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le  20 mai 2003

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N° 856

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 784), portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

PAR M. Jean-Luc WARSMANN,

Député.

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TOME I : RAPPORT

(1ère partie)

Droit pénal.

INTRODUCTION 15

I. - LA LUTTE CONTRE LES NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ 16

A. LA DÉLINQUANCE ET LA CRIMINALITÉ ORGANISÉES 16

B. LA DÉLINQUANCE ET LA CRIMINALITÉ INTERNATIONALES 17

C. LES NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ 18

1. Les infractions en matière économique et financière, de santé publique et de pollution maritime 19

2. Les discriminations 21

II. - LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE 21

A. L'AMÉLIORATION ET LA DIVERSIFICATION DE LA RÉPONSE PÉNALE 21

1. La cohérence et l'effectivité de la réponse pénale 21

2. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité 22

B. LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DES ENQUÊTES 23

C. LA SIMPLIFICATION DES RÈGLES DE L'INSTRUCTION 24

D. LA MISE EN CONFORMITÉ DES PROCÉDURES DE JUGEMENT AVEC LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME 26

1. Le jugement en matière correctionnelle 26

2. Le jugement en matière criminelle 27

E. LA NÉCESSAIRE REFONTE DU RÉGIME DE L'APPLICATION DES PEINES 28

AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, ET DISCUSSION GÉNÉRALE 29

EXAMEN DES ARTICLES 39

TITRE IER : DISPOSITIONS RENFORCANT LA LUTTE CONTRE LES FORMES NOUVELLES DE DÉLINQUANCE ET DE CRIMINALITÉ 39

Chapitre Ier Dispositions renforçant la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées 39

Section 1 Dispositions renforçant l'efficacité des procédures relatives à la délinquance et la criminalité organisées 39

I. -  LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE, UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À ÉVALUER MAIS QUI SE DÉVELOPPE 40

A. LA DIFFICULTÉ D'EN MESURER PRÉCISÉMENT L'AMPLEUR... 40

B. LE DÉVELOPPEMENT DE CERTAINES FORMES DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE SUR NOTRE TERRITOIRE EST AVÉRÉ 42

II. - UNE RÉPONSE PÉNALE PARTIELLE QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉE 46

A. SI LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE EST PRISE EN COMPTE PAR LE DROIT PÉNAL ... 46

B. LES INSTRUMENTS PROCÉDURAUX AU SERVICE DES ENQUÊTEURS SONT INSUFFISANTS ET DOIVENT ETRE RENFORCÉS 49

Article premier (titre XXV [nouveau] du code de procédure pénale) De la procédure applicable à la délinquance et à la criminalité organisées 52

Article 706-73 [nouveau] du code de procédure pénale Détermination des infractions relevant de la criminalité organisée 53

Article 706-74 [nouveau] du code de procédure pénale Autres infractions relevant de la criminalité organisée 57

Chapitre I - Compétences des juridictions spécialisées 59

Article 706-75 à 706-79 [nouveaux] du code de procédure pénale : Création et détermination du champ de compétence territoriale des juridictions spécialisées 59

Chapitre II - Procédure 63

Section 1 : De la surveillance 63

Article 706-80 [nouveau] du code de procédure pénale 63

Section 2 : De l'infiltration 64

Articles 706-81 à 706-87 [nouveaux] du code de procédure pénale 64

Section 3 : De la garde à vue 71

Article 706-88 [nouveau] du code de procédure pénale 71

Section 4 : Des perquisitions 74

Article 706-89 à 706-95 [nouveaux] du code de procédure pénale 74

Section 5 : Des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications 79

Article 706-96 [nouveau] du code de procédure pénale 79

Section 6 : De l'utilisation de moyens de communications audiovisuelle en cas de prolongation de la détention provisoire 81

Article 706-97 [nouveau] du code de procédure pénale 81

Section 7 : Des mesures conservatoires 83

Article 706-98 [nouveau] du code de procédure pénale 83

Section 8 : Dispositions communes 84

Articles 706-99, 706-100 et 706-101 [nouveaux] du code de procédure pénale 84

Articles additionnels après l'article 1er (art. 77-2 du code de procédure pénale) Communication du dossier à la personne gardée à vue six mois auparavant 87

Article 100-7 du code de procédure pénale) : Interceptions des correspondances de magistrats 87

Section 2 : Dispositions renforçant la répression de la délinquance et de la criminalité organisées 87

Article 2 (art. 221-4, 225-1-1, 222-3, 222-49, 227-22, 227-23, 313-2, 421-5, 434-30, 442-1, 442-2, 450-5 [nouveau] du code pénal, art. 3 de la loi du 19 juin 1871, art. 24, 26, 31 du décret du 18 avril 1939, art. 6 de la loi du 3 juillet 1970 et art. 4 de la loi du 9 juin 1972) : Élargissement du champ d'application de la circonstance aggravante de bande organisée et de la peine complémentaire de confiscation des biens - renforcement de la répression du faux monnayage - dispositions diverses 88

Articles additionnels après l'article 2 (art. 322-6-1 [nouveau] du code pénal) : Diffusion de procédés de fabrication de bombes 91

(article 421-2 du code pénal) : Acte de terrorisme consistant à introduire une substance toxique dans les aliments ou la chaîne alimentaire 91

Article 3 (section III du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal, art. 132-78, 221-5-3, 222-6-2, 222-43-1, 224-5-1, 224-8-1, 225-4-9, 225-1-1, 311-9-1 et 312-6-1 [nouveaux] du code pénal, art. 3-1 [nouveau] de la loi du 19 juin 1871, art. 35-1 [nouveau] du décret du 18 avril 1939, art. 6-1 [nouveau] de la loi du 3 juillet 1970 et art. 4-1 de la loi du 9 juin 1972) : Dispositions relatives au repenti 92

Article 4 (art. 434-7-2 [nouveau] du code pénal) : Entrave au fonctionnement de la justice - Divulgation d'informations 103

Section 3 Dispositions de coordination 104

Article 5 (art. 63-4, 85, 393, 397-1, 706-2, 706-26, 706-30 et 706-32 du code de procédure pénale) : Coordination en matière de garde à vue, saisine des juridictions spécialisées, saisies conservatoires et infiltrations 104

Après l'article 5 105

Chapitre II : Dispositions renforçant la lutte contre la délinquance et la criminalité internationales 105

Article 6 (art. 694 à 694-9 [nouveaux], 695 à 695-10 [nouveaux], 706-71 du code de procédure pénale et art. 30 de la loi du 10 mars 1927 ) : Entraide judiciaire internationale 105

Chapitre Ier Dispositions générales 106

Section 1 Transmission et exécution des demandes d'entraide 106

Article  694 du code de procédure pénale : Transmission des demandes d'entraide émanant des autorités judiciares étrangères 106

Article  694-1 du code de procédure pénale : Modalités de transmission directe aux autorités jduciaires françaises des demandes émanant des autorités judiciaires étrangères 107

Article 694-2 du code de procédure pénale : Compétences du procureur de la République et du juge d'instruction 108

Article 694-3 du code de procédure pénale : Modalités d'exécution des demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères 109

Article 694-4 du code de procédure pénale : Clause de sauvegarde 110

Section 2 : Dispositions applicables à certains types de demande d'entraide 111

Article 694-5 du code de procédure pénale : Audition à distance des témoins 111

Article  694-6 du code de procédure pénale : Extension de compétence territoriale de la police judiciaire française pour les opérations de surveillance faites à l'étranger 112

Articles 694-7 et 694-8 du code de procédure pénale : Possibilité pour les agents étrangers de poursuivre en France une opération d'infiltration - Possibilité pour l'autorité judiciaire française de recourir à des agents étrangers pour une opération d'infiltration 113

Article 694-9 du code de procédure pénale : Communication aux autorités judiciaires étrangères des informations issues d'une procédure pénale en cours 114

Chapitre II Dispositions propres à l'entraide entre les États membres de l'Union européenne 115

Article 695 du code de procédure pénale : Champ d'application du chapitre II 115

Section 1 : Transmission et exécution des demandes d'entraide 116

Article 695-1 du code de procédure pénale : Transmission directe des demandes d'entraide communautaires 116

Section 2 : Des équipes communes d'enquête 117

Articles 695-2 et 695-3 du code de procédure pénale : Compétence des agents détachés dans les équipes communes d'enquête 117

Section 3 : De l'unité Eurojust 120

Article 695-4 du code de procédure pénale : Rôle d'Eurojust 121

Articles 695-5, 695-6 et 695-7 du code de procédure pénale : Pouvoirs d'Eurojust 121

Section 4 : Du représentant national auprès d'Eurojust 123

Article 695-8 du code de procédure pénale : Conditions de nomination du représentant national auprès d'Eurojust 123

Article 695-9 du code de procédure pénale : Pouvoirs du représentant national auprès d'Eurojust 124

Chapitre III Dispositions propres à l'entraide entre la France et certains États 125

2ème partie du rapport

Chapitre III Dispositions renforçant la lutte contre les infractions en matière économique et financière, de santé publique ou de pollution maritime 125

I. - LA SPÉCIALISATION, RÉPONSE À L'ADAPTATION DES STRUCTURES JUDICIAIRES AUX NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ

A. LA NOTION DE PÔLE SPÉCIALISÉ : DERRIÈRE UN LABEL UNIFICATEUR, UNE RÉALITÉ DIVERSIFIÉE

B. DES PÔLES SPÉCIALISÉS INSUFFISAMMENT UTILISÉS COMME VECTEURS D'EFFICACITÉ ET DE MODERNISATION DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

II. - LA NÉCESSAIRE RELANCE DE LA JUSTICE SPÉCIALISÉE : LE PROJET DE LOI OU LE CHOIX DE LA COHÉRENCE

A. UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SPÉCIALISATION

B. UNE JUSTICE SPÉCIALISÉE RENFORCÉE

Section 1 : Dispositions relatives aux infractions en matière économique et financièreArticle 7 (art. 704, 705-1 et 705-2 [nouveaux], 706 et 706-1 du code de procédure pénale) : Des pôles spécialisés en matière économique et financière

Article 704 du code de procédure pénale : Extension de la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière

Article 705-1 et 705-2 [nouveaux] du code de procédure pénale : Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit des juridictions spécialisées en matière économique et financière

Article 706 du code de procédure pénale : Fonctions et attributions des assistants spécialisés

Article 706-1 du code de procédure pénale : Procédure de dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Paris

Article additionnel après l'article 7 (art. 3, 4, 5, 6, 7 bis [nouveau] de la loi du 21 mai 1836 et art. 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983) : Clarification de la législation sur les loteries

Section 2 : Dispositions relatives aux infractions en matière de santé publique

Article 8 (art. 706-2 du code de procédure pénale) : De la compétence et des moyens dévolus aux juridictions spécialisées en matière de santé publique

Section 3 : Dispositions relatives aux aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires

I. - LA PÉNALISATION DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : UN DÉBAT RÉCENT...

A. CRIMINALISER LE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : DES OBSTACLES NOMBREUX

B. L'EUROPE AUX AVANT-POSTES : L'ERIKA OU LA PRISE DE CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE

II. - LE PROJET DE LOI OU LE VOLONTARISME NATIONAL ENTRE DYNAMIQUES EUROPÉENNES ET ATTENTISME INTERNATIONAL

A. LES CONSÉQUENCES DE LA CATASTROPHE DU PRESTIGE : VERS UN DROIT PÉNAL EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT

B. LE PROJET DE LOI : JETER LES BASES D'UNE RÉPRESSION EFFICACE DES INFRACTIONS DANS LES EAUX MARITIMES

Article 9 (art. 706-102, 706-103, 706-104, 706-105 et 706-106 [nouveaux] du code de procédure pénale) : De la procédure applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires

Article 706-102 du code de procédure pénale : Compétence des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

Article 706-103 du code de procédure pénale : Compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de pollution maritime

Article 706-104 du code de procédure pénale : Compétence concurrente des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

Articles 706-105 et 706-106 du code de procédure pénale : Procédure de dessaisissement du juge non spécialisé au profit des juridictions spécialisées en matière de pollution maritime

Article10 (art. L. 218-10, L. 218-22, L. 218-24, L. 218-25 et L. 218-29 du code de l'environnement) : Aggravation de la répression des infractions en matière de pollution maritime

Section 4 : Dispositions relativesaux infractions en matière douanière

Article 11 (art. 28-1 du code de procédure pénale, art. 67 bis et 343-3 du code des douanes, art. L. 235 du livre des procédures fiscales et art. L. 152-4 du code monétaire et financier) : Amélioration de l'efficacité de la douane judiciaire et de la douane administrative

Après l'article 11

Chapitre IV: Dispositions concernant la lutte contre les discriminations

Section 1 : Dispositions relatives à la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste

Article additionnel avant l'article 12 (art. 132-76 du code pénal) : Définition de la circonstance aggravante de racisme

Articles 12 et 13 (art. 222-18-1 [nouveau], 311-4 et 312-2 du code pénal) : Extension de la circonstance aggravante des infractions à caractère raciste ou discriminatoire à l'encontre des infractions à caractère raciste ou discriminatoire

Article 15 (art. 2-1 du code de procédure pénale) : Constitution de partie civile par certaines associations

Section 2 : Dispositions procédurales relatives à la répression des messages ractistes ou xénophobes

Article 16 (art. 65-3 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Modification du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste ou discriminatoire commises par voie de presse

Après l'article 16

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES A L'ACTION PUBLIQUE, AUX ENQUÊTES, A L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT ET A L'APPLICATION DES PEINES

Chapitre premier: Dispositions relatives à l'action publique

Section 1 : Dispositions généralesArticle 17 (art. 30 du code de procédure pénale) : Attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale

Article 18 (art. 35 du code de procédure pénale) : Rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale

Article 19 (art. 37 du code de procédure pénale) : Injonction des procureurs généraux en matière d'engagement des poursuites

Article additionnel après l'article 19 : (art. 40 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République des juridictions spécialisées

Article 20 (art. 40-3 [nouveau] du code de procédure pénale) : Coordination

Article 21 (art. 40-1 et 40-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Principe de la réponse judiciaire systématique

Après l'article 21

Section 2 : Dispositions relatives à la composition pénale et aux autres procédures alternatives aux poursuites

Article 22 (art. 41-1 du code de procédure pénale) : Engagement de poursuites en cas d'échec d'une mesure alternative aux poursuites

Article 23 (art. 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale) : Amélioration et élargissement de la composition pénale

Section 3 : Dispositions diverses et de coordination

Article additionnel avant l'article 24 (art. 706-53-1 du code de procédure pénale) : Allongement du délai de prescription des infractions de nature sexuelle commises contre des mineurs

Article 24 (art. 2211-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) Rappel de certaines dispositions relatives aux échanges d'informations relatifs à des crimes ou délits entre les maires et les parquets

Article 25 (art. 40 du code de procédure pénale) Coordination

Chapitre II : Dispositions relatives aux enquêtes

Section 1 : Dispositions concernant le dépôt de plainte, la durée ou l'objet des enquêtes

Avant l'article 26

Article 26 (art. 15-3, 53 et 74 du code de procédure pénale) Dispositions relatives au dépôt de plainte, à la durée de l'enquête de flagrance et à la procédure de recherche des causes de la mort

Section 2 : Dispositions concernant les perquisitions et les réquisitions6

Article 27 (art. 56 du code de procédure pénale) Présence des témoins durant les perquisitions

Après l'article 27

Article 28 (art. 60-2 et 77-1-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) Extension des réquisitions judiciaires

Section 3 : Dispositions relatives aux personnes convoquées, recherchées ou gardées à vue au cours de l'enquête

Avant l'article 29Articles additionnels avant l'article 29 (art. 75-2 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République dans le cadre d'une enquête préliminaire

(art. 77-3 du code de procédure pénale) Demande d'information d'une personne gardée à vue sur les suites données à la procédure personnes convoquées et intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue

Après l'article 29

Articles additionnels après l'article 29 (art. 77 du code de procédure pénale) Information du procureur de la République lors du placement en garde à vue

(art. 63 et 77 du code de procédure pénale) Légalisation de la rétention de la personne dont la garde à vue est achevée mais qui doit être présentée à un magistrat

(art. 63-1 du code de procédure pénale) Notification des droits à la personne gardée à vue

(art. 63-4 du code de procédure pénale) : Modalités d'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue

Article 30 (art. 70 et 77-4 du code de procédure pénale) : Mise en place du mandat de recherche

Après l'article 30

Article 31 (art. 74-2 du code de procédure pénale) : Recherche des personnes en fuite

Après l'article 31

3ème partie du rapport

Chapitre III : Dispositions relatives à l'instruction

Section 1 : Dispositions relatives aux droits des victimes

Avant l'article 32

Article 32 (art. 90-1 [nouveau] et 175-3 du code de procédure pénale) Information des victimes

Article 33 (art. 91-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Indemnisation des parties civiles lors de leur comparution devant le juge d'instruction

Article 34 (art. 138-1 [nouveau] et 144-2 du code de procédure pénale) Prise en compte de l'intérêt de la victime lors d'un contrôle judiciaire ou d'une mise en liberté

Article 35 (art. 142 du code de procédure pénale) Constitution de sûretés dans le cadre du contrôle judiciaire

Article additionnel après l'article 35 (art. 85, 86, 88-1 et 800-1 du code de procédure pénale) Plainte avec constitution de partie civile

Après l'article 35

Section 2 : Dispositions relatives aux témoins et aux témoins assistés7

Article 36 (art. 102 du code de procédure pénale) Modalités d'audition des témoins

Article 37 (art. 113-1, 113-2, 113-3, 113-8, 120, 167, 170 et 175 du code de procédure pénale) Témoin assisté

Après l'article 37

Section 3 : Dispositions relatives aux mandats

Article 38 (art. 122, 123, 134, 135-1 [nouveau] et 136 du code de procédure pénale) Création d'un mandat de recherche

Article 39 (art. 125, 126, 132, 133, 133-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Règles relatives à l'exécution des mandats

Article 40 (art. 135-2 et 135-3 [nouveaux] du code de procédure pénale) Exécution du mandat d'arrêt après le règlement de l'information - Inscription des mandats d'arrêt et de recherche au fichier des personnes recherchées

Après l'article 40

Article 41 (art. 141-2, 179, 181, 215, 215-2, 272-1, 367 et 380-4 du code de procédure pénale) Suppression de l'ordonnance de prise de corps

Après l'article 41

Section 4 : Dispositions relatives aux commissions rogatoires

Article 42 (art. 152, 153 et 154 du code de procédure pénale) Dispositions de simplification des commissions rogatoires

Section 5 : Dispositions concernant les expertises

Avant l'article 43

Article 43 (art. 163, 164, 166 et 167 du code de procédure pénale) Dispositions de simplification des expertises

Section 6 : Dispositions concernant la chambre de l'instruction et son président

Article 44 (art. 186, 201, 206, 207 et 221 du code de procédure pénale) Pouvoirs de la chambre de l'instruction et de son président

Article additionnel après l'article 44 (art 217 du code de procédure pénale) Notification des arrêts de mise en accusation

Section 7 : Dispositions diverses de simplification

Avant l'article 45

Article 45 (art. 82 du code de procédure pénale) : Saisine directe de la chambre de l'instruction par le procureur de la République

Article 46 (art. 83 du code de procédure pénale) : Désignation de plusieurs juges d'instruction pour suivre un même dossier

Article 47 (art. 84 du code de procédure pénale) : Suppléance du juge d'instruction en cas d'urgence

Article 48 (art. 82-3 du code de procédure pénale) : Régime juridique des demandes tendant à faire constater la prescription

Article 49 (art. 99-3 [nouveau] du code de procédure pénale) : Réquisitions du juge d'instruction

Article 50 (art. 115 du code de procédure pénale) : Modalités de désignation d'un avocat au cours de l'instruction

Article 51 (art. 118 du code de procédure pénale) : Substitution d'une qualification criminelle à une qualification correctionnelle

Article 52 (art. 119 du code de procédure pénale) : Possibilité pour le procureur de la République d'assister à l'audition d'un témoin

Article 53 (art. 137-1 du code de procédure pénale) : Suppléance du juge des libertés et de la détention

Après l'article 53

Article 54 (art. 173-1 du code de procédure pénale) : Délai pour soulever les nullités de la procédure

Articles additionnels après l'article 54 (art. 177 du code de procédure pénale) : Ordonnance de non-lieu à la suite du décès ou d'une décision d'irresponsabilité pénale de la personne mise en examen

(art. 179-1 et 530-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Déclaration d'adresse

Article 55 (art. 186-3 [nouveau] et 469 du code de procédure pénale) : Correctionnalisation judiciaire

Après l'article 55

Section 8 : Dispositions diverses de coordination

Article 56 (art. 41-4, 114, 117, 138, 142, 148-1-1, 156, 207-1 du code de procédure pénale et art. L. 141-1 et L. 141-2 du code de l'organisation judiciaire) : Coordinations

Chapitre IV : Dispositions relatives au jugement8

Section 1 : Dispositions relatives au jugement des délits8

Avant l'article 57

Article 57 (art. 41, 394, 396 et 397-1 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives à la comparution immédiate

Après l'article 57

Article additionnel après l'article 57 (art. 399 du code de procédure pénale) Fixation des audiences correctionnelles

Article 58 (Art. 410, 410-1, 411, 412, 412-1 et 412-2 [nouveaux], 416, 465, 498, 498-1 [nouveau] et 568 du code de procédure pénale) : Jugement d'un prévenu en son absence

Article 59 (art. 464 du code de procédure pénale) : Jugement sur les intérêts civilsArticle 60 (art. 495 et 495-3 du code de procédure pénale) : Ordonnance pénale en matière délictuelle

Article additionnel après l'article 60 (art. 495-6 du code de procédure pénale) : Audiences sur les intérêts civils dans le cadre d'une ordonnance pénale

Article 61 (art. 495-7 à 495-16 et 520-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Article 62 (art. 505-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Filtre des appels par le président de la chambre des appels correctionnels

Après l'article 62

Articles additionnels après l'article 62 (art. 511 du code de procédure pénale) : Fixation du nombre et des jours des audiences correctionnelles de la cour d'appel

(art. 547 et 549 du code de procédure pénale) : Examen par un juge unique de l'appel des contraventions de la cinquième classe

Article 63 (art. 706-71 du code de procédure pénale) : Utilisation de la vidéoconférence dans la phase de jugement

Après l'article 63

Section 2 : Dispositions relatives au jugement des crimes

Article 64 (art. 267 et 288 du code de procédure pénale) Jurés d'assises

Article additionnel après l'article 64 (art. 281 du code de procédure pénale) Communication de la liste des témoins

Article 65 (art. 308 du code de procédure pénale) Enregistrement audiovisuel de l'audition des victimes

Articles additionnels après l'article 65 (art. 331 du code de procédure pénale) Consultation des notes par les officiers de police et les magistrats

(art. 339 du code de procédure pénale) Retrait d'un accusé

Article 66 (art. 379-1, 379-2 à 379-6 [nouveaux] et 627-21 à 641 du code de procédure pénale) : Jugement de l'accusé en son absence

Article additionnel après l'article 66 (art. 380-1 du code de procédure pénale) Appels d'arrêts de cour d'assises

Section 3 : Dispositions relatives à la Cour de cassation

Article 67 (art. 586, 612-1 et 626-5 du code de procédure pénale) Suppression d'une amende civile - Extension de la cassation aux parties qui ne se sont pas pourvues - Réexamen d'une décision pénale consécutif à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

Chapitre V : Dispositions relatives à l'application des peines

Section 1 : Dispositions relatives aux droits des victimes

Article 68 (art. 718, 719, 720, 720-1 AA et 720-1-A, 720-1, 721-2 [nouveau], 722, 723-4, 723-10, 731 et 721-2 du code de procédure pénale) : Prise en considération des intérêts de la victime à la libération du condamné

Articles additionnels après l'article 68 (art. L. 135 L du livre des procédures fiscales) : Information du Fonds de garantie par l'administration fiscale

(art. 728-1 du code de procédure pénale) Assimilation du Fonds de garantie de victimes d'infractions à la partie civile

Section 2 : Dispositions relatives à l'exécution des peines privatives de liberté

Article 69 (art. 710 et 711 du code de procédure pénale) : Simplification du régime de la confusion des peines et des modalités de présentation du détenu

Après l'article 69

Article 70 (art. 722-2 et 763-5 du code de procédure pénale) : Modalités d'amener de la personne n'ayant pas respecté ses obligations dans le cadre du régime de la libération conditionnelle ou du suivi socio-judiciaire

Article 71 (art. 434-27 et 434-30 du code pénal) : Aggravation des peines encourues en matière d'évasion

Article additionnel après l'article 71 (art. 33 de l'ordonnance du 2 février 1945) Placement des mineurs en centres éducatifs fermés

Section 3 : Dispositions relatives au recouvrement des peines d'amende

Article 72 (art. 707-1 et 707-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Diminution forfaitaire du montant des amendes pénales en cas de paiement rapide

Article 73 (art. 473, 706-31, 749, 750, 752, 754, 755, 756 et 757 du code de procédure pénale, art. L. 240, L. 271, L. 272 et L. 272-A du livre des procédures fiscales) : De la contrainte judiciaire

Article additionnel après l'article 73 (art. 769-2 du code de procédure pénale) Casier judiciaire des mineurs

Section 4 : Dispositions relatives au casier judiciaire4

Article 74 (art. 775-1 du code de procédure pénale) : Interdiction de la non-inscription au casier judiciaire de certains jugements concernant des infractions commises contre des mineurs

Article 75 (art. 776 du code de procédure pénale) : Extension de l'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire

Article additionnel après l'article 75 (art. 776 du code de procédure pénale) : Extension de l'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire

TITRE III DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Chapitre Ier : Dispositions transitoires

Article 76 : Entrée en vigueur différée de certaines dispositions

Article 77 : Demandes d'entraide émanant d'une autorité étrangère

Article additionnel après l'article 77: Ordonnances de prise de corps

Articles 78 et 79 : Jugements rendus par défaut condamnant le prévenu à une peine d'emprisonnement - Arrêts de contumace

Article 80 : Entrée en vigueur des dispositions tendant à interdire au condamné ayant bénéficié d'une réduction de peine de rencontrer la victime

Article 81 : Entrée en vigueur de la contrainte judiciaire

Article additionnel après l'article 81 : Entraide judiciaire en matière pénale

Chapitre II : Dispositions étrendant certaines dispositions législatives à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte Article 82 : Application outre-mer des dispositions relatives à la lutte contre la criminalité organisée

Article 83 (art. 17 et 18 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, art. 12 de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002, art. 33 à 46 et 49 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) : Application à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises de diverses dispositions législatives

Article 84 (lois n° 97-1159 du 19 décembre 1997, n° 2001-380 du 3 mai 2001 et n° 2003-88 du 3 février 2003) : Extension de diverses lois à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte

Chapitre III : Dispositions modifiant les codes des communes applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Polynésies française, et à la Nouvelle-Calédonie

Articles 85, 86 et 87 (art. L. 122-27-1 [nouveaux] des codes des communes applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, art. 3 de la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977) : Application outre-mer des dispositions relatives aux échanges d'informations entre les maires et les parquets.

MESDAMES, MESSIEURS,

Dans son ouvrage écrit en collaboration avec Stéphane Quéré sur le crime organisé et publié en 2001 (1), Xavier Raufer, directeur des études et de la recherche à l'université de Paris II, observe que « la France ne s'est toujours pas prémunie contre ce péril sérieux qu'est le crime organisé transnational : pas d'incrimination spécifique, pas de dispositions de procédure pénale adaptées, pas de section du parquet à compétence nationale comparable à celle qui suit les affaires de terrorisme, pas de véritable loi sur les repentis. Concrètement, la France d'aujourd'hui ignore le concept d'activité criminelle continue ».

Le projet de loi « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » n'est donc pas une enième réforme de procédure pénale liée aux aléas de la conjoncture politique, mais propose une adaptation attendue du système pénal français, destinée à doter notre pays des armes nécessaires pour lutter contre les nouvelles formes de criminalité.

Après la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre dernier, qui a défini les moyens financiers à mettre en œuvre pour les cinq prochaines années, ce projet de loi met en place les moyens juridiques renforçant l'efficacité de la justice française. Outre des procédures nouvelles applicables aux différentes formes de criminalité, que celle-ci soit organisée ou concerne des problèmes d'environnement ou de santé publique, il comporte un certain nombre de dispositions qui modernisent notre procédure pénale, afin notamment de la mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et suppriment des formalités inutiles issues de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence. La dimension internationale n'est pas oubliée, puisque le texte améliore sensiblement la coopération judiciaire internationale, en autorisant notamment la mise en place d'équipes communes d'enquête et en consacrant dans le code de procédure pénale l'existence d'Eurojust.

Ce projet de loi, qui constitue sans aucun doute la plus vaste réforme de la procédure pénale depuis 1958, a été enrichi par les travaux de la Commission, qui a cherché avant tout à simplifier et clarifier des mécanismes souvent complexes, tout en préservant les droits des parties.

I. - LA LUTTE CONTRE LES NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ

A. LA DÉLINQUANCE ET LA CRIMINALITÉ ORGANISÉES

La section 1 du chapitre Ier du projet de loi met en place de nouveaux instruments pour lutter contre la criminalité organisée. Pour l'essentiel, elle :

- définit la criminalité organisée, en se référant notamment aux infractions les plus graves commises à l'encontre des personnes ou en bande organisée (articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale insérés par l'article premier du projet). Corrélativement, est complétée la liste des incriminations pour lesquelles la circonstance aggravante de bande organisée est prévue (article 2 du présent projet) ;

- institue des juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée qui bénéficieront d'une compétence concurrente de celle des juridictions de droit commun (articles 706-75 à 706-79, introduits par l'article premier) ;

- élargit les hypothèses autorisant le recours aux mesures de surveillance, aux infiltrations, aux perquisitions de nuit, tout en permettant la prolongation de la durée de la garde à vue jusqu'à quatre jours, ces mesures devant être autorisées par un magistrat (articles 706-80 à 706-93, insérés par l'article premier).

- confère au juge des libertés et de la détention la possibilité d'autoriser des interceptions de correspondances émises par la voie de télécommunications dans le cadre de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire (article 706-96, prévu par l'article premier) ;

- harmonise les règles en matière de gel des avoirs (article 706-98, inséré par l'article premier) ;

- renforce les droits de la défense. En contrepartie de l'amélioration des instruments mis à la disposition des services en charge des investigations, le présent projet conforte les droits de la défense en prévoyant, notamment, que si le procureur de la République envisage de recourir à la procédure de comparution immédiate après avoir fait usage des nouvelles règles d'investigation, l'avocat du prévenu pourra intervenir devant lui afin de demander l'ouverture d'une information judiciaire en raison de la complexité des faits (article 706-100, inséré par l'article premier). De surcroît, dans l'hypothèse où le tribunal correctionnel serait néanmoins saisi selon la procédure de comparution immédiate, l'avocat du prévenu pourra bénéficier d'un délai de deux mois pour préparer sa défense (article 706-101, prévu par l'article premier) ;

- crée un statut de « repenti », prévoyant la possibilité de conférer une identité d'emprunt à la personne concernée ; aucune condamnation ne pourra cependant être prononcée sur le seul fondement des déclarations du repenti (article 132-78 du code pénal introduit par l'article 3 du présent projet).

La Commission, à l'initiative de son rapporteur, a souhaité compléter ce dispositif en y apportant, notamment, les modifications suivantes :

· Le champ d'application de l'article 706-73 a été élargi aux infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'étrangers commises en bande organisée, ainsi qu'aux délits de blanchiment et de recel du produit des infractions prévues à cet article. En effet, l'activité de blanchiment ou de recel est intiment liée à la criminalité organisée qui n'a de cesse d'introduire dans le circuit de l'économie légale les revenus illégaux tirés de ses méfaits. En outre, la circonstance aggravante de bande organisée, qui fait défaut dans le droit en vigueur, a été introduite par la Commission en matière de jeux de hasard, paris et courses ;

· S'agissant des instruments procéduraux, la Commission a souhaité, d'une part, simplifier les régimes de la garde à vue et, d'autre part, protéger davantage les agents infiltrés. A cet effet, il est proposé que l'ordonnance du juge autorisant l'opération d'infiltration ne mentionne plus le nom d'emprunt de l'agent infiltré et que ses déclarations puissent constituer le seul fondement d'une condamnation, puisque cette personne est un officier ou un agent de police judicaire spécialement habilité. En outre, la Commission a souhaité préciser que les questions posées à l'agent infiltré par l'avocat du mis en cause ne devaient pas avoir pour effet ni pour objet de révéler son identité. Enfin, la sanction de la divulgation de l'identité de l'agent infiltré est renforcée et l'hypothèse de représailles perpétrées à l'encontre des membres de sa famille est désormais prévue et réprimée ;

· Le contrôle des magistrats sur les opérations d'infiltration est renforcé puisque, dans l'hypothèse ou l'agent infiltré poursuit ses agissements au-delà de la période autorisée par le magistrat, ce dernier doit en être informé dans les meilleurs délais ;

· La possibilité d'avoir recours à des caméras ou à des micros espions est introduite, tout en étant réservée au seul cadre de l'instruction et limitée aux infractions relevant des formes les plus graves de la criminalité organisée définies à l'article 706-73. En outre, la mise en œuvre de dispositifs de cette nature est interdite dans certains lieux protégés (cabinets d'avocats ou entreprises de presse, par exemple) ;

· La rémunération des « indicateurs » de la police est prévue. A l'initiative de M. Thierry Mariani, la Commission a en effet souhaité donner un fondement légal à ces pratiques en s'inspirant des dispositions dont bénéficient actuellement les agents des services de la douane ;

· La circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions aux régimes des jeux et paris est introduite. En effet, le droit en vigueur ne réprimant que faiblement ces agissements qui sont pourtant intimement liés à la criminalité organisée, la Commission a décidé de porter à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende les peines encourues lorsque les infractions sont commises en bande organisée.

B. LA DÉLINQUANCE ET LA CRIMINALITÉ INTERNATIONALES

L'article 6 du projet de loi réécrit le titre X du livre quatrième du code de procédure pénale, afin de transposer en droit interne la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, la décision-cadre du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête et la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust. Ce titre comportera désormais trois chapitres : le premier, de portée générale, concerne l'entraide pénale avec tout Etat ; le deuxième est spécifique à l'entraide pénale entre les Etats membres de l'Union européenne ; le troisième prévoit la possibilité d'appliquer à d'autres Etats que ceux de l'Union européenne les dispositions du chapitre II.

Le chapitre Ier pose le principe d'une transmission indirecte des demandes d'entraide, avec une possibilité de transmission directe en cas d'urgence (article 694). Afin de renforcer l'efficacité des demandes d'entraide, il est précisé qu'elles seront exécutées dans les formes indiquées par le pays requérant, sauf si ces formes réduisent les droits des parties (article 694-3).

Le recours à la vidéoconférence pour l'exécution de ces demandes est autorisé (article 694-5), tout comme le recours aux agents de police étrangers pour les opérations d'infiltration conduites sur le territoire national (article 694-8).

S'agissant des Etats membres de l'Union européenne (chapitre II), la règle est celle d'une transmission directe des demandes d'entraide (article 695-1). La création d'équipes communes d'enquête est autorisée, les agents étrangers détachés en France ayant des pouvoirs analogues à ceux des agents de police judiciaire, avec une compétence nationale (article 695-2).

Le rôle d'Eurojust est consacré dans le code de procédure pénale (article 695-4), le représentant national étant un magistrat hors hiérarchie mis à la disposition de l'unité pour une durée de trois ans (article 695-8). Ce magistrat aura accès aux informations du fichier du casier judiciaire et aux fichiers de police judiciaire, ainsi qu'aux informations issues des procédures judiciaires, conformément à la décision du Conseil du 28 février 2002 (article 695-9).

Outre quelques amendements de précision, la Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant d'appliquer les dispositions sur la transmission directe des demandes d'entraide judiciaire dès la ratification par la France de la convention du 29 mai 2000, même si celle-ci n'est pas encore entrée en vigueur au niveau européen.

C. LES NOUVELLES FORMES DE CRIMINALITÉ

Si la criminalité organisée représente l'une des manifestations les plus visibles de ces nouvelles formes de criminalité qui tendent à se développer, il convient de ne pas minorer pour autant les conséquences de comportements criminels qui, sans être caractérisés par une brutalité aussi spectaculaire, cherchent tout autant à saper les fondements de l'ordre républicain.

1. Les infractions en matière économique et financière, de santé publique et de pollution maritime

· Ainsi en est-il de la délinquance économique et financière, cette criminalité « en col blanc », qui profite des fantastiques possibilités ouvertes par la libre circulation des capitaux pour développer de véritables stratégies financières, à l'instar de n'importe quelle multinationale.

Tel est l'objet de l'article 7 du projet de loi, qui ouvre au pouvoir réglementaire la possibilité de mettre en place, au-delà des juridictions spécialisés et des pôles économiques et financiers existants, compétents pour les affaires d'une grande complexité, des juridictions de taille critique pour permettre le traitement des affaires étant ou apparaissant d'une « très grande complexité », notion que la Commission a souhaité qualifier aussi précisément que possible. Il précise en outre le rôle des assistants spécialisés affectés auprès de ces juridictions, afin de leur donner véritablement les moyens de fonctionner, dont elles n'ont pas toujours disposé jusqu'alors. La Commission, à l'initiative de son rapporteur, a d'ailleurs souhaité aller plus avant encore dans la reconnaissance du rôle majeur joué par ces personnels pour l'efficacité de ces juridictions, en leur accordant un pouvoir de signature de certaines réquisitions, sur délégation du magistrat responsable.

La Commission a, par ailleurs, étendu le champ de compétence des juridictions économiques et financières, en y intégrant la disposition récemment introduite dans le code pénal, réprimant le fait, pour une personne, de ne pouvoir justifier de son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une association de malfaiteurs.

· Plus récente, mais tout aussi importante, la lutte contre les infractions sanitaires doit également être renforcée : les juridictions récemment instaurées à cet égard se voient, par conséquent, appliquer une procédure harmonisée avec celles qui prévaut pour les juridictions spécialisées en matière économique et financière ou de criminalité organisée. Tel est l'objet de l'article 8 du projet de loi qui, comme à l'article précédent, pose également les fondements d'un recrutement efficace et diversifié d'assistants spécialisés.

Au-delà de ces avancées procédurales, la Commission a souhaité étendre le champ de compétence de ces juridictions, afin qu'elles puissent connaître des dossiers relatifs aux problèmes de santé environnementale, tels que les maladies causées par l'amiante, le plomb, le mercure ou les produits chimiques.

· La spécialisation des juridictions est également la seule réponse à cette forme odieuse de criminalité dont le littoral français pâtit à répétition depuis quelques années : la pollution, volontaire ou « accidentelle », des eaux maritimes, fruit du mépris et de l'impunité scandaleuse dont bénéficient encore trop largement, en vertu de la réglementation internationale, ces « voyous des mers » dénoncés par le Président de la République.

L'article 9 du projet de loi consacre l'existence de juridictions spécialisées en matière de pollution maritime, récemment apparues dans notre droit : c'est là un progrès qu'il convient de saluer. Dans le même esprit, l'article 10 durcit et diversifie les sanctions applicables aux navires français qui se rendent coupables d'infractions maritimes, disposition qui vaut surtout, à dire vrai, pour conforter la position de la France dans les enceintes internationales.

Par ailleurs, l'article 9 conforte les dispositions de la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique (ZPE) au large des côtes du territoire de la République - en Méditerranée en l'occurrence -, en donnant compétence aux juridictions spécialisées du littoral pour connaître des infractions commises dans les eaux territoriales, mais également dans la zone économique exclusive (ZEE). Le tribunal de grande instance de Paris, compétent en la matière jusqu'à l'adoption de la loi précitée, ne disposerait plus que d'une compétence de facto résiduelle, pour connaître des infractions commises, en haute mer, par des navires français.

Soucieuse de préserver un dispositif favorisant l'efficacité de la réponse pénale dans un domaine où l'impunité est trop souvent la règle, la Commission, à l'initiative de son rapporteur, a souhaité revenir sur l'architecture proposée en donnant au tribunal de grande instance de Paris :

- une compétence concurrente de celles des juridictions spécialisées pour connaître, d'une part, de toutes les infractions commises dans les eaux territoriales ainsi que, d'autre part, des pollutions par rejets volontaires des navires intervenues dans la ZEE ou dans la ZPE, dans l'hypothèse où les affaires en question sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ;

- une compétence exclusive pour connaître des pollutions par rejets accidentels des navires, de type Erika, commises dans la ZEE et, pour la Méditerranée, dans la ZPE.

Elle a, en outre, instauré un dispositif transitoire permettant aux juridictions compétentes avant l'intervention de la loi précitée du 15 avril 2003 de mener à leur terme les dossiers dont elles sont saisies.

· Spécialisation des structures, mais aussi spécialisation des compétences : c'est en vertu d'une meilleure utilisation des compétences humaines existant dans notre système administratif que la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale a instauré la douane judiciaire, c'est-à-dire ouvert aux magistrats la possibilité de requérir des officiers de douane judiciaire spécialement habilités et dotés d'une compétence d'attribution. L'article 11 étend les possibilités de recours à cet outil supplémentaire mis à la disposition des juges, en clarifie les conditions d'utilisation et améliore l'articulation entre cette procédure récente et les modalités d'intervention classiques de la douane administrative.

Il étend par ailleurs aux douaniers, en les adaptant, les dispositions relatives à la surveillance et à l'infiltration définies à l'article 1er. A cet égard, la Commission, sur proposition de son rapporteur, a adopté des modifications identiques à celles de l'article 1er.

2. Les discriminations

Les articles 12 à 16 du projet de loi renforcent la lutte contre les discriminations, raciales en particulier.

Le Gouvernement propose, en effet, d'étendre le champ de la circonstance aggravante créée, pour ce type d'infractions, par la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, aux menaces, aux vols et aux extorsions (articles 12 et 13). Les sanctions encourues pour des faits de discrimination sont relevées ; l'interdiction d'accès à un lieu accueillant du public pour des raisons discriminatoires est sanctionnée de façon spécifique (article 14). Le délai de prescription de l'action publique est porté de trois mois à un an pour les infractions à caractère raciste relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de mieux appréhender certains faits particulièrement graves commis, en particulier, sur le réseau Internet (article 16).

La Commission a étendu l'extension proposée du champ de la loi du 3 février 2003 aux menaces, aux vols et aux extorsions commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime.

II. - LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE

A. L'AMÉLIORATION ET LA DIVERSIFICATION DE LA RÉPONSE PÉNALE

1. La cohérence et l'effectivité de la réponse pénale

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui tendent à renforcer la cohérence et l'effectivité de la réponse pénale.

· Ainsi, les articles 17, 18 et 19 définissent de façon plus précise les relations entre la Chancellerie et le ministère public, qui conditionnent l'égalité de traitement des citoyens devant la loi. Les attributions du ministre de la justice en matière pénale sont consacrées, ainsi que celles des procureurs généraux qui pourront désormais, en outre, enjoindre aux procureurs de la République d'engager des poursuites à la suite du recours hiérarchique d'une victime contre une décision de classement sans suite dans une affaire dont l'auteur a été identifié.

La Commission a approuvé ce renforcement de l'indivisibilité propre à l'organisation du parquet, après avoir adopté un amendement du rapporteur précisant que les instructions des procureurs généraux aux procureurs de la République sont « écrites et versées au dossier de la procédure », à l'image de celles que le garde des sceaux peut formuler en application de l'article 36 du code de procédure pénale.

· Les autres dispositions du chapitre 1er vont dans le sens d'une amélioration de la réponse judiciaire. Le principe d'opportunité des poursuites est consacré, mais les victimes devront être mieux informées du traitement réservé à leurs plaintes et toute décision de classement sans suite dans une affaire impliquant un délinquant identifié devra leur être notifiée de façon motivée (article 21). La non exécution d'une mesure alternative aux poursuites entraînera automatiquement la mise en œuvre d'une composition pénale ou l'engagement de poursuites (article 22). La composition pénale est élargie (article 23).

2. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

S'inspirant du plaider coupable anglo-saxon, l'article 61 du projet de loi met en place une nouvelle procédure de jugement des délits, baptisée comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Cette nouvelle procédure, mise en œuvre à l'initiative du parquet, ne pourra s'appliquer qu'aux personnes majeures reconnaissant avoir commis les faits qui leur sont reprochés, à condition que la peine encourue soit inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement.

Le procureur de la République proposera au prévenu une ou plusieurs peines qui, en cas d'accord, feront l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance. La peine d'emprisonnement proposée ne pourra être supérieure à six mois et la peine d'amende à la moitié de l'amende encourue.

L'intéressé sera défendu tout au long de la procédure par un avocat, qui devra notamment être présent lors de la reconnaissance des faits et de l'acceptation de la proposition du parquet. Il pourra, par ailleurs, disposer d'un délai de réflexion de dix jours avant de donner sa réponse, délai pendant lequel il pourra être placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire lorsque la peine proposée par le parquet sera supérieure à deux mois d'emprisonnement ferme.

La décision d'homologation du président du tribunal, bien qu'exécutoire immédiatement, pourra faire l'objet d'un appel dans les dix jours devant la chambre des appels correctionnels : l'intéressé pourra donc changer d'avis après le passage devant le président de tribunal et bénéficier ainsi d'un procès public et contradictoire.

Enfin, en cas de refus par l'intéressé de la proposition du procureur ou de non homologation de celle-ci, les parties ne pourront pas faire état de cette procédure devant la juridiction de jugement.

Les victimes voient leurs droits protégés puisque, lorsqu'elles seront identifiées, elles seront convoquées à comparaître en même temps que l'auteur des faits lors de l'homologation devant le président du tribunal, afin qu'elles puissent se constituer partie civile et demander réparation du préjudice subi. Si elles n'ont pu exercer ce droit, elles pourront bénéficier d'un procès public sur l'action civile, à la diligence du parquet.

La Commission, sur proposition du rapporteur, a apporté quelques modifications à cette procédure : elle a notamment supprimé le caractère public de l'audience d'homologation, considérant que ce caractère public était difficilement conciliable avec le secret de la procédure en cas de non homologation de la proposition du parquet et n'était pas nécessaire en raison de la publicité donnée à l'ordonnance d'homologation. Elle a précisé que le président du tribunal devait vérifier la réalité des faits reprochés à l'intéressé et leur qualification juridique. Elle a également donné la possibilité au président du tribunal de déléguer son pouvoir d'homologation à un autre magistrat du siège et indiqué que les modalités d'exécution de l'ordonnance d'homologation seraient soumises au droit commun, avec, sauf exceptions, une transmission prévue au juge de l'application des peines.

B. LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DES ENQUÊTES

Conformément aux engagements pris dans le cadre des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la justice, les dispositions du chapitre II du titre II tendent à renforcer l'efficacité des procédures dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaires.

Ainsi, la durée des enquêtes de flagrance est portée de huit à quinze jours pour les infractions liées à la délinquance et la criminalité organisées (article 26). Les témoins d'une infraction pourront être retenus sur place le temps nécessaire à l'accomplissement d'une perquisition (article 27). Un cadre général est fixé en matière de réquisitions judiciaires, afin de permettre aux officiers de police judiciaire de solliciter la communication de documents intéressant une enquête (article 28).

Les modalités de recours à la force publique sont simplifiées pour la comparution des personnes présentes sur les lieux d'une infraction ou citées à comparaître. Concomitamment, le régime de l'intervention de l'avocat dans le cadre de la garde à vue est simplifié : celui-ci aura désormais la possibilité de s'entretenir avec son client à la première heure puis lors du renouvellement éventuel de la garde à vue, à la vingt-quatrième heure ; les interventions prévues à la vingtième et à la trente-sixième heures sont donc supprimées (article 29).

Enfin, des mesures sont prises pour améliorer le dispositif de recherche et d'interpellation des suspects et des délinquants en fuite. Ainsi, un mandat de recherche, permettant de placer en garde à vue la personne concernée, est substitué au mandat d'amener du procureur de la République, tombé en désuétude (article 30). Les pouvoirs des enquêteurs sont renforcés dans le cadre des procédures engagées pour la recherche des personnes en fuite (article 31).

La Commission a approuvé l'orientation générale de ces dispositions, tout en adoptant plusieurs amendements du rapporteur allant dans le sens de la simplification et de l'efficacité. Ainsi, après avoir réaffirmé le contrôle du procureur de la République sur la procédure, elle a généralisé le principe d'une enquête de flagrance de quinze jours. La possibilité de retenir les témoins durant les perquisitions a été étendue au cadre de l'instruction. Les règles du secret professionnel ainsi que la protection renforcée dont bénéficient certaines personnes (cabinets d'avocats, entreprises de presse et professions médicales) ont été confortées dans le cadre des réquisitions.

Par ailleurs, la Commission a reformulé certaines contraintes procédurales dans le cadre des gardes à vue, afin de parvenir à un meilleur équilibre entre les nécessités de l'enquête et les droits des personnes. « Sauf en cas de circonstance insurmontable », l'avis au parquet et à l'avocat devront désormais intervenir « dans les meilleurs délais ». Enfin, la période de rétention entre la fin de la garde à vue et le déferrement devant le procureur de la République a été réglementée.

C. LA SIMPLIFICATION DES RÈGLES DE L'INSTRUCTION

Le projet de loi comporte une série de modifications des règles de l'instruction, destinée à simplifier la procédure de l'information, tout en garantissant les droits des parties.

Ainsi, s'agissant des victimes, l'obligation d'aviser touts les six mois la partie civile de l'état d'avancement de l'information sera désormais limitée aux instructions criminelles ou concernant un délit contre les personnes prévus par le livre II du code pénal (article 32).

La partie civile, sur décision du juge d'instruction, pourra être assimilée aux témoins pour le paiement des indemnités (frais de déplacement, notamment), sur le modèle de ce qui existe devant la cour d'assises et le tribunal correctionnel (article 33).

Conformément à la décision-cadre du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre des procédures pénales, l'intérêt des victimes lors d'une décision de mise en liberté devra être pris en compte par la juridiction (article 34).

Par ailleurs, répondant à une demande formulée par les associations de victimes, l'article 65 autorise l'enregistrement audiovisuel de l'audition des victimes et des parties civiles, cet enregistrement pouvant être utilisé devant la cour d'assises statuant en appel.

La Commission, à l'initiative du rapporteur, a prévu que les ordonnances de non-lieu motivée par l'irresponsabilité pénale ou le décès de la personne mise en examen devront également préciser si l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.

Sur proposition de M. Jean-Paul Garraud, elle a également adopté un amendement subordonnant la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile au refus du parquet d'engager des poursuites ou en cas d'inaction de celui-ci, permettant aux victimes d'obtenir le jugement de leur affaire sans instruction préalable lorsque celle-ci n'est pas nécessaire, autorisant le juge d'instruction à rendre une ordonnance de refus d'informer lorsque les faits dénoncés ne sont manifestement pas avérés et permettant la condamnation de la partie civile abusive au paiement des frais de justice concernant les expertises. Ces dispositions sont destinées à limiter le nombre de constitutions de partie civile abusives ou inutiles, dénoncées depuis plusieurs années par les praticiens.

Enfin, à l'initiative de M. Gérard Léonard, elle a pris en compte la situation particulière des enfants victimes d'infractions sexuelles, qui, souvent, ne dénoncent leurs agresseurs que plusieurs décennies après les faits, en portant à trente et vingt ans le délai de prescription des crimes et délits à caractère sexuel commis à leur encontre.

Les droits du témoin assisté sont renforcés par l'article 37 du projet de loi, qui lui donne notamment la possibilité de demander des compléments d'expertise et des contre-expertises et de formuler des requêtes en annulation. Ce même article facilite le recours à cette procédure, en autorisant la mise en examen du témoin assisté par une simple lettre recommandée avec avis de réception.

Le projet de loi crée à côté des mandats de comparution, d'amener, d'arrêt et de dépôt, un nouveau mandat, le mandat de recherche, permettant le placement en garde à vue de la personne concernée (article 38).

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement redéfinissant les différents mandats, afin que soient clairement précisées les circonstances dans lesquelles ils peuvent être décernés.

Par ailleurs, un délai de vingt-quatre heures est désormais prévu avant la présentation devant un magistrat de la personne arrêtée sur mandat d'amener ou d'arrêt, afin d'éviter la procédure actuelle d'incarcération en maison d'arrêt, qui est lourde à mettre en œuvre (article 39) ; pendant ce délai, la personne arrêtée aura le droit de faire prévenir ses proches et d'être examinée par un médecin.

La portée juridique des différents mandats après le règlement de l'information est précisée, l'article 40 donnant compétence au juge des libertés et de la détention pour se prononcer sur le placement en détention lorsque la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt est découverte après le règlement de l'information.

Enfin, l'article 41 supprime les dispositions relatives à l'ordonnance de prise de corps en matière criminelle et les remplace par les règles sur les mandats d'arrêt et de dépôt applicables en matière correctionnelle.

Le contrôle des commissions rogatoires est facilité par une disposition autorisant le juge d'instruction à se transporter sans son greffier pour diriger et contrôler l'exécution d'une commission rogatoire et lui permettant de faire déférer devant lui la personne à l'issue de la garde à vue sans avoir à décerner contre elle un mandat d'amener (article 42).

Les dispositions sur les expertises sont modifiées afin, notamment, de faciliter l'audition d'une partie par un expert et d'encadrer les demandes de contre-expertise ou de nouvelle expertise (article 43).

Le projet de loi donne également la possibilité à la chambre de l'instruction de procéder à des évocations partielles d'une instruction, clarifie la question de la réserve du contentieux de la détention en confiant au juge d'instruction la compétence pour statuer sur ces questions, sauf si la chambre de l'instruction s'est expressément réservée la matière, et étend le pouvoir du président de la chambre de l'instruction au filtre des appels dont l'appelant s'est désisté (article 44).

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement permettant à la chambre de l'instruction de prononcer une amende civile en cas de constitutions de partie civile abusives.

Enfin, le projet de loi procède à de nombreuses autres modifications, qui répondent, pour certaines d'entre elles, à des observations de la Cour de cassation. Il modifie ainsi les modalités de désignation d'un nouvel avocat au cours de l'instruction (article 50), précise les conséquences d'une requalification criminelle des faits au cours de l'instruction (article 51) et consacre dans le code de procédure pénale la correctionnalisation judiciaire, en prévoyant que, si les parties ne contestent pas la qualification juridique des faits au moment du règlement, celle-ci ne pourra plus être contestée devant le tribunal correctionnel (article 55).

Deux simplifications importantes figurent parmi ces dispositions.

L'article 53 prévoit que le juge des libertés et de la détention, qui doit en principe être un magistrat ayant le rang de président, premier vice-président ou vice-président, pourra être un magistrat de second grade en cas d'empêchement du ou des juges des libertés et de la détention en titre, notamment pour cause d'incompatibilité. Cette disposition devrait notamment faciliter l'organisation des petits tribunaux qui ne comportent qu'une ou deux chambres.

Le délai imparti pour soulever les nullités de procédure, fixé à six mois à compter du dernier interrogatoire ou de la dernière audition depuis la loi du 15 juin 2000, est ramené à quatre mois (article 54). Cette modification est la contrepartie de la mise en place de nouvelles nullités, notamment dans le cadre des enquêtes portant sur des affaires de criminalité organisée, et de l'extension au témoin assisté du droit de formuler des requêtes en nullité.

D. LA MISE EN CONFORMITÉ DES PROCÉDURES DE JUGEMENT AVEC LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme, qui considère que les modalités actuelles de jugement d'une personne en son absence ne sont pas conformes aux exigences de l'article 6 de la Convention relatif au procès équitable. Le projet de loi modifie donc la procédure de jugement par défaut et celle de contumace, afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

1. Le jugement en matière correctionnelle

L'article 58 du projet de loi généralise la possibilité pour le prévenu absent des débats d'être représenté à l'audience par un avocat : si l'avocat dispose d'un mandat écrit du prévenu, le jugement sera pleinement contradictoire ; dans le cas contraire, le jugement rendu sera contradictoire à signifier.

Cet article interdit par ailleurs au tribunal de prononcer une peine d'emprisonnement ferme par défaut, lorsque le prévenu absent et non défendu par un avocat n'a pas été informé de la date de l'audience ; la juridiction pourra toutefois prononcer un jugement de recherche, qui aura pour conséquence de substituer au délai de prescription de l'action publique celui de la peine, et décerner un mandat d'arrêt. Elle pourra également, à titre exceptionnel, prononcer une peine d'emprisonnement par défaut, lorsque le procureur de la République aura demandé la désignation d'un avocat d'office pour assurer la défense du prévenu.

Enfin, le délai d'appel des jugements contradictoires à signifier ne courra qu'à compter du jour où le prévenu en aura effectivement eu connaissance, alors qu'actuellement ces jugements sont définitifs dix jours après leur signification, quel qu'en soit le mode et même si le prévenu ne peut en avoir eu connaissance.

Poursuivant la démarche entreprise par le projet de loi visant à limiter le nombre de jugement par défaut, la Commission a généralisé le principe de l'adresse déclarée permettant une signification à personne de la date de l'audience.

Par ailleurs, le projet de loi apporte un certain nombre de modifications à la procédure de jugement des délits : le juge des libertés et de la détention, déjà compétent en matière de comparution immédiate, le sera également pour ordonner le placement sous contrôle judiciaire en cas de convocation par procès-verbal (article 57); les audiences concernant les intérêts civils relèveront de la compétence du seul président du tribunal (article 59) ; l'audition des témoins, des parties civiles et des experts au cours de l'audience pourra se faire par vidéoconférence (article 63), cette disposition étant également applicable devant la cour d'assises ; la procédure de l'ordonnance pénale sera étendue aux délits en matière de coordination des transports (article 60).

Poursuivant cette démarche de simplification, la Commission, sur proposition du rapporteur, a étendu l'ordonnance pénale aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans à l'exception de certaines infractions (presse notamment). Elle a permis l'examen des appels des contraventions de la cinquième classe par le seul président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique, et autorisé le recours à la vidéoconférence pour la prolongation de la détention provisoire et le jugement des prévenus par le tribunal de police. Enfin, elle a prévu que le nombre et le jour des audiences correctionnelles seraient fixés par décision conjointe des chefs de cour.

2. Le jugement en matière criminelle

Tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 66 supprime la procédure de contumace. Lorsqu'un avocat sera présent pour défendre les intérêts de l'accusé, la cour d'assises pourra condamner ce dernier à une peine privative de liberté ; toutefois, en cas d'arrestation, l'affaire devra, comme le prévoit actuellement la procédure de contumace, faire l'objet d'un nouvel examen par la cour d'assises. En l'absence d'avocat, la cour d'assises pourra rendre un arrêt de recherche et décerner un mandat d'arrêt contre l'accusé en fuite, dans des conditions similaires à celles prévues en matière correctionnelle.

E. LA NÉCESSAIRE REFONTE DU RÉGIME DE L'APPLICATION DES PEINES

L'article 68 du projet de loi introduit le principe de la prise en considération, par le juge de l'application des peines, des intérêts de la victime préalablement à toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée. En outre, il peut être interdit au condamné de rencontrer la victime et cette dernière est informée du fait que le non-respect de ses obligations par le condamné est susceptible de conduire à la révocation de la mesure dont il a bénéficié.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux mesures décidées par la juridiction nationale de la libération conditionnelle, ce que l'on peut regretter. C'est pourquoi la Commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement en ce sens.

Afin d'améliorer la rapidité de l'indemnisation des victimes, la Commission a également adopté, sur proposition de son rapporteur, des dispositions améliorant l'indemnisation des victimes en permettant au fonds de garantie de solliciter directement les services de l'administration fiscale afin de connaître la situation financière des personnes ayant à répondre des dommages qu'elles ont causés.

En outre, afin d'améliorer le recouvrement des amendes, l'article 72 introduit des dispositions prévoyant que la personne condamnée à une peine d'amende bénéficie d'une réduction de 10 % de ce montant dans la limite de 1 000 euros si elle s'acquitte du règlement dans un délai de vingt jours francs à compter du jugement.

Par ailleurs, afin de mettre la législation française en conformité avec les exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 74 remplace la procédure de la contrainte par corps par celle de la contrainte judiciaire. Désormais, la contrainte judiciaire à l'encontre d'une personne ayant volontairement choisi de ne pas régler une peine d'amende prononcée par une juridiction se déroulera contradictoirement devant le juge de l'application des peines.

A l'initiative de M. Thierry Mariani, la Commission a également décidé de supprimer l'article 769-2 du code de procédure pénale, qui prévoit l'effacement automatique du casier judiciaire des mesures prononcées à l'encontre de mineurs dès qu'ils atteignent l'âge de la majorité.

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, et afin d'éviter le recrutement de personnes aux antécédents douteux, la Commission a également prévu la possibilité de communiquer le bulletin n° 2 du casier judiciaire aux dirigeants des personnes morales publiques ou privées exerçant une activité culturelle ou sportive auprès des mineurs.

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La Commission a procédé le mardi 6 mai 2003 à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et à la discussion générale sur le projet de loi portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité.

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le projet de loi s'inscrivait dans le mouvement de modernisation et de rééquilibrage engagé en matière pénale par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qu'il créait un cadre procédural applicable aux formes nouvelles de criminalité et s'intégrait dans la politique de sécurité du Gouvernement fondée sur l'action combinée de la police, de la gendarmerie et de l'institution judiciaire.

Ayant souligné le développement de réseaux de type mafieux particulièrement violents et dangereux, généralement internationalisés et susceptibles de prendre en défaut l'organisation de la police et l'organisation judiciaire actuelle, il a souligné que le premier objectif du projet de loi était de renforcer la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, d'une part en établissant une liste des infractions recouvrant les activités les plus graves et, d'autre part, en déterminant un régime procédural adapté pour la poursuite, l'instruction et le jugement de ces affaires.

Il a précisé que cette liste comprenait des atteintes à la personne, telles que l'assassinat en bande organisée, les enlèvements et séquestrations, le proxénétisme, la traite des êtres humains ou encore les actes de terrorisme et le trafic de stupéfiants, ces infractions pouvant être aggravées par la circonstance de bande organisée. Il a indiqué que, pour lutter contre ces infractions, le texte prévoyait l'institution d'un régime procédural adapté comprenant la création de juridictions spécialisées couvrant plusieurs cours d'appel et susceptibles de répondre à des infractions de délinquance et de criminalité organisée d'une grande complexité - les actes de terrorisme continuant de relever de la compétence du tribunal de grande instance de Paris - et de permettre une meilleure affectation des ressources humaines et logistiques, en cohérence avec la réorganisation des services de police judiciaire menée par le ministre de l'intérieur. Il a ajouté que des règles de procédure spécifiques existantes seront étendues aux enquêtes sur les faits de criminalité organisée les plus graves, sous le contrôle systématique du parquet et sur autorisation d'un magistrat du siège, à savoir : l'infiltration, qui permet à un officier de police judiciaire de procéder, dans un cadre strictement réglementé, à des actes limitativement énumérés - tels que l'utilisation d'une identité d'emprunt, la fourniture de moyens, le transport de produits illicites - pour faciliter la révélation et la preuve d'une infraction ; la garde à vue qui sera prolongée jusqu'à quatre jours ; les perquisitions de nuit ; les écoutes téléphoniques, auxquelles il sera possible de recourir pour une période limitée au cours d'une enquête, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Il a fait observer qu'un renforcement de la répression était également prévu, puisque la liste des infractions susceptibles d'être commises en bande organisée est élargie, que la peine complémentaire de confiscation générale est étendue et que le fait de diriger une association terroriste est désormais criminalisé.

Le ministre a ensuite fait état de l'extension du système des repentis - actuellement prévu à l'encontre du trafic de stupéfiants et des actes de terrorisme - aux atteintes les plus graves aux personnes : toute personne qui permettra d'éviter la réalisation d'une telle infraction ou de la faire cesser, d'éviter un dommage ou d'identifier leurs auteurs pourra bénéficier soit d'une exemption de peine, soit d'une réduction de peine, tandis qu'il sera possible, en cas de nécessité, d'octroyer au repenti et à sa famille une identité d'emprunt pour assurer leur sécurité, étant précisé que les déclarations du repenti ne pourront à elles seules fonder une condamnation. Il a précisé que, dans un souci d'équilibre, l'application des règles d'investigation renforcées dans le cadre de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisée s'accompagnait de certains aménagements, afin que les droits de la défense soient garantis, notamment lorsqu'une personne est déférée devant le procureur pendant l'enquête et lorsque la voie de la comparution immédiate est choisie.

Présentant le deuxième objectif du texte, M. Dominique Perben a indiqué qu'il tendait à intensifier la lutte contre les infractions en matière économique et financière, en matière sanitaire et environnementale et en matière de lutte contre les discriminations. Après avoir rappelé que des juridictions en matière économique et financière existaient depuis 1975 dans le ressort de chaque cour d'appel, il a souligné que le projet de loi permettrait d'étendre la liste des infractions relevant de leur compétence, de créer pour les affaires les plus complexes des juridictions dont le ressort inter-régional sera identique à celui des futurs pôles compétents en matière de délinquance et de criminalité organisées, enfin de clarifier le statut des assistants spécialisés, dont le rôle est particulièrement précieux dans les affaires revêtant une grande technicité. Il a précisé que le texte confortait l'efficacité des deux juridictions spécialisées en matière sanitaire - Paris et Marseille - en alignant leur fonctionnement sur celui des juridictions spécialisées en matière économique et financière et renforçait la lutte contre les rejets polluants des navires grâce à une unification de la compétence des trois juridictions existantes - à savoir Le Havre, Brest et Marseille - et à une aggravation des peines encourues en cas de rejet des navires, notamment par la confiscation des biens du responsable de la pollution.

Le ministre a précisé que la lutte contre les discriminations serait accrue par le biais d'une aggravation de la répression des discriminations et des atteintes aux personnes ou aux biens présentant un caractère raciste, dans la logique de la loi du 3 février 2003, mais aussi par la voie d'une augmentation des peines assortissant les délits de discrimination et l'institution d'une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise à l'occasion de l'exploitation d'un lieu accueillant du public. Il a ajouté que le renforcement de la lutte contre les discriminations imposait également de porter de trois mois à un an le délai de prescription de la répression des messages antisémites, racistes ou xénophobes, ce délai étant nécessaire pour lutter efficacement contre des délits qui utilisent de nouveaux médias à fort contenu technologique, tels qu'Internet.

En troisième lieu, le garde des Sceaux a souligné que le projet de loi renforçait la cohérence, l'efficacité et l'effectivité de la justice pénale, d'une part en améliorant la réponse pénale, d'autre part en assurant une meilleure prise en considération des victimes : lorsque les faits seront constitués et l'auteur identifié, toute affaire communiquée au parquet fera l'objet d'une réponse judiciaire, sauf en cas de circonstances particulières liées à la commission des faits et justifiant un classement sans suite, la victime devant être informée de l'avis de classement et de ses motifs.

Il a précisé par ailleurs que la réponse pénale serait diversifiée, non seulement par la procédure de la composition pénale, qui serait étendue, mais aussi par la création d'une procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, qui permettra au procureur de proposer une peine à la personne qu'il envisage de poursuivre pour un délit puni d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement et qui reconnaît en être l'auteur. À ce sujet, il a insisté sur les différences qui caractérisent cette nouvelle procédure par rapport à celle du plea bargaining, utilisée aux États-Unis, la procédure étant engagée à l'initiative du procureur et non des avocats. Il a précisé par ailleurs que la personne concernée bénéficierait d'un délai de réflexion de dix jours avant de faire connaître sa réponse, délai durant lequel elle pourra, si nécessaire, être placée en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, et que la peine proposée par le procureur serait soumise à l'homologation du président du tribunal de grande instance, qui s'assurera, en présence de l'avocat, de la persistance du consentement.

Ayant rappelé que, depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice, les victimes ont bénéficié de nouveaux droits et des moyens d'organiser plus efficacement la défense de leurs intérêts, il a souligné que le texte améliorait encore la situation des victimes à tous les stades de la procédure, non seulement par une meilleure information, mais aussi par la faculté donnée au juge de l'application des peines ou à la juridiction régionale de la libération conditionnelle, de subordonner les réductions de peine d'un condamné au respect de certaines obligations tenant compte des intérêts de la victime ou de la partie civile. Il a estimé en conclusion que la réforme permettrait d'adapter la procédure pénale au défi que constitue le développement de la criminalité organisée et des réseaux mafieux.

Après avoir souligné que le principe de la création de pôles spécialisés pour lutter contre la criminalité organisée était salué par les professionnels qu'il avait auditionnés, M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, a souhaité savoir quels seraient les principes de fonctionnement de ces pôles et comment leurs compétences s'articuleraient avec celles des pôles économiques et financiers, en observant que certaines affaires, comme celles relatives au blanchiment ou à la grande pollution maritime pouvaient relever simultanément de ces deux catégories de juridictions. Il a également interrogé le ministre sur le calendrier prévisionnel de création de ces nouvelles juridictions et sur les moyens dont elles seraient dotées, en regrettant que, dans le passé, la création de pôles spécialisés en matière économique et financière n'ait pas bénéficié des moyens suffisants.

S'agissant des questions de pollution maritime, il a fait observer que le projet de loi représentait un progrès, en prévoyant notamment le durcissement des sanctions pénales et financières à l'encontre des dégazages sauvages ou des pollutions accidentelles, mais que la question de l'application de ces sanctions restait posée. Il a rappelé en effet que la convention des Nations unies de Montego Bay (1982) prévoyait seulement, en cas de pollution en dehors des eaux territoriales, des sanctions pécuniaires, lesquelles étaient très rarement recouvrées en raison de l'impossibilité de recourir à l'exécution forcée. Il a ainsi souligné que, sur les onze peines d'amende prononcées en 2002 par le TGI de Paris, aucune n'avait pu être recouvrée. Il a donc souhaité savoir si des négociations internationales et à l'échelle communautaire étaient en cours pour permettre de sanctionner les coupables de catastrophes écologiques en milieu maritime.

S'agissant enfin de l'entraide internationale avec des agents de police judiciaire étrangers, y compris en matière d'infiltration, il a souhaité savoir quelles étaient les autorités judiciaires étrangères avec lesquelles la France entendait collaborer activement et si des négociations avaient d'ores et déjà été ouvertes en ce sens.

Évoquant l'article 17 du projet de loi, qui consacre le rôle du ministre de la justice en matière de politique pénale en le chargeant de veiller à la cohérence de celle-ci sur l'ensemble du territoire national pour assurer l'égalité de traitement des citoyens devant la loi, il a demandé au ministre de citer des cas dans lesquels il avait eu recours à la faculté qui lui est offerte par l'article 36 du code de procédure pénale d'enjoindre aux procureurs généraux d'engager des poursuites dans certaines affaires, par instructions écrites et versées au dossier.

Observant que le projet de loi créait des régimes spécifiques de garde à vue pour les formes les plus graves de criminalité et de délinquance organisées, qui s'ajouteraient aux trois régimes de garde à vue existants, le président Pascal Clément s'est interrogé sur la possibilité d'unifier ces régimes afin d'éviter des erreurs de procédure qui constitueront autant de causes de nullité. Il a également souhaité avoir des précisions sur les moyens qui seraient consacrés à la mise en œuvre des juridictions spécialisées à compétence interrégionale, en soulignant que ces nouvelles structures ne sauraient résulter du seul redéploiement de moyens existants et devraient bénéficier du soutien d'assistants spécialisés. S'agissant des repentis, il a également insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des moyens matériels et humains suffisants pour assurer la protection de ceux qui accepteront d'aider la justice. Enfin, approuvant le principe selon lequel le parquet serait obligé d'apporter une réponse pénale dans les affaires où un auteur a été identifié, il s'est également interrogé sur les moyens supplémentaires dont il disposerait à cet effet, en faisant observer que 759 000 affaires avec auteurs identifiés avaient été classées par les parquets en 2001.

M. Gérard Léonard s'est félicité du dépôt du projet de loi, qui permettra d'appréhender de nouvelles formes de criminalité, tout en regrettant que l'étude d'impact ne procède pas à une véritable évaluation. Il s'est déclaré particulièrement satisfait des dispositions relatives à l'infiltration, en rappelant qu'il avait déposé avec M. Christian Estrosi un amendement sur ce point lors de la discussion du projet de loi sur la sécurité intérieure. Il a également approuvé les dispositions de l'article 17 affirmant le rôle du ministre de la justice en matière de politique pénale, en soulignant qu'elles consacraient la pratique suivie par le ministre depuis son entrée en fonction. Observant que l'article 26 du projet de loi prévoyait un délai de quinze jours pour la durée des enquêtes de flagrance concernant la délinquance et la criminalité organisées alors que le délai de droit commun resterait fixé à huit jours, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de prévoir un seul délai pour toutes les enquêtes.

M. Jean-Paul Garraud a fait part de sa satisfaction devant un texte qui, par les structures qu'il institue et les méthodes qu'il prévoit, répond à la fois aux attentes des praticiens du droit et des citoyens. Il a souligné sa totale complémentarité avec les autres lois adoptées depuis le début de la législature en matière de justice et de sécurité, en ajoutant que cet arsenal juridique permettrait de restaurer l'autorité de l'État, mise à mal depuis la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin 2000. Évoquant à son tour les deux nouveaux régimes de garde à vue qui seraient institués, il a suggéré une simplification du dispositif. Il a également proposé que les procédures spécifiques prévues pour lutter contre les infractions les plus graves liées à la criminalité organisée soient rendues applicables au blanchiment d'argent, compte tenu de l'importance que revêt cette infraction dans le financement de la criminalité organisée. Il a enfin fait part de ses réserves sur l'accès au dossier, dans le cadre d'une enquête sur la criminalité organisée, des personnes placées en garde à vue six mois auparavant et exprimé ses craintes qu'une telle procédure ne favorise la divulgation d'éléments importants de l'enquête.

Souscrivant à l'analyse de la criminalité organisée faite par le ministre et sur le caractère d'urgence que revêt la lutte contre celle-ci, M. André Vallini a reconnu que le projet de loi comportait des avancées notables en matière de coopération internationale. Il a toutefois jugé fort complexe l'articulation entre les différents pôles judiciaires mis en place et a suggéré que ces pôles soient regroupés en un seul, les enquêtes sur le naufrage du Prestige ou la faillite de Metaleurop relevant à la fois du pôle économique et financier et du pôle environnemental. Il a estimé que le renforcement des pouvoirs des forces de police créait un déséquilibre au détriment du parquet dans le déroulement des enquêtes, avant de regretter que l'architecture des pouvoirs ainsi présentée s'inspire de la procédure accusatoire, en marginalisant le juge d'instruction au profit du parquet et du juge des libertés et de la détention, lequel ne dispose pourtant pas d'une information suffisante pour accomplir sa mission. Déplorant que les droits de la défense ne soient pas renforcés, il a souligné que la logique de la réforme aurait dû conduire à la suppression de l'instruction et à l'indépendance totale du parquet à l'égard du ministre de la justice. Il a par ailleurs fait part de son opposition aux dispositions concernant les repentis, en soulignant les résultats contestables qu'a produits en Italie l'application de règles analogues. S'agissant des classements sans suite, il a rappelé que leur motivation avait été prévue dans le projet de loi sur l'action publique déposé sous la précédente législature et dont la discussion n'avait pu être achevée.

M. Christian Estrosi a salué le travail gouvernemental qui a permis en moins d'un an de doter la France d'un arsenal juridique pertinent pour moderniser l'institution judiciaire face à des phénomènes de délinquance qui ne connaissent pas de frontières et tendant à s'adapter aux méthodes nouvelles de répression. Il a rappelé le dispositif qu'il avait proposé avec M. Gérard Léonard dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure sur les procédures d'infiltration et qui est fort heureusement repris dans le projet de loi. Il a également cité un autre amendement adopté dans le cadre de la loi de sécurité intérieure permettant de faire des perquisitions en ligne, complété de façon très cohérente par les dispositions du projet de loi qui répriment la cybercriminalité. Il a considéré que l'ensemble de ces mesures permettrait de lutter efficacement contre les formes modernes de la criminalité organisée. En écho aux propos du président, il a plaidé pour un allègement des procédures, notamment des procédures de garde à vue, estimant indispensable de simplifier et rationaliser les tâches des policiers. Dans le cadre de cette simplification, il a suggéré que soient repensées les missions des policiers, en faisant éventuellement appel à des sociétés privées pour des missions annexes telles que le transfèrement des détenus ou les gardes statiques. Il a enfin insisté sur la prise en compte de l'avis des victimes, notamment dans le cadre des procédures de composition pénale.

M. François d'Aubert, rapporteur pour avis de la Commission des finances, saisie de l'article 11 du projet, a salué le contenu du texte, considérant que le renforcement des pouvoirs des enquêteurs était indispensable pour que la police et la gendarmerie puissent faire face à une criminalité de plus en plus complexe, tant sur le plan de ses activités que de ses modes de financement. Il a jugé très utiles les dispositions relatives aux repentis et aux infiltrations, qui ont déjà permis d'obtenir des résultats probants à l'étranger. Il s'est interrogé sur l'articulation entre le cadre juridique prévu pour la délinquance et la criminalité organisées et les dispositions en vigueur en matière de blanchiment, notamment depuis la loi du 13 mai 1996. Il s'est demandé s'il ne serait pas opportun de considérer le blanchiment comme une forme de criminalité organisée et donc de l'inclure dans la liste prévue à l'article 706-73 du code de procédure pénale. Puis il a suggéré que le gel des avoirs figure au nombre des sanctions applicables en cas de participation à des activités de criminalité organisées et que le principe du renversement de la charge de la preuve soit étendu à ce type de délinquance. Il a proposé que la liste des personnes soumises à l'obligation de déclaration de soupçon auprès des services compétents en matière de lutte contre « l'argent sale » (TRACFIN) soit actualisée et étendue, notamment dans le domaine du jeu.

M. Christian Decocq a salué l'élaboration d'une « loi républicaine », qui permettra de lutter avec efficacité contre la délinquance et la criminalité organisées. Il s'est également félicité que, répondant à certaines accusations ou interrogations, le ministre ait déclaré sans ambiguïté qu'il ne souhaitait pas substituer à l'actuelle procédure inquisitoire un système accusatoire. Il a indiqué que les représentants du barreau qu'il avait consultés étaient au demeurant moins inquiets de cette perspective que de celle d'une éventuelle transposition de la directive du 4 décembre 2001 relative à la lutte contre le blanchiment, qui élargit les obligations de signalement aux professionnels du chiffre et du droit et notamment aux avocats. Il a par ailleurs jugé insuffisantes les peines prévues par le projet à l'encontre des personnes responsables de la mort d'un agent infiltré.

M. Alain Marsaud a jugé très positives la clarification et l'extension des dispositions relatives aux repentis, qui existent déjà en droit français mais qui ne sont pas suffisamment utilisées. Il a indiqué que le démantèlement de certains réseaux terroristes en 1986 n'aurait pas été possible si des informations n'avaient pas été obtenues auprès de criminels repentis.

M. Xavier de Roux a approuvé les dispositions réservant aux infractions les plus graves les procédures spécifiques instituées par le projet de loi. Il a toutefois exprimé des réserves sur la possibilité de les rendre applicables au délit d'association de malfaiteurs, compte tenu du caractère très large de cette incrimination.

Après s'être félicité que le projet de loi traduise les souhaits exprimés par le chef de l'État d'un renforcement de la lutte contre la délinquance maritime et avoir rappelé que certaines dispositions aujourd'hui envisagées reprenaient des propositions formulées dans ses travaux menés au sein de la Délégation pour l'Union européenne, M. Didier Quentin a souligné que le texte visait les pollutions commises dans la zone économique exclusive, alors que celle-ci n'avait pas été délimitée en Méditerranée. Par ailleurs, s'interrogeant sur l'articulation entre le projet de loi et le projet de directive communautaire en cours de discussion sur ce sujet, il a rappelé que celui-ci laissait à l'appréciation des États membres le soin d'instituer certaines peines complémentaires et a souhaité savoir si celles-ci étaient envisagées par le Gouvernement.

Évoquant les dispositions du projet de loi relatives à Eurojust, M. Guy Geoffroy a estimé qu'elles mettaient en relief le rôle joué par la coopération judiciaire européenne dans la lutte contre la criminalité organisée. Il s'est ainsi félicité que le texte reconnaisse l'existence d'Eurojust et définisse son fonctionnement, ainsi que le rôle de coordination joué par les magistrats qui le composent, avant de rappeler qu'il serait, à terme, appelé à devenir un parquet européen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a exprimé la crainte que le texte n'accorde des pouvoirs excessifs aux officiers de police judiciaire, sans possibilité de contrôle effectif par les magistrats. Après avoir estimé que l'interprétation des dispositions relatives au secret professionnel devrait sans doute être précisée, il s'est interrogé sur les conditions concrètes de mise en œuvre de celles relatives au « plaider coupable ». Tout en soulignant que le système proposé n'était pas assimilable au dispositif applicable aux États-unis, il a fait observer la place prépondérante qu'y occupait le parquet, l'avocat n'étant pas présent avant que cette procédure ne soit engagée, contrairement au système en vigueur aux États-Unis dans lequel la reconnaissance de la culpabilité préalable à l'engagement de la procédure donne lieu à un véritable débat. De même, il s'est interrogé sur le sort des actes de procédure établissant la culpabilité de l'intéressé si le président du tribunal de grande instance n'homologuait pas la proposition du procureur.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

-  En prévoyant la création de pôles spécialisés en matière de criminalité organisée, le projet de loi a précisément pour objet de conforter et de clarifier les compétences des pôles économiques et financiers existants ; en effet, le renforcement de la lutte contre la criminalité organisée oblige les différentes institutions judiciaires et policières à améliorer leur coordination. Dans ces conditions, des éventuels recoupement de compétence entre différents pôles spécialisés sont certes possibles, mais ils ne constituent pas un obstacle dirimant au bon fonctionnement de la justice dès lors que les moyens mis à leur disposition sont accrus. A cet égard, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a dégagé les moyens financiers garantissant la bonne exécution du présent projet. S'agissant de l'entrée en fonctions de ces nouveaux pôles, elle devrait intervenir au cours de l'année 2004, sous réserve de l'achèvement de l'examen de ce projet par le Parlement.

-  La création de juridictions spécialisées dont le ressort s'étend à plusieurs cours d'appel ne doit pas avoir pour effet de remettre en cause le principe selon lequel le procureur de la République assure la direction de l'enquête et, partant, de distendre les liens entre ce magistrat et les officiers ou les agents de police judiciaire ; à cet effet, des discussions sont en cours avec les services du ministère de l'intérieur pour veiller à la bonne articulation entre la nouvelle organisation territoriale des services de police et celle des services judicaires ; dès lors, il est inexact de prétendre que ce projet aura pour effet d'accroître considérablement la marge de manœuvre de la police au détriment des pouvoirs de contrôle des magistrats.

-  La possibilité offerte aux officiers ou aux agents de police judiciaire de procéder à des opérations d'infiltration conjointes avec des policiers étrangers constitue un progrès indéniable en matière de lutte contre la criminalité organisée qui, pour sa part, étend ses activités à l'échelle internationale. Des contacts ont été pris avec certains pays, dont l'Espagne et la Belgique, avec lesquels la coopération policière est judiciaire est particulièrement satisfaisante. La personne ayant indirectement révélé l'identité de l'agent infiltré ultérieurement assassiné n'encourt une peine de 10 ans d'emprisonnement que si elle n'est pas complice de cet assassinat ; dans le cas contraire, la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité.

-  Il est vrai que le projet de loi conduit à l'existence de cinq régimes différents en matière de garde à vue, ce qui peut sembler trop complexe ; toutefois, ce projet a été élaboré en étroite concertation avec l'ensemble des professions concernées et toute tentative de simplification en cette matière particulièrement sensible au regard des atteintes portées aux libertés individuelles doit être conduite avec une grande prudence.

-  Le projet de loi innove en prévoyant qu'une personne gardée à vue dans le cadre d'une enquête portant sur des infractions relevant de la criminalité organisée peut, six mois après les faits, interroger le procureur de la République sur les suites de l'enquête et, dans l'hypothèse où les investigations se poursuivent, obtenir communication du dossier de la procédure par l'intermédiaire de son avocat ; il s'agit de conforter les droits de la défense face aux pouvoirs d'investigations renforcés qui sont prévus par le projet. Dès lors, dans l'hypothèse où la communication du dossier est susceptible de mettre en danger l'enquête en cours, le procureur de la République peut toujours décider d'ouvrir une information judiciaire dans le cadre de laquelle l'accès au dossier est réservé aux personnes mises en examen et à la partie civile.

-  L'extension de la durée de l'enquête de flagrance en matière de criminalité organisée se justifie pleinement au regard de la complexité de ces affaires, qui nécessitent des investigations nombreuses et difficiles. En effet, les caractéristiques majeures de la criminalité organisée actuelle sont le professionnalisme et la sophistication dont font preuve ses auteurs, ainsi que le degré de violence inouï auquel ils n'hésitent pas à recourir. Dans ces conditions, s'il importe de doter les forces de l'ordre des moyens leur permettant de lutter efficacement contre ces nouvelles formes de criminalité, l'extension du champ d'application des procédures d'investigation exceptionnelles prévues par le projet de loi à d'autres infractions, comme le blanchiment par exemple, pourrait rompre l'équilibre auquel est parvenu le texte. C'est pourquoi il importe de délimiter avec précision les infractions relevant de la criminalité organisée, comme le propose le projet, et d'envisager avec prudence toute extension en la matière.

-  Les dispositions relatives aux repentis n'ont nullement pour objet d'instaurer une incitation générale à la délation, mais tendent simplement à renforcer l'efficacité des enquêtes en favorisant la divulgation d'informations ; de surcroît, le projet de loi prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations du repenti. En ce qui concerne l'accompagnement et la protection des repentis, ces opérations vont indéniablement nécessiter la mobilisation de moyens financiers importants, qui relèvent de la compétence du ministère de l'intérieur.

-  Aucune disposition du projet de loi ne menace de quelque façon que ce soit le secret professionnel des avocats et si un malentendu a pu exister en ce domaine, il semble désormais levé. En revanche, les représentants de la profession d'avocat continuent d'exprimer des craintes à l'égard des exigences induites par la transposition en droit interne de la directive européenne du 4 décembre 2001 relative à la lutte contre le blanchiment, qui tend à astreindre certaines professions du chiffre et du droit à l'obligation de la déclaration de soupçon. À cet égard, la solution qui semble se dessiner, et qui donnerait satisfaction à l'ensemble des professionnels concernés tout en étant conforme à nos engagements européens, consisterait à n'intégrer les avocats dans le champ d'application de l'obligation de procéder à la déclaration de soupçon que lorsqu'ils interviennent dans la rédaction d'un acte juridique et non lorsqu'ils exercent leur mission de défenseur d'une personne mise en cause.

-  Afin d'éviter une mobilisation inutile de moyens de police lors des transfèrements de détenus, il est nécessaire de développer l'utilisation de la vidéoconférence, notamment au sein des établissements pénitentiaires, même si ce développement suppose des moyens financiers importants. S'agissant de la responsabilité de ce transfèrement, le ministère de la justice n'est pas hostile, par principe, à ce qu'une telle responsabilité lui incombe, à condition toutefois que les crédits correspondants soient prévus ; cette nouvelle compétence constituerait un élément de diversification des missions confiées aux agents de l'administration pénitentiaire. En raison du maillage territorial des forces de police, plus étendu que celui des personnels de l'administration pénitentiaire, il serait possible de retenir un système mixte, dans lequel le transfèrement dans les grandes agglomérations relèverait de la compétence du ministère de la justice et celui dans les zones rurales du ministère de l'intérieur.

-  Les dispositions en vigueur réprimant la pollution maritime permettent déjà d'infliger une peine d'amende aux navires étrangers commettant dans les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive les infractions visées par le titre Ier du livre II du code de l'environnement. En outre, dans les eaux territoriales, la confiscation du navire est possible. Pour que des sanctions pénales plus lourdes puissent être appliquées lorsque l'infraction a lieu dans la zone économique exclusive, de nouvelles négociations internationales sont nécessaires. Le regroupement actuel des affaires autour de trois juridictions spécialisées donne satisfaction. Il convient néanmoins de corriger le texte afin d'intégrer la notion de « zone protégée écologique » dans la définition de la compétence géographique de ces juridictions, pour tenir compte de l'absence de zone économique exclusive en Méditerranée.

-  Au cours des derniers mois, plusieurs instructions ont été données par le ministre de la justice, notamment pour ouvrir une enquête dans une affaire mettant en cause une secte, pour faire appel d'un jugement en matière de haine raciale dans le Nord, ou encore pour regrouper à Brest l'ensemble des affaires relatives au naufrage du Prestige. Ces instructions ont été rendues publiques. L'article 18 relatif au procureur général permet de clarifier le rôle de celui-ci, mais ne constitue pas une réelle innovation.

-  Le projet de loi, tout en posant le principe d'une réponse pénale systématique si l'auteur est identifié, ne supprime pas les classements sans suite, qui peuvent intervenir lorsque des circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. Quant à l'obligation de motivation, elle existe déjà dans certains cas. La simplification de la procédure pénale liée au développement de la composition pénale et à la création d'une procédure de « plaider coupable » à la française permettra de dégager des moyens pour mettre en œuvre ces nouveaux principes.

-  L'exemple du bagagiste de Roissy est une bonne illustration des inconvénients qu'aurait entraînés une procédure purement accusatoire. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne constitue pas un premier pas vers ce système, mais constitue un élément de diversification et de simplification des procédures, l'organisation d'un débat contradictoire et public n'étant pas toujours indispensable. Cette nouvelle procédure permettra en outre de diminuer la durée et le nombre des détentions provisoires en diminuant le nombre de comparutions immédiates. Il convient de noter que le président du tribunal pourra poser des questions au prévenu lors de l'audience d'homologation. En cas de refus d'homologation, le procureur retrouvera la plénitude de ses pouvoirs pour apprécier la suite à donner à la procédure. Les peines proposées par le procureur ne figureront pas, dans ce cas, au dossier de la procédure, mais il n'en est pas de même du procès-verbal de la reconnaissance des faits devant l'officier de police judiciaire, lequel pourra naturellement être porté à la connaissance de la juridiction de jugement.

*

* *

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Marc Ayrault.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DISPOSITIONS RENFORCANT LA LUTTE CONTRE LES FORMES NOUVELLES
DE DÉLINQUANCE ET DE CRIMINALITÉ

Chapitre Ier

Dispositions renforçant la lutte contre la délinquance
et la criminalité organisées

Section 1

Dispositions renforçant l'efficacité des procédures
relatives à la délinquance et la criminalité organisées

« Dieu merci, le gangster a désormais disparu de notre métropole et depuis quelques années, la menace qu'il représente ne survit plus que dans l'imagination fertile des journalistes en mal de sensation, population dans laquelle le gangster est doté d'encore plus de vies que le chat proverbial. » (2) écrivait en 1927, avec un bel optimisme, un « spécialiste » américain du crime organisé, en pleine prohibition.... Chacun sait ce qu'il en fut réellement, aux États-Unis comme ailleurs. Parce qu'elle constitue une véritable entreprise qui cherche à maximiser le profit qu'elle retire de son activité, la criminalité organisée s'adapte sans relâche aux différents marchés sur lesquels elle prospère. Parfois défaite donc, mais toujours renaissante, la criminalité organisée s'apparente à un phénix sur lequel la victoire n'est que temporaire et précaire. C'est précisément ce qui la rend si difficile à saisir et à combattre.

La définition même de la criminalité organisée se révèle délicate à établir tant cette notion est devenue générique et, en conséquence, imprécise. Pour preuve, le groupe « drogue et criminalité organisée » de l'Union européenne (3) n'énumère pas moins de onze critères pour déterminer si une structure relève de la criminalité organisée :

- une collaboration entre plus de deux personnes ;

- des tâches spécifiques attribuées à chacune d'entre elles ;

- sur une période de temps assez longue ou indéterminée ;

- avec une forme de discipline et de contrôle ;

- suspectées d'avoir commis des infractions pénales graves ;

- agissant au niveau international ;

- recourant à la violence ou à d'autres moyens d'intimidation ;

- utilisant des structures commerciales ou de type commercial ;

- se livrant au blanchiment de l'argent ;

- exerçant une influence sur les milieux politiques, sur les médias, l'administration publique, le pouvoir judiciaire ou l'économie ;

- agissant pour le profit et/ou le pouvoir(4).

Complexe à définir, la criminalité organisée est également délicate à estimer et c'est pourquoi toute tentative en la matière, bien que nécessaire, doit néanmoins être conduite avec prudence.

I. -  LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE, UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À ÉVALUER MAIS QUI SE DÉVELOPPE

A. LA DIFFICULTÉ D'EN MESURER PRÉCISÉMENT L'AMPLEUR

« Avec la problématique de la criminalité organisée - et c'est son aspect fascinant - nous nous trouvons aux frontières de l'occulte et de l'apparent, du caché et du découvert.... » affirmait à juste titre le professeur Nicolas Queloz (5). Or, c'est précisément cette ambivalence qui rend si difficile sa mesure par les outils statistiques.

En effet, toute tentative d'évaluation quantitative de la criminalité organisée se heurte à un double écueil. En tant que phénomène souterrain, la criminalité organisée peut se développer sans être pour autant révélée par les statistiques, dès lors que les services en charge des enquêtes constatent peu d'infractions de cette nature. Dans cette hypothèse, il serait bien évidemment erroné d'en déduire que la criminalité organisée est inexistante. A l'inverse, le renforcement des actions entreprises pour lutter contre cette forme de criminalité, ou l'amélioration de l'efficacité des enquêtes diligentées, conduit nécessairement à une augmentation statistique de la criminalité organisée découverte. Il serait néanmoins tout aussi infondé d'en déduire un fort développement de la criminalité organisée alors même que les opérations menées peuvent lui avoir donné un véritable coup d'arrêt. Ces précautions méthodologiques étant rappelées, deux sources statistiques sont disponibles, celles produites par le ministère de l'intérieur et celles émanant du ministère de la justice, les premières recensant le nombre des infractions constatées, les secondes celui des condamnations prononcées.

Si, entre 1996 et 2002, le nombre de crimes et de délits constatés en France est passé de 3,56 millions à 4,11 millions, soit une augmentation de 15,57 %, les infractions relevant de la criminalité organisée (6)ont atteint 33 211 en 2002 contre 31 116 en 1996, soit une progression de près de 21 % ainsi que l'illustre le tableau suivant.

graphique

S'agissant des condamnations prononcées en matière de criminalité organisée, il convient au préalable de préciser que son acception par les services judiciaires diffère de celle utilisée par les services du ministère de l'intérieur. En effet, la criminalité organisée est appréhendée par les services de la chancellerie au travers du nombre des condamnations fondées sur l'incrimination d'association de malfaiteurs ou bien sur celles caractérisées par la circonstance aggravante de bande organisée qui est cependant rarement retenue par les juridictions. Cette définition couvre donc un champ matériel plus restreint que celle utilisée par les services de police et de gendarmerie, les données fournies s'en ressentent. Ainsi, en 2001, dernière année dont les données sont disponibles, le nombre de condamnations prononcées pour association de malfaiteurs a atteint 196 (contre 100 en 1994) dont 56 concernaient la préparation d'un acte de terrorisme et 90 un crime. Pour leur part, les condamnations sanctionnant un crime ou un délit commis en bande organisée se sont élevées à 486 (contre 29 en 1994) dont 121 concernaient le recel en bande organisée de biens provenant d'un délit, 57 un vol en bande organisée commis avec une arme et 203 une escroquerie.

Au-delà de ces grandes évolutions, certaines formes de la criminalité organisée connaissent un développement spectaculaire qui ne doit pas être laissé sans réponse.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE CERTAINES FORMES DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE SUR NOTRE TERRITOIRE EST AVÉRÉ

1. La traite des êtres humains et le proxénétisme

Chacun peut le constater par lui-même : les grandes villes de notre pays ont connu un développement sans précédent de la prostitution de rue au cours des dernières années. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre des personnes se livrant à la prostitution sur la voie publique en France a considérablement augmenté et atteindrait près de 15 000 aujourd'hui dont 7 000 à Paris.

Par ailleurs, la prostitution est désormais principalement le fait de personnes étrangères. Ainsi, selon les estimations de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH(7) plus de 60 % des prostituées de voie publique à Paris et à Nice sont étrangères, cette proportion atteignant 50 % à Strasbourg et près de 40 % à Marseille. De même, les trois quarts des hommes prostitués parisiens seraient des étrangers. S'agissant de l'origine géographique de l'ensemble de ces personnes, elles proviennent, à titre principal, d'Europe de l'Est et des Balkans ainsi que de l'Ouest ou du centre de l'Afrique. A titre d'illustration, on indiquera qu'à Nice, le nombre de prostituées contrôlées est passé de 308 en 2001 à 437 au 1er novembre 2002 (+ 41,88 %) et que 83 % d'entre elles étaient originaires de pays de l'Europe de l'Est en 2002 contre 59 % un an auparavant(8). En ce qui concerne la ville de Paris, et selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre des personnes prostituées contrôlées par les services de police a crû de 44 % en 2002 après une augmentation de 31 % en 2001. Acheminées en nombre en Europe de l'Ouest, les personnes prostituées changent également très fréquemment de lieux et de pays de prostitution, ce qui témoigne du caractère organisé des filières dont elles sont les victimes. On ne peut donc qu'abonder dans le sens de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les diverses formes de l'esclavage moderne, qui constatait que « les prostitués, filles ou garçons mineurs quelquefois, que l'on voit aujourd'hui sur les trottoirs des villes françaises sont pour la plupart aux mains des proxénètes ».

A cet égard, il convient de garder présent à l'esprit les profits considérables qui sont retirés de cette criminelle activité et qui offrent à leurs auteurs des moyens d'action, voire de pression, sans pareil. Sans même évoquer la rémunération des organisateurs des filières d'immigration clandestine qui sont parfois susceptibles d'intervenir, un représentant d'Interpol estimait, en 2001, « qu'une prostituée albanaise rapportait environ 80 000 francs [12 195 euros] par mois. En moyenne, on compte cinq prostituées par proxénète : une somme ridicule de l'ordre de 100 francs français par mois [15 euros] leur est reversée tandis qu'environ 100 dollars US sont envoyés à leur famille pour subvenir à leurs besoins. Le revenu du proxénète a été évalué à plus ou moins 4 millions de francs français par an [609 800 euros] »(9).

Ce renouveau du proxénétisme en France se retrouve dans les statistiques de la délinquance puisque les faits constatés par les services de la police et de la gendarmerie nationale en cette matière ont crû de 29,92 % en 2002 par rapport à l'année précédente. Il s'agit là de la plus forte progression observée en ce domaine depuis 1993. Plus précisément, le nombre des infractions de proxénétisme constatées a diminué de façon régulière de 1993 à 2000, en passant de 679 à 368, pour progresser de nouveau et atteindre 371 en 2001 puis 482 en 2002.

Le développement de ce phénomène sur notre territoire a mis en relief l'inadéquation de notre arsenal pénal.

2. Les trafics de stupéfiants et d'armes

Le trafic de stupéfiants est l'une des activités criminelles les plus profitables. En effet, si l'on en croit les estimations du Bureau des Nations unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, le « chiffre d'affaires » mondial du trafic de stupéfiants aurait atteint, en l'an 2000, 305 à 533 milliards d'euros, soit près de 8 % du commerce mondial.

Au seul niveau français, les infractions constatées par le ministère de l'intérieur de trafic et revente sans usage de stupéfiants ont augmenté de 27,63 % en 2002, ce qui constitue l'une des plus fortes progressions en cette matière depuis 10 ans après la hausse observée en 1997 (+ 60,92 %) et en 1998 (+ 43,47 %). S'agissant des saisies de stupéfiants, elles ont atteint 60 tonnes en 2002 qui se répartissent de la façon suivante : 50 tonnes de cannabis (- 12,65 %), 476 kilos d'héroïne (+ 35,63 %), 3,6 tonnes de cocaïne (+ 74,16 %), 2,1 millions de pilules d'ecstasy (+ 43,43 %) et 151 kilos d'amphétamines (+ 165,28 %). Ces quelques chiffres esquissent des tendances inquiétantes et témoignent de la croissance du trafic et de la consommation de cocaïne, du développement du trafic des drogues de synthèse et de la résine de cannabis et de la probable recrudescence du trafic d'héroïne en raison de l'implantation de réseaux criminels en provenance des Balkans dont les représentants de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants se sont faits l'écho devant votre rapporteur.

Par ailleurs, la répartition de la population carcérale des condamnés par structure d'infraction principale atteste du développement du trafic de stupéfiants : depuis 1995, les condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants ont toujours représenté la première ou la seconde catégorie de condamnés bien que depuis 1998, les personnes condamnées pour viol ou pour attentats aux mœurs soient désormais les plus nombreuses comme l'illustre le tableau suivant.

POPULATION CARCÉRALE, CONDAMNÉS,
STRUCTURE PAR INFRACTION PRINCIPALE

Année

Vol
simple

Vol
qualifié

Recel,
escroquerie,
abus de confiance

Homicide
volontaire *

CBV**

ILS***

Viol,
attentat aux mœurs

Police des
étrangers

Autres

Ensemble

1995

6 208

2 886

1 317

3 120

1 997

6 631

3 945

1 329

3 396

30 559

1996

6 541

3 089

1 372

3 230

2 124

6 772

4 759

1 487

3 518

32 892

1997

5 678

3 367

1 108

3 221

2 082

6 377

5 218

1 515

2 940

31 506

1998

5 062

3 887

1 246

3 268

2 366

5 875

6 044

1 056

3 180

31 984

1999

4 675

4 107

1 472

3 382

2 636

5 412

6 760

965

2 852

32 261

2000

4 040

4 198

1 280

3 492

2 953

4 910

7 499

878

3 876

33 126

2001

3 470

3 765

1 374

3 357

3 368

4 373

7 895

778

3 251

31 631

2002

3 737

3 894

1 645

3 325

4 059

3 936

7 779

896

3 173

32 444

Évolution en %

- 39,8

- 34,9

24,9

6,6

103,3

- 38,1

97,2

- 32,6

- 6,6

6,2

* Homicide volontaire : meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement.

**  Coups et blessures volontaires (y compris sur mineur).

*** Infraction à la législation sur les stupéfiants.

S'agissant du trafic d'armes, l'Office central pour la répression du trafic des armes, explosifs et matière sensibles (OCRTAEMS) ne dispose que de données partielles qui rendent impossible l'évaluation globale du nombre et de la provenance des armes de guerre circulant en France. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, il semble néanmoins que les réseaux criminels d'origine balkanique soient très actifs en ce domaine et procurent aux délinquants des armes de plus grande létalité qu'auparavant. Au niveau de la statistique nationale, on relèvera néanmoins qu'en 2002, le port et la détention d'armes prohibées ont progressé de 6,61 % par rapport à 2001.

Là encore, le Gouvernement a d'ores et déjà pris des dispositions législatives en la matière qui tendent, notamment, à interdire l'acquisition et la détention des matériels de guerre de 2e et 3e catégorie et à obliger toute personne physique sollicitant la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels de 1re et 4e catégories à produire un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique n'est pas incompatible avec la détention de ces matériels (10).

3. Le blanchiment

Parce que les gigantesques revenus illégaux issus de la criminalité organisée ne peuvent être durablement thésaurisés, l'une des premières préoccupations des auteurs de ces méfaits est de parvenir à les réinvestir dans le circuit de l'économie légale. Pour réussir, l'opération de blanchiment doit donc être suffisamment complexe et habile afin que les éventuels enquêteurs ne soient pas en mesure d'en retracer les différentes étapes. Toutefois, si l'on en croit certains praticiens spécialisés en matière de lutte contre le blanchiment, cette opération connaît habituellement trois stades (11) : la conversion tout d'abord, qui est le procédé par lequel les espèces illégales sont converties en dépôt sur les comptes bancaires ou en acquisition de biens facilement négociables, comme des bijoux ; la dissimulation ensuite, qui consiste à multiplier les opérations financières afin de les rendre inintelligibles ; l'intégration enfin, qui voit les sommes lavées par leur circuit complexe prendre place et s'investir dans des affaires parfaitement légales.

Or, c'est précisément cette complexité qui rend quasiment impossible toute évaluation de l'ampleur du blanchiment. De nombreuses estimations existent, mais leur rigueur n'est pas toujours assurée. A titre d'information, les experts du bureau des Nations unies pour le contrôle des drogues et la prévention l'estiment à hauteur de 1 070 milliards d'euros pour l'ensemble du monde (12). S'agissant de la France, il convient de se référer aux informations communiquées par le service en charge du Traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) mis en place par le décret du 9 mai 1990 et dont les missions ont été précisées par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990. Ainsi que l'illustre le tableau suivant, TRACFIN connaît une forte progression de son activité. S'agissant des déclarations de soupçon reçues, elles n'étaient que 900 en 1996 et ont atteint 6 896 en 2002, soit une hausse de 766 % !

Transmission de dossiers au parquet par TRACFIN

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Nombre de déclarations de soupçons reçues par TRACFIN

900

1 202

1 244

1 655

2 537

3 597

6 896 *

Nombre de dossiers transmis
par TRACFIN au parquet

47

77

104

129

156

226

291 *

Proportion

5,2 %

6,4 %

8,4 %

7,8 %

6,1 %

6,3 %

4,2 %

* Chiffres non définitifs

S'agissant des sommes concernées par les opérations transmises à la justice, celles-ci atteignaient un montant cumulé d'environ 1,27 milliard d'euros en 2002 et ont porté davantage sur le blanchiment présumé d'activités criminelles, notamment terroristes, que sur celui du trafic de stupéfiants, contrairement aux années précédentes.

Bien évidemment, cette présentation n'est pas exhaustive et ne recense pas l'ensemble des modalités de la criminalité organisée qui peut également investir, notamment, le vol de véhicules de transport avec fret (1 148 infractions constatées en 2002 contre 1 253 en 2001 et 1 087 en 2000) ou bien la fausse monnaie qui connaît une augmentation soutenue ces dernières années (+ 42,89 % en 2002 et + 62,64 % en 2001).

Les explications du développement de la criminalité organisée en Europe sont désormais bien établies. Les progrès de la mondialisation des échanges, l'essor des marchés financiers, des nouvelles technologies de l'information, la mobilité accrue des personnes ont indéniablement facilité l'expansion de la criminalité organisée. Par ailleurs, dès 1996, le Conseil de l'Europe faisait le lien entre les changements socio-politiques intervenus depuis 1989 en Europe centrale et orientale et les développements quantitatifs et qualitatifs de la criminalité organisée en Europe occidentale (13). Comme l'a clairement résumé un expert des relations internationales, pour nombre d'organisations « la ressource criminelle a ainsi pris la place de la ressource stratégique que représentait, quelques années auparavant, l'obédience à Moscou ou à Washington » (14).

Or, parce qu'elle est violente et méthodique, qu'elle investit autant les petits trafics que la criminalité d'affaires et qu'elle procure des gains considérables, la criminalité organisée représente une menace sérieuse pour nos démocraties, pour la sécurité collective mais aussi pour nos systèmes économiques car elle introduit des distorsions de concurrence extrêmement perverses. Conscients de ces dangers et du caractère international de la criminalité organisée, les États ont pris de nombreuses initiatives afin de lutter contre ce phénomène.

II. UNE RÉPONSE PÉNALE PARTIELLE QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉE

A. SI LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE EST PRISE EN COMPTE PAR LE DROIT PÉNAL ...

1. De nombreux instruments internationaux

Dresser la liste des conventions relatives à la lutte contre la criminalité organisée aurait pour effet de transformer le présent rapport en un inventaire à la Prévert. C'est pourquoi, votre rapporteur se limitera à rappeler les principaux instruments juridiques en cette matière.

· Au niveau communautaire, il convient de mentionner, en premier lieu, la directive 91/308 du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux qui, tout en invitant les Etats membres à mettre en place des outils juridiques de surveillance, a introduit l'obligation d'informer les services responsables de tout fait pouvant constituer l'indice d'un blanchiment. Avec la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, la France a largement anticipé la transposition de cette directive dont le dispositif est néanmoins appelé à évoluer en raison de la transposition en droit interne de la directive 2001/97 du 4 décembre 2001 qui consolide le processus d'élargissement de la lutte anti-blanchiment en imposant de nouvelles obligations à l'endroit de professions non financières, et notamment celles du chiffre et du droit.

En outre, le Conseil européen de Tampere (15 et 16 octobre 1999) puis celui de Laeken (15 décembre 2001) ont marqué une étape importante dans la construction d'un espace pénal européen. Preuve en est la création d'un mandat d'arrêt européen qui se substituera au complexe système de l'extradition et dont l'introduction dans notre droit interne a nécessité une révision constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (15).

Par ailleurs, le Conseil de l'union européenne a adopté plusieurs décisions-cadres tendant au rapprochement des législations pénales des États membres dont l'hétérogénéité constitue une aubaine pour les criminels bien informés et une entrave pour les autorités policières et judiciaires. Le Conseil a ainsi adopté la décision-cadre du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro ou encore, à l'initiative de la France, la décision-cadre du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime.

· Le Conseil de l'Europe a également développé une importante activité en matière de lutte contre la criminalité organisée. Dès 1995, un programme d'action contre la corruption était initié qui aboutissait, notamment, à l'adoption, le 27 janvier 1999, de la convention pénale sur la corruption. En outre, le 8 novembre 1990 était adoptée la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, aujourd'hui ratifiée par trente États. Enfin, depuis le 23 novembre 2001, le Conseil a proposé à la signature des États la convention sur la cybercriminalité. Au-delà de cette activité conventionnelle, le Conseil de l'Europe a également adopté des « recommandations » aux États membres en matière de lutte contre la criminalité organisée. Ainsi la recommandation n° 2001-11 du 19 septembre 2001 concernant les principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé invite notamment les Etats membres : à adopter des dispositions législatives autorisant le dépistage, le gel, la saisie ou la confiscation des avoirs provenant du crime organisé (point 15) ; à assurer une protection efficace aux témoins et collaborateurs de la justice qui en ont besoin parce qu'ils ont fourni des renseignements ou témoigné dans des affaires de crime organisé (point 17) ; à adopter une législation permettant « la surveillance, l'interception des communications, les opérations d'infiltrations, les livraisons surveillées et le recours à des informateurs » (point 19).

· Pour sa part, l'Organisation des Nations unies a élaboré un certain nombre d'instruments juridiques au service de la lutte contre la criminalité organisée. Tel est le cas des conventions du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée. Cette dernière convention, ainsi que ses deux protocoles additionnels relatifs à la traite des êtres humains et au trafic illicite de migrants, ont d'ores et déjà été ratifiés par la France en vertu de la loi n° 2002-1041 du 6 août 2002. Par ailleurs, on rappellera que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a introduit dans notre code pénal une incrimination nouvelle sanctionnant la traite des êtres humains (articles 225-4-1 à 225-4-8 nouveaux du code pénal) dont la définition s'inspire fidèlement des dispositions de la convention du 15 novembre 2000. Cette dernière définit d'ailleurs la criminalité organisée comme « un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert en vue de commettre une ou plusieurs infractions graves pour en tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel ». Cette définition n'est pas sans évoquer celle de bande organisée qui constitue l'instrument privilégié en droit pénal français pour appréhender et réprimer la criminalité organisée.

2. La circonstance aggravante de bande organisée

Comme l'écrivait fort justement le professeur Yves Mayaud (16), « Le crime organisé est une réalité prise en compte en droit français, mais de manière encore fort disparate, faute pour le droit pénal général d'avoir les instruments de réaction adaptés, qui soient applicables à toutes les manifestations d'une telle organisation ».

En effet, la bande organisée, qui est définie à l'article 132-71 du code pénal comme « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions », ne constitue qu'une circonstance aggravante qui doit être expressément prévue par la loi.

Ainsi, à la différence de la récidive légale, qui, ayant un effet général, aggrave la peine quelle que soit l'infraction commise en application des dispositions des articles 132-8 à 132-15 du code pénal, la bande organisée, en tant que circonstance aggravante spéciale, ne s'applique donc qu'aux auteurs de crimes ou de délits pour lesquels la loi le prévoit. Il en est ainsi, à titre d'illustration, en matière de trafic de stupéfiants (2e alinéa de l'article 222-36 du code pénal) ; de proxénétisme (1er alinéa de l'article 225-8 du même code) ou de vol (1 °de l'article 311-4). En revanche, et en raison même de sa spécialité, la circonstance aggravante de bande organisée ne s'applique pas à de nombreuses incriminations comme celles réprimant le meurtre (article 221-4) ; les tortures ou les actes de barbarie (article 222-3) ; la fabrication ou le commerce illégaux des matériels de guerre (article 24 du décret du 18 avril 1939) pour ne citer que quelques exemples.

Ce faisant, le législateur a certes entendu apporter une réponse à la dangerosité de la criminalité organisée mais celle-ci n'est ni générale ni source d'incrimination, ce qui n'est pas satisfaisant.

3. L'association de malfaiteurs

A la différence de la bande organisée, l'association de malfaiteurs est une incrimination qui permet de sanctionner certaines formes de criminalité organisée et fut pour la première fois introduite dans notre code pénal en 1810. Selon les termes de l'article 450-1 du code pénal, « constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ». Lorsque les infractions préparées sont des crimes ou des délits punis de dix ans d'emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.

La définition de cette incrimination comprend nombre d'éléments constitutifs communs à celle de la bande organisée. Dans les deux cas, sont nécessaires : la résolution des auteurs d'agir en commun aux fins de commettre une infraction et l'existence de plusieurs éléments matériels l'attestant. Toutefois, la différence entre l'association de malfaiteurs et la circonstance aggravante de bande organisée est que la première sanctionne des agissements préparatoires en vue de commettre une ou plusieurs infractions qui n'ont pas nécessairement eu lieu tandis que la seconde augmente le quantum des peines encourues par les auteurs d'infractions qui ont été effectivement commises.

Outre l'association de malfaiteurs, d'autres incriminations font du caractère organisé du groupement l'un de leurs éléments constitutifs. C'est le cas en matière de terrorisme (article 421-2-1 du code pénal), de participation à une entreprise de démoralisation de l'armée en vue de nuire à la défense nationale (article 413-4) ou à un groupe de combat (article 431-13). Somme toute, si le droit pénal français comprend de nombreuses dispositions en matière de lutte contre la criminalité organisée, celles-ci demeurent notablement éparses et manquent de cohérence. Il en est de même en matière procédurale.

B. LES INSTRUMENTS PROCÉDURAUX AU SERVICE DES ENQUÊTEURS SONT INSUFFISANTS ET DOIVENT ETRE RENFORCÉS

1. L'absence de cohérence du droit procédural spécial

La dangerosité pour l'ordre public de la criminalité organisée justifie sans conteste que les instruments dont bénéficient les forces de l'ordre et les magistrats soient particulièrement adaptés et performants. Or, l'une des conséquences de l'absence d'un droit pénal général de la criminalité organisée précédemment évoquée, est précisément l'inexistence d'un droit procédural spécifique. Cette situation n'est pas satisfaisante car elle entrave l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée en privant les enquêteurs des moyens juridiques nécessaires au démantèlement des réseaux criminels. La recommandation n° 2001-11 du Conseil de l'Europe précitée invite d'ailleurs les États membres à se doter, notamment, de dispositions législatives permettant le recours aux écoutes, aux infiltrations ou aux livraisons surveillées.

A défaut d'un droit procédural cohérent et spécialisé, il existe néanmoins dans notre droit des dispositions ponctuelles dérogatoires, plus particulièrement en matière de terrorisme, de stupéfiants ou de proxénétisme. Ainsi, au stade de l'enquête policière, les durées de garde à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants sont supérieures à celles prévues par le droit commun (jusqu'à 96 heures contre 48 heures). En outre, des perquisitions peuvent avoir lieu sans l'assentiment de la personne lors de l'enquête préliminaire (articles 76-1 et 706-24 du code de procédure pénale) et se dérouler de nuit, sous réserve de l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Toutefois, le droit en vigueur n'autorise pas les forces de l'ordre à procéder à des perquisitions de nuit dans un local d'habitation dans le cadre de l'enquête préliminaire. En revanche, en matière de proxénétisme, les durées de garde à vue sont celles prévues par le droit commun, mais des visites, perquisitions et saisies peuvent être opérées à toute heure du jour et de la nuit à l'intérieur de « tout hôtel, maison meublée, pension, débit de boissons, club, cercle, dancing, lieu de spectacle et leurs annexes » (article 706-35 du code de procédure pénale). Ces différences de régimes juridiques selon la nature des infractions, qui ont pu avoir leur légitimité, sont aujourd'hui inadaptées à la criminalité organisée qui se joue des distinguos juridiques et peut, fort aisément, mener plusieurs entreprises criminelles distinctes simultanément.

Par ailleurs, on relèvera que pour les nécessités de l'enquête des affaires de stupéfiants, et pour elles seulement, les officiers de police judiciaire (OPJ) sont autorisés à infiltrer les réseaux criminels en application des dispositions de l'article 706-32 du code de procédure pénale. Soumises à l'autorisation préalable d'un magistrat, le procureur de la République ou, le cas échéant, le juge d'instruction saisi, les opérations d'infiltrations autorisent les OPJ à acquérir, détenir, transporter ou livrer des produits stupéfiants dès lors que ces actes ne déterminent pas la commission des infractions. Particulièrement délicates à mettre en œuvre, les infiltrations n'en demeurent pas moins un procédé efficace pour lutter contre le criminalité organisée et l'on peut regretter que les hypothèses légales de leur emploi soient limitées au seul trafic de stupéfiants et non étendues à d'autres formes de trafic, la traite des êtres humains ou le trafic d'armes, par exemple.

S'agissant des modalités de confiscation des produits du crime, là encore les différents régimes juridiques qui prévalent ne se justifient pas pleinement. Ainsi, préalablement au jugement et pendant la phase de l'instruction, la procédure de saisie conservatoire n'est prévue qu'en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants, de proxénétisme ou de traite des êtres humains (respectivement articles 706-24-2, 706-30 et 706-36-1 du code de procédure pénale), ce qui n'est pas suffisant. De surcroît, alors qu'en matière de trafic de stupéfiants (article 222-49 du code pénal) et de blanchiment (article 324-7.12°du même code), la confiscation de tout ou partie des biens du condamné quelle qu'en soit la nature est autorisée, en revanche, en matière de proxénétisme, seuls les biens mobiliers ayant servi directement ou indirectement à commettre l'infraction ainsi que les produits issus de l'infraction (article 225-24 du code pénal) et le fonds de commerce (article 225-22 du même code) pouvaient être confisqués avant l'adoption de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Celle-ci a en effet inséré un article 225-25 nouveau en application duquel les personnes coupables des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens « quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ».

A la disparité de ces instruments d'investigations ou de confiscation s'ajoute la dispersion des structures compétentes.

3. Le nécessaire renforcement des réponses institutionnelles

S'agissant des moyens de renseignement de la police nationale, la Division « analyse et recherche financières » du service des Renseignements généraux procède notamment à l'examen et à la centralisation d'informations concernant les investissements étrangers sur le territoire national. La Direction de la surveillance du territoire intervient quant à elle dans la collecte de renseignements sur le crime organisé. Sur le plan répressif, la Direction centrale de la police judiciaire dispose de plusieurs offices centraux qui sont les seules structures nationales, à vocation interministérielle, spécialisées dans la prévention et la répression du crime organisé sous toutes ses formes. Il s'agit de : l'Office central pour la répression du grand banditisme (OCRB) ; l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) ; l'Office central pour la répression du trafic des armes et munitions, des produits explosifs et des matières nucléaires, biologiques et chimiques (OCRTAEMS) ; l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) ; l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OBCBC). En outre, parce que la lutte contre la criminalité organisée requiert un important travail de coordination et d'échanges d'information au niveau national et international, chaque Office central dispose d'officiers de liaison dans un certain nombre de pays étrangers. A titre d'exemple, l'OCRTIS possède 12 antennes implantées dans des pays comme les États-Unis, la Colombie ou Chypre.

En 1992 a par ailleurs été créée, au sein de la direction générale de la police nationale, l'Unité de coordination et de recherches anti-mafias (UCRAM) qui a pour mission de coordonner, d'animer et d'orienter l'action de l'ensemble des services impliqués dans la lutte contre le crime organisé. Structure légère, l'UCRAM est dirigée par le chef de l'UCLAT (Unité de coordination de la lutte anti-terroriste) et s'appuie sur un réseau de 13 officiers de liaison situés dans cinq pays (Allemagne, Italie, Espagne, Belgique et Royaume-Uni). Conformément à sa volonté de lutter contre le crime organisé et de doter les services de la police et de la gendarmerie nationales des moyens adaptés, le Gouvernement a entrepris de renforcer les effectifs de l'UCRAM qui ont d'ores et déjà doublé par rapport à 2001. Dès lors, si l'organisation policière s'est rapidement adaptée aux évolutions de la criminalité organisée, l'institution judiciaire a fait preuve jusqu'à aujourd'hui, pour sa part, d'une réactivité moindre.

En effet, alors que la lutte contre la criminalité organisée requiert des personnels hautement formés et spécialisés, le traitement judiciaire de ces infractions est largement dévolu aux juridictions ordinaires, ce qui peut être une source de difficulté. Il existe seulement en matière pénale deux catégories de juridictions spécialisées chargées de la poursuite, de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme d'une part, des infractions économiques et financières d'autre part. S'agissant des premières, le procureur de la République, le juge d'instruction, le tribunal correctionnel ou la cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle dévolue aux magistrats et juridictions de jugement du reste de la France comme le prévoit l'article 706-17 du code de procédure pénale. En outre, la formation de jugement des crimes terroristes est composée exclusivement de magistrats professionnels et ne comprend pas de jury composé de citoyens tirés au sort (article 706-25 du même code).

En ce qui concerne les infractions économiques et financières, des « pôles » spécialisés ont été institués dans le ressort de chaque cour d'appel afin de poursuivre, d'instruire et de juger les délits en cette matière qui « sont ou apparaissent d'une grande complexité » ainsi que l'indique l'article 704 du code de procédure pénale. Introduits par la loi n° 94-89 du 1er février 1994, les pôles économiques et financiers ont incontestablement accru l'efficacité de la lutte contre la délinquance financière et le crime organisé économique. Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur les raisons pour lesquelles le traitement judiciaire des infractions aggravées de traite des êtres humains, de trafic de stupéfiants, de blanchiment ou de trafic d'armes, dont la complexité est évidente, n'est pas également dévolu à des magistrats et des juridictions spécialisés.

Conscient de ces différentes imperfections de notre droit pénal et procédural, et face aux menaces que représente le développement de certaines formes de criminalité organisée sur notre territoire, le Gouvernement est déterminé à doter enfin notre système judiciaire des moyens cohérents, efficaces et équilibrés qui lui font aujourd'hui défaut. Tel est l'objet du présent chapitre.

Article premier

(titre XXV [nouveau] du code de procédure pénale)


De la procédure applicable à la délinquance et
à la criminalité organisées

La définition de la criminalité organisée proposée par l'Union européenne et que votre rapporteur a présentée plus haut rend, certes, fidèlement compte du modus operandi et des fins poursuivies par le groupe criminel mais elle ne saurait constituer une incrimination pénale. En effet, parce que « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » comme l'affirme l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 d'une part, et que la loi doit définir avec précision les « éléments » du crime ou du délit qu'elle crée (17)d'autre part, le législateur, lorsqu'il désire introduire une incrimination nouvelle doit faire montre de précision et de rigueur. Cette démarche est d'autant plus nécessaire que la loi pénale est d'interprétation stricte comme l'indique l'article 111-4 du code pénal.

Or, l'approche retenue par l'Union européenne, dont l'utilité en matière de science criminelle est réelle, ne correspond pas aux exigences juridiques qui s'imposent au législateur et au respect desquelles le Conseil constitutionnel veille scrupuleusement. Celui-ci considère en effet que résulte du principe de la légalité des délits et des peines « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire » (décision 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, Sécurité et liberté). Cette exigence de clarté a d'ailleurs conduit le Conseil à invalider plusieurs dispositions législatives tendant à créer de nouvelles incriminations ; à titre d'exemple, on citera les décisions « redressement et liquidation judiciaires » du 18 janvier 1985, « lutte contre le terrorisme » du 3 septembre 1986 ou encore celle relative aux « délits de presse » (29 juillet 1986).

Dès lors, désireux de renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée et compte tenu de cette jurisprudence constitutionnelle, le Gouvernement avait le choix entre deux méthodes : la première aurait consisté en la création d'une nouvelle incrimination de crime organisé dont la détermination des éléments constitutifs, tant matériels que moraux, aurait soulevé des difficultés juridiques considérables et aurait nécessité une refonte partielle du code pénal compte tenu, notamment, de l'incrimination d'association de malfaiteurs et de l'existence de la circonstance aggravante de bande organisée. La seconde, qui est celle retenue par le présent projet, consiste à déterminer parmi les incriminations existantes, donc à droit constant, celles qui relèvent de la criminalité organisée afin de leur appliquer une procédure plus efficace.

Ainsi, la liste des incriminations proposées aux articles 706-73 et 706-74 nouveaux du code de procédure pénale a été établie selon trois critères principaux :

- Il s'agit d'infractions particulièrement graves, toutes punies d'au moins dix ans d'emprisonnement ;

- Ces infractions sont essentiellement, mais non exclusivement, commises contre les personnes ;

- Lorsqu'il s'agit de crimes ou de délits contre les biens, seuls ceux commis en bande organisée ou dans le cadre d'une association de malfaiteurs entrent dans le champ de la criminalité organisée au sens du présent projet.

A cet égard, il convient de rappeler, comme le fait l'étude d'impact du présent projet, que cette « définition de la notion de délinquance ou de criminalité organisée (référence à une liste ou référence à la circonstance aggravante de bande organisée) figure déjà dans son principe dans l'article 63-4 du code de procédure pénale prévoyant pour des infractions relevant de ces deux catégories, une intervention différée de l'avocat à la 3e heure. » En outre, l'article 2 de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée considère que relèvent de la catégorie des « infractions graves » déterminant le champ d'application de son dispositif, celles dont l'auteur est passible d'une peine privative de liberté qui ne doit pas être inférieure à quatre ans. On le voit, la démarche du projet de loi est donc celle du pragmatisme et de l'équilibre.

Article 706-73 [nouveau] du code de procédure pénale

Détermination des infractions relevant de la criminalité organisée

L'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale établi la liste des infractions relevant de la catégorie de la criminalité organisée au sens du titre XXV nouveau du même code. Celles-ci peuvent être regroupées de la façon suivante :

a) Les crimes et les délits commis contre les personnes

Regroupés au sein des paragraphes 1° à 6° de cet article, il s'agit des crimes et délits de :

meurtre commis en bande organisée prévu par le 7° de l'article 221-4 du code pénal qui est lui-même inséré par le paragraphe I de l'article 2 du présent projet puisque le droit en vigueur ne prévoit curieusement pas la circonstance aggravante de bande organisée en cette matière. La peine encourue par les auteurs de ces faits est la réclusion criminelle à perpétuité ;

tortures et actes de barbarie commis en bande organisée prévus par le 11° de l'article 222-3 du code pénal qui est également inséré par l'article 2 du présent projet (paragraphe III) puisque, là aussi, le droit en vigueur ne prévoit pas cette circonstance aggravante. Les auteurs de ces faits sont passibles d'une peine de vingt ans d'emprisonnement qui peut être portée à trente ans si l'un des membres de la bande organisée est un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou une personne ayant autorité sur la victime et que celle-ci est un mineur de quinze ans comme le prévoit l'avant dernier alinéa de l'article 222-3. Toutefois, l'article 222-3 prévoyant d'ores et déjà la circonstance aggravante de réunion, il semble préférable d'insérer la circonstance aggravante de bande organisée, réprimée plus sévèrement, au sein de l'article 222-4 du code pénal.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 39).

trafic de stupéfiants sanctionné par les dispositions des articles 222-34 à 222-42 du même code. Les peines encourues par les auteurs des ces infractions sont de dix ans d'emprisonnement s'il s'agit, notamment, d'importation ou d'exportation (article 222-36), de transport, de la cession, de l'acquisition ou de l'emploi (article 222-38) de stupéfiants mais elles atteignent vingt ans de réclusion criminelle si les faits concernent la fabrication ou la production de stupéfiants (article 222-35) et la réclusion criminelle à perpétuité s'il s'agit de la direction et de l'organisation d'un groupement ayant pour objet de produire, d'importer, d'exporter, de transporter ou de détenir de tels produits (article 222-34) ;

enlèvement et séquestration réprimés par les articles 224-1 à 224-5 du code pénal dont les auteurs sont passibles de peines d'emprisonnement allant de vingt ans de réclusion criminelle (article 224-1) à trente ans (articles 224-2, 224-3) si, respectivement, la victime a subi une mutilation ou une infirmité permanente ou si les faits ont été commis en bande organisée. Les peines peuvent être portées à la réclusion criminelle à la perpétuité si les faits ont été précédés ou accompagnés de tortures ou d'actes de barbarie ou s'ils ont entraîné la mort de la victime (2e alinéa de l'article 224-2) ;

traite des êtres humains aggravée sanctionnée par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal qui ont été introduits par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Le quantum des peines encourues en cette matière est de dix ans d'emprisonnement mais atteint vingt ans de réclusion si les faits sont commis en bande organisée (article 225-4-3) et est porté à la réclusion criminelle à perpétuité si la traite des êtres humains a été commise en recourant à des tortures ou à des actes de barbarie (article 225-4-5) ;

proxénétisme aggravé prévu par les articles 225-7 à 225-12 et dont l'auteur est passible d'une peine de dix ans d'emprisonnement (article 225-7). Les quantums sont portés à : quinze ans de réclusion criminelle lorsque les faits sont commis à l'égard d'un mineur de quinze ans (article 225-7-1) ; vingt ans de réclusion si le crime est commis en bande organisée (article 225-8) et à la réclusion à perpétuité si le crime est commis en recourrant à des tortures ou à des actes de barbarie (article 225-9).

b) Les crimes aggravés commis contre les biens

Les paragraphes 7° et 8° de l'article 706-73 intègrent dans le champ de la criminalité organisée les crimes commis contre les biens suivants :

le vol en bande organisée, réprimé par les dispositions de l'article 311-9 du code pénal qui le rendent passible d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle ;

l'extorsion de fonds commise en bande organisée, punie d'une peine de vingt ans de réclusion qui est portée à trente ans lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violence sur autrui ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et atteint la réclusion à perpétuité lorsqu'elle est commise par une personne porteuse d'une arme (article 312-6 du même code). En outre, l'extorsion de fonds précédée, accompagnée ou suivie, soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d'actes de barbarie - passible de la réclusion criminelle à perpétuité en application de l'article 312-7 - entre également dans le champ de la criminalité organisée.

c) Les actes de terrorisme et les autres délits commis en bande organisée

Les actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal figurent également parmi la liste des infractions de l'article 706-73 nouveau du code de procédure. On rappellera que constituent des actes terroristes des infractions commises « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » ainsi que le précise le premier alinéa de l'article 421-1. Matériellement, il peut donc s'agir autant de crimes ou de délits contre les personnes que d'infractions commises contre les biens ainsi que l'illustre la liste des incriminations qui figure aux alinéas suivants dudit article. S'agissant des peines encourues, l'article 421-3 prévoit qu'elles sont systématiquement relevées lorsque l'infraction principale constitue un acte terroriste. Ainsi, à titre d'exemple, dans le cas d'un acte terroriste ayant constitué une atteinte volontaire à l'intégrité de la personne au sens de l'article 222-1 du code pénal, l'auteur des faits encourt une peine de vingt ans de réclusion criminelle contre quinze ans selon les règles du droit commun.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur incluant dans le champ d'application de la criminalité organisée les destructions de biens commises en bande organisée qui s'apparentent à des actes de terrorisme (amendement n° 40), ainsi que deux amendements de M. Georges Fenech, le premier améliorant la rédaction du paragraphe 9° de l'article 706-73 (amendement n° 41), le second modifiant l'intitulé du titre XXV nouveau du code de procédure pénale (amendement n° 38).

Pour sa part, le paragraphe 10° de l'article 706-73 énumère différents délits aggravés commis en bande organisée en matière de fabrication ou de détention d'armes, cette circonstance aggravante étant, là aussi, insérée par les paragraphes XIII à XVIII de l'article 2 du présent projet qui portent le quantum des peines encourues à 10 ans d'emprisonnement. Il s'agit de :

- la fabrication ou la détention, sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement, réprimées par l'article 3 de la loi du 18 juin 1871 ;

- la fabrication, le commerce, le stockage, l'importation ou la tentative d'importation, sans autorisation régulière, des matériels de guerre prohibés prévus par les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime du matériel de guerre, armes et munitions ;

- la vente, la production, l'exportation ou l'importation de poudres ou substances explosives, dont la liste est prévue par décret, réprimées par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et des substances explosives ;

- la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, la cession des agents microbiologiques et des toxines biologiques, en quantités non destinées à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques, réprimés par les dispositions de l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques.

De surcroît, et fort logiquement, le paragraphe 11° de l'article 706-73 fait entrer dans le champ de la criminalité organisée le délit d'association de malfaiteurs prévu par l'article 450-1 du code pénal lorsqu'il a pour objet la préparation de l'une des infractions précédemment énumérées, quand bien même les auteurs n'ont pas mis à exécution leurs plans. Toutefois, l'on peut regretter que le blanchiment et le recel de l'argent ou du produit retiré de la commission des infractions précédentes ne soient pas considérés comme relevant de la criminalité organisée alors que leur lien avec celle-ci est particulièrement étroit.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier incluant dans le champ de la criminalité organisée les délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers commis en bande organisée (amendement n° 42), le second incluant dans ce même champ le blanchiment ou le recel du produit des infractions relevant de la criminalité organisée, et donnant ainsi satisfaction à l'amendement n° 2 de M. François d'Aubert (amendement n° 43). En conséquence, la Commission a rejeté un amendement de M. Georges Fenech étendant ce même champ au délit de recel, satisfait par l'amendement précédent du rapporteur.

Elle a ensuite rejeté cinq amendements, le premier de M. Christian Estrosi incluant l'escroquerie commise en bande organisée dans la liste des infractions soumises à la procédure applicable en matière de délinquance et de criminalité organisée, le deuxième de M. Gérard Vignoble ayant le même objet, les troisième et quatrième de M. Christian Estrosi, incluant le recel et le blanchiment commis en bande organisée, satisfaits par les amendements du rapporteur, le cinquième de M. Gérard Vignoble ayant un objet similaire.

La commission a également rejeté un amendement de M. Thierry Mariani visant à intégrer dans ce même champ les délits d'évasion, avant d'adopter un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 44). Elle a également rejeté un amendement de M. Georges Fenech incluant l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale, le rapporteur ayant fait observer que le quantum de peine prévu était insuffisant pour justifier une telle inclusion.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 706-73 clarifie les modalités d'application des règles du titre XXV nouveau du livre quatrième du code de procédure pénale par rapport à celles prévues aux titres XV, XVI et XVII du même code. Ces derniers concernent, respectivement, la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme, des infractions en matière de trafic de stupéfiants et de proxénétisme. Ainsi que votre rapporteur l'a déjà évoqué, ces matières bénéficient d'ores et déjà de règles procédurales particulières, puisque, à titre d'exemple, en matière de terrorisme, le tribunal de grande instance ou la Cour d'assises de Paris bénéficient d'une compétence territoriale concurrente de celles des autres juridictions et que la formation de jugement exclut la participation de jurys populaires.

Confronté à ces procédures particulières, le présent projet fait le choix de leur maintien, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 706-73 qui dispose que, pour les infractions aggravées de trafic de stupéfiants, de proxénétisme et de terrorisme (paragraphes 3°, 6° et 9°) les dispositions du titre XXV nouveau leur sont également applicables, « sauf précision contraire », ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII. Ce maintien n'exclut pas certaines mesures d'adaptation, par exemple la suppression de l'article 706-32 du code de procédure pénale relatif aux mesures d'infiltrations en matière de stupéfiants puisque les possibilités juridiques autorisant le recours à de telles opérations sont élargies à l'ensemble des incriminations figurant à l'article 706-73. Ce choix se justifie par la volonté du Gouvernement de ne pas réformer l'ensemble du code de procédure pénale en adoptant une loi « cathédrale », à la conception, certes « technocratiquement » parfaite, mais si complexe qu'elle en deviendrait incompréhensible, mais, plutôt, d'en adapter avec pragmatisme les dispositions. De surcroît, les dispositions du titre XXV nouveau s'appliquant principalement à des infractions aggravées par la circonstance de bande organisée, la suppression des titres XV, XVI et XVII du code de procédure pénale aurait eu pour effet d'interdire la mise en œuvre de procédures d'investigations spécifiques aux délits simples relevant de ces matières, ce qui n'aurait pas été satisfaisant.

Article 706-74 [nouveau] du code de procédure pénale

Autres infractions relevant de la criminalité organisée

L'article 706-74 nouveau a pour objet de compléter la liste de l'article 706-73 par d'autres infractions qui participent également de la criminalité organisée. Avant d'examiner en détail son dispositif, il convient d'expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement a fait le choix de définir, dans deux articles distincts, les infractions relevant de la criminalité organisée. Ce faisant, il s'agit de se conformer aux exigences constitutionnelles qui requièrent que les instruments de la procédure pénale soient adaptés et proportionnés aux infractions auxquelles ils s'appliquent.

En effet, on rappellera que le Conseil constitutionnel a estimé que « s'il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales » (décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986). Dès lors, si le Conseil prend en considération « les caractéristiques spécifiques » de certaines infractions qui justifient des « recherches particulières » ou des procédures de jugement distinctes - c'est le cas en matière de terrorisme - il censure l'extension de telles dispositions à « des infractions qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques » (même décision).

C'est pourquoi, l'ensemble des procédures prévues par le titre XXV nouveau du code de procédure pénale ne s'applique qu'aux infractions les plus graves, regroupées au sein de l'article 706-73. En revanche, les dispositions relatives aux infiltrations, à la prolongation de la durée de la garde à vue, aux perquisitions de nuit ne s'appliqueront pas aux infractions figurant à l'article 706-74. Celui-ci dispose donc que, « lorsque la loi le prévoit », les dispositions du titre XXV nouveau, autres que celles évoquées, sont également applicables :

-  aux crimes et délits commis en bande organisée autres que ceux relevant de l'article 706-73. A titre d'exemple, il peut s'agir du fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur (dernier alinéa de l'article 227-22 du code pénal inséré par le paragraphe V de l'article 2 du présent projet), du blanchiment (2° de l'article 324-2 du même code) ou bien du transport, de la mise en circulation de fausse monnaie prévu par le deuxième alinéa de l'article 442-2 ;

-  aux délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes ou délits punis de dix ans d'emprisonnement et qui ne figurent pas parmi ceux relevant des dispositions du 11° de l'article 706-73.

Au total, selon les chiffres communiqués par les services de la chancellerie, le nombre de condamnations entrant dans le champ défini par les articles 706-73 et 706-74 a atteint 17 191 jugements en 2001 dont la répartition figure dans le tableau suivant.

ARTICLES 706-73 ET 706-74

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Meurtres et assassinats

524

524

557

614

461

514

Crimes de torture et actes de barbarie

3

3

8

7

5

13

Infractions à la législation sur les stupéfiants

16 804

17 392

17 314

16 619

16 016

15 376

Crimes d'enlèvement

39

28

68

44

48

64

Proxénétisme aggravé

125

127

136

142

145

125

Extorsion aggravée

35

44

90

83

82

130

Terrorisme

7

3

13

24

27

11

Délits en matière d'armes commis en bande organisée

30

31

30

39

44

55

Association de malfaiteurs

142

199

208

248

193

196

Corruption de mineurs

196

273

275

206

186

175

Diffusion d'images pornographiques

4

4

9

30

36

41

Évasion

1

/

1

2

4

5

Bande organisée

119

232

253

365

419

486

La Commission a rejeté, en conséquence de ses décisions précédentes, un amendement présenté par M. Gérard Vignoble incluant le recel commis en bande organisée dans la liste des infractions soumises à la procédure applicable en matière de délinquance et de criminalité organisée.

Chapitre I

Compétences des juridictions spécialisées

Articles 706-75 à 706-79 [nouveaux] du code de procédure pénale

Création et détermination du champ de compétence territoriale
des juridictions spécialisées

Parce que la criminalité organisée opère souvent à l'échelle du territoire national, et même au delà, il importe que les structures judiciaires soient en mesure de s'adapter à cette mobilité géographique. Or, la carte judiciaire de notre pays, avec ses 181 tribunaux de grande instance et ses 35 cours d'appels est impropre au traitement et à la lutte contre la criminalité organisée. Trop fragmentée, l'organisation judiciaire rencontre donc des difficultés à appréhender à sa juste mesure l'activité des réseaux criminels.

a) Le choix de la spécialisation et de l'inter-régionalisation

L'article 706-75 nouveau a précisément pour objet d'offrir à l'organisation judiciaire l'échelle pertinente et la taille critique afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Ainsi, pour l'enquête, la poursuite et le jugement des crimes et des délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 - à l'exception du 9°, relatif aux actes de terrorisme pour lesquels le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris sont compétents - ou 706-74, la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance ou d'une cour d'assises « peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel ».

S'il appartient au pouvoir réglementaire, et non au législateur, de fixer le siège de ces juridictions spécialisées, on indiquera cependant que l'étude d'impact jointe au présent projet de loi mentionne que « le Gouvernement envisage ainsi de diviser le territoire métropolitain en 6 ou 7 zones comportant chacune une juridiction interrégionale ». En outre, le dernier alinéa de cet article dispose que ces juridictions comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées. Toutefois, à la différence des dispositions applicables aux actes de terrorisme, les formations d'instruction et de jugement seront composées selon les règles de droit commun et les formations de jugement comprendront, le cas échant, des jurys populaires.

Cette spécialisation judiciaire sera confortée par le concours d'assistants spécialisés ainsi que le prévoit l'article 706-79 nouveau du code de procédure pénale. Désignés dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 706 du même code, les assistants spécialisés sont des fonctionnaires de catégorie A ou B ainsi que des personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation économique, financière, juridique ou sociale d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d'accès à la fonction publique et justifient d'une expérience professionnelle minimale de quatre années. Ils ont pour mission d'assister les magistrats sous la direction desquels ils sont placés et doivent prêter serment. A cet égard, on indiquera que l'article 7 du présent projet précise opportunément les tâches que les assistants spécialisés peuvent effectuer.

Ce choix de la spécialisation judiciaire en matière pénale n'est pas nouveau en droit français. En effet, outre les affaires de terrorisme déjà évoquées, la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions en matière économique et financière relèvent également des « pôles » économiques et financiers installés dans le ressort de chaque cour d'appel par la loi n° 75-701 du 6 août 1975. Là aussi, la compétence de ces formations spécialisées concerne une liste d'infractions limitativement énumérées (article 704) et, parmi celles-ci, seulement les « affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité. » Le dispositif proposé en matière de criminalité organisée s'inspire donc largement de celui en vigueur en matière de délinquance économique et financière dont les résultats sont largement positifs, ainsi que votre rapporteur aura l'occasion de le démontrer dans ses commentaires de l'article 7 du présent projet qui élargit, en conséquence, les compétences matérielles desdits « pôles ».

Conforme à nos traditions juridiques, la création de juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée participe également d'un mouvement européen en ce sens. Ainsi, en Italie où « la lutte contre la criminalité organisée a été un des principaux facteurs de développement de la législation pénale au cours des deux dernières décennies » (18), les juges communément appelés « anti-mafia » appartiennent à des chambres spécialisées créées au sein des juridictions ordinaires. En effet, si l'article 102 de la Constitution italienne prohibe l'institution de juges du siège extraordinaires ou spéciaux, il en va différemment en matière d'action publique. Ainsi, la loi du 20 janvier 1992 a institué une direction nationale anti-mafia placée auprès du Procureur général près la Cour de cassation. Un procureur national est à sa tête, mais il n'est pas doté de pouvoirs autonomes d'investigation. Sa fonction consiste à coordonner l'activité des 26 procureurs de districts anti-mafia spécialisés en cette matière. On observera à cet égard, que le traitement des affaires de criminalité organisée ne relève donc pas des 161 parquets ordinaires mais est concentré à un niveau supérieur pour éviter la dispersion des initiatives. Toutefois, en cas de carence ou d'impossibilité de coordination, le procureur national peut entreprendre directement des investigations par le biais de « l'évocation » des enquêtes. En outre, des magistrats de la Direction nationale anti-mafia peuvent être envoyés auprès des districts, équivalents à nos cours d'appel, afin d'assurer la coordination et la progression des enquêtes. On le voit, le développement de la criminalité conduit progressivement chaque Etat à adapter ses structures judiciaires et policières en tenant compte de ses propres traditions juridiques. La France ne fait donc pas exception.

b) Une compétence concurrente de celles des juridictions de droit commun

Ces juridictions spécialisées n'ont pas pour vocation de connaître de toutes les affaires relevant de la criminalité organisée au sens du présent projet de loi. Comme l'indique le premier alinéa de l'article 706-75 nouveau, seules celles « qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité » seront traitées par elles, les autres devant l'être par les juridictions ordinaires et selon les procédures de droit commun. Par souci de simplification et afin de ne pas dissocier le traitement judiciaire d'une même affaire, le deuxième alinéa de l'article 706-75 prévoit, comme en matière économique et financière, que cette compétence s'étend aux infractions connexes de celles prévues aux articles 706-73 et 706-74. Il s'agit donc d'une compétence concurrente dont les modalités sont définies par les articles 706-76 à 706-78 nouveaux.

L'article 706-76 nouveau dispose que le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle et la cour d'assises spécialisés exercent, sur toute l'étendue du ressort, « une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, 663 (deuxième alinéa) et 706-42 ». Les trois premières références visent, respectivement, les critères de droit commun déterminant la compétence territoriale du procureur de la République, du juge d'instruction et du tribunal correctionnel qui sont fonction du lieu où l'infraction a été commise. Pour sa part, le deuxième alinéa de l'article 663 dispose que, lorsqu'un condamné est détenu au siège de la juridiction qui a prononcé la condamnation, celle-ci est compétente pour connaître de toute infraction qui pourrait être reprochée à cette personne. Enfin, l'article 706-42 fixe les règles permettant de déterminer la compétence territoriale du procureur de la République et des juridictions lorsque la poursuite, l'instruction ou le jugement concerne des infractions commises par des personnes morales.

Une fois saisie, la juridiction spécialisée en matière de criminalité organisée demeure compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Cette disposition, qui reprend celle, analogue, qui existe en matière de contentieux économique et financier (article 705 du code de procédure pénale), a pour objet de simplifier le traitement judiciaire d'une affaire en évitant les renvois entre juridictions quand bien même la qualification des faits initialement retenue par le procureur de la République n'est pas celle adoptée par les juridictions d'instruction ou de jugement. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le dernier alinéa de l'article 706-76 oblige le juge d'instruction à prononcer le renvoi devant le tribunal de police compétent.

c) La procédure de dessaisissement du juge d'instruction non spécialisé

Lorsqu'un juge d'instruction, non spécialisé, est saisi de faits relevant de la criminalité organisée, l'article 706-77 nouveau dispose que le procureur de la République près le tribunal de grande instance, également non spécialisé, peut requérir son dessaisissement au profit de la juridiction d'instruction spécialisée. On le voit, il ne s'agit que d'une faculté qui ne sera vraisemblablement exercée que pour des affaires particulièrement complexes. Bien évidemment, « les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ». Afin que ces dernières puissent être prises en considération par le juge d'instruction, son ordonnance doit être rendue huit jours « au plus tôt » après l'avis du parquet aux parties. Que le juge d'instruction accepte de se dessaisir ou non importe peu quant à l'entrée en vigueur de son ordonnance : elle ne prend effet qu'à compter d'un délai de cinq jours après sa notification, ce qui a pour objet de permettre, le cas échéant, aux parties ou au procureur d'introduire un recours contre celle-ci. Dans ce dernier cas, deux hypothèses sont envisageables :

- soit la juridiction spécialisée se situe dans le ressort de la même cour d'appel que la chambre de l'instruction compétente pour connaître de l'ordonnance contestée du juge d'instruction initialement saisi, auquel cas il appartient à ladite chambre de l'instruction d'examiner le recours ;

- soit la juridiction spécialisée ne se trouve pas dans le même ressort que la chambre de l'instruction théoriquement compétente pour connaître des actes du juge d'instruction initialement saisi, auquel cas l'article 706-78 nouveau dispose qu'il appartient à la chambre criminelle de la Cour de cassation d'en connaître.

Dans les deux cas, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information doit être désigné dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, ce qui est une garantie de célérité appréciable en cette matière. L'arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d'instruction ainsi qu'au ministère public et notifié aux parties comme le précise le deuxième alinéa de l'article 706-78. Fort logiquement, le juge d'instruction initialement saisi le demeure « jusqu'à ce que soit porté à sa connaissance l'arrêt de la chambre de l'instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation » (deuxième alinéa de l'article 706-77). Dès que l'ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au magistrat du parquet spécialisé en matière de criminalité organisée.

Après avoir adopté un amendement de précision rédactionnelle présenté par le rapporteur (amendement n° 45), la Commission a rejeté un amendement de M. André Vallini visant à modifier les champs de compétence respectifs des juridictions spécialisées et des juridictions de droit commun.

Chapitre II

Procédure

Après les dispositions du chapitre premier qui déterminent le champ matériel des infractions relevant de la criminalité organisée et créent les juridictions spécialisées, le chapitre II du titre XXV nouveau regroupe l'ensemble des dispositions procédurales spécifiques applicables aux enquêtes menées en cette matière. Ce chapitre comprend les huit sections suivantes.

Section 1

De la surveillance

Article 706-80 [nouveau] du code de procédure pénale

En raison de la mobilité géographique de ses auteurs, qui œuvrent parfois à l'échelle internationale, la criminalité organisée contraint les forces de l'ordre et les autorités judiciaires à s'adapter. Après la création de juridictions spécialisées à l'échelon interrégional, l'article 706-80 nouveau participe de la même logique en autorisant les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, à étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance des personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74. De surcroît, l'extension géographique de la surveillance des policiers peut concerner l'acheminement, ou le transport « des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre. » Cette précision est d'importance, car dans nombre de cas, par exemple en matière de trafic de stupéfiants ou de recel de vol commis en bande organisée, la surveillance des produits et de leur circuit constitue un moyen d'identifier l'ensemble, ou du moins une grande partie, des auteurs et complices de ces méfaits.

Toutefois, cette possibilité, qui déroge aux règles de l'article 18 du code de procédure pénale selon lesquelles « les officiers de police judiciaire ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles », est soumise au contrôle du procureur de la République qui doit être informé de l'extension de la mesure de surveillance et peut s'y opposer, son silence valant consentement.

Le second alinéa de l'article 706-80 précise que l'information préalable du procureur de la République doit être donnée « par tout moyen » et s'adresser, selon les cas, au magistrat du parquet près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, à celui appartenant à une juridiction spécialisée saisie de ces faits.

A cet égard, votre rapporteur tient à souligner que ces dispositions, fort utiles, imposeront cependant une amélioration de la circulation de l'information au sein de l'institution judiciaire et des magistrats du parquet en particulier.

La Commission a rejeté un amendement de M. André Vallini tendant à soumettre à l'autorisation explicite du procureur de la République le pouvoir reconnu aux officiers de police judiciaire de procéder à la surveillance sur l'ensemble du territoire d'une personne soupçonnée d'agir en bande organisée. Elle a, en revanche, adopté un amendement de M. Georges Fenech visant à prévoir que seul le procureur de la République en charge des poursuites est informé des procédures de surveillance précitées (amendement n° 46).

Section 2

De l'infiltration

Articles 706-81 à 706-87 [nouveaux] du code de procédure pénale

La section deux du titre XXV nouveau comprend les articles 706-81 à 706-87 nouveaux du code de procédure pénale qui sont relatifs aux opérations visant à infiltrer les réseaux de la criminalité organisée. Ainsi que l'indique le deuxième alinéa de l'article 706-81, l'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire, « à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs », y compris sous une identité d'emprunt et sans encourir de sanctions pénales.

a) Un droit en vigueur trop restrictif et incomplet

Parce qu'elle constitue une opération exceptionnelle, tant dans son principe qu'en raison de sa dangerosité pour les agents qui la mettent en œuvre, l'infiltration doit être strictement encadrée. Toutefois, en tant que procédure au service de la manifestation de la vérité particulièrement difficile à obtenir par d'autres moyens, le recours aux infiltrations doit être développé pour les cas les plus graves de la criminalité organisée. Or, le droit en vigueur n'autorise l'infiltration qu'en matière de trafic de stupéfiants (article 706-32 du code de procédure pénale), ce qui n'est pas satisfaisant au regard des nombreuses formes que revêt aujourd'hui la criminalité organisée.

De surcroît, si cet article permet aux officiers ou aux agents de police judiciaire, en ayant préalablement informé le juge, d'acquérir, de détenir, transporter ou livrer des produits stupéfiants ou bien à mettre à disposition des auteurs des infractions « des moyens de transport, de dépôt, de stockage, de conservation et de communication », il ne prévoit, en revanche, aucune disposition relative aux modalités du témoignage des policiers au cours de la procédure judiciaire ou à la protection de leur identité réelle. Ces silences de notre droit sont regrettables car ils tendent à mettre les forces de l'ordre dans des situations juridiques incertaines voire périlleuses pour leurs membres, tout en affaiblissant les droits reconnus aux parties et plus particulièrement à la défense puisque la décision de recourir à une infiltration n'est pas versée au dossier de la procédure. Ces difficultés expliquent que, selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre des infiltrations réalisées en France par le service compétent de la Direction centrale de la police judiciaire en matière de stupéfiants au cours des six dernières années ne soit que de l'ordre d'une centaine.

Par ailleurs, divers instruments internationaux incitent les États signataires à mettre en œuvre des procédures d'infiltration en matière de criminalité organisée et pas seulement pour les affaires concernant le trafic de stupéfiants. Il en est ainsi de la recommandation n° 2001-11 du 19 septembre 2001 du Conseil de l'Europe concernant les principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé qui invite les États membres à adopter une législation permettant « les opérations d'infiltrations, les livraisons surveillées et le recours à des informateurs ». De même, l'article 20 de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, relatif aux techniques d'enquête spéciales, invite les Etats parties, si les principes fondamentaux de leur système juridique le permettent, à recourir à des « opérations d'infiltrations » en vue de « combattre efficacement la criminalité organisée ».

S'agissant de nos partenaires européens, l'Italie autorise d'ores et déjà des infiltrations en matière de terrorisme (décret-loi n° 374 du 18 octobre 2001), y compris par l'intermédiaire de réseaux de communication, comme Internet, activés à cet effet. De même, en matière de prostitution de mineurs, de pornographie infantile et d'organisation ou de publicité pour des voyages ayant pour objet de profiter de la prostitution des mineurs - respectivement réprimés par les articles 600 bis, 600 ter et 600 quinquies du code pénal italien - et commis en utilisant les réseaux informatiques, les policiers de l'organisme spécialisé du ministère de l'intérieur peuvent utiliser des indications de couverture, y compris pour activer des sites dans les réseaux, mettre en place ou gérer des aires de communication ou d'échange ou bien pour y participer.

b) Une utilisation réservée aux cas de criminalité les plus graves et soumise à l'autorisation et au contrôle de magistrats

Ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 706-81 nouveau, une opération d'infiltration ne peut être mise en œuvre que pour les crimes et délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 qui, on l'a vu, regroupe les infractions les plus graves relevant de la catégorie de la criminalité organisée. Il est donc exclu de recourir à leur emploi pour toute autre infraction et notamment pour celles entrant dans le champ d'application de l'article 706-74. Cette exclusion se justifie par la volonté du Gouvernement de respecter le principe constitutionnel de proportionnalité entre le moyen procédural dérogatoire qu'est l'infiltration et la gravité de l'infraction qui autorise son emploi (décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 précitée). C'est pourquoi, la Commission a rejeté deux amendements, le premier, rédactionnel, présenté par M. Georges Fenech, le second de M. Thierry Mariani étendant la procédure d'infiltration aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-74 du code de procédure pénale.

En outre, on indiquera que l'article 11 du présent projet de loi insère par symétrie, un article 67 bis nouveau dans le code des douanes qui tend également à autoriser les agents des douanes à recourir aux infiltrations afin de constater les infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de produits stupéfiants ou de contrebande de tabacs manufacturés, d'alcool et spiritueux.

Mesure « exceptionnelle », précision que l'on peut juger inutile et que la Commission a supprimée à l'initiative de son rapporteur (amendement n° 47), l'infiltration doit être autorisée par un magistrat comme l'indique le premier alinéa de l'article 706-81 qui dispose que le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction peuvent autoriser qu'il soit procédé, « sous leur contrôle respectif » à une opération de cette nature. La mention du contrôle de l'opération par les magistrats constitue un indéniable progrès par rapport au droit en vigueur qui se limite à prévoir leur autorisation. Cette dernière doit être écrite et spécialement motivée « à peine de nullité » dispose le premier alinéa de l'article 706-83 nouveau. De surcroît, l'autorisation doit mentionner la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure, ainsi que l'identité de l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération et l'identité d'emprunt de l'agent ou des agents infiltrés (2e alinéa de l'article 706-83), ce qui semble excessif voire dangereux pour la sécurité des agents.

C'est pourquoi, après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Vallini, de même qu'un amendement présenté par M. Thierry Mariani supprimant la nullité prévue par le texte de l'article et précisant que les décisions d'autorisation des procédures d'infiltration n'étaient pas susceptibles de recours, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la mention de l'identité d'emprunt de l'agent infiltré dans la décision d'autorisation de l'opération par le magistrat (amendement n° 50).

Enfin, cette autorisation doit être limitée dans le temps pour respecter le principe de proportionnalité et garantir l'effectivité du contrôle exercé par les magistrats. Tel est l'objet de l'avant-dernier alinéa de l'article 706-83, qui dispose que l'autorisation fixe la durée de l'infiltration qui ne peut excéder quatre mois mais peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Compte tenu de la spécificité de la méthode de l'infiltration, cette périodicité semble raisonnable car elle permet aux magistrats de faire régulièrement le bilan de l'opération en cours tout en leur offrant les moyens de la faire durer en fonction des nécessités de l'espèce. A cet égard, on rappellera que le droit en vigueur ne prévoit aucune limite temporelle à l'infiltration menée en matière de trafic de stupéfiants, ce qui est moins protecteur pour les libertés. L'autorisation et le contrôle dont sont investis le procureur de la République et, le cas échéant, le juge d'instruction requièrent qu'ils soient à même d'interrompre à tout moment l'infiltration : l'alinéa précité le prévoit expressément.

S'agissant des modalités pratiques de l'interruption de l'infiltration, plusieurs hypothèses sont envisageables : soit l'agent infiltré est déjà extrait du réseau criminel dans lequel il est intervenu, auquel cas le risque est moindre, soit il est toujours actif et, si le magistrat considère néanmoins qu'il doit cesser son activité, il convient de lui laisser le temps nécessaire pour s'extraire sans péril. En effet, une sortie trop rapide peut aisément devenir suspecte aux yeux des membres du réseau criminel et les amener à prendre des mesures de représailles ou à adopter des stratagèmes de dissimulation qui annihileront tout le travail d'investigation réalisé par l'agent infiltré. Il est donc nécessaire de prévoir le cas où l'agent infiltré prolonge son activité au-delà du délai fixé le juge afin de garantir sa propre sécurité, ce que ne fait pas le droit en vigueur. Tel est l'objet de l'article 706-85 nouveau qui prévoit que l'agent infiltré peut poursuivre ses activités sans être pénalement responsable « le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité ». Toutefois, il conviendrait dans cette hypothèse que le magistrat ayant autorisé l'infiltration soit informé dans les meilleurs délais.

Après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Vallini, la Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant l'information du juge ayant autorisé l'opération d'infiltration, au stade de l'achèvement de l'opération et en cas de prolongation de celle-ci (amendement n° 53).

Lorsque l'opération d'infiltration vient à cesser, « l'autorisation est versée au dossier de la procédure ». Là encore, le projet de loi modifie le droit existant qui était silencieux sur ce point. En effet, ce versement au dossier signifie que les parties, et notamment la défense, auront accès à l'autorisation donnée par les magistrats qui comporte désormais, on l'a vu, un certain nombre d'informations. Cependant, si votre rapporteur se félicite de l'amélioration de la transparence dans laquelle vont se dérouler les infiltrations, il tient néanmoins à se faire l'écho de certaines inquiétudes exprimées par des spécialistes de l'infiltration qu'il a auditionnés. Tous ces professionnels ont en effet souligné que la réussite d'une infiltration supposait l'existence d'un « indicateur » qui offre à la police un moyen de pénétrer le réseau criminel. Or, en prévoyant le versement au dossier de cette autorisation, les personnes infiltrées et qui ont été interpellées sauront donc qu'une opération de cette nature a été menée et n'auront de cesse d'identifier celui qui a commis, ou permis, ces faits avec les conséquences dramatiques susceptibles d'en découler.

C'est pourquoi, la Commission a adopté un amendement du président Pascal Clément (amendement n° 51) supprimant la disposition selon laquelle l'autorisation d'infiltration est versée au dossier de la procédure, son auteur ayant expliqué qu'il s'agissait de préserver davantage l'agent infiltré et de conserver tout sa capacité opérationnelle pour d'autres infiltrations.

A toutes ces conditions formelles, le projet en ajoute une substantielle puisque la mise en œuvre d'une infiltration doit être justifiée par « les nécessités de l'enquête ou de l'instruction » dont la chambre de l'instruction ou le tribunal correctionnel seront, le cas échéant, juges en cas de disproportion manifeste.

Fortement encadrée juridiquement, l'infiltration l'est également matériellement puisque les agents concernés ne peuvent effectuer qu'un certain nombre d'actes énumérés par la loi.

c) Des actes limitativement énumérés qui constituent une modalité accessoire de la production de la preuve

L'article 706-82 nouveau énumère les actes pour lesquels, les officiers ou agents de police judiciaire peuvent procéder « sur l'ensemble du territoire national sans être pénalement responsables ». On relèvera que l'exonération de responsabilité pénale est également applicable aux personnes « requises » par les officiers ou agents de police judiciaire pour leur permettre de procéder à l'opération d'infiltration, le fournisseur d'un véhicule ou d'un appartement par exemple. Matériellement, l'exonération de la responsabilité vaut pour les actes tendant à :

- acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à leur commission ;

- utiliser ou mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.

Cette rédaction, quoique fort proche de celle de l'actuel article 706-32, est néanmoins plus complète puisque ni le fait de « délivrer » des substances, ni la référence aux « documents ou informations » ou à « l'hébergement » des auteurs ne sont prévus par le droit en vigueur.

Toutefois, le deuxième alinéa de l'article 706-81 dispose que, « à peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions ». Reprenant, sur le fond, le droit en vigueur qui dispose que l'autorisation de procéder à une infiltration « ne peut être donnée que pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions », il s'agit d'interdire toute provocation de la part des enquêteurs.

Cette interdiction est cohérente avec les dispositions de l'article 122-2 du code pénal qui dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une contrainte ou d'une force à laquelle elle n'a pas pu résister ». L'action des officiers ou des agents de police judiciaire ne doit donc pas avoir soumis le prévenu à une contrainte de cette nature caractérisée par une provocation à commettre l'infraction ensuite reprochée. La jurisprudence de la Cour de cassation a d'ailleurs largement précisé ce point en estimant, à de nombreuses reprises, tant antérieurement que postérieurement à l'introduction dans notre droit de l'article 706-32, que les policiers peuvent solliciter un revendeur de drogue pour qu'il leur vende une certaine quantité de produits stupéfiants dès lors que cette demande n'a pas déterminé la commission du délit d'offre ou de cession de ces produits (19). On indiquera que cette énumération des actes susceptibles d'être commis par les agents infiltrés se retrouve littéralement reproduite en matière douanière (paragraphe II de l'article 67 bis nouveau du code des douanes précité).

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Thierry Mariani visant respectivement à ne pas sanctionner le non-respect du principe d'interdiction de la provocation à la commission d'infractions par une nullité globale et à préciser que le rapport de l'officier de police judiciaire sur une opération d'infiltration n'intervient qu'après l'achèvement de celle-ci. Le rapporteur a expliqué que la préoccupation exprimée par M. Thierry Mariani était satisfaite par son propre amendement précisant que seuls les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises par lui, figurent dans le rapport précité, amendement que la Commission a adopté (amendement n° 48), après avoir rejeté les amendements de M. Thierry Mariani. Puis, la Commission a rejeté deux amendements de suppression présentés par M. André Vallini, l'un global, l'autre visant seulement le dernier alinéa, et a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de renforcer la protection des agents infiltrés (amendement n° 49).

Si les agents infiltrés ne peuvent donc, à peine de nullité, inciter à la commission des infractions, leurs déclarations ne peuvent également être « le seul fondement » d'une condamnation ainsi que le prévoit l'article 706-87 nouveau. Cette disposition, qui est à rapprocher de celle applicable aux dépositions du témoin dont l'identité est protégée (article 706-62) prend en considération les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci a en effet estimé que « si l'expansion de la criminalité organisée commande à n'en pas douter l'adoption de mesures appropriées » et que « la convention n'empêche pas de s'appuyer, au stade de l'instruction préparatoire, sur des sources telles que les indicateurs occultes », en revanche, « l'emploi ultérieur de déclarations anonymes comme des preuves suffisantes pour justifier une condamnation soulève un problème différent » (arrêt Kostovski c/ Pays-Bas, 20 novembre 1989). Ainsi, la Cour considère que « Même là où des procédures faisant contrepoids sont jugées compenser de manière suffisante les obstacles auxquels se heurte la défense, une condamnation ne peut se fonder uniquement, ni dans une mesure déterminante, sur des déclarations anonymes » (arrêt Dorsoon c/ Pays-Bas, 26 mars 1996).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 55) supprimant la disposition selon laquelle aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations d'un agent infiltré, le rapporteur ayant montré que cette règle, inspirée de celle qui s'applique au témoin anonyme, ne saurait être opposée à un officier de police judiciaire. En conséquence, M. Christian Estrosi a retiré l'amendement qu'il présentait ayant le même objet. A cette occasion, M. Robert Pandraud a regretté l'élargissement constant, depuis deux décennies, de la catégorie des officiers de police judiciaire.

Par ailleurs, le respect des droits de la défense et la prise en compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme imposent au législateur de prévoir des modalités particulières permettant la confrontation de la personne mise en cause et de l'agent infiltré. La Cour considère en effet que l'usage de procédures particulières, comme l'infiltration ou le témoignage anonyme, impose que la défense bénéficie d'une compensation dans l'exercice de ses droits. Il ressort ainsi de l'analyse de la jurisprudence de la Cour que le témoin doit être directement confronté à la défense, au moins par l'intermédiaire de son avocat (arrêt Dorsoon précité). C'est pourquoi, L'article 706-86 nouveau prévoit, en premier lieu, que l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration et qui doit faire un rapport à l'issue de celle-ci, peut être entendu en qualité de témoin sur l'opération. D'un point de vue administratif, et afin de protéger les agents infiltrés, il appartiendra au ministère de l'intérieur de désigner des officiers de police responsables des opérations suffisamment « éloignés » des agents infiltrés concernés.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression, le premier, global, présenté par M. André Vallini, le second, partiel, présenté par M. Jean-Paul Garraud.

En second lieu, et il s'agit d'une disposition essentielle, cet article dispose que, si la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent infiltré, cette personne peut demander à être confrontée avec cet agent dans les conditions prévues à l'article 706-61. Introduit par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne, cet article autorise l'audition à distance d'un témoin ou l'interrogation de ce témoin par l'avocat de la personne mise en examen selon des procédés techniques appropriés qui rendent la voix du témoin « non identifiable ». Toutefois, il est des hypothèses où des questions bien conçues et particulièrement précises peuvent permettre d'identifier l'agent infiltré tout autant que sa voix.

C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur protégeant l'identité de l'agent infiltré lors de sa confrontation éventuelle avec la personne mise en examen suite à l'infiltration en indiquant que les questions posées à l'agent infiltré ne devaient pas avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité (amendement n° 54).

d) La sanction de la révélation de l'identité de l'agent infiltré

Parce qu'elle peut avoir de graves conséquences pour les intéressés, la divulgation de l'identité réelle des agents infiltrés doit être sévèrement réprimée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui à défaut de dispositions spécifiques en ce sens. C'est pourquoi, le deuxième alinéa de l'article 706-84 nouveau punit de tels faits d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. En outre, lorsque la révélation de l'identité de l'agent infiltré a causé, « même indirectement », sa mort, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende comme le prévoit le dernier alinéa de cet article. Ces dispositions sont applicables sans préjudice de celles du chapitre 1er du titre II du livre II du code pénal qui répriment les atteintes à la vie de la personne (articles 221-1 à 221-11 du code pénal).

Cependant, des représailles sont susceptibles d'être également commises à l'encontre des proches ou des membres de la famille de l'agent infiltré et le dispositif proposé par le présent article ne l'envisage pas, ce qui n'est pas satisfaisant.

C'est pourquoi, après avoir rejeté un amendement de suppression présenté par M. André Vallini, la Commission a adopté un amendement du rapporteur étendant la portée des sanctions encourues en cas de révélation de l'identité réelle de l'agent infiltré, afin de protéger son conjoint, ses enfants et ses ascendants directs tout en distinguant les hypothèses où les violences perpétrées par les membres du réseau criminel ont provoqué des blessures ou la mort de ces personnes (amendement n° 52).

Au total, ces dispositions constituent un véritable « statut » de l'infiltration, certes élargi dans son champ d'application, mais davantage encadré et contrôlé par les magistrats tout en étant plus transparent pour les parties et plus protecteur pour les agents de la police judiciaire. Ceci dit, il convient de garder présent à l'esprit qu'en raison de sa complexité, de sa dangerosité pour les agents qui la conduisent et des qualités professionnelles et humaines qui sont requises, l'infiltration demeurera une procédure exceptionnelle et dont la mise en œuvre doit continuer à relever de la compétence d'un service central.

Section 3

De la garde à vue

Article 706-88 [nouveau] du code de procédure pénale

La garde à vue a pour objet l'audition par l'officier de police judiciaire, pour les « nécessités de l'enquête », de la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Or, chacun conviendra que les nécessités de l'enquête et le travail d'élucidation des forces de l'ordre sont extrêmement variables selon la nature et les circonstances de l'affaire. Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre une enquête portant sur un vol commis en flagrant délit et dont l'auteur est gardé à vue et celle motivée par une affaire de proxénétisme ou de traite des être humains organisée par un réseau criminel depuis l'étranger ? Peu de chose si ce n'est une même durée de garde à vue qui est fixée à 24 heures par les dispositions des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale et qui peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures par le procureur de la République ou, le cas échéant, par le juge d'instruction saisi.

Cette situation n'est pas satisfaisante car elle est inadaptée aux nouvelles formes de la criminalité organisée et méconnaît les difficultés que rencontrent les services de la police ou de la gendarmerie nationales dans leur travail d'investigation et d'élucidation. C'est pourquoi, l'article 706-88 nouveau tend à fournir aux enquêteurs les moyens de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée en permettant de prolonger à deux reprises la durée de la garde à vue pour les seules personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'elles ont commis les crimes et les délits énumérés à l'article 706-73. Ce faisant, la durée maximale de la garde à vue en matière de criminalité organisée pourra atteindre 96 heures.

On rappellera que, compte tenu de la complexité de certaines enquêtes, ainsi que de la particulière gravité des atteintes à l'ordre public provoquées par certaines infractions, le droit en vigueur distingue d'ores et déjà deux régimes spécifiques en matière de durée de garde à vue, inchangés par le présent projet, et qui concernent les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants. Dans les deux cas, et en application respectivement des dispositions des articles 706-23 et 706-29 du code de procédure pénale, la durée de la garde à vue peut atteindre 96 heures à raison d'une prolongation supplémentaire de 48 heures ordonnée soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction saisi. Le présent article ne fait donc qu'appliquer aux formes les plus graves de la criminalité des durées de garde à vue spécifiques existantes. De surcroît, en prévoyant que les prolongations supplémentaires sont de 24 heures chacune, et non de 48 heures, le présent article devrait permettre d'adapter strictement la durée de la garde aux nécessités de l'enquête mais au prix d'une complexité croissante, voire excessive.

Ces prolongations exceptionnelles de la durée de la garde à vue ne peuvent être décidées que par un représentant de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle comme l'affirme l'article 66 de la Constitution. C'est pourquoi, reprenant le droit en vigueur en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le deuxième alinéa de l'article 706-88 dispose que ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction saisi. Préalablement à cette décision, la personne concernée doit être présentée au magistrat compétent. Toutefois, afin d'éviter les présentations trop complexes à mettre en œuvre, voire dangereuses, par exemple dans le cadre d'une opération tendant au démantèlement d'un réseau organisé comprenant un grand nombre de personnes, le troisième alinéa de cet article prévoit qu'« à titre exceptionnel », la seconde prolongation, intervenant donc avant l'expiration de la 72e heure de garde à vue, peut être accordée sans présentation préalable de la personne « en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer ».

Comme toute personne gardée à vue, celle qui le sera en application des dispositions du présent article pourra bénéficier, de droit, d'un examen médical par un médecin désigné à cet effet par le procureur de la République ou le juge d'instruction compétent.

S'agissant du respect des droits de la défense, la personne placée en garde à vue en application des dispositions du présent article pourra s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure sauf si l'infraction entre également dans le champ d'application des dispositions du 7e alinéa de l'article 63-4, auquel cas cet entretien est reporté à la 36e heure. Il en est ainsi en matière d'association de malfaiteurs ou de proxénétisme commis en bande organisée par exemple.

Dans l'hypothèse où la garde à vue est prolongée de 24 heures, selon les règles de droit commun applicables à toutes les personnes suspectées d'avoir commis une infraction qui n'entre pas dans le champ des dispositions de l'article 63-4 tout en étant dans celui défini par l'article 706-73, un deuxième entretien peut avoir lieu à l'issue de la 24e heure de la garde à vue. Enfin, dans l'hypothèse où la mesure est exceptionnellement prolongée à deux reprises de 24 heures en application des dispositions du présent article, un troisième entretien peut se dérouler à l'issue de la 48e heure puis un quatrième à l'expiration de la 72e heure. On rappellera qu'en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, et en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 63-4, l'entretien avec l'avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la 72e heure.

Si votre rapporteur approuve sans réserve la prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre jours en matière de criminalité organisée, il observe néanmoins que la juxtaposition des différents régimes applicables entraîne une complexité excessive qui ne peut que nuire à l'efficacité des enquêtes : il existera désormais cinq régimes de garde à vue des majeurs, que le tableau suivant récapitule en prenant en considération les modifications apportées par le présent article, ainsi que celles introduites par l'article 29 du présent projet et qui concernent l'article 63-4 du code de procédure pénale. Cette situation, qui n'est satisfaisante ni pour les policiers ni pour les personnes mises en cause, devrait être simplifiée.

NOUVEAUX RÉGIMES DE LA GARDE À VUE


Régime de droit commun

Infractions en
matière
de terrorisme
et de trafic
de stupéfiants

Infractions relevant de la criminalité organisée au sens de l'article 706-73

Criminalité
organisée
Infractions
figurant à l'article 706-73 et à l'article 63-4, 7e alinéa (1)

Infractions
figurant à l'article 63-4,
7e alinéa,
uniquement (2)

Durée maximale

24 h + 24 h =
48 heures

24 h + 24 h (droit commun) + 48 h = 96 heures

24 h + 24 h (droit commun) + 24 h + 24 h = 96 heures

24 h + 24 h (droit commun) + 24 h + 24 h = 96 heures

24 h + 24 h =
48 heures

Modalités de renouvellement de la garde à vue

- procureur de la République

ou

- juge d'instruction saisi.

- régime de droit commun

- puis, pour le renouvellement supplémentaire de 48 heures, décision du :

- juge des libertés et de la détention à la requête du procureur

ou

- du juge d'instruction saisi.

- régime de droit commun

- puis, pour les deux prolongations de 24 heures, décision écrite et motivée prise par :

- le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur

ou

- par le juge d'instruction saisi.

- régime de droit commun

- puis, pour les deux prolongations de 24 heures, décision écrite et motivée prise par :

- le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur

ou

- le juge d'instruction saisi.

- procureur de la République

ou

- juge d'instruction saisi.

Entretien avec un avocat

- dès le début de la garde à vue

- à l'issue de la 24e heure si la garde à vue est prolongée.

- à l'issue de la 72e heure.

- régime de droit commun

- puis entretien :

- à la 48e heure

- à la 72e heure.

- à l'issue de la 36e heure

- à l'issue de la 48e heure

- à l'issue de la 72e heure.

- à l'issue de la 36e heure.

(1) Enlèvement et séquestration en bande organisée (art. 224-3) ; proxénétisme (art. 225-7) à l'égard de mineurs (art. 225-8), en bande organisée (art. 225-9) ; vol en bande organisée (art. 311-9) ; crime aggravé d'extorsion (art. 312-6), en bande organisée (art. 312-7) ; association de malfaiteurs en vue de la préparation de la commission des infractions énumérées à l'article 706-73 (art. 450-1).

(2) Destruction d'un bien par une substance explosive (art. 322-8) ; crime aggravé d'extorsion (art. 312-2 à 312-4) avec violence ayant entraîné une ITT de 8 jours au plus (art. 312-5) ; associations de malfaiteurs en vue de la préparation d'infraction autres que celles énumérées à l'article 706-73 (art. 450-1).

La Commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Vallini, ainsi qu'un amendement de M. Thierry Mariani étendant la possibilité de prolongation exceptionnelle de garde à vue prévue par cet article à l'ensemble des infractions visées par l'article 706-74 du code de procédure pénale.

Puis, elle a examiné un amendement du rapporteur simplifiant le régime de la garde à vue, qui, si le projet de loi était adopté en l'état, se caractériserait par la juxtaposition de cinq dispositifs différents. Le rapporteur a précisé que cet amendement alignait les modalités de renouvellement de la garde à vue pour des infractions particulièrement graves - telles que le proxénétisme aggravé, l'extorsion de fonds ayant entraîné la mort ou commise en bande organisée - sur celles applicables en matière de trafic de stupéfiants, qui ouvrent la possibilité d'une seule prolongation de quarante-huit heures. Après les observations de M. François d'Aubert, rapporteur pour avis de la commission des Finances, qui a rappelé que le développement de la criminalité organisée commençait très souvent par la mise en place d'un système organisé de racket, et les réponses du rapporteur, qui a souligné que son amendement tenait compte de cette réalité, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 56), puis a rejeté, en conséquence, un amendement similaire, devenu sans objet, présenté par M. Christian Estrosi.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la visite médicale de droit était effectuée à la demande de la personne gardée à vue (amendement n° 57), ainsi qu'un amendement de coordination du même auteur (amendement n° 58). Après que le rapporteur a estimé que la précision était inutile, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Paul Garraud prévoyant une information du procureur de la République dans les plus brefs délais sur la mise en œuvre d'une garde à vue.

Section 4

Des perquisitions

Article 706-89 à 706-95 [nouveaux] du code de procédure pénale

Puisque le placement en garde à vue et son renouvellement doivent être justifiés par les « nécessités de l'enquête ou de l'instruction » en matière de criminalité organisée, les investigations doivent, corrélativement, être facilitées afin d'obtenir de meilleurs résultats et une élucidation accrue des affaires. Tel est l'objet des articles 706-89 à 706-95 nouveaux du code de procédure pénale qui améliorent substantiellement le cadre juridique actuel des perquisitions.

a) Le régime actuel des perquisitions est trop complexe et inadapté aux nouvelles formes de la criminalité organisée

Bien que non définie par le droit positif, la perquisition implique, selon la jurisprudence, une pénétration par les forces de l'ordre dans un lieu normalement clos en vue de la recherche d'indices matériels relatifs à l'infraction poursuivie. Parce qu'elle permet à l'autorité publique de pénétrer dans les domiciles privés ou professionnels, la perquisition est un acte grave qui transgresse l'inviolabilité du domicile, le secret de la vie privée et professionnelle.

L'inviolabilité du domicile est d'ailleurs une règle ancienne puisque l'article 76 de la Constitution de l'an VIII disposait que « la maison de toute personne habitant le territoire est un asile inviolable » et que « pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison ». Ce principe, qui a d'ailleurs une valeur constitutionnelle, doit cependant être concilié avec d'autres impératifs de même nature. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que « la recherche des auteurs d'infractions est nécessaire à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle [et] qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et notamment l'inviolabilité du domicile » (décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996). C'est pourquoi, s'il appartient au législateur de prévoir un encadrement juridique rigoureux de la perquisition, celui-ci ne doit pas entraver pour autant les investigations des services de police judiciaire dont les exigences sont d'ailleurs variables selon la nature et la complexité des infractions. A cette aune, force est de constater que le droit actuel en matière de perquisition est complexe, manque de cohérence et donc de performance. Ainsi, selon le cadre juridique de l'enquête et la nature des infractions poursuivies, les lieux susceptibles d'être perquisitionnés, les heures auxquelles la perquisition peut se dérouler ainsi que l'incidence de l'assentiment de la personne concernée diffèrent considérablement.

Ainsi dans le cadre de l'enquête de flagrance portant sur des infractions de droit commun dont la preuve peut être acquise par la saisie de documents ou d'objets en la possession des personnes qui paraissent y avoir participé, l'officier de police judiciaire « se transporte sans désemparer au domicile » de celles-ci pour y procéder à une perquisition comme le prévoit l'article 56 du code de procédure pénale. Dans ce cadre, le consentement de l'intéressé n'a pas à être recueilli, mais les heures auxquelles la perquisition peut se dérouler sont encadrées par les dispositions de l'article 59 du même code qui prohibe sa mise en oeuvre avant 6 heures le matin et après 21 heures le soir.

Toutefois, les nécessités de renforcer l'efficacité de la lutte contre certaines formes de la criminalité particulièrement dangereuses ont conduit le législateur à autoriser des perquisitions en dehors des heures prévues par l'article 59. Il en est ainsi en matière de terrorisme (article 706-24), de trafic de stupéfiants (article 706-28), mais sur autorisation d'un magistrat du siège, ainsi qu'en matière de proxénétisme (article 706-35). Dès lors, compte tenu du développement de certaines formes particulièrement graves de la criminalité organisée présenté plus haut - qu'il s'agisse de la traite des êtres humains, du trafic d'armes ou du vol en bande organisée par exemple - la possibilité de mener des perquisitions en flagrance et en dehors des heures prévues par l'article 59 doit désormais être élargie.

S'agissant des perquisitions menées dans le cadre d'une enquête préliminaire, l'article 76 du code de procédure pénale autorise l'officier de police à y recourir pendant les heures prévues par l'article 59 mais exige l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu. Toutefois, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, la loi du 15 novembre 2001 a introduit un article 76-1 nouveau dans le code de procédure pénale qui autorise, sur décision du juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République, la conduite d'une perquisition sans l'assentiment de la personne en matière de trafic d'armes ou de trafic de stupéfiants exclusivement. De surcroît, le même article autorise les perquisitions de nuit si elles ne concernent pas des locaux d'habitation. On rappellera toutefois que, si ces dispositions avaient été initialement adoptées à titre temporaire jusqu'au 31 décembre comme le prévoyait l'article 22 de la loi du 15 novembre 2001, elles ont été définitivement prorogées par l'article 31 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Brièvement rappelé, le régime applicable à l'enquête préliminaire, de plus en plus complexe, manque donc de cohérence et paraît trop restrictif. Enfin, si le juge d'instruction peut délivrer une commission rogatoire aux fins de perquisition « dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité » (article 94 du code de procédure pénale), il doit néanmoins se conformer aux dispositions de l'article 59 s'il s'agit du domicile de la personne mise en examen (article 95).

b) Un assouplissement mesuré des modalités juridiques des perquisitions en matière de criminalité organisée

· Des perquisitions de nuit dans le cadre de l'enquête de flagrance. Pour les seuls crimes et délits entrant dans le champ de l'article 706-73 qui regroupe, rappelons-le, les crimes et les délits les plus graves relevant de la criminalité organisée, l'article 706-89 nouveau autorise, dans le cadre de l'enquête de flagrance, que des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59. Toutefois, la mise en œuvre de perquisitions de cette nature doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République et justifiée par les nécessités de l'enquête. A cet égard, on indiquera ici, que la durée de l'enquête de flagrance en matière de criminalité organisée au sens des articles 706-73 et 706-74 est portée de huit à quinze jours par l'article 26 du présent projet de loi qui modifie l'article 53 du code de procédure pénale à cet effet.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani visant à étendre les règles spéciales de perquisition dans le cadre des enquêtes de flagrance prévues par l'article 706-89 du code précité à l'ensemble des infractions visées par l'article 706-74 du même code, ainsi qu'un amendement de M. André Vallini supprimant, dans l'article 706-89, la référence aux visites domiciliaires.

· Des perquisitions sans l'assentiment de la personne concernée en enquête préliminaire. S'agissant des perquisitions menées dans le cadre de l'enquête préliminaire et par dérogation aux dispositions de l'article 76, l'article 706-90 nouveau prévoit que des visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction peuvent être faites « sans l'assentiment de la personne concernée ». De surcroît, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation, elles peuvent se dérouler « en dehors des heures prévues à l'article 59 ». Toutefois, et dans les deux cas, ces opérations doivent être autorisées par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République et ne concerner que des infractions relevant de l'article 706-73. L'inviolabilité du domicile pendant la nuit dans le cadre de l'enquête préliminaire demeure donc pleinement garantie mais la justification du maintien de l'article 76-1 présenté plus haut s'en trouve fragilisée.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani étendant les règles spéciales de perquisition dans le cadre des enquêtes préliminaires prévues par l'article 706-90 du code précité à l'ensemble des infractions visées par l'article 706-74 du même code, ainsi que deux amendements de M. André Vallini, le premier exigeant la présence de la personne occupant les lieux soumis à une perquisition ou une visite domiciliaire et le second excluant du dispositif de l'article 706-90 les visites domiciliaires.

· Des perquisitions de nuit ordonnées par le juge d'instruction en cas d'urgence et de risque imminent de disparition de preuves. En ce qui concerne les perquisitions menées dans le cadre d'une instruction portant sur une infraction entrant dans le champ de l'article 706-73, le juge d'instruction peut autoriser les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à y procéder pendant la nuit « lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation » ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 706-91 nouveau.

Toutefois, dans certaines affaires, c'est précisément au domicile de la personne mise en examen que se trouvent les pièces recherchées qui risquent de disparaître si leur saisie n'est pas effectuée rapidement. C'est la raison pour laquelle le second alinéa de cet article prévoit que, « en cas d'urgence » et « lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels », le juge d'instruction peut autoriser les officiers de police judiciaire à perquisitionner de nuit. Cet alinéa habilite le juge d'instruction à faire de même, toujours « en cas d'urgence », mais « lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ». Ces perquisitions ne peuvent donc avoir lieu que pendant une période de temps extrêmement limitée puisque, soit il y a « urgence » dans le cadre de l'enquête de flagrance dont la durée ne peut excéder 15 jours, soit la situation est urgente en raison du risque « immédiat » de disparition des preuves.

Le présent article prend donc pleinement en considération les exigences qui se dégagent de la jurisprudence constitutionnelle en cette matière. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que « la possibilité de telles visites, perquisitions et saisies de nuit, pendant une période qui n'est pas déterminée par la loi, dans tout lieu, y compris dans les locaux servant exclusivement à l'habitation, en cas d'enquête préliminaire et au cours d'une instruction préparatoire, alors que, d'une part, le déroulement et les modalités de l'enquête préliminaire sont laissés à la discrétion du procureur de la République, ou sous son contrôle, des officiers et agents de police judiciaire, et que, d'autre part, dans l'instruction préparatoire, l'autorité déjà investie de la charge de celle-ci se voit en outre attribuer les pouvoirs d'autoriser, de diriger et de contrôler les opérations en cause, est de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle » (décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, lutte contre le terrorisme).

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani étendant les règles spéciales de l'article 706-91 relatives aux perquisitions menées dans le cadre de l'instruction aux infractions visées par l'article 706-74 du même code. Elle a également rejeté un amendement du même auteur à l'article 706-92 dudit code ôtant leur caractère juridictionnel aux autorisations accordées par le juge des libertés ou le juge d'instruction de procéder à des perquisitions de nuit. Elle a en revanche adopté un amendement de M. André Vallini permettant de prendre en compte, dans l'ordonnance autorisant la perquisition prévue par l'article 706-92, non seulement les éléments de fait mais aussi les éléments de droit (amendement n° 59). Elle a également adopté un amendement de M. Thierry Mariani supprimant la disposition selon laquelle la découverte d'infractions autres que celles visées par le juge ne constitue pas à elle seule une cause de nullité (amendement n° 60).

Par ailleurs, dans l'hypothèse où une perquisition est menée dans le cadre de l'enquête de flagrance ou de l'instruction et que la personne au domicile de laquelle elle se déroule est en garde à vue, détenue ou en un autre lieu, et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves de troubles à l'ordre public, d'évasion ou de disparition des preuves, l'article 706-95 nouveau prévoit que la perquisition peut néanmoins être faite « avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins » dans les conditions prévues à l'article 57. Ce dernier dispose en effet que, à défaut de la présence de la personne concernée et en l'absence d'un représentant désignée par elle, l'officier de police judiciaire choisit deux témoins « en dehors des personnes relevant de son autorité administrative ». Ces dispositions de l'article 706-95 nouveau sont également applicables aux enquêtes préliminaires lorsque la perquisition est faite sans l'assentiment de la personne auquel cas cette opération doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention, comme le précise son dernier alinéa.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani qui étend aux infractions visées par l'article 706-74 du même code les règles spéciales prévues par l'article 706-95. De même, elle a rejeté deux amendements présentés par M. André Vallini, le premier introduisant une saisine du juge des libertés et de la détention par le procureur de la République dans la procédure définie par cet article, le second permettant la présence d'un avocat à titre d'alternative à la présence de deux témoins lors de la perquisitions.

c) Des règles formelles rigoureuses assurant un contrôle strict des perquisitions par les magistrats

L'article 706-92 fixe les conditions de forme auxquelles doivent se conformer les autorisations de perquisitionner délivrées par le juge des libertés et de la détention ou, le cas échéant, par le juge d'instruction saisi et précise la sanction juridique attachée à l'inobservation de celles-ci.

Ainsi, les autorisations de perquisitionner le sont pour des opérations « déterminées » et font l'objet d'une ordonnance écrite précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux concernés. Lorsque la perquisition est ordonnée par le juge d'instruction et a lieu de nuit en raison, notamment, du risque de disparition des preuves, l'ordonnance doit comporter l'énoncé des considérations de droit ou de fait qui constituent le fondement de cette décision. Comme l'indique le premier alinéa de l'article 706-92, les perquisitions sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Cette possibilité de contrôle sur place par le magistrat requis est la bienvenue car elle permettra, dans le cadre d'une affaire particulièrement sensible par exemple, d'apporter toutes les garanties attachées à la présence d'un juge du siège.

Enfin, l'article 706-93 dispose que ces perquisitions ne peuvent avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge. Il s'agit là de la réaffirmation du traditionnel principe de la spécialité en procédure pénale qui signifie que le juge, ou les agents par lui requis, ne peuvent agir que dans la limite de leur saisine. Ainsi, lorsqu'une perquisition permet de révéler d'autres infractions dont le juge ou ses délégués ne sont pas saisis, il leur appartient de dresser un rapport des faits nouveaux découverts au procureur de la République qui seul à le pouvoir d'exercer l'action publique et de requérir l'application de la loi comme le prévoit l'article 31 du code de procédure pénale(20).

La sanction de l'irrespect de l'une de ces conditions est la nullité de la perquisition comme le précisent les articles 706-92 et 706-93. Il s'agit de garantir que le cadre législatif du régime dérogatoire des perquisitions en matière de criminalité organisée sera scrupuleusement respecté. Aussi, bien que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction saisi soit insusceptible d'appel comme le précise l'article 706-92, le non respect des dispositions encadrant ces opérations pourra-t-il néanmoins être contesté par les parties devant la chambre de l'instruction ou le tribunal correctionnel saisi dans les conditions de droit commun. De surcroît, ces juridictions pourront soulever d'office le moyen de la nullité d'une perquisition n'ayant pas respecté les dispositions des articles 706-92 et 706-93 puisque que le juge peut connaître de toute clause de nullité textuelle quand bien même les parties ne l'ont pas saisi sur ce point. Cependant, afin d'éviter des annulations pour des raisons de pure forme, on rappellera que l'article 802 dispose que la juridiction ne peut prononcer la nullité que « lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».

Enfin, à l'instar de plusieurs dispositions précédentes, le régime particulier des perquisitions en matière de criminalité organisée n'a pas vocation à se substituer aux procédures spécifiques d'ores et déjà applicables en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants. L'article 706-94 le prévoit expressément.

Section 5

Des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications

Article 706-96 [nouveau] du code de procédure pénale

A la suite de l'arrêt de la cour européenne des droits de l'homme Huvig / France du 24 avril 1990, la France a été amenée à modifier sa législation en matière « d'écoutes » afin clarifier leur régime juridique. En effet, la Cour a considéré que les écoutes et autres formes d'interception des entretiens téléphoniques « représentent une atteinte grave au respect de la vie privée et de la correspondance. Partant [...] l'existence de règles claires et détaillées en la matière apparaît indispensable, d'autant que les procédés techniques utilisables ne cessent de se perfectionner ». En l'espèce, la Cour a estimé que le système juridique français alors en vigueur n'offrait pas « des sauvegardes adéquates contre divers abus à redouter. Par exemple, rien ne définit les catégories de personnes susceptibles d'être mises sous écoute judiciaire, ni la nature des infractions pouvant y donner lieu ; rien n'astreint le juge à fixer une limite à la durée de l'exécution de la mesure ». Selon elle, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme avait donc été, en l'espèce, méconnu.

C'est pourquoi la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 a inséré les articles 100 à 100-7 dans le code de procédure pénale qui déterminent avec précision le régime applicable aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications et que la Cour européenne a considérés comme répondant aux exigences de la convention (arrêt Lambert / France du 24 août 1998). Désormais, il appartient au seul juge d'instruction d'ordonner de telles mesures pour une durée maximale de quatre mois renouvelables. De surcroît, le juge d'instruction ne peut ordonner une écoute que s'il instruit en matière criminelle ou si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans. Pour autant, cette situation qui réserve l'emploi des écoutes judiciaire à l'instruction n'est pas satisfaisante puisqu'elle interdit d'y recourir dans le cadre de l'enquête de flagrance ou préliminaire alors qu'elles seraient d'un grand secours.

En effet, il n'est pas rare dans le cadre de certaines affaires, par exemple un vol commis en bande organisée, que les forces de l'ordre agissant dans le cadre de l'enquête de flagrance ou préliminaire, connaissent l'identité de certains auteurs sans être à même de déterminer avec précision celle de leurs complices ni de les localiser géographiquement. Dans cette hypothèse, il est indéniable que le recours à des écoutes faciliterait substantiellement l'interpellation de ces personnes alors même que le droit en vigueur conduit paradoxalement à offrir aux délinquants bien organisés le temps nécessaire (celui que prend l'ouverture d'une information) pour disparaître ou pour dissimuler les preuves de leurs méfaits. C'est pourquoi, le présent article propose d'autoriser le recours aux écoutes dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaire portant sur une infraction entrant dans le champ de la criminalité organisée au sens de l'article 706-73.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani étendant les dispositions de cet article à l'ensemble des infractions visées par l'article 706-74 du code précité. Elle a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Georges Fenech portant de quinze jours à quatre mois la durée des écoutes téléphoniques autorisées par le juge, ainsi qu'un amendement de M. Thierry Mariani ouvrant sans limite les possibilités de prolongation de cette durée. Elle a enfin rejeté un amendement de M. André Vallini substituant au procureur de la République le juge des libertés et de la détention.

M. Robert Pandraud a suggéré au rapporteur d'interroger le ministre de la justice sur les conditions de réalisation des écoutes téléphoniques judiciaires, leur nombre et les garanties offertes par la procédure à l'égard des libertés individuelles. Appuyant cette suggestion, M. Alain Marsaud a précisé que ce type d'opérations pouvait être confié à des sociétés privées, tandis que M. André Vallini a indiqué que son groupe partageait cette préoccupation. Le président Pascal Clément a suggéré que cette question soit abordée au cours du débat en séance publique.

Le recours aux interceptions, qui doit être justifié par « les nécessités de l'enquête », est autorisé, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention qui en assure le contrôle comme le prévoit l'article 706-96 nouveau. De surcroît, le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé « sans délai » par le procureur de la République des actes accomplis par les agents qualifiés chargés de procéder à l'installation du dispositif technique approprié. S'agissant de la durée de ces écoutes, elle est de quinze jours maximum renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Les modalités pratiques de ces interceptions sont celles prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7 précités auxquels l'article 706-96 renvoie. Si la première référence semble curieuse puisqu'elle prévoit que seul le juge d'instruction peut mettre en œuvres des écoutes en matière criminelle ou si l'infraction est punie de plus de deux ans d'emprisonnement, les articles suivants disposent, respectivement que : la décision du juge doit indiquer l'infraction qui motive le recours aux interceptions et la ligne concernée (article 100-1) ; les officiers de police judiciaire requis peuvent utiliser les services d'organismes placés sous l'autorité du ministre chargé des télécommunication ou de tout agent qualifié exploitant ou fournisseur de services de télécommunications (article 100-3) ; l'officier de police judiciaire commis dresse procès verbal de chacune des opérations d'interception, les enregistrements étant placés sous scellés (article 100-4) ; la transcription de la correspondance utile à la manifestation de la vérité est effectuée par l'officier de police judiciaire requis qui en dresse procès verbal et la verse au dossier (article 100-5) ; à la « diligence du procureur de la République » les enregistrements sont détruits à l'expiration du délai de prescription de l'action publique (article 100-6) ; aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge et aucune mesure de cette nature ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant d'un cabinet d'avocat sans que le bâtonnier en soit également informé (article 100-7).

Par coordination, puisque le juge d'instruction n'est pas présent dans la cadre de l'enquête de flagrance ou préliminaire, le deuxième alinéa de l'article 706-96 prévoit que, pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'OPJ requis par ce magistrat.

Section 6

De l'utilisation de moyens de communications audiovisuelle
en cas de prolongation de la détention provisoire

Article 706-97 [nouveau] du code de procédure pénale

La récente évasion d'un criminel chevronné de la maison d'arrêt de Fresnes l'a démontré : les réseaux disposent désormais de moyens considérables, tant matériels que financiers, et n'hésitent plus à recourir à des armes de guerre pour parvenir à leurs fins. Dans ces conditions, les extractions du milieu carcéral de prévenus appartenant au milieu de la criminalité organisée constituent indéniablement un risque supplémentaire susceptible de provoquer des troubles graves, voire de permettre une évasion.

C'est pourquoi l'article 706-97 nouveau prévoit que, pour la prolongation d'une détention provisoire d'une personne mise en examen pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la criminalité organisée au sens de l'article 706-73, le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement peuvent, « par décision spécialement motivée, si la comparution personnelle de l'intéressé devant la juridiction doit être évitée en raison des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion » décider qu'il sera fait application d'un « moyen de communication audiovisuelle ».

Le recours à ce moyen est possible tant au stade de la tenue du débat contradictoire qu'à celle de l'audience et s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 706-71. Introduit par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, cet article prévoit notamment, que lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, l'audition ou l'interrogatoire d'une personne ainsi que la confrontation entre plusieurs personnes peuvent être effectuées en plusieurs points du territoire de la République se trouvant reliés par « des moyens de télécommunications garantissant la confidentialité de la transmission ». Enfin, le denier alinéa de l'article 706-97 prévoit que ces dispositions sont applicables, sous les mêmes conditions, aux demandes de mise en liberté examinées par la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement.

La Commission a adopté un amendement de suppression de cet article, le rapporteur ayant jugé que son dispositif, limité à la prolongation de la détention provisoire en matière de criminalité organisée, était trop restrictif (amendement n° 61). Elle a rejeté trois amendements devenus sans objet présentés, respectivement par M. Christian Estrosi, M. Jean-Paul Garraud et M. Thierry Mariani.

Le rapporteur ayant souligné que le droit en vigueur interdisait aux forces de sécurité de recourir à certains moyens modernes d'enregistrement des propos et des images de personnes dans les lieux privés, alors que cette faculté est ouverte dans nombre de pays voisins, la Commission a adopté son amendement (amendement n° 62), insérant, dans le titre XXV du code de procédure pénale des dispositions rendant possible cet enregistrement, dans le cadre limité des instructions concernant les crimes et délits graves visés par l'article 706-73 du code précité et sur demande du juge d'instruction. Deux amendements respectivement présentés par M. Alain Marsaud et M. Georges Fenech, revêtant une portée plus large mais ayant le même objet, ont été considérés comme satisfaits et donc rejetés.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Christian Estrosi interdisant la diffusion, notamment sur Internet, d'informations relatives aux méthodes de fabrication d'armes et d'explosifs, le rapporteur ayant estimé que ces actes ne relevaient pas nécessairement de la criminalité organisée et fait savoir qu'il proposait également un amendement après l'article 2 sanctionnant ces agissements.

Section 7

Des mesures conservatoires

Article 706-98 [nouveau] du code de procédure pénale

Parce que les profits retirés par les criminels de leurs méfaits sont considérables et qu'ils constituent leur unique objectif, le renforcement de l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée commande d'adopter à leur endroit de sévères mesures conservatoires, avant même leur condamnation définitive.

Tel est l'objet de l'article 706-98 nouveau qui prévoit qu'en cas d'information ouverte pour l'une des infractions relevant de la criminalité organisée au sens des articles 706-73 et 706-74 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'exécution de la confiscation, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor, des « mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen ».

Ces dispositions reprennent quasi littéralement celles actuellement applicables en matière de trafic de stupéfiants (article 706-30) ou de terrorisme (706-24-2) qui sont d'ailleurs supprimées, par coordination, par le dernier paragraphe de l'article 5 du présent projet. Toutefois, la seule référence aux « biens » de la personne mise en examen est quelque peu imprécise. S'agit-il des biens qu'elle seule possède ou bien ceux détenus en indivision ? Ces biens sont-ils de toute nature ou bien seulement mobiliers ou immobiliers ? Il semblerait préférable de le préciser comme cela a été fait à l'article 225-25 du code pénal en matière de proxénétisme et de traite des être humains par l'article 37 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.

S'agissant de la procédure applicable à la saisie des biens, le premier alinéa de l'article 706-98 dispose qu'elle se fait « selon les modalités prévues par les articles 67 à 79 de la loi n° 91-150 du 9 juillet 1991 ». Outre qu'il est formellement inhabituel de viser une loi déterminée dans un texte codifié, ces références exactes aujourd'hui, le seront peut-être moins demain. Dès lors, il semble plus prudent de se référer, plus généralement, aux procédures civiles d'exécution et non à la loi du 9 juillet 1991.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 64) ainsi qu'un amendement présenté par M. Thierry Mariani autorisant l'utilisation des biens saisis à titre conservatoire pour garantir l'indemnisation des victimes (amendement n° 63). Elle a rejeté un amendement de M. Georges Fenech étendant la saisie à titre conservatoire aux biens sur lesquels la personne concernée exerce une possession ou une gérance de fait.

La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés comme l'indique le deuxième alinéa de l'article. A l'inverse, la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique comme le prévoit le troisième alinéa.

Enfin, compte tenu de la dimension nationale et parfois internationale de la criminalité organisée, il importe que les règles déterminant la compétence territoriale du juge des libertés et de la détention soient adaptées. Tel est l'objet du dernier alinéa de cet article qui dispose que, en cette matière, le juge des libertés et de la détention « est compétent sur l'ensemble du territoire ».

Le tableau suivant récapitule le champ d'application des différents instruments procéduraux spécifiques à la criminalité organisée selon que l'infraction poursuivie relève de l'article 706-73 ou 706-74.

Infractions prévues par l'article 706-73

Infractions prévues par l'article 706-74

Compétence des juridictions spécialisées sauf terrorisme

oui

oui

Surveillance

oui

oui

Infiltrations

oui

non

Régime spécifique de garde à vue

oui

non

Régime spécifique des perquisitions

oui

non

Interception des correspondances en enquête de flagrance ou préliminaire

oui

oui

Utilisation d'un moyen de communication audiovisuelle en cas de prolongation de la détention provisoire

oui

oui

Mesures conservatoires

oui

oui

Section 8

Dispositions communes

Articles 706-99, 706-100 et 706-101 [nouveaux] du code de procédure pénale

Lorsque les policiers débutent leurs investigations, la qualification juridique des faits retenue par eux-mêmes et les magistrats compétents, qu'il s'agisse du procureur de la République ou du juge d'instruction, n'est pas nécessairement celle qui sera finalement choisie par la juridiction de jugement. Toutes les hypothèses sont envisageables : de l'infraction simple qui, au fur et à mesure des investigations, révèle une véritable organisation criminelle ou bien, à l'inverse, une affaire semblant relever de la criminalité organisée et qui s'avère finalement plus ordinaire. Ces changements de qualifications juridiques, bien connus des praticiens, ne sauraient cependant entraîner l'annulation de l'ensemble de la procédure. Tel est l'objet de l'article 706-99 nouveau qui dispose que le fait que la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue à l'issue de l'enquête ou de l'instruction devant la formation de jugement « ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis [...] alors que cette circonstance paraissait caractérisée ».

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec prévoyant la nullité des actes accomplis au cours d'une enquête ou d'une information à l'issue de laquelle la circonstance aggravante de bande organisée n'est pas retenue. M. Alain Marsaud a fait observer qu'en matière de terrorisme l'état du droit prévoyait déjà que la nullité des actes de la procédure n'était pas prononcée de manière systématique lorsque la qualification de terrorisme n'est pas retenue. Le rapporteur ayant jugé le dispositif équilibré, la Commission a rejeté l'amendement. Elle a en revanche adopté un amendement du rapporteur supprimant une précision inutile à l'article 706-99 (amendement n° 65), avant de rejeter deux amendements de suppression de l'article 700-100 présentés respectivement par M. Thierry Mariani et M. Christian Estrosi.

a) L'information sur les suites de la procédure à la demande de la personne qui a été placée en garde à vue et qui n'est pas poursuivie

Le premier alinéa de l'article 706-100 nouveau prévoit que, lorsqu'une personne qui a été placée en garde à vue dans le cadre d'une enquête pendant laquelle des mesures de surveillance ou d'infiltration ont été mises en œuvre, elle peut interroger six mois après les faits le procureur de la République sur les suites qu'il entend donner à la procédure (articles 77-2 et 77-3). Ce magistrat doit l'informer que l'enquête préliminaire est poursuivie si tel est le cas.

Dans cette hypothèse, la personne ayant été gardée à vue peut demander que son avocat, ou un avocat commis d'office par le bâtonnier, puisse consulter le dossier de la procédure. Comme l'indique le deuxième alinéa de l'article 706-100, le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat par le procureur de la République dans les quinze jours de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition de la personne au cours de l'enquête préliminaire.

Si votre rapporteur approuve l'amélioration de l'information de la personne ayant subie une garde à vue quant aux suites éventuelles de la procédure, la novation que constitue l'accès au dossier en cours par l'intermédiaire de l'avocat le laisse cependant perplexe. En effet, n'est-il pas risqué de permettre à une personne qui a été placée en garde à vue dans le cadre d'une enquête qui se poursuit d'accéder au dossier de la procédure alors même que le réseau dont elle est proche est peut-être infiltré ? Certes la décision du juge autorisant de procéder à une infiltration n'est versée au dossier que lorsque celle-ci est achevée (article 706-83), mais ne serait-il pas plus prudent en cette matière de prévoir que la communication du dossier ne peut avoir lieu que si le procureur de la République poursuit l'enquête préliminaire et envisage d'auditionner la personne qui a été placée en garde à vue ?

Dans cette hypothèse, et en contrepartie de cette appréciation du procureur de la République, pourquoi ne pas prévoir qu'il doit ouvrir une information judiciaire afin de garantir le respect des droits de la défense ? En effet, dans le cadre d'une information judiciaire, seules les parties au procès et, notamment les personnes mises en examen, ont accès au dossier. Or, ne sont mises en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » (article 80-1). Dès lors, la personne qui n'est pas suspectée d'être l'un des auteurs ou complice des infractions, mais qui est en relation avec eux, n'est pas susceptible d'être mise en examen et ne peut donc avoir accès au dossier. Ce faisant, elle est rassurée sur son sort tout en n'étant pas en mesure de mettre en péril les éventuelles opérations en cours.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 66) limitant les cas dans lesquels le procureur de la République est tenu d'informer une personne gardée à vue six mois auparavant sur l'état d'avancement de la procédure et de communiquer l'ensemble du dossier de la procédure à l'avocat de cette personne. Elle a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Paul Garraud et devenu sans objet. Elle a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel de M. Georges Fenech à l'article 706-101 (amendement n° 67).

b) L'instauration d'un débat contradictoire devant le procureur de la République lorsqu'il décide de recourir à la comparution immédiate

Le renforcement des instruments d'investigation doit entraîner une amélioration du taux d'élucidation des affaires, y compris à l'issue de l'enquête de flagrance ou préliminaire. Il est donc souhaitable que le procureur de la République décide, en matière correctionnelle uniquement, de faire comparaître sur le champ le prévenu devant le tribunal correctionnel (article 395 du code de procédure pénale) s'il considère que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en état d'être jugée. Toutefois, il convient de veiller au respect de l'équilibre entre le renforcement des outils au service de la manifestation de la vérité et les droits de la personne mise en cause. Tel est l'objet de l'article 706-101 nouveau, qui aménage les modalités de recours à la procédure de la comparution immédiate en matière de criminalité organisée.

Ainsi, lorsque le procureur envisage de faire comparaître sur le champ une personne qui a été placée en garde à vue dans le cadre d'une enquête pendant laquelle des mesures de surveillance ou d'infiltration ont été mises en œuvre en application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, celle-ci a droit à un avocat. Celui-ci peut consulter sur le champ le dossier et communiquer librement avec le prévenu. Au-delà de ces dispositions qui reprennent le régime de droit commun de la comparution immédiate prévu par l'article 393, le présent article innove en autorisant la personne à comparaître devant le procureur de la République en présence de son avocat.

En effet, la procédure pénale française privilégie la confrontation entre le magistrat du siège, seul susceptible de prendre une décision de justice privative de liberté, et la personne mise en cause assistée de son avocat. Or, la prérogative du représentant du ministère public dans l'orientation des affaires justifie pleinement qu'en matière de lutte contre la criminalité davantage de contradictoire soit introduit. A titre d'exemple, l'avocat du prévenu pourra présenter au procureur de la République des éléments justifiant, selon lui, l'ouverture d'une information judiciaire et non le recours à la comparution immédiate eu égard à la complexité de l'affaire.

Dans l'hypothèse où le procureur de la République saisit néanmoins le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, le prévenu peut demander le renvoi de l'affaire à une audience, qui devra avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois sans être supérieur à quatre mois « quel que soit le montant de la peine encourue » précise le dernier alinéa de l'article 706-101. Cette disposition est d'importance car le droit en vigueur (article 397-1) limite cette possibilité aux prévenus encourant une peine supérieure à sept ans d'emprisonnement alors que, dans les autres cas, ce délai est de deux semaines. Il s'agit donc de donner davantage de temps à la personne mise en cause pour préparer sa défense mais cette disposition pourrait en contrepartie augmenter les placements en détention provisoire.

La Commission a examiné un amendement de M. Thierry Mariani permettant aux services de police et de gendarmerie de bénéficier partiellement - comme c'est déjà le cas pour la douane - du produit des amendes et des biens confisqués. Le rapporteur a jugé souhaitable d'attendre les conclusions des travaux conduits à l'échelle communautaire sur la question des rémunérations des indicateurs pour proposer d'insérer ce type de dispositions dans notre droit. M. Thierry Mariani ayant fait observer que les dispositions examinées dans le cadre d'Europol ne prendraient que la forme de recommandations et M. François d'Aubert, rapporteur pour avis de la commission des Finances, ayant considéré comme particulièrement bienvenu l'alignement des moyens de la police et de la gendarmerie sur ceux dont bénéficient d'ores et déjà la douane, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 68).

Elle a adopté l'article premier ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

(art. 77-2 du code de procédure pénale)


Communication du dossier à la personne gardée à vue six mois auparavant

La Commission a adopté, à l'initiative du rapporteur un amendement de coordination avec celui adopté à l'article premier pour modifier les modalités d'accès au dossier par la personne gardée à vue dans le cadre des enquêtes portant sur des infractions relevant de la criminalité organisée (amendement n° 69).

(art. 100-7 du code de procédure pénale)

Interceptions des correspondances de magistrats

La Commission a adopté un amendement de M. Christian Estrosi subordonnant la mise sur écoute de la ligne d'un magistrat à une information préalable du Premier président ou du procureur général de la Cour d'appel dans laquelle le magistrat réside (amendement n° 70).

Section 2

Dispositions renforçant la répression de la délinquance
et de la criminalité organisées

Article 2

(art. 221-4, 225-1-1, 222-3, 222-49, 227-22, 227-23, 313-2, 421-5, 434-30, 442-1, 442-2, 450-5 [nouveau] du code pénal, art. 3 de la loi du 19 juin 1871, art. 24, 26, 31 du décret
du 18 avril 1939, art. 6 de la loi du 3 juillet 1970 et art. 4 de la loi du 9 juin 1972)


Élargissement du champ d'application de la circonstance aggravante de bande organisée et de la peine complémentaire de confiscation des biens - renforcement de la répression du faux monnayage - dispositions diverses

· Ainsi que votre rapporteur l'a déjà évoqué dans ses commentaires de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale inséré par l'article précédent du présent projet, l'article 2 a pour premier objet de compléter la liste des infractions pour lesquelles la circonstance de bande organisée est prévue afin de les inclure dans le champ d'application de la criminalité organisée.

A cet effet, la circonstance aggravante de bande organisée est introduite dans le code pénal en matière de : meurtre (paragraphe I) ; tortures et actes de barbarie (III) bien que la circonstance aggravante de réunion soit d'ores et déjà prévue par le même article du code pénal (article 222-3) ; corruption de mineurs (V) ; diffusion, enregistrement transmission de l'image à caractère pornographique d'un mineur (VI) ; évasion de détenus (IX). En matière d'escroquerie, la circonstance aggravante de bande organisée est d'ores et déjà prévue par le 5° de l'article 313-2 du code pénal mais elle n'est punie que d'une peine de sept ans d'emprisonnement. C'est pourquoi, le paragraphe VII du présent article la porte à dix ans d'emprisonnement.

Par ailleurs, les paragraphes XIII à XVIII insèrent la circonstance aggravante de bande organisée tout en portant le quantum des peines encourues à 10 ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende pour les infractions en matière d'armes et de substances dangereuses suivantes :

- la fabrication ou la détention, sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement réprimées par l'article 3 de la loi du 18 juin 1871 ;

- la fabrication, le commerce, le stockage, l'importation ou la tentative d'importation, sans autorisation régulière, des matériels de guerre prohibés prévus par les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime du matériel de guerre, armes et munitions ;

- la vente, la production, l'exportation ou l'importation de poudres ou substances explosives, dont la liste est prévue par décret, réprimées par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et des substances explosives ;

- la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, la cession des agents microbiologiques et des toxines biologiques, en quantités non destinées à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques, réprimés par les dispositions de l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques.

· Le paragraphe II du présent article crée une nouvelle incrimination (article 221-5-1 du code pénal) qui punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait de faire à une personne des offres ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconque afin qu'elle commette un assassinat ou un empoisonnement lorsque ce crime « n'a été ni tenté ni commis ». Si le droit en vigueur réprime la personne qui a tenté de commettre un crime au même titre que celle qui en est l'auteur (article 121-4 du code pénal), il ne permet pas de sanctionner celui qui conclu un « contrat » afin de faire assassiner une personne. En effet, la tentative au sens du code pénal est « constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». Or, celui qui souhaite faire assassiner une personne et qui conclu à cet effet un « contrat », alors même que l'assassin pressenti n'a aucune intention d'exécuter ledit contrat, ne peut être poursuivi puisqu'il n'existe en effet aucun « commencement d'exécution ». Nombre de praticiens font état de cette lacune, que l'article 221-5-1 nouveau vient précisément combler.

· Le paragraphe VIII a pour objet d'aggraver certaines peines en matière de terrorisme. A cet effet, il insère un nouvel alinéa au sein de l'article 421-5 du code pénal qui punit de la réclusion criminelle à perpétuité « le fait de diriger ou d'organiser le groupement ou l'entente » établi en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme. On indiquera que le droit en vigueur punit de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende le fait de participer à un groupe ou une entente terroriste mais ne module pas le quantum de la peine encourue selon la responsabilité personnelle de chacun des individus, ce qui n'est pas satisfaisant. Cette nouvelle disposition s'inspire d'ailleurs de celle prévue à l'article 222-34 du même code, qui rend passible de la réclusion criminelle à perpétuité le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'exportation ou l'importation, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de produits stupéfiants.

· Les paragraphes IV et XII élargissent le champ des infractions pour lesquelles la peine complémentaire de confiscation des biens pourra être prononcée.

Ainsi, en matière de trafic de stupéfiants, le second alinéa de l'article 222-49 du code pénal prévoit que la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, peut être prononcée à l'encontre de la personne : qui dirige un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants, qui produit de telles substances, qui les importe ou les exporte, ou bien qui facilite, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine de ces produits ou des revenus de l'auteur de ces infractions. Toutefois, la personne qui est en relations habituelles avec des individus se livrant au trafic de stupéfiants et qui n'est pas en mesure de justifier des « ressources correspondant à son train de vie » est, certes, passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (1er alinéa de l'article 222-39-1) mais elle n'encourt pas la confiscation de ses biens. Or, dans nombre d'affaires relevant du trafic de stupéfiants, la personne qui n'est pas en mesure de justifier de ses revenus, sans apparaître comme étant l'un des auteurs directs des infractions tout en étant en relation habituelle avec ceux-ci peut tout simplement être le responsable du réseau qui a le mieux su dissimuler sa responsabilité dans les différents rouages de son organisation. Afin de combler cette lacune de notre droit qui peut avoir pour conséquence paradoxale de laisser intacts les biens de l'un des responsables du trafic, le paragraphe IV propose d'insérer dans le champ d'application de la peine complémentaire de confiscation (article 222-49 précité) les biens de la personne qui n'est pas en mesure de justifier de ses ressources dans les conditions prévues par l'article 222-39-1. Comme le résume l'étude d'impact jointe au présent projet, il s'agit de sanctionner financièrement, ce qui est particulièrement efficace en cette matière, « le proxénétisme de la drogue ».

A l'instar des dispositions précédentes, le paragraphe XII tend à utiliser la sanction financière comme l'un des moyens privilégiés pour lutter contre la criminalité organisée. Ainsi, prévoit-il que les personnes morales et physiques reconnues coupables des infractions d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ou de délits punis de dix ans d'emprisonnement (2e alinéa de l'article 450-1 du code pénal) d'une part, ou bien les personnes ne pouvant justifier de ressources correspondant à leur train de vie tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes participant à une association de malfaiteurs d'autre part, encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature. A cette fin, ce paragraphe insère un article 450-5 nouveau dans le code pénal.

· Enfin, les paragraphes X et XI transposent en droit interne l'article 4 de la décision cadre 2003/383/JAI du Conseil de l'union européenne du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. Cet article dispose en premier lieu que chaque État membre doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'est pénalement puni le fait de : fabriquer frauduleusement ou de mettre en circulation frauduleusement de la monnaie ; d'importer, d'exporter, de transporter ou de recevoir, ou de se procurer de la fausse monnaie ; de fabriquer, recevoir ou se procurer les instruments ou les programmes destinés à fabriquer de la fausse monnaie ou les hologrammes servant à protéger la monnaie contre la falsification. Il prévoit en second lieu que les États membres doivent également réprimer des agissements de cette nature « lorsqu'il s'agit des billets de banque ou des pièces de monnaie fabriqués en utilisant des installations ou du matériels légaux, en violation des droits ou des conditions en vertu desquels les autorités compétentes peuvent mettre de la monnaie en circulation, et sans l'accord de ces autorités ».

Ainsi, le paragraphe X insère un deuxième alinéa nouveau à l'article 442-1 du code pénal qui punit de trente ans de réclusion criminelle la fabrication des pièces de monnaie et des billets de banque réalisée à l'aide d'installations ou de matériels autorisés destinés à cette fin, lorsqu'elle est effectuée en violations des conditions fixées par les institutions émettrices et sans leur accord. Pour sa part, le paragraphe XI propose une nouvelle rédaction de l'article 442-2 qui, curieusement, reprend littéralement celle des deux derniers alinéas en vigueur respectivement relatifs à la circonstance aggravée de bande organisée et à l'applicabilité de la période de sûreté. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 442-2 nouveau dispose, comme le prévoit d'ores et déjà le droit en vigueur, que le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation, des signes monétaires contrefaits ou falsifiés est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. En revanche, et c'est ce qui est nouveau, le même alinéa sanctionne des mêmes peines le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation de la monnaie fabriquée à l'aide des installations et instruments mentionnés au deuxième alinéa (nouveau) de l'article 442-1 précédemment décrit.

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur (amendement n° 71), puis rejeté un amendement de M. Alain Marsaud tendant à élargir la définition de l'acte de terrorisme et à aggraver les peines qui l'assortissent. Elle a également rejeté un amendement de M. Georges Fenech tendant à incriminer, au même titre que le fait d'organiser ou de diriger un groupement ou une entente terroriste, le fait de participer à la direction ou à l'organisation d'un tel groupement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant une circonstance aggravante de bande organisée en matière d'infraction au régime des jeux et portant les peines encourues à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende (amendement n° 72).

La Commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 2

(art. 322-6-1 [nouveau] du code pénal)


Diffusion de procédés de fabrication de bombes

La Commission a adopté un amendement du rapporteur insérant un nouvel article 322-6-1 dans le code pénal afin de punir d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la diffusion de procédés de fabrication de bombes en tout genre et portant la peine prévue à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende en cas de diffusion de tels procédés par Internet (amendement n° 73).


(article 421-2 du code pénal)


Acte de terrorisme consistant à introduire une substance toxique dans les aliments ou la chaîne alimentaire

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de compléter la définition de l'acte terroriste par la mention d'un acte consistant à introduire une substance toxique dans les aliments ou la chaîne alimentaire (amendement n° 74).

Article 3

(section III du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal,
art. 132-78, 221-5-3, 222-6-2, 222-43-1, 224-5-1, 224-8-1, 225-4-9, 225-1-1,
311-9-1 et 312-6-1 [nouveaux] du code pénal, art. 3-1 [nouveau] de la loi du 19 juin 1871, art. 35-1 [nouveau] du décret du 18 avril 1939, art. 6-1 [nouveau] de la loi du 3 juillet 1970
et art. 4-1 de la loi du 9 juin 1972


Dispositions relatives au repenti

Menaces, exécutions sommaires, règlements de comptes, représailles, cette liste qui n'est pas exhaustive, démontre que la violence est constitutive de la criminalité organisée et que celle-ci n'hésite pas à faire de la peur l'auxiliaire silencieux de ses méfaits.

Confrontés à de telles pratiques, les enquêteurs se heurtent à de réelles difficultés pour obtenir des éléments de preuve de la commission des infractions. Aussi, notre droit a-t-il progressivement pris en considération ces obstacles en introduisant, par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, les articles 706-57 à 706-63 relatifs au témoin protégé, dont l'identité peut être occultée mais dont les déclarations ne peuvent fonder, à elles seules, une condamnation. Toutefois, ces évolutions sont incomplètes car elles ne s'adressent pas aux auteurs des infractions. Or, il apparaît de plus en plus clairement que l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée dépend de la qualité des informations dont bénéficient les enquêteurs et que les auteurs des infractions sont ceux qui disposent des meilleures informations.

Dès lors, les nécessités de la préservation de l'ordre public et de l'intérêt général commandent d'introduire, aux côtés des procédures d'infiltration, des mécanismes juridiques qui favorisent la révélation d'informations en incitant les auteurs d'infractions à communiquer celles qui sont en leur possession. Ce faisant, il s'agit d'éviter la commission de nouveaux crimes ou, si la communication d'informations a lieu au stade de la tentative, de prévenir la commission de l'infraction initiale. Tel est l'objet du présent article qui introduit des procédures d'exemption ou d'atténuation des peines pour les personnes qui ont commis ou tenté de commettre certains crimes ou délits et qui fournissent des informations aux autorités.

Section III

De la définition de certaines circonstances entraînant l'aggravation,
la diminution ou l'exemption des peines

Article 132-78 [nouveau] du code pénal

Le paragraphe I de l'article 3 du projet modifie l'intitulé de la section III du chapitre II du titre III du livre 1er du code pénal qui, aujourd'hui, est relative à la définition de certaines circonstances entraînant « l'aggravation de peines » et que le projet propose d'intituler « de la définition de certaines circonstances entraînant l'aggravation, la diminution ou l'exemption des peines ». Le paragraphe II complète à cette fin le dispositif de cette section par un article 132-78 nouveau.

1. Au regard des expériences étrangères en matière de repenti, le droit en vigueur en France demeure partiel et incomplet

Les pays qui ont été les premiers et les plus sévèrement confrontés à la criminalité organisée sont ceux qui ont adopté le plus rapidement des dispositions tendant à atténuer ou à exempter de peines l'auteur qui dénonce les faits aux autorités et à garantir sa sécurité. C'est pourquoi l'étude du régime en vigueur en Italie est fort instructive.

a) L'exemple italien

L'institution des « collaborateurs de justice » remonte au décret-loi du 15 janvier 1991, ratifié comme loi par le Parlement le 15 mars 1991. Cependant, son application a soulevé des interrogations dans l'opinion publique, notamment au sein des familles de victimes, puisque nombre de criminels de sang ont été libérés après avoir purgé seulement quelques années de prison. En outre, il est apparu que les informations obtenues par leur intermédiaire n'étaient pas toujours fiables. Aussi, le texte de 1991 fut-il modifié par la loi du 13 février 2001 dans un sens plus favorable à l'action publique. Désormais, la loi italienne fait une distinction claire entre les témoins ordinaires et les complices des organisations criminelles qui acceptent de collaborer avec la justice (21).

· La distinction entre collaborateur et témoin

Pour obtenir le statut de « collaborateur de justice », les informations apportés doivent remplir trois conditions : il faut qu'elles présentent un caractère de « fiabilité intrinsèque »; qu'elles apportent des éléments nouveaux et qu'elles soient d'une importance notable. Les déclarations sont consignées dans un procès-verbal. La personne concernée a cent quatre-vingts jours pour livrer ses informations à compter du moment où elle déclare vouloir bénéficier du statut protégé. Cette disposition se justifie par la volonté de lutter contre certaines pratiques de la décennie passée, pendant laquelle des collaborateurs n'ont cessé d'arguer d'opportuns retours de mémoire pour rester en tractation permanente avec l'autorité judiciaire, dans le dessein d'obtenir un sort toujours plus favorable.

En contrepartie des informations fournies, les collaborateurs bénéficient de réductions de peine qui sont strictement encadrées. Ils doivent purger au moins un quart de la peine qu'ils encourent. Les condamnés à perpétuité soumis à ce régime doivent demeurer incarcérés au moins dix ans.

Pour leur part, les « témoins protégés », qui n'ont pas commis d'infraction et n'appartiennent pas à une organisation mafieuse, ont dénoncé des faits criminels auxquels ils ont assisté. Pour bénéficier de ce statut, la personne concernée doit faire des déclarations « fiables » mais non « intrinsèquement fiables » à la différences des collaborateurs. En outre, la Cour de cassation a précisé que les déclarations des témoins ne devaient pas nécessairement être consignées dans un procès-verbal identique à celui que doivent signer les collaborateurs (22).

Cette distinction, claire en théorie, se révèle néanmoins complexe à l'usage. Le cas, fréquent, des parents de malfaiteurs qui, bien que n'étant ni inculpés, ni suspectés, révèlent des informations en possession desquelles ils se trouvent du fait de leur grande proximité avec les milieux de la criminalité organisée en est un exemple. En outre, il peut arriver qu'un programme de protection soit proposé à des individus en raison de leurs déclarations relatives à différents faits, dont ils ont été autant partie prenante que témoins. Cette summa divisio est pourtant lourde de conséquence puisque l'admission aux programmes de protection et aux mesures d'assistance en dépend.

· Les différentes mesures de protection prévues

La nature des mesures de protection varie en fonction du statut de la personne, de la gravité de l'affaire et des risques qu'elle encourt. Deux grandes catégories peuvent être distinguées : la première regroupe les mesures ayant vocation à s'appliquer pendant une durée relativement brève, la seconde comprend le programme spécial de protection au dispositif plus ambitieux, car plus durable.

1) Les mesures de protection à durée limitée.

Il s'agit, en premier lieu, des « mesures d'urgence exceptionnelle » qui sont prises par l'autorité régionale de sécurité publique, dans des situations particulièrement graves qui ne permettent pas d'attendre la décision de la Commission centrale chargée de définir et d'appliquer les mesures spéciales de protection.

Dans cette hypothèse, le Chef de la police, Directeur général de la Sécurité publique, peut autoriser l'autorité régionale à recourir aux fonds prévus pour le financement de la protection spéciale. Ces mesures n'ont qu'une durée extrêmement limitée - quelques jours - car la loi impose à la Commission de se prononcer sur les propositions de plan provisoire de protection dès la première réunion qui suit le moment où une demande a été formulée. Matériellement, il s'agit de mettre à disposition de l'autorité régionale de sécurité publique les moyens financiers nécessaires afin d'assurer la subsistance des intéressés dans l'attente de l'adoption d'un plan provisoire.

En outre, dans les situations de particulière gravité, sur demande expresse de l'autorité requérante -  le procureur de la République territorialement compétent ou le chef de la police - la Commission centrale peut adopter un « plan provisoire de protection » qui est mis en œuvre par le Service central de protection pour une durée de cent quatre-vingts jours. Ce plan est éventuellement prorogeable pour le temps strictement nécessaire à l'examen de la proposition de mesures spéciales de protection. Modulé selon les situations individuelles, il autorise la mise en œuvre de mesures de protection et la surveillance sur place ou le transfert dans un lieu protégé et prévoit les moyens financiers permettant de couvrir les dépenses de logement et de subsistance des intéressés. S'agissant des détenus, il organise leur garde dans des structures carcérales spécifiques et isolées.

Par ailleurs, les « mesures spéciales de protection » sont adoptées par la Commission centrale et déterminées par le préfet du lieu où réside le destinataire des propositions. Introduites par la loi du 13 février 2001 qui en précise le contenu, ces mesures tendent à la mise en œuvre d'équipements techniques de sécurité, y compris en milieu carcéral, au transfert du repenti dans des communes différentes de la commune de résidence habituelle ou à sa réinsertion sociale. Il incombe à la Commission de décider quelles interventions doivent être adoptées à chaque cas particulier mais ces dernières ont vocation à s'appliquer principalement sur le lieu d'origine de la personne protégée et sans qu'il soit recouru à la dissimulation d'identité.

2) Le programme spécial de protection

Ce programme comprend trois volets relatifs à la sécurité des personnes, à l'assistance économique apportée aux collaborateurs de justice et aux mesures de réinsertion sociale.

La loi de 2001 précitée limite, en principe, la protection accordée en vertu du programme aux proches qui cohabitent de manière stable avec le témoin protégé ou le collaborateur de justice. Le lien de parenté ne détermine donc pas à lui seul l'admissibilité au régime de protection ce qui peut avoir pour conséquence d'exclure de son champ d'application certains membres de la famille.

En outre, les collaborateurs de justice bénéficient d'une allocation dont le montant est fixé dans le programme individuel de protection mais qui ne peut excéder cinq fois les minima sociaux, soit mille cinq cents euros par mois. De surcroît, leur déménagement est payé par l'État et une assistance légale leur est fournie.

S'agissant des témoins protégés, qui n'ont commis aucune infraction, la loi dispose que les mesures d'assistance doivent leur garantir le même niveau de vie qu'antérieurement. Ainsi, les agents publics sont mis en congé en conservant leur rémunération, tandis que ceux qui exercent une activité libérale sont indemnisés à hauteur du manque à gagner que représente la cessation de leur activité et, le cas échéant, celle de leurs proches. En cas de nécessité de fuite, le témoin protégé peut vendre à l'État, au prix du marché, sa maison et éventuellement son fonds de commerce. Il peut également bénéficier de prêts bonifiés en vue de sa réinsertion.

L'exercice d'une activité salariée constitue l'instrument privilégié de la réinsertion sociale des collaborateurs de justice. Cet objectif se heurte néanmoins à de nombreux obstacles compte tenu des caractéristiques de la population concernée, qui possède peu de qualifications professionnelles et n'a souvent guère d'expérience du marché du travail. Ainsi, sur un effectif total supérieur à un millier, cinquante-deux collaborateurs de justice avaient trouvé un travail durant le second semestre 2001, tandis que cinquante-deux autres s'étaient inscrits à des cours de formation professionnelle et que quinze avaient ouvert une activité indépendante.

· La dissimulation de l'identité

Le Service central de protection aide les témoins et les collaborateurs de justice à dissimuler leur identité, soit en leur offrant une identité de couverture, soit en leur proposant un changement d'état civil.

Le travestissement de l'identité consiste à établir et délivrer des justificatifs d'identité factices, qui contribuent à améliorer l'insertion de la personne à risque dans la localité où elle a été transférée. Ainsi, entre juin et décembre 2001, le service précité a délivré 928 documents : 632 cartes de sécurité sociale ; 231 cartes d'identité et 65 permis de conduire. Les bénéficiaires conservent les documents de couverture jusqu'à la fin du programme et ils ne peuvent les utiliser qu'afin d'éviter que leur véritable identité soit révélée. C'est pourquoi, ils ne sont pas autorisés à les utiliser pour conclure des actes juridiques.

Par ailleurs, le Service central transfère la gestion de l'état civil de la commune qui en était chargée à une autre localité, qui n'est, bien évidemment, pas celle de la nouvelle résidence effective de l'intéressé. Durant le second semestre 2001, 449 transferts de cette nature ont eu lieu.

Le changement d'état civil est une mesure exceptionnelle, consentie sur autorisation de la Commission centrale après une instruction longue et complexe diligentée à la requête de l'intéressé. En bénéficient ceux qui, au regard de l'importance de leur témoignage et du danger encouru, ne pourront pas reprendre leur identité à la sortie du programme de protection. Aussi leur état civil est-il détruit, ainsi que tous les liens et obligations juridiques qui s'y attachent. Une nouvelle identité est établie. Au cours du premier semestre 2001, la Commission a autorisé l'ouverture de telles procédures pour dix-huit personnes tandis que trente-trois se voyaient remettre des documents établissant leur nouvelle identité.

· Un dispositif de grande ampleur et coûteux

Au 31 décembre 2001, 1 104 collaborateurs de justice et seulement 74 témoins étaient recensés. Cet écart s'explique par le fait que les dispositions instituant le statut de témoin protégé ne sont entrées en vigueur que le 25 mars 2001, alors qu'à la même date, le système prenait déjà en charge 3 748 « repentis» et 198 « témoins », soit un total de 3 946 individus. Si l'on procède à la somme de ces données, il apparaît que le total des personnes sous protection de l'Etat à la fin de 2001 s'élevait à 5 124.

Ces mesures représentent un coût financier élevé. Ainsi, au cours du premier semestre 2001, les dépenses engagées ont atteint 33,5 millions d'euros, soit une baisse de 32 % par rapport au semestre précédent. Leur répartition est présentée par le graphique suivant.

graphique

Source : rapport 2002 au Parlement sur les mesures spéciales de protection.

Si l'on en croit l'expérience italienne, le mécanisme juridique de repenti constitue un instrument efficace au service de la lutte contre la criminalité organisée. Or, force est de constater que le droit en vigueur et les pratiques administratives de notre pays accusent un sérieux retard en cette matière.

b) Le droit en vigueur en France est partiel et incomplet

Le mécanisme de l'atténuation ou de l'exemption de peines pour l'auteur qui dénonce les faits aux autorités n'est pas ignoré par le droit français. En effet, plusieurs dispositions existent en ce sens, notamment en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

Ainsi, l'article 422-1 du code pénal exempte de peine l'auteur d'une tentative d'acte terroriste qui aura « permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables ». En outre, l'article 422-2 réduit la peine de moitié, ou ramène celle-ci à vingt ans de réclusion criminelle, si l'auteur ou le complice d'un acte de terrorisme, ayant informé les autorités, « a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables ». S'agissant du trafic de stupéfiants, l'article 222-43 réduit la peine de moitié si les informations fournies par l'auteur ou le complice de ces infractions ont « permis de faire cesser les agissements incriminés et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables ». Par ailleurs, l'article 450-2 dispose que toute personne ayant participé à une association de malfaiteurs est exempte de peine si elle a « avant toute poursuite, révélé le groupement ou l'entente aux autorité compétentes et permis l'identification des autres participants ». D'autres dispositions portant exemption de peines existent en matière d'évasion (article 434-37) et de fausse monnaie (442-9).

Toutefois, ces dispositions ne concernent que quelques infractions, certes graves, mais limitées et qui ne concernent pas, à titre d'exemple, le proxénétisme, la traite des êtres humains, le trafic d'armes, le blanchiment ou le vol commis en bande organisée, qui sont pourtant des formes de la criminalité organisée qui se développent et contre lesquelles le mécanisme de repenti peut se révéler efficace.

De surcroît, aucune mesure particulière de protection n'est prévue en faveur des personnes qui fournissent des informations, ce qui n'est guère satisfaisant compte tenu des risques de représailles que leurs familles et elles-mêmes encourent. Notre droit semble donc trop restrictif dans le champ des dispositions relatives à l'atténuation ou à l'exemption de peine et lacunaire quant aux procédures de protection des repentis. Le présent article entend résoudre ces difficultés.

2. Le projet de loi élargit le champ des dispositions tendant à l'exemption ou à l'atténuation des peines tout en introduisant le principe d'une protection des repentis

En faisant le choix d'insérer au sein des « dispositions communes » du code pénal un article 132-78, cet article du projet de loi rompt avec le caractère partiel des dispositions en vigueur, sans pour autant les supprimer. Toutefois, il dispose que les cas pour lesquels la diminution ou l'exemption de peines sont applicables doivent être « prévus par loi ».

Ce faisant, et à l'instar de la circonstance aggravante qui constitue son pendant, le mécanisme du repenti ne s'appliquera que pour les infractions pour lesquelles le législateur l'aura expressément prévu. Tel est l'objet des paragraphes III à XVI du présent article qui énumèrent les infractions concernées.

a) Le régime des exemptions de peine s'adresse aux personnes qui ont tenté de commettre certains crimes ou délits

Le premier alinéa de l'article 132-78 nouveau dispose que la personne qui a « tenté » de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peines si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire « avant tout acte de poursuite », elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les autres coupables. On rappellera que la tentative est constituée, en application des dispositions de l'article 121-5 du code pénal, dès lors que « manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». Les conditions ainsi requises sont légitimement rigoureuses et il ne suffira donc pas que la personne ayant tenté de commettre un crime ou un délit en avertisse les autorités pour qu'elle soit exemptée de peine. Un certaine « qualité » de l'information est donc exigée, ce qui n'est pas sans évoquer les notions de « fiabilité intrinsèque et d'importance notable » utilisées en droit italien.

Les infractions pour lesquelles la personne qui a tenté de les commettre est exemptée de peine sont énumérées par les paragraphes III, IV et VI à XII du présent article. Il s'agit :

- de l'assassinat ou d'empoisonnement en application du premier alinéa de l'article 221-5-3 nouveau, inséré par le III du présent article ;

- des tortures et des actes de barbarie, en application du premier alinéa de l'article 222-6-1 nouveau (paragraphe IV) ;

- du trafic de stupéfiants comme le prévoit l'article 222-43-1 nouveau (paragraphe VI) ;

- de l'enlèvement et de la séquestration, en application du premier alinéa de l'article 224-5-1 nouveau (paragraphe VII) ;

- du détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport comme le prévoit le premier alinéa de l'article 224-8-1 nouveau (paragraphe VIII) ;

- de la traite des être humains, en application du premier alinéa de l'article 225-4-9 nouveau (paragraphe IX) ;

- du proxénétisme comme le prévoit le premier alinéa de l'article 225-11-1 nouveau inséré par le paragraphe X ;

- du vol et de l'extorsion en bande organisée en application des dispositions des premiers alinéa des articles 311-9-1 et 312-6-1 nouveau respectivement insérés par les paragraphe XI et XII.

b) Le régime des atténuations de peine concerne les personnes qui ont commis certains crimes ou délits

A la différence de l'exemption de peine, l'atténuation de peine concerne les auteurs de certains crimes ou délits. En effet, le deuxième alinéa de l'article 132-78 nouveau prévoit que, dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine encourue par une « personne ayant commis un crime ou un délit est réduite » si, ayant averti les autorités « avant tout acte de poursuite », elle a permis de faire « cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les coupables ».

Là encore, les conditions requises pour bénéficier de ces dispositions sont rigoureuses : l'auteur doit informer les autorités « avant le déclenchement des poursuites », ce qui signifie que, dans l'hypothèse où le procureur de la République ouvre une information judiciaire contre X, une personne coupable mais désireuse de communiquer des informations aux autorités ne pourra pas bénéficier de l'atténuation des peines, ce qui est peut être excessif. De surcroît, les informations communiquées aux autorités doivent être d'importance puisqu'elles entraînent l'interruption de l'infraction, l'identification des autres coupables ou permettent d'éviter un dommage dont la nature, matérielle ou morale, n'est pas précisée par le texte.

C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la disposition conditionnant l'application du statut de repenti à l'absence de poursuites (amendement n° 75).

Le troisième alinéa de cet article dispose que l'atténuation de peine est également applicable lorsque la personne a permis soit d'éviter la réalisation d'une infraction « connexe » de même nature que celle pour laquelle elle était poursuivie, soit de « faire cesser une telle infraction, d'éviter qu'elle ne produise un dommage ou d'en identifier les coupables ». Ces dispositions se justifient pleinement compte tenu de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de renforcer la lutte contre la criminalité organisée. En effet, cette forme de criminalité étant susceptible de commettre plusieurs infractions liées entre elles, parfois simultanément, il serait réducteur de limiter le champ d'application de l'atténuation de peine à la seule infraction principale, qui est peut être simplement la première dont ont eu connaissance les enquêteurs, et de ne pas l'étendre aux infractions connexes. Toutefois, la référence u terme de « coupable » est contestable puisqu'elle suppose qu'un jugement ait déjà eu lieu.

La Commission a adopté quatorze amendements de M. Georges Fenech précisant que l'exemption ou la réduction de peine bénéficiera aux personnes ayant permis l'identification des « auteurs ou complices » de l'infraction et non pas des « coupables », ce terme étant trop restrictif, puisqu'il suppose une condamnation définitive (amendements nos 76, 79 à 91). Elle a en revanche rejeté quatorze amendements de M. André Vallini tendant à supprimer les paragraphes de cet article, ainsi que douze amendements de M. Thierry Mariani tendant à préciser que le régime du repenti n'est pas applicable aux personnes ayant agi seules. Elle a également rejeté un amendement de M. Georges Fenech tendant à punir la révélation de l'identité d'emprunt d'un repenti de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, les peines étant portées à dix ans et 150 000 euros lorsque la révélation a causé la mort de cette personne.

Les infractions pour lesquelles l'auteur bénéficie de l'atténuation de peine sont énumérées aux paragraphes III à V et VII à XVI du présent article. Il s'agit :

de l'assassinat ou de l'empoisonnement. Dans cette hypothèse, la peine du complice ou de l'auteur de ces faits est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2e alinéa de l'article 221-5-3 nouveau inséré par le paragraphe III) contre trente ans si ces infractions ne sont pas commises avec l'emploi de circonstances aggravantes, auquel cas la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité ;

des tortures et actes de barbarie. La peine du « repenti », auteur ou complice, est réduite de moitié et, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2e alinéa de l'article 222-6-2 nouveau, paragraphe IV) ;

du trafic de stupéfiants. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les auteurs ou complices des infractions de trafic de stupéfiants bénéficient d'ores et déjà d'un mécanisme d'atténuation de peines prévu par l'article 222-43. Ce dernier, qui réduit de moitié les peines encourues, intègre cependant dans son champ d'application les personnes dirigeant ou organisant un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'importation, l'exportation, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de produits stupéfiants et qui encourent la réclusion criminelle à perpétuité (article 222-34). Or, chacun comprend aisément l'incohérence d'une disposition tendant à réduire de moitié la réclusion à « perpétuité ». Le paragraphe V du présent article corrige enfin cette imperfection en prévoyant que ces personnes « repenties » verront leur peine ramenée à vingt ans de réclusion criminelle ;

d'enlèvement et de séquestration. La peine de l'auteur et du complice est réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Là aussi, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de réclusion (2e alinéa de l'article 224-5-1 nouveau, paragraphe VII) ;

de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport. Là encore, la peine de l'auteur et du complice est réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. De même, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de réclusion (2e alinéa de l'article 224-8-1 nouveau, paragraphe VIII) ;

de traite des êtres humains et de proxénétisme. La peine de l'auteur et du complice est également réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est également ramenée à vingt ans de réclusion (respectivement 2e alinéa des articles 225-4-9 et 225-11-1 nouveaux, paragraphes IX et X) ;

du vol et de l'extorsion en bande organisée. L'auteur ou le complice de ces infractions verront leur peine réduite de moitié si, avant tout acte de poursuite, ils ont permis de faire cesser l'infraction en cours ou d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier les coupables. S'agissant de la seule extorsion que l'emploi de certaines circonstances aggravantes rend passible de la réclusion criminelle à perpétuité, par exemple lorsqu'elle a été commise avec usage ou menace d'une arme dont le port est prohibé (article 312-6), son auteur « repenti » verra sa peine ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2e alinéa des articles 311-9-1 et 312-6-1 nouveaux, paragraphes XI et XII) ;

de la fabrication ou de la détention illégales d'armes. Les paragraphes XIII à XVI prévoient de réduire « de moitié » la peine encoure par les auteurs ou les complices repentis en cette matière dont les déclarations auront permis de faire cesser les agissements incriminés et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Les infractions concernées sont : la fabrication ou la détention, sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement réprimées par l'article 3 de la loi du 18 juin 1871 (article 3-1 nouveau de cette loi, paragraphe XIII) ; la fabrication, le commerce, le stockage, l'importation ou la tentative d'importation, sans autorisation régulière, des matériels de guerre prohibés prévus par les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime du matériel de guerre, armes et munitions (article 35-1 nouveau de cette loi, inséré par le paragraphe XIV) ; la vente, la production, l'exportation ou l'importation de poudres ou substances explosives, dont la liste est prévue par décret, réprimées par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et des substances explosives (article 6-1 nouveau de la loi précitée, paragraphe XV) ; la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, la cession des agents microbiologiques et des toxines biologiques, en quantités non destinées à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques, réprimés par les dispositions de l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques (article 4-1 nouveau de cette même loi, paragraphe XVI).

La liste des infractions pour lesquelles la personne bénéficie d'une exemption ou d'une atténuation de peine est très proche de celle pour lesquelles est prévue une circonstance aggravante de bande organisée. Ce faisant, il s'agit de créer une « incitation » à la coopération de la part des délinquants qui, à défaut et s'ils appartiennent à une bande organisée, encourront une condamnation plus sévère.

c) Vers une protection des repentis dont les modalités doivent être précisées

Comme le prévoit l'avant dernier alinéa de l'article 132-78 nouveau, les personnes ayant fait l'objet, ou susceptibles de faire l'objet d'une exemption ou d'une atténuation de peines peuvent « en tant que de besoin » bénéficier de la part « des autorités publiques d'une protection destinée à assurer leur sécurité ». Toutefois, l'autorité qui appréciera l'existence de ce « besoin » n'est pas précisée, ce que l'on peut regretter. En outre, et l'on ne peut que s'en féliciter, les membres de la famille de ces personnes et leurs proches pourront également bénéficier de cette protection.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant qu'il appartiendra au procureur de la République d'apprécier si les repentis et leur famille doivent bénéficier de mesures de protection (amendement n° 77). En réponse à M. François d'Aubert, qui souhaitait savoir comment cette protection serait organisée, et à M. André Vallini, estimant que le système des repentis serait extrêmement coûteux pour les finances publiques et vraisemblablement désapprouvé par l'opinion publique, comme en Italie, le rapporteur a souligné que le système des repentis, justifié par la nécessité de mieux lutter contre la criminalité organisé, serait moins utilisé en France qu'en Italie. Il a précisé que le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur seraient tous les deux impliqués dans la protection des repentis, le premier devant assurer leur protection pendant leur séjour en prison, le second, à leur sortie, en leur garantissant leur sécurité. M. Robert Pandraud, craignant que les procureurs de la République n'accordent trop facilement des mesures de protection aux repentis, a fait observer qu'il aurait été plus judicieux de confier aux services de la police le soin de définir les mesures appropriées puisqu'il leur appartiendra de les mettre en œuvre.

La Commission a ensuite adopté un autre amendement du rapporteur (amendement n° 78) prévoyant que les repentis pourraient faire usage d'une identité d'emprunt par ordonnance motivée rendue en chambre du conseil et non par le seul président du tribunal de grande instance, malgré les observations de Mme Brigitte Bareges sur l'alourdissement de la procédure résultant de cette formalité.

En cas de nécessité, ces personnes peuvent être autorisées, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal de grande instance, à faire usage, « après leur condamnation, d'une identité d'emprunt, en utilisant à cette fin les moyens qui seront mis à leur disposition par les autorités publiques ». Ainsi, il ne s'agit pas, à la différence des procédures en vigueur en Italie, d'organiser le changement complet d'état civil des repentis et de leur famille. Pour autant, de telles possibilités ne doivent pas être écartées si la nécessité s'en fait sentir.

En tout état de cause, les modalités de mise en oeuvre de la protection et de l'identité d'emprunt des personnes concernées va exiger la mobilisation de moyens juridiques importants, notamment réglementaires, mais également matériels et financiers. En effet, assurer la protection de plusieurs personnes, vraisemblablement recherchées par les autres membres du réseau criminel, pendant de nombreuses années, représente une charge financière importante, comme l'a démontré l'expérience italienne. En outre, l'objectif d'insertion professionnelle des repentis n'apparaît pas, ce qui est regrettable. Votre rapporteur ne peut donc que déplorer que l'étude d'impact jointe au projet de loi soit silencieuse sur ces points.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 132-78 nouveau dispose, comme en matière de témoignage anonyme et d'infiltration, qu' « aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations » de repentis au sens du présent article.

La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

(art. 434-7-2 [nouveau] du code pénal)


Entrave au fonctionnement de la justice - divulgation d'informations

Cet article a pour objet de compléter les dispositions de la section deuxième, relative aux entraves à l'exercice de la justice, du chapitre IV du titre III du livre quatrième du code pénal, par un article 434-7-2 nouveau. Ce dernier tend à sanctionner le fait de révéler, « directement ou indirectement », des informations issues d'une enquête ou d'un instruction à des personnes susceptibles d'être impliquées, comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission des ces infractions « lorsque cette révélation est de nature à entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité ».

Toutefois, pour être pénalement sanctionnée, la personne ayant révélé ces informations doit en avoir connaissance « du fait de ses fonctions » et « en application du code de procédure pénale ». Il ne s'agit donc nullement de réprimer des personnes étrangères à la procédure pénale et qui auraient eu connaissance d'informations dont la révélation serait susceptible d'entraver la manifestation de la vérité, les journalistes par exemple. En revanche, et comme l'indique à juste titre l'étude d'impact jointe au projet de loi, ce dispositif a plutôt pour objet de réprimer le fait pour un tiers participant à la procédure, un expert, un juge, un avocat ou un policier par exemple, de « prévenir un complice qu'il est recherché par la police, ce qui lui permettra de pendre la fuite ou de faire disparaître des preuves ».

De tels agissements ne sont qu'indirectement et insuffisamment sanctionnés par le droit en vigueur, principalement au titre de la violation du secret professionnel, qui n'est passible que d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. C'est pourquoi le quantum de la peine prévu par l'article 434-7-2 nouveau est de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, ce qui semble mieux proportionné à la gravité des conséquences attachées à la divulgation de telles informations.

La Commission a rejeté deux amendements présentés par M. André Vallini tendant respectivement à préciser que l'incrimination réprimant la divulgation d'informations de nature à entraver le fonctionnement de la justice ne s'appliquerait pas aux personnes concourant aux droits de la défense et à limiter la sanction à la révélation directe, et non indirecte, d'informations.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Section 3

Dispositions de coordination

Article 5

(art. 63-4, 85, 393, 397-1, 706-2, 706-26, 706-30
et 706-32 du code de procédure pénale)


Coordination en matière de garde à vue, saisine des juridictions spécialisées, saisies conservatoires et infiltrations

L'adoption d'un régime procédural spécifique en matière de criminalité organisée impose diverses mesures de coordination au sein du code de procédure pénale. Tel est l'objet du présent article.

Ainsi, le paragraphe I modifie le dernier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale qui prévoit l'intervention de l'avocat à la 72e heure « lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières ». Or, comme il a été dit à l'article premier, un régime spécifique de la garde à vue est pourtant prévu en matière de criminalité organisée (article 706-88) dans le cadre duquel l'avocat intervient cependant à la première heure. Dès lors, il est nécessaire de préciser les infractions (articles 706-16 et 706-26) pour lesquelles l'avocat intervient à la 72e heure et ce paragraphe s'y emploie.

Pour sa part, le paragraphe II modifie l'article 85 du même code afin, comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi, « d'éviter que les juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée soient directement saisies par la victime sur plainte avec constitution de partie civile. »

Le paragraphe III étend le champ d'application de la procédure spécifique concernant la commission des infractions de trafic de stupéfiants prévue par les articles 706-26 à 706-33 du code de procédure pénale à la tentative de ses infractions (article 222-40) qui en est aujourd'hui exclue. A cette fin, il insère la référence précitée du code pénal dans la liste figurant à l'article 706-26 du code de procédure pénale.

La création d'un dispositif complet et cohérent en matière de confiscation des biens des auteurs des infractions relevant de la criminalité organisée (article 706-98 nouveau du code de procédure pénale inséré par l'article premier du projet) conduit, assez logiquement, à la suppression des différents régimes actuellement en vigueur. Ainsi, le dernier paragraphe du présent article supprime les articles 706-24-2 et 706-30 du code de procédure pénale respectivement relatifs aux saisies conservatoires en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. A cet égard, l'on peut s'interroger sur l'opportunité de maintenir en vigueur l'article 706-36-1 du code de procédure pénale, pourtant inséré par l'article 40 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, mais qui prévoit un régime confiscatoire unifié aux infractions de traite des être humains et de proxénétisme qui n'a plus sa raison d'être.

Enfin, par coordination avec l'adoption d'un dispositif en matière d'infiltration pour les infractions relevant de la criminalité organisée, la disposition de cette nature existant en matière de trafic de stupéfiants (article 706-32 du code de procédure pénale) est supprimée.

La Commission a rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. André Vallini avant d'adopter un amendement de précision du rapporteur et cet article ainsi modifié (amendement n° 92).

Après l'article 5

La Commission a rejeté l'amendement n° 1 de M. Jean-Christophe Lagarde tendant exclure les personnes condamnées pour crime contre l'humanité et pour la complicité d'un tel crime du champ d'application de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale qui permet de suspendre la peine d'un condamné dont l'état de santé n'est pas compatible avec le maintien en détention. Elle a également rejeté un amendement de M. Georges Fenech tendant à créer un titre VI relatif à la participation à une organisation criminelle dans le livre quatrième du code pénal, afin de définir le concept d'organisation criminelle et d'incriminer toute participation ou aide apportée à une telle organisation.

Chapitre ii

Dispositions renforçant la lutte contre la délinquance
et la criminalité internationales

Article 6

(art. 694 à 694-9 [nouveaux], 695 à 695-10 [nouveaux],
706-71 du code de procédure pénale et art. 30 de la loi du 10 mars 1927 )


Entraide judiciaire internationale

Le titre X du livre quatrième du code de procédure pénale, créé par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 relative aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale et intitulé « De l'entraide judiciaire internationale », comporte actuellement cinq articles qui déterminent les modalités d'exécution des demandes d'entraide internationale.

L'article 6 remplace ces dispositions par trois chapitres : le premier, de portée générale, concerne l'entraide pénale avec tout État ; le deuxième, spécifique à l'entraide avec les États de l'Union européenne, transpose la convention du 29 mai 2000 sur l'entraide judiciaire en matière pénale et la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust ; le troisième prévoit la possibilité d'appliquer à d'autres États que ceux de l'Union européenne les dispositions du chapitre II.

Adoptée sur la base de l'article 34 du Traité sur l'Union européenne, la convention du 29 mai 2000 constitue une réforme en profondeur de l'entraide judicaire, jusqu'alors régie par la convention européenne du 20 avril 1959. Elle consacre notamment le principe de transmission directe des demandes d'entraide entre les autorités judiciaires de l'espace européen, autorise l'audition de témoins par vidéoconférence et prévoit la mise en place d'équipes communes d'enquête. Cette convention, qui n'a pas encore été ratifiée par la France, n'entrera en vigueur que lorsqu'elle sera approuvée par plus de la moitié des États membres de l'Union européenne.

Chapitre Ier

Dispositions générales

Le chapitre Ier du titre X est divisé en deux sections, la première, qui porte sur les modalités de transmission et d'exécution des demandes d'entraide, comportant les articles 694 à 694-4 et la seconde, relative aux dispositions applicables à certains types de demandes d'entraide, les articles 694-5 à 694-9.

Section 1

Transmission et exécution des demandes d'entraide

Article  694 du code de procédure pénale

Transmission des demandes d'entraide
émanant des autorités judiciaires étrangères

L'article 30 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers dispose que les commissions rogatoires émanant des autorités judiciaires étrangères sont reçues par voie diplomatique, avant d'être transmises à la Chancellerie ; en cas d'urgence, elles peuvent toutefois faire l'objet d'une communication directe entre les autorités judiciaires des deux États, à condition que cette transmission soit accompagnée d'un avis donné par voie diplomatique au ministère français des affaires étrangères par le gouvernement étranger intéressé.

Le nouvel article 694 reprend ces dispositions afin de les faire figurer dans le code de procédure pénale.

En l'absence de convention internationale prévoyant des dispositions spécifiques différentes, le principe d'une transmission indirecte des demandes d'entraide judiciaire est maintenu : les demandes émanant des autorités judiciaires françaises et destinées aux autorités judiciaires étrangères sont transmises par l'intermédiaire du ministère de la Justice (1°) ; lorsqu'il s'agit d'une demande d'entraide émanant d'autorités judiciaires étrangères et destinées aux autorités judiciaires françaises, la transmission se fait par voie diplomatique (2°). Le retour des pièces d'exécution doit se faire par la même voie.

On observera qu'à la différence de ce que prévoit l'article 30 de la loi du 10 mars 1927 pour les demandes émanant des autorités étrangères, les demandes émanant des autorités judiciaires françaises seront transmises directement au ministère de la Justice, sans passer par la voie diplomatique, afin d'accélérer et de simplifier la procédure d'entraide. Le recours à la voie diplomatique continuera en revanche à être utilisé pour les demandes émanant des autorités judiciaires étrangères.

Le dernier alinéa de l'article 694 reprend le principe d'une transmission directe en cas d'urgence. Il précise que, dans ce cas, les demandes d'entraide et les pièces d'exécution peuvent être transmises directement entre les autorités judiciaires territorialement compétentes. Lorsqu'il s'agit d'une demande émanant des autorités judiciaires étrangères, cette transmission doit s'accompagner d'un avis donné par la voie diplomatique par le gouvernement étranger intéressé, sauf si une convention internationale en dispose autrement.

Comme le rappelle la circulaire du 29 décembre 1999 relative à l'entraide judiciaire internationale, cette transmission directe à l'autorité judiciaire étrangère d'exécution n'est pas toujours la méthode la plus efficace pour obtenir l'exécution de la demande, cette autorité devant parfois obtenir une autorisation d'une autre autorité (ministère de la Justice, cour d'appel...) avant d'accéder à la demande.

Par coordination, le paragraphe III de l'article 6 abroge l'article 30 de la loi du 10 mars 1927.

Article  694-1 du code de procédure pénale

Modalités de transmission directe aux autorités judiciaires françaises
des demandes émanant des autorités judiciaires étrangères

L'article 694-1 précise les modalités pratiques de transmission directe, en cas d'urgence, des demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères.

Ces demandes seront transmises soit au procureur de la République, soit au doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance territorialement compétent, selon la nature de la demande (premier alinéa). Le nouvel article 694-2, tout en confiant la compétence de droit commun pour l'exécution des demandes d'entraide au procureur de la République, prévoit en effet que les demandes nécessitant des actes ne pouvant être ordonnés ou exécutés qu'au cours d'une instruction préparatoire doivent être exécutées par le juge d'instruction. Ces demandes pourront également être adressées à ces magistrats par l'intermédiaire du procureur général.

Le deuxième alinéa de l'article 694-1 précise que, si le procureur de la République reçoit directement une demande d'entraide relevant de la compétence du juge d'instruction, il la transmet à ce dernier, sauf si elle est de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation (article 694-4) ; dans ce cas, en effet, il doit transmettre la demande au procureur général qui saisit, s'il y a lieu, le ministre de la Justice.

Enfin, lorsque la demande est transmise au juge d'instruction, celui-ci doit la communiquer pour avis au procureur de la République (dernier alinéa). Cette transmission permet au parquet d'exercer sa fonction de contrôle sur les demandes susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, selon les modalités prévues par le nouvel article 694-4. Comme le souligne l'étude d'impact, elle « permet de concilier la volonté du Gouvernement de favoriser la transmission directe des demandes d'entraide et la nécessité d'assurer la sauvegarde des intérêts essentiels de la Nation et le respect de l'ordre public ».

Article 694-2 du code de procédure pénale

Compétences du procureur de la République et du juge d'instruction

Cet article précise les compétences respectives du procureur de la République et du juge d'instruction dans l'exécution des demandes d'entraide.

Il confère au procureur de la République une compétence générale pour exécuter les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères. Ce magistrat peut également, pour l'exécution de ces demandes, requérir des officiers ou des agents de police judiciaire.

Lorsque la demande d'entraide nécessite des actes qui ne peuvent être ordonnés ou exécutés qu'au cours d'une instruction préparatoire, elle est exécutée par le juge d'instruction ou par des officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire de ce magistrat.

Ces dispositions sont à rapprocher de l'actuel article 694, dont le deuxième alinéa précise que la demande d'entraide doit être exécutée dans les formes prévues pour l'instruction lorsqu'elle nécessite certains actes de procédure qui ne peuvent être ordonnés ou exécutés que par un juge d'instruction.

On observera cependant que l'article 694 donne également compétence au tribunal correctionnel statuant à juge unique ou au tribunal de police pour exécuter les demandes d'entraide qui doivent être réalisées en audience publique et contradictoire. Cette précision n'a pas été reprise par le nouvel article 694-2, les auteurs du projet de loi jugeant la saisine d'une juridiction de jugement très contraignante et considérant que de telles demandes pouvaient tout aussi bien être exécutées par des juges d'instruction.

Article 694-3 du code de procédure pénale

Modalités d'exécution des demandes d'entraide
émanant des autorités judiciaires étrangères

Le premier alinéa de l'article 694-3 reprend le principe figurant dans le premier alinéa de l'actuel article 694, selon lequel les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères sont exécutées dans les formes prévues par le code de procédure pénale.

Le deuxième alinéa apporte une dérogation à ce principe : si l'autorité étrangère le requiert, la demande est exécutée selon les règles de procédure qu'elle indique, à la condition toutefois que ces règles ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévues par le présent code. Cette protection des droits des parties est imposée à peine de nullité.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani supprimant la référence à la nullité.

Cet alinéa constitue une transposition en droit interne de l'article 4 de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, qui dispose que « l'État membre requis respecte les formalités et les procédures expressément indiquées par l'État membre requérant, sauf disposition contraire de la présente convention et pour autant que ces formalités et procédures ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de l'État membre requis ». Il permet, tout en assurant le respect des garanties fondamentales de notre droit interne, de faire en sorte que les pièces d'exécution de la demande d'entraide soient utilisables devant les autorités judiciaires de l'État requérant, ce qui est loin aujourd'hui d'être toujours le cas.

On observera que les auteurs du projet de loi ont choisi d'étendre ce principe, limité par la convention du 29 mai 2000 aux demandes émanant des pays de l'Union européenne, à l'ensemble des demandes d'entraide judiciaire, quel que soit l'État à l'origine de la demande.

Le dernier alinéa de l'article 694-3 consacre une jurisprudence récente de la Cour de cassation, en précisant que l'irrégularité des modalités de transmission de la demande d'entraide ne saurait constituer une cause de nullité des actes accomplis en exécution de cette demande.

Dans une décision du 4 novembre 1997, la chambre criminelle a en effet jugé, à propos d'une commission rogatoire délivrée par les autorités judiciaires italiennes et dont la nullité était demandée, qu'une juridiction française « ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, porter une appréciation sur les modalités de délivrance et de transmission » de cette commission rogatoire.

Article 694-4 du code de procédure pénale

Clause de sauvegarde

L'actuel article 696-2 du code de procédure pénale dispose que lorsque les autorités judiciaires estiment que la mise à exécution d'une demande d'entraide pourrait être de nature à porter atteinte à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la Nation, elles prennent « les dispositions nécessaires pour permettre aux autorités compétentes d'apprécier la suite à lui réserver ».

Cet article reprend les dispositions de l'article 2 de la Convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959, au terme duquel l'entraide judiciaire peut être refusée lorsque la demande porte sur des infractions politiques ou fiscales ou qu'elle est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de l'État.

Commentant l'article 696-2, la circulaire du 29 décembre 1999 rappelle que cet article impose au juge d'instruction de saisir la Chancellerie par le canal du ministère public s'il est saisi d'une demande d'entraide judiciaire de ce type. Tout en soulignant que ces dispositions seront rarement appliquées, l'action judiciaire n'étant pas en soi de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays, la circulaire précise qu'elles peuvent concerner des demandes « mettant en jeu des secrets dont la divulgation porterait atteinte aux intérêts essentiels du pays - notion qui concerne non seulement le domaine militaire, mais aussi notamment les domaines économique, écologique ou social ».

Le nouvel article 694-4 reprend les dispositions de l'article 696-2, en les précisant et les complétant.

Lorsqu'une demande d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère sera de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, le procureur de la République, saisi directement de cette demande ou informé de celle-ci par le juge d'instruction en application de l'article 694-1, la transmettra au procureur général qui saisira, si besoin est, le ministre de la Justice et informera, le cas échéant, le juge d'instruction de cette saisine.

S'il estime que la demande est effectivement de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, le ministre de la Justice informera alors l'autorité étrangère requérante de l'impossibilité de donner suite à sa demande et notifiera cette information, qui fait obstacle à l'exécution de la demande d'entraide ou au retour des pièces d'exécution, à l'autorité judiciaire concernée. Le refus de la Chancellerie pourra porter sur la totalité de la demande, ou seulement sur une partie de celle-ci. On observera qu'à la différence de ce que prévoit la circulaire du 29 décembre 1999, l'article 694-4, dans un souci d'efficacité et de rapidité, organise l'information de l'autorité étrangère à l'origine de la demande par l'intermédiaire du ministre de la Justice, et non par celui du magistrat à qui la demande a été transmise.

Section 2

Dispositions applicables à certains types de demande d'entraide

Article 694-5 du code de procédure pénale

Audition à distance des témoins

L'article 10 de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale autorise l'audition par vidéoconférence d'un témoin ou d'un expert se trouvant dans un autre État membre.

La demande d'audition par vidéoconférence doit notamment comporter la raison pour laquelle il n'est pas souhaitable ou pas possible que le témoin ou l'expert soit présent en personne à l'audition et le nom de l'autorité judiciaire et des personnes qui procéderont à l'audition (alinéa 3). L'audition doit avoir lieu en présence d'une autorité judiciaire de l'État membre requis, assistée au besoin d'un interprète (alinéa 5). A l'issue de l'audition, l'autorité judiciaire de l'État membre requis doit établir un procès-verbal indiquant la date et le lieu de l'audition, l'identité de la personne entendue, l'identité et les qualités de toutes les autres personnes ayant participé à l'audition et les conditions techniques dans lesquelles l'audition s'est déroulée (alinéa 6). Le coût de l'audition par vidéoconférence est remboursé par l'État membre requérant à l'État membre requis, à moins que ce dernier ne renonce au remboursement de tout ou partie de ces dépenses (alinéa 7). Chaque État membre doit prendre les mesures nécessaires pour que son droit national s'applique lorsque les témoins ou les experts refusent de témoigner ou font de fausses dépositions (alinéa 8).

L'article 10 précise enfin que ces dispositions peuvent également être appliquées aux personnes poursuivies pénalement, à condition toutefois qu'elles y consentent (alinéa 10).

L'article 11 comporte des dispositions similaires pour l'audition de témoins ou d'experts par téléconférence. Cette audition ne peut toutefois avoir lieu que si le témoin ou l'expert accepte que l'audition se fasse par ce moyen.

Le nouvel article 694-5 transpose en droit interne les articles 10 et 11 de la convention du 29 mai 2000. Comme le fait l'article 694-3, il étend ces dispositions à l'ensemble des demandes d'entraide étrangères, et non pas uniquement à celles émanant des pays membres de l'Union européenne.

Le premier alinéa prévoit que les dispositions de l'article 706-71 sont applicables pour l'exécution simultanée, sur le territoire de la République et à l'étranger, des demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires françaises ou étrangères.

Rappelons que cet article, introduit dans le code de procédure pénale à titre provisoire et que la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a rendu pérenne, autorise l'audition, l'interrogatoire ou la confrontation de plusieurs personnes au moyen de télécommunications garantissant la confidentialité de la transmission.

Ce premier alinéa constitue en fait une reprise de l'avant-dernier alinéa de l'article 706-71 qui précise, dans des termes quasiment similaires, que les dispositions de l'article sont applicables pour l'exécution simultanée, sur un point du territoire de la République et sur un point situé à l'extérieur, des demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères ou des actes réalisés à l'étranger sur demande des autorités judiciaires françaises. Par coordination, le paragraphe II de l'article 6 supprime donc l'avant-dernier alinéa de l'article 706-71.

Lorsqu'il s'agit d'un interrogatoire, d'une audition ou d'une confrontation réalisée à l'étranger sur demande des autorités judiciaires françaises, cet acte est réalisé selon les règles du code de procédure pénale, sauf si la convention internationale qui lie les deux pays y fait obstacle (deuxième alinéa). On observera que, dans le cadre de l'Union européenne, l'application de cette disposition sera systématique (article 4 de la convention du 29 mai 2000).

Conformément à l'alinéa 9 de l'article 10 de la convention du 29 mai 2000, lorsque la procédure concerne une personne poursuivie, l'audition par vidéoconférence ou téléconférence ne peut avoir lieu qu'avec l'accord de celle-ci (troisième alinéa).

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 93).

Enfin, le dernier alinéa transpose l'alinéa 8 de l'article 10 de la convention, en précisant que les dispositions des articles 434-13 et 434-15-1 du code pénal sont applicables aux témoins entendus sur le territoire de la République à la demande d'une juridiction étrangère dans le cadre de cette procédure. Rappelons que l'article 434-13 punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le témoignage mensonger ; quant à l'article 434-15-1, il sanctionne le refus de comparaître ou de déposer devant le juge d'instruction sans excuse ni justification de 3 750 € d'amende.

Article  694-6 du code de procédure pénale

Extension de compétence territoriale de la police judiciaire française
pour les opérations de surveillance faites à l'étranger

L'article 706-80 du code de procédure pénale, créé par l'article premier du projet de loi, donne compétence aux officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, aux agents de police judiciaire, après en avoir informé par tout moyen le procureur de la République du lieu du commencement des opérations ou de celui du parquet spécialisé, pour procéder, sur l'ensemble du territoire, à la surveillance des personnes soupçonnées d'avoir commis un crime ou un délit entrant dans le champ de compétence du nouvel article 706-73 (meurtre, tortures et actes de barbarie , trafic de stupéfiants, enlèvement, séquestration, proxénétisme, traite des êtres humains, vol, extorsion et infraction à la législation sur les armes commis en bande organisée, association de malfaiteurs préparant ces infractions).

Le nouvel article 694-6 autorise la poursuite de ces opérations de surveillance dans un État étranger, à condition toutefois qu'elle soit autorisée, dans les conditions prévues par les conventions internationales, par le procureur de la République chargé de l'enquête. A la différence des opérations menées sur le territoire national, le parquet ne sera pas seulement informé, mais devra donner son accord à l'extension de la compétence de la police judiciaire française.

L'autorisation donnée par le procureur de la République, ainsi que, comme il est d'usage, les procès-verbaux d'exécution de l'observation et les rapports y afférents seront versés au dossier de la procédure.

La Commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle du rapporteur (amendement n° 94).

Articles 694-7 et 694-8 du code de procédure pénale

Possibilité pour les agents étrangers de poursuivre en France
une opération d'infiltration - Possibilité pour l'autorité judiciaire française
de recourir à des agents étrangers pour une opération d'infiltration

L'article 12 de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale prévoit que chaque État membre autorise, à la demande d'un autre État membre, des livraisons surveillées sur son territoire dans le cadre d'enquêtes pénales relatives à des infractions susceptibles de donner lieu à extradition. Les livraisons surveillées se déroulent sous le contrôle de l'État requis et conformément à ses procédures.

L'article 14 de cette même convention traite des enquêtes discrètes. Deux États membres peuvent décider de s'entraider pour la réalisation d'enquêtes pénales menées par des agents intervenant en secret ou sous une identité fictive. Ils conviennent de la durée de l'enquête discrète, de ses modalités et du statut juridique des agents concernés. Les enquêtes discrètes sont menées conformément aux procédures de l'État membre sur le territoire duquel elles se déroulent. Les États membres concernés coopèrent pour en assurer la préparation et la direction.

Les articles 694-7 et 694-8 transposent en droit interne ces articles en donnant la possibilité aux agents étrangers de poursuivre en France une opération d'infiltration pour une procédure uniquement étrangère et en autorisant les autorités judiciaires françaises à recourir à des agents étrangers pour une opération d'infiltration dans le cadre d'une procédure uniquement française.

Possibilité pour les agents étrangers de poursuivre en France une opération d'infiltration (article 694-7)

Le premier alinéa de l'article 694-7 dispose que les agents de police étrangers peuvent poursuivre sur le territoire de la République des opérations d'infiltration conformément aux dispositions des articles 706-81 à 706-87.

Ces articles, créés par l'article premier du projet de loi, définissent les modalités de cette technique d'enquête : autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction (article 706-81), irresponsabilité pénale des agents pour certains actes nécessaires à l'infiltration, notamment le transport de produits illicites (article 706-82), délai pour les opérations d'infiltration de quatre mois renouvelables (article 706-83), sanctions en cas de révélation de l'identité des agents infiltrés (article 706-84), poursuite des activités après la fin des opérations pour cesser la surveillance dans des conditions assurant la sécurité de l'agent infiltré (article 706-85), audition de l'agent infiltré au moyen de techniques d'interrogation à distance permettant de rendre non identifiable la voix du témoin (article 706-86), impossibilité de prononcer une condamnation sur le seul fondement des déclarations recueillies dans le cadre d'une opération d'infiltration (article 706-87).

L'infiltration par des agents étrangers nécessite tout d'abord l'accord du ministre de la Justice, saisi d'une demande d'entraide en ce sens ; cet accord pourra être assorti de conditions et devra être refusé lorsque les agents étrangers ne sont pas affectés dans leur pays dans un service spécialisé ou n'exercent pas des missions de police similaires à celles des officiers ou agents de police judiciaire nationaux spécialement habilités pour ce type d'opérations. Cette dernière disposition permet notamment d'écarter les agents d'entreprises privées de recherche.

L'opération d'infiltration devra également, conformément à l'article 706-81, être autorisée par un magistrat, en l'occurrence le procureur de la République ou le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris. Cette autorisation d'un magistrat français permettra aux agents étrangers de bénéficier de l'immunité pénale prévue par l'article 706-82.

Enfin, il est précisé que l'opération d'infiltration sera dirigée par des officiers de police français, conformément aux dispositions de l'article 12 de la convention du 29 mai 2000.

Possibilité pour l'autorité judiciaire française de recourir à des agents étrangers pour une opération d'infiltration (article 694-8)

L'article 694-8 donne la possibilité aux agents étrangers qualifiés pour réaliser des opérations d'infiltration (deuxième alinéa de l'article 694-7) de participer, sous la direction d'officiers de police judiciaire français, à des opérations d'infiltration sur le territoire de la République dans le cadre d'une procédure judiciaire nationale, dans les conditions visées aux articles 706-81 à 706-87.

Cette participation suppose au préalable l'accord des autorités judiciaires étrangères et l'autorisation du magistrat compétent, conformément aux dispositions de l'article 706-81. En revanche, à la différence des opérations d'infiltration réalisées dans le cadre de procédures étrangères (article 694-7), l'accord préalable du ministre de la Justice n'est pas requis.

Article 694-9 du code de procédure pénale

Communication aux autorités judiciaires étrangères
des informations issues d'une procédure pénale en cours

L'article 7 de la convention du 29 mai 2000, qui traite des échanges spontanés d'information, dispose que, dans la limite de leur droit national, les autorités compétentes des États membres peuvent, sans qu'une demande en ce sens n'ait été présentée, échanger des informations sur des faits pénalement punissables, l'autorité destinataire de l'information étant tenue de respecter les conditions d'utilisation posées par l'autorité à l'origine de celle-ci.

Par ailleurs, les paragraphes 9 et 10 de l'article 13 de la convention, relatifs aux équipes communes d'enquête, indiquent que les membres détachés, définis comme les membres de l'équipe commune d'enquête provenant d'États membres autres que celui sur le territoire duquel l'équipe intervient, peuvent fournir des éléments d'information disponibles dans leur État pour les enquêtes pénales menées par l'équipe. Ces informations, lorsqu'elles ne peuvent être obtenues d'une autre manière par les autorités compétentes de l'État membre concerné, ne peuvent être utilisées pour d'autres infractions pénales qu'avec l'accord préalable de l'État membre ayant fourni l'information.

Enfin, les articles 39 et 46 de la convention d'application de l'accord de Schengen prévoient également des échanges d'information aux fins d'assistance pour la répression ou la prévention d'infractions ou de menaces pour l'ordre et la sécurité publics.

Le nouvel article 694-9 transpose en droit interne ces différents articles en indiquant que, lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction communique à des autorités judiciaires étrangères des informations issues d'une procédure pénale en cours, conformément aux conventions internationales, ce magistrat peut soumettre l'utilisation de ces informations à des conditions qu'il détermine. Ces conditions pourront être, par exemple, de n'utiliser ces informations que dans un cadre bien précis.

On observera que ces dispositions constituent une dérogation apportée au caractère secret de l'enquête et de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale.

Chapitre II

Dispositions propres à l'entraide entre les États membres de l'Union européenne

Le chapitre II du nouveau titre X comporte quatre sections, consacrées respectivement à la transmission et l'exécution des demandes d'entraide entre les États membres de l'Union européenne, aux équipes communes d'enquête, à Eurojust et aux statut et pouvoirs du représentant national auprès d'Eurojust.

Article 695 du code de procédure pénale

Champ d'application du chapitre II

Le nouvel article 695, placé en tête du chapitre II, avant même la section 1, définit le champ d'application des dispositions du chapitre II.

Il précise que ces dispositions seront applicables aux demandes d'entraide entre la France et les autres États membres de l'Union européenne présentées en application de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale.

Signalons par ailleurs que le nouvel article 695-10 étend l'application des articles consacrés à la transmission des demandes d'entraide et aux équipes communes d'enquête (sections 1 et 2 du chapitre II) aux États liés à la France par une convention comportant des dispositions similaires à celles de la convention du 29 mai 2000.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 95) supprimant toute référence à la convention du 29 mai 2000, son auteur ayant fait valoir que seule la section 1 du chapitre II concerne les demandes présentées en application de cette convention.

Section 1

Transmission et exécution des demandes d'entraide

Article 695-1 du code de procédure pénale

Transmission directe des demandes d'entraide communautaires

L'article 6 de la convention du 29 mai 2000 pose le principe d'une transmission directe des demandes d'entraide entre les autorités judiciaires territorialement compétentes pour les présenter et les exécuter, les pièces d'exécution étant renvoyées par la même voie.

Rappelons que cette transmission directe des demandes d'entraide, depuis l'appel de Genève en octobre 1996, est réclamée par de nombreux magistrats européens, notamment ceux spécialisés en matière économique et financière.

L'article 695-1 reprend ce principe, en précisant que, dans tous les cas, les demandes d'entraide sont transmises et les pièces d'exécution sont retournées directement entre les autorités judiciaires territorialement compétentes pour les délivrer et les exécuter, sauf lorsque celles-ci seraient susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation (article 694-4).

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 96) supprimant l'expression « dans tous les cas », son auteur ayant souligné que la convention du 29 mai 2000 prévoit une transmission indirecte des demandes de transfèrement ou de transit des détenus.

Cette transmission et cette exécution devront être effectuées conformément aux dispositions des nouveaux articles 694-1 à 694-3 (compétence de droit commun du procureur de la République, avis au parquet lorsque la demande est adressée au juge d'instruction, exécution selon les règles de procédure indiquées dans la demande).

Ces dispositions constituent une dérogation aux principes posés par l'article 694, qui ne prévoit de transmission directe qu'en cas d'urgence.

Section 2

Des équipes communes d'enquête

Articles 695-2 et 695-3 du code de procédure pénale

Compétence des agents détachés dans les équipes communes d'enquête

L'article 13 de la convention du 29 mai 2000 permet aux autorités compétentes d'au moins deux États membres de créer une équipe commune d'enquête, avec un objectif précis et pour une durée limitée, afin d'effectuer des enquêtes pénales dans un ou plusieurs États membres.

La demande de création d'une équipe commune d'enquête peut émaner de tout État membre concerné, la composition de l'équipe étant arrêtée dans l'accord de création. Le responsable de l'équipe est un représentant de l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel l'équipe intervient, l'équipe devant mener l'enquête conformément au droit de cet État. Les membres de l'équipe commune d'enquête provenant d'États membres autres que celui sur le territoire duquel l'équipe intervient, appelés membres détachés, sont habilités à être présents lors des mesures d'enquête, sauf si le responsable de l'équipe en décide autrement, « pour des raisons particulières ». Les membres détachés peuvent se voir confier certaines mesures d'enquête, avec l'autorisation de l'État d'intervention et de l'État de détachement. Lorsque des actes d'enquête dans un des États membres à l'origine de l'équipe commune d'enquête sont nécessaires, les membres détachés peuvent demander aux autorités compétentes de prendre ces mesures, qui sont alors considérées comme si elles étaient demandées dans le cadre d'une enquête nationale. Enfin, avec l'accord des États, des personnes autres que les représentants des autorités compétentes peuvent prendre part aux activités de l'équipe, comme par exemple des représentants d'Europol ou de l'OLAF.

Sans attendre l'entrée en vigueur de la convention, le Conseil a adopté le 13 juin 2002 une décision-cadre relative aux équipes communes d'enquête reprenant, dans une large mesure, les dispositions mentionnées ci-dessus. La date limite pour l'adoption des mesures nécessaires à la mise en œuvre de la décision-cadre a été fixée au 1er janvier 2003.

Les articles 695-2 et 695-3 transposent ces instruments en droit interne en donnant aux agents détachés étrangers auprès d'une équipe commune d'enquête des pouvoirs de police judiciaire analogues à ceux des agents de police judiciaire français et en étendant la compétence territoriale des agents détachés français.

Compétence des agents détachés étrangers auprès d'une équipe commune d'enquête (article 695-2 du code de procédure pénale)

L'article 695-2 confère aux agents détachés auprès d'une équipe commune d'enquête au sens de la convention du 29 mai 2000, dans la limite des pouvoirs conférés par leur statut, mission pour :

· constater toute infraction et en dresser procès verbal ;

· recevoir par procès-verbal les déclarations susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause ;

Même si ces actes seront effectués en priorité selon les règles du code de procédure pénale français, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l'article 13 de la convention du 29 mai 2000, les agents détachés pourront également, pour des raisons de simplicité et d'efficacité, les réaliser dans les formes prévues le droit de leur État.

· seconder les officiers de police judiciaire français dans l'exercice de leurs fonctions ;

· procéder à des surveillances et, à condition d'être spécialement habilités pour cela, à des infiltrations, dans les conditions prévues par les articles 706-81 et suivants créés par l'article premier du projet de loi ; les dispositions des articles 694-7 et 694-8, qui exigent notamment l'accord du ministre de la Justice ou celui des autorités judiciaires étrangères, ne sont alors pas applicables.

Ces différentes compétences correspondent à celles énumérées à l'article 20 du code de procédure pénale pour les agents de police judiciaire, ainsi qu'à celles que les nouveaux articles 706-80 et 706-81 attribuent à ceux-ci.

Ces missions seront confiées aux agents détachés, dans les conditions fixées par l'article 13 de la convention du 29 mai 200, par l'autorité judiciaire française compétente pour composer et diriger l'équipe commune d'enquête, c'est-à-dire en pratique le procureur général.

Afin d'éviter toute ambiguïté, l'article 695-2 précise que ces agents ne pourront en aucun cas exercer par délégation les pouvoirs propres de l'officier de police judiciaire responsable de l'équipe commune d'enquête, leur rôle se limitant strictement aux opérations prescrites.

Cette précision, qui vise à exclure tout pouvoir de coercition, permet de répondre aux exigences du juge constitutionnel. Dans sa décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991, celui-ci a en effet considéré, à propos du droit de suite accordé aux agents étrangers dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen, que les dispositions proposées ne procédaient pas à un transfert de souveraineté dans la mesure où les agents poursuivant ne disposaient pas du droit d'interpellation et ne pouvaient pas entrer dans les domiciles et les lieux non accessibles au public.

Enfin, l'article 695-2 précise qu'un original des procès-verbaux établis doit être rédigé ou traduit en langue française et versé au dossier de la procédure française.

Compétence des agents détachés français auprès d'une équipe commune d'enquête (article 695-3)

L'article 695-3 procède à une transposition similaire pour les agents détachés français opérant dans des équipes communes d'enquête.

Ces agents, qui pourront être des officiers ou des agents de police judiciaire détachés dans les conditions prévues par la convention du 29 mai 2000, pourront procéder aux opérations prescrites par le responsable de l'équipe commune d'enquête sur toute l'étendue du territoire de l'État d'intervention, dans la limite des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale. Par dérogation aux articles 18 et 21-1 du code de procédure pénale, leur compétence s'exercera donc sur l'ensemble de l'État d'intervention.

Comme le prévoit l'article 695-2 pour les agents détachés étrangers, leurs missions seront définies par l'autorité judiciaire territorialement compétente pour composer et diriger l'équipe commune d'enquête.

Enfin, l'article 695-3 précise que les agents détachés français pourront recevoir les déclarations et constater les infractions selon les dispositions du code de procédure pénale, à condition toutefois qu'ils obtiennent au préalable l'accord de l'État d'intervention, comme le prévoit l'article 13 de la convention du 29 mai 2000.

Outre trois amendements d'ordre rédactionnel (amendements nos 98, 99 et 101), la Commission a adopté deux amendements du rapporteur (amendements n° 97 et 100) remplaçant la référence à la convention du 29 mai 2000, qui n'est pas encore applicable, par un renvoi à la décision cadre du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête qui est, elle, déjà applicable. Puis elle a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani autorisant les agents étrangers à recevoir les déclarations et constater les infractions selon les formes prévues par le droit de leur État, le rapporteur ayant souligné que cet amendement était satisfait par le texte proposé.

Section 3

De l'unité Eurojust

Instituée par la décision du 14 décembre 2000 avec pour objectif d'améliorer la coopération judiciaire entre les États membres, l'unité provisoire de coopération judiciaire (Pro-Eurojust) a fonctionné jusqu'en mars 2002.

Le Traité de Nice a consacré l'existence d'Eurojust à l'article 31 du Traité sur l'Union européenne. La décision du Conseil du 28 février 2002 a institué Eurojust en tant qu'organe de l'Union et l'a doté de la personnalité juridique « afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité ».

Eurojust est composé d'un membre national détaché par chaque État membre conformément à son système juridique : ce membre détaché doit avoir la qualité de procureur, de juge ou d'officier de police ayant des prérogatives équivalentes. Chaque membre national peut être assisté d'une personne ; en cas de nécessité, avec l'accord du collège d'Eurojust, plusieurs personnes peuvent assister le membre national (article 2 de la décision du 28 février 2002). Le statut, la durée du mandat et l'étendue des pouvoirs des membres nationaux sont déterminés par l'État membre d'origine. Il est toutefois précisé que le membre national doit avoir accès aux informations du casier judiciaire ou de tout autre registre dans les mêmes conditions qu'un procureur, un juge ou un officier de police national ayant des prérogatives équivalentes (article 9 de la décision).

Eurojust est compétent pour tous les types de criminalité pour lesquels Europol a compétence (terrorisme, trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, immigration clandestine, trafic de matières nucléaires, trafic de véhicules, faux monnayage, blanchiment d'argent), ainsi que pour la criminalité informatique, la fraude et la corruption, les infractions à l'environnement et la participation à une organisation criminelle (article 4 de la décision).

Eurojust peut intervenir soit par l'intermédiaire de l'un de ses membres nationaux, soit en tant que collège. En fonction du type de tâche à accomplir, Eurojust peut demander que les autorités compétentes d'un ou plusieurs États membres entreprennent une enquête ou des poursuites sur des faits précis et assurent l'information réciproque des autorités compétentes des autres États membres sur les enquêtes en cours, en liaison avec Europol (articles 6 et 7 de la décision). Le refus de donner suite à une demande émanant du collège d'Eurojust doit être motivé, sauf dans certains cas (article 8).

Chaque État membre peut désigner des correspondants nationaux, cette désignation étant « hautement prioritaire en matière de terrorisme » (article 12). Des dispositions sont également prévues concernant la conservation, la rectification et l'effacement de la protection des données à caractère personnel, dans un cadre général de protection des données.

Le 6 mars 2002, Eurojust a succédé à Pro-Eurojust. Installés à la Haye depuis le 1er décembre dernier, les quinze membres nationaux travaillent ensemble quatre jours par semaine. Les pays candidats ont également envoyés des représentants. Malgré la souplesse des textes, la majorité des membres désignés sont des magistrats du ministère public. La France a désigné pour sa part M. Olivier de Baynast, avocat général, qui est aidé dans sa mission par un vice-procureur de la République et une juriste spécialisée. Eurojust bénéficie d'un financement mixte des États membres et de la Communauté, les membres nationaux recevant leurs salaires de leur État respectif et les dépenses à caractère opérationnel relevant du budget de l'Union.

En 2002, Eurojust a traité 202 dossiers. Entre janvier et avril derniers, 126 affaires nouvelles lui ont été soumises, illustrant la montée en puissance progressive de ce nouvel organisme. Ces affaires, qui impliquent des pays de plus en plus nombreux, portent sur des trafics de drogue, des contrefaçons, des fraudes aux intérêts communautaires ou encore des trafics d'êtres humains, ces derniers dossiers constituant une priorité pour Eurojust.

La date limite de transposition de la décision du Conseil du 28 février 2002 a été fixée au 6 septembre 2003. D'après les informations fournies à votre rapporteur, la France serait le premier pays européen à effectuer cette transposition. Si certains États, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, vont modifier dans les mois à venir leur législation, d'autres pays, comme le Danemark ou les Pays-Bas, ne prévoient pas l'adoption de dispositions spécifiques et se contentent, dans le meilleur des cas, d'envisager la publication d'une circulaire.

Les articles 695-4 à 695-9 procèdent à cette transposition en rappelant dans le code de procédure pénale le rôle et les conditions d'intervention d'Eurojust (articles 695-4 à 695-7) et en précisant les modalités de désignation et les pouvoirs du représentant national auprès d'Eurojust (articles 695-8 et 695-9).

Article 695-4 du code de procédure pénale

Rôle d'Eurojust

Après avoir rappelé que l'unité Eurojust est un organe de l'Union européenne doté de la personnalité juridique, reprenant ainsi les termes mêmes de l'article premier de la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust, le nouvel article 695-4 précise qu'Eurojust, qui peut agir en tant que collège ou par l'intermédiaire d'un représentant national, a pour mission de promouvoir et d'améliorer la coordination et la coopération entre les autorités compétentes des États membres dans toutes les enquêtes et poursuites relevant de sa compétence. Cette définition du rôle d'Eurojust reprend, au mot près, celle figurant au paragraphe 1 de l'article 3 de la décision du 28 février 2002.

Ces dispositions, qui ne sont pas juridiquement indispensables puisque Eurojust a une existence propre, ont pour vocation principale de rappeler aux magistrats français l'utilité d'un tel organisme dans les affaires de criminalité transnationale.

Articles 695-5, 695-6 et 695-7 du code de procédure pénale

Pouvoirs d'Eurojust

Les articles 6 et 7 de la décision du Conseil du 28 février 2002 énumèrent les compétences d'Eurojust.

Cet organe de l'Union européenne peut, par l'intermédiaire d'un membre national ou en tant que collège, demander aux autorités compétentes d'entreprendre une enquête ou des poursuites sur des faits précis, d'accepter que l'une des ces autorités soit la mieux placée pour entreprendre ces enquêtes ou ces poursuites, de réaliser une coordination entre les États concernés, de mettre en place une équipe commune d'enquête ou de lui fournir les informations nécessaires à l'accomplissement de ses tâches ; Eurojust assure également l'information réciproque des autorités compétentes des États membres concernés, assiste ces dernières, à leur demande, coopère avec le réseau judiciaire européen et transmet les demandes d'entraide judiciaire.

L'article 8 oblige les autorités compétentes à motiver leur refus lorsque la demande émane du collège d'Eurojust, sauf lorsque celle-ci concerne l'ouverture d'une enquête et l'engagement de poursuites, la transmission de l'affaire à l'autorité compétente d'un autre État membre mieux placée ou la fourniture d'une information nécessaire à l'accomplissement de ses tâches et que la motivation serait de nature à porter atteinte à des intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou à compromettre le bon déroulement d'enquêtes en cours ou la sécurité d'une personne.

Les articles 695-5 à 695-7 rappellent ces dispositions dans le code de procédure pénale.

L'article 695-5 précise qu'Eurojust, agissant par l'intermédiaire de ses représentants nationaux ou en tant que collège, peut :

· Informer le procureur général des infractions dont elle a connaissance et lui demander d'ouvrir une enquête ou de faire engager des poursuites. Le procureur général sera donc l'interlocuteur privilégié d'Eurojust, ce qui semble compatible à la fois avec l'efficacité des enquêtes et la nécessité de tenir compte du caractère transnational de cette unité.

Le principe de l'opportunité des poursuites est préservé, puisque le procureur général pourra toujours refuser de donner suite à une demande d'Eurojust, la seule formalité requise étant de motiver ce refus lorsque la demande a été formulée par le collège, dans les conditions prévues par l'article 695-6 ci-dessous.

· Demander au procureur général de dénoncer ou de faire dénoncer des infractions aux autorités compétentes d'un autre État membre. La condition selon laquelle l'autorité compétente d'un État membre doit accepter qu'un autre État membre soit mieux placé pour entreprendre une enquête ou des poursuites sur un fait précis est ainsi remplie.

· Demander au procureur général de faire mettre en place une équipe commune d'enquête.

Il convient de rappeler que la création d'une équipe commune d'enquête nécessite un accord des autorités compétentes d'au moins deux États membres. Le procureur général ne peut donc que créer les conditions nécessaires à sa mise en place, mais ne décide pas seul de cette dernière.

· Demander à l'autorité judiciaire, en pratique le procureur de la République ou le juge d'instruction concerné, de lui communiquer des informations, issues des procédures judiciaires nécessaires à l'accomplissement de ses tâches.

Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l'article 694-9, qui autorise le procureur de la République ou le juge d'instruction à communiquer aux autorités judiciaires étrangères des informations issues d'une procédure pénale en cours, ceux-ci pouvant soumettre l'utilisation de ces informations à certaines conditions.

Le dernier alinéa de l'article 695-5 dispose que les informations et les demandes sont reçues et exécutées, s'il y a lieu, par le procureur général territorialement compétent ou, le cas échéant, par le juge d'instruction territorialement compétent lorsque l'exécution de la demande requiert certains actes de procédure qui ne peuvent être ordonnés ou exécutés que par ce dernier.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 102).

L'article 695-6 transpose les dispositions de l'article 8 de la décision du Conseil sur l'obligation de motivation en cas de refus de donner suite à une demande d'Eurojust.

Il précise ainsi que lorsque le procureur général, saisi d'une demande d'actes d'action publique ou d'information, ou le juge d'instruction, saisi d'une demande d'information, ne souhaitent pas donner suite à la demande d'Eurojust agissant en tant que collège, il l'informe « dans les meilleurs délais » de la décision intervenue et de ses motifs.

Cette motivation n'est cependant pas obligatoire pour les demandes relatives à l'ouverture d'une enquête ou l'engagement des poursuites, à la dénonciation des infractions ou aux informations issues d'une procédure (1°, 2° et 4° de l'article 695-5), lorsque celle-ci peut « porter atteinte à la sécurité de la Nation, ou compromettre le bon déroulement d'une enquête en cours ou la sécurité d'une personne ». On observera que cette rédaction reprend, pratiquement au mot près, les dispositions figurant à l'article 8 de la décision du Conseil.

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani généralisant l'obligation de motivation.

L'article 695-7 précise le rôle d'Eurojust dans la transmission des demandes d'entraide judiciaire.

Les demandes d'entraide nécessitant, en vue d'une exécution coordonnée, l'intervention d'Eurojust, sont transmises aux autorités requises par l'intermédiaire du représentant national intéressé. L'article 6 de la décision du Conseil prévoit, en effet, que les demandes d'entraide sont transmises par les représentants nationaux d'Eurojust, et non par le collège.

Comme le fait valoir l'étude d'impact, cette disposition trouvera notamment à s'appliquer lorsque des perquisitions simultanées dans différents États membres sont nécessaires.

Section 4

Du représentant national auprès d'Eurojust

Article 695-8 du code de procédure pénale

Conditions de nomination du représentant national auprès d'Eurojust

L'article 695-8 détermine les conditions de nomination du représentant français auprès d'Eurojust qui, aux termes de l'article 9 de la décision du Conseil du 28 février 2002, relève du droit de chaque État membre.

Le représentant national est un magistrat hors hiérarchie, nommé pour trois ans par arrêté du ministre de la Justice et mis à disposition d'Eurojust. Rappelons que l'article 9 prévoit seulement que la durée du mandat du membre national doit être « de nature à permettre un bon fonctionnement d'Eurojust ».

L'article 695-8 précise également que le ministre de la justice peut, conformément à l'article 36, lui adresser des instructions. Cet article donne en effet au ministre de la justice le pouvoir d'enjoindre au procureur général, par des instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions écrites que le ministre juge opportunes.

Comme le souligne l'étude d'impact, ces dispositions, qui permettent de transposer l'article 2 de la décision du 28 février 2002, placent le représentant national dans la même situation hiérarchique qu'un procureur général.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 103) précisant que le représentant national d'Eurojust est mis à disposition de cette unité par arrêté du ministre de la justice, son auteur ayant rappelé que les magistrats hors hiérarchie étaient nommés par décret du Président de la République.

Elle a, en revanche, rejeté un amendement de M. Thierry Mariani encadrant les modalités selon lesquelles le ministre de la justice pourra adresser à celui-ci des instructions, le rapporteur ayant estimé que ces précisions avaient un caractère réglementaire.

Article 695-9 du code de procédure pénale

Pouvoirs du représentant national auprès d'Eurojust

L'article 695-9 définit les pouvoirs judiciaires du représentant national auprès d'Eurojust.

Dans le cadre de sa mission, ce magistrat aura accès aux informations du fichier du casier judiciaire et des fichiers de police judiciaire, c'est-à-dire aux fichiers du système de traitement des infractions constatées (STIC) et du système d'information Schengen (SIS).

Il aura également accès aux informations issues des procédures judiciaires nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Cet accès pourra toutefois lui être refusé si la communication de l'information est de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation. On retrouve là la formulation de la clause de sauvegarde figurant à l'article 694-4. Cette communication peut également être différée pour des motifs tenant aux investigations en cours.

A la différence d'Eurojust agissant en tant que collège ou par l'intermédiaire d'un autre représentant national, les informations issues des procédures judiciaires ne pourront être refusées au représentant français que dans des cas strictement définis.

L'article 695-9 procède à une transposition a minima les dispositions de l'article 9 de la décision du Conseil qui, rappelons-le, oblige les États membres à prévoir un accès au casier judiciaire et à tout autre registre, tout en les laissant libres de déterminer les autres pouvoirs judiciaires attribués au représentant national.

Chapitre III

Dispositions propres à l'entraide entre la France et certains États


Article 695-10 du code de procédure pénale


Transmission directe des demandes d'entraide
et création d'équipes communes d'enquête avec certains États

Cet article étend l'application des dispositions de l'article 695-1 sur la transmission directe des demandes d'entraide (section 1 du chapitre II) et des articles 695-2 et 695-3 relatifs aux équipes communes d'enquête aux demandes d'entraide (section 2 du même chapitre) entre la France et les États parties à des conventions comportant des dispositions similaires à celles de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, les pays concernés par ces dispositions pourraient notamment être la Norvège, l'Islande et la Suisse.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié

Suite du rapport

N° 0856 - Rapport sur le projet de loi adaptation de la justice aux évolution de la criminalité (M. Jean-Luc Warsmann) (tome I)

1 () Le crime organisé, Que sais-je, Presses universitaires de France.

2 () Cité par François d'Aubert dans sa préface du livre de M. Thierry Cretin, Mafias du monde, collection criminalité organisée, PUF, 1997.

3 () Rapport annuel du 18 décembre 1995.

4 () L'Union européenne considère qu'un groupe relève de la criminalité organisée si 6 de ces 11 critères sont présents dont obligatoirement le premier, le cinquième et le dernier.

5 () Les actions internationales de lutte contre la criminalité organisée : le cas de l'Europe, par Nicolas Queloz, la revue de science criminelle, n° 4, octobre-décembre 1997, page 765.

6 () Selon la définition qu'en donnent les services de police et de gendarmerie nationales, la criminalité organisée regroupe les infractions suivantes : règlements de compte ; homicide, tentative d'homicide ou prises d'otages dans le cadre d'un vol ; prises d'otages ; séquestrations ; vol à main armée contre les établissements financiers, les établissements industriels ou commerciaux, les entreprises de transport de fonds ; vol à main armée contre les particuliers et dans les autres hypothèses ; vol de véhicule de transport avec fret ; proxénétisme ; trafic et revente sans usage de stupéfiants ; attentats à l'explosifs contre les biens publics ou privés ; fabrication de faux documents d'identité et de faux documents administratifs ; fausse monnaie ; infractions à l'exercice d'une profession réglementée ; fraudes fiscales.

7 () Chiffres communiquées à la Mission d'information commune sur les diverses formes de l'esclavage moderne, rapport n °3459 du 12 décembre 2001.

8 () Rapport de M. Christian Estrosi du 26 décembre 2002, n° 508, page 110.

9 () Rapport n° 3459 précité, page 34.

10 () Articles 15 et 18 nouveaux du décret du 18 avril 1939 modifié par les articles 80 et 82 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

11 () Mafias du monde, par M. Thierry Cretin, collection criminalité organisée,PUF, 1997, page 168.

12 () Le crime organisé, Xavier Raufer, PUF, 2001, page 8.

13 () European Committee on crime problems, 1996, cite par Nicolas Queloz, op cit.

14 () Les relations internationales illicites, Pierre Conesa, la revue internationale et stratégique, n° 43, automne 2001.

15 () Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen.

16 () Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, la revue internationale de droit pénal, 3ème et 4ème trimestre 1997, âge793.

17 () Article 111-3 du code pénal.

18 () Francesco Palazzo, la législation italienne contre la criminalité organisée, revue de science criminelle, n° 4, octobre-décembre 1995.

19 () Arrêt du 2 octobre 1979, bulletin criminel n° 266, ou du 22 juin 1994, Bulletin criminel n° 247.

20 () Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 1967, bulletin criminel n° 22.

21 () Les éléments concernant le système italien du repenti ont été établis et communiqués par le service des affaires européennes de l'Assemblée nationale.

22 () Arrêt du 18 décembre 2002 n°42851, Cour de cassation, Deuxième section pénale.


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