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N
° 1200

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME IX
VILLE ET LOGEMENT

VILLE

PAR M. Olivier CARRÉ,

Député.

——

Voir le numéro : 1198 (annexe 47)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

RECOMMANDATIONS 9

I.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE DÉSORMAIS REGROUPÉE DANS LE SEUL PROGRAMME 147 11

A.— LE PROGRAMME 147 ET SES QUATRE ACTIONS 11

1. Prévention et développement social 13

2. Revitalisation économique et emploi 14

3. Stratégie, ressources et évaluation 15

4. Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie 15

B.— UN OPÉRATEUR PRINCIPAL : L’AGENCE NATIONALE POUR LA COHÉSION SOCIALE ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES 16

1. Les moyens humains de l’ACSÉ 17

2. Les interventions de l’ACSÉ 17

C.— UN OPÉRATEUR RÉSIDUEL : LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA VILLE 20

1. Des interventions très limitées 21

2. Un indispensable redéploiement vers d’autres activités 21

D.— LA DYNAMIQUE DES ZONES FRANCHES URBAINES : UN SUCCÈS À PRÉSERVER 22

1. Le bon fonctionnement du dispositif 22

2. Des altérations excessivement brutales du dispositif 26

E.— UN SOUTIEN CONFIRMÉ À L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ 28

F.— LA REFONTE DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE, UN PROCESSUS À FORMALISER 28

II.— LA RÉNOVATION URBAINE, DES CRÉDITS DÉSORMAIS HORS DE LA LOI DE FINANCES 30

A.— LE PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE ET SON AGENCE DÉDIÉE 30

1. La définition du PNRU sur la base de financements partenariaux 30

2. L’objet et la géographie du PNRU 32

B.— LA DÉLICATE QUESTION DU FINANCEMENT DU PNRU 35

1. La remise en cause des crédits budgétaires : un choix politique problématique 35

2. Vers un nécessaire dépassement des crédits programmés ? 38

C.— UN NOUVEL HORIZON POUR L’ANRU : LE PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION DES QUARTIERS ANCIENS DÉGRADÉS 39

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 45

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 49

Mesdames, Messieurs,

L’exercice 2009 de la mission Ville et Logement réunit quatre programmes. Développement et amélioration de l'offre de logement, Aide à l'accès au logement et Prévention de lexclusion et insertion des personnes vulnérables constituent la traduction budgétaire de l’action de l’État en matière de logement. Le programme n° 147 Politique de la ville regroupe quant à lui les crédits nationaux à destination des quartiers les plus défavorisés.

L’engagement de la puissance publique en faveur des zones urbaines sensibles revêt un caractère prioritaire particulièrement marqué depuis la précédente mandature. Le 8 février dernier, le Président de la République a confirmé la nécessité d’un nouveau souffle dans cette politique, qui a débouché sur le plan « Espoir Banlieue ». Tous les services de l’État sont invités à porter des actions concrètes et spécifiques, en plus de leurs missions de droit commun, en faveur des publics des quartiers en difficulté.

Cette mobilisation de l’État, porté au plus haut niveau, est le véritable fer de lance de la relance de la politique de la ville dans laquelle l’effet « guichet » doit être mieux ciblé. L’intensité du plan de rénovation urbaine a par ailleurs été confirmée.

La déclinaison de ce plan se traduit par de nouvelles orientations, ministère par ministère, qui n’entraînent pas de nouveaux besoins financiers sinon en terme de pilotage. Malgré cela, le budget strictement dédié aux politiques de prévention est en augmentation significative de 7 %.

Ce projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit aussi dans une perspective de maîtrise de la dette et du déficit public par un meilleur contrôle de la dépense publique ainsi que dans le processus de Révision générale des politiques publiques (RGPP). Toutefois, l’État semble céder à la tentation de réduire ses dépenses plutôt par la rupture de relations partenariales que par l’allègement de ses procédures et de ses appareils administratifs.

Depuis des années, l’État a été tenté de répondre à la complexité des problèmes attachés aux quartiers en difficulté par une même complexité administrative. La création des agences a simplifié son mode d’intervention. Toutefois, malgré les transferts de compétences à ces opérateurs performants, agissant au plus près du terrain, l’État n’est pas parvenu à remettre en cause et à supprimer les instances désormais privées de leur activité de gestion. La Délégation interministérielle à la ville (DIV), à sa création premier ordonnateur de la politique de la ville, perdure dans sa configuration tandis que d’autres exercent ses anciennes prérogatives. L’institution de 350 délégués du Préfet – par redéploiement – n’est pas sans poser un problème de même nature car il semble bien que les différents animateurs CUCS et autres intervenants continueront d’intervenir sur ces mêmes territoires.

Deux économies pour l’État sont présentées dans le programme 147 – et ancien 202. Tout d’abord, le régime d’exonération de charges fiscales et sociales pour les zones franches urbaines (ZFU) s’alignerait sur celui des zones de redynamisation urbaine (ZRU), revu l’an dernier à la baisse. Le réajustement de ces règles, qui par ailleurs ont pu avoir un effet déterminant sur la décision d’installation d’entreprises, et qui a de ce fait un effet rétroactif, se traduirait par une diminution de l’action Revitalisation économique d’environ 100 M€. Par ailleurs, le budget 2009 anticipe la dotation extra-budgétaire de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine par l’Union d’économie sociale pour le logement (UESL) découlant du projet de loi de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Il reste toutefois à confirmer les accords convenus entre l’État et l’UESL qui doivent pérenniser cet abondement au moins sur les trois prochaines années.

Si votre rapporteur soutient la nécessité d’alléger les dépenses de l’État, celui-ci laisse le sentiment de chercher à réduire ses coûts au détriment de partenaires impliqués de longue date à ses côtés plutôt que d’entreprendre la réforme de ses structures. La substitution de dotations du 1 % Logement aux crédits budgétaires dans le financement de l’ANRU en constitue l’illustration la plus visible, car le passage du programme 202 Rénovation urbaine de 2008 à l’action n° 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie de 2009 équivaut à une division par vingt des crédits de paiement et des autorisations d’engagement ouverts. La contraction brutale des exonérations de charges sociales dont bénéficient les entreprises des zones franches urbaines entre dans une logique similaire, de même que la tentative de réforme de la dotation de solidarité urbaine.

Au-delà des conséquences pour les récipiendaires, il est certain que de telles décisions risquent de semer le trouble parmi les partenaires de l’État dans les divers aspects de la politique de la ville alors que celle-ci doit s’inscrire dans la durée et donc voir pérenniser les engagements. Il faut rappeler deux éléments fondamentaux de ces politiques. Premièrement, les partenaires contribuent financièrement pour environ les deux tiers des montants en jeu. Deuxièmement, ils se sont mobilisés par voie contractuelle aux cotés de l’État parce que chacun de ses engagements résultait d’une loi récente. Ces changements peuvent s’envisager, mais seulement s’ils découlent d’un débat de fond au sein de nos assemblées.

Les partenariats sont trop importants et engagent des montants trop élevés pour qu’une instabilité des règles et le sentiment qu’un des contributeurs refuse de s’acquitter de son dû puissent conduire des interlocuteurs de la puissance publique à se retirer des dispositifs. Votre rapporteur appelle à rester vigilant sur ce point car à moyen terme il pourrait en résulter un appel encore plus fort à la solidarité de l’État que ce que lui coûte aujourd’hui cette politique.

RECOMMANDATIONS

1. Réinscrire les quartiers sensibles dans la République en écartant, conformément à la volonté du chef de l’État, l’hypothèse d’une substitution des actions de la politique de la ville à l’intervention de droit commun des différents ministères.

2. Tirer les conséquences de l’exercice opérationnel de la politique de la ville par l’ANRU et l’ACSÉ sur l’organisation administrative du ministère.

3. Maintenir inchangé le régime d’exonération de charges sociales dont bénéficient les entreprises installées en zone franche urbaine préalablement à l’entrée en vigueur de la présente loi de finances.

4. Sécuriser les engagements financiers pluriannuels pris par l’État à l’égard de l’ANRU dans le cadre de l’accord avec l’UESL voire dans la loi « Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ».

5. Sécuriser les financements de l’ANRU pour 2009 dans la mesure où l’application de la loi ne sera pas effective au 1er janvier 2009.

6. Donner à l’ANRU les marges de manœuvre budgétaires adéquate pour compléter au mieux et dans les meilleurs délais les opérations du PNRU voté par le Parlement.

7. Inscrire une éventuelle réforme de la dotation de solidarité urbaine, non pas dans un projet de loi de finances, mais à l’intérieur d’un projet de loi relatif à la cohésion sociale afin d’aborder globalement et non à travers une seule mesure la question du cadre d’action de la politique de la ville.

I.— UNE POLITIQUE DE LA VILLE DÉSORMAIS REGROUPÉE
DANS LE SEUL PROGRAMME 147

La politique de la ville connaît en 2008 une réorientation propre à réinscrire les quartiers les plus exclus dans le cadre républicain à travers la mobilisation prioritaire et ciblée de l’ensemble des politiques de droit commun. Tel est le sens du plan Espoir banlieues défini par le Président de la République le 8 février 2008 et formalisé par le comité interministériel des villes du 20 juin. Exemples de cet engagement total, le Grenelle de l’environnement a réservé 500 millions d’euros dans le cadre du développement des transports en commun pour la desserte des quartiers prioritaires, tandis que les programmes budgétaires de l’Éducation nationale ont la charge des établissements labellisés Ambition réussite. Des actions spécifiques entendues à l’échelon local par les autorités déconcentrées et les collectivités territoriales traduisent en outre sur le terrain, par le moyen des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), l’engagement de la communauté nationale.

Suivant une recommandation du comité interministériel d’audit des programmes réuni en décembre 2007, le projet de loi de finances pour 2009 présente un unique programme 147 Politique de la ville en lieu et place des précédents Rénovation urbaine (202) et Équité sociale et territoriale et soutien (147). Plus qu’une simplification, cette fusion est la conséquence logique de la décision de financer le programme de rénovation urbaine autrement qu’au moyen de crédits d’État. Le nouveau programme 147 correspond finalement presque exactement à son prédécesseur, hormis une quatrième et nouvelle action équivalant au reliquat du programme 202 et qui fera l’objet d’une analyse spécifique.

La politique de la ville que fait apparaître ce projet de loi de finances pour 2009 embrasse presque à l’identique les compétences d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ). La Délégation interministérielle à la ville (DIV) conserve un rôle opérationnel résiduel favorisant son recentrage vers une activité de pilotage et de coordination sans doute encore perfectible ; elle se voit d’ailleurs toujours confier la responsabilité du programme. L’engagement de l’État se poursuit enfin en soutien à l’initiative économique dans les quartiers sensibles par la perpétuation des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU), bien que les réajustements envisagés dans les exonérations sociales ne semblent pas toujours les mieux adaptés.

A.— LE PROGRAMME 147 ET SES QUATRE ACTIONS

Le programme 147 Politique de la Ville regroupe essentiellement le volet humain de l’action publique dans les quartiers, à destination des populations, par opposition aux opérations de rénovation urbaine qui s’attachent à l’urbanisme des quartiers et à l’amélioration de l’habitat.

Sur le premier volet, les crédits de prévention, de développement social et de pilotage sont en progression de 7,5 % et les crédits liés à la revitalisation économique (principalement compensation des exonérations fiscales et sociales liées aux ZFU et ZRU) sont attendus en diminution de 18 %. Sur le second volet, les dotations envisagées tiennent compte des conclusions de la RGPP qui modifient substantiellement l’origine du financement de l’ANRU. Cela se traduit par la quasi disparition des crédits affectés par l’État à ce programme (-96 %) ainsi que ses engagements antérieurs auxquels se substitue la dotation envisagée dans l’accord cadre convenu avec l’UESL et qui doit prendre effet à la promulgation des décrets d’application de la loi « Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ».

 

Autorisations d’engagement (en €)

Crédits de paiement (en €)

 

2008

2009

+/-

2008

2009

+/-

Action 01 Prévention et développement social

340 289 968

363 173 674

6,72 %

367 489 968

383 173 674

4,27 %

Action 02 Revitalisation économique et emploi

375 400 000

308 950 000

-17,70 %

382 200 000

313 950 000

-17,86 %

Action 03 Stratégie, ressources et évaluation

43 030 000

58 140 000

35,12 %

43 030 000

58 140 000

35,12 %

Sous-total (ex-programme Équité sociale et territoriale et soutien)

758 719 968

730 263 674

-3,75 %

792 719 968

755 263 674

-4,73 %

Action 04 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie (ex-programme Rénovation urbaine)

382 299 349

14 000 000

-96,34 %

227 299 349

14 000 000

-93,84 %

Total

1 141 019 317

744 263 674

-34,77 %

1 020 019 317

769 263 674

-24,58 %

Le programme Politique de la Ville conserve pour double objectif de remédier à l’obsolescence de l’offre d’habitat conduisant les zones urbaines sensibles à une spécialisation dans le logement de publics vulnérables et à faibles ressources, ainsi que de réduire l’écart de développement économique et social entre ces zones et le reste du territoire national. Dans la pratique budgétaire, il n’appartient au législateur de se prononcer que sur cette seconde ambition, tant la rénovation urbaine (action n° 4) semble désormais sortie du champ de la loi de finances pour représenter moins de 2 % des sommes investies.

Parmi les trois actions restantes, deux concentrent l’essentiel des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme. La première, Prévention et développement social, consomme près de la moitié des sommes engagées ; la seconde, Revitalisation économique et emploi, représente environ 40 % du programme. La troisième enfin, Stratégie, ressources et évaluation, répond aux besoins de financement des opérateurs et de leurs activités d’ingénierie et d’évaluation.

1. Prévention et développement social

L’action n° 1 du programme Politique de la ville poursuit à la fois une fonction dans le domaine socio-économique, le développement social, et dans le champ politique, la prévention de la délinquance et l’éducation à la citoyenneté. Elle reçoit à ces fins une dotation de 363 millions d’euros en autorisation d’engagement et 383 millions d’euros en crédits de paiement. Ces sommes représentent une progression respective de 7 % et 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2008.

Les travaux de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles ont montré à quel point les populations résidant dans les quartiers défavorisés sont particulièrement menacées par certaines formes de délinquance. La politique de la ville a pour devoir de prévenir les manifestations de conflit entre les habitants, de renforcer l’accès à la justice en cultivant le nécessaire respect du droit et sa connaissance, de prévenir enfin la délinquance juvénile et la récidive. Les programmes de lutte contre la toxicomanie se rattachent aussi à cet aspect de l’action publique en dépit de leur volet également sanitaire. L’éducation à la citoyenneté s’inscrit enfin dans le cadre des initiatives Ville, vie, vacances dont le contenu renouvelé transcrit désormais des ambitions de culture, d’instruction et de civisme.

Quant aux objectifs de développement social, ils concernent plus particulièrement les domaines de l’éducation et de la santé. L’insertion sociale, les actions d’alphabétisation et de lutte contre l’illettrisme et l’adaptation des services publics de droit commun aux spécificités des quartiers rejoignent les politiques locales de santé. Aide à la réussite scolaire et ouverture aux activités culturelles contribuent à dissiper la perception erronée d’une citoyenneté de second ordre.

2. Revitalisation économique et emploi

L’action Revitalisation économique et emploi se voit dotée par le projet de loi de finances pour 2009 d’un enveloppe de 309 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 314 millions d’euros de crédits de paiement. Ces sommes représentent une réduction de 17 % par rapport à l’exercice 2008. Cette diminution plus que sensible s’explique notamment par un recentrage du dispositif d’exonérations sociales consenties aux entreprises installées dans les zones franches urbaines. Si certains aspects de cette réforme peuvent être soutenus, on peut craindre qu’elle ne perturbe le fonctionnement des entreprises en place en modifiant brutalement les conditions d’exonération de charges qui avaient pu motiver leur installation et leurs embauches. C’est la raison pour laquelle les zones franches urbaines feront l’objet d’un développement spécifique dans le présent rapport, et c’est également un point dont votre rapporteur suggère l’aménagement par l’Assemblée nationale pour limiter son impact négatif.

Revitalisation économique et emploi vise à permettre l’implantation et le maintien dans les zones urbaines sensibles d’une activité économique propre à reconfigurer les quartiers sensibles et l’organisation de la vie sociale en leur sein. Le plan Espoir banlieues ajoute aux dispositifs classiques d’exonération de charges sociales et fiscales un mécanisme d’accompagnement à la création d’entreprises qui a fait l’objet au printemps 2008 d’une convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations.

Outre le soutien aux entreprises, et donc à l’offre d’emploi, l’action publique intervient également sur le terrain de la demande d’emploi en facilitant l’insertion professionnelle des habitants des zones urbaines sensibles. Les écoles de la deuxième chance, les contrats d’insertion dans la vie sociale et le financement de l’établissement public d’insertion de la défense (ÉPIDe) entrent dans cette catégorie. Ce volet emploi se trouve renforcé par des mesures expérimentales et par des partenariats d’entreprise dont l’ambition affichée est de générer plus de quarante mille emplois dans les cinq années à venir.

3. Stratégie, ressources et évaluation

L’action n° 3, Stratégie, ressources et évaluation, offre un cadre budgétaire à l’ensemble des fonctions de pilotage de la politique de la ville. Elle emporte une dépense de 43 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit approximativement 8% de l’ensemble du programme.

Ces dépenses recouvrent l’ensemble des frais de la DIV et des organes attachés (Observatoire national des zones urbaines sensibles et Conseil national des villes) à hauteur de cinq millions d’euros. Les services déconcentrés et les délégués du préfet nouvellement créés consomment pour leur part environ deux millions d’euros. Votre rapporteur s’étonne sur ce point que les dotations de ces délégués du préfet apparaissent dans le programme Politique de la ville alors que leurs indemnités sont rattachées au programme 135 Développement et amélioration de l’offre de logement ; une cohérence budgétaire serait appréciable pour une meilleure appréhension de la dépense publique par le législateur comme par le citoyen. Enfin, plus de 21 millions d’euros sont dévolus au fonctionnement de l’ACSÉ.

Le tiers restant des financements de l’action abonde les dépenses d’intervention liées au financement du volet ingénierie des quatre cent quatre-vingt-quinze contrats urbains de cohésion sociale conclus pour près de dix-neuf millions d’euros. Les sept millions d’euros restant se répartissent entre le financement des dix-huit centres régionaux de ressources de la politique de la ville et les fonds consacrés à l’évaluation en région et au sein de l’ACSÉ.

4. Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

La quatrième et dernière action du programme 147 fait écho à l’ancien programme 202, Rénovation urbaine. Les sommes allouées ont été divisées par vingt entre 2008 et 2009, mais cette approche mathématique n’a pas grand sens dans la mesure où le financement de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) n’est plus assumé que très partiellement par des crédits d’État. Seule apparaît dans le projet de loi de finances de l’année une subvention pour charges de service public d’une valeur de cinq millions d’euros.

Une somme équivalente est allouée au volet transport du plan Espoirs banlieue, ainsi que quatre millions d’euros pour réaliser une centaine de diagnostics de gestion urbaine de proximité dans les quartiers les plus en difficulté.

L’action n° 4 atteint ainsi quatorze millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

B.— UN OPÉRATEUR PRINCIPAL : L’AGENCE NATIONALE POUR LA COHÉSION SOCIALE ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES

Unités de budgétisation

AE 2009 (en millions d'euros)

Part du programme (en %)

Dont DIV

Dont ANRU

Dont ACSÉ

Actions territorialisées

180,02

24,2

4,5

 

175,6

Dont action 1

148,77

20,0

3,6

 

145,2

Dont action 2

27,85

3,7

0,9

 

27,0

Dont action 3

3,4

0,5

   

3,4

Ingénierie des CUCS (action 3)

18,9

2,5

   

18,9

Mesures du plan Espoir banlieues

22

3,0

5,0

 

17,0

Dont action 1

10

1,3

   

10,0

Dont action 2

3

0,4

   

3,0

Dont action 4

9

1,2

5,0

 

4,0

Réussite éducative (action 1)

90

12,1

   

90,0

Ville, vie, vacances (action 1)

10

1,3

   

10,0

Adultes relais (action 1)

88,5

11,9

   

88,5

Service civil volontaire (action 1)

9,5

1,3

   

9,5

Exonérations ZFU (action 2)

250

33,6

250,0

   

Partenariat national

5

0,7

3,0

 

2,0

Dont action 1

4,4

0,6

2,4

 

2,0

Dont action 2

0,6

0,1

0,6

   

Centres de ressources et animation (action 3)

7

0,9

7,0

   

Expérimentations

3

0,4

3,0

   

Dont action 1

1,5

0,2

1,5

   

Dont action 2

1,5

0,2

1,5

   

Fonctionnement services (action 3)

28,84

3,9

7,3

 

21,6

Ex FIV investissement (action 1)

0,5

0,1

0,5

   

Rénovation urbaine (action 4)

5

0,7

 

5,0

 

ÉPIDe (action 2)

26

3,5

26,0

   

Total hors exonérations et ÉPIDe

468,26

62,9

30,3

5,0

433,0

Répartition par opérateur

   

6,5%

1,1%

92,5%

Total

744,26

100,0

306,3

5,0

433,0

Répartition par opérateur

   

41,1%

0,7%

58,2%

Source : Projet annuel de performances 2009

Comme le montre le tableau des coûts synthétiques transversaux, le programme Politique de la Ville est composé à plus de 58% de crédits confiés à l’ACSÉ – cette part dépasse même 92% lorsque les sommes mises à disposition excluent les compensations de charges sociales en ZFU et la subvention pour charges de service public attribuée à l’ÉPIDe. Il y a lieu de se féliciter de cette concentration des moyens dans les mains d’un opérateur unique propre à construire une vision globale de l’action publique.

1. Les moyens humains de l’ACSÉ

L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances a été créée par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances et organisée par le décret n° 2006-945 du 28 juillet 2006. Elle est alors placée sous la double tutelle du ministre chargé du logement et de la ville et du ministre chargé de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

En 2009, conformément aux préconisations du Conseil de modernisation des politiques publiques, un nouvel opérateur chargé des politiques d’immigration sera constitué à partir des structures de l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations. Il reprendra les missions exercées antérieurement par l’ACSÉ au bénéfice des primo-arrivants – formation linguistique, logement, emploi. Par conséquent, le nouvel organisme se verra transférer au cours de l’année à venir soixante emplois temps plein représentant une masse salariale de près de trois millions d’euros. De 314 emplois temps plein en 2007 et 323 en 2008, l’ACSÉ devrait revenir à 263 emplois en 2009. Les modalités exactes de transfert restent à définir. Le dimensionnement de l’équipe de l’ACSÉ semble de toute façon adéquat, de l’avis des responsables auditionnées par votre rapporteur.

En contrepoint, il convient de s’attarder sur la situation des délégués du préfet institués par le présent projet de loi de finances, qui devraient être placés auprès des préfets pour assurer l’interface entre les habitants des quartiers et les services administratifs. Au nombre de 350, ils comptent pour près de la moitié des 780 emplois temps plein mobilisés en soutien de la politique de la ville. Leur fonction et leur apport réel pour une meilleure mise en œuvre de l’action publique restent à démontrer. Il revient tout naturellement au préfet lui-même de faire le lien entre ses services et la population. Du reste, ces délégués du préfet risquent aussi d’entrer en concurrence avec les délégués de l’État, les préfets ville et les animateurs de CUCS. Votre rapporteur ne considère pas que l’empilement d’intervenants aboutisse forcément à une meilleure action des pouvoirs publics ; c’est au contraire une déperdition des énergies et des deniers publics qui risque de se produire si le cadre d’action de ces nouveaux personnels, pour utiles qu’ils soient, ne fait pas l’objet de protocoles strictement prédéfinis. En sus, la consolidation des emplois liés à la politique de la ville fait apparaître un coût salarial avoisinant le dixième des moyens disponibles. Le législateur prendra garde à ce que ratio ne devienne excessif à l’avenir.

2. Les interventions de l’ACSÉ

L’ACSÉ devient avec le projet de loi de finances pour 2009 le principal acteur de la politique de la ville avec une maîtrise presque complète sur les deux premières actions du programme, qui comportent l’essentiel des interventions sur un terrain de 2 200 quartiers dont un millier bénéficient d’une priorité. Le tableau suivant, transmis par la DIV, expose l’emploi des crédits en 2007.

Programme 2007

Total des 95 départements

Moyenne par département

Éducation et Réussite éducative

95 458 128

1 004 822

Maîtrise de la langue et lutte contre l'illettrisme

5 636 655

59 333

Emploi

23 730 904

249 799

Développement économique

2 472 564

26 027

Logement et habitat

5 913 085

62 243

Santé et accès aux soins

12 664 534

133 311

Culture et expression artistique

16 470 077

173 369

Lien social et citoyenneté

35 022 125

368 654

Médiation sociale et adultes relais

30 176 058

317 643

Associations

741 978

7 810

Ville vie vacances

8 929 821

93 998

Accès au droit et aux services publics

6 112 133

64 338

Lutte contre les discriminations

6 057 595

63 764

Prévention de la délinquance

10 215 334

107 530

Pilotage et évaluation

13 333 733

140 355

Structures

11 005 759

115 850

Total

283 940 483

2 988 847

En ce qui concerne l’action Prévention et développement social, l’Agence gérera en 2009 près de 359 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur une enveloppe totale de 363 millions d’euros, en progression de +7 %. Les actions territorialisées sont exercées suivant sept axes :

a. Un volet éducation et savoir engage plus de 112 millions d’euros. Il correspond pour 90 millions d’euros au dispositif de Réussite éducative voué à prévenir l’échec scolaire et qui coordonne 485 projets locaux sur le territoire, auxquels s’ajoutent trente-huit internats dédiés. Neuf millions d’euros sont ensuite consacrés à l’éducation des personnes vulnérables et au plan École ouverte. Trois millions d’euros financent enfin les mesures d’accès à l’éducation et à l’excellence.

Le plan Espoirs banlieue justifie les dépenses restantes à travers trois mesures innovantes dans le domaine éducatif. Il s’agit en premier lieu des internats d’excellence à travers l’ouverture de 1 500 places en 2009 pour un budget de trois millions d’euros. Ensuite, l’ACSÉ organisera un plan d’accompagnement aux classes préparatoires aux grandes écoles, au moyen de 4,3 millions d’euros, et avec pour objectif que 5 % des élèves des lycées en éducation prioritaire accèdent aux classes préparatoires dont ils sont pour l’heure exclus en pratique. Enfin, près de trois millions d’euros permettront l’expérimentation sur cinquante sites du transport collectif d’élèves des quartiers difficiles vers des établissements offrant une plus grande mixité sociale (busing). Votre rapporteur souhaite que les résultats de cette dernière mesure fassent l’objet d’une évaluation à l’issue de l’année scolaire afin d’éviter les travers constatés aux États-Unis lors de la mise en œuvre de politiques similaires.

b. L’aspect sanitaire de la politique de la ville consomme près de vingt millions d’euros de crédits. Il comprend le financement de trois cents ateliers santé ville pour treize millions d’euros, ainsi qu’un soutien aux réseaux de lutte contre la toxicomanie (cinq millions d’euros) et des mécanismes de prévention des difficultés sociales (un million et demi d’euros).

c. La promotion de la diversité et de l’offre culturelle mobilise plus de 22 millions d’euros, dont près de la moitié échoient à la valorisation des apports culturels réciproques. Dix millions d’euros sont consacrés à l’éveil artistique des populations, et deux millions d’euros à l’intégration républicaine par la culture. Il s’agit ici de renforcer la cohésion sociale dans les quartiers afin de lutter contre le sentiment d’exclusion souvent ressenti par leurs habitants.

d. L’incitation à la participation à la vie publique et l’éveil à la citoyenneté représentent la plus grande part des crédits de cette première action de l’ACSÉ, soit 160 millions d’euros. Ces crédits sont affectés au financement des Adultes relais à travers plus de quatre mille conventions (88,5 millions d’euros), au dispositif Ville, vie, vacances dont les 13 500 maquettes s’inscrivent désormais dans la prévention de la délinquance et l’éducation à la citoyenneté (10 millions d’euros), à la rétribution de cinq cents postes d’animateurs associatifs (5,6 millions d’euros pour 500 postes contre 280 en 2008) et au financement des clauses de développement social conclues dans les contrats urbains de cohésion sociale pour soutenir les actions des communes et des associations.

Votre rapporteur souhaite isoler dans ce volet le dispositif du Service civil volontaire, inscrit pour 9,5 millions d’euros contre 11,5 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2008. Les documents budgétaires font mention d’un objectif de financement des deux mille postes ouverts dans le courant du dernier trimestre 2008, et non d’une reconduite du dispositif. Il s’agit pourtant ici d’un dispositif valable et légitime, quoique son champ dépasse celui de la politique de la ville. Le rapport Ferry avait d’ailleurs, en son temps, suggéré de porter à cinquante mille le nombre de places disponibles. L’idée que des jeunes gens puissent servir leur pays sur la base du volontariat dans des structures publiques ou agrées fait consensus dans la population et au Parlement. Il faut espérer que le gouvernement ne renonce pas à cette ambition, s’il est amené à lui donner une nouvelle forme.

e. Le volet prévention des discriminations et accès au droit entre pour 18,65 millions dans les crédits octroyés à l’ACSÉ. La prévention des discriminations prend appui sur soixante-dix plans triennaux dans les domaines de l’emploi et du logement (6,1 millions d’euros). Près de huit millions d’euros sont affectés à l’amélioration de l’accès au droit et aux services publics. Enfin, 4,6 millions d’euros permettent de financer des actions citoyennes de promotion de l’égalité et du vivre-ensemble.

f. La prévention de la délinquance passe essentiellement par l’abondement des clauses ad hoc des contrats urbains de cohésion sociale (treize millions d’euros). Quatre millions d’euros supplémentaires sont employés pour faciliter les contacts entre l’institution judiciaire et les résidents des zones urbaines sensibles.

g. L’amélioration de la gestion urbaine de proximité consomme enfin cinq millions d’euros, en complément de l’action des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux pour un meilleur aménagement de l’espace de vie du quartier.

L’ACSÉ dispose également de crédits de l’action Revitalisation économique et emploi à hauteur de trente millions d’euros. Elle affecte 90 % de cette somme au volet dédié des contrats urbains de cohésion sociale. Les trois millions d’euros restants s’inscrivent dans le plan Espoir banlieue pour le développement des Écoles de la deuxième chance, structures partenariales de statut privé réunissant collectivités locales et chambres consulaires dans une optique de formation des jeunes ayant quitté le système scolaire sans bagage académique ni qualification professionnelle.

À travers ces deux actions, auxquelles il faut encore ajouter les financements du volet ingénierie des CUCS et les frais de fonctionnement et de formation (action n° 3, près de 44 millions d’euros) ainsi que les diagnostics de gestion urbaine de proximité (action n° 4, quatre millions d’euros), l’ACSÉ se positionne clairement comme le bras séculier de l’État en matière de politique de la ville à destination des populations. Il en résulte un succès identifié par les observateurs de l’ONZUS : les pouvoirs publics reprennent leur place structurante dans les zones urbaines sensibles, ils ne se limitent plus aux interventions d’urgence et ponctuelles.

L’ACSÉ ne gère cependant pas encore la totalité des crédits alloués, la DIV en conservant une part toujours plus résiduelle.

C.— UN OPÉRATEUR RÉSIDUEL : LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA VILLE

La délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain repose sur le décret n° 88-1015 du 28 octobre 1988. Premier acteur de la politique de la ville en son temps, son activité s’est restreinte avec l’institution des deux agences dédiées que sont l’ANRU et l’ACSÉ qui exercent désormais la plupart des interventions qui entraient naguère dans ses prérogatives. Avec ce projet de loi de finances, la DIV gère moins de 5 % des fonds du programme 147, si l’on écarte ses frais de fonctionnement ainsi que les financements de l’ÉPIDe et des exonérations de charges sociales en ZFU. Un nouveau mode d’organisation et de fonctionnement peut donc être légitimement attendu.

1. Des interventions très limitées

La DIV n’a plus la main que sur des crédits limités, qui pourraient même pour certains être confiés à l’ACSÉ. Dans l’action Prévention et développement social, la délégation reçoit la charge de 500 000 € d’autorisations d’engagement et de 20,5 millions d’euros de crédits de paiement à destination des services déconcentrés. Elle exerce alors une fonction de pilotage qui entre dans ses attributions. De même, lorsqu’elle teste des actions innovantes pour un budget de 1,5 millions d’euros par la voie d’un appel à projets et d’évaluations subséquentes, sa mission d’expérimentation n’est pas remise en cause. Mais il n’est pas logique qu’elle soit investie des 3,5 millions d’euros réservés à des actions outre-mer équivalentes à celles que mène l’ACSÉ en métropole – sauf à avancer que les territoires ultramarins n’entrent pas pleinement dans la République, ce qui constituerait d’évidence une aberration. De même, il n’y a pas de raison objective pour que ce soit la DIV et non l’ACSÉ qui soutienne financièrement quatre-vingts associations dites têtes de réseau pour une enveloppe de 2,4 millions d’euros. Le clarté des documents budgétaires comme la cohérence de l’action publique exigent que l’Agence se saisisse prochainement de ces prérogatives qui lui reviennent par nature.

Une situation similaire est constatée dans l’action Revitalisation économique et emploi. La DIV réalise normalement des mesures expérimentales et reçoit les crédits de paiement nécessaires à l’apurement du volet des CUCS relatif aux travaux d’aménagement. Néanmoins, rien ne justifie qu’elle soit pareillement chargée des crédits liés aux actions territorialisées outre-mer, ni qu’elle gère aussi le partenariat national avec les associations dans le secteur du développement économique.

La subvention pour charges de service public vouée à financer l’ÉPIDe transite également par la DIV, pour une somme de 26 millions d’euros. Votre rapporteur n’est pas hostile au rôle d’interface joué ici par la Délégation interministérielle, néanmoins il note que cette dépense n’apparaissait pas dans le programme 147 lors de l’exercice 2008. Il serait bon, pour une meilleure lisibilité des documents budgétaires, que ceux-ci soient autant que possible établis à périmètre constant.

2. Un indispensable redéploiement vers d’autres activités

La Cour des comptes a identifié en 2002 et à nouveau en 2007 un certain nombre de dysfonctionnements dans la conduite de la politique de la ville, réclamant notamment une clarification de son pilotage. Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a pris acte de ces préconisations :

« La mission et le périmètre de la Délégation Interministérielle à la Ville seront revus pour que celle-ci se recentre sur le secrétariat général du conseil interministériel des cilles. Les missions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) seront recentrées sur son rôle de mise en œuvre de la politique en faveur des quartiers défavorisés. À ce titre, l’ACSÉ récupérera les missions de gestion exercées par la DIV. »

Le Secrétaire d’État chargé de la politique de la ville a également annoncé, dans son discours du 10 septembre 2008, que « les missions de la DIV et de l’ACSÉ seront plus clairement départagées : à l’un le pilotage et le contrôle, à l’autre l’opérationnel. » Il y a lieu de se féliciter de cette réorientation qu’exprime par ailleurs, quoique partiellement encore, le présent projet de loi de finances. Votre rapporteur estime logique que la DIV devienne à terme un secrétariat général du ministère de la ville, en conservant toutefois ses missions coordination interministérielle pour le compte du ministre. Héritant de son expérience et de sa compétence, la nouvelle structure serait qualifiée pour exercer une tutelle sur l’ANRU et l’ACSÉ, assurer des fonctions de pilotage et d’évaluation, et jouer un rôle prospectif utile dans l’élaboration des normes. Il n’est pas satisfaisant que nul ne puisse établir les montants engagés par les partenaires de l’État, notamment les collectivités locales, dans le cadre des CUCS.

Ce sont des prérogatives dont jouit déjà la DIV ; elle gère les crédits afférents. Débarrassée d’une maîtrise opérationnelle pour laquelle d’autres sont mieux équipés, il est certain qu’elle saura s’investir pleinement dans ses missions centrales, moins directes.

D.— LA DYNAMIQUE DES ZONES FRANCHES URBAINES : UN SUCCÈS À PRÉSERVER

1. Le bon fonctionnement du dispositif

Les zones franches urbaines (ZFU) sont aujourd’hui au nombre de cent. Quarante-quatre ont été instituées le 1er janvier 1997 par le pacte de relance pour la ville (ZFU 1997), quarante et une autres trouvent leur origine dans la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 (ZFU 2004) et les quinze dernières découlent de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 (ZFU 2006). Quant aux 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU), elles ont été créées par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 pour restreindre les inégalités territoriales. Ces quartiers présentent des caractères économiques et sociaux particulièrement difficiles.

Les cent zones franches urbaines du territoire national


La loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 avait pour ambition de créer 12 000 emplois en cinq ans grâce aux zones franches urbaines. Cette loi a également prolongé la durée des 85 zones franches déjà existantes jusqu’au 31 décembre 2011.

En outre, deux décrets modificatifs du 15 mai 2007 ont procédé à l’extension de périmètre de vingt-six ZFU en métropole (décret n° 2007-894) et de cinq ZFU dans des départements d’outre-mer (décret n° 2007-895) afin de remédier au problème de l’épuisement des disponibilités foncières pour satisfaire l’accueil de nouvelles activités dans les zones les plus anciennes.

Le dispositif a correctement fonctionné. Il a encouragé la création et le développement des entreprises dans ces quartiers d’habitat social, dont la revitalisation économique est essentielle pour la diversification de leurs fonctions, l’amélioration de la qualité de vie et l’accès des résidents à l’emploi.

Les meilleurs résultats sont enregistrés dans les zones où la mise en œuvre du dispositif d’exonérations fiscales et sociales a été accompagnée dès le départ d’une véritable politique coordonnée d’accueil et de soutien aux entreprises, s’appuyant sur des partenariats forts entre les communes concernées et leurs groupements, l’État et les acteurs du développement économique. Les actions conduites portent alors, d’une part, sur la création d’une offre foncière ou immobilière adaptée en lien avec les bailleurs sociaux, le soutien à la création d’entreprises et au développement des entreprises existantes, et, d’autre part, sur des programmes d’accompagnement vers l’emploi pour favoriser l’accès des habitants des quartiers aux emplois créés.

En application de la loi du 1er août 2003, un rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles rend compte annuellement de l’évolution des zones franches urbaines.

En 2007, l’augmentation du nombre d’établissements bénéficiant d’exonérations de charges sociales est de façon logique moins forte qu’en 2006, année de création des nouvelles ZFU (9,5 % contre 37 %), comme l’effectif total des établissements bénéficiant d’exonérations (5 % contre 26 %). L’accroissement du nombre de salariés ouvrant droit à exonération reste stable (+8 %). Le fait que ce nombre augmente peu est vraisemblablement à relier l’extinction progressive des exonérations pour les établissements créés à la fin des années 1990 dans les zones franches de première génération. Ainsi, la stabilité du nombre d’emplois bénéficiant des exonérations masque une accélération des créations d’emplois équilibrée par les sorties du dispositif.

Le tableau suivant, réalisé par l’agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) et la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques (DARES), et intégrant au fil du temps les trois générations de zones franches urbaines métropolitaines, montre le succès manifeste de la mesure. Plus de vingt mille entreprises bénéficient aujourd’hui du régime d’exonération. Elles totalisent plus de 120 000 emplois dont approximativement les deux tiers ouvrent droit à exonération, et dont plus de quinze mille n’auraient pas été créés en l’absence d’incitation fiscale et sociale. Les zones franches urbaines ont donc fait la preuve de leur succès : en 2007, l’emploi dans les zones urbaines sensibles a progressé comme sur tout le reste du territoire. L’ONZUS estime leur taux d’activité économique de dix points supérieur à celui des agglomérations environnantes, performance qui a perduré dans le temps pour les ZFU de première génération.

 

Effectifs

1997

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Nombre d'établissements bénéficiant de l’exonération de charges sociales patronales en ZFU

5 100

10 700

9 248

10 147

13 500

13 900

19 100

20 900

Nombre de salariés total dans les établissements bénéficiant de l’exonération

n.d.

80 100

77 200

81 300

90 500

95 900

120 400

126 700

Nombre de salariés total ouvrant droit à l’exonération de charges sociales patronales en ZFU

28 400

65 000

55 567

54 627

68 600

67 700

69 100

74 700

Dont : nombre de salariés embauchés

n.d.

n.d.

7 923

8 376

11 930

13 463

15 646

n.d.

Le financement de cette mesure implique un triple effort pour les finances de l’État qui ne perçoivent pas des contributions initialement dues au titre de la fiscalité nationale, qui compensent les exonérations d’impôts locaux aux collectivités territoriales et qui équilibrent les finances de la Sécurité sociale des montants de cotisations exonérées.

Le tableau suivant précise l’évolution du coût entre 2007 et 2009 des mesures d’exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises installées en ZFU (montants en millions d’euros). Le coût des exonérations d’impôt se traduira dans le projet de loi de finances pour 2009 par une dépense fiscale de 291 millions d’euros (dont 190 millions d’euros de manque à gagner pour le budget de l’État et 91 millions d’euros à compenser aux collectivités territoriales). Les exonérations de charges patronales y montrent pour 2009 une diminution brutale de 347 millions d’euros à 250 millions d’euros, conséquence de réajustements restrictifs contenus dans le projet de loi de finances que votre rapporteur considère comme risqués pour la pérennité des entreprises installées en ZFU et handicapantes pour le développement de l’emploi qualifié dans ces zones.

 

2007

2008

2009

Exonération d'impôt sur les bénéfices

175

180

185

Exonération de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA) pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS)

5

5

5

Déduction du résultat imposable de sommes versées pour la souscription en numéraire au capital de sociétés implantées en ZFU (2006-2007)

5

5

-

Exonération de taxe professionnelle

61

71

75

Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties

9

15

16

Total des exonérations fiscales

255

276

281

Exonération de cotisations sociales patronales

329

347

250

Exonération de cotisations sociales personnelles maladie et maternité

ND

ND

ND

Total des exonérations sociales

329

347

250

Total brut ZFU

584

623

531

Sources : Données pour PLF 2009 ; exonérations fiscales : Direction générale des impôts ; exonérations sociales : Direction de la sécurité sociale, (données ACOSS, CCMSA, CANAM)

2. Des altérations excessivement brutales du dispositif

L’article 82 du projet de loi de finances soumis au Parlement porte modification de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, qui contient le dispositif d’exonération de charges sociales applicable aux zones franches urbaines. Il l’amende sur deux points : les modalités de sortie du dispositif, d’une part, la concentration des exonérations sur les seuls bas salaires, d’autre part.

En l’état actuel du droit, l’expiration de la période de cinq ans au cours de laquelle l’entreprise nouvellement installée en zone franche urbaine bénéficie d’une exonération de charges patronales entraîne le retour en sifflet vers le droit commun, suivant des modalités variables en fonction de la taille de l’entreprise. On lit par exemple dans les deux derniers alinéas du I de l’article 14 de la loi précitée : « À l'issue de cette période, le bénéfice de l'exonération est maintenu de manière dégressive pendant les trois années suivantes, au taux de 60% la première année, de 40% la deuxième année et de 20% la troisième année. Pour les entreprises de moins de cinq salariés, le bénéfice de l'exonération est maintenu de manière dégressive au taux de 60% du montant des cotisations, contributions et versements précités lors des cinq années qui suivent le terme de cette exonération, de 40% les sixième et septième années et de 20% les huitième et neuvième années. » Le gouvernement souhaite mettre un terme à cette succession d’abattements dégressifs de sorte que la période de cinq années d’exonération se solde par un retour immédiat au droit commun.

Votre rapporteur appelle l’attention du gouvernement sur les périls qu’engendre un changement si brutal de l’état du droit sur la situation financière des milliers d’entreprises concernées, et sur la remise en cause de fait des modalités qui ont déterminé leur installation. Si la fin des mécanismes de sortie progressive constitue une évolution acceptable pour les sociétés destinées à entrer prochainement dans le dispositif, il n’en va pas de même pour les entreprises déjà engagées en zone franche urbaine et qui ont fondé leurs prévisions sur cet avantage concédé par l’État sur une durée fixée légalement. Un mouvement si brusque serait porteur d’instabilité économique et pourrait ruiner le beau succès remporté après dix années d’efforts. Alors que l’on a souvent critiqué l’assistance apportée par l’autorité publique dans ces quartiers, il serait totalement incompris que les entreprises engagées soient compromises par un changement des règles à effet finalement rétroactif. Le retournement contredirait enfin le projet annuel de performance, qui relève que « les entreprises accueillies qui, pour la plupart, sont de petite taille peuvent bénéficier de mesures d’accompagnement financées dans le cadre de la politique de la ville afin de garantir leur pérennité. Ainsi le taux de pérennité à cinq ans des entreprises implantées dans les ZFU créées en 1997, qui n’était que de 37,4% en 2005, est au 1er janvier 2007 de 42%. » Il sera donc proposé par voie d’amendement de ne mettre fin aux sorties en sifflet que pour les entreprises s’installant en zone franche urbaine après la promulgation de la loi de finances, les règles restant inchangées pour celles qui y opèrent déjà.

L’autre modification avancée par le gouvernement consisterait à plafonner le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales (hors cotisations accidents du travail-maladies professionnelles) dans les zones franches urbaines à 1,4 SMIC. Au-delà de ce seuil, le montant de l’exonération serait dégressif jusqu’à s’annuler lorsque la rémunération égalerait un seuil de sortie de 2,4 SMIC en 2009, de 2,2 SMIC en 2010 et de 2 SMIC en 2011. Cette disposition s’apparente à la modification des exonérations en faveur des zones de redynamisation urbaine et zones de revitalisation rurale votée en loi de finances pour 2008. Elle concentre l’intervention publique sur les salaires les moins élevés et favorise ainsi le recrutement de salariés moins qualifiés.

Votre rapporteur craint l’impact que pourrait avoir cette mesure sur la répartition des emplois créés en zone franche urbaine entre travail qualifié et travail non qualifié. À ne soutenir que les emplois les moins valorisés économiquement et socialement, ne risque-t-on pas d’ouvrir une trappe à pauvreté et de confiner les quartiers sensibles dans des activités économiques à faible valeur ajoutée ? Les efforts budgétaires du programme Politique de la ville en matière de formation et d’accès à l’emploi ne s’opposent-ils pas à ce que le travail peu qualifié soit seul aidé par la puissance publique dans ces territoires défavorisés ? Il semble là aussi opportun, du moins, d’épargner les entreprises déjà investies dans le dispositif pour réserver l’application de cette nouvelle disposition à de nouveaux entrants, engagés avec une pleine conscience des nouvelles orientations définies par la loi de finances, au risque de briser les élans générés par la troisième génération des ZFU.

E.— UN SOUTIEN CONFIRMÉ À L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ordonne l’application d’un taux réduit de TVA sur les logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers en rénovation urbaine. Le dispositif semble approcher de son plein rendement. Évalué à 50 millions d’euros en 2006 et 100 millions d’euros en 2007, le coût de la dépense fiscale s’est maintenu à un niveau similaire en 2008 et devrait s’établir à 1 150 millions d’euros en 2009. Votre rapporteur se félicite de la perpétuation de cette mesure fiscale, qui équivaut à une aide moyenne de 15 000 euros par bénéficiaire.

F.— LA REFONTE DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE, UN PROCESSUS À FORMALISER

La dotation de solidarité urbaine (DSU) a été instituée par la loi du 13 mai 1991. Les règles de détermination des collectivités bénéficiaires et des montants attribués découlent de deux lois successives : le texte du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et celui du 26 mars 1996 portant diverses dispositions relatives aux concours de l’État aux collectivités territoriales et aux mécanismes de solidarité financière entre collectivités territoriales. Les trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants (soit plus de 700 villes) et un dixième des communes comptant entre 5 000 et 10 000 habitants (soit près de 110 villes) se sont ainsi partagé en 2008 un peu plus d’un milliard d’euros.

L’éligibilité des communes à la DSU est déterminée par un indice synthétique de quatre critères pondérant les écarts relatifs à la valeur moyenne de référence du potentiel financier par habitant (45 %), de la part de logements sociaux dans le parc total de logements (15 %), de la proportion de bénéficiaires de l’aide au logement dans le nombre total de logements de la commune (30 %) et enfin du revenu moyen par habitant (10 %).

La construction de la DSU a intégré les enjeux de la politique de la ville avec le plan de cohésion sociale de 2005. Les pondérations d’attributions de la dotation allouée aux communes éligibles au prorata de leur proportion de population résidant en ZUS et ZFU ont pour objectif de concentrer l’effort financier de l’État en faveur de communes en difficulté. Cet aspect du plan de cohésion sociale ne peut être considéré séparément des autres mesures contenues dans le texte, l’ensemble ayant fait l’objet de concertations avec les élus locaux dans le respect des préoccupations de tous.

 Or le projet de loi de finances pour 2009 prévoyait dans son article 70 de notamment supprimer la majoration de dotation accordée au titre des populations en ZFU et réduire (dans certains cas supprimer) le poids de la majoration de DSU relative aux populations en ZUS. La suppression de ces coefficients, entre autres, aurait conduit 238 communes (dont un tiers en Ile-de-France) à se voir privées de DSU dès 2009.

Toutefois, devant l’inquiétude des collectivités concernées, il semble que le gouvernement se soit engagé à ne pas réformer les critères d’attribution de la DSU au cours de l’année à venir, ouvrant ainsi une période de réflexion et de concertation. Votre rapporteur se réjouit de cette préservation des dispositions de la loi de 2005 en faveur des communes abritant des quartiers sensibles et leurs populations. Il rappelle que toute modification des critères de répartition de la dotation de solidarité urbaine s’accompagnera nécessairement de la remise en cause par le législateur d’autres dispositions du plan de cohésion sociale, étant établi que l’équilibre atteint par ce texte s’en trouverait fortement modifié.

II.— LA RÉNOVATION URBAINE, DES CRÉDITS DÉSORMAIS HORS DE LA LOI DE FINANCES

Les financements liés à la rénovation urbaine représentaient jusqu’à l’an dernier une unité budgétaire à part entière, le programme 202, atteignant 382 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 227 millions d’euros de crédits de paiement en 2008. À compter de 2009, l’essentiel de ces crédits provient de sources extérieures au budget de l’État. Il n’y a donc plus lieu de les évoquer dans les documents budgétaires préparatoires et, pour le gouvernement, de solliciter l’aval parlementaire sur leur affectation.

Pour autant, le programme national de rénovation urbaine et sa mise en œuvre par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine constituent toujours un pan fondamental de la politique de la ville. Le plan de rénovation urbaine conduit par l’ANRU fait écho aux actions de développement social sous la responsabilité de l’ACSÉ. Aussi, même si le projet de loi de finances demeure pratiquement muet sur l’insertion structurelle des zones urbaines sensibles dans la dynamique de leurs agglomérations, votre rapporteur estime toujours opportun de se pencher sur l’état d’avancement du PNRU, sur les financements et la trésorerie de l’ANRU, et sur la nouvelle mission qui pourrait éventuellement échoir à l’Agence prochainement, la rénovation des quartiers anciens dégradés.

A.— LE PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE ET SON AGENCE DÉDIÉE

Les expériences passées de la politique de la ville ont montré que l’action publique dans les quartiers sensibles ne peut avoir un réel impact que par la conjonction des volontés nationales et locales, publiques comme privées. C’est l’ANRU qui a été instituée pour jouer le rôle de bras séculier de l’État dans la reconstruction des zones urbaines sensibles par la restauration d’une mixité sociale et le renouvellement des structures d’habitat, dans le cadre d’un programme pluriannuel s’étalant jusqu’à 2013. Il faut insister particulièrement sur l’accélération des projets suscitée par l’administration légère de l’Agence et sur le rôle fondamental d’une parfaite coordination des différents intervenants dans le succès de l’entreprise.

1. La définition du PNRU sur la base de financements partenariaux

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), placée sous la tutelle du ministre en charge du logement et de la ville, a été instituée par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Un décret du 9 février 2004 a déterminé son organisation. Dotée du statut juridique d’établissement public à caractère industriel et commercial, elle a pour mission la réalisation du programme national de rénovation urbaine dans les quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS) et, à titre exceptionnel, dans des territoires urbains présentant des caractéristiques analogues aux ZUS (article 6 de la loi). L’ANRU accélère les opérations de rénovation urbaine par l’octroi aux maîtres d’ouvrage de subventions qui mutualisent depuis l’origine les contributions financières de l’État, de l’Union économique et sociale pour le logement (UESL, également appelée 1% Logement), de la Caisse de dépôts et consignations (CDC) et de la Caisse de garantie du logement locatif social au titre des bailleurs sociaux. Le coût du programme national de rénovation urbaine s’élève à quarante-deux milliards d’euros dont douze en provenance de l’Agence – la plus grande partie de cette dernière somme, soit 11,3 milliards d’euros, étant destinée aux interventions conventionnées. Quatre millions d’habitants résident dans les secteurs géographiques concernés.

La participation de l’État au PNRU a été successivement définie par des lois de programmation qui fixent une somme globale pluriannuelle assortie de montants annuels minimums :

Ø la loi du 1er août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine prévoyait 2,5 milliards d’euros pour la période 2004-2008 ;

Ø la loi du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale a porté ce montant à quatre milliards d’euros pour la période 2004-2011 ;

Ø la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 l’a porté à cinq milliards d’euros pour la période 2004-2013 ;

Ø la loi pour le droit opposable au logement du 5 mars 2007 l’a porté à six milliards d’euros pour la même période.

Jusqu’à la fin 2008, la participation de l’État par les crédits du programme 202 Rénovation urbaine était abondée d’une contribution de l’UESL, selon un principe de parité stricte. L’ANRU devait donc disposer d’un engagement global de douze milliards d’euros pour accomplir sa mission.

Outre les porteurs de projets – communes et intercommunalités – le PNRU fédère l’ensemble des collectivités territoriales. L’ANRU a ainsi développé treize conventions régionales et huit conventions départementales. À terme, seules les régions devraient contribuer à hauteur de trois milliards d’euros. La structure partenariale du financement des projets implique de même une forte participation des bailleurs (12,8 milliards d’euros versés au 31 décembre 2007 soit 42% du total des sommes engagées).

2. L’objet et la géographie du PNRU

À l’issue de la période 2004-2015, le PNRU aura généré une offre nouvelle de logements locatifs sociaux par la remise sur le marché de logements vacants et par la production de nouveaux habitats sociaux dans les zones urbaines sensibles et les agglomérations qui les entourent. Il comprend également des objectifs de réhabilitation, de résidentialisation et le cas échéant de démolition de logements vétustes ou inadaptés.

L’article 6 de la loi du 1er août 2003 précise que les quartiers concernés regroupent les zones urbaines sensibles et, à titre exceptionnel, des quartiers présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues. Parmi les 751 ZUS, 189 sites ont été considérés comme prioritaires. Les dérogations ont rendu éligibles 120 sites supplémentaires auparavant inclus dans les périmètres de projets précédents, ainsi que 90 sites jusque-là extérieurs à la politique de la ville. Le conseil d’administration de l’ANRU a approuvé 342 quartiers supplémentaires susceptibles de faire l’objet de conventions pluriannuelles sous réserve de l’existence d’une convention territoriale avec un département ou une région.

Les cartes et tableaux suivants exposent l’état d’avancement du PNRU au 1er septembre 2008.

°°

Si l’ensemble des projets devrait avoir été signé à la fin de l’année 2008, l’Agence avait déjà approuvé au 1er septembre dernier 336 propositions et paraphé 279 conventions. Cette activité s’étend sur 180 quartiers prioritaires, pour un total de travaux dépassant trente-six milliards d’euros et concernant plus de trois millions d’habitants. L’ANRU s’engage pour une part de 10,7 milliards d’euros (dont 4,2 milliards d’euros pour la seule Ile-de-France). Ces initiatives équivalent à 122 19 constructions de logements sociaux, 277 409 réhabilitations, à 129 409 déconstructions et à 304 572 résidentialisations.

Il paraît de bonne politique que le nombre de quartiers conventionnés cesse désormais de progresser afin que soit évité le risque d’une dispersion des moyens et d’un émiettement du programme de rénovation urbaine. L’Agence doit pouvoir conserver une capacité de mobilisation rapide de moyens importants, propre à une structure légère aux procédures simplifiées. Elle n’a pas vocation à se transformer en un échelon administratif supplémentaire.

Pour améliorer les échanges avec les services déconcentrés de l’État, l’ANRU s’est dotée d’un nouveau règlement financier et comptable en janvier 2007. Les subventions accordées par l’Agence sont réparties en opérations. Pour les dossiers déjà examinés en comité d’engagement, la ventilation s’effectue comme suit :

L’ANRU s’investit également dans l’accompagnement des projets tout en maintenant sous tension financière les acteurs locaux pour faire respecter au mieux les engagements contractuels (mise en application des dégagements d’office). Les revues de projet semestrielles d’une part, diagnostics destinés à déterminer les difficultés rencontrées par la maîtrise d’ouvrage, et les points d’étape d’autre part, organisés à deux et quatre ans après la signature des conventions, ont vocation à apprécier les premiers impacts du projet sur le quartier pour renforcer ou infléchir les tendances. De plus, deux nouveaux centres de ressources ont été créés pour un meilleur respect de la charte nationale d’insertion et une gestion urbaine de proximité plus efficiente. Enfin, l’école de la gestion urbaine des quartiers, créée en 2008 et cofinancée par la Caisse des dépôts et consignations, accompagne les maîtrises d’ouvrages locales à travers des actions de formation sur le terrain.

Au plan qualitatif, une étude nationale sur le relogement des habitants est en cours de préparation. Elle portera sur un échantillon de deux mille ménages ayant fait l’objet d’une proposition de relogement entre 2005 et 2007. L’Agence poursuit également son action en faveur de l’insertion, en produisant une enquête sur l’avancement du plan local d’application de la charte d’insertion au 30 juin 2007 portant sur les 158 projets signés avant 2007. La charte d’insertion paraît atteindre sa cible dans la mesure où ses bénéficiaires appartiennent majoritairement aux groupes sociaux les plus exposés. Votre rapporteur se félicite que ces initiatives entrant dans le cadre du volet humain de la politique de la ville soient conduites en liaison avec l’ACSÉ.

De l’avis général des intervenants de la politique de la ville, le programme national de rénovation urbaine et son agence dédiée remplissent donc parfaitement leur mission.

B.— LA DÉLICATE QUESTION DU FINANCEMENT DU PNRU

Le programme national de rénovation urbaine a été édicté par la loi du 1er août 2003 modifiée. Il s’appuie sur les douze milliards d’euros de dotations gérés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ces sommes provenant pour moitié de crédits budgétaires et à parité de versements du 1 % Logement. Or cet équilibre est désormais modifié dans son principe par la décision de l’État de ne plus financer directement l’ANRU.

1. La remise en cause des crédits budgétaires : un choix politique problématique

Le défi des années futures consistera pour l’Agence à achever la programmation de ses interventions et surtout à assurer sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation. La période des conventionnements touche en effet à sa fin et les besoins en crédits de paiement s’élèveront et se maintiendront à un niveau élevé dans la décennie à venir, ainsi que l’expose le rapport financier 2007 dans le graphique ci-dessous. Pour l’heure l’ANRU paraît capable d’assurer le versement des subventions engagées grâce à des capacités de trésorerie constituées en début de programme. Il est clair que le respect des tableaux de financement établis initialement revêt un caractère indispensable à la bonne marche des opérations et que les crédits de paiement devront être accordés en temps et en heure.

Dans ce contexte, la décision de l’État de rompre le principe de financement paritaire entendu avec le 1% Logement en 2004 – et donc de rendre caduques les projections présentées dans le graphique ci-dessus – soulève de légitimes inquiétudes pour l’avenir. Les crédits budgétaires octroyés à l’ANRU ne consistent plus qu’en une subvention pour charge de service public de cinq millions d’euros au sein de l’action Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie du programme Politique de la ville. En dehors des mesures fiscales pour le logement social, L’État ne produira donc quasiment plus aucun effort budgétaire en faveur de la rénovation urbaine.

À partir de l’année 2009, les moyens financiers nécessaires seront constitués presque intégralement par une partie du produit de la participation des employeurs à l’effort de construction. L’UESL assurera donc seule le financement du PNRU, soit 785 millions d’euros par an pour 2009, 2010 et 2011.

Votre rapporteur s’interroge sur la signification de ce retrait de l’État d’une politique de rénovation urbaine conçue jusqu’à présent comme un modèle de partenariat. Certes, la convention triennale conclue avec le 1% Logement permet de garantir jusqu’à 2011 la perception des crédits nécessaires au bon fonctionnement de l’ANRU et à l’avancement normal des projets conventionnés. Toutefois, plusieurs questions se posent.

Comment l’ANRU sera-t-elle financée à partir de 2012, alors que ses besoins seront au plus haut, et qu’il n’est pas certain que l’UESL maintienne sa position de principal bailleur de fonds ?

Cette position du 1 % Logement aura-t-elle des incidences sur la gouvernance de l’Agence, notamment en termes de répartition des sièges au conseil d’administration et de composition du comité d’évaluation ? Quelle sera par ailleurs la légitimité des représentants de l’État dans ces instances, certes assurés de la légitimité conférée au PNRU par la volonté de la puissance publique et l’assentiment du législateur, mais en position de dépendance financière face aux contributeurs principaux ?

De même, comment réagiront les régions et les départements devant cette renonciation de l’État à ses engagements initiaux, n’y a-t-il pas un risque d’une rupture des participations ? La même question se pose pour les villes – souvent les plus fragiles de notre territoire – qui sont généralement maîtres d’ouvrage de ces politiques.

Ces questions appellent une réponse claire, forte et fédérative. La substitution de l’UESL aux engagements de l’État, décidée au cours de l’année dans un cadre administratif et organisationnel inchangé, repousse de trois années l’urgence d’une clarification. Il eût été nécessaire d’adosser le désengagement de l’État au tour de table de l’ANRU à une convention avec l’UESL scellent dans le moyen terme à la fois les modalités de gouvernance de l’ANRU, la confirmation des objectifs de la loi d’août 2003 portant sur le programme de rénovation urbaine et les montants mis à la disposition de l’ANRU. Votre rapporteur est au regret de constater qu’aucun engagement tangible n’est à ce jour signé alors même que les décisions budgétaires sont déjà prises.

Les documents budgétaires signalent que « s’agissant du même périmètre (ex programme 202), le solde des engagements sur années antérieures, estimé au 31 décembre 2008 à environ 1,5 milliard d’euros, devrait faire en 2009 l’objet d’une annulation pour régularisation suite à la rénovation du ‘1 % Logement’ prévue dans la loi de mobilisation pour le logement. » Cette dernière précision appelle à s’interroger à nouveau : qui assumera ces autorisations d’engagement déjà mobilisées par l’ANRU ? L’UESL, dont la substitution sur trois ans n’équivaut qu’à 900 millions d’euros, les reprendra-t-elle entièrement, et existe-t-il déjà en ce sens  un accord – voire les prémisses d’un accord ? Là encore, votre rapporteur n’a obtenu aucune réponse précise sur ce point. C’est d’autant plus surprenant que l’engagement de sanctuariser 465 millions d’euros par an jusqu’en 2008 figure dans la loi d’août 2003 et que ces montants ont toujours été confirmés depuis.

L’accord des partenaires sociaux avait été souligné en 2003 comme une avancée fondamentale des rapports entre l’État et le monde paritaire. Depuis, et notamment au cours des derniers mois, ce dialogue n’a cessé de progresser et de s’amplifier. Aussi, votre rapporteur ne peut que s’étonner de la façon dont cette affaire a été conduite. En effet, une renégociation aboutie de l’accord de 2004 aurait dû être un préalable à toute décision budgétaire. Cette précaution aurait rassuré toutes les parties et permis de conforter le succès de l’ANRU. Sur ce dernier point, votre rapporteur souligne le sens des responsabilités qui anime l’UESL qui a confirmé devant lui son attachement à poursuivre à la fois sa politique du logement et sa participation à l’action de l’ANRU dont elle mesure bien tous les enjeux.

Là encore, si le projet de loi de finances pour 2009 ne soulève aucune difficulté eu égard aux capacités de l’Agence sur les trois ans à venir, il ne fait aucun doute que cette question devra recevoir une réponse rapide dans les semaines prochaines.

2. Vers un nécessaire dépassement des crédits programmés ?

Sur une enveloppe totale de 11,3 milliards d’euros affectée au financement d’opérations conventionnées, l’ANRU a d’ores et déjà engagé 10,7 milliards d’euros. Quant au reliquat, il apparaît déjà en grande partie réservé pour des interventions en cours de finalisation.

Les travaux conduits par votre rapporteur ont permis d’identifier des sources de dépenses supplémentaires que l’Agence sera tenue d’assumer et qui requerront par conséquent une dotation supplémentaire. Il s’agit en premier lieu des « avenants appelés », compléments indispensables apportés à des projets à l’envergure initiale insuffisante, dont le coût est estimé à six cents millions d’euros. Il s’y ajoute les projets complémentaires nécessaires au sein des neuf régions dont les relations avec l’ANRU ne sont pas régies par une convention cadre, et qui mobiliseront approximativement cent cinquante millions d’euros. Enfin, la cohérence de la politique de la ville impose de ne pas repousser les sollicitations des quartiers prioritaires qui font tardivement état d’un projet de rénovation urbaine.

L’ensemble de ces coûts incidents devrait approcher le milliard d’euros. Une somme équivalente est générée par l’actualisation conventionnelle des sommes engagées dans les premières années du programme, actualisation dont le taux est fixé à 1,8 %. Ce sont donc deux milliards d’euros supplémentaires dont devra disposer l’ANRU à moyen terme pour assurer ses engagements.

C.— UN NOUVEL HORIZON POUR L’ANRU : LE PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION DES QUARTIERS ANCIENS DÉGRADÉS

L’Agence participera normalement à la mise en œuvre du prochain programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) dont l’ambition serait de remédier aux situations d’habitat indigne et socialement pénalisantes sur le modèle de l’action globale conduite dans le cadre du PNRU pour les quartiers sensibles. Rien ne justifie en effet que l’action urbaine de l’État se concentre sur les banlieues au détriment des centres anciens, qui comptent pourtant cent à cent cinquante quartiers en piteux état. Ce programme prévoit la production de 90 000 habitations de qualité, la réalisation de 50 000 logements locatifs conventionnés, la réhabilitation de 60 000 demeures privées et le traitement d’immeubles en recyclage foncier comptant 30 000 logements très dégradés. Il comporte également un volet d’aménagement de proximité et d’équipement public ainsi qu’un soutien à l’ingénierie de projet par les communes et les intercommunalités.

L’ANRU estime à 90 millions d’euros le coût moyen d’un projet quartier ancien, chacun nécessitant une subvention d’environ 26 millions d’euros. Cette nouvelle politique amènerait l’Agence à évoluer dans sa nature du fait des différences de maîtrise foncière entre zones urbaines sensibles et quartiers anciens dégradés, à passer d’une logique de subvention à un raisonnement d’investisseur.

Les moyens financiers globaux alloués à la mise en œuvre du programme s’élèveraient par conséquent à environ trois milliards d’euros, qui seraient pris en charge par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et surtout le 1% Logement. Là encore, les documents budgétaires transmis par le gouvernement s’avèrent relativement flous, et il serait bon que des données supplémentaires soient portées à la connaissance de la représentation nationale. Ces imprécisions ne s’avèrent néanmoins nullement préjudiciables, le PNRQAD n’ayant pas encore reçu l’aval du Parlement et demeurant par conséquent au stade du projet.

CONCLUSION

Les financements de la politique de la ville pour l’année 2009 ne correspondent que partiellement au programme budgétaire éponyme n° 147. En effet, l’action de l’État en faveur des zones urbaines sensibles s’est renforcée, même si elle est absente du projet annuel de performance. Il y a lieu de se réjouir de l’ambition de restaurer les politiques de droit commun dans leur plénitude et de la volonté de mobiliser les crédits spécifiques au profit seulement des actions spécifiques, en concertation avec les autorités locales grâce aux instruments que constituent les contrats urbains de cohésion sociale.

Toutefois, cet exercice 2009 se caractérise aussi par la soudaineté des nouvelles orientations. Le retrait de l’État du tour de table de l’ANRU et sa substitution par l’UESL doivent se traduire par un engagement financier clair de ce dernier, pérenne dans le temps, garanti par l’État. Les conséquences en termes de gouvernance que ce changement pourrait avoir sur la conduite du Plan de Rénovation Urbaine restent à établir. Il en va de même pour la suppression des mécanismes de sortie en sifflet des exonérations consenties en zone franche urbaine qui ne manquerait pas de pénaliser des entreprises engagées de longue date dans le dispositif, ou encore pour les velléités de modification du mode de calcul de la dotation de solidarité urbaine qui ont suscité les protestations des élus municipaux.

En ce qui concerne les opérateurs de la politique de la ville enfin, les réformes engagées semblent produire leurs effets. L’ANRU et l’ACSÉ recueillent un satisfecit dans leur gestion respective des volets urbain et humain de l’action publique. Le recentrage de la DIV sur des fonctions de pilotage et de prospective, déjà bien entamé, reste à achever. La question même de sa survie sous sa forme actuelle se pose.

En conclusion, votre rapporteur émet un avis favorable sur le programme Politique de la ville du projet de loi de finances, sous réserve que le gouvernement scelle clairement dans la loi la substitution par l’UESL des engagements de l’État en faveur de l’ANRU.

EXAMEN EN COMMISSION

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mmes Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, et Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la Ville (voir compte rendu officiel de la réunion du jeudi 6 novembre 2008), la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a examiné pour avis les crédits de la mission « Ville et Logement » pour 2009, sur le rapport de MM. Olivier Carré et Jean-Pierre Abelin.

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* *

M. Serge Poignant, président – Nous abordons la discussion des amendements sur le projet de loi de finances pour 2009.

M. Daniel Goldberg – Mme Geneviève Fioraso et le groupe socialiste présentent un amendement de suppression de l’article 82 du projet de loi de finances pour 2009. Les règles du dispositif des zones franches urbaines, édictées pour favoriser l’implantation des entreprises et les embauches des habitants, n’ont pas à être supprimées.

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis – Je propose deux amendements sur le même article avec un état d’esprit similaire, à la nuance près que la situation économique et financière actuelle me semble légitimer l’ambition de réaliser des économies budgétaires. En revanche, je m’oppose au caractère rétroactif de la mesure proposée par le gouvernement : l’effet sur les entreprises déjà installées, qui ont établi leurs budgets prévisionnels en conséquence, pourrait être dévastateur. Il n’est donc pas opportun de modifier les règles en vigueur, alors même que la dépense étatique est en cours de stabilisation. L’économie ne peut donc porter que sur les entreprises qui entreront dans le dispositif à l’avenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous considérons que les zones franches urbaines doivent inciter les entreprises à s’installer, c’est pourquoi nous réclamons la suppression de l’article 82. Nous soutiendrons les amendements du rapporteur si le nôtre venait à ne pas être adopté.

M. Pierre Gosnat – Je voterai l’amendement du groupe socialiste mais pas les autres, dont j’estime qu’ils remettent en cause les zones franches urbaines dans leur principe.

M. Serge Poignant, président – J’appelle maintenant le vote de la commission sur ces trois amendements.

La commission des affaires économiques rejette l’amendement du groupe socialiste, avant d’adopter les deux amendements de M. Olivier Carré, rapporteur pour avis..

M. Serge Poignant, président – Nous allons procéder maintenant au vote des crédits de la mission « Ville et Logement ».

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis – Je ne doute pas que soit bientôt inscrit dans la loi le principe d’une contribution extra-budgétaire au budget de l’ANRU. Ce point fera l’objet d’une vigilance particulière. Sous cette réserve, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis – J’émets également un avis favorable.

——fpfp——

Conformément à l’avis de ses rapporteurs sur les crédits de la mission « Ville et Logement », la commission des affaires économiques, de l’environnement et des territoires a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2009, l’article 82, rattaché, modifié par les deux amendements adoptés.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Projet de loi de finances pour 2009 - (n° 1127)

 

AMENDEMENT

 

présenté par

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis
de la commission des affaires économiques,
de l’environnement et du territoire

X

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ARTICLE 82

I. Rédiger ainsi le début de l’alinéa 3 :

« Pour les entreprises qui s’implantent, qui se créent ou qui ont créé un établissement dans une zone franche urbaine après le 1er janvier 2009, le montant de l’exonération… (le reste sans changement). »

II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les zones franches urbaines (ZFU) sont aujourd’hui au nombre de cent. Quarante-quatre ont été instituées le 1er janvier 1997 par le pacte de relance pour la ville (ZFU 1997), quarante et une autres trouvent leur origine dans la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 et les quinze dernières découlent de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006.

Le dispositif a correctement fonctionné d’après les évaluations produites par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. Plus de vingt mille entreprises bénéficient aujourd’hui du régime d’exonération. Elles totalisent plus de 120 000 emplois dont approximativement les deux tiers ouvrent droit à exonération, et dont plus de quinze mille n’auraient pas été créés en l’absence d’incitation fiscale et sociale. Les zones franches urbaines ont donc fait la preuve de leur succès : en 2007, l’emploi dans les zones urbaines sensibles a progressé comme sur tout le reste du territoire. L’ONZUS estime leur taux d’activité économique de dix points supérieur à celui des agglomérations environnantes, performance qui a perduré dans le temps pour les ZFU de première génération.

Le gouvernement souhaite doubler le plafonnement à 1,4 SMIC du niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales d’une dégressivité de l’exonération jusqu’à un seuil de sortie de 2,4 SMIC en 2009, de 2,2 SMIC en 2010 et de 2 SMIC en 2011.

Cette mesure pourrait avoir un impact non négligeable sur la répartition des emplois créés en zone franche urbaine entre travail qualifié et travail non qualifié tout incitant de surcroît l’employeur à maintenir ses salaires à un niveau moindre. De plus, une telle réforme pourrait menacer les prévisions économiques des entreprises déjà inscrites dans le dispositif et ayant intégré les exonérations de charges sociales dans leur budget prévisionnel.

Cependant, on ne peut non plus négliger l’impératif de contrôle des dépenses publiques, fiscales et sociales, qui impose un effort de l’ensemble de la collectivité nationale.

Il est donc proposé par le présent amendement de limiter l’application du nouveau dispositif d’exonération de charges sociales aux seules entreprises s’installant en zone franche urbaine à partir du 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de la loi de finances. Les entreprises installées préalablement à cette date continueraient à bénéficier du régime actuel jusqu’à l’expiration de la période prévue par la loi.

Projet de loi de finances pour 2009 - (n° 1127)

 

AMENDEMENT

 

présenté par

M. Olivier Carré, rapporteur pour avis
de la commission des affaires économiques,
de l’environnement et du territoire

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ARTICLE 82

I. Rédiger ainsi l’alinéa 5 :

« Le V bis du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux entreprises qui s’implantent, qui se créent ou qui ont créé un établissement dans une zone franche urbaine avant le 1er janvier 2009." »

II. En conséquence, supprimer l’alinéa 7.

III. Rédiger ainsi l’alinéa 8 :

« Le I de l’article 14 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"Les dispositions de deux alinéas précédents ne s’appliquent qu’aux entreprises qui s’implantent, qui se créent ou qui ont créé un établissement dans une zone franche urbaine avant le 1er janvier 2009." »

IV. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les zones franches urbaines (ZFU) sont aujourd’hui au nombre de cent. Quarante-quatre ont été instituées le 1er janvier 1997 par le pacte de relance pour la ville (ZFU 1997), quarante et une autres trouvent leur origine dans la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 et les quinze dernières découlent de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006.

Le dispositif a correctement fonctionné d’après les évaluations produites par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. Plus de vingt mille entreprises bénéficient aujourd’hui du régime d’exonération. Elles totalisent plus de 120 000 emplois dont approximativement les deux tiers ouvrent droit à exonération, et dont plus de quinze mille n’auraient pas été créés en l’absence d’incitation fiscale et sociale. Les zones franches urbaines ont donc fait la preuve de leur succès : en 2007, l’emploi dans les zones urbaines sensibles a progressé comme sur tout le reste du territoire. L’ONZUS estime leur taux d’activité économique de dix points supérieur à celui des agglomérations environnantes, performance qui a perduré dans le temps pour les ZFU de première génération.

Le présent article projette de mettre fin aux mécanismes de sortie progressive du dispositif à l’issue de la période légale de bénéfice à taux plein. A l’issue de cette période, les emplois relèveraient du dispositif d’allègements généraux de cotisations sociales, lequel se concentre sur les bas salaires.

Cette mesure pourrait avoir un impact non négligeable sur la situation financière des entreprises engagées dans le dispositif depuis plusieurs années, qui pourraient y voir un changement rétroactif des conditions de leur installation en zone franche urbaine. Si la fin des mécanismes de sortie progressive constitue une évolution acceptable pour les sociétés destinées à entrer prochainement dans le dispositif, il n’en va pas de même pour les entreprises déjà engagées en zone franche urbaine et qui ont fondé leurs prévisions sur cet avantage concédé par l’Etat sur une durée légalement déterminée. Un mouvement si brusque serait porteur d’instabilité économique et pourrait ruiner le beau succès remporté après dix années d’efforts, alors même que le projet annuel de performance relève que « les entreprises accueillies qui, pour la plupart, sont de petite taille peuvent bénéficier de mesures d’accompagnement financées dans le cadre de la politique de la ville afin de garantir leur pérennité. Ainsi le taux de pérennité à cinq ans des entreprises implantées dans les ZFU créées en 1997, qui n’était que de 37,4% en 2005, est au 1er janvier 2007 de 42%. »

Le présent amendement propose par conséquent de maintenir les mécanismes de sortie en sifflet du dispositif d’exonération de charges sociales pour les entreprises installées avant le 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur de la loi de finances. Les entreprises installées postérieurement à cette date seraient pour leur part soumises aux nouvelles dispositions proposées par le gouvernement.

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Projet de loi de finances pour 2009 - (n° 1127)

 

AMENDEMENT

 

présenté par Mme Geneviève Fioraso

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ARTICLE 82

Supprimer cet article

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le Pacte de relance pour la ville de 1996 a instauré dans les villes et quartiers en difficulté les Zones Franches Urbaines (ZFU) avec l'idée de favoriser l’installation des entreprises par des exonérations de cotisations sociales.

L’article 82 du PLF 2009 propose d'en modifier le régime :

– Le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales est plafonné à 1,4 SMIC

– Au-delà de ce seuil de 1,4 SMIC, le montant de l’exonération est dégressif

– L’exonération peut être annulée lorsque la rémunération est égale à un seuil de sortie (2,4 SMIC en 2009 ; 2,25 SMIC en 2010 ; 2 SMIC en 2011)

On ne peut changer les règles du jeu en cours de route pour des entreprises qui ont accepté de s'installer selon certaines conditions. De surcroît:

– les entreprises auront moins d’avantages à venir s’installer dans les ZFU et, pour celles déjà implantées, perdront certains de ceux-ci.

– c’est une invitation forte à ne pas augmenter les salaires ou à les maintenir bas.

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