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Compte rendu
intégral

Commission des finances,
de l’économie générale et du plan

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Commission élargie
Mardi 30 octobre 2007

(Application de l’article 117 du règlement)

Projet de loi de finances pour 2008

Culture

Présidence de M. Didier Migaud et de
M. Pierre Méhaignerie

(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. J’ai le plaisir d’accueillir à nouveau Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, avec laquelle nous avons déjà pu nous entretenir mercredi dernier de la mission « Médias », dans le cadre d’une commission élargie qui s’est déroulée à la satisfaction du plus grand nombre. Les rapporteurs ont posé des questions nombreuses et essentielles, tout en restant concis et nos collègues ont pu s’exprimer sans difficulté. Mme la ministre a répondu avec précision. Je pense qu’il en sera de même aujourd’hui pour le débat de la mission « Culture ».

Les rapporteurs spéciaux, Mme des Esgaulx et M. Perruchot, et le rapporteur pour avis, M. Bloche, interviendront dans un premier temps ; Mme la ministre répondra ; puis ce sera au tour des députés, en commençant par les orateurs de chacun des groupes, de poser leurs questions.

La parole à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre de la culture et de la communication, je commencerai par la réforme du financement du secteur du cinéma et de l’audiovisuel.

Une profonde réforme budgétaire et comptable est déjà en vigueur cette année : l’assiette de la taxe sur les services de télévision a été élargie aux fournisseurs d’accès Internet et aux opérateurs de téléphonie mobile, mais elle n’est pas achevée. Véronique Cayla est ainsi à la fois directrice générale du Centre national de la cinématographie et responsable, au sens de la LOLF, des programmes « Industries cinématographiques et audiovisuelles ». Le comité interministériel d’audit des programmes avait suggéré de fusionner les deux programmes pour mieux prendre en compte les enjeux transversaux au cinéma et à l’audiovisuel. Seule la taxe spéciale additionnelle sur le prix des places de cinéma, ou TSA, est recouvrée directement par le CNC.

De notre point de vue, madame la ministre, la poursuite de la réforme serait un facteur de simplification pour l’industrie française, d’économie au niveau des frais de collecte et de modernisation via la création d’un conseil d’administration du CNC.

Le sujet a été souvent abordé, mais je ne trouve rien dans le projet de loi de finances, d’où mes questions : la reconduction de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique » signifie-t-elle que la réforme ne pourra pas aboutir avant 2009 ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il rien proposé dans le PLF pour 2008 ? Quels obstacles demeurent ? Si l’on débudgétise ce système de financement, pourra-t-on garantir que le contrôle du Parlement s’exercera avec la même intensité ?

Dernière question, liée à l’interdiction par la LOLF des missions mono-programme : quel pourrait être le support budgétaire du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale ?

Je tiens, par ailleurs à revenir sur les arbitrages budgétaires pour 2008, qui me semblent préoccupants pour la création et le spectacle vivant, s’agissant notamment des grands opérateurs nationaux. Ceux-ci sont en effet durement touchés, à commencer par l’Opéra national de Paris et la Comédie française, qui sont des fers de lance de la culture française et ont besoin de visibilité, d’autant qu’ils raisonnent en saisons culturelles et de soutien pour investir de nouvelles productions de qualité et engager des artistes à la hauteur de leurs ambitions artistiques. Un gel de crédits est annoncé dès le début de l’année, probablement de 6 %. Sans compter la réforme des régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie française.

La meilleure manière d’en finir ne serait-elle pas de négocier un contrat d’objectifs et de moyens avec les grands opérateurs culturels nationaux ? Cela profiterait à la fois aux établissements qui travaillent selon une programmation pluriannuelle et à l’État qui assurerait sa gouvernance et son pilotage. On pourrait au moins prévoir un contrat de performances. Un établissement public comme l’Institut public de l’audiovisuel en est à son deuxième contrat d’objectifs et de moyens, alors que l’Opéra de Paris reste contraint par les aléas de gestion bien qu’il ait besoin de se projeter à plus de deux ans pour construire ses futures saisons.

Madame la ministre, pourriez-vous nous faire le point des discussions sur les régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie française, dans la mesure où leur prise en charge budgétaire intervient, non pas sur la mission « Régimes sociaux de retraite », mais sur la mission « Culture » ? Le projet annuel de performances étant muet sur ce point, nous serions heureux de vous entendre, au moment même où l’Opéra est toujours en grève.

Comment sera réparti le gel qui sera pratiqué en début d’année ?

J’en viens à la mesure de la performance dans le théâtre subventionné.

Dans la logique de la LOLF et aux termes de la lettre de mission que vous ont adressée le Président de la République et le Premier ministre le 1er août dernier, il s’agit d’un chantier prioritaire. Or, aujourd’hui, cette mesure est loin d’être optimale. L’indicateur du PAP mesurant la fréquentation des lieux subventionnés s’avère très parcellaire et insuffisant.

Le secteur du théâtre subventionné semble souffrir d’une déficience de pilotage et d’un manque de transparence. On ne dispose que de peu de chiffres fiables et de données récentes.

Comment comptez-vous améliorer le pilotage des subventions octroyées aux différentes scènes théâtrales ? Comment garantir l’exhaustivité et la précision des données en provenance des scènes nationales, des centres chorégraphiques nationaux et des opéras en région ? Combien de fois en moyenne une création est-elle jouée dans un théâtre subventionné ? Avez-vous des éléments de comparaison avec les théâtres privés ? Le sujet sera-t-il examiné dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ? D’une manière plus générale, comment comptez-vous vous y prendre pour diversifier les publics et accroître la fréquentation ? Où en est le travail de labellisation avec les différentes institutions culturelles ? Celle-ci est plus que jamais nécessaire à un véritable pilotage des subventions octroyées par l’État.

Les investissements dans le champ culturel pourraient pâtir du contexte budgétaire tendu. Pour autant, le projet de Philarmonie de Paris vient d’être confirmé par le Président de la République et par vous-même. On ne peut que s’en réjouir. Pourriez-vous nous préciser le calendrier et la méthode retenue pour piloter le projet ? Quel rôle tient aujourd’hui et tiendra demain l’Orchestre de Paris dans ce pilotage ? Il me semble crucial que celui se trouve au centre du projet culturel de la Philarmonie. Est-il prévu de recourir à des types de financement nouveaux, du type public-privé ? Que deviendra la salle Pleyel, une fois la Philarmonie construite ? Comment assurer une articulation intelligente entre les salles de concert de Paris, sachant que la Maison de la radio disposera d’une nouvelle salle de 1 500 places en 2 012 ?

Enfin, le bâtiment et les installations techniques de l’Opéra Bastille ont subi en vingt ans une forte dégradation. Le défaut d’entretien rend aujourd’hui indispensable un plan d’investissement important.

Concernant le dossier des intermittents du spectacle, nous aimerions connaître votre méthode de travail et les lignes directrices de la renégociation globale de la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage qui arrivera à échéance le 31 décembre 2008.

Je terminerai par la politique culturelle de France télévisions.

Lors de son audition devant la commission des finances et des affaires culturelles réunies, il y a un mois, son président, Patrick de Carolis, a parlé d’un virage éditorial ambitieux, autour de contenus culturels plus riches et plus audacieux. Or, s’agissant de la mise en valeur de la culture sur les antennes de France Télévisions, il semble que le bilan ne soit pas aussi positif que ce que l’on aurait pu espérer. En termes d’audience comme en termes de contenus, la déception est réelle. Les conventions de France Télévisions avec des opérateurs culturels comme la Comédie française ou l’Opéra de Paris ne sont pas, à mon avis, valorisées de manière idéale. Des problèmes juridiques se posent concernant les droits à payer, souvent trop lourds.

Madame la ministre, quel bilan tirez-vous, pour la culture et le spectacle, du virage éditorial de France Télévisions ? Quelles consignes l’État lui donnera-t-il pour aller plus loin ? Que vous inspire l’expérience du festival de Verbier en Suisse avec diffusion de concerts sur Internet, ou celle des opéras américains ? Je vois là de nombreuses idées à creuser.

J’aurais eu bien d’autres questions à poser, mais j’ai préféré m’en tenir aux points les plus importants.

M. Didier Migaud. président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la ministre, j’ai moi aussi de nombreuses questions à aborder. Je commencerai par la gratuité dans les musées nationaux.

Le coût de cette expérimentation est censé être compensé par l’État, mais rien ne figure dans le PLF pour 2008. Comment sera-t-il donc compensé ? Sur le fond, l’opportunité de la mesure semble contestable. On ne saurait associer gratuité et démocratisation : le même public risque simplement de venir plus souvent. Par ailleurs, le prix d’entrée dans un musée est loin d’être la barrière la plus dissuasive aujourd’hui. Les dispositifs ciblés de gratuité sont bien plus efficaces et existent déjà.

Cette gratuité peut avoir un effet d’aubaine pour les touristes étrangers, que le contribuable national n’a pas vocation à prendre en charge, comme pour les tours- opérateurs, qui ne baisseront pas pour autant les tarifs de leurs prestations. Le gratuit n’est pas valorisé dans nos sociétés : ce qui est gratuit ne « vaut » rien. Pourquoi les musées seraient-ils le seul domaine gratuit de la culture, au moment où l’on cherche à consolider le droit d’auteur ? Les exemples étrangers, notamment l’exemple anglais, nous amènent à nous interroger sur l’opportunité de cette gratuité.

Comment, donc, faire de cette expérimentation un succès ? Quelles garanties pouvez-vous apporter sur l’objectivité du bilan qui sera fait l’an prochain, comme sur la possibilité de revenir en arrière en cas d’échec ? Le bilan risque par ailleurs d’être différent selon les cas ; je rappelle que quatorze musées et monuments nationaux sont concernés. Instituer la gratuité au musée Guimet me paraît être une erreur, s’agissant notamment de l’image de la France vers le monde asiatique.

Quel est le coût prévisionnel de l’expérimentation ? Quel en est surtout le mode de financement dans le budget 2008 ? Le sujet intéresse tout particulièrement la commission des finances. Enfin, au détriment de quelles politiques publiques l’État financera-t-il la gratuité dans les musées ? J’imagine en effet que vous allez devoir travailler à budget constant et donc prendre ailleurs pour assurer cette gratuité.

Ma deuxième série de questions concerne les deux nouvelles cités : la Cité de l’architecture et du patrimoine et la Cité nationale de l’histoire de l’immigration.

La Cité de l’architecture et du patrimoine est un très bel outil, à qui l’on souhaite de s’imposer dans le paysage culturel et scientifique français. Encore faudrait-il qu’elle en ait les moyens. Il est bien que l’État les ait mis s’agissant du chantier d’installation au Palais de Chaillot, mais je m’étonne de la très grande modestie, pour ne pas dire plus, des crédits de fonctionnement pour 2008, qui laissent apparaître un besoin résiduel de financement de l’ordre de 2 millions d’euros.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que la Cité ne pourra plus faire appel à son fonds de roulement, déjà mobilisé cette année à hauteur d’environ 7 millions d’euros. Celui-ci étant désormais réduit à son strict minimum, l’équation budgétaire à laquelle se trouvera confrontée la Cité de l’architecture et du patrimoine en 2008 semble préoccupante, d’autant que le gel des crédits s’annonce plus sévère encore l’an prochain.

Je rappelle à cette occasion, que la Cité n’est pas seulement un vaste musée – sensiblement plus grand en surface que celui du quai Branly – dans un bâtiment ancien et d’entretien coûteux. Elle regroupe aussi un centre d’architecture contemporaine, une école d’architecture patrimoniale, une bibliothèque de référence en architecture contemporaine et un centre d’archives consacré à l’architecture.

Madame la ministre, pouvez-vous rassurer l’Assemblée nationale quant aux moyens que l’État mettra dans ce beau projet qu’est la Cité de l’architecture et du patrimoine ?

Je ne reviendrai pas sur la polémique qui a entouré l’inauguration de la Cité de l’histoire de l’immigration. Je me contenterai de poser trois questions à son propos : madame la ministre, pouvez-vous solennellement confirmer l’engagement total de l’État dans ce projet ? Pouvez-vous faire le point sur les financements mobilisés en 2008 au profit de la Cité tant ces moyens paraissent éparpillés au sein du budget de l’État, votre ministère ayant été désigné comme le chef de file du projet ? Quels projets de développement peut-on espérer pour cette Cité ? Comment sa vocation s’articule-t-elle avec celle des établissements culturels ?

Ma troisième série de questions concerne le rayonnement des musées français à l’étranger.

Le projet du Louvre Abou Dabi est à mes yeux très réussi. Entendez-vous, madame la ministre, procéder à d’autres expériences ? Pensez-vous que le projet du Louvre Abou Dabi puisse inspirer d’autres établissements culturels français dans leur stratégie d’ouverture à l’international ? Des projets comparables sont-ils à l’étude, notamment au Musée d’Orsay ? Quelle stratégie muséale et culturelle entendez-vous développer envers la Chine et l’Asie en général, notamment pour éviter les péripéties qu’a pu connaître le centre Pompidou ? À quoi peut vraiment servir l’agence France Museums, qui ne pilote aujourd’hui que le projet d’Abu Dhabi ?

Quatrième et dernière série de questions : la gouvernance et le pilotage des musées de France.

Il me semble que, en la matière, les évolutions sont assez lentes. J’ai rencontré la directrice des musées de France, ainsi que l’administrateur général de la réunion des musées nationaux qui, quoi que plus performante, ne fait toujours pas l’unanimité. Beaucoup de musées ne disposent aujourd’hui d’aucune marge de manœuvre ; je pense à Orsay, à Versailles et à d’autres musées plus petits, comme le musée Picasso, qui se trouve dans une situation très préoccupante. Ils ont peu de marge de manœuvre sur leur budget et quasiment pas sur le personnel ; la gestion centralisée est très lourde et coûte certainement très cher à l’État ; la tutelle est tatillonne, assez frileuse et parfois peu efficace.

La gouvernance et le pilotage des musées est un sujet central. Un groupe de travail a-t-il été créé sur ce sujet au sein de votre ministère ? On ne pourra pas continuer ainsi, avec, d’un côté, un ministère qui centralise tout, et, de l’autre, des responsables qui n’ont pas la capacité de leur gestion. Il serait utile d’avancer, d’autant que j’ai cru déceler un climat beaucoup plus serein et favorable à de possibles évolutions. Chacun attend un pilotage politique.

Quel est le bilan des opérations de transfert de personnels aux établissements publics culturels ? Comment aller plus loin encore, dans la mesure où cela serait utile, et dans la mesure où il existe une volonté politique en la matière ?

Quel est l’avenir de la RMN, dans un contexte de concurrence et d’ouverture de plus en plus fortes ? Quel est l’avenir des boutiques et de l’agence photo ?

Au-delà, cette législature peut-elle être celle de la réforme de la gouvernance et du pilotage des musées de France ? Comment améliorer la tutelle sur les musées tout en leur donnant une plus grande autonomie et une plus grande liberté de gestion ? J’aurai l’occasion de solliciter le président de la commission des finances, car il me semble qu’il faudra créer une MEC sur la gouvernance et le pilotage des musées de France.

Bien d’autres questions se posent sur le patrimoine. Nous restons notamment préoccupés par la situation des monuments historiques. On aurait pu discuter d’un premier bilan de la loi mécénat et lancer quelques idées sur la notion de « patrimoine immatériel », à promouvoir, mais j’ai préféré me concentrer sur les quatre points que j’ai développés précédemment.

M. Didier Migaud. président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la ministre, mes questions seront fort heureusement complémentaires de celles de mes deux collègues rapporteurs spéciaux. J’ai lu leurs notes de présentation et je suis heureux de la convergence de nos points de vue et du regard sévère qu’ils portent sur les crédits de la culture pour 2008.

Je considère qu’il s’agit de crédits en trompe l’œil. Sans la miraculeuse rebudgétisation des 70 millions d’euros affectés au patrimoine monumental et tirés des recettes issues des droits de mutation à titre onéreux, il ne vous aurait pas été possible, madame la ministre, d’afficher une hausse des crédits pour l’année 2008.

Je poserai directement mes questions : quelques questions rapides sur les crédits du ministère de la culture, et d’autres, plus précises, sur la protection du patrimoine monumental, qui fait l’objet de mon avis budgétaire.

Madame la ministre, vous avez annoncé l’arrêt des travaux du Musées des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Pourquoi une telle marche en arrière alors même que les collectivités territoriales ont déjà versé leur contribution au projet ?

Deux autres projets seront examinés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, c’est-à-dire la RGPP : l’aménagement du Palais de Tokyo et l’aménagement de l’île Seguin. Vous avez récemment déclaré qu’il ne serait pas possible de tout faire. On ne peut être que d’accord avec vous, eu égard aux crédits dont vous disposez. Quels seront donc les projets réexaminés, sinon abandonnés ? Il serait utile d’avoir quelques précisions sur ce point.

Nous sommes très préoccupés par la baisse historique de près de 18 % des crédits de paiement consacrés à l’action en faveur de l’accès à la culture. Ce sont particulièrement les crédits destinés à rééquilibrer l’action du ministère en faveur des territoires culturellement moins favorisés qui sont touchés par cette baisse, mais aussi les actions en faveur des associations d’éducation populaire et des associations de lutte contre l’exclusion. Cette baisse inquiétante est en totale contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle affiché par le Gouvernement. Pourriez-vous revenir sur ce point ?

Je me suis plus particulièrement intéressé à la protection du patrimoine monumental. L’Assemblée nationale et le Sénat ont beaucoup travaillé la question ; je pense au rapport de notre collègue Christian Kert, qui avait abouti à un certain nombre de propositions. Il y avait urgence, l’année dernière, en raison de la baisse des crédits du patrimoine monumental ; le Premier ministre d’alors, M. de Villepin, avait annoncé un plan d’urgence. Il me semble donc intéressant de faire le point un an après, d’autant que le Président de la République, lors de la campagne présidentielle, avait annoncé 4 milliards d’euros sur dix ans pour le patrimoine monumental, ce qui correspond à une moyenne de 400 millions par an. Or les chiffres fournis pour l’année 2008 sont loin de cet objectif qui n’est pas si ambitieux que cela, si nous voulons assurer l’entretien et la restauration de notre patrimoine monumental.

Pourquoi avoir lancé une réforme du Centre des monuments nationaux et l’avoir abandonnée un an plus tard, alors même que chacun doutait de la capacité du CMN à assurer ses nouvelles fonctions de maîtrise d’ouvrage ? Par ailleurs, à quoi seront consacrés les 70 millions d’euros rebudgétisés, auparavant affectés au CMN ? Parallèlement, madame la ministre, vous annoncez un audit de modernisation sur la réforme de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre. Quelles sont les pistes de réflexion à l’étude ?

Je souhaite également avoir des informations sur un sujet grave, facteur de mauvaise gouvernance : nous sommes en attente de parution d’un certain nombre de décrets d’application. Je fais référence à la parution « imminente », avant même le 31 décembre de cette année, des décrets d’application de l’ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés. Il est en effet urgent de mettre en place une assistance à maîtrise d’ouvrage, notamment pour les petites communes qui sont souvent dans des situations très difficiles, n’ayant pas les moyens financiers et humains d’assurer la restauration et l’entretien d’un patrimoine monumental souvent important. De même, nous attendons la parution du décret d’application des dispositions relatives au mécénat en faveur des monuments privés, mis en place par la loi de finances pour 2007. Ces dispositions, dont nous avions pris l’initiative, étaient très attendues. J’ai d’ailleurs été interpellé sur ce sujet durant les auditions à la direction de la législation fiscale. Je n’ai pas eu d’éclaircissements. Or il est impératif que ce décret paraisse rapidement.

Toujours dans le domaine fiscal, j’aimerais que vous nous éclairiez, madame la ministre, sur le fait que le taux réduit de TVA à 5,5 % pour la restauration du patrimoine monumental est appliqué de manière très discriminatoire et dans de mauvaises conditions par l’administration. Comment faire en sorte que, dans le cadre d’une concertation européenne, il y ait clairement un taux réduit de TVA à 5,5 % pour la restauration des monuments historiques ?

Selon les informations qui nous ont été fournies par les directions régionales des affaires culturelles, les crédits consacrés à la protection du patrimoine monumental sont en chute libre dans un certain nombre de régions ; à ce sujet je vous renvoie au tableau publié en page 19 de mon rapport. Cette baisse de crédits aura évidemment pour conséquence l’arrêt de chantiers, alors que tous les chantiers avaient été relancés à la faveur du plan d’urgence de protection du patrimoine lancé il y a un an. Cela entraîne des coûts substantiels pour l’État.

Je mentionne ainsi, page 20 de mon rapport, que l’interruption du chantier de la cathédrale de Nantes a entraîné un surcoût de 115 000 euros en 2006 ; ce surcroît a été de 100 000 euros pour l’arrêt du chantier de la cathédrale de Strasbourg et de 170 000 euros pour l’arrêt de dix-huit chantiers en Aquitaine. De plus cela nuit à l’image de l’État auprès de ses partenaires.

Madame la ministre, que pensez-vous de la proposition d’une loi de programmation récapitulant les engagements de l’État en faveur de la protection du patrimoine monumental et des autres partenaires pour les cinq années de législature à venir ? C’était une proposition du rapport Kert.

Enfin, les monuments appartenant à des propriétaires privés souffrent eux aussi d’une crise financière patente. De nombreux rapports parlementaires, dont le rapport Kert, concluent à la nécessité de leur allouer 10 % de l’enveloppe globale affectée au patrimoine monumental. Quel peut être votre engagement en ce sens ? Je rappelle que ces propriétaires privés souhaiteraient pouvoir utiliser un chèque emploi service qui serait étendu à l’animation des monuments privés dont ils ont la charge.

M. Didier Migaud. président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs, merci pour ces très nombreuses questions qui ont permis de balayer tout un champ de l’activité du ministère.

Mme des Esgaulx m’a interrogée sur la réforme du CNC. Je partage tout à fait son analyse. Le CNC, qui bénéficie de moyens plus importants, notamment à la suite de l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les services de télévision, pourrait être plus performant. Aujourd’hui, il dispose d’une directrice générale et d’un comité financier qui joue le rôle d’un conseil d’administration. Nous souhaitons créer au plus vite un conseil d’administration, en 2009 voire en 2008. Nous souhaitons également que les taxes que doit gérer le CNC lui soient directement affectées au lieu de passer par un compte d’affectation spéciale. Il aurait ainsi plus de moyens et plus de rapidité d’action. Nous avons bon espoir que cela puisse se réaliser.

À propos du spectacle vivant, j’ai dit, lors de ma conférence de presse budgétaire, que le montant des crédits, 640 millions d’euros, était convenable. Ces crédits sont consolidés, après avoir connu une augmentation de 42 % en dix ans. Cela nous assure aujourd’hui une offre culturelle très vaste, un maillage du territoire très serré, des festivals un peu partout, un millier de lieux subventionnés, 655 compagnies théâtrales.

Le spectacle vivant reste donc puissamment soutenu. Certes, nous sommes dans une année marquée par un budget d’austérité, un budget contraint.

Mme Catherine Génisson. Vous êtes courageuse !

M. Jean-Pierre Brard. Que vous ayez dit la vérité sera retenu en votre faveur !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Au moment où l’on remet globalement en cause les interventions et les dépenses de l’État, il est évident que la culture n’échappe pas à cet effort. Voilà pourquoi le spectacle vivant, qui avait connu une augmentation considérable de ses crédits, est stabilisé. Mais c’est déjà un résultat important.

L’Opéra et la Comédie française restent les fleurons que l’on connaît. Leurs crédits ne sont d’ailleurs pas en diminution, même s’ils vont être touchés par le gel de 6 % des crédits, qui s’appliquera dans tous les ministères et qui est supérieur à celui de l’an dernier : 5 %.

Xavier Bertrand prendra en compte la spécificité des professions dans leur régime de retraite. Je pense aux danseurs et aux musiciens. On établira même une distinction entre les musiciens qui jouent d’instruments dans lesquels on doit souffler, et les autres ! On va très loin dans l’accompagnement et dans les discussions sur les métiers. Le protocole d’accord sur les régimes spéciaux s’applique bien sûr aux techniciens de la Comédie française et de l’Opéra. Une grève a été déclenchée le 25 octobre. Nous souhaitons que les discussions commencent au plus vite s’agissant des techniciens des deux institutions.

Je suis très favorable aux contrats de performance, à l’instar de celui qui a été passé à Versailles. Des contrats d’objectifs et de moyens seraient l’idéal, mais il faudrait alors qu’il y en ait pour l’ensemble du ministère de la culture. Or, dans un ministère qui compte déjà 78 établissements publics, représente 10 % des opérateurs et 1 % du budget de l’État…

M. Michel Françaix. Ce serait une bonne surprise si c’était 1 % du budget de l’État !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Ce n’est pas une surprise, c’est une réalité.

Avec 78 établissements publics, nous ne pouvons pas nous lier dans un système figé. Si nous avions nous-même une forte visibilité en matière financière, nous serions très heureux de donner davantage de visibilité à nos opérateurs.

Je pense que les contrats de performance doivent concerner toutes les institutions. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, puisqu’ils en concernent 53 %. Nous souhaitons étendre et rendre plus systématique ce système de conventionnement.

Quelles sont les mesures de cette performance ? On peut citer la place de la création, à hauteur de 50 % de ce qui se fait ; la gestion : l’équilibre financier des opérateurs, avec le ratio entre la recette moyenne des places soit 25 euros pour les institutions subventionnées, la garantie de l’emploi artistique par rapport à l’ensemble de l’emploi ; autour de 20 %; des exigences de fréquentation : plus de 600 000 spectateurs payants cette année pour les théâtres nationaux, plus d’un million pour les scènes dramatiques, ce qui est très satisfaisant; la diffusion, pour laquelle il faut faire un effort.

Aujourd’hui, un théâtre national donne à peu près vingt sept représentations d’une heure, un centre dramatique national en donne sept et une scène nationale trois. C’est très peu et cela ne permet pas de rencontrer suffisamment le public. Cette diffusion fera sans doute partie des critères de conventionnement. Il en sera de même de l’éducation artistique. Des jumelages plus étroits entre les institutions et les établissements scolaires, avec des accords entre le rectorat et la DRAC seraient nécessaires. Voilà tout ce qui pourrait être pris en compte dans ces conventions.

La Philarmonie est un beau projet. Nous n’avons pas d’institution de cette sorte, avec toute une série d’équipements pédagogiques, de salles de répétition et d’ateliers, dans ce haut lieu de la musique, au nord-est de Paris. Il est sûr que l’Orchestre de Paris devra être au centre de ce projet. Cela représente à peu près 203 millions d’euros au total, dont 90 millions pour l’État et 90 pour la ville. Il faudra réfléchir à des formes de financement en partenariat entre le privé et le public pour la construction, pour l’exploitation, en échange d’un loyer sur une très longue durée. Rien n’est décidé aujourd’hui, mais cela fait partie des pistes.

Il conviendra bien sûr de s’assurer que les infrastructures suivent, que tous les partenaires s’engagent et portent leur engagement. Il s’agira d’être innovant dans les modes de financement et de réfléchir à l’ensemble du paysage.

Vous avez évoqué la salle Pleyel. Il faudra se demander, à terme, quoi faire de ces différents établissements à Paris pour rationaliser la situation. Cela fait partie de la réflexion et on ne peut pas se contenter de rajouter des éléments nouveaux.

S’agissant des intermittents, j’ai commencé à recevoir les syndicats. L’accord UNEDIC a commencé à s’appliquer en avril 2007. Nous nous sommes battus, notamment à Matignon, pour que les dispositions du fonds soient prolongées et que l’on assure une jonction avec le début de la renégociation globale de l’assurance chômage fin 2008. Sont également entrées en application toutes les dispositions d’ordre social, qui sont intéressantes au plan de la professionnalisation, de l’accompagnement à la formation, de la prise en compte des congés de longue maladie, des heures d’enseignement encadré.

Parallèlement, les conventions collectives sont revues. De dix-huit, elles sont passées à neuf. Sur ces neuf conventions collectives, cinq sont signées aujourd’hui, quatre sont en cours. Nous espérons débloquer rapidement celle sur les émissions radiophoniques. Quoi qu’il en soit, les discussions se poursuivent.

Les contrôles se sont multipliés, ce qui a permis de réduire la fraude dans des proportions assez sensibles. Le Conseil national du spectacle vivant s’est déroulé dans un bon climat. Nous ferons le point en novembre avec l’UNEDIC sur les accords entrés en vigueur en 2007. Rien n’est résolu et nous ne voulons pas prendre des mesures autoritaires pour savoir qui est artiste et qui ne l’est pas. Malgré tout, la situation s’est stabilisée et nous constatons aujourd’hui qu’il y a moins de techniciens et d’artistes dans le régime. Certes son coût est encore de 100 millions d’euros, mais il a atteint jusqu’à 300 millions d’euros certaines années. C’est dire l’engagement massif de l’État.

Une question a été posée sur le virage éditorial de France Télévisions. J’ai eu l’occasion de dire, la semaine dernière, qu’il y avait de très bonnes choses actuellement dans la programmation de France Télévisions, avec de belles émissions culturelles. Sans que tout soit parfait, on remarque des impulsions positives, même s’il serait possible d’être plus imaginatif. Des accords ont d’ailleurs été passés avec l’Opéra et la Comédie française. Ce n’est pas toujours facile. L’exemple de Cyrano de Bergerac est intéressant à cet égard : l’audience a été très importante au début, ce qui prouve que les gens étaient intéressés ; puis ils se sont lassés parce qu’ils ont été troublés par la mise en scène.

J’ai l’intention de faire en sorte que soit menée une vraie réflexion sur France Télévisions, sur ce qu’on lui demande en termes de changements de structures et d’évolution éditoriale.

Vous avez évoqué l’éventualité d’une retransmission du festival de Verbier. On peut en effet être imaginatif et attentif à ce qui se passe un peu partout, sans oublier toutefois que France Télévisions n’est pas là pour remplacer Arte.

M. Perruchot m’a interrogée sur l’expérience de la gratuité dans les musées. Elle sera menée dans dix-huit établissements, quatorze musées et monuments, quatre grands établissements. L’idée est celle d’une gratuité ciblée, à des heures privilégiées, soit de 18 heures à 21 heures, quatre jours par semaine. Nous sommes bien conscients qu’il est très difficile de faire venir les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans.

Cette expérience concernera les collections permanentes et se déroulera sur six mois. Est-ce trop court ? Cela permettra en tout cas d’intégrer la saison basse, le printemps et le début de l’été où commence la saison haute.

Le problème des touristes et des tours opérateurs se pose en effet, comme vous l’avez très justement indiqué. C’est bien pourquoi nous avons écarté des établissements publics comme Versailles, qui compte 80 % de touristes, lesquels ont d’ailleurs déjà prépayé leur entrée chez les tours opérateurs.

L’objectif de l’expérience est de savoir si, par ce système, on fera venir davantage de public, si ce public supplémentaire sera fidélisé ou profitera simplement de l’aubaine. Changera-t-on ainsi la structure du public ? Pour cela, nous avons décidé de prendre un prestataire de service – nous en sommes encore aux appels d’offre – qui sera chargé d’apprécier si cette expérience a attiré de nouveaux publics, lesquels, quand ils viennent et ce qui a le plus de succès.

C’est le musée Guimet qui a été choisi. Il fallait en effet faire figurer un établissement public important de Paris.

Il est évident que cette expérimentation, née d’une demande du Premier ministre formulée au cours de son discours de politique générale, ne doit pas peser sur les établissements choisis. Son coût est estimé à 2,2 millions d’euros, qui seront compensés au cours de l’année 2008. Les établissements seront remboursés de l’effort consenti, car cela se traduira évidemment pour eux par une perte objective de recettes.

Je pense qu’il faut agir de manière honnête et ouverte. Certes, le coût sera élevé, mais, si le succès de cette expérience était extraordinaire, elle pourrait inspirer la politique de l’État. Bien sûr, il faut se situer par rapport au budget de l’État dans son ensemble et pas seulement par rapport au budget de la culture ou au budget des musées.

Ainsi que je l’ai déjà souligné, la tarification est un instrument de politique culturelle et des expériences de gratuité ciblée ont été menées, mais attendons d’avoir tous les éléments en main, notamment les exemples de ce qui a pu se faire dans certaines villes ou à l’étranger.

Le budget de la Cité de l’architecture et du patrimoine s’établira à 14,8 millions d’euros, soit un niveau à peine inférieur aux 15 millions que l’on juge nécessaires en régime de croisière. L’augmentation notable est intervenue entre 2006 et 2007, lorsque l’établissement a été lancé. Je pense tout de même que ces crédits permettront à la Cité de développer son activité et de continuer à s’inscrire dans le paysage, comme elle l’a fait avec éclat depuis son ouverture. Ce moment, avec le discours du Président sur l’architecture, a donné une forte impulsion : la dimension architecturale est pleinement prise en compte dans la culture, davantage qu’elle ne l’était, et je m’en réjouis, comme beaucoup de spécialistes.

J’ai visité l’atelier de Christian de Portzamparc et j’ai l’intention de réitérer cette expérience chez d’autres architectes pour discuter avec les uns et les autres. Ils sentent que les choses bougent et que la réflexion se poursuit, pour faciliter les grands gestes architecturaux, mais aussi, plus sérieusement, pour mieux intégrer la dimension architecturale dans les différents aspects de la vie quotidienne des gens, en particulier à travers le lotissement.

Le coût de fonctionnement global de la CNHI, en 2008, a été estimé à 7,2 millions d’euros, dont 1,7 million en provenance du ministère de la culture. Côté investissement, les autorisations d’engagement s’élèveront à 2 millions et les crédits de paiement à 3 millions. Ce lieu intéressant a suscité beaucoup de débats. On a dit que personne n’y est venu ; pour ma part, j’avais annoncé que j’irais et je m’y suis rendue le 10 octobre, comme prévu, pour une longue visite. Ce bel équipement de mémoire raconte une histoire forte et enrichit vraiment notre paysage muséal. Il jouera, je crois, un rôle particulièrement important en 2008, année européenne du dialogue interculturel, pour laquelle la France est tête de file. La CNHI, avec la Cité des sciences et de l’industrie et la Grande halle de la Villette, sera l’un des lieux phares pour faire vivre cette thématique.

M. Perruchot a salué la qualité du projet Louvre Abou Dhabi et je partage son analyse. Je rappelle qu’environ 1 milliard d’euros seront apportés à la France en échange de la reconnaissance internationale de son expertise. L’Agence France muséums a été un peu reformatée pour éviter qu’elle se disperse et faire en sorte qu’elle se recentre sur ses véritables missions, précisément sur Abou Dhabi, pendant tout le temps nécessaire. Elle recevra pour cela une rémunération de 165 millions d’euros, montant non négligeable. Cette belle vitrine française n’est pour l’instant chargée d’aucun autre projet. Nous menons cependant d’autres actions, notamment le Louvre Alanta, qui court sur trois ans et en est à sa deuxième année, avec environ deux expositions par an et un échange de quelque 25 millions d’euros.

D’autres projets s’inscrivent dans le cadre du FRAME, le French régional & american museum exchange, auquel participent quelque vingt-cinq musées français et américains. Nous aimerions que le prochain voyage du Président en Chine soit l’occasion de relancer le projet du Centre Pompidou à Shanghai mais j’ignore si cela sera possible car il semble assez enlisé.

Il a également été question du pilotage des musées de France. Nous sommes tous conscients que ces dernières décennies ont donné lieu à des mutations fortes et qu’il est difficile de s’y retrouver, avec la création d’établissements publics et de structures comme la réunion des musées nationaux – la RMN – et la direction des musées de France. Une réflexion d’ensemble est en cours dans le cadre de l’exercice de révision générale des politiques publiques ; tout est mis sur la table pour déterminer comment mieux organiser les choses ; différentes options sont envisagées et rien n’est tranché.

Lors de la première réunion avec M. Claude Guéant et M. Jean-Paul Faugère, qui pilotent toute l’opération, nous n’en étions pas au stade de l’évocation des scénarii possibles mais à celui de l’écoute de notre auditeur – une mission d’inspection générale est en effet diligentée dans chaque ministère –, lequel a fait état de ses premières appréciations, sans remettre en question ni la structure du ministère ni même ses missions, il convient de le souligner.

Nous allons bien entendu accomplir des efforts conséquents au niveau de l’administration centrale en réduisant probablement le nombre de directions centrales et en procédant à des regroupements. Pour le reste, plusieurs pistes sont envisagées. Peut-être convient-il de rapprocher la RMN et le Centre des monuments nationaux, le CMN. Nous sommes en train de tout expertiser et des changements très importants interviendront certainement au cours de l’année pour améliorer le pilotage. Quelles missions doivent être confiées à un établissement public ? Quels services à compétence nationale sont nécessaires ?

Il est vrai que l’ancien système centralisé n’était pas idéal. Il est vrai aussi que la démarche des établissements publics s’est arrêtée en chemin et que les transferts de gestion, concernant, par exemple, le personnel, n’ont pas eu lieu, sauf au Louvre, mais ils disposent d’une large autonomie. En tout cas, nous vivons de grandes mutations.

M. Jean-Pierre Brard. Que fait M. Guéant là-dedans ?

M. Marcel Rogemont. C’est l’ancien préfet de la région Bretagne !

Mme la ministre de la culture et de la communication. M. Guéant a été placé, avec M. Faugère, à la tête du comité de suivi de la révision générale des politiques publiques.

M. Jean-Pierre Brard. C’est anticonstitutionnel !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Ce sont donc eux qui auditionnent les ministères.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une ingérence inadmissible… à moins qu’il se contente de faire le procès-verbal ! (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce sujet n’est pas à l’ordre du jour.

M. Marcel Rogemont. Mais la remarque est pertinente.

M. Michel Herbillon. Celle du président Méhaignerie ne l’est pas moins. (Rires.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Revenons à l’ordre du jour.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Le mécénat, depuis la loi de 2003, a remporté un grand succès : 1 milliard d’euros environ ont été collectés auprès des entreprises, dont à peu près 30 % au profit de la culture, et autant auprès des particuliers, dont à peu près 5 % au profit de la culture. Les résultats sont donc extrêmement probants. Nous souhaitons élargir encore les possibilités de mécénat ouvertes aux particuliers et nous réfléchissons à des solutions pour les institutions de droit privé œuvrant dans le spectacle vivant, qui ne peuvent actuellement en bénéficier.

Pour les propriétaires privés de monuments historiques, le mécénat est aujourd’hui possible à deux conditions : le lieu ne doit pas être trop exploité commercialement et il doit être ouvert au public. Nous sommes en pleine négociation avec Bercy : nous cherchons à ce que la notion d’ouverture au public prenne en considération la saisonnalité de la fréquentation et nous voudrions que les travaux favorisant l’accès des personnes handicapées soient exclus du seuil commercial, fixé à 60 000 euros de recettes.

Les monuments historiques ont également fait l’objet de nombreuses interrogations de la part de M. Patrick Bloche qui a parlé à ce propos de « crédits en trompe-l’œil ». Je maintiens au contraire – lors de ma conférence de presse, j’ai été parfaitement sincère – que le budget, dans les circonstances actuelles de réforme de l’État, est satisfaisant. Les crédits des monuments historiques s’établiront entre 303 et 304 millions d’euros. Bien sûr, cette année, la situation a été favorable puisque nous avons perçu deux fois la part de la taxe sur les mutations, soit deux fois 70 millions d’euros, ce qui a porté les crédits au montant formidable de 370 millions d’euros. Cela a permis de relancer ou de mener à bien quantité de chantiers, en centrant particulièrement l’effort sur les monuments historiques de l’État : environ 1 500 chantiers ont redémarré, dont 500 concernant des monuments propriété de l’État.

Maintenant que la taxe est rebudgétée, nous revenons à l’étiage normal. Il est certain que nous souhaiterions davantage ; loin de moi l’idée de prétendre le contraire. Différentes instances et missions d’expertise, notamment une commission du Sénat, ont estimé les besoins à 350 voire 400 millions d’euros. Dans son discours d’inauguration de la CAPA, le Président de la République a évoqué ce dernier montant ; je m’efforcerai de le rappeler.

M. Michel Françaix. Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Quoi qu’il en soit, nous réfléchissons à une mesure extrabudgétaire pérenne, qui sécuriserait tous les propriétaires de monuments historiques, les collectivités locales comme les privés. Sur les 304 millions d’euros, 200 millions environ financeront des travaux d’entretien et de restauration en région et un effort supplémentaire de 20 millions d’euros sera réalisé pour les monuments appartenant aux collectivités locales et aux particuliers. Reste que les effets du gel, que nous avons évoqué tout à l’heure, seront aussi sensibles dans ce domaine.

M. Bloche m’a également interrogée à propos du MUCEM. Comme j’ai eu l’occasion de le dire de vive voix à Jean-Claude Gaudin, Paris étant déjà dotée de très nombreux équipements, il est important que nous ayons un grand projet en région, et le localiser à Marseille revêt un intérêt symbolique. Tout a été fait pour rendre possible son épanouissement : 2 millions d’euros ont été inscrits en crédits de paiement pour les études préalables aux travaux et 23,5 millions d’euros en autorisations d’engagement pour la construction du centre de conservation et de réserve des collections. Le mouvement est donc lancé et je souhaite vivement que le MUCEM voie le jour ; nous attendons des arbitrages et le projet scientifique peut être discuté.

Le MUCEM était supposé produire les collections du Musée national des arts et traditions populaires, le MNATP, une partie de celles du Musée de l’homme – son fonds Europe –, du Palais de la Porte Dorée et du Musée des arts décoratifs. Le fonds est donc énorme : le MUCEM pourrait devenir un musée des arts et civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, ce qui rejoindrait l’un des thèmes de prédilection du Président de la République. L’ouverture à l’art permettrait de diversifier les thèmes d’expositions et d’utiliser les fonds d’État, ce qui justifierait notre engagement massif. Nous réfléchissons donc au projet scientifique, mais la volonté de créer ce grand équipement en région est partagée, je crois, au plus haut niveau de l’État.

Pour ce qui est du choix entre l’île Seguin et le Palais de Tokyo – car il me semble clair que nous ne pourrons pas réaliser les deux projets –, la décision est attendue. Au Palais de Tokyo, il existe déjà un espace contemporain, dédié au design et aux grandes monographies de peintres vivants à la carrière très affirmée ; le projet est intéressant puisqu’il s’inscrit dans la continuité de ce que l’on peut attendre du Centre Pompidou. Pour l’île Seguin, il faut examiner le degré d’engagement des collectivités locales, les perspectives de développement et même les caractéristiques exactes du projet, qui ne sont pas tranchées du tout.

M. Bloche m’a également interrogée sur l’accès à la culture en soulignant le repli du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Je signale tout de même que ce dernier abrite aussi les moyens du ministère et que l’effort de gestion, qui se traduit par une baisse de dépenses de 5 %, se répercute sur le niveau des crédits. Les crédits de l’éducation artistique et culturelle progressent de 6 %, mais nous avons effectivement souhaité fusionner les actions 4 et 5 de 2007 – « Actions spécifiques en faveur des publics » et « Politiques territoriales » – et insister sur les opérations les plus pertinentes, avec un accent particulier mis sur l’éducation artistique et culturelle.

Avec les DRAC, les SDAP, services départementaux de l’architecture et du patrimoine, le SNT, service national des travaux, le CMN et l’EMOC, l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, il est en effet assez difficile actuellement de s’y retrouver dans la maîtrise d’ouvrage. Nous avons été obligés de faire transiter le produit de la taxe sur les mutations via le CMN, qui n’étant pas équipé pour assumer cette tâche, a dû le faire gérer par les DRAC. La rebudgétisation va mettre un terme à cette complexité bien française, mais cela ne nous dispense pas d’une réflexion. Je viens donc de charger Mme Catherine de Salins et M. Jean-Paul Godderidge – qui était encore récemment DRAC de la Martinique –, d’une mission sur l’ensemble de cette problématique : comment organiser et mettre en cohérence la maîtrise d’ouvrage et avec quels acteurs ? J’attends les résultats de cette mission dans les tout prochains mois.

Le processus d’élaboration des décrets relatifs à l’assistance à maîtrise d’ouvrage et au contrôle scientifique et technique, consécutifs à l’ordonnance de 2005 sur l’aide aux collectivités locales et aux particuliers propriétaires de monuments, est très avancé ; ils seront transmis incessamment au Conseil d’État et sortiront au tout début de 2008.

J’adhère à l’idée d’une loi de programmation sur cinq ans car cela rejoint la logique des contrats d’objectifs et de moyens, en particulier pour les établissements publics et les monuments. Nous avons cependant le souci de ne pas nous priver de notre marge d’action ; nous évitons donc de nous imposer des contraintes lourdes difficiles à tenir.

Dans les échanges avec le ministère du budget, nous serons très attentifs à la question du taux réduit de TVA de 5,5 %. Plus largement, je le répète, nous sommes actuellement en discussion soutenue sur tout ce qui concerne l’extension du dispositif de mécénat et les aides aux propriétaires privés. Nous portons résolument cet objectif car nous pensons que le patrimoine est une responsabilité partagée. On aimerait toujours que les crédits d’État soient supérieurs, mais il est intéressant de noter qu’ils ont une force d’impulsion, un effet multiplicateur considérable : une action sur laquelle nous mettons 100 parvient souvent à récupérer 200 supplémentaires.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Je m’efforcerai de ne pas excéder les dix minutes qui me sont accordées en qualité de porte-parole du groupe UMP.

Ce budget étant le premier depuis votre arrivée rue de Valois, madame la ministre, vous comprendrez que au-delà de l’examen proprement dit des crédits, notre rencontre soit l’occasion – mes collègues qui se sont exprimés auparavant l’ont déjà fait – de vous interroger sur les différents secteurs de la politique culturelle et sur les pistes de réflexion et de réformes que vous avez tracées, dans le droit fil des orientations fixées par le Président de la République dans la lettre de mission qu’il vous a adressée.

Le budget 2008 de la culture, vous l’avez dit, sera avant tout un budget de consolidation des politiques. Dans le contexte actuel de maîtrise nécessaire des dépenses publiques, on peut souligner l’effort budgétaire réalisé par le Gouvernement en faveur de la culture, avec une hausse des crédits de 3,2 %.

Cette politique de consolidation se traduit notamment, en matière de patrimoine, par la relance du soutien au secteur des monuments historiques. Chacun a néanmoins conscience que l’effort budgétaire en la matière doit être non seulement poursuivi mais accru, afin de se rapprocher de l’objectif de 400 millions, que vous avez rappelé. Soulignons que vous avez décidé de donner un coup de pouce, l’année prochaine, aux travaux sur les monuments n’appartenant pas à l’État et sur ceux situés en région.

Les moyens alloués au spectacle vivant sont également consolidés : ses 640 millions d’euros de crédits en font le premier poste budgétaire du programme « Création ». Cela permettra de soutenir le réseau très dense de structures : 1 200 compagnies conventionnées, 70 scènes nationales pluridisciplinaires, des orchestres, des opéras, des centres dramatiques, qui constituent l’un des maillages les plus riches d’Europe, voire au-delà. Vous le savez, madame la ministre, la représentation nationale est très attachée à cette richesse culturelle.

Cela dit, au vue de l’ampleur des subventions allouées et de la variété des catégories d’aides existantes – plus d’une quinzaine –, le Président de la République, dans sa lettre de mission, vous a demandé d’évaluer l’efficacité de notre politique de soutien public. Vous avez annoncé que vous engagiez une réflexion sur la création. Pourriez-vous préciser où vous en êtes dans cette réflexion ? Quelles réformes sont envisagées, sachant que vous avez souligné votre volonté d’optimiser l’allocation des moyens et que le Président de la République vous a demandé de mieux prendre en compte les attentes du public parmi les critères d’évaluation ? Ce sujet est crucial, tant le spectacle vivant occupe une place particulière dans notre politique culturelle et dans le désir de culture de nos compatriotes.

M. Jean-Pierre Brard. Doc Gynéco va remplacer Molière ! (Sourires.)

M. Michel Herbillon. Le projet de budget 2008 dégage des priorités qui me paraissent intéressantes ; j’en évoquerai quelques-unes.

La première est l’éducation artistique et culturelle ; vous n’en avez pas encore parlé ce matin, mais elle bénéficiera d’une hausse de crédits de 6 %. Cette progression significative témoigne sans nul doute de l’attention que vous entendez légitimement porter à ce secteur, ce qui constitue évidemment un préalable et une condition à toute démocratisation culturelle. Cela dit, le sujet a régulièrement été abordé par vos prédécesseurs…

M. Michel Françaix. Depuis cinq ans !

M. Michel Herbillon. Il est récurrent depuis que je siège à l’Assemblée nationale, et il l’était auparavant, les collègues plus anciens le savent, mais l’on ne perçoit pas toujours clairement la traduction des objectifs ministériels. Je souhaite par conséquent que l’on passe du temps de l’incantation à celui de l’action. Quelles actions concrètes seront mises en œuvre grâce aux moyens nouveaux que vous accordez à l’éducation artistique ? Plus généralement, quels objectifs vous êtes-vous fixés dans ce domaine ?

La deuxième priorité n’a pas été évoquée non plus : les arts plastiques voient leurs moyens croître de plus de 10 %. À cet égard je veux vous questionner spécifiquement sur le marché de l’art.

Même si le succès remporté cette année par la FIAC est une très bonne nouvelle pour le positionnement de Paris sur le marché de l’art contemporain, nous sommes nombreux, comme vous, madame la ministre, à nous préoccuper du retard de la France par rapport à ses principaux concurrents, notamment anglo-saxons. Vous avez déclaré, dès votre arrivée au ministère, que vous prendriez ce dossier à bras-le-corps, et vous avez lancé un plan de renouveau pour le marché de l’art français. Quels sont les axes de travail suivis par Martin Bethenod, le commissaire général de la FIAC, à qui vous avez confié une mission de réflexion sur ce sujet très important ?

Troisièmement, vous l’avez souligné, le projet de budget pour 2008 dégage des moyens en faveur de la poursuite du schéma directeur de Versailles – c’est une bonne chose, car il s’agit d’un plan à long terme –, pour la rénovation du quadrilatère Richelieu, dont il avait déjà été question lors de l’examen budgétaire de l’an dernier, ainsi que pour le lancement des deux grands projets concernant le centre d’archives de Pierrefitte-sur-Seine et le grand auditorium de la Villette. Quelles sont vos intentions concernant les autres projets, auxquels seront consacrés, en 2008, des moyens assez minimaux, dans l’attente, avez-vous dit, d’une réflexion globale sur la révision générale des politiques publiques ?

J’ai entendu vos commentaires sur le Palais de Tokyo et le Centre européen de création contemporaine de l’île Seguin. Tout cela semble en gestation, imprécis ; il faudra assez rapidement y voir un peu plus clair car ces projets culturels nécessitent une réflexion en profondeur et une mobilisation de crédits incompatibles avec une telle incertitude.

Cette remarque vaut plus encore pour le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Il est tout de même étonnant, alors que ce projet est sur la table depuis plusieurs années, que l’on s’interroge encore sur ses orientations scientifiques et sur les collections qui seront réunies. Il nous paraissait jusqu’à présent mieux engagé que vous ne le laissez entendre maintenant. Je voudrais que vous nous rassuriez quant à sa pérennité en nous indiquant le calendrier prévu.

S’agissant de l’Opéra, je voudrais vraiment vous entendre…

M. Marcel Rogemont. Chanter ? (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce n’est pas l’usage !

M. Michel Herbillon. Il est arrivé que l’on chante dans l’hémicycle mais j’ignore si Mme la ministre est mezzo-soprano ou coloratur. (Sourires.)

L’état de dégradation avancé de l’Opéra Bastille est extrêmement alarmant et donne une piètre image de notre pays. Où en est la rénovation ou la restauration de cet équipement pourtant récent ?

Je terminerai mon propos en évoquant quelques motifs d’inquiétude en matière de politique culturelle.

La filière de l’industrie du disque s’effondre. Le repli extrêmement rapide du marché, qui a approché 20 % au premier semestre 2007, est très inquiétant. Le Président de la République vous a d’ailleurs demandé, dans sa lettre de mission, de mettre sur pied un plan de sauvetage. Outre la solution de la baisse de la TVA sur le disque, autre serpent de mer de nos débats, vous avez envisagé, avec les professionnels du secteur, plusieurs voies de sortie de crise. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les actions que vous entendez mener en la matière, sur leur calendrier et sur les premiers résultats de la mission Olivennes concernant le droit d’auteur et le piratage sur Internet, sujets qui conditionnent évidemment l’avenir du disque ?

Un autre motif d’inquiétude concerne le secteur du livre – auquel j’avais consacré, il y a deux ans, mon rapport budgétaire pour avis au nom de la commission de la culture – et, plus précisément, la situation des librairies indépendantes. Vous venez de manifester votre intérêt pour ce secteur en décidant de doubler les aides du CNL, le Centre national du livre, aux librairies. Vous devez par ailleurs présenter prochainement un plan Livre. Quelles seront ses caractéristiques principales ? Où en est le projet de création éventuelle d’une agence nationale du livre, disjointe de la direction du livre et de la lecture ? Pouvez-vous nous confirmer que le plan Livre comportera la création d’un label pour les librairies indépendantes de référence ? Ce serait un bon moyen de soutenir l’économie de ce secteur.

L’idée de gratuité dans les musées appelle de ma part des remarques plutôt qu’elle ne suscite des inquiétudes. Deux objectifs doivent être recherchés : l’expérience doit se traduire par un réel élargissement des types de publics fréquentant les musées, et par une démocratisation culturelle effective. Il convient en vérité d’éviter les effets d’aubaine, de repenser la mesure au regard des conséquences financières – cette année, elle a coûté 2,2 millions d’euros – et d’obtenir des résultats.

Si, d’aventure, ces derniers n’étaient pas conformes à nos souhaits, il existerait un véritable risque de régression. En effet, dès lors que la gratuité sera instaurée, même de manière expérimentale, sera-t-il possible de revenir en arrière ? Avant de généraliser l’initiative, il importe par conséquent d’évaluer son impact réel sur la fréquentation des musées, et vous venez de confier cette tâche à un opérateur. Il serait utile que la représentation nationale soit saisie très en amont de ce sujet et associée à la réflexion et à l’examen de l’expérience car nos concitoyens sont très attachés aux musées.

Enfin, où en est votre réflexion à propos de la possibilité éventuelle, pour les musées et les FRAC, les fonds régionaux d’art contemporain, de céder leurs œuvres d’art, en contradiction avec le principe d’inaliénabilité ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Dans le contexte actuel, si la représentation nationale veut asseoir son autorité, elle doit dégager quelques priorités plutôt que de multiplier les exigences.

La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Nous allons donc nous efforcer de dégager quelques priorités, monsieur le président. (Sourires.)

Nous sommes dans le même état d’esprit que la semaine dernière : il ne s’agit pas d’un budget de rupture, mais d’un budget de continuité, sur fond d’épuisement de la politique culturelle de l’État et de transferts de charges vers les collectivités territoriales. Vous avez presque reconnu le tour de passe-passe consistant à rebudgétiser la taxe affectée au Centre des monuments nationaux. Comme l’a très bien dit le rapporteur pour avis, la hausse réelle de ce budget doit donc plutôt se situer aux alentours de 0,2 % ; quel que soit le montant de l’inflation que les uns ou les autres veulent bien donner, cela signifie qu’il est en régression. Cela s’inscrit dans le cadre de la politique générale de réduction de la place de l’État et du service public.

Vos réponses, madame la ministre, sont prononcées avec tellement d’honnêteté intellectuelle qu’il est un peu délicat d’insister pour montrer les insuffisances de ce budget.

Le projet de Centre d’art contemporain de l’île Seguin est-il abandonné ? Ai-je bien compris ?

Vous avez vous-mêmes qualifié de « convenables » les crédits à la création et au spectacle vivant. C’est une façon d’admettre qu’ils stagnent.

Pour ce qui concerne les crédits à la transmission des savoirs, nous sommes tous d’accord : c’est une hécatombe. Si je me trompe, vous me contredirez, mais le soutien aux établissements d’enseignement spécialisé de la musique, de la danse et du théâtre me semble chuter de 2 millions d’euros environ. La raison est facile à comprendre : puisque ces aides seront bientôt transférées, il vaut mieux réduire les sommes que l’État devra verser en compensation aux collectivités territoriales ; ces dernières devront alors accomplir les efforts que l’État n’aura pas faits au cours des deux années précédentes.

Le plus grave concerne la démocratisation culturelle : les fédérations d’éducation populaire, sacrifiées ; les associations de lutte contre l’exclusion, sacrifiées ; les contrats de ville, sacrifiés ; l’action culturelle dans les cités, sacrifiée. Pour ne pas accumuler les priorités, je m’arrêterai à ces quatre points, en espérant que votre réponse m’éclairera.

Qu’allez-vous faire pour l’éducation et la pratique artistiques dans les établissements scolaires et universitaires ? Sommes-nous d’accord pour reprendre le plan Tasca-Lang, comme Michel Herbillon l’a presque suggéré ? Sommes-nous d’accord pour faire de ce chantier l’une des priorités des prochaines années ? Sommes-nous d’accord pour relancer la présence artistique en milieu scolaire, qui fait défaut depuis plus de cinq ans, afin d’élargir les publics ?

Je terminerai mon propos en expliquant comment j’ai compris la lettre de mission du Président de la République et je voudrais être sûr que votre interprétation n’est pas totalement différente de la mienne. Il y est question de favoriser « une offre répondant aux attentes du public ». Cela signifie-t-il « dites-leur ce qu’ils veulent entendre » ? Est-ce l’application automatique de l’audimat ? Qu’attend le public ? Pour moi, c’est la qualité de l’offre qui élève le niveau de la demande. Partagez-vous cet état d’esprit ? Sont également évoquées « des obligations de résultat ». Pourquoi pas ? Cette lettre dessine une culture de masse dans laquelle les Français apprennent à aimer le patrimoine de leur pays, c’est bien, mais pourquoi ne pas faire référence à l’art comme outil critique ? Irez-vous dans ce sens ?

Les plus beaux discours sur la culture resteront toujours insuffisants s’il manque l’effort de la nation pour lui apporter un soutien partout dans le pays. L’année prochaine, j’espère ne pas vous entendre présenter un budget de la culture ressemblant à un kit de survie.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je me dois de commencer par une question de principe : ladite lettre de mission est illégitime, il faut toujours le rappeler, car elle viole l’article 5 de la Constitution. Un ministre de la République ne devrait donc pas s’y référer. Vous n’avez pas à faire comme si une nouvelle Constitution avait déjà été adoptée.

Madame la ministre, vous ne gérez pas l’essentiel des régimes spéciaux et je crains que vous ne soyez une victime collatérale. Imaginez Rudolf Noureev ou Claude Bessy en train de sauter sur la scène à soixante ans ! On ne pourrait leur confier que des rôles de porteurs de hallebardes ! (Sourires.) Cette affaire des régimes spéciaux de la culture, évoquée par notre collègue Mme des Esgaulx, n’est qu’un prétexte grotesque, y compris pour ce qui concerne les techniciens, compte tenu du nombre de personnes concernées.

Vous avez parlé de partenariat public-privé, madame la ministre. Je ne saurais trop vous inviter à vous renseigner sur ce qui se passe, par exemple, à la Scala de Milan : les sponsors privés achètent tellement de places pour satisfaire les fantasmes de leurs clients que les usagers ordinaires n’ont presque plus accès aux représentations. Suivre l’exemple de Berlusconi n’est certainement pas une bonne option.

Je ne m’étendrai pas sur l’architecture mais, puisque vous visitez de grands ateliers, je vous invite volontiers à venir en visiter de petits, à Montreuil, notamment celui de l’auteur du dernier pont sur la Seine, Dietmar Feichtinger, un Montreuillois de talent, certes un peu d’origine autrichienne – c’est toujours à l’Est. (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Avec toutes les invitations que vous lancez, il faudrait organiser un conseil des ministres décentralisé à Montreuil ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je n’invite pas tout le monde. À Montreuil, la délivrance des visas est individuelle ! (Rires.)

J’en viens à la politique du cinéma, déjà abordée par notre collègue Marie-Hélène des Esgaulx.

Après ce qui est arrivé aux cinémas italien – avant Berlusconi – allemand ou britannique, notre système de financement de la création cinématographique est malheureusement à peu près unique dans le monde. Madame la ministre, je souhaiterais vous entendre confirmer les propos fort clairs que vous avez prononcés à Dijon, je crois, la semaine dernière ou il y a quinze jours. Cela encouragerait tous ceux qui défendent les cinémas municipaux et associatifs ainsi que les petits propriétaires de salles privées, qui exercent leur travail dans des conditions pas toujours évidentes. Ce réseau, qui innerve tout le territoire national, est inséparable de la politique d’aménagement du territoire laquelle ne saurait concernait uniquement les routes. Je souhaite donc que vous renouveliez votre engagement très clair, madame la ministre, et je vais vous poser des questions précises.

Le CNC est partiellement financé par un prélèvement sur les entrées dans les salles de cinéma. Or, vous le savez, deux grands exploitants, UGC et M. Karmitz, qui prétend aux qualités d’homme de gauche et d’intellectuel…

M. Michel Herbillon. Sous-entendez-vous que c’est totalement incompatible ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cela peut aller de pair, mais le double mensonge est aussi possible. (Sourires.)

Je disais donc que ces deux gros exploitants siphonnent les ressources du CNC avec leur fameuse carte à 10 euros. Et comment s’en sortent-ils ? Vous le savez bien, madame la ministre, ils font leur beurre, si j’ose dire, avec les produits dérivés, qu’ils vendent à des prix exorbitants : ainsi, quand vous allez au cinéma, vous entendez la cellophane et les mandibules. (Sourires.) Cela est d’ailleurs un peu contradictoire avec les campagnes contre l’obésité, et nous empruntons le chemin des États-Unis, pas plus exemplaire dans ce domaine que dans d’autres.

Pour empêcher quiconque de se soustraire au nécessaire financement du CNC, ne serait-il pas possible d’assujettir les produits dérivés à une taxe de même taux que celle sur les places de cinéma ? Les recettes sur les produits dérivés ne sont en effet réalisées que sous prétexte de présenter des films, les billets d’entrée étant eux-mêmes assujettis à cette participation. Une telle mesure serait morale et ne pèserait aucunement sur le budget de l’État puisqu’elle serait liée à l’activité. Et je vois que Mme des Esgaulx m’écoute attentivement.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Toujours !

M. Jean-Pierre Brard. Cependant soustraire ses recettes en vendant des produits d’appel est une application du principe de libre concurrence, auquel, au moins par solidarité gouvernementale, vous êtes très attachée, madame la ministre. Quelles est votre position sur ce point, si vous en avez une ? Si vous n’en avez pas, verriez-vous un inconvénient à ce que le Parlement mène une réflexion avec les exploitants de salle, dans leur diversité, les grands mais aussi tous les petits, petits privés, salles municipales et salles associatives ? Ceux-ci, bien que ne réalisant pas l’essentiel des entrées, représentent, je crois, 30 à 40 % des salles du pays et font vivre le cinéma.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je remercie d’abord Michel Herbillon d’avoir rappelé que ce budget représente un effort de l’État de plus 3,2 % et d’avoir souligné l’ampleur du maillage culturel institutionnel français, notamment dans le domaine du spectacle vivant. Au fond, le grand rêve d’André Malraux de parvenir à une offre culturelle de qualité et de proximité devient de plus en plus réalité.

Comment procéder à l’évaluation ? À cet égard je répète que je souhaite généraliser un système de conventionnement fondé sur les critères de bonne gestion, de diffusion des œuvres, de participation à une politique de scènes artistiques dynamique, de fréquentation annuelle et de rencontre entre la programmation et les publics. J’ai demandé que de telles conventions soient systématiquement passées. Je ne crois pas que cela a été le cas, par exemple, lorsque a été nommé l’actuel directeur du Théâtre de l’Odéon. C’est pourtant utile pour évaluer l’équilibre entre les différents lieux sur l’ensemble des territoires, ainsi que la fidélité aux grandes missions initiales.

À Paris, le Théâtre national de la Colline, le Théâtre national de Chaillot et la Comédie-Française ont chacun leur propre type de programmation, de même que l’Odéon, qui ne doit pas perdre de vue qu’il a vocation à être le théâtre de l’Europe. Recentrer les lieux sur leurs grandes missions initiales ne leur interdit pas de faire d’autres choses ; la diversité est toujours la bienvenue, mais il convient de ne pas abandonner sa personnalité.

Ce système de conventions comportant un engagement réciproque tout à fait normal sera donc généralisé, avec un suivi, pour examiner si les critères fixés au départ ont été respectés. Les nominations iront aussi dans ce sens. Parmi celles auxquelles je viens de procéder, j’ai fait, pour Chaillot, le choix de la chorégraphie, car la danse mérite un lieu dédié, surtout au moment où le Théâtre de la Ville va connaître des évolutions. José Montalvo et Dominique Hervieu sont tout à fait désireux de ce partenariat, qui donnera un bon exemple de ce que nous pouvons mettre en œuvre.

L’éducation artistique et culturelle est un sujet ancien, je vous en donne acte ; je travaillais d’ailleurs à Matignon entre 1986 et 1988, lors de l’élaboration du « plan Landowski » de l’époque. Vous avez fait allusion aux initiatives prises par Jack Lang et Catherine Tasca. Nous souhaitons évidemment tous que les engagements deviennent réalité ; c’est pourquoi nous réalisons un effort budgétaire particulier avec une progression des crédits de 6 %.

Certains aspects dépendent directement de l’éducation nationale, comme la prise en compte de l’histoire des arts dans toutes les matières. Ce qui relève de notre responsabilité, c’est la mise à disposition des professionnels de la culture. Nous disposons d’un réseau considérable d’établissements d’enseignement supérieur et d’écoles spécialisées que nous voudrions mobiliser pour former des professeurs dans les IUFM ou dans le cadre de la formation continue. Nous souhaitons explorer la piste des partenariats via des conventions DRAC ou rectorat, pour jumeler, en quelque sorte, établissements scolaires et établissements culturels, dans leur variété, en fonction de la présence, localement, d’une bibliothèque ou d’un conservatoire, par exemple.

La dimension numérique est également importante. L’Institut national de l’audiovisuel, est un organisme très dynamique qui a pris énormément d’initiatives intéressantes en matière de numérisation des ressources, en particulier des ressources patrimoniales d’établissements publics comme le château de Versailles. Il faut maintenant construire des partenariats avec l’INA pour que ces moyens numériques soient mis à disposition des établissements scolaires.

La présence d’artistes doit naturellement être favorisée. Les derniers accords passés avec les artistes et les techniciens, qui prévoient la prise en compte de cent vingt heures d’enseignement par an, vont dans ce sens. La mission confiée à Éric Gross devrait s’achever d’ici à la fin de l’année ; il continue de consulter et j’espère que nous allons pouvoir élaborer un plan concret.

Dans les lettres de mission que Xavier Darcos et moi avons reçues, il nous est demandé d’approfondir notre collaboration, et c’est une chance, car, par le passé, il est arrivé que les cultures différentes s’affrontent : l’éducation nationale n’aime pas toujours que la culture s’invite chez elle, et on constate aussi parfois l’inverse. Rien n’est aisé car, si les enseignants se passionnent à l’idée de faire découvrir des spectacles ou d’autres choses à leurs élèves, ils hésitent lorsqu’il s’agit de passer à l’organisation de déplacements, qui s’avère lourde, à cause de la réglementation en vigueur, du principe de précaution, d’une certaine judiciarisation de la société. En dépit de cette réalité ennuyeuse à laquelle se heurte notre ambition, nous espérons porter de vrais projets.

Vous avez relevé l’augmentation de 8 % des crédits consacrés aux arts plastiques, qui permettra de poursuivre la politique d’investissement en cours. De grands événements se tiennent en France, comme la Triennale d’art contemporain ou Monumenta ; Anselm Kiefer a obtenu un grand succès et nous espérons qu’il en sera de même pour Richard Serra. De grandes opérations sont également organisées en région autour des arts plastiques, comme la Biennale de Lyon ou le Printemps de septembre de Toulouse, que j’ai visités.

Là aussi, le maillage est très important. Si le marché ne se décrète pas, on peut créer des conditions plus favorables à son éclosion ou à son renforcement. C’est le sens de la mission d’expertise confiée à Martin Bethenod : quelles pistes retenir ? Comment lancer de belles collections ? Quelles mesures adopter ? Nous tombons souvent sur des mesures fiscales ; le drame du ministère de la culture, c’est qu’il n’est pas seul à décider, que tout dépend des discussions interministérielles et qu’il a besoin du soutien de Bercy avant d’emporter les décisions du Premier ministre. Des mesures fiscales – sur la TVA d’importation, par exemple, mais nous ne sommes pas les seuls décideurs – ou allégeant une réglementation parfois lourde et tatillonne peuvent inciter à commencer des collections ou pousser des artistes étrangers à s’installer en France.

Toutes ces idées sont en cours d’étude, pour créer les conditions d’un essor du marché de l’art. La commande publique joue aussi un grand rôle : j’ai été frappée par le nombre d’acquisitions réalisées par le FRAC que j’ai visité récemment. La façon dont travaille la commission chargée de l’achat d’œuvres et d’objets d’art contemporain et son périmètre d’action méritent d’ailleurs une réflexion ; puisqu’il s’agit d’argent public, il serait intéressant que l’État puisse mieux porter certains projets.

M. Jean-Pierre Brard. « Glasnost », « transparence », comme disait Gorbatchev !

Mme la ministre de la culture et de la communication. La commande publique est active. La photo, par exemple – je visitais hier encore, en dépit de la pluie diluvienne, l’exposition Photoquai, le long de la Seine – fera l’objet d’une commande publique de 331 millions sur le thème de la diversité. La photo est un art très intéressant qui touche beaucoup les gens et qui vaut la peine d’être porté par des politiques publiques. C'est d’ailleurs un sujet qui intéresse particulièrement le Président de la République.

M. Jean-Pierre Brard. Moi qui le croyais inculte en la matière ! Mais ne revenons pas sur sa vie privée...

Mme la ministre de la culture et de la communication. Vous avez également souligné, monsieur Herbillon, la nécessité de faire des choix en matière de grands projets. Vous avez raison. Si nous avons ouvert des dossiers, ce n’est pas pour les refermer dans un an et demi, mais pour prendre des décisions dans les mois qui viennent, c’est-à-dire en début d’année 2008 au plus tard.

L’idée de transposer purement et simplement le musée des arts et traditions populaires ailleurs n’était pas, depuis le début, une idée satisfaisante. Le MUCEM, en raison à la fois de l’ampleur des collections disponibles et de la dimension euroméditerranéenne voulue par le Président de la République, peut être un très beau projet. La ville veut un équipement en région avec un engagement très fort de l’État, et il y a là matière à donner un signal sur le plan national comme d’ailleurs sur le plan international. Nos choix budgétaires rendent en tout cas possible le développement de cet équipement. Il faut maintenant s’entendre sur le projet scientifique. Le mien est d’aller vers un musée des arts et des civilisations qui utilise ce dont nous disposons et qui s’ouvre à la dimension artistique. Il faudra que la décision soit prise d’ici à la fin de l’année car l’on a beaucoup trop attendu sur ce dossier.

Pour ce qui est de l’Opéra Bastille, monsieur Herbillon, vous en avez souligné l’état un peu fâcheux. Les travaux sont estimés à 80 millions d’euros environ, qui seront pris en compte dans le cadrage budgétaire négocié avec le futur directeur, Nicolas Joël. Il faudra les étaler dans le temps, mais c'est une dépense qui n’est pas mince pour un équipement qui n’est pas très ancien. C’est là un vrai souci.

M. Michel Herbillon. L’état de dégradation de l’Opéra Bastille, madame la ministre, date...

M. Jean-Pierre Brard. De 1789 !

M. Michel Herbillon. ...presque du lendemain de son achèvement. Dans le cadre du contentieux engagé, l’État a-t-il récupéré des fonds, et les travaux vont-ils pouvoir être entrepris rapidement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je crains que nous n’ayons récupéré aucun fond.

M. Michel Herbillon. Manifestement, il y a eu des défauts de conception et de construction. Le grand escalier du public, par exemple, n’a été ouvert qu’un an. Alors que Paris est l’une des grandes scènes lyriques du monde, l’état de cet équipement public aussi récent donne de la France une image déplorable. Cela est d’autant plus regrettable que le positionnement de l’Opéra Bastille se voulait différent.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Des travaux sont menés puisque des plaques sont remplacées, mais, je le répète, le contentieux n’a pas permis de récupérer grand-chose.

Vous avez parlé, s’agissant de l’industrie du disque, de situation de sinistre. C'est parfaitement vrai. Là aussi, nous envisageons des mesures, notamment en matière de crédit d’impôt en faveur des maisons de production.

La principale action porte sur le piratage, objet de la mission Olivennes. Il est un peu difficile d’en parler aujourd’hui, car les négociations sont dans leur dernière phase. Un premier résultat a cependant été enregistré avec le rapprochement des deux industries du disque et du cinéma qui, jusqu’à présent, pensaient que leurs intérêts étaient divergents. Pour leur part, les fournisseurs d’accès, contrairement à ce qu’ils ont longtemps prétendu, ont reconnu disposer de tous les moyens de filtrage et de reconnaissance. Simplement, ce qu’ils ne veulent pas, c’est qu’on les oblige à faire la police à notre place. En revanche, ils sont prêts à aller loin dans tout ce qui est pédagogie ou encore alerte directe de l’internaute qui fraude.

En tout cas, les négociations en cours sont en bonne voie et de nombreux éléments pourront certainement faire l’objet d’une contractualisation, sans pour autant remettre sur le chantier la loi Dadvsi, dont l’élaboration avait été complexe. L’objectif est de mieux protéger les auteurs et les ayants droit, sans adopter pour autant une psychologie policière, mais en n’hésitant toutefois pas à dire aux jeunes, comme je le fais, que pirater un film, c’est une forme de vol. Cela suppose, en contrepartie, à la fois une offre légale attractive, à l’exemple des systèmes de forfait actuels – qui rendrait inutile le risque du téléchargement pirate –, et des acteurs qui, à la différence d’hier, trouvent intérêt à œuvrer ensemble.

Le livre est un sujet qui me tient à cœur. J’ai d’ailleurs décidé de doubler les crédits du Centre national du livre. Le grand chantier est celui de la numérisation, dans la perspective de la création d’une bibliothèque numérique européenne, c’est-à-dire un grand portail d’entrée ouvrant sur les différentes bibliothèques. Des négociations sont en cours entre la BNF et les éditeurs, la question restant à traiter étant celle des livres sous droits.

Je souhaite, par ailleurs, que l’on crée un label afin de définir des librairies de référence, ces espaces qui irriguent culturellement le territoire et qui constituent des lieux de rayonnement culturel, de convivialité et de conseil. Le livre est la première industrie culturelle en France : contrairement aux idées fausses qui circulent en la matière, les Français lisent beaucoup, et les jeunes Français sont les jeunes Européens qui lisent le plus. Il est vrai qu’à l’âge de treize ou de quatorze ans, beaucoup arrêtent de lire, mais ceux qui auront lu avant se remettront à lire. Tous ceux qui ont l’expérience d’enfants qui ne lisent plus ne doivent donc pas désespérer : un retour vers le livre est toujours possible.

Dans cet esprit, il convient, évidemment, de mieux aider les libraires indépendants. Une réflexion est en cours, à propos notamment de la taxe professionnelle. De même des discussions pourraient être engagées avec les collectivités afin de bâtir un réseau qui ressemblerait à celui des cinémas d’art et d’essai.

L’enjeu du livre est considérable, d’autant qu’il n’est pas aujourd’hui directement victime du piratage, et qu’il est donc encore possible d’agir en amont. On voit, en effet, apparaître des tentatives, comme celles d’Amazon, de numérisation de fichiers, au risque d’un contournement de la loi sur le prix unique. C'est un danger dont les libraires sont très conscients. En tout cas, je tiens à apporter une aide au livre par des mesures concrètes. J’ai ainsi engagé, avec Valérie Pécresse, une réflexion afin d’étudier des dispositions similaires à celles qui ont été prises en matière d’emplois étudiants, et d’ouvrir davantage les bibliothèques.

M. Jean-Pierre Brard. Il faudrait que les jeunes puissent y travailler le soir.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Ce n'est pas le cas aujourd’hui, en effet, avec des heures d’ouverture hebdomadaire en nombre limité, ce qui n’est pas très propice aux études.

Vous référant aux expériences en matière de gratuité des musées, vous avez demandé, monsieur Herbillon, si un retour en arrière serait possible. Ce sera le cas, bien sûr, si l’on s’aperçoit qu’il y a un effet d’aubaine et que la structure du public ne change pas. Cependant, la gratuité n'est pas une notion monolithique. Elle doit se décliner de bien des façons, à l’exemple de l’idée de gratuité ciblée qui a permis à quatre grands établissements parisiens de tenter l’expérience d’ouvertures spéciales le soir.

Je sais que le musée Guimet n’est pas enchanté par la gratuité.

M. Michel Herbillon. Vous avez le sens de la litote !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je le répète, il sera possible de revenir en arrière, car il s’agit d’une expérimentation circonscrite dans le temps et non d’une situation définitive déguisée.

L’aliénation des œuvres est un sujet très délicat. C’est pourquoi j’ai demandé à Jacques Rigaud, du fait de son expérience, de son parcours, de son âge et de sa connaissance du milieu, de réfléchir à cette question. D’ores et déjà, la loi de 2002 permet de déplacer les œuvres et, le cas échéant, de les aliéner et de les vendre, sous réserve de prendre, sur ce sujet extrêmement sensible, toutes les précautions utiles.

Plus généralement, il faut réfléchir à tous les endroits où il y a des œuvres : les musées ainsi que le FNAC et les FRAC, sachant qu’il n'est pas certain qu’ils aient vocation à être des musées ; cela pourrait même être une dérive. En la matière, en tout cas, deux positions sont possibles : soit l’on considère que tout ce que la puissance publique a acheté doit demeurer en sa propriété de façon intangible soit on estime que l’on peut aller vers une gestion plus dynamique des fonds, ce qui pourrait concerner plus particulièrement les FRAC.

Bien évidemment, la représentation nationale sera informée et associée à la réflexion sur tous les sujets qui intéressent les élus, qu’il s’agisse des monuments historiques, des musées ou du spectacle vivant.

Monsieur Françaix, vous avez parlé d’un épuisement de la politique culturelle de l’État.

M. Michel Françaix. Je parie que vous n’êtes pas d’accord !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je ne suis pas d’accord, en effet. Il n’y qu’à voir l’envie que le ministère français de la culture suscite à l’étranger.

M. Michel Françaix. Encore heureux !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Il est envié à juste titre, car il n’existe presque jamais d’équivalent.

M. Jean-Pierre Brard. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois !

Mme la ministre de la culture et de la communication. La responsabilité dont se sent investi l’État dans le domaine culturel est la marque de l’exception française : héritée du passé, elle s’enracine avec François 1er et court au fil des siècles. Pour autant, cette responsabilité ne doit pas conduire l’État à être arrogant. Il lui faut, au contraire, rester toujours prudent, même s’il compte vraiment, en tant que tel, dans ce domaine.

À cet égard, son engagement est très fort avec ce budget de 1,08 %, même si ce pourcentage ne représente pas une augmentation considérable. J’ai reconnu très franchement que certains crédits consolidés n’augmentent pas, mais nous sommes dans une phase de réflexion : dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il nous faut en effet réfléchir aux moyens d’être plus performants et d’optimiser les dépenses et la gestion. Il n’empêche que nous pouvons être fiers de notre ministère de la culture...

M. Michel Françaix. Il faut le rester.

Mme la ministre de la culture et de la communication. ...et de tout ce qu’il accomplit.

S’agissant des 70 millions d’euros, vous avez parlé, monsieur Françaix de tour de passe-passe.

M. Jean-Pierre Brard. La magie fait partie de la culture !

Mme la ministre de la culture et de la communication. La taxe correspondante, je l’ai dit lors de la conférence de presse, est rebudgétisée. Dans le domaine, par exemple, des monuments historiques, nous serons passés de 278 millions d’euros en 2001 à 303 millions d’euros, ce qui marque bien une évolution positive.

Le problème du ministère est qu’il est toujours en expansion du fait d’équipements et de besoins nouveaux, ce qui le conduit à développer sans cesse l’offre. On peut d’ailleurs se demander si, parallèlement, il ne faudrait pas, du fait d’un excellent maillage et d’une très grande offre culturelle, s’interroger sur les moyens de conforter la demande.

M. Michel Françaix. Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication. En tout cas, notre budget est très important.

Aucune décision n’a encore été prise pour l’île Seguin. Dans sa version antérieure, le projet ne pouvait, selon moi, être mené de front avec celui du Palais de Tokyo. Les collectivités locales – département des Hauts-de-Seine, ville – sont intéressées au premier chef, et il ne s’agit pas de laisser perdurer la situation, quelle que soit la forme que prendra le nouveau projet. Celui-ci fait partie de ceux sur lesquels des décisions devront être prises d’ici à la fin de l’année.

Le budget du spectacle vivant est consolidé, avec un total de 640 millions d’euros et mille lieux subventionnés, en dépit de la forte contrainte induite par le gel des crédits. Cependant celui de 5 %, intervenu en cours d’exercice avait été suivi d’un dégel et n’avait pas concerné le fonctionnement, mais seulement l’investissement. Cette année, nous devrons investir dans le cadre de nos engagements envers les collectivités.

Le programme qui a trait aux moyens consacrés à la transmission des savoirs est très disparate. Ses crédits diminuent cette année de 5 %, à la suite d’un effort de meilleure gestion et de productivité. Les crédits de l’éducation artistique, qui porte bien évidemment des enjeux de transmission des savoirs, augmentent, pour leur part, de 6 %. Les actions conduites seront examinées avec l’idée de les ouvrir le plus possible à des publics qui n’ont pas spontanément accès à la culture au moyen, par exemple, d’alliances entre les lieux culturels et les établissements d’enseignement, sachant qu’il serait intéressant de faire une place aux artistes pendant les heures d’enseignement.

Vous avez par ailleurs, à propos de l’offre culturelle, parlé de Doc Gynéco et de téléréalité. Telle n’est pas ma conception.

M. Michel Françaix. C’est en tout cas celle de votre lettre de mission.

Mme la ministre de la culture et de la communication. La lettre de mission parle de « populariser »,...

M. Jean-Pierre Brard. Pas « Peopoliser » ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. ...ce qui n’est pas un gros mot. L’adjectif « populaire » a été mis en avant par Jean Vilar en la matière.

Il s’agit de s’assurer que le public est présent. Je suis, à cet égard, toujours surprise et même admirative de l’appétit que le public témoigne en France pour toutes sortes d’œuvres, de spectacles, de festivals, quitte, parfois, à s’ennuyer. Si tout ce qui est ennuyeux n'est pas forcément bon, on voit des œuvres novatrices, audacieuses, passionnantes et stimulantes. Il existe aujourd’hui de très grands créateurs qui mobilisent le public sans aucune difficulté.

M. Michel Françaix. C’est plus une question d’offre que de demande !

M. Jean-Pierre Brard. Comme en politique.

Mme la ministre de la culture et de la communication. En matière de fréquentation, il faut avoir une vision globale, sachant que certains spectacles plus difficiles attirent moins de monde. « Populariser » me semble donc une demande parfaitement légitime, qui s’inscrit dans le grand rêve, parfois oublié, de Jean Vilar. Je me référerai à cet égard à un article des Inrockuptibles qui voyait dans l’attitude des élites – estimant que vouloir faire populaire, c’était faire vulgaire – un signe de grand mépris. Cette revue, qui n'est pas habituellement le meilleur soutien de mon ministère, va devenir ma bible ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Avec Line Renaud comme grande prêtresse !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Nous serons très attentifs à la qualité, mais la fréquentation n’est pas synonyme de moindre qualité, comme le démontrent avec éclat le Pavillon noir d’Angelin Preljocaj à Aix-en-Provence ou le Théâtre du Rond-Point de Jean-Michel Ribes à Paris. La lettre de mission ne demande rien d’autre !

M. Marcel Rogemont. Alors pourquoi en parle-t-on ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. Parce que l’on est dans le milieu culturel et que tout est matière à commentaire : aucune lettre de mission n’a été commentée, sauf la mienne. Les publics qui s’intéressent à la culture sont attentifs, sensibles et chatouilleux, et certains mots donnent facilement lieu à interprétations et à détournements. Aussi convient-il de les rétablir dans leur véritable sens.

M. Michel Françaix. Parlons moins et agissons plus !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Par ailleurs, je ne trouve pas illégitime que le Président de la République adresse, avec le Premier ministre, une lettre de mission aux ministres.

M. Jean-Pierre Brard. Relisez la Constitution ! (Murmures.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C'est là un autre débat.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Cette lettre est très précise,...

M. Marcel Rogemont. Trop !

M. Jean-Pierre Brard. Si c’est vous qui avez fait le brouillon, c'est pardonnable.

Mme la ministre de la culture et de la communication. ...ce qui tranche par rapport à certains précédents, mais elle présente l’avantage de donner des orientations, sur lesquelles on peut s’appuyer pour formuler diverses demandes. Elle est, en quelque sorte, un guide.

M. Michel Françaix. Nous aurions plus confiance si c’était vous qui aviez adressé une lettre de mission au Président de la République !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Lorsqu’elle évoque l’aliénation des œuvres, par exemple, elle ouvre le débat, ce qui est un avantage lorsque l’on sait que, sur bien des sujets sensibles, la tendance serait plutôt de vite refermer le dossier afin d’éviter les ennuis.

M. Jean-Pierre Brard. En l’occurrence, il est crédible que ce soit le Président de la République qui ait eu l’idée !

Mme la ministre de la culture et de la communication. S’agissant des régimes spéciaux, je vous rassure, monsieur Brard : Claude Bessy ne devrait pas redevenir danseuse étoile…

M. Michel Herbillon. Mais Jean-Pierre Brard, peut-être !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. À l’Opéra-comique !

Mme la ministre de la culture et de la communication. ...et Rudolf Noureev n’aura pas à sortir de sa tombe pour revenir danser. Les régimes spéciaux tiennent compte des spécificités, et celui des danseurs ne sera évidemment pas modifié.

M. Jean-Pierre Brard. On ne sera pas venu pour rien !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Il s’agit là de l’orientation qui a été donnée par Xavier Bertrand.

La dimension artistique est primordiale en la matière : le public ne paierait pas pour assister aux bonds pathétiques de vieux danseurs. En revanche, la négociation se poursuit en ce qui concerne les techniciens.

M. Jean-Pierre Brard. Un pas de deux est toujours possible.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Pour ce qui est des partenariats public-privé, à l’exemple de celui de la Scala que vous avez cité, il ne faut pas les confondre avec le mécénat. Il s’agit, avec ces partenariats, d’un processus très encadré qui fait l’objet d’une grande attention de la part de Bercy et qui ne se décide que dans des cas très complexes, comme pour les modalités d’accueil du public à Versailles. Cette procédure est cependant intéressante puisqu’elle permet de mieux répartir les charges sur la durée.

Vous avez bien voulu souligner que les moyens en faveur du cinéma étaient en hausse, l’assiette des taxes étant élargie aux fournisseurs d’accès et à la VOD, ce qui me semble juste. Ainsi que je l’ai souligné à Dijon, le système français est formidable.

M. Marcel Rogemont. C’est vrai.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Pour m’être rendue la semaine dernière au festival du cinéma de Rome pour la projection du film d’Alain Corneau, je puis vous dire combien nous sommes enviés par nos voisins Italiens dont le cinéma, qui était l’un des meilleurs du monde, a disparu en l’espace de quatre ans avec l’arrivée des télévisions privées. Certes, ce cinéma semble renaître, mais il est encore bien loin de son passé glorieux.

Notre système, avec les taxes, les SOFICA, le fonds de soutien, est complet et exemplaire, et nous y sommes attachés, même si j’évoquais la nécessaire réforme du CNC. Sa diversité est intéressante, car il nous faut disposer de salles à vocations différentes. À cet égard, le réseau des salles d’art et d’essai, qui joue un rôle primordial, doit être soutenu. J’ai ainsi rencontré à Dijon le gérant du cinéma Georges-Méliès de Montreuil auquel j’ai confirmé que l’aide qui lui était apportée me paraissait justifiée, car sa programmation, à la différence des grands groupes, se fonde sur notre patrimoine cinématographique.

Pour autant, il ne faut pas diaboliser les grands groupes, tel MK2 et son dirigeant à la personnalité très forte, Marin Karmitz, car ils sont des acteurs importants du paysage culturel. À ce sujet, les cartes illimitées doivent être replacées dans leur contexte : si l’on en compte 300 000 environ, elles concernent essentiellement Paris et la région parisienne, et très peu la province. Surtout, elles permettent d’associer les exploitants indépendants, qui ne sont donc plus exclus du dispositif. Enfin, elles sont soumises à la taxe spéciale additionnelle. Le système m’apparaît ainsi comme globalement équilibré, même s’il conviendrait de veiller à une plus grande transparence, afin de préserver les intérêts des ayants droit.

Vous avez également évoqué, monsieur Brard, une «taxe pop-corn », en quelque sorte.

M. Jean-Pierre Brard. C'est une excellente appellation.

Mme la ministre de la culture et de la communication. L’idée est intéressante, mais nombre de cinémas externalisent la commercialisation de ce type de produits, et je crains que, si la TSA s’applique également à eux, elle ne conduise les salles à externaliser la vente de confiseries.

M. Jean-Pierre Brard. Le sujet mérite qu’on y travaille, en y associant le Parlement.

Mme la ministre de la culture et de la communication. C'est vrai.

M. Jean-Pierre Brard. Les petits exploitants devraient être exonérés de cette «taxe pop-corn », comme pour l’ISF !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Pour la dernière série de questions, la parole est d’abord à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, pour la sincérité dont vous avez fait preuve en laissant échapper le mot d’« austérité » à propos de votre budget, lequel n’augmente en effet que de 0,25 %, et non de 3,2 %, ce qui suscite d’ailleurs de profondes inquiétudes.

Ma première question fera plaisir au président de la commission des affaires culturelles puisqu’elle a trait à l’archéologie préventive.

Les crédits alloués à l’Institut national de recherches archéologiques préventives ont été simplement reconduits, pour un montant de 9 millions. Parallèlement, le produit de la redevance passerait de 45 à 39 millions d’euros, soit 6 millions de moins, ce qui pose problème – même si des crédits seront probablement ajoutés en cours d’année – dans un contexte où l’INRAP devrait plutôt accélérer ses interventions. Pourrions-nous vous entendre sur le sujet, d’autant que la commission a engagé une réflexion sur ce point ?

Par ailleurs, la situation du spectacle vivant ne laisse pas d’inquiéter. Vous avez déjà répondu à certaines interrogations sur ce plan, mais pourriez-vous nous indiquer si vous allez prendre des mesures nouvelles, et, dans l’affirmative, lesquelles ? Dans le cadre d’un budget du spectacle vivant qui est stable sinon en régression, comment seront-elles financées ?

J’entends ça et là que, l’an prochain, les crédits alloués au spectacle vivant – scènes nationales, CDN, notamment ceux de Nice, de Montpellier et de Grenoble, et CDR, tel celui de Tours – pourraient baisser de 3 %, voire de 6 %. Des instructions ont-elles déjà été données en ce sens ? Il faut avoir conscience que pèsent sur les acteurs culturels des charges sans cesse croissantes du fait, en particulier, de votre demande puisque vous êtes très attachée aux régimes de prévoyance complémentaire qui sont mis en place.

Pour ce qui est du gel des crédits – ce qui montre d’ailleurs la sincérité des comptes votés par l’Assemblée nationale chaque année ! –, je crois savoir que certains ministères ont pu en récupérer au moins une partie. Pour votre part, comment allez-vous procéder pour les crédits gelés en 2007, dont l’absence pèse sur la politique culturelle ? Puisque je parlais de sincérité des comptes, êtes-vous en mesure de nous dire si vous préparez un gel des crédits en 2008 ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est connu : il sera de l’ordre de 6 % pour tout le monde.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, le crédit d’impôt intéressant les entreprises de création de jeux vidéo a-t-il donné de premiers résultats ? Nous savons en effet qu’une partie importante des emplois en matière de jeux vidéo a été délocalisée, notamment au Canada, en raison des différences de coût en matière salariale.

Quant au crédit d’impôt voté l’année dernière pour aider à la diffusion et, plus particulièrement, à l’exportation d’œuvres audiovisuelles, il n'est pas applicable faute de l’instruction fiscale nécessaire à sa mise en œuvre. Pourrions-nous savoir quand celle-ci paraîtra ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Patrick Beaudoin.

M. Patrick Beaudouin. J’interviens en tant que député de Vincennes et membre de la commission de la défense dont je suis le rapporteur pour la partie lien armée-nation, ce qui inclut le service historique de la défense.

Madame la ministre, je me réjouis de l’excellence de la politique menée en faveur du patrimoine, et je tiens à cet égard à féliciter toutes celles et tous ceux qui ont œuvré à la rénovation du donjon du château de Vincennes, qui est un patrimoine unique de l’époque médiévale. Il faut poursuivre cette politique, ce qui nécessite que des crédits soient inscrits. Or, si des marchés sont notifiés, les crédits de paiement ne suivent pas, ce qui bloque les travaux de réhabilitation complète du site. Celui-ci représente pourtant un pôle culturel et touristique ainsi qu’un levier économique non seulement pour son environnement proche, mais pour tout l’Est parisien.

Le président de la mission interministérielle de rénovation du Château de Vincennes, M. Jean-Philippe Lecat, ainsi que le préfet d’Ile-de-France, ont sollicité la mission régionale d’expertise économique et financière pour connaître les perspectives d’exploitation de ce site et le montage juridique propre à le valoriser au maximum.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. S’agissant des crédits du patrimoine, je suis d’abord curieux d’entendre votre réponse, madame la ministre, suite à l’interpellation de Pierre Méhaignerie soulignant la nécessité de définir des priorités.

J’ai entendu comme vous le Président de la République déclarer, le 17 septembre 2007 : « La sauvegarde du patrimoine suppose des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle. [...] Il ne sert à rien d’être si fier de notre patrimoine français et de contribuer à mégoter pour l’entretenir ». Or, à voir les crédits budgétaires, on ne peut que constater que l’on mégote. Vous mettez en avant la somme de 303 millions d’euros, alors que tout le monde estime qu’il faudrait au moins 400 millions ; je n’aurai pas la cruauté de rappeler qu’ils s’élevaient à 500 millions d’euros chaque année il n’y a pas si longtemps.

Par ailleurs, la représentation nationale a voté, dans la loi de finances de 2007, une disposition permettant d’ouvrir le mécénat – sur lequel nous portons également une appréciation positive – à la protection des monuments historiques privés. Or le décret d’application n’a toujours pas été pris, et la direction du budget n’a pas été en mesure, lorsque je l’ai auditionnée dans le cadre de la préparation de mon rapport, de me donner une date. J’ai même eu le sentiment d’une mauvaise volonté de la part de Bercy. L’intention de l'Assemblée nationale n'est pas prise en compte alors que le mécénat pourrait être relancé.

Pour ce qui est des monuments privés – je rappelle que la majorité des monuments protégés appartient à des propriétaires privés –, vous avez évoqué la loi de programmation et le taux réduit de TVA à 5,5 %. Je vous ai interrogée sur la possibilité de leur consacrer 10 % de l’enveloppe budgétaire et de les faire bénéficier du chèque emploi service, puisque certains propriétaires emploient des saisonniers. Comme l’a dit M. Jacques Rigaud, qui est une référence en la matière, le mécénat n’a pas pour mission d’assurer les fins de mois d’un État nécessiteux. En tout cas, les monuments privés ne se sont jamais si bien porté que lorsque la puissance publique est fortement intervenue.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. Mes deux questions portent sur le spectacle vivant.

D’abord, quelles seront, en 2008, les priorités de votre action pour les musiques actuelles, qui sont un phénomène de société, mais dont les acteurs sont très divers ?

Ensuite, parmi les établissements labellisés dans le domaine du spectacle vivant – centres dramatiques nationaux, scènes nationales, opéras nationaux, centres chorégraphiques nationaux, ballets, scènes de musique actuelle – certains bénéficient d’un conventionnement avec l’État sur plusieurs années. En effet, le spectacle vivant est une activité qui s’exerce sur plusieurs saisons, sachant que des engagements financiers doivent parfois être pris deux ans en avance. Pour les collectivités locales qui financent en région à plus des deux tiers l’effort culturel dans ce domaine, il est important que l’État tienne ses engagements. Pouvez-vous nous confirmer que celui-ci honorera sa signature s’agissant de ces conventions de financement ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la ministre, ma question porte sur la maîtrise d’ouvrage pour la rénovation des monuments historiques. Vous avez évoqué une mission qui rendra prochainement ses conclusions dans les prochains mois. L’ordonnance du 8 septembre 2005 peut-elle être remise en question ? La restitution de la maîtrise d’ouvrage aux propriétaires privés débouchera-t-elle sur le libre choix du maître d’œuvre ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. Qu’il s’agisse du projet du Louvre à Abu Dhabi, de la gratuité ou encore de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, j’ai bien entendu, madame la ministre, vos réponses, qui témoignent de nombreux points de convergence entre nous, même si nous exprimons parfois nos points de vue de façon différente.

Pour ce qui est, en revanche, de la gouvernance, vos propos m’ont paru plus flous sur cette question clé. Il faut vraiment trancher pour savoir quelles sont les missions respectives de la direction de l’administration générale et de la direction des musées de France, qui semblent se marcher quelque peu sur les pieds, si j’ose dire, s’agissant des établissements publics. Vous avez indiqué qu’une mission se penchait sur ce problème. Il serait utile que l’Assemblée nationale sache ce que vous attendez de la DAG et de la DMF.

Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le lien qu’entretient cette dernière avec les établissements publics, car il soulève des problèmes non seulement de gouvernance liés à la tutelle, mais également de gestion des ressources humaines, et peut-être même de rapport avec les organisations syndicales. Tout concourt, me semble-t-il, à considérer qu’il est urgent d’attendre, la décision politique risquant d’être compliquée à prendre. Va-t-on enfin examiner le problème de près ou va-t-on continuer à laisser faire ? La réponse à cette question est essentielle à l’heure où vous cherchez à optimiser les dépenses d’un budget que vous avez défendu avec âpreté, même s’il manque de crédits d’investissement et de fonctionnements pour faire face aux différentes politiques publiques en cours.

De deux choses l’une : ou bien l’État va au bout de sa logique en ce qui concerne les établissements publics, ou bien l’on reste au milieu du gué avec des établissements publics en partie sous tutelle et avec une gestion des ressources humaines déléguée seulement en partie, solution qui coûte beaucoup d’argent à l’État, car c’est une mauvaise gestion que d’avoir plusieurs patrons : le ministère, telle ou telle de ses directions et les responsables des établissements en question. Il faut donc clarifier le dispositif, même si je ne suis pas certain que cela engendrera des économies partout.

Madame la ministre, soit on vous confie une mission très claire sur le sujet avec tout ce que cela pose comme problèmes sur les plans budgétaire et salarial, soit vous devrez procéder à des arbitrages qui se révéleront plus coûteux à terme pour le ministère qu’aujourd’hui.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. À écouter les différentes interventions, j’ai le sentiment, madame la ministre, que nous risquons d’entendre parler pendant cinq ans d’un État nécessiteux et d’un budget de disette. Regardons la réalité en face : plutôt que d’État nécessiteux, mieux vaudrait parler d’État touche à tout et centralisé. Il conviendrait donc de maîtriser les budgets, car un problème de gouvernance se pose tant au ministère de la culture que dans les établissements publics, et de clarifier les responsabilités.

L’un d’entre nous a dit que l’État opérait un tour de passe-passe en confiant l’éducation artistique aux collectivités locales,...

M. Michel Françaix. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. ...dont c’est d’ailleurs le rôle, mais les élus locaux oublient cette autre vérité que l’État prend de plus en plus en charge le budget de ces collectivités. Ainsi, le montant des dégrèvements atteint désormais 16 milliards.

M. Marcel Rogemont. Mais c’est l’État qui décide !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Il faudra, dans les cinq ans qui viennent, clarifier les responsabilités et la gouvernance des institutions, sinon nous continuerons d’entendre comme un leitmotiv qu’il n’y a pas assez d’argent.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Qu’il y ait à opérer une clarification des compétences, c’est évident.

M. Michel Françaix et M. Michel Herbillon. Tout à fait !

M. Marcel Rogemont. Voilà qui est consensuel !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Sur le reste, Pierre Méhaignerie le sait, il peut y avoir débat.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Monsieur Rogemont, je répète qu’avec une augmentation de 3,2 %, ce budget, dans le contexte actuel, est bon, même s’il inclut la rebudgétisation des droits de mutation à titre onéreux.

M. Michel Françaix. Disons que c’est un budget !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Un bon budget dans les circonstances actuelles et qui, en tout cas, permet d’agir.

Pour ce qui est de l’INRAP, la redevance pour l’archéologie préventive rentre de mieux en mieux : 65 millions auront été ordonnancés en 2007 qui financeront le fonds national d’archéologie préventive pour 30 % et le fonctionnement de l’Institut lui-même pour 70 %. Le montant de 39 millions d’euros qui a été indiqué comme produit de la redevance est une estimation prudente. L’INRAP aura des moyens importants, même si des difficultés de recouvrement sont parfois rencontrées, d’autant qu’il est prévu 77 millions d’euros de recettes de fouille.

L’établissement réfléchit en outre à une éventuelle régionalisation pour mieux cerner les besoins, car toute la difficulté est d’éviter des retards sur les chantiers. Les collectivités locales ont déjà la faculté de se doter, comme les grandes entreprises, de services propres, même si cela peut être lourd, et d’exécuter des travaux de fouille.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Cela fait trois ans que l’on attend, mais, pour l’instant, personne ne l’a fait.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Les possibilités offertes ne sont pas toujours utilisées, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires. Nous allons essayer d’accélérer les choses, et c’est pourquoi nous réfléchissons à une éventuelle régionalisation.

S’agissant du spectacle vivant, le budget consolidé de 640 millions est d’un bon niveau. Il est, bien sûr, touché également par le gel de 6 %, ce qui pèse son poids surtout à un moment où il faut faire face à des investissements qui sont le fruit d’engagements pris envers les collectivités locales. Ce sont autant de contraintes que subira le spectacle vivant, mais celui-ci aura le moyen de développer ses politiques dans le cadre du système de conventionnement que j’appelle de mes vœux. L’étiage en la matière est cependant élevé : nous partons en effet d’un maillage culturel très dense et d’une offre très riche.

Concernant les régimes de prévoyance, j’ai rappelé que nous étions passés de dix-huit conventions collectives initiales à neuf, dont cinq sont d’ores et déjà signées. J’ai bon espoir que nous puissions répondre aux inquiétudes des « petits lieux » en ce qui concerne la prise en charge de cet aspect social. Il est en tout cas satisfaisant de constater que tous les partenaires se réunissent autour d’une même table pour en parler.

Pour en venir au gel de crédits, le principe s’applique à tous et donc à la culture. Ce sont des gels de précaution. Nous avons, certes, bénéficié d’un dégel en mars dernier,...

M. Marcel Rogemont. Un dégel très partiel !

Mme la ministre de la culture et de la communication. ...mais 55 millions sont toujours gelés. Je peux vous assurer que nous nous battons pour un plus grand dégel, car les conséquences pour notre budget sont sensibles.

Pour ce qui est du crédit d’impôt pour les entreprises de jeux vidéo, monsieur Martin-Lalande, nous attendons la décision de la Commission de Bruxelles. J’ai bon espoir d’obtenir un accord avant la fin de l’année.

M. Patrice Martin-Lalande. Qu’en est-il du crédit d’impôt pour la diffusion et l’exportation de produits audiovisuels ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. L’instruction fiscale devrait voir le jour prochainement. Nous l’attendons.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous n’êtes pas la seule.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale. Elle est attendue avec impatience !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Quant au fort de Vincennes, il s’agit d’un superbe lieu dont la gestion, ce qui fait sa particularité, est partagée entre les ministères de la culture et de la défense. Le premier, par l’intermédiaire du Centre des monuments nationaux, s’est beaucoup impliqué dans la rénovation du donjon et de la Sainte-Chapelle, mais ce fut le cas également du second puisque Vincennes abrite ses archives. Une commission interministérielle, présidée par Jean-Philippe Lecat, assure la coordination. Le donjon, dont la restauration a coûté 18,7 millions d’euros, vient d’être rouvert au public, et une convention de gestion du site sera signée avant la fin de 2007 entre les deux ministères, qui entretiennent de bons rapports.

L’idée d’un établissement public a été avancée. Dans ce cas, compte tenu de sa spécificité, il dépendrait plutôt de la défense, mais rien n’est tranché. l’État, en tout cas, s’implique fortement dans ce dossier. Bien entendu, nous souhaitons entretenir les meilleures relations possibles avec la ville de Vincennes.

Vous êtes revenu, monsieur Bloche, sur les crédits des monuments historiques, évoquant une période faste où ils atteignaient 500 millions d’euros. En réalité, en 2001, ils étaient de 275 millions d’euros. Les 303 millions d’aujourd’hui sont donc d’un niveau élevé. Les crédits de l’an dernier étaient particuliers, du fait de la taxe sur les mutations.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Selon le rapport de M. Kert, qui appartient à votre majorité, ces crédits, en 2000, 2001 et 2002, atteignaient respectivement 540, 568 et 569 millions. Aujourd’hui, on plafonne à 335 millions.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Vous parlez d’autorisations de programmes.

M. Patrick Bloche. Non, de crédits de paiement.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Nous allons vérifier, car j’espère que nous ne sommes pas sortis de l’âge d’or. Les crédits ont en effet plutôt augmenté ces dernières années.

En ce qui concerne le recours au mécénat pour les propriétaires privés, nous sommes en discussion avec Bercy pour assouplir les deux conditions posées en la matière : l’ouverture au public et l’aspect commercial de l’activité. Nous avons bon espoir de parvenir au plus vite à adopter des dispositions en faveur des propriétaires privés, sachant qu’instruction a déjà été donnée aux DRAC de consacrer 10 % des crédits déconcentrés aux monuments privés.

Le recours au chèque emploi service est une bonne idée. Nous la soutiendrons auprès du ministère du travail, car la décision ne relève pas de nous.

Vous m’avez interrogé, monsieur Hénart, sur les musiques actuelles, volet important du spectacle vivant. Nous allons poursuivre les programmes engagés au bénéfice des scènes qui les accueillent. Nous sommes dans une phase de structuration du secteur avec l’octroi d’une aide accrue aux centres de ressources, singulièrement à l’IRMA et aux centres de variété. Là aussi, nous suivons, dans la limite de nos crédits budgétaires, une logique de conventionnement respectant les mêmes critères que pour le théâtre ou la danse.

Vous avez également insisté, avec raison, sur la nécessité pour l’État de tenir ses engagements en cas de conventionnement. Comme c’est précisément en matière de spectacle vivant que l’influence du gel va se faire sentir, nous sommes dans la nécessité, pour que la parole de l’État soit respectée, d’investir dans les lieux où son action a été interrompue l’an dernier. C’est en effet une économie plus contrainte que connaissent les lieux du spectacle vivant.

Monsieur Reiss, vous avez évoqué la maîtrise d’ouvrage. Une réflexion est en cours à ce sujet, sans pour autant qu’elle remette en cause l’ordonnance de 2005. Les collectivités, auxquelles nombre de monuments historiques ont été dévolus, pourront toujours choisir le maître d’œuvre, puisque les décrets aujourd’hui publiés permettent un choix. Qu’il s’agisse des collectivités locales ou des particuliers, ils pourront mettre en concurrence l’architecte en chef des monuments historiques, y compris en ayant recours à des architectes étrangers, s’ils sont habilités.

Vous avez estimé, monsieur Perruchot, que nous nous étions arrêtés au milieu du gué s’agissant de la restructuration administrative. Nous sommes dans une phase de réflexion face à ces trois grandes strates du ministère que sont l’administration centrale, les nombreux établissements publics et les DRAC, cette administration déconcentrée qui répond au projet de Malraux de porter la politique de l’État au sein des régions. Il est exact que des problèmes de gouvernance demeurent, mais, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, des pôles plus forts seront constitués au sein de l’administration centrale avec des directions réunies ; je pense, par exemple, à une direction générale du patrimoine.

J’ai insisté auprès des présidents d’établissement public, que j’ai récemment réunis, pour que l’on trouve les bonnes règles de gouvernance. Il convient, en effet, d’éviter que l’autonomie des établissements ne conduise à des actions menées sans véritable cohérence et sans lien avec la tutelle. Il faut avancer ensemble dans la même direction et élaborer de grandes politiques publiques, qu’elles concernent le renforcement de la demande, les actions pédagogiques ou encore les mesures en direction des handicapés. C’est déjà le cas, mais de tels grands axes peuvent encore être développés. Tout est un peu sur la table, qu’il s’agisse de la DAG et de sa tutelle financière ou de la DMF et de sa tutelle sur les personnels mis à disposition, sur les contenus ou encore sur les services à compétence nationale qui se plaignent de ne rien pouvoir faire sans autorisation. Une réflexion d’ensemble est engagée, car nous sommes très conscients des problèmes.

S’agissant de la gestion des personnels, la direction qui a été prise me semble la bonne, mais le transfert ne peut s’opérer par un simple claquement de doigts, car il faut, par exemple, transférer également les personnels chargés de la gestion des personnels concernés. De plus, il faut s’attacher à fluidifier le dispositif, afin d’éviter que des agents, une fois transférés, ne changent plus jamais d’affectation. Peut-être faut-il s’inscrire dans une logique de métiers au sein de la fonction publique, ce qui permettrait d’assurer la mobilité et les développements de carrière, sans rien figer. Certains lieux ont tendance à ne pas favoriser la mobilité, comme Versailles et ses 220 logements de fonction. Là encore, une réflexion d’ensemble est engagée qui permettra dès cette année des évolutions.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. Je ne suis pas partisan, madame la ministre, d’une solution brutale en matière de gouvernance, mais rien ne justifie, même si l’on parle d’exception culturelle française, qu’un établissement public ne puisse pas gérer son propre personnel. L’histoire permet de comprendre comment on en est arrivé là, mais elle n’explique pas pour autant pourquoi on ne parvient pas à mettre fin au système actuel, quitte à ce que l’on étale la mesure sur plusieurs années.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je suis d’accord sur le principe, à condition que l’on s’assure des conditions de la mobilité.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. Alors que tout pousse à la mutualisation, le système actuel n'est pas viable à terme. Il est même dangereux pour le ministère lui-même.

M. Marcel Rogemont. Je suis bien d’accord.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Moi aussi, en tout cas sur le principe de la mobilité !

Je reviens à vous, monsieur Bloche, pour vous indiquer, en réponse à votre demande de précision, que les crédits ouverts en 2001 se sont élevés à 275 millions et que si l’on y ajoute les reports et les fonds de concours, le total a été de 567 millions. La consommation réelle de crédits a été, cette année-là, de 331 millions.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Les crédits étaient donc bien, au total, largement supérieurs à 500 millions !

Mme la ministre de la culture et de la communication. En conclusion, je partage, monsieur Méhaignerie, votre remarque sur la nécessité de faire des choix afin d’éviter, en un moment où l’on ne peut tout faire, toute logique de saupoudrage et de dispersion. C’est tout le sens de la réflexion engagée : assurer la cohérence de nos institutions et réfléchir à leur mission, tout en cherchant à savoir si elles ne se sont pas éloignées de celle qui leur avait été assignée initialement du fait de l’adjonction permanente d’éléments nouveaux. C’est une autre démarche qui doit présider à la définition des nouveaux projets, lesquels doivent être considérés en fonction de leur apport, de leur faisabilité et de leur coût prévisible de fonctionnement.

Toutefois, si un nouvel état d’esprit doit prévaloir, il est vrai aussi que les crédits d’État ont souvent, je l’ai dit, un effet de levier permettant à la fois des synergies et des financements importants.

Enfin, une réflexion politique, au sens le plus noble du terme, doit porter sur la répartition de ce qui relève de l’État et de ce qui ressortit aux collectivités locales. Aujourd’hui, l’apport de l’État au spectacle vivant représente à peu près 35 % du total, ce qui est la marque d’une présence forte, mais non pas majoritaire. Je lancerai cette réflexion, dont je partage la philosophie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Madame la ministre, je vous remercie.

(La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures dix.)