les analyses de cytogénétique, incluant la cytogénétique moléculaire sur les cellules embryonnaires ou fœtales, y compris celles circulant dans le sang maternel ;

- les analyses de génétique moléculaire en vue du diagnostic des maladies génétiques ;

- les analyses de biologie embryonnaire et fœtale, y compris celle de biologie moléculaire, en vue du diagnostic des maladies infectieuses ;

- les analyses de biochimie, d'hématologie et d'immunologie sur l'embryon et le fœtus.

S'agissant de certains examens de diagnostic prénatal, spécialement les analyses de cytogénétique et de biologie, un décret du 6 mai 1995 a imposé que, lors de la consultation médicale précédant tout prélèvement, la femme enceinte se voit dispenser une information sur les risques inhérents aux prélèvements, sur leurs contraintes et leurs éventuelles conséquences. Complétant ce décret, un décret du 28 mai 1997 précise que le médecin consulté délivre à la femme enceinte une attestation certifiant qu'il lui a apporté les informations requises.

On peut rappeler que les critères de risques - critères retenus pour la prise en charge financière par la Caisse nationale d'assurance maladie - sont les suivants :

- les femmes enceintes sont âgées de trente-huit ans et plus ;

- les femmes ont déjà eu un enfant atteint d'une maladie grave ;

- on constate une aberration chromosomique équilibrée chez la femme ou le conjoint.

Il s'agit donc de risques évalués en fonction d'études épidémiologiques et statistiques.

Concernant les maladies génétiques, le risque pour l'enfant à naître est évalué en raison de son appartenance à une famille connaissant déjà un ou plusieurs cas de maladie génétique.

Il faut souligner que les actes de cytogénétique - notamment les actes permettant la réalisation d'un caryotype fœtal (techniques avec incubation ou mise en culture) - sont remboursables en présence de l'une des indications suivantes : âge de la femme supérieur ou égal à trente-huit ans à la date du prélèvement ; anomalies chromosomiques parentales ; diagnostic de sexe pour les maladies liées au sexe ; signes d'appels échographiques (anomalies morphologiques du fœtus démontrées, retard de croissance intra-utérine avéré, anomalie de quantité de liquide amniotique).

_ Des liens incontestables entre diagnostic prénatal et interruption de grossesse pour motif médical

Il faut rappeler que la législation française10 autorise l'interruption volontaire de la grossesse sous certaines conditions, notamment pour motif médical.

Un diagnostic prénatal portant sur l'enfant à naître peut, s'il est défavorable, aboutir à une décision d'interruption de grossesse et, partant, à une suppression de l'enfant malade : d'où l'ambivalence de ce genre de diagnostic.

Le Comité consultatif national d'éthique a reconnu très tôt que le lien entre diagnostic prénatal et décision d'interruption de grossesse est à l'origine de problèmes éthiques importants (cf. avis du 13 mai 1985). Dans un avis du 20 février 1996, le groupe des conseillers pour l'éthique de la biotechnologie (GCEB), créé en 1991 par la Commission européenne, insiste également sur le fait que le diagnostic prénatal « mène à une décision relative à la poursuite ou non de la grossesse, en cas de résultat défavorable. » Pour sa part, le Conseil d'Etat a, dans son rapport de novembre 1999 sur les lois de bioéthique, tenu à rappeler que l'objectif d'un tel diagnostic devait être « avant tout curatif ». Aussi a t-il suggéré aux pouvoirs publics d'inciter « les grands instituts de recherche et les structures hospitalières à faire de la médecine fœtale et embryonnaire une de leurs priorités. »

Dans un avis en date du 22 juin 1993, le Comité consultatif national d'éthique s'est déclaré défavorable à un dépistage de masse du risque de la trisomie 21 à l'aide de tests sanguins chez les femmes enceintes. Selon le comité, un programme de masse visant l'éradication de la trisomie 21 supposerait inévitablement « la programmation, illusoire et inacceptable d'une amniocentèse pour toutes les grossesses » et donc « des mesures autoritaires contraires à toute éthique ». En outre, « une telle décision serait ressentie comme un désaveu pour les familles élevant un enfant trisomique » et « ne pourrait que renforcer le phénomène social de rejet de sujets considérés comme anormaux. »

_ Le cas particulier du diagnostic préimplantatoire

Le diagnostic préimplantatoire figure, depuis la nouvelle codification du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, dans le chapitre du code intitulé « Diagnostic prénatal ». Mais les différences entre les deux notions sont importantes : le diagnostic prénatal à proprement parler désigne le diagnostic porté sur un embryon ou un fœtus in utero. Le diagnostic préimplantatoire a en revanche pour objet d'établir un diagnostic plus précoce, dés les premiers instants de la vie, sur un embryon conçu in vitro, en vue d'éclairer une décision de transfert in utero.

Le diagnostic préimplantatoire ne faisait en France l'objet d'aucune réglementation avant la loi du 29 juillet 1994. Il était néanmoins sujet à un moratoire recommandé en 1986 puis renouvelé en 1990, par le Comité consultatif national d'éthique, notamment en raison du caractère expérimental et alors peu fiable des méthodes utilisées et des risques graves de dérive eugénique.

Dans un avis en date du 15 décembre 1986 relatif aux « recherches sur l'embryon humains in vitro et leur utilisation à des fins médicales et scientifiques », le Comité consultatif national d'éthique a ainsi été amené à proposer un moratoire de trois ans concernant les recherches visant la réalisation d'un diagnostic génétique (chromosomique, génétique ou de sexe) avant transfert. Par un autre avis en date du 18 juillet 1990 relatif aux « recherches sur l'embryon soumises à moratoire depuis 1986 et qui visent à permettre la réalisation d'un diagnostic génétique avant transplantation », le même comité a à nouveau recommandé de ne pas entreprendre de diagnostics génétiques préimplantatoires. Cette position n'a pas été unanimement approuvée, en particulier dans les milieux scientifiques.

De nombreux chercheurs notent que la réalisation d'un diagnostic préimplantatoire suppose le recours à des techniques dont l'innocuité reste, pour certaines d'entre elles, à démontrer. Certaines techniques semblent en réalité très invasives et comportent des risques non négligeables pour l'embryon. Elles ouvrent en outre une possibilité de tri génétique, avant implantation, entre les embryons normaux et les embryons dits anormaux ou jugés comme tels. Une dérive possible est de voir se développer des revendications au bénéfice d'un diagnostic préimplantatoire à finalité purement informative ou de complaisance et plus largement des pratiques de caractère eugénique susceptibles, en se banalisant, de conforter un désir de normalisation de la procréation humaine pour des raisons sanitaires ou de convenance personnelle.

En l'état actuel du droit, ce diagnostic est réservé à des couples présentant une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Afin de prévenir les dérives possibles quant à l'accès au diagnostic préimplantatoire, la loi de 1994 précitée a imposé l'attestation du risque présenté par le couple par un médecin exerçant son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Le législateur s'appuie donc sur la compétence et la spécialisation du médecin pour garantir le sérieux de la prescription du diagnostic. Celui-ci ne peut du reste être réalisé tant que n'a pas été préalablement et précisément identifiée, chez l'un des parents, l'anomalie ou les anomalies responsables de la maladie transmissible.

On peut noter que le décret n° 98-216 du 24 mars 1998 a précisé que l'attestation de l'indication chez le couple lui permettant de recourir au diagnostic préimplantatoire doit être établie après concertation au sein du centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire et signée par le médecin spécialiste qualifié en génétique médicale ou ayant une formation et une expérience en ce domaine. Si une indication chez le couple justifiant un diagnostic sur l'embryon a été retenue, le couple est alors pris en charge par l'équipe pluridisciplinaire clinique et biologique responsable de l'assistance médicale à la procréation, et plus précisément de la fécondation in vitro, ainsi que par le praticien qui aura à réaliser l'analyse génétique sur la ou les cellules embryonnaires.

Il faut rappeler que le diagnostic préimplantatoire ne peut avoir d'autre objet que de rechercher chez l'embryon l'affection susceptible d'être transmise par le couple ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter. Il faut le répéter avec force : l'objet de ce diagnostic doit être la prévention de la maladie recherchée chez l'embryon. Cette prévention ne peut passer que par la sélection des embryons en fonction de leur qualité génétique et par l'exclusion du transfert in utero des embryons jugés anormaux. On peut relever que, dans sa décision du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel, interrogé sur la question de la sélection des embryons, a considéré qu'aucun principe à valeur constitutionnelle ne consacre la protection du patrimoine génétique humain et a rappelé que les dispositions contestées ne concernent que les diagnostics effectués à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro.

II. Les ajustements techniques prévus par le projet de loi

L'article 17 du projet de loi est composé :

- d'un  qui porte sur l'article L. 2131-1 du code de la santé publique relatif au contenu du diagnostic prénatal et aux établissements habilités à pratiquer les analyses adéquates ;

- d'un 1° bis qui porte sur l'article L. 2131-2 du code de la santé publique relatif à l'établissement d'un rapport annuel d'activité ;

- d'un  qui concerne l'article L. 2131-3 du code de la santé publique relatif aux violations des prescriptions législatives et réglementaires dans les établissements ou laboratoires concernés ;

- d'un 2° bis et d'un  qui modifient l'article L. 2131-4 du code de la santé publique relatif au diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro ;

- d'un 3° bis qui créé un article L. 2131-4-1 nouveau du code de la santé publique relatif à l'habitation des praticiens pour procéder au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire,

- enfin d'un ter et d'un qui modifie l'article L. 2131-5 du code de la santé publique relatif au contenu du décret en Conseil d'Etat s'agissant des modalités d'application des dispositions portant sur le diagnostic prénatal.

Le de cet article vise à modifier l'article L. 2131-1 du code de la santé publique relatif au contenu du diagnostic prénatal et aux établissements habilités à pratiquer les analyses adéquates.

● Le a) du 1°, qui vise à réécrire le premier alinéa de l'article L. 2131-1, a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale puis par le Sénat. L'objet est de confirmer la définition actuelle du diagnostic prénatal qui « s'entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l'embryon ou le fœtus une affection d'une particulière gravité. » Cette première phrase est identique à celle aujourd'hui contenue dans le code de la santé publique. La différence de terminologie apparaît dans la seconde et dernière phrase du premier alinéa. Il est en effet désormais précisé que ce diagnostic « doit être précédé d'une consultation médicale adaptée à l'affection recherchée. » Cette consultation remplace ce que le code de la santé publique appelle actuellement la « consultation médicale de conseil génétique. »

Le b) vise à compléter le deuxième alinéa de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique. Actuellement, cet alinéa indique que seuls les établissements publics de santé et les laboratoires d'analyses de biologie médicale peuvent pratiquer les analyses de cytogénétique et de biologie en vue d'établir un diagnostic prénatal. L'objet du b) est de faire mentionner dans l'autorisation accordée à tel ou tel établissement « le nom des praticiens habilités à mettre en œuvre ces analyses. » Ainsi une double autorisation - de l'établissement et du praticien - est mise en place, ce qui permet d'empêcher que des praticiens changeant d'établissement puissent réaliser ces analyses si leur nom n'est pas expressément inclus dans la liste des praticiens homologués. Alors que l'Assemblée nationale a adopté le b) du 1° sans modification en première lecture, le Sénat l'a quant à lui supprimé, à l'initiative du gouvernement. Les modalités de l'autorisation de l'établissement et du praticien ont néanmoins été prévues par le Sénat (voir d) du 1°) mais elles font désormais intervenir l'Agence de la biomédecine.

Le c) du 1°  vise à supprimer les deux avis actuellement prévus en matière de délivrance des autorisations accordées aux établissements pour pratiquer les analyses de cytogénétique et de biologie en vue d'établir un diagnostic prénatal :

- celui de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) ;

- et celui du Comité national d'organisation sanitaire et sociale (CNOSS).

Lors de sa première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu que l'avis serait donné non pas par la CNMBRDP, mais par l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH). Le Sénat a, à l'initiative du gouvernement, supprimé la référence à tout avis.

En revanche, le gouvernement a lors des débats au Sénat complété le 1° de l'article 17 du projet de loi par un d) nouveau visant à réécrire le dernier alinéa de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique.

Actuellement, cet alinéa prévoit seulement que « des centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires sont créés dans des organismes et établissements de santé publics et privés à but non lucratif. » L'amendement du gouvernement vise à subordonner la création des « centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal dans des organismes et établissements de santé publics et privés à but non lucratif » à l'autorisation de l'Agence de la biomédecine.

● Après le 1° de l'article 17, le Sénat a, à l'initiative du gouvernement, inséré un 1° bis nouveau visant à réécrire l'article L. 2131-2 du code de la santé publique relatif à l'établissement d'un rapport annuel d'activité. Actuellement, l'article L. 2131-2 indique en effet que les établissements ou laboratoires autorisés à pratiquer des activités de diagnostic prénatal et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal sont tenus de présenter au ministre chargé de la santé un rapport annuel d'activité. Désormais, le rapport annuel sera remis, non plus au ministre, mais à l'agence régionale de l'hospitalisation et à l'Agence de la biomédecine.

● Le 2°  de l'article 17 du projet de loi a pour objet de modifier l'article L. 2131-3 du code de la santé publique relatif aux violations des prescriptions législatives et réglementaires dans les établissements ou laboratoires concernés.

Le a) du 2° vise à réécrire le deuxième alinéa de l'article L. 2131-3. Actuellement le retrait de l'autorisation de faire des analyses de diagnostic prénatal, qui est encouru en cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires, est « également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l'autorisation ». Le projet de loi initial a prévu un autre motif de retrait de cette autorisation : le cas où « le volume d'activité ou la qualité des résultats paraissent insuffisants. » Lors de sa première lecture, l'Assemblée nationale a préféré viser de façon plus objective le cas où « le volume d'activité ou la qualité des résultats est insuffisant ». Le Sénat n'a pas modifié cette dernière rédaction.

Le b) qui avait été introduit par l'Assemblée nationale lors de sa première lecture visait à modifier le dernier alinéa de l'article L. 2131-3 relatif à la décision de retrait de l'autorisation : cette décision - qui fait aujourd'hui l'objet d'une publication au Journal officiel - doit actuellement être prise après avis motivé de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. L'Assemblée nationale avait logiquement substitué à l'avis de la CNMBRDP l'avis de l'APEGH. Le Sénat a, à l'initiative du gouvernement, supprimé le dernier alinéa de l'article précité, ce qui signifie que la décision de retrait de l'autorisation de pratiquer des analyses de diagnostic prénatal ne sera plus accompagnée d'avis.

● Le 2° bis qui a été introduit par l'Assemblée nationale lors de sa première lecture, modifie le troisième alinéa de l'article L. 2131-4 du code de la santé publique.

Il faut rappeler que l'article L. 2131-4 concerne le diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro. Selon le troisième alinéa actuel, ce diagnostic ne peut être effectué que lorsqu'a été préalablement et précisément identifiée, chez l'un des parents, l'anomalie ou les anomalies responsables « d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. »

L'Assemblée nationale a lors de sa première lecture ajouté que ce diagnostic peut être pratiqué également si l'un des ascendants immédiats de l'enfant à naître est atteint ou a été atteint de la maladie de Huntington.

Sur proposition de sa commission des affaires sociales, le Sénat a lors de la séance du 29 janvier 2003 élargi quelque peu la rédaction issue de l'Assemblée nationale ; le diagnostic biologique doit pouvoir être effectué si l'un des ascendants immédiats de l'enfant à naître est atteint ou a été atteint par « une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital. » Lors de la séance précitée du Sénat, le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Francis Giraud, a donné les explications suivantes : « L'Assemblée nationale a étendu les possibilités de diagnostic préimplantatoire aux cas où l'un des grands-parents de l'enfant à naître avait été atteint par la chorée de Huntington. La commission (du Sénat) estime inopportun de mentionner une pathologie dans la loi. Elle propose donc une rédaction plus large et conforme à un texte législatif. »

On peut relever que cet amendement de la commission des affaires sociales a été adopté à l'unanimité, après que M. Fischer a indiqué « l'autorisation du diagnostic préimplantatoire lorsque l'un des membres du couple est atteint d'une maladie gravement invalidante, quelle qu'elle soit, est une bonne chose ».

● Le 3°  modifie le dernier alinéa de l'article L. 2131-4 du code de la santé publique qui concerne les établissements spécifiquement autorisés à réaliser des analyses de diagnostic biologique. Le Sénat a, sur proposition du gouvernement, prévu que l'avis devant être rendu à ce sujet le soit par l'Agence de la biomédecine.

● Le 3° bis a été introduit par le Sénat à l'initiative du gouvernement. Il vise à insérer après l'article L. 2131-4 du code de la santé publique un article L. 2131-4-1 nouveau relatif à l'habitation des praticiens pour procéder au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Ce nouvel article du code de la santé publique comporte deux alinéas. Le premier indique que les praticiens doivent avoir été agréés par l'Agence de la biomédecine pour pouvoir procéder au diagnostic prénatal et au diagnostic biologique effectué à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro. Ainsi les parents des enfants à naître traiteront exclusivement avec les praticiens ayant été expressément agréés - c'est-à-dire ceux ayant bénéficié d'une formation adéquate ou pouvant se prévaloir d'une forte expérience en la matière - et exerçant dans des établissements eux-mêmes habilités à réaliser de telles analyses. Le second alinéa prévoit une déclaration à l'autorité administrative des noms des praticiens ayant été agréés.

● Le 3° ter qui a été introduit au Sénat à l'initiative du gouvernement modifie le 1° de l'article L. 2131-5 du code de la santé publique relatif au contenu du décret en Conseil d'Etat sur les modalités d'application des dispositions portant sur le diagnostic prénatal : au lieu de « conditions de création et d'agrément des centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires », il est fait référence aux « conditions de création et d'autorisation des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal. »

● Quant au , qui n'a été modifié ni par l'Assemblée nationale en première lecture, ni par le Sénat, il a pour objet de réécrire le 2° de l'article L. 2131-5 du code de la santé publique. Désormais, le décret en Conseil d'Etat déjà mentionné portera sur « la nature des analyses de cytogénétique et de biologie en vue d'établir un diagnostic prénatal et les conditions dans lesquelles elles peuvent être pratiquées dans les établissements publics de santé et les laboratoires d'analyses de biologie médicale autorisés. »

*

La commission a adopté l'article 17 sans modification.

Article 18

(articles L. 2141-1, L. 2141-2, L. 2141-3, L. 2141-4, L. 2141-5, L. 2141-6, L. 2141-7, L. 2141-9, L. 2141-10, L. 2141-11, L. 2141-12, L. 2141-2, L. 2142-1, L. 2142-1-1, L. 2142-2, L. 2142-3, L. 2142-4 du code de la santé publique)

Assistance médicale à la procréation

Cet article, qui vise à modifier le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, précise le régime juridique de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Le paragraphe I de cet article porte sur le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie relatif aux dispositions générales sur l'AMP. Le paragraphe II porte quant à lui sur le chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie relatif aux conditions d'autorisation et de fonctionnement des établissements.

Avant d'en venir à l'analyse des dispositions du présent projet de loi qui modifie une partie des règles aujourd'hui applicables, il convient de décrire brièvement dans quel cadre juridique général interviennent ces modifications.

I. La nécessité d'une intervention législative pour encadrer la diversité des activités d'assistance médicale à la procréation

Aux termes de l'article L. 2141-1 actuel du code de la santé publique, l'assistance médicale à la procréation s'entend « des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi que toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».

Le terme de « pratiques cliniques » désigne pour l'essentiel les activités de recueil des gamètes et notamment des ovocytes, et de transfert in utero des embryons. Le terme de « pratiques biologiques » concernent plutôt les activités de traitement et de conservation des gamètes, de fécondation in vitro et de conservation des embryons.

La rédaction de l'article précité traduit la volonté du législateur de ne pas donner une définition restrictive de l'assistance médicale à la procréation, d'où l'utilisation des mots « technique d'effet équivalent ». Il s'agit d'englober dans le champ d'application de la loi de nouvelles techniques ou des variantes nouvelles de techniques existantes, l'essentiel étant que l'effet soit « équivalent » à celui obtenu avec les techniques déjà connues et identifiées.

_ Le développement progressif des différentes méthodes

L'insémination artificielle est la technique la plus ancienne11 ; ses premières applications remontent environ à deux siècles (1791 en Grande-Bretagne et 1804 en France). Mais son développement fut très rapidement freiné en France pour des raisons morales et religieuses. Les autorités médicales de l'époque exprimèrent à son encontre de sévères mises en garde et son utilisation fut formellement interdite par le Saint-Siège, en 1897.

Les tribunaux jugèrent d'ailleurs avec une grande sévérité les affaires qui mettaient en cause une telle pratique. L'insémination artificielle a ainsi pu être qualifiée de procédé que « réprouve la morale naturelle », susceptible qui plus est de « créer un véritable danger social » (extrait d'une décision rendue par le tribunal civil de Bordeaux le 27 août 1883).

C'est ainsi que l'insémination artificielle devint en France, dès la fin du XIXème siècle, une pratique clandestine. Il n'en a pas été de même dans plusieurs pays étrangers comme les Etats-Unis où la première insémination artificielle d'une femme mariée, avec tiers donneur, fut réalisée en 1884. A partir de 1963, les premières banques de sperme sont apparues aux Etats-Unis, puis au Japon et en Israël. En France, il a fallu attendre 1973 pour voir apparaître les premières banques de sperme humain. Les centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) ont progressivement érigé des règles éthiques rigoureuses quant au recueil, à la conservation et à la délivrance du sperme humain aux fins d'insémination artificielle.

Mais c'est l'avènement d'une autre technique, la fécondation in vitro12, qui a donné une impulsion décisive à l'essor de l'assistance médicale à la procréation. Avec cette technique, non seulement la procréation et la sexualité étaient dissociées, mais pour la première fois, la conception et la gestation l'étaient également. Une femme pouvait techniquement porter en elle un enfant qu'elle n'avait pas nécessairement conçu. En outre, l'embryon humain, jusqu'alors abrité des investigations de quiconque, est devenu dans l'éprouvette accessible à l'homme.

Dans un premier temps, la fécondation in vitro a surtout permis de pallier certaines causes d'infertilité chez la femme. Le premier succès mondial chez l'être humain d'une fécondation externe a été couronné en Grande-Bretagne par la naissance de Louise Brown le 26 juillet 1978. En France, la première réussite a été obtenue avec la naissance d'Amandine, le 24 février 1982.

La technologie de conservation à très basse température a ensuite été appliquée aux embryons humains (naissance de Zoé à Melbourne le 11 avril 1984, premier bébé à avoir séjournée, au stade embryonnaire, dans de l'azote liquide, avant d'être transféré dans l'utérus de sa mère). En France, les premières naissances de ce type datent de 1986.

L'assistance médicale à la procréation s'appuie aujourd'hui sur un arsenal assez complet de techniques permettant de pallier les causes les plus diverses de la stérilité. Le libre accès à ces techniques confine, selon certains détracteurs de l'assistance médicale à la procréation, à la consécration d'un véritable droit à l'enfant. Il faut cependant noter que ces pratiques ont fait l'objet de multiples recommandations afin de tendre à une certaine harmonisation des pratiques.

Il faut notamment citer le rôle important joué en la matière par le Comité consultatif national d'éthique. Bien que les avis de ce comité n'aient pas force contraignante, leur autorité est loin d'être négligeable.

_ Le nécessaire intervention du législateur

Avant les lois de 1994, le législateur n'était intervenu que de façon ponctuelle en élaborant des prescriptions d'ordre sanitaire inspirées par l'urgence en matière de don de sperme et en soumettant les activités ayant pour objet le recueil, le traitement et la conservation de sperme à un régime d'autorisation (cf. article 13 de la loi portant diverses mesures d'ordre sanitaire et social n° 91-1406 du 31 décembre 1991). Ce dispositif venait compléter l'encadrement des activités d'assistance médicale à la procréation résultant de deux décrets en date du 8 avril 1988, l'un soumettant ces activités à un régime d'autorisation, l'autre portant création de la Commission nationale de médecine et de biologique de la reproduction.

En l'état actuel du droit, l'assistance médicale à la procréation est essentiellement régie par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative « au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal ».

On peut relever que le législateur de 1994 a refusé de poser clairement le statut de l'embryon. Cela s'explique notamment par la difficulté qui existe à définir ce statut sans remettre en cause du même coup l'interruption volontaire de grossesse. Ce faisant, le risque est de réduire le statut des embryons à partir des limites posées par la loi à l'emprise de l'homme sur l'embryon alors que la logique juridique imposait l'inverse.

Pour sa part, le Comité consultatif national d'éthique a, dès l'avis du 22 mai 1984 sur les prélèvements de tissus d'embryons ou de fœtus humains, défini l'embryon comme « une personne humaine potentielle ».

II. Les modifications apportées aux dispositions actuellement en vigueur

Trame générale de l'article 18

Paragraphe I

Modifications apportées au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique sur les dispositions générales en matière d'assistance médicale à la procréation

Réécriture de l'article L. 2141-1 relatif à la définition de l'assistance médicale à la procréation

Insertion par l'Assemblée nationale et suppression par le Sénat d'un article L. 2141-1-1 nouveau sur l'évaluation préalable de toute nouvelle technique d'AMP

Insertion par l'Assemblée nationale et suppression par le Sénat d'un article L. 2141-1-2 nouveau sur l'application clinique de toute nouvelle technique d'AMP

Réécriture de l'article L. 2141-2 relatif aux objectifs de l'AMP et aux critères d'accès à l'AMP pour les couples demandeurs

Renumérotation de divers articles du code de la santé

Réécriture de l'article L. 2141-3 relatif à la conception in vitro de l'embryon

3° bis

(nouveau, introduit par le Sénat)

Réécriture de l'article L. 2141-4 relatif au sort de l'embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental

Coordination à l'article L. 2141-5

Modification de l'article L. 2141-6 à propos de l'accueil d'un embryon par un autre couple

Réécriture de l'article L. 2141-7 relatif à la technique de l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

6 bis

(nouveau introduit par le Sénat)

Réécriture de l'article L. 2141-9 relatif aux déplacements d'embryons

Modifications de l'article L. 2141-10 relatif au contenu des entretiens particuliers des couples avec les équipes médicales du centre concerné

Modifications de l'article L. 2141-11 relatif au recueil et à la conservation des gamètes en vue de la réalisation ultérieure de l'assistance médicale à la procréation

(nouveau introduit par le Sénat)

Création d'un article L. 2141-12 nouveau relatif aux modalités d'application du chapitre Ier du titre IV du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique

Paragraphe II

Modifications apportées au chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique sur les conditions d'autorisation et de fonctionnement des établissements compétents

Modifications de l'article L. 2142-1 (premier et troisième alinéas) relatif à la définition des activités cliniques d'AMP

Insertion après l'article L. 2142-1 d'un article L. 2142-1-1 nouveau relatif à l'agrément des établissements et des praticiens

Modifications du même l'article L. 2142-1 (dernier alinéa) à propos de l'autorisation de ces activités

Introduction par l'Assemblée nationale et suppression par le Sénat d'un nouvel alinéa complétant ce même article L. 2142-1 s'agissant de la mention express du nom des praticiens habilités à exercer ces activités

3 bis (nouveau introduit par le Sénat)

Insertion par le Sénat d'un article L. 2142-1-1 nouveau relatif à l'habilitation des praticiens

3 ter

(nouveau introduit par le Sénat)

Réécriture du premier alinéa de l'article L. 2142-2 relatif au rapport annuel d'activité de tout établissement autorisé à pratiquer des AMP.

Réécriture du deuxième alinéa de l'article L. 2142-3 s'agissant du retrait de l'autorisation

4 bis

Modification par l'Assemblée nationale et suppression par le Sénat du dernier alinéa de l'article L. 2142-3 concernant la nécessité d'un avis préalable à une décision de retrait de l'autorisation d'un établissement

Modifications de l'article L. 2142-4 relatif aux modalités d'application du chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique sur les conditions d'autorisation et de fonctionnement des établissements compétents en matière d'assistance médicale à la procréation

_ Article L. 2141-1 du code de la santé publique relatif à la définition de l'assistance médicale à la procréation

On l'a vu, cet article est actuellement composé d'un alinéa unique disposant que « l'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi que toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel. »

Le projet de loi ne modifie pas cette définition. Ni l'Assemblée nationale en première lecture ni le Sénat ne sont revenus sur une définition qui fait consensus et dont les termes permettent d'englober toutes les techniques présentes et à venir pouvant être mises en œuvre en ce domaine. En revanche, le projet de loi tendait dans sa version initiale à compléter l'article L. 2141-1 actuel de deux autres alinéas, l'un portant sur la stimulation ovarienne, l'autre sur le suivi des traitements inducteurs de l'ovulation.

Sur proposition de sa commission des affaires sociales, et avec avis favorable du gouvernement, le Sénat a modifié la rédaction de ce qui deviendra le deuxième alinéa de l'article L. 2141-1. Il est désormais indiqué que « la stimulation ovarienne, y compris lorsqu'elle est mise en œuvre indépendamment d'une technique d'assistance médicale à la procréation, est soumise à des recommandations de bonnes pratiques ».

Le Sénat a par ailleurs supprimé le troisième et dernier alinéa de l'article L. 2141-1 qui disposait, dans sa version issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, que « les règles relatives à l'information préalable délivrée au couple, à la prescription et au suivi des traitements inducteurs de l'ovulation sont fixées par voie réglementaire. »

M. Francis Giraud, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, a noté en effet que « des inquiétudes se sont multipliées sur l'utilisation des inducteurs de stimulation ovarienne, qui présentent un danger grave pour les femmes. L'Assemblée nationale avait souhaité un encadrement légal et réglementaire que la diversité des modes de prescription rend difficile à mettre en œuvre. Il est préférable de renvoyer à des recommandations de bonne politique du ministère de la santé ou de l'Agence de la biomédecine. »

La nécessité de soumettre l'utilisation de la stimulation ovarienne

à des recommandations de bonne pratique

La stimulation ovarienne n'est pas seulement utilisée dans le cadre de la fécondation in vitro. Elle représente, à elle seule, une méthode d'assistance médicale à la procréation et comme telle, est fréquemment utilisée pour améliorer la procréation naturelle. La méthode comporte néanmoins de sérieux inconvénients. Le fait de forcer médicalement l'ovulation aggrave chez la femme les risques d'affections iatrogènes telles que les kystes ovariens. Il ne faut pas non plus négliger les risques, mêmes faibles, d'endométriose, de ménopause précoce, voire de cancer de l'ovaire. Cette technique est également à l'origine de certaines grossesses multiples ; dans certaines situations, les médecins sont conduits à procéder à des réductions embryonnaires, sachant que dans certains cas, cette opération aboutit à une interruption complète de la grossesse.

Les dangers de l'hyperstimulation ovarienne ont été soulignés par le Comité consultatif national d'éthique dans son avis n° 24 du 24 juin 1991 sur les réductions embryonnaires et fœtales et dans son avis n° 42 du 30 mars 1994 sur l'évolution des pratiques d'assistance médicale à la procréation.

En avril 1994, l'ordre national des médecins s'est également prononcé sur l'évolution des techniques de l'AMP et a insisté à cette occasion, sur les dangers de la stimulation ovarienne. Il recommande un encadrement strict de ces pratiques. Le 13 février 1996, l'Académie nationale de médecine a pour sa part adopté diverses recommandations en notant que les formes les plus graves de l'hyperstimulation ovarienne peuvent être « une hospitalisation, parfois en soins intensifs, pour éviter une issue fatale ». L'Académie a ainsi recommandé une formation parfaite des médecins qui emploient des méthodes de stimulation ovarienne ainsi qu'un suivi à long terme des femmes ayant subi des stimulations de ce type en raison des incertitudes sur les risques possibles de cancer de l'ovaire ou du sein.

En octobre 1997, un rapport de l'INSERM, élaboré à la demande du ministre de la santé de l'époque, montrait que l'augmentation de la grande prématurité est due pour partie aux opérations de stimulation ovarienne et pour partie aux fécondations in vitro avec transfert multiple d'embryons.

_ Le Sénat a, lors de la séance du 29 janvier 2003, supprimé sur proposition de sa commission des affaires sociales un article introduit par l'Assemblée nationale en première lecture et tendant à insérer après l'article L. 2141-1, un article L. 2141-1-1 nouveau du code de la santé publique. L'objet de cet article était de permettre une évaluation de toute nouvelle technique d'assistance médicale à la procréation. Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, cette évaluation requérait nécessairement le fait de concevoir dans ce but des embryons in vitro. Les débats autour de la pénurie d'évaluation s'agissant de la technique de l'ICSI (« intracytoplasmic sperm injection ») ont été à l'origine de cet article L 2141-1-1 nouveau.

Les débats autour de la technique de l'ICSI

Il faut tout d'abord noter que cette technique consiste à injecter un spermatozoïde dans l'ovocyte, par effraction de la membrane plasmique de ce dernier. Il s'agit en quelque sorte d'une méthode de fécondation forcée susceptible de pallier une stérilité masculine sévère. Le recours à cette méthode permet d'éviter le tiers donneur.

Cette technique soulève de graves interrogations. En effet, elle repose sur le choix arbitraire d'un spermatozoïde et élimine ainsi la compétition naturelle qui existe entre les milliers ou millions de spermatozoïdes dans le processus de la procréation humaine, même assistée par insémination artificielle ou fécondation in vitro classique. On ne peut que constater que cette méthode a été appliquée en France malgré une expérimentation insuffisante sur les mammifères non humains. Sur l'homme, elle reste porteuse de nombreuses inconnues.

Dans son avis n° 42 du 30 mars 1994 sur l'évolution des pratiques d'assistance médicale à la procréation, le Comité consultatif national d'éthique a recommandé la plus grande vigilance en la matière. Selon lui, des efforts doivent être faits pour trouver un modèle animal et respecter les règles applicables à la recherche médicale. Les couples doivent par ailleurs être informés du caractère expérimental de la méthode.

Un guide de bonnes pratiques fixé par arrêté du 12 janvier 1999 comporte des dispositions relatives à l'ICSI et confirment que cette technique doit être en principe réservée aux cas de stérilité sévère de l'homme. En outre, il est précisé que l'ICSI doit faire l'objet d'un consentement éclairé, signé et spécifique.

Lors de la séance du 29 janvier 2003, le ministre de la santé, M. Jean-François Mattei, a expliqué que les dispositions introduites par l'Assemblée nationale constituent bien : « une évaluation in vitro, qui vaudrait un feu vert pour l'ICSI. Or, après cette étape, il faudrait passer à l'évaluation de l'implantation, puis à celle du développement, enfin à celle de la naissance : il y a nécessairement un continuum, à travers lequel on se livre à un essai sur l'homme ; voilà ce que je refuse : une évaluation portant sur le processus de le vie elle-même. »

Le souci exprimé par les députés en première lecture est légitime - il faut bien évidemment évaluer au mieux les avantages et les inconvénients de toute nouvelle technique - mais le fait de devoir pour cela concevoir des embryons ne semble pas acceptable.

_ Par cohérence, le Sénat a également, sur proposition de sa commission des affaires sociales et avec avis favorable du gouvernement, supprimé l'article L. 2141-1-2 nouveau du code de la santé publique qui, comme l'article L. 2141-1-1 dont il est une conséquence, a été introduit par l'Assemblée nationale en première lecture. L'article L. 2141-1-2 visait en effet à soumettre l'application clinique d'une nouvelle technique d'AMP à l'autorisation préalable du ministre chargé de la santé au vu des résultats des évaluations prévues à l'article L. 2141-1-1.

_ Article L. 2141-2 du code de la santé publique relatif aux objectifs de l'assistance médicale à la procréation et aux critères d'accès à l'assistance médicale à la procréation pour les couples demandeurs

Cet article définit les objectifs de l'AMP ainsi que les critères d'accès à l'AMP pour les couples demandeurs. Ni l'Assemblée nationale en première lecture ni le Sénat n'ont modifié les deux premiers alinéas de l'article L. 2141-2 tel que rédigé par le projet de loi. Le premier alinéa indique que l'AMP est « destinée à répondre à la demande parentale d'un couple. » Le second alinéa précise que l'AMP a deux objets :

- Elle permet d'une part de remédier à l'infertilité pathologique médicalement diagnostiquée.

- Elle constitue d'autre part un moyen d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité ; dans ce dernier cas, les deux membres du couple peuvent évidemment être l'un et l'autre tout à fait fertiles.

Une modification importante a été introduite par le Sénat dans le troisième alinéa. Il faut rappeler tout d'abord que le projet de loi initial avait prévu plusieurs conditions devant être remplies par le couple pour pouvoir accéder à l'AMP. Le couple doit être composé d'un homme et d'une femme - les couples homosexuels sont par définition exclus du champ de l'AMP. Ces deux personnes doivent être vivantes - ce qui signifie qu'à moins de prévoir expressément dans la loi une dérogation en la matière, il est impossible de transférer un embryon dans l'utérus de la mère après l'éventuel décès de l'homme du couple. Il est également indiqué que ces personnes doivent être en âge de procréer.

S'agissant de leur situation conjugale, deux possibilités étaient initialement prévues dans le projet de loi : ces personnes devaient être soit mariées, soit « en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans ».

Lors de sa première lecture, l'Assemblée nationale a substitué à la nécessité d'une vie commune de deux ans le seul fait d'être concubins, considérant qu'il n'y a avait pas de raison de prévoir un régime différent selon que les membres du couple sont unis ou pas par les liens du mariage. On peut rappeler que, dans son rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi (rapport n° 3525, enregistré le 9 janvier 2002), Mme Yvette Roudy notait : « Cette exigence de vie stable requise des concubins, mais non des couples mariés peut sembler inéquitable et de plus inadaptée, du fait que les couples, les femmes demandent de plus en plus tard à accéder à l'AMP, en relation avec l'âge moyen de plus en plus élevé en France de la première naissance (29-30 ans). Cette condition risque d'affaiblir pour ces femmes les chances d'une fécondation réussie. Aussi pourrait-on envisager de supprimer cette condition, d'autant que la preuve qui doit en être apportée, apparaît difficile à établir et à contrôler. »

Sur proposition de sa commission des affaires sociales et avec avis favorable du gouvernement, le Sénat est revenu à la rédaction initiale du projet de loi : ainsi, si les membres du couple demandant une AMP ne sont pas mariés, ils doivent, pour prouver que leur démarche est sérieuse et leur relation stable, démontrer l'existence d'une vie commune depuis au moins deux ans.

Lors de la séance du 29 janvier 2003, M. Francis Giraud, rapporteur du Sénat, a indiqué : « L'exigence d'une durée de vie commune pour les couples non mariés ne nous paraît pas excessive pour bénéficier de l'AMP. Il faut un couple stable pour s'engager dans cette aventure difficile pour accueillir un enfant. »

Le Sénat a, sur proposition de sa commission des affaires sociales, supprimé la notion de « dissolution du couple » faisant obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons. Dans son rapport (n° 128), M. Francis Giraud écrit : « La notion de « dissolution » du couple n'apparaît pas suffisamment précise pour permettre au praticien de s'opposer à une demande de transfert devenue, selon les termes de la loi, illégale. La notion de dissolution vise-t-elle le divorce pour les couples mariés ? A la date du dépôt de la demande, de l'audience de conciliation ou du jugement définitif ? S'agit-il pour les couples non mariés d'une séparation de corps, d'un arrêt de la vie commune ? Comment va-t-il contrôler que cette condition de dissolution ne fait pas obstacle au transfert ? »

L'amendement adopté au Sénat pose donc le principe selon lequel « fait obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le retrait du consentement au sens du troisième alinéa de l'article 311-20 du code civil. » Aux termes de cet alinéa, le consentement donné à une procréation médicalement assistée « est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. »

Enfin, le Sénat a, sur proposition de sa commission des affaires sociales et avec avis favorable du gouvernement, supprimé le dernier alinéa de l'article L. 2141-2 tel qu'issu de la première lecture à l'Assemblée nationale relatif à la possibilité de transférer des embryons conservés dans l'utérus de la mère après le décès de l'homme du couple. L'Assemblée nationale avait en effet prévu que si l'homme du couple a, de son vivant, donné son consentement à la poursuite du processus d'AMP en cas de décès, la femme peut, au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après ce décès, demander un transfert des embryons ayant été conçus in vitro, seuls le mariage ou le remariage de la femme faisant « obstacle à la réalisation du transfert d'embryons. »

Lors de la séance du 29 janvier 2003, M. Francis Giraud, rapporteur du Sénat, après avoir noté que cette question concernait deux ou trois cas par an au plus, a tenu les propos suivants : « On est dans la loi individuelle. La souffrance de la mère justifie-t-elle que l'on lève l'interdiction énoncée en 1994 ? Quel regard la société portera-t-elle sur un enfant né deux ans après la mort de son père et comment construira t-il son identité ?  »

Le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, a considéré, pour sa part, que l'enfant avait des droits « et le premier d'entre eux est d'avoir des parents. Il est incroyable qu'on imagine de congeler un embryon pour, quand le moment s'en fait sentir, tirer ce lot de consolation ! Ce n'est pas respecter les droits de l'enfant. »

Lors de la discussion générale sur le projet de loi au Sénat (séance du 28 janvier 2003), le ministre avait clairement indiqué que, selon lui, « les interrogations éthiques et psychologiques que peut susciter la mise au monde consciente d'un orphelin ne sont pas mineures (...) Il paraît plus raisonnable de ne pas autoriser le transfert post-mortem et d'informer le couple que, s'il venait à être dissocié par les aléas de la vie, les embryons ne seraient pas conservés. Cette clause serait intégrée et assumée au seuil de cette démarche, elle ferait partie des éléments du consentement du couple qui demande une assistance médicale à la procréation. »

Mme Monette Vacquin, psychanalyste auditionnée le 12 mars 2003 par le rapporteur, a souligné - à propos du transfert post mortem - combien les dangers étaient grands d'autoriser dans la loi une telle possibilité qui donne le sentiment que la volonté de l'homme du couple décédé est en quelque sorte « éternalisée » ; cela témoignerait d'un « retour de la figure religieuse inversée ». Selon elle, l'enfant issu d'une telle opération pourrait en outre difficilement construire son identité. Lors de son audition par le rapporteur, le 18 mars 2003, M. Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique, a pour sa part observé que le fait d'autoriser le transfert post mortem n'aurait pas de sens, le projet parental devant en effet être fondé autour de la volonté de deux parents prêts à en assumer les conséquences.

_ Article L. 2141-3 du code de la santé publique relatif à la conception in vitro d'un embryon dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation

Cet article comporte trois alinéas.

Le premier alinéa précise que l'embryon conçu in vitro dans le cadre de l'AMP ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple.

Le deuxième alinéa concerne l'information donnée au couple en matière de « possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental. »

Le dernier alinéa de l'article L. 2141-3 établit le principe selon lequel le couple ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert des embryons conservés. Suivant en cela une recommandation du Comité consultatif national d'éthique, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de la commission spéciale et de M. Yves Bur, opportunément prévu en première lecture le cas où « un problème de qualité » affecterait ces embryons. Ce cas constitue une exception à l'interdiction par le couple de recourir à une nouvelle fécondation in vitro lorsqu'il existe encore des embryons congelés. Le Sénat n'a pas remis en cause cette rédaction améliorée.

_ Article L. 2141-4 du code de la santé publique relatif au sort des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental

Lors de la séance du 29 janvier 2003, le Sénat a adopté, avec avis favorable du gouvernement, un amendement présenté par M. Chérioux sous-amendé par M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

Le premier alinéa de l'article L. 2141-4 (tel qu'issu de l'adoption de cet amendement sous-amendé) dispose que le projet parental du couple prend fin cinq après la création des embryons. Ce projet parental peut être interrompu avant même cette période de cinq années dans deux cas : en cas de rupture du rupture ou de décès d'un de ses membres. La conséquence automatique de la fin du projet parental est en principe la destruction des embryons (il est mis fin à leur conservation).

Le deuxième alinéa prévoit des dérogations à la règle posée au premier alinéa : les membres du couples peuvent, au lieu de la destruction des embryons, accepter que les embryons soient accueillis par un autre couple. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale en première lecture, et non remise en cause par le Sénat, prévoit que les membres du couple « consentent auprès du médecin qui les interroge » à l'accueil de leurs embryons par un autre couple.

Cette formulation semble préférable à la rédaction figurant dans le projet de loi initial qui prévoyait que les couples demandent de leur propre chef à ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple. Afin de s'assurer de la réalité et de la solidité de ce consentement, il est précisé que l'accueil n'est possible que si le consentement des membres du premier couple « est écrit et confirmé par écrit après un délai de réflexion de trois mois. »

On peut s'interroger sur l'opportunité de maintenir dans la loi cette possibilité d'accueil de manière anonyme par un autre couple d'embryons ne faisant plus l'objet de projet parental de la part d'un autre couple. Dans ce cas de figure, l'embryon ainsi transféré d'un couple à un autre deviendra un enfant issu ni des gamètes du père ni des gamètes de la mère qui seront officiellement ses parents. Il s'agit d'une forme d'adoption hybride qui pourra d'ailleurs être totalement ignorée de l'enfant lui-même si les parents d'accueil ne l'informent pas des circonstances de son « transfert » dans l'utérus de la mère d'accueil. L'enfant devenu adulte ayant été informé de son histoire ne pourra d'ailleurs jamais identifier et rencontrer ses parents biologiques.

Le troisième alinéa de l'article L. 2141-4, tel que réécrit par le sous-amendement de M. About, prévoit que « les couples dont, à la date de promulgation de la loi relative à la bioéthique, les embryons sont conservés et ne font plus l'objet d'un projet parental, peuvent consentir à ce que ces embryons fassent l'objet de recherches prévues à l'article L. 2151-3.»

Lors de la séance du 29 janvier 2003, M. Nicolas About a expliqué que son sous-amendement visait à ce que l'autorisation de recherche ne puisse porter que sur les embryons surnuméraires en stock à la date de promulgation du présent projet de loi. Selon lui, grâce à cette précision, « on ferait ainsi clairement apparaître que la règle est l'interdiction de la recherche sur l'embryon et la fin de la conservation des embryons dans un délai de cinq ans, et que l'exception est la recherche strictement encadrée, pour une période limitée et portant sur les seuls embryons surnuméraires existants à la date de promulgation de la loi. »

La rédaction de ce troisième alinéa doit être revue : il n'y a aucune raison valable en effet de limiter la possibilité de recherche sur les embryons en stock au moment de la promulgation de la loi. Les couples qui, après la promulgation de cette loi, décideraient de s'engager dans un processus d'assistance médicale à la procréation, devraient en toute logique pouvoir ensuite consentir, une fois leur projet parental réalisé ou s'ils renoncent un jour à ce projet parental, à ce que des recherches puissent être menées sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental.

En effet, on voit mal pourquoi, d'un point de vue éthique, le fait de conduire des recherches sur les futurs embryons surnuméraires poserait des problèmes que ne poserait pas le fait d'en mener sur les embryons aujourd'hui surnuméraires. Le point commun à tous les cas de figure doit être que :

- les embryons ne font plus l'objet d'un projet parental de la part des couples s'étant initialement engagés dans une démarche d'assistance médicale à la procréation ;

- les membres du couple consentent expressément à cette recherche.

On peut de surcroît relever que l'adoption de l'amendement de M. Chérioux sous-amendé par M. About a abouti à faire disparaître du texte du projet de loi l'alinéa qui réglait dans le texte du projet de loi initial, d'une part, le cas où le couple ou l'un de ses membres consultés à plusieurs reprises, ne répond pas sur le point de savoir si le projet parental est maintenu et, d'autre part, le cas où il y a désaccord entre les membres du couple sur la question du maintien ou pas du projet parental.

Dans ces deux hypothèses, il est procédé à la destruction des embryons si ces derniers ont été conservés pendant une durée au moins égale à cinq ans. Cela signifie que si la durée de conservation des embryons est inférieure à cinq années, même si l'un des deux cas de figure prévus se présente - à savoir l'absence de réponse de la part du couple et l'existence d'un désaccord entre les membres du couple - la destruction n'est pas automatique. Elle n'est opérée que si les membres du couple le demandent expressément.

Ces précisions apparaissent extrêmement utiles : le législateur doit prévoir tous les cas de figure envisageables afin de poser des règles claires en matière de conservation et de destruction des embryons. Le rapporteur juge donc impératif de rétablir des dispositions prévoyant la marche à suivre dans toutes les hypothèses.

Le schéma récapitulatif suivant présente les différentes solutions possibles, telles qu'elles résultent du texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.

Embryons conçus in vitro

dans le cadre d'un projet parental datant de moins de cinq ans

®

Obligation de consulter chaque année les membres du couple

afin de connaître leurs intentions

 

Première possibilité :

les membres du couple ont renoncé à leur projet parental.

Trois options s'offrent alors :

1) Les membres du couple demandent à ce qu'il soit mis fin à la conservation de ces embryons.

2) Les membres du couple consentent à ce que ces embryons puissent être accueillis par un autre couple.

_ 3) Les membres du couple consentent à ce que des recherches - par ailleurs très encadrées - soient menées sur ces embryons.

 

Seconde possibilité :

les membres du couple maintiennent leur projet parental.

®

Les embryons sont conservés en vue d'une fécondation ou d'un transfert ultérieur.

Embryons conçus in vitro

dans le cadre d'un projet parental datant de plus de cinq ans

 

Première possibilité :

Aucune des membres du couple ne donne de réponse.

®

Il est mis fin automatiquement à la conservation des embryons concernés.

®

Deuxième possibilité :

Il existe un désaccord au sein du couple.

®

Il est mis fin automatiquement à la conservation des embryons concernés.

 

Troisième possibilité :

Les membres du couple maintiennent leur projet parental.

®

Les embryons sont conservés en vue d'une fécondation ou d'un transfert ultérieur.

Le dernier alinéa de l'article L. 2141-4 n'a pas fait l'objet de modification de la part du Sénat ; il prévoit que la possibilité de faire accueillir par un autre couple un embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental de la part d'un premier couple est limitée à cinq ans après le consentement des membres de ce premier couple. Les embryons concernés sont détruits si dans ce délai de cinq ans, l'accueil n'a pas eu lieu.

_ Article L. 2141-6 du code de la santé publique13 relatif à l'accueil d'un embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental par un autre couple

Le premier alinéa de cet article - qui n'est pas modifié par le présent projet de loi - précise que cette procédure doit se faire « à titre exceptionnel » lorsque dans le couple d'accueil, une procédure d'assistance médicale avec tiers donneur n'a pu aboutir.

Selon le deuxième alinéa, c'est l'autorité judiciaire qui prend la décision d'autoriser cet accueil. Le juge « fait procéder à toutes les investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que ce couple est susceptible d'offrir à l'enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique. » Le projet de loi vise à compléter cet alinéa pour préciser que l'autorisation d'accueil est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable. Ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'ont modifié la rédaction de ces nouvelles dispositions qui permettent d'établir une règle claire en la matière. Le législateur de 1994 avait en effet omis de préciser la durée de l'autorisation donnée par le juge. Il n'est pas précisé combien de fois le juge pourrait éventuellement renouveler sa décision d'autorisation. On peut cependant imaginer que dans une période de trois ans, renouvelable une fois, soit six ans au total, le couple ayant décidé d'accueillir un embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental de la part d'un autre couple aura largement le temps de mettre en œuvre concrètement cette démarche.

Le projet de loi tend en outre à insérer après ce deuxième alinéa un nouvel alinéa prévoyant que « seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d'accueil. » Ni l'Assemblée nationale en première lecture ni le Sénat n'ont modifié la rédaction de ce nouvel alinéa qui permet de garantir que cette procédure d'accueil s'effectuera dans les meilleures conditions possibles dans un établissement habilité à cet effet.

_ Article L. 2141-7 du code de la santé publique relatif à la technique de l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

Cet article tel que réécrit par le projet de loi n'a fait l'objet d'aucune modification, ni à l'Assemblée nationale en première lecture, ni au Sénat.

Il est composé d'un alinéa unique prévoyant que les cas dans lesquels il peut être fait appel à un tiers donneur dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation sont au nombre de trois :

- le premier cas est celui où l'un des membres du couple demandeur risque de transmettre une maladie d'une particulière gravité à l'enfant ou à l'autre membre du couple ;

- le deuxième cas vise l'échec des techniques d'assistance médicale à la procréation au sein du couple ;

- le dernier cas concerne le couple qui « dûment informé dans les conditions prévues à l'article L. 2141-10 » renonce à effectuer une assistance médicale à la procréation en son sein. Cette dernière disposition concerne les couples qui auraient par exemple été informés de la faible probabilité que telle ou telle méthode qu'ils avaient retenue mène à des résultats positifs. Plutôt que de s'acharner probablement en vain dans la voie de l'AMP à l'intérieur du couple, l'homme et la femme peuvent directement opter pour la solution du tiers donneur.

_ Article L. 2141-9 du code de la santé publique relatif aux déplacements d'embryons

Cet article prévoit la possibilité que des embryons soient déplacés d'un Etat à un autre et ainsi introduits sur le territoire français à condition :

- que ces embryons aient été conçus (à l'étranger ou en France) avec les gamètes de l'un au moins des membres du couple concerné ;

- que la conception même de ces embryons ait été réalisée dans le respect des articles 16 à 16-8 du code civil, ce qui notamment exclut formellement que ces embryons soient issus d'une opération de clonage. La mention des articles du code civil, qui ne figurait pas dans le texte du projet de loi initial, a été prévue par l'Assemblée nationale en première lecture et maintenue par le Sénat ;

- que ces embryons soient destinés à permettre la poursuite du projet parental sur le territoire français ;

- que l'Agence de la biomédecine donne son accord à ces déplacements. Dans le texte initial du projet de loi, non modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, ces déplacements d'embryons étaient subordonnés à l'accord préalable du ministre chargé de la santé. Lors de la séance du 29 janvier 2003, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement donnant compétence exclusive à l'Agence de la biomédecine en la matière.

_ Article L. 2141-10 du code de la santé publique relatif au contenu des entretiens particuliers des couples avec les équipes médicales du centre concerné

Cet article a pour objet de préciser le contenu obligatoire des entretiens particuliers dont les demandeurs de l'assistance médicale à la procréation doivent bénéficier afin d'être informés dans les meilleures conditions de l'existence des techniques disponibles, de leurs avantages et inconvénients. L'intérêt de ces entretiens est de permettre aux couples susceptibles de s'engager dans cette démarche de se faire une idée personnelle des éventuelles difficultés médicales, humaines et psychologiques liées aux différentes techniques possibles.

Ces entretiens ont trois objets. En premier lieu, ces rencontres représentent un moyen pour l'équipe médicale de « vérifier la motivation de l'homme et de la femme formant le couple ». Au cours des entretiens, les couples sont par exemple sensibilisés sur « les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption ». La démarche de l'assistance médicale à la procréation ne se justifie en effet que si l'homme et la femme confirment leur souhait d'avoir un enfant génétiquement issu des gamètes de l'un ou des deux membres du couple. En deuxième lieu, le couple est informé « des possibilités de réussite et d'échec des techniques de l'assistance médicale à la procréation, ainsi que de leur pénibilité ». En dernier lieu, ces entretiens fournissent l'occasion de donner aux membres des couples concernés un dossier-guide complet comportant toutes les informations utiles sur le descriptif des techniques envisageables ainsi que les dispositions législatives et réglementaires en la matière.

Dans le premier alinéa actuel de l'article L. 2141-10, il est indiqué que ces entretiens sont réalisés par les « membres de l'équipe médicale pluridisciplinaire du centre ». L'objet du projet de loi était de substituer au mot « pluridisciplinaire » celui de « clinico-biologique ». L'Assemblée nationale n'a pas modifié cette terminologie en première lecture. En revanche, le Sénat a souhaité parler d'« équipe médicale clinico-biologique pluridisciplinaire ». En effet, lors de la séance du 29 janvier 2003, un amendement en ce sens, présenté par Mme Desmarescaux, a été adopté, avec avis favorable du gouvernement, après que l'auteur de l'amendement a noté : « les praticiens déplorent souvent le manque de psychologues dans les équipes d'AMP. Or, la pénibilité des traitements et les risques d'échec rendent particulièrement nécessaire d'offrir une prise en charge psychologique aux couples. »

Le rapporteur considère que l'ajout du mot « pluridisciplinaire » est opportun et permettra aux couples concernés de bénéficier d'entretiens personnalisés prenant en compte la dimension médicale mais également psychologique de l'aventure - souvent bénéfique mais aussi parfois douloureuse - de l'assistance médicale à la procréation.

Le Sénat a par ailleurs adopté, lors de la séance du 29 janvier 2003, un autre amendement de Mme Desmarescaux, après que le gouvernement en a appelé à la sagesse de la Haute assemblée. L'objet de l'amendement est d'informer les couples dès ces entretiens préalables de « l'impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés à la suite du décès d'un des membres du couple. ». Selon l'auteur de l'amendement : « il faut que les couples soient informés de l'interdiction de tout transfert d'embryons post mortem. Dès les premiers entretiens avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire, cette impossibilité leur sera mentionnée explicitement. Il convient en effet de leur faire prendre pleinement conscience que le parcours sera interrompu en cas de décès d'un des membres du couple. »

Le ministre, M Jean-François Mattei, après avoir relevé que cette disposition relève du domaine réglementaire, a observé : « à partir du moment où l'on interdit tout transfert post mortem, les conditions dans lesquelles s'effectue l'AMP doivent être parfaitement expliquées aux couples qui devront savoir dans quelles conditions les embryons cesseront d'être conservés, en cas de décès ou de divorce. »

Le rapporteur considère pour sa part qu'il est utile de prévenir dès le départ les couples concernés de l'impossibilité de réaliser un transfert d'embryon après la mort de l'homme du couple. La femme concernée ne doit pas, en cas de mort subite de son mari ou conjoint, découvrir ensuite que le projet parental construit avec le défunt prend fin du même coup. Elle doit être consciente dès le début de la démarche que le projet parental ne sera plus possible en cas de décès de son partenaire, ce qui lui évitera le cas échéant de cumuler deux douleurs, celle de la perte de l'être aimé et celle de découvrir que le projet d'enfant avec cet homme ne pourra plus légalement se réaliser - même si techniquement, cela serait possible.

Il faut enfin relever que l'Assemblée nationale a en première lecture prévu, à l'initiative de Mmes Yvette Roudy et Martine Lignières-Cassou, que les couples sont également informés des effets secondaires et des risques à court et long terme ainsi que de la pénibilité et des contraintes liées à la démarche. Le Sénat n'est pas revenu sur cet ajout. Le rapporteur considère qu'il est utile en effet d'informer de façon pleine et entière les couples sur tous les aspects, positifs comme négatifs, des techniques de l'AMP afin que ceux qui décident de s'y engager le fassent en totale connaissance de cause.

_Article L. 2141-11 du code de la santé publique relatif au recueil et à la conservation des gamètes en vue de la réalisation ultérieure de l'assistance médicale à la procréation

Cet article détermine les conditions dans lesquelles tout homme ou toute femme peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes en vue de réaliser ultérieurement une assistance médicale à la procréation, lorsque cet homme ou cette femme doit subir un traitement médical susceptible d'altérer sa fertilité. Il va de soi que cette opération se fait avec le consentement de la personne concernée et si cette personne est mineure ou majeure mais faisant l'objet d'une mesure de tutelle, avec le consentement dans le premier cas des titulaires de l'autorité parentale, et dans le second cas du tuteur.

L'Assemblée nationale a en première lecture précisé que le recueil et la conservation peut concerner, soit les gamètes, soit « un fragment de tissu germinal », ce qui constitue une précision utile que le Sénat a opportunément maintenue.

_ Article L. 2141-12 du code de la santé publique relatif aux modalités d'application du chapitre Ier du titre IV du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique

Cet article, qui prévoit la publication d'un décret en conseil d'Etat sur les modalités d'applications de l'ensemble des dispositions relatives à l'AMP, n'a été modifié ni par l'Assemblée nationale en première lecture ni par le Sénat.

L'alinéa qui venait compléter dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture l'article L. 2141-12 s'agissant de l'information devant être communiquée aux couples en matière de transfert d'embryon post mortem a, par cohérence, été supprimé par le Sénat lors de la séance du 29 janvier 2003, avec avis favorable du gouvernement, puisque la possibilité de transfert post mortem a été écartée dans son principe même par le Sénat pour des raisons déjà exposées. Le rapporteur souhaite, également par cohérence avec sa position précédemment développée, maintenir cette suppression.

_ Article L. 2142-1 du code de la santé publique relatif à la définition des activités cliniques d'AMP

Le projet de loi vise à ajouter à l'article L. 2142-1 du code de la santé publique la mention à la technique de la stimulation ovarienne, par cohérence avec ce qui a été fait à l'article L. 2141-1. Désormais, il existe deux techniques qui, tout en entrant dans la définition des activités cliniques d'AMP, peuvent être pratiquées ailleurs qu'obligatoirement dans des établissements de santé : il s'agit de l'insémination artificielle et de la stimulation ovarienne.

Le dernier alinéa de l'article L. 2142-1 dispose actuellement que l'autorisation des établissements concernés est accordée après avis de la Commission nationale de médecine et de la biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal et avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale. L'Assemblée nationale a en première lecture substitué à l'avis de la CNMBRDP celui de l'APEGH par cohérence avec le texte adopté par l'Assemblée en matière d'agence. Le Sénat n'a pas choisi, comme il aurait pu le faire logiquement, de substituer à l'avis de la CNMRBRDP celui de l'Agence de la biomédecine, mais a préféré, à l'initiative du gouvernement, supprimer purement et simplement la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 2142-1. En réalité, le dispositif prévu par le gouvernement figure désormais dans un article nouveau : l'article L. 2142-1-1 inséré après l'article L. 2142-1 du code de la santé publique.

_ Article L. 2142-1-1 nouveau du code de la santé publique relatif à l'agrément des établissements et des praticiens

Cet article introduit au Sénat à l'initiative du gouvernement comporte deux alinéas. Le premier indique que les praticiens habilités à procéder aux activités cliniques et biologiques d'AMP sont agréés par l'Agence de la biomédecine. Selon le dernier alinéa, l'autorité administrative qui délivre l'autorisation de pratiquer ces activités est informée du nom des praticiens concernés.

Cet article permet d'identifier à la fois les établissements mais également au sein des établissements, les praticiens compétents en matière d'activités cliniques et biologiques de l'AMP.

_ Article L. 2142-2 du code de la santé publique relatif au rapport annuel d'activité de tout établissement autorisé à pratiquer des AMP

Actuellement, cet article prévoit dans son premier alinéa la remise par tout établissement ou laboratoire d'un rapport annuel d'activité devant être présenté au ministre chargé de la santé. Le Sénat a, lors de la séance du 29 janvier 2003, à l'initiative du gouvernement, modifié ce premier alinéa afin que le rapport annuel d'activité soit présenté à l'agence régionale de l'hospitalisation et à l'Agence de la biomédecine. Le ministre de la santé ne sera donc plus destinataire de ces rapports.

Cette rédaction présente l'avantage d'étendre le champ de compétences de l'Agence de la biomédecine.

_ Article L. 2142-3 du code de la santé publique s'agissant du retrait de l'autorisation

Cet article porte sur le retrait de l'autorisation d'un établissement ou d'un laboratoire. Le deuxième alinéa actuel de cet article indique que ce retrait, qui est aux termes du premier alinéa, encouru en cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires, est également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l'autorisation. Le projet de loi modifie la rédaction de ce deuxième alinéa pour le compléter en prévoyant que le retrait de l'autorisation peut avoir également pour cause un problème de volume d'activité ou de qualité des résultats obtenus. Ni l'Assemblée nationale en première lecture ni le Sénat n'ont modifié cette rédaction

Ainsi l'article L. 2142-3 tel qu'il résulte du présent projet de loi prévoit quatre motifs de retrait de l'autorisation :

- la violation des prescriptions législatives et réglementaires ;

- la violation des prescriptions fixées par l'autorisation ;

- un volume d'activité insuffisant ;

- des résultats de qualité insuffisante.

Il faut relever que, par cohérence avec la nouvelle architecture mise en place par le gouvernement au Sénat, le dernier alinéa de l'article L. 2142-3 a été supprimé, à l'initiative du gouvernement, lors de la séance du 29 janvier 2003 ; cet alinéa prévoyait que la décision de retrait était prise après avis motivé de la CNMBRDP et publiée au Journal officiel.

_ Article L. 2142-4 du code de la santé publique relatif aux modalités d'application du chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique sur les conditions d'autorisation et de fonctionnement des établissements compétents en matière d'assistance médicale à la procréation

Le décret devant être pris en Conseil d'Etat devra porter sur plusieurs points :

- le contenu des actes cliniques et biologiques d'AMP ;

- les conditions de fonctionnement des établissements et laboratoires concernés ;

- les conditions de formation et d'expérience des praticiens

- les conditions d'agrément de ces derniers (ajout du Sénat à l'initiative du gouvernement) ;

- les conditions d'organisation des activités d'AMP ;

- les modalités de tenue des registres relatifs aux gamètes et embryons faisant l'objet d'une conservation ;

- les modalités pratiques de la mise en œuvre des déplacements d'embryons (ajout de l'Assemblée nationale en première lecture, non remis en cause par le Sénat).

*

Article L. 2141-1 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à interdire l'utilisation des précurseurs des spermatozoïdes dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation par la méthode de l'ICSI (« intracytoplasmic sperm injection ») afin d'éviter tout risque de transmission de la stérilité du père à l'enfant.

Mme Chantal Bourragué a rappelé que ce risque de transmission n'est pas prouvé scientifiquement et que les couples demandeurs doivent pouvoir réaliser leur projet parental.

M. Jean-Marie Le Guen a considéré que cet amendement, visant en réalité à éviter que naissent des enfants atteints de stérilité transmise par le père, pouvait être considéré comme relevant d'une logique d'eugénisme.

Mme Jacqueline Fraysse a estimé que la méthode de l'ICSI suscite certes de nombreuses interrogations dans le monde médical. Cependant, le législateur ne saurait valablement intervenir dans un domaine qui relève spécifiquement des compétences scientifiques et médicales.

Après que le rapporteur a indiqué que le rôle du législateur ne consiste pas à s'immiscer dans le choix de la technique retenue par le couple, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys tendant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en ce qui concerne l'encadrement des pratiques de stimulation ovarienne.

Après que le rapporteur a indiqué que cet encadrement, comme celui du recours à l'ICSI, relève des prérogatives des agences - au premier rang desquelles l'Agence de la biomédecine - compétentes pour l'édiction de règles de bonnes pratiques, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys tendant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, lequel prévoyait la possibilité de concevoir in vitro des embryons à seule fin d'évaluation des techniques de l'assistance médicale à la procréation (AMP).

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi prohibe la fabrication d'embryons in vitro pour les besoins de la recherche ; de la même manière, il est logique d'interdire la conception d'embryons à des fins d'évaluation des techniques de l'AMP.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 2141-2 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à préciser que le couple s'engageant dans une démarche d'assistance médicale à la procréation est formé d'un homme et d'une femme.

Le rapporteur a expliqué que cette précision figure d'ores et déjà à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique et qu'en conséquence, la préoccupation de Mme Boutin est satisfaite.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné, en discussion commune, un amendement du rapporteur et un amendement de M. Alain Claeys, portant sur l'accès des couples à l'AMP ainsi que sur les situations entraînant l'arrêt des activités d'AMP.

Le rapporteur a indiqué que son amendement tend à prévoir explicitement dans la loi les cas dans lesquels il est fait obstacle à la poursuite des activités d'assistance médicale à la procréation précédemment engagées par un couple. Ces cas sont au nombre de trois : le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête de divorce ou en séparation de corps, la cessation de la communauté de vie pour les couples non mariés. Quant à la terminologie de « dissolution » du couple, qui figure dans l'amendement de M. Alain Claeys, elle n'est manifestement pas la meilleure d'un point de vue juridique.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur et rejeté celui de M. Alain Claeys.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys tendant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en ce qui concerne la possibilité de transfert d'embryons post mortem.

Après que le rapporteur a indiqué son désaccord avec ces dispositions, pour des raisons qu'il a eu l'occasion d'exposer lors d'une précédente réunion de la commission, celle-ci a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite rejeté un amendement ayant un objet similaire présenté par Mme Martine Aurillac.

Article L. 2141-3 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à prélever au maximum trois ovocytes chez la femme engagée dans une démarche d'AMP, étant précisé que tous les embryons ainsi conçus devront être réimplantés.

Mme Christine Boutin a expliqué que son amendement tendait à éviter, à l'instar de ce que prévoit la législation allemande sur ce point, que ne soient créés de véritables « stocks » d'embryons surnuméraires pouvant ensuite faire l'objet de recherches.

Après que le rapporteur a exprimé son désaccord avec cet amendement qui implique une réduction des chances de réussite de l'AMP pour le couple et davantage de sujétions pour la femme, la commission l'a rejeté.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin supprimant l'information détaillée remise au couple sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne font plus l'objet d'un projet parental.

Après que le rapporteur a noté qu'il était absolument indispensable de fournir une information préalable au couple en la matière, la commission a rejeté l'amendement.

Article L. 2141-4 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin tendant à subordonner la destruction des embryons qui ne font plus l'objet d'un projet parental à l'absence de proposition d'accueil de ces embryons de la part d'un autre couple.

Après que le rapporteur a indiqué que cette démarche n'est, selon lui, pas acceptable, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à supprimer l'information annuelle délivrée par les centres concernés aux couples relative à la réalisation de leur projet parental.

Après que le rapporteur a indiqué être défavorable à la suppression de cette information qui participe d'une logique de responsabilisation des couples engagés dans cette démarche, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à réintroduire dans le texte du projet de loi des dispositions involontairement supprimées par le Sénat.

Le rapporteur a précisé qu'il est nécessaire de prévoir dans la loi la fin de la conservation des embryons dans deux cas : celui où le couple ne répond pas sur le point de savoir s'il maintient ou non le projet parental et celui où il existe un désaccord sur ce point entre l'homme et la femme.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin supprimant la possibilité pour les couples d'accepter que, de manière dérogatoire, des recherches soient menées sur les embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental.

Le rapporteur a rappelé que cette possibilité fait l'objet d'un encadrement très sérieux dans le projet de loi et que les protocoles de recherche doivent être préalablement autorisés par l'Agence de la biomédecine selon des critères stricts.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à clarifier la situation en matière de recherches sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental.

Le rapporteur a noté qu'il n'y a aucune raison de cantonner la recherche sur les embryons surnuméraires en stock à la date de promulgation du projet de loi. La recherche
- très encadrée - doit également pouvoir être menée sur des embryons qui ne feront plus l'objet de projet parental après la promulgation du texte.

Mme Christine Boutin a rappelé qu'en matière de recherche sur les embryons surnuméraires, les engagements pris lors de la discussion de la précédente loi en 1994 ne sont pas respectés. Contrairement à ce qui avait alors été certifié par les responsables de l'époque, des « stocks » d'embryons ont bien été constitués, ce qui permet aujourd'hui d'envisager que des recherches soient pratiquées sur un nombre très important d'entre eux.

La commission a adopté l'amendement.

Article L. 2141-4 du code de la santé publique

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à ce que l'embryon qui ne fait plus l'objet d'un projet parental ne soit pas considéré comme un « matériau » de recherche.

Article L. 2141-6 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à préciser un aspect de la procédure d'accueil par un couple d'embryons précédemment conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation pour un premier couple n'ayant plus de projet parental.

Le rapporteur a indiqué que l'article L. 2141-6 du code de la santé publique dispose dans son deuxième alinéa que l'autorité judiciaire prend la décision d'autoriser cet accueil d'embryons auprès du couple demandeur. Le projet de loi complète cet alinéa pour indiquer que l'autorisation est délivrée pour une période de trois ans renouvelable. Cet amendement prévoit que cette autorisation est renouvelable une seule fois, une période de six ans paraissant en effet suffisamment importante pour permettre la réalisation du projet parental.

La commission a adopté l'amendement.

Article L. 2141-7 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement de Mme Christine Boutin tendant à supprimer la possibilité pour un couple de faire appel à un tiers donneur dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation alors qu'aucun membre du couple ne présente le risque de transmettre une maladie d'une particulière gravité à l'enfant ou à l'autre membre du couple ou que l'échec des techniques d'assistance médicale à la procréation au sein du couple concerné n'a pas été constaté.

Mme Christine Boutin a souligné que la possibilité de faire appel à un tiers donneur alors que le couple concerné ne se trouve dans aucun des deux cas évoqués, consiste à promouvoir implicitement un mode de procréation toujours plus asexuée. Le recours à l'AMP ne peut être qu'une solution médicale visant à contourner des conditions objectives d'infécondité.

Le rapporteur a noté que le troisième cas possible de recours à un tiers donneur prévu par la loi concerne les couples qui, soit sont informés des faibles probabilités que l'AMP réussite en leur sein sans contribution des gamètes de tiers, soit renoncent en connaissance de cause à utiliser certaines méthodes comme l'ICSI jugées peu fiables par eux. Il convient de permettre à ces couples de recourir au tiers donneur pour réaliser leur projet parental.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin tendant à obliger le tiers donneur à fournir toute pièce justificative nécessaire à la conservation d'une trace de son identité dans un fichier créé à cet effet.

Faisant un parallèle avec le traumatisme vécu par de nombreux enfants issus de l'accouchement sous X, Mme Christine Boutin a estimé que le respect de l'anonymat en matière de filiation dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation est susceptible de provoquer de sérieuses difficultés.

Le rapporteur a considéré que l'amendement contrevient au principe d'anonymat du don et se heurte à la règle posée à l'article 16-8 du code civil qui interdit de divulguer une information permettant d'identifier celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 2141-9 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur relatif aux déplacements d'embryons.

Article L. 2141-10 du code de la santé publique

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement présenté par Mme Martine Aurillac tendant à préciser que l'implantation d'embryons post mortem est assujettie au consentement préalable exprimé par le conjoint de son vivant.

Article L. 2141-11 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à compléter cet article qui permet à toute personne devant subir un traitement médical susceptible d'altérer sa fertilité de bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou d'un fragment de tissu germinal, dans le but de réaliser ultérieurement un projet parental.

Le rapporteur a précisé que cet amendement vise notamment à étendre le dispositif de recueil et de conservation de gamètes en vue de la réalisation ultérieure d'un projet parental à un cas de figure particulier signalé lors de son audition par M. Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique : celui de la femme atteinte de ménopause précoce.

La commission a adopté cet amendement puis elle a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 18 bis

(articles 311-20, 311-21, 313-1, 315, 742-2 à 724-5 du code civil)

Dispositions permettant d'assurer la filiation et les droits successoraux de l'enfant né d'un transfert d'embryon réalisé après le décès du père

Cet article, qui avait pour objet de prévoir le régime successoral applicable aux enfants issus d'un transfert d'embryon après le décès de leur père, a été supprimé au Sénat par l'adoption d'un amendement de M. Francis Giraud, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales.

Il s'agit d'un amendement de cohérence puisque le Sénat a, avec avis favorable du gouvernement, supprimé du texte du projet de loi toute référence à la possibilité de transfert post-mortem qui avait été prévue par l'Assemblée nationale en première lecture.

*

La commission a examiné un amendement présenté par M. Alain Claeys de rétablissement de l'article 18 bis dans la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et supprimé par le Sénat par cohérence avec la suppression de la possibilité de procéder à un transfert d'embryons post mortem.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté cet amendement. Elle a donc maintenu la suppression de l'article 18 bis.

3ème partie du rapport

N° 0761 - Rapport  sur le projet de loi relatif à la bioéthique (2ème lecture) (M. Pierre-Louis Fagniez)

1 Y compris une séquence totale ou partielle de gène de l'ADN humain.

2  « La protection [par brevet] ne s'étend à des données biologiques existant à l'état naturel dans l'être humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation d'une application industrielle particulière » (considérant 75), mais elle s'étend bien à la matière biologique naturelle.

3 Dans un arrêt Tête du 6 février 1998, le Conseil d'Etat a ainsi jugé que toute règle de droit interne incompatible avec les objectifs d'une directive cesse de s'appliquer à l'expiration du délai de transposition.

4  Seuls six Etats membres avaient achevé la transposition début 2003, à savoir le Danemark, la Finlande, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Grèce et l'Espagne.

5 Selon la CJCE, le respect dû à la dignité de la personne humaine est assuré par l'interdiction de breveter le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement.

6 Rapport sur « le clonage, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires », établi en février 2000 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapporteurs : MM. Alain Claeys et Claude Huriet

7 En fait, des clonages avaient déjà été menés à bien, d'une part sur des batraciens et d'autre part à partir de cellules fœtales déjà différenciées de mammifères, mais jamais sur l'adulte.

8 Les textes internationaux (non seulement le protocole additionnel à la convention d'Oviedo, mais également la déclaration universelle sur le génome, ou la Charte européenne des droits fondamentaux) ont retenu des définitions du clonage reproductif mettant en avant la finalité de créer un être humain ayant en commun avec un autre être humain l'ensemble des gênes nucléaires.

9 La femme doit déclarer sa grossesse, mais également se prêter à des examens prénataux, dont le nombre n'a cessé de croître au cours des dernières décennies. On peut rappeler que la pratique de l'amniocentèse date de 1972 en France, celle de l'échographie de 1974.

L'échographie permet une visualisation indirecte de l'embryon ou du fœtus grâce aux ultrasons envoyés à travers les tissus. Elle permet de rechercher la présence d'anomalies morphologiques : anencéphalie, hydrocéphalie, omphalocèle, atrésie digestive, tumeurs diverses. Quant à l'embryoscopie, elle consiste à introduire un système optique par le col de l'utérus afin d'observer l'embryon dans sa poche des eaux. Cette technique permet le dépistage précoce (entre six et dix semaines) de certaines anomalies graves de la tête et des membres.

La foetoscopie, qui consiste à introduire, à travers la paroi abdominale de la mère, dans la cavité utérine, un système optique pour observer le fœtus, permet un diagnostic plus tardif (entre vingt et vingt-deux semaines d'aménorrhée) de nombreuses malformations notamment de la tête, des membres ou des organes génitaux.

La choriocentèse consiste à effectuer une biopsie de villosités choriales. Cette technique présente un intérêt diagnostique important puisque quelques milligrammes de villosités choriales contiennent tout le potentiel génétique de l'embryon. Il est ainsi possible d'extraire et d'analyser de l'ADN, de déceler de nombreuses maladies (hémophilie A ou B, fragilité du chromosome X, myopathie de Duchenne), et de dépister des trisomies.

10 La loi du 17 janvier 1975 a été modifiée par la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption de grossesse et à la contraception. Cette loi a notamment substitué à l'ancien motif « thérapeutique » le motif « médical » s'agissant des interruptions de grossesse décidées du fait de la présence chez l'enfant à naître d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable.

11  L'insémination artificielle, qui consiste techniquement à introduire, à l'aide d'un dispositif spécial d'injection, une certaine quantité de sperme dans le vagin, peut être réalisée avec le sperme du conjoint ou du concubin (IAC) ou avec celui d'un tiers donneur (IAD). Les indications de l'IAC sont notamment l'insuffisance spermatique, certaines anomalies génitales, l'impuissance ou bien encore la prévention d'une stérilité à venir (situation où le conjoint ou le concubin doit subir une intervention ou un traitement susceptible de provoquer une stérilité). Les indications de l'IAD sont principalement l'insuffisance spermatique sévère et la prédisposition à la transmission d'une maladie génétique de l'enfant à naître. L'insémination artificielle est généralement, mais pas exclusivement, considérée comme un procédé permettant de pallier un problème de stérilité masculine. Avec l'insémination artificielle, la fécondation s'effectue naturellement dans l'une des trompes de la femme, avec le potentiel génétique de celle-ci (contenu dans l'ovule). La femme est donc à la fois génitrice et gestatrice.

12 La fécondation in vitro est la conception réalisée en laboratoire, en éprouvette, et donc en dehors du corps de la femme. Cette technique dissocie la conception de la gestation. Elle nécessite préalablement le recueil des gamètes de l'homme et de la femme et leur préparation. Ces gamètes sont ensuite mises en contact dans un milieu de culture approprié, pendant quarante-huit heures environ. Pour augmenter le rendement de la méthode, on utilise plusieurs ovocytes (d'où la stimulation ovarienne). C'est ainsi que l'on obtient d'abord des embryons en surnombre, ce qui explique leur congélation. La fécondation in vitro (FIV) est normalement suivie d'un transfert in utero d'un ou de plusieurs embryons (FIVETE). La FIVETE répondait initialement à une stérilité féminine d'origine tubaire (obturation, altération ou ablation des trompes de Fallope). Il n'était donc pas initialement nécessaire de recourir à des gamètes extérieurs au couple. Aujourd'hui, la technique est également utilisée pour surmonter d'autres causes de stérilité aussi bien masculines que féminines, et peut être pratiquée avec les gamètes de tiers donneurs (dons de sperme ou d'ovocyte).

13 Le 2° du paragraphe I de l'article 18 du projet de loi a opéré une renumérotation de l'article L. 2141-5 qui devient l'article L.. 2141-6 du code de la santé publique.


© Assemblée nationale