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APRÈS L'ART. 38
N° II - 510 (2ème rect.)
ASSEMBLÉE NATIONALE
9 novembre 2011

LOI DE FINANCES POUR 2012 - (n° 3775)
(Seconde partie)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° II - 510 (2ème rect.)

présenté par

M. Carrez, Rapporteur général
au nom de la commission des finances,
M. Michel Bouvard et M. Giscard d'Estaing

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 38, insérer l'article suivant :

Pour 2012, le plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillés, est fixé à 2 004 emplois. Ce plafond est réparti comme suit :

AUTORITÉ
PLAFOND
(exprimé en ETPT)
Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
61
Autorité de contrôle prudentiel (ACP)
982
Autorité des marchés financiers (AMF)
422
Haute autorité de santé (HAS)
401
Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI)
57
Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)
38
Médiateur national de l’énergie (MNE)
43
Total
2 004

EXPOSÉ SOMMAIRE

I. Sur la décision n° 2011−638 DC du 28 juillet 2011 du Conseil constitutionnel

Le présent amendement est présenté en application de la décision n° 2011−638 DC du 28 juillet 2011 du Conseil constitutionnel censurant les articles 71 et 72 de première loi de finances rectificatives pour 2011 définitivement adoptée par les deux assemblées le 6 juillet 2011 :

« 34. Considérant (…) que l'article 71 de la loi déférée prévoit que le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et sur les autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État récapitulant, pour le dernier exercice connu, l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant ; que, selon l'article 72 de la loi déférée, « le plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État est fixé chaque année par la loi de finances » ;

« 35. Considérant que seule une loi organique peut fixer le contenu des lois de finances ; que, par suite, les dispositions des articles 71 et 72, qui ont cet objet, ont été adoptées au terme d'une procédure contraire à la Constitution ; que, pour autant, indépendamment de l'obligation découlant de la loi organique qui lui impose de fixer les plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'État, il est loisible au législateur de prévoir, dans chaque loi de finances, des dispositifs permettant de contenir l'évolution des dépenses des organismes relevant de l'État ; »

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le présent amendement n’impose plus de disposition devant figurer dans toutes les lois de finances ; une telle obligation ne saurait résulter que de la loi organique. Une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), pour souhaitable qu’elle soit, nécessitera un large consensus politique et gagnerait à concerner l’ensemble des dispositions de la LOLF qui, au vu de l’expérience acquise dix ans après son adoption, mériteraient d’être réexaminées. Le Conseil constitutionnel indique qu’à défaut, le législateur peut prévoir un tel dispositif dans les lois de finances de l’année.

Pour amorcer un tel processus, le présent amendement impose, à partir des informations dont disposent ses cosignataires à la date de son dépôt, un plafond des autorisations d’emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Il incombera évidemment au Gouvernement, par voie d’amendement ou de sous-amendement, de préciser le niveau de plafond d’emploi en fonction de l’estimation de l’activité prévue de ces autorités en 2012. Les années suivantes, et comme pour les opérateurs de l’État, une telle disposition aura vocation à constituer une disposition permanente des projets de loi de finances initiaux.

Une telle disposition fait partie de l’objet des lois de finances tel que défini dans la Constitution et dans la LOLF. L’article 34 de la Constitution dispose en effet que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » L’article 1 de la LOLF dispose que « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte ». L’article 34 de la LOLF précise que la première partie de la loi de finances de l’année « autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État », « comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État » et « fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État ».

Faisant partie de la catégorie des autorités administratives indépendantes (AAI), les autorités publiques indépendantes (API) ont la particularité de disposer de la personnalité morale.  Les API sont financées soit sur ressources budgétaires (comme par exemple l’Agence de lutte contre le dopage), soit sur des taxes affectées, qui font partie des « impositions de toute nature » dont le Parlement autorise annuellement la perception par l’article premier de la loi de finances de l’année (il en est ainsi par exemple de l’Autorité des marchés financiers - AMF). Certaines autorités bénéficient d’ailleurs de ces deux types de financement (ainsi la Haute autorité de santé - HAS). Plusieurs autorités disposent de ressources propres résultant de la vente de prestations de nature commerciale ou des contributions volontaires des acteurs économiques (ainsi, le Haut conseil du commissariat aux comptes – H3C - n’est financé que par ce type de contribution).

En outre les dépenses des API ne sont pas toujours distinguées des dépenses des autres administrations de l’État. Il en est par exemple ainsi du Médiateur de l’énergie, qui occupe le même bâtiment que la Commission de régulation de l’Energie - CRE (elle-même financée intégralement sur ressources budgétaires), et qui dispose d’un fonctionnaire détaché (catégorie A) mis à disposition par une autre administration. Plusieurs API emploient d’ailleurs chaque année des fonctionnaires détachés ou mis à disposition par d’autres administrations : entre 20 et 30 détachés (Banque de France, ministère du Budget, ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice, Cour des comptes, corps des mines, corps des contrôleurs des assurances, ville de Paris) pour l’AMF ; entre 7 et 11 mis à disposition et entre 20 et 30 détachés pour la HAS ; entre 5 et 7 mis à disposition et détachés (magistrats et autres fonctionnaires) pour le H3C ; 2 mis à disposition et entre 2 et 5 détachés pour l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

II. Sur l’opportunité de créer un plafond des autorisations d’emplois des Autorités publiques indépendantes

Les cosignataires du présent amendement rappellent qu’un tel plafond d’autorisation des emplois fait suite au rapport (n° 2925) déposé le 28 octobre 2010 par MM. René Dosière et Christian Vanneste, au nom du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques, sur les autorités administratives indépendantes (AAI). Sa recommandation n° 24 intitulée « Assurer le contrôle des autorités publiques indépendantes (API) dotées de la personnalité morale » propose notamment de « fixer chaque année dans le projet de loi de finances un plafond des autorisations d’emplois pour les autorités publiques indépendantes ».

L’article 7 de la loi organique (n° 2001-692) relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 dispose que « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation des emplois rémunérées par l’État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ». Ainsi, chaque année, le Parlement vote des plafonds d’autorisation des emplois de chaque ministère. Les effectifs des AAI ne disposant pas de la personnalité morale sont donc placés sous les plafonds de leurs missions et programmes de rattachement.

Les organismes publics nationaux disposant de la personnalité morale ne sont pas soumis à cette disposition. Pour pallier ce vide juridique, l’article 64 de la loi (n° 2007-1822) du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a prévu qu’« à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État est fixé chaque année par la loi de finances. ». Ainsi les effectifs des 584 opérateurs de l’État font-ils l’objet d’une autorisation préalable annuelle dans le cadre de la loi de finances initiale. De même, l’article 76 de la loi de finances initiale pour 2009 du 27 décembre 2008 impose l’obligation de fixer, dans chaque loi de finances de l’année, un plafond des autorisations d'emplois des agents de droit local des établissements à autonomie financière mentionnés à l'article 66 de la loi de finances pour 1974 du 27 décembre 1973.

Les autorités publiques indépendantes (API) ne font pas partie de la catégorie des opérateurs de l’État et leurs effectifs ne sont donc soumis à aucun plafond d’autorisation d’emplois. Ils sont peu nombreux : Autorité des marchés financiers (AMF), Haute autorité de santé (HAS), Médiateur national de l’énergie (MNE), Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).

L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) a un statut spécifique en ce sens qu’elle n’a pas été dotée de la personnalité morale, mais qu’elle est adossée à la Banque de France, qui, elle, en bénéficie. L’ACP est issue de la fusion de trois AAI, la Commission bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), ainsi que du Comité des entreprises d’assurance (CEA), qui n’était pas considéré comme une AAI. Seule l’ACAM disposait de la personnalité morale. L’ACP constitue en l’espèce une AAI d’un type sui generis, puisque, si l’article L.612-1 du code monétaire et financier prévoit qu’elle est une « autorité administrative indépendante », sans mentionner la personnalité morale, le même code précise qu’elle « dispose de l’autonomie financière, dans la limite du produit de la contribution mentionnée à l’article L. 612-20, dont le solde est reporté chaque année, et des dotations additionnelles que la Banque de France peut lui attribuer. L'Autorité de contrôle prudentiel arrête son budget, sur proposition du secrétaire général. Ce budget constitue un budget annexe de la Banque de France. » (article L.612-18 du même code). Le I de l’article L. 612-19 de ce code précise que « l'Autorité de contrôle prudentiel dispose des moyens fournis par la Banque de France ». Le II de cet article complète en disant que « le personnel des services de l'Autorité de contrôle prudentiel est composé d'agents dont l'employeur est la Banque de France. ». Il résulte de toutes ces dispositions que l’ACP est une « autorité administrative indépendante », distincte de la Banque de France et dont les effectifs ne sont soumis à aucun plafond d’emplois.

Les réponses des API et de l’ACP à un questionnaire envoyé par les rapporteurs du CEC en septembre 2011 montrent que leurs effectifs API ne représentent pas un fort enjeu global, mais qu’ils croissent fortement. Il n’y a pas lieu de les exonérer, sauf missions nouvelles, des règles de discipline budgétaire qui s'appliquent aux services de l'État, à ses établissements publics et autres opérateurs, ainsi qu'aux autres autorités administratives indépendantes non dotées de la personnalité morale.

EFFECTIFS DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES (API)

(Effectifs consommés ou prévus, mesurés en ETPT)

 

2010

2011

évolution
2011/2010

2012

évolution
2012/2011

évolution
2012/2010

ACP

904

982

8,6%

1 121

14,2%

24,0%

AMF

397

422

6,3%

479

13,5%

20,7%

HAS

401

401

0,0%

401

0,0%

0,0%

AFLD

60

61

1,7%

63

3,3%

5,0%

MNE

40

43

7,5%

46

7,0%

15,0%

H3C

35

38

8,6%

42

10,5%

20,0%

HADOPI

20

57

185,0%

70

22,8%

250,0%

Total

1 857

2 004

7,9%

2 222

10,9%

19,7%

Source : réponse des API à un questionnaire des rapporteurs du CEC.

Il est proposé en conséquence de soumettre à l'approbation du Parlement le plafond des autorisations d'emplois de cette catégorie de personnes publiques menant des politiques publiques au nom de l'État et en application de la loi. En l’absence de dialogue de gestion entre les API et le ministère du Budget sur l’adéquation des effectifs aux missions, ce plafond est fixé, dans le présent amendement, au niveau courant atteint en 2011. En outre la fixation par une initiative parlementaire d’un plafond supérieur serait considérée comme l’aggravation d’une charge publique, et donc l’amendement serait déclaré irrecevable au sens de l’article 40 de la Constitution.

Ainsi l’établissement de ce plafond d’emplois permettra d’atteindre l’équilibre souhaité par le rapport déposé au nom du CEC, où l’indépendance de ces autorités est contrebalancée par une « reddition de compte » au Parlement (information et contrôle).